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LA
GRANDE ENCYCLOPÉDIE
TOUaS. — IMPRIMERIE DE E. ARRAULT ET C^*
LA
GRANDE ENCYCLOPÉDIE
INVENTAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES ARTS
PAR UNE
SOCIÉTÉ DE SAVANTS ET DE GENS DE LETTRES
sous LA DIRECTION DE
MM. BERTHELOT, sénateur, membre de l'Institut.
Hartwig DERENBOURG, professeur à TÉcole spéciale des
langues orientales.
F.-Camille DREYFUS, député de la Seine.
A. GIRY, professeur à l'École des chartes.
GLASSON, membre de Plnslitut, professeur à la Faculté de
droit de Paris.
D*" L. HAHN, bibliothécaire en chef de la Faculté de médecine
de Paris.
MM. C.-A. LAISANT, député de la Seine, docteur es sciences
mathématiques.
H. LAURENT, docteur es sciences mathématiques, examinateur
à rÉcole polytechnique.
E. LEVASSEUR, membre de l'Institut, professeur au Collège
de France.
H. MARION, professeur à la Faculté des lettres de Paris.
E. MUNTZ, conservateur de l'École nationale des beaux-arls.
A. WALTZ, profes^seur à la Faculté des lettres de Bordeaux.
SECHÉTAmî: GÉNÉRAL : F.-Camille DREYFUS, député de la Seine.
TOME TREIZIEME
ACCOMPAGNÉ DE TROIS CARTES EN COULEURS, HORS TEXTE
COTESBAGII
DELLDEN
PARIS
H. LAMIRAULT et C", ÉDITEURS
61, RUK DE RENNES, 61
Tous drc ils réservés.
LISTE DE MM. LES COLLABORATEURS
DE
LA GRANDE ENCYCLOPEDIE
N, B. — Cette liste sera reproduite avec les modifications nécessaires en tête de chaque volume, et une liste générale
sera publiée à la fin de l'ouvrage.
COMITE DE DIRECTION
MM. BERTHELOT, sénateur, membre de l'Institut.
HART^YïG DERENBOURG. professeur à l'École spéciale
des langues orientales vivantes.
F. -Camille DREYFUS, député de la Seine.
A. GIRY, professeur à l'École des chartes;
GLASSON, membre de l'Institut, professeur à la Faculté
de droit de Paris.
D"- L. HAHN, bibliothécaire en chef de la Faculté de
médecine de Paris.
MM. C.-A. LAISÂNT, député de la Seine, docteur es sciences
mathématiques.
H. LAURENT, docteur es sciences mathématiques, exa-
minateur à l'Ecole polytechnique.
E. LEVASSEUR, membre de l'Institut, professeur au
Collège de France.
H. MARION, professeur à la Sorbonne.
E, MÛNTZ , conservateur de l'École nationale des
beaux-arts.
A. WALTZ,profes«"à la Faculté des lettres de Bordeaux
AcQUiER (L.), juge à Lodève.
Adam, professeur à la Faculté des lettres de Dijon.
Aguu.lon, ingénieur en chef dos mines, professeur à l'Ecole
nationale supérieure des mines.
Allemagne {H. d'), attaché a la Bibliothèque de l'Ârsennl.
Alphand, inspecteur général des ponts et chaussées, direc-
teur des travaux de Paris.
Alphandéry. docteur en médecine.
AMBRÉsm (Samuel), docteur en médecine.
Améliiseau (E.J, maître de conférences à l'École des Hautes
Études.
AMfAUD, sous-chef de bureau au Ministère de la justice.
Arnodin (F\), ingeniebr dos arts et manufactures.
AssE (E.). de la Bibliothèque de l'Arsenal.
Aulard (F.-A.), professeur à la Faculté des lettres de Paris.
Babelon (E.), conservateur adjoint du département des
médailles et antiques de la Bibliothèque nationale.
Balle (A.), publiciste.
Bapst (Germain), membre de la Société nationale des Anti-
quaires de France.
Barré (L.), astronome adjoint à l'Observatoire de Paris.
Barrés (Maurice), député de Nancy.
Barroux (Marius), archiviste adjoint aux Archives de la
Seine.
Bataillard (D»" A.).
Baudrillart (André), ancien membre de l'Ecole française
de Rome, agrégé de l'Université.
Bayet, recteur de l'Académie de Lille.
Beaudouin (Mondry), professeur à la Faculté des lettres de
Toulouse.
Beauregard, professeur à la Faculté de droit de Paris.
Beauvots (E.).
Bechmants (G.), ingénieur en chef, proff s«eur à l'Ecole des
ponts et chaussées, directeur des travaux de salubrité
de la ville de Paris.
Belugou.
BÉM0>iT (Charles), maître de conférences à l'Ecole des Hautes
Etudes.
BÉNÉDITE (G.), attaché au musée du Louvre.
BENET (A.), archiviste du département du Calvados.
BÉRARD, dirccteurdela poudrerie de SaInt-Médard-en-Jalles.
BÈRE (F.), ingénieur des manufactures de l'Etat.
Berger (Philippe), sous-bibliothécaire de l'Institut.
Bernard (A.), professeur au lycée de Mont-dc-Marsan.
Bernard (F.), professeur d'économie politicjue dans les
j^coles natioïiales,
Rernvrd (Maurice), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Berthelr (Joseph), archiviste du département des Deux-
Sèvres.
Berthklot (André), agrégé d'histoire et de géographie,
maître de conférences à l'Ecole des Hautes Etudes.
Bertoklot (Daniel), licencié es sciences, préparateur à la
Sorbonne.
Bertoelot (Philippe), licencié es lettres et en droit.
BERTRAND (A.), membre de l'Institut, directeur du musée de
Saint- Germain.
Bertrand (Al.), professeur à la Faculté des lettres de Lyon.
Bertrand (Pierre).
Besson (Emmanuel), chef à la direction générale de 1 Enre-
gistrement.
BÉTRiNE (Alcide), professeur d'histoire et de littérature, rédac-
teur au journaHa Géographie.
Btnet (E.). professeur a la Faculté de droit de Nancy.
Blanchard (, Raphaël j, professeur agrégé à la Faculté de
médecine de Paris.
Bloch (G.), maîtt^e de conférences à l'Ecole normale supé-
rieure.
Blondel, professeur à la Faculté de droit de Nancy.
Blondel (D'" R.), préparateur à la Faculté de médecine de
Paris, docteur es sciences.
Blondel (Spire), homme de lettres.
Blcm, agrégé de philosophie.
Bokuler, docteur en médecine.
BocnAERT-VAcnÉ (A.), publiciste.
BoNïiEUR (Raymond), compositeur de musique,
BoNiiouRE (Adrien), préfet des Pyrénées-Orientales.
Bonnardot (François), inspecteur des Travaux historiques
de la ville de Paris.
Bonneï-Maury (Gaston), professeur à la Faculté de tlu'o^ogie
protestante de Paris.
Bordes (Charles), critique musical.
Bornarel (F.), agrégé de l'Université.
BossERT (A.), inspecteur général de l'Instruction publique.
Bouché -Leclercq (A.), professeur à la Faculté des lettres
de Paris.
Boucheron (H.), ingénieur, professeur à l'École centrale des
arts et manufactures.
BouGENOT (S.), archiviste-paléographe.
BouGiER (Louis), professeur d'histoire et de géographie au
collège Rollin.
Boulin (Stéphane), maître de conférences à la Faculté des
lettres de Bordeaux.
LISTE DE MM. LES COLLABORATEURS
Bouquet (L.), chef de bureau au Ministère du commorcft.
BouRGEOis(EmiIe),prolesseurà la Faculté des lettres de Lyon,
BouRGOiN (Ed.), membre de rAcadémie de médecine, pro-
fesseur à l'Ecole supérieure de pharmacie.
RouKNEviLLE, médccin des hôpitaux.
BouRNON (FJ, archiviste-paléographe.
BouTRoux (Emile), professeur à la Faculté des lettres de Baris.
BoYER (G.), préparateur de botanique et de sylviculture à
l'Ecole d'agriculture de Montpellier.
Brenet (Michel).
Brochard (Victor), chargé de cours à la Faculté des lettres
de Paris.
Brunet (Victor).
Brunetière (Ferdinand), maître de conférences à l'Ecole
normale supérieure.
Brutails, archiviste du département de la Gironde.
BuLOT (Léon), substitut au tribunal de la Seine.
BuNAND (Antonin), homme de lettres.
Burdeau (Auguste), professeur agrégé de philosophie, député
du Rhône.
BuRDO (Ad.), explorateur de l'Afrique centrale.
Cabirau (H.-F.), ingénieur civil.
Cadillac.
Caix de Saint-Aymour (vicomte Amédée de), publiciste.
Camescasse (J.), docteur en médecine.
Carré de Malberg, docteur en droit.
Castaigne (E.-JÔ, professeur de l'Université.
Castan (A.), correspondant de l'Institut, conservateur de la
Bibliothèque de la ville à Besançon.
Cat (E.), professeur à l'Ecole des lettres d'Alger.
Cauwès (Paul), professeur à la Faculté de droit de Paris.
Ghabuy (L.), docteur en médecine et os science^.
Champeaux (de), bibliothécaire de l'Union centrale des arts
décoratifs.
Champier (Victor), directeur de \ii Revue des arts décoratifs.
Chancel (Jules), docteur en droit.
Charavay (Etienne), archiviste-paléographe.
CuARLOT (Marcel), sous-chef de bureau au Ministère de
l'instruction publique.
Charpentier \ Paul ), ingénieur des arts et manufactures.
Chaumehn (Gaston), ingénieur, chef de l'exploitation à la
Compagnie du canal de Suez.
Chavegrin. agrégé à la Faculté de droit de Paris.
Chervin (D^), membre du Conseil supérieur de statistique,
directeur de l'Institution des bègues de Paris.
Cheuvreux (Casimir), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Claparède (A. de), docteur en droit, ancien secrétaire du
Département politique (afï'aires étrangères) de la Confé-
dération suisse.
Clermont, docteur en médecine.
Cleuziou (Henri du).
Colin (Maurice), professeur agrégé des Facultés de droit.
Collet-Corbinière. avocat à la Cour d'appel de Paris.
CoLLiGNON (M.), chargé de cours à la Faculté des lettres de
Paris.
CoLLiNEAU, docteur en médecine.
CoMPAYRÉ, recteur de l'Académie de Poitiers.
Gordier (H.), professeur à l'Ecoie des langues orientales.
CosNEAU (E.), professeur au lycée Henri IV.
Couderc (Camille), sous-bihliothécaire au département des
manuscrits à la Bibliothèque nationale.
CouRROiN (F.), sous- bibliothécaire au Cabinet des estampes
à la Bibliothèque nationale.
CouRDAvEAUx (V.), prot. cà la Faculté des lettres de Lille.
Coustan (D' a.), médecin-major de l'** classe.
CoviLLE (A.-H.), professeur à la Faculté des lettres de Lyon.
Créhange, professeur à l'Ecole alsacienne.
Crié (A.), publiciste.
Crié (Louis), professeur à la Faculté des sciences de Rennes.
Crozals, professeur à la Faculté des lettres de Grenoble.
Cunisset-Carnot, avocat général à Dijon.
Darmesteter (James), professeur au Collège de France.
Dastre (A.), professeur de physiologie à la Faculté des
sciences de Paris
Dauriag (Lionel), professeur à la b'aculté des lettres do
Montpellier.
Dave (Victor), publiciste.
David (Th.), docteur en médecine, député des Alpes-Marit.
Debidour (A.), inspecteur général de l'Instruction publique.
Debierre (D"" Ch.), prof, à la Faculté de médecine de Lille.
Delabrousse, commissaire général du gouvernement auprès
des Compagnies de chemins de fer.
Delavaud (Ch.), inspecteur du service de santé de la
marine, en retraite.
Delavaud (L.), secrétaire de l'ambassade de France à Berlin.
Deniker, docteur es sciences naturelles, bibliothécaire du
Muséum.
Derenbourg (Joseph), membre de l'Institut.
Desdouits, ingénieur en chef aux chemins de fer de l'Etat.
Didierjean (f^yonncl), avocat.
Diehl, ancien membre de l'Ecole d'Athènes, professeur à
la Faculté des lettres de Nancy.
Doinel (Jules), archiviste du département du Loiret.
Dolffus fG.), attaché à la Carte géologique de France.
Dollfus (Lucien).
DossoN, professeur à la Faculté des lettres de Clcrmont-
Ferrapd .
Dramard, conseiller à la cour de Limoges.
Droogmans (H.), ancien chancelier du Consulat général belge
aux Etats-Unis.
Drouin (E.), avocat, membre du conseil de la Soc. asiatique.
Dur.AiiRY, docteur en médecine.
Dubourdieu (J.).
DucROCQ, professeur à la Faculté de droit de Paris.
Dufouumantelle (Maurice), avocat à la Cour d'appel de Paris.
DuFouRMANTELLE (Charlcs), aucieu archiviste de la Corse.
Duhamel (Louis), archiviste du département de Vaucluse.
DuHOussET, colonel.
Dumoulin, professeur au collège de Roanne.
DupuY(Paul), surveillant général à l'Ecole normale supérieure.
Durand (Maxime) , consul suppléant de France à New-
York .
Durand ( G. ) , archiviste du département de la Somme.
Durand-Grévtlle, publiciste.
DuREAu(D"'A.), bibliothécaire en chef de l'Académie de méde-
cine.
DuRiER (Ch.), vice-président du Club alpin français, chef de
division au Ministère de la justice.
Du Seigneur (Maurice), critique d'art.
Dybowski, maître de conférences à l'École nationale d'agri-
culture de Grignon.
Ernst (Alfred), de la Bibliothèque Sainte-Geneviève.
Esbaecuer (Emile), ancien chef de bureau au Ministère des
postes et télégraphes.
Fagan (Louis), conservateur adjoint au cabinet des estampes
et dessins (British Muséum).
Farges (Louis), sous-chef du bureau historique au Ministère
des aflFaires étrangères.
Faucher (L.), ingénieur en chef des poudres et salpêtres à
Lille.
Favre (Fr.), biblioth.du Conservatoire des arts et métiers
Feer (Léon), bibliothécaire au département des manuscrits
de la Bibliothèque nationale.
Ferra (Joanncs), chancelier de résidence en Indo-Chine.
Flamant (A.), ingénieur en chef des ponts et chaussées.
Flourac. archiviste du département des Basses-Pyrénées.
FoNcm (Pierre), inspecteur général de l'Enseignement secon-
daire.
Fonsegrive, professeur de philosophie au lycée Bufïon.
Fonte (Raoul), professeur d'histoire au collège de Calais.
FouRNiER (Henri), docteur en médecine.
FouRNiER (Marcel), professeur à la Faculté de droit de Caen.
FouRNiER de Flaix, pubHcîste.
France (H.), professeur à l'Académie royale de Woohvich.
François (G.), chef comptable de banque.
FrediiRicq (Paul), professeur à l'Université de Gand.
Funck-Brentano (Frantz), attaché à la Biblioth. de l'Arsenal.
Gaignière (Henri), substitut du procureur de la République
à Meaux.
Gardeil, professeur à la Faculté de droit de Nancy.
Garnier (E.), membre du Comité des Sociétés des Beaux-
Arts.
Garnier (L.), rédacteur en chef de la Presse vétérinaire.
Gary (Alfred), licencié en droit, professeur d'économie poli-
tique.
Gasté (Armand), professeur à la Faculté des lettres de Caen.
Gaudez.
Gausseron, professeur au lycée Janson-de-Sailly.
Gauthiez (Pierre), agrégé de l'Université.
Gautier (Jules), professeur au lycée îlichelet. <
Gavet (G.), agrégé à la Faculté de droit de Nancy.
Gérard (Aug,), ministre plénipotentiaire au Brésil.
GiARD (A.), professeur à la Faculté des sciences de Paris.
GiDEL, proviseur du lycée Louis- le -Grand.
GiQUEAux (P.). professeur au lycée de Nice.
Girard (Charles), chef du Laboratoire municipal de Paris.
Girard (Paul), maître de conférences à la Faculté des lettres
de Paris.
Girard (P. -F.), agrégé à la Faculté de droit de Paris.
GiRODON (F.), docteur en droit.
Gley(E.), prof, agrégé à la Faculté de médecine de Paris.
Gobât (D'), conseiller d'Etat, directeur de l'Éducation du
canton de Berne.
GoGUEL (P.), professeur de filature à l'Institut industriel du
Nord .
GoNSK, membre du Conseil supérieur des Beaux-Ârts.
GoRCEix (H.), directeur de l'Ecole des mines de Ouro-Prelo
(Brésil).
GouRDON DE Genouillac, du Comité de la Société des gens
de lettres.
GouRMONT (Rémy de).
Grand (E.-D.), archiviste de la ville de Montpellier.
Grandjean (Charles), secrétaire-rédacteur au Sénat.
Gruyer (Gustave), publiciste.
GuïGUE (Georges), archiviste du département du Rhône.
GuiLAiNÉ (Louis), rédacteur en chef de la Revue Sud- Amé-
ricaine.
GUILAINE (G.).
Guillaump:, membre de l'Institut, professeur au Collège de
France.
Guiraud (Paul), chargé de cours à la Faculté des lettres de Paris.
Hahn (J.), médecin-major de l"» classe.
Hfckel. professeur à la Faculté des sciences de Marseille,
Henneguy (Félix), publiciste.
LISTE DE MM. LES COLLABORATEURS
Herrmatsn (DO, professeur à la Faculté de médecine de Lille.
Hesse (Lucien).
HiLD (J.-A.), professeur a la Faculté des lettres de Poitiers.
HoMOLLE, directeur de l'Ecole française d'Athènes.
Honoré (Fernand), pubiiciste.»
HouDAS, professeur a l'Ecole des langues orientales.
HoussAYE (Arsène), homme de lettres.
Hubert ( Eugène )» professeur à l'Université de Liège.
HuMBERï (G.), ingénieur des ponts et chaussées à Blois.
Jacquemaire (Numa), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Jacquemart (A.), député des Ardennes.
Jamais (E.), député du Gard.
Jametel (M.), professeur à l'Ecole des langues orientales.
Jeanroy, professeur à la Faculté des lettres de Toulouse.
JoANNis, docteur es sciences, professeur de chimie indus
trielie à la Faculté des sciences de Bordeaux.
JoBBÉ-DuvAL (E.), agrégé à la Faculté de droit de Paris.
JoRGA (N.), professeur à Bucarest.
Jouanne (G.), ingénieur des arts et manufactures.
JouBiN (L.), docteur es sciences, maître de conférences à la
Faculté des sciences de Rennes.
JuLLiAN (Camille), professeur à la Faculté des lettres de
Bordeaux.
Jullien, député de Loir-et-Cher.
JussERAND, conseiller de l'ambassade de France à Londres.
KÉRAVAL (P.), médecin des asiles de la Seine.
Knab (L.), ingénieur civil, répétiteur à l'Ecole centrale des
arts et manufactures.
Koechlin (Camille).
KœCHLlN (B..).
KoHLER (Gh.), bibliothécaire à la bibliothèque Sainte-Gene-
viève.
Kruger (F.-H.), professeur à l'Institut des missions évange-
liques de Paris.
KuHFF (G.), docteur en médecine,
KUNCREL d'HERCULAlS.
KuNTSLEB, professeur à la Faculté des sciences de Bordeaux.
Lacour (P.), attaché à la direction des Beaux-Arts.
Lacour-Gayet (Georges), docteur es lettres, professeur d'his-
toire au lycée Saint-Louis.
Lacroix (Sigismond), publiciste.
Lacroix, docteur es sciences,
Lafargue (Paul), publiciste.
Lagaghe (Celestin), ancien directeur des travaux sténogra-
phiqucs de la Chambre des députés.
Lagrésille (Georges), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Laiiillonne (Jacques), professeur au lycée de Grenoble.
LaÎné, agrégé à la Faculté de droit de Paris.
Lamaine (H.), publiciste.
Lambert (Mayer), professeur au séminaire israélite de Paris.
Lambling (D»-), professeur agrège à la Faculté de médecine
de Lille.
Langlois (D"" p.), préparateur au laboratoire de physiologie
de la Faculté de médecine de Paris.
Langlois (Ch.-Y.-M.), charge de coursa laFaculté des lettres
de Paris.
Lanjalley.
Lanson (G.), professeur de rhétorique au lycée Michelet.
Larbalétrier (A.), professeur à l'Ecole d'agriculture du
Pas-de-Calais.
Larivière (Ch. de), receveur particulier à Gien.
Launay (Louis), publiciste.
Laur (F.), ingénieur des mines, député de la Seine.
Laurent (E.), bibliothécaire du Palais-Bourbon.
La VALLEY (Gaston), bibliothécaire de la ville de Caen.
Laveleye (E. de), professeur à l'Université de Liège.
La VOIX (Henri), conservateur du cabinet des médailles, à
la Bibliothèque nationale.
Lavoix (Henri) fils, administrateur de la bibliothèque Sainte-
Geneviève.
Lechalas (^M.-C), inspecteur général des ponts et chaussées.
Leclerc (Adhémar), résident à Gampot (Cambodge).
Lecornu (L.), ingénieur des mines, docteur es sciences.
LÉCRivAiN (G.), chargé de cours à la Faculté des lettres de
Toulouse.
Lefèvre (Charles), professeur à la Faculté de droit de Paris
Lefèvre (Edouard), ancien président de la Société entomo-
logique de France.
Lefort (Paul), inspecteur des Beaux- Arts.
Lefranc (Abel), archiviste aux Archives nationales.
Léger (L.), professeur au Collège de France.
Legrand (Emile), professeur à l'Ecole des langues orientales.
Lehr (E.), professeur lionoraire de droit à Lausanne.
Leuugeur iPaul), professeur au lycée Charlemagne.
Lemoine (D'- Georges), professeur à la Faculté de médecine
de Lille.
LEiMosoF (Paul), attaché à la Société de géographie.
Lepkieur (Paul), attaché à la Bibliothèque nationale.
Leriche, attaché au consulat de France à Beyrouth.
Leroux ^Alt.)^ archiviste du département de la Haute-Vienne.
LÉVEiLLÉ, professeur à la Faculté de droit de Paris.
Le VI (Sylvain), maître de conférences à la Faculté des lettres
„ de Paris et à l'Ecole des Hautes Etudes
Lex (L.), archiviste du dcpartemeiil de Saone-et-Loire .
JjEymahie (C.), bibliothécaire de la ville de Limoges.
LiaRd, directeur de l'enseignement supérieur au Ministère
de l'instruction publique.
Lietard, docteur en médecine, inspecteur des eaux de
Plombières.
Loeb (Isidore), président du comité de publication de la
Société des études juives.
Loret (Victor), maître de conférences à la Faculté des lettres
de Lyon.
Lucas (Charles), architecte.
LuciPiA (Louis), membre du Conseil municipal de Paris.
Lyon (^Georges), maître de conférences à l'École normale
supérieure.
Lyon-Caen (Ch.), professeur à la Faculté de droit de Paris.
Mabille (J.), attaché au laboratoire de malacologie du Mu-
séum d'histoire naturelle, secrétaire de la Société mala-
cologique de France.
Maire (Albert), bibliothécaire de runiversité.
Malecot, docteur en médecine, ancien interne des hôpitaux.
Mangeron (Félix), conservateur des hypothèques.
Manouvrier, docteur en médecine.
Mantz (Paul), directeur général honoraire des Beaux-Arts.
Marais (Paul), sous-biblioihécaireà la bibliothèque Mazarine.
Marcel, bibliothécaire de la section de géographie à la Bi-
bliothèque nationale.
Marchand, juge suppléant à Meaux.
Marchand (Louis), vice-recteur à Ajaccio.
Marlet (Léon), attaché à la bibliothèque du Sénat.
Marmonier, docteur en droit.
Marre (Aristide), chargé de cours à l'École des langues
orientales.
Martel (E.), avocat.
Martha (Jules), maître de conférences à la Faculté des lettres
de Paris.
Martin (A.-J.), ancien préparateur au laboratoire de phy-
siologie de la Faculté de médecine de Paris.
Martin (Henry), bibliothécaire à la bibliothèque de l'Arsenal.
Martineau (Alfred), avocat à la Cour d'appel de Paris, député
de la Seine.
Martinière (H.-P. de La).
Martinet (A.), sous-préfet de Cherbourg.
Maspero , membre de l'institut , professeur au Collège de
France.
Massebieau (A.), professeur d'histoire au lycée de Rennes.
Massigli (Ch.), agrégé à la Faculté de droit de Paris.
Maury (P.), docteur es sciences.
May (G,), professeur à la Faculté de droit de Nancy.
Mazerollk, ancien éiève de l'Ecole des Chartes.
Mazon (A.), homme de lettres.
MÉLANi (Alfredo), professeur à l'Ecole supérieure d'art appli-
qué à l'industrie de Milan.
Mély (F. de), correspondant du Comité des sociétés des
Beaux-Arts des départements.
MENANT (J.), membre de l'Institut, conseiller à la cour de
Rouen.
Ménard (Louis), docteur en médecine.
Mercier (Ach.), publiciste.
Merson (Olivier), critique d'art..
Meyners d'Estrey (comte), docteur en médecine.
MiciiAur (C), chimiste de la station agronomique de l'Yonne.
Michel (André), publiciste.
Michel (Emile), artiste peintre.
Michel (Léon), agrégé à la Faculté de droit de Paris.
Moireau (Aug.), professeur agrégé des lettres.
Molinier (A.), conservateur à la bibliothèque Sainte-Gene-
viève.
Molinier (Gh.), professeur à la Faculté des lettres de Tou-
louse.
Molinier (E.), professeur à l'Ecole du Louvre.
-Moncelon, ancien délégué de la Nouvelle-Calédonie au Con-
seil supérieur des Colonies.
Moniez (D""), professeur à la Faculté de médecine de Lille.
MoNiN (H.), docteur es lettres, professeur au collège Rollin.
Monnier (J ). élève diplômé de l'Ecole des langues orientales,
Mortet (Ch.), conservateur adjoint à la bibliothèque Sainte-
Geneviève.
Mortillet (G. de), ancien conservateur adjoint du musée de
Saint-Germain.
Moutard, examinateur à l'École polytechnique.
Muret, maître de conférences à l'Ecole des Hautes Etudes.
Nachbaur (Paul), avocat à la cour d'appel de Nancy.
NÉNOT, architecte de la Sorbonne.
Nolhac (Pierre de), attaché à la conservation du musée de
Versailles, maître de conférences à l'Ecole des Hautes
Etudes.
Ollendorff (Gustave), directeur du personnel et de l'en-
seignement technique au Ministère du commerce et de
l'industrie.
Ollivier (M">«), correspondante du Journal officiel de Saint-
Pétersbourg.
Oltramare, astronome à l'Observatoire de Paris.
Omont (H.), bibliothécaire au département des manuscrits
de la Bibliothèque nationale.
Oppert (Jules), membre de l'Institut, professeur au Collège
de France.
Ottayi (P.), élève drogman, attaché au consulat de'France
à Alep.
OuRÉM (Alméida Aréas, vicomte d') , membre de l'Institut
hist. et géo§,T. du Brésil, ancien ministre plénipoten-
tiaire du Brésil à Londre».
LISTE DE MM. LES COLLABORATEURS
OusTALET (E.), aide-naturaliste au Muséum d'histoire naturelle.
Palustre (Léon), directeur honoraire de la Société française
d'archéologie.
Paris, maître de conférences à la Faculté des lettres de
Bordeaux.
Passy (Paul), professeur de langues vivantes, président de
l'Association phonétique des pi ofesseurs d'anglais.
Paturet, avocat a la Cour d'appel de Paris.
Pauhan, secrétaire rédacteur à la Chambre des députes.
Paumes (Benjamin), professeur au collège de Lectoure.
Pawlowskï ( Gustave ), bibliographe.
PÉAN ',D'), chirurgien des hôpitaux.
Pélissier (L.-G.), chargé de cours à la Faculté des lettres
de Montpellier.
Pelletan (Camille), député des Bouches-du-Rhône.
PÉRATÉ, ancien membre de l'École française de Rome,
Pérez (Bernard), publiciste.
PErrr (E.), professeur au lycée Janson-de-Sailly.
Petit (Maxime), publiciste.
Petit (P.), membre de la Société botanique de France.
Petit (D' L.- H.), bibliothécaire à la Faculté de médecine
de Paris.
Pfender (Charles).
Pharaon (Florian), publiciste.
PiAGEï (A.), docteur es lettres.
Picavet, docteur es lettres, ])rolesscur au collège RoUin,
maître de conférences à l'Ecole des Hautes Etudes.
Picot (Emile), professeur à l'École des langues orientales.
PiÉCHAUD (Adolphe), docteur en médecine , médecin du
Sénat, inspecteur des écoles de Paris.
Pierret (Paul), conservateur du musée égyptien du Louvre.
Pignot (A.), ancien interne des hôpitaux de Paris, prépara-
teur à la Faculté de médecine.
Pillet (Jules), professeur à l'Ecole des beaux-arts et à
l'Ecole des ponts et chaussées.
Pinard (Ad.), professeur à la Faculté de médecine de Paris.
Pinel-Maisonneuve, docteur en médecine.
PiRENNE (Henri), professeur à l'Université de Gand.
Plaisant, procureur de la République au Havre.
Planiol, agrégé à la Faculté de droit de Paris.
Platon (G.), bibliothécaire de la Faculté de droit de Bordeaux.
PoiNCARÉ (Raymond), avocat à la Cour d'appel de Paris, député
de la Meuse.
PouGiN (Arthur), publiciste.
Pouzet (Ph.), agrégé d'histoire.
Prado (Eduardo da Silva), avocat et homme de lettres.
Preux (J.), secrétaire du Comité de législation étrangère.
Prou (M.), bibliothécaire au Cabinet des médailles à la
Bibliothèque nationale,
Prudhommk, archiviste du département de Tlsère.
Psighari (Jean), maître de conférences à l'Ecole des Hautes
Etudes.
PuAUx (Franck), publiciste.
Quellien (N.), publiciste.
Quesnel, professeur à l'Ecole des Hautes Etudes commer-
ciales,
Quesnerie (Gustave de La), professeur au lycée Saint-Louis.
Rabier (Elle), directeur de l'enseignement secondaire au
Ministère de l'instruction publique.
Radet, maître de conférences à la Faculté des lettres de
Bordeaux.
Ravaisse (p.), chargé de cours à l'Ecole des langues orientales.
Ravaisson-Mollien (Charles), conservateur au Musée du
Louvre.
RÉBouis (E.), bibliothécaire à la bibliothèque de l'Université.
Regelsperger, docteur en droit.
Regnaud (P.), professeur à la Faculté des lettres deLvon.
Reinac» (J. de), membre de la Sociclè d'économie politique.
Renard (Georges), professeur à la Faculté des lettres de
Lausanne.
Renault, professeur à la Faculté de droit de Paris.
Réthoré (J.-J.), licenciées lettres.
Reure, professeur à l'Ecole des Hautes Etudes à Lyon.
Révillon (Tony), député de la Seine.
Ribot (Th.), professeur au Collège de France, directeur de
la Revue philosophique.
RiCHET (Charles), professeur à la Faculté de médecine de
Paris.
Rio-Branco (J.-M. da Silva-Paranhos, baron de), membre de
l'Institut historique et géographique du Brésil, ancien
député.
Ristelhuber (Paul), ancien bibliothécaire.
RiTTi (D"- Ant.). médecin de la maison nationale de Charenton.
Rochebrune (l)*" de), aide-naturaliste au Muséum d'histoire
naturelle.
Rossignol, licencié es lettres.
Roussel (Félix), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Rousselet (Albin).
Ruelle (C.-E.), conservateur à la bibliothèque Sainte-Gene-
viève.
Russel (W.), docteur es sciences naturelles.
Sagnet (Léon), attaché au Ministère des travaux publics.
Sagnier (Henry), rédacteur en chef du Journal de l'aqri-
cultu7^e.
Saint-Mârc, professeur agrégé à la Faculté de droit de Tou-
louse.
Saladin (Henri), architecte.
Salonë, professeur agrégé d'histoire et de géographie au
lycée d'Orléans.
Samuel (René), sous-bibliothécaire du Sénat.
Saury (D'), médecin de l'asile de Suresnes.
Sauvage (D'), directeur de la station aquicole de Boulogne-sur-
Mer.
Saverot (Victor), docteur en droit.
Sayous, professeur à la Faculté des lettres de Besançon,
membre correspondant de l'Académie hongroise.
Schefer (G.), bibliothécaire à la bibliothèque de l'Arsenal.
ScHMiT (L,), conducteur des ponts et chaussées.
Sergent (Ed.), commandant de l'armée teiritoriale.
Simon (Eugène), ancien président des Sociétés entomologique
et zoologique de France.
SouQUET (Paul), professeur de philosophie au Ivcée Janson-
de-Sailly.
SouviRON (Alfred), chef de division à la préfecture de la Seine .
Steeg (Louis), consul suppléant, chef du cabinet du rési-
dent de France à Tunis.
Stein (H.), archiviste aux Archives nationales.
Straus, professeur à la Faculté de médecine de Paris.
Stroeiilin, professeur à l'Université de Genève.
Swartë (Victor de), trésorier-payeur générai de Seine-et-
Marne.
Tannery (P.), ingénieur des manufactures de l'État.
Tausserat (Alexandre), attaché au Ministère des affaires
étrangères.
Théry (Edmond), publiciste.
Thiers (Adolphe), publiciste.
Tholin (G.), archiviste du département du Lot-et-Garonne.
Thomas (Antoine), chargé de cours à la Faculté des lettres
de Paris.
Thomas (D' L.), bibliothécaire à la Faculté de médecine de
Pans.
Tieusot (Julien), sous-bibliothécaire au Conservatoire de
musique.
TouRNEux (Maurice), publiciste.
Trawinski, sous-chef de bureau à la direction des Beaux-Arts.
Tresgaze (A.), directeur honoraire des douanes.
Trouessart, docteur en médecine.
Valabrègue (Antony), critique d'art.
Varigny (C. de).
Varigny (H. de), docteur en médecine, docteur ès sciences
naturelles.
Vast (Henri), professeur d'histoire et de géographie au lycée
Condorcet, examinateur d'admission à l'école Saint-
Cyr.
Vaugeois, doyen de la Faculté de droit de Gaen.
Vayssière (a.), archiviste du département de l'Allier.
VÉLAiN (Charles), maître de conférences à la Faculté des
sciences de Paris.
Venukoff (Michel), ancien secrétaire général de la Société
de géographie de Russie.
Vergniol (G.), professeur agrégé d'histoire au lycée de
Bourges.
Verneau (D^-), préparateur de la chaire d'anthropologie au
Muséum d'histoire naturelle.
Vernks (Maurice), directeur adjoint à i'École des Hautes
Études (section des sciences religieuses).
Viala (Pierre), professeur de viticulture à l'Institut national
agronomique de Paris.
Villedeuil (Ch. de), astronome.
ViNsoN (Julien), professeur à l'Ecole des langues orien-
tales.
Vogel, publiciste.
VoLLET ( E. - H. ) , docteur en droit.
WicKERSuEiMER fE.), député de l'Aude .
WiDAL, médecin inspecteur de l'armée, en retraite.
WiLL (Louis).
WuiLLOMENET, doctcur OU médecinc.
Wyrouboff (G,).
Yriarte (Charles), inspecteur des Beaux-Arts.
Zaborowski, publiciste, ancien secrétaire de la Société
d'anthropologie de Parib.
LA GRANDE ENCYCLOPÉDIE
C
COTESBACH. Village d'Angleterre, comté de Leicester,
à l'extrémité S. du comté, près de Lutterworth.
CÔTES-DU-NORD. Situation, limites, superficie.
— Ledép. des Côtes-du-Nord tire son nom de sa situation
sur les bords de la Manche, au N. de la France. C'est
en effet la mer la plus septentrionale de notre pays, si l'on
en excepte les quelques lieues de côte baignées par la mer
du Nord. Ce département est situé dans la région N.-O. de
la France et appartient au bassin de la Manche au N. et
au bassin de l'océan Atlantique au S. : c'est un des vingt-
trois départements maritimes de la France et l'un des neuf
qui sont situés sur la côte N. Le 5® degré 0. du méridien
de Paris le coupe à son milieu et il est atteint à peu près
par le 6^ degré sur sa lisière ; dans l'autre sens, paral-
lèlement à la ligne de l'équateur, il est compris entre le 48"
et le 49" degré de lat. septentrionale. Saint-Brieuc, le chef-
lieu du département, est situé sous le 48" degré 34' V\
à peu près sous la même latitude que Brest (Finistère). La
longitude de Saint-Brieuc est la même que celle de Vannes
(Morbihan) et son méridien ne rencontre guère d'autre
ville au N. ni au S. Saint-Brieuc est situé à 370 kil. de
Paris à vol d'oiseau et à 475 kil. par le chemin de fer.
Le dép. des Côtes-du~Nord est borné par le dép. du Finis-
tère à rO., par celui du Morbihan au S., celui d'Ille-et-
Vilaine à l'Ë. Au N., la Manche lui sert de limites ; au S.,
les limites sont presque partout artificielles. Le pourtour
total du département est de 500 kil. à peu près, si l'on
néglige les sinuosités de la côte et des limites vers la terre.
Sa superficie est de 688,562 hcct. : il n'y a en France
que dix-huit départements plus étendus; sa plus grande
longueur, prise de l'E. à l'O., est de 430 kil. environ :
d'ailleurs, elle ne varie pas beaucoup ; sa plus grande lar-
geur prise du N. au S. est au contraire très variable; de
70 kil. environ sous le parallèle de Lannion, elle est de
80 sous celui de Guingamp, et seulement de 50 sous celui
de Dinan.
Relief du sol. — Le sol des Côtes-du-Nord n'est pas
très élevé et est cependant assez inégal : jusqu'à environ
une quinzaine de kilomètres le long des côtes, la terre est
fertihsée par le goémon et les plantes maritimes : elle est
alors très fertile. Le reste du terrain présente des couches
de bruyères ou de landes que les progrès de l'agriculture
tendent à fertiHscr depuis plusieurs années. Le départe-
ment est partagé en deux versants inégaux, l'un auN. sur
la Manche, l'autre, moins large, au S. sur l'Océan, par
une chaîne de collines granitiques dominée par le mont
Menez, qui court de l'E. à l'O. ; à son extrémité occiden-
GRÂNDE ENCYCLOPÉDIE. — XIIL
taie, la chaîne se bifurque en deux rameaux dont l'un, sous
le nom de montagne d'Arrée, court à l'O. vers le dép. du
Finistère, et l'autre, sous le nom de Montagnes-Noires, court
vers le S.-O. aussi vers le Finistère.
En aucun point du département les collines ne deviennent
véritablement des montagnes : la plus élevée est située au
S. -E.de Saint-Brieuc, à 24 kil. de la ville à vol d'oiseau,
entre Collinée et Moncontour-de-Bretagne, dans le massif
du Mené ou Menez qui sert de ligne de partage des eaux et
d'où descendent la Rance, l'Arguenon, le Gouessant, le
petit ruisseau d'Evran, le Meu, le Ninian et d'autres petits
cours d'eau. Ce point culminant a reçu le nom de Bélair
ou encore celui de Notre-Dame-de~Mont-Carmel-en~Tré-
bry : il a 340 m. de haut ; un grand nombre d'autres
sommets dépassent 300 m. Citons : le Signal des Landes
(325 m.), situé au N.-E. et près de Lanfains ; la cime de
Kerchouan (320 m.), à quelques kil. au S.-O. de Vieux-
Bourg, à la source de l'Oust; la butte Saint-Michel (320 m.) ,
située au S.-E. de Saint-Martin-des-Prés, près de l'étang
de Barra où coulent les eaux de l'Oust ; la cime de Saint-
Mayeux (346 m.), qui domine le vallon du Doulas; on
trouve ensuite quelques sommets variant de 340 à 345 m.
appartenant aux monts d'Arrez, sur le massif où le Trieux
et le Blavet prennent leur source ; la colline de Landevet
(306 m.). — La montagne d'Arrée ou d'Arrez, dont l'al-
titude supérieure est située dans la partie septentrionale
du dép. du Finistère où la chaîne se prolonge, a dans les
Côtes-du-Nord quelques sommets de plus de 300 m. ; les
principaux sont le Menez-Kerspez (324 m.), et la coHine
où se trouve la forêt de Beffou (326 m.). Dans les Mon-
tagnes-Noires qui s'élèvent au S.-O. du département, si-
gnalons le mont Noir qui a 304 m. de haut ; cette chaîne, qui
recouvre la partie méridionale du Finistère, a son point le
plus élevé dans ce dernier département, au-dessus de la baie
de Douarnenez.
Les Côtes-du-Nord se distinguent par les sinuosités de
la côte bordée de petites baies où la marée s'élève fort
haut et d'écueils où se brise perpétuellement la mer
toujours agitée ; la physionomie du département vient de
ses collines de granit ou de schiste qui s'élèvent en mame-
lons de formes ^douces sous le ciel pluvieux : on n'y voit
ni cirques de montagnes, ni gorges profondes. Les fon-
taines et les sources y sont moins pures que dans les ter-
rains où la craie et le calcaire dominent. Les vallées sont
humides et chacune possède sa source, son ruisseau ou son
étang : même au fort de l'été les vallons y sont pénétrés de
fraîcheur. Les collines du département envoient au N.,
4
CÔTES-DU-NÔRB »- â
vers la mer, des contreforts granitiques qui forment des
vallées où coulent des rivières sinueuses et se terminent
par des falaises battues des flots. Vers le S., les collines
s'abaissent en plateaux peu accidentés qui se prolongent
dans le dép. du Morbihan avec une hauteur moyenne de
400 ra. : ils portent à peu près les seules plaines des
Côtes-du-Nord dont la superficie est très pittoresque, acci-
dentée, coupée de rivières qui serpentent vers la mer ora-
geuse où elles forment de larges estuaires où battent les
marées. Les vallons sont fertiles ; les coteaux sont tantôt
cultivés, tantôt couverts de prairies naturelles ou de landes
et de brandes où se dressent des monuments mégalithiques,
des dolmens ou des allées de pierres levées. Les vieilles
forêts qui jadis couvraient le sol n'ont pas encore disparu ;
cependant, d'année on année diminuées, elles cèdent la place
aux cultures, et, malgré l'étendue considérable qu'elles
occupent encore dans la partie centrale de la région, le
dép. des Côtes-du-Nord est un de ceux où la population est
la plus dense.
Géologie. — Le dép. des Côtes-du-Nord appartient, au
point de vue géologique, au plateau septentrional de la pé-
ninsule armoricaine connu sous le nom de plateau de Léon,
ainsi qu'à la vaste dépression qui sépare ce plateau du
plateau méridional dit de Cornouaille (V. Armorique [Géo-
logie], 1. 111, p. 1043). On sait que le plateau de Léon
représente un pli anticlinal dont l'axe est constitué par des
roches cambriennes, et que la dépression centrale forme
une série de plis anticlinaux et synclinaux parallèles entre
eux, où le granité n'apparaît plus qu'en dykes isolés. On
rencontre donc surtout, outre les terrains éruptifs :
Les terrains primitifs ou cristallins qui n'existent qu'en
quelques points du département.
Les terrains primaires représentés par des phyllades
cambriennes qui occupent de vastes superficies, par un
massif silurien dirigé de l'E. à TO,, entre Tréguier et
Paimpol, et enfin par des sédiments dévoniens et carboni-
fères qui affleurent principalement dans le Sud.
Terrains cristallins. — Dans la région orientale du
département est une bande de micaschistes et schistes chlori-
teux que traverse la Rance au N. de Dinan pour entrer
dans l'ille-et- Vilaine.
Terrains sédimentaires. -— Les terrains sédimentaires
des Côtes-du-Nord appartiennent aux étages les plus anciens.
L'étage des phyllades de Saint-Lô occupe une super-
ficie considérable. On en trouve à la lisière occidentale des
Côtes-du-Nord, au voisinage de Plestin, une bande assez
importante qui se dirige de l'O. à l'E., traverse une
grande partie du département en passant par Lannion et
Pontrieux, puis arrive à la baie de Saint-Brieuc. Un autre
massif important se trouve à l'O. de Bourbriac ; enfin,
dans la région orientale du département, plusieurs bandes
dirigées de l'O. à l'E. viennent de l'intérieur des terres se
rapprocher de plus en plus de la mer, un peu au S. du cap
Fréhel. Ce sont des schistes verdàtres, très fortement in-
clinés, alternant parfois avec des bancs plus ou moins
épais de grauwacke feldspathique et parsemés de nom-
breuses veinules de quartz. Au voisinage de la surface, la
roche est grise, altérée et donne une argile imperméable,
très apte à l'établissement des prairies. Autour des massifs
granitiques et jusqu'à plusieurs centaines de mètres de
distance des affleurements visibles, les phyllades ont subi
une transformation qui les a fait passer à l'état de schistes
micacés.
^ Le grès à bilobites ou grès armoricain repose en
discordance sur les tranches dos phyllades, vis-à-vis des-
quels il est généralement limité par des failles. On le
rencontre surtout en trois régions du département où il
représente des massifs importants : le premier, qui com-
mence dans le Finistère, à Morlaix, se termine au bord
de la mer dans les Côtes-du-Nord, à Plestin ; le second
s'étend de la baie de Lannion à celle de Saint-Brieuc, en
passant par Tréguier et Paimpol, au N. de la bande
cambrienne signalée précédemment; le troisième, enfin,
s'étale au bord de l'Océan, du cap d'Erquy au voisinage du
cap Fréhel. On distingue trois subdivisions dans cet étage :
i^ Les poudingues, tantôt pourprés, tantôt d'un gris
clair. Ils se composent d'une pâte argileuse renfermant
des nodules de quartz noir ou blanc laiteux. Bien que leur
puissance soit des plus médiocres puisqu'elle ne dépasse
guère une vingtaine de mètres, leur importance géologique
est grande, car ils permettent de séparer les deux étages
de schistes entre lesquels ils sont intercalés ;
2° Les grès et schistes pourprés qui se relient directe-
ment au grès blanc situé au-dessus. Leur stratification est
régulière et leur inclinaison ne dépasse guère 40°. Les
schistes sont fréquemment micacés. Il peut arriver que la
teinte pourprée fasse défaut et que les schistes ne se dis-
tinguent des phyllades que parleur position slratigraphique ;
3^ Le grès armoricain représenté par des grès blancs
où l'on trouve de très rares fossiles; ces fossiles présentent
l'aspect de tubes cyhndriques perpendiculaires à la strati-
fication ; on les rapporte à des annélidcs.
Les schistes à calymènes^ équivalents des schistes ar-
doisiers d'Angers, débutent par une assise de minerai de fer
hydroxydé : l'infiltration ferrugineuse s'étend parfois jus-
qu'aux dernières assises du grès qu'elle colore en rouge
vif. Au-dessus se placent des schistes terreux et d'un
gris bleuâtre, à schistosité mal définie, tandis qu'en haut
ils sont noirs et micacés. On y rencontre Calymene Tris-
tant, Asaphiis nobilis,
V assise des grès de May est représentée par des grès
en plaquettes avec couches plus dures de quartzites. On n'y
rencontre pas de fossiles.
Le caÀcaire carbonifère se rencontre dans le sud du
département, à Maël, Corlay, etc.; c'est le prolongement
d'un grand massif qui commence dans le Finistère. 11 est
gris ou noirâtre, plus ou moins spathique, divisé en bancs
irréguliers qui plongent généralement au N. Il renferme
un certain nombre de fossiles, notamment des encrines,
productus giganteus^ semireticulatus, punctatus^ po-
sydonomia vetusta^ etc.
Les autres étages primaires ou secondaires ne sont pas
représentés dans le dép. des Côtes-du-Nord, et les terrains
sédimentaires qu'on trouve ensuite au voisinage de Lan-
nion, de Lanvollon, de Lamballe, etc., appartiennent au
pliocène. Ce sont des marnes marines pliocènes recou-
vertes par des sables grossiers, formés de grains quartzeux
roulés, empâtés dans des argiles colorés en jaune ou en
rouge. Ce sont vraisemblablement les débris d'une assise
qui a dû occuper une grande étendue; l'absence de fos-
siles rend difiicile de fixer leur âge d'une manière tout à
fait précise.
Le limon des plateaux est parfois difficile à distinguer
dans les régions schisteuses de la terre végétale produite
par l'altération des schistes tendres ; mais dans les points
où il recouvre le granité, il est très distinct de la roche
sous-jacente, même quand celle-ci est altérée : ce limon
est exploité pour briques.
Les allmions anciennes sont des dépôts de sables et
graviers roulés d'un caractère fluviatile bien net qu'on
rencontre en certaines vallées.
Les alliwions modernes occupent le fond des vallées
actuelles.
Terrains éruptifs. — Le granité qui recouvre la plus
grande partie du département est une roche à grain
moyen, d'un gris bleuâtre, riche en orthose blanc, en oli-
goclase verdâtre et en mica noir ; ces cristaux sont entourés
d'un magma de quartz et de feldspath plus récents, où se
rencontrent surtout au voisinage des veines de granulite un
peu de mica blanc. Sur les bords du massif, le granit est
décomposé et passe à l'état d'arène, mais, dans les parties
centrales, la roche acquiert une grande dureté et donne de
bonne pierre de taille et des cailloux d'empierrement de
qualité ordinaire. Ce granit est certainement postérieur aux
schistes de Saint-Lô, car il en renferme des fragments et
les pénètre en filons minces.
3 —
COTES-DU-NORD
La granulite forme un massif assez important, au voi-
sinage de Plouguenast. Elle contient de l'orthose, du
quartz et du mica blanc comme minéraux principaux, de
la tourmaline, comme minéral accessoire. Cette granulite
pénètre intimement le granité en quelques points.
Les filons de quart% sont nombreux, aussi bien dans le
granité que dans les phyllades.
Des diabases, mélange cristallin de labrador et de py-
roxène, forment des filons, remarquables par leur longueur
à travers le granité et les phyllades cambriennes ; les
affleurements, d'ordinaire désagrégés et terreux, ont été
exploités autrefois comme amendements; les parties les
plus résistantes forment des boules au milieu des parties
désagrégées ; les parties massives sont exploitées pour
l'empierrement.
Régime des eaux. — Les eaux des Côles-du-Nord se
déversent dans la Manche et dans l'Océan, par des fleuves
côtiers dont les principaux sont la Rance, le Trieux, la
Vilaine (indirectement), le Blavet et l'Aulne. Nous décri-
rons en même temps que les cours d'eau du département les
côtes continuellement coupées et échancrées par les estuaires
des petites rivières qui viennent se jeter dans la mer.
l^es fleuves qui se dirigent vers la Manche sont, en al-
lant vers rO. : la Rance, le Frémur de Saint-Briac, l' Argue-
non, le Frémur de la Frenaye, le Gouessant, l'Urne, le
Gouet, Fie, le Trieux, le Tréguier, le Guer, le Douron et
une multitude de ruisseaux, plus ou moins importants.
La Rance a un cours de 440 kil. environ qui décrit, de
la source à l'embouchure, un arc de cercle assez régulier.
Elle prend sa source dans le Mené, à la fontaine de Rance,
et se dirige d'abord vers le S.-E. Arrivée à Saint-Launeue,
sur la lisière de la forêt de la Hardouinaie, sa direction
change ; elle va à FE., puis au N.-E., et enfin au N., au
pied de la colline de Saint- Jouan-de-l'lsle,-<où se trouve le pont
du chemin de fer de Paris à Brest. Elle passe à Canines,
puis s'engage dans des prairies marécageuses, où elle ren-
contre vers la gauche d'Evran le canal dlllc-et-Rance, le
Linon et le Guinefort. La Rance n'est plus à cet endroit
qu'à quelques mètres au-dessus du niveau de la mer ; puis,
ses deux rives forment des talus rapides, et sa vallée de-
vient un véritable défilé, à Tressaint, à Lehon, à Dinan.
Dinan s'élève sur une colline de la rive gauche, Lanvallay
sur une colfine de la rive droite, et entre ces deux coteaux,
la rivière passe sous un viaduc de granit, de dix arches,
haut de 40 m. Au-dessous de Dinan, les coteaux des deux
rives deviennent abrupts, puis la Rance s'élargit et de-
vient un grand fleuve, qui forme un magnifique estuaire ;
la plus grande partie de cette espèce de golfe, qui est ac-
cessible aux vaisseaux de fort tonnage, appartient au
dép. d'Ille-et-Vilaine, sur le territoire duquel le fleuve se
jette dans la Manche, entre Dinard à gauche, Saint-Servan et
l'écueil deSaint-Maloà droite. Par les fortes marées, la Rance
porte jusqu'à Dinan des navires calant 3^30 ; en temps
ordinaire, les embarcations qui remontent jusqu'à cette
ville n'ont guère plus de 70 tonneaux de jauge. Au-dessus
de Dinan, le canal d'Ille-et-Rance, qui offre à Saint-Malo
une voie navigable de 85 kil., peut recevoir des bateaux
de 30 à 80 tonnes, — Le Frémur de Saint-Briac est un
ruisseau qui sépare le territoire d'Iîle-et- Vilaine, à droite,
de celui des Côtes-du-Nord, à gauche. C'est là que com-
mence le rivage accidenté des Côtes-du-Nord, qui a 250
kil. de développement environ, sans compter toutes les
petites anses. De l'embouchure du Frémur à celle de l'Ar-
guenon, on trouve la côte de Lancieux et de Ploubalay, où
les dessèchements ont rendu à la culture des terres autre-
fois couvertes par la mer ; la baie de Beaucey, séparée de
celle de l'Arguenon par la presqu'île de Saint- Jacut-de-la-
Mer. Au S., c'est une dune, au N., c'est une roche : les deux
baies sablonneuses sont éclairées par le phare de l'île des
Ebihiens, — L'Arguenon a 55 kil. de cours ; il commence
au pied de Collinée, dans le Mené, près des sources de la
Rance. A Langouèdre, il passe sous un pont fort élevé du
chemin de fer de Paris à Brest ; à Jugon , il reçoit la
Rosello, qui vient de sortir, à Jugon même, d'un étang de
près de 4 kil. de longueur, profond et poissonneux, peuplé
pendant l'hiver de sarcelles, de cygnes et de canards sau-
vages. L'Arguenon traverse un petit étang, renommé par
les ruines d'un des plus célèbres châteaux de la Bretagne.
A Plancoët, l'Arguenon devient navigable pour les bâti-
ments calant 4 m. ; sa largeur augmente, et, après le confluent
du Montafilant, il se transforme en un estuaire, reçoit le
Guébriant et se perd dans l'anse de l'Arguenon ou du
Guildo, accessible dans les hautes marées aux navires
d'un tirant de 8 m. De cette embouchure à celle du Frémur,
la côte est bordée de plages de sable ; dans l'anse de
Saint-Cast, où se trouvent des parcs d'huîtres, une colonne
de granit rappelle la défaite d'une armée d'invasion
anglaise, en 4758; cette colonne, haute de 48 m., a été
élevée en 4858. — Le Frémur de la Frenaye, qui n'est
qu'un ruisseau, naît dans la forêt de Saint-Aubin. Il se perd
à Port-à-la-Duc, dans la baie de la Frenaye, qui forme, à
marée basse, une immense plage de sable, et se termine au
N. par la Pointe de la Latte (petite forteresse) ; entre ce
fort et le cap Fréhel (phare de 79 m. de haut et 24 milles
de portée), s'arrondit l'anse des Sévignés. Dos falaises du
cap Fréhel où la mer brise toujours, on découvre Jersey,
la mer, de l'île Bréhat à la Hogue et le Mené. Signalons
ensuite sur la côte : la grotte du Trou-de-l'Enfer (Toul-an-
Ifern) ; les dunes de la Ville-Men ; la grève de Plurien ou
de Minieu et la Roche des Marais, sorte de cône en grès
rouge ; l'îlot qui porte la chapelle Saint-Michel ; le cap
d'Erquy, limite E. de la baie évasée de Saint-Brieuc ; la rade
d'Erquy, avec des batteries ; les falaises de Pléneuf ; le
port de Dahouet, sûr, mais difficile ; on atteint alors l'em-
bouchure du Gouessant (35 kil. de cours). — Le Gouessant
descend du Mené, est traversé par la ligne de Paris à Lam-
balle, et à 3 kil. de la mer forme, avec son affluent l'Evron,
l'étang des Ponts-Neufs. La digue de cet étang, haute de
14 m. environ, date des Romains, selon la tradition. Le
Gouessant en sort par une bruyante cascade. — L'Urne
ou Aire j n'est qu'un ruisseau qui, sorti d'un étang de la
commune de Saint-Carreuc, passe sous un pont élevé de
la ligne de Paris à Brest, passe à Yffiniac, et se jette
dans la baie d' Yffiniac que la presqu'île fertile d'Hillion
sépare de Festuaire du Gouessant. — Le Gouet naît dans
le Mené au pied de la colline de Kerchouan. Dans son cours
de 50 kil. environ, il baigne Quintin, La Méaugon, où il
passe sous un viaduc de la hgne de Paris à Brest, à deux
rangs d'arches, Fun des plus élevés de France ; à Saint-
Brieuc, au Légué, le Gouet est navigable pour des navires
d'un tirant de 4™65. A quelques kilomètres de là il se
jette dans l'anse d'Yffiniac au pied des ruines du donjon
de Cesson. L'anse d'Yffiniac, est défendue à l'O. par le fort
de la Pointe du Roselier ; au N. on rencontre la pointe de
Pordic placée entre la grève des Rosaires et l'anse de Binic
où se jette l'Ic. — L'Ic est un petit ruisseau parti de Plélo,
qui se termine dans le joli et profond port de Binic où l'on
arme beaucoup de bateaux pour la pêche de Terre-Neuve
et de la côte d'Islande. Les falaises de Binic sont continuées
par celles d'Etables et celles de Saint-Quay où s'ouvre le
port de Portrieux ; cette ville s'ouvre sur la rade du même
nom remplie de bancs d'huîtres ; le port, où la mer monte
de 44 m. à la pleine lune, est garanti au large par les
écueils de granit des îles Saint-Quay. C'est là qiie se ter-
mine la baie de Saint-Brieuc à 25 kil. à l'O. du cap
d'Erquy. Puis les hautes falaises de Plouha continuent la
côte où Ton voit succéder à Fanse de Bréhec, celle de
Paimpol où se jette le Lczouen. Dans la baie de Paimpol
s'ouvrent deux ports très sûrs, connus des marins, refuge
ancien des corsaires bretons ; la rade de Bréhat vient
ensuite ; elle sépare l'île de Bréhat de la côte de Plou-
bazlanec. — Le Trieux débouche dans les grèves éclairées par
le phare à huit étages de l'île des Héaux. Long de 75 kil.,
il baigne la riante vallée de Guingamp, où il passe sous le
chemin de fer de Paris à Brest. A 5 kil. de Pontrieux, il
reçoit à droite, le Leff, et va former un estuaire qui
CÔTES-DU-NORD
— 4
s'ouvre au-dessous de Lézardrieux. Il est navigable à partir
de Pontrieux (18 kii.). Le Lefi (en breton la rivière des
Pleurs) coule dans le vallon de Châtelaudren et passe au
pied des collines de Lanvollon et de Lanleff. Il a 50 kil.
de longueur. — Il n'y a que 9 kil. à vol d'oiseau entre Fem-
boucliure du Trieux et celle de la rivière de Tréguier,
formée, au-dessous de Tréguier, par la réunion du Jaudy
et du Guindy. Le Jaudy (50 kil. de longueur) naît au Cliap,
dans les collines de Gurunhuel, à 305 m. de haut, traversé
par le chemin de fer de Paris à Brest entre Tréglaraus et
Pédernec ; il est navigable pour les petits bateaux à La
Roche-Derrien. Le Guindy naît au pied de Menez-Bré et
passe sous un pont de chemin de 1er de Paris à Brest, à
Sainte-Anne ; après Tréguier, il devient très sinueux et
s'élargit. La rivière de Tréguier a 10 kii. de long; elle est
navigable par les hautes mers d'équinoxe pour les navires
tirant 8 m., et en temps ordinaire pour les embarcations
tirant 5°^50. Jusqu'au Guer, le Httoral, très découpé, est
bordé d'ilôts et d'écueils. Mentionnons le Port-Blanc,
accessible aux grands navires, derrière l'archipel déchiqueté
de Saint-Gildas ; la plage de Trévou-Tréguignec, dont les
habitants exploitent une forêt sous-marine; le golfe de
Perros, à l'abri de l'île Thomé, haute de 64 m. ; les pitto-
resques falaises de Perros-Guirec ; le petit port de Plou-
nianach, séparé par 5 kil. de mer de l'archipel des
Sept-Iles, où s'élève un phare de 14 milles de portée ;
l'île Grande, où on exploite un granit célèbre ; l'île Milio
(60 m, de haut) ; le port de Trébeurden, avec de nombreux
pécheurs de goémon, la baie du Guer, qui s'ouvre en demi-
cercle et a des eaux profondes. — Le Guer, ou Léguer, naît
à Pen-Léguer (commune de Bourbriac), au pied de la colline
de Landevet, à moins de 2 kil. des sources du Blavet. Il
coule dans une profonde vallée, au milieu de la forêt de
Coat-an-Noz (forêt de la Nuit). A Belle-Isle-en-Terre, il
reçoit le Guic, plus long que lui de 5 kil. ; à Trégrom ,
il passe sous les trois hautes arches d'un pont de la ligne
de Paris à Brest, puis au pied des ruines grandioses du
château de Tonquedec. A Lannion, sa largeur augmente et
de cette ville à la mer, sur 7 kil., il porte des bateaux
d'un tirant de 4 m. De Lannion à la baie de Locquirec, qui
appartient pour moitié au dép. du Finistère, on remarque
la Pointe de Séhar, les falaises de Trédrez ; le golfe de
Saint-Michel-en-Grève, d'une forme élégante ; la Pointe
de Plestin. La baie de Locquirec possède le petit port de
Toul-an-Héry ; elle reçoit le Douron, rivière qui sépare les
Côtes-du-Nord du Finistère.
Deux affluents de la Vilaine, le Meu et l'Oust, naissent
dans les Côtes-du-Nord. Le Meu (80 kil. de long), naît
au pied du Mené, près de Merdrignac : au-dessous d'un
étang de la forêt de la Hardouinaie, il entre dans le dép.
d'Ille-et- Vilaine. — L'Oust, ou Ouït, est l'affluent le plus
important de la Vilaine. Long de 150 kil., il coule, sauf
quelques détours, vers l'E.-S.-E. Ses sources, situées près
de Corlay, descendent de la colline de Kerchouan, comme
celles du Gouet. A 9 ou 10 kil. de ses sources il forme,
avec le ruisseau de la Perche, le réservoir de Bara ou de
Bosméléac, étang peu large, mais long de 4 kil, ; environ
3,500,000 m. c. d'eau sont retenus derrière un barrage
de 90 m. de long, haut de plus de 15 m. ; un canal
sinueux de 62 kil. mène ces eaux au point de partage
d'Hilvern, sur le canal de Nantes à Brest. Après un trajet
d'environ 50 kil., dans une vallée assez johe, l'Oust passe,
au confluent du Larhon, dans le Morbihan. Dans les Côtes-
du-Nord, il ne traverse que des villages ou petits bourgs
comme Saint-Théle, trois rivières de son bassin ont leur
cours supérieur dans le département : la Duc, le Ninian et
le Lié. La Duc ou Ivel ou encore Livet a ses sources dans
le Mené ; le Ninian ou Trinité qui reçoit la Duc va se jeter
dans l'Oust : il ne baigne que des hameaux dans les Côtes-
du-Nord : sa source est dans le Mené ; le Lié, rivière dont
le cours atteint 60 kil., commence dans la forêt de Lorges :
il passe à gauche de Plœuc, à Pontgamp, au pied delà colline
de Plouguenast, le long de la forêt de Loudéac, baigne la
Chèze et entre ensuite dans le Morbihan. — Le Blavet sort
du coteau de Landevet au S.-O. de Bourbriac ; son
cours, de 150 kil. de long, se dirige vers le S.-S.-E. ;
près de Lanrivain, il disparaît sous terre pendant 400 m.
environ au miUeu de pittoresques rochers nommés Toul-
Goulic ; il reçoit près de Saint-Nicolas-du-Pélem, le Sulon,
à Gouarec, le Doré, puis il rencontre le canal de Nantes à
Brest avec lequel il se confond jusqu'à Pontivy. Au confluent
du Doutas, il s'engage dans une vallée sinueuse, près des
ruines de l'abbaye de Bon-Repos, dominée par des roches
de granit qui atteignent 100 m. Après avoir servi pendant
plusieurs kilomètres de hmite entre les Côtes-du-Nord
(à gauche) et le Morbihan (à droite), le Blavet entre dans le
Morbihan. Le cours du Blavet dans les Côtes-du-Nord est
de 60 kil. Parmi ses affluents, le Doré remplit les étangs de
Glomel, notammcntcelui de Coron, dont les 2,770,000 m. c.
servent de réserve pour l'alimentation du canal de Nantes
à Brest. — L'Aulne ou Aune, petit fleuve de près de 110 kil.,
naît sur la lisière de la forêt de Beffou, près de Lohuec
(cant. de Callac). A 5 ou 6 kil. de sa source il sépare le
territoire des Côtes-du-Nord de celui du Finistère, pendant
une dizaine de kil. Il entre ensuite dans ce dernier dépar-
tement puis se perd dans la rade de Brest. L'Hière ou
Hières, née aussi dans les coteaux du cant. de Callac, n'a
dans les Côtes-du-Nord que la partie supérieure de son cours
de près de 60 kil.
Canaux. — Le dép. des Côtes-du-Nord est traversé
par deux canaux, celui d'Ille-et-Rance et celui de Nantes
à Brest. Le canal dTlle-et-Rance commence à Rennes avec
la Vilaine; il suit ensuite la vallée de Fille, passe à Hédé
dans celle de la Rance et arrive au Châtelier, à 6 kil. de
Dinan : il fait communiquer Rennes et Saint-Malo; son dé-
veloppement est de 84,700 m. : le bief de partage est à
64 m. de haut ; la |iente vers la Vilaine est de 42'^23, vers
la Rance de 62'"70 ; 48 écluses rachètent la pente totale.
Il est alimenté par des étangs dont la capacité est d'environ
5,500,000 m. c. d'eau et par des rigoles de 20 kil. de long.
— Le canal de Nantes à Brest, parti delà Loire à Nantes, se
termine à l'écluse de Châteaulin, sur l'Aulne, qui vient se
jeter dans la rade de Brest. Ce canal passe dans les bassins
de la Vilaine, du Blavet et de l'Aulne. Sa longueur totale
est de 367,636 m.; 235 écluses rachètent la pente totale.
Il est ahmenté parFIsac, FOust, le Blavet et l'Aulne et par
des réservoirs (ceux de Vioreau, Bosméléac, Glomel, Coron,
Bout-du-Bois) d'une contenance de 16 millions de m. c.
Climat. — Le voisinage de la mer adoucit le climat du
département, qui reçoit de l'Océan et de la Manche des
pluies bienfaisantes. Son sol, peu élevé, est moins froid
que celui des pays montagneux, et moins sujet aux varia-
tions brusques de température. Les froids sont peu vifs.
Saint-Brieuc, qui représente la température moyenne des
Côtes-du-Nord, voit rarement le thermomètre se main-
tenir au-dessous de 0. La moyenne annuelle des jours de
glace est de 30, celle des gelées de 42, des jours de neige
de 11 ; on compte dans Fannée 71 jours tout à fait beaux,
195 jours de pluie, mais ces pluies sont assez fines et en
forme de brouillard ; aussi l'eau tombée dans Fannée sur
le sol représente environ 75 centim. : elle est légèrement
au-dessous de la moyenne générale de la France. Le chmat
des Côtes-du-Nord est le climat armoricain ou breton qui
offre le moins d'écart entre ses températures extrêmes de
froid et de chaleur.
Flore et faune naturelles. — On trouve, dans les
forêts des Côtes-du-Nord, le chêne, le hêtre et le bouleau.
Les plus belles forêts sont celles de Lorges (2,676 hect.),
entre Plœuc, Uzel et Quintin; de la Hardouinaie (2, 350 hect.),
traversée par le Mees, au N. de Merdrignac ; celle de Lou-
déac (2,700 hect.), la plus étendue du département; de la
Ilunaudaie et de Saint-Aubin, qui forment entre Lamballe
et Piancoct un seul massif de 2,512 hect. ; celles de Coat-
an-Nay et de Coat-an-Noz (1,300 hect.), séparées par le
ruisseau de Pontmur et situées au S.-E. de Belle-Isle ; de
Befi*on (900 hect.), au N.-O. de Callac, à la frontière
— 5
COTES-DU-NORD
du Finistère ; de Duault (500 hect.) ; la célèbre forêt de
Brocéliande, que tant de légendes ont illustrée. Dans les
landes, on trouve des arbres verts et sur les dunes des
pins maritimes d'une belle croissance ; la douceur du cli-
mat permet aux myrtes et aux figuiers de pousser en
pleine terre; l'arbousier, le houx, le genêt, l'ajonc épineux
sont les principaux arbustes qui poussent dans les Côtes-
du-Nord. Dans les landes, on trouve des plantes sauvages
et aromatiques, fréquentées par de nombreuses abeilles
élevées dans le département.
Les forêts abondent en animaux de tout genre. On y
trouve du gros gibier, des sangliers, des chevreuils, des
cerfs ; des animaux "nuisibles, des loups, des blaireaux,
des renards ; les lièvres, les lapins et tout le menu gibier
sont très abondants. Les oiseaux de mer de tout genre sont
aussi très nombreux. Sur les côtes et dans les îles vivent
des pingouins, des goélands, des grèbes, des eiders, des
cormorans, etc. Les bords de la mer sont très poissonneux
et Ton y récolte d'innombrables mollusques ; le hareng, le
maquereau, la sardine sont péchés en quantités pendant la
saison, et, en tout temps, on trouve des congres, des soles,
des plies, des turbots, des saumons ; les principaux co-
quillages, les poulpes et les crustacés, donnent des pèches
productives.
Histoire depuis 1789. — Le dép. des Côtes-du-Nord
a été formé, en 1790, d'une partie de la province de Bre-
tagne (diocèse de Saint-Brieuc et une partie des diocèses
de Saint-Malo, de Tréguier et de Quimper). La Révolution
divisa profondément les Côtes-du-Nord, pays très breton
et resté en dehors du mouvement, des idées et de la civi-
lisation du xvni® siècle ; il ne prit d'abord qu'une faible
part à la guerre civile, mais fut très troublé à partir de
l'expédition de Quiberon ; c'est sur son territoire que fut
écrasée la troupe du chevalier de Tinteniac, qui s'était re-
vêtue du costume anglais. Le parti royaliste avait trouvé
un soHde appui dans les Côtes-du-Nord, et la chouannerie
désola le pays du côté de Quintin, Lamballe, Moncontour
et Dinan, jusqu'en 1799. Cette guerre civile, signalée par
des épisodes terribles, restés longtemps dans la mémoire
des habitants du pays, reparut au temps de la première
Restauration, mais sans la sauvagerie et la puissance des
premiers temps. Depuis cette époque, ce pays, âpre et
énergique, n'a plus vu sa tranquillité troublée.
Divisions administratives actuelles. — Arrondis-
sements. — Le dép. des Côtes-du-Nord se compose aujour-
d'hui de cinq arrondissements : Dinan, Guingamp, Lannion,
Loudéac, Saint-Brieuc (ch.-L). Voici leurs superficies res-
pectives : Dinan, 141,097 hect.; Guingamp, 173,009 hect.;
Lannion, 90,598 hect.; Loudéac, d 36,652 hect.; Saint-
Brieuc, 147,206 hect.
Cantons. — Les cinq arrondissements des Côtes-du-
Nord sont divisés en quarante-huit cantons, dont dix pour
l'arr. de Dinan, dix pour celui de Guingamp, sept pour
celui de Lannion, neuf pour celui de Loudéac, et douze pour
celui de Saint-Brieuc. La liste de ces cantons est la sui-
vante : Arr, de Dinan: Broons, Canines, Dinan (E.),
Dinan (0.), Evran, Jugon, Matignon, Plancoët, Plélan-le-
Petit, Ploubalay. — Arr, de Guingamp: Bégard, Belle-
Isle-en-Terre, Bourbriac, Callac, Guingamp, Maël-Carhaix,
Plouagat, Pontrieux, Rostrenen, Saint-Nicolas-du-Pélem.
— Arr. de Lannion: Lannion, Lézardrieux, Perros-
Guirec, Plestin, Plouaret, La Roche-Derrien, Tréguier. —
ilrr. de Loudéac: La Chèze, Collinée, Corlay, Goarec,
Loudéac, Merdrignac, Mûr, Plouguenast, Uzel. — Arr. de
Saint-Brieuc : Châtelaudren, Etables, Lamballe, Lan-
vollon, Moncontour, Paimpol, Pléneuf, Plœuc, Plouha,
Quintin, Saint-Brieuc (N.), Saint-Brieuc (S.).
Justice, Police. — Le dép. des Côtes-du-Nord ressortit
à la cour d'appel de Rennes. La ville de Saint-Brieuc est
le siège de la cour d'assises. Il y a cinq tribunaux de pre-
mière instance, c.-à-d. un par arrondissement et deux
tribunaux de commerce (Paimpol et Saint-Brieuc).
Le nombre des justices de paix est de 48, une à chaque
chef- lieu de canton. Le nombre d'agents chargés de
constater les délits était au recensement de 1887 de :
gendarmes, 272 ; commissaires de police, 6 ; agents de
police, 8; gardes champêtres, 64; gardes particuliers
assermentés, 285 ; agents des ponts et chaussées (police de
pêche), 28; douaniers, 318.
Finances. — Pour les contributions indirectes^ il y a
un directeur à Saint-Brieuc, deux sous-directeurs à Dinan
et Guingamp, trois inspecteurs, trois receveurs principaux
entreposeurs à Saint-Brieuc, Dinan, Guingamp, deux rece-
veurs entreposeurs à Lannion et Loudéac. Le service des
contributions directes comporte un directeur et un ins-
pecteur. Il y a un trésorier-payeur général à Saint-Brieuc,
deux receveurs particuhers à Dinan et Loudéac et cinq per-
cepteurs. Veîiregistrement, les domaines et le timbre
ont un directeur, un inspecteur à Saint-Brieuc, cinq sous-
inspecteurs n'ayant pas de résidence fixe, cinq conserva-
teurs des hypothèques.
Instruction publique. — Le département relève de
l'académie de Rennes. Il y a un lycée à Saint-Brieuc et
des collèges communaux à Dinan et Lannion. Il y a une
école normale d'instituteurs et une école normale d'insti-
tutrices à Saint-Brieuc.
Cultes. — Le culte catholique a un évêché à Saint-
Brieuc suffragant de la métropole de Rennes. Le diocèse
possède 12 cures de première classe, 36 de seconde classe,
354 succursales et 393 vicariats. Il y a deux vicaires géné-
raux. Le culte réformé ne compte dans les Côtes-du-Nord
aucune église consistoriaïe. Les habitants du département
sont en presque totalité catholiques et l'on n'y conlpte
guère plus de 400 protestants.
Armée et divers. — Le département forme la 37^ sub-
division de la 16'- division militaire du dO^ corps d'ar-
mée qui se trouve à Rennes. Il appartient à la 10^ légion
de gendarmerie, à la 12° inspection des ponts et chaus-
sées, à Farrondissement minéralogique de Rennes (division
du N.-O), à la 2^ région agricole (0.).
Démographie. — Mouvement de la population. Le
recensement de 1886 a constaté dans le dép. des Côtes-
du-Nord une population totale de 628,256 hab. Voici
depuis le commencement du siècle les chiffres donnés par
les recensements précédents :
1801.
1806.
1821.
1826.
1831 .
1836.
1841.
1846.
1851.
1856.
1861.
1866.
1872.
1876.
1881.
504.303
516.428
552.424
581.684
598.872
605.563
607.572
628.526
632.613
621.573
628.676
641.210
622.295
630.957
627.585
Si l'on compare les dénombrements de 1801 et de 1886,
de façon à voir la variation de la population au cours de
ce siècle, on constate que l'augmentation est de 123,953
hab. La superficie du dép. étant de 688,562 hect., la
densité de la population qui était en 1801 de 73,5 était
en 1886 de 91,5, l'augmentation du nombre des habitants
par kil. q. était donc de 18,3.
Si l'on examine la période quinquennale qui sépare les
deux derniers dénombrements, au point de vue de la va-
riation par nature de population, on constate gue la popu-
lation au 31 déc. 1881 se divisait ainsi : urbaine,
67,182; rurale, 560,403; totale, 627,585 et en 1886 :
urbaine, 66,018; rurale 562,238; totale, 628,256.
La population urbaine est donc restée à peu près station-
COTES-DU-NORD
-- 6 —
naire; elle a même dimiuué de 4,464 hab., tandis que la
population rurale augmentait de 1,835 hab. C'est là un
fait relativement exceptionnel dans les départements fran-
çais, le mouvement de la population tendant plutôt à se
porter sur les villes que sur les campagnes.
La population des chefs-lieux d'arrondissement se décom-
pose ainsi :
POPULATION
Dinan
Guingamp
Lannion
Loudéac
St-Brieue
Totale
10.105
1.844
401
7.860
8.744
1.883
6.861
6.205
467
312
5.426
5.899
76
3.568
2.165
19.240
3.359
2.951
12.980
Comptée à part.
Eparse ,. . . .
Agglomérée
Les Côtes-du-Nord sont au nombre des départements
dont la population municipale agglomérée, comptée nomi-
nativement (174,956 hab.), est inférieure à la population
éparse (441,032 hab.). Le département compte parmi
ceux, très nombreux en France, oti la population ru-
rale (562,238 hab.), emporte sur la population urbaine
(66,018 hab.). La population urbaine représente donc la
9^^ à 10^ partie de la population totale.
Yoici les chiiïres de la population par arrondissements,
d'après les cinq derniers dénombrements :
ARRONDISSEMENTS
1866
1872
1876
1881
1886
120.170
128.190
118.097
91.296
183.257
641.210
117.450
124.538
115.464
88.635
176.208
622.295
120.598
128.709
115.371
89.671
176.608
630.957
123.001
127.788
110.418
88.892
177.486
627".585
122.374
129.876
109.428
89.605
177.473
Guingamp
Lannion
Loudéac
Saint-Brieuc...
Totaux
628.256
De 1866 à 1886 le dép. des Côtes-du-Nord a perdu
12,954 hab. ; cette diminution a porté sur les arr. de
Lannion, Loudéac et Saint-Brieuc. En 1886, la population
spécifique du dép. était de 91,5 hab. au kil. q., résultat
qui se décomposait ainsi : 120,5 hab. pour l'arr. de Saint-
Brieuc; 86,8 hab. pour celui de Dinan; 121 hab. pour
celui de Lannion; 65,6 hab. pour celui de Loudéac;
75 hab. pour celui de Guingamp.
La répartition des communes, d'après l'importance de
la population, a donné en 1886 pour les 389 corn, du
département : 0 com. de 100 hab. et au-dessous ; 1 com.
de 101 à 200 hab.; 3 com. de 201 à 300 hab»; 17 com.
de 301 à 400 hab.; 11 com. de 401 à 500 hab.; 114 com.
de 501 à 1,000 hab.; 82 com. de 1,001 à 1,500 hab.
62 com. de 1501 à 2,000 hab.; 32 com. de 2,001 à
2,500 hab.; 24 com. de 2,501 à 3,000 hab.; 20 com. de
3,001 à 3,500 hab.; 6 com. de 3,501 à 4,000 hab.;
11 com. de 4,001 à 5,000 hab.; 4 com. de 5,001 à
10,001 hab.; 2 de 10,001 à 20,000 hab.; 0 de 20,001
et au-dessus.
Voici par arrondissements et par cantons la liste des
communes dont la population totale en 1886 dépassait
1,000 hab. :
Arrondissement de Dinan (10 cant.; 91 com.; 122,374
hab.; 141,097 hect.). — Cant. de Broons (9 com.;
15,693 hab.; 22,677 hect.) : Broons, 2,733 hab. ; Eréac,
1,502 hab.; Lanrelas, 1,902 hab.; Mégrit, 1,416 hab. ;
Sévignac, 3,014 hab.; Trémeur, 1,154 hab.; Yvignac,
2,155 hab. Cant, de Caulnes (8 com. ; 9,588 hab. ;
13,670 hect.) : Caulnes, 2,377 hab.; Guitté, 1,005 hab.;
Plumaudan, 1,330 hab.; Plumaugat, 2,638 hab. Cant, de
Dinan (E.) (8 com. ; 15,833 hab. ; 6,951 hect.) : Dinan,
6,148 hab.; Lanvallav, 1,361 hab.; Léhon, 1,288 hab.,
Picudihen, 3,696 hab.; Saint-Helen, 1,468 hsih. Cant. de
Dinan (0.) (13 com.; 16,206 hab.; 12,627 hect.) :
Dinan, 3,957 hab.; Flouer, 3,582 hab.; Quévert, 1,334
hab,; Taden, 1,464 hab. Cant. d'Evran (7 com.;
d 0,372 hab.; 11 ,996 hect.) : Évran, 4,080 hab,; Plouasne,
2,674 hab.; Saint-Juvat, 1,396 hab.; Cant, de Jugon
(8 com.; 12,210 hab.; 19,658 hect) : Plédéliac, 2,255
hab. ; Plénée- Jugon, 4,089 hab. ; Plestan, 2,045 hab.
Cant. de Matignon (12 com.; 14,258 hab.; 19,593
hect.) : Hénanbihen, 1,922 hab.; Hénansal, 1,356 hab.;
Matignon, 1,545 hab. ; Notre-Dame-du-Guiido, 1,011
hab.; Pléboulle, 1,097 hab.; Pléhérel,- 1,075 hab.;
Plévenon, 1,188 hab.; Saint-Cast, 1,553 hab.; Saint-
Pôtan, 1,230 hab. Cant. de Plancoët (10 com.;
14,040 hab.; 17,150 hect.) : Bourseul, 1,561 hab.; Cor-
seul, 3,294 hab.; Créhen, 1,708 hab.; Languenan, 1,131
hab.; Plancoët, 2,242 hab.; Pluduno,' 1,893 hab.
Cant. de Plélan-le-Pelit (9 com.; 5,582 hab.; 8,529
hect.) : Plélan-le-Petit, 1,309 hab. Cant. de Pion--
balay (8 com.; 8,592 hab.; 8,247 hect.) : Pieslin,
1,459 hab.; Ploubalay, 2,455 hab.; Saint-Jacut-de-la-Mer,
1,074 hab.; Trigavou, 1,136 hab.
Arrondissement de Guingamp (10 cant.; 77 com.;
129,376 hab.; 173,009 hect.). — Cant. de Bégard
(7 com.; 11,374 hab.; 10,102 hect.) : Bégard, 4^,713
hab.; Pédernec, 3,066 hab.; Squiffiec, l,017"hab. Cant.
de Belle-Isle-en-Terre (7 com.; 13,916 hab.; 17,244
hect.) : Belle-Isle-en-Terre, 1,945 hab.; La Chapelle-Neuve,
1,472 hab.; Gurunhuel, 1,508 hab.; Louargat, 4,416
hab.; Plougonver, 2,636 hab.; Tréglamus, 1,511 hab.
Cant. deBourhriac (7 com.; 10,597 hab.; 17,2721iect.) :
Bourbriac, 4,346 hab.; Plésidy, 1,599 hab.;Pont-Melvez,
1,788 hab. Cant, de Callac (Il com.; 17,752 hab.;
29,347 hect.) : Buîat-Pestivien, 1,747 hab.; Calanhel,
1,127 hab.; Callac, 3,372 hab.; Carnoët, 2,202 hab.;
Duault, 1,430 hab,; Lohuec, 1,079 hab.; Maël-Pestivien,
1,632 hab.; Plourach, 1,547 hab.; Plusquellec, 1,597
hab.; Saint-Servais , 1,405 hab. Cant.de Guingamp
(8 com.; 18,036 hab.; 11,956 hect.) : Grâces, 1,383
hab.; Guingamp, 8,744 hab.; Moustérus, 1,243 hab.;
Plouisy, 1,791 hab.; Ploumagoar, 2,236 hab.; Saint-
Agathon, 1,125 hab. Cant. de Maël-Carhaix (8 com.;
9,665 hab.; 18,630 hect.) : Locarn, 1,673 hab.; Maèl-
Carhaix, 2,364 hab.; Paule, 1,497 hab.; Plévin, 1,316
hab.; Trébrivan, 1,231 hab. Cant. de Plouagat (7 com.;
8,902 hab.; 13,019 hect.) : Goudelin, 2,211 hab.; Lan-
rodec, 1,698 hab.; Plouagat, 2,170 hab. Cant. de
Pontrieux (8 com.; 13,414 hab.; 10,558 hect.) : Ploëzal,
2,812 hab.; Plouëc, 2,070 hab.; Pontrieux, 2,236 hab.;
Quemper-Guézennec, 2,328 hab.; Saint-Cîet, 1,675 hab.
Cant. deRostrenen (6 com.; 14,958 hab.; 25,759 hect.):
Glomel, 3,692 hab.; Kergrist-Moëlou, 2,503 hab.; Plou-
guernével, 3,494 hab.; Plounévez-()uintin, 2,549 hab.;
Bostrenen, 2,162 hab. Cant.de Saint-Nicolas-du-Pélem
(8 com.; 10,762 hab.; 19,123 hect.); Canihuel, 1,588
hab.; Kerpert, 1,190 hab.; Lanrivain, 1,594 hab.; Saint-
Gilles-Phgeaux , 1,221 hab.; Saint-Nicolas-du-Pélem,
2,886 hab.
Arrondissement de Lannion (7 cant.; 65 com.; 109,428
hab.; 90,598 hect.). — Cant. de Lannion (9 com.;
17,334 hab.; 10,719 hect.) : Brélévenez, 1,738 hab.;
Lannion, 6,205 hab.; Ploubezre, 3,129 hab. ; Ploulech,
1,143 hab.; Rospez, 1,504 hab.; Servel, 1,747 hab.
Ca7ît. de LézardneuxÇl com.; 13,078 hab.; 9,239 hect.):
Lézardricux, 1,991 hab.; Pleubian, 3,468 hab,; Pleuda-
niel, 2,205 hab. ; Pleumeur-Gautier, 2,390 hab. ; Tré-
darzec, 1,512 hab. Cant. de Perros-Guirec (9 com.;
13,806 hab.; 10,222 hect.) î Louannec, 1,526 hab.;
Perros-Guirec, 2,713 hab.; Pleumeur-Bodou, 3,011 hab. ;
Trebeurden, 1,844 hab.; Trégastel, 1,141 hab.; Trélé-
vern, 1,065 hab.; Trévou-Tréguignec, 1,034 hab. Ca^it,
de Plestin (9 com.; 15,187 hab.; 14,480 hect.) : Lan-
vellec, 1,741 hab.'; Plestin, 4,195 hab.; Ploumilhau,
3,531 hab, ; Plufur, 1,651 hab. ; Trédrez, 1,178 hab. ;
Trémel, 1,094 hab. Cant. de Ploiiaret (9 com.; 21,196
hab. ; 24,976 hect.) : Loguivy-Plougras, 3,177 hab. ;
COTES-DU-NORD
Plouaret, 3,396 hab.; Plougras, 1,322 hab.; Plounérin,
1,749 hab.; Plounévez-Moëdec, 3,303 hab.; Pluzunet,
2,3To hab.; Tonquédec, 4, 840 hab.; Trégrom, l,475hab.;
Le Vieux-Marché, 2,589 hab. Cant. de La Roche-Derrien
(12 corn.; 11,533 hab.; 9,489 hect.) : CaYan,l,65{}hab.;
Pommerit, 2,266 hab.; Prat, 2,111 hab.; La Roche-
Derrien, 1,426 hab. Cant. de Tréguier (10 corn.; 17,294
hab.; 11,474 hect.) : Camlez, 1,148 hab.; Langoat,
2,047 hab.; Minihy-Tréguier, 1,516 hab.; Penvénan,
3,167 hab.; Plougrescant, 2,134 hab.; Plouguiel, 2,271
hab.; Tréguier, 3,193 hab.
Arrondissement be Loudéâc (9 cant.; 60com.; 89,605
hab. ; 136,652 hect.). — Cant. de La Chèze (9 corn. ;
11,724 hab.; 18,878 hect.) : Le Cambout, 1,038 hab.;
Plémet, 3,672 hab.; Phimieux, 1,703 hab.; La Prénessaye,
1,607 hab.; Saint-Barnabe, 1,058 hab. Cant. de Collinée
(6 corn.; 7,992 hab., ld,128 hect.) : Le Gouray, 2,045
hab.; Langourla, 1,548 hab.; Saint-Gouéno, 1,538 hab.;
Saint- Jacut-du-Mené, 1 ,349 hab. Cant. de Corlay (5 com.;
6,967 hab.; 11,221 hect.) : Corlay, 1,525 hab.; Le
Haut-Corlay, 1,135 hab.; Phissuiien, 1,429 hab.; Saint-
Martin-des-Prés, 1,274 hab.; Saint-Mayeux, 1,604 hab.
Cant. de Goarec (8 com.; 8,120 hab.; 14,169 hect.) :
Laniscat, 4,565 hab.; Mellionnec, 1,200 hab.; Plélauff,
1,430 hab. Cant. de Loudéac (6 com.; 13,823 hab.;
19,248 hect.) : Loudéac, 5,899 hab. ; La Motte, 3,195
hab.; Saint-Caradec, 1 ,651 hab.; Trévé, 2,067 hab. Cant.
de Merdrignac (9 com.; 13,158 hab.; 24,802 hect.) :
Gommené, d,265 hab.; Illifaut, 1,382 hab.; Laurenan,
1,541 hab.; Le Loscouët, 1,215 hab.; Merdrignac, 3,292
hab.; Saint-Vran, 1,544 hab.; Trémorel, 1,599 hab. Cant.
de Mûr (5 com.; 6,158 hab.; 9,366 hect.) : Mûr, 2,528
hab.; Saint-Guen, 1,048 hab. Cant. de Plougiienast
(5 com.; 12,521 hab.; 16,253 hect.) : Gausson, 1,692 hab.;
Langast, 1,355 hab.; Plémy, 2,944 hab.; Plessala, 3,302
hab.; Plouguenast, 3,228 hab. Cant. d'Uzel (7 com.;
9,142 hab.; 11,589 hect.) : AlHneuc, 1,677 hab.; Grâce,
1,103 hab.; Merléac, 1,586 hab.; Le Quilho, 1,274 hab.;
Saint-Thélo, 4,168 hab.; Uzel, 1,521 hab.
Arrondissement de Sâint-Brieug (12 cant.; 96 com.;
177,473 hab.; 147,206 hect.). — Cant. de Châte-
laudren (8 com.; 11,049 hab.; 12,892 hect.) : Boqueho,
1,428 hab.; Châtelaudren , 1,443 hab.; Plélo, 3,700
hab.; Plouvara, 1,485 hab.: Trégomeur, 1,040 hab.
Cant. d'Etables (6 com.; 11,457 hab.; 5,632 hect.):
Binic,2,379 hab. ;Etables, 2,379 hab,; Lantic, 1,287 hab.;
Plourhan, 2,038 hab.; Saint-Quay, 2,648 hab. Cant.de
Lamballe (15 com.; 16,087 hab.; 16,127 hect.): Lam-
balle, 4,429 hab.; Landehen, 4,027 hab.; Maroué, 2,158
hab.; Pommeret, 1,378 hab.; Saint-Aaron, 1,101 hab.
Cant. deLanvollon(ii com.; 12,867 hab.; 11, 582 hect.) :
Gommenech, 1,311 hab.; Lanvolion, 1,484 hab.; Le
Merzer, 1,100 hab., Pléguien, 1,733 hab.; Pommerit-le-
Vicomte, 2,806 hab. Cant. de Moncontour (10 com.;
14,980 hab.; 18,363 hect.) : Bréhand, 1,940 hab.; Hénon,
2,959 hab.; Moncontour, 1,359 hab.; Quessoy, 2,857 hab.,
Saint-Carreuc, 1,227 hab.; Trébry, 1,543 hab.; Tréda-
niel, 1,063 hab. Cant. de Paimpol (9 com.; 20,315 hab.;
11,522 hect.) : Brchat (ile de), 1,086 hab.; Kérity,
2,312hab.;Paimpol, 2,211 hab.:Pioubazlanec, 3,383 hab.;
Plouézec, 4,715hab.;Plounez, l,912hab.;Plourivo, 2,571
hab.; Yvias, 1,341 hab. Cant. de Pléneuf (5 com. ;
10,119 hab.; 12,718 hect.) : Erquy, 2,708 hab.; Plan-
guenoual, 1,936 hab.; Pléneuf, 2,317 hab.; Plurien,
4,516 hab.; Saint-Alban, 1,642 hab. Cant. de Plœue
(6 com.; 12,193 hab.; 15.851 hect.) : L'Hermitage, 1,069
hab.; Laufains, 1,753 hab.; Plaintel, 2,790 hab.; Plœuc,
4,875 hab. Cant. de Plouha (5 com.; 8,537 hab.;
6,618 hect.) : Pléhédel, 1,760 hab.; Plouha, 4,802 hab.;
Pludual, 1,127 hab. Cant. de Quintin (8 com.; 11,773
hab.; 11,803 hect.) : Le Fœil, 1,696 hab.; Plaine-Haute,
1,518 hab.; Quintin, 3,319 hab.; Saint-Brandan, 2,540
hab.; Le Vieux-Bourg, 1,366 hab. Cant. de Saint-Brieuc
(N.) (6 com.; 21,002 hab.; 11,680 hect.) : Plérin,
5,466 hab.; Ploufragan, 2,793 hab.; Pordic, 4,447 hab.;
Saint-Brieuc, 6,805 hab. Cant. de Saint-Brieuc (S.)
(8 com.; 27,094 hab.; 12,907 hect.) : Hillion, 2,666 hab.;
Langueux, 2,855 hab.; Plédran, 3,390 hab,; Saint-Brieuc,
12,435 hab.; Saint-Donan, 1,615 hab., Trégueux, 1,306
hab.; Yffiniac, 2,084 hab.
Etat des personnes. — D'après le lieu de naissance.
— Sur les 614,837 hab. présents dans les Côtes-du-Nord
lors du dernier recensement, on comptait 444,872 hab.
nés dans la commune qu'ils habitent ; 147,333 hab. nés
dans une autre commune que celle du département qu'ils
habitent ; 22,071 hab. nés dans un autre département ou
dans une colonie ; 561 hab. nés à l'étranger. Il ne s'y trouve
qu'un nombre peu considérable de personnes de nationalité
étrangère, 489 seulement dont 337 Anglais.
D'après le sexe : 293,506 individus du sexe masculin
et 321,331 individus du sexe féminin. On comptait au
recensement de 1886, 383,618 célibataires des deux
sexes ; 186,737 personnes mariées ; 44,436 veufs ou
veuves ; 36 divorcés des deux sexes.
D'après la profession: La population des Côtes-du-Nord
se décompose par professions de la manière suivante :
439,618 personnes sont classées parmi les agriculteurs ou
travailleurs; 49,060 s'adonnent à l'industrie; 53,288 au
commerce; 24,643 sont affectées au transport; 5,829 sont
représentants de la force publique ; 6,463 appartiennent à
l'administration ; 9,509 personnes s'adonnent aux pro-
fessions dites libérales ; 17,228 vivent exclusivement de
leurs revenus ; 9,199 sont classées sous la dénomination :
sans profession ou profession inconnue.
Etat économique du département. — Propriété.
— L'enquête spéciale faite par les contributions directes
en 1884, a relevé 197,587 propriétés imposables dans le
dép. des Côtes-du-Nord, savoir : 175,216 appartenant à la
petite propriété ; 20,962 appartenant à la moyenne ; et
1,349 appaitenant à la grande.
Les biens qui dominent dans la petite propriété sont
ceux de 50 ares à 1 hect. (32,511); puis ceux de 0 à 10 ares
(32,419) et de 20 à 50 ares (32,098). Dans la pro-
priété moyenne, les biens de 10 à 20 hect. sont les plus
nombreux (7,570) ; puis viennent ceux de 7 à 8 hect.
(2,564) ; la grande propriété comprend 606 domaines de
50 à 75 hect. ; 269 de 75 à 100 hect. ; 329 de 100 à
200 hect. ; 145 au-dessus de 200 hect. Au point de vue
de la superficie, la petite propriété couvre 198,940 hect.,
la moyenne, 298,906 hect., la grande, 159,974 hect., soit
en tout 657,820 hect. La catégorie qui occupe la plus grande
superficie est la propriété moyenne de 10 à 20 hect.
(105,425 hect.) ; puis, de 20 à 30 hect. (59,672 hect.) ; puis
vient la grande propriété au-dessus de 200 hect. (54,071
hect.). On voit que l'étendue de la grande propriété n'est
guère que le quart de l'étendue de la propriété totale.
Agriculture. — Le dép. des Côtes-du-Nord comprend deux
régions différentes : la région littorale riche et bien culti-
vée, et la région de l'intérieur, qui est beaucoup plus
sauvage. Dans la première, les engrais sont abondants ; le
varech et le goémon se récoltent à marée basse ; les sables
calcaires de diverses communes maritimes ou fluviales,
telles que Saint-Juvat et Trédrez, fournissent d'excellents
amendements. Certains points de la côte jouissent d'une
fertilité et d'une douceur de climat exceptionnelles : telle
est, en particulier, la com. de Kérity, ou poussent sur la
plage des mûriers et des figuiers gigantesques.
Le tableau en tête de la page suivante montre la super-
ficie occupée par les diverses cultures avec leurs rendements
pour l'année 1888.
On comptait dans le département au 31 déc. 1888
commetête d'animaux: 96, 000, chevaux, 115 mulets, ^,500
ânes, 331, 000 bœufs, taureaux, vaches et génisses, 82,500
moutons, 150,000 porcs, 4,500 chèvres. Les produits de
ces animaux s'élevaient à 2,000 quintaux de laine et
1,900,000 liectol. de lait. Les ruches d'abeilles étaient au
CÔTES-DU-NORD
nombre de 65,000 ; leur production en miel s'élevait à
550,000 kilogr. et leur production en cire à200,000kilogr.
CULTURES
SUPERFICIE
RENDEMENT
Froment
hectares
93.000
27.000
9.500
20.000
59.000
80.000
24.000
6.000
2.500
4.000
27.000
2. 000
61.000
hectolitres
1.427.500
467.100
146.400
360.000
1.180.000
1.864.000
quintaux
1.680.000
1.620.000
15.000
12.000
1.323.000
90.000
2.135.000
Seigle
Méteil
Orge
Sarrasin
A-Voine.
Pommes de terre
Betteraves four-
ragères
Chanvre
Lin
Trèfle
Luzerne
Prés naturels
Industrie. — En 1887, il y avait dans le dép. des
Côtes-du-Nord 278 établissements industriels faisant usage
d'appareils à vapeur. Ces appareils, au nombre de 302
(non compris les appareils de chemins de fer et ceux des
bateaux), d'une force totale de 2,175 chevaux-vapeur, se
divisent ainsi :
42 machines fixes d'une force de. 860 chevaux- vapeur.
51 — mi-fixes — 342 —
206 — locomobiles — 808 —
Cette force se répartissait de la manière suivante entre
les principaux groupes industriels :
Mines et carrières 80 chevaux-vapeur.
Usines métalliques 351 —
Agriculture 829 —
Industries alimentaires 404 —
Industries chimiques et tanneries . . 3 —
Tissus et vêtements 76 —
Papiers, objets mobiliers, instru-
ments 1 92 —
Bâtiments et travaux 240 —
La quantité de combustibles minéraux consommés a été
de 66,300 tonnes représentant une valeur de 4,657,500
fr. en 1885.
Il n'existe qu'une seule mine de fer, c'est celle du Pas
et du Bas- Vallon (corn, de l'Hermitage), dont le minerai
est utilisé par le haut fourneau du Pas.
Autour de Saint-Brieuc s'exploitent des carrières d'un
beau granit blea, blanc, gris et noir, qui a été employé
pour la construction de tous les édifices de Saint-Brieuc, et
qu'on expédie à Paris et dans d'autres grandes villes où il
sert pour les trottoirs. Autour d'Erquy sont des grès roses
très propres au pavage. On trouve encore des carrières de
pierre detailleà Moncontour, Hinglé, Plouha et à Saint-Cast,
village connu par ses pierres plates. Caurel, Mûr, Quitté et
La Roche-Derrien ont des carrières d'ardoises. Le hameau
de Vaublanc (com. de Plémet) extrait du kaolin et une
quantité considérable de terres et sables réfractaires pour
hauts fourneaux, cubilots et creusets.
L'industrie métallurgique est représentée par les forges
du Bourg, des Hôpitaux, de Langourian et de la Couture
(com. d'Erquy), de Broons, de la Hardouinaie (com. de
Merdrignac), des Salles (com. de Perret) et du Vaublanc;
par le haut fourneau du Pas, qui fabrique des poteries très
recherchées en Bretagne ; la fonderie de fonte de Saint-
Brieuc ; les fabriques d'instruments agricoles de Dinan,
Lannion, LanvoUon et Saint-Brieuc ; les clouteries de
Broons, Dinan et Gouarec.
Il y a des scieries mécaniques à Saint-Brieuc, Lannion,
Tréguier, etc. ; des tanneries ou mégisseries à Dinan, Guin-
gamp, Laniballe ; des papeteries à Saint-Brieuc, Châte-
laudrcn ; des minoteries à Caulnes, Quévert, Dinan, Guin-
gamp, Kerglas ; des chantiers de construction de navires à
Paimpol, Saint-Quay, Perros-Guirec, Tréguier; des cor-
deries pour la marine dans un grand nombre de ports.
Mais les plus importantes industries de la région sonf la
grande pecheetlafabricationdestoiles.il y a vingt-six ports
sur les côtes du département, dont les principaux, ceux du
Légué, de Paimpol, Binic et Dahouct, arment des navires
d'assez fort tonnage. La plupart de ces vaisseaux s'en vont
pêcher la morue sur les côtes d'Islande et de Terre-Neuve.
Les ports du Légué et de Paimpol arment à eux seuls pour
cette pêche environ quatre-vingt-dix navires. Les bateaux
partent le dimanche le plus rapproché de la première
grande marée du mois de mai. Ce dimanche, dans la seule
rade de Portrieux, où se donnent rendez-vous chaque an-
née les navires de la baie de Saint-Brieuc, quatre mille
marins se trouvent réunis.
La fabrication des toiles dites toiles de Bretagne (2,000
métiers à bras), bien que moins florissante que jadis, est
encore considérable dans l'arr. de Loudéac, où les villes
de Loudéac et d'Uzel sont, avec Quintin dans l'arr. de Saint-
Brieuc, les principaux centres de cette industrie. A Quintin,
le tissage des toiles occupe encore plus de trois cents tis-
serands, qui fabriquent du linge ouvré de grande valeur.
Les toiles de ménage de Dinan sont justement réputées :
c'est également dans cette ville que sont les manufactures
de toiles à voiles et de toiles de Combourg pour les hôpi-
taux et les prisons.
L'industrie linière est assez développée dans le cant. de
Lanvollon : le teillage manuel du lin s'est introduit dans
nombre de villages ; la filasse, bien que préparée d'après des
procédés un peu anciens, lutte pourtant de qualité avec les
lins de la Flandre.
Commerce et circulation. — Le commerce des Côtes-du-
Nord est fondé : 1^ Sur V exportation des gibiers, du
poisson, dont on expédie à Paris de grandes quantités ;
des huîtres; de la cire, du miel, du cidre, etc. Le dépar-
tement fournit des chevaux pour la remonte de la cavalerie,
des bœufs, dont un certain nombre sont transportés en
Angleterre. Enfin il envoie dans le Nord le lin teille et les
toiles renommées dites de Bretagne. 2^ Sur Vimportation
des vins et eaux-de-vie, des savons, des épices et denrées
coloniales, des fers, des planches, des bois, de la houille,
des articles de nouveautés, etc.
Les 26 bureaux de poste ^ les 17 bureaux télégra-
phiques et les 55 bureaux mixtes de postes et télé-
graphes des Côtes-du-Nord ont produit, en 1887,
663,882 fr. pour le mouvement postal. Les 55 bureaux
télégraphiques mixtes ont versé au Trésor un produit
net de 109,867 fr., pour les dépêches seules. Sur les 479
kil. de routes nationales il a circulé quotidiennement
164 coUiers; les dépenses d'entretien se sont élevés à
228,100 fr. La longueur des chemins vicinaux était de
7,220 kil., savoir : chemins de grande communication,
2,136 kil.; chemin d'intérêt commun, 1,510 kil.; che-
mins ordinaires, 3,574 kil.
Le réseau ferré des Côtes-du-Nord se compose de six
lignes de chemin de fer d'une longueur totale de 263 kil.
Ce sont : le chemin de fer de Paris à Brest qui sort du
dép. d'Ille-et- Vilaine et passe dans celui des Côtes-du-
Nord à 3 kil. environ en deçà de la gare de Caulnes ; il passe
à Broons, Plénée-Jugon, Lamballe, Yffmiac, Saint-Brieuc,
Plouvara-Plerneuf, Châtelaudren, Guingamp, Belle-Isle-
Bégard, Plouaret et Plounérin, et entre dans le Finistère.
Son parcours est de 124 kil. ; celui de Saint-Brieuc à
Pontivy qui dessert Saint-Julien, Plaintel, Quintin, Le
Pas, Le Plœuc-rHermitage, Uzel, La Motte et Loudéac,
puis entre dans le Morbihan après un parcours de 55 kil. ;
le chemin de fer de Dol à Lamballe qui dessert Pleudihen,
La Hisse, Dinan, Corseul, Plancoet, Landebia et Lamballe
et a un parcours de 56 kil. environ; l'embranchement
de Plouaret à Lannion avec une station intermédiaire, celle
de Kérauzern, n'a que 17 kil. de long; l'embranche-
ment de Miniac à La Gouesnière-Cancale qui ne passe dans
les Côtes-du-Nord, que pendant 1 kil. ; la ligne de Dinan
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GOTES-DU-NORD — COTHURNIA
à Dinard, qui passe à Saînt-Samson et Plesthi-Plouer; son
parcours est de 10 kil. dans le dép. des Côtes-du-Nord.
Finances. — En 1887 le dép. des Côtes-du-Nord a fourni
20,126,456 fr. au budget ordinaire et 2,580,290 fr. au
budget sur ressources spéciales. Ces chiffres se décom-
posent comme suit : impôts directs, 3,163,797 fr;; domaines
et forêts, 1 03,273 fr.; enregistrement, 4,060,632 fr.; tim-
bre, 658,497 fr.; contributions indirectes, 5,661,045 fr.;
sucres, 5,766 fr.; monopoles et exploitations industrielles
de l'Etat, 6,051,272 fr.; impôt de 3 «/o sur le revenu
des valeurs mobilières, 18,649 fr.; recettes d'ordre,
207,658 fr.; produits divers du budget, ressources spé-
ciales, 195,867 fr. Les revenus départementaux ont
été, en 1887, de 1,613,945 fr., se décomposant ainsi:
produits des centimes départementaux, 1,344,682 fr.;
subventions de l'Etat, des communes, des particuliers,
269,163 fr.; revenus extraordinaires, produit des em-
prunts, aliénation de propriétés, 100 fr.; il y a eu 28 centim.
portant sur les quatre contributions, dont 12 ordinaires,
16 extraordinaires ; la valeur du centime portant sur les
contributions foncières, la contribution personnelle-mobilière
et les bois de l'Etat était de 23,399 fr.; le produit du
centime départemental était de 23,025 fr. Les 389 com-
munes du département avaient, en 1888, un revenu annuel
de 897,887 fr.; le nombre de centimes pour dépenses,
tant ordinaires qu'extraordinaires, était de 10,836 ; le
nombre moyen des centimes par communes est de 28.
Il y avait 56 communes imposées de moins de 15 cent.;
200 de 15 à 30 cent.; 116 de 31 à 50 cent.; 17 de 51
à 100 cent. Le nombre des communes à octroi était de
25, le produit des octrois montait à 524,280 fr. détaxes
ordinaires et 80,36 fr. de taxes extraordinaires et surtaxes.
Etat intellectuel du département. — Au point
de vue de l'instruction, les Côtes-du-Nord sont un des
départements les plus arriérés de France. En 1888, sur
5,650 jeunes gens inscrits sur les listes du tirage et exa-
minés, 1,319 étaient tout à fait illettrés, ce qui place ce
département au 85® rang parmi les 90 départements
français (y compris les départements algériens). Le dépar-
tement comptait, durant l'année scolaire 1889-1890,
22 écoles maternelles publiques ( 6 laïques, 16 congréga-
nistes), qui recevaient 3,854 élèves (1,939 garçons et
1,915 filles), plus 20 écoles libres (toutes congréganistes)
qui recevaient 5,733 élèves (2,744 garçons et 2,989 filles).
A la même époque il y avait 772 écoles primaires publi-
ques (508 laïques et 264 congréganistes) qui recevaient
78,327 élèves (43,335garçons et 34,992 fdles). L'école nor-
male d'instituteurs du département comptait en 1889-1890,
74 élèves-maîtres, et celle d'institutrices, 47 élèves-maî-
tresses. En outre, il y avait trois cours d'adultes hommes
aveec 85 auditeurs, mais il n'y avait pas de cours d'adultes
femmes. En 1889, il y eut 3,425 candidats tant garçons
que filles, au certificat d'études primaires élémentaires ;
2,159 certificats furent obtenus; 13 candidats au certificat
supérieur obtinrent 12 brevets. L'instruction élémentaire
était facilitée par 1,224 bibliothèques populaires qui con-
tenaient 18,157 livres de lecture et qui firent en 1889
20,002 prêts ; 39 bibUothèques pédagogiques avec 13,304
volumes ; 53 caisses d'épargne scolaires, avec 1 ,183 livrets,
représentant une somme totale de 10,317 fr. ; 14 caisses
des écoles fonctionnaient et avaient encaissé à la fin de
l'exercice annuel, 55 fr. La société de secours mutuels des
instituteurs et institutrices du département comprenait
432 sociétaires ; elle avait un actif de 71,8^16 fr. Le total
des ressources applicables aux traitements, indemnités et
allocations constituant des dépenses obligatoires de l'ensei-
gnement primaire monta, en 1888, à 1,327,694 fr. L'en-
seignement secondaire se donnait, en 1888-89, dans 1 lycée,
comptant 276 élèves, et 4 collèges communaux, comptant
644 élèves.
Etat moral du département. — La statistique judi-
ciaire de 1887 accuse 35 condamnations en cours d'assises,
dont 15 pour crimes contre les personnes. Les 5 tribunaux
correctionnels examinèrent 1,210 affaires et 1,496 préve-
nus, dont 58 furent acquittés et 493 condamnés seulement
à des amendes. On a compté 16 récidivistes devant la cour
d'assises et 533 en police correctionnelle ; il y eut 2,543
contraventions de simple police. Le nombre des suicidés
s'éleva à 50. Les bureaux de bienfaisance, au nombre de 97
en 1887, secoururent 17,704 personnes; leurs recettes
s'élevèrent à la somme de 128,533 fr., dont 68,048 fr.
provenaient de leurs revenus propres, 23,464 fr. des sub-
ventions de la commune et 5,000 fr. des subventions
extraordinaires ; 1,247 fr. des droits de pauvres ; 12,422 fr.
des quêtes, troncs, souscriptions, etc.; 6,640 fr. des dons
et legs, 11,712 fr. des autres recettes. Les dépenses se
sont élevées à la somme do 124,433 fr. On comptait 10 hos-
pices et hôpitaux avec 1,643 lits, 542,464 fr. de recettes
et 586,730 fr. de dépenses, et un personnel composé de
249 servants. Il y a eu un nombre total de 5,853 jour-
nées de présence pour 1,764 hommes; de 49,909 pour
742 femmes et de 27,419 pour 427 enfants. Le service
des enfants assistés a secouru 344 garçons et 336 filles,
soit à l'hospice, soit à la campagne, et 383 garçons et
320 filles à domicile. Les 7 caisses d'épargne des Côtes-
du-Nord avaient délivré, au 1«^ janv. 1887, 24,831 livrets
et,jaul«^'janv. 1888, 25,072 livrets, valant en moyenne
435 fr. Les sociétés de secours mutuels étaient au nombre
de 20, dont 18 approuvées et 2 autorisées avec 1,844 mem-
bres participants. Elles avaient un avoir disponible de
64,544 fr. pour les sociétés approuvées et 878 fr. pour
les sociétés autorisées au 31 déc. 1887. Dans la même
année, les libéralités ont atteint 109,544 fr. Ce chiffre se
décompose comme suit : 25 donations aux établissements
religieux, représentant une somme de 57,288 fr.; 10 do-
nations aux établissements charitables et hospitaUers,
montant à 48,476 fr. ; 4 donations aux communes et au
département, montant à 3,780 fr. E. S.
BiBL. : L'abbé Delaporte, Saint-Brieuc et le Dinannais,
dans le Voyageur français^ 1790, t. XXXVI, in-12.— Bigot
DE MoROGUES, Observations miner alogiques et géolo-
giques sur les dép. du Morbihan^ du Finistère et des Côtes-
du-Nord., 1810, in-8. — Poignant, Antiquités historiques
et monuments à visiter de Montfort à Corseul par Dinan^
1820, in-8.— L.-F. Bigeon, Eaux minérales de Dinan, 1824,
in-8. — - Habasque, Notions historiques , géographiques.,
statistiques et agronomiques sur le littoral du dép. des
Côtes-du-Nord, 1832, 3 vol. in-8.— Abel Hugo, le Dép. des
Côtes-du-Nord, dans la France pittoresque, 1835, t. I, gr.
in-8. — Ogée, Dictionnaire historique et géographique de
la province de Bretagne (nouv. édit. revue et augmentée
par MM. Marteville et Varin), 1843, 2 vol. in-4.— Bourel-
Uoncière, De VUtilisation des landes en Bretagne et par-
ticulièrement dans les Côtes-du-Nord, 1844, in-8. — Sou-
CHET, statistique des Côtes-du-Nord, 1844, 3 vol. in-8. —
Agriculture du dép. des Côtes-du-Nord .^ extraite de
V Agriculture française publiée par ordre du ministre, 1844,
in-8. — A. GuiLBERT, Saint-Brieuc^ Dinan., etc., dans
VHistoire des villes de France^ 1845, 1. 1, gr. in-8. — Benja-
min Jolleret, les Côtes-du-Nord, histoire et géographie de
toutes les villes et communes du département., 3 vol. in-8 ;
nouv. édit., 1854, 2 vol. grand in-8. — J. Gautier de Mot-
tay, Ed. Vivier et J. Rousselot, Géographie départe-
mentale des Côtes-du-Nord, 1862, in-18. — Rousselot,
Petite Géographie des Côtes-du-Nord (collection Levas-
s«ur),1875, in-12. — Tablettes statistiques, administratives
et commerciales des Côtes-du-Nord, in-16. — Ad. Joanne,
Géographie des Côtes-du-Nord, 1886. — Mémoires de la
Société archéologique et historique des Côtes-du-Nord,
in-8. — Annuaire des Côtes-du-Nord. — Ogée, Cartade la
Bretagne. — Cassini et Capitaine, Cartes de la Bretagne.
— Feuilles 41, 42, 43, 58, 59, 60, 73, 74, 75 de la grande Carte
de France dite de TEtat-Major, publiée par le Dépôt de la
fuerre. — Eug. Lefébure db Fourcy, Carte géologique
u dép. des Côtes-du-Nord, en 11 feuilles. — Frémin, Uu-
FOUR, Duvotenay, Charle, Logerot, Cartes du dép. des
Côtes-du-Nord.
COTHURNE (V. Chaussure, t. X, p. 972).
COTHURNIA (Zool.). Infasoiresde la famille des Vorti-
cellides, division des Vaginicoles, dont les caractères ont
été établis par Ehrenberg et par Claparède. Ce sont des ani-
maux d'eau douce ou d'eau salée, que l'on rencontre fré-
quemment; ils habitent une sorte de logette transparente,
de nature chitineuse, au fond de laquelle ils sont fixés par
un pédoncule contractile, formé par leur partie postérieure.
COTHUHINIA - COTIGNOLA
^ 40
D'or à cinq cotices en
bande de gueules.
Les Cothurnia sont dépourvues d'opercule. Ex. : C. im-
berbis Ehrg, Astaci St. R. Moniez.
COTI-Chiayari. Corn, du dép. de la Corse, arr. d'Ajac-
cio, caiit. do Santa-Maria-Sichè ; 4,897 hab.
COTIBERT, peintre français du xvni« siècle, né à
Rouen. Elève de Boucher, ses tableaux rappellent ceux de
son maître ; comme lui, il chercha ses inspirations dans
le genre pastoral, un pastoral tout de convention et volon-
tiers libertin. On cite de lui r Heureuse Jeaîinette, la
Fille à Simonnette et Mon Moineau est pour Colette,
COTIGE (Blas.). Pièce héraldique honorable, qui n'est
autre que la bande diminuée de longueur ou la barre aussi
diminuée; aussi la nomme-t-on
cotice en bande ou cotice en
barre, selon qu'elle est posée
dans le sens de ces pièces. Les
cotices peuvent être en nombre
et, dans ce cas, elles sont sou-
vent placées deux par deux ou
trois par trois; elles peuvent
charger ou accompagner d'autres
pièces héraldiques. Un écu plein
de cotices , alternativement de
métal et d'émail, est dit cotice.
Lorsque l'écu est divisé en deux
parties égales par une diagonale de gauche à droite, et que
les demi-cotices qui se correspondent sont d'un émail diffé-
rent, il devient contre-coticé. IL Gourdon de Genouillâc.
COTIGNAG. Ch.-l. de cant. du dép. du Var, arr. de
Brignoles, sur la Cassole, affluent gauche de TArgens, à
324 m. d'altitude, dominé à pic par un banc de tuf haut
de 80 m.; 2,529 hab. Tanneries, moulins à huile, etc.
Dans le voisinage, église et pèlerinage de Notre-Dame de
Grâce.
COTIGNOLA (Giovanni-Battista), sculpteur italien du
xvi*^ siècle. L'église Sant' Agostino, à Rome, renferme son
groupe de la Donation des clefs.
COTIGNOLA ou CODIGNUOLA (Francesco Zaganellï,
dit), peintre italien des xv'^-xvi^ siècles, natif de Cotignola.
Elève de Niccolè Rondinelli, il acheva les toiles que la mort
avait empêché son maître de terminer à R avenue. l\ était
inférieur à celui-ci en ce qui concerne le dessin et la com-
position, mais remportait sur lui par la vigueur du coloris.
A Ravenne, où il passa la plus grande partie de sa vie,
il laissa des peintures dans les églises San Niccolo, San
Sebastiano, Santa Caterina et Sant'ApolHnare. On cite parmi
ses chefs-d'œuvre la Résurrection dans l'église de Classe,
et le Baptême du Christ^ à Faenza. Cotignola mourut à
Parme (oii on le trouve en 1518) on no sait pas exactement
en quelle année. — Son frère Bernardino est peu connu.
Une œuvre peinte en collaboration avec Francesco et datée
de 4504, la Vierge et des saints^ se trouve dans l'égUse
des Osservanti à Ravenne ; une autre toile de 4509, àlmola.
A Pavie, il travailla seul au Carminé.
COTIGNOLA (Girolamo da), peintre italien, né à Coti-
gnola, dans les environs de Lugo, vers 1481, mort à
Rome vers 4550, L'artiste qui, suivant un fréquent usage,
a pris le nom de sa ville natale, s'appelait en réalité
Girolamo Marchesi et n'appartenait en aucune façon à la
famille des deux Zaganelli qui, eux aussi, furent peintres
et qui ont également utilisé la signature Cotignola. Mar-
chesi paraît être venu fort jeune à Bologne où Francesco
Francia était alors très admiré. Il suivit son école non
sans s'apercevoir que la manière de son maître restait un
peu sèche et que l'heure avait sonné de faire un pas vers
les méthodes nouvelles. Avant de commencer ses voyages
à la recherche de la gloire qu'il a côtoyée quelquefois
sans y aborder jamais, il travailla quelque temps à Bologne.
D'après Yasari, qui le juge sans indulgence, il peig\iait
des portraits, et il eut même l'occasion d'en faire un qui
présenterait aujourd'hui un grand intérêt historique, s'il
était possible de le retrouver. Gaston de Foix ayant été
tué à la bataille de Ravenne en 4512, Marchesi repro-
duisit, d'après le cadavre, les traits du vaillant capitaine.
Cette oeuvre le fit connaître dans les Romagnes. l^eu
après, il peignit le portrait de Maximilien Sforza. En même
temps, il était occupé par les couvents et par les églises.
A San Giuseppo de Bologne, qui était Fégiise des capu-
cins, il exécuta le Mariage de la Vierge^ tableau impor-
tant qui est aujourd'hui à la Pinacothèque de la ville.
Yasari lui attribue aussi d'autres travaux, notamment les
peintures de San Michèle in Bosco, qui ont disparu. Cette
perte est fâcheuse, car Marchesi s'y était révélé à la fois
comme peintre à l'huile et comme fresquiste. L'artiste
travailla ensuite pour diverses villes de la Romagne. A
Santa Colomba de Rimini, il peignit une Sainte Lucie et
un Couronnement de la Vierge. Yasari parle étrange-
gementde ces deux œuvres. Il déclare que la sainte Lucie
était piuttosto lasciva che bella, ce qui veut dire sans
doute que l'artiste, désireux de plaire et de se montrer
plus moderne que son maître Francia, avait un peu forcé
l'expression souriante ; quant aux apôtres qui entouraient
la Vierge couronnée, le biographe est plus sévère encore :
il trouve leurs têtes exagérées et difformes. Cette recherche
du sourire que Yasari constate à propos de la Saifite Lucie
correspond à un changement de méthode, car la première
manière de Marchesi est sans souplesse, comme on le voit
dans la Mise au tombeau du musée de Budapest.
On ne sait à quelle époque Girolamo da Cotignola partit
pour Rome. S'il est vrai qu'il ait peint le portrait du
pape Paul III, ce voyage est postérieur à 4534. Raphaël
était inort depuis quatorze ans, mais son nom voltigeait
encore sur toutes les lèvres. C'est alors sans doute que
Marchesi s'éprit d'un certain goût pour le style du
maître, dont il aurait été, au dire de quelques écrivains,
un fervent imitateur. Les œuvres qu'on voit à Bologne et
ailleurs donnent lieu de croire que la conversion de Mar-
chesi n'a pas été aussi complète qu'on l'assure. Quoi qu'il
en soit, le peintre de Cotignola aurait eu peu de succès
à Rome où sa manière paraissait démodée. Il alla travail-
ler à Naples et il y fut mieux accueilli. Yasari parle de
peintures qu'il avait faites pour les églises de Monte
Oliveto et de Santo Aniello : elles sont encore citées avec
éloge dans la Guida de' forestieri de 4804, mais elles
ne subsistent plus ou du moins les voyageurs ont cessé
de s'y intéresser. Cependant Marchesi vieillissait : il revint
à Rome, et là il lui arriva, si Yasari n'abuse pas de notre
crédulii^é, une très désagréable aventure. Le voyant seul et
sans soutien, ses amis imaginèrent de le marier. Avec
une innocence qui permet de croire à un affaibhssement de
l'esprit, le bonhomme se laissa faire, et, la cérémonie ter-
minée, il s'aperçut qu'il avait épousé une courtisane de bas
étage. Il en éprouva un grand ennui, et le chagrin hâta sa
mort.
Malgré les révolutions et les guerres, l'Italie a conservé
quelques peintures de Girolamo da Cotignola. Elles repré-
sentent toutes des sujets religieux. Une des plus curieuses
paraît être celle de l'église Sainte-Marie des Grâces à
Pesaro où l'on voit, avec un Saint Jérôme et une Sainte
Catherine d'Alexandrie, les portraits de deux personnages
agenouillés : l'un est le jeune Constanzo Sforza, qui était
seigneur de la ville ; l'autre est Ginevra Tiepolo, sa mère.
Ce tableau est de 4543, et garde encore une certaine
sécheresse. Les anciennes descriptions de Parme mention-
nent, dans l'église de FAnnunziata, une Vierge sur son
trône que Marchesi aurait peinte en ^1548. Lanzi a vu à
Saint-Marin un Saint Jérôme daté de 4520. Le tableau
de Forli, oii se voit la vierge sur un trône entourée de
plusieurs saints est intéressant en ce que l'auteur l'a signé
à la fois de son nom patronymique et de son surnom,
Hier ony mus Marchesius CottignolK BIDXXVL La
même date se lit au bas du tableau du musée de Berlin,
VInstitution de V ordre des Bernardins. C'est dans cette
peinture que le sénateur Morelli voit la preuve que Mar-
chesi s'était enrôlé parmi les imitateurs de Raphaël. Enfin,
dans ses Irésors d'art en Angleterre., Waagen nous
parle d'un tableau qui a fait partie de la collection Solly,
des Saints en adoration devant la Vierge (4528). A
ces peintures il faut joindre un tableau, sans date, mais
d'une authenticité certaine, que Marchesi avait peint pour
l'oratoire de Saint-Bernardin à Bologne et qui a été trans-
porté à la Pinacothèque de la ville. L'œuvre est carac-
téristique. On y voit la Vierge assise sur un trône élevé
de plusieurs marches : elle se penche sur son enfant et
l'embrasse avec une tendresse passionnée. Derrière elle
deux anges aux attitudes un peu contournées et ronflantes
soulèvent la draperie qui abrite le trône ; au premier plan,
un petit saint Jean-Baptiste, complètement nu et de style
fort romain, est placé entre deux saints à la physionomie
austère, saint François d'Assise et saint Bernardin de
Sienne, Les types, le mouvement des figures, le caractère
du dessin démontrent que Marchesi avait rompu avec
les candeurs primitives pour se rallier à la cause du
nouvel idéal. Aucune de^ces œuvres n'est véritablement
puissante. Ticozzi regarde Girolamo da Cotignola comme
un attardé qui se souvient trop de l'ancienne école ; il
serait peut-être plus juste de dire qu'il l'a trop oubliée.
Paul Mântz.
BiBL. : Vasari, Vite de' pittori, — Lanzi, Storia pitto-
nca délia Italia, ; Bassano, 1818. — Giovanni Morelli,
Italian Masters in German Galleries ; Londres, 1883.
COTIGNON (Pierre de), seigneur de LaCharnays, poète
français du xvii® siècle, originaire du Nivernais. Nous ne
connaissons aucun détail sur lui. On sait seulement qu'il
vivait à Paris vers 4638 et qu'il était très répandu dans
les salons littéraires du temps, et ami de Colletet. On a de
lui : la Muse champestre (Paris, 4623, in-8) qui ren-
ferme un certain nombre de pièces, entre autres la Tragé-
die de Madonte, extraite de VAstrée^ et des épigrammes
fort libres; Ouvrage poétique (Paris, 4626, in-42), re-
cueil de sonnets, rondeaux, chansons, églogues, stances et
épigrammes toujours très lestes ; les Vers satiriques et
énigmatiques du nouveau Théophile (c'est le même
ouvrage que le précédent, le titre seul a été changé) ;
Vers (Paris, 4632, in-8); les Travaux de Jésus (Paris,
4638, in-8), poème, etc.
COTILLON (Y. Danse),
COTIN (Charles), abbé et littérateur français, né à
Paris en 1604, mort en janv. 4682. Conseiller et aumô-
nier du roi, c'était un familier de l'hôtel de Rambouillet ;
il devint membre de l'Académie française (mai 4655). La
malveillance qu'il témoigna à Boileau lui attira les satires
du poète ; il lui tenait tête, lorsque Molière, qu'il avait
difîamé, lui porta un coup décisif en le mettant en scène
sous le nom de Trissotin (d'abord Triccotin) dans les
Femmes savantes. La querelle avec Vadius est le récit
d'une querelle entre l'abbé Cotin et Ménage, à propos du
sonnet à la princesse Uranie (M"^^ de Nemours) fait par
Cotin et déprécié par Ménage. L'abbé Cotin eut de réels
succès comme prédicateur ; ses écrits sont d'un style très
affecté, ses vers fades, plats et prétentieux. Ses principaux
ouvrages sont : la Jérusalem désolée (Paris, 4634, in-8) ;
Théoclée (Paris, 4646, in-4) ; Recueil d'Enigmes (4646,
in-42) ; Rondeaux (4650, in-4 2) ; Poésies chré-
tiennes (4657, in-8) ; OEuvres galantes en prose et en
vers (4663-65, in-42); la Ménagerie (La Haye, 4666,
in-42); la Critique désintéressée sur les satires du temps
(Paris, 4666, in-8), dirigée contre Roileau (V. ce nom).
COTIN GA (Ornith.) (V. Cotingidés).
COTINGIDÉS (Ornith.). Les Cotingidés constituent une
famille très nombreuse de Passereaux frugivores qui appar-
tiennent tous à la faune du Nouveau Monde et se trouvent
depuis le Mexique méridional jusqu'à la République argen-
tine. G. Cuvier les rangeait dans la catégorie des Passereaux
dentirostes, entre les Gobe -Mouches et les Échenilleurs,
mais aujourd'hui on les rapproche plutôt des Rrèves et des
Manakins (V, ces mots). Ils rappellent généralement les
Tyrans (V. ce mot) par leur bec légèrement déprimé à
la base et denté à l'extrémité, et quelquefois même ils
- 44 - COTIGNOLA -^ COTINUSA
semblent avoir emprunté à ces oiseaux les teintes grises,
blanches, noires et brunes de leur plumage ; mais le plus
souvent ils portent une livrée aux couleurséclatantes. Par-
fois aussi leur bec est orné de panaches de plumes ou
d'appendices érectiles. Leur taille n'est pas moins variable
que leur costume, et si certains d'entre eux sont plus petits
que des Moineaux, d'autres dépassent en grosseur notre
Grand Corbeau. Ce sontpes différences de plumage et de
dimensions, jointes à des variations dans les proportions du
bec ou dans la forme des ailes, qui ont permis aux natura-
listes de répartir les cent et quelques espèces dont se com-
pose actuellement la famille des Cotingidés en un certain
nombre de genres et de tribus. On a formé, par exemple,
un groupe à part pour les lityra et les Pachyrhamphus
dont le bec est généralement robuste, le plumage de cou-
leurs modestes et chez lescpiels les mâles ont la seconde
rénnge singulièrement réduite. Un autre groupe a été créé
pour les Lipaugus et les Lathria qui, avec des couleurs
ternes, ressemblent un peu aux Manakins, principalement
par la structure de leurs pattes. Un troisième groupe com-
prend les Casiornis et les Attila dont nous avons déjà
indiqué les caractères (V. Attila.) ; un autre renferme les
Coqs de roche ou Rupicoles (V. ce 'mot), un autre encore
se compose des Cotingas proprement dits, des Ampelions
(V. ce mot) et quelques genres voisins; enfin, un dernier
groupe est constitué par les Gymnodères (V. ce mot) queï'on
prendrait au premier abord pour des Corvidés et pour les
Céphaloptères (V. ce mot) dont la tête est surmontée
d'un cimier.
C'est parmi les Cotingas proprement dits que se rangent
quelques-uns des oiseaux les plus remarquables pour la
richesse de leur plumage. Ainsi le Cotinga bleu (Cotinga
cœrulea V.) de la Guyane a la tête, le dessus du corps et
Cotinga bleu. "^
les flancs d'un bleu d'outremer, la poitrine d'une teinte
pourprée, les ailes et la queue noires ; le Cotinga pourpré
{Xipholena pompadora L.) de Cayenne est revêtu d'un
magnifique costume d'un violet pourpré, tirant au rouge
et rehaussé par du blanc pur et du noir profond sur les
ailes et la queue, etc. Les Cotingas vivent dans les forêts
et se nourrissent de figues, de goyaves et d'autres fruits,
ainsi que d'insectes, particulièrement de Termites. Ils sont
d'un naturel taciturne et font entendre seulement quelques
cris monotones. A la Guyane et au Brésil, on fait une
chasse active à ces oiseaux au brillant plumage dont les
dépouilles sont employées comme ornements dans le pays
même ou expédiées sur les marchés de l'Europe. E. Oust.
BiBL. : Daubenton, PL Enl. de Buffon, 1770, pi. 186, 188
et 624. — Vieillot, Galerie des Oiseaux^ t. I, p. 183 et
pi. 116. — D'Orbigny, Voy. dans l'Amérique méridionale,
Oiseaux, p. 297. — Taczanowski, Ornith. du Pérou, 1884,
t. II, p. 384. — Ph.-L. SoLATER, Cat. B. Brit. Mus., 1880,
t. XIV, pp. 326 et 382.
COTINUSA, Ile de l'Espagne ancienne qui, selon Pline,
était à cent pas de Cadix, longue de 3 milles et large de
COTINUSA — COTO
— 12 —
mille pas ; elle avait, ajoute-t-il, porté autrefois les noms
de Erythia et Aphrodisia, et renfermé une ville de
Gadium. Avienus et Denys le Périégète, ainsi que le com-
mentateur Eustathe, la mentionnent aussi ; il semble bien
que c'est l'île de San Fernando, à l'E. de Cadix. E. Cat.
COTISATION. En langage administratif, on désigne sous
le nom de cotisation la quote-part qui doit être supportée
par les communes, les établissements de bienfaisance, les
syndicats, etc., pour l'acquittement de certaines dépenses
les intéressant collectivement. Les ressources qui pro-
viennent de ces cotisations doivent toujours être aifectées
à un objet déterminé, et il est absolument interdit d'opérer
un virement quel qu'il soit; les dépenses ne doivent de
même être engagées qu'au fur et à mesure de la réalisation
des fonds, les trésoriers généraux, chargés de viser les
mandats délivrés par les préfets au compte de chaque ser-
vice, ayant le devoir de s'assurer que les ressources cor-
respondantes sont bien existantes. Les recouvrements s'opè-
rent en vertu d'arrêtés du préfet notifiés au trésorier
général, et qui énoncent les lois, ordonnances ou décisions
ministérielles établissant ces cotisations. Les arrêtés sont
accompagnés d'états désignant la somme à verser par chaque
commune, chaque établissement, ou par les particuliers;
par les soins du trésorier général, ces états sont fournis
par extraits aux receveurs d'arrondissement chargés d'en
assurer la recette. Les non-valeurs en fin d'année sont ou
définitivement admises, reportées à l'année suivante, ou
mises en charge au comptable. C'est le préfet qui, après
avis du conseil général, statue sur les admissions en non-
valeur. Les cotisations municipales et particuHères s'ap-
pliquent à un grand nombre de services : frais de registres
de l'état civil et de confection des tables décennales, fabri-
qués pour toutes les communes par les soins de la préfec-
ture et sur un même modèle ; frais de confection des matrices
des rôles généraux, des matrices, rôles et avertissements
des prestations, des chiens, etc., des rôles auxihaires à la
charge des propriétaires qui les font établir ; frais d'impres-
sion, fournitures d'imprimés ayant trait aux relations de
service entre la préfecture et les communes, etc. ; frais de
timbres -quittances; pensions des malades, vieillards et
incurables ; fourniture des imprimés des caisses scolaires ;
dépenses des travaux d'intérêt commun, construction ou
entretien des chemins de petite vicinalité, par exemple;
traitements des gardes forestiers communaux, des con-
cierges des maisons de dépôt ; traitements et frais concer-
nant la police ; abonnements à diverses publications, Bul-
letin des lois^ Journal officiel^ etc. ; service médical en
faveur des indigents ; fonds destinés aux traitements des
instituteurs ; indemnité des contrôleurs rapporteurs de la
commission des bâtiments scolaires ; frais de conseils de
prud'hommes; fonds communs provenant des amendes de
police correctionnelle. En dehors de ces diverses cotisa-
tions, on comprend encore sous ce nom certaines taxes
locales recouvrées par les receveurs municipaux, chargés
en même temps d'acquitter les dépenses auxquelles ces
taxes sont destinées : travaux de curage, d'élagage, salaire
des taupiers, etc. Ces taxes sont réparties par délibération
du conseil municipal, approuvée par le préfet.
On appelle également cotisations la somme payée par
toute personne faisant partie d'un cercle, d'une société ou
association quelconque. La loi du 16 sept. 1871 a soumis
ces cotisations à une taxe de 20 % calculée sur le mon-
tant des cotisations, sans égard à la quotité ou à la période
à laquelle elle s'applique (trimestre, semestre ou année) ; il
a été également décidé que les sommes payées pour droit
d'entrée étaient soumises à cette taxe. La déclaration, indi-
quant le nombre des membres ou abonnés ayant fait partie
du cercle de l'année précédente, et le montant total des
cotisations payées, doit être faite par les gérants, secrétaires
ou trésoriers des cercles avant le 31 janv. de chaque
année ; ces déclarations sont vérifiées par les contrôleurs.
Sont exemptées de la taxe les sociétés qui poursuivent un
but de bienfaisance ou qui sont exclusivement scienti-
fiques, littéraires, agricoles ou musicales, à la condition
que leurs réunions ne soient pas quotidiennes et qu'elles
n'offrent pas les moyens de récréation des cercles propre-
ment dits. La loi du 5 août 1874 a également dispensé de
cette taxe les sociétés dont les réunions, non quotidiennes,
ont pour objet exclusif des jeux d'adresse ou des exercices
spéciaux, chasse, sport nautique, gymnastique, etc. Les
cercles militaires sont aussi exemptés de la taxe. G. F.
COTMAN (John-Sell), peintre et graveur anglais, né à
Norwich le 11 juin 1782, mort à Londres le 28 juil. 1842.
Il peignit à l'huile des portraits, des paysages et des ma-
rines, et fut aussi un aquarelliste distingué. Il a gravé un
nombre considérable d'eaux-fortes reproduisant des anti-
quités architecturales. On lui doit ainsi : Architectural
Ëtchings (Londres, 1811-12, in-fol.) ; Spécimens of
Norman and Gothic Architecture in the county of
Norfolk (Yarmouth, [1812-J1817, in-fol.) ; Engravings
of the most remarkahle sepulchral brasses in Norfolk
(Yarmouth, [1813-]1819, gr. in-4; 2«édit., augm., 1839,
2 vol. in-fol.) ; Antiquities of Saint Mary' s Chapel near
Cambridge (18^9, in-fol.); Architectural Antiquities
of Normandy (Londres, 1820-22, 2 vol. in-fol. avec
texte explicatif de D. Turner). La majeure partie de ses
planches se rapportant à l'Angleterre furent réunies dans
un ouvrage d'ensemble : Ëtchings of architectural and
picturesque remains (1838, 2 vol. gr. in-fol., 240 pL).
COTO (Ecorce). On a introduit sous ce nom, de Bolivie
en Europe, depuis une vingtaine d'années, deux écorces
douées de propriétés très intéressantes et dont l'origine
botanique est jusqu'ici restée inconnue. On les rapporta
d'abord aux Quinquinas, sous le nom de China Cota :
Martens les attribue en effet à une espèce du genre Cin-
chona ; Wettstein pense au contraire que la plante est
une laurinée, ou une térébinthacée ; Cauvet opine pour
une magnoliacée, d'autres pour une pipéracée ; en réahté
nous n'avons aucun document positif permettant de rien
affirmer à ce sujet. On tend toutefois aujourd'hui à la rap-
porter à une Rubiacée, le Palicurea densiflora Martius,
mais toujours avec doute,
La première écorce envoyée en Europe provenait de la .
province de Misiones, où elle était employée avec grand
succès contre la diarrhée. La seconde écorce fut envoyée
un peu plus tard des bords du fleuve Mapiri : elle jouissait'
des mêmes propriétés, mais avec une activité beaucoup
moindre, ce qui obhgeait à l'employer à doses beaucoup plus
élevées : elle reçut le nom à'écoi'ce de Paracoto, la pre-
mière conservant seule la désignation primitive de Coto,
L'écorce de Coto se présente en fragments irréguliers,
longs de 15 à 60 centim., larges de 5 à 6 centim., épais
de 1 à 1/2 centim. Elle est d'un brun cannelle et un peu
plus foncée en dedans ; la partie subéreuse a généralement
été enlevée. L'odeur rappelle celles de la cannelle, de l'anis
et du camphre tout à la fois ; la saveur est aromatique,
camphrée et piquante. La cassure est grossière et montre
une foule de petites fibres qui, lorsqu'on brise l'écorce, se
répandent dans l'air et provoquent l'éternuement. Au
microscope, on trouve dans cette écorce, sous un mince
périderme, un hber abondant, à faisceaux triangulaires
serrés, dont les fibres sont disposées par îlots au
milieu d'un épais parenchyme. De jeunes cellules sclé-
reuses se montrent par petits groupes dans le péri-
cycle. L'écorce de Paracoto se présente en fragments de
taille très variable dont les plus grands ne dépassent pas
10 centim. de long et 3 à 4 centim. de large. Le péri-
derme est grenu, parfois très épais ; la section est
grossièrement granuleuse plutôt que fibreuse et souvent
parsemée d'alvéoles très petites dues à l'arrachement des
îlots scléreux. La face interne est plus pâle que chez le
Coto, de même d'ailleurs que la cassure. Au microscope,
on trouve des cellules scléreuses péricy cliques amassées en
îlots nombreux, plus abondants dans le liber où ils
forment de larges bandes tangentielles, que sous le péri-
derme. L'odeur est celle du Coto, mais un peu plus faible; il
— 13 —
COTO — COTON
en est de même de la saveur qui est cependant plus
piquante et d'uae âpreté plus persistante. On a trouvé
dans le Coto de la cotoïne, de la dicotoïne^ de Vaoide
piperonylique^ de l'amidon, du tannin, du camphre, etc. ;
dans le Paracoto, de la paracotoïne^ de Vhydrocotoïne^
de la leucotine^ de Vacide pipéronylique, une huile
essentielle, etc.
L'action de ces écorces et de leurs principes actifs
porte principalement sur les organes digestifs. La poudre,
à la dose de Os'^SO à Igr., produit une sensation de brû-
lure à l'estomac et des nausées suivies de vomissements. La
teinture jouit des mêmes propriétés : à l'extérieur, elle est
irritante et légèrement révulsive. Au point de vue théra-
peutique, on a employé la poudre aux doses précitées — la
teinture à celle de 10 gr., la cotoïne à celle de 0,05
répétée toutes les trois heures, et la paracotoïne à doses
doubles de celles de la cotoïne — contre les catarrhes de
l'intestin et d'une façon générale contre toutes les formes
aiguës ou chroniques de la diarrhée. Gœrts a traité avec
succès, en employant 0,20 de paracotoïne plusieurs fois
répétés, cinq cas de choléra asiatique. Burkart a conseillé
la cotoïne en injections hypodermiques contre la dysen-
terie et le choléra, ou plutôt la paracotoïne, qui est moins
rare et jouit des mêmes propriétés à doses doubles, comme
nous l'avons dit. Quant aux autres alcaloïdes de ces
écorces, Burkart les classe dans l'ordre suivant, au point
de vue de l'activité : cotoïne, paracotoïne, oxyleucotine,
leucotine et hydroleucotine. Les expériences d'Albertoni,
Gieilt, Rohrer, Burkart, Balz, Dujardin-Beaumetz s'ac-
cordent à faire de cette plante un antidiarrhéique très
remarquable , malheureusement encore difficile à se pro-
curer. D^R. Blondel.
COTOCHE. Cap du xMexique (V. Càtoghe).
COTOÏNE. LCmMiE.-Form.j gi^*;;; S'S]
Principe cristalUsable trouvé par Jobst dans le coto^
arbre de la Bolivie, où il existe en même temps que la dico-
toine, la paracotoïne, l'hydrocotoïne. Pour préparer la
cotoïne, on épuise par déplacement au moyen de l'éther
l'écorce pulvérisée, on réduit la liqueur au 10® et on ajoute
6 p. d'éther de pétrole chaud : la couche supérieure, encore
chaude, laisse déposer des cristaux qu'on purifie par cris-
tallisation dans l'eau bouillante. La cotoïne cristallise en
aiguilles quadratiques, jaunâtres, douées d'une saveur
amère; elle est peu soluble dans l'eau froide et la benzine,
facilement dans l'alcool, l'éther, le chloroforme, le sulfure
de carbone, les alcalis ; elle fond à 124*^. L'acide azotique
la dissout lentement à froid, rapidement à chaud, avec une
couleur rouge de sang; le soluté sulfurique est jaune brun,
tandis que l'acide clilorhydrique donne une solution d'un
jaune pur. La solution aqueuse, qui est neutre, réduit la
liqueur de FehHng, les sels d'or et d'argent ; elle ne pré-
cipite pas par l'acétate de plomb, mais seulement par le
sous-acétate. Ed. Bourgoin.
IL Thérapeutique (V. Coto).
BiBL. : Jobst, Bull. Soc.ch., t. XXVI, p. 412; t. XXVIII,
p. 317. — Jobst et O. Hesse, ib., t. XXVIII, p. 229:
t. XXIX, p. 79.
COTOLENDl (Charles), littérateur français, né à Aix
(Provence), mort vers 1710.11 n'est connu que par ses atta-
ques contre Saint-Evremond (V. ce nom) : Dissertation
sur les œuvres de Saint-Evremond (Paris, 1698, in-12)
(auquel répondit l'Apologie de S.-E. par Boyer de Ri-
vière) et Saint-Evremondiana (Paris, 1700, in-lâ).
Citons encore des traductions des Nouvelles de Cervantes
(Paris, 1678, ,2 vol.), de la Vie de Christophe Colomb
(1681), du Voyage de Texeira (1681, 2 voL), une Vie de
Saint François de Sales (1689, in-4), Arlequiniana
(Paris, 1694, in-12).
COTON. I. Botanique (V. Cotonnier).
IL Industrie. — Il semble, d'après l'interprétation
des plus anciens documents, que le coton fut employé pour
la fabrication des fils et des tissus dès la plus haute anti-
quité; il se trouve signalé. dans la Bible et par les auteurs
anciens, Hérodote, Strabon, Pline, etc., et l'on a cru
retrouver du coton dans certaines bandelettes entourant
des momies égyptiennes. Les premiers vêtements en coton
sont signalés en Europe, comme objets précieux, à l'époque
des croisades, puis, les relations avec l'Orient devenant
plus fréquentes, ces tissus arrivent à être importés en
plus grandes quantités; il semble même que l'on aurait
commencé à tisser des étofies de coton à Venise dès le
commencement du xiii^ siècle, mais probablement avec des
fils importés. C'est au xvi« siècle qu'apparaît d'une manière
plus certaine l'emploi du coton en France, où l'on élaWit
des fabriques de futaine, puis de basin à Rouen en 1534,
à Lyon en 1580, puis à Troyes en 1582. L'industrie
cotonnière prit naissance à peu près à la même époque dans
les Pays-Bas et en Angleterre. Les procédés employés pour
le filage étaient alors très rudimentaires et se réduisaient
à un battage fait au moyen de baguettes ou d'un arçon sur
une claie oti l'on répandait le coton que l'on épluchait e t
nettoyait en même temps, puis au cardage qui se prati-
quait à la main au moyen de deux plaques d'environ
30 centim. de long sur 13 de large, armées d'aiguilles
formant crochets ; l'ouvrier garnissait l'une de ces cardes
de coton, puis, les tenant toutes deux dans ses mains, il
brossait et peignait en quelque sorte les fibres avec l'autre
carde jusqu'à ce qu'elles soient bien isolées et séparées
les unes des autres. Le coton était alors enlevé au moyen
d'un peigne sous forme de petits matelas ou loquettes que
l'on filait primitivement au moyen du fuseau, puis plus
tard en faisant usage du rouet, dont on fait remonter l'in-
vention à l'année 1530 environ. Pour le filage du coton il
se composait d'une broche recevant, au moyen d'un volant
et d'une ficelle, un mouvement de rotation rapide; on
attachait à la broche l'extrémité de la loqUette que l'on
tirait obliquement de manière à l'allonger en même temps
que la broche en tournant lui donnait la torsion ; lorsque
la finesse voulue était atteinte, on renvidait la longueur de
fil que l'on venait de former autour de la broche et on
continuait de la même manière à agir sur une nouvelle
loquette rattachée à l'extrémité de ce fil. On ne pouvait
produire ainsi que des fils très gros, dont on formait les
trames des futaines dont la chaîne se faisait en fil de lin.
La production des fils, par ces moyens rudimentaires, était
très faible et le prix du filage s'élevant de jour en jour,
menaçait de rendre impossible la fabrication des futaines
qui étaient de plus en plus demandées, lorsque Thomas
Higgs, fabricant de peignes à tisser à Leigh, dans le Lan-
cashire, eut l'idée, vers 1760, de chercher à construire
un rouet muni de plusieurs broches, capable de fournir un
travail plus abondant. Il fut aidé d'abord par un horloger
nommé Kay qui perdit bientôt courage et abandonna Higgs
qui continua seul ses recherches, et arriva, après bien des
tâtonnements, à créer une machine munie de six broches à
laquelle il donna le nom de sa fille Jenny. Quelques années
plus tard, James Hargraves, mécanicien à Stanhill, apporta
à la pince-métier quelques modifications qui produisirent
des résultats tels que quelques personnes lui venant en
aide, Hargraves put monter à Nottingham une petite fabrique
où fonctionnaient ses nouvelles machines, dont les fils,
comme ceux que l'on fabriquait à la main, ne convenaient
qu'aux trames. Ce fut encore Higgs qui, se livrant à de
nouvelles recherches, imagina le métier à filer continu, qui
reçut en Angleterre le nom de throstle ou water-framey
métier à eau puisqu'il était généralement mis en mouvement
par des roues hydrauliques, et qui renfermait pour la pre-
mière fois les cylindres étireurs produisant l'amincissement
des rubans en faisant glisser les fibres les unes sur les
autres. C'est grâce à ces cyhndres que l'on arrive à pro-
duire des fils réguliers, fins et sohdes, capables de former
les chaînes des tissus. Ces inventions avaient réellement
créé la filature du coton, lorsque arriva à Leeds Richard
Arkwright qui avait débuté par être barbier à Preston, et
qui sut s'en emparer et s'attirer la confiance de capita-
COTON
listes, pour créer des établissements industriels qui acquirent
bientôt un grand développement. Les succès firent oublier
les agissements par lesquels Arkwright avait accaparé les
inventions des autres et les différents procès qu'il avait
perdus à ce sujet, à tel point qu'il fut créé chevalier, et
mourut en 4792 comblé d'honneurs et laissant une fortune
évaluée à environ 12 millions. Pendant ce temps Hargraves
et Higgs, les véritables inventeurs des métiers, végétaient
dans la misère et moururent inconnus. En 1775, Samuel
Crompton, de Bolton~le-Mors, appliqua les étireurs par
cylindres cannelés au métier de Higgs et créa le Mull--
Jenny qui, de perfectionnements en perfectionnements,
devint vers 1840 le métier renvideur, généralement em-
ployé pour le filage, aussi bien des chaînes que des trames
de coton. Pour les fortes chanies on est revenu, dans une
certaine mesure, depuis quelques années, à l'emploi des
métiers à filer continus à bagues dont l'idée première est
attribuée à l'ingénieur S. Bodmer, qui habitait Manchester
vers 1824, mais qui, en raison des difficultés que présentait
alors leur bonne construction, n'eurent pas de succès, et
ne se répandirent que plus tard en Amérique, d'où ils
nous sont revenus. En même temps que ces perfectionne--
menls se produisaient dans les métiers à filer proprement
dits, les autres machines se modifiaient et se complétaient.
Les cardes, par les inventions de Lewis Paul et autres,
prirent leurs formes actuelles; le battage devint mécanique,
et les bancs d'étirage et bancs à broches vinrent remplir
leur rôle dans la série des opérations auxquelles on soumet
le coton. Les peigneuses, enfin, créées vers 1850 par Josué
Heilmann, de Mulhouse, puis un peu plus tard, sous une
autre forme, par Hubner, permirent de tirer un meilleur
parti du coton et d'atteindre de très grandes finesses en
même temps qu'une régularité parfaite des fils.
La première filature de coton fut construite en France
en 1773 aux environs d'Amiens; le coton y était d'abord
battu à la main, puis passé dans une machine à carder
cylindrique, et enfin filé en gros d'abord, puis enfin sur des
métiers contenant de 30 à 50 broches chacun ; toutes ces
machines étant mues à la main. En 1784, un sieur Martin
d'Amiens obtint à titre de premier importateur un privilège
exclusif de douze années pour la construction et l'usage de
machines à préparer, carder, étirer et filer le coton. Il
établit une filature au hameau de l'Epine près d'Arpajon,
puis peu après les filatures commencèrent à se répandre
dans la Picardie, la Flandre, la Normandie et l'Alsace.
Vers 1787, la consommation du coton s'élevait en France
à 4 millions de kilogr. et en Angleterre à 12 milhons envi-
ron. En 1801, un concours fut ouvert par le gouvernement
français pour juger les meilleures machines à filer le coton.
Le rapport dos commissaires décrit la composition de l'as-
sortiment des machines qui obtint le prix, et qui se com-
posait de : 1° une mécanique simple à carder en nappes;
2^ une mécanique double à carder en rubans ; 3^ une ma-
chine composée de sept laminoirs à deux paires de cylindres
étirant les rubans fournis par la carde ; ¥ un Mull-Jenny
de 72 broches pour filer en gros ; 5^ un Mull-Jenny de
300 broches pour fder en fin, cette machine ayant fourni
en douze heures 101^272 de fil n« 40, puis 7*^338 de fil
n*^ 74. Les machines étaient disposées pour recevoir leur
mouvement par un moteur hydrauHque ou par tout autre
moteur.
A partir de cette époque la filature du coton se développa
régulièrement. Les machines se perfectionnèrent peu à peu,
et leur nombre augmente en même temps que les produits
s'améliorent, et que Ton arrive à produire des fils plus
fins. Les opérations successives que subit actuellement le
coton dans les filatures sont les suivantes : 1^ l'ouvrage
et le battage qui ont pour but d'ouvrir les masses qui se
sont formées par suite de la compression prolongée dans
les balles, et de commencer à séparer les fibres les unes
des autres, en en dégageant les matières étrangères qui
peuvent leur être mêlées {V. Ouvreuses); 2^ le cardage
par lequel les fibres sont bien séparées les unes des autres
14 -
et nettoyées, puis rassemblées en forme de rubans
(V. Carde) ; 3^ l'étirage qui, faisant glisser les fibres les
unes sur les autres, les redresse et les parallélise, en les
échelonnant dans les rubans (V. Etirage); 4*^ le peignage,
lorsque l'on traite de beaux cotons pour fils fins, a pour
but de débarrasser les fibres des nœuds et boutons qui y
sont adhérents et d'enlever les fibres courtes ou duvets qui
nuiraient à la régularité et à la solidité de ces fils (V. Pei-
gnage) ; 5^ de nouveaux étirages sont nécessaires pour
régulariser les rubans peignés; l'amincissement de ces
rubans, qui résulterait de leur allongement, est compensé
ici, conmie dans les étirages avant peignage, par des dou-
blages consistant à réunir plusieurs rubans en un seul;
6^ l'amincissement des rubans est ensuite graduellement
])roduit par plusieurs passages successifs dans des bancs à
broches qui étirent ces rubans et leur donnent une légère
torsion afin qu'ils conservent une solidité suffisante (V. Banc
À broches) ; 7" les mèches amincies au degré voulu par les
bancs à broches sont enfin filées par les métiers à filer,
soit ren videurs soit continus, qui donnent un dernier amin-
cissement immédiatement suivi d'une torsion par suite de
laquelle les fibres se lient invariablement les unes aux
autres (V. Filage) ; 8" enfin, pour certains usages, les fils
simples, tels que viennent de les produire les métiers à
filer, sont encore réunis deux à deux et retordus par des
métiers analogues aux métiers à filer; 9^ suivant les cas,
les fils peuvent recevoir certains apprêts tels que le vapo-
risage, le gazage, etc. On voit par là que nous sommes loin
de la simplicité des procédés primitifs.
La proportion des différentes machines employées dans
dos filatures varie suivant les genres et la finesse des fils
(fue l'on y fabrique ; en moyenne, on peut l'étabhr de la
manière suivante pour une filature de 10,000 broches
filant des numéros moyens : 1 ouvreuse et 2 batteurs,
15 cardes, 3 bancs d'étirage à 8 tètes, 1 banc à broches
en gros de 72 broches, 2 bancs à broches intermédiaires
de 120 broches chacun, 3 bancs à broches en fin de
160 broches chacun, 8 bancs en surfin de 210 broches
chacun, 12 métiers à filer ren videurs de 850 broches cha-
cun. Les machines de préparation deviennent moins nom-
breuses pour les fils plus fins, mais il faut y ajouter des
peigneuses. Le prix de revient d'une filature, comprenant
les métiers, transmissions, bâtiments et accessoires, peut
être évalué en moyenne à 50 fr. par broche, mais varie
dans de larges mesures suivant les localités, les conditions
de la construction, les genres de fils à fabriquer, etc. ; les
frais généraux par broche s'élèvent annuellement à environ
16 fr., et la production en fils, qui peut atteindre
50 kilogr. par broche et par an pour de gros fils (n^ 10)
et ne pas dépasser 1 kilogr. pour les fils très fins, est en
moyenne d'environ 10 kilogr. Une force motrice de un
cheval-vapeur correspond en moyenne à 120 broches de
filature. Le nombre des broches de filature de coton fonc-
tionnant actuellement peut être évalué à 82 millions ,
répartis comme suit :
Allemagne 5.000.000
Autriche, Hongrie 2 . 077 . 000
Belgique 800.000
Espagne et Portugal . . , 1 . 900 . 000
France 5.110.000
Grande-Bretagne 42 . 780 . 000
Italie 930.000
Hollande 235.000
Russie 4.900.000
Suède et Norvège 310.000
Suisse 1.880.000
Etats-Unis 13.250.000
Indes 2.148.000
Mexique 260.000
Brésil..., 225.000
Japon 180.000
Le tableau suivant donne la valeur de la consommation
de coton dans les principaux pays industriels pour les
années 48t7 et 4887, et rend compte du développement
qu'a pris l'industrie pendant cette période de dix années :
4877 4887 augmentation
balles balles pour cent.
Grande-Bretagne. 3.482.090 3.694.000 46
France 500.000 675.000 35
Reste de l'Europe. 4.950.000 2.965.000 52
Etats-Unis 4.574.000 2.448.000 55
Indes anglaises . , 234 . 000 740 . 000 207
I^e tissage se faisait primitivement à la main pour le
coton comme pour les autres textiles, mais la création de
la fdature mécanique fit immédiatement sentir la nécessité
d'augmenter la puissance des machines du tissage, et le
premier métier à tisser le coton, mû par la vapeur, qui,
dès le principe reçut le nom de power-loom, fut inventé
par le Rév. E. Cartwriglit qui prit une première patente
le 4 avr. 4785, puis une autre le 4*^^' août 4787 pour les
perfectionnements qu'il apporta à son invention. Il établit
un tissage à Doncaster, mais le succès ne couronna pas
ses efforts; c'est à partir de 4803 que les établissements
prennent naissance et se développent rapidement. En i 848,
il y avait à Manchester et dans les localités voisines
44 tissages mécaniques comptant ensemble 2,000 mé-
tiers; en 4827, dans ces mêmes localités, le nombre des
métiers s'élevait à 44,000, et actuellement il est, pour la
Grande-Bretagne, de 750,000. — En France, l'industrie
mécanique du tissage prit naissance à peu près à la même
époque, et se développa principalement dans l'Est, en Nor-
mandie et dans le Nord. Le nombre des métiers fonctionnant
actuellement est de 74,434 d'après les statistiques de 4884.
Ces métiers sont répartis dans les Vosges, le territoire de
Belfort, la Haute-Saône et la Normandie qui fabriquent des
tissus serrés, tels que calicots, cretonnes, percales, coutils,
croisés, satins, piqués, basins, etc., vendus en blanc ou
imprimés, et les rouenneries, tissées en couleurs ; à Amiens
pour la fabrication des velours de coton ; Lannoy , Cours, etc. ,
pour couvertures ; Tarare, Saint-Quentin, Roanne, etc.,
qui produisent les tissus légers tels que les mousselines,
iaconas, gazes, tarlatanes, etc. P. Goguel.
Bonneterie de coton (V. Bonneterie, t. VIÏ, p. 338).
III. Chirurgie (V. Charpie).
IV. Chimie. — Coton-poudre (V. Fulmi-coton).
COTON (Pierre) et non GOTTON, célèbre jésuite, né le
7 mars 4564 à Nérondes, mort le 49 mars 4626. Issu d'une
famille ancienne du Forez, il était fils de Guichard Coton,
député aux Etats généraux de 4559 et secrétaire de Cathe-
rine de Médicis. Il fit ses études à Paris, puis à Bourges.
Voyageant en Italie, il sentit s'éveiller en lui la vocation
religieuse à la suite d'un miracle dont il crut être témoin.
Il assista aux conférences des congrégations déjeunes gens
dirigées par les jésuites; en 4583, il se décida, malgré sa
famille, à entrer dans la compagnie ; il fut admis au noviciat
d'Arona, où saint Charles Borromée le distingua ; il étudia
ensuite au collège de Milan et au Collège romain. A partir
de 4590, il se consacra à la prédication, obtenant partout
le plus grand succès, à Lyon, à Avignon, à Aix, à Gre-
noble, à Nîmes, à Marseille, engageant des conférences de
controverses avec les pasteurs calvinistes, entretenant une
correspondance polémique avec le pasteur Charnier. En
4603, l'ordre l'envoya à la cour pour plaider la cause du
rappel des jésuites ; il se rendit célèbre par son éloquence
et plut beaucoup à Henri IV par la vivacité de son intelli-
gence; il accompagna le roi en Normandie, discuta contre
Sully sur les matières religieuses, et obtint l'autorisation
de rétablir à Paris la maison professe de Saint-Louis. Le
roi lui offrit vainement l'archevêché d'Arles et se plut assez
à sa conversation pour désirer que le P. Coton le suivît
dans tous ses voyages. Il profita de sa faveur pour obtenir
l'admission de la compagnie dans le Béarn et pour fonder
en France plusieurs collèges de jésuites auxquels il con-
sacra beaucoup de soins. En mars 4608, il fut nommé
confesseur du roi, fonction qui fut dès lors réservée aux
- 48 - GOTÔN - COTONNlEtl
jésuites. Il s'occupa avec zèle de développer les missions
étrangères de la compagnie, notamment celles de Constan-
tinople et du Canada. Il prononça, en 4640, l'oraison
funèbre de Henri IV. Il fut un des promoteurs des mariages
espagnols, dont il eut l'idée dès 4608 : Henri IV n'y était
pas foncièrement hostile, mais ne voulait pas payer cette
union par l'abandon de ses alliés des Provinces- Unies; la
reine, au contraire, avait ébouté avec faveur les conseils
du nonce, du ministre de Toscane et du P. Coton. Celui-ci
vit triompher, après la mort du roi, la politique (fui avail
ses préférences et- qui devait avoir pour conséquence,
d'après lui, un rapprochement de la France et des puis-
sances cathoHques. Après l'assassinat du maréchal d'Ancre,
il se retira de la cour et se rendit à Rome (4649), Député
de la prov. de Lyon à la Congrégation des procureurs,
recteur du collège de Bordeaux, provincial d'Aquitaine,
puis de Paris (4624), il ne cessa de partager son temps
entre les affaires de la compagnie et la prédication ; il se
désintéressait un peu des affaires politiques, et n'avait que
des relations assez froides avec le duc de Luynes et avec
Richelieu. Il combattit le projet de l'assemblée ecclésias-
tique de 4625 sur les réguliers. Cet homme, à coup sûr
très intelligent, et l'un des serviteurs les plus éminents de
la compagnie de Jésus, a passé pour flatteur et obséquieux ;
il a exercé une influence considérable en faveur de son ordre.
Il est l'auteur d'une Lettre déclaratoire de la doctrine
des Pères jésuites conforme aux doctrines du concile
de Constance (4640). Cet ouvrage eut pour réponse :
V Anticoton ou réfutation de la Lettre déclaratoire du
P. Coton ^ dam laquelle on prouve que les jésuites sont
coupables et coauteurs du parricide commis en la per-
sonne de Henri IV. Il répHqua au pamphlet par une
Réponse apologétique à V Anticoton (4644). Il est aussi
l'auteur de la Genève plagiaire (4648), le SacîHfice de
la messe, l'Institution catholique (i6i0), L. Del.
BiBL. : Le P. Dorléans, Vie du P. Coton; Paris, 1688. —
RovERius (le P. Royer), De Vità Pétri Cotoni; Lyon, 1660.
— GuiLLER, Roanne et tes Roannais, 1863. --- Le P. Prat,
la Compagnie de Jésus au temps du P. Coton^ 1875-79, 5 yoL
— Perrens, les Mariages espagnols. — B. Zeller, HenrilV
et Marie de Médicis. — Perrens, l'Eglise et l'Etat en France
sous le règne de Henri IV, -^ C. Read, Le Grimoire du
R. P. Coton, Série de questions adressées au diable par le
P. Coton {Bull, de la Soc. de l'hist. du protestantisme,
1890, no 4).
COTON EASTER (Cotoneaster M^ôlk,) (Bot.). Genre de
plantes de la famille des Rosacées et du groupe desPirées.
Ce sont des arbustes ou des arbrisseaux, voisins des Alisiers,
mais qui en diffèrent surtout par les fruits, dont les noyaux
osseux, au nombre de 3 à 5, font saillie au-dessus du
disque et sont à nu dans leur tiers ou leur moitié supé-
rieure. L'espèce type, C, vulgaris Lindl. {Mespilus coto-
neaster L.) croît dans les Alpes, les Pyrénées, ainsi que dans
les hauts sommets du Jura, de l'Auvergne ef des Vosges.
On l'appelle vulgairement Néflier cotonnier. Ses fruits, glo-
buleux, de la grosseur d'un pois, et d'un rouge écarlale
à la maturité, ont une saveur à la fois aigrelette et douce.
Il en est de même de ceux du C, pyracantha Spach {Mes-
pilus pyracantha L.), arbrisseau épineux qui croît commu-
nément dans l'Europe méridionale, notamment en Provence
et en Italie où il iorme des haies. On l'appelle vulgairement
Arbre de Moïse, Buisson ardent. Ces deux espèces sont fré-
quemment cultivées dans les jardins comme ornementales.
COTONNADE (Industr.).On donne d'une manière géné-
rale le nom de cotonnades aux tissus de coton en couleur,
employés principalement à l'habillement des habitants des
campagnes et des populations ouvrières. Les effets de couleur
sont produits soit par l'impression comme dans les indiennes,
soit par le tissage lui-même dans les rouenneries et autres
articles analogues. Les cotonnades se fabriquent princi-
palement en Ecosse, dans certains districts de Suisse,
d'Allemagne et d'Italie, en Finance à Rouen, Fiers, Condé-
sur~Noireau, Vichy, Roanne et les Vosges.
COTON NETTE. Synonyme de cotonnade (V. ci-dessus).
COTONNIER. I. Botanique. — Les Cotonniers consti-
COTONNIER — COTRE
- 16 -
tuent, dans leur ensemble, le genre Gossypium L., qui
appartient à la famille des Malvacées et au groupe des Hibis-
cées. Ce sont des plantes herbacées ou ligneuses, frutes-
centes ou presque arborescentes, dont la tige porte de
grandes feuilles alternes, pétiolées, lobées ou palmées, ac-
compagnées de stipules latérales. Les fleurs, assez grandes,
de couleur blanche, jaune ou pourprée, sont axillaires ou
terminales et longuement pédonculées. Elles ressemblent
beaucoup à celles des Ketmies (Y. Hibiscus), mais le cali-
cule qui les enveloppe est formé seulement de trois larges
bractées, plus ou moins déchiquetées sur les bords. L'an-
drocée, uni par sa base avec les pétales, est monadelphe
avec un grand nombre d'étamines à anthères réniformes,
nniloculaires et extrorses. L'ovaire est supère et divisé
en cinq loges, contenant chacune un placenta multiovulé.
Cet ovaire devient, à la maturité, une capsule ovoïde, dé-
signée vulgairement sous le nom de coque ou de gousse^
et renfermant de nombreuses graines noires, couvertes de
longs poils filamenteux blancs ou roussâtres qui constituent
\ecoto7i (V, ce mot).
Les auteurs sont loin d'être d'accord sur le nombre
d'espèces qu'il convient d'admettre dans le genre Gossy-
pium, Tandis que M. Todaro {Relazione délia coltura
dei cotoni in Italia, seguita da una monografia del
génère Gossypium; Rome et Palerme, d 877-78, avec
pi. in-fol.) en énumère 54, M. Parlatore (Le Specie dei
cotoni ; Firenze, 1866, avec pi. in-fol.) n'en compte que 7,
nombre qui est réduit à 4 par le D^' Masters (dans Oliver,
Flora of tropica Africa, p. 210, et dans sir J. Hooker,
Flora of british India, I, p. 346), et même à 2 par Ben-
tham et Hooker {Ge7i. pL, I, p. 209). Les quatre espèces
conservées par le D^' Masters et admises par M. H. Bâillon
(Dict, encycL des sciences mëd. de Dechambre, 1^^ série,
t. XXI, p. 129, et Hist. des Plantes,, lY,^, US, note 3)
sont: G. herbaceum L., G. barbadense L., G. arbo-
reum L. et G. anomalum Wawr. et Peyr. (Sert, ben-
guel, p. 22).
Le G. herbaceum paraît être l'espèce la plus ancienne-
ment connue, du moins dans les cultures asiatiques. Il a
passé pendant longtemps pour fournir la plupart des cotons
du commerce. On le cultive, presque partout, dans l'Asie
et l'Afrique tropicales, dans l'Inde, au Japon, aux Etats-
Unis (V. Torrey et Asa Gray, Flora ofNorth America,
I, p. 230 ; Darlington, Agricultural botany, p. 16)
et dans plusieurs localités du midi de l'Europe, notamment
en Italie, au pied du Vésuve. Dans les pays chauds, sa tige
dure plusieurs années ; mais, hors des tropiques, elle devient
annuelle par l'effet du froid des hivers. Sa fleur est ordi-
nairement jaune, avec un fond rouge. Son coton, blanc ou
jaunâtre, selon les variétés, est formé de deux sortes de
poils, les uns longs et difficiles à détacher de la surface de
la graine, les autres courts, interposés aux premiers.
Le G. barbadense, auquel le D*" Masters réunit toutes
les formes des Cotonniers américains, décrites souvent
comme des espèces, se distingue du G. herbace%im en ce
que son coton, de couleur blanche ou jaune nankin clair,
est formé uniquement de longs poils qui se séparent avec
une grande facihté de l'enveloppe noire des graines. C'est lui
qui fournit les principales sortes commerciales de cotons
d'Amérique. Il est également cultivé dans beaucoup d'en-
droits de l'Afrique et de l'Asie tropicales. Les graines don-
nent de 18 à 30 ^j^ d'huile par la pression, les tourteaux
de coton constituent une excellente nourriture pour le bétail.
Il en est de même du G. herbaceum. On en expédie en
Europe de grandes quantités. L'huile, analogue à l'huile de
palme, est utihsée surtout pour l'éclairage et la fabrication
des savons.
D'une taille plus élevée et d'une durée plus grande que les
deux espèces précédentes, le G. arboreum est caractérisé
par ses feuilles à 5 ou 7 lobes oblongs, lancéolés, séparés les
uns des autres par des sinus obtus et souvent pourvus d'un
lobule supplémentaire inséré dan-s chaque sinus. Ses fleurs
sont ordinairement rosées avec un fond rouge. Ses graines
sont couvertes de longs poils blancs, qu'accompagne à la base
un duvet verdâtre. Sa patrie est l'Afrique intertropicale,
notamment la Guinée supérieure, l'Abyssinie, le Sennaar
et la haute Egypte. On le cultive parfois en grand dans les
régions tropicales de l'Asie et de l'Amérique, mais ses pro-
duits sont peu exportés en Europe. Quant au G. anoma-
lum, c'est une espèce buissonnante, qui n'a encore été
rencontrée qu'en Nubie. Son caractère principal réside
dans ses bractées caliculaires qui sont entières et deux fois
aussi longues que les sépales. Elle est beaucoup moins utile
que les précédentes. Ed. Lef.
H. Agriculture. — C'est en 1664 que les premiers
essais de la culture du cotonnier furent entrepris sur la
côte de la Floride, mais ce n'est qu'en 1784 que les pre-
mières balles de coton furent importées des Etats-Unis en
Angleterre. En Algérie, le cotonnier est cultivé avec succès,
surtout dans le sud de la province d'Oran ; dans le midi de
la France, toutes les tentatives faites dans ce sens ont
donné des résultats négatifs. Le cotonnier végète lente-
ment; il demande des terres moyennes, fraîches et riches;
il semble affectionner la présence de la potasse. La terre
doit être bien ameublie ; on sème du 15 mars au 15 avr.,
c.-à-d. dès qu'on n'a plus de gelées à craindre : les graines
doivent être peu enterrées ; elles lèvent quinze jours plus
tard; bientôt après, on donne un premier binage, puis
un second au bout d'un mois. En juin, on fait l'éclair-
cissage et on laisse les plants à 1 m. les uns des autres
en tous sens. Cette opération est suivie d'un nouveau
binage et souvent aussi d'un arrosage. Dans les pre-
miers jours de juillet, on écime les cotonniers, ce qui
favorise l'émission des rameaux. En septembre et octobre,
on procède à la récolte des coques ; la cueillette se fait
le matin et le soir. Aussitôt qu'une capsule est détachée,
l'ouvrier la brise avec la main, il en extrait les fila-
ments et la semence qu'il jette dans un panier à deux com-
partiments ; quant à l'enveloppe, elle est laissée sur le
champ. La production d'un hect. varie entre 600 et
1,000 kilogr. de coton brut par hectare. Ses graines, après
enlèvement du coton qui les recouvre, sont employées sur
place à l'alimentation du bétail et surtout à l'extraction de
l'huile dont leur embryon est très riche. Les Etats-Unis
d'Amérique cultivent 4,725,000 hect. de cotonniers.
A. Larbalétrier.
COTONNINE (Industr,). Tissu dont la chaîne est en
chanvre et la trame en coton.
COTOPAXL Volcan des Andes de l'Equateur, au S.-E.
de la ville de Quito ; haut. 5,943 m., il est le plus élevé
des volcans actifs. Il a eu des éruptions en 1878 et 1880.
Reiss l'a gravi le 28 nov, 1872 (V. Equateur [République]
et Andes^ t. II, p. 1018).
COTRE (Mar.). Ce terme (du mot anglais cutter, qui
vient lui-même du verbe to eut, couper) désigne un petit
navire dont les façons coupent la mer, comme le ferait un
couteau. Le cotre est court et plonge beaucoup plus de
l'étambot que de l'étrave, ce que l'on exprime en langage
technique en disant qu'il a une grande différence de tirant
d'eau. Sa voilure comporte une grand'voile et un flèche en
cul, installés sur le mât unique ; enfin, deux focs, dont
l'un s'amure au bout du beaupré, généralement horizontal.
Quelques-uns portent, en outre, une voile carrée de fortune.
La grand'voile, trapézoïdale comme la brigantine des bâti-
ments ordinaires, s'envergue sur une corne et se borde sur
un gui. Une telle voilure est très favorable à la marche,
surtout au plus près, mais elle exige de la prudence quand
la brise est inégale. Sa manœuvre, dans ce cas, est assez
délicate, en raison de sa grande surface. Autrefois, les
cotres portaient jusqu'à huit caronades; l'effectif de l'équi-
page était de soixante et un hommes en temps de guerre et
de cinquante-cinq en temps de paix. Aujourd'hui, ils n'ont
que des espingoles et ne servent plus que de garde-pêche.
Les embarcations de plaisance sont fréquemment matées
delà sorte. Dans ce cas, les voiles sont très fines, en coton
généralement, afin de présenter plus d'éclat et de légèreté.
COÎROCENI. Monastère et petit village près de Buca-
rest, résidence d'été du souverain sous Couza et pendant
les premières années du règne de Charles F^. Tombeau de
la princesse Marie, fille du roi ; asile de jeunes filles.
COTRONE. Ville d'Italie, de la province de Catanzaro
(Calabre), port de la mer Ionienne, sur l'emplacement de
l'ancienne colonie achéenne de Crotone. Cette colonie, fondée
en liO av. J.-C, devenue en peu de temps très florissante,
se laissa vite corrompre à cause de l'extrême facilité de la
vie. Pythagore y fonda son école. Crotone fut prise en 299
par Agathocle, tyran de Syracuse, et en 277 par les Ro-
mains. Beaucoup d'athlètes et en particulier le célèbre
Milon naquirent à Crotone. La ville actuelle est un bon port
qui fait un abondant commerce d'huile, de vin, de soie et
de bois de réglisse. C'est un évêché; 7,744 hab. (4884).
COTSWOLD Hills. Collines du sud-ouest de l'Angle-
terre, qui séparent les bassins de la Tamise et de la Severn
et bornent la vallée fertile de Gloucester ; elles ont 80 kil.
de long ; leur plus haut point, le Cleeve Hill, a 346 m.
d'alt. Ces collines sont couvertes de pâturages plantureux.
COTTA (V. AuRELï [Gens]),
COTTA (Giovanni), poète italien, né à Legagno près de
Vérone en 4479, mort à Viterbe en 4540 ou 4544. Il fut
soldat, fit diverses campagnes- sous le général vénitien Bar-
thélémy d'Alviano, assista notamment à la bataille d'Agnadel
où il perdit presque tous ses manuscrits. Ce qu'on retrouva
de ses vers fut imprimé avec ceux de Sannazar à Venise
(4527) et plus tard dans le recueil intitulé Carmina
quinque poetarum (Venise, 4548, in-8). Tosinus rap-
porte qu'il collabora, étant très versé dans les sciences mathé-
matiques, à l'édition des œuvres de Ptolémée (Rome, 4508).
BiBL. : Valerianus, De Infelicitate litteratorum. — To-
sinus, Préface des Œuvres de Ptolémée; Rome, 1508.
COTTA (Lazaro-Agostino), littérateur et érudit italien,
né à San Giulio, sur le lac d'Orta, diocèse de Novare, en
4645, mort à Milan en 4749. Il se consacra spécialement
à élucider l'histoire de sa province natale et ne fit que
de rares excursions dans les lettres proprement dites.
Voici ses principaux ouvrages : La Plrlonea^ commedia
fantastica (Bologne, 4678); DeFylacrio episcopo Nova-
riensi dissertatio (dans la Galeria di Minerva ; Venise,
4698, t. m, in-fol.); Museo novarese (Milan, 4704,
in-fol.), travail pour lequel l'auteur avait recueilli une si
grande quantité de pièces, pris une telle quantité de notes
que le tout forme 44 vol. conservés à l'Ambroisienne de
Milan ; divers commentaires d'une grande érudition; enfin
un certain nombre de manuscrits demeurés inédits, R. G.
BiBL. : G. DE Grégory, Istoria délia Vercellese lelle-
ratura ; Turin, 1819-1824, 4 vol. in4.
COTTA (Bernhard), géologue allemand, né à Klein-
Zillbach le 24 oct. 4808, mort à Freiberg le 44 sept.
4879. Fils d'un forestier distingué, Heinrich Cotta (4763-
4844), il a publié un grand nombre d'ouvrages, parmi
lesquels nous citerons : Geognosiische Wanderungen
(Leipzig, 4836-38, 2 vol.); Ueher den inneren Bau der
Gebirge (Freiberg, 4854); Die Lehre von den Erzla-
ger stœtben (Freiberg, 4855; 2« éd., 4859-64); Die
Géologie der Gegenwart (4878, 5^ éd.) ; Deutschlands
Boden (Leipzig, 4858, 2® éd.). Ses vues sur l'évolution du
globe terrestre indiquées dans les Briefe ilber Humboldt's
Kosmos (4848) sont développées dans Ueber das Wicke-
lungsgesetz der Erde (Leipzig, 4867).
COTTA DE CoTTENDORF (Barous de). Famille de libraires
allemands. La maison fut fondée en 4640 par Johann-
Georg à Tubingue, mais ne prit son essor que sous la
direction de Johann-Friedrich, né à Stuttgart le 27 avr.
4764, mort le 29 déc. 4832. Neveu du théologien J.-F.
Cotta (1704-4779), il prit, en 4787, la direction de la
librairie, fonda avec Schiller les Horen^ se mit en rapports
avec Gœthe et Herder ; en 4840, il transporta sa maison
à Stuttgart ; la prospérité due surtout à ses périodiques,
Allgemeine Zeitung, Politische Annalen^ Almanach
filr Damen, Morgenblatt, Polytechnische Journal^
Ausland, Inland, etc., lui valut une haute situation. Sa
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
4t — COIROCENI ~- COTTÈ
correspondance avec Schiller a été publiée par Wollmer
(Stuttgart, 4876).
Georg, son fils, né le 49 juil. 4796, mort le 4®»^ févr.
4863, étendit encore ses affaires, publiant Wochenblatt filr
Hand und Haiiswirthschaft (4834), les classiqu,es alle-
mands, le Kosmos de Humboldt, etc., achetant dès librairies
à Leipzig, Munich, etc. La maison Cotta a rétrocédé une
partie de ces établissements aux Weibert, Brockaus, Olden-
bourg, Riedel ; elle en conserve à Stuttgart et Munich.
COTTA BE (xoTxaSoç). Nom d'un jeu fort usité en Grèce,
où il était particulièrement pratiqué dans les banquets.
De nombreuses peintures de vases le représentent ; des
descriptions minutieuses nous en sont données par diffé-
rents écrivains. Il est cependant difficile d'imaginer exac-
tement comment on y jouait. Il s'agissait, semble- t-il, pour
le buveur accoudé sur un lit, de tenir sa coupe par une
anse, avec un seul doigt, et de lancer le vin laissé au
fond sur un plateau métallique placé en face de lui et sou-
tenu par un support. Dans la façon dont le Hquide tombait
sur ce plateau, dans le son qu'il y rendait, le buveur voyait
tel ou tel présage. Le jeu du cottabe servait d'oracle d 'amour,
comme, chez nous, Teffeuillemènt des marguerites.
BiBL. : Hermann-Blumner, Griech. Privatalterthûmer,
p. 250, note 2. ~ Baumeisïer, Denkmœler des klass.
Altertiims, au mot Kottabos.
COTTAGE. Mot d'origine anglaise, qui désignait autrefois
en Angleterre les fermes-villas, habitations élégantes des
fermiers les plus aisés , qui en tiraient leur nom de cotta-
gers. Aujourd'hui, le sens de ce mot s'est un peu altéré.
Il désigne, en Angleterre comme en France, les petites
maisons de campagne situées de préférence aux environs
des grandes villes et servant de villégiature au commerce
ou à la bourgeoisie. Les cottages anglais sont bâtis en
général sur un plan à peu près uniforme. Elevés d'un
étage seulement, construits en pierre grise et couverts en
tuile, ils sont de forme carrée. On y accède par un petit
escalier aux côtés duquel se trouve la porte conduisant
aux communs situés le plus souvent en contrebas du sol.
Le seul ornement extérieur du cottage est la bow-window,
taillée de la même hauteur que la maison, au milieu de
laquelle se trouve une fenêtre à trois vantaux. Cette
fenêtre éclaire la pièce principale de la maison, hall ou
drawing-room ; le cottage est presque toujours entouré
d'un jardin fermé par une grille. — En France, le mot
cottage désigne indifféremment toutes les villas et les
élégantes maisons de campagne qu'on rencontre en si
grand nombre dans les environs des villes d'eaux ou sur
les bords de la mer. L. Saint,
COTTALDIA (V. Diademâ).
COTTA N CE. Corn, du dép. de la Loire, arr. de Mont-
brison, cant. de Feurs; 4,265 hab.
COTTA RD (Pierre), architecte du roi; il travaillait à
Paris de 4650 à 4685. Il a laissé une suite nombreuse de
modèles dont la plupart ont été gravés dans le recueil
inihulé l'Architecture à la mode, publié par Mariette.
Ce sont des dessins nouveaux de lambris de menuiserie et
de panneaux de glace, des portes cochères, des vases, des
ornements (4685), et des portails de plusieurs églises de
Paris (4660). On connaît aussi différentes pièces gravées
représentant quelques-uns des hôtels de Paris et des châ-
teaux construits par lui en 4649 et 4650.
BiBL. : GuiLMARD, les Maîtres ornemanistes.
COTTE (Cottus Art.). I. Ichtyologie. — Genre de
Poissons osseux (Téléostéens) de l'ordre des Acanthopté-
rygiens Cotto-Scanbriformes et de la famille des Cottidce
(V. ce mot). Il offre pour caractères : une tête arrondie,
épaisse, déprimée ; un corps subcylindrique, comprimé en
arrière; une ligne latérale, les pectorales arrondies, des
dents villiformes ; pas de dents palatines. La forme la plus
commune de nos eaux douces est le Cottus Gobio ou
Chabot de rivière. Elle habite de préférence les petits ruis-
seaux et les eaux vives ; sa couleur est d'un brun plus ou
moins jaunâtre orné de marbrures plus foncées, les na-
geoires sont piquetées de brun. L'angle du préopercuie est
2
COTTE
a
formé d'une simple épine chez les formes des eaux douces ;
elle est double chez les formes marines. Rchbr.
IL Archéologie. — Robe de dessous, commune aux
deux sexes, en usage au moyen âge. Au x® siècle, la
cotte des hommes était une tunique à manches étroites,
descendant jusqu'aux genoux, maintenue à la taille par
une ceinture sur laquelle elle retombait ; des broderies
ornaient souvent le bord inférieur, l'encolure et l'extré-
mité des manches. A la fin du xi® siècle, les manches
s'allongent, s'élargissent, et la ceinture disparait. Au
xii^ siècle, la cotte devient très longue, tombant sur les
pieds, laissant toutefois à découvert le bas des jambes ; on
la fend devant et derrière pour permettre d'enfourcher le
cheval. Au xiv^ siècle, le jaquet et le pourpoint se subs-
tituèrent à la cotte. C'est vers 4240 qu'apparut la cottardie
ou cotte hardie, surcot muni de longues ailes pendant
derrière les bras ou bien de courts et amples mancherons.
On appelait cotte à armer ou cotte d'armes la tunique
flottante et sans manches, que les chevaliers du xni® au
xv*^ siècle portaient par-dessus le haubert ; elle était cou-
verte de broderies figurant les armoiries du chevalier.
Joinville (§ 25) reprochait au roi Philippe le Hardi la
richesse de ses cottes : « Il (saint Louis) disait que l'on
devait vêtir et armer son corps de telle manière que les
prudhommes de ce siècle ne dissent pas qu'on en fît trop,
ni que les jeunes gens ne dissent qu'on en fît trop peu. Et
cette chose, je la rappelai au père du roi qui est mainte-
nant, à propos des cottes d'armes brodées qu'on fait au-
jourd'hui; et je lui disais que jamais dans le voyage d'outre-
mer oîi je fus, je ne vis cottes brodées, ni celles du roi,
ni celles des autres. Et il me dit qu'il avait tels atours
brodés à ses armes qui lui avaient coûté huit cents livres
parisis. Et je lui dis qu'il les eût mieux employées s'il les
eût données pour Famour de Dieu, et qu'il eût fait ses
atours en bon taffetas garni de ses armoiries, ainsi que son
père faisait. » Malgré les protestations du sire de Joinville,
le luxe dans les habits alla toujours grandissant. La cotte
du duc de Bourbon, fait prisonnier à la bataille de Poi-
tiers, contenait six cents perles, sans compter les rubis et
saphirs, si bien qu'un Italien, établi à Londres, consentit
à prêter sur ce vêtement 4,200 écus d'or.
La cotte des femmes, aux xii® et xni^ siècles, ne différait
de celle des hommes que par sa longueur; elle recouvrait
les pieds. Le surcot la recouvrait entièrement et ne laissait
voir que le bas des manches. Cependant on pratiqua des
ouvertures au surcot, qui permettaient de juger de la
richesse de la cotte. Au xv® siècle, la cotte était munie de
manches étroites, évasées au poignet ; elle était ouverte
sur le devant jusqu'au milieu du corps. Au xvi^ siècle, ce
ne fut plus qu'une sorte de jupon long ; sous François P^,
la cotte était tendue sur la vertugale et décorée de bandes
horizontales de broderies. Sous Charles IX, la cotte, ouverte
devant, laissait voir la vertugale.
Cotte de mailles. Tunique de mailles de fer, portée
par les guerriers dans F antiquité et au moyen âge.
Certains soldats du Haut-Empire portaient la cotte de
mailles qui, au dire de Varron, était d'invention gauloise ;
elle était faite de petits anneaux de fer, engagés les uns
dans les autres. Les Francs portaient aussi une tunique
de mailles de fer, qui, au xi® siècle, prit le nom de hau-
bert (V. ce mot). M. P.
BiBL. : Ichtyologie. — Gunther, Studi/ of Fishes.
Archéologie. — Viollet-le-Duc, Dictionnaire rai-
sonné du mobilier, t. III, p. 279. — Quiciierat, Histoire du
costume en France,
COTTE ou COSTE (Les de), famille d'architectes fran-
çais des xvu^ et des xvui^ siècle. — Fremin de Cotte,
le plus anciennement connu, était architecte de Louis XIII,
fut employé par Richelieu dans les travaux du siège de La
Rochelle (1627-1628) et a laissé un ouvrage intitulé
Explication briève et facile des cinq ordres d'architec-
ture démontrée par Fremin de Cotte, architecte ordi-
naire du roi (Paris, 1644, in-8), ouvrage dédié à
Mê^ Antoine de Mesme, dont Fremin de Cotte était l'ar-
chitecte et pour lequel il a probablement travaillé à la
reconstruction de son hôtel de Mesme, à Paris. — Charles
de Cotte, fils du précédent, fut, lui aussi, architecte du roi
et mourut à Paris eu oct. 1662. — Piobert de Cotte,
fils du précédent, né à Paris en 1656, mort à Passy le
14 juil. 1735. Elève de son père et de Jules-Hardouin
Mansart, dont il devint le beau-frère en épousant Cathe-
rine Bodin, sœur de M°^® Mansart, Robert de Cotte con-
duisit, sous la direction de Mansart, les travaux d'achève-
ment du dôme des Invalides et fit élever en 1683 et 4684
les bâtiments et la tour de la machine de Marly. Admis,
en 1687, â l'Académie royale d'architecture, il reçut, en
1689, le titre d'architecte du roi et semble avoir séjourné,
en 1700 et 1701, à Lyon où Mansart Favait envoyé diri-
ger les travaux de restauration de l'hôtel de ville et où il
construisit, par la suite, les bâtiments de la place Belle-
cour (modifiés depuis), une salle de concert et un grenier
d'abondance. En 1704, il était nommé vice-protecteur de
l'Académie royale de peinture, de sculpture et, en 1708, il
succédait à J.-H. Mansart comme premier architecte du roi.
Il fut alors chargé, en cette quahté, de continuer la trans-
formation du chœur de l'église Notre-Dame de Paris et
l'achèvement de la chapelle du château de Versailles.
Comme travaux publics, on doit à Robert de Cotte, tant à
Paris qu'aux environs de cette ville, de 1725 à 1735,
l'agrandissement et l'aménagement des bâtiments du Palais-
Mazarin, rue de RicheHeu, pour Finstallation de la biblio-
thèque royale et notamment la galerie dite des Globes, la
façade du fond de la cour et une aile en retour à gauche ;
le nouveau bâtiment de la Samaritaine à l'entrée du Pont-
Neuf, qui fut démoli en 1712 et le château d'eau de la
place du Palais-Royal, ainsi que les portails des églises
Sain^Roch et des Pères de la Charité qui furent continués
par son fils ; le cloître de l'abbaye de Saint-Denis et, après
qu'il eût fait démolir la chapelle dite des Valois, la recons-
truction du monument de Henri II dans Féghse abbatiale,
enfin, à Versailles, le péristyle de Trianon. Les hôtels pri-
vés que Robert de Cotte fit construire ou décorer pendant
cette période sont aussi des plus nombreux et, parmi eux,
il faut citer : l'hôtel d'Estrées, rue de Grenelle-Saint-Ger-
main ; l'hôtel do Lude, dans la rue du Bac ; l'hôtel de
Bourbon-Condé, rue de Bourbon, devenu l'hôtel du Maine ;
l'hôtel de Meulan, près l'église des Capucines et enfin l'hô-
tel de Toulouse, ancien hôtel de la Vrillière, aujourd'hui
siège de la Banque de France et où on lui doit la fameuse
galerie dorée restaurée, il y a peu d'années, par Ch. Ques-
tol. On ne peut, tant ils sont considérables, que mention-
ner les principaux travaux exécutés en France ou à l'étran-
ger dont les projets furent demandés à Robert de Cotte :
c'est ainsi que, dès 1688, il avait étudié l'agrandissement
de l'église Saint-Charles, de Sedan; en 1705, il avait
donné, en collaboration avec le sculpteur Coysevox, les
dessins du tombeau du comte d'Harcourt pour l'église de
Fabbaye de Royaumont; en 1707, il avait projeté la
reconstruction du portail et des tours de la cathédrale
d'Orléans, dont il fit seulement refaire la flèche centrale,
et la même année, il avait agrandi et décoré le château de
Thouars, œuvre de François Mansart; vers 1725, à Ver-
dun et à Strasbourg, il avait fait élever les palais épisco-
paux de ces deux villes et à Frascati^ une résidence d'été
pour Févêque de Metz et aussi donné au duc d'Antin, gou-
verneur de la Guyenne, un projet de décoration de la place
Royale de Bordeaux qui fut exécuté par Gabriel. A l'étran-
ger, Robert de Cotte eut à fournir des projets de palais et
de résidences à plusieurs princes souverains, soit en Alle-
magne, en Autriche, en Espagne, en Savoie et même en
Turquie, et il ne contribua pas peu ainsi à cette influence
de Fart français qui se remarqua et se fit sentir pendant
tout le xvni*^ siècle. On possède un très beau portrait de
Robert de Cotte, par Hyacinthe Rigaud, gravé par Pierre
Brevet et mentionnant ses titres, parmi lesquels celui de
chevalier de l'ordre de Saint-Michel, et un buste de cet
architecte, dû au ciseau de Coysevox, est au musée de Ver-
49 -
COTTE — CÔTTIN
sailles. En 1811, à îa mort d'un fils de Jules-Robert de
Cotte, fils de RoJjert de Cotte (V. ci-dessous), la Biblio-
thèque impériale fit acheter et conserver depuis, au dépar-
tement des estampes, les volumineux portefeuilles et car-
tons de dessins de l'architecte des rois Louis XIV et
Louis XV, lesquels, d'après l'étude qu'en a faite M. Dutail-
leur, doivent être des plus précieux à consulter. — Louis de
Cotte, fils de Charles de Cotte et frère du précédent, était,
en 1705, architecte et contrôleur des bâtiments de Fontai-
nebleau; il reçut, en 1715, un logement aux abords du
Louvre et fut admis, en 1725, à l'Académie royale d'ar-
chitecture. Il mourut en 1742. — Jules-Robert de Cotte,
fils de Robert de Cotte et neveu du précédent, né à Paris,
en 1683, mort à Passy le 8 sept. 1767. Elève de son
père et protégé par Jules-Hardouin Mansart, son oncle
maternel, Jules-Robert de Cotte fut admis à l'Académie
royale d'architecture en 1711 et hérita, par la suite, de
toutes les charges de son père. Il avait même été fait, dès
1719, intendant et ordonnateur des bâtiments du roi et fut
de plus directeur des monnaies et médailles. Il se borna à
continuer, sur les dessins de son père, une partie des travaux
commencés par ce dernier, tels que l'éghsc Saint-Roch, dont
il éleva le portail à partir de 1736 ; le portail de l'église des
Pères delà Charité; le château d'eau de la place du Palais-
Royal ; la décoration du château royal de Madrid, au bois
de Boulogne ; il dirigea aussi, vers 1747, des travaux au
château de Fontainebleau où il semble avoir succédé à son
oncle Louis de Cotte. Charles Lucas.
BiBL. : J. Fr. Blondel, Architecture française; Paris,
1752, pi., 1. 1, in-fol. — Destailleur, Notice sur quelques
artistes français ; Paris, 1863, in-8. ~ A. Jal, Dict. crit. de
biographie et d'histoire; Paris, 1872, in-S ; 2» édit. — P.
Planât, Encyclopédie de l'architecture; F âvis^ 1890, in-S,
fig., vol. IV. — L. DussiEUx, les Artistes français à l'é-
tranger ; Paris ^ 1876, in-8, 3« édit.
COTTE (Le P. Louis), agronome et météorologiste, né à
Laon le 20 oct. 1740, mort à Montmorency le 4 oct. 1815.
Prêtre de l'Oratoire, curé de MontmcM'ency, chanoine de
Laon, il se maria en 1794, et fut pendant quelque temps
conservateur de la bibliothèque du Panthéon. Membre cor-
respondant de l'Institut depuis 1769, il envoyait déjà depuis
quatre ou cinq ans à l'Académie des sciences une nombreuse
série de mémoires, les uns sur des questions d'histoire natu-
relle et d'agronomie, les autres sur les rapports entre l'état
de l'atmosphère et la production du sol ou même les mala-
dies épidémiques. Il publia, en 1774, un volume in-4 inti-
tulé Traité de météorologie, très probablement le pre-
mier ouvrage où ce que l'on savait de cette science ait été
clairement résumé et coordonné. En 1788, il donna une
suite à ce travail, intitulée Mémoires sur la météoro-
logie (2 vol. in-4). E. Durand-Gréville.
COTTEAU (Gustave), géologue français, né à Auxerre
en 1818. Ancien juge au tribunal de sa ville natale, il
s'est occupé depuis 1845 de savantes recherches sur la
géologie et la paléontologie, particulièrement sur les échi-
nides fossiles. Il a été secrétaire général de l'Institut des
provinces, président de la Société géologique de France, et
il est depuis le 18 juil. 1887 correspondant de l'Académie
des sciences de Paris, Outre une centaine de mémoires in-
sérés dans le Bulletin de la Société des sciences de
l'Yonne, le Bulletin de la Société géologique de Paris,
la Revue de zoologie et les Comptes rendus de l'Aca-
démie des sciences, il a publié plusieurs catalogues et
monographies des échinides fossiles des dép. de l'Aube, de
l'Yonne, de la Sarthe, de la région des Pyrénées, de la
Normandie, de la Lorraine, de la Belgique, de l'Algérie, des
îles de Cuba, de Saint-Rarthélemy, d' Anguilla. On lui doit
aussi la continuation de la Paléontologie française d'Al-
cide d'Orbigny (Paris, 1885-89, t. I, in-S). L. S.
COTTENCHY. Com. du dép. de la Somme, arr.
d'Amiens, canton de Boves ; 463 hab.
COTTENDORF (Baron de) (V. Cotta [Jean-Frédéric]).
COTTENHAM (Charles-Christopher Pepys, comte de)
(V. Pepys).
COTTE R EAU (les frères), surnommés Chouan, pre-
miers chefs de l'insurrection à laquelle ils ont laissé le
nom de chouannerie (V. ce inot). — L'aîné des frères Cotte-
reau, Jean Chouan, est né à Saint-Berthevin près de La-
val le 30 oct. 1757. C'était un sabotier qui entra avec ses
trois frères dans les bandes de faux-sauniers. Accusé
d'avoir tué un douanier, il échappa à la potence grâce à
des protections locales, s'engagea comme soldat, déserta
au bout d'un an et revint dans son pays. Après avoir
passé deux ans en prison, il obtint la gérance d'une petite
propriété de son pays et vécut tranquille jusqu'à la Révo-
lution. Mais le 15 août 1792, il se mit à la tête des insur-
gés de Saint-Ouen, près de Laval, qui voulaient s'opposer
au départ des volontaires. Ces insurgés, soulevés par les
nobles et les prêtres et soutenus par les Anglais, faisaient
une guerre de coups de main dans laquelle l'assassinat et
le pillage étaient pratiqués sur une vaste échelle. — Le plus
jeune des frères Cottereau, René, survécut seul à l'insur-
rection ; les autres y périrent. Jean Chouan, le plus souvent
fugitif et caché dans les bois, fut tué aux environs de Laval
dans un combat contre les troupes républicaines (29 juiL
1794).
COTTEREAUX (V. Cotereàux).
COTTERILL, sculpteur anglais contemporain. Cet artiste
a acquis une véritable célébrité pour ses animaux et sur-
tout pour ses chevaux, pleins de vie et d'expression. Parmi
ses œuvres les plus remarquables, on cite les suivantes :
Statuette équestre en argent, exécutée pour lord Chandos
(1837); statuette équestre de Sir Beville Granville à
la bataille de Landsdownhill ; statue équestre du
Prince Albert, en marbre, avec ornements d'argent
(1844) ; une Dame à cheval, assistant à la mort du
cerf; un vase d'argent destiné à servir de prix aux courses
d'Ascot, et représentant Hercule faisant dévorer par ses
chevaux le roi des Thraces Diomède (1850). Ad. T.
COTTÉVRARD. Com. du dép. de la Seine-Inférieure,
arr. de Dieppe, cant. de Bellencombre; ^73 hab. Clocher
élégant du xvi® siècle. Vestiges antiques, tumulus du bois
de la Motte et restes de retranchements.
COTTIENNES (Alpes) (V. Alpes et Cottius).
COTTIER. Com. du dép. du Doubs, arr. de BesançoUj
cant. d'Audeux; 73 hab.
COTTIN (Marie, dite Sophie Risteau [et non Ristaud],
dame), femme de lettres française, née à Paris (et non à
Tonneins) en 1770 (et non en 1773), morte à Ciiamplan^
près deLongjumeau (Seine-et-Oise),le 25 avr. 1807. Fille
d'un directeur de la compagnie des Indes qui mourut peu
après sa naissance, elle fut élevée à Tonnems, pays natal
de sa mère, et y reçut une éducation littéraire fort solide.
En 1790, elle épousa un banquier de Bordeaux beaucoup
plus âgé qu'elle et qui mourut à Paris en 1793. Retirée
dans une maison de campagne à Champlan, elle y passa le
reste de sa vie et y écrivit cinq romans dont la vogue, très
considérable, attestée par de nombreuses réimpressions et
traductions contemporaines, a fait place à un oubli peut-être
excessif: Claire d'Albe (1799,in-12, d'abord anonyme);
Malvina (1801, 3 vol. in-12) ; Amélie Mansfleld(m^,
3 vol. in-12) ; Mathildeou Mémoires tirés de l'histoire
des Croisades (1805, 6 vol. in-12), dont le héros, Malek-
Adhel, a inspiré jusqu'aux fournisseurs attitrés de l'imagerie
populaire ; Elisabeth ou les Exilés de Sibérie (1806,
2 vol. in-12), l'un des grands succès de l'auteur, jusqu'au
jour où Xavier de Maistre tira de l'anecdote, dit-on, ar-
rangée par M"^^ Cottin, un récit plus émouvant dans sa sim-
plicité. Il existe plusieurs éditions des OEuvres complètes
de M«^^ Cottin (1817, 5 vol. in-8; 1818, 12 voL in-18,
1823, 9 vol. in-18, etc.), et un choix de ses Pensées^
maximes et réflexions morales, recueillies par A. Ber-
nays (Londres, 1820, in-18). M"^^ Cottin excita et peut-
être ressentit de violentes passions ; celle de /. de Vaines
(V. ce nom) eut un dénouement tragique et Sainte-Beuve
assure qu'elle-même se tua d'un coup de pistolet dans son
jardin. Des lettres intimes, récemment pubhées par M. A. de
COTTIN — COTTIS
— 20 —
Ganniers, trahissent tout au moins, sinon un amour mal-
heureux, du moins un profond découragement et une tris-
tesse incurable; mais l'éditeur' de ces lettres, qui a rectifié
d'autres points de la biographie de leur auteur, ne fait
aucune allusion à ce suicide. Maurice Tourneux.
BiBL. : Sainte-Beuve, Causeries du lundis t. XL — A. de
Ganniers, M»^» Cottin pendant la Terrewî^ dans le Corres-
pondant, 10 et 25 août 1888.
COTTIN ET (Clair-Edmond), publiciste et auteur dra-
matique français, né à Paris le 18 févr. 4824. Collabora-
teur au Courrier du dimanche {iS6'î^AS(jS) , fondateur de
V Association, bulletin des sociétés coopératives, il écrivit
encore assidûment dans la Nouvelle Revue, Il est le
créateur des colonies scolaires de vacances au profit des
enfants pauvres et débiles du IX*^ arrondissement de Paris,
et il a pris une grande part au développement des institu-
tions analogues (V. Colonies scolaires, t. XI, p. 1063).
M. Cottinet est Fauteur de l'Avoué par amour, comédie
en un acte et en vers représentée en 4850 à la Comédie-
Française, du Brigadier Feuerstein, drame en quatre
actes, en collaboration avec Emile Augier (Gymnase, 4858),
du Roi d'Amâtibu, comédie en quatre actes, en collabo-
ration avec Labiche (Palais-Royal, 4868), du Docteur
Bourguibus, comédie en un acte en vers (Odéon, 4873),
du Baron de Valjoli, comédie en quatre actes (Gymnase,
4875), de Vercingétorix, drame en cinq actes (Paris,
4880, in-8). Il a donné aussi plusieurs volumes de poésies :
les Intermèdes (Paris, 4873, in-42) ; les Tragi-Comiques
(4879, in-42); le Vin de la messe (4885, in-8), et
inséré dans la Revue pédagogique un travail intéressant :
Instruction pour la formation et le fonctionnement
des colonies de vacances (4887).
COTTI N G H A Wl (Lewis-Nockalls) , architecte anglais, né à
Laxfield (comté de Suffolk) le 24 oct. 4787, mort à Lon-
dres le 43 oct. 4847. Fils d'un fermier aisé, Cottingham,
montrant du goût pour Farchitccture, fut envoyé chez un
constructeur d'Ipswich où il acquit une bonne éducation
pratique. Venu à Londres en 4844, il fut chargé, en 4822,
de conduire les travaux de la Cook's Company et, en 4825,
de restaurer la cathédrale de Rochester ; vers la même
époque, il construisit aussi, dans le Derbyshire, pour M. John
Harrison, une résidence qu'il étudia dans le style gothique
anglais dit perpendiculaire (dernière évolution de ce style
en Angleterre) : aussi ces deux derniers travaux et la pu-
Mication simultanée de ses ouvrages sur l'abbaye de West-
minster (V. plus bas) firent-ils à Cottingham une réputa-
tion méritée d'adepte de l'architecture gothique et, en
effet, il fut un de ceux dont le talent et les efforts ame-
nèrent en Angleterre une renaissance de ce style qui ne
s'est pas démentie depuis soixante-dix ans. Les travaux
que Cottingham fit exécuter pendant vingt-cinq années
furent considérables, et parmi eux il faut citer la restaura-
tion de la chapelle de Magdalen Collège, à Oxford, et de
certaines parties de l'abbaye de Saint-Alban ; la recons-
truction presque totale de la cathédrale d'Armagh (Irlande),
la restauration de la cathédrale d'Hereford^ travail qui
l'occupa plusieurs années et dans lequel il fut secondé par
son fils aîné, Johnson Cottingham, né en 4823 et mort
dans un naufrage en 4854 ; enfin tout un quartier avoisi-
nant le pont de Waterloo et formant la grande paroisse de
Saint-John, à Lambeth. Cottingham s'était bâti à Waterloo
Bridge Road un hôtel dans lequel une enfilade de pièces
étaient consacrées à la belle collection d'ouvrages d'archi-
tecture et de fragments de sculpture sur bois et sur pierre
qu'il avait réunis concernant l'architecture ogivale et qu'il
mettait hbéralement à la disposition des élèves et des
amis de ce style.
Cottingham, qui était membre de la Société des anti-
quaires de Londres, a publié dans V Archœologia (t. XXIX)
la description des terres cuites coloriées du pavage de la
salle du chapitre de Westminster (lesquelles furent gra-
vées, sur ces dessins, dans l'ouvrage de J.-B. Nichols,
Fac-similés of Encaustic Tiles) et aussi le compte rendu
de la découverte, dans l'église du Temple à Londres, des
cercueils de plomb des chevaliers templiers. On lui doit de
plus : Plans, Elévations, Sections, Détails and Vieivs
ofthe ChapelofKing Henry VU et Westminster Abbey
(Londres, 4822-4829, 2 in-fol.) ; Plans, Elévations,
Sections and Détails of Westminster Hall (Londres,
4822, in-fol.) ; the Smith and Founder's Directory
(Londres, 4824, in-8, 3<^ édit.); Working Drawings for
Gothic Ornaments (Londres, in-fol.); Grœcia7ia7id Ro-
man Architecture (Londres, 24 pi. in-fol.). Ch. L.
BiBL. : The Btiilder, no" des 23 oct. 1847 et 2 déc. 1856.
— Leslie Stephen, Dict. of nat biogr.; Londres , 1887,
t. XII, in-8.
GDTTINGTON (Lord Francis), né vers 4578, mort en
4652, diplomate anglais qui joua un grand rôle dans toutes
les négociations anglo-espagnoles au commencement du
xvii® siècle. Ambassadeur en Espagne, il signa le traité du
5 nov. 4630 au nom de l'Angleterre. Il fut avec W^eston
l'un des hommes en qui le roi mit sa confiance pour la
direction des afiaires extérieures, et représenta toujours
dans les conseils le parti hostile à la France et à la Hol-
lande, favorable à l'Espagne. C'était un catholique (bien
qu'il se soit converti plusieurs fois au protestantisme), mais
un ami peu sûr, même pour ses coreligionnaires; on se
plaignait de ses spanish tricks. Il fut appointé lord tré-
sorier en oct. 4643, et signa la capitulation d'Oxford en
juil. 4646. Lord Jermyn essaya de l'exclure du conseil
de Charles II, après l'exécution de Charles P^, et l'envoya,
en 4649, chercher des secours en Espagne, où il mourut.
Ce personnage fut généralement détesté de tous ceux qui
l'approchèrent, Laud, Hyde, Clarendon, etc. Nous avons
son portrait par un peintre espagnol {National portrait
gallery), Ch.-V. L.
COTTIS (Vitic). On désigne, dans les Charentes, sous
le nom de cottis, une maladie de la vigne dont les carac-
tères principaux se manifestent par un rabougrissement des
rameaux qui sont très ramifiés, et une jaunisse finale des
feuilles qui sont en même temps plus découpées. On ne
sait en réalité de quelle nature est cette affection, d'ailleurs
imparfaitement définie dans ses causes. Cette maladie,
signalée pour la première fois par Jules Guyot dans les
vignobles de Saint- Jean-d'Angely, est connue ailleurs sous
les noms de : pousse-en-ortille, vigne persillée, vigne à
pousses d'ortie, friset, court-noué, bourré-sarrat, jauber-
dat (traduction languedocienne du moi persillé). Le cottis
est surtout fréquent dans les terres blanches à sous-sol
peu profond : marnes blanches, terres crayeuses (fine
Champagne), calcaires grossiers blancs, sols de travertin
ou terres pauvres à sous- sol superficiel, marneux ou de
tuf. Jules Guyot avait attribué une certaine importance à
l'absence de fer dans ces milieux comme cause, au moins
partielle, du cottis. Non seulement il existe dans les marnes
blanches, aussi bien que dans les terres franches, une
quantité suffisante de fer pour la nutrition de la vigne,
mais certaines terres, colorées en rouge par le fer peroxyde,
renferment moins de fer que les terres blanches. La pré-
dominance ou l'absence de l'élément ferrugineux n'a donc
aucune influence sur le développement du cottis. On observe
d'ailleurs le cottis, quoique plus rarement, dans des terres
rouges. Le cottis attaque, dans les Charentes ^rtout, les
cépages rouges qu'il affaiblit graduellement. Les rameaux
restent courts et les nœuds sont très rapprochés ; ils poussent
un grand nombre de ramifications ; le cep, en tête de chou,
prend un aspect buissonnant. Les sarments ne sont jamais
tortueux; ils restent toujours droits; on observe assez
souvent, sur les rameaux verts, des éraillures roussâtres
ou d'un roux noirâtre, disposées en séries. On retrouve ces
altérations sur les feuilles, quoique plus rarement; ces
feuilles restent petites et, ce qui est assez caractéristique,
elles sont à lobes et à dentelures plus profondes, frisotées.
La chlorose se manifeste ensuite avec une intensité extrême ;
les feuilles finissent par se décolorer entièrement (elles
sont très délicates et souffrent beaucoup de la chaleur).
21 —
COTTIS — COTTON
Lorsque, après le repos déterminé par les fortes chaleurs
de l'été, arrive dans le Midi une deuxième période de végé-
tation de la vigne (fin août et septembre), les ceps pa-
raissent repousser, mais il est alors trop tard et l'effet pro-
duit par le cottis peut être tel que les vignes atteintes ne
se relèveront pas et iront en s'affaiblissent pour disparaître
au bout d'une période plus ou moins longue. Il n'existe
aucun procédé de traitement pour cette maladie mal dé-
terminée. P. VlALA.
COTTIUS, chef gaulois de l'époque d'Auguste, dont le
nom s'est perpétué dans l'épithète de « Cottiennes » appli-
quée à une partie des Alpes franco-italiennes. Le ter-
ritoire dont il était roi, regnum Cottii, et où son père
Donnus avait régné
avant lui, compre-
nait les hautes val-
lées de la Durance
et de la Doire Ri-
paire ; sa capitale
était Segusio,
Suse, sur le ver-
sant italien. La va-
leur militaire de
quelques passages
alpestres dont il
était le maître,
comme le col du
mons Matrona
(mont Genèvre) ,
avait donné une
importance réelle
aux domaines peu
peuplés de ce roi
montagnard. Après
la sou mission défini-
tive de la Gaule, son
territoire était le
seul où des tribus
gauloises fussent restées indépendantes ; mais cette indépen-
dance était bien précaire. Cottius le comprit ; il rechercha
l'alliance d'Octave et assura la liberté de son petit peuple par
le service qu'il rendit aux Romains en faisant tracer à tra-
vers ses Etats une grande route d'un versant à l'autre des
Alpes. Octave lui laissa son royaume, mais le plaça sous le
protectorat de Rome ; en effet, dans une inscription latine,
très intéressante pour la géographie ancienne de ces cantons
alpestres, Cottius se donne à lui-même le titre romain de
prœfectus. Cette inscription se lit encore sur un arc de
triomphe que Cottius fit élever à Suse en 9 av. J.-C, en
l'honneur d'Auguste (V. la fig.). « A l'empereur César
Auguste..., M. Julius Cottius, fils du roi Donnus, préfet
des cités dont les noms suivent (il y a quatorze noms de
peuples)... et les cités qui font partie de sa préfecture {qtiœ
sub eo prœfecto fuerunt). » Il faut remarquer encore
dans cette inscription le gentilieium Julius que le chef
gaulois avait accolé à son nom national de Cottius. Il eut
un fils qui porta le même nom que lui, M. Julius Cottius;
ce fils, resté fidèle à l'alliance romaine, reçut de Claude le
titre officiel de roi à la place de celui de prœfectus que
son père avait porté ; il vit aussi ses territoires augmentés
par le même empereur. Quand Cottius II fut mort, proba-
blement sans descendant, Néron transforma le regnum
Alpium en une province que l'on appela la province Cot-
tienne ou les Alpes Cottiennes. G. L.-G.
BiBL.: Corpus inscriptionum latinarum^ t. V, pp. 808-812.
— Ern. Desjardins, Géographie de la Gaule romaine ;
Paris, 1878, t. I, in-8.
COTTON (Jean), écrivain musical du moyen âge, posté-
rieur à Guy d'Arezzo, et auteur d'un ouvrage qui a pour
titre Epistola Johannis ad Fulgeiitium, dédié à Fui-
gence, évêque anglais, et contenant vingt-sept chapitres
précédés d'un prologue sur la musique et la notation de son
temps. Le chapitre xxi est un des plus intéressants de l'ou-
Arc de Suse (partie supérieure).
vrage; l'auteur y étudie les difficultés de la notation neu-
matique et les diverses méthodes en usage à son époque, y
compris celle d'Arezzo, pour dissiper les doutes laissés par
la notation primitive. Il existe un beau manuscrit de l'ou-
vrage de Cotton à la bibliothèque du Vatican (n" 1196 du
fonds de la reine Christine de Suède), et d'autres manus-
crits aux bibliothèques d'Anvers et de Leipzig. En outre,
l'abbé Gerbert l'a inséré dans son ouvrage Scriptores Eccle-
siastici de musica sacra (t. II, p. 230)^ et présume que Jean
Cotton n'est autre que Jean Scolastique, moine de l'abbaye
de Saint-Mathias de Trêves qui vivait vers l'an 1047. C. B.
COTTON (Pierre) (V. Coton [Pierre]).
COTTO N (Robert-Bruce) , antiquaire anglais, né à Denton
le 22 janv. 1570,
mortle6mail631.
Il était fils de Tho-
mas Cotton de Con-
nington (Hunting-
donshire ) ; après
avoir étudié à West-
minster et à Cam-
bridge, il se rendit
à Londres pour se
livrer à l'étude des
antiquités et des
manuscrits. Jac-
ques 1^^' le fit che-
valier, puis baronet.
Les manuscrits qu'il
avait rassemblés for-
mèrent la célèbre
Bibliothèque Cot-
ionienne ; ses héri-
tiers en firent pré-
sent au roi qui la
réunit à la biblio-
thèque de la Cou-
ronne. Toutes deux
furent en partie détruites par un incendie le 25 oct, 1731 :
ce qu'il en reste est aujourd'hui conservé au Musée britan-
nique. Dès 1590, Cotton fut élu membre de la Société
des Antiquaires de Londres ; telle était son érudition que
le gouvernement comme les particuliers le consultaient
constamment sur toutes les questions qui se rattachaient
aux institutions du passé. C'est ainsi qu'en 1600 il fut
l'arbitre d'un litige entre l'Angleterre et l'Espagne; en
1602, il accompagna Camden dans un voyage archéolo-
gique à Carlisle; en 1608, il fut chargé de rédiger un
mémoire sur l'histoire de la marine anglaise. Le roi
Jacques lui confia la mission de défendre la reine Marie
d'Ecosse contre les accusations dont elle était l'objet de
la part de Buchanan ; plus tard il fut chargé de rédiger
un mémoire sur les mesures à prendre contre les papistes
et les jésuites. Il aida Speed à écrire son Histoire d' An-
gleterre qui parut en 1611, et Camden à écrire son
Histoire d'Elisabeth. Cotton entra à la Chambre des com-
munes en 1623 ; il travailla à la rédaction de la constitu-
tion anglaise et il rédigea des instructions pour le cérémo-
nial du couronnement des rois. En 1626, il protesta par
un écrit public contre l'altération des monnaies, et, en
1628, il publia une revue de la situation politique de
l'Angleterre qui le rendit l'ennemi de la cour et le jetèrent
dans la poHtique militante. En 1629, ayant rédigé un
mémoire intitulé Conseils à Sa Majesté pour la répres-
sion des impertinences du Parlement^ on crut y voir
un pamphlet ironique à l'égard de certaines mesures de
pohce prises par le roi ; Cotton eut à se justifier et prouva,
paraît-il, que son écrit était sérieux et sincère. Ses ennemis
avaient dénaturé sa publication et Robert Dudley, duc de
Northumberland, avait même fait circuler un manuscrit
attribué à Cotton, avec ce titre : Comment un prince
peut s'' ériger en tyran, Cotton se justifia, mais ces tra-
casseries nuisirent à sa santé et le conduisirent au tombeau.
COTTON — n
Le catalogue de la Bibliothèque CoUonienne qui rend
son nom justement célèbre, a été rédigé d'abord par
Th. Smith sous ce titre : Catalogus librorum bibliothecœ
Cottonianœ (Oxford, 4696, in-fol). Après l'incendie de
4734, ce qui resta des collections a été inséré dans le
Catalogue of the Manuscripts of King's libranj par
Castley (Londres, 4734, in-42), et dans le Catalogue of the
Manuscripts in the Cottonian libranj deposited in the
British Muséum, par Planta (Londres, 4802). Outre un
assez grand nombre de brochures politiques, on doit à
Cotton une Histoire de Henri lîl qui eut plusieurs éditions.
En 4657, James Howell réunit un grand nombre d'écrits
de Cotton sous ce titre Cottoni Posthuma. E. Bâbelon.
COTTON (John), théologien de la Nouvelle-Angleterre
(Amérique du Nord), né à Derby (Angleterre) le 4 déc.
4585, mort à Boston le 23 déc. 4652, le « grand Cot-
ton » dont l'influence fut considérable sur l'organisation
religieuse des colonies puritaines fondées à l'E. de l'Hud-
son pendant la première moitié du xvii® siècle. Elève de
Cambridge, il fut ministre, durant vingt années, dans le
Lincolnshire. Cité, comme puritain, devant une cour ecclé-
siastique de Laud, il se réfugia en Amérique pour échapper
à la persécution. Il débarqua dans la baie de Massachusetts
en 4633 et fut pasteur de l'église de Boston jusqu'à sa
mort. Son idéal poHtique et religieux était l'autorité unie
de l'Eglise et de l'Etat sur le modèle de la théocratie insti-
tuée par Moïse. En 4636, la cour générale du Massachu-
setts le chargea de préparer un code de lois pour le gou-
vernement de la colonie. Mais un autre projet ayant été
préféré au sien, il fit publier à Londres son Abstract of
the Laws of New England, as they are now established
(4644), que des historiens ont pris à tort pour le code des
lois réellement appliquées dans la colonie. C'est là qu'on
voit l'hérésie punie de mort. Cotton eut une polémique
restée célèbre avec Roger Williams et fit imprimer à
Londres, en réponse à une argumentation de ce dernier,
son Bloody Tenet (dogme de sang) Washed and made
white in the blood ofthe Lamb^ being discussed, etc.
(4647). Il a laissé encore : Keys of the kingdom of Hea-
ven, Milk for babes (sorte de catéchisme). Méat for
strong men (exposition du gouvernement civil). Comme
la plupart des ministres puritains de son temps, Cotton
aimait à composer des vers dont la poésie n'était pas tou-
jours absente. Il était venu en Amérique avec les pasteurs
Hookeret Stone. Plus tard, Cotton Mather, écrivant la vie
de John Cotton dans ses Magnalia^ dit de ce triumvirat :
« Dieu les envoya dans ce désert pour donner aux pauvres
gens qui y erraient ces trois grandes nécessités de la vie,
Cotton (coton) pour se vêtir, Hooker (hameçon) pour
pêcher, et'Stone (pierre) pour bâtir.» John Norton, succes-
seur de J. Cotton dans l'église de Boston, a composé : The
Life and Death of that deservedly famousman ofGod,
Mr. John Cotton (Boston, 4657 ; Londres, 4658), bio-
graphie intéressante, pleine de traits curieux, de citations
et de réminiscences classiques, entremêlés de lourdes plai-
santeries. A. MOIREAU.
COTTON (Charles), poète et traducteur anglais, né en
4630, mort en 4687. Son père, fort répandu parmi les
beaux esprits du temps, lui fit donner une brillante instruc-
tion complétée par des voyages sur le continent. Il dissipa
promptement la plus grande partie de son patrimoine et
fut toute sa vie tourmenté par des embarras d'argent qui
ne l'empêchaient pas de se livrer à son goût pour la bonne
chère. Ecrivain très facile, il composa une foule de vers
de circonstances dont le recueil ne fut publié qu'après sa
mort en 4694 ; son ode à l'hiver (Ode to Winter) et ses
strophes sur la retraite {The Relirement)^ méritent d'être
sauvés de l'oubH. Ami particulier d'Izaak Walton, l'illus-
tre pêcheur à la ligne, il ajouta à son livre célèbre : The
Complète Angler, une seconde partie sur la pêche à la
mouche (Fly-flshing). Ses autres publications, très nom-
breuses, se divisent en poèmes burlesques et en traduc-
tions. Parmi les premiers, il faut citer : Scarronides on the
First Book of Vh-'gil Travestie (4664), et Burlesque
upon Burlesque, on the Scoffer Scoft, parodie en vers de
quelques dialogues de Lucien (4675), qu'il fit paraître ano-
nymement. Il traduisit du français, entre autres ouvrages,
Horace de Corneille (4674); la Morale des Stoïciens de
du Vair (4667), les Commentaires de Montluc (4674);
les Mémoires du sieur de Pontis qu'il laissa inachevés,
et surtout les Essais de Montaigne, son chef-d'œuvre,
modèle de traduction et monument précieux de la langue
anglaise au xvii^ siècle. On a encore de Cotton un pané-
gyrique de Charles II (4660), et un remarquable ouvrage
d'horticulture, the Planter's Manual (4675). On lui
attribue un traité des jeux, the Complète Gamester
(4674). B.-H, Gàusseron.
BiBL. : Complète Angler^ éd. de 1760, 2^ partie.— Oldys,
Mémoire. — La-ngeaiine, Dramatick Poets. — U azlitt^ Bl-
bliographîcal collections. ~ Leslie Stepiien, Dict. of
National Biography.
COTTON (Sir John Hynde), politicien jacobite, député
au Parlement pour le bourg de Cambridge de 4708 à 4734,
et depuis 4744 pour le bourg de Marlborough; leader an
parti tory sous Georges II, il occupa, à partir de 4744,
quelques emplois officiels, malgré l'inimitié de la dynastie
hanovrienne. Il mourut en d752. Cotton était très gros,
très fort, et il buvait bien ; il avait de l'esprit, non sans
méchanceté. Comme orateur, il n'était remarquable que par
sa brièveté, ayant, quand il parlait, un fâcheux embarras
de langue. Il passait pour un antiquaire parce qu'il comptait
Gough et Zacharie Grey parmi ses correspondants.
COTTON (Nathaniel), poète et médecin anglais, né à
Londres en 4705, mort à Saint-Albans en 4788. On ne
sait rien de sa vie sinon qu'il était fils d'un négociant du
Levant, qu'il étudia la médecine à Leyde, eut pour
maître Boerhaave et qu'en 4740 il s'installa comme mé-
decin à Saint-Albans et y resta jusqu'à sa mort. C'est là
qu'il fonda une maison de santé qu'il appelait pompeu-
sement Collegium insa7iorum, où fut enfermé deux ans
le poète WiUiam Cowper. Outre ses fous, il s'occupait de
poésie. Son livre le plus connu : Visions in verse for the
Entertainment and Instruction of younger minds
(4754) eut les honneurs de sept éditions dont la dernière
en 4767. Une œuvre posthume. Varions Pièces in prose
and verse, parut en 4794. Il ne signa aucun de ses écrits,
pas même une brochure sur la fièvre scarlatine (4749). Sa
tombe ne porte ni date ni indication, et son fils, qui ras-
sembla et publia ses œuvres, ne donne aucun détail sur
sa vie. Hector France.
COTTON (Sir Charles), amiral anglais, né en 4753,
mort à Plymouth le 23 févr. 4842. Il étudia d'abord le
droit, puis entra dans la marine en 4772, servit brillam-
ment en Amérique, coopéra à la fameuse retraite de la flotte
de la Manche sous les ordres de Cornwallis (46 juin 4795).
Promu vice-amiral le 29 avr. 4802, il fut nommé en 4807
conimandant en chef de la flotte du Tage. Il croisa du cap
Finisterre au cap Saint-Vincent, parlementa tantôt à l'em-
bouchure du^ Tage, tantôt à celle du Douro, promettant
partout un débarquement prochain et par ses manœuvres
causa l'insurrection d'une partie du Portugal contre les
troupes françaises. Il seconda ensuite tous les mouvements
des armées de terre envoyées dans la Péninsule par l'An-
gleterre et en concerta le débarquement avec sir Arthur
Wellesley sur un point habilement choisi entre Oporto et
Lisbonne. A la convention de Cintra (22 août 4808), il
négocia particulièrement avec l'amiral russe Siniavin, ce
qui facilita l'accord entre les Anglais et Junot. Cotton suc-
céda en 4808 à Colhngwood dans le commandement de
l'escadre de la Méditerranée et en 4844 à lord Gambier
dans le commandement de la flotte de la Manche.
COTTON (Sir Stapleton), vicomte Combermere, feld-
maréchal anglais, né dans le Denbighshire le 44 nov. 4773 ,
mort le 24 févr. 4865. Entré dans l'armée en 4799, il fit
la campagne de France oîi il figura notamment à la bataille
du Cateau (4794). Il servit encore au cap de Bonne-Espé-
rance et dans l'Inde, se lia avec Wellesley au siège de
Seringapatam et, de retour en Angleterre, représenta
Newark au Parlement (1806). Envoyé à Vigo en 1808, il
fit la campagne de Portugal où il commanda quelque temps
toute la cavalerie des alliés. Il se signala à Talavera, mais
la mort de son père le rappela en Angleterre. Il reprit son
poste en 1819 et, chef brillant et maniant bien ses troupes,
il rendit d'importants services à Almenda, à Torres Vedras,
à Séville, à Salamanca surtout où il commanda une charge
restée fameuse dans les annales militaires. Aussi fut-il
comblé d'honneurs et élevé à la pairie avec le titre de baron
Combermere (1814). En 1815, il reçut le commandement
en chef de toute la cavalerie alliée en France. Nommé gou-
verneur de Banader en 1817, il fut commandant en chef
en Irlande de 1822 à 1825. Il venait d'être promu général
(27 mai 1825), lorsqu'il fut désigné pour succéder à
Edward Paget comme commandant en chef de l'Inde. Il fit
une expédition heureuse contre Bhourtpore, reçut en récom-
pense le titre de vicomte (1827) et de retour en Angleterre
en 1830 y passa les dernières années de sa vie. Il s'occupa
dès lors de politique, s'opposa à la Chambre des lords à
l'émancipation des catholiques et à la réforme parlemen-
taire. A la mort de Wellington il fut nommé constable de
la Tour de Londres et feld-maréchal en 1855.
BiBL. : Lady Combermere, the Combermere Corres-
jpondence; Londres, 1866, 2 vol. in-8. — LesUe Stephen,
National Biography, t. XII.
COTTON (William), philanthrope anglais, né àLeyton
le 12 sept. 1786, mort le l^»* déc. 1866, Grand industriel,
il fut élu en 1821 directeur de la Banque d'Angleterre où
il exerça les fonctions de gouverneur de 1843 à 1845. Il
y inventa une machine pour la frappe des souverains qui lui
valut une médaille d'honneur à l'Exposition universelle de
1 851 . Mais il est encore plus connu par ses innombrables
fondations charitables : donations, créations d'école et d'hô-
pitaux, de bains publics, d'églises, etc.
COTTRET (Pierre-Marie), évêque français, né à Argen-
teuil (Seine-et-Oise) le 8 mai 1768, mort à Beau vais le
13nov. 1841. Il venait de terminer ses études théolo-
giques lorsque l'Eglise constitutionnelle fut établie ; ne vou-
lant pas prêter le serment exigé, le jeune Cottret fut
ordonné prêtre secrètement par Tévêque d'Oloron ; puis,
grâce à une recommandation d'Alexandre de Beauharnais,
alors président de l'Assemblée constituante, il put s'échap-
per de Paris, déguisé, et gagner Gand où il resta, en qua-
lité de chapelain de la cathédrale, jusqu'à la seconde
invasion des armées républicaines, en 1794. Il alla ensuite
dans plusieurs villes d'Allemagne, puis à Arolsen, rési-
dence du prince de Waldeck, où il fut précepteur dans une
famille d'émigrés. Après avoir quelque temps résidé à
Francfort-sur-le-Main, il revint en France en 1800 et reprit
l'exercice public de son ministère lors du concordat. Il fut
en 1802 curé de Sannois, près de Montmorency, où il fit,
chez la comtesse d'Houdetot, la connaissance de plusieurs
hommes célèbres, parmi lesquels Chateaubriand; en 1806,
il alla, comme curé, à Boissy-Saint-Léger. En 1807, il vint
à Paris, comme rédacteur de la Gazette de France et
soutint une longue et violente polémique avec le Journal
des Débats (alors Journal de VEmpiré) pour défendre
les Martyrs de Chateaubriand. En 1809, il fut nommé
professeur adjoint à la faculté de théologie, puis chanoine
honoraire et, en 1821, vice-promoteur général du diocèse;
enfin, chanoine titulaire en 1812. Quelque temps après,
il fut placé à la tête du petit séminaire. Ayant accom-
pagné, en 1823, le cardinal de Clermont- Tonnerre à
Rome, pour le conclave , il revint évêque in partibiis
de Caryste, et se retira dans un village du diocèse de
Versailles comme chanoine de Saint-Denis. C'est là que
vint le chercher sa nomination à l'évêché de Beauvais,
le 27 déc. 1837. C. St-A.
COTTUN. Com. du dép, du Calvados, arr. et cant. de
Bayeux ; 186 hab. L'église a conservé une nef romane
surmontée d'une tour du xii® siècle reposant sur des ar-
cades supportées par quatre piliers cylindriques ; le chœur
— 23 -^ COTTON -^ COTYLÉDON
est du xiv^ siècle et la façade moderne. De l'ancien châ-
teau subsistent deux tours et les vestiges de l'enceinte.
COTTY (Gaspard-Herman), général français, d'origine
belge, né à Waillet en 1772, mort à Paris en 1839. Il fit
ses études à l'Ecole militaire de Paris, devint lieutenant k
Tarmée de Sambre-et-Meuse, et prit part à toutes les
campagnes de 1794 à 1801. Colonel en 1811, maréchal
de camp en 1823, directeur de l'artillerie au ministère de
la guerre, Cotty fut mis à la retraite en 1835. Charles X
l'avait créé baron et commandeur de la Légion d'honneur.
C'était un écrivain militaire distingué ; son ouvrage prin-
cipal est un Dictionnaire de l'artillerie (fm^^iS'i^^
in-4), complété par un supplément en 1 832,
BiBL. : Guillaume, Notice sur le général Cottv :
Bruxelles, 1873, in-8. *^ ^ '
C0TU6N0 (Domenico), médecin italien, né à Ruvo le
29 janv. 1736, mort à Naples le 6 oct. 1822. A l'âge de
vingt-cinq ans il fut nommé professeur d'anatomie à l'uni-
versité de Naples, dont il devint le recteur par la suite.
On lui doit la première bonne description du liquide qui
remplit les conduits membraneux de l'oreille (humeur de
Cotugno) et la découverte du liquide céphalo-rachidien
entrevu par Halle, enfin un excellent traité sur la sciatique :
De Aquœductibus aiiris humanœ internes (Naples,
1760, in-8, pi.) ; De Ischiade nervosa (Naples, 1765,
in-8, fig., et autr. édit.), etc. D^ L. Hn.
COTUTEUR(V. Tutelle).
COTYLE. I. Ornithologie (V. Cotile).
II. Métrologie. — Mesure de capacité ancienne, usitée
chez les Grecs et les Romains. Le cotyle paraît avoir été Puni té
principale; c'est le type à l'ordre duquel on définit léchons
(congius) et le chœnix, mesures égyptiennes. Employé pour
mesurer les liquides ou les solides, le cotyle attique vaut
la moitié du Çéaiov (sextarius), le quart du chœnix, le
l/12duchous,le 1/192 du médimne; il représente 4 oxy-
baphes, et 3/4 de litre; soit 9 onces d'huile (10 onces de
vin). La valeur du cotyle varie selon la matière mesurée
et le pays. Les médecins l'estimaient à 60 drachmes
d'huile, soit 7 1/2 onces romaines. GaUien lui donne la
valeur de 10, 12 onces, ailleurs même 16 1/3. On dis-
tingue le cotyle attique, celui d'Alexandrie, d'Ephèse,
d'Egine, d'Egypte, d'Italie; celui d'Alexandrie ne vaut
que 8 onces d'huile et 9 de vin ; celui d'Egypte est une fois
et demie aussi fort que l'attique ; celui d'Italie équivaut à
l'hémine et vaut la moitié du sextarius, soit 6 cyathes. v
COTYLEA (Zool.). Lang a divisé ses Polyclades, qui cor-
respondent aux Turbellariés Dendrocœles Digonopores, en
deux grandes tribus, les Cotylea et les Acotylea. Les carac-
tères fondamentaux sur lesquels sont basées ces divisions
sont les suivants. Cotylea : une ventouse ventrale située
au centre ou presque au centre du corps, et placée tou-
jours en arrière des ouvertures du corps. La bouche est
au milieu ou en avant. Les canaux gastrovasculaires sent
ramifiés ou anastomosés. L'appareil copulateur, sauf dans
le genre Anonymus, est situé dans la moitié antérieure du
corps. Pas de tentacules, ou, s'il y en a, ils sont margi-
naux. Les Acotylea ont pour caractères : pas de ventouse,
bouche au milieu ou en arrière du corps ; pharynx plissé ;
canaux gastrovasculaires ramifiés. Appareil copulateur
situé dans la moitié postérieure du corps. Pas de tentacules,
ou, s'il y en a, situés sur la nuque.
Les Cotylea comprennent les familles des Anonymidae
(G. Anonymus)^ Pseudoceridse (G. Pseiidoceros Thysa-
nozoon et Yungia), Euryleptidse (G. Prosthecerœus, Cy-
cloporus, Eurylepta, Oligocladus, Stylostomum, Ace--
ros) et Prosthiostomidse (G. Prosthiostomum). L. Joubin.
COTYLÉDON (Bot.). Chez les plantes Dicotylédones on
donne le nom de cotylédons ou de feuilles cotylédonaires aux
deux premières feuilles qui apparaissent au moment de la gé-
nération. Epais et charnus, ils constituent la masse princi-
pale de V embryon (V. ce mot) et renferment la provision
de fécule qui doit servir à l'alimentation de la jeune plante
lorsque le périsperme manque (ex. : le Haricot, la Noix) ;
COTYLÉDON — COU ~ 24 —
lorsqu'il y a un périsperme, les cotylédons peuvent se ré-
duire à une feuille mince, membraneuse. Si, pendant
la germination, les cotylédons restent enfouis dans la terre,
comme dans celle du Pois, ils sont dit hypogés; s'ils
s'élèvent au-dessus du sol, ils sont épigés (Haricots) ; s'ils
restent accolés^ (Marronnier d'Inde, Capucine), le corps co-
tylédonaire s'élève au-dessus du sol en conservant sa
forme primitive. En général, les cotylédons sont peu divisés ;
la vigne, entre autres, fait exception et possède des cotylé-
dons découpés. Les deux sont généralement égaux; ils
sont très inégaux chez le Trapa natans, la Cannelle ; ils
manquent dans la Cuscute ; les Cyclamen ne possèdent
qu'un cotylédon, encore cette première feuille appartient-
elle plutôt à la gemmule (Germain de Saint-Pierre). Chez
les Conifères et les Cycadacées, les cotylédons sont au
nombre de deux ou plus nombreux et alors dispo-
sés en verticille. Chez les Monocotylédones il n'y a qu'un
cotylédon, c'est ordinairement la première feuille qui fait
son apparition. Dans les Graminées, ce ne serait pas,
d'après Germain de Saint-Pierre, la première feuille, mais
l'organe embryonaire désigné sur le nom d'hypoblaste, qui
constituerait le cotylédon (V. Embryon). D^ L. Hn.
COTYLÉDONÉES (Bot.). Plantes dont l'embryon est
pourvu d'un ou de plusieurs cotylédons (V. CotylédOxN et
Embryon).
COTYLET (Bot.). Nom vulgaire du Cotylédon umbilicus
L. (Umbilicus pendulinus DC), plante de la famille des
Crassulacées, qu'on appelle également, suivant les localités,
Nombril de Vénus, Ecuelle, Cymbalion, Queue-de-rondelle,
Herbe-aux-hanches. C'est une herbe vivace, à feuilles
charnues réniformes-arrondies, à fleurs d'un vert jaunâtre
et pendantes, formant une grappe terminale très longue,
occupant presque toute la tige. — Le C. umbilicus est
commun sur les rochers et les vieux murs dans l'ouest et
le midi de la France, où ses feuilles pilées sont employées
topiquement contre les brûlures. Ed. Lef.
COTYLODERMA (Paléont.) (V. Holopus [Paléont.]).
COTYS. Nom de plusieurs rois deThrace : 1" Le premier
fut un allié des Athéniens vers 382 av. J.-C, ils lui con-
férèrent leur droit de cité; puis ils se brouillèrent avec
lui ; il les défit avecl'aidede son beau-fils Iphicrate ; en 358
il fut assassiné; il était violent et cruel. Athénée (XII, 42)
cite de lui des traits odieux. — S*' Cotys, roi des Odryses,
fils de Seuthes, s'allia à Persée contre les Romains. —
3** Cotys, roi des Odryses, corrompit le proconsul de Ma-
cédoine, L. Calpurnius Piso (57 av. J.-C.) et fit tuer par
celui-ci le roi des Bessi, Rhabocentus. Il soutint Pompée
dans la guerre civile, lui envoyant cinq cents cavahers com-
mandés par son fils Sadala. — 4<* Cotys, fils du précédent,
mourut jeune laissant deux fils mineurs. — 5<* Cotys, fils de
Rhœmetalces, petit-fils du précédent, reçut d'Auguste à la
mort de son père une partie de la Thrace, le reste étant
attribué à son oncle Rhescuporis. Celui-ci tenta de le dé-
pouiller, s'empara de lui par trahison et le fit tuer. Tibère
condamna le meurtrier et partagea la Thrace entre ses fils
et ceux de Cotys. — 6^ Cotys, fils du précédent, fut trans-
féré par Cahgula dans la Petite-Arménie (V. Thrace).
COU. I. Anâtomie et Pathologie. — Région du corps
dont les limites sont : en haut et en avant le bord infé-
rieur de la mâchoire ; en arrière , une ligne allant do
l'angle du maxillaire à l'apophyse épineuse de la troisième
cervicale ; en bas et en avant, la fourchette sternale et les
clavicules ; en arrière, une ligne allant de l'extrémité
externe de la clavicule à l'apophyse épineuse de la ver-
tèbre proéminente, La forme du cou est irrégulièrement
cylindrique ; sa grosseur varie suivant l'embonpoint et le
développement musculaire, la largeur des épaules et des
mâchoires ; sa longueur varie peu, car elle est toujours en
rapport avec celle de la colonne cervicale, mais elle paraît
diminuée chez les personnes grasses et très musclées. Grâce
à la flexibilité du cou, la tête peut exécuter des mouvements
assez étendus dans tous les sens : rotation, flexion en avant,
en arrière et sur les côtés. On divise le cou en cinq régions
afin d'en faciliter l'étude. Deux d'entre elles se trouvent en
avant, deux sur les côtés, une en arrière. En avant, sont
les régions sus-hyoïdienne et sous-hyoïdienne ; sur les côtés,
les régions sterno-mastoïdienne ou carotidienne et sus-clavi-
culaire ; en arrière est la région cervicale postérieure ou
nuque. Nous les étudierons successivement au point de vue
anatomique et au point de vue des déductions patholo-
giques et opératoires qui en résultent.
La région sus-hyoïdienne ou sous-mentonnière de
Gerdy forme le plancher de la bouche. Elle est comprise
entre la mâchoire inférieure, l'os hyoïde, et les bords in-
ternes des muscles sterno-mastoïdiens. Chez les personnes
grasses, elle présente d'épais replis qui semblent doubler
et tripler le menton. La peau est très mobile, ce qui permet
de l'employer dans les autoplasties de la région inférieure
de la face. Les divers plans de tissus situés sous la peau
sont, de la superficie à la profondeur : du tissu cellulo-
graisseux qui se continue avec celui des régions voisines ;
les fibres du muscle peaucier ; la portion sus-hyoïdienne
de l'aponévrose cervicale, de la face profonde de laquelle
partent des feuillets qui forment de minces gaines pour
les muscles digastrique, stylo-hyoïdien, et une loge plus
résistante pour la glande sous-maxillaire. Cette loge, re-
couverte du côté de la peau par l'aponévrose, est limitée
en dedans par le ventre antérieur du digastrique, en bas
par son ventre postérieur et par le stylo-hyoïdien, en avant
et en haut par la face postérieure du maxillaire inférieur
qui présente à ce niveau une dépression, et par le muscle
ptérygoïdien interne près de ses insertions à l'angle de la
mâchoire; enfin, en arrière et en haut, par les muscles
mylo-hyoïdien vers la ligne médiane et hypoglosse plus en
dehors. En haut, la glande n'est séparée de la muqueuse
buccale que par du tissu conjonctif. Sous la glande, le
digastrique et le stylo-hyoïdien, on trouve un plan muscu-
laire fermé en dedans par le mylo-hyoïdien et en dehors
par l'hypoglosse. Au-dessus de ce plan existent, sur la ligne
médiane, les muscles génio - hyoïdiens et génio-glosses ;
en dehors, les glandes sublinguales et la muqueuse qui
recouvre le plancher de la bouche. On trouve encore dans
cette région les artères faciale, linguale et leurs branches,
la sous-mentale et la sublinguale ; les veines de même nom ;
des nerfs, dont les uns, superficiels, sont des filets de la
branche cervico-faciale du nerf facial et s'anastomosent avec
les filets du plexus cervical superficiel, et les autres, pro-
fondes, sont : le grand hypoglosse, le lingual et le laryngé
supérieur ; des vaisseaux lymphatiques qui suivent le même
trajet que les vaisseaux sanguins, et des ganglions dont les
uns siègent sur la ligne médiane et les autres en dehors de
la glande sous-maxillaire.
Déductions pathologiques et opératoires. On trouve dans
la région sus-hyoïdienne des phlegmons et des abcès dont
la gravité et l'étendue varient suivant qu'ils sont sus ou
sous aponévrotiques. Les premiers sont en général bénins,
les seconds très graves, parce qu'ils peuvent s'étendre à
toutes les régions du cou et de la face, malgré les barrières
aponévrotiques qui souvent sont impuissantes à en arrêter
les progrès. Ils ont pour point de départ une plaie ou ulcé-
ration de la bouche ou de la gorge, qui a livré passage aux
microbes dont est remphe la cavité buccale ; ceux-ci
gagnent les ganglions lymphatiques ou la glande sous-maxil-
laire et donnent lieu à des adénites diverses , à l'angine de
Ludwig, etc. Il faut inciser de bonne heure ces phlegmons
et les désinfecter énergiquement avec des injections paren-
chymateuses de solutions antiseptiques, la cautérisation au
fer rouge, auxquelles il faut adjoindre l'antisepsie interne.
Les ganglions lymphatiques du cou, quel que soit leur siège,
peuvent être atteints d'inflammation chronique. Cette adénite
chronique a pour cause soit la tuberculose, soit la syphilis,
soit le cancer. L'adénite syphilitique suppure très excep-
tionnellement ; l'adénite tuberculeuse rarement dans sa
forme bénigne ou scrof uleuse, souvent dans une forme grave
qui laisse après elle des fistules intarissables, des écrouelles
(V. ce mot et Adénite). L'adénite cancéreuse donne lieu à
des engorgements volumineux qui finissent par ulcérer la
peau. Lorsque Fadénite n'est ni syphilitique ni cancéreuse,
qu'elle soit suppurée ou non, il faut la traiter par les injec-
tions d'éther iodo formé, qui ne laissent pas de cicatrices, et
rejeter les extirpations et les cautérisations, qui sont plus
dangereuses et moins efficaces (V. Adénite). L'ablation
n'est applicable qu'au lymphadénome du cou et aux adénites
cancéreuses. On trouve encore d'autres tumeurs dans cette
région : des calculs salivaires dans le canal de Warthon,
des cancers du plancher de la bouche ; des kystes saillant
du côté de cette cavité et auxquels on a donné le nom de
grenouillette (V. ce mot). Les principales opérations qu'on
pratique dans cette région sont : la ligature de rar^^r<? lin-
guale, l'ablation de la langue cancéreuse par l'écraseur, et
la section des génio-glosses, pour remédier au bégayement
(V. ces mots).
Région sous-hyoïdienne. Elle forme la partie anté-
rieure et médiane du cou ; ses limites sont : en haut , l'os
hyoïde, en bas la fourchette du sternum, et sur les côtés les
bords internes des muscles sterno-mastoïdiens. Chez l'homme
maigre, on y remarque la sailHe formée par le cartilage
thyroïde, et appelée pomme d'Adam, La peau est fixe,
souple, mobile et dépourvue de poils, doublée d'une couche
de graisse d'épaisseur variable, du /<2scm5w;?5r/icia/i5; elle
recouvre les muscles peauciers et la veine jugulaire anté-
rieure lorsqu'elle existe, puis l'aponévrose cervicale, une
première couche musculaire formée par les sterno-hyoï-
diens sur la ligne médiane et les omoplato-hyoïdiens en
dehors, enveloppés par les feuillets de l'aponévrose cervicale
moyenne ; une seconde, formée en haut par le muscle thyro-
hyoïdien et en bas par le muscle sterno-thyroïdien. Les
muscles sterno-thyroïdiens sont séparés par m intervalle
triangulaire dont le sommet est en bas ; les sterno-hyoïdiens
par un intervalle semblable dont le sommet est en haut ; il
en résulte un espace quadrangulaire dans lequel on voit la
trachée, et dans lequel on peut pratiquer la trachéotomie
sans blesser ces muscles. Derrière eux, on trouve de haut
en bas : l'os hyoïde, la membrane thyro-hyoïdienne, le
cartilage thyroïde, la membrane crico-thyroïdienne recou-
verte en dehors par le muscle crico-thyroïdien, le cartilage
cricoïde, le premier anneau de la trachée, le corps thyroïde,
organes qui seront décrits aux mots Larynx, Trachée,
Thyroïde. De chaque côté de la trachée se trouvent les
artères carotides, et en arrière l'œsophage, entourés d'un
tissu cellulaire lâche le long duquel passe le pus des abcès.
On trouve dans cette région les artères thyroïdiennes et leurs
branches, les plexus veineux thyroïdiens et la veine thyroï-
dienne moyenne, les deux nerfs laryngés du pneumogas-
trique et des lymphatiques qui se rendent aux ganglions
siégeant le long de la carotide, sous le corps thyroïde et en
avant de la trachée. Comme la plupart des auteurs, nous
exposerons les déductions pathologiques et opératoires après
avoir rappelé l'anatomie des régions carotidiennes et sus-
claviculaire.
Région carotidienne ou sterno -mastoïdienne. Elle
a la forme et les dimensions du muscle lui-même, celle d'un
quadrilatère allongé, situé sur les parties latérales du cou.
La peau est comme celle de la région sous-hyoïdienne ; dans
la couche sous-cutanée , la veine jugulaire externe croise
obliquement le muscle, ainsi que des filets du plexus cer-
vical superficiel. L'aponévrose cervicale superficielle forme
une gaine au muscle ; celui-ci est traversé à sa face pro-
fonde par le nerf spinal qui lui abandonne quelques filets et
va rejoindre le trapèze ; plus bas, il reçoit des filets de
l'anse anastomotique de l'hypoglosse. Ce muscle recouvre
encore les muscles sous-hyoïdiens et leur aponévrose, le
sterno-hyoïdien et le sterno-thyroïdien, qui recouvrent la
partie intérieure de la carotide, laquelle est croisée obli-
quement, un peu plus haut, par l'omo-hyoïdien. Lorsque ces
muscles sont enlevés, on trouve : en dedans, la trachée
embrassée par le corps thyroïde, le larynx, l'os hyoïde, le
ventre postérieur du digastrique et le stylo-hyoïdien ; en
dehors, le scalène antérieur et le petit complexus couverts
— 25 — COU
par les branches du plexus cervical et par des ganglions
lymphatiques ; enfin, au milieu , sont les vaisseaux caroti-
diens et les nerfs qui les accompagnent, appliqués sur les
muscles prévertébraux parla gaine carotidienne, qui réunit
la carotide, la jugulaire interne, le nerf pneumogastrique, le
grand sympathique et l'anse anastomotique de l'hypoglosse.
Ces deux derniers sont en dehors de la gaine. Outre la caro-
tide et ses branches, on trouve encore dans la région
sterno-mastoïdienne, la sous-clavière, la vertébrale, la thy-
roïdienne inférieure ; les veines sont les dfeux jugulaires
antérieure et externe ; la jugulaire interne, la sous-clavière
et le tronc veineux brachio-céphalique. Nous avons indiqué
les nerfs. Quant aux lymphatiques, ils forment une chaîne
de nombreux ganglions, et c'est dans cette région que le
canal thoracique se jette dans la veine sous-clavière gauche,
tandis qu'à droite la glande veine lymphatique présente la
même disposition.
Région sus-daviculaire. Située à la base du cou, cette
région a la forme d'un triangle qui a pour côté externe le
bord antérieur du trapèze, pour côté interne le bord externe
du ster no-mastoïdien, pour base le tiers moyen de la cla-
vicule et pour sommet le point de réunion des deux muscles
précités. Chez les sujets maigres, elle forme un creux
appelé creux sn^-claviculaire!^On y trouve de la superficie
à la profondeur : la peau, fine et glabre, le fascia super-
flcialis, quelques branches du plexus cervical superficiel,
et la veine jugulaire externe, qui va traverser l'aponévrose
cervicale superficielle pour aller se jeter dans la veine sous-
clavière, puis l'aponévrose cervicale moyenne ; entre les deux
sont du tissu adipeux et des ganglions lymphatiques. Entre
ses feuillets se trouve la veine sous-clavière et le muscle
omoplato-hyoïdien qui divise le triangle sus-claviculaire
en deux triangles secondaires. Au-dessous, on trouve le
scalène antérieur, l'artère sous-clavière et le plexus brachial,
les branches inférieures du plexus cervical, du tissu adipeux
et des ganglions lymphatiques. Les nerfs reposent sur un
plan musculaire formé de haut en bas par le splénius, l'an-
gulaire de l'omoplate et le scalène postérieur. Le muscle
important de la région est le scalène antérieur, considéré
comme le satellite de l'artère sous-clavière. Il sépare l'artère
de la veine ; il est longé par le nerf phrénique, et il suffit
de suivre le relief qu'il forme sous le bord externe du sterno-
mastoïdien pour arriver sur le tubercule de la première côte
auquel il s'insère, et sur Tartère au-devant de laquelle il
passe.
Région cervicale postérieure ou région de la nuque.
On lui donne comme limites : en haut, une ligne allant de
l'angle de la mâchoire inférieure à l'apophyse épineuse de
la troisième vertèbre cervicale, qui la sépare arbitrairement
de la région atloïdo-axoïdienne , et en bas une ligne allant
de l'extrémité externe de la clavicule à l'apophyse proémi-
nente de la septième vertèbre cervicale, La peau est dure,
épaisse, élastique ; garnie de bulbes pileux vers la partie
supérieure de la région, elle se rapproche, par ses carac-
tères, du cuir chevelu. Le derme, très résistant, se confond
avec les couches sous-cutanées par des trabécules de tissu
fibreux qui se continuent jusqu'à l'aponévrose sous-jacente
et qui étranglent , dans l'inflammation, le tissu rougeâtre
contenu avec les glandes de la peau dans les aréoles qu'ils
forment. Ainsi s'expliquent les douleurs si vives qui accom-
pagnent les furoncles et les anthrax de la nuque. La peau,
en passant sur les régions voisines, perd petit à petit ces
caractères. Elle recouvre l'aponévrose cervicale superficielle
et quatre couches de muscles ; la première comprend la por-
tion cervicale du trapèze ; la seconde, le splénius, le rhom-
boïde et l'angulaire de l'omoplate ; la troisième, les muscles
grand et petit complexus ; la quatrième, très compliquée par
le nombre de faisceaux qui le forment, comprend le trans-
versaire du cou, les interépineux de la partie cervicale du
sacro-lombaire ou muscle cervical descendant d'Albinus. Ces
muscles forment de chaque côté de la ligne médiane une
masse charnue arrondie qui augmente la solidité des arti-
culations de la partie cervicale du rachis. Les artères de cette
cou — COUA
— 26
région sont l'artère occipitale et ses branches descendantes,
l'artère vertébrale, la cervicale profonde et la cervicale trans-
verse ouscapulaire postérieure. Les veines forment un riche
plexus qui communique largement avec le système veineux
intrarachidien. Il existe parfois une veine jugulaire posté-
rieure qui chemine entre le transversaire épineux et le grand
complexus et va se jeter dans le tronc brachio-céphalique.
Les vaisseaux lymphatiques rejoignent les ganghons caro-
tidiens et sus-claviculaires et les ganglions sous-occipitaux.
Les nerfs proviennent des branches postérieures des paires
cervicales. Le squelette du cou est formé par la partie cer-
vicale du rachis et sera décrit à ce dernier mot. Tous les
organes dont nous venons de parler sont enveloppés par des
aponévroses dont la description n'est pas sans intérêt. On
trouve d'abord le fascia superficialis ^ qui se dédouble
pour envelopper le peaucier, puis l'aponévrose cervicale super-
ficielle, qui sert d'enveloppe au cou. Elle s'insère en haut :
à la ligne courbe supérieure de l'occipital, à l'apophyse
mastoïde, à l'aponévrose parotidicnne et à la base de la
mâchoire ; en bas, à la fourchette sternale, les clavicules et
l'acromion. En dehors et en arrière elle se continue avec
l'aponévrose superficielle de l'épaule et du dos. Elle forme
deux loges, une antérieure et une postérieure, séparées par
un feuillet qui, parti de la face profonde, va rejoindre les
apophyses transverses des vertèbres cervicales, la clavicule
au niveau de l'insertion du scalcne antérieur et les côtes
supérieures. La loge postérieure renferme le trapèze; l'an-
térieure, le sterno-mastoïdien, auquel elle forme une gaine,
puis enveloppe la glande sous-maxillaire, et fixe par une de
ses expansions à l'os hyoïde auquel elle s'insère, le tendon
du digastrique ; elle fournit encore des loges aux muscles
mylo-hyoïdien , génio-hyoïdien , hyoglosse et génio-glosse.
L'aponévrose cervicale moyenne est formée par les gaines
des muscles sterno-hyoïdiens et thyroïdiens sur la ligne
médiane et par celles des muscles omoplato-hyoïdiens en
dehors. Elle s'insère en haut à l'os hyoïde et au cartilage
thyroïde, en bas à la face postérieure du sternum et des clavi-
cules et au muscle sous-clavier. Elle maintient béants les
troncs brachio-céphaliques et les veines sous-clavières, et faci-
lite ainsi la circulation dans les mouvements du cou et de la
poitrine. Enfin un troisième plan aponévrotique, aponévrose
cervicale profonde, ou aponévrose pré vertébrale, est appliqué
sur les muscles prévertébraux qu'il sépare de l'œsophage
et des vaisseaux carotidiens. Il s'insère aux apophyses trans-
verses des vertèbres cervicales.
Développement du cou. Cette partie du corps provient
des fentes et des arcs branchiaux ou pharyngiens qui appa-
raissent vers la fin du premier mois do la vie fœtale. Le pre-
mier arc forme les deux maxillaires, l'aile externe de l'apo-
physe ptérygoïde, le marteau et l'enclume ; le second, l'étrier,
les éminences papillaires de la paroi postérieure de la caisse
du tympan, l'apophyse styloïde, le ligament stylo-hyoïdien
et les petites cornes de l'os hyoïde ; le troisième, le corps et
la grande corne de cet os ; le quatrième concourt au déve-
loppement des parties molles du cou. Le larynx, la trachée
et les organes glandulaires qui leur sont annexés se déve-
loppent dans le tissu embryonnaire qui occupe l'espace
situé entre l'extrémité interne des derniers arcs pharyn-
giens. Dès la seconde moitié du second mois, les fentes bran-
chiales disparaissent pour faire place à l'état définitif, sauf
certains points qui peuvent ne pas se réunir et produisent
des fistules congénitales à la partie antérieure du cou.
Applications pathologiques et opératoires. Les plaies
du cou peuvent être superficielles ou profondes, n'atteindre
que la peau ou les organes qu'elles recouvrent. Dans le pre-
mier cas, elles sont rarement graves ; dans le second, elles
peuvent entraîner la mort, soit immédiatement par la perte
de sang qu'elles occasionnent quand les grands vaisseaux
sont ouverts, soit plus tard, lorsque l'inflammation s'empare
des plaies. La gravité des plaies sera étudiée aux articles
Carotide, Trachée, Larynx, OEsophage, JuouLAmE, etc.
Les phlegmons et abcès du cou suivent dans leur dévelop-
pement les barrières imposées par les aponévroses. S'ils
sont superficiels, ils s'arrêtent vite, s'ils sont situés au-
dessous de l'aponévrose cervicale superficielle, ils peuvent
s'étendre et donner Keu aux phlegmons larges de Dupuy-
tren, sans toutefois dépasser la clavicule, ni gagner la poi-
trine ; s'ils sont situés dans l'aponévrose cervicale moyenne,
ils peuvent au contraire envahir les médiastins. Mais ces
barrières aponévrotiques ne sont pas infranchissables, et le
phlegmon peut passer d'une couche à une autre, résultat
défavorable quand il passe de la couche superficielle à la
couche profonde, favorable au contraire quand il suit une
marche inverse, parce qu'alors il a moins de tendance à fuser
vers la poitrine. Ces phlegmons sont dangereux parce qu'ils
indiquent toujours un état infectieux dont le point de départ
est souvent la bouche ou le pharynx, parce qu'ils peuvent
provoquer l'asphyxie par œdème de la glotte, ou provoquer
une suppuration qui épuise le malade. Aussi faut-il ouvrir
ces abcès le plus tôt possible et les désinfecter soigneusement.
Les tumeurs du cou sont nombreuses. Nous avons déjà parlé
des adénites ; il en est encore d'autres, les anévrysmes et les
tumeurs du corps thyroïde, qui seront décrites dans d'autres
parties de cet ouvrage ; d'autres appartiennent en propre au
cou, ce sont les kystes séreux ou hydrocèles du cou, les
hygromas des bourses séreuses thyro-hyoïdienne et pré-
thyroïdienne. Il existe aussi des tumeurs gazeuses, déve-
loppées auteur du larynx et de la trachée, et qu'on a décrites
sous les noms de laryngocèle^ trachéocèle^ aérocèle, etc.
Nous signalerons encore les pseudo-lipômes sus-claviculaires,
fréquents chez les arthritiques et chez les sujets atteints de
myxœdème. On observe aussi au cou de l'emphysème qui
reconnaît diverses causes : les plaies du cou, les plaies du
larynx ou de la trachée, les fractures de côtes compliquées
de blessure du poumon ; la rupture des vésicules pulmo-
naires dans des quintes de toux causées par la coqueluche,
la tuberculose, etc. Nous avons dit plus haut que les arcs
branchiaux, en se réunissant, pouvaient laisser des fistules
congénitales ; suivant leur point de départ, ce sont des fis-
tules trachéales ou pharyngiennes (V. Fentes branchiales).
Tantôt ces fistules vont directement de la peau au pharynx
et à la trachée, ce sont alors des fistules complètes ; tantôt
leur trajet est oblitéré en partie, et alors elles sont ouvertes
soit en dehors (fistules borgnes externes), soit en dedans
(fistules borgnes internes). Le trajet est plus ou moins
flexueux, tapissé d'une muqueuse plus ou moins par-
faite et l'orifice laisse suinter une quantité variable de
mucus. Elles ne constituent pas une affection dange-
reuse mais gênante, qu'on peut traiter par la cautérisation
ou par l'excision. Outre les fistules congénitales , il existe
aussi des fistules consécutives à des blessures du cou et qui
sont dites traumatiques. Elles succèdent surtout aux plaies
du larynx et de la trachée. Les tumeurs du cou nécessitent
diverses opérations rendues difficiles par les nombreux
vaisseaux et nerfs qui s'y trouvent et qu'il est souvent
impossible de ne pas blesser. Parmi les accidents graves,
signalés dans le cours de ces opérations, il faut surtout
citer l'ouverture de la carotide et même de la crosse
de l'aorte, l'ouverture de la jugulaire interne, suivie de la
pénétration de l'air dans cette veine, et de mort presque
subite, etc. D'' L.-H. Petit.
IL Marine. — Cou de cygne. Tige de fer recourbée
que l'on installe à l'arrière du stoppeur, et qui sert à
modérer les mouvements de la chaîne d'ancre, ou même
à l'arrêter complètement. Cette tige tourne autour d'un
pivot ; elle porte de plus un levier qui permet d'abaisser
à volonté le cou de cygne, ou de le relever, selon que l'on
veut stopper ou laisser filer la chaîne.
COUA (Ornith.). Le genre Coua (Cuv.) dont on a fait le
type d'une tribu (Couanœ) de la famille des Cueulidés
(V. ce mot) appartient exclusivement à la faune de Mada-
gascar, et fournit à cette faune quelques-uns de ses éléments
les plus caractéristiques. Il renferme une douzaine d'espèces
de Coucous aux ailes courtes et obtuses, à la queue longue
et raide, aux tarses élevés et revêtus de grandes scutelles,
aux yeux entourés d'un espace dénudé, au plumage lâche et
— 27 —
COUA — COUBERTfN
Coua serriana Puch.
d'aspect duveteux dans la région anale. Ces espèces, qui
sont très localisées, et dont les unes habitent les forêts
humides du versant occidental, les autres les plaines sablon-
neuses de la région orientale, se distinguent par leurs
dimensions et par les teintes de leur livrée. Ainsi le Coua
Reynaudii Puch. a le dessus du corps d'un vert cuivré, à
reflets bleus et do-
rés, le sommet de
la tète d'un roux
ferrugineux, la
poitrine et le ventre
d'un gris d'acier;
chez le Coua cris-
tata Puch., la tète
est ornée d'une
huppe gr!se, le dos
est couvert d'un
manteau gris, les
rémiges sont d'un
bleu d'acier, et les
pennes caudales
d'un bleu violacé,
avecdes taches
blanches , tandis
que la poitrine est
d'un jaune citron,
et l'abdomen d'un
blanc pur; le toia
cœrulea porte une ^
livrée d'un bleu'
rabattu de noir;
le Coua serriana
Puch. est en dessus d'un vert olive foncé, en dessous
d'un rouge sombre sur la poitrine et sur l'abdomen ;
enfin le Coua gigas Bodd. dont la livrée offre une
association de vert obscur et de roux, atteint plus de
60 centim. de long et se distingue de toutes les autres
espèces par ses fortes proportions. — Les Couas sont des
oiseaux farouches et qui vivent isolés, sauf dans la saison
des amours. Les uns sont essentiellement arboricoles et
sautillent de branche en branche en poussant des cris
aigus à la façon des Pies, les autres courent sur le sol, en
laissant traîner à terre leur longue queue dont l'extrémité
est toujours usée. Leur vol est lourd, pénible et incertain.
Le régime des Couas est assez varié, quoique les insectes
forment le fond de leur nourriture, et leurs habitudes dif-
fèrent à plusieurs égards de celle des Coucous ordinaires
(V. Coucou). M. Grandidier a constaté, en effet, qu'ils con-
struisent des nids et qu'ils couvent leurs œufs, qui sont
généralement de couleur blanche. E. Oustalet.
BiBL. : Alph. MiLNE Edwards et Alf. Grandidier, Hist.
physique^ naturelle et politique de Madagascar, 1879,
t. XII, Oiseaux^ p. 138 et pi. 41 et suiv.
CD U AC (Mus.) . Accident vocal qui consiste, selon la théo-
rie la plus vraisemblable, dans le passage d'un registre de la
voix à un autre, avec retour subit au registre primitif. Il se
produit presque exclusivement dans l'émission des sons de
poitrine, et spécialement sur les notes aiguës. On l'évite
par l'exercice patient de la voix, par la graduation obser-
vée dans les effets de puissance, et surtout par la régularité
et l'égalité avec laquelle le chanteur doit pousser l'air. A. E.
COUAGGA (V. Cheval, t. X, p. 1423).
COUAILHAC (Jean-Joseph-Louis), publiciste et litté-
rateur français, né à Lille le 28 nov. 1810, mort à Paris le
12 déc. 188o. Après avoir achevé ses études au collège
Henri IV à Paris et occupé à Lyon une chaire de grammaire,
il quitta l'enseignement en 1833 et collabora au Temps ^
au Messager^ au Courrier français, au Charivari et
enfin à la Patrie (1837). En 18o!2, il soutint la politique
du prince-président dans le Nord^ à Lille, et dans la Nor-
mandie, à Rouen, journaux fondés par M. Delamarre et
qui, sauf une partie locale, reproduisaient les articles de
fond de la feuille parisienne. Couailhac fournit à la Presse,
de 1854 à 1856, une correspondance sur les affaires d'Es-
pagne dont l'un de ses frères, domicilié à Madrid, lui
envoyait les matériaux, et à V Indépendance belge une cor-
respondance parisienne. Secrétaire-rédacteur du Sénat de
l'Empire, il reprit ses fonctions en 1876 avec le titre de
chef adjoint du compte rendu analytique.
M. L. Couailhac a écrit un certain nombre de romans et
de nouvelles : les Sept Contes noirs (Lyon et Paris, 1832,
in-8) ; Avant l'orgie (1836, 2 vol. in-8) ; Pitié pour
elle! (4837, 2 vol. in-8) ; Une Fleur au soleil (1838,
2 vol, in-8) ; les Mères d'Actrices (1843, 3 vol. in-8); la
Physiologie du Célibataire et de la Vieille Fille (1843,
in-32) , du Jardin des plantes (1844, in-32), du Jour
de l'An (4842, in-32), du Théâtre à Paris et en pro-
vince (iS^'i, in-32); Im Bruyère Charivarique (4842,
in- 12, ill.), et le Livre amusant (4842, in-I2) à l'usage
de la jeunesse. Collaborateur de Laurencin, Marc Michel,
B. Antier, Varin, Ed. Brisebarre, etc., il a signé une tren-
taine de vaudevilles, entre autres Brutus ou le Dernier
Soldat du guet (4843); la Cuisinière mariée (4845);
l'Affaire Chaumontel (4848), etc. M. Tx.
COUANGO (V. CoANGo).
GOUANZA (V. Coanza).
COUARASASE. Com. du dép. des Alpes-Maritimes,
arr. de Nice, cant. de Contes; 628 hab.
COUARDE (La). Com. du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. de La Rochelle, cant. d'Ars-en-Ré; 4,270 hab.
COUARGUES. Com. du dép. du Cher, arr. et cant, de
Sancerre; 464 hab.
COU AT (Auguste), professeur français, né à Tou-
louse en 1846. Elève de l'Ecole normale supérieure
(promotion de 1866), il fut nommé en 1878 professeur de
langue et de littérature grecques à la faculté des lettres
de Bordeaux, et en 1887 recteur de'l'académie de Douai,
transférée à Lille. Parmi ses ouvrages nous citerons : ses
deux thèses de doctorat : De Horatio veterum latinorum
poetarum judice (4874), Etude sur Catulle {i^l A) et
Notes sur la versification des hymnes de Callimaque
(dans Ann. de laFac. de Bo7''deaux àe iS8^); la Poésie
Alexandrine sous les Ptolémées (Paris, 1882, in-8).
COUBERT (Cuî-tis Behardi). Com. du dép. de Seine-
et-Marne, arr. de Melun, cant. de Brie-Comte-Robert;
645 hab. Au commencement du xviii^ siècle, la seigneurie
de ce lieu fut érigée en comté au profit de Samuel Bernard,
financier célèbre, qui y fit construire un beau château encore
existant. Le chœur de Féglise, dédiée à sainte Geneviève,
est un bel ouvrage du milieu du xiii^ siècle.
BiBL. : L'abbé Lebeuf, Eist. du diocèse de Paris, t. Y,
pp. 149-154 de l'édit. de 1888.
COUBERTIN (L.-Charles de), peintre français, né à
Paris le 23 avr. 4822. Elève de l'atelier Picot, cet artiste
s'est adonné au genre historique ; il a produit un grand
nombre de tableaux représentant des scènes de la vie ita-
lienne, des compositions religieuses, des épisodes drama-
tiques, qui sont d'une exécution soignée, mais de cette
facture un peu sèche et uniforme qui caractérise la manière
de l'école de 4840, à laquelle il est resté fidèle. Nous cite-
rons parmi les œuvres de M. de Coubertin : la Découverte
du groupe de Laocoon à Piome, en i506 (Salon de 4846);
Episode de la peste de Milan (4854), au musée de Laval ;
Messe pontificale le jour de Saint-Pierre, à Rome (4 857 ) ;
Joueurs de boules au Colysée (iS^9) ; le Vendredi saint
à Palerme (1864), acquis par l'Etat pour le musée du
Luxembourg ; Séance de concile à Rome (4872) ; l'Armée
française à Loigny en iSlO (4875), qui se trouve dans
l'église de Loigny ; Louis XVII au Temple (4876) ;
Une Sérénade à Vicence (4883); Hospitalité de nuit
(4887); etc. Parmi les compositions religieuses de cet
artiste, mentionnons : la Mort du P. Ravignan (4863) ;
la Mort de saint Stanislas Kostka (4865) ; et la Mort
miraculeuse de saint Jean de Dieu, qui se trouve dans
la chapelle des enfants infirmes de la Seine (4876). M. de
Coubertin est chevalier delà Légion d'honneur depuis 4865.
COUBEYRAC — COUCHE
— 1H
COUBEYRAC. Com. du dép. de la Gironde, arr. de Li-
bourne, cant. de Pujols ; 219 hab.
COU BISON. Com. du dép. de FAveyron, arr. d'Espa-
lion, cant. d'Estaing; 4,777 hab.
COU B JOURS. Com. du dép. de la Dordogne, arr. de
Périgueux, cant. de Hautetort ; 466 hab.
COU BLANC (Confluentes). Com. du dép. de la Haute-
Marne, arr. de Langres, cant. de Prauthoy; 401 hab.
Non loin du village se trouve une grotte curieuse appelée
Couverte-Fontaine. La seigneurie de Coublanc, érigée en
marquisat dès le xv® siècle, releva longtemps de l'évèché de
Langres; elle passa tout entière, vers la fin du xv® siècle,
aux mains de la maison d'Anglure, qui la conserva jus-
qu'aux premières années du xvni^ siècle. , A. T.
COUBLANC. Com. du dép. de Saône~et-Loire, arr.
de Charolles, cant. de Chauffailles; 2,039 hab.
COUBLEVIE. Com. du dép. del'Isère, arr. de Gre-
noble, cant. de Voiron, au pied de la chaîne du Raz ;
4,612 hab. Aciérie, taillanderie; tréfilerie d'or et d'ar-
gent; papeterie. Noviciat de dominicains. Ancien château
de Beauregard, occupé depuis 4824 par une communauté
de religieuses de l'ordre de Saint-Bruno (Chartreusines).
COUBLUCQ. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, arr.
d'Orthez, cant d'Arzacq ; 253 hab.
COU BON. Com. du dép. de la Haute-Loire, arr. et
cant. du Puy, au confluent de la Loire et de la Laus-
sonne; 2,674 hab. Eaux minérales. Sûr la place du vil-
lage est dressé un cippe gallo-romain. Ruines du château
féodal de Bouzols, de la tour à signaux de la Roche, du
château de Poinsac. Nombreuses grottes creusées de main
d'homme qui servent de granges et d'étables.
COUBOURG (Tissu). Ce nom a été donné à un certain
moment à des tissus laine et soie.
COUBOUS ou KOUBOUS (V. Sumatra).
COUBRON. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr. de
Pontoise, cant. du Raincy ; 328 hab.
COUCAL (Ornith.). Nom vulgaire des Coucous de grande
taille pour lesquels Illiger a établi le genre Centropus
(V. ce mot).
COUCHAN (Abbaye de) (V. Saint-Michel-de-Cuxa).
COUCHANT (Astron.). Lieu où le soleil paraît se cou-
cher, suivant le langage ordinaire. Les astronomes emploient
le mot occident, les marins disent Vouest, Comme pour
une station donnée, ce Heu change de jour en jour en rai-
son de la variation de la déclinaison du soleil, on prend
pour point fixe du couchant l'endroit où le soleil se couche
aux équinoxes : ce point partage en deux parties égales le
demi-cercle de l'horizon qui est situé entre le midi et le
N. (à droite quand on est tourné vers le S.). Le cou-
chant d'hiver est situé entre le midi et le couchant vrai,
et d'autant plus éloigné de ce dernier que la déclinaison du
soleil et l'élévation du pôle au-dessus de l'horizon sont plus
grandes. Le couchant d'été, situé entre le N. et le co2i,-
chant vrai, en est d'autant plus éloigné que la déclinaison
du soleil et la latitude du lieu sont plus grandes. Cette dis-
tance s'appelle l'ampZtod!^ (V. ce mot). L. Barré.
COUCHANT ET Levant (Ane. dr. fr.). Termes fré-
quemment employés dans l'ancien droit coutumier, pour
exprimer l'idée de résidence habituelle dans un lieu déter-
miné. On ne s'en servait qu'en parlant des serfs et des
roturiers, pour désigner la seigneurie dans laquelle ils
résidaient effectivement ; on disait qu'ils étaient couchants
et levants de tel seigneur. Ces termes n'exprimaient
qu'un état de fait ; mais quand cet état se prolongeait pen-
dant un an et un jour, il avait pour conséquence de mettre
le serf dans la dépendance personnelle du seigneur dont il
était couchant et levant, de rendre le roturier justiciable de
la seigneurie où il couchait et levait. Lorsqu'elle amenait ces
effets juridiques, la résidence prenait le caractère d'un domi-
cile légal; aussi Loysel disait-il au xvi^ siècle : « Le domicile
s'acquiert par an et jour et se prend au lieu où on couche
et lève au jour Saint-Remi. » (V. Domicile.) Ch. M.
COUCHE. I. Anatomie. — Couche de bAtonnbts
(V. Rétine). — Couche optique (V. Cerveau). — Couche
DE Malpighi (V. Peau). D»^ L. Hn.
IL Horticulture. — On nomme couche des amas de
matières fermentescibles et capables de produire par cette
fermentation une élévation de température. Les couches
jouent en horticulture un rôle important ; elles servent dans
tous les cas où il est utile de placer les plantes dans un mi-
lieu à température plus élevée que n'est celle de l'air am-
biant. Elles jouent un rOle prépondérant dans la production
des primeurs et dans la multiplication des plantes par les
moyens des semis, du bouturage et de la greffe. — Les ma-
tières employées pour la confection des couches peuvent être
quelconques ; dans la pratique on les divise en substances
d'origine purement végétale et en celles auxquelles sont
mélangées des matières organiques, qui constituent les fu-
miers et résultent, pour la plupart, des litières fournies aux
animaux domestiques vivant en stabulation plus ou moins
complète. — Les fumiers sont plus généralement em-
ployés pour la confection des couches que ne le sont les
substances purement végétales ; la raison en est qu'elles
fermentent plus activement et donnent par suite un déga-
gement de chaleur beaucoup plus grand. — Quelle que soit
la matière employée il est certains principes généraux qu'il
est utile de connaître et qui se rapportent à la production
de la chaleur et à la marche qu'elle suit dans la masse de
la couche : 1^ la production de la chaleur est due à une
fermentation ; en effet, si l'on stérilise le fumier à l'aide de
matières antiseptiques, l'on constate qu'il n'y a plus d'élé-
vation de température dans la masse ; 2* la fermentation
est surtout aérobie, c.-à-d. qu'elle a besoin du concours de
l'air pour se produire; d'où la pratique, d'une part d'aérer
le fumier avant que de le faire servir, d'autre part de dé-
molir la couche et de la construire à nouveau quand elle
cesse de chauffer, c.-à-d. de fermenter ; 3^ l'intensité de la
chaleur dégagée est toujours fonction de la masse et elle est
en raison directe de celle-ci, c.-à-d. que plus l'amas est
grand plus la chaleur dégagée est forte d'où il faut con-
clure qu'il convient de proportionner cette masse à "effet
calorifique que l'on veut obtenir ; 4^ la chaleur ne suit par
une marche uniforme, elle s'élève brusquement au début
donnant ce que les jardiniers nomment le coup de feu,
puis s'abaisse jusqu'à un point appelé la température
normale de la couche ; laquelle a une durée plus ou moins
grande suivant les substances employées, moins la chaleur
est vive plus son dégagement a de durée ; 5° c'est avec
les substances donnant une chaleur très élevée que le coup
de feu se produit le plus rapidement. L'écart entre la tem-
pérature du coup de feu et la chaleur normale est d'autant
plus grand que les substances employées fermentent plus
activement.
Dans la pratique courante les substances le plus généra-
lement employées pour l'édification des couches sont avant
tout le fumier de cheval, puis celui de bergerie. Les feuilles
d'arbres et l'écorce de chêne ayant servi au tannage des
peaux donnent des couches à fermentation lente mais de
durée très grande. — La construction des couches se fait
suivant des principes qui sont toujours les mêmes. Le fu-
mier à employer doit d'abord être soumis à l'aération et
pour cela répandu préalablement sur le sol, puis agité à la
fourche afin d'en rendre la masse homogène. On le dispose
ensuite en un amas régulier dont les dimensions en largeur
et en hauteurvarient suivant l'importance que l'on veut don-
ner à la couche et Télévation de température que l'on veut
obtenir. La chaleur dégagée étant fonction de la masse il y
a intérêt à construire les couches sur des surfaces plus
grandes. Les couches ne servent jamais seules ; pour rete-
nir la chaleur produite on les recouvre de châssis ou de
cloches (V. ces mots) ; il convient donc de proportionner la
dimension au nombre de châssis ou de cloches que l'on
veut employer. Si l'on suppose que l'on ait à construire une
couche pour un seul châssis, on trace sur le sol, qui doit
être parfaitement plan et jamais creusé en forme de fosse,
l'emplacement occupé par ce châssis et l'on réserve encore
— 29 --.
COUCHE — COUCHER
en plus, tout au tour, un espace de 0^30 environ de large.
Toute cette surface sera recouverte de fumier que l'on mé-
langera bien, que l'on foulera aux pieds, et l'on donnera à la
masse une hauteur variable entre 0^30 et 0"*70 suivant
la température plus ou moins élevée que l'on veut obtenir.
•— Sitôt que la couche est construite et qu'on l'a foulée
aux pieds, on l'arrose de laçon que toute la masse soit
mouillée, ce qui est une condition indispensable pour que la
fermentation s'établisse. On place alors le coffre du châssis
et l'on met à l'intérieur la quantité de terre ou de terreau
nécessaire à la culture des plantes que l'on y veut placer,
puis autour sur l'espace de la couche resté libre on réunit
du fumier et l'on forme le réchaud qui est une sorte de
couche supplémentaire destinée à garnir complètement les
parois du coffre et à préserver ainsi l'intérieur de toute
déperdition de chaleur. Lorsque la couche commence à
moins chauffer on démolit les réchauds, on y ajoute du fu-
mier frais et on l'établit à nouveau. — Les maraîchers de
Paris, qui construisent des couches sur de grandes surfaces,
commencent à les établir généralement en décembre. Ils
cultivent sur leur surface quelçjue salade et lorsque la ré-
colte de celle-ci est faite en janvier ou février, ils démo-
lissent complètement la couche, y ajoutent du fumier frais
en proportion de moitié et la construisent à nouveau. Elle
servira ainsi jusqu'au printemps pour la culture de plantes
diverses. C'est ce que l'on nomme dans la pratique horti-
cole des couches de retourne. Lorsque la couche a fini
de chauffer, que le fumier qui la forme est complètement
décomposé, il constitue du terreau qui servira, mélangé à
la terre, à recouvrir les couches et à constituer le milieu
dans lequel les plantes seront cultivées, J. Dybowskj.
Couche a champignons (V. Agaric).
III. Géologie (V. Sédiment et Stratification).
COUCHE (Charles), inspecteur général des mines, né le
U janv. 4815, mort le U juil. 1879. H fut un des
membres les plus éminents du corps des mines ; depuis
4848, il était professeur de construction et de chemins de
fer à l'Ecole nationale des mines et il exerça pendant plus
de vingt ans les fonctions d'ingénieur du contrôle de l'Etat
près les chemins de fer de Paris à Lyon et de l'Est. Il fut
nommé, en 1878, président du jury de la classe 64, che-
mins de fer. Couche publia un grand nombre de mémoires
relatifs à des questions de chemins de fer, mais tous ces
travaux sont venus se fondre dans un grand ouvrage qui a
paru de 4867 à 4874 sous le titre de Voie, matériel rou-
lant et exploitation des chemins de fer, dont les trois
volumes résument trente années de son existence. Ce traité
est encore actuellement le recueil le plus complet et le
plus instructif qui ait été publié sur cette matière et long-
temps après que les types décrits par l'auteur auront fait
place à d'autres plus récents, on ira encore chercher dans
ce livre l'exposé lumineux des principes à observer et le
modèle d'une discussion à la fois savante et pratique.
COUCHÉ (Jacques), graveur français, né à Gournay en
4750, mort à Paris en 4832. Elève de Levasseur, il a gravé
de charmants sujets de genre d'après des maîtres français
contemporains, et est surtout connu par la publication de
la Galerie du Palais-Royal (Paris, 4786-4808, 3 vol.
gr. in-fol., 352 pi. ; nouv. édit., 1858 et suiv., 340 pi.
in-4). — Son fils, François-Louis^ né à Paris en 4782,
mort à Paris le 5 oct. 4849, élève du peintre Louis Lafitte
et de son père, a gravé un nombre énorme de planches
historiques : batailles de l'Empire, portraits de généraux
et autres, costumes, etc., et 60 pi. de Monuments de
Paris (4848, in-8). G. P-i.
COUCHER. I. Astronomie. — Le coucher est le
moment où un astre disparait en descendant au-dessous de
l'horizon. Le coucher héliaque d'une étoile a lieu quand
elle est sur l'horizon, le soleil étant au-dessous et en un
point de l'écliptique assez bas pour que l'étoile soit visible
dans la clarté crépusculaire. Le coucher cosmique a lieu
quand l'étoile se couche en même temps que le soleil, et
le coucher acronique lorsque l'étoile se couche au moment
du lever du soleil. Le coucher héliaque, le coucher cosmique
et le coucher acronique s'appellent aussi couchers poé-
tiques. L. B.
II. Histoire. — Grand et petit coucher du roi. —
Sous Louis XIV, le coucher du roi se divisait en deux
actes, le premier appelé grand coucher, h second petit
coucher. Nous ne pouvons mieux faire pour donner une
idée des minuties de l'étiquette sous Louis XIV que de trans-
crire le cérémonial du grand coucher tel qu'il se trouve
dans VEtat de la Finance de 4687 : « Le Roy sort de son
cabinet et trouve à la porte le maître de la garderobe qui
l'attend et entre les mains duquel il met son chapeau, ses
gans et sa canne, son épée et son baudrier ou ceinturon : et
les valets de garderobe prennent ensuite toutes ces bardes
pour les porter à la toillette. L'huissier de chambre fait faire
place devant Sa Majesté qui va faire sa prière à la ruelle de
son lit, prenant de l'eau bénite, et s'agenouillant comme le
matin sur deux coussins qui sont préparés à terre devant un
fauteuil ; l'aumônier de jour tient le bougeoir pendant les
prières du roy, et dit à la fin l'oraison Quœsumus, omni-
potens DeuSj utfamalus tuus LudoviciisRexnoster, etc.
Si le lendemain il doit y avoir quelque ordre extraordinaire
pour la messe. Sa Majesté le dit à l'aumônier, pour le faire
entendre aux chapelains, aux clercs de chapelle et au
sommier de la chapelle et oratoire du roy. Quand je dis à
l'aumônier, c'est toujours à dire au plus qualifié des au-
môniers : au grand aumônier, s'il y^ est, ou au premier
aumônier, ou bien à un autre aumônier. Le roy se met de
l'eau bénite au front et se lève ensuite de ses prières.
Alors le premier valet de chambre, après avoir pris le bou-
geoir que tenait l'aumônier, reçoit des mains de Sa Majesté
la petite bourse où sont les reliques et reçoit sa montre.
Il marche devant le Roy, et donne à tenir ce bougeoir à
celuy des seigneurs que luy marque Sa Majesté, c'est un
honneur de tenir le bougeoir au coucher du roy, c'est
pourquoy Sa Majesté le fait donner aux princes et seigneurs
étrangers, quand il s'en rencontre quelqu'un. (Vous remar-
querés en passant qu'il n'y a que le roy seul qui ait un bou-
geoir à deux bobèches^ et par conséquent à deux bougies ; les
bougeoirs pour la reine, quand il y en a une, pour mon-
seigneur et autres, n'ont qu'une bobèche et qu'une bougie.)
Dans ce moment l'huissier de chambre fait encore faire
place devant le roy, qui vient vers le fauteuil qui luy a
été préparé, et Sa Majesté debout se déboutone, dégage son
cordon bleu : puis le maître de la garderobe luy tire la
veste, et par conséquent le cordon bleu, qui y est attaché
et le juste-au-corps qui est encore par dessus. Ensuite il
reçoit aussi la cravate des mains du roy, remettant toutes
ces bardes entre les mains des officiers de la garderobe. Sa
Majesté s'assied en son fauteuil et le premier valet de
chambre et le premier valet de garderobe lui défont ses
jarretières à boucles de diamans l'un à droite, l'autre à
gauche. Les valets de chambre ôtent du côté droit le sou-
lier, la chausse, le haut de chausse et le canesson du roy :
pendant que les valets de garderobe qui sont du côté
gauche luy déchaussent pareillement le pié, la jambe et
la cuisse gauche. Les deux pages de la chambre qui sont
de jour ou de service donnent les mules ou pantoufles à
Sa Majesté. Un valet de garderobe envelope le haut-de-
chausse du roy dans une toilette de taftas rouge, et le va
porter sur le fauteuil de la ruelle du lit, avec l'épée de
Sa Majesté. Les deux valets de chambre qui ont été derrière
le fauteuil tiennent la robe de chambre à la hauteur des
épaules du roy, qui dévêt sa chemise pour prendre sa
chemise de nuit, qu'un valet de garderobe chauffe, s'il en
est besoin. C'est toujours le plus grand prince ou officier
qui donne la chemise au roy; comme nous avons dit
cy-devant au lever de Sa Majesté le premier valet de chambre
aide au roy à passer la manche droite de cette chemise :
comme de l'autre côté, le premier valet de garderobe aide
pareillement à passer la manche gauche. Et s'il y falloit
nouer des rubans, ces deux officiers les nouent, chacun de
son côté. Le roy aïant pris sa chemise de nuit, le premier
COUCHER — COUCOU — 30
valet de chambre qui a tiré les reliques de la petite bourse,
les présente au grand chambellan ou au premier gentil-
homme de la chambre qui les donne à Sa Majesté et le roy
les met sur luy, passant le cordon qui les tient attachées, en
manière de baudrier. Et quand Sa Majesté met une camizole
de nuit, le grand-maître delà garderobe prend cette camizole
des mains d'un valet de garderobe et la vêt au roy ; qui
prend ensuite sa robe de chambre, soutenue par deux va-
lets de chambre, qui sont toujours derrière le fauteuil
de Sa Majesté, puis l'un de ces valets de chambre range
ce fauteuil à l'endroit de la chambre où il a acoutumé
d'être. Le roy debout fait une révérence pour congédier
la compagnie et pour donner le bonsoir aux courtisans. Le
premier valet de chambre reprend le bougeoir au seigneur
qui le tenait. Les huissiers de chambre crient tout haut :
allons. Messieurs, passés. Les grands et principaux officiers
se retirent et généralement tous les seigneurs et autres
persones: et c'est là où finit ce qu'on apêle le grand
coucher du roy. Mais avant que de se retirer, ceux qui
doivent prendre l'ordre de Sa Majesté le prennent ainsi : le
capitaine des gardes du corps prend l'ordre ou le mot du
guet, le colonel du régiment des gardes françoises, le
colonel général des Suisses, ou le colonel du régiment des
gardes Suisses. » Le roi ayant souhaité le bonsoir, il
ne restait plus dans sa chambre, avec les officiers de la
chambre et de la garderobe, le premier médecin et les chi-
rurgiens, que les princes du sang, quelques personnes pri-
vilégiées. On procédait alors à la toilette du roi : c'était là
ce qu'on appelait le petit coucher. Il n'y eut plus de grand
coucher dans les douze dernières années du règne de
Louis XIV. Sous son successeur, l'ancien cérémonial fut
remis en vigueur et ne fut simplifié que sous Louis XVI.
C'était une faveur très recherchée des courtisans que celle
d'assister au coucher du roi. Saint-Simon {Mémoires^ II,
406) parlant de l'ambassadeur d'Angleterre , Portland,
qui séjourna à la cour en 4698, dit : « Le roi lui donna
un soir le bougeoir à son coucher, qui est une marque de
faveur qui ne se fait qu'aux gens les plus considérables et
que le roi veut distinguer. Rarement les ambassadeurs se
familiarisent à faire leur cour à ces heures et, s'il y en
vient, il n'arrive presque jamais qu'ils reçoivent cet agré-
ment. » M. Prou.
m. Beaux-Arts. — Coucher c'est poser les couleurs
avec le pinceau, en hachures obliques, sans les fondre. Ce
travail préparatoire, employé par certains artistes, est
une ébauche qui peut être vigoureuse, tout en restant
transparente. Ad. T.
COUCHERY (Jean-Baptiste-Claude-François), publiciste
et homme politique français, né à Besançon le 4 avr. 4768,
mort à Paris le 26 oct. 4844. Professeur à Besançon,
procureur de cette ville en 4792, il fut destitué à cause
de ses opinions modérées. Nommé procureur général
syndic du Doubs après le 9 thermidor, il fut élu par ce dé-
partement député du conseil des Cinq-Cents le 22 vendé-
miaire an IV. Il s'y montra tellement réactionnaire, qu'il
fut inscrit sur la liste des députés proscrits le 48 fructidor
an V (V. Cinq-Cents) . Condamné à la déportation, il passa
en Allemagne. Il revint en l'an VIII et fut bientôt s'établir
à Londres auprès de Pichegru. 11 y collabora au journal
de Peltier, F Ambigu ou Variétés littéraires et poli-
tiques et réunit plus tard ses articles en un volume, le
Moniteur secret ou Tableaux de la cour de Napoléon^
de son caractère et de celui de ses agents (Londres,
4843, 2 vol. in-8), qui fut réimprimé à Paris en 4844 et
4845, Louis XVIII récompensa ce fidèle partisan par l'oc-
troi de lettres de noblesse et la Légion d'honneur.
COUCHES (Suites de) (V. Accouchement, Délivrance,
Lochies, Puerpéral).
COUCHES-LEs-Mims {Colcœ, Colciœ, Colticce, Col-
chœ). Ch'.-l. de cant. du dép. de Saône-et-Loire, arr. d'Au-
tun ; 2,823 hab. Mines de fer exploitées par MM. Schnei-
der et C^®, du Creuset. Carrières de pierre à bâtir et de
pierre à chaux. Moulins, tuileries, huileries, distillerie.
Traces d'une voie antique derrière la ferme du bois Jean-
Gras. Une abbaye, fondée à Couches au viii® siècle, fut
détruite en 973 et transformée ensuite (4047) en un prieuré
dépendant de l'abbaye de Flavigny, et ce dernier finale-
ment (1624) uni au collège d'Autun. Restes d'un beau
château, démantelé par les grandes compagnies, assiégé en
44J7 par Guillaume de Marcigny, et détruit en 4590 par
le baron de Vitteaux ; la chapelle contient une statue de
saint Ruf en marbre blanc, un très beau retable et quelques
pierres tumulaires. Sous ses murs, Guyonvelle, à la tête
des ligueurs, battit, en 4589, le comte de Cruzille qui
avait refusé de se joindre à Ta vannes. Le fief appartenait
anciennement aux rois de France et aux ducs de Bour-
gogne ; il passa ensuite aux Montagu de Sombernon
(xv® siècle), puis, après la mort de Claude de Montagu
(4470), à Henri de Rabutin, à Claude de Blaisy et à la
maison de Rochechouart (4508). La seigneurie fut divisée
en 4544 : le lot de la Creuse échut aux d'Aumont, Bru-
lard, de Loriol de Chandieu et La Magdeleine de Ragny ;
le lot de la Montagne vint aux de Pot, de Fuligny-Damas,
de Sandaucourt et de Siry. Les habitants de Couches furent
affranchis en 4496; des lettres patentes de 4774 organi-
sèrent la municipalité. Eglise, collégiale depuis 4469.
Hôpital fondé au commencement du xviii^ siècle. Lex,
COUCHETTE (AmeubL) (V. Lit).
COUCHEY {Copiacum^ Coothiacmn), Coin, du dép.
de la Côte-d'Or, arr. de Dijon, cant. de Gevrey, au pied
de la côte d'Or; 537 hab. Eaux minérales purgatives. En
801 , Betto, évêque de Langres, donna l'église de Couchey
à Saint-Etienne de Dijon. Au xi® siècle, il se tint en ce
lieu un mallum pour décider un procès entre les cha-
noines de Saint-Etienne et quelques particuliers. En 4253,
les habitants obtinrent de leur seigneur, Hugues le Pitois,
une charte de privilèges leur permettant d'élire un maire et
deux prud'hommes. C'est là que fut conclue, le 7 sept.
4539, une trêve entre les ligueurs et le comte de Ta-
vannes. Eglise du xv® siècle, sous le vocable de saint Ger-
main. Croix monumentale de la Renaissance classée parmi
les monuments historiques. M. P.
BiBL. : CouRTÉPÉE, Description du duché de Bourgogne^
éd. 1847, t. II, p. 178.
COUCHICHING (Lac).Lac du Canada, prov. d'Ontario ;
il prolonge au N. le lac Simcoe (V. ce nom) auquel le
réunit le chenal Narrows ; ses eaux vont au lac Huron .
GOUCHIS. Les fermes des cintres sont reliées trans-
versalement par des moises qui en maintiennent l'écarte-
ment; elles supportent des pièces spéciales, posées égale-
ment dans le sens transversal, qu'on désigne sous le nom
de couchis^ et sur lesquelles on pose, suivant la forme de
la voûte, des planches jointives, minces et flexibles. Les
couchis ne sont pas posés en contact les uns avec les
autres, à moins qu'on ne supprime le platelage (V. Pont
pour les détails et les calculs).
COUCOU. I. Ornithologie. — Les Coucous (Cuculus L.)
qui forment le principal genre de la famille des Cuculidés
(V. ce mot) étaient placés jadis dans l'ordre des Grimpeurs,
avec les Pics, les Barbus, les Perroquets. Ce sont des oiseaux
dont la taille varie depuis celle d'une Pie jusqu'à celle d'un
Moineau, et qui ont le bec court, légèrement arqué, élargi
à la base et terminé en pointe aiguë, les narines arrondies,
percées si près du front qu'elles sont en partie cachées sous
les plumes, les ailes un peu obtuses, la queue longue,
arrondie ou étagée, les tarses courts et emplumés dans leur
partie supérieure, les doigts disposés comme chez les autres
Grimpeurs, en deux groupes opposés. Leur plumage offre
généralement des couleurs modestes, du gris, du noir, ou
du brun varié plus ou moins de rose et de blanc sur les
parties supérieures du corps, sur la tête et sur la poitrine,
et du blanc recoupé par des bandes transversales, foncées
sur la région abdominale ; toutefois, chez certaines espèces
dont on a formé les genres ou plutôt les sous-genres
Chrysococcyx (V. ce mot) et Chalcococcyx, la livrée
revêt des couleurs éclatantes, le dessus du corps étant
d*un vert doré, d'un vert émeraude ou d'un violet magni-
fique, tandis que le ventre est d'un jaune vif ou d'un blanc
pur. Les teintes les plus pures et les plus brillantes se
rencontrent du reste toujours chez les adultes, les jeunes
ayant souvent des couleurs brouillées et des raies transver-
sales, même sur le dos. Les forêts et les petits bouquets
de bois sont le séjour de prédilection de ces oiseaux qui
rappellent un peu "les Rapaces par leur vol aussi bien que
par leur plumage. Leur nourriture se compose d'insectes
de différentes espèces, principalement de larves et de che-
nilles velues, de fruits, de graines ou même d'œufs d'autres
oiseaux. Tous ont la singulière habitude de déposer leurs
œufs dans le nid de divers Passereaux, et de s'affranchir
ainsi des soins de l'incubation et de l'éducation des petits,
et la plupart d'entre eux, après avoir passé le printemps et
l'été dans les pays froids ou tempérés, entreprennent à
l'automne de lointains voyages et vont hiverner dans les
pays chauds. C'est ainsi que le Coucou gris ou Coucou
Coucou chanteur.
chanteur (Caculus canorus L.), type du genre Cuculus^
après avoir passé la belle saison dans le nord de l'Europe
et de l'Asie, visite en hiver l'Afrique et les îles indiennes.
Cette espèce, qui est commune dans notre pays pendant une
partie de l'année, mesure, à Fàge adulte, 30 centim. de
long, et porte un costume d'un gris cendré, passant au gris
foncé sur les ailes, au noir sur la queue, dont les pennes
sont marquées de blanc à l'extrémité, et au blanc rayé de
brun noirâtre sur l'abdomen. Ses yeux et ses pattes sont
alors d'un jaune clair, tandis que dans le jeune âge l'iris
est gris, en même temps que la livrée offre des teintes
brunes et roussâtres, et de nombreuses bandes transver-
sales.
Il résulte des observations de M. F. Prévost que les Cou-
cous gris sont polygames, et qu'une femelle s'accouple' suc-
cessivement à plusieurs mâles qui séjournent dans un même
canton alors que leur compagne d'un jour erre d'un endroit
à l'autre à la recherche d'un endroit convenable pour dépo-
ser ses œufs, dont la couleur varie d'un bleuâtre au gris
vineux, rayé ou tacheté de brun noirâtre. Elle choisit géné-
ralement le nid d'une espèce d'Insectivores, d'une Fauvette,
d'un Rouge-Gorge, d'un Traquet, et y gHsse, généralement,
en l'absence des parents, un ou parfois deux œufs qui, chose
curieuse, sont acceptés sans difficulté par les possesseurs
du nid. L'œuf étranger est conservé avec le même soin que
les autres, et quand le jeune Coucou est né, ses parents
d'adoption lui fournissent incessamment les insectes et les
vers que réclame son appétit féroce. L'intrus grandit rapi-
dement et lorsque sa vraie mère ne s'est point par avance
chargée de ce soin en enlevant quelques œufs, il sait fort
bien se faire place dans le nid en expulsant les autres petits
Passereaux. Ces faits étranges, qui avaient déjà été signalés
— U -« COUCOU
par Aristote, ont été souvent dénaturés par la suite, et c'est
seulement dans ces derniers temps que des observations mi-
nutieuses ont permis de débaiTasser l'histoire du Coucou des
détails merveilleux dont elle avait été enrichie par l'imagi-
nation féconde de quelques auteurs. Dès les premiers jours
de septembre, les Coucous jeunes et vieux émigrent pour ne
revenir qu'au mois d'avril suivant. Aussitôt après leur retour,
les mâles révèlent leur présence par leur chant bien connu,
auquel les femelles répondent par un cri aigre, semblable à
un ricanement. Pendant tout l'été ces oiseaux font une
chasse active aux insectes, et, en débarrassant les arbres
des chenilles velues qui sont dédaignées par d'autres oiseaux,
ils compensent peut-être assez largement le mal qu'ils
font en détruisant indirectement les couvées de quelques
Passereaux insectivores. Les autres représentants du genre
C'uculus^ tels que le Cuculus capensis Miill. de l'Afrique
australe, le C. poliocephalus Lath. de l'Inde et de la Co-
chinchine, le C. canoriniis des îles de la Sonde, ne se dis-
tinguent du Cuculus canorus que par des différences
dans les proportions du corps et les nuances du plumage,
mais ont exactement le même régime et les mêmes habi-
tudes. Nous en dirons autant des petites espèces à plumage
brillant qui constituent les genres ou sous-genres Caco-
mantis et Chrysococcyx^ et des espèces de taille plus
forte, à pattes plus hautes et à tête légèrement huppée
qui forment le genre Coccystes Glog. ou Oxylophus Sw.
L'espèce la plus connue de ce dernier groupe est le Cou-
cou Geai (Cocc?/s^^5 ou Oxylophus glandariush.) qui est
un peu plus gros que le Coucou ordinaire, et qui a les
parties supérieures du corps d'un gris plus ou moins glacé de
verdâtre et maculé de blanc, la gorge et la poitrine rousse et
le ventre blanc. Cet oiseau, qui est particuhèrement com-
mun en Egypte, en Nubie, en Arabie, en Palestine, en
Algérie et en Tunisie, mais qui niche aussi dans le nord
de l'Espagne, et qui se montre de temps en temps en
Grèce, en Italie, dans le sud de la France et en Allemagne,
dépose ses œufs dans les nids des Pies et des Corneilles.
Au contraire, les Coucous américains qu'on désigne
vulgairement sous le nom de Coulicous, et dont Vieillot a
fait son genre Coccyzus et Lesson son genre Piaya, ne
déposent qu'exceptionnnellement leurs œufs dans les nids
d'autres oiseaux. D'ordinaire, ils les couvent eux-mêmes
et généralement au fur et à mesure qu'ils sont pondus, de
telle sorte que les petits n'éclosent pas tous en même temps.
C'est du moins ce qu'Audubon a constaté en observant le
Coulicou américain (Coccyzus aynericanus L.), espèce qui
est commune aux Etats-Unis pendant la belle saison. Chez
cet oiseau, de formes plus sveltes que notre Coucou, le bec
est grêle, la queue allongée et formée de pennes étagées,
et le plumage offre des teintes douces et harmonieuses, du
gris glacé de vert, du roux et du blanc jaunâtre. Des cou-
leurs analogues se retrouvent chez le Coccyzus cinereus
V. de Paraguay et chez le C, minor Gm. de la Guyane,
tandis que les Piaya cayana L. et P. Mehleri de Cayenne
et du Mexique ont une livrée d'un roux très vif, tirant au
rouge et variée de gris rosé, de gris fer et de noir. Nous ne
nous étendrons pas ici sur les caractères distinctifs et les
mœurs des représentants d'autres groupes de la famille
des Cuculidés (V. ce mot), les principaux genres étant
l'objet d'articles spéciaux (V. Ani, Coua, Coucal, Cen-
TROPUS, EUDYNAMIS, INDICATEUR, MalCOHA, SaUROTHÈRE,
SCYTHROPS). E. OUSTALEÏ.
IL Botanique (V. Primevère et Narcisse). — Fleur de
Coucou (Y. Lychnis). — Pain de Coucou (V. Oxalïs).
III. Archéologie. — Ancie^me voiture. Sorte de petite
diligence à deux roues et à six ou huit places, qui des-
servait les environs de Paris sous le premier Empire et
sous la Restauration. Cette voiture publique avait remplacé
le tapecu, voiture étroite et incommode par sa mauvaise
suspension. La station principale des coucous était le long
du jardin des Tuileries, Ces voitures menaient pour douze
sous les clients à Saint-Cloud et à Versailles.
Horloge (V. Horloge).
coucou - COUCY -
BiBL. : Ornithologie. ~ Daubenton, PL Enl. de Buf-
fon, 1770, pi. 211, 811 et 816. ~ P. Roux, Ornithol pro-
venç.^ pi. 65 à 68. — J. Gould, B. Europ., pi. 240. — Wil-
soN, Amer. Ornith.^ pi. 28, fig. 1. — Degland et Geri^e,
Ornilh. europ.^ 1867, t. I, p. 161. — O. des Murs, la Vérité
sur le Coucou; Paris, 1879.
COUCOUPIC (Ornith.). Nom donné par Lesson à un
genre de la famille des Barbus (V. ce mot) ou Capitonidés,
qui avait été nommé antérieurement Trachyphonus par
Ranzam(£toi. Ornit.^ 4823, p. 19) et qui a pour type
le T. cafer V., de l'Afrique australe. E. Oustalet.
COUCOURDETTE (V. Cucurbita).
COUCOURON. Ch.-l. de cant. du dép. de l'Ârdèche,
arr. de Largentière ; 1,271 hab.
COUCY. Com. du dép. des Ardennes, arr. et cant. de
Rethel ; 403 hab.
COUCY-LA-ViLLE. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Laon,
cant. de Coucy-le-Cliâteau ; 273 hab. L'origine de ce vil-
lage, situé dans une plaine non loin de la colline occupée
par Coucy-le-Château, est très ancienne et même de beau-
coup antérieure à celle de Coucy-le-Château. Après avoir
fait partie du domaine royal, il appartint ensuite aux ar-
chevêques de Reims et tomba enfin en la possession des
seigneurs de Coucy-le-Château qui le gardèrent et lui ac-
cordèrent au xiv^ siècle un certain nombre de franchises,
en môme temps qu'à vingt-deux autres villages. L'église de
Cou cy-la- Ville est particulièrement curieuse. Elle est en
partie du xii^ siècle et possède une belle tour centrale
romane, sur la façade un gracieux clocher du xv^ avec
flèche dentelée, et à l'intérieur des peintures murales du
XV® siècle et des fonts baptismaux très intéressants du
xii^ siècle. Coucy eut quelque temps un temple protestant
démoli au moment de la révocation de l'édit de Nantes.
BiBL. : ToussAiNTs-DuPLESSis, Histoire de la ville et
seigneurie de Coucy^ 1728, in-4. — Melleville, Histoire
de la ville et des sires de Coucy-le-Château^ in-8. — ■ Bul-
letin de la Société académique de Laon, passim. — Abbé
Vernier, Histoire du canton de Coucy-le-Château^ dans
les Mémoires de la Soc. acad. de Saint-Quentin^ t. XII.—
Bidletin de la Soc. archèol. de Soissons., passim.^ etc.
00 UCY-le-ChAteâu. Ch.-l. de cant. du dép. de l'Aisne,
arr. de Laon; 719 hab., sur une colline escarpée au
sommet de laquelle se dresse le célèbre château, l'un des
plus remarquables monuments de l'architecture militaire du
Ruines du château de Coucy (d'après une photographie).
moyen âge qui existent aujourd'hui. L'histoire du bourg
est intimement liée à celle du château. Il n'en est point
question avant les premières années du x^ siècle. Son terri-
toire appartenait alors aux archevêques de Reims, comme
dépendant de Coucy-la- Ville qui faisait partie de leur do-
maine. Le château une fois construit vers l'année 920, sa
position exceptionnelle le fit convoiter par les plus puis-
sants seigneurs de la région. Herbert de Vermandois,
Thibaut, comte de Troyes, et d'autres encore s'en empa-
rèrent successivement, jusqu'à ce que l'archevêque de Reims,
Odalric, en régularisa la possession au fils de Thibaut
qui le reçut en fief, moyennant un cens de 60 sous (994).
Les descendants de ce dernier, Robert et Albéric, furent ses
successeurs. Par suite de circonstances qu'il est malaisé
de préciser, le domaine fut alors acquis, probablement
au moyen d'une usurpation violente, par Enguerrand I^^,
surnommé de Boves, parce qu'il possédait la seigneurie
de Boves, la plus importante du comté d'Amiens qui lui
appartenait également (1078-1115). Son mariage avecAde
de Coucy lui apporta les sireries de Marie, La Fère,
Vervins, etc. Il se maria en quatrièmes noces avec Sibylle
de Château-Porcien, femme séparée du comtede Namur.
Ce mariage devint la cause d'une guerre acharnée que lui
fit le mari outragé avec d'autres barons de l'Empire. Il y
eut des cruautés inouïes commises de part et d'autre. A la
suite d'un accord, Enguerrand garda Sibylle. Il eut, entre
autres enfants, le fameux Thomas dit de Marie, dont on
connaît la tragique destinée. Ils assistèrent l'un et l'autre
à la première croisade. Du vivant de son père, Thomas se
fit une position indépendante. Sa seconde femme, Ermen-
garde de Montaigu, lui apporta en dot le château de ce
nom, dont il fit une forteresse très incommode pour tous
les seigneurs des alentours. A la suite de ses excès, la
noblesse picarde vint l'y assiéger, avec l'aide de son père
lui-même (1105). C'est alors que le prince héritier, le futur
Louis le Gros, vint à son secours et força les alliés à lever
le siège. Une lutte sanglante s'engagea à cette époque entre
Thomas et Enguerrand, laquelle dura jusqu'en 1113. A ce
moment, une diversion se produisit, et Thomas prit parti
dans des vues intéressées pour les communes d'Amiens et
de Laon. Il pilla cette dernière et se tourna ensuite du
côté de son père, adversaire de la seconde. Le vidame
d'Amiens soutint la lutte contre lui, le blessa dans un
combat et réussit à en délivrer la commune. Louis le
Gros s'empara sur ses entrefaites des deux châteaux de Crécy-
sur-Serre et du Nouvion où Thomas avait donné asile aux
Laonnois révoltés et fugitifs. A la mort de son père (1115),
Thomas, devenu maître d'immenses domaines, se montra,
comme devant, cruel et sans foi. Il entra en guerre avec
le roi qui lui enleva en 1117 la tour de Coucy et le rédui-
sit à une soumission complète . Un assassinat commis sur
Henri de Chaumont, des actes continuels de pillage firent
encore recommencer la guerre. Il mourut en 1130, tué dans
une surprise de la main même du comte Raoul de Ver-
mandois, frère de la victime. Après lui, ses domaines
furent partagés entre Robert P*" qui eut Boves, et Enguer-
rand, l'aîné, qui eut Coucy. Ce dernier continua la guerre
contre le roi qui, vainqueur de Thomas, avait assiégé La
Fère durant plusieurs mois. La résistance de cette place
força le roi à traiter. Enguerrand alla à la croisade de
1146 et mourut en Terre sainte (1150). Raoul I®^, son
fils, épousa successivement Agnès de Hainaut et Adélaïde
de Dreux, dont il eut Enguerrand, son successeur dans la
seigneurie de Coucy, Thomas, seigneur de Vervins,
Robert, seigneur de Pinon, et Raoul, évêque deNoyon. Il
mourut également en Terre sainte (1192), après avoir
accordé des chartes communales aux villes de Marie
(1174) et de Vervins (1183).
La domination d'Enguerrand marque l'apogée de la mai-
son de Coucy. Après une minorité pendant laquelle la ville
de Coucy obtint de la veuve de Raoul une charte de com-
mune, Enguerrand disposant de forces et de richesses con-
sidérables, chercha à imposer son autorité à toute la ré-
gion. Il ravagea les terres de FEgHse de Reims (1200)
et figura à Bouvines avec éclat. L'une des alliances qu'il
contracta successivement le rendit le beau-frère de l'em-
pereur Othon IV. Accusé, non sans vraisemblance, d'as-
pirer à la couronne de France, il prit une part des plus
actives aux luttes politiques et aux révoltes féodales, qui
se produisirent pendant la régence de Blanche de Castille.
Une de ses filles épousa le roi Alexandre II d'Ecosse.
C'est sous sa direction que furent bâtis en quelques
années (vers 1225) les tours et le donjon de Coucy, les châ-
teaux de Marie, de Saint-Gobain et de Folembray . Il mourut,
à la suite d'un accident, en 1242. Raoul H, son successeur,
périt en 1250 à la bataille de Mansourah. Le frère de ce
dernier, qui fut alors appelé à lui succéder, est surtout
connu par les mesures sévères dont il fut l'objet de la part
de Louis IX, à la suite de plusieurs exécutions arbitraires,
parmi lesquelles celle de trois jeunes clercs. Il mourut
33 --
COUCY
en ISU . Enguerrand V ne lui survécut que quelques mois,
laissant la seigneurie à son fils Guillaume (1311-4333)
qui ne signala son gouvernement par rien de remar-
quable. Enguerrand VI (1333-1344) assista, sans pouvoir
Fempècher, à la dévastation de ses domaines par les An-
glais en 1339, et fut tué à Crécy (1346), laissant le pou-
voir à un fils encore enfant qui fut Enguerrand VII, le der-
nier et aussi le plus illustre des membres de la maison de
Coucy. Emmené par les Anglais en qualité d'otage à la cour
d'Edouard III, il acquit une grande influence auprès de ce
dernier, dont il épousa la fille. Revenu ensuite à Coucy en
1368, il s'occupa de ramener la prospérité dans ses do-
maines dévastés et accorda une charte de franchise à Coucy
en même temps qu'aux vingt et un villages qui en dépen-
daient. Il resta neutre durant la guerre qui éclata peu
après entre la France et l'Angleterre. C'est alors qu'il se
décida à partir pour l'Italie, dans le but d'y servir le pape,
contre les Visconti de Milan. Il guerroya ainsi pendant
quelque temps et imagina ensuite de revendiquer la cou-
ronne d'Autriche, sur laquelle il prétendait avoir des droits
par sa mère Catherine d'Autriche. Il ramassa dans toute
la France et même en Angleterre tous les routiers dis-
ponibles et s'apprêta à engager la lutte contre son oncle.
Après avoir ravagé cruellement l'Alsace, il se fit battre
piteusement en Suisse (1375). A son retour, la cour de
France le chargea de plusieurs missions délicates. Rallié
après la mort d'Edouard lU, il prit part à la campagne de
Flandre et à l'invasion tentée en Ecosse. A diverses reprises,
le gouvernement de Charles VI l'employa dans des négo-
ciations diplomatiques importantes. En 1390, il assista les
Génois dans leur expédition contre Tunis, au cours de laquelle
il se signala par de nombreux exploits. Toujours très mêlé à
la politique aussi bien extérieure qu'intérieure, il fut l'un des
chefs de l'armée envoyée contre Bajazet et les Turcs au
secours de la Hongrie.^ Fait prisonnier à NicopoMs, il fut
l'un des huit prisonniers épargnés et délivrés moyennant
rançon (1397). Il mourut à Brousse, en Asie, peu après
la dure captivité qu'il venait de subir. Avec lui s'étei-
gnit la puissante maison qu'il venait d'illustrer par ses
multiples et lointaines expéditions, et qui avait été pendant
deux cents ans, sans contredit, la plus puissante de toutes
les familles du nord de la France. La terre fut vendue par
sa fille Marie au duc Louis d'Orléans en 1400. Celui-ci la fît
ériger en pairie en 1404. Le domaine passa ensuite à son
fils Charles ; il fut saisi en 1411, vendu au duc de Bour-
gogne en 1440, racheté encore en 1550. Louis II d'Or-
léans, roi de France sous le nom de Louis XII, réunit
Coucy à la couronne et le concéda en apanage à sa fille
Claude, femme du duc d'Angoulème. Ce dernier, devenu
le roi François P^, le donna à titre d'apanage à son second
fils, Charles de Valois. Le domaine fut ensuite attribué comme
douaire à Catherine deMédicis en 1562. Il passa en 1576
à Diane de France et rentra enfin dans la maison d'Or-
léans-Bourbon qui le garda, en quahté d'apanage, jusqu'à
la Révolution. A l'époque de leur splendeur, les sires de
Coucy, entourés de nombreux officiers, tinrent dans leur
château une cour des plus brillantes. Parmi les dignitaires
les plus importants de cette cour, il faut signaler en pre-
mière ligne le garde du château ou châtelain qui résidait
dans les bâtiments dépendant de la première porte, dite
porte Maître Odon. On trouvera dans l'ouvrage de Melle-
ville la généalogie de ces officiers ainsi que celles des pos-
sesseurs des divers fiefs dépendant de Coucy. Il importe
de ne pas les confondre avec les véritables seigneurs. On
sait que l'histoire de Coucy a fourni de nombreux éléments
à la légende, à la poésie, au roman, etc.
On a vu que le château fut élevé de 1225 à 1230 par
Enguerrand III. Il se composait, dans son plan primitif,
d'une enceinte flanquée de quatre magnifiques tours cylin-
driques, de 35 m. de haut, et au centre d'un donjon cir-
culaire, large de 31 m., haut de 55, divisé en trois salles
superposées, avec des galeries et des voûtes à nervures.
Les murs de ce colossal édifice ont à la base plus de 7 m.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
d'épaisseur. La surface totale occupée par le château est
de 10,000 m. environ. Entré la ville et le château était
une basse-cour fortifiée, dont la surface est triple au moins
de celle occupée par le château. Cette baille renfermait des
écuries, des salles assez étendues et une chapelle romane
dont les substructions subsistent encore actuellement. Un
formidable système de défense protégeait les abords du
château proprement dit. Un seul pont y donnait accès. La
porte principale s'ouvrait sur un long passage voûté con-
tenant des salles de gardes et des postes nombreux. Du
couloir d'entrée on débouchait dans la cour, où se trou-
vaient: à droite les bâtiments de service, surmontés de deux
étages, au fond les appartements d'habitation à trois
étages, desservis par un grand escalier, et à gauche d'im-
menses magasins voûtés avec caves au-dessous. Ces ma-
gasins supportaient la grande salle dite des Neuf Preux.
Près de là, la chapelle qui se trouvait au premier étage de
plain pied avec la grande salle. Les quatre tours possédaient
deux étages de caves et trois étages de salles, plus un
étage de combles. Le donjon qui, depuis le fond du fossé
dallé jusqu'au couronnement, compte 63 m. de hauteur,
possédait une enceinte extérieure ou chemise destinée à le
protéger du côté de la basse-cour. Il s'y trouvait au rez-
de-chaussée un puits très profond, aujourd'hui en partie
comblé. Vers 1400, les salle des Preux et des P reuses
et les bâtiments d'habitation furent reconstruits, ainsi que
les étages supérieurs de la porte, par Louis d'Orléans, en
un style beaucoup plus riche et plus ornementé. Ce fut seu-
lement pendant les troubles de la Fronde que cette magni-
fique résidence fut entièrement ravagée. Son gouverneur,
Hébert, ayant refusé de rendre la place, le siège fut mis,
le 10 mai 1652, devant la ville qui fut rapidement prise.
Quelque temps après, la garnison du château capitula. Le
cardinal Mazarin fit immédiatement démanteler le château,
au moyen de la mine. Depuis lors, les habitants du pays
s'en servirent comme d'une carrière de pierres. Il fait
partie aujourd'hui du domaine de l'Etat, qui y a fait depuis
1856 des travaux de consohdation et de déblayement
importants. Le donjon a été réparé et muni de deux cercles
de fer. Des fouilles entreprises ont amené d'intéressants
résultats. Elles ont permis de former un musée curieux
placé dans l'une des tours. La vue qui se développe du
sommet du donjon est magnifique : elle embrasse la cam-
pagne depuis les hauteurs de la ville de Laon jusqu'à la
forêt de l'Aiguë; elle s'étend jusqu'à Noyon et à Chauny.
L'histoire de la ville de Coucy, nous l'avons dit, ne se
sépare guère de celle de ses seigneurs. En 1197, les habi-
tants obtinrent de la veuve de Raoul P^ des franchises com-
munales, analogues à celles de Laon. Au xiv® siècle, En-
guerrand VII obtint du roi la concession de deux foires
franches, en faveur de la ville qui venait d'être plusieurs
fois incendiée et ruinée. En 1411, l'armée royale vint en
faire le siège pour exécuter la saisie prononcée contre le
duc d'Orléans. La place résista longtemps. Livrée au duc
de Bourgogne en 1414, elle fut reprise en 1419 par les
partisans du duc d'Orléans, puis en 1423 par les
Anglais, etc. — La ville de Coucy fut de bonne heure en-
tourée de murailles. L'enceinte qui subsiste encore ac-
tuellement a été construite au commencement du xni®
siècle par Enguerrand ÏIl, sire de Coucy. Elle est per-
cée de trois portes dont l'une, dite porte de Laon, la
plus remarquable, est restée intacte. Elle présente entre
ses deux tours une salle intéressante. L'église, rebâtie au
xvi^ siècle, a conservé un portail roman du xii^ et de beaux
fonts baptismaux. Coucy, en raison de sa situation, n'a
jamais pris de développement important. Enguerrand II y
construisit un prieuré placé sous le vocable de saint Rémi.
L'Hôtel-Dieu fut fondé en 1673. Parmi les personnages
célèbres nés à Coucy, on peut citer César de Vendôme, fils
de Henri IV et de Gabrielle d'Estrées. A. Lefranc.
BiBL. : JovET, Histoire des anciens seigneurs de Coucy ;
Laon, 1682, in-12. — Duchesne, Généalogie de la maison
de Coucy ^ dans VHistoire des n-i.zisons de Guines, d'Ar-
dres, de Gand et de Coucy ^ 163' t. VIII, in-fol. — P. An-
COUCÏ
- 34
SELME, Hist. généal. et chronol. — D. ïoussaints-du-
Plessis, Histoire de la ville et des seigneurs de Coucy ;
Paris, 1728, in-4. — Melleville, Histoire de la ville et des
sires de Coucy -le-Château ; Laon, 1848, in-8. — Du môme,
le Château de Coucy. 1854, in-8, 2" éd. — Carie Ledhuy,
les Sires de Coucy, 1853, in-12. — De L'Epinois, Histoire
de la ville et des sires de Coucy ; Paris, 1858, in-8. —
J. Uhlauss, Notice sur les sires de Coucy^ 1862, in-12. —
J. Moreau, Notice sur les sires de Coucy; Chaimy, 1871,
in-8, 2^ éd. — Abbé VerxNIer, Histoire du canton de
Coucy -le-Château^ dans les Mémoires delà Soc. acad. de
Saint-Quentin., t. XII et passim, ainsi ciue dans les Bid-
letins de la Soc. acad. de Laon et de la Société archéolo-
gique de Soissons. —De Caujviont, Abécédaire d'archéo-
logie., architecture militaire. — Viollet-le-Duc, Descrip-
tion du château de Coucy; Paris, in-8. — De plus, de
nombreuses gravures, entre autres celles de du Cerceau.
COUCY-les-Eppes. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de
Laon, cant. de Sissonne; 479 hab.
COUCY (Le châtelain de), célèbre trouvère sur la vie du-
quel on a peu de renseignements authentiques. On peut
l'identifier soit avec Renaud, châtelain de Coucy (c-à-d.
gardien, et non seigneur du château de Coucy), de 4204 à
1218, soit avec Gui, son prédécesseur, qui remplit les mêmes
fonctions de 4186 à 4203 ; il est plus probable que c'est de
Gui qu'il est question. Nous savons que ce dernier prit
part aux deux croisades de 4490 et 1498 ; Villehardouin
nous apprend qu'il mourut dans une traversée et que son
corps fut jeté à la mer. Les manuscrits attribuent au châ-
telain de Coucy vingt-six chansons, dont quinze ou seize
seulement sont authentiques. Elles rentrent dans la classe
des chansons courtoises imitées servilement des trou-
badours méridionaux, auxquels les idées, les sentiments et
même les métaphores, les tours de style et les procédés de
versification, sont directement empruntés. Les imitations
proprement littérales des troubadours par les trouvères
sont, comme on le sait, très rares : on en trouve cependant
quelques-unes dans le châtelain de Coucy : ainsi, dans les
vers suivants :
Sans vos amer n'a ma vie mestier
Se ja ne vueil tôt le mont enuier
Ou aler mort vivant ;
Ja Daraedius ne m'i laist vivre tant
Qu'au siècle enui et perde amor veraie,
il imite manifestement cette strophe de Bernard de Venta-
dour :
Ben es mortz qui d'amor non sen
Al cor qualque doussa sabor ;
E que val viure ses amor
Mas per far enueg a la gen.
Ja Damedieus no m'azir tan
Que ja pueis viva jorn ni mes,
Pus que d'enueg serai repres
E d'amor non aurai talan.
Cependant le châtelain de Coucy a, plus que bien
d'autres poètes lyriques, une pointe d'originalité ; il y a
chez lui plus de simplicité, de sentiment', de tendresse,
que chez la plupart d'entre eux ; quelques-uns de ses cou-
plets ont un véritable accent de sincérité et un charme mé-
lancolique. Tels les deux suivants que nous empruntons à
la plus belle de ses chansons, celle qu'il adresse à sa dame
au moment où il la quitte pour aller en Palestine :
Biaus sire Dius, k'iert il del consirrer,
Del grant solas et de la compaignie
Et des déduis ke me soloit mostrer
Chele ki m'ert dame, compagne, amie ?
Et quant recort sa simple cortoisie
Et les dous mos ke suet a moi parler,
Cornent me puet li cuers el cors durer ?
Quant ne s'en part, chertés, moût est mauvais !
.. Je m'en vois, dame ; à Diu le Creator,
Cornant vo cors, en kel liu ke je soie.
Ne sal se ja verrai mais mon retor :
Aventure est ke jamais vos revoie.
Par Diu vos pri, kel part ke li cors traie,
Ke vos convens tenés, vegne ou demor,
Et je pri Diu k'ensi me doinst honor
Com je vos ai esté amis veraisî
Les poésies du châtelain de Coucy ont été publiées
récemment par M. Fath (Heidelberg, 4883).
Au nom du châtelain de Coucy se rattache une légende
célèbre sur laquelle nous devons d'autant plus insister
qu'on n'est arrivé que depuis peu à en démêler les élé-
ments. Le fond de cette légende peut être résumé en quel-
ques mots : un mari ayant découvert que sa femme le
trompe, fait manger à la coupable le cœur de son amant.
Cette tragique aventure est pour la première fois mise sur
le compte du châtelain de Coucy dans un roman en vers
d'un certain Jakemon Sakesep (l'exactitude de ce nom,
conservé dans un acrostiche, a été contestée) qui écrivait
en Vermandois vers le commencement du xiv*^ siècle ; mais
l'histoire en elle-même est beaucoup plus ancienne, et
paraît celtique d'origine : « L'amour coupable et la ven^
geance féroce qui en sont le sujet présentent bien les ca-
ractères habituels de cette poésie à la fois mélancolique,
amoureuse et barbare qui a trouvé sa plus belle expression
dans la merveilleuse histoire de Tristan. » (G. Paris.)
Du moins les deux plus anciennes versions de cette légende
qui nous soient connues étaient des lais de Bretagne (lai
de Gîiironet lai d'Ignaure), Le lai d'Ignaure représente
une forme passablement différente de la légende et nous
n'en parlerons pas. Quant au lai de Guiron, il ne nous est
pas parvenu, mais des œuvres postérieures nous en ont fait
connaître le contenu. Guiron ou l'amant « devait être un
poète, un harpeur, en même temps qu'un chasseur et un
guerrier ». Il est remarquable du moins que, dans les
rédactions postérieures, c'est presque toujours à un poète
que l'aventure est attribuée ; on la racontait en Provence
du troubadour Guilhem de Cabestaing (qui a peut-être sup-
planté lui-même un plus ancien Guilhem Guardastagno) ;
en Allemagne, elle était rapportée à un minnesinger
connu, Reinmann de Brennenberg.
C'est aussi un poète que Jakemon Sakesep voulut prendre
pour héros de son récit ; s'il a choisi le châtelain de
Coucy, c'est sans doute d'abord parce que celui-ci était
connu dans son pays, et ensuite parce qu'il possédait ses
chansons, dont il a inséré un certain nombre dans son
récit, qu'elles servent ainsi à illustrer, bien qu'elles n'aient
souvent avec lui qu'un rapport fort lointain. Une de ces
chansons lui apprenait que le châtelain avait pris part à
une expédition en Terre sainte (ou peut-être l'événement
était-il déjà rattaché à une croisade dans le récit qu'il sui-
vait) ; il suppose donc que le châtelain est obligé de quit-
ter son amante pour aller guerroyer en Palestine à la suite
de Richard Cœur de Lion ; le poète y est blessé et se
rembarque pour la France ; se sentant mourir , il charge
son écuyer d'embaumer son cœur et de le porter à sa dame
avec une lettre qu'il a eu encore la force d'écrire. Mais
le funèbre message est intercepté par le mari qui lit la
lettre, et s'empare du cœur qu'il fait manger à l'épouse cou-
pable. Celle-ci, dans le roman, s'appelle la dame de Faiel ;
il est probable que Jakemon aura pris ce nom au hasard,
parmi ceux des châteaux du Vermandois, contrée où il pla-
çait la scène de son récit ; Faiel (aujourd'hui Fayet) est
en effet un village situé à peu de distance de Saint-Quen-
tin. Ce roman eut un très grand succès dont on peut suivre
les traces jusqu'au xv^ siècle. L'auteur d'une chronique
rédigée à cette époque le résume et l'intercale dans sa com-
pilation. En 4640, T'auchet publia un fragment de cette
chronique qui devait, un siècle plus tard, donner lieu à
tout un développement littéraire. C'est dans Fauchet, en
effet, queM^i^ deLussan, en 4733, prit l'idée et les person-
nages d'un récit assez touchant qu'elle consacra à « Mon-
sieur de Fajel, Madame de Fajel et Raoul de Coucy »,
C'est à ce récit que le duc de La Vallière emprunta le thème
de sa célèbre romance qui, à son tour, inspira à de Belloy
la tragédie connue qui obtint un si retentissant succès.
Quant au nom de Gabrielle de Vergi que le titre de cette pièce
a popularisé, il ne se trouve pas dans les textes anciens ; il
est emprunté à M^i'^ de Lussan qui elle-même fit confusion
entre deux œuvres qui n'ont rien de commun, le roman du
Châtelain de Coucy, et celui de la Châtelaine de Vergi, et
gratifia arbitrairement son héroïne du prénom de Gabrielle,
qui ne se rencontre pas au moyen âge. Alfred Jeânroy.
BiBL. : G. Paris, Roman du Châtelain de Coucy, dans
Histoire littéraire de laFrancef t. XXVIII, pp. 352-390.
35 --.
COUCY - COUDÉ
CÔUCY (Robert I®^ de), maître d'œuvres français du
commencement du xiii® siècle. Probablement originaire de
Coucy, cet architecte succéda à Hugues Libergier dans la
direction des travaux de la cathédrale de Reims, à moins
qu'il n'en ait donné lui-même les plans primitifs; dans
tous les cas, à sa mort, survenue vers 1^60, il avait con-
duit la construction de toute la partie orientale de l'édi-
fice, chœur, chapelles rayonnantes et transepts jusqu'à la
hauteur des corniches. On attribue aussi à Robert de Coucy
père FégHse du couvent de Maubuisson élevée vers 1211.
Robert II Coucy, maître d'œuvres français, fils du
précédent, né à Reims et mort en cette ville en 1311. Ce
second Robert de Coucy, qui succéda à son père comme
maître d'œuvres de la cathédrale de Reims, remplaça, en
1263, Hugues Libergier, dans la direction des travaux de
l'église Saint-Nicaise et, depuis cette époque jusqu'en
1297, fit élever le chœur, les chapelles et une partie des
transepts de cet édifice détruit pendant la Révolution. La
pierre tombale (aujourd'hui disparue) de cet architecte fut
longtemps conservée dans le cloître de l'abbaye de Saint-
Denis, à Reims, et portait son efiigie avec ces mots : « Ci
gist Robert de Coucy, maistre de l'œuvre de Notre-Dame
et de Saint-Nicaise, qui trépassa l'an 1311. » Au laby-
rinthe, qui existait autrefois dans la nef de la cathédrale
de Reims, figuraient les eflîgies des architectes de cet édi-
fice depuis sa fondation jusqu'en 1382 et, parmi eux, dit
la tradition, les denx Robert de Coucy père et fils.
Charles Lucas.
COUCY (Mathieu de), chroniqueur français (V.Escouchy
[Mathieu d']).
COUDDES. Com. du dép. de Loir-et-Cher, arr. de
Blois, cant. de Saint-Aignan ; 638 hab.
COUDE. L Anatomie et Physiologie. — a. La région
du coude, considérée souvent par le vulgaire comme la partie
postérieure de l'articulation du même nom, embrasse, pour
l'anatomiste, la portion du- membre supérieur comprise
entre le bras et l'avant-bras et s'étend à 2 centim. au-
dessus et au-dessous du pli du coude. Aplatie d'avant en
arrière, elle peut être étudiée simplement sous deux faces,
l'une antérieure, l'autre postérieure : la première présente
trois saillies musculaires, en forme de fer de lance (Gerdy) ;
la deuxième, trois saillies osseuses, dues à des dispositions
anatomiques que nous décrirons en pénétrant dans la
région. La succession des plans se fait dans l'ordre sui-
vant : 1<* la peau, offrant dans la flexion de Favant-bras
sur le bras un pli (pli du coude), non en rapport avec
l'interligne articulaire, puisqu'il est situé de 2 à 4 centim.
au-dessus ; 3^ le tissu cellulaire sous-cutané, avec ses
veines si importantes disposées généralement en forme d'M
(basilique et céphalique médianes, radiale, cubitale), et
ses nerfs (terminaisons des brachiaux cutanés, interne et
externe) ; 3« un plan aponévrotique, résistant, se prolon-
geant en arrière, en forme de manchon, présentant cer-
tains trous de passage , pour des veines communicantes
et des nerfs, et renforcé en dedans par l'expansion aponé-
vrotique du biceps ; 4° une couche musculaire et vas-
culo-nerveuse à la fois, comprenant le biceps et le brachial
antérieur (partie médiane du fer de lance de Gerdy), et
les masses épicondylienne et épitrochléenne (parties laté-
rales). L'artère humérale longe le bord interne du biceps,
reposant sur le brachial antérieur et ayant directement en
avant la basilique médiane (rapport important), à son côté
interne le nerf médian. Cette couche renferme encore les
artères radiale et cubitale venues de l'humérale au-dessous
du pli du coude, et des branches des récurrentes cubitales
et radiales ; 5^ les articulations huméro-radio-cubitale et
cubito-radiale , avec les saillies formées en arrière par
l'olécràne au milieu, Tépicondyle en dehors, Tépitrochlée
en dedans et deux rainures intermédiaires, dont l'une, l'in-
terne, loge le nerf cubital ; 6° un second plan musculaire,
comprenant le triceps brachial ; 7° l'aponévrose, qui est la
continuation en arrière de celle du troisième plan ; 8^ le
tissu cellulaire sous-cutané ; 9° enfin la peau.
b. L'articulation humcro-radio-cubitale est un ginglyme
angulaire, susceptible de mouvements de flexion et d'exten-
sion. Jamais de mouvements latéraux, à cause de la résis-
tance et de la tension des ligaments latéraux. Il est à
remarquer que dans la flexion, par suite de l'inégalité de
longueur du condyle et de la trochlée, Favant-bras ne
s'applique pas sur le bras, mais se place en dedans. L'ar-
ticulation radio-cubitale permet les mouvements de pro-
nation et de supination de Favant-bras.
n. Pathologie. — L'entorse du coude est fort rare : elle est
caractérisée, comme toutes les entorses, par un gonflement
de la région, de la douleur, etc. Toutes les luxations peu-
vent être observées au coude : en avant, en arrière, en
dehors, en dedans. Elles viennent, en ordre de fréquence,
immédiatement après celles de l'épaule. Elles sont com-
plètes ou incomplètes. Le diagnostic du genre de luxation
est le plus souvent délicat à établir ; mais il n'en est pas
de même de la luxation en elle-même que l'on reconnaîtra
aisément au changement de forme de la région et à l'impos-
sibilité des mouvements volontaires. En dehors des procédés
mécaniques (traction, bascule, pression), dont nous ne sau-
rions décrire les détails, on donnera la préférence à la mé-
thode rationnelle, qui consiste à faire parcourir aux os le che-
min inverse de celui qu'ils ont pris pour se déplacer. Les
complications à craindre sont : l'irréductibilité, la rupture
des vaisseaux ou des nerfs, Fankylose, les fractures des
extrémités osseuses. La luxation isolée de l'extrémité supé-
rieure du radius entraîne souvent Firréductibihté. Les
fractures de l'extrémité inférieure de l'humérus compren-
nent celles du condyle externe seul, ou du condyle
interne, ou des deux condyles. L'épitrochlée peut aussi se
fracturer. Enfin Fépiphyse inférieure tout entière peut se
disjoindre. Les fractures de l'extrémité supérieure des os
de Favant-bras comprennent celles de Folécrâne, les plus
communes, de l'apophyse coronoïde et de la cupule radiale.
Enfin les fractures comminutives sont très graves par
suite de leur communication très fréquente avec Farticle.
Les plaies du coude varient évidemment de gravité, sui-
vant qu'elles communiquent ou non avec l'articulation, et
sont susceptibles du traitement ordinaire des plaies ana-
logues (immobilisation de la région, antisepsie, etc.). La
périarthrite, le phlegmon diffus, Fhygroma du coude
n'offrent rien de particulier. La tumeur blanche est rela-
tivement fréquente, mais les dispositions de la région
rendent ses caractères peu différents de ceux des autres
arthrites tuberculeuses. Les tumeurs du coude sont rares.
IIL Médecine opératoire. — Ici encore on peut répéter
ce que nous avons dit plus haut, c'est que les opérations
pratiquées au coude n'empruntent rien de spécial à la
région. La ligature de l'humérale, de la brachiale, de la
radiale, se pratique assez aisément. La section des nerfs
médian, radial ou cubital, est une opération plus rare. Il
n'en est pas de même de la saignée, pour laquelle on doit
choisir la céphalique, la basilique étant située immédia-
tement en avant de l'artère radiale. La désarticulation du
coude se fait suivant de nombreux procédés : à lambeau
unique antérieur (Brasdor, Sédillot, Dupuytren) ou latéral
externe (A. Guérin) ; à deux lambeaux latéraux ; les
méthodes ovalaire (Baudens), elliptique (Soupart), circu-
laire (Cornuau), sous-périostée, etc. La méthode circulaire
et la méthode à lambeaux latéraux sont à peu près uni-
quement employées. La r^6•<?^^^07^ du coude peut être totale
ou partielle et comprend des procédés non moins variés,
dus à Ollier, Langenbeck, Maunder, Hueter, etc. Celui de
Maunder est considéré par beaucoup de chirurgiens comme
le meilleur. Cadilhac.
COUDÉ (Louis-Marie), amiral français, né à Auray le
17 déc. 1752, mort à Ponlivy le 10 févr. 1822. A quatorze
ans, il débuta dans la flotte de la compagnie des Indes,
passa en 1778 dans la marine militaire avec le grade de
lieutenant de frégate sous les ordres de M. de Kersaint.
Il commanda d'abord le brick le Saumon^ puis, en 1795,
il commandait le Ça~Ira dans Foscadrc de Famiral Martin.
COUDÉ — COUDERC — 36
Au combat de Gênes, il résista à trois vaisseaux, dont
l'un était commandé par Nelson. Le lendemain, à l'at-
taque, après un combat acharné de sept heures, il suc-
comba contre un ennemi supérieur en nombre. En 1796,
il reçut le grade de chef de division. Au combat de Santo
Domingo, les Anglais le firent prisonnier (1806) et ne le
rendirent qu'en 1814. A cette époque, il reçut le grade de
contre-amiral et dut prendre sa retraite peu de temps après.
COUDÉE (MétroL). La coudée égyptienne était en bois
ou en pierre et taillée en pan coupé; son profil formait
l'hiéroglyphe qui se lit 'ma et exprime le mot vérité parce
que, dans la philosophie égyptienne, le vrai est tout ce qui
est conforme à la 7'ègle, tout ce qui n'est pas auti'ement
qu'il doit être : d'où l'identité du vrai et du bien. D'après
les spécimens conservés dans les musées de Turin, de
Florence, de Londres et de Paris, la coudée royale mesu-
rait de 0'^^523,D à 0"\^28,5, valeur moyenne adoptée
0™o25. Chaque coudée est divisée en sept palmes ou
vingt-huit doigts et chacune de ces vingt-huit divisions
consacrée à une divinité. La petite coudée n'avait que six
palmes ou vingt-quatre doigts ; c'est celle qu'on employait
pour la construction des monuments. — La longueur de l'os
inférieur du bras était employée comme mesure chez les
Grecs sous le nom de t^t^joç, chez les Romains sous le nom
àe cubitus. Elle valait un pied et demi ou 0^^^4436.
COUDEHÂRD- Com. du dép. de l'Orne, arr. d'Argentan,
cant. de Trun; 183 hab.
COUDEKERQUE. Com. du dép. du Nord, arr. et cant.
(E.) de Dunkerque; 658 hab.
COUDEKERQUE-BRANCHE.Com. du dép. du Nord, arr.
et cant. de Dunkerque, sur les canaux des Moëres, de
Furnes, de Bergues et de Bourbourg ; 2,904 hab. Ancienne
dépendance, depuis le xi*^ siècle , de l'abbaye de Saint-
Winnoc.
COUDER (Louis-Charles-Auguste), peintre français,
membre de l'Institut, né à Londres le 1*^^ avr. 1789,
mort à Paris le 21 juil. 1873. Elève de Regnault et de
David. Le premier tableau de Couder, peint en 1814, avait
pour titre : Amour ^ tu peixlis Troie, En 1817, il envoya
au Salon deux tableaux qui lui conquirent du premier coup
presque la renommée : la Mort de Masaccio et le Lévite
d'Ephraïm, dont le succès fut très grand, et partagea
le grand prix de 20,000 fr. avec le Saint Etienne
d'Abel de Pujol. Ce tableau fut acquis par l'Etat pour le
musée du Luxembourg. Auguste Couder se vit bientôt sur-
chargé de commandes. Il exécuta au musée du Louvre,
pour la coupole de la salle d'Apollon, les trois sujets sui-
vants : le Combat d'Hercule et dAntée, Achille et le
Simoïs et Vénus recevant des mains de Vulcain les
armes destinées à Enée. Au Salon de 1819, il exposa un
Soldat de Marathon, un de ses bons ouvrages qui a péri
dans le sac du Palais-Royal, en 1848, avec deux autres
de ses toiles; puis Roméo et Juliette (1821), la Mort
de saint Louis (1822), pour l'église Saint-Louis de
Lorient, etc.
Sa jeune femme mourut à cette époque. Couder en
conçut un profond désespoir et en éprouva un abattement
dont se ressentit son talent. S'étant remarié deux ans après,
il se remit au travail avec une nouvelle ardeur et envoya
au Salon de 1 827 six morceaux importants : la Mort de
Virgile, Apelle et Phryné, la Duchesse d' A7igoiilême
posant à la Chartreuse d'Aunay (20 sept. 1823) la
première pierre du monument des victimes de Quibe-
Ton ; Tanneguy du Châtel sauvant Charles VU (aujour-
d'hui au musée de Rennes), enfin Saint Ambroise refu-
sant Ventrée du Temple à l'empereur Théodose, excel-
lente peinture qui se trouve à l'égHse Saint-Gervais, à
Paris. 11 exposa aux Salons suivants : la Mort de Vert-
Vert^ Léonard de Vinci peignant la belle Ferron-
nière en présence de François P^ (1829); le Ser-
ment de Louis-Philippe à la Chambre des députés et
une Adoration des mages, qui est au musée d'Avignon
(1831) ; mais ces tableaux furent assez froidement accueillis
et Auguste Couder prit le parti d'aller à Munich pour y
étudier les procédés de la fresque. Il resta un an dans cette
ville. A son retour en France, il fut nommé chevalier de la
Légion d'honneur et professeur de dessin à l'Ecole poly-
technique. Sa première peinture à fresque fut une Lapida-
tion de saint Etienne pour l'église Notre-Dame-de-
Lorette. Il peignit également quelques tableaux de genre
qu'il exposa au Salon de 1833 et qui représentaient diverses
scènes tirées du roman de Victor Hugo, Notre-Dame de
Paris, ainsi que le portrait du Général Rampon au
siège de Saint-Jean-d'Acre, destiné au château de Ver-
sailles.
C'est à Versailles que se trouvent les œuvres les plus
considérables de Couder : la Bataille de Lawfeldt (1836),
le Siège d'York-Town par Washington, la Prise de
Lerida par le duc d'Orléans (1838) ; l'Ouverture des
Etats généraux à Versailles (1840). Ces travaux consa-
crèrent la réputation de l'artiste qui futélu àl'Académie des
beaux-arts. Il continua pour Versailles ses grandes compo-
sitions historiques : la Fédération du 14 juillet 1190
(1844), le Serment du Jeu de paume (1848). En même
temps qu'il était occupé à ces ouvrages, Couder peignait
pour l'église Saint-Germain-i'Auxerrois la fresque de la
chapelle du Tombeau, si mal éclairée qu'il est impossible
de la juger, et pour l'église de la Madeleine la Pécheresse
aux pieds du Christ, En outre, il était chargé par le
gouvernement de la restauration des [fresques du Rosso et
du Primatice au palais de Fontainebleau.
En 1856, Auguste Couder devint veuf une seconde fois,
et, de nouveau, un insurmontable découragement le saisit.
Il abandonna presque complètement ses pinceaux, et lors-
qu'en 1865, il se remaria avec une jeune fille, le goût de
son art donna à son esprit une direction nouvelle. Il se
mit à écrire sur l'esthétique des pages intéressantes. Plu-
sieurs de ses études, lues dans les séances de l'Académie
des beaux-arts ou insérées dans des revues, ont été
publiées en un volume intitulé Considérations sur le but
7noral des^ beaux-arts (1867). Couder avait une intelli-
gence cultivée ; c'était un causeur spirituel et séduisant.
Sa peinture, bien marquée au caractère de son temps, est
sans grande originalité, maigrelette, froide et sèche ; mais
elle a les quaUtés de l'école de David, de la précision et
même parfois une certaine saveur de coloris. Le premier
tableau de Couder avait été Amour, tu perdis Troie ; le
dernier, auquel il travaillait encore, quand la mort le saisit,
fut r Amour maître du monde; il avait quatre-vingt-
quatre ans ! Toute la vie intime de cet artiste semble par
là se refléter et se résumer. Victor Champier.
BiBL, : Ernest Breton, Notice sur la vie et les ouvrages
d'Aug. Couder; Meulan, 1876, in-18. — Notice sur M. Cou-
der, lue par M. Hébert à l'Académie des beaux-arts dans
la séance du 3 juin 1876.
COUDER (Jean-Remy-Alexandre), peintre français, né
à^Paris en 1808. Sorti de l'atelier de Gros, il s'adonna
d'abord à la peinture d'histoire et débuta, au Salon de
1836, par un Episode de la Saint-Barthélémy qui lui
valut une troisième médaille. Il composa ensuite Eudes,
comte de Paris, délivrant cette ville assiégée par les
Normands (S. de 1839). Mais il ne tarda pas à aban-
donner ces sortes de compositions et il se mit aux petits
tableaux de genre, aux scènes pittoresques et amusantes,
tels que le Premier Chagrin, Un Cabinet de curiosités.
Correspondance épistolaire. Intérieur de cuisine, etc.,
qui lui valurent quelques succès. Ses meilleures toiles sont
des natures mortes, des fleurs, des fruits, et dans ce genre
Alexandre Couder a parfois montré un réel talent. V. Ch.
COUDERC (Guillaume-Benoît), homme pohlique fran-
çais, né à Lyon le 7 juil. 1741, mort à Lyon le 12 mai
1809. Négociant, il fut élu député du tiers aux Etats gé-
néraux de 1789 et fit partie de la majorité de l'Assemblée
nationale constituante. — Son fils Jean, né à Lyon le 9 mai
1770, mort à Cannes le 6 avr. 1852, fut élu député de
Lyon le 28 janv. 1822 et fit partie de Popposition libé-
rale. 11 se représenta sans succès en 1823, mais fut élu,
— 37 —
COUDERC — COUDRECIEFIX
toujours par Lyon, le 25 févr.1^24, et les M avr. 1828,
23 juin 1830, 5 juil. 1831, après avoir échoué en 1827.
Il vota en 1830 Tadresse des 221 et rentra dans la vie
privée en 1834.
COUD ERG (Joseph-Antoine-Charles), chanteur scénique
français, né à Toulouse le 10 mars 'J810, mort à Paris le
16 avr. d875. Sorti du Conservatoire, il débuta à TOpéra-
Comique le 7 juil. 1834, dans le Petit Chaperon rouge.
Sa jolie voix, son physique distingué, et surtout ses rares
aptitudes scéniques, qui en firent plus tard un comédien
de premier ordre, le firent accueillir avec faveur. Il tint
les principaux rôles de ténor dans le Chalet^ le Domino
noir, les Diamants de la Couronne, Marguerite, la
Jeunesse de Charles-Quint, etc. Pourtant, malgré ses suc-
cès, Couderc quitta l'Opéra-Coniique en 1842, alla donner
des représentations en province, puis fut engagé au théâtre
de la Monnaie, de Bruxelles, et ensuite à Londres. De re-
tour à Paris en 1850, il rentra à FOpéra-Comique en
créant, d'une façon magistrale, le rôle de Shakspeare du
Songe d'une nuit d'été. Mais sa voix s'était affaiblie et
de ténor se transforma en un baryton qui manquait un peu
de timbre et de couleur. Il devint alors excellent comédien
et conserva toute la faveur du public dans les nombreuses
pièces où il se montra. Artiste essentiellement original et
personnel, Couderc fut aussi un excellent professeur.
Il fut nommé, vers 1865, professeur d'une des classes
d'opéra-comique au Conservatoire.
COUDES-MoNTPEYROux. Corn, du dép. du Puy-de-Dôme,
arr. et cant. d'Issoire ; 1,308 hab. La seigneurie de Coudes
appartint d'abord aux comtes d'Auvergne, puis à la maison
de La Tour, d'où elle passa, par héritage, à Catherine de
Médicis et suivit le sort des domaines de cette princesse.
Vestiges gallo-romains. Aux environs, donjon de Montpey-
roux (xHi*^ siècle). L. F.
COUDEVILLE. Com. du dép. de la Manche, arr. de
Coutances, cant. de Bréhal ; 754 hab.
COUDONS. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Limoux,
cant. de Quillan; 298 hab.
COUDRAY (Le). Com. du dép. de l'Eure, arr. des An-
delys, cant. d'Etrépagny, près de la forêt de Lyons; 208
hab. Filature de coton. Eglise avec crypte très ancienne.
COUDRAY (Le). Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. et
cant. (S.) de Chartres; 615 hab.
COUDRAY. Com. du dép. du Loiret, arr. de Pithiviers,
cant. de Malesherbes; 313 hab.
COUDRAY. Com, du dép. de la Mayenne, arr. de Châ-
teau-Gontier, cant. de Bierné ; 547 hab.
COUDRAY-au-Perche. Com. du dép. d'Eure-et-Loir,
arr. de Nogent-le-Rotrou, cant. d'Authon; 654 hab.
COUDRAY-Belle-Gueule (Le) ou La Neuville. Com.
du dép. de l'Oise, arr. de Beauvais, cant, de Noailles ;
172 hab.
COUDRAY-Macouard (Le). Com. du dép. de Maine-et-
Loire, arr. de Saumur, cant. de Montreuil-Bellay ; 731
hab . Vignobles produisant un vin blanc renommé. Église
romane qui s'élève sur une crypte plus ancienne ; elle a
conservé des tapisseries curieuses. Ancienne chapelle d'une
commanderie de l'hôpital de Saint-Jean de Jérusalem.
COUDRAY-MoNTCEAux ou sur-Seine (Le). Com. du dép.
de Seine-et-Oise, arr. et cant. de Corbeil ; 537 hab.
COUDRAY-Rabut. Com. du dép. du Calvados, arr. et
cant. de Pont-l'Evêque ; 230 hab.
COUDRAY-Saint-Germer (Le) (Coudray-en-Thelle) .
Ch.-l. de cant. du dép. de l'Oise, arr. de Beauvais ; 420
hab. Stat. du chem. de fer du Nord, Ce lieu était encore
inhabité au xii® siècle et faisait partie de la forêt de Thelle
et de la paroise d'Espeaubourg. Il fut alors donné à l'abbaye
de Saint-Germer, puis constitué en communauté vers 1212
et compris dans le comté de Chaumont-en-Vexin. Les reli-
gieux, menacés à chaque instant dans leur abbaye par les
guerres du xiv® siècle, bâtirent une forteresse au Coudray
pour s'y retirer, eux et leurs trésors ; mais ils y étaient à
peine installés qu'ils y furent attaqués et pris en 1400 par
les Bourguignons, qui leur firent payer une grosse rançon,
s'installèrent au château du Coudray et, après y avoir
séjourné six mois, l'évacuèrent en le détruisant ainsi que
l'éghse et le village lui-même. Le château fut imparfaite-
ment rétabli ; il en reste encore quelques vestiges. L'église
montre aussi quelques parties des xv« et xvi® siècles! On
y conserve une châsse émaillée du xni® siècle. Le hameau
du Tronquet avait une seigneurie particulière et un manoir
avec chapelle. C. St~A.
COUDRAY (François), sculpteur français, né à Villa-
cerf (Aube) vers 1678, mort à Dresde le 29 avr. 1727.
Il était élève de Coysevox, suivant H. Barbet de Jouy, et de
Girardon, suivant Dussieux ; il fut reçu membre de l'Aca-
démie royale de peinture et de sculpture le 30 avr. 1712 ;
peu après, il fut appelé à Dresde par Auguste II, roi de Po-
logne et électeur de Saxe, et devint professeur de l'acadé-
mie de Dresde ; il exécuta dans cette ville plusieurs
ouvrages, entre autres le groupe Zéphyr et Flore, gravé
par Lindermann. Le musée du Louvre possède de cet ar-
tiste un Saint Sébastien, statuette en marbre, lui ayant
servi de morceau de réception à l'Académie royale. — Son
fils, Pié?rr^ Coudray, né à Paris en 1713, mort à Dresde
en 1770, fut aussi sculpteur; il travailla à Rome, en
Angleterre, puis à Varsovie. Nommé professeur à l'aca-
démie de Dresde, il fit, pour le Grand Jardin, des statues
qui ont été gravées dans le recueil des Antiques du baron
Le Plat. M. D. S.
BiBL. : DussïEUX, les Artistes français à Vétranqer ;
3» éd., 1876, p. 226.
COUDRE (Machine à) (V. Machine a coudre).
COUDRE (La). Com. du dép. des Deux-Sèvres, arr. de
Bressuire, cant. d'Argenton-Château ; 318 hab.
COU DREAU (Henri), voyageur français, né à Sonnac
(Charente-Inférieure) le 6 mai 1859. Nommé professeur
d'histoire au lycée de Cayenne, il se sentit attiré vers les
études géographiques et ethnographiques. Il fit en 1881 un
premier voyage chez lesGalibi de Rocoucoi dans l'Iracoubo ;
en juillet et août 1882, il visita la région du Kourou.
L'année suivante, chargé d'une mission par le gouverneur,
M. Chessé, il explora la plus grande partie du territoire
contesté, le Counani, le Mapâ, l'Araguary et la route de
l'Araguary à l'Amazone; en juin 1884, il partit deManaos
pour traverser toute la Guyane centrale du rio Negro à
Cayenne; il reconnut le rio Branco, le rio Uaupes, etc.,
explora toute la contrée comprise entre 64 et 6i^ de
long, le long de la sierra de Lua. Il fit les deux tiers du
trajet qu'il s'était fixé et avait dépassé les sources du
rio Trombetas lorsque la désertion des Indiens qui l'ac-
compagnaient le força de revenir. Il était isolé depuis
quatre mois et avait marché trente jours à travers la forêt
vierge. Il rapporta de ce voyage deux cartes tout à fait
nouvelles : le pays compris entre l'Oyapock, le Yari,
l'Amazone et l'Atlantique ; et la Guyane méridionale entre
le rio Branco et le Pérou. Il s'était adonné spécialement
aussi à l'étude des mœurs indigènes et avait fait de nom-
breuses photographies. Ce voyage lui avait permis de faire
preuve de ses quahtés d'énergie et de persévérance et le
plaçait au rang des découvreurs de la Guyane centrale. En
1887-1888, M. Coudreau, accompagné du fidèle compagnon
du docteur Crevaux, le noir Apatou, a levé le cours du
Maroni et exploré le versant N. des monts Tumuc-Humac,
le pays compris entre les rivières Itany et Maroni, et les
sources du Maroni. Le 12 août 1888, il entreprit un nou-
veau voyage ; par l'Oyapock et le Camope, il a atteint les
Tumuc-Humac, rectifié le cours de l'Oyapock tracé par
Crevaux, et dressé une carte du pays entre les sources
de l'Oyapock et du Maroni, A la fin de 1889, il a entrepris
un nouveau voyage. Il a publié: Etudes sur les Guyanes
et r Amazonie (Paris, 1886-87, 2 vol. in-8) et plusieurs
mémoires. L. Del.
COUDRECEAU. Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. de
Nogent-le-Rotrou, cant. de Thiron-Gardais ; 655 hab.
COUDRECIEUX. Com. du dép. de la Sarthe, arr. de
COUDRECIEUX -- COUFA
-38
Saint-Calais, cant. de Bouloire, au S.-O, de la forêt de
Vibraye; 1,450 hab. Stat. de la ligne départem. de Saint-
Calais à Mamers. Il existe à Coudrecieux une verrerie impor-
tante établie dans l'ancien château de la Pierre.
COU DR ES. Corn, du dép. de l'Eure, arr. d'Evreux, cant.
de Saint- André; 457 hab.
COUDRES (Ludwig des), peintre allemand contempo-
rain, né à Cassel en 1820. Elève des académies de Mu-
nich et do Dusseldorf, cet artiste traite spécialement le
genre historique; ses chefs-d'œuvre, une Françoise de
Rimini, exposée à Dusseldorf en 1850, et une Sainte
Madeleine^ sont remarquables par une touche puissante
et un dessin plein de vigueur. Ad. T.
COUDRETTE (l'abbé Christophe), écrivain janséniste,
né à Paris en 1704, mort le 4 août 4774. Fils d'un gar-
gotier de la rue des Postes, il fit ses études au collège
Louis-le-Grand et au collège du Plessis et s'affilia aux
jansénistes. Prêtre en 4 725, il fut interdit par l'archevêque
de Paris, Vintimille, en 1732, et enfermé à Vincennes en
1735. Mis en liberté, il fut de nouveau accusé par Vinti-
mille de menées jansénistes : « C'est lui qui a été de porte
en porte faire signer aux curés la requête qu'ils ont pré-
sentée au Parlement contre la bulle de canonisation du
bienheureux Vincent de Paul. » Après une perquisition et
une saisie de ses papiers, il fut emprisonné à la Bastille le
25 mars 4738. Mis en liberté provisoire à la mort de sa
mère (avr. 1739) et en liberté définitive le 6 août de la
même année, il fut exilé dans le diocèse de Lisieux. Il y
continua sa propagande et causa des mouvements dans les
congrégations des bénédictins du Bec et de Fécamp. Il
s'attira une nouvelle affaire en 1747; des ordres furent
donnés pour le mettre à la Bastille, mais il put échapper
à toutes les recherches. Coudrette fut très lié avec le
diacre Paris et avec l'abbé Boursier dont il fut légataire.
Il a écrit : Dissertation sur les Bulles contre Baïus
(Utrecht, 1737, 4 vol. in-12) ; Dissertation théologique
sur les loteries (1742, in-12) ; Histoire générale de la
naissance et des progrès de la compagnie de Jésus
(Paris, 1760, et Rouen, 1761, 4 vol. in-12); Idée géné-
rale des vices principaux de VInstitut des Jésuites
tirée de leurs constitutions (1761, in-12); Mémoire
sur le formulaire (1756, 2 vol. in-12); Mémoires pour
servir à V histoire générale des Jésuites (Paris, 1761,
2 vol. in-12), etc. R.S.
COUDRIER (V. Noisetier).
COUD ROY. Coin, du dép. du Loiret, arr. de Montargis,
cant. de Lorris ; 393 hab,
COU DU N (Condunum). Com. du dép. de l'Oise, arr.
de Compiègne, cant. de Ressons-sur-Matz, sur l'Aronde ;
625 hab. Stat. du cliem, de fer du Nord. La seigneurie
de Coudun appartenait, dès le xii® siècle, à une famille qui
en portait le nom ; elle vint, à la fin du xiii®, dans celle
des Saint-Simon, puis à la famille de Raineval et à celle
de Sorel ou Soreau, d'où sortit la fameuse maîtresse de
Charles VII ; enfin cette seigneurie fut comprise dans le
duché d'Humières. La forteresse de Coudun joua un rôle
assez considérable au xv^ siècle. Le village possédait autre-
fois deux églises ; la seule conservée est romane, sauf
quelques parties modernes. V*® de Caix de Saint- Aymour.
COU DURES. Com. du dép, des Landes, arr. et cant.
de Saint-Sever; 871 hab.
COU ËDIC DE Kergouâler (Charles-Louis, chevalier du),
célèbre marin français, né au manoir de Kerguélénen,
près de Pouldrégat (Finistère), le 17 juil. 1740, mort à
Brest le 7 janv. 1780. Entré au service à seize ans, il se
signala dans plusieurs combats et montra une énergie à
toute épreuve dans des naufrages et des épidémies. Il ob-
tint, en qualité de lieutenant de vaisseau, le commande-
ment de la frégate la Surveillante^ de 36 canons, et s'im-
mortalisa par le combat qu'il soutint le 6 oct. 1779 contre
la frégate anglaise Québec commandée par le vaillant
G, Farmer; celle-ci, incendiée, sauta. DuCouedic, récom-
pensé par le grade de capitaine de vaisseau, succomba à ses
blessures. C. Del.
BiBL, : De Fréminville, Antiquités du Finistère. •—
Barchou de Penhoën, Revue des Deux Mondes^ mai
1834. — Vatïier d'Ambroyse, Littoral de la, France, t. II
(portrait).
COUEILLES. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr.
de Saint-Gaudens, cant. de l'Isle-en-Dodon ; 411 hab.
COUENNE (V. Charcuterie, t. X, p. 609).
COUERBE, chimiste français, né à Vertheuil, près de
Pauillac, en 1807, mort à Vertheuil le 9 oct. 1867, A l'âge
de vingt-deux ans, il était à Paris préparateur du cours
de toxicologie de Lesueur, et publiait son premier mémoire
intitulé Réflexions sur le principe volatil du sang
humain. Il entra ensuite dans le laboratoire de Pelletier,
l'illustre auteur de la découverte de la quinine. Là, tra-
vaillant sur l'opium avec son maître, il prépara à l'état
de pureté la méconine^ principe immédiat de l'opium,
entrevu en 1826 par Dublanc jeune. Il découvre ensuite
la sabadilline dans les semences de cévadille, et publie le
résultat de ses recherches sur l'analyse de plusieurs prin-
cipes organiques. Doué d'un tempérament vif et d'une na-
ture nerveuse, il s'engage dans des controverses qui lui
attirent l'inimitié de ses contemporains : il critique les opi-
nions erronées de Baruel et de Robiquet, sur l'odeur du
sang traité par l'acide sulfurique; il se sépare de Pelletier
au sujet de la paramorphine, dont il attribue entièrement la
découverte à Thiboumery, préparateur de Pelletier, et
auquel il impose le nom de thébaïne ; il contredit Orfila
sur la prétendue présence normale de l'arsenic dans les
os; enfin, il engage une vive polémique avec Fremy sur la
constitution chimique du cerveau. Couërbe a cruellement
payé le prix de son inexpérience des choses de la vie.
C'était cependant un vrai savant, auquel on ne pou-
vait guère reprocher que des vivacités de langage, moins
préjudiciables aux autres qu'à leur auteur. Avant de dis-
paraître du milieu scientifique où il avait si brillamment
débuté, il publia encore une monographie du sulfure de
carbone, puis se retira, déjà malade, dans sa propriété de
la Gravière, près du village de Lugagnac. Là, il s'occupa
avec succès de la physiologie de la vigne, de l'oïdium, de
la composition des ossements humains, etc. Voici la Mste
de ses principaux mémoires pubhés dans le Journal de
pharmacie et de chimie : Nouveau Principe retiré de
Valbumine (t. XV, p. 497) ; \Pnncipe volatil du sang
(p. 592); Histoire de la méconine (t. XVIII, pp. 154,
h^^) ; Rech, chimiques sur les matières organiques
(t. XIX, p. 513) ; Staphysain (p. o22) ; Vératrin (p. 529) ;
Sabadilline (p. 534); Essences (p. 542); Du Cerveau
considéré chimiquement et physiologiquement (t. XX,
p. 480) j Dérivés nitrés (t. XXII, p. 83). Ed. Bourgoin.
COUÉRON. Com. du dép. de la Loire-Inférieure, arr.
de Saint-Nazaire, cant. de Saint-Etienne de Montluc, sur
la rive droite de la Loire; 4,942 hab. Stat. du ch. de
fer d'Orléans, Kgne de Nantes à Saint-Nazaire. Verrerie à
bouteilles; fonderie. Le port, quoique d'un difficile accès à
cause des sables, est utilisé pour le radoub des navires.
L'ancien château des ducs de Bretagne où mourut des
suites d'une chute de cheval le duc François II, après la
bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, n'existe plus ; sur
son emplacement a été élevé un calvaire. Château de Beau-
lieu. Dans l'église, stalles sculptées de la Renaissance pro-
venant de l'abbaye de Buzay.
COUESMES. Com. du dép. d'Indre-et-Loire, arr. de
Tours, cant. de Château-la-Vallière ; 612 hab.
COUESMES. Com. du dép. de la Mayenne, arr. de
Mayenne, cant. d'Ambrières; 1,204 hab.
COUESNON (Le). Fleuve côtier de France qui a long-
temps formé la limite de la Normandie et de la Bretagne
(V. Ille-et -Vilaine et Mayenne [Dép.]).
COUETTE ï. Architecture (V. Crapâudine),
IL Marine (V. Ber).
COUFA (V. Koufa).
-- 39 -
COUFFE — COUIN
COUFFE. Engin de pêche maritime, consistant en un
panier rond et sans anse, suspendu à une longue corde
terminée par une bouée. Tout autour de ce panier sont
attachés des hameçons amorcés au moment oti Ton veut
pécher. La couffe, remplie de pierres ou de sable, est
descendue au fond de Feau où on la laisse séjourner un
certain temps ; la bouée sert ensuite à la relever. Cet
ustensile est employé par les pêcheurs du midi de la
France.
COUFFE. Com. du dép. de la Loire-Inférieure, arr.
d'Ancenis, cant. de Ligné, sur le Havre ; 2,077 hab. Le
petit port formé par la rivière sert à l'embarquement des
charbons de Mouzeil et des bois du pays.
COUFFIN. Sorte de balle fort employée sur le littoral
méditerranéen ; c'est un panier en jonc tressé, en sparterie
ou en feuilles de palmier et qui sert à emballer les fruits
secs. — Les Grecs donnaient le nom de couffin (cophinus)
à une corbeille d'osier dont ils se servaient, dit Aristo-
phane, en guise de cage d'oiseaux. — Columelle rapporte
que les Romains employaient le cophinus dans leurs
travaux agricoles. Remphe de terre, cette corbeille for-
mait une sorte de couche portative.
COUFFOULENS. Com. du dép. de l'Aude, arr. et cant.
de Carcassonne ; 504 hab.
COUFFOULEUX. Com. du dép. du Tarn, arr. de Gail-
lac, cant. de Rabastens; 4,257 hab.
COUFFY. Com. du dép. de la Corrèze, arr. d'Ussel,
cant. d'Eygurande; 494 hab.
COUFFY. Com. du dép. du Loir-et-Cher, arr. deBlois,
cant. de Saint-Aignan ; 824 hab.
COUFIQUE (Ecrit, et numism.) (V. Koufique).
COUFLENS. Com. du dép. de FAriège, arr. de Saint-
Girons, cant. d'Oust, au confluent du Salât et du ruisseau
d'Augoust; 900 hab. Autrefois importante, cette localité
est aujourd'hui à peu près ruinée ; l'hiver, elle est aban-
donnée des habitants qui vont louer leurs services à Mar-
seille, à Bordeaux , ou parcourent le midi de la France
comme colporteurs. Le territoire de la commune touche à
l'Espagne, et renferme un bureau de douane assez impor-
tant à Salau, auprès des sources du Salât, à Feutrée d'un
col fréquenté chaque année par plus de 30,000 voyageurs.
Ce serait par Salau et la vallée qu'il commande que devrait
passer, suivant certains ingénieurs, la voie ferrée entre
la France et l'Espagne. Nombreuses carrières de marbre.
— Couflens faisait partie jadis du Couserans et du diocèse
de Saint-Lizier. A Salau, église du xi° siècle, dépendance
d'un couvent de femmes fondé, dit-on, par une princesse
espagnole. Les chevaliers de Malte y ont aussi possédé une
petite maison et une église dédiée à Notre-Dame.
C0U6NY (Edme), helléniste et érudit français, né à
Nevers le 42 oct. 4848, mort à Paris le 3 juil. 4889.
Elève des collèges royaux de Nevers et de Bourges, il
débuta dans l'enseignement par des postes modestes et
conquit les grades universitaires par un labeur opiniâtre.
Agrégé des lettres, il fut reçu docteur en 4857, avec les
thèses : De Prodico Ceio, Socratis magistro et ante-
cessore et Guillaume du Vair, étude d'histoire littéraire
avec des documents nouveaux. Professeur de rhétorique
dans les lycées de Nevers, Coutances, Bourges, Dijon, Ver-
sailles, puis à Henri IV et à Saint-Louis, il fut nommé en 4878
inspecteur de l'académie de Paris. Chargé d'une mission
particulièrement difficile à cette date, celle de surveiller
l'application de l'article 7 auprès des institutions congré-
ganistes, il apporta à sa tâche une fermeté vigilante, unie à
un tact exquis. Il avait réuni d'abondants matériaux pour
une histoire des idées politiques en France à la fin du xvi®
siècle, et en publia un certain nombre de fragments fort
intéressants : Un Procès en matière de droits régaliens
(4864) ; De la Philosophie chez les jurisconsultes du
XVI® siècle (4865) ; le Parti républicain sous Henri III
(4867) ; De la Comédie politique dans les collèges
(\S6S) ; Pibrac (4869); les Audiences d'apparat au
parlement de Paris (4869) ; le Capitaine Fr. de la
Noue (4872) ; Fr. Hotoman (4874) ; Béroalde de Ver-
ville (4880), On lui doit encore, en fait d'études littéraires
et Instonqms : la Jeunesse de Virgile {iS6^ ; Jeanine
d'Arc, épopée latine du xyi^ siècle (iSlï) ; Montesquieu
et Madame de Lambert (4877) ; le Roman de Irubert,
fabliau du xiii^ siècle (4883) ; Celtes et Germains
depuis la conquête de César (4887). — Helléniste des
plus distingués, auteur de plusieurs éditions de classiques,
il fut chargé par la Société de l'Histoire de France de la
publication, avec traductions et commentaires, des Extraits
des auteurs grecs concernant la géographie et l'his-^
toire des Gaules, Les cinq premiers volumes de ce grand
ouvrage, destiné à compléter l'œuvre de Dom Bouquet,
ont paru du vivant de l'auteur (4878-4886) ; le sixième et
dernier, laissé en manuscrit, sera publié en 4894 par les
soins de M. Lebègue, sous les auspices de M. Croiset.
M. Cougny édita encore : Premiers Exercices oratoires
(4883), d'après un manuscrit grec inédit, découvert dans
la bibliothèque de Bourges, et il acheva V Anthologie
grecque de Dûbner, dans la grande collection Firmin-*
Didot, par la publication, d'après les documents épigraphi-
ques, d'un troisième volume, qui ne vit le jour qu'après sa
mort (4890). G. Pawlowski.
COUGOURDE(V. Lâgenâria).
C0U60URDETTE (V. Cucurbita).
COUGUAR (V. Chat, t. X, p. 874).
COUHÉ-Vérac. Ch.-l. de cant. du dép. de la Vienne,
arr. de Civray, sur la Dive du Midi; 4,864 hab. Stat. (à
6 kil. du bourg) du ch. de fer d'Orléans, ligne de Paris à
Bordeaux. Fabrique d'étoffes; chapellerie. Commerce im-
portant de porcs, de moutons de la race dite de Valence,
de poulains et de mulets. De vastes halles ont été cons-
truites pour abriter les marchés. Sur la rive droite de la
Dive, ruines de l'abbaye cistercienne de Valence dont il
subsiste notamment une salle voûtée du xii® siècle. La
seigneurie de Couhé fut érigée en marquisat en faveur
d'Olivier de Saint-Georges, seigneur de Nérac, par lettres
patentes de févr. 4652.
COUI ou COUIS (V. Crescentia).
COUI-COUI (V. Cobaye).
COU ILLARD (Archéol.). Sorte de catapulte, où le pro-
jectile était chassé par la brusque détente d'un bras de
levier fortement bandé. Cette machine, usitée au moyen
âge, était analogue à Vo7iagre de l'antiquité.
CO U 1 L LA R D (Antoine) , poète français, né près de Lorris
(Gâtinais), mort vers 4575. Il appartenait à Fordre des
jésuites. Parmi ses nombreux ouvrages, devenus extrême-
ment rares, nous citerons : Poésies (Rouen, 4556, in-8) ;
les Contredits aux fausses et abusives prophéties de
Nostradamus (Paris, 4560, pet. in-8); les Antiquités
et singularités du monde (Lyon, 4578, in-46) ; Epître
présentée au très invincible roi de Pologne (Paris,
4573). La Croix du Maine et du Verdier lui attribuent :
les Fleurs odoriférantes cueillies es délectables jardins
de vertus (Paris, 4569, in-8); Quatre Livres' sur les
procédures civiles et criminelles selon le commun style
de France et ordonnances royaux pour l'instruction
des greffiers (Paris, 4560, in-46). Ce dernier est peut-
être l'œuvre d'un de ses parents, maître des requêtes, à
la même époque.
COUILLET. Bourg de Belgique, prov. de Hainaut, arr.
de Charleroi, sur la Sambre; 8,000 hab. Centre très
important d'industries métallurgiques. Hauts fourneaux,
laminoirs, ateliers de construction de matériel de chemin
de fer.
COUILLY. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr. de
Meaux, cant. de Crécy ; 543 hab.
COUIN ou COVIN (Art milit.). Char de guerre armé de
faux, monté par des combattants appelés covinaires. Les
peuples des Gaules et de la Grande-Bretagne faisaient usage
de ces chars.
COUIN — COULANGES
— 40 —
COUIN. Coni. du dép. du Pas-de-Calais, arr. d'Arras,
cant, de Pas; 257 hab.
COUIZA. Ch~l. de cant. du dép. de l'Aude, arr. de
Limoux, au contluent de la Sais et de l'Aude ; 886 hab.
Stat. de la ligne de Carcassonne à Quillan, Le lieu de
Couiza est fort ancien, si c'est lui qui figure sous le nom
de Colusiamm dans un acte de 834. En 4231, il fait
partie de la seigneurie constituée en faveur du seigneur
de Limoux, Pierre de Voisins. Au xvi^ siècle, la terre
de Couiza et celle d'Arqués, toute voisine, sont aux mains
du célèbre Guillaume, comte de Joyeuse, qui est chassé
avec sa femme et sa famille par les religionnaires d'Alet
(4577). Cet ardent ligueur y mourut en 4592. La baronnie
d'Arqués et de Couiza resta l'une des principales du dio-
cèse d'Alet, jusqu'à l'année 4732, date de la mort du der-
nier seigneur. On voit encore à Couiza le château habité
par Guillaume de Joyeuse, avec quatre tours. — Filatures
de laine, fours à plâtre. — Pont du xvi^^ siècle, faisant
communiquer Couiza et Montazels.
COULADtRE. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr.
de Muret, cant. de Cazères ; 328 hab.
COULAGE. I. Economie domestique (V. Blanchissage).
IL Céramique. — On appelle coulage l'opération qui
consiste à introduire, dans un moule creux en plâtre, une
pâte céramique très liquide, appelée barbotine, qui dépose,
par absorption, sur les parois du moule, une mince couche
de terre d'épaisseur uniforme. Une fois sèche, elle donnera
une pièce aussi mince que possible et capable cependant de
se soutenir. La solution pour le coulage se compose de
pâte neuve et de rognures de terre déjà travaillée, par par-
ties égales : on les mélange, on les dissout dans l'eau en les
agitant, on les laisse reposer : on agite de nouveau, on
passe au tamis de laiton pour enlever les parties grenues,
on agite encore jusqu'à parfaite homogénéité. On remplit
ensuite de cette solution le moule percé dans le fond d'un
trou fermé par bouchon ; au bout de quelques instants,
le niveau a baissé par suite de l'absorption de l'eau par le
plâtre du moule ; on remplit de nouveau le moule jusqu'à
ce qu'on ait obtenu sur les parois l'épaisseur voulue; on
débouche le trou du fond, la barbotine s'écoule et il ne
reste plus que la terre qui s'eat déposée aux parois. On
laisse sécher quelque temps et quand on juge la pièce
capable de se soutenir
elle-même, on démoule.
(Pour le coulage des piè-
ces céramiques de grande
dimension, Y. Céramique
industrielle.) C'est de
cette façon que se font les
tubes, les cornues, les
plaques réfractaires pour
émailleurs, enfin toutes
les pièces tellement min-
ces qu'il serait impossible
de les tourner. La porce-
laine coquille d' œuf est
faite par ce procédé, de
même que les œufs by-
zantins de l'Asie Mineure.
— On appelle aussi cou-
lage des vernis céramiques les défauts d'unité de la couverte
qui résultent de l'irrégularité de la chauffe ou de la mau-
vaise préparation de l'émail qui, pendant la cuisson, se fon-
dant inégalement, disparaît de certains endroits de la pièce,
laissant ainsi la terre à nu, ou forme des épaisseurs ré-
sultant de l'inégalité de la fusibilité. Les Chinois ont su
mettre à profit l'étude qu'ils ont faite du coulage des ver-
nis et des émaux, dans leurs flambés ; ils provoquent
scientifiquement des accidents dans leurs fours et produi-
sent ainsi des pièces de l'effet le plus étonnant. Les céra-
mistes européens depuis quelques années ont étudié aussi
le coulage artificiel et peuvent, dans plusieurs cas, rivaliser
avec les ouvriers chinois. C'est par le coulage artificiel que
Œuf de faïence siliceuse de
l'Asie Mineure.
se produit, dans les flambés, le jaspé^ qui n'est qu'un
soufflé manqué ; les flambés imitant le marbre, sont aussi
le résultat de coulages prémédités. F. de Mély.
C0ULA6NE (La) (V. Colagne).
COU LAI NES. Com, du dép. de la Sarthe, arr. et pre-
mier cant. du Mans; 661 hab. EgHse curieuse du xi® siècle,
avec de belles statues des xm^ et xiv^ siècles.
C0ULAN6ER0N. Com. du dép. de l'Yonne, arr.
d'Auxerre, cant. de Coulanges-la- Vineuse ; 406 hab.
COULANGES. Com. du dép. de l'Allier, arr. de Mou-
hns, cant. de Dampierre; 788 hab.
COULANGES. Com. du dép. de Loir-et-Cher, arr. de
Blois, cant. d'Herbault; 328 hab.
CO U LAN G ES-LA-YiNEusE {Coleingiœfioloniœ vinosœ).
Ch.-l. de cant. du dép. de l'Yonne, arr. d'Auxerre ;
1,296 hab. Avant 1789, du diocèse d'Auxerre, de la prov.
de Bourgogne et du bailliage d'Auxerre. La seigneurie
appartenait, au xiii^ siècle, au comte de Joigny. En 1215,
Guillaume, comte de Joigny, la céda à son fils Guillaume
qu'il émancipait. Par acte du 21 déc. 1221, Pierre de
Joigny reconnut que son château de Coulanges était jurable
et rendable au comte d'Auxerre. En 1279, le comte de
Joigny accorda aux habitants de Coulanges une charte
d'affranchissement. La taille devait être répartie par quatre
ou six bourgeois, assistés d'un des officiers du seigneur.
Ces privilèges furent confirmés par Jean de Sainte-Croix en
1365 et par le roi en 1373. L'an 1379, Philippe de Sainte-
Croix, seigneur de Coulanges, y fonda un hôpital. Assiégée
par l'armée du duc de Bourgogne en 1434, la ville de
Coulanges se rendit au gouverneur d'Auxerre le 23 juin
J435. Pillée par les huguenots en 1564, elle tomba plus
tard entre les mains des ligueurs qui la perdirent le 10 avr.
1590, mais la reprirent dès le 2 juin suivant. Les roya-
listes s'en emparèrent en 1593 ; quelques seigneuj's ten-
tèrent encore de s'y fortifier ; ils durent faire leur soumis-
sion au maréchal de Biron en 1594. Quelques années
après, Jeanne de Chastellux rendit foi et hommage à
Henri IV pour la terre de Coulanges. En 1676, cette ville
fut presque entièrement détruite par l'incendie, ce qui
montra la nécessité de lui donner l'eau qui lui manquait ;
Couplet, de l'Académie des sciences, découvrit trois fon-
taines qui furent aménagées en 1705. L'église, sous le
vocable de saint Christophe, fut reconstruite de 1737 à
1742 sur les plans de Servandoni. A droite de l'église,
clocher de la fin du xiii^ siècle, avec flèche octogonale en
pierre. M. Prou.
COULANGES-lès-Nevers. Com. du dép. de la Nièvre,
arr. et cant. de Nevers; 988 hab. Eglise de Saint-Théo-
dore, édifice roman défiguré ; à l'intérieur, découverte
d'une mosaïque carohngienne, en 1859. M. P.
COULANGES-suR-YoNNE (Coloniœ, Colengiœ super
Ycaimam). Ch.-l. de cant. du dép. de l'Yonne, arr.
d'Auxerre, sur l'Yonne; 913 hab. Stat. du chem. de fer
de Laroche à Clamecy. Avant 1789, de la prov. de Bour-
gogne, siège d'une prévôté ressortissant au bailliage
d'Auxerre. En 864, l'abbaye de Saint-Germain d'Auxerre
y possédait des biens. Au commencement du xiu^ siècle,
Pierre de Courson, vicomte d'Auxerre, acheta des moines
de la Charité tout ce qu'ils avaient à Coulanges. L'évêque
d'Auxerre, Hugues de Noyers, voulut reprendre l'acquisi-
tion pour son compte, prétendant qu'il devait avoir la pré-
férence dans l'achat des biens ecclésiastiques ; le vicomte
ne consentit à lui céder que les dîmes, les oblations et une
maison. En juil. 1210, Pierre, comte d'Auxerre, reconnut
tenir de l'évêque d'Auxerre la terre de Coulanges. En
1311, Louis, comte de Nevers, ayant refusé l'hommage à
l'évêque, celui-ci fit saisir cette terre. Au xvii^ siècle, la
seigneurie de Coulanges appartenait à la famille Le Bour-
going. L'église, sous le vocable de Notre-Dame, est une
construction du xvii^ siècle ; le pont, sur l'Yonne, est de
la même époque. , M. Prou.
COULANGES ou COLANGES (Philippe-Emmanuel de),
né à Paris le 24 août 1633, mort à Paris le 31 janv.
i716. Fils de Philippe, trésorier de France à Paris, et
d'une demoiselle d'Ormesson. Plus connu encore comme
cousin de M"^^ de Sévigné que comme auteur de chansons.
Nommé conseiller au parlement de Metz en 1657, il accom-
pagna à Francfort, la même année, le maréchal de Gra-
mont, ainsi que ses amis Nointel et Gargan; il profita de
cette occasion pour visiter l'Allemagne méridionale; de
Francfort, il se rendit à Munich ; continuant ensuite son
voyage, il parcourut l'Italie, s' arrêtant à Venise, à Lorette,
à Rome, à Florence, à Turin, reçu partout avec magnifi-
cence et voyageant en grand seigneur. Il fut nommé
maître des requêtes en 1672; mais sa vie fut entièrement
consacrée aux plaisirs mondains. Il ne vivait pas en très
bonne intelligence avec sa femme (née Dugué-Bagnols)
(1641-1723), cousine germaine du ministre Louvois, fa-
vorite de M.^^ de Maintenon, et l'une des femmes les plus
séduisantes de la cour de Louis XIV, par sa grâce, son
esprit et son désintéressement. Son mari était lié surtout
avec M"^^^ de Louvois, de La Trousse (sa tante), de Sévi-
gné; il affectait d'être amoureux de M°^^ de Grignan. Ses
chansons avaient un grand succès dans cette petite société
lettrée, un peu sceptique, oii il plaisait beaucoup. En 1689
et en 1691, il accompagna à Rome le duc de Chaulnes.
Ses chansons ont été publiées à Paris (1692, puis 1698,
2 vol. in-12). % de Monmerqué a édité en 1820 ses Mé-
moires , contenant la relation de son voyage d'Allemagne
et d'Italie (1657-58), du voyage à Rome (1689) et plusieurs
lettres. Cinquante charmantes lettres de M™^ de Coulanges
ont été publiées dans le Supplément aux lettres de
iW*^^ de Sévigné (Paris, 1751), réimprimées avec celles
de Ninon de Lenclos en 1823, et reproduites dans l'édition
des Grands Ecrivains.
BiBL. : Walckenaer, Mémoires sur Madame de Sévi-
gné. — Jal, Dict, hisL et crit.
C0ULAN8. Com. du dép. du Doubs, arr. de Besançon,
cant. d'Amancey; 56 hab.
COULANS. Com. du dép. de la Sarthe, arr. du Mans,
cant. de Loué; 1,519 hab. Papeterie. Château.
COULANT. I. Technologie. — Anneau de fer qui main-
tient rapprochées les branches d'une tenaille de torge, de
façon que le morceau de fer à travailler reste saisi par les
mordaches de la tenaille.
II. Botanique. — Le coulant ou stolon est une tige fili-
forme, rampante, à longs entre-nœuds, dont chacun peut
donner naissance à un nouvel individu. Ex. : Fraisier,
Potentilla reptans^ Ranunculus repens (V. Tige).
III. Marine. — Nœud coulant (V. Nœud).
COULAURES. Com. du dép. delà Dordogne, arr. de
Périgueux, cant. de Savignac-les-Eglises, sur la JLoue ;
1,337 hab. Au confluent de la Loue et de l'Isle, à un demi-
kil. en aval du bourg, site pittoresque formé d'une série
de mamelons hérissés de rochers et entourés de fossés
sinueux. — Châteaux de Conti (xv® siècle), de la Reille,
de Lacousse, de Chardeuil, de Glane.
COULÉ (Peinture-gravure). On appelle coulé, en pein-
ture, l'ensemble des premières teintes d'une ébauche que
l'artiste doit renforcer de nouvelles teintes plus empâtées.
Les graveurs emploient le mot coulé adjectivement et appel-
lent taille coulée celle qui suit facilement la direction d'un
contour.
COU LE DOUX. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr.
de Saint-Gaudens, cant. d'Aspet ; 592 hab.
COULÉE. I. Métallurgie. — Ouverture pratiquée au
niveau du fond du creuset pour l'écoulement du métal
fondu. On donne encore ce nom à l'ensemble des opéra-
tions par lesquelles le métal est conduit dans les moules
(V. Fonderie et Haut Fourneau). L. K.
II. Géologie. — Coulée de laves (V. Volcan).
III. Ecriture (V. Ecriture).
COU L ET (Anne-Philiberte), femme graveur, née à Paris
en 1736, morte au commencement du xix® siècle. Elève
d'Aliamet et de Lempereur, elle a gravé des paysages, des
l — COULANGES — COULEUR
marines et quelques scènes de genre d'après Berghem, Van
Goyen, Loutherbourg et Vernet.
COUL ETAGE. Droit d'un denier ou obole sur toutes
marchandises vendues ou achetées. Il en est question dans
la coutume de Lille, art. 66. Ragueau dit à son sujet qu'il
semble être « le droit de tonlieu, maille et vendition ».
En effet couletage n'est qu'une forme particulière de
courtage (V. Dictionnaire de Godefroy), Le droit de
couletage était donc un droit qui se payait au courtier.
COULEUR. I. Physique. —La cause de la couleur
des corps a fait l'objet de nombreuses discussions entre les
philosophes grecs; les pythagoriciens considéraient la cou-
leur comme propriété appartenant au corps. Epicure la re-
gardait comme une propriété de la lumière. Il faut franchir
un certain nombre de siècles pour trouver des expériences
sérieuses faites à l'appui de ces doctrines. Rayle paraît
être le premier qui fit des expériences à ce sujet et il
regardait, comme Epicure, la lumière comme la cause de
ces phénomènes. Descartes aussi pensait de même, mais il
croyait que les corps colorés en recevant la lumière modi-
fiaient son intensité. C'est Newrton le premier qui a montré,
à l'aide d'un grand nombre d'expériences, que les corps qui
nous paraissent colorés jouissent de la propriété d'absor-
ber les rayons lumineux qui ne sont pas de sa couleur et
de diffuser les autres. Ainsi un objet qui nous paraît rouge
nous produit cette impression parce que, éclairé par de la
lumière blanche, il en absorbe les rayons bleus, verts,
jaunes, et ne réfléchit, s'il est poli, ou ne diffuse, s'il ne l'est
pas, que les rayons rouges. Les corps qui nous paraissent
blancs ainsi que ceux qui nous paraissent noirs ne font pas cette
sorte de sélection entre les rayons lumineux qu'ils reçoivent;
les premiers diffusent toutes les couleurs; les seconds
les absorbent toutes. Il résulte de ce qui précède que la
couleur d'un corps doit dépendre de la nature de la lumière
qu'il reçoit ; c'est ce que l'expérience vérifie tous les jours.
Si par exemple on observe une teinte jaune sur un papier
blanc, à la lumière du jour, la teinte paraît jaune parce que,
parmi les rayons qu'elle reçoit, lumière blanche, il existe
du jaune qu'elle diffuse en retenant les autres couleurs ;
d'autre part, le papier paraît blanc parce qu'il diffuse
toutes les couleurs dans la même proportion. Si l'on éclaire
le même papier à l'aide d'une lumière riche en rayons
jaunes comme celle d'une lampe, la teinte jaune paraîtra
encore belle, mais la partie blanche du papier ne diffusera
plus de lumière blanche, elle n'en reçoit plus, elle diffu-
sera de la lumière jaune, et par suite ne fera plus con-
traste avec la partie peinte ; c'est pour cela que les verts
semblent bleus à la lumière du gaz ; c'est parce que le
jaune qu'ils contiennent ne fait plus contraste avec les
parties blanches. Cependant les verts purs qui ne sont pas
un mélange de jaune et de bleu ne subissent pas cet effet
avec les lumières artificielles (on désigne souvent ces verts
sous le nom de vert lumière). Si au lieu d'employer comme
source de lumière une lampe, qui tout en donnant en abon-
dance de la lumière jaune donne aussi des rayons des autres
couleurs, on emploie une lumière rigoureusement mono-
chromatique (la flamme jaune d'une lampe à alcool salé
remplit à peu près cette condition), on constate que tous
les corps qui ne sont pas jaunes paraissent noirs ; le bleu, le
rouge, l'orangé, le violet, etc.
On a fait un certain nombre d'expériences pour étudier
l'influence de la chaleur sur la coloration des corps ; beau-
coup de résultats publiés ont été mal interprétés ; il faut,
en effet, pour conclure que l'écartement des molécules
causé par la dilatation produit le changement de couleur
que l'on observe quand on chauffe certains corps, être cer-
tain que le corps n'éprouve pas une transformation allo-
tropique (oxydes jaune et rouge de mercure) ou même une
décomposition (sels de cobalt). La couleur des corps, pour
être définie d'une façon précise, doit être étudiée au spec-
trophotomètre (V. ce mot). On reçoit dans la fente de cet
instrument les rayons colorés venant du corps ; on constate
de quelles radiations simples ils se composent et l'on
COULEUR
— 42
mesure les rapports d'intensité de chacune de ces radia-
tions à l'intensité que chacune d'elles possède dans la lumière
blanche prise comme type. La couleur des substances
transparentes présente des phénomènes de deux ordres.
Les substances transparentes comme le bichromate de
potasse, le sulfate de cuivre, etc., présentent par réflexion et
par transparence sensiblement la même couleur ; au con-
traire, les corps plus ou moins doués de ce qu'on appelle
l'éclat métallique, présentent des couleurs complémentaires.
Ainsi les solutions alcooliques de fuschine paraissent vertes
par réflexion et rouges par transmission ; l'or réduit en
feuille très mince est jaune par réflexion, vert par trans-
mission. Ces corps présentent en outre par transparence le
phénomène curieux et encore peu expliqué de la dispersion
(V. ce mot) anormale. Si l'on remplit un prisme creux
d'une solution alcoolique de fuschine, on observe, comme on
doit s'y attendre, un spectre où le vert (couleur réfléchie)
manque ; mais on observe aussi le fait inattendu que voici :
le spectre, au lieu de présenter les couleurs dans l'ordre
habituel, violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge,
est composé, en partant d'une extrémité : violet, noir (cor-
respondant au vert qui manque^, rouge, orangé, jaune.
Helmholtz a donné une théorie de ces phénomènes ; mais
les résultats expérimentaux sont encore trop peu nombreux
pour que l'on puisse affirmer que cette théorie doit être
admise. A. Joannis.
II. Chimie. — Sous la désignation générale de cou-
leurs, nous distinguerons les matières colorantes et les
couleurs proprement dites. On entend par colorants des
substances d'origine et de composition organiques, qui
existent toutes formées, soit dans les végétaux comme la
chlorophylle, soit chez certains animaux comme la coche-
nille ; ou encore des substances obtenues par la transfor-
mation de certains composés retirés des goudrons de
houille, comme les couleurs d'aniline. Au point de vue
industriel, les colorants peuvent être divisés en trois classes :
\^ les substances que l'on extrait directement des végé-
taux, ou qui résultent d'une modification éprouvée par
certains corps dépourvus de propriétés colorantes que ces
végétaux contenaient primitivement; 2<* les substances
retirées directement du corps ou des organes de certains
animaux; 3^ les substances extraites des goudrons de
houille.
Colorants végétaux. — Certains de ces colorants exis-
tent dans les tiges et les branches des végétaux, comme le
campêche, le fernamboue, le santal; d'autres dans les
fleurs, les fruits, les graines, comme le safran, le sureau,
la grame d'Avignon ; d'autres dans les feuilles, comme la
chlorophylle, dans les racines comme la garance, le curcu-
ma; d'autres enfin, mais plus rarement, sont répandus dans
toutes les parties des végétaux comme dans la gaude.
Quelquefois certaines de ces matières colorantes n'existent
pas toutes formées dans les végétaux et ne se produisent
que par une fermentation ou une transformation de sub-
stances primitivement incolores, comme c'est le cas dans
Forseille, l'indigo, la garance. Les tiges et les branches
des plantes vivaces et particulièrement des arbres, sont
recouvertes d'une écorce ordinairement brune, qui peut
elle aussi contenir des principes colorants comme le quer-
citron, le tannin, etc. Le bois contenu dans cette écorce
est généralement blanc jaunâtre pour les arbres ordinaires,
brun, jaune, rouge, noir ou bleu dans les bois de teinture
qui n'acquièrent toutes leurs propriétés tinctoriales qu'à
un certain âge, où les parties colorantes transmises par
les feuilles et les racines semblent ne plus s'accumuler.
Dans les fleurs, les parties principales contenant des ma-
tières colorantes sont, en première hgne, les corolles qui
sont toujours colorées et de toutes nuances, comme dans
k coquelicot, le souci, la rose trémière, etc. ; en seconde
ligne, les stigmates qui, quoique étant le plus souvent
incolores, sont dans quelques végétaux colorés en bleu et
en jaune, comme dans le Safran.
Colorants retirés des animaux. — Le règne animal
offre peu de matières colorantes pouvant être utilisées dans
l'industrie. La principale, la cochenille, existe toute formée
dans le corps desséché de la cochenille femelle qui mi au
Mexique sur certaines espèces de cactus. Cette substance
colorante doit ses propriétés à un acide rouge spécial
(l'acide carminique) soluble dans l'eau. Le kermès ou
cochenille du Nord est l'ensemble du corps et des œufs
desséchés de quelques espèces de kermès ou de coccus
(insectes vivant en Orient et dans le sud de l'Europe sur
le chêne kermès). Cette substance colorante, peu employée
actuellement, doit, comme la précédente, ses propriétés
tinctoriales à un acide qui se trouve dans le corps de l'in-
secte sous forme de petits grains tenus en suspension au
miheu d'un liquide incolore. La gomme laque ou laque en
bâtons est une résine colorée provenant de la piqûre de
certains animaux {coccus lacca) vivant sur plusieurs
plantes du Bengale. Cette résine sert à préparer des colo-
rants rouges, beaux et solides, connus sous les noms de lac-
laque etàelac-dye.
Propriétés générales des colorants végétaux et
animaux. Un grand nombre de ces substances ont une
saveur à la fois âpre et sucrée ; souvent elles sont inodores,
quelques-unes cristallisent facilement et peuvent se subli-
mer comme l'alizarine, Findigotine (ces dernières seules
ont pu être reproduites synthétiquement). Certaines sont
résineuses, d'autres entièrement volatiles à une tempéra-
ture élevée, comme l'alizarine; beaucoup s'altèrent sous
l'influence de l'air, de la lumière; d'autres, au contraire,
comme la chlorophylle, exigent la lumière pour se former
dans les végétaux. La teinte des matières colorantes peut
se modifier et même se détruire complètement sous l'in-
fluence de certains agents chimiques. Ainsi les alcahs
étendus bleuissent le tournesol rouge, brunissent le cur-
cuma, verdissent le sirop de violettes, les acides dilués
ramènent ces substances à leur teinte primitive , qui
souvent est même avivée. Les acides et les alcalis concen-
trés, agissant sur ces colorants secs, les décolorent en les
décomposant souvent ; quelques-uns résistent aux acides
concentrés. Le chlore décolore tous les colorants végétaux,
l'acide sulfureux les décolore en partie, mais dans certains
cas, on peut faire revenir la couleur primitive ou une teinte
voisine ; ainsi des violettes traitées par Facide sulfureux
gazeux seront entièrement décolorées ; mises en présence
de vapeurs ammoniacales, elles deviendront d'un beau
vert. Certains sels tels que le sulfate d'alumine, le pro-
tochlorure d'étain, etc., ont la propriété de former, avec
différents colorants , des composés insolubles appelés
laques. Un grand nombre de substances colorantes sont
solubles dans l'eau; d'autres ne se dissolvent que dans
l'alcool, Féther, les hydrocarbures; quelquefois la présence
d'un acide facilite la dissolution comme pour l'alizarine, la
purpurine, Findigotine ; d'autres fois l'adjonction d'eau à
une solution alcoolique ou acide détermine la précipitation
de la matière colorante, comme c'est le cas dans une solu-
tion sulfurique d'alizarine. D'autres colorants se dissol-
vent plus facilement dans les alcahs, carthamine, santaline ;
d'autres, enfin, comme les dérivés de la garance, se dissol-
vent dans les alcalis et dans les acides. Certains corps,
comme le charbon animal, ont la propriété d'absorber les
matières colorantes sans les altérer. D'autres agents chi-
miques, comme l'hydrogène naissant, Facide suif hydrique,
décolorent momentanément différents colorants ; une simple
oxydatiou à l'air suffit pour leur rendre leur teinte primi-
tive, comme c'est le cas dans la transformation de l'indigo
blanc en indigo bleu. L'industrie utilise la plupart de ces
propriétés et de ces réactions, soit pour la préparation de
certains colorants, soit pour leur destruction. Le blanchi-
ment de la toile, de la paille, de la pâte à papier, des tis-
sus de soie, de laine ; l'enlèvement des taches d'encre, de
fruits, etc., en sont autant d'applications.
Colorants extraits des goudrons de houille. — Cette
classe comprend les colorants artificiels d'une existence
relativement toute récente, mais dont. la beauté et la puis-
- 43 ~
COULEUR
sance de coloration ont suffi pour les faire rechercher en
teinture. Ces colorants dérivent tous de carbures d'hydro-
gène, obtenus dans la distillation fractionnée des goudrons
de houille, et dont les principaux, employés dans la fal)ri-
cation des couleurs d'aniline, sont les suivants : la benzine,
le toluène, le xylène, le cumène, le phénol, la naph-
taline, Fanthracène. On extrait de ces hydrocarbures
la totalité des colorants artificiels connus à ce jour et qui
peuvent être classés, suivant leur composition, en dix-sept
groupes:!^ les colorants nitrosés, comprenant, le vert
solide ou dinitrosorésorcine et le vert naphtol B ; 2° les
colorants nitréSy qui- comprennent l'acide piîrique, le
jaune Victoria, le jaune salicylique , l'orangé palatin, la
phénicienne, le jaune de Martius, le jaune de naphtol S,
la citronine, l'aurantia, le grenat Casthelaz ; 3° les colo-
rants oxyazoïques, donnant le jaune soleil ou curcumineS;
4° les colorants azoïques^ jaune d'aniline, jaune solide,
jaune acide, brun Bismarck, crocéines, ponceaux, chry-
soïdine, orangés, écartâtes, Bordeaux, rocelline, rouges
de Biebrich, Congo, azoflavine, benzopurp urine, chrysa-
mine ; 5° les colorants hydrazoïques comprenant la tar-
tragine ; 6** les colorants du diphénylméthane compre-
nant l'auramine ; 1^ les colorants du triphénylméthane^
comprenant les verts malachite, lumière méthyl, à l'iode,
helvétia, les bleus diphénylamine, Victoria, d'anihne ; les
violets méthyl, benzyl, Hoffmann, phényliques cristallisés,
la fuchsine diamant et la fuchsine acide, les corallines, le
phénolphtaléine, la chrysoline, la fluorescéine et ses déri-
vés, éosine, etc., la rhodamine, galléine, céruléine;
8^ les colorants retirés de Vanthracène qui comprennent
l'alizarine, le bleu d'alizarine, le brun d'anthracène, le
noir d'ahzarine ; 9^ les indophénols '^ 40** les oxazines
comprenant le violet soMde, le bleu Meldola, la muscarine,
le bleu du Nil; ii^ les colorants siilfonés (dans la cons-
titution desquels il entre du soufre), qui comprennent le
bleu de méthylène, le violet deLauth;12^ les eurhodinés
donnant le violet neutre et le rouge neutre ; 43^ les safra-
ninés^ comprenant le bleu de Bâle et les safranines di-
verses ; i¥ les indulinés et nigrosinés^ qui compren-
nent la violaniline, l'induline, lanigrosine; 45° Vindigo
artificiel; 46<* les colorants deVacridine et de la qui-
noléine donnant la flavaniline, la phosphine; 47° les
autres colorants non classés dans les seize premiers
groupes, c,-à-d. le bleu de résorcine, la canarine, la
murexide, (Classification extraite du Tableau des colorants
artificiels de Gustave Schultz et Paul Julius ; BerHn, 4 888.)
Propriétés générales des colorants artificiels. Tous
ces colorants sont solides, quelques-uns sont cristallisés
comme la fuchsine, le vert brillant, etc. ; les autres sont
généralement amorphes. Ils sont à peu près tous solubles
dans l'eau, sauf cependant quelques-uns comme le bleu à
l'alcool, les induhnes et les nigrosines qui ne devien-
nent solubles qu'après sulfonation", et ne peuvent être
employés en teinture qu'après dissolution préalable du
colorant dans l'alcool. Les autres peuvent être employés
directement soit en bains neutres, soit en bains acides,
après décreusage ou dégorgeage des tissus de soie ou de
laine. Ces substances ont une intensité colorante considé-
rable ; ainsi 4 gr. d'acide picriquepeut colorer 40 kilogr. de
soie, 2 gr. de bleu d'aniline colorent 40 kilogr. de laine,
quelques-uns comme la fluorescéine, les éosines, etc.,
communiquent à leur solution une fluorescence et un di-
chroïsme remarquables. Contrairement aux colorants végé-
taux qui sont tous inoffensifs, certains dérivés de la houille
absorbés à petite dose, comme l'acide picriqiie, peuvent
être toxiques, d'autres peuvent être explosifs et doivent
être livrés en pâte, comme Visopurpurate de potasse ou
fond rouge de Castelhaz. Tous ces colorants sont décom-
jposables par la chaleur, certains, comme le jaune de Mar-
tius, détonnent à 450°; ils brûlent sans laisser de résidus,
sauf toutefois les sels doubles de baryte ou de zinc , qui
laissent un résidu de baryte ou d'oxyde de zinc. Dans
certains cas, les acides ou les alcalis facilitent la dissolu-
tion de ces colorants ; en excès, leur teinte décroît et peut
même disparaître complètement. L'acide sulfurique en
décompose quelques-uns comme les éosines^ mais le plus
souvent les dissout sans les altérer, en leur communiquant
une teinte spéciale qui revient à la teinte primitive par
dilution dans l'eau. Actuellement les colorants dérivés de
la houille sont surtout employés en teinture. Leur prépa-
ration est la base d'une industrie florissante qui ne peut
que grandir encore, comme conséquence des découvertes
et des recherches des éminents savants qui ont tant con-
tribué au développement de cette richesse industrielle.
Des couleurs proprement dites. — Sous le nom de cou-
leurs, on désigne particulièrement des composés minéraux,
parfois des laques végétales qui s'appliquent à la surface
des corps, sans former avec eux des combinaisons, et qui
peuvent disparaître par une action mécanique, un grattage
par exemple. Les couleurs matérielles se distinguent des
luQiières colorées du spectre en ce que par le mélange des
couleurs dites simples, le bleu, le jaune et le rouge, on
n'obtient jamais le blanc, comme par la réunion des lu-
mières, mais bien du noir.
Classification des couleurs matérielles de ChevreuL
Les dénominations plus ou moins fantaisistes, gris souris,
vert d'eau, olive, fraise écrasée, etc., de certaines couleurs
ont amené Chevreul à établir une classification basée
sur des données scientifiques. Chevreul définit d'abord
les différentes circonstances qui peuvent modifier les cou-
leurs matérielles. Ily a quatre modifications principales, par
addition : 4^^ de blanc qui éclaircit la couleur ; 2° de noir
qui l'assombrit; 3° d'un autre colorant qui change sa nature,
en lui laissant son éclat, et fournit les nuances ; 4° d'une
autre couleur, qui change les caractères spécifiques de la
couleur primitive en la ternissant. Les modifications par
addition de blanc ou de noir donnent les tons d'une cou-
leur, et la succession de ces tons, sans écart brusque,
forme une gamme. L'œil apprécie un nombre variable de
tons dans une couleur, ordinairement de trente à trente-
cinq, mais, par l'éducation, les teinturiers peuvent en diffé-
rencier jusqu'à cinquante. C'est en partant de cette défini-
tion que Chevreul a étaWi sa classification ; le spectre,
moins la teinte indigo, qui peut être considérée comme un
mélange de bleu et de rouge, est disposé en couronne de la
façon suivante : un cercle est divisé en trois arcs de 420°;
on mène les rayons, chaque partie représente une des trois
couleurs simples : bleu, jaune, rouge ; chacun de ces sec-
teurs étant divisé en deux, nous aurons trois nouvelles
couleurs, car le bleu et le jaune nous donnent par fusion
le vert ; le jaune et le rouge nous donnent Forangé ; le
rouge et le bleu, le violet. Chevreul partage de nouveau
les secteurs en deux et obtient ainsi, entre le vert et le bleu,
le vert-bleu ; entre le vert et le jaune, le jaune-vert. Ces
arcs de 30° sont encore divisés en six parties, qui sont
simplement dénommées par les chiffres 4,2, 3, 4, 5, 6.
Chacun des rayons de ce cercle en vingt parties, qui don-
nent vingt tons de la couleur en y ajoutant du blanc en
certaines proportions définies : ce sont les couleurs dites
franches. On obtient ainsi 72 rayons à 20 tons, ce qui
nous fait 4,440 couleurs.
Si maintenant au lieu de blanc on ajoute du noir, on
a des couleurs dites rabattues, Chevreul dans son cercle
chromatique s'est contenté de dix tons obtenus en ajoutant
à la couleur de ^/^o à ^/^q de noir. Ceci étabH, on voit que
rien n'est plus facile alors que de classer une couleur
donnée ; on la dénomme ainsi : nom de la couleur^ nu-
méro du ton^ numéro du rabat de noir. Exemple : rouge
n° 3, 40° ton, ^/lo de rabat. En réaUté, le cercle chro-
matique de Chevreul n'existe pas. Comme il est impossible
de faire des gammes sur laine floche d'après le cercle, pour
satisfaire aux besoins de l'industrie de la teinture et de
l'impression, Chevreul fit exécuter un atlas par un artiste
de talent, M. Dijon. Le cercle chromatique permet de dé-
terminer la composition d'une couleur donnée et la com-
plémentaire d'une nuance quelconque ; cette couleur corn-
COULEUR -
plémentaire occupe le secteur opposé. Les couleurs dérivées,
ou gamme chromatique^ obtenues en étendant de blanc,
en proportion croissante, une couleur matérielle primaire,
n'ont pas la même complémentaire, et, par suite, ne suivent
pas la loi des lumières colorées, ces dernières donnant des
gammes vraies.
Du contraste des couleurs. Le contraste des couleurs
a été particulièrement étudié par Chevreul. C'est l'étude
des phénomènes que l'on constate journellement en pein-
ture et en teinture, lorsqu'on regarde divers tons ou des
tons à degrés différents sur une table, et très rapprochés
les uns des autres. Le savant du Muséum distingue trois
contrastes différents : i'^ le contraste simultané; â^ le con-
traste successif ; '6^ le contraste mixte. Le contraste simul-
tané est celui qu'on observe lorsqu'on regarde une gamme
en teintes plates ; chaque teinte paraît à l'œil plus foncée
sur le bord qui touche à la teinte claire suivante, et plus
claire sur le bord qui touche à la teinte plus foncée ; le
commencement des travaux de Chevreul sur le contraste
simultané date de 4825. Dans le contraste successif, on
observe les effets suivants : si on fixe une image noire sur
un fond blanc, puis que l'on porte ensuite ses regards sur
un tableau noir, on voit en blanc sur ce dernier l'image
noire première ; ou si on fixe attentivement une image colo-
rée, puis une toile blanche, on voit sur cette dernière l'image
primitive, mais avec sa couleur complémentaire. Quand on
regarde pendant un certain temps un objet coloré, et qu'en-
suite on remplace cet objet par un autre également coloré,
la complémentaire de la première couleur vient s'ajouter et
modifier la couleur du second objet : ce sont les phénomènes
du contraste mixte (V. Contraste, t. XII, p. 802).
Des couleurs en général. — Les couleurs employées dans
la peinture en bâtiments, dans la peinture artistique, dans
la coloration des émaux, etc., appartiennent au règne miné-
ral ; quelquefois, mais rarement, au règne végétal. Nous
voulons parler en dernier des laques, dont on fait usage
dans l'impression des tissus. Les couleurs minérales ne
présentent rien de saillant et de particulier ; plusieurs corps
simples sont colorés par eux-mêmes, comme : le soufre,
le charbon ; d'autres le sont par leurs oxydes : oxydes de
mercure, de plomb, de chrome, de fer ; ou par leurs sul-
fures; exemple: sulfures de plomb, de cadmium, de mer-
cure, d'arsenic ; enfin, citons certains sels insolubles ou
peu solubles, de cuivre, de cobalt, de chrome, de plomb.
Les laques végétales sont assez altérables à la lumière,
tandis que les couleurs minérales résistent assez bien. Cer-
taines de ces dernières, à base de plomb, de cuivre, de bis-
muth, d'argent, etc., sont très sensibles et noircissent aux
émanations du gaz d'éclairage, celui-ci contenant toujours
des traces d'hydrogène sulfuré. Les agents chimiques
détruisent complètement les laques végétales.
Un grand nombre de couleurs minérales sont vénéneuses ;
aussi a-t-on dû en réglementer l'emploi ; nous citerons les
prescriptions du comité consultatif d'hygiène publique de
France, dont les ordonnances préfectorales en date du
8 juin 4881, 3 juil. 4883 et 24 mai 4885, 45 févr. 4888
assurent l'exécution dans le dép. de la Seine.
On distingue dans les couleurs minérales : i^ les pro-
duits naturels ; 2^ les couleurs minérales artificielles,
obtenues, soit par voie sèche, soit par voie humide. Les
produits naturels, avant d'être livrés au commerce, doivent
subir plusieurs opérations afin de les purifier : ce sont le
cassage et le triage à la main, sur lesquels nous n'avons
pas besoin d'explications ; le débourbage qui a pour but
de laisser tremper le produit dans l'eau pendant plusieurs
jours, puis de le mettre en suspension dans ce liquide par
un brassage vigoureux,et le séparer ensuite par décantation ;
le broyage se fait au moyen de meules ordinaires ou de
molettes. Ce dernier procédé est le plus parfait, mais il est
très coûteux ; la lévigation a pour but de séparer, en la
mettant en suspension dans l'eau, la poudre ténue des
fragments grossiers de la masse broyée. On décante et on
laisse reposer. Enfin le tamisage se fait à sec ou en pré-
sence de l'eau, avec des tamis ordinaires, de simples blu-
toirs à farine. La préparation des couleurs artificielles se
fait par voie sèche et par voie humide ; les couleurs obte-
nues par voie sèche ont à subir les opérations du broyage
et du tamisage. Les couleurs préparées par voie humide
sont des précipités chimiques ; elles doivent être lavées à
fond, afin d'éviter les cristallisations de sels étrangers ou
les ettlorescences à l'air. C'est ainsi qu'on obtient le chro-
mate de plomb, le bleu de Prusse, le sulfure de cadmium ;
quelquefois on prépare des couleurs composées, des verts,
par exemple, en précipitant un mélange de sels par un
autre mélange déterminé. Ainsi une solution formée de
ferrocyanure de potassium et de chromate de potasse,
donne, avec une liqueur contenant de l'acétate de per-
oxyde de fer et de l'acétate neutre de plomb, un précipité
vert bien homogène, connu sous le nom de vert Milior,
Enfin on prépare aussi certaines couleurs par voie mixte,
c.-à-d. en faisant agir la chaleur sur des mélanges salins
et reprenant le produit obtenu par l'eau bouillante, qui
décompose le sel double et donne un précipité ; tel est le
cas pour le vert Guignet.
Les couleurs artificielles sont broyées à la meule, mais
ordinairement devant servir à la peinture artistique, on
fait usage de molettes de verre, de porcelaine ou de marbre,
agissant sur une glace ou sur un plan de marbre ; on pro-
mène la molette sur ce plan, en ayant soin de ramasser de
temps en temps la couleur à l'aide d'un couteau d'acier,
d'ivoire ou de corne. Industriellement, on se sert de cer-
taines machines qui remplissent l'office de molettes : citons
entre autres les machines de Bewley et de Rawlinson. Les
couleurs communes sont broyées entre des cylindres de
fonte ou de granit, dont les axes sont parallèles et dans le
même plan horizontal ; la couleur délayée dans l'huile ou
dans l'eau est passée plusieurs fois entre ces cylindres.
Les solutions aqueuses colorées des végétaux ou des colo-
rants d'aniline, traitées par des bases ou des solutions
salines, se décolorent entièrement en donnant des précipités
connus sous le nom de laques. Les bases employées autre-
fois dans la fabrication des laques étaient en petit nombre ;
l'alumine et le sel d'étain étaient celles que l'on employait
le plus ordinairement. Dans ces dernières années, la prépa-
ration des laques a pris une grande extension et on fait
usage aujourd'hui de toute matière insoluble ou peu soluble
dans l'eau, permettant de recueillir les couleurs solubles à
l'état insoluble ou peu soluble.
Il y a plusieurs modes de préparation des laques. Les
laques formées par les oxydes métalliques insolubles s'ob-
tiennent en prenant la base à l'état de hberté, toujours
hydratée^ et en agitant avec les dissolutions colorantes;
généralement on précipite la base en présence de la disso-
lution colorante en se basant sur les phénomènes de double
décomposition. Un autre mode d'obtention des laques con-
siste à employer un sel basique de l'oxyde métalhque qui
doit former la laque. Ce mode de formation explique certains
phénomènes qui se passent en impression sur tissus. Pour
préparer les laques dans l'industrie, on précipite dans de
grands bacs la solution colorante par le sel métallique,
suivant les lois que nous avons énoncées. On laisse reposer
et on décante ; on a soin de ne pas laver le dépôt, car les
laques sont des corps peu stables qui se décomposent avec
la plus grande facilité.
Couleurs vitrifiables. — On appelle couleurs vitri-
flables, des couleurs minérales qui, mélangées à certains
fondants, se liquéfient à une température élevée et peuvent
servir à la décoration des vitraux, des porcelaines, etc. On
distingue suivant leur résistance aux températures élevées :
4^ les couleurs dites de grand feu ; 2<* les couleurs de mi-
grand feu ou de moufles durs ; 3" les couleurs ordinaires
ou de moufles. Pour l'application des couleurs vitrifiables,
V. Céramique et Porcelaine. Ch. Girard.
m. Industrie. — On trouvera toutes les indications
relatives à la fabrication et à l'usage de chaque couleur au
nom de cette couleur, V. Blanc, Bleu, Bbun, etc.
IV. Administration. — A la suite de graves accidents
résultant de Fempldi de substances vénéneuses dans la
coloration des liqueurs, sucreries, bonbons, dragées, pas-
tillages, conserves, papiers, jouets, il était de toute néces-
sité de désigner nettement les couleurs et colorants nui-
sibles ne pouvant être employés à cet usage. L'ordonnance
de police du 15 juin 4862, Tinstruction ministérielle du
25 mai 4881 et l'ordonnance du 3 juil. 4883 indiquent
les couleurs suivantes comme nuisibles et en punissent
sévèrement l'emploi.
Couleurs minérales. — Composés de cuivre. Cendres
bleues, bleu de montagne. Composés de plomb. Massicot,
minium, cuivre orange, oxychlorures de plomb, jaune de
Cassel, jaune de Turner, jaune de Paris, carbonate de
plomb, blanc de plomb, céruse, blanc d'argent, antimuriate
de plomb, jaune de Naples, sulfate de plomb, chromâtes
de plomb, jaune de plomb, jaune de Cologne. Composés
de baryte. Chromate de baryte, outremer jaune. Composés
de mercure. Sulfure de mercure, vermillon. Composés
de l'arsenic. Arsénite de cuivre, vert de Scheele, vert de
Schweinfurt.
Couleurs organiques. — Gomme- gutte, aconit^
napel^ fuchsine^ et dérivés immédiats, tels que bleu de
Lyon, sulfo de fuchsine, violet d'aniline, bleu d'ani-
line, etc. Eosine, fluorescéine, phloxine, rose bengale,
cyanosine, etc. Matières colorantes renfermant au
nombre de leurs éléments la vapeur nitreuse, telles
que jaune de naphtol, jaune Victoria, acide picrique,
binitronaphtol, nitroalizarine, etc. Matières colorantes
préparées à Vaide des composés diazoïques, telles que
tropéolines, rouge de xylidine, ponceau, rouge Congo,
rouge de Bordeaux, rouge de Biebrich, bleu azoïque, jaune
solide, etc. Il est interdit d'employer, pour envelopper les
substances alimentaires, des papiers coloriés au moyen de
ces couleurs. Cette interdiction s'applique également aux
jouets ; néanmoins, pour les articles en fer estampé et en
fer-blanc, ainsi que pour les ballons en caoutchouc,
le chromate de plomb, la céruse et le vermillon sont au-
torisés à condition que ces couleurs soient fixées au moyen
d'un vernis gras. — Une dernière ordonnance préfectorale
datant du 34 déc. 4890 confirme ces décisions, tout en
tolérant l'emploi de certains colorants de la houille primi-
tivement interdits, à condition qu'ils soient exclusivement
destinés à la coloration de substances n'étant pas colorées
naturellement. Ch. Girard.
Couleurs inoffensives (V. Confiserie).
V. Beaux- Arts. — Pour bien comprendre le sens exact
que le mot couleur peut avoir dans les arts du dessin, il
importe de se rappeler la théorie physique (V. ci-dessus)
énonçant que la couleur n'existe pas en elle-même puisqu'elle
est incessamment modifiée par l'influence des couleurs voi-
sines. Elle n'a donc en soi ni vertu ni beauté ; sa qualité lui
vient de son entourage, ce qu'on appelle ses complémentaires.
On peut ainsi, par desc ontrastes et des rapprochements
favorables, augmenter ou atténuer à l'infini son intensité.
Un peintre produit de la couleur avec du blanc, du noir
ou du gris, qui, selon l'acception physique, sont la néga-
tion ou plutôt l'absence de la couleur. Bien colorer, c'est,
par conséquent, ou bien sentir d'instinct la nécessité de
ces rapprochements, ou bien savoir rapprocher habilement
la valeur des tons. Mais qu'est-ce qu'un ton ? Qu'est-ce
qu'une valeur ? En art, on se sert du terme de ton., comme
de celui de nuance, dans tous les cas où l'on veut dire que
l'intensité colorée est rabattue, c.-à-d. diminuée. Les
expressions ton juste^ ton faux sous-entendent le con-
traste de plusieurs tons, un ton isolé ne pouvant être ni
juste ni faux. Par le mot valeur, on entend la quantité de
clair ou de sombre qui se trouve contenue dans un ton.
Exprimée par le dessin et par la gravure, cette distinction
est facile à saisir : tel noir aura, par rapport au papier
qui représente l'unité de clair, plus de valeur que tel gris.
Ex{)rimée par la couleur, c'est une abstraction non moins
positive, mais moins aisée à définir. Grâce à une série
4S — COULEUR
d'observations que la chimie a rendu familières, on dégage
d'une couleur donnée cet élément de clair ou d'obscur qui
se combine avec son principe colorant, et, scientifiquement,
on arrive à considérer un ton sous le double aspect de la
couleur et de la valeur, de sorte qu'il y a dans un violet,
par exemple, non seulement à estimer la quantité de rouge
et de bleu qui peut en multiplier les nuances à l'infini,
mais à tenir compte aussi de la quantité de clarté ou de
force qui le rapproche soit de l'unité claire, soit de l'unité
sombre. C'est dans l'accord de ces tons et de ces valeurs
que se sont distingués les peintres qui ont été de grands
coloristes. Si l'on ôtait d'un Yéronèse, d'un Titien, d'uii
Rubens, ce juste rapport des valeurs dans leur coloris, on
n'aurait plus qu'un coloriage discordant, sans force, sans
délicatesse, sans rareté. A mesure que le principe colorant
diminue dans un ton, l'élément valeur y prédomine. S'il
arrive, comme dans les demi-teintes où toute couleur pâlit,
comme dans les tableaux de clair-obscur outré où toute
nuance s'évanouit, comme dans Rembrandt par exemple,
s'il arrive, disons-nous, que l'élément coloris disparaisse
absolument, il reste sur la palette un principe neutre,
subtil et cependant réel, la valeur pour ainsi dire abs-
traite des choses disparues, et c'est avec ce principe négatif,
incolore, d'une délicatesse infinie, que se font quelquefois
les plus rares tableaux.
De cette théorie des valeurs, si magistralement expli-
quée par le peintre Fromentin, il suit qu'un peintre n'est
pas un coloriste, comme le veut le préjugé populaire,
parce qu'il monte dans ses tableaux, à leur plus haut dia-
pason, la gamme des couleurs, mais parce qu'il apporte
plus de science, de raffinement et d'observation dans le
rapprochement des tons. Que si l'on demande d'où pro-
vient cette impuissance de la couleur à rien exprimer par
elle-même, on peut répondre qu'elle résulte de ce que ses
apparences sont instables et toujours dépendantes de la
lumière qui les frappe et du milieu où elles sont vues. Si
grande est cette instabilité qu'une couleur, quelle qu'elle
soit, est complètement transfigurée en virant instantané-
ment à sa complémentaire, sans laisser trace de sa colora-
tion primitive, quitte à la reprendre, elle ou telle autre,
lorsgue se modifiera, dans telle ou telle nuance, l'influence
lumineuse qui lui fait opérer son premier virement. C'est
cette instabilité qui permet de dire que la couleur n'est que
relative. Pour s'emparer de cet élément fuyant, l'art isole
la couleur et s'en fait une image à l'aide dès intensités de
clarté, relativement stables et toujours vérifiables dans
leurs proportions.
Ces principes, que nous venons de nous efforcer d'expo-
ser aussi intelligiblement qu'il nous a été possible (la
langue est rebelle à exprimer des lois aussi subtiles), l'art
contemporain, aidé de la science, les connaît et les définit
parfaitement. Mais il n'en a pas toujours été ainsi. Dans
l'histoire de la peinture, on peut citer des écoles entières
qui ne s'en doutèrent pas, s'en passèrent et ne s'en trou-
vèrent pas mieux. Il y en eut d'autres qui les appliquèrent
d'instinct. Il serait assez difficile, par exemple, de dire si
les Vénitiens, si les Florentins ou les Hollandais eurent une
doctrine sur les valeurs, comment ils les nommaient ou
même s'ils avaient un nom pour exprimer ce que les cou-
leurs doivent avoir de doux, de suave, de subtil dans leurs
rapports. Toujours est-il que la vie de leurs œuvres et la
beauté de leur art tiennent précisément à l'emploi savant
d'un tel principe. Mais il est une différence essentielle
qu'il convient de signaler et qui sépare les coloristes an-
ciens des grandes époques de nos coloristes modernes, nous
entendons ceux qui s'intitulent volontiers aujourd'hui des
tachistes. C'est qu'autrefois, depuis Léonard de Vinci
jusqu'à Delacroix, on eut le respect et presque la religion
du clair-obscur. Qu'est-ce que le clair-obscur ? « C'est l'art
de rendre l'atmosphère visible, a dit Fromentin, et de
peindre un objet enveloppé d'air. Son but est de créer
tous les accidents pittoresques de l'ombre, de la demi-
teinte et de la lumière, du relief et des distances, et de
COULEUR - 46 -~-
donner, par conséquent, plus de variété, d'unité d'effet, de
caprice et de vérité relative, soit aux formes, soit aux cou-
leurs. Le contraire est une acception plus ingénue et plus
abstraite, en vertu de laquelle on montre les objets tels
qu'ils sont, vus de près, l'air étant supprimé, et par con-
séquent sans autre perspective que la perspective linéaire,
celle qui résulte de la diminution des ol3Jets et de leur
rapport avec l'horizon... Tout envelopper, tout immerger
dans un bain d'ombre, y plonger la lumière elle-même,
sauf à l'en extraire après pour la faire paraître plus loin-
taine, plus rayonnante, faire tourner les ondes obscures
autour des centres éclairés, les nuancer, les creuser, les
épaissir, rendre néanmoins l'obscurité transparente, la
demi-obscurité facile à percer, donner, enfin, même aux
couleurs les plus fortes, une sorte de perméabilité qui les
empêche d'être le noir, — telle est la condition première,
telles sont aussi les difficultés de cet art très spécial. »
Par rapport à la couleur, comme l'indiquent ces lignes, le
clair-obscur est un artifice qui produit beaucoup de trans-
positions dans les tons, beaucoup de transformations pure-
ment imaginaires dans l'aspect des choses, tout en étant la
plus judicieuse application de la loi des valeurs. Mais,
aujourd'hui, c'est tout le contraire que cherchent les
peintres de la nouvelle école. L'abus des rondeurs inutiles
a jeté dans l'excès des surfaces plates, des corps sans épais-
seur. On supprime le modelé, on abolit le clair-obscur, on
arrive presque à l'enluminure de l'art archaïque sous pré-
texte d'innovation.
Est-il besoin de parler ici de l'espèce de dualisme que
certains esthéticiens ont cherché à établir entre la couleur
et le dessin ou de la suprématie qu'il convient de donner
à celui-ci sur celle-là? Pour la critique moderne, vouloir
établir on ne sait quelle spécieuse hiérarchie entre ces deux
éléments essentiels de l'art est un jeu de métaphysique un
peu puéril. Le dessin et la couleur ne sont pas des prin-
cipes rivaux et contradictoires. Ainsi que l'a dit excellem-
ment Lamennais : « Comme les sons, les couleurs sont par
elles-mêmes indéterminées ; elles ne représentent comme
eux que des formes vagues, flottantes, insaisissables. Dans
le langage parlé, les consonnes déterminent le son, elles
en marquent pour ainsi dire les contours en le limitant,
et ainsi limité il exprime l'idée nette et précise qu'il doit
manifester ou rendre visible à l'esprit. Dans le langage
des couleurs, le dessin aussi détermine l'image, il en marque
les contours la Mmitant... Il est à la couleur ce que la
consonne est à la voyelle. » On peut ajouter que la couleur,
portant davantage aux sens, exerçant son influence sur
nos organes optiques, agit par cela même sur notre sensi-
bilité nerveuse d'une manière physique. Il y a des couleurs
agréables et des couleurs désagréables, comme l'a remar-
qué Gœthe dans son Traité des couleurs, de même que
dans l'art musical il y a des sons sympathiques et d'autres
qui déchirent l'oreille. Bien plus, elles peuvent prendre
une signification morale : le jaune et le rouge éveilleraient
des idées de dignité et de puissance, le bleu de douceur et
de joie, le violet de mélancolie ou de suprême allégresse,
s'il est associé au rouge et au jaune, etc. Jouer avec les
substances colorées comme un musicien joue avec les sons,
faire parler la couleur comme on fait chanter un orgue ou
un violon, arracher avec sa palette des impressions de tris-
tesse ou de gaieté, faire jaillir des larmes ou susciter le
sourire, voilà quel a été le secret des virtuoses de la cou-
leur, des peintres de génie. Victor Champier.
VI. Astronomie. — Couleur des étoiles. — Les étoiles
nous montrent, quand on les examine avec de bonnes lunettes,
toutes les couleurs de F arc-en-ciel . Suivant la remarque
de P. Sccchi, la détermination de cette couleur est extrê-
mement déHcate : les yeux des observateurs sont difi'érents
et beaucoup sont plus ou moins affectés de daltonisme ; la
nature de l'instrument influe sur la coloration ; l'état de
l'atmosphère est à considérer. D'après cet éminent astro-
nome, Procyon et Altaïr sont blanches ; Sirius, Véga, Castor,
Régulus sont bleues ; la Chèvre , Pollux a Baleine sont
jaunes; Aldébaran, Arcturus, Bételgeuse, sont orangées;
Antarès et a Hercule sont rousses; les étoiles vraiment
rouges sont toutes petites. Le ton de la couleur varie à
différentes époques, parmi les étoiles jaunes et orangées
(Bételgeuse par exemple). Antarès, Aldébaran, Arcturus...
sont variables de grandeur et de couleur. Voici une autre
appréciation des couleurs, que nous trouvons dans le Ciel
de Guillemin. Certaines sont blanches : Véga, Sirius, Régu-
lus, Deneb, l'Epi de la Vierge, Algol, p Lyre, s Cocher, e'tc.
D'autres sont rouges : Arcturus, Aldébaran, Antarès,
Bételgeuse, Pollux, a et p, Croix, o Baleine, rj Navire, etc.
Procyon, la Chèvre, la Polaire, Altair, sont jaunes. La
lumière de Castor est d'un vert pâle, et celle de y Lyre
offre une couleur bleue prononcée. Le P. Secchi comparait
la couleur des étoiles à celle que fournit l'étincelle élec-
trique avec différentes substances, et il a remarqué que la
couleur blanche légèrement azurée est celle de la très
grande majorité des étoiles. C'est dans les couples et dans
les groupes d'étoiles que la coloration de la lumière se
•montre avec tout son éclat et toute sa richesse. La plus
grande variété distingue les couleurs des composantes de
ces systèmes, déjà si remarquables à tant d'autres points
de vue. D'après W. Struve, qui a spécialement étudié les
étoiles doubles, l'observation de ces astres nous apprend
qu'en outre de celles qui sont blanches, on en rencontre
de toutes les couleurs du prisme. Généralement, lorsque
l'étoile principale n'est pas blanche, elle s'approche du
côté rouge du spectre, tandis que le satellite oûre la teinte
bleuâtre du côté opposé. Sur 596 étoiles doubles brillantes,
375 ont leurs composantes de même couleur et de même
intensité, 404 ont la même couleur avec des intensités diffé-
rentes, et enfin 420 ont des couleurs totalement différentes.
Sur 476 couples dont les composantes avaient la même
couleur, 295 étaient blanches, 448 jaunes ou rougeâtres,
et 63 bleuâtres. Antérieurement, J. Herschel avait obtenu
des résultats différents : pour lui, les couleurs de l'étoile
principale sont surtout le jaune, puis le rouge et le blanc;
les couleurs des satellites sont en premier lieu le bleu,
puis le blanc et le rouge. De telles divergences dans les
appréciations montrent que ce sujet appelle de nouvelles
études. ^ L. Barré.
VIL Physiologie. — Sens des couleurs. — Nous
possédons tous le sens des couleurs, c.-à-d. l'aptitude à
reconnaître aux objets de toute sorte des qualités particu-
lières d'ordre visuel. Mais ce sens se présente à des degrés
de développement très variables. Sans parler des personnes
atteintes d'achromatopsie ou de dyschromatopsie (dalto-
nisme) et pour qui le champ des couleurs est pour ainsi
dire nul ou très restreint, il est certain que ceux-là même
qui perçoivent normalement les couleurs du spectre pré-
sentent une grande variabilité dans leur aptitude à distin-
guer les nuances. Au fond, cela tient peut-être en grande
partie à un défaut d'habitude d'analyse de leur part : les
raisons en sont plutôt psychologiques que physiologiques.
Quoi qu'il en soit, il existe un sens des couleurs qui, chez
certains individus, grâce à un exercice fréquent, atteint une
finesse remarquable, et qui, chez la majorité, demeure
sensiblement inférieur, quand même la vue serait parfaite et
douée d'une acuité remarquable. Nous ne nous attarderons
pas ici à l'examen du degré de perfection que peut atteindre
le sens des couleurs : le lecteur pourra sur ce point se
reporter aux travaux de Chevreul, entre autres, et il en sera
parlé au mot Vision. Mais il convient de dire ici quelques
mots des théories qui ont cours sur l'origine de ce sens.
Les expériences de Lubbock, Forel et Paul Bert ont montré
que certains animaux inférieurs par eux étudiés (abeilles,
fourmis, daphnies) distinguent non seulement les couleurs
que nous percevons, mais encore des rayons (ultra-violets)
qui n'affectent point notre sens visuel. Il est donc très vrai-
semblable que tous les animaux reconnaissent les couleurs
du spectre en tant que présentant des qualités diff*érentes,
en tant qu'affectant d'une façon dissemblable leur sens
visuel. Ce fait rend donc fort problématique la théorie ex-
-- 47
COULEUR
posée par Gladstone, Geîger et Magniis, d'après laquelle le
sens des couleurs n'aurait été acquis par l'homme qu'au
cours de la période historique. Ces auteurs sont arrivés à
cette conclusion à la suite d'une étude linguistique des
œuvres d'Homère et de différents ouvrages anciens, anté-
rieurs ou postérieurs. Ils ont cependant négligé un fait que
M. Dor, de Lyon, a mis en lumière, et qui tranche la ques-
tion : c'est le fait que plusieurs siècles avant Homère déjà,
les anciens percevaient et mêlaient exactement dans leur
décoration architecturale une série très étendue de couleurs,
comme en témoignent les monuments et objets parvenus
jusqu'à nous. Cette théorie, malgré son intérêt, ne peut
donc subsister. Et d'ailleurs, les arguments dont elle était
appuyée prêtaient de tous côtés à la critique : il serait
facile, en effet, en étudiant les expressions employées par
nos littérateurs contemporains par exemple, où se rencon-
trent des mots désignant des couleurs, d'arriver aussi à
conclure, en raison des différences des sens oii sont pris les
mêmes mots, que le sens de la couleur ne peut exister chez
eux ou n'existe qu'à un degré rudimentaire. D*' H. de V.
VIII . Linguistique. — Plusieurs des mots qui dési-
gnent les couleurs dans les langues indo-européennes
présentent, au point de vue étymologique et significatif,
un phénomène remarquable : alors que les nuances expri-
mées par ces mots sont diverses, l'idée primitive dont
elles dérivent est une, et consiste généralement dans celle
de briller. Il en est ainsi en grec de apyd;, blanc, de la
même racine arg^ briller, qui se trouve dans àpy-upoç,
argent, et le latin aj^gentum; YXauxdç, vert, glauque,
auprès de yXaijcjaa), briller; Xsuxdç, blanc, auprès de
Xsiiaaw, briller (et voir); ÇavÔdç, blond, auprès de la
racine sanscrite f<?aw(i, briller ; Tcuppdç, roux, auprès de
T:up<îdç, torche, flambeau, et de ^rup, feu; sens primitif,
brillant. On a de même en latin : can-us et cand-idus,
blanc, même racine que dans cand-eo^ briller, comp.
sanscr. çcand, même sens; ftavus^ jaune, même racine
que dans flamma, flamme, primitivement la chose qui
brille et brûle; fulvus, fauve, même racine que dans
fulgeOy briller; fur vus, brun, variante du précédent;
pullus, brun, même élément radical que dans le grec
Tcuppdç ; pûrus, éclatant, brillant, blanc, pur, même
étymologie que le précédent ; russuSj roux, même racine
que le sanscrit ruks^ briller*
Parmi le grand nombre d'autres exemples que l'on
pourrait ajouter à cette liste, citons encore notre adjectif
blond, qui contient une racine germanique identique à
l'origine à celle du latin splendeo, briller, resplendir.
La distinction des nuances, ou des différents aspects de la
couleur (dont le nom générique lui-même signifie ce qui
brille) est une acquisition relativement peu ancienne du
langage, et on a soutenu que c'était également une acqui-
sition récente du sens optique. A l'origine, tout ce qui
frappait ce sens était confondu sous la dénomination unique
de « brillant»; ce n'est que peu à peu qu'à chaque variété
de la couleur s'est adapté spécialement l'un des noms
multiples qui la désignait d'abord d'une manière uniforme
et indistincte. Cette théorie n'a été admise ni par les phy-
siciens ni par les physiologistes (V. ci -dessus). Elle n'a
d'intérêt qu'au point de vue linguistique. La lente transi-
tion d'après laquelle ces changements significatifs se sont
effectués explique l'indétermination fréquente du sens des
mots dont il s'agit dans Homère et chez les plus anciens
auteurs. Le procédé d'évolution du langage que nous sai-
sissons ici sur le vif et qui consiste à passer de la dési-
gnation du général à celles des particularités dont il em-
brasse l'ensemble, en employant à cet effet les synonymes
affectés d'abord à lui seul, se retrouve partout et forme la
grande loi du développement significatif dans les langues
mères. P. R,
IX. Mathématiques. — Problême des quatre cou-
leurs.— On connaît sous ce nom une proposition qui a dû être
vérifiée depuis longtemps dans la pratique, mais qui semble
avoir été énoncée pour la première fois par le géographe
anglais William Guthrîe. On peut la formuler comme suit :
« Qfuel que soit le mode de division d'une carte ou d'un
globe, représentant la terre ou une portion de la terre, en
circonscriptions quelconques (états, provinces, districts,
départements, etc.), il suflit de quatre couleurs pour colo-
rier cette carte, avec cette seule condition que deux circons-
criptions ayant une limite commune soient recouvertes de
couleurs différentes. » M. Cayley a précisé la question, en
1878, à la Société mathématique de Londres, et en a indiqué
les difficultés ; M. Kempe en a donné en 4880 une démons-
tration publiée dans the American Journal of Mathe-
matics, de Baltimore, Depuis. M. Tait a repris la question,
et a fait ressortir un cas d'exception qui avait échappé à
M. Kempe ; il en a indiqué en même temps une transfor-
mation intéressante, dans le détail de laquelle nous ne pou-
vons malheureusement entrer ici. En somme, la solution
scientifique et complète du problème des quatre couleurs est
encore à trouver ; et suivant l'expression très juste d'un
auteur (Kirkmann) la proposition présente cet irritant
intérêt qu'elle se joue aussi bien du doute que de la
preuve.
On voit que cette question, se rattachant à la théorie des
régions, a attiré l'attention de géomètres illustres, en dépit
de son apparente et trompeuse simplicité. Il y a un fait
remarquable à signaler : c'est que le problème des quatre
couleurs ne se pose pas dans les mêmes conditions pour
une surface quelconque. Sur un tore, par exemple, surface
engendrée par un cercle tournant autour d'un axe extérieur
situé dans son plan, on reconnaît qu'il pourrait être néces-
saire d'employer six couleurs, et non plus quatre seu-
lement, pour distinguer les unes des autres les diverses
circonscriptions. Si par exemple les habitants de la planète
Saturne ont des modèles géographiques coloriés, repré-
sentant leur anneau, ils n'en peuvent délimiter nettement
les circonscriptions que par l'emploi de six couleurs diffé-
rentes au maximum. A. Lâisânt.
X. Art héraldique. — Les couleurs héraldiques sont
au nombre de six, dont cinq se nomment émaux : c'est le
bleu (azur), le rouge (gueules), le noir (sable), le vert
(sinople) et le pourpre. La sixième, c'est la carnation, c.-à-d.
la couleur du corps humain. On dit au « naturel » quand
il s'agit d'un animal (V. Armoirie et Blason).
XL Liturgie. — L'Eglise d'Occident emploie généra-
lement cinq couleurs différentes pour distinguer les mys-
tères et les fêtes qu'elle célèbre : le blanc, le rouge, le
vert, le noir et le violet. Le blanc, emblème de la pureté
et de la joie, sert pour les fêtes de Jésus-Christ, de la
Sainte-Vierge et en général de tous les saints et saintes
qui n'ont point souffert le martyre. Le rouge rappelle les
langues de feu et le sang des martyrs : Passion, fêtes des
martyrs, Pentecôte. Le violet, couleur de la tristesse et
signe de la mortification : Avent, temps de la Septuagé-
gisme et du Carême, Quâtre-Temps, Vigiles, Rogations. Le
vert, figure des biens à venir : dimanches ordinaires après
la Pentecôte. Le noir : Vendredi Saint et Office des morts.
— Le eendré n'est employé qu'en France et dans les dio-
cèses du rit parisien. Le jaune n'est point une couleur
liturgique. Néanmoins, on s'en sert dans quelques lieux
pour la fête de saint Joseph et la messe de l'aurore, à
Noël : il n'est toléré que par assimilation au drap d'or.
En certains diocèses, on a commencé à introduire le bleu,
couleur du ciel, dans les fêtes de la Sainte- Vierge, de la
Toussaint et des Saints-Anges. Il appartient à l'autorité
diocésaine de décider sur ces matières. — Les Eglises
d'Orient, même celles qui sont unies au siège de Rome,
se servent de toutes sortes de couleurs et, suivant le goût
oriental, préfèrent les plus vives et se livrent aux combi-
naisons les plus voyantes. E.-H. Vollet.
BiBL. : Physiologie. — Gladstone, Colour-Sense
{Nineteenth Century, cet. 1877). — Dor, De l'Evolution his-
torique du sens des couleurs (1878). — Magnus, Zur Ges-
chichtlichen Entwicklung des Farbensinnes (1877), traduit
par J. Soury. — - Grant Allen, Colour-Sense. Ce dernier
ouvrage développe l'hypothèse de la production du Sens
COULEUR — COULIS
48 —
des couleurs chez les animaux par voie de sélection. Enfin,
V. dans lajRëytie philosophique de janv. et févr. 1880,.une
bonne étude sur la question du sens des couleurs, résu-
mée par M. Espinas.
MATHÉMATiauES. — Ed. LvcAS^ Revue Scientifique, 7juiL
1883 : le Problème géographique des quatre couleurs.
COULEUVRE. L Erpétologie. — Sous le nom de Cou-
leuvres, Coluber, les anciens auteurs comprenaient une
foule de Serpents des plus hétérogènes; aujourd'hui ce
nom est abandonné, et le mot Couleuvre est devenu syno-
nyme de la famille des serpents Coliihrif ormes ^ on dit
les Couleuvres lorsqu'on parle de ce groupe de Serpents.
Les Couleuvres se reconnaissent à leur corps svelte, à leur
tête nettement distincte du tronc et revêtue de plaques régu-
lièrement disposées ; la queue ordinairement longue porte
deux rangées de plaques ou urostèges. Ce sont des ani-
maux la plupart inoffensifs, habitant les endroits les plus
variés; certains sont exclusivement aquatiques; d'autres
ne se rencontrent que dans les lieux les plus arides ; très
peu sont nocturnes. Les Couleuvres sont réparties en un
grand nombre de genres, dont les principaux seront étu-
diés à leur place. Rochbr.
IL Archéologie (V. Coulevrine).
BiBL. : Sauvage dans Brehm, Reptiles^ éd. franc. —
DuMÉRiL et BiBRON, Erpét. génér.
COULEUVRE. Com. du dép. de l'Ailier, arr. de Mou-
lins, cant. de Lurcy-Lévy; 2,133 hab. Manufacture de
porcelaine et importante usine agricole.
COULEUVREE (Bot.). Un des noms vulgaires de la
Clématite des haies. — La C. blanche est le Bryonia
dioica L. ; la C, noire, le Tamus communis L.
. COULEVON. Com. du dép. de la Haute-Saône, arr. et
cant. de Vesoul; 481 hab.
COULEVRINE (ArchéoL). Arme à feu portative qui
apparaît dans les premières années du xv® siècle. Elle doit
son nom à sa forme allongée et à ce fait qu'on donnait à
son extrémité l'apparence d'une gueule de serpent. On
l'appelait aussi
gueiileuvre ou cou-
leuvre. L'une des
plus anciennes qu'on
connaisse est conser-
vée au musée d'ar-
tillerie, à Paris ;
c'est un canon de fer
forgé de 87 centim.
de long ; son calibre
est de 212 millim. Ce
canon était lié à un
fût de bois par des
brides de fer. Deux
hommes étaient
d'ordinaire employés à son maniement ; Tun la portait,
l'autre mettait le feu avec une mèche. La charge se faisait
par la gueule à l'aide d'une broche ou estampe de fer
qui servait à presser la poudre dont un entonnoir facilitait
l'introduction; chaque coulevrine était aussi accompagnée
d'une mesure en fer-blanc qui servait à « scavoir la jauge
de la pouldre ». A la fin du xv*^ siècle, des corps entiers
étaient armés de coulevrines. Commines (livre V, chap. m)
faisant le dénombrement des Suisses à la bataille de Morat,
dit : « Les dits alliés, comme il me fut dit par ceux qui y
estoient, pouvoient bien être trente et un mille hommes de
pied, bien choisis et bien armés ; c'est à savoir onze mille
piques, dix mille hallebardes, dix mille couleuvrines. »
On lit dans la chronique de Jean de Troyes, à l'année
1465 : « Ce même jour, arriva à Paris deux cents ar-
chiers... au nombre desquels il y avoit plusieurs crinequi-
niers, voulgiers et couleuvriniers à main, » La coule-
vrine à main resta en usage jusque sous Louis XII. Mais
dès le milieu du xv° siècle on fit de grosses coulevrines qui
étaient des pièces d'artillerie montées sur affût ou sur
roues. En 1461, un compte du trésorier du duc de Bre-
tagne mentionne « une grosse coulevrine de cuivre pesant
115 livres ». C'est alors qu'apparaissent les coulevrines
Grande coulevrine (xvip siècle).
pointage ; c, bras de limonière ; d,
bras; /, lieux sur-bandes; gf, lieux
en bronze fondues d'une seule pièce. En 1540, on fît en
France des coulevrines qui lançaient des projectiles de
15 livres ; celles d'Italie étaient plus puissantes. En 1556,
Annibal Borgognone fondit pour le duc de Modène, Her-
cule II, une coulevrine appelée Regina^ qui portait un projec-
tile de 35 kilogr. 575. Au xvi® siècle, on distinguait diverses
espèces de coulevrines : la légitime ou ordinaire ; la bâtarde,
ou serpentine ; la coulevrine à chevalet et celle à roue. Du Bel-
lay parle dans ses mémoires de doubles grandes coule-^
vrines : « En avoit l'Anglois douze de ce calibre portant le
boulet de canon et nommées du nom des douze apôtres. »
En 1690, Furetière définit ainsi la coulevrine : « Pièce
d'artillerie fort longue ; son calibre est de quatre pouces
dix lignes de diamètre ; son boulet est de seize livres et
demie. » A cette époque, on l'appelait aussi demi-canon
de France. Au commencement de xvin® siècle, ces sortes de
canons furent abandonnés. Cependant en Turquie on s'en
servait encore il y a quelques années pour la défense des
forteresses. M. Prou.
BiBL. : La Curne de Sainte-Palaye, Dictionnaire his-
torique^ t. IV, p. ZH. — Brviset^ Histoire générale de l'ar-
tillerie^ 1. 1, p. 122. — Penguilly l'Haridon, Cataloguedes
collections composant le musée d'artillerie^ 1862, p. 535.
— Gay, CAossaire archéologique., p. 458. — Lorédan Lar-
CHEY, les Maîtres bombardiers., canonniers et couleuvri-
niers de la cité de Metz., dans Mémoires de la Société d'his-
toire et d'archéol. de la Moselle^ 1860, p. 107.
COU LG EN S. Com. du dép. de la Charente, arr. d'An-
goulême, cant. de La Rochefoucauld ; 628 hab.
COU LIMER. Com. du dép. de l'Orne, arr. deMortagne,
cant. de Pervenchères ; 735 hab.
COU LIN (Frank), théologien et prédicateur suisse, né à
Genève le 17 nov. 1828. Issu d'une ancienne famille autoch-
tone, fils d'Etienne Coulin, ancien chapelain de l'hôpital
et l'un des orateurs religieux les plus goûtés de la Suisse
romande, petit-neveu du célèbre jurisconsulte François
Bellot, il fut consacré en 1851 . Après un séjour d'une année
en Ecosse (1852-
53), il fut nommé
pasteur à Genthod
(1853) et membre
du consistoire
(1859-1871); il
représenta l'Église
protestante de Ge-
nève au synode de
Paris (1872) et aux
conférences de l'Al-
liance évangélique à
New-York (1873).
Ses principales pu-
blications, toutes de
l'ordre homéîitique, ont pour titre : Formulaire dHns-
truction chrétienne à V usage des catéchumènes (1856) ;
le Fils de V Homme (1866) ; la Vocation du chrétien
(1870) ; Homélies (deux séries, 1872-1874), pour la plu-
part traduits en anglais, en allemand, en hollandais, en
suédois, en russe. Ernest Strcbulin.
COULIS (Art culin.). Jus ou suc de viande obtenu par
une extrême cuisson, et représentant sous un petit volume
une grande quantité de matériaux nutritifs. Son principal
emploi est de donner aux potages et aux entremets de
légumes une saveur plus succulente. On en distingue plu-
sieurs sortes qui se préparent à peu près tous de la même
manière et qui ne diffèrent entre eux que par les éléments
qu'on y fait entrer : ce sont des coulis de viande proprement
dits, de perdrix, de crevettes, d'écrevisses, de homards, de
poissons. On les prépare en faisant cuire dans leur jus les
viandes ou les poissons assaisonnés, en ayant soin de
dégraisser souvent. La cuisson terminée, on les pile et on
les passe dans une passoire fine. La purée ainsi obtenue est
lice par une nouvelle cuisson après y avoir ajouté un peu
de bouillon concentré. Le coulis de viande se fait avec la
chair bien rouge et de bonne qualité des animaux adultes,
tels que le bœuf, le porc, le mouton, le chevreuil, etc., à
a, bouton de culasse ; 5, coin de
axe des bras ; e, cheville-support des
sous-bandes.
laquelle on peut joindre celle d'un gibier quelconque. Le
coulis de gibier à plumes se nomme salmis. Quand on
emploie les crevettes, les écrevisses ou les homards, il faut
d'abord leur enlever les pattes, les queues et la nageoire du
milieu, ainsi que le boyau noir qui y est attaché quand il
s'agit d'écre visses. Après la cuisson, on les pile avec un peu
de beurre, et la pâte qui en résulte est mise à bouillir dans
une casserole, puis passée au tamis ou à la passoire. On
prépare de même les coulis de poisson en joignant à la
première cuisson des carottes et des oignons coupés par
tranches, et en employant indifféremment des poissons de
mer ou d'eau douce bien frais, des cuisses de grenouilles,
des moules avec leur eau, etc., etc. — On fait enfin des
coulis avec des consommés très succulents, assaisonnés de
légumes et d'herbes que l'on conserve par le procédé Appert.
— Si l'on veut servir le coulis avec un potage, on le fait
bouillir dans un peu de bouillon gras, des croûtons en purée
ou de la semoule : il devient ainsi ce que l'on nomme une
bisque» — Les Japonais et les Chinois préparent un coulis
appelé soi ou soui, que les Hollandais exportent d'Asie et
dont ils font grand cas. C'est un extrait de jambon et de
perdrix relevé de sel et d'épices. Renfermé dans des bou-
teilles hermétiquement fermées, il peut se conserver très
longtemps. — Les coulis ont la propriété d'exciter l'ap-
pétit, de faciliter la digestion des autres aliments et de
nourrir en fortifiant.
COU LISSE. L Technologie.— Généralement rainure dans
laquelle on fait glisser une pièce mobile, châssis, fenêtre, etc.
Les fumistes appellent coulisse la petite porte pratiquée dans
la grande porte d'un poêle ; les serruriers nomment ainsi
le bouton placé sur la cloison d'une serrure et qui sert à
en ouvrir le demi-tour. En typographie, c'est la planche
de bois mince ou plaque de métal mobile dans les rainures
de la galée et dont on se sert pour faire couler sur le
marbre une page trop lourde pour qu'on puisse l'enlever
avec les doigts ; on la nomme aussi coulisse de galée. L. K.
IL Musique. — Instruments à coulisse (V. Trombone,
Trompette).
IIL Chemin de fer (V. Locomotive).
IV. Art héraldique. — On appelle coulisse la herse
placée à la porte d'un château ou d'une tour.
V. Théâtre (V. ThéAtre).
VI. Finance. — On peut définir la coulisse : une bourse
en dehors de la bourse officielle, où des intermédiaires
sans mandat légal font des négociations de valeurs cotées
seulement en banque, et, malgré le privilège reconnu aux
agents de change par l'art. 76 du C. de com., opèrent
également sur les rentes et valeurs officiellement cotées.
L'origine de la coulisse remonte à peu près à l'organisation
de la compagnie privilégiée des agents de change et de
banque; on trouve en 4709 et i7!20 des déclarations et
ordonnances relatives à des courtiers marrons ; la liberté
du courtage, proclamée en 4791, les fait momentanément
disparaître, et c'est à la Restauration seulement qu'on voit
revenir les coulissiers. Ceux-ci étaient plutôt d'abord des
spéculateurs traitant directement avec les agents pour éviter
les courtages à payer; ils avaient l'habitude d'attendre les
agents dans le couloir qui, à la salle provisoire construite
sur le terrain du couvent des Filles-Saint-Thomas, les con-
duisait de leur cabinet à la corbeille. Comme ces spécula-
teurs s'accoudaient sur une balustrade à coulisse qui fai-
sait barrière, le nom de coulissiers leur fut donné, et leur
réunion fut appelée la coulisse. Tout d'abord, on ne s'oc-
cupa là que de rentes françaises ; plus tard, on y fit la
négociation d'actions de chemins de fer, surtout lors de la
création des premières compagnies. Depuis longtemps les
coulissiers servaient d'intermédiaires; un cercle s'était
formé, où l'admission était précédée de quinze jours d'affi-
chage, le vote ayant Heu au scrutin secret; un conseil
d'administration veillait scrupuleusement au maintien des
règlements. Une ordonnance du préfet de police, du 4^^'déc.
4850, vint dissoudre ce cercle, et les affaires de coulisse
recommencèrent à se traiter sans organisation sérieuse.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XÏII.
) — COULIS — COULOBRES
Quelques années plus tard, et grâce à l'organisation en
syndicats, les deux coulisses des rentes et des valeurs
avaient repris leur importance ; c'est alors que le procès
intenté par les agents de change vint, et pour plusieurs
années, empêcher toute affaire de ce genre. Sur la plainte
des agents de change, vingt-six personnes furent condam-
nées par la police correctionnelle à une amende de 40,500 fr.
pour chacune, et ce malgré leur honorabilité entièrement
reconnue, et sans nier les services qu'ils rendaient par leurs
opérations journalières. Pour les remplacer, les agents de
change apportèrent diverses réformes à leur organisation,
mais par la force même des choses, et comme conséquence
de l'accroissement formidable des opérations de bourse, la
coulisse s'est rétablie et fonctionne toujours, divisée en
coulisse des rentes, coulisse des valeurs et couUsse des
petites valeurs. Les deux premières sont complètement
organisées, tandis que la couHsse des petites valeurs, dite
également coulisse du comptant, a un caractère moins net-
tement défini. La coulisse des rentes s'occupe exclusive-
ment de négociations à terme sur les rentes françaises,
sans livraisons de titres qui doivent être levés par l'inter-
médiaire des agents de change. La coulisse des valeurs,
plus importante, s'occupe surtout des affaires en fonds
étrangers, qui peuvent donner lieu à des arbitrages. Les
maisons qui la composent se divisent en maisons à la feuille,
c.-à-d. compensant entre elles, et en maisons hors feuilles^
pour lesquelles la compensation n'est pas admise. Certaines
de ces maisons ont un capital de plusieurs miUions, et
c'est par leur intermédiaire que se négocient toutes les
grosses affaires sur les valeurs internationales. Les agents
de change eux-mêmes, oubliant l'article du code qui con-
sacre leur monopole, s'adressent sans hésiter à ces mai-
sons pour toutes les opérations sur valeurs en banque.
La réponse des primes se fait le même jour en couhsse et
auparguet, mais la liquidation, qui a toujours lieu à la fin
du mois (on ne fait pas d'affaires au 45), ne comprend que
quatre jours, les 4^^ et 2, et les 4 et 5 de chaque mois,
le troisième jour étant considéré comme jour de repos. En
dehors des primes en usage au parquet, on fait aussi en
coulisse des petites primes^ qui se traitent d'un jour à
l'autre, et dont la réponse a lieu journellement à deux
heures. G. François.
COULISSEAU (Techn.). Les serruriers nomment cou-
lisseau le mouvement de tirage monté sur platine, qui sert
à faire mouvoir une sonnette. On distingue : le coulisseau
à policier, qui glisse dans deux anneaux fixés sur la pla-
tine ; le coulisseau à pompe, dont la tige est ronde ou
carrée; \çi coulisseau a bascule^ qui se manœuvre au moyen
d'un anneau et qui est ordinairement monté en marbre ;
le coulisseau de crémone, sorte de petite boîte fixée par
deux vis sur l'un des montants du milieu d'une croisée et
dans laquelle glisse la tige d'une crémone. L. K.
COULISSIER (V. Coulisse [Finance]).
COULLEMELLE. Com. du dép. de la Somme, arr. de
Montdidier, cant. d'Ailly-sur-Noye ; 376 hab.
COULLEMONT. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr.
de Saint-Pol-sur-Ternoise , cant. d'Avesnes-Ie-Comte ;
494 hab.
COU LIONS. Com. du dép. du Loiret, arr. et cant. de
Gien, sur la Théone, affl. de la Loire; 2,847 hab.
COULMER. Com. du dép. de l'Orne, arr. d'Argentan,
cant. de Gacé; 465 hab.
COULMIER-le-Sec. Com. du dép. de la Côte-d'Or,
arr. et cant. de Châtillon-sur-Seine ; 543 hab.
COULMIERS. Com. du dép. du Loiret, arr. d'Orléans,
cant. de Meung-sur-Loire ; 394 hab. Le 9 nov. 4870,
le 4^'' corps d'armée bavarois, commandé par von derTann,
y fut battu par l'armée de la Loire commandée par d'Au-
relles de Paladines. Le résultat fut la reprise d'Orléans
par les Français. On trouvera des détails sur cette bataille
au mot Loire (Armée et Campagne de la) .
COULOBRES. Com. du dép, de l'Hérault, arr. de
Béziers, cant. de Servian ; 155 hab.
COULOGNE — COULON
- 80 -
COULOGNE. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr. de
Boulogne-sur-Mer, cant. de Calais; 1,267 hab.
COULOIR. I. Architecture (V. Corridor).
IL Egyptologïe (V. Crypte).
ni. Technologie. — On donne le nom de couloir à une
machine servant à la fabrication du béton. C'est une
caisse rectangulaire en bois, de 2^^50 de haut sur 1 m,
de section, munie à l'intérieur de trois à cinq plans alter-
nativement inclinés en sens inverse ; on y jette par le haut
pêle-mêle les cailloux et le mortier, qui se mélangent sur
les plans inclinés pour former le béton évacué par une
ouverture située à la partie inférieure. Aujourd'hui, cet
appareil est souvent remplacé par le couloir cylindrique en
tôle, de Schlosser, de 2"^o0 à 3 m. de hauteur et O'^ôO
de diamètre. A l'intérieur, des croisillons en fer, placés
dans des sens différents, remplissent le même rôle que les
plans inclinés dans le couloir rectangulaire. L. K.
COULOISY. Com. du dép. de TOise, arr, de Compiègne,
cant. d'Attichy; 447 hab.
COULOMB (Unité électrique). On appelle coulomb la
quantité d'électricité qui passe par seconde dans un cou-
rant lorsque l'intensité est égale à un ampère (V. ce mot).
COULOMB (Charles-Augustin), physicien français, né à
Angoulème le 11 juin 1736, mort à Paris le 23 citl806.
Issu d'une famille de magistrats, il fut d'abord ingénieur et
envoyé à ce titre à la Martinique pour y construire le fort
Bourbon. Sa santé se ressentit de l'influence du climat et
il rentra en France après quelques années. On l'envoya à
Hochefort où il écinvit sa théorie des machines simples qui
lui valut un prix double offert par l'Académie des sciences
pour le meilleur mémoire écrit sur ce sujet. Il alla ensuite
à l'île à\ih et à Cherbourg exécuter certains travaux
du génie. Il fut reçu à l'unanimité à l'Académie des sciences.
La Révolution de 1789 letrouva intendant des eaux et fon-
taines de France, conservateur des plans et reliefs, cheva-
lier de Saint-Louis et lieutenant-colonel du génie. Coulomb
donna sa démission de toutes ces places et se consacra alors
à l'éducation do ses enfants. Durant tout ce temps, il avait
présenté à l'Académie des sciences une série de notes sur
des sujets très divers. C'est, en 1776, un mémoire sur la
stabilité des voûtes, puis des expériences sur l'élasticité des
métaux qui le conduisirent non seulement à déterminer les
lois do la torsion des fils métalliques, mais à imaginer un
appareil d'une sensibilité extrême pour la mesure des
petites forces, la balance de torsion. Aujourd'hui encore un
grand nombre d'appareils destinés surtout à la mesure de
l'électricité sont tondes sur l'emploi de la torsion. C'est
avec cet appareil ingénieux qu'il découvrit les lois des
attractions et des répulsions électriques, qu'il montra que
les corps électrisés s'attirent en raison inverse du carré de
leurs distances, comme les corps célestes. Il étudia aussi
avec cet appareil la distribution de Lélectricité et du
magnétisme dans les corps. Ces expériences ont la plus
grande importance ; c'étaient les premières mesures précises
que l'on obtenait relativement à ces phénomènes. Ce sont
les nombres de cet illustre savant qui ont permis à
Poisson de transformer en théorie mathématique ce qui
n'était auparavant qu'un ensemble de faits observés au
hasard, sans lien apparent. Coulomb fut nommé membre
de l'Institut lors de la création de cette compagnie, puis
inspecteur général de l'instruction pubHque. « tous ceux
qui ont connu Coulomb, écrit Biot, savent combien la gra-
vité de son caractère était tempérée par la douceur de son
âme et ceux qui ont eu le bonheur d'approcher de lui à
leur entrée dans la carrière des sciences ont gardé de sa
bienveillance le plus tendre souvenir. » A. Joânnis.
Balance de Coulomb (V. Balance, t. V, p. 57).
COULOMBIERS. Com. du dép. de la Sartho, arr. de
Mamers, cant. de Bcaumont-sur-Sarthe ; 805 hab.
COULOMBIERS. Com. du dép. de la Vienne, arr. de
Poitiers, cant. de Lusignan; 786 hab.
GOULOiVlBS. Com. du dép. du Calvados, arr. de Caen,
cant. de CreuUy; 215 hab.
COULOMBS. Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. de
Dreux, cant. de Nogent-le-Roi ; 691 hab.
COULOMBS. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr. de
Meaux, cant. de Lizy-sur-Ourcq ; 501 hab.
COULOMMES. Com. du dép. de la Marne, arr. de
Reims, cant. de Ville-en-Tardenois ; 185 hab.
COULOMMES. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr.
de Meaux, cant. de Crécy; 345 hab.
COULOMMES-et-Marqueny. Com. du dép. des Ar-
dennes, arr. de Vouziers, cant. d'Attigny; 297 hab.
COULOMMIERS. Com. du dép. de Loir-et-Cher, arr.
de Vendôme, cant. de Selommes; 439 hab.
COULOMMIERS {Colmnbariœ), Ch.-l. d'arr. du dép.
de Seine-et-Marne, sur le Grand Morin ; 6,218 hab. Stat.
du chem. de fer de l'Est. On ignore l'origine de cette
ville qui, en 1231, était assez importante pour obtenir de
Thibaut IV, comte de Champagne, une charte d'affranchis-
sement. Il y est dit que la ville sera administrée par treize
prud'hommes dont l'un aura le titre de mayeur. Son his-
toire n'offre pas cependant d'événements considérables.
Coulommiers était jadis fortifiée et eut, par suite, à subir
plusieurs sièges, du xiv® au xvi® siècle. Sa prospérité
actuelle est due à la richesse de la région où elle est située
et surtout au commerce des fromages qui portent son nom.
Sur une des places de la ville on remarque la statue de
Beaurepaire (V. ce nom), l'héroïque défenseur de Verdun,
né à Coulommiers en 1740. L'église date en partie du
xiii® siècle, mais elle n'offre pas grand intérêt. Il ne reste
plus guère que les fossés du château que la duchesse de
Longueville avait fait construire à Coulommiers au com-
mencement du xvii® siècle. -
BiBL. : Rouget, Notice historique sur la ville de Cou--
lommiers, 1829, in-8. — Michelin, Essais historiques sur
le dép. de Seine-et-Marne., 1829-1843, 7 vol. in-8. — Dauver-
GNK. Etudes hist. et archéol. sur la ville de Coulommiers.,
1868, in-8, et les ouvrages généraux sur la Champagne et la
Brie.
COULOMP. Torrent des Basses- Alpes, sous-affluent du
Var par la Voire, r. g., prend sa source au S. du Grand
Gouyer, coule dans la direction du N.~E. au S.-O., passe
près d'Argenton et se jette dans la Voire en aval d'Annot.
COULON. Rivière des Basses-Alpes et Vaucluse (V. Câ-
lavon) .
COULON. Com. du dép. des Deux-Sèvres, arr. et cant.
(f) de Niort; 1,749 hab. A 11 kil. 0. de Niort, sur la
Sèvre Niortaise. Stat. du ch, de fer de la Possonnière à
Niort. La voie romaine de Saintes à Coulon traversait la
Sèvre au gué de Malvault. On a trouvé à Ccudon beaucoup
d'antiquités gauloises et romaines.
COULON. Nom d'une famille de danseurs qui pendant
de longues années firent partie du personnel chorégraphique
de l'Opéra. Dès 1778, une demoiselle Coulon entrait à ce
théâtre en quahté de coryphée de la danse, s'y faisait
remarquer, et devenait « danseuse seule en double et en
remplacement », jusqu'en 1802, époque de sa retraite.
Elle dansait surtout le genre comique. — En 1787, le frère
de cette artiste entrait à son tour dans la danse de l'Opéra;
de 1808 jusqu'à 1830 il dirigea une des classes de danse
de ce théâtre, et s'y fit une grande réputation. — Son fils, né
à Paris le 21 juil. 1796, débuta d'une façon très brillante
à rOpéra le 19 avr. 1816, par le rôle de Paul dans le bal-
let de Paul et Virginie. Immédiatement classé parmi les
sujets, il devint «premier » le l^^^'avr. 1823, fut rapide-
ment l'un des favoris du pubHc. Chaque année, au moment
de son congé, il était appelé k Londres, où ses succès
n'étaient pas moins vifs qu'à Paris. Coulon fils était un
danseur de demi-caractère, dont on vantait la grâce et la
légèreté en même temps que la vivacité et l'énergie. Il no
semble pas s'être jamais fait remarquer dans la pantomime.
Son nom disparaît des listes du personnel de l'Opéra, ainsi
que celui de son père, aux environs de 1830. Il avait
épousé une fille de Huet, l'acteur de l'Opéra-Comique. —
Enfin, deux soeurs de cet artiste ont appartenu à ce théâtre,
où elles se trouvaient dès 1810, et où l'une était encore
u -
COtîLON — COULUllE
vers i 830, mais ni Tune lii l'autre ne sortit jamais de l'obs-
curité du corps de ballet.
COULON m Thévenot (Jean-Félicité), inventeur de la
tachygraphie, né près de Toulouse en 4754, mort dans les
environs de Dresde en 4813. Il publia sur son système
d'écriture abréviative : Discours à t Académie des sciences
sur un moyen mécanique de perfectionner l'art
d'écrire (1776, in-4); l'Art d'écrire réduit en parallé-
logrammes rectangles et non rectangles (4778, in~8);
la Tachygraphie ou l'art d'écrire aussi vite qu'on parle
(Paris, 4778) ; Tableau tac hy graphique ou moyen d'ap-
prendre de soi-même à écrire aussi vite que la parole
(4^° édit., 4779; 2« édit., 4783). Coulon de Thévenot
reçut le brevet et le titre officiel de tachygraphe du roi,
mais ne paraît pas avoir su ni même voulu profiter des
occasions qui s'offraient naturellement à lui, en 4789,
d'appliquer son système d'écriture abréviative à la re-
production des débats de l'Assemblée constituante. Il
fut successivement secrétaire d'état-major de la garde
nationale de Paris (4785-1794), secrétaire militaire du
général La Fayette à l'armée du Nord (4792). Entré dans
î'intendance des armées de l'Empire, il se trouva mêlé aux
désastres de la retraite de Russie. Blessé et fait prisonnier
après la bataille de Leipzig, il fut interné à Dresde, puis,
forcé d'en sortir à la suite de la capitulation de cette
ville, il tomba dans un parti de Cosaques qui le dépouillè-
rent de ses vêtements et mourut de froid et d'épuisement.
C. Lagache.
COU LONGES. Com. du dép. du Calvados, arr. et cant.
de Vire; 826 hab.
COULONCES. Com. du dép. de l'Orne, arr. d'Argentan,
cant. de Trun; 226 liab.
GOULONCHE (La). Com. du dép. de l'Orne, arr. de
Domfront, cant, de Messe; 4,475 liab.
COU LONGÉ. Com. du dép. de la Sartlie, arr. de La
Flèche, cant. de Mayet; 835 liab. Eglise du xii^ siècle avec
sculptures romanes.
COU LONGES. Com. du dép. de la Charente, arr. d'An-
goulême, cant. de Saint-Amand-de-Boixe ; 236 hab.
COU LONGES. Com, du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. de Saintes, cant. de Pons; 384 hab.
COU LONGES. Com. du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. de Samt-Jean-d'Angely, cant. de Saint -Savinien;
206 hab.
COULONGES. Com. du dép. de l'Eure, arr. d'Evreux,
cant. de Damville; 284 hab.
COULONGES. Com. du dép.^ de la Vienne, arr. de
Montmorillon, cant. de La Trimouille, sur des colhnes do-
minant la Benaize ; 833 hab. Eglise du xv^ siècle. Sur la
place, orme magnifique que la tradition fait remonter au
temps de Sully.
COULON 6 ES-en-Târdenois. Com. du dép. de l'Aisne,
arr. de Château -Thierry, cant. de Fère-en-Tardenois;
556 hab. •
COU LONG ES -LES -Sablons. Com. du dép. de l'Orne,
arr. de Mortagne, cant. de Remalard; 844 han.
COULON G ÈS-sur-l'Autize. Ch.-l. de cant. du dép.
des Deux-Sèvres, arr. de Niort; 2,330 hab. Appelé
autrefois Coulonges-les-Royaux, Coulonges-sur-FAutizo
est bâti sur un plateau de 83 m. d'alt., à 4 kil. de la rive
dr. de l'Autize, affl. dr. de la Sèvre Niortaise. Stat. de la
ligne de ch. de fer de la Possonnière à Niort. Commerce de
bois de merrain, de vins et d'étoffes de laine dites bor-
langes. Louis XI en fit raser la forteresse en 4471. Châ-
teau de la Renaissance bâti en 4544 par Louis d'Estissac
et servant de gendarmerie et de maison d'école.
COULON G ÊS-sur-Sarthe. Com. du dép. de FOrne, arr.
d'Alençon, cant. du Mesle; 429 hab.
COULONGES-Thouarsâis. Com. du dép. des Deux-
Sèvres, arr. de Bressuire, cant. de Saint- Varent; 720 hab.
COULONIA (V. Astéries [Paléont.]).
GOULONVILLERS. Com. du dép. de la Somme, arr.
d'Abbeville, cant. d'Ailly-le-Haut-Clocher ; 358 hab.
COULOUGLIS. Mot turc employé dans Fancienne ré-
gence d'Alger pour désigner les enfants issus des mariages
contractés par les soldats turcs avec des femmes indigènes.
Malgré le sang turc qui coulait dans leurs veines, les Cou-
louglis n'étaient point admis à faire partie de la milice
algérienne, et, par suite, à concourir à la direction des
affaires. A diverses reprises ils essayèrent de réagir contre
cet ostracisme, mais en dépit de leurs efforts ils furent tou-
jours exclus du divan et quand ils voulurent s'imposer par
la force, ils furent durement châtiés par les pachas qui les
traitèrent avec la plus grande cruauté. Depuis la conquête
française, les Couloughs se sont confondus peu à peu avec
le reste de la population musulmane et c'est à peine si
aujourd'hui on les distingue de leurs coreligionnaires de
race indigène avec lesquels ils sont parfois cependant restés
en état de sourde hostilité. On ne les trouve jamais que
dans les villes où ils recherchent volontiers les fonctions
subalternes de chaouchs ou garçons de bureaux; ils
s'adonnent encore à l'industrie ou au commerce, jamais à
l'agriculture. Alger et Tlemcen surtout sont les deux villes
oh l'on trouve le plus grand nombre de Couloughs.
COULOUMÉ-MoNDEBAT. Com. du dép. du Gers, arr. de
Mirande, cant. de Plaisance; 765 hab.
COULOUNIEIX. Com. du dép. de la Dordogne, arr. et
cant. de Périgueux; 4,333 hab.
COULOURS. Com. du dép. de l'Yonne, arr. de Joigny,
cant. de Cerisiers; 489 hab.
COU LOUTRE. Com. du dép. de la Nièvre, arr. de Cosne^
cant. deDonzy; 837 hab.
COULOUVRAY-Bois-Benattre. Com. du dép. de la
Manche, arr. de Mortain, cant. de Saint-Pois; 4,337 hab.
GOULPE (Théol.) (V. Péché).
COULURE. I. Viticulture. — Sous le nom de coulure,
ou de Stérihté, Vignes folles, Coulards, AvaHdouïres, Dé-
flouraïres, Bastardume,Millerandage,Millerand,on réunit les
résultats de plusieurs causes dont Feffet final est Favorte-
ment des fruits, qui a lieu au moment de la floraison ou
peu après. Les grains peuvent nouer en effet, mais ne pas
grossir ensuite; on a donné plus spécialement à ce dernier
cas le nom de Milleran ou Millerand. — La coulure peut
être inhérente au
cépage ; elle est
due à une consti-
tution anormale
des fleurs ; c'est
ce que l'on dési-
gne sous les noms
de Chloranthie, Vi-
fnes avalidouïres,
ignés coulardes,
Vignes déflouraïres. Dans les fleurs normales de vigne
(fig. 4), les cinq pétales de la corolle restent toujours soudés
à leur sommet; lorsque la floraison a lieu, ils se détachent
seulement par leur base d'insertion sur le réceptacle et
forment ainsi capuchon. On admet, d'une façon générale,
que la fécondation se produit avant que la corolle ne soit
Fig. 1. — Fleur
normale.
Fig. 2. — Fleur
mâle.
^ -Fleur ou-
"verte en étoile.
Fig. L — - Fleur dont les
pistils sont dévelop-
pés en feuilles car-
pellaires.
tombée. Au moment où les pétales se détachent, le capu-
chon serait rabaissé vers le pistil et appliquerait sur lui les
étamines ; la déhiscence des anthères se produirait alors et
le pollen se déposerait sur les stigmates. Si la corolle s'ouvre
COULURE — COUMARINE
52
en étoile (fig. 3), les pétales se séparant par leur sommet et
non par leur insertion, il n'y a pas fécondation, car la fleur
est mal organisée. La coulure est constante lorsque les
ovaires avortent ou sont rudimentaires quoique les étamines
soient normalement constituées; c'est le cas des pieds
mâles (fig. 2) , si fréquent pour les vignes sauvages. La
coulure est accidentelle si les étamines sont rudimentaires
(fleurs femelles) ou beaucoup plus courtes que l'ovaire ;
elle peut cependant avoir lieu par le transport des grains
de pollen des autres fleurs sur les ovaires normalement
constitués. ïl est des cas où les ovaires sont mal organisés,
sans que rien ne trahisse ce défaut au dehors. Les ovaires
présentent des cas de Chloranthie (fig. 4) comme les éta-
mines. La sélection des boutures peut seule transformer
les cépages qui sont atteints de coulure constitutionnelle.
Les cas de transformation des organes reproducteurs mâles
ou femelles en feuilles staminales ou carpellaires se pro-
duisent pour les Vignes folles ; l'excès de vigueur en est
la cause. On y remédie par l'augmentation du nombre de
coursons ou par leur élongation à la taille, par le pince-
ment, l'arcure... Inversement, la coulure peut tenir à une
faiblesse excessive de la plante. Les fleurs ne se déve-
loppent pas ou sèchent dès leur sortie du bourgeon. Le
Millerand dépendrait le plus souvent de la faiblesse des
ceps; il peut aussi être provoqué par des intempéries. On
l'observe sur des vignes épuisées par des excès de fruc-
tification, par l'action des parasites, par la pauvreté du
sol, le manque de soins de culture, sur les greffes mal
soudées, etc. Les raisins millerandés sont lâches et entre-
mêlés d'un grand nombre de grains à divers états de
développement; certains ne sont pas plus gros que la tête
d'une épingle et restent verts; d'autres atteignent la
moitié de la grosseur normale, mais n'ont qu'une maturité
imparfaite; enfin quelques-uns arrivent à maturité.
La coulure est souvent le résultat de mauvaises condi-
tions atmosphériques au moment de la floraison. La chaleur
n'est pas suffisante pour l'acte de la fécondation, soit qu'il
y ait un abaissement général de température ou qu'il se
produise des vents froids ou des pluies froides. Les vents
secs amènent la coulure en desséchant le stigmate. Les
brouillards ou les pluies sont une des causes les plus com-
munes de coulure; les pluies ou la rosée entrament les
grains de pollen en dehors du stigmate; ceux-ci, germant
partout où ils sont transportés, périssent bientôt. Los
soufrages, donnés au moment de la floraison, sont un des
meilleurs moyens pour combattre la coulure. On y porte
aussi remède par le pincement, le rognage, l'iucision
annulaire. Ce dernier procédé consiste à séparer immédia-
tement au-dessous du dernier raisin, ou sur les porteurs,
une lanière d'écorcc de quelques millimètres de largeur et
qui va, en profondeur, jusqu'au bois. On intercepte ainsi
la communication des vaisseaux grillagés du Hber qui font
cheminer les matériaux élaborés , que l'on force par suite
à se concentrer dans les fruits en plus grande quantité.
Ce système a rendu de très grands services dans les
palus de la Gironde, pour les Malbecs ou Cots, qui coulent
très fréquemment. P. Vf a la.
IL Céramique (V. Coulage).
COULVAIN. Com. du dép. du Calvados, arr. de Vire,
cant. d'x4ulnay-sur-0don ; 360 hab.
COULVIER-Grâvier (René-Amand) , météorologiste
français, né à Reims le 28 févr. 4802, mort à Paris le
il févr. 1868. Fils d'un riche commissionnaire de rou-
lage, il fit ses études au lycée de sa ville natale et exerça
fructueusement pendant une vingtaine d'années la profes-
sion paternelle, tout en s'appliquant à l'observation du
ciel. Vers 1833, il crut avoir aperçu une relation entre
la direction des étoiles filantes et les variations atmosphé-
riques. Venu à Paris en 1841, il obtint, six ans plus tard,
du gouvernement l'autorisation d'établir sur une plate-
forme du palais du Luxembourg un petit observatoire mé-
téorologique d'où il ne cessa dès lors de poursuivre ses
recherches sur les météores lumineux ; une subvention lui
fut presque annuellement allouée' à cet effet, malgré la vive
opposition de Le Verrier. Outre une quarantaine de mé-
moires sur les étoiles filantes insérés dans les Annales de
chimie (1844-67) et dans les Comptes rendus de V Aca-
démie des sciences (1849-61) et une série de Lettres
dans le journal V Europe (1868), il a écrit : Recherches
sur les étoiles filantes^ en collab. avec Saigey (Paris,
1847, in~8) ; Catalogue des globes filants observés de
i84i à iS59 (Paris, 1853 et 1859, 2 vol. in-4); Re-
cherches sur les météores et les lois qui les régissent
(Paris, 1859, in-8) ; Météorologie^ les Etoiles filantes
(Paris, 1864, in-8). L. S.
BiBL. : Les Mondes, 1868, t. XVI, p. 342. — L. Figuier,
l'Année scientif. et indiistr.; Paris, 1868, p. 491.
COULX. Com, du dép. de Lot-et-Garonne, arr. deMar-
mande, cant, de Caltelmoron ; 632 hab.
COUMARINE. L Chimie. — Formules •
Equiv... C^sRW
Atom.... C^HW^.
La coumarine est l'anhydride de l'acide orthocoumarique,
Cisjjsoe;
Ci8H«00 — H^O^ — CisR^O^.
Elle existe dans beaucoup de végétaux, tantôt libre,
tantôt combinée : la fève de Tonksi{Coumarouna odorata),
l'aspérule odorante (A. odorata) ^ les feuilles de faham
(Angrœcum f7'agr ans), le mèlilot {Melilotus officinalis),
la flouve [Anihoxanthmn odoratum L.), etc. Pour la
préparer, on épuise par de l'alcool à 90° les fèves de
Tonka, et on purifie par des cristaUisations répétées les
cristaux qui se déposent par concentration de la Hqueur
alcoolique. Perkin l'a obtenue synlhétiquement en faisant
réagir 1 anhydride acétique sur l'aldéhyde salicylique sodé,
d'où résulte de l'aldéhyde acétosahcylique, C^m^(C''R'^0^)0^',
qui se transforme en coumarine par perte d'une molécule
d'eau :
Ci4}i4 (CTI-^O^) 0-2 — H^O'- = CiSR^O^.
On l'obtient encore en déshydratant indirectement l'acide
o-coumarique, par exemple en chauffant l'acide acétyl-o-
coumarique au-dessus de son point de fusion :
Cm^ {CM^O^) 04 =:= C'^H^O'* -4- C^Hm\
Ce dernier moyen est employé dans l'industrie pour pré-
parer la coumarine utilisée en parfumerie, l'acide acétylé
étant produit au moyen de l'aldéhyde salicylique (Ticmann
et Herzfeld). La coumarine cristallise en prismes ortho-
rhombiques, incolores, doués d'une odeur aromatique fort
agréable. Elle fond à 67^ et passe à 290^-291^ en un liquide
incolore ; elle est peu soluble dans l'eau froide, davantage
dans l'eau bouillante, qui l'abandonne par le refroidisse-
ment en aiguilles très fines, d'une blancheur éclatante. Les
alcalis étendus la dissolvent, et les acides la précipitent
sans altération ; les alcalis concentrés l'hydratent à chaud
et la transforment en acide o-coumarique. En présence de
l'hydrogène naissant, elle fixe de l'eau et de l'hydrogène
pour le convertir en acide mcUloti(]ue, C^^iï'^0'\ L'acide
nitrique fumant la transforme en nitrocoumarine , C^^H^
(AzO"^) 0'^ ; elle fournit avec le chlore et le brome des pro-
duits de substitution. — La paracoumarine de Jobst et
Hesse est un isomère qui répond à l'acide p-oxybenzoïque ;
on la rencontre dans l'écorce de eoto (V. Cotoîne). On a
préparé synlhétiquement, d'après la méthode de Perkin, des
homologues de la coumarine : il suffit en effet de faire réa-
gir sur l'aldéhyde salicylique sodé, non l'anhydride acé-
tique, mais un autre anhydride : par exemple, on obtiendra
la coumarine propionique au moyen de l'anhydride pro-
pioniquc, etc. Ed. Bourgoin.
IL Physiologie. — A haute dose la coumarine est
toxique. D'après les expériences de Kôhler, ce serait surtout
un poison cardiaque, amenant, après l'introduction de doses
successives dans l'organisme, la paralysie définitive des
centres d'arrêt intra-cardiaques ; elle paralyserait aussi les
centres vaso-moteurs et respiratoires. A petite dose elle est
inoffensive; c'est elle qui communique à la fève de Tonka
COUMARINE — COUNANI
son odeur agréable ; c'est à elle qu*est dû Farome agréable
que Faspérule odorante, au moment de sa floraison, com-
munique aux liqueurs alcooliques ; les Allemands font infu-
ser les feuilles dans du vin blanc pendant une heure en-
viron, avec addition de sucre ; on obtient ainsi le Maitrank
on Maiwein si célèbre dans toute l'Allemagne. D"^ L. Hn.
BiBL. : Chimie. — Bjesecke^ Dérivés chlorés. Soc. Ch.^
t.XIV,312. — Delalakde, An. ch. et phys., t. VI, 345 (3).—
Herzfeldt et Tiemann, Dettes. Ch. Gesells..^ 1877, 63, 249,
283. — Perkin, Synthèse^ Journ. of the Ch Soc, t. VI, nouv.
série. — Swarts, Hydrogénation^ Soc. Ch.., t. IV, 332. —
Zwenger, Coumarine du mélilot^ Soc. Ch., t. 1, 145.
COUMARIQUES (Acides) (Cliim.).
,, , { Equiv... C^SH^O^
formules I ^^^^ ^ ^ çohsqs.
Les acides coumariques sont des acides oxycinnamiques,
ou acides-phénols.
1** Acide orthoeoumarique» Il a été préparé par Dela-
lande en faisant bouillir la coumarine avec une lessive con-
centrée de potasse ; il se fait du coumarate de potassium,
qu'on précipite par l'acide clilorhydrique, Tiemann et Herz-
feldt Font obtenu synthétiquement en combinant l'anhy-
dride acétique avec l'aldéhyde salicylique, ce qui donne un
acide acétylorthocoumarique, qu'on saponifie par les alca-
lis. L'acide o-coumarique cristaUise en prismes brillants,
fondant à 207^*, et pouvant être distillés sans décomposi-
tion. Il est soluble dans l'eau chaude et surtout dans
l'alcool, ainsi que dans les alcalis, auxquels il communique
une belle fluorescence verte. L'amalgame de sodium le
transforme en acide o-hydrocoumarique ou mélilotique :
Ci8HW_t-H2rr:ClW00G.
La potasse fondante le dédouble en acides acétique et
sahcylique :
Ci8H80'5 + 2KH0^ = Ci^^H^KO^ H- C^IFKO^ 4- H^.
Les coumarates ont pour formule C^^IFMO^. Le sel de
plomb est blanc, pulvérulent, insoluble dans l'eau. Le sel
d'argent est jaunâtre, également insoluble dans l'eau. Le
sel d'ammonium^ qui est fort soluble, ne précipite pas
par les sels de baryum.
2^ Acide par acoumarique. Il a été découvert par Hla-
siwetz en faisant bouillir avec de l'acide sulfurique une
solution concentrée d'aloès; l'éther l'enlève au produit de
la réaction, après séparation d'une matière résineuse. On
le purifie par des cristallisations répétées dans l'alcool
faible et dans l'eau bouillante. Il cristallise en petites
aiguilles brillantes, peu solubles dans l'eau froide, très
solubles dans l'alcool et dans l'éther. Il fond à 206°. Ses
propriétés chimiques sont analogues à celles de son iso-
mère ; l'hydrogène naissant le change en acide hydro-p-
couinarique, tandis que la potasse fondante le dédouble en
acides acétique et p-oxybenzoïque ; en sa qualité de phé-
nol-acide, il colore en brun le perchlorure de fer, et l'acide
azotique le convertit en acide picrique. Ed. Bourgoin.
BiBL : Bleitreu, Préparation, An. der Ch. und Ph..,
t. LIX, 177. — Delalande, An. ch. et phys., t. Vï, 345. —
Herzfeldt et Tiemann, Dents. Ch. Gesells., 1877, 63, 283.
— Hlasiwetz, Acide p-coumarique, Soc. Ch., 1. IV, 283.
— Malin, id., t. IX, 503. — Perkin, Homologues de l'acide
coumarique., Journ. Ch. Soc. of London, t. VI, 472. —
Zwenger, Hydrocoumarine, Soc. Ch., t. XIV, 451.
CO[}fûkï{QUn^(Coumarouna Aubl.) (Bot.). Genre de
plantes de la famille des Légumineuses-Papilionacées et du
groupe des Dalbergiées. L'espèce type, C. odorat a Aubl.
(Disteryx odorata Willd.), est un grand arbre, dont les
rameaux tortueux, étalés, sont garnis de grandes feuilles
alternes, composées de trois ou quatre paires de folioles
alternes. Les fleurs, d'un violet pourpre, sont réunies en
grappes composées. Le fruit, qui a la forme et la structure
d'une grosse amande, est un drupe ovoïde et plus ou moins
comprimé , de couleur jaunâtre , dont le noyau très épais
renferme une graine ovale oblongue, noirâtre, plus ou moins
ridée quand elle est sèche, et bien connue sous le nom de
fève Tonka. — Le C, odorata croît à la Guyane et abonde
surtout dans les forêts de Sinnamari. Son bois, d'un jaune
rosé et d'une dureté extrême, est employé aux mêmes usages
que le Gaïac; d'où son nom vulgaire de Gaïac de la
Guyane, On l'appelle également Bois de Coumarou. Ses
graines possèdent une odeur aromatique très agréable, due
à la présence de la Coumarine (V. ce mot), qu'on trouve
très souvent à l'état cristallin à là surface de l'embryon et
Coumarouna odorata Aubl. (rameau florifère
et fructifère).
dans l'intervalle des cotylédons. Les Galibis en font des
colliers. En France, on s'en sert pour parfumer le tabac à
priser. — Les fèves Tonka dites anglaises sont fournies
par le Coumarouna oppositifolia H. Bn. (Taralea oppo--
sitifolia Aubl.), qui croît également dans les grandes
forêts de la Guyane. Ed. Lef.
GOUMASSI. Capitale du royaume des Achanti (V. ce
mot) par 6«30Mat. N.et4« SOHong. 0, à 200 kil. N. de
Cape Coast Castle, sur un rocher granitique entouré de
marécages; 1 00,000 hab. environ. La ville a 6 kil. de cir-
conférence; à J kil. au N.-E., le faubourg sacré de Ban-
tama avec le palais royal iVAssasou', ce palais, bâti par des
architectes hollandais, a deux étages ; il est meublé à l'eu-
ropéenne, mais orné des dépouilles des ennemis ou des con-
damnés tués par ordre du roi. Les rues de la ville sont
larges et plantées d'arbres. Au centre est une vaste place
carrée qui sert de Bourse, de champ de manœuvres, de lieu
d'exécution; chac[ue semaine on y tient un marché. La
ville de Coumassi a été brûlée en 1874 par Wolseley, mais
s'est relevée rapidement.
BiBL. : Reade, Coomassi; Londres^ 1876.
COU M ES (Jules), ingénieur français, né le 14 août 1807,
mort à Paris le 5 déc. 1882. Il appartenait au corps des
ponts et chaussées, où il a rempH les fonctions d'inspecteur
général depuis 1865 jusqu'à son admission à la retraite
par limite d'âge, en 1872. Pendant sa carrière active, il a
été remarqué par les mesures prises dans le Bas-Rhin pour
la création de petits chemins de fer en se servant de la loi de
1836 sur les chemins vicinaux. Après sa retraite, il a été
administrateur du Crédit foncier. On a de Coumes une no-
tice sur des ponts flottants établis sur le Rhin, dans les
Annales des ponts et chaussées de 1858, des notes auto-
graphiées sur les conférences concernant la pisciculture
qu'il a faites à FEcole de son corps, et les Chemins de fer
vicinaux dans le dép, du Bas-Rhin (Strasbourg, 1865,
gr. in-8). M.-C. L.
COUMPTA. Ville de l'Inde, dans la présidence de Bom-
bay, 72^30^ long. E. et 14^40' lat. N., à20 kil. do Hona-
var, près d'une belle baie qui lui sert de port ; 1 1 ,000 hab .
Elle exporte beaucoup de coton.
COUNANL Village de l'Amérique du Sud, sur la rive
gauche du Counani, à 23 kil. delà mer, dans le territoire
contesté entre le Brésil et la France. Il comptait en 1886
une trentaine de maisons et environ 300 hab., Français et
Brésiliens, en grande partie anciens esclaves évadés, déser-
teurs et criminels. Ce village a commencé, dit-on, vers
COUNANÏ ^ COUP
^ 54
4860. En 1778, le gouverneur français de la Guyane avait
établi un poste près de l'einbouchure du Coanani. Il tut
évacué en 4794. (V. sur le Territoire contesté entre la
France et le Brésil le mot Brésil, t. Vil, § Limites^
pp. 1077, 4078.) — On a donné dernièrement en France
le nom de lerritoire de Counani à la contrée comprise
entre l'Oyapok, les monts Tumucumaque, le Carsevenne ou
Calcœne et l'Atlantique. Outre le village de Counani, on y
vovait en 1886 ceux de Cachipour (40 hab.), Courii^i
(470 hab.), Rocaoua (70 hab.) et Ouassa (70 hab.). La
ridicule tentative de la fondation d'une république indé-
pendante à Counani, en 1887 a attiré l'attention publique,
en France et au Brésil, sur ce territoire, dont les richesses
ont été fort exagérées. On a persuadé à un habitant de
Vanves, près de Paris, M. Jules Gros, qu'il avait été nommé
président de la « république de la Guyane indépendante ».
M. Gros forma, en conséquence, un conseil de gouverne-
ment siégeant à Paris, créa l'ordre de V Etoile de Counani
et commença à distribuer des emplois et des décorations à
des personnes qui n'avaient jamais visité ces parages. Mais
la France et le Brésil s'opposèrent à la continuation de
cette comédie, et VOfficiel français publia le 11 sept. 1887
une note déclarant que « la soi-disant répubHque couna-
nienne » constituerait une violation des droits de la Répu-
blique française et du Brésil. D'un autre côté, M. Gros
ayant voulu destituer un des ministres qu'il avait nommés,
celui-ci déclara le soi-disant président déchu de ses fonc-
tions, et forma un autre conseil de gouvernement siégeant,
comme le premier, à Paris. Depuis lors on n'a plus en-
tendu parler de cette petite affaire, qui a égayé pendant
quelques mois les journalistes français et brésiliens. R.-B.
COU N CIL Bluffs. Ville des Etats-Unis, Etat de lowa,
près de la rive gaucho du Missouri, en face de la ville de
Omaha. Centre très important de chemins de fer et notam-
ment des lignes qui rehent Chicago à l'Union Pacific et
de là à San Francisco. Un grand pont de fer traverse le
Missouri à un mille à l'O. de la ville; 21,557 hab. en
1885. ^ Aug. M.
GO UNIS (Salomon-Guillaume) , peintre suisse, né à
Genève en 1785. Après avoir fait ses premières études
artistiques dans sa ville natale, il vint à Paris et se plaça
sous la direction de Girodet. Il se consacra à la peinture
sur émail, et obtint bientôt une grande réputation dans
ce genre ; les portraits de différents membres de la famille
Bonaparte, qu'il exécuta en ^810, mirent le comble à sa
renommée. La princesse Elisa Baciocchi se l'attacha comme
peintre ordinaire, et il vint, à sa suite, s'étabHr à Flo-
rence. Parmi ses œuvres principales, on peut citer :
Galathée^ d'après Girodet, son chef-d'œuvre; les por-
traits de Madame de Staël, d'après Gérard (1819): de
Louis XVIII, d'après P. Guérin; du Duc et de la Du-
chesse de Berry^ du Comte de Forbin, Ad. T.
COUNOZOULS. Com. du dép, de l'Aude, arr.de Limoux,
cant. d'Axat ; 455 hab.
COUP. I. Armée. — De tout temps, les coups ont
fait partie des châtiments infligés aux soldats. Il n'a fallu
rien moins que la Révolution de 1789 pour débarrasser
définitivement l'armée française de ce genre de pénalité qui
existe encore dans plusieurs armées européennes. Nous
avions hérité cette coutume des Romains chez qui, on
le sait, le centurion était porteur d'un cep de vigne destiné
aux corrections manuelles qu'il infligeait lui-même à ses
légionnaires. Sous les Valois et jusqu'au temps de Louis XIV,
les coups de bâton se donnaient à l'aide du manche de la
hallebarde. Louis XIII en exempta les cavaliers, mais rem-
plaça pour eux les coups de bâton par des coups de plat
de sabre réputés moins infamants. Pendant le xviri® siècle,
si imbu d'idées libérales et si éclairé, ce genre de châti-
ment était tombé en désuétude, quand le comte de Saint-
Germain, m'nistre de la guerre, eut la fâcheuse idée de
remettre en vigueur les coups de plat de sabre. Cette mesure
d'un autre âge précipita sa chute et pèse encore aujourd'hui
sur sa mémoire.
II. Droit. -- Coups et blessures (V. Blessure, t. VI,
pp. 1 110 et suiv.).
III. Technologie. — Coup de feu. — - On nomme
coup de feu dans une chaudière à vapeur l'accident qui
se produit lorsqu'une partie des tôles du foyer se trouvent
soumises à l'action directe de la flamme, sans être baignées
sur leur face opposée par l'eau qui doit les maintenir à
une température relativement basse ; le métal s'échauffe
alors jusqu'à rougir : il subit une dilatation considérable
en même temps que sa résistance diminue : sous l'influence
de la pression qui s'exerce extérieureuient, la tôle s'infléchit
vers l'intérieur du foyer. Après qu'on a mis bas le feu
(s'il ne s'est pas produit de conséquences plus graves), on
trouve la paroi gondolée et colorée dans toute l'étendue
du coup de feu par une couche d'oxyde.
^ Tout coup de feu a pour conséquence forcée une dété-
rioration de la chaudière dont la forme est altérée, le mé-
tal fatigué et plus ou moins altéré chimiquement. Mais
lorsque le manque d'eau a duré un certain temps, si l'ac-
tivité du foyer était en même temps assez grande, le coup
de feu peut aboutir à la rupture de la paroi métallique, en
d'autres termes à l'explosion de la chaudière (V. Explo-
sion). Dans la construction des chaudières on prévoit tou-
jours le niveau de l'eau à une certaine hauteur au-dessus
des parties les plus élevées du foyer ; toutes les parois
latérales de la boîte à feu sont également entourées de
lames d'eau. Le manque d'eau ne peut se produire que par
la suppression, pendant un temps assez prolongé, de l'ali-
mentation, circonstance imputable à la négligence du con-
ducteur de l'appareil ; ou par une dénivellation qui à un
moment donné transporte vers l'extrémité opposée de la
chaudière une partie de la masse d'eau. On doit attribuer
à la première cause les coups de feu , trop souvent suivis
d'explosions, des machines agricoles, fréquemment livrées à
des agents sans aucune compétence. La dénivellation est
surtout à craindre dans les locomotives où les variations
du profil, et même la seule accélération du train, déter-
minent souvent une variation très prononcée et durable de
la hauteur d'eau de l'avant à l'arrière. De même, dans
les chaudières marines, l'action du vent, en mettant le
navire à la bande sur un bord ou sur l'autre, peut dé-
couvrir inopinément le ciel du foyer. Un soin vigilant est
nécessaire dans la conduite de ces appareils. La principale
garantie contre les coups de feu consiste dans l'observation
attentive des appareils indicateurs du niveau de l'eau,
tubes et robinets-jauges. Dans les chaudières à terre, on a
fait souvent usage d'un flotteur, dont l'abaissement au-
dessous d'une certaine limite fait jouer un sifflet d'alarme.
Pour les locomotives on emploie très efficacement le plomb
fusible, bouchon d'un faible diamètre, encastré dans une
douille vissée à la partie la plus haute du ciel du foyer :
en cas d'échauffement de la paroi, le bouchon fond avant
que la tôle ait atteint une température dangereuse : l'eau
à laquelle il donne passage éteint le feu et s'oppose aux
suites de l'accident, mais le train se trouve du même coup
en détresse.
La production d'un coup de feu ne suppose pas absolu-
ment que le niveau d'eau ait découvert les tôles du foyer. Il
peut arriver que par l'accumulation d'une grande épaisseur
des sédiments calcaires qui se déposent dans les chau-
dières en activité, la conductibilité des parois dimi-
nue beaucoup : alors, malgré la présence de l'eau, les tôles
peuvent atteindre une haute température; cet accident
s'aggrave si, par la dilatation même qu'éprouve la tôle,
une partie du tartre vient à se soulever d'abord, pui à se
détacher, amenant l'irruption de l'eau sur la tôle rougie...
Un grand nombre d'avaries et d'explosions de chaudières
paraissent devoir être attribuées à cette cause. On a cru
pouvoir expliquer un certain nombre d'accidents dans les-
quels ni le manque d'eau, ni les incrustations ne paraissent
être en cause, par la formation, en certains endroits, de
poches de vapeur, capables de jouer, au point de vue de la
conductibihté, un rôle analogue à celui des dépôts calcaires.
€ette question est encore assez obscure. Toutefois, on doit
toujours s'attacher, dans la construction des chaudières,
à assurer le dégagement facile de la vapeur formée dans
toute la région du loyer. Partout où ce dégagement est plus
ou moins entravé, la pression et la température subissent
un accroissement local, en même temps que la conducti-
bilité de la masse fluide diminue ; cet ensemble de circons-
tances favorise réchauffement partiel et par suite la fatigue
des tôles du foyer et des plaques tubulaires. E. DEsnourrs,
Coup de piston (V. Piston).
IV. Hydraulique. — Coup de bélier.— Le choc produit
par un arrêt brusque de l'écoulement de l'eau dans une con-
duite et qu'on appelle coup de bélier^ peut avoir pour consé-
quence la rupture de la conduite ; il convient donc de l'éviter.
On y arrive le plus souvent au moyen de dispositions qui
obligent à ne fermer les orifices que d'une façon lente ou
graduelle. A ce point de vue, par exemple, les robinets à
vis doivent être préférés aux robinets à boisseau. Le coup
de bélier peut aussi être la conséquence de l'accumulation,
dans les conduites, d'une certaine quantité d'air qui
s'échappe brusquement. Il est utile alors, pour en éviter
les inconvénients, de munir les conduites de soupapes de
sûreté qui livrent passage à l'eau dès que sa pression dé-
passe la pression normale d'une quantité déterminée.
Lorsqu'il s'agit de conduites de petit diamètre, on laisse
simplement, au-dessus de chaque orifice d'écoulement, un
bout de tuyau vertical, communiquant avec la conduite,
fermé à sa partie supérieure et constituant urt petit ré-
servoir d'air dont le ressort suffit pour amortir le coup
de bélier, à la condition, toutefois, qu'il soit effectivement
rempli d'air, ce dont il est difficile de s'assurer. Aussi,
cette disposition, bien qu'elle doive toujours être recom-
mandée et adoptée lorsque c'est possible, doit-elle être,
en général, complétée par d'autres présentant plus de ga-
ranties.
V. Médecine. — Coup de chaleur. — Le coup de cha-
leur est une maladie générale qu'il ne faut pas confondre
mQQ.hcoup de soleil (érythème solaire, brûlure au premier
degré). Observé dans presque tous les pays chauds, sur-
tout dans l'Inde (heat-apoplexy), et dans les climats
tempérés sous l'influence d'étés excessifs, les travailleurs
des champs et les soldats en marche sont à peu près les
seuls qui en soient frappés dans la zone tempérée. En
4834, un grand nombre d'hommes du i3® de ligne, et
pendant l'expédition de 1836, du maréchal Bugeaud, deux
cents hommes furent frappés en quelques heures ; onze se
suicidèrent. On croyait autrefois que l'action directe des
rayons solaires était nécessaire à la production de cette
maladie; on sait aujourd'hui que ces accidents se montrent
quelquefois pendant la nuit, dans des logements étroits,
mal aérés; à bord des navires qui traversent la mer
Rouge en août et en septembre, ils se produisent sous
là double tente du pont ; dans le sud de l'Algérie et de la
Tunisie on y est moins exposé par la déambulation au
dehors qu'en restant immobile sous la tente, où régnent
des températures de 45 à 55^. — Etiologie. La cha-
leur, les fatigues excessives, l'humidité extrême de l'air,
l'encombrement, l'alcoolisme, l'arrivée récente dans les
pays chauds, sont les facteurs habituels du coup de
chaleur ; les trois premiers sont les plus fréquents ; l'air
chaud et humide suffît même aux colonies, pour le pro-
duire, car l'air étant saturé de vapeur d'eau, la transpi-
ration se fait mal et le corps n'est plus assez rafraîchi.
La cause « chaleur » ne suffît quelquefois pas à elle
seule ; à bord des navires , en effet , les mécaniciens
supportent des températures, devant les feux, de 50 à
60^, supérieures de 20 à 30*^ à celle du pont. Pourtant,
on ne constate pas plus de coups de chaleur chez eux que
dans les autres professions maritimes; c'est que l'élément
« fatigue excessive » ne mmi pas ici se surajouter à l'élé-
ment chaleur. Les vétérinaires ont observé, sous le nom
d'anhématosie^ sur les grands animaux domestiques sur-
menés par une course rapide, des phénomènes semblables
> — COUP
au coup de chaleur, amenant également la mort (V, ci-deS"
sous, § VI).
Formes. On distingue trois formes de coups de chaleur :
la variété cérébro-spinale (altération des centres ner-
veux) ; la variété cardialgique ou syncopale (coagula-
tion du suc musculaire, rigidité consécutive du cœur et du
diaphragme; \'à variété mixte (trouble apporté par la cha-
leur aux conditions de l'hématose; asphyxie). Dans le
coup de chaleur, la mort peut arriver en quelques heures
ou en quelques jours. On peut le confondre, dans les pays
à malaria, avec un accès pernicieux comateux ou déhrant.
Les médecins de l'Inde attribuent le heat-apoplexy à une
sidération des forces nerveuses. D'après les expériences de
Cl. Bernard et de Vallin, la lésion principale, celle d'où
dérivent peut-être les autres, serait l'arrêt, la rigidité
subite du ventricule gauche et du diaphragme. La pro-
phylaxie consiste à ne pas s'exposer au dehors après neuf
ou dix heures du matin dans les pays à température
moyenne élevée, à rester enfermé jusqu'à trois ou quatre
heures du soir. Les troupes en marche devront avoir le
casque en sureau ou aloès (en France, le couvre-nuque),
marcher sur deux colonnes de chaque côté de la route,
laissant libre le milieu pour permettre à l'air d'arriver
largement jusqu'à eux. Au moment des pauses, le soldat
ne devra pas s'étendre sur la terre surchauffée. En un
mot, la marche en colonne est dangereuse eu égard à
la pénurie d'air, à la viciation et à la saturation de vapeur
d'eau de celui qu'on y respire. La cravate sera relâchée
pendant la marche, le col de chemise desserré, les premiers
boutons de la capote déboutonnés ; le bidon du soldat devra
être suffisamment rempli pour que toutes les heures il
puisse boire et réparer ses pertes en eau. Au cantonnerîient,
on évitera d'entasser les hommes dans des locaux insuffisam-
ment ventilés. Le traitement consiste à transporter l'as-
phyxié dans un local frais, sur un talus un peu élevé et
gazonné si c'est possible ; là, il sera déshabillé et saigné
avec succès s'il y a des symptômes de congestion. Les
bains de pied chauds, et, à défaut, les sinapismes, l'urti-
cation, des affusions d'eau froide sur tout le corps, l'in-
gestion de boissons fraîches acidulées, etc., assureront le
plus souvent la guérison. D'' A. Coustan.
Coup de fouet. — Nom donné à la rupture sous-cutanée
de fibres musculaires ou tendineuses du mollet, accompa-
gnée d'une douleur brusque comparée à celle qu'occasion-
nerait un coup de fouet. C'est toujours un effort qui pro-
duit ce traumatisme, le saut, la danse, etc., quelquefois le
simple croisement des jambes. On ne sait au juste si c'est
le tendon du plantaire grêle ou des fibres des jumeaux ou
du soléaire qui subissent cette rupture. Parfois la douleur
persiste assez longtemps avec œdème et ecchymose et im-
potence plus ou m'oins prolongée du membre ; celui-ci peut
pendant plusieurs mois rester privé de sa souplesse nor-
male ; finalement la réparation se fait. Cet accident n'offre
généralement aucun danger, à moins qu'il n'existe des
varices du membre inférieur ; il peut se produire alors des
ruptures veineuses et des phlébites qui dans plusieurs cas
ont déterminé la mort. Le seul traitement à opposer au
coup de fbuet, c'est de maintenir le membre au repos dans
une position favorable au relâchement des fibres muscu-
laires du mollet ; quelquefois on apphque un bandage roulé
ou même inamovible. Le massage est nuisible, surtout
lorsqu'il existe des varices. D"^ L. Hn.
Coup de soleil (V. Brûlure).
VI. Art vétérinaire. —Coup de chaleur.— Conges-
tion sanguine, brusque et rapide du poumon , qui se mani-
feste parfois chez le cheval soumis à une vive allure pendant
les chaleurs de l'été. Les premiers symptômes du coup de
chaleur sont une difficulté extrême de la respiration ; les
naseaux sont dilatés, l'œil congestionné, la bouche sèche,
pâteuse et brûlante ; l'animal ne peut plus avancer : il tombe
dans les brancards et parfois apparaît une hémorragie abon-
dante par les naseaux, conséquence de la congestion pul-
monaire et de la déchirure des vaisseaux interstitiels.
COUP ~ COUPE — 06
artères ou veines de Porgane de la respiration. Par les
grandes chaleurs, il faut éviter de conduire le cheval à
une allure trop rapide ; si on s'aperçoit qu'il est fatigué,
que la respiration devient^ oppressée, il faut ralentir l'al-
lure, mettre le cheval au pas, ou mieux l'arrêter et le
dételer, le conduire dans un endroit frais et l'y laisser repo-
ser quelques instants. Si le coup de chaleur entraîne la
chute de l'animal, on détèlera immédiatement ce dernier;
on lui lavera la bouche, les naseaux et les yeux au moyen
d'eau froide vinaigrée ; on lui appliquera de la moutarde
sur les membres et sous la poitrine, on le saignera, on lui
administrera des lavements rafraîchissants et laxatifs. Si
le coup de chaleur s'accompagne d'hémorragie, on fera au
cheval de copieuses ablutions d'eau froide sur la tête ; on
lui frictionnera les membres au moyen d'essence ou d'un
liniment ammoniacal. Si, malgré les soins, l'hémorragie
persiste, il peut arriver que le cheval ne puisse se relever
et succombe à l'endroit de sa chute.
Coup DE HACHE. — Chcz Ics chevaux à encolure maigre et
décharnée présentant une ligne de démarcation profonde
avec les épaules, il arrive souvent que le bord supérieur
du cou présente une concavité à son point d'attache avec
le garrot ; cette concavité a reçu le nom de coup de hache.
Coup DE LANGE. — Le coup de lance, dit de Carsault, est
un creux plus ou moins profond qui se remarque à la jonction
du col à l'épaule, tantôt plus haut, tantôt plus bas. Le
coup de lance consiste en une atrophie de l'une des branches
du muscle angulaire de l'omoplate, comme l'ont démontré
MM. Goubaux et Barrier d'Alfort. Il ne nuit en rien d'ailleurs
aux qualités comme à la beauté du cheval. L. Garinier.
VIL Escrime (V. Escrime).
VIII. Météorologie. — Coup de vent. — Le coup de
vent, c.-à-d. l'augmentation rapide de la vitesse du vent
pour un observateur donné, n'est pas un phénomène pure-
ment local, comme on le croyait autrefois. Il fait toujours
partie d'un mouvement tourbillonnaire, tornade, tempête,
qui se déplace rapidement de l'O. à l'E. Sur terre, plus
l'endroit où l'observateur est situé se trouve voisin de la tra-
jectoire suivie par le centre de la tornade, bourrasque, etc.,
plus le vent augmente et diminue de vitesse. Sur mer, il
peut arriver que l'observateur se déplace en sens inverse
de la bourrasque, ce qui augmente encore la force appa~
rente du vent, mais diminue la durée apparente des phéno-
mènes. Par exemple, un transatlantique qui va d'Espagne
en Amérique traverse ordinairement trois bourrasques
qui viennent de l'O, ; au contraire, quand il revient, il
est rattrapé, puis dépassé par deux bourrasques, dans le
rayon desquelles il reste plus longtemps, puisqu'il marche
dans le même sens qu'elles. Les coups de vent qu'il subit
sembleront donc être plus ou moins longs, selon les cir-
constances. E. Durand-Gréville.
IX. Beaux-Arts. — Touche de la brosse ou du pinceau
chargé de couleur, et posée sur la toile ou le panneau. On
peint à grands coups^ par petits coups, ou au premier
coup^ selon que l'on exécute largement une peinture, qu'on
la travaille d'une façon minutieuse, ou qu'on la termine
en une seule fois, ensemble et détail, dans la couleur
fraîche. Les esquisses, les études d'après nature, sont
généralement peintes au premier coup, mais il est rare
qu'une œuvre sérieuse, étudiée avec soin, puisse être
exécutée ainsi. Quelques artistes cependant comptent parmi
leurs meilleurs ouvrages les toiles qu'ils ont peintes au
premier coup ; ce mode d'exécution, s'il n'est pas favorable
à l'étude approfondie, conserve généralement une vigueur
de touche et une fraîcheur de coloris séduisantes. On appelle
Coup de jour un rayon lumineux vif et éclatant, une
touche ensoleillée, qui accuse et met en relief d'une façon
particulière la partie principale d'une figure ou d'une com-
position. ^ Ad. T.
X. Politique. — Coup d'État. — Mesure violente par
laquelle un personnage ou un corps politique s'empare du
pouvoir; l'objet du coup d'Etat est tantôt l'étabhssement
d'une dictature fondée sur la force, tantôt la rupture de
l'équilibre entre les pouvoirs publics établi par la consti-
tution ou les lois organiques de l'Etat. Les coups d'Etat
sont surtout fréquents dans les démocraties; nous citerons
pour l'antiquité celui qui établit à Athènes le gouvernement
oligarchique des Quatre-Cents (414) ; celui par lequel
Cléomène renversa à Sparte la constitution aristocratique
(225) ; dans les temps modernes la Suède, l'Espagne ont
vu au xviii® siècle plusieurs coups d'Etat ; ils sont fréquents
dans les répubhques de l'Amérique latine ; en France, ceux
du 18 brumaire et du 2 décembre ont précédé l'établisse-
ment du premier et du second Empire ; celui que Charles X
tenta provoqua sa chute. On trouvera le récit de ces évé-
nements aux articles consacrés à l'histoire politique des Etats
qui en furent victimes (V. aussi Brumaire et Décembre).
COU PAGE. I. Œnologie. — Opération qui consiste à mé-
langer diverses natures de vins communs de qualité pour
obtenir un type à peu près constant demandé par le con-
sommateur (V. Vin). p. Viala.
IL Céramique. — Le coupage est l'opération qui con-
siste à diviser en morceaux, pour les mélanger ensuite,
une masse de pâte de terre céramique. Elle a pour but d'ob-
tenir une homogénéité complète de toutes les molécules
de la terre qui, sans cela, pourraient, après les premiers
broyages, battages, pourrissages et malaxages, se trouver
déposés en couches distinctes suivant leurs poids spécifiques.
Aussi importe-t-il dans le coupage que les morceaux d'une
même couche ne soient pas remis les uns à côté des autres,
mais, au Contraire, qu'ils soient méthodiquement dispersés
dans la masse. Le coupage ne se fait d'ailleurs que pour la
fabrication soignée ; il a lieu avant le pourrissage, dont il
fait, pour ainsi dire, partie intégrante, puisqu'il a pour but
de mettre en rapports immédiats tous les éléments de la
terre et de leur permettre de s'incorporer plus intimement,
par un contact prolongé, sous l'action des gaz fermentes-
cibles. ' F. de Mély.
coupe. I. Arts décoratifs. — On appelle coupe
un vase à boire dont on s'est servi depuis l'antiquité
la plus reculée, jusqu'au moyen âge et à l'époque mo-
derne. On fabriquait les coupes en métaux précieux enri-
chis d'émaux et de pierreries, et en matières moins
coûteuses pour l'usage commun. On a conservé un assez
grand nombre de coupes antiques provenant des diverses
contrées de l'Asie, de la Grèce et de l'Italie. Toutes ces
pièces offrent la forme d'assiettes creuses à bords relevés
et sans pied. Ce genre de coupes est désigné sous le nom
de patères. Quelques-unes ont été découvertes en Egypte ;
elles sont en or et en argent et décorées de figures de pois-
sons et de fleurs de lotus d'un beau travail. Des ruines de
Khorsabad et surtout de Nimrod est sortie une longue
sériede coupes en airain sur lesquelles sont ciselés des zones
d'animaux et des combats de guerriers. Dans les bas-
reliefs provenant de ces palais, les rois sont représentés
buvant dans des patères remplies par des eunuques. La
Phénicie en a fabriqué qui portent tout à la fois le carac-
tère de l'art égyptien et de l'art asiatique. Plusieurs de ces
vases ont été retrouvés dans File de Chypre et dans l'Ita-
lie, où les avaient transportés les vaisseaux de Tyr et de
Sidon. L'influence orientale se reconnaît également dans
plusieurs coupes plates provenant de l'Etrurie ou des
anciennes provinces de la Gaule cisalpine. Des fouilles ré-
centes à Troie, à Mycènes et en Grèce, ont ramené au
jour des coupes d'or reposant sur un piédouche bas et mu-
nies de deux anses, qui affirment également une origine
asiatique. Ces vases se rapprochaient des canthares (V. ce
mot) antiques qui sont si abondamment représentés dans
les collections céramiques. On appelait carcheslum la
coupe de Bacchus, plus large que profonde, ornée de deux
grandes anses. Nos musées possèdent de remarquables
spécimens de cette branche de l'orfèvrerie chez les anciens
Romains. Les trésors des temples de Bernay, de Rennes,
d'Hildesheim etdePompéi, parvenus jusqu'à nous, renfer-
maient des coupes d'un excellent travail, ornées de sujets
mythologiques exécutés au repoussé. Certains de ces vases
— 57 —
COUPE
étaient taillés dans des pierres dures, comme les camées
antiques. Le cabinet des antiques de la Bibliothèque natio-
nale possède une grande coupe à piédouche et à anses
prise dans une, masse d'onyx, qui provient du trésor de
Fig. 1. -— Coupe du trésor dllildeslieim {Gazette
des Beaux- Arts).
l'abbaye de Saint-Denis, et dont la valeur est inestimable.
La collection des princes de la maison Farnèse a enrichi
le musée de Naples d'une seconde coupe en forme d'as-
siette revêtue sur ses deux surfaces de sujets gravés en
relief. Les Goths et les Barbares qui envahirent l'empire
romain y apportèrent une fabrication spéciale. Le trésor
découvert à Petrossa, sur les bords du Danube, renfermait
plusieurs coupes importantes dont les alvéoles d'or sont
remplies par des lamelles découpées de verre rouge imi-
tant les grenats. Les formes des coupes étaient très diverses
au moyen âge. De celles qui étaient les plus usitées, les
unes sans pied rappelaient les patères de l'antiquité et ser-
vaient à l'essai des vins ; les autres étaient supportées par
une tige à renflement que la main pouvait saisir plus faci-
lement et reposaient sur une base arrondie. Cette dernière
forme constituait la véritable coupe et le plus souvent elle
était surmontée d'un couvercle terminé par un bouton
appelé fruitelet. Il y avait aussi le hanap ou verre à boire
proprement dit, et le gobelet qui devint ensuite le verre
dont nous faisons actuellement usage. Ces pièces d'orfè-
vrerie étaient alors très nombreuses et elles constituaient
une des séries les plus importantes de la vaisselle précieuse
qui, dans les jours d'apparat, était étalée sur les rayons
des bufiéts et des dressoirs. L'inventaire du roi Charles V,
ceux des ducs d'Anjou et du duc de Berry et de tous les
princes du xiv^ siècle, décrivent longuement les coupes et
les hanaps possédés par ces princes, dont la majeure
partie étaient couvertes de pierreries ou décorées d'émaux
translucides. . Quelques-unes des coupes possédées par
Charles V remontaient au temps de Dagobert, de Charle-
magne et de saint Louis, d'après les traditions conservées
dans la maison royale. Ces joyaux sont tous disparus à la
suite des guerres et des révolutions ; il n'en reste que de
très rares échantillons, en tête desquels on peut citer la
magnifique coupe en or émaillé représentant la légende de
sainte Agnès, ouvrage français du xiv® siècle, que M. le
baron Pichon a été assez heureux pour acquérir d'un cou-
vent d'Espagne, auquel il avait été légué après avoir été
transporté en Angleterre. Par suite de leur richesse, ces
coupes ne pouvaient convenir à toutes les classes, et la
bourgeoisie se contentait de pièces en cuivre et en étain
d'une fabrication plus simple. Le gobelet, qui se trouve
assez souvent confondu dans les inventaires avec la coupe,
était cependant d'une forme bien différente. Il était dis-
posé comme un vase cylindrique dont la base reposait sur
trois griffes ou trois personnages portant des écus armo-
riés. Le corps du vase était divisé en plusieurs sections par
des bandes à crêtes découpées, et le couvercle se terminait
par un fruitelet ou par une figure d'animal. Certains do
ces gobelets, principalement usités en Allemagne, sont
revêtus d'un riche travail de niellure. D'autres vases à
boire étaient formés de cornes d'animaux ornées de mon-
tures d'orfèvrerie et s'appuyaient sur des griffes. Parfois
même ces sortes de coupes étaient entièrement en argent
doré et n'offraient que la forme générale de cornes d'élan
ou de bœuf sauvage. Il y avait aussi des hanaps-gobelets
pour boire entre les repas et dans lesquels on appor-
tait des boissons toutes préparées et couvertes. Ces ha-
naps fabriqués en bois d'érable portaient le nom de
masères. C'étaient en réalité deux coupes réunies, dont
la supérieure formant couvercle se retournait pour rece-
voir le liquide placé dans la partie inférieure. Une anse
de vermeil permettait de soutenir ce dernier vase. L'Alle-
magne fut également le lieu d'origine des gobelets hono-
rifiques qui servaient de coupe commune dans les banquets.
Ces grandes pièces d'orfèvrerie en forme de calice allongé,
sont surmontées d'un couvercle armorié. On leur donne
sur les bords du Rhin le nom de pokaL Les corporations
et les musées des Pays-Bas, de l'Angleterre, de la Suisse
et de l'Allemagne ont conservé de nombreux échantillons
de ces vases d'apparat, sur lesquels sont inscrites les
armoiries de leurs possesseurs. Les plus remarquables par
leur travail remontent au xv® siècle.
La forme des coupes se simplifia à l'époque de la Re-
naissance. Elles devinrent plus légères et plus portatives
et la décoration y prit une place exclusive aux dépens de
la matière. Il nous en est parvenu un assez grand nombre
qui se distinguent par leur composition élégante et par la
délicatesse de leur exécution. L'argenterie des Médicis au
palais Pitti renferme quelques-unes de ces pièces dont on
fait honneur à l'orfèvre Benvenuto Cellini. C'est à cet
artiste qu'on a souvent attribué la belle coupe d'argent
doré et ciselé faisant partie du musée du Louvre, dont le
fond est orné d'un bas-relief représentant Minerve et les
Arts, bien que ce soit un ouvrage allemand. Au xvi*' siècle,
on tailla des jaspes, des cristaux de roche, des onyx et
d'autres matières précieuses, en forme de coupe dont les
montures d'argent doré étaient enrichies de pierreries et
de camées gravés. Il est évident que ces bijoux n'ont
jamais été que des raretés destinées à figurer dans les
cabinets ou sur les tables des souverains, sans pouvoir être
d'un usage journalier. Quelques-uns de ces vases servaient
de drageoirs dont la disposition était presque identique.
Les verreries de Venise produisaient en abondance des
coupes que leur extrême fragilité condamnait à n'être
également que des pièces décoratives. On en connaît qui
portent les armes des papes, des principaux seigneurs de
l'Italie; d'autres sont entourées de déUcieuses frises d'en-
fants peintes en couleuur et empruntées aux meilleures
Fig. 2. — Coupe de jaspe {xyi» siècle, régne de François I»"^,
musée du Louvre).
estampes des graveurs de l'Italie du Nord. La France
fabriquait une vaisselle d'émail peint sur cuivre qui était
bien plus résistante et qui présentait les mêmes qualités
esthétiques. Les coupes sorties des ateliers de Léonard
Limousin, de Pierre Reymond, de Pierre Courteys et des
autres émailleurs limousins, sont décorées défrises, d'ara-
besques et de sujets d'une charmante exécution, dont les
motifs sont tirés des compositions de Ducerceau, de De-
COUPE
_ 58 »^
laune et de Virgile Solis. îl existe de belles coupes en
faïence peinte de l'Italie ; quelques-unes portent le nom
de coupes d'accouchées parce qu'elles étaient destinées aux
repas des femmes en couche. On en rencontre également
parmi les pièces de cette manufacture anonyme du Poitou
dont le secret s'est dérobé à nous jusqu'à ce jour, et qui,
après a\oir été placée par nos érudits au château d'Oiron,
est aujourd'hui attribuée avec plus de fondement à la ville
de Saint-Por chaire. Les progrès de la cristallerie ame-
nèrent, au XVII® siècle, l'abandon delà coupe ancienne, pour
y substituer l'usage du gobelet en verre plus portatif et sur-
tout moins coûteux. Depuis lors cette dernière transfor-
mation s'est généralisée. La seule trace qui soit conservée
de la coupe ancienne se retrouve dans les verres qui
servent à boire le vin de Champagne. — On donne habituel-
lement le nom de eoîtpes aux prix qui sont décernés aux
vainqueurs dans les courses de chevaux. Ces prix consis-
taient primitivement en une coupe d'honneur et le nom en
a été conservé, bien que ces prix soient le plus souvent
des pièces d'orfèvrerie représentant des statuettes, des
groupes et des vases (V. Calice, Vase). A. de Champeaux.
II. Métrologie. -— Mesure de capacité : à Genève,
vaut 771^^658 ; en Auvergne est la 77^ partie d'un selier.
IIL Liturgie (V. Calice et Eucharistie).
ÎV. Astronomie. — Petite constellation australe située
entre le Corbeau, l'Hydre, le Sextant, le Lion et la Vierge.
Le Catalogue britannique lui donne trente et une étoiles dont
les plus brillantes sont de quatrième grandeur. Les coor-
données de la plus belle, 8 Coupe, de grandeur 3,9, sont
pour 189'î d'après la Connaissance des Temps : M:=
dPM3"^53«47;P~ J04Mr20'''2. L. B.
¥. Géométrie. — Section plane faite dans un corps
(V, Lever de bâtiment).
VI. Exploitation des forêts. — Action d'exploiter
tout ou partie du matériel boisé existant sur une surface
déterminée de forêt. En langage forestier, le mot coupe se
prend dans différents sens et est susceptible de plusieurs
significations auxquelles correspondent, dans la pratique,
divers modes spéciaux d'administration ou de traitement.
Au sens figuré, on distingue dans le service, suivant la
nature ou la qualité du propriétaire, les coupes domaniales,
communales ou d'établissements publics ; suivant la situa-
tion sur le tableau d'exploitation de la forêt, les coupes
ordinaires et les coupes extraordinaires ; au sens propre,
les coupes de taillis et de futaies. — Les coupes domaniales,
communales ou d'établissements publics, dans les bois
soumis au régime forestier, sont assujetties au même trai-
tement. Les coupes ordinaires sont déterminées par l'amé-
nagement ; chaque année, les conservateurs adressent au
directeur général les états des coupes à asseoir conformé-
ment aux aménagements ou selon les usages actuellement
observés dans les forêts qui ne sont pas encore aménagées ;
ces états sont approuvés par le directeur général après
déhbération du conseil d'adminisi ration. Les coupes extra-
ordinaires sont décidées par délibération du conseil d'admi-
nistration ; le projet en est soumis par le directeur général
des forêts au ministre compétent ; elles sont autorisées par
ordonnances insérées au Bulletin des lois. Il ne peut être
fait, dans les bois soumis au régime forestier, aucune coupe
extraordinaire quelconque ni aucune coupe de quarts en
réserve ou de massifs réservés par l'aménagement pour
croître en futaie, sans une ordonnance spéciale, à peine de
nullité des ventes, sauf recours des adjudicataires, s'il y a
lieu, contre les fonctionnaires ou agents qui auraient
ordonné ou autorisé ces coupes (C. for., 46). Sont consi-
dérées comme coupes extraordinaires et ne peuvent, en
conséquence, être effectuées qu'en vertu d'ordonnances
spéciales celles qui intervertiraient l'ordre établi par l'amé-
nagement ou par l'usage observé dans les forêts dont
l'aménagement n'aurait encore pu être réglé ; toutes les
coupes par anticipation et celles des bois ou portions de
bois mis en réserve pour croître en futaie et dont le terme
d'exploitation n'aurait pas été fixé par l'ordonnance d'amé-
nagement. Les conservateurs adressent chaque année
au directeur général, pour chaque coupe extraordi-
naire à autoriser par ordonnance, un procès-verbal qui
énonce les motifs de la coupe proposée : l'état, l'âge, la
consistance et la nature des bois qui la composeront ; le
nombre d'arbres de réserve qu'elle comportera et les
travaux à exécuter dans l'intérêt du sol forestier. Pour
les coupes extraordinaires communales ou d'établisse-
ments publics, le projet d'ordonnance qui les autorise
peut être communiqué au ministre de l'intérieur au cas où
l'administration forestière aurait donné un avis contraire
à celui du préfet du département qui doit toujours être
consulté. Lorsque les coupes ordinaires ou extraordinaires
ont été autorisées, les conservateurs désignent ou font dési-
gner par les agents forestiers les arbres d'assiette et font
procéder aux arpentages. Les coupes sont délimitées par
des piedS'Corniers et parvis (V. ces mots). Il est dressé
un plan et un procès-verbal d'arpentage des coupes mesu-
rées. Un cahier des charges établit les règles générales
de l'adjudication. Les ventes des coupes, tant ordinaires
qu'extraordinaires, sont faites sous forme d'adjudication
publique à la diligence des agents forestiers.
En ce qui concerne les différents modes ou procédés
d'exploitation, on distingue les coupes de taillis destinées
à se reproduire surtout par le rejet des souches et des
racines et dans lesquelles le peuplement est exploité de
proche en proche ; les coupes de futaies destinées à pro-
duire plus particulièrement des bois de fortes dimensions et
à se régénérer par la semence. Les différentes opérations
nécessaires pour amener la futaie à son exploitabilité se
distinguent en coupes par éclaircies qui ont pour but l'en-
lèvement dans les jeunes peuplements forestiers des bois
tendres, des morts-bois ou des divers peuplements de
nature à gêner le développement de l'essence principale
dont on se propose l'éducation ; en raison de ce mode spé-
cial d'exploitation, le directeur général peut ordonner que
les bois soient exploites et façonnés pour le compte de
l'Etat ; ils sont ensuite vendus par lots dans la forme
ordinaire des adjudications aux enchères (V. Eclaircies) ;
coupes d'ensemencement, qui laissent sur pied le nombre
d'arbres nécessaires pour garnir de graines tout le terrain
de la partie en exploitation ; coupes définitives, qui con-
sistent à faire disparaître toutes les réserves lorsque l'en-
semencement est complet et les jeunes plants assez forts
pour se passer de tout abri (V. Forêts). Dans certains cas,
on pratique encore des coupes jardinatoires qui ont pour
but l'enlèvement, dans un massif boisé, des arbres les plus
vieux, des bois dépérissants, viciés ou secs, et d'autres en
bon état de croissance qui sont réclamés par le commerce
ou la consommation locale (V. Jardinage). Martinet.
VII. Technologie. — Art de tailler les étoffes, les
cuirs, etc., pour en faire des vêtements d'homme et de
femme, d'enfant, ou autres choses. Depuis quelques années,
la scie à ruban inventée pour le découpage des bois est
appliquée au découpage des étoffes après avoir subi une
légère modification. La bande d'acier, au lieu d'être dente-
lée sur toute sa longueur, est une simple lame affûtée
comme un couteau. Elle doit être animée d'une grande
vitesse. Cette application est des plus utiles pour les grands
étabhssements de confection, d'habillement ou d'équipe-
ment qui, avec cette machine, réalisent une économie de
temps pour couper des objets semblables ; chaque lot avant
découpage est recouvert d'un patron mobile dont la lame
métallique suit les contours. L. KxNAB.
VIII. Pédagogie. — Coupe et assemblage. — De même
et plus encore que les travaux manuels dans les écoles de
garçons, les travaux à F aiguille ontleurphcem'àrqnéeàa.rïs
les écoles de filles, non seulement primaires, mais de tous les
degrés. De tout temps, plus ou moins, il a été prescrit ou
recommandé aux institutrices d'apprendre à leurs élèves à
coudre, à tricoter; au moins devaient-elles le savoir elles-
mêmes : à l'examen des brevets de capacité il y avait une
épreuve de couture. Mais on n'exigeait qu'un mininmm ;
59
COUPE
et de ce que la maîtresse pouvait faire un ourlet ou une
boutonnière, ce n'était pas une raison suffisante pour qu'une
petite lille qui ne l'eût pas appris dans sa famille apprît à
l'école même ce qui est strictement nécessaire à la tenue
du linge dans un ménage. C'est à quoi l'on a essayé de
pourvoir, dans la réorganisation de l'enseignement primaire
et le remaniement des programmes. L'école, certes, n'est
pas l'atelier, et la culture proprement dite, si modeste
soit-elle, y doit primer de beaucoup tout ce qui tient de
l'apprentissage, en dépit de ceux qui trouvent toujours
qu'on fait trop pour la culture du peuple. Mais n'y a-t-il
pas dans le travail des mains pour tout le monde, dans les
travaux de lingerie pour une future ménagère, quelque
chose de vraiment éducatif, et d'un haut intérêt moral et
social ? C'est pourquoi, non content de mettre la couture
plus en honneur et de lui faire une place sérieuse, on en
a fait une aussi à ce qui en est le naturel complément,
l'art de couper et d'assembler les pièces des vêtements
usuels que doit savoir faire une ménagère. La ville de
Paris a donné l'exemple (mai 4879) en créant des cours
théoriques destinés à préparer les institutrices à un certi-
ficat d'aptitude spécial, désormais exigé de celles qui
seraient chargées de l'enseignement nouveau dans les
écoles. En une quinzaine de leçons on les met à même, si
elles sont intelligentes et habiles, de subir l'examen et
d'enseigner à leur tour l'essentiel. Le manque de temps
à Paris même, ailleurs le manque de temps et de ressources
(car les étoffes coûtent, et il en faudrait beaucoup pour
exercer réellement les élèves) font que cet enseignement,
même où il est le mieux donné, reste nécessairement un
peu théorique. C'est le reproche que lui font ceux qui
n'en sont pas partisans. Il faut prendre garde aussi d'en-
seigner le superflu à qui ne sait pas le nécessaire, la coupe
des vêtements de luxe à qui ne sait pas coudre, les élé-
gances de la mode à des filles pauvres. Des fautes de ce
genre ont été signalées çà et là dans les collèges de jeunes
filles : elles sont à éviter partout. Mais les tâtonnements,
nécessaires dans toute innovation, ne doivent pas faire
oublier ce que celle-ci a d'excellent et quel progrès elle
constitue dans notre éducation publique. H. M.
ÏX. Industrie. — Coupe-mariage (V. Casse-mariage).
X. Beaux- Arts. — On appelle coupe la façon de creuser
avec le burin le cuivre ou le bois; la propreté et la
vigueur d'un ton dans une gravure dépendent de la netteté
et de la franchise de la coupe. Les estampes les meilleures
à consulter à ce sujet seraient celles de Bolswert, de Paul
Pontius et en général des graveurs de l'école de Rubens.
XL Architecture.— Dessin d'architecture complétant,
avec le plan et V élévation (V. ces mots), l'ensemble du
projet ou du relevé d'un édifice et permettant d'en appré-
cier les dispositions intérieures ainsi que le système de
construction. Dans une coupe, l'édifice représenté est sup-
posé coupé et offre à la vue une section géométrale, soit
perpendiculaire, soit parallèle à la face et le plus souvent
prise suivant les axes longitudinaux ou transversaux, d'oii
la coupe est dite coupe longitudinale ou coupe transver-
sale. Une convention le plus habituellement suivie est d'in-
diquer, dans une coupe, toutes les sections de terrains,
murs, planchers ou combles, par une teinte rose pâle, si le
dessin est lavé, ou par des. hachures inclinées à 45^, si le
dessin est rendu au trait. Ch. L.
XII. Construction. — Coupe des bois. — La coupe des
bois est l'ensemble des opérations nécessaires à l'exécution
dun ouvrage de charpente depuis l'arrivée, au chantier de
l'entrepreneur, des pièces de bois convenablement débitées,
jusqu'à leur montage provisoire sur ce chantier avant leur
transport et leur mise au levage en place définitive (V. Char-
pente et Charpenterie). La coupe des bois est donc la
partie de la stéréotomie ou science du trait applicable aux
bois de charpente et comprend d'abord le tracé sur le
papier, à petite échelle, puis le tracé, grandeur d'exécu-
tion^ sur des aires préparées à cet effet, des ételons (cor-
ruption probable du mot étalon) ou épures (V. ce mot)
d'après lesquelles les charpentiers tailleront et façonneront
exactement les bois suivant les dimensions et les formes
droites ou courbes demandées et en en préparant la jonction
ou la pénétration à l'aide d'assemblages. Les assemblages
constituent, en effet, les divers moyens dont on fait usage
pour relier entre elles les pièces de bois, soit bout à bout,
à leurs extrémités, soit latéralement et dans tous les sens,
par exemple en menuiserie oli ils servent à juxtaposer les
planches de même épaisseur pour en former une surface
continue. Les assemblages sont dits droits, obliques, à
onglet, à tenons et à mortaises, à rainures et à languettes,
à queue d'aronde, à crémaillère ou à traits de Jupiter, etc.,
toutes façons d'assemblages qui donnent lieu à des tracés
spéciaux du domaine technique de la charpenterie. — On
appelle coupe plate la jonction sans assemblage de plu-
sieurs pièces de bois fixées par des clous ou reliées par des
ferrures, et cou'][)e fausse le joint oblique résultant d'un
assemblage de pièces de charpente fait suivant un angle
autre que l'angle droit (90'') ou le demi-angle droit (45°). —
En menuiserie, la coupe fausse est plutôt dite coupe biaise,
et ce mot s'applique à toute section faite suivant un plan
oblique à l'axe de la pièce de bois, tandis qu'on désigne
sous le nom de coupe d'onglet les diverses dispositions
des joints de moulures rapportées. — En menuiserie, comme
en maçonnerie et en serrurerie, on appelle coupe-larme
un petit canal disposé sous une pièce d'appui ou à la partie
inférieure d'une croisée pour empêcher l'eau de couler le
long de la construction et la rejeter au dehors. Ch. Lucas.
XIII. Marine. — En voilerie, le terme coupe a plu-
sieurs acceptions ; il désigne notamment l'art de tailler les
voiles, c.-à-d. de déterminer leurs dimensions, d'après celle
des mâts et des vergues destinés à les porter. Coupe veut
dire aussi l'action de tailler les voiles. On distingue, dans
ce cas, trois sortes de coupes : 1<^ la coupe à V échelle^ oti
chaque laize est déterminée séparément ; elle est très supé-
rieure à la coupe à la main, parce que les dimensions de
chaque laize y sont obtenues indépendamment de toutes les
autres, de sorte qu'une erreur, si Ton en commet, ne se
répète pas et reste sans influence sur la coupe des autres
laizes ; ^^ la coupe à la main, dans laquelle la première
laize coupée sert de mesure pour la suivante, celle-ci pour la
troisième, et ainsi de suite; les erreurs s'accumulent donc
et il n'est pas rare de commettre ainsi des fautes gros-
sières ; 3° la coupe au piquet consiste à recouvrir de
toile un plan de la surface à voiles, tracée en vraie gran-
deur. Cette méthode ne peut guère s'appMquer qu'aux voiles
de petites dimensions, à celles des canots, par exemple.
Elle donne de bons résultats. La coupe s'exécute toujours
avec un couteau ; la direction que suit le couteau en sépa-
rant la laize de la pièce se nomme coupe. Si donc le cou-
teau est dirigé suivant un fil de trame, la coupe est dite
au droit fil. Pour les autres cas, elle est dite coupe
oblique,, parce que sa direction est oblique aux fils de
chaîne et de trame. — LsLCou^ese dit aussi de l'effet d'une
voile établie. On dit qu'une voile a une bonne coupe pour
exprimer qu'elle établit bien. — Enfin, on nomme salle
de coupe le local où s'effectue la coupe des voiles.
XïV. Entomologie. — Coupe-bourgeon (V. Adoxus,
Otiorrynchus et Rhynchites) .
XV. Métrique. — Ce mot est quelquefois employé
comme synonyme de césure ; mais généralement il désigne
les repos du sens dans le vers ou dans la période poé-
tique. L'alexandrin classique en français est pauvre de
coupes ; la période finit d'ordinaire avec le vers, ainsi que
les membres de phrase eux-mêmes. C'est chez La Fontaine
que l'on trouve le plus fréquemment des coupes à effet, des
enjambements pittoresques, des suspensions ingénieuses.
Le fabuliste est un maître dans l'art de combiner le rythme
et le mouvement de la phrase dans une merveilleuse har-
monie. Les coupes heureuses se rencontrent chez lui à
chaque pas. Citons-en quelques-unes au hasard :
Il appelle la mort. — Elle vient sans tarder,
Lui demande ce qu'il faut faire.
COUPE
— 60 -
C'est, dit-il, afin de m'aider
A recharger ce bois; — tu ne tarderas guère.
(I, 16.)
... Se sent pris comme aux lacs, car l'huître tout d'un coup
Se referme
(VIII, 9.)
Les derniers traits de l'ombre empochent qu'il ne voie
Le filet : il y tombe
(VIII, 22.)
Après lui, André Chénier excelle à reproduire en fran-
çais le mouvement do la période latine. Ex. :
C'est ainsi qu'achevait l'aveugle en soupirant
Et près des bois marchait, faible, — et sur une pierre
S'asseyait. — Trois pasteurs, enfants de cette terre,
Le suivaient, accourus aux abois turbulents
Des molosses
Cependant en français les coupes de ce genre sont rela-
tivement rares et sont employées pour produire certains
effets oratoires ou d'harmonie imitative. Dans les langues
synthétiques comme le grec et le latin, la disposition des
mots et des membres de phrase a une tout autre impor-
tance; l'enjambement, exceptionnel chez nous, est une
condition de la poésie latine. Le sens et l'oreille étaient
également consultés pour cet art délicat de distribuer la
période dans la phi'ase poétique, qui comptait générale-
ment entre deux, trois, quatre et jusqu'à huit vers.
La diversité de ces coupes produit une étonnante variété,
et Virgile a possédé cet art au plus haut degré. Tantôt le
dernier membre de la période ne comprend qu'un hémi-
stiche, ou une portion plus longue du vers, tantôt un vers
entier, tantôt il commence dans l'avant-dernier vers, au
sixième pied, ou dans le cinquième, ou après le quatrième,
ou après la césure penthémimère, ou dans le second pied,
ou après le premier dactyle. Souvent aussi une période,
une comparaison, un discours se terminent dans le vers
généralement au milieu du troisième pied ou au milieu du
quatrième. Horace dans les satires et les épîtres aime à
commencer la phrase vers la fin du vers et rompt ainsi la
monotonie solennelle de l'hexamètre épique. Les poètes
qui visent à l'elïet ont soin de placer un trait, une sentence,
une expression saillante à la fm de la période ainsi ter-
minée au milieu du vers. Il serait trop long d'en citer des
exemples ; ils abondent pour ainsi dire à chaque page, parti-
culièrement chez Lucain, et ce poète a une prédilection pour
la coupe qui tombe au milieu du quatrième pied (V. L. Qui-
cherat. Traité de versification latine^ p. 172). A. ^Y.
XVI. Jeu. — La coupe est la séparation d'un jeu de cartes
en deux parts après qu'on les a mêlées et avant de distribuer
à chaque joueur les cartes qu'il doit avoir. On coupe les
cartes avant de commencer la plupart des jeux de cartes.
Dans certains cas, à l'écarté, par exemple, la coupe se
pratique pour tirer la main, c.-à-d. pour désigner le joueur
qui donnera le premier ; on coupe le jeu et on découvre
la dernière carte de la coupe ; l'adversaire en fait autant
avec ce qui reste de cartes. Celui qui ne découvre point la
carte de sa coupe est censé avoir coupé la plus basse carte
de toutes; celui qui, en coupant, découvre deux cartes,
est censé avoir coupé la plus basse des deux ; celui qui a
coupé la carte supérieure a la main. 11 mêle le jeu, fait
couper son adversaire et distribue les cartes. Faire sauter
la coupe, c'est rétabhr l'ordre des cartes tel qu'il était
avant la coupe. L. K.
XVII. Agriculture. — Goupe-foin. — Les coupe-foin
sont des outils tranchants servant à entamer les meules de
foin par tranches verticales pour les livrer peu à peu aux ani-
maux, sans avoir besoin de décoiffer les meules et de les
rentrer en une seule fois. Ces sortes de couteaux sont très
utiles, car le foin se tasse toujours dans les meules ; il en
résulte une masse résistante qui se coupe mieux qu'elle ne
se désagrège. Le coupe-foin allemand est une sorte de
bêche dont le tranchant forme un angle rentrant. Le coupe-
foin anglais est constitué par une lame de couteau, large,
dont le tranchant est taillé à petites dents, comme celui
d'une faucille; le manche de ce couteau, disposé transver-
salement, n'est pas perpendiculaire à la lame, mais forme
avec elle un angle un peu ouvert du côté du tranchant, ce
qui facilite la pression. Cet instrument exige un peu plus
Fig. 3. — Coupe-foin anglais.
de force que le coupe-foin allemand, mais il débite plus
d'ouvrage dans un temps donné (fig. 3),
Coupe-gazon (V. Tondeuse).
COUPE-PAILLE (V. HaCHE-PATLLe).
Coupe-racines. — Les racines et tubercules servant à
l'alimentation du bétail ne peuvent lui être donnés tels qu'on
les retire du sol; il faut préalablement les réduire en
fragments plus ou moins gros après les avoir lavés pour
enlever la terre adhérente. On y parvient au moyen de
coupe-racines, dont il existe un grand nombre de sys-
tèmes. Autrefois, lorsque les racines n'entraient que
pour une faible part dans la ration des animaux, on les
divisait au moyen de lames de diverses formes, fixées
comme le fer d'une bêche à l'extrémité d'un manche ; on
les employait à couper en morceaux irréguliers les bette-
raves ou les pommes de terre que l'on avait jetées au fond
d'un cuvier. Plus tard, Mathieu de Dombasle, en même
temps qu'il introduisait dans la pratique la culture sur une
vaste échelle des racines, importa d'Angleterre le coupe-
racines à trémie dont le débit était plus considérable. Cet
instrument, qui est encore employé aujourd'hui dans quelques
petites fermes, se compose d'une planche inclinée se mou-
vant dans des glissières au-dessous d'une trémie dans laquelle
les racines sont jetées. La planche porte une lame à double
tranchant placée sur une lumière oblique ; elle est munie
d'une poignée à l'aide de laquelle l'ouvrier l'anime d'un
mouvement alternatif. Lorsque la quantité de racines à
diviser devient plus forte, on fait usage des coupe-racines
mécaniques qui ont l'avantage de débiter des morceaux très
minces et très réguliers qui peuvent être facilement mélan-
gés avec du foin ou de la paille hachée, ce qui augmente
beaucoup leur digestibilité tout en évitant le gaspillage. Un
des plus simples (fig. 4) se compose d'un disque vertical
Fig. 4. — Coupe-racines à disque plat.
en fonte mobile sur un arbre horizontal, au moyen d'une
manivelle ; ce disque est percé suivant la direction de ses
rayons, ou un peu obliquement, de quatre, six ou huit
ouvertures étroites contre lesquelles s'appliquent autant de
lames tranchantes maintenues par des boulons. En arrière
est une trémie dont le fond est incliné vers le disque, qui
en constitue la paroi verticale ; cette trémie reçoit les racines
qui descendent par leur propre poids et viennent s'appli-
quer contre le plateau dont les couteaux, en tournant,
tranchent la chair des racines sur une épaisseur égale à la
saillie des lames sur la face interne du disque. La vitesse
de rotation du disque est de cent cinquante à deux cents
Yig. 5. — Coupe-racines à disque conique.
tours par minute. La trémie peut être pleine ou à claire-
voie (fig. 5). Dans les sucreries et distilleries où il faut
obtenir des tranches de betteraves en forme de rubans ou
cossettesy on fait usage de coupe-racines à grand travail,
dont le disque tournant est
muni de lames disposées com-
me rindigue la fig. 6; on
obtient ainsi des rubans ou
languettes qui passent par les
lumières de ces couteaux.
M. Albaret construit un coupe-racines spécial très ingé-
nieux, représenté fig. 7. Il est à plateau vertical et la trémie
est particulière. Elle a la forme d'une coquille d'escargot et
s'enroule, pour lui servir de palier, autour de l'arbre du
— 61 - COUPE — COUPÉ
cédente. La partie de l'arbre horizontal qui porte le
plateau et les lames et qui est située dans la trémie est
munie de dents fixées en spirale qui, dans le mouvement
de rotation de l'arbre, aident à pousser les betteraves
contre le plateau pour qu'elles n'échappent, en aucun en-
droit, à l'action des couteaux. La vitesse de rotation es t de
trois cent cinquante tours par minute. Avec cet instrument,
la coupe est très bonne, s'effectue rapidement et avec peu
d'efforts. D'autres coupe-racines, au lieu d'être munis de
disques plats, sont pourvus de disques coniques (fig. 5) ;
ceux-ci affectent la forme d'un cône qui s'emboîte dans la
partie inférieure de la trémie et en ferme le fond : les cou-
teaux y sont fixés suivant les génératrices du cône. On dit
qu'un coupe-racines est à simple effet quand tous les cou-
teaux sont semblables et disposés dans le même sens pour
couper des tranches ; dans les coupe-racines à double effet,
la moitié des couteaux sont pleins et disposés dans un sens,
l'autre moitié est formée de couteaux dentés et disposés
dans l'autre sens, de sorte qu'en tournant à droite ou à
gauche, on forme des tranches ou des rubans. Le travail
des coupe-racines varie avec leurs dimensions. Avec les
instruments à bras faisant en moyenne trente tours par
minute, on peut débiter 500 à d,000 kilogr. de lanières
par heure ; si on fait des tranches, on peut en avoir le
double. Les grands coupe-racines des distilleries et sucre-
ries exigent un cheval-vapeur pour un travail de 3,000 ki-
logr. de betteraves à l'heure. A. Larbalétrier.
BiBL. : Arts décoratifs. — Viollet-le-Duc, Diction-
naire du mobilier. — V. Gay, Glossaire du mobilier. —
H. Havard, Dictionnaire de V ameublement.
COUPÉ. L Carrosserie. — Voiture bourgeoise à quatre
roues, à deux ou à quatre places, et qui se fait sur un grand
Fig. 7. — Coupe-racines à grand travail.
plateau, de sorte que les racines, toujours pressées, sont
hachées tout autour du plateau. Le débit, proportionnel
à la vitesse, en est très considérable, car le coupage
s'opère à la fois par des effets mécaniques et de force cen-
trifuge. Une enveloppe de tôle, disposée en avant du
disque en fonte qui porte les lames, force les cossettes
à tomber immédiatement au pied de l'instrument. Cette
enveloppe est montée à charnière pour qu'on puisse l'en-
lever facilement et nettoyer les lames. Ces dernières sont
composées de plusieurs dents biseautées. Les dents de
chaque lame doivent correspondre aux creux de la pré-
Coupé.
nombre de modèles ayant chacun ses avantages particu-
liers. Le petit coupé ou coupé à deux places est l'une des
voitures les plus employées ; si on compare cette voiture
à la berhne, on voit que la caisse se trouve coupée à fleur
de la porte, de façon à ne laisser que les deux places de
l'arrière. Il y a une différence importante entre les hgnes
de ces deux voitures : la caisse de la berfine n'a qu'un
cintre régulier en forme de bateau ; le coupé a, au con-
traire, un angle rentrant sous le siège. Le montage indi-
qué sur le dessin est à quatre ressorts pincette, montage
très employé ; quand on doit mettre un frein, on préfère
le montage à cinq ressorts et à crosse. Le petit coupé se
monte quelquefois à huit ressorts. Pour rapprocher des
grandes roues le centre de gravité, on peut couper le bas
des portes en arc de cercle ; les charnières sont dans la
partie droite. La partie cintrée, en s'ouvrant, passe par-
dessus la roue; cette disposition permet d'élargir à volonté
la partie supérieure de la porte. La glace ne peut alors
descendre dans la porte ; elle se loge dans l'épaisseur du
panneau de custode (de côté) et une disposition de pédale
à ressort empêche l'ouverture de la porte pendant que ce
glissement s'opère. Le grand coupé ou coupé tr ois-quarts
a quatre places intérieures ; le devant a trois glaces. Le
siège est pareil à celui du petit coupé. Le devant du trois-
quarts, au lieu d'être à trois glaces, se fait aussi avec
une seule glace bombée ; on a alors le coupé circulaire
COUPE ~- COUPELLATION
--- 62 »^
qui a de même quatre places à l'intérieur. Le brougham
est le nom anglais du coupé.
IL Chemin de fer. — Les coupés font partie des places
de luxe que les Compagnies sont autorisées par leur cahier
des charges à placer dans les trains de voyageurs, sans
que le nombre de ces places puisse dépasser le cinquième
du nombre total. Comme disposition générale, les coupés ne
sont autre chose que des demi-compartiments de première
classe ; ils ne contiennent que quatre places au lieu de huit
et sont munis de tablettes, de glaces et de divers objets de
confortable qu'on ne trouve pas dans les compartiments ordi-
naires. Quelques-uns d'entre eux sont munis des installa-
lions nécessaires pour se transformer en lits pendant la
nuit et portent le nom de coupés-lits^ de fauteuils-lits
et de lits-toilette. Il n'existe pas de tarif uniforme pour les
places de coupé ni pour les places de luxe en général ; le
prix est ordinairement celui de la première classe, augmenté
d'un supplément, variable suivant les Compagnies. Les cou-
pés ordinaires sont, le plus souvent, taxés un dixième en sus
du prix des places de première classe ; il en est ainsi sur les
réseaux de l'Ouest, d'Orléans et de l'Etat. Sur le Nord et
sur le Midi, le supplément est réglé d'après les parcours,
comme il suit :
Nord Midi
Jusqu'à 150 IdL.. fr. 2,20 5 »
De 150 à 225 kil 3,30 7,50
Au delà de 225 kil. . . 4,40 40 »
La Compagnie P.-L.-M., qui n'a pas de coupés ordi-
naires, fait payer pour des coupés-lits un supplément,
variable suivant la vitesse des trains et la distance parcou-
rue; ce supplément est de 2 fr. dans les trains omnibus
Jusqu'à 300 kil. ; il atteint 39 fr. dans les trains de luxe
pour les parcours de 1,400 kil. et au delà. G. IL
ni. Art héraldique. -— Partition de Fécu divisé en deux
parties égales par une ligne horizontale. L'écu peut être
coupé, et cette partition subdivisée elle-même en parti,
taillé, tranché, etc.
IV. Escrime (V. Escrime),
COUPÉ (Jean-Marie-Louis), littérateur français, né à
Péronne (Somme) le 48 oct. 4732, mort à Paris le 40 mai
4848. Après son ordination, il fut précepteur d'un prince
de la maison de Lorraine, professeur de rhétorique de
l'Université, en remplacement de l'abbé Batteux, et garde
des titres et généalogies delà Bibliothèque royale jusqu'au
40 août 4792. Privé de ses places par la Révolution, l'abbé
Coupé fut recueilli par la princesse de Vaudemont. Il a
donné un dictionnaire des mœurs (4773, in-8) ; des
traductions longtemps estimées du Jhédtre de Sénèque le
Tragique (4796, 2 voL in-8), de V Eloge de l'âme, de
Daniel Heinsius (4796, in-8), de la Batrachomyomachie,
de divers poèmes grecs (4796), et pubhé trois recueils de
morceaux choisis, tant originaux que traduits, dont la
vogue a été considérable : Variétés littéraires (4786-
4788, 8 vol. in-8); Spicilège de littérature ancienne
et moderne (4804, 2 vol. in-8), et surtout les Soirées
littéraires (4795-4800, 20 vol. in-8). M. Tx.
COUPÉ (Jacques-Michel), ecclésiastique et homme poli-
tique français, hé à Péronne en 4737, mort à Paris le 44
mai 4809. Il était curé à Sermaise (Oise) et président du
district de Noyon, quand les électeurs de ce département
l'envoyèrent siéger à l'Assemblée législative, puis à la
Convention nationale. Dans le procès de Louis XVI, il
opina contre l'appel au peuple, pour la mort, contre le
sursis. Le 19 ocL 4793, il fut envoyé en mission à l'armée
des Ardennes. Le 47 brumaire an II, il renonça à sa pension
de curé; mais, quoi qu'il siégeât à la Montagne, il fut, le
22 frimaire suivant, exclu du club des Jacobins, dont il avait
été président, parce qu'il ne paraissait pas favorable au
mariage des prêtres. Il fit partie du conseil des Cinq-Cents
jusqu'en 4797, puis il rentra dans la vie privée. E.-A. A.
COUPÉ DE Sâinï-Donat (Alexandre-Auguste-Magloire,
chevalier), littérateur français, né à Péronne le 5 sept.
4775, mort après 4 836. Sous-lieutenant d'artillerie en 4 792,
il fut dénoncé comme contre-révolutionnaire et emprisonné.
Délivré par le 9 thermidor, il rentra dans l'armée, fit l'ex-
pédition d'Egypte et la campagne de Russie. Il était alors
chef de bataillon. Il fut blessé à la bataille de Hanau et fait
prisonnier parles Bavarois. En 1844, il se rallia aux Bour-
bons, mais il n'obtint que la croix de Saint-Louis (4819).
Membre de l'Athénée, de la Société académique de Paris,
de l'Académie des Arcades, il a publié : Allons planter
des choux (Paris, 4844, in-8), satire; Fables, poésies di-
verses et quelques chansons (Paris, 4848, in-42 ; 3® éd.
sous le titre à'Eecatomijthium, 1825, in-42) ; Mémoires
pour servir à l'histoire de Charles-Jean, roi de Suède
et de 'Norvège (Paris, 1820, 2 vol. in-42); l'Ingrat ou
r Intendant enrichi (4824, in-8), comédie en cinq actes
en vers. Un des propriétaires du Mercure, Coupé a donné
beaucoup d'articles à ce recueil et à différents autres jour-
naux.
COU PEAU (Blas,). Pointe de rocher ou de montagne.
On représente une montagne en assenjblant plusieurs pièces
triangulaires un peu arrondies, placées les unes sur les
autres, 2, 4 ou 3,2, 4, ce qui permet de blasonner par
exemple : d'argent, à la montagne de trois coupeaux de
sinople.
COUPÉE (Marine). Entaille pratiquée dans la muraille
du navire et par laquelle le pont communique avec l'esca-
lier extérieur.— On appelle poulie coupée une forte galoche
à estrope en fer. Une partie de cette estrope est à char-
nière, afin que l'on puisse la fermer après y avoir intro-
duit un cordage.
COUPELLATION. D'une façon générale, on donne ce
nom aux opérations qui ont pour but'de séparer l'or et l'ar-
gent des métaux qui les accompagnent (plomb, cuivre, etc.)
(V. Argent et Plomb). On désigne plus particulièrement sous
le nom de coupellation l'opération qui a pour objet la déter-
mination, le dosage par voie sèche de l'or et de l'argent alhés
à d'autres métaux. L'appareil employé est le fourneau à
moufle ou à coupelle qui consiste en un four-réverbère en
terre formé de trois parties maintenues par des cercles en
fer. Dans la partie centrale est encastré un demi-cylindre
creux en argile réfractaire, soutenu par des rainures prati-
quées dans le massif du four, dont la partie postérieure est
fermée, et la partie antérieure ouverte. Ce demi-cylindre C
forme le moufle dans lequel sont percées deux fentes laté-
rales. Devant la bouche du moufle est un large rebord en
terre K sur lequel est placée une porte en terre mobile.
C'est sur ce rebord que les coupelles sont placées, avant
l'essai, pour les chauffer graduellement ; après l'essai, pour
les refroidir lentement. E est un registre servant à régler
le tirage; H, la porte déchargement; I, la porte du foyer.
La partie EE constitue le cendrier. Les accessoires se
composent d'un ringard droit et d'un ringard courbe, tous
deux en fer ; d'une pince à mâchoires, d'une pince élastique
à branches demi-circulaires, d'une pince forte en fer;
d'une cuillère et d'une main en tôle. Pour ne pas faire
tomber de charbon sur la tablette A, il est préférable de
disposer les portes de chargement B et du cendrier C du
côté opposé à l'ouverture du moufle. Les grands four-
neaux comme celui de la Monnaie de Paris comportent deux
moufles placés côte à côte sur le même plan horizontal.
La grille est formée de barreaux de fer mobiles. Le coke
est généralement employé comme combustible ; il est pré-
férable de lui substituer le charbon des cornues qui pos-
sède le double davantage de donner une température plus
élevée et beaucoup moins de cendres. Certains fours à cou-
pelle, comme le four Perrot, sont chauffés au gaz. Les cou-
pelles sont souvent formées de marne additionnée de cendres
de bois lavées et d'os calcinés finement pulvérisés. Elles
sont moulées dans un tronc de cône en laiton, appelé nonne ^
donnant la forme extérieure de la coupelle; la cavité inté-
rieure est produite par un pilon de forme spéciale ou
moine. Ces coupelles coûtent moins cher, mais elles sont
inférieures à celles formées d'os calcinés purs, elles condui-
63 -
CÔUPELLATION
THre
du lingot
Quantité
(le cuivre
ifiOO
0
950
50
900
100
800
200
700
300
600
400
500 à 0
500 à
sent moins bien la chaleur, et, par suite, sont plus sujettes
à se gercer. Une bonne coupelle doit être lisse, s'effriter
sans se fendre, supporter la pression des pinces, absorber
son poids d'oxyde de plomb et ne pas se gercer au feu.
La coupellation doit toujours être précédée d'un essai
approximatif. Un essayeur quelque peu exercé se rend
facilement compte du titre d'un lingot d'après la résistance
à la lime, la couleur que prend la surface limée à froid et
sous l'influence de la chaleur. Cette appréciation est indis-
pensable pour juger de la quantité de plomb à ajouter à
î'aUiage ; elle doit être d'autant plus forte que le titre est
plus bas. Le tableau ci-dessous, établi par Darcet, indique
ces proportions.
Plomb Proportiott du plomb
nécessaire par rapport au cuivre
3/iO »
3 60 à i
7 70 ai
40 50 à 1
12 40 à 1
14 35 à 1
500 à 1,000 16-17 32-16 kl
Le titre approximatif une fois établi, on pèse 1 gr. d'al-
liage, s'il contient plus de 800 d'argent, et 0s''500 si sa
teneur en métal fin est plus faible, pour éviter l'addition
d'une trop grande quantité de plomb. Cette prise d'essai,
entourée de papier ou d'une lame de plomb dont le poids
doit être retranché du plomb total, est introduite dans la
coupelle contenant ce métal en fusion, dès qu'il se dé-
couvre, c.-à-d. dès que sa surface devient brillante. La
porte est laissée entr'ouverte pour permettre : 1° la circu-
lation de l'air ; 2° l'observation de la coupelle. Celle-ci se
couvre immédiatement de points brillants qui courent à la
surface du bain. Ces points augmentent peu à peu jusqu'à
le couvrir complètement ; on rapproche alors la coupelle
de l'entrée jusqu'à la fin. Les phénomènes suivants qui se
produisent successivement permettent de suivre la marche
de l'opération. Les points brillants diminuent, puis dispa-
raissent; le bouton devient terne et se couvre de bandes
ayant les couleurs de i'arc-en-ciel (iris) . Il redevient terne
et se voile ; il faut à ce moment repousser la coupelle et
fermer la porte pour permettre aux dernières traces de
lithargede se liquéfier. L'éclair se produit presque aussitôt,
par suite de la disparition du plomb, qui, laissant à nu le
culot d'argent, le fait apparaître brillant.
C'est le moment délicat de l'opération. L'oxygène dissous
par l'argent, se dégageant par suite de la solidification de
ce dernier, entraîne des parcelles d'argent lorsque ce déga-
gement est trop brusque. Ce phénomène est connu sous le
nom de rochage. On peut l'éviter ou tout au moins
l'atténuer en augmentant la chaleur au moment de l'éclair,
de façon que la solidification du métal ne soit pas instan-
tanée. On reconnaît que l'essai est bien passé lorsque le
bouton obtenu est blanc clair, bien arrondi sans être
sphérique, cristallisé en dessous et se détachant facilement
de la coupelle après refroidissement. Pendant la liquation,
le réglage de la température a une grande importance. La
façon dont se comportent les fumées de la coupelle donne
des indications suffisantes. Voici ce que dit Vauquelin à
ce sujet : « On reconnaît que la chaleur est trop forte
lorsqu'on ne voit pas serpenter la fumée dans l'intérieur
du moufle ou que cette fumée s'élève trop rapidement à
la voûte ; l'essai n'a point été assez chaud quand la fumée
paraît pesante, obscure, que son mouvement est lent et que
sa marche se dirige presque parallèlement au fond du
moufle. » On peut augmenter la chaleur en fermant la
porte ou en reculant les coupelles ; on peut la diminuer en
ouvrant la porte, en avançant les coupelles ou en met-
tant des coupelles froides à l'entrée du four. Quel que soit
le soin apporté à cette opération, il y a toujours une petite
quantité d'argent perdue, par volatilisation ou par entraîne-
ment dans la coupelle, quantité d'autant plus grande que
le titre est plus bas. Cette perte oblige à corriger le résul-
tat obtenu* Cette correction peut se faire de deux manières :
1** en faisant parallèlement Fessai d'un alliage au même
titre ou à un titre voisin de l'alliage essayé ; 2° en se ser-
vant de tables de correction. Ce dernier système est le plus
suivi.
TABLEAU I)E COMPENSATION ADOPTÉ
À LA MONNAIE
Titre exact
Titre trouvé
Quantités à a
1,000
998,97
1,03
975
973,24
1,76
950
947,50
2,50
900
896
4
850
845,85
4,15
800
795,70
4,30
750
745,68
4,52
700
695,25
4,75
650
645,29
4,71
600
595,32
4,68
550
545,32
4,68
500
495,32
4,61
450
445,69
4,31
400
396,05
3,95
350
346,73
3,27
300
297,40
2,60
250
247,44
2,56
200
197,47
2,53
150
148,30
1,70
100
99,12
0,88
50
49,56
0,44
Coupellation de Vor, Pour séparer complètement le
cuivre on est obhgé d'ajouter de l'argent dans la proportion
de 3 de ce dernier métal pour 1 d'or, d'où vient le nom
d'inquartation donné à cet essai. On passe à la coupelle
le mélange d'alliage aurifère et d'argent en présence de
plomb, qui enlève presque tout le cuivre. Comme dans la
coupellation de l'argent, un essai approximatif est fait
préalablement pour déterminer les quantités d'argent et de
plomb à employer.
PLOMB À EMPLOYER POUR UN ALLIAGE DE TITRE DÉTERMINÉ
Titres
de i'or
1,000
900
800
700
600
500
400
300
200
100
Cuivre
allié à For
»
100
200
300
400
500
600
700
800
900
Plomb
nécessaire
i/2 gr.
10 p. OU 5i
16 —
22 ~-
24 —
26 —
34 -
34 -
34 —
34 -
5
11
12
13
17
17
M
17
Rapport entre
le cuivre et le plomb
'. 100,000 à 1
80,000 à 1
79,333 à 1
60,000 à 1
52,600 à 1
56,666 à 1
48,571 à 1
42,500 à 1
37,777 à \
On pèse Os^oOO d'alliage. Supposons qu'il soit au
0,900_X 3
2
: 1,350
titre de 0,900, il faudra employer :
d'argent et 5 gr. de plomb. Le plomb est mis dans la cou-
pelle ; lorsqu'il est découvert, on introduit la prise d'essai
qu'on laisse au four jusqu'à la disparition de Fi ris. L'essai
est retiré sans précaution puisqu'il ne roche pas. On enlève
le bouton, on le serre avec une pince, on le frotte avec une
brosse et on l'aplatit sur un tas d'acier. On le lamine,
puis on le recuit. Le disque est plissé en cornet et introduit
dans un matras d'essayeur avec 50 centigr. d'acide nitrique
à 22'' B. On chauffe jusqu'à ce que les vapeurs jaunes aient
cessé de se dégager. On décante cette liqueur, qu'on appelle
départ^ en ayant soin que le cornet devenu noir ne glisse
pas. On introduit alors dans le matras bien égoutté
20 centigr. d'acide nitrique à 32*» B. qui enlève tout
l'argent qui peut rester, après une ébuHition de 10 minutes;
on décante de nouveau et on verse la même quantité d'acide
nitrique que l'on remplace enfin par de l'eau. Le matras est
retourné avec lenteur dans un petit creuset en terre plein
COUPËLLATION - COUPERIN - 64 —
d'eau dans lequelle tombe la spirale d'or, puis relevé d'un
coup sec pour éviter de briser la feuille métallique. L'eau
contenue dans le creuset est décantée ; ce creuset est
tenu devant le moufle jusqu'à ce qu'il soit sec, puis porté
Fig. 1. — A, four; B, grille à barreaux mobile; C, moufle;
D, coupelle; E, registre pour le tirage; F, tablette en
fer sur laquelle on place le casier contenant les cou-
pelles; G, talonnet; Jf, porte de charge du combustible.
ensuite à l'intérieur où il est chauffé au rouge. Ces opé-
rations constituent la reprise et l'on appelle cornet de re-
tour l'or purifié et recuit. Ce cornet de retour est pesé
très exactement. Il n'est pas chimiquement pur, il contient
Fig. 2. — Moufle.
Fig. 3. — Casier
une petite quantité d'argent dont le poids sert à compenser
les pertes produites par volatilisation et entraînement dans
la coupelle.
Alliages d'or, d'argent et de cuivre. Ces alliages peu-
vent être divisés en deux catégories : i° l'or tenant argent
et l'argent tenant or ou do7^é. Les premiers sont d'abord
traités pour le dosage de l'or seul d'après les principes et
procédés exposés précédemment ; un second essai passé à la
coupelle avec du plomb seul donne le poids d'argent et
d'or. En retranchant le premier résultat obtenu du second,
on obtient le poids de l'argent. Ce dosage est peu exact; il
sera toujours préférable d'effectuer l'essai par voie humide.
Dans les lingots d'argent tenant or, quand les proportions
d'or et d'argent sont à peu près comme 1 à 5, l'essai
est passé à la coupelle avec le plomb nécessaire. Le bouton
est pesé, traité par l'acide nitrique pour dissoudre l'argent,
et l'or recuit est pesé à son tour. La différence entre le poids
de l'or et du bouton total donne le poids de l'argent. Quand
la proportion d'argent pour 1 d'or est supérieure à 3,
For obtenu est en poudre, état qui rend sa manipulation
bien plus difficile, mais avec un peu d'habileté et d'habitude
le dosage est aussi exact. On trouve aujourd'hui dans le
commerce des alliages de platine et or, platine et argent,
platine, or et argent, dont le dosage se fait aussi par cou-
pellation. Les différences introduites pour la séparation de
Fig. 4. — Fourneau à moufle.
ces métaux sont : 4*^ l'addition d'une proportion différente
d'argent, S** l'emploi de l'acide sulfurique comme dissolvant.
Les détails de ces procédés se trouvent tout au long dans
les ouvrages indiqués dans la bibliographie. Ch. Girard.
BiBL. : Vauquelin, Manuel de Vessayeiir, coll. Roret. —
RivoT, Docbnasie. — Riche, l'Art de Vessayeur. — Bal-
hïisG^ Manuel de Vart del'essayeur^ trad. par M. L. Gautier.
COUPELLE d'obturateur (Artill.) (V. Obturateur).
COU pelle-Neuve. Com. du dép. du Pas-de-Calais,
arr. de Montreuil-sur-Mer, cant. de Fruges; 212 hab.
COU PELLE- Vieille. Com. du dép. du Pas-de-Calais,
arr. de Montreuil-sur-Mer, cant. de Fruges ; 738 hab.
COUPER (Thomas) (V. Cooper).
COUPERIN (Les). Famille de musiciens français, origi-
naire de Chaumes en Brie, et dont les membres se rendi-
rent célèbres par leur talent pendant plus d'un siècle.
Louis Couperin, né en 1630, François, son cadet, et
Charles, le plus jeune des trois frères, né en 1638, étaient
fils d'un aubergiste de Chaumes ; le hasard les fit con-
naître à Champion de Chambonniêres (V. ce nom) qui
les emmena à Paris et se fit leur professeur ; tous trois
furent successivement organistes de l'église Saint-Gervais,
et les deux aînés furent attachés au service de la cour ; le
second, François, se montre excellent musicien dans un
recueil manuscrit de pièces d'orgue, qui est à la Bibliothèque
nationale. — Louise Couperin, fille de François, née vers
1676, morte en 1728, servit pendant trente ans dans la
musique du roi, comme cantatrice ; elle était en même temps
habile claveciniste. — Sa sœur, Marie-Anne ^ Couperin,
née en 1677, se fit religieuse et devint organiste de son
couvent.— Leur frère, Nicolas Couperin, troisième enfant
de François Couperin, né en 1680, mort en 1748, fut
musicien du comte de Toulouse et tint à son tour l'orgue
de Saint-Gervais. — François II Couperin, dit le Grand
Couperin, fils de Charles, né à Paris le 10 nov. 1668,
mort en 1733, portait dès 1690 le titre d'organiste de
- m -
COUPERIN — COUPLE
Samt-(^ervais ; en 1705, il s'intitule « chevalier de l'ordre
de Latran, organiste de la chapelle du roi et professeur
de Mgr le duc de Bourgogne ». Il avait obtenu l'orgue de
la chapelle royale en 1693, à la suite d'un concours dont
Louis XIV lui-même s'était constitué le juge, et avait ainsi
succédé à son maître, l'organiste Jacques Thomelin ; il fut
aussi claveciniste de la chambre du roi, et céda cet emploi
en 1730 à sa fille Antoinette-Marguerite Couperin. On
peut dire de François Couperin qu'il est une des gloires de
la musique française. Ses œuvres publiées sont : Pièces de
clavecin dédiées a Madame Victoire de France (in-fol.,
s. d.) ; VArt de toucher le clavecin (1716, 2^ éd. 1717);
Concerts royaux (4722) ; Premier^ second, troisième,
quatrième Livres de pièces de clavecin (1713 à 1730) ;
Concert instrumental sous le titre d'apothéose, corn-
'posé à la mémoire immortelle de V incomparable M. de
Lully (1725) ; Quatre Versets d'mi motet composé et
chanté par ordre du roy (1703) ; Sept Versets du
motet composé de l'ordre du roy (4704) ; les Nations,
sonades et suites desimphonies en trio (1726). Des édi-
tions nouvelles des pièces de clavecin de Couperin ont été
publiées par « un artiste antiquaire » en 1741, par
Farrenc dans son Trésor des pianistes, par Brahms
en Allemagne. Plusieurs de ces pièces, restées clas-
siques, ont été fréqueminent réimprimées dans des mé-
thodes, recueils et répertoires divers de musique de piano ;
on y trouve, avec un coloris plein de charme naïf et de
déhcatesse, un talent profond d'invention et de composition.
— Armand-Louis Couperin, fils de Nicolas et petit-fils
de François I®' Couperin, naquit à Paris le 25 févr. 1725
et y mourut lé 2 ou 3 févr. 1789 ; organiste de plusieurs
églises, il fut souvent choisi pour la réception de nouvelles
orgues, à cause de ses connaissances en facture ; il épousa
Elisabeth-Antoinette Blanchet, fille d'un facteur de clave-
cins, elle-même organiste et pianiste d'un grand talent, née
en 1728, morte en 1815. — Leur fille, Antoinette-An-
gélique,m^ en 1754, fut bonne cantatrice et virtuose sur
l'orgue et la harpe. — Pierre-Louis Couperin, né le
14 mars 1755, mort le 10 oct. 1789, fut organiste de
la chapelle du roi à Versailles, et de plusieurs églises de
Paris. — Enfin François-Gervais Couperin, son frère,
troisième enfant d'Armand-Louis et dernier représentant de
cette lignée d'artistes, fut organiste de la chapelle du roi
et de diverses églises, expert dans la construction des
orgues et compositeur fécond ; mais en héritant du nom
illustre des Couperin, qu'il fit vivre jusqu'au commence-
ment du XIX® siècle, il n'en sut pas maintenir l'ancien
éclat. M. Brenet.
BiBL. : J AL, Dictionnaire critique de biographie et d'his-
toire. — Lhuillier, Notes sur quelques musiciens dans la
Bne ; Meaux, 1870, in-8. — Weckerltn, Cafa^og'Me de la
réserve du Conservatoire; Paris, 1886, in-8.
COUPEROSE. I. Chimie et Thérapeutique (V. Cuivre).
IL Pathologie (V. Acné, 1. 1, p. 420, col. 1).
COUPESARTE. Com. du dép. du Calvados, arr. de
Lisieux, cant. de Mézidon; 118 hab.
COUPETZ. Com. du dép. de la Marne, arr. de Châlons-
sur-Marne, cant. d'Ecury-sur-Coole ; d08 hab.
COUPEUR (Techn.) (V. Confection).
COUPEUR d'eau (Ornith.). Nom vulgaire du genre
Rhynchops qu'on appelle aussi Bec-en-Ciseaux (V. ce mot).
COUPEUSE (Techn.). Dans la filature des lins fins on
coupe souvent la filasse en trois parties qui correspondent
l'une aux pieds des tiges, l'autre aux têtes et la troisième
à la partie moyenne appelée cœur. Les fibres provenant de
cette dernière partie sont plus régulières et plus homogènes,
et permettent d'obtenir des fils plus réguliers et plus beaux.
Les deux autres parties, provenant des pieds et des tètes,
sont tantôt traitées séparément, tantôt mélangées pour pro-
duire des fils un peu inférieurs aux autres comme régu-
larité et comme finesse. La section des poignées de filasse
se fait au moyen de machines dites coupeuses, et composées
de deux paires de rouleaux qui tiennent fortement le lin,
grande encyclopédie. — XIII.
pendant qu'un plateau armé de dents non tranchantes et
animé d'un mouvement de rotation rapide brise les fibres
entre ces rouleaux qui les maintiennent tendues. Le coupage
est la première des opérations industrielles de la filature.
COUPÉVILLE. Com. du dép. de la Marne, arr. de
Châlons-sur-Marne, cant. de Marson ; 274 hab.
COUPHOLITHE. Ce mot semble avoir été appliqué au
talc et à des silicates tendres, analogues. Le nom de cou-
pholithe est resté parmi ceux des pierres usitées par les
orfèvres. Il est aussi appliqué en minéralogie à une variété
de prehnite (siHcate d'alumine et de chaux ferrugineux et
hydraté), qui se présente tantôt en lames minces blanches,
analogues au sulfate de chaux ; tantôt en masses fibreuses
un peu verdâtres. Il semble d'ailleurs que ce soit là un vieux
nom, conservé par les modernes à l'une des substances
auxquelles il s'appliquait autrefois.
COUPIAC. Com. du dép. de l'Aveyron, arr. de Saint-
Affrique, cant. de Saint-Sernin ; ^,532 hab.
COU PIN de la Couperie (Marie-Philippe), peintre fran-
çais, né à Versailles en 1773, mort à Versailles en 1851.
Elève de Girodet, cet artiste fut attaché à la manufacture
de Sèvres et nommé successivement professeur de dessin
au collège militaire de La Flèche (1815) et à l'école mili-
taire de Saint-Cyr, fonctions qu'il conserva jusqu'en d844.
Parmi les moins insipides de ses productions sur porce-
laine, au pastel et à l'huile, on peut citer : Mademoiselle
d'Arjuson implorant la bonté divine pour le rétablis-^
sèment de sa mère (S, 1814; à la cathédrale d'Eu);
Conjuration entre le roi d'Espagne Marsile et le
traître Ganelon contre V armée de Charlemagne, pastel
(S. 1833). On a encore de lui: le Baptême de Clovis et
Saint Charlemagne, grisailles (à la chapelle des Pages,
à Versailles) , et six grands Camées peints sur porcelaine,
pour la décoration d'une colonne dédiée à la Paix, dans
l'ancien palais des Tuileries. Ad. T.
BiBL.: A.-F. BoissELiER, Notice sur M.-P. Coupin;
Versailles, 1852, in-8.
COUPLE. I. Géométrie et mécanique.— On appelle,
en général, couple de droites l'ensemble de deux droites pa-
rallèles, orientées en sens inverse et de longueurs égales. La
distance des deux droites en question est ce que l'on appelle
le bras de levier du couple. Le moment d'un couple est le
produit de la longueur de l'une de ses droites par son bras
de levier, il est égal à la somme des moments de ses droites
par rapport à un point quelconque de leur plan. L'axe d'un
couple est une droite dont la longueur est numériquement
égale au moment du couple, qui est perpendiculaire à ce
plan et qui est orientée de telle sorte qu'une personne,
ayant ses pieds à l'origine de cette droite et sa tète à son
extrémité, voie les segments du couple orientés de gauche à
droite (on peut faire la convention contraire), quand elle
place ses pieds au milieu des bras du levier. La projection de
l'axe d'un couple sur un axe orienté est égale à la somme
des moments des segments du couple par rapport à cet axe
(V. Moment).
Couple de rotations (V. Rotation).
Couple de forces. — Lorsque les segments d'un couple
représentent des forces, le couple est un couple de forces.
Un couple de forces appliqué à un corps solide n'a pas de
résultante, son effet n'est changé ni quand on le transporte
parallèlement à lui-même, ni quand on le déplace dans son
plan ; en général, deux couples de forces de même axe sont
absolument équivalents ; l'effet d'un couple sur un corps
solide pris au repos est de le faire tourner autour de son
centre de gravité ; les lois de ce mouvement ont été déter-
minées en partie par Euler, Poinsot, et complètement par
Jacobi, dans son mémoire sur la rotation des corps solides,
Mathematische Werke, Les couples se composent comme
les droites qui leur servent d'axes ; ainsi plusieurs couples
peuvent être remplacés par un seul dont l'axe est la résul-
tante des axes de ces couples.
Couple de courbes. — Trois connexes (V. ce mot) ont
en commun tous les éléments qui appartiennent à deux
5
COUPLE - m
courbes, lesquelles sont telles qu'à un point de l'une cor-
respond une tangente de l'autre et vice versa ; ces deux
courbes sont ce que Clebsch appelle un couple de courbes.
IL Physique. — Couple voltaïque. — Le couple yoI-
taïque proprement dit consiste dans la réunion d'une ron-
delle de zinc soudée à une rondelle de cuivre ; c'est ce couple
imaginé et expérimenté par Volta qui a donné naissance aux
innombrables piles électriques que nous avons maintenant
à notre disposition. îl réunissait un certain nombre de dis-
ques de ce genre en les séparant par des lames de drap
imbibées d'eau acidulée, le zinc de tous ces doubles disques
étant toujours tourné du même côté, tous vers le haut par
exemple, et il obtenait une pile de couples produisant des
courants suffisamment intenses pour donner de légères com-
motions. Sans reproduire ici la théorie émise par Volta dans
sa célèbre dispute avec Galvani (V. Galvanisme) , nous dirons
qu'il considérait l'attaque de l'eau acidulée par le zinc comme
la source du courant électrique obtenu ; le cuivre agissait
seulement comme conducteur, recueillait et transportait
rélectï*icité amenée par le zinc ; bien que cette théorie ne
soit pas absolument exacte, elle permet de se rendre suffi-
samment compte de la production de l'électricité dans les
couples hydro-électriques. Le couple de Volta se composait
donc essentiellement de deux métaux et d'un liquide
susceptible d'être attaqué par l'un des deux ; cette dispo-
sition se retrouve presque partout. Mais la pile ainsi cons-
tituée ne restait pas constante ; elle s'affaiblissait rapide-
ment ; le poids des rondelles supérieures pressait les ronds
de drap, en faisait écouler le liquide, ce qui avait un double
inconvénient ; la réserve d'eau acidulée n'était plus suffi-
sante pour obtenir une action suffisamment prolongée, et,
en outre, l'eau acidulée qui coulait le long de la pile
mettait ses divers couples en communication dérivée : une
partie de l'électricité des deux pôles se recombinait par ce
chemin et le courant qui traversait les rhéophor es attachées
aux pôles s'en trouvait d'autant diminué. La première
modification apportée au couple de Volta consista à placer
le liquide acidulé dans des vases isolés dans lesquels on
plongeait en partie les deux métaux, cuivre et zinc, qui
constituaient les pôles de ce couple. On a appelé par exten-
sion couples voltaïques tous les couples hydro-électriques,
c.-à-d. tous les systèmes formés de deux corps plongeant
dans un ou plusieurs liquides et jouissant de la propriété
du couple de Volta; mais comme le nom, impropre d'ail-
leurs, de pile est beaucoup plus usité que celui de couple,
c'est à ce mot que nous renverrons le lecteur pour la des-
cription des systèmes les plus employés.
Couples secondaires. — Quand on fait passer un cou-
rant électrique dans un sel métallique dissous en prenant
comme électrodes des lames du métal qui entre dans la
constitution du sel, on trouve que si on réunit ensuite ces
lames par l'intermédiaire d'un galvanomètre, après avoir
supprimé la pile, il se produit un courant de sens contraire
au premier. Si auparavant le système n'a pas été parcouru
par un courant, il ne fait pas dévier le galvanomètre. De
même si on décompose l'eau dans un voltamètre et que, en
levant la pile, on mette en communication avec un galvano-
mètre les deux bornes du voltamètre, on trouve qu'il se
produit un courant; il en est de même si l'on remplace
l'eau par une solution d'un sel alcalin. Volta a expliqué ce
phénomène en disant que, pendant le passage du courant, il
y avait dans le cas d'un sel métallique transport de la base
au pôle négatif de l'acide, au pôle positif et qu'en mettant
ensuite les électrodes en communication avec un galvano-
mètre le courant que l'on observait provenait de ce que les
deux électrodes n'étaient pas entourées de couches liquides
identiques, l'une étant plus acide que l'autre ; cette diffé-
rence produisait un couple électromoteur. Cette expMca-
tion a été vérifiée par Marianini. Dans le cas de la décom-
position de l'eau, le courant est produit parce que l'une
des électrodes est chargée d'hydrogène, tandis que l'autre
est chargée d'oxygène. On appelle courant secondaire
les courants qui sont ainsi produits par les électrodes pola-
risées ; c'est l'épithète que l'on donne aux électrodes qui
se trouvent ainsi modifiées par le passage du premier cou-
rant. On appelle couple secondaire un élément se compo-^
sant d'un liquide et de deux électrodes polarisées. La pre-
mière des piles secondaires a été imaginée par Ritter, qui
en a d'aiUeurs donné une théorie fausse. La pile de Ritter
se composait d'une série de lames de cuivre séparées de
morceaux de drap imprégnés de sulfate de potasse. En fai-
sant passer un courant électrique à travers le système,
chaque couche de sulfate de potasse étant décomposée,
l'acide sulkirique allait d'un côté, la potasse de l'autre.
Ensuite, quand on supprimait le courant, tous ces disques,
dont Tune des faces était recouverte de potasse et dont
l'autre était recouverte d'acide sulfurique, donnaient un
courant secondaire produit par le recombinaison de la
potasse et de l'acide sulfurique. Mais cette pile n'était pas
susceptible de rendre de grands services et les piles secon-
daires ont été peu employées jusqu'au moment où Planté
a trouvé des éléments véritablement pratiques. Les accu-
mulateurs électriques, si répandus maintenant, ne sont
autres que des couples secondaires, et la plupart ne sont
mèine que des couples Planté assez peu modifiés. Planté
avait remarqué en 1859 que, lorsqu'on décompose de l'eau
en prenant pour électrodes des lames de plomb, il ne se
dégage pas d'oxygène au pôle positif, mais il se forme du
bioxyde de plomb. En interrompant ensuite le courant,
l'électrode de plomb donne avec celle qui s'est ainsi recou-
verte de bioxyde, un courant énergique, mais de durée
assez faible, et le bioxyde disparaît en laissant du plomb
métallique spongieux. En répétant plusieurs fois l'expé-
rience, on constate que le couple s'améliore à chaque fois.
Il a besoin d'être formé. Pour accélérer cette formation,
on a l'habitude de faire l'expérience un certain nombre de
fois en changeant toujours le sens du courant. Les deux
électrodes se transforment ainsi, deviennent spongieuses,
et par suite présentent une surface d'action plus considé-
rable. Une fois le couple formé, on le cliarge toujours dans
le même sens. Planté donne à ses couples secondaires U
disposition suivante : il prend deux lames de plomb sépa-
rées par des bandes de caoutchouc et les enroule l'une sur
l'autre, de façon qu'elles n'occupent qu'un petit volume
tout en présentant une grande surface. L'ensemble est
ensuite plongé dans un vase contenant de l'eau acidulée et
les deux lames do plomb communiquent par une extrémité
avec des bornes où Ton attache des rhéophores .
La propriété fondamentale des couples secondaires est de
donner un courant d'intensité plus considérable que celle
de la pile qui Fa chargé, mais d'une durée moindre. On
assemble en général les couples secondaires sur un support
à commutateur qui permet, par une simple rotation, de
relier en tension ou en surface les divers couples. Pour
charger la pile on les réunit en surface et pour la déchar-
ger on les réunit en tension. Avec une batterie de 20 couples
charges pendant plusieurs heures en surface, à l'aide de
quelques éléments Bunsen, on obtient en les réunissant en
tension un courant qui équivaut au commencement à celui
de 60 éléments Bunsen. En réunissant 800 couples secon-
daires, Planté a obtenu des courants comme en pourraient
produire 1,200 éléments Bunsen. Avec des piles de cette
puissance, on peut charger des condensateurs et produire
des effets très remarquables tels que ceux de la gravure
sur verre (V. Courant électrique, Effet mécanique).
Couples thermo-électriques. — On désigne sous ce nom
les éléments composés de deux métaux soudés qui per-
mettent d'obtenir les courants électriques par l'inégal
échauffement des soudures. L'intensité de ces courants
dépend de l'élévation de température de la soudure sur
celle du reste du circuit et de la nature des deux métaux
soudés ; si la soudure a lieu, comme cela a presque tou-
jours lieu par l'intermédiaire d'un autre corps (soudure des
plombiers parexemple), on constate que ce corps n'a aucune
influence. On appelle pouvoir thermo-électrique relatif de
deux métaux donnés l'intensité du courant qu'ils donnent
67 -
COUPLE
fer
fer
fer
fer
zinc
cuivre
cuivre
argent
argent
étain
cuivre
argent
platine
cuivre
platine
étain
cuivre
or
31,24
27,96
26,20
36,07
1,0
8,55
3,50
2,00
0,50
dans un circuit de résistance constante quand on élève leur
soudure à 4°, toutes les autres parties du circuit étant à 0°.
Pour déterminer ces pouvoirs on dispose dans un même
circuit un grand nombre de divers métaux soudés deux
à deux et un galvanomètre, on maintient à 0^ toutes les
soudures, sauf une que l'on porte à une température donnée,
20^ par exemple; on mesure à Taide du galvanomètre
Couples I
Intensités :
Remarquons que le pouvoir thermo-électrique relatif du
couple fer-platine (36,07) est sensiblement égal à la somme
des pouvoirs des couples fer-cuivre et cuivre-platine
(27, 96 -H 8,55= 36,51) ou à la somme des pouvoirs des
couples fer-argent, argent-cuivre, cuivre-platine (26,20,
H- 2,00 -h 8,55=: 36,75). On pourrait multiplier ces
exemples ; on en conclut que le pouvoir thermo-électrique
relatif à deux métaux est égal à la différence de deux
coefficients, chaque métal possédant un coefficient propre.
Si nous désignons ce coefficient par la lettre initiale de
chaque métal, les nombres du tableau précédent donneront
F-E=:: 31,24; F-C = 27,96; F-A=: 26,20, etc., et si
l'on connaît l'un de ces coefficients, les autres seront déter-
minés. On peut prendre arbitrairement un de ces nombres
égal à 1 et au lieu d'avoir un tableau contenant tous les
groupes possibles des métaux deux à deux avec leur pouvoir
relatif il suffira U'avoir un tableau contenant le coefficient
propre à chaque métal et en retranchant les coefficients corres-
pondants de deux métaux on aura leur pouvoir thermo-élec-
trique relatif. On peut aussi, avec Becquerel, remarquer que
les métaux ayant sensiblement le même pouvoir thermo-
électrique sont ceux qui ont aussi à peu près le même pouvoir
émissif; si l'on admet alors qu'il y a proportionnaUté entre
ces deux pouvoirs, on peut déterminer le pouvoir absolu de l'un
des éléments. Quel que soit le procédé employé, les nombres
relatifs obtenus dépendent de la résistance du circuit et de
l'intensité du courant produit ; on refroidit alors cette
soudure à 0** et l'on en chauffe une autre à 20* et l'on
mesure la nouvelle intensité du courant. Les nombres
aussi obtenus sont proportionnels aux pouvoirs thermo-
électriques des métaux essayés deux à deux. Les nombres
ci-dessous donnent ces pouvoirs relatifs pour un certain
nombre de couples.
Couples
Nombre de couples ;
platine
palladium
1370
fer
cuivre
1053
antimoine
bismuth
188
Applications. On voit que le plus fort de ces couples
vaut à peu près Daniel 0,04. Aussi ces piles sont peu
intenses, mais comme elles fournissent un courant très
constant, on les emploie assez souvent dans les recherches
d'électricité qui exigent la constance du courant. On les
emploie aussi et avec le plus grand succès pour mesurer
la différence de température de deux corps : dans l'étude
de la chaleur rayonnante, c'est une petite pile composée de
25 barreaux d'antimoine et de 25 barreaux de bismuth
dont les soudures de rang pair sont toutes d'un même côté,
pendant que les soudures de rang impair sont de l'autre
qui permet de mesurer la chaleur émise par rayonnement.
On a fait des piles thermo-électriques d'un assez grand
nombre d'éléments pour produire les effets de quelques
éléments Daniel. Le type de ces piles est la pile Clamond.
L'un des modèles est formé de lames de fer et de galène
soudées et disposées suivant les rayons d'un cercle; les
soudures de rang pair se trouvent à l'extérieur, les autres
sont du côté du centre où elles forment une sorte de che-
minée oii brûle un bec de gaz. Le refroidissement des sou-
dures extérieures est produit par l'air. On a appliqué des
piles de ce genre à des travaux de galvanoplastie. Elles
rendent en travail électrique environ 4 *>/© du travail
calorifique qu'elles absorbent. Elles ne sont économiques
que si elles peuvent servir en même temps comme poêles.
M. Clamond a construit une pile de ce genre, chauffée au
coke, composée de 6,000 éléments ; elle avait une force
électromotrice de 109 volts. A. Joannis.
III. Marine. — Nom donné à chacune des côtes du
navire. Ces côtes sont formées de pièces accouplées, d'où leur
la température à laquelle a été portée la soudure échauffée ;
mais on remarque que ces nombres sont proportionnels à
l'élévation de température de la soudure chauffée (quand
elle ne dépasse pas 50*^ environ) et à la conductibilité du
circuit. On ramène alors les nombres observés à ce qu'ils
seraient pour 1^ et une conductibilité 1 en les divisant par
l'élévation de température et les multipliant par la résis-
tance du circuit.
Pour former une pile thermo-électrique on réunit un
certain nombre de couples thermo-électriques en soudant
les uns aux autres les barreaux de diverses natures ; on
forme ainsi une chaîne alternativement composée de bar-
reaux de métal M et de barreaux de métal M^. Pour que
ces couples ajoutent leurs actions, on chauffe à une même
température toutes les soudures de rang pair tandis qu'on
laisse à la température ordinaire ou que l'on refroidit avec
de la glace les soudures de rang impair. La force élec-
tromotrice de la pile ainsi obtenue est proportionnelle au
nombre des couples et à la différence des températures
des soudures de rangs pair et impair tant que celle-ci ne
dépasse pas 50° environ. Au-dessus elle croît moins vite
que la température et souvent elle diminue à partir d'un
certain degré ; elle peut même s'annuler et changer de
signe. Nous donnons dans le tableau suivant le nombre
de diverses coupes thermo-électriques qui équivalent,
comme force électromotrice, à un Daniel.
ail. antimoine
et zinc
maillechort
97,2
ail. antimoine
et cadmium
maillechort
44,1
tellure
sulfure
de cuivre .„ ,
maillechort niaillechort
29,4 24,2
nom. L'ensemble des couples constitue la membrure. Un
couple est droit quand ses deux branches sont dans un même
plan perpendiculaire au plan longitudinal et au plan hori-
zontal. A l'avant et l'arrière, on emploie des couples dits
dévoyés, perpendiculaires au plan horizontal, mais obliques
au longitudinal et normaux à la courbe horizontale du na-
vire, au point où ils sont placés. Il suit de là que les
branches des couples de l'avant convergent vers l'avant et
que celles des couples de l'arrière convergent vers l'arrière.
Le dernier couple de l'arrière se nomme' Vestain qui fait
partie de l'arcasse. Le dernier couple de l'avant est le
coltis. Lorsque les deux plans de pièces de bois qui cons-
tituent un couple sont juxtaposées, le couple est jointif;
quand, au contraire, on maintient entre elles un certain
écartement à l'aide de dés, il est dit à maille. Autrefois,
il y avait des couples de levée et des couples de remplis-
sage. Les premiers étaient en nombre suffisant pour bien
déterminer les formes du navire ; les autres servaient à
remplir les intervalles qui séparaient les couples de levée.
On en plaçait ordinairement trois dans chaque intervalle.
Les couples de remplissage que l'on ne dressait sur la
quille qu'après les autres n'avaient d'autre but que de
réduire la maille à une largeur inférieure à 0"^16, cahbre
du projectile de 30, le plus employé au temps de la marine
à voiles. Us ne sont plus guère usités que sur les cuirassés
à murailles pleines. Les couples de levée montaient de la
quille au plat-bord. Leur disposition, dans les anciens
vaisseaux, était telle que chacun d'eux formait, par sa face
avant, la face arrière d'un sabord de la première batterie ;
1 par sa face arrière, la face avant d'un sabord de la-
COUPLE — COUPOLE — 6S
deuxième. Les couples de remplissage, au contraire, étaient
en général interrompus par les sabords. Celui du milieu,
que l'on voit en C'R', est le seul qui monte de la quille au
plat-bord : il forme les faces avant des sabords des pre-
mière et troisième batteries et la face arrière du sabord de
CL, couples de levée; C'R', couples de remplissage;
M, mailles ; S, sabords.
la deuxième. Les mailles qui restent entre les couples ont
pour but d'alléger la membrure et d'en assurer la conser-
vation en permettant à l'air d'y circuler librement. Ces
mailles s'étendaient autrefois de la quille au plat-bord ;
mais, plus tard, en vue de la consolidation des fonds, on
remplit ces derniers jusqu'à l'extrémité des varangues. On
n'emploie plus aujourd'hui que des couples de levée que
l'on met en place, soit d'une seule pièce, soit par quartier.
Ceci fait, on passe à deux opérations de la plus haute im-
portance : le balancement et le perpignage. Le balance-
ment a pour but de placer les axes de tous les couples
dans le plan longitudinal ; le perpignage de diriger le plan
du couple perpendiculairement au-dessus de la quille et au
plan diamétral. C'est après avoir balancé et perpigné les
couples de levée que l'on songeait aux couples de remplis-
sage. On relevait leurs gabarits sur les lisses elles-mêmes.
Les couples levés et les lisses en place, le bâtiment est dit
monté en bois tors. Les couples dévoyés se composent
de deux parties, réunies à l'aide d'un massif spécial qui
remplit l'angle de dévoiement quand on le place entre les
branches dii couple, et que Ton place quelquefois à l'exté-
rieur do ces branches. La distribution de ces couples n'est
soumise à aucune règle fixe ; on les place généralement
do façon que leur pied soit fixé à l'endroit des couples
droits qu'ils remplacent. Les couples dévoyés exigent des
pièces de bois de moindre équarrissage que les couples
droits, ainsi qu'on peut le vérifier par la figure ci-dessus,
représentant la section par un plan horizontal d'un couple
droit et d'un couple dévoyé, situés dans la même position
sur l'arrière d'un navire. On voit qu'il faut une pièce de
bois infiniment plus forte pour le couple droit ; de plus, le
chevillage, portant au-dessus des angles, n'aura aucune
solidité. En général, toute pièce placée aux extrémités de
la membrure est dite dévoyée parce que ses faces planes
sont obhques au plan longitudinal.
Les couples des embarcations se construisent d'une ma-
nière particuKère. Un modèle d'embarcation étant donné,
on construit des couples de très fort équarrissage, mais
exactement semblables, comme force extérieure, à ceux
du canot en question. Aux endroits indiqués par le tracé,
on assujettit ces couples sur la quille; puis on applique
sur leur can le bordé extérieur de l'embarcation et on le
maintient provisoit-ement au moyen de clous. On place
alors les couples définitifs, faits à l'aide de pièces de bois
chauffés à l'étuve. Leur base s'appuie sur la face supé-
rieure de la quille et leurs branches sur les bordages du
revêtement extérieur. Il ne reste plus qu'à les clouer défi-
nitivement à la quille et au bordé.
Canot à couple. Dans un canot à couple, chaque banc
porte deux nageurs ; les dames ou toletières sont disposées
symétriquement au plan longitudinal.
Amarrage à couple. Ce genre d'amarrage, employé
par les petits bâtiments, consiste à relier le navire à un
ponton par des grelins, de manière que tous deux soient
placés côte à côte ; le ponton est amarré lui-même à quatre
amarres. Ce système est usité exclusivement à tout autre
au port de Rochefort.
Remorqueur à couple. Un navire en remorque un autre
à couple lorsque le remorqueur et le remorqué sont placés
bord à bord. On laisse tomber par le travers de grosses
défenses, et souvent des espars, afin de maintenir entre
les deux un écartement constant. Les deux navires sont
d'ailleurs maintenus l'un à l'autre à l'aide de grelins ou
de fortes aussières.
IV. Art héraldique. — Couple de chiens. —Figure
artificielle représentant le petit bâton muni de deux liens,
dont on se sert pour coupler les chiens de chasse ; les liens
ne s'expriment en blasonnant que lorsqu'ils sont d'un autre
émail.
BiBL. : Marine. — Planté, Comptes rendus de VAcad.
des se, E, p. 640.
COUPLET (V. Chanson).
CD U PO LE. L Architecture. — Voûte en forme de coupe
renversée, d'où son nom italien cupola, passé en français
au xvi« siècle. Il ne faut pas confondre la coupole, qui
désigne surtout une voûte intérieure, avec le dôme (V. ce
mot), qui ne devrait s'employer que pour désigner Fenve-
loppe extérieure de cette voûte : ainsi, dans le cas où il
n'y aurait pas de construction intermédiaire entre la cou-
pole et le dôme lui servant d'enveloppe, la coupole serait,
à proprement parler, l'intrados de la voûte dont l'extrados
formerait le dôme, et cette confusion dans l'emploi des
deux termes est d'autant plus fâcheuse que les coupoles ne
sont pas toutes accentuées à l'extérieur par un dôme et
que les dômes ne recouvrent pas toujours une coupole. —
L'origine de la coupole est des plus anciennes, surtout sous
la forme ovoïde, forme sous laquelle elle semble, à l'origine
de toutes les civihsations, avoir servi aussi bien à couvrir
les premières habitations que les premiers tombeaux. Les
huttes qui abritent les peuplades restées encore de nos
jours presque à l'état sauvage dans toutes les parties du
monde, de la Laponie aux îles océaniennes, ainsi que les
anciennes cabanes des Gaulois et des Marcomans, dont les
bas-reliefs romains nous ont conservé des représentations
très nettes, nous offrent également des coupoles parfois
semblables de forme à celles que l'on remarque dans les
tumulus préhistoriques de la Gaule, dans les nourhages
de la Sardaigne, au trésor d'Atrée à Mycènes, dans les
îles de l'Archipel, à la pyramide de Qournah, en Nubie, etc.;
69
COUPOLE
mais, fait intéressant à noter, ces coupoles primitives sont
construites en encorbellement, ce qui en rendait l'établis-
sement plus facile ; en revanche, dans plusieurs d'entre
elles, la taille et le ragréemcnt de la surface intérieure
laissent bien peu à désirer. — A l'état d'élément architec-
tural, la coupole semble avoir pris naissance en Orient,
dans la Perse ou la Mésopotamie, ces pays riches en limon,
et un bas-relief assyrien, trouvé par M. Layard à Koyoun-
djick, sur l'emplacement des ruines de Ninive, ne laisse
aucun doute sur la haute antiquité des coupoles asiatiques.
A une époque plus rapprochée de nous, on vit des coupoles
s'élever en Grèce, témoin celle monolithe couvrant le petit
monument chorégique de Lysicrates à Athènes (fig. 4) et
Fig. 1.-
- Coupe monolithe du monument de Lysicrates,
à Athènes.
aussi, mais à une époque peut-être antérieure, en Etrurie,
témoin, entre autres, la demi-coupole, taillée dans le cal-
caire, d'un tombeau souterrain de Vulci où des détails de
charpenterie indiquent bien l'imitation d'une armature en
bois recevant, à l'intérieur de ses nervures, des caissons
de remplissage. Mais le plus grand effort de l'emploi de la
coupole dans l'Occident, oh cet élément d'architecture
semble s'être surtout développé en même temps que le
système de balnéation des Orientaux, dans les salles des
Thermes, est la coupole de la grande salle ronde des
Thermes d'Agrippa, à Rome (aujourd'hui le Panthéon),
salle de 44 m. de diamètre, sans points d'appui intermé-
diaires et dont la construction de la coupole, effectuée à
l'aide d'arcs superposés en briques, dénote une grande
science.
C'est surtout dans le monde oriental, byzantin ou musul-
man, que la coupole couvrit, avec des formes diverses,
aplatie, hémisphérique, ovoïde ou bulbeuse, un grand
nombre d'édifices, depuis le transfert du siège de l'empire
de Rome à Byzance devenue Constantinople, pendant toute
la durée du moyen âge et encore de nos jours. On vit alors
la coupole, qui n'avait été l'objet que de timides essais de
la part des premiers chrétiens, soit dans les catacombes de
Rome, soit dans les kalibis de Syrie, se dégager peu à
peu du plan circulaire qui lui servait d'abord de base, se
servir de pendentifs (V. ce mot) pour recouvrir des sur-
faces carrées, s'adapter ainsi à merveille à accentuer la
croisée du transept et de la nef des églises chrétiennes, et
offrir, sous Justinien, dans la partie centrale de Sainte-
Sophie de Constantinople, œuvre des architectes ioniens
Anthémius de Thralles et les Isidore de Millet, la plus
grande coupole de ce genre. Tout l'empire byzantin, dans
ses provinces d'Europe, d'Asie et d'Afrique, éleva des cou-
poles sur pendentifs et l'influence de ce système de cons-
truction se fit sentir à l'Occident, dans toute l'Italie, et
pénétra jusque dans le centre et l'ouest de la France, en
Périgord, dans l'Angoumois et dans l'Anjou, en même
temps qu'à l'est de l'Europe, les Russes s'en inspiraient
pour la construction de leurs églises. De même, tout l'est
et le sud de l'empire, l'Asie antérieure, l'Afrique septen-
trionale et une partie de l'Esçagne, converties à la religion
de Mahomet, éprouvant, soit l'influence byzantine, soit
une influence purement orientale, voyaient la coupole se
multipHer et comme caractériser les édifices musulmans,
d'Ispahan, de Bagdad et de La Mecque au Caire, àKairouan
et à Cordoue.
Si du xii^ au xvi*^ siècle, l'Italie a vu s'élever quelques
rares coupoles liées à des édifices d'architecture ogivale,
c'est surtout avec la Renaissance que la coupole reprit
faveur en ce pays, et, de là, avec l'expansion de l'architec-
ture itahenne, dans tout le monde moderne, de la Russie
aux Etats-Unis de l'Amérique du Nord. La première grande
coupole, de forme ovoïde et pyramidale, fut la coupole de
Sainte-Marie-des-Fleurs, à Florence, œuvre deBrunelleschi,
et fut suivie de celle de Saint-Pierre de Rome, conçue par
le Bramante, continuée par ses successeurs, dont Michel-
Ange, qui en fit faire un modèle en bois, et enfin achevée
par Jacques de la Porte et Dominique Fontana. En France,
il faut citer, entre autres, les deux plus anciennes coupoles
de Paris, celle de la chapelle du couvent des Augustins,
aujourd'hui enclavée dans l'Ecole nationale des beaux-arts,
et celle de l'église des Carmes, rue de Vaugirard ; puis
celles des églises ou chapelles du Val-de-Grâce, de l'Assomp-
tion, de la Sorbonne, du collège Mazarin (Institut de France),
de la Visitation de Sainte-Marie, rue Saint-Antoine (au-
jourd'hui convertie en temple protestant), enfin, dans les
édifices consacrés au culte, celle de l'église des Invalides et
celle de l'église Sainte-Geneviève (aujourd'hui le Panthéon).
Ces deux dernières coupoles sont intéressantes à examiner,
car elles constituent plutôt un ensemble de trois coupoles
superposées : une première coupole, inférieure, hémisphé-
rique, tronquée à son sommet et décorée de caissons et de
pemtures, avec, au centre, un grand vide laissant voir les
peintures qui décorent la surface intérieure d'une seconde
coupole ovoïde fermée, laquelle est elle-même enveloppée et
surmontée d'une troisième coupole ovoïde, formant dôme à
Fig. 2. — Coupe de la partie supérieure du dôme des
Invalides, à Paris.
l'extérieur et couronnée d'un lanternon (fig. 2). La plupart
de ces coupoles, élevées depuis la Renaissance, sont en pierre
ou en maçonnerie : il en est de même de celle de Saint-Paul
de Londres ; mais celle de l'église Saint-Isaac, à Saint-Péters-
bourg, est toute de construction métallique, et, dès la Renais-
sance, Philibert de Lorme avait projeté, pour l'abbaye de
COUPOLE — 70
Montmartre, un vaste réfectoire circulaire qui devait être
couvert d'une voûte hémisphérique en bois suivant un sys-
tème qui porte son nom et que réalisèrent, en 1782, Legrand
et Molinos, dans l'ancienne coupole en bois de la Halle aux
blés, laquelle, incendiée en 1802, fut remplacée en 1811
par la coupole en fer encore existante due à Bélanger
(V. ce nom). D'autres coupoles de métal furent exécutées
de nos jours et il suffira de citer les deux coupoles inté-
rieure et extérieure de l'église Saint-Augustin, à Paris,
les coupoles mobiles des observatoires de Paris, de Vienne,
de Saint-Pétersbourg et de Nice (cette dernière construite
par M. Ch. Garder, architecte, et Eiffel, ingénieur), enfin
celles élevées au Champ-de-Mars, pour l'Exposition univer-
selle de 1889, sur les dessins de MM. Bouvard etFormigé
(V. AKCmïECïURE BYZANTINE, ARABE, Ctc). Ch. LuCAS.
IL Fortification. — On donne le nom de coupole ou
tourelle en fortification à une sorte de blockhaus cuirassé
de tonne cylindrique surmonté d'une épaisse calotte en
métal et servant d'abri à un ou deux canons. Ce système
est mobile autour de son axe et entraîne dans son mouve-
ment les pièces d'artillerie qui embrassent de cette façon
un champ de tir de 360^,. tandis que sous casemate elles
ne peuvent être déplacées que de 60 à 70° au maximum.
La mobilité des coupoles permet, en outre, de dérober aux
coups leurs embrasures en les tournant du côté opposé à
celui de l'ennemi pendant les intervalles du tir. Ces em-
brasures constituant néanmoins la partie la plus vulné-
rable de la cuirasse, l'affût est construit de telle sorte que,
dans le pointage en hauteur, les pièces tournent autour du
centre de l'orifice; on obtient ainsi V embrasure mini--
mum. Le cylindre métallique de la coupole est entouré
d'un massif circulaire en maçonnerie ou mieux en béton
de ciment renforcé par un parapet en sable ou en terre
sablonneuse ; la coupole n'émerge au-dessus de cette sorte
de cuve que de la quantité nécessaire pour démasquer le
tir. Un anneau fixe en métal, qu'on nomme avant-cui-
rasse, garnit le bord de l'excavation. Le métal de la
cuirasse doit être ductile et dur de manière à résister au
choc des projectiles sans se laisser ni traverser ni briser.
Ces deux quaUtés sont pour ainsi dire exclusives l'une de
l'autre; aussi a-t-on beaucoup varié dans le choix de ce
métal et a-t-on donné tour à tour la préférence à l'acier
martelé, à la fonte coulée en coquille suivant le procédé
Griison, et au fer laminé. Certains constructeurs ont cru
trouver la meilleure solution en fabriquant un métal mixte
ou compound formé de deux couches superposées, la pre-
mière résistant à la pénétration par sa dureté, la seconde
empêchant par sa malléabilité les fissures de s'étendre et
servant en quelque sorte de matelas. Mais on n'a pas
encore réussi à souder assez intimement les deux couches
l'une à l'autre. La grande épaisseur à donner aux plaques
de cuirassement constitue pour la métallurgie une autre
difficulté qu'il a paru possible d'éviter en superposant plu-
sieurs plaques minces boulonnées ensemble. L'expérience a
toutefois démontré qu'à épaisseur égale une plaque unique
résiste mieux qu'un ensemble de plusieurs plaques minces.
On est d'ailleurs parvenu récemment à fondre des plaques
de fer ou d'acier de 0"*50 d'épaisseur qui sont suffisamment
homogènes.
Bien que l'invention des coupoles ne remonte pas à plus
d'une vingtaine d'années, les progrès incessants de l'artil-
lerie leur ont déjà fait subir de nombreuses transforma-
tions. Un des premiers types est celui des coupoles belges
qui ont servi à l'armement des forts Saint-Philippe et" la
Perle, à Anvers. Ces coupoles sont de grands cylindres en
tôlerie à deux étages, dont la plate-forme inférieure repose,
à la façon des plaques tournantes des chemins de fer, sur
une couronne de galets. L'étage supérieur est armé de
Fig, 3. — Expériences de Bucarest. Coupole Schumann, en fonte durcie, pour canon de 0™15.
deux canons Krupp de 0^275 placés parallèlement l'un à
côté de l'autre. Une muraille cuirassée protège la partie
du cylindre qui est exposée aux projectiles. Cette muraille
est formée d'une plaque métallique fixée par des boulons
sur un matelas en fer et bois. Le ciel est garni d'un cui-
rassement de même nature mais moins épais. A sa partie
inférieure la coupole porte sur son pourtour une grande
crémaillère s'engrenant avec un pignon sur lequel on peut
faire agir, par l'intermédiaire d'une série d'organes de
transmission, soit une machine à vapeur, soit un cabestan
à bras d'hommes. — En 1886, le gouvernement roumain a
soumis à des expériences comparatives deux types de cou-
poles présentés, l'un par la maison Grtison de Magdebourg
(système Schumann), l'autre par la Compagnie française
des forges de Saint-Chamond (système Mougin). La cou-
pole Schumann se réduit à une calotte sphérique en fonte
durcie de 6 m. de diamètre ; elle est armée de deux canons
Krupp de 15 centim. Chaque pièce prend appui, à l'avant,
sur l'embrasure, et à l'arrière, sur deux directrices circu-
laires ayant pour centre le miheu de cette embrasure et
rehaut la cuirasse au pivot central autour duquel peut
tourner et osciller le système. Ces oscillations sont limitées
par une couronne de galets qui roulent sur une circulaire
fixée à l'avant-cuirasse. La pièce est, en outre, équilibrée
par un contrepoids qui facilite le pointage en hauteur. Ce
dernier s'exécute en déplaçant la culasse le long des direc-
trices auxquelles elle est reliée par une vis creuse et un
écrou, La rotation du système s'obtient en agissant directe-
- 71 - COUPOLE
ment sur les galets. — La coupole Mougin pour deux canons
de 455 millim., système de Bange, est en fer laminé et de
forme cylindrique ; sa toiture est horizontale ; son diamètre
est de 3""90. La partie verticale de la cuirasse a 45 centim.
Fig. 4, •— Coupole Mougin, en fer laminé.
d'épaisseur ; sur la toiture cette dimension est réduite à
48 centim. La coupole repose sur un pivot hydraulique par
l'intermédiaire d'entretoises en tôle; elle porte, en outre,
à la partie inférieure une couronne de galets qui servent à
guider le mouvement de rotation autour du pivot. Chaque
pièce est supportée par unaflfùt à frein hydraulique mobile
entre deux glissières circulaires autour d'une cheville
ouvrière dont la position est réglée de façon que dans le
Fig. 5. — Affût cuirassé à éclipse pour canon de 0°»12,
pointage en hauteur le canon tourne sensiblement autour
du centre de l'embrasure. De même que dans le type précé-
dent, les pièces sont équihbrées par des contrepoids ; leur
déplacement dans le sens vertical est, en outre, facilité
par un petit piston hydraulique. La rotation de la tourelle
s'obtient au moyen d'un pignon engrenant dans une cré-
maillère fixée à la maçonnerie de fondation.
Les expériences de Bucarest ont montré que le tir sous
coupole tournante n'avait pas toute la précision dési-
rable. La cause en est au procédé de mise du feu qui con-^
COUPOLE — COUPON
72
siste à établir un contact électrique au moment où les
pièces entraînées dans le mouvement circulaire de l'appa -
reil passent dans le plan de tir. Or, il suffit que ce contact
soit très légèrement en avance ou en retard pour que le tir
en direction soit notablement déréglé. En outre, la rotation
des coupoles n'est pas assez rapide pour permettre d'en
soustraire les embrasures aux coups d'une façon certaine.
Ces considérations ont conduit à l'invention des coupoles
à éclipse qui se dérobent aux vues, dès que les pièces ont
fait feu, en s'abaissant au-dessous de Tavant-cuirasse.
Tels sont les nouveaux affûts cuirassés du major Schu-
mann, la tourelle Nordenfelt, la coupole oscillante Mougin,
la tourelle à éclipse du colonel Souriau. Les affûts Scliu-
mann ne comportent qu'une seule pièce. Ils sont fondés
sur l'emploi d'un levier à contrepoids dont le petit bras
supporte l'ensemble de la cuirasse, du canon et de son affût,
et dont les déplacements verticaux font monter ou des-
cendre tout le système. La cuirasse, composée d'une calotte
et d'une ceinture cylindrique, s'appuie sur le levier par
l'intermédiaire d'un étrier et d'une tige verticale surmon-
tée d'un plateau. L'étrier repose librement sur ce plateau
par sa traverse inférieure qui forme un large pivot autour
duquel s'opère la rotation delà coupole. Dans l'affût cuirassé
FiL^ 6. -
■ Tourelle Nordenfelt à éclipse pour canon à tir
rapide de 0'«"^057.
pour canon de 12 centim., la pièce est maintenue entre les
montants de l'étrier par deux coulisseaux glissant dans des
rainures circulaires pratiquées dans ces montants et con-
centriques avec l'embrasure ; elle est, en outre, équilibrée
par un contrepoids dont Faction s'exerce, par l'intermé-
diaire d'une poulie de renvoi, sur l'extrémité d'une tige
courbe portant une graduation pour le pointage en hau-
teur. La manœuvre de la coupole se fait entièrement à
bras d'hommes ; six hommes suffisent pour en assurer le
service et donner au tir une vitesse de un coup par minute.
L'éclipsé est produite en deux secondes. — Dans le système
Nordenfelt, la coupole est équilibrée par un contrepoids
auquel elle est reliée par trois chaînes passant sur des
poulies de renvoi. Une crémaillère fixée au contrepoids
engrène avec un pignon qui prend appui sur la plate-forme
de la coupole et qui détermine par sa rotation le mouve-
f ment d'éclipsé. — La coupole oscillante Mougin est consti-
tuée par une calotte sphérique mobile autour d'un diamètre
horizontal perpendiculaire au plan de tir ; suivant que la
cuirasse bascule dans un sens ou dans l'autre, les embra-
sures s'élèvent au-dessus de l'avant-cuirasse ou s'abais-
sent au-dessous d'elle. — La tourelle du colonel Souriau est
tenue en équilibre sur une cuve pleine d'eau par un flot-
teur en tôle. Les affûts à frein hydraulique sont également
munis de flotteurs qui leur servent de contrepoids. — Dans
le système à éclipse on peut encore ranger le dispositif
Armstrong dans lequel le canon seul émerge au moment
du tir au-dessus de l'avant-cuirasse et s'abaisse, dès qu'il a
fait feu, par l'effet même du recul, au-dessous d'une toiture
métallique percée d'une ouverture suffisante pour livrer pas-
sage à la bouche à feu. — Les Allemands ont adopté pour
les mortiers rayés un cuirassement spécial qui consiste en
une calotte sphérique en fonte durcie percée en son centre
d'un orifice circulaire. Le mortier a la forme d'une sphère
qui bouche à peu près complètement cette ouverture ; il est
supporté par deux flasques reposant sur une forte pièce de
bois mobile autour de son axe vertical. Les bords de
l'orifice sont garnis de coussinets destinés à amortir le choc
produit par le recul.
Jusqu'à ces dernières années les coupoles avaient été
exclusivement réservées, en raison de leur poids considé-
rable, aux ouvrages de fortification permanente. On cherche
aujourd'hui à en étendre l'emploi aux fortifications passa-
gères en diminuant ce poids au point de les rendre facile-
ment transportables. Dans cet ordre d'idées, il y a lieu de
citer la coupole Schumann pour canon à tir rapide qui peut
être montée sur roues. C'est un cylindre en tôle cuirassé
à sa partie supérieure et surmonte d'une calotte qui sert
d'affût à la pièce et repose sur une couronne de galets.
Ces engins sont destinés à être enterrés dans le parapet de
l'ouvrage de manière à ne laisser émerger que la calotte
au-dessus de la plongée. Leur poids est de 2,050 kilogr.
pour le canon de 53 millim. et de 900 kilogr. seulement
pour celui de 37 millim.
BiBL. : Architecture. — Dict. de l'Académie des Beaux-
Arts; Paris, 1884 et 1890, t. IV et t. V, pi. et fig., in-8. —
Alph. GossET, les Coupoles d'Orient et d'Occident; Paris
1890, pi. et fig. , in-4.
COUPON (Dr. comm.). En pratique, et pour faciliter le
payement de l'intérêt et du dividende (V. ce mot), les so-
ciétés adoptent la disposition suivante : indépendamment
du corps du titre, qui constate le versement d'un certain
capital et qui est pour l'actionnaire la preuve de sa pro-
priété, les actions contiennent un certain nombre de petites
cases indiquant la date à laquelle s'effectuera le payement
du dividende ou de l'intérêt : ce sont les coupons qui pren-
nent, suivant le cas, le nom de coupons de dividende ou
celui de coupons d'intérêt. A l'échéance, c.-à-d. à l'époque
fixée dans la petite case dont nous venons de parler, le
propriétaire détache le coupon et se présente aux bureaux
de la société qui, sur le vu de cette pièce, lui paye l'intérêt
ou le dividende en gardant, bien entendu, le coupon comme
preuve du payement qu'elle a fait ; remarquons en effet
que, pour tous les titres, aussi bien pour les titres nomi-
natifs que pour ceux au porteur, les coupons sont payables
à celui qui les présente, et sans que celui-ci soit obligé de
représenter l'action d'où ils ont été détachés. En général,
cependant, les titres nominatifs ne portent pas de coupons
à détacher, mais on ménage un certain nombre de cases
en blanc, sur lesquelles la société appose son timbre cons-
tatant le payement. Il en est autrement des rentes sur l'Etat
qui, quoique nominatives, sont munies de coupons comme
les titres au porteur. Nous renvoyons au mot Dividende pour
tous les détails, en ce qui concerne les divers cas où le pro-
priétaire d'une action a droit à la fois au coupon d'intérêt
et au coupon de dividende, et les cas où il n'a droit qu'à
un de ces deux coupons seulement.
Les coupons détachés étant toujours payables au por-
teur, ainsi que nous venons de le dire, et sans aucune jus-
tification de propriété, il peut arriver qu'ils soient pré-
sentes aux bureaux de la société par un autre que le
véritable propriétaire : c'est ce qui arrive notamment lors
que celui-ci a perdu, ces coupons, ou lorsqu'ils lui ont été
volés : ce fait de perte ou de vol n'empêche pas la société
d'être libérée si elle paye, puisqu'elle ne connaît que le por-
teur. La loi du 15 juin 1872 sur les titres perdus ou volés
est venue au secours du propriétaire. Sitôt qu'il s'aperçoit
du vol ou de la perte des coupons détachés, il doit faire
opposition entre les mains de l'établissement débiteur, et
entre les mains du syndic des agents de change de Paris ;
dans cet acte d'opposition il indique la nature, les numéros
des titres, l'époque du payement du dernier coupon et
toutes les circonstances de la dépossession. Cette opposi-
tion est publiée dans le Bulletin spécial des oppositions. Au
bout de trois ans depuis cette opposiiion, l'opposant peut
réclamer à la société débitrice le payement de ses coupons,
sans avoir à fournir aucune garantie, ni aucune autorisa-
tion de justice (art. 8). Il peut même toucher le montant
de ses coupons après un an depuis l'opposition, mais il doit
alors obtenir l'autorisation du président du tribunal civil
de son domicile, et fournir une caution qui assurera le
remboursement de la somme par lui touchée au porteur
éventuel des coupons. Si les coupons n'ont pas encore été
détachés, et que le titre soit perdu ou volé, le propriétaire
doit se conformer aux règles tracées par la loi précitée pour
le cas de perte ou de vol du titre (V. ce mot).
COUPPÉ deKervennou (Gabriel-Hyacinthe), homme po-
litique français, né à Lannion le 15 mars 1757, mort au
château de Tonquédec le 25 févr. 1832. Sénéchal de
Lannion, il fut député aux Etats généraux par le tiers état
de cette sénéchaussée, quoiqu'il fût noble. Il siégea parmi
les constitutionnels. En 1792, il était président du tribunal
de Lannion. Il représenta le dép. des Côtes-du-Nord
à la Convention nationale. Dans le procès de Louis XVI,
il opina contre l'appel au peuple, pour la détention et le
bannissement jusqu'à la paix, pour le sursis. Signataire
de la protestation des 74, il fut arrêté à Mantes et incar-
céré à Paris jusqu'au 9 thermidor. Il rentra à la Con-
vention par suite du décret du 18 frimaire an III, et y
vota avec la droite. Elu par cinq départements au conseil
des Cinq-Cents, il en sortit en prairial an VII et fut nommé
président du tribunal criminel des Côtes-du-Nord, puis
conseiller à la cour de Rennes. Député au Corps législatif
en 1803, 1806, 1813, chevalier de l'Empire le 5 déc.
1811, membre de la Chambre des députés sous la première
Restauration, il rentra dans la vie privée au retour de
Napoléon en 1815. F.-A. A.
BiBL.: René Kerviler, Cent Ans de représentation bre-
tonne; Paris, s. d., in-8.
COUPPÉ DE l'Oise (V. Coupé).
COUPPEY (Joseph-Laurent), historien et antiquaire
français, né à Nègre ville (Manche] en 1786, mort en
1852. De 4816 jusqu'à sa mort, il remplit les fonctions
de juge au tribunal de Cherbourg. On lui doit de nom-
breuses dissertations historiques, philosophiques et archéo-
logiques sur le dép. de la Manche ; nous citerons les
écrits suivants : Récit des guerres entre les catholiques
et les protestants^ en ce qui concerne le territoire des
anciens diocèses de Coutatices et d'Avranches (Cher-
bourg, 1833, in-8) ; Du Jury en Normandie^ dans le
moyen âge^ appliqué tant aux affaires civiles qu'aux
affaires criminelles (Cherbourg, 1837, in-8).
COUPPEY (Félix), pianiste français (V. Le Couppey).
COUP RAY. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr. de
Chaumont, cant, d'Arc-en-Barrois; 328 hab.
COUPRU. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Château-
Thierry, cant. de Charly; 184 hab.
COUPTRAIN. Ch.-l. de cant. du dép. de la Mayenne,
arr. de Mayenne, sur la Mayenne (gauche); 395 hab.
Stat. de la ligne d'Alençon à Domfront (Ouest). Nombreux
moulins.
COUPURE. L Mathématiques. — On dit que l'on pra-
tique une coupure dans un plan ou dans une surface de
— 73 — COUPON — COUPURE
Riemann, quand on trace une ligne, que le point qui repré-
sente la variable ne doit pas franchir, ou quand il ne
doit la franchir qu'en passant d'un feuillet de la surface
de Riemann à un autre feuillet.
II. Finance. — C'est sous ce nom qu'on désigne les titres
qui représentent des multiples déterminés d'une unité don-
née, à la différence des certificats qui peuvent comprendre
un nombre quelconque de titres. C'est ainsi qu'on peut dire
qu'une quantité de rentes a été livrée par coupures de
1,000 fr., qu'un nombre d'obligations (pour certains em-
prunts étrangers) a été fourni en coupures de cinq, de
dix titres ; la cote de la Bourse indique également ces dif-
férences, les coupures de 500, de 1,000 fr. de quelques
rentes étrangères, les grosses coupures de certains titres
étant cotés à un prix différent de celui des petites cou-
pures ou des unités. G. François.
ni. Télégraphie. — Point de coupure.— Point désigné
sur le parcours ou à proximité d'une Hgne télégraphique ou
téléphonique pour y opérer rapidement, au moyen d'une
installation préalable, la coupure d'un fil, soit en vue
d'établir des communications spéciales, soit pour effectuer
des expériences ou locaMser un dérangement. Lorsque le
point de coupure est placé dans un bureau télégraphique,
la coupure s'efl'ectue généralement au moyen de commuta-
teurs installés sur le parcours du fil et qui permettent
d'amener l'extrémité de chacune des sections du conduc-
teur sur des appareils de transmission ou de mesure, ou
simplement de l'isoler ou de la mettre à la terre. Lorsque
le point de coupure est placé en dehors du bureau télégra-
phique, il est souvent installé dans une guérite, une boîte
ou un regard dans lesquels les deux extrémités des deux
sections consécutives du même fil aboutissent à deux bornes
en laiton qui, dans l'état normal des communications, sont
réunies entre elles par une tige métallique mobile ou un
fil volant. En retirant cette tige ou le fil qui en tient
lieu, on opère la coupure et il ne reste plus qu'à mettre
chaque section de ligne en communication avec les postes
d'expériences disposés à proximité de la guérite, de la boîte
ou du regard. D'autres fois l'appareil de coupure se trouve
sur un des poteaux de la ligne et consiste simplement en
un isolateur arrêt double sur chacune des branches duquel
est arrêtée la section de fil qui y correspond. Ces deux
sections du fil de ligne sont ensuite réunies par un fil
mobile ou au moyen d'un serre-fils en cuivre, sans sou-
dure, de manière qu'il suffise de détacher le fil mobile ou
de retirer du serre-fils l'une des extrémités du fil de ligne,
pour effectuer la coupure. Les deux sections ainsi isolées
l'une de l'autre sont mises en communication, au moyen de
fils volants, soit avec un bureau télégraphique, soit avec des
appareils portatifs pour transmission ou pour mesures, afin
de permettre d'essayer chaque section ou de l'utiliser dans le
but en vue duquel îa coupure a été faite. Les points de cou-
pure ne sont pas seulement placés dans les grands centres de
réseaux télégraphiques ou téléphoniques et à la bifurcation
des lignes importantes ; mais il en existe généralement de
distance en distance sur le parcours des lignes afin de faci-
liter la recherche des dérangements ou de permettre des
combinaisons de fils en vue des besoins imprévus du trafic.
En France, il y a trois catégories de points de coupure.
Les points de coupure principaux sont placés dans les centres
régionaux et un certain nombre de centres départemen-
taux ou même de simples postes de dépôt choisis en rai-
son de leur situation sur les points de bifurcation les plus
importants du réseau, tels que Creil, dans le Nord, Mou-
lins, dans le centre. Le Mans dans l'Ouest, La Rochelle
dans le Sud-Ouest, etc. Les points de coupure de seconde
catégorie se trouvent dans les centres départementaux et
dans un certain nombre d'autres bureaux d'importance se-
condaire. Enfin, les points de coupure de troisième catégo-
rie sont disposés à toutes les bifurcations de lignes secon-
daires et dans les bureaux de moindre importance dans
lesquels il peut y avoir intérêt à sectionner une ligne dans
le but de la vérifier. Lorsque les appareils de coupure sont
COUPURE — COUR
u ^
montés dans les bureaux mêmes, les opérations à faire en
vue de constater l'état du fil sont confiées aux employés ;
si les appareils sont placés dans les guérites ou boîtes-
regards installées à une certaine distance des bureaux, les
coupures sont faites par les surveillants ou autres sous-
agents attachés au bureau le plus voisin. Quant aux cou-
pures en pleine ligne, elles ne sont faites que dans des cas
exceptionnels et par les soins des agents du service tech-
nique. E. ESCHBAECHER.
ÏV. Fortification. — Retranchement en ligne droite de
faible longueur. La coupure doit être appuyée à des masses
couvrantes capables de garantir les défenseurs des coups
d'écharpe. Employée pour barrer une rue, elle prend le
nom de barricade (V. ce mot).
COUPVRAY. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr. de
Meaux, cant. de Lagny ; 513 hab.
COU R. I. ARCHITECTURE.— Espace découvert, entouré
de bâtiments ou de murs et dépendant d'un édifice ou d'une
propriété bâtie. Dans les palais et les grandes résidences, il
y a souvent plusieurs cours, cour principale ou cour d'hon-
neur, cour de service ou des dépendances, cour des
écuries, cour des cuisines, etc. ; mais la principale cour
porte assez souvent le nom même du palais, ainsi la cour
du Louvre, la cour des Invalides, etc. Dans les établisse-
ments consacrés à l'enseignement, les cours portent aussi
différents noms suivant l'âge des élèves auxquels • elles
servent de lieu de récréation, ainsi cour des grands, cour
des moyens, cour des petits, cour des minimes. Les minis-
tères, les édifices d'utilité publique, les casernes, les hôpi-
taux, les prisons offrent aussi, suivant la disposition de
leurs différents services, un certain nombre de cours qui
tirent leurs noms de la destination même des bâtiments
qui les entourent et que l'on appelle cour de l'administra-
tion, cour de l'intendance, cour des bureaux, cour de
l'infirmerie, cours ou préaux des malades ou des prison-
niers. Les cours tirent souvent aussi leurs noms d'une
œuvre d'art, d'un arbre ou d'une particularité de leur
décoration, telles : la cour des Lions, à l'Alhambra de
Grenade, la cour du Mûrier à l'Ecole des beaux-arts de
Paris, la cour de Marbre au palais de Versailles. En
général, les cours dans lesquelles doivent circuler des
voitures et qui reçoivent les eaux de pluie, sont pavées
ou cimentées avec des pentes suffisantes pour l'écoulement
de ces eaux à l'aide de ruisseaux ou de gargouilles et, dans
les propriétés bâties, les cours doivent, suivant une juris-
prudence spéciale, avoir des dimensions et une surface en
rapport avec la hauteur des bâtiments qui les entourent
et la destination des pièces qui prennent jour et air sur
elles. Dans les grandes villes, on dispose souvent, à l'inté-
rieur d'étabhssements financiers ou industriels, des cours
couvertes servant de grand hall, d'atelier ou de salle
d'exposition et de vente; mais, dans ce cas, il y a lieu
d'établir un système de châssis ouvrants ou de châssis
superposés avec isolement ou de trémies assurant la venti-
lation, non seulement de la cour elle-même, mais encore
des pièces qui s'ouvrent sur cette cour. Ch. Lucas.
IL ÉCONOMIE RURALE. — Cour et basse-cour
(V. Bâtiments ruraux, t. V, p. 794).
m. ADMINISTRATION. — Cour des aides (V. Aides).
Cour prévôtale des douanes (V. Douanes).
IV. HISTOIRE. — Cour du roi (en latin, ciiria ré-
gis). Institution. — Curia régis est un terme de la
langue politique du xi® et du xii® siècle, dont il est dif-
ficile d'enfermer la définition dans les contours d'une
phrase unique. Il s'entend : 1° Des assemblées de grands
du royaume réunies autour du roi. Sous les premiers
Capétiens de France, il ne se passait pas d'année sans
que les grands laïques et les princes ecclésiastiques ne
fussent convoqués en assemblée (en curia; le mot ap-
paraît dès 1008) pour donner leur « conseil » et leur
assentiment aux mesures prises par la couronne. Ces
curiœ solennelles n'avaient point de composition fixe,
point de siège consacré, point de périodicité régulière.
Elles se réunissaient là où était le roi, et généralement aux
grandes fêtes ; quant à leur compétence, elle n'avait pas
plus de frontières théoriques que la com])étence même du
roi. Mais l'autorité des rois n'était point limitée ; elle était
seulement corroborée par la leur. Il est clair cependant
que ces consultations de l'aristocratie, si platoniques qu'on
les suppose, représentent la première forme des Etats
généraux dans notre pays. Les Etats généraux de Philippe
le Bel sont sortis par un processus naturel des assemblées
de notables irrégulièrement tenues par les Capétiens directs
sous le nom de curia régis. Il n'en est pas de même
en Angleterre où les curiœ de Guillaume le Conquérant,
symétriques à celles du roi Robert et de Philippe P^, ont
été peu à peu abolies dans le courant du xii^ siècle. C'est
bien- à tort que plusieurs historiens anglais ont essayé de
faire remonter aux curiœ générales des rois normands et
angevins les institutions parlementaires de l'âge suivant.
La Grande Charte organisa, en Angleterre, au commence-
ment du xiii^ siècle, un autre système de collaboration du roi
avec ses optimates* — 2° De la domesticité royale. Curia
regis^ en ce sens, est synonyme de ministerium regale.
C'était le conseil étroit des rois, composé des grands offi-
ciers de la couronne, et de créatures du prince appelées,
tant en France qu'en Angleterre, consiliarii, familiares^
cîmales, palatini. Le conseil d'Etat en France, le privy
council en Angleterre, sont sortis de là au xiv® siècle. —
3*^ Les plus importantes fonctions des assemblées mêlées
de grands et de palatins étaient sans comparaison leurs
fonctions judiciaires. De là, un troisième sens de l'expres-
sion curia régis qui s'entend tout spécialement de l'entou-
rage des rois capétiens de France et normanno- angevins
d'Angleterre en tant que constitué en cour de justice. Au
xiii^ siècle, on appela parlements les sessions de la curia
judiciaire des rois de France. Le Parlement de Paris (Y. ce
mot) en est sorti comme les trois cours de la loi commune,
Échiquier, Banc du roi et Plaids communs, sont sortis en
Angleterre des curiœ judiciaires de Henri P^" et de Henri II.
— Les curiœ du xi® siècle sont donc le tronc commun auquel
se rattachent, comme autant de branches, en Angleterre,
le privy council et la trinité des cours de la loi com-
mune, sinon le parlement politique ; en France, les parle-
ments judiciaires, la cour des pairs, le conseil d'Etat et les
Etats généraux. Ce tut une institution embryonnaire, com-
plexe et informe, comme les germes qui recèlent des vir-
tualités très diverses sous une homogénéité apparente. Elle
plonge ses racines dans les plus anciennes traditions des
peuplades germaniques qui s'assemblaient autour de leurs
chefs pour juger, pour conseiller et pour servir, Ch,-Y. L.
Histoire générale (V. Maison du roi).
Cour des bourgeois (V. Assises de Jérusalem, t. IV,
p. 260).
Cour des barons ou Haute-Cour. (V. Assises de
Jérusalem, t. IV, p. 260).
Cour des Miracles. — On désignait jadis sous ce nom
les quartiers de Paris exclusivement habités par les innom-
brables mendiants qui y rentraient, le soir venu, faire dis-
paraître comme par miracle les infirmités ou les plaies qu'ils
avaient exposées pendant la journée à la charité des passants.
La plus fréquentée parmi les cours des miracles formait un
vaste enclos circonscrit par les rues actuelles d'Aboukir,
des Petits-Carreaux, Saint-Sauveur et Saint-Denis. Dans ses
Antiquités de Paris (4724, 3 vol. in- fol.). Sauvai l'a minu-
tieusement décrite (t. I, pp. 510 et suiv.). Victor Hugo y a
placé l'une des scènes les plus dramatiques de Notre-Dame
de Paris, On ne retrouverait plus aujourd'hui l'aspect si
pittoresque et si hideux à la fois de la cour des miracles
d'autrefois dans le quartier dont nous venons d'indiquer les
limites, mais il faut convenir que ses rues noires, étroites,
mal habitées, en ont gardé trop de traces et l'on doit sou-
haiter que des percements de voies nouvelles fassent dispa-
raître cet îlot qui fait tache dans le centre de Paris. Une
cour, située dans la rue de Damiette, porte administrative-
ment le nom de cour des Miracles. F. B.
-^ 75 —
COUR
Cour plénière. — Assemblée nombreîise tenue par
un souverain ou un seigneur, entouré de ses vassaux.
On peut considérer comme des cours plénières ces assem-
blées dites curice coronatce que les premiers rois capé-
tiens convoquaient aux grandes fêtes de l'année, Noël, la
Pentecôte, et où ils se taisaient imposer la couronne par
l'un des archevêques présents. Les historiens contempo-
rains cependant n'emploient jamais l'expression cour plé-
nière pour désigner ces réunions, mais solemnis curia,
curia generalis^ curia ingens. C'était encore l'usage
pour les rois de France, au xiv^ siècle, de paraître cou-
ronnés dans les cours plénières. Dans ces assemblées on
îie s'occupait pas seulement de rendre la justice, de traiter
les affaires politiques et de régler les affaires administra-
tives ; elles donnaient lieu à des tournois, à des festins, à
des réjouissances de toutes sortes. Joinville nous a laissé
(§ 93) la description d'une cour tenue par saint Louis à
Saumur, en Anjou, ou plutôt du repas que le roi offrit à
ses vassaux : « Or revenons à nostre matière et disons
ainsi que après ces choses tint li roys une grant cour à
Saumur en Anjo, et là fu-je, et vous tesmoing que ce fu
la miex arée (ordonnée) que je veisse onques. Car à la
table le roy mangoit emprès li,li cuens (comte) de Poitiers
que il a voit fait chevalier nouvel à une Saint- Jehan, et
après le conte de Poitiers mangoit li cuens Jehans de
Dreues que il avoit fait chevalier nouvel aussi ; après le
conte de Dreues, mangoit li cuens de la Marche ; après le
conte de la Marche, li bons cuens Pierres de Bretaigne.
Et devant la table le roy, endroit le conte de Dreues, man-
goit messire li roys de Navarre, en cote et en mantel de
samit, bien parez de courroi, de fermait et de chapel d'or,
et je tranchoie devant li... Li roys tint celé feste es haies
de Saumur et disoit l'on que li grans roys Henris d'An-
gleterre les avoit faites pour ses grans festes tenir... »
Ainsi il semble que dès le xiu® siècle le festin était devenu
le point principal des cours plénières. On lit, au xiv® siècle,
dans la chronique de Bertrand Duguesclin : « Et toute sa
vaisselle face amener droit là — pour ce que cour plé-
nière, ce dit, tenir voudra. » Les seigneurs laïcs et ecclé-
siastiques avaient eu, eux aussi, leurs cours plénières dès
le XI® siècle ; mais originairement c'étaient des assemblées
judiciaires. Dans ce sens doit-on entendre les cours plé-
nières que les rois anglais des xi® et xii® siècles autorisent
les abbés à tenir en toute liberté. Dans le cartulaire de
Vendôme est mentionné un jugement rendu en cour plé-
nière. Hugues de Flavigny rapporte que l'an 4097, dans
une cour plénière tenue à la fête de saint Pierre, un certain
Aymon, chevalier, restitua à l'église de Flavigny les terres
qu'il lui avait enlevées. Plus tard on appela plei7îe cour
la cour du seigneur qui avait plusieurs hommes de fiefs ;
la coutume de Beauquesne, art. 5, porte : « Le seigneur
de fief qui a un homme de fief que l'on dit communément
de court, ou plusieurs hommes de fief, que l'on dit pleine
court, il a justice de vicomte ; et s'il n'a qu'un homme de
fief, il peut emprunter homme pour faire ses jugements. »
Sous Louis XVI, un édit, enregistré au lit de justice du
42 nov. 4774, institua un tribunal suprême appelé cour
plénière pour juger les magistrats du Parlement réfrac-
taires aux volontés du roi. Le Parlement protesta et adressa
au roi des remontrances datées du 30 déc. 4774, où il
insistait sur ce point que ce tribunal extraordinaire, com-
posé d'officiers royaux, n'avait rien de commun avec les
anciennes cours plénières des rois de France, qui compre-
naient tous les vassaux et sujets. L'édit ne fut pas exécuté,
mais un édit de mai 4788 porta rétabhssement de la cour
plénière, transportant du Parlement à cette cour le droit
de remontrances et d'enregistrement. Cette cour devait être
composée du chancelier ou du garde des sceaux, de la
grand' chambre du Parlement, où siégeraient les princes
du sang, les pairs, les deux conseillers d'honneur nés, les
six conseillers d'honneur du grand aumônier, et d'un cer-
tain nombre d'autres officiers de la maison du roi, de six
conseillers d'Etat, quatre maîtres des requêtes, un prési-
dent ou conseiller de chacun dés parlements de province ,
deux conseillers de la chambre des comptes et deux de la
cour des aides. Le capitaine des gardes du roi aurait voix
délibérative quand il accompagnerait le roi. Les membres
étaient nommés à vie et irrévocables. Le roi était prési-
dent, et, en son absence, le chancelier. Le Parlement
adressa au roi, le 8 mai 4788, une nouvelle protestation,
et un arrêt du conseil, en date du 8 août 4788, suspendit
l'exécution de l'édit jusqu'à la convocation des Etals géné-
raux. M. Prou.
V. JURISPRUDENCE. — Basse cour ou Cour des
bourgeois (V. Assises m Jérusalem, t. IV, p. 260 etsuiv.).
Cour d'appeL — On trouvera au mot Appel l'historique
des origines de notre organisation actuelle. Elle date de la
constitution de l'an VIII. — Sous le Consulat, les tribunaux
de département furent remplacés par les tribunaux d'arron-
dissement et au-dessus de ces derniers, la loi du 27 ventôse
an VIII a établi un certain nombre de tribunaux d'appel qui
n'ont pas tardé à prendre sous l'Empire le nom de cours
d'appel. Ces cours d'appel sont aujourd'hui régies par la loi
du 27 ventôse an VIII (art. 21 et suiv.), par le décret du
30 mars 4808 (art. 4 etsuiv.); par la loi du 20 avr. 4840 ;
par le décret du 6 juil. de la même année et enfin par la
loi du 30 août 4883. Il y a eu successivement : en l'an VIIÏ,
vingt-neuf cours d'appel; à la suite des conquêtes de l'Em-
pire, trente-sept; à partir de 4845, vingt-sept; après la
réunion de la Savoie à la France, vingt-huit. La guerre de
4870 nous ayant enlevé l'Alsace et une partie de la Lor-
raine, les cours de Colmar et de Metz n'existent plus et le
nombre des cours d'appel est tombé à vingt-six, mais on
n'y comprend pas les cours d'appel des colonies. Les res-
sorts des cours d'appel embrassent toujours plusieurs
départements, sauf le ressort de la cour de Bastia qui se
limite à l'île de Corse. La cour de Paris est celle qui pos-
sède le ressort le plus étendu ; il ne comprend pas moins
de sept départements. La loi du 20 avr. 48d0 (art. 4) avait
déterminé le nombre des conseillers de chaque cour. Mais
des lois postérieures ont plusieurs fois modifié ces disposi-
tions. En dernier lieu la loi du 30 août 4883 a sensible-
ment diminué le nombre des conseillers des cours d'appel.
Ce nombre varie aujourd'hui de huit à vingt-quatre. En
outre, la même loi a supprimé la division des cours en
classes; celles-ci sont aujourd'hui toutes placées sur la
même hgne, sauf exception pour la cour de Paris qui occupe
une place à part et compte un nombre particulièrement
élevé de magistrats. D'après la loi du 30 août 4883, la
cour de Paris comprend neuf chambres, un premier prési-
dent, neuf présidents de chambre, soixante-deux conseil-
lers, un procureur général, sept avocats généraux, onze
substituts du procureur général, un greffier en chef, douze
commis greffiers. Les autres cours d'appel ont une à quatre
chambres d'après l'importance de leur ressort. En prin-
cipe, chaque cour d'appel possède trois chambres, une
chambre civile, une chambre des appels correctionnels et
une chambre des mises en accusation. Les cours qui ont
quatre chambres possèdent deux chambres civiles ; ce sont
celles d'Aix, Bordeaux, Douai, Lyon, Montpellier, Rennes,
Rouen et Nancy. Alger a cinq chambres. Ne possèdent
qu'une seule chambre : Angers, Bastia, Bourges, Cham-
béry, Limoges et Pau ; cette chambre est à la fois civile
et correctionnelle ; il y a aussi une chambre des mises en
accusation, mais dont les conseillers sont pris dans la pré-
cédente. Dans les cours où il existe une chambre spéciale
des appels correctionnels, cette chambre a la plénitude de
juridiction en matière civile ; elle peut donc juger les affaires
civiles, mais dans l'usage on ne lui envoie ces affaires
qu'autant que la chambre civile est encombrée. Sauf excep-
tion à Paris, les conseillers de la chambre des mises en
accusation font en outre le service âes autres chambres ;
ces magistrats peuvent, suivant l'intérêt du service, être
tous attachés à la même chambre ou répartis entre plu-
sieurs (décret du 42 juin 4880). Chaque chambre de la
cour d'appel est en principe et, sauf exception, présidée
COUR
- 76
par un président de chambre ; les autres juges portent le
nom de conseillers. Il y avait autrefois dans les cours d'ap-
pel des conseillers auditeurs, comme il existe encore au-
jourd'hui des juges suppléants dans les tribunaux d'arron-
dissement, mais ils ont été supprimés par la loi du 10 déc.
1830. A la tête des conseillers et des présidents de chambre
est placé le premier président. Tous ces magistrats sont ina-
movibles, à la différence de ceux du ministère pubHc. Le
parquet d'appel comprend un procureur général, un ou
plusieurs avocats généraux ou substituts du procureur
général selon l'importance des cours. Pour pouvoir être
président dans une cour d'appel, il faut avoir au moins
trente ans d'âge, et, pour être nommé conseiller, vingt-sept
ans. Le premier président préside les assemblées générales,
les audiences solennelles et la première chambre civile (dé-
cret du 6 juil. 1840, art, 7), Ce décret ajoute qu'il préside
aussi les autres chambres quand il le juge convenable et
qu'il est tenu de les présider au moins une fois chaque
année, mais cette dernière disposition est tombée en désué-
tude et peut-être même n'a-t-elle jamais été appliquée.
Les rapports du premier président avec les présidents de
chambre sont assez analogues à ceux de président du tri-
bunal d'arrondissement avec les vice-présidents. Cependant
les attributions du premier président sont moins variées
que celles de président du tribunal d'arrondissement : ainsi
il ne connaît pas des référés, qui, en appel, sont portés
devant la chambre civile de la cour; mais il a, pour la dis-
cipline intérieure, les mêmes pouvoirs que le président du
tribunal d'arrondissement. D'un autre côté, il jouit d'un
droit de la plus haute gravité : il peut convoquer d'office
l'assemblée des chambres pour délibérer sur les objets d'un
intérêt commun à toutes les chambres ou sur des affaires
d'ordre public dans le cercle des attributions de la cour
(décret du 6 juil. 1810, art. 62). Le premier président
statue : i^ sur les requêtes en abréviation de délai avant la
distribution des causes (décret du 30 mars 1808, art. 18);
2<* sur les difficultés concernant la distribution des causes,
sur la litispendance ou la connexité des causes (même
décret, art. 25); 3^ sur les réclamations faites par un
enfant à fin de modification ou de révocation de l'ordonnance
du président du tribunal civil prescrivant son emprisonne-
ment (art. 382 C. civ.); A^ sur les demandes en indi-
cation de jour où il sera statué sur un jugement de ratifi-
cation d'acte de l'état civil, quand il n'y a pas d'autre partie
en cause que le demandeur.
Les cours d'appel jugent en dernier ressort en matière
civile les appels des jugements des tribunaux d'arrondisse-
ment, des jugements des tribunaux de commerce, des sen-
tences arbitrales, des ordonnances de référé. Ce sont elles
qui annoncent les réhabilitations en cas de faillite ; elles
rendent des arrêts de règlement de juges en cas de conflit
entre tribunaux de leurs ressorts respectifs (C. de proc,
art. 363); enfin elles connaissent des prises à partie diri-
gées contre les juges de paix, contre les tribunaux de com-
merce ou de première instance ou contre quelqu'un de leurs
membres, ou encore contre un conseiller (C. de proc,
art. 509). En matière criminelle, la loi du 20 avr. 1810
(art. 11), donne à toute cour d'appel, chambres réunies, le
pouvoir d'entendre les dénonciations de crimes ou de délits
"qui lui seraient faites par un de ses membres, de mander
le procureur général pour lui enjoindre de poursuivre. En
outre, la cour d'appel a le droit de demander compte au
procureur général des poursuites commencées en vertu de
cette injonction ; mais ce magistrat ne doit jamais d'expli-
cation à la cour pour les instructions qu'il a ouvertes pour
sa propre initiative. Ce pouvoir très grave a été donné à
la cour, soit pour vaincre l'inertie du ministère public, soit
pour lui donner plus de force dans certains cas, notam-
ment en matière politique. Il n'a d'ailleurs été exercé que
très rarement, une fois en 1826, une autre fois en 1861,
et de plus ce pouvoir n'est pas aussi énergique qu'on pour-
rait le croire au premier abord, car la cour d'appel n'a à
sa disposition aucune sanction contre le procureur général.
En matière criminelle, la police judiciaire est exercée sous
l'autorité suprême de la cour d'appel à laquelle aboutissent
toutes les opérations de l'instruction pour y recevoir une
solution définitive devant la chambre des mises en accusa-
tion. Cette chambre exerce des pouvoirs très distincts, mais
qui se rapportent tous à l'instruction : elle statue sur la
mise en accusation ou l'élargissement des inculpés renvoyés
devant elle sous prévention de crime. Si elle reconnaît
l'existence d'un crime, elle renvoie devant la cour d'assises
(C. d'instr. crim., art. 221, 231, 232). Reconnaît-elle
que le fait constitue seulement un délit ou une contraven-
tion ? elle renvoie devant le tribunal correctionnel ou devant
le tribunal de simple police compétent, et de plus elle or-
donne la mise en hberté du prévenu s'il s'agit d'un délit
ou d'une contravention qui n'entraîne pas perte delà liberté.
Lorsque, enfin, la chambre des mises en accusation reconnaît
que le fait n'est pas punissable ou qu'il n'existe pas de
charges suffisantes, elle rend un arrêt de non-lieu et or-
donne la mise en hberté immédiate de l'inculpé (C. d'instr.
crim., art. 239). La chambre des mises en accusation
statue aussi comme juridiction d'appel sur les oppositions
portées devant elle, soit par le prévenu, soit par le procu-
reur de la République, contre les ordonnances du juge
d'instruction. Elle a le droit d'évoquer les affaires que le
ministère public néglige de poursuivre ou dont la poursuite
et l'instruction sont déjà commencées (C. d'instr. crim.,
art. 235). La chambre des appels correctionnels juge,
comme son nom même l'indique, les appels dirigés contre
les jugements des tribunaux correctionnels (C. d'instr.,
art. 201 ; loi du 20 avr. 1810, art. 40). C'est à la chambr-e
civile que sont portés les appels dirigés contre les juge-
ments des tribunaux civils ou des tribunaux de commerce.
S'il existe deux ou plusieurs chambres civiles, un règle-
ment intérieur détermine les procès qui doivent être portés
devant chacune d'elles. Certaines affaires particulièrement
graves sont jugées en audience solennelle laquelle se forme
par la réunion de deux chambres ou, dans les cours qui
se composent d'une seule chambre, par la présence de neuf
conseillers au moins. Enfin les cours d'appel tiennent des
assemblées générales composées de la réunion de toutes les
chambres. Il y aurait incompétence absolue et nullité de
l'arrêt si l'on portait à l'audience ordinaire une affaire qui
doit être jugée en audience solennelle et de même réciproque-
ment si l'on jugeait en audience solennelle une affaire qui
devait être jugée à l'audience ordinaire. Si les membres
d'une chambre ne peuvent pas, en dehors des cas de né-
cessité, s'adjoindre un autre membre à peine de nullité
(décret du 6 juil. 1810, art. 9), à plus forte raison une
chambre n'a-t-elle pas le droit de s'adjoindre une autre
chambre tout entière et c'est cependant ce qu'on ferait en
jugeant en audience solennelle une affaire qui, d'après la
loi, devrait être portée à une seule chambre civile. Autre-
fois les arrêts des cours d'appel ne pouvaient être rendus
que par sept juges au moins s'il s'agissait d'une chambre
civile ; par cinq juges au moins s'il s'agissait de la chambre
correctionnelle ou de la chambre des mises en accusation.
Mais la loi du 30 aotit 1883 a décidé qu'à l'avenir cinq
conseillers suffiraient aussi, même à la chambre civile. En
outre, cette même loi, à l'effet de rendre les partages aussi
rares que possible, a décidé qu'à l'avenir les conseillers
des cours d'appel, comme les juges des tribunaux d'arrondis-
sement, devraient nécessairement siéger en nombre impair.
En cas d'empêchement d'un conseiller et pour complé-
ter le minimum indispensable, on peut prendre un con-
seiller quelconque d'une autre chambre sans qu'on soit
obhgé de suivre l'ordre du tableau (décret du 30 mars
1808, art. 4, et décret du 6 juil. 1810, art. 9), Le code de
procédure (art. 468) exige qu'on suivra cet ordre du tableau
pour le cas de partage, mais il n'existe aucune disposition
semblable pour le cas où il s'agit de compléter une chambre
de la cour. A défaut de conseillers disponibles on appelle-
rait un avocat et même à défaut d'avocat un avoué, mais
alors en suivant l'ordre du tableau. Le roulement établi
77 —
COUR
dans les tribunaux d'arrondissement existe aussi dans les
cours d'appel. Le roulement se fait de la manière suivante :
dans la quinzaine (jui précède les vacances, une commission
composée du premier président, des présidents de chambre
et du plus ancien des conseillers de chaque chambre, d'après
l'ordre du tableau, fixe le roulement des conseillers dans
les chambres de la cour. Le procureur général est appelé
à la commission pour être entendu en ses observations.
A la même époque les présidents se partagent entre eux le
service civil et le service criminel des chambres pour l'année
suivante. Aucun président ou conseiller ne peut être forcé
de rester plus d'un an dans chacune des chambres crimi-
nelles et plus de deux ans dans chacune des chambres
civiles. Déplus, la répartition des conseillers doit être com-
binée de manière que les chambres criminelles soient tou-
jours composées, au moins pour moitié, des conseillers qui
ont déjà fait le service de la chambre. Le tableau de la
répartition des conseillers, arrêté par la commission, est en-
suite soumis à l'approbation de la cour réunie en assemblée
générale. Si la commission et l'assemblée générale ne peuvent
s'entendre, le garde des sceaux prononce (arrêté du président
de la République du 12 juil. 1871 qui remet en vigueur le
système de l'ordonnance du 11 oct. 1820). Une chambre des
vacations est chargée, pendant les vacances, de juger les
affaires civiles sommaires et celles qui requièrent célérité
(décret du 30 mars 1808, art. 44). Aux termes du décret
du 30 mars 1808 (art. 32), les cours d'appel doivent juger
en audience solennelle trois sortes d'affaires : les questions
d'état, les prises à partie, les renvois après cassation. Les
expressions questions d'état sont très larges et comprennent
tous les procès qui peuvent s'élever sur la situation d'une
personne dans la famille ou dans la cité au point de vue de la
jouissance des droits civils ou de tel droit civil : ainsi les
difficultés relatives à la nationalité, à la légitimité, à la vali-
dité d'un mariage doivent être jugées en audience solen-
nelle. Il faut aussi considérer comme questions d'état les
demandes en interdiction pour causes de démence ou en
mainlevée d'une interdiction, les demandes en dation d'un
conseil judiciaire, les demandes en nuUité d'adoption. Mais
il ne faut pas confondre avec ces dernières l'arrêt même
gui prononce et admet l'adoption. Sans doute cet arrêt
intéresse l'état de l'adoptant et celui de l'adopté ; mais la
loi (G. civ., art. 355 et 357) a prescrit que les formes
de l'adoption fussent en appel les mêmes que devant le tri-
bunal d'arrondissement; or celui-ci ne tient pas d'audiences
solennelles. Cependant la question de savoir si une adop-
tion, homologuée par la cour en audience solennelle, serait
entachée de nullité, serait controversée. Sous l'empire du
code civil et avant l'abolition du divorce, ces procès en
divorce, quoique relatifs à l'état des personnes, étaient
jugés à la cour en audience ordinaire (C. civ., art. 262).
Quant à la demande en séparation de corps, la cour de
cassation a d'abord jugé que ce procès ne soulève pas une
question d'état puisque chacun des époux conserve l'état
résultant du mariage ; elle en a conclu que la demande en
séparation de corps doit être jugée en audience ordinaire.
Mais ensuite la cour de cassation a changé de jurispru-
dence, a considéré la demande en séparation de corps comme
une question d'état, par la raison qu'elle modifie l'incapa-
cité de la femme et en a conclu qu'elle doit être jugée en
audience solennelle par la cour d'appel. Pour mettre un
terme à ces incertitudes, une ordonnance royale du 16 mai
1835 a décidé que désormais les appels relatifs aux demandes
en séparation de corps seraient jugées en audience ordi-
naire. Lorsque le divorce a été récemment établi, la con-
troverse a reparu sur le point de savoir si les demandes en
divorce doivent être jugées en audience solennelle ou en
audience ordinaire. Les uns se prononçaient pour l'audience
solennelle par la raison qu'il s'agit d'une question d'état,
les autres se fondaient plus exactement sur ce que, d'après
l'art. 262 du code civil, les appels en matière de divorce
doivent être jugés comme affaires urgentes pour décider
qu'en appel il n'y a pas lieu à une audience solennelle. Un
décret du 1^^ mai 1885 a mis fin à la controverse en déci-
dant que l'audience ordinaire suffisait et cette décision a
été reproduite par la loi du 18 avr. i886 sur la procédure
du divorce. D'après le décret du 30 mars 1808, art. 22,
les questions qui doivent être jugées à bref délai échappent
aussi à l'audience solennelle. Quelles sont les affaires de
cette nature ? Pure question de fait abandonnée à l'appré-
ciation des juges. Nous citerons à titre d'exemple la demande
en révocation d'une émancipation pour empêcher un mineur
de se ruiner. Le décret du 30 mars 1808 veut aussi qu'on
juge en audience ordinaire les questions d'état qui se trou-
vent incidemment liées à des questions d'intérêt pécuniaire.
Ainsi une question de filiation peut se présenter à propos
d'une pétition d'hérédité, une question de validité de ma-
riage à l'occasion des reprises qu'une femme veut exercer
en quaUté de femme mariée. Mais au contraire, lorsque la
question d'état et l'affaire d'intérêt pécuniaire liées l'une à
l'autre se présentent de telle sorte que la première fait en
réalité l'objet principal du procès, alors la cour doit statuer
en audience solennelle et elle statue de cette manière, non
seulement sur la question d'état, mais encore sur les inté-
rêts pécuniaires. Quant au point de savoir si la question
d'état est principale ou accessoire au procès, elle paraît
être plutôt de fait que de droit, bien que cependant la cour
de cassation se reconnaisse le pouvoir de la trancher. Quoi
qu'il en soit, sauf les exceptions qu'on vient de parcourir,
toutes les questions d'état doivent être jugées en audience
solennelle. En second lieu, c'est aussi en audience solen-
nelle que sont portées, dans les cas déterminés par la loi,
les prises à partie de la compétence des cours d'appel et
dirigées contre des magistrats auxquels on reproche d'avoir
manqué à leurs devoirs dans l'exercice de leurs fonctions
(décret du 30 mars 1808, art. 22 ; C. de procéd., art. 509).
En troisième et dernier lieu, les cours d'appel jugent encore
en audience solennelle les renvois après cassation. On sup-
pose que la chambre civile de la cour de cassation a cassé
un arrêt d'une cour d'appel et a renvoyé l'affaire devant
une seconde cour ; celle-ci statue en audience solennelle.
Mais il peut arriver que l'arrêt de cette seconde cour soit
cassé comme celui de la seconde, par la cour de cassation,
toutes chambres réunies, et alors la troisième cour d'appel
à laquelle l'affaire revient ne statue cependant qu'en au-
dience ordinaire. Cette différence se justifie facilement : la
seconde cour d'appel a sa pleine et entière liberté d'appré-
ciation tandis que la troisième est liée par l'arrêt de la cour
de cassation sur le point de droit (loi du 1^^ avr. 1837).
Enfin, indépendamment des audiences ordinaires et des
audiences solennelles, les cours d'appel tiennent des as-
semblées générales en chambre du conseil. Ces assemblées
générales ne peuvent avoir lieu que sur la convocation du
premier président. Cette convocation est quelquefois forcée :
quand le procureur général ou une chambre la demande,
le premier président est obligé d'obtempérer dans les trois
jours. Les cours d'appel se réunissent en assemblée géné-
rale pour l'examen des projets de loi sur lesquels elles
sont consultées par le gouvernement, pour la rédaction des
discours et adresses présentés au nom de la cour, pour le
règlement des questions d'organisation intérieure, pour sta-
tuer en matière disciplinaire. Il y aurait incompétence
absolue si la cour voulait juger en assemblée générale et
même en rendant l'audience publique des affaires qui doivent
être portées à l'audience ordinaire ou à l'audience solen-
nelle. Pour que l'assemblée générale soit valablement tenue,
il faut que chaque chambre soit en nombre et compte par con-
séquent au moins cinq conseillers. Aux termes de la loi du
20 avr. 1810 (art. 8), toutes les chambres de chaque cour
doivent se réunir en assemblée générale, dans la chambre
du conseil, le premier mercredi qui suit la rentrée. Dans
cette assemblée, le procureur général ou un avocat général
en son nom prononce un discours sur la manière dont la jus-
tice a été rendue pendant l'année précédente dans l'étendue
du ressort ; il fait les, réquisitions qu'il croit convenables ;
la cour est tenue de délibérer sur ces réquisitions ; le pro-
COUR
-^ Î8
cureur général envoie au ministre de la justice copie de
son discours et des arrêts qui ont été rendus sur ces réqui-
sitions. L'usage de ces- assemblées remonte à nos anciens
parlements ; ces réunions avaient alors lieu tous les six
mois, et, comme elles se tenaient un mercredi, le nom de
mercuriale fut donné aux discours ordinairement en répri-
mande que prononçait le procureur général. La chancel-
lerie attache encore aujourd'hui une grande importance à
l'observation de cette tradition. Les cours ayant un droit
do surveillance sur les tribunaux do leur ressort, le pro-
cureur général a le droit d'attirer l'attention de la cour et
par cela même aussi celle du ministre sur tel ou tel tribu-
nal. 11 ne faut pas confondre avec cette assemblée géné-
rale annuelle qui a lieu en chambre du conseil à huis clos,
une cérémonie judiciaire connue sous le nom, d'ailleurs
assez inexact, d'audience solennelle de rentrée de la cour ;
cette cérémonie a également lieu chaque année et pour
ouvrir la reprise des travaux judiciaires (décret du 6 juil.
1810, art. 33). Dans cette audience solennelle de rentrée,
le procureur général ou un des avocats généraux prononce
un discours de circonstance et le président reçoit ensuite
le serment qui est renouvelé par les avocats présents à la
barre (décret du 6 juil. 1810, art. 34 et 35). E. G.
Cour d'assises. — La cour d'assises est la juridic-
tion ordinaire compétente pour connaître des faits qualifiés
crimes par la loi pénale. Exceptionnellement, elle connaît
aussi de certains délits, notamment de certains délits de
presse. A la différence des autres juridictions criminelles,
la cour d'assises n'est pas un tribunal permanent et se com-
pose de deux éléments distincts : des magistrats de profes-
sion et de simples citoyens, que l'on nomme jurés. II existe une
cour d'assises par département (G. d'instr. crim., art. 251).
Elle se réunit, soit au lieu où siège la cour d'appel, dans
les départements où il y en a une, soit au chef-lieu du dé-
partement, dans les autres, sauf quelques exceptions. Dans
chaque département, les assises se tiennent tous les trois
mois (G. d'instr. crim., art. 259). C'est le premier président
de la cour d'appel qui fixe le jour de l'ouverture de la ses-
sion (1. 20 avr, 1810, art. 20). Elles durent jusqu'à ce
qu'il ait été statué sur toutes les affaires criminelles en état.
Dans la pratique, elle ne dure jamais plus de quinze jours ;
en cas de besoin, on préfère ouvrir une session supplé-
mentaire dans le trimestre. Dans le dép. de^la Seine, vu le
grand nombre des affaires, il y a six sessions par trimestre,
de quinze jours en quinze jours. La cour d'assises se com-
pose de deux éléments : des magistrats et des jurés. Les
magistrats, qui forment la cour d'assises proprement dite,
en prenant ce mot dans un sens étroit, sont au nombre de
trois : un président et deux assesseurs. Le président de la
cour est un conseiller de la cour d'appel du ressort, dé-
signé pour remphr cette fonction, pendant tout le trimestre,
par un arrêté du ministre de la justice, ou subsidiairement
par le premier président de la cour d'appel. Les deux
assesseurs sont, suivant que la cour d'assises siège au chef-
lieu de la cour d'appel ou dans un autre département,
deux conseillers à la cour ou deux juges du tribunal où
se tiennent les assises. Outre ces trois magistrats, qui
constituent la cour, il y a, auprès de toute cour d'assises,
un représentant du ministère public, chargé de soutenir
l'accusation ; c'est le procureur général, ses avocats géné-
raux et ses substituts. Dans les départements qui ne sont
pas le siège d'une cour d'appel, c'est le procureur de la
République près le tribunal où se tiennent les assises, ou
ses substituts. Mais, dans ces départements, le procureur
général pourrait aller soutenir l'accusation lui-même ou
déléguer un de ses substituts.
Quant au jury, il se compose de douze citoyens, tirés au
sort, avant chaque affaire, sur une liste, composée de trente
à trente-six noms, qui est formée, avant le commencement
de la session, suivant certaines règles étabhes par le code
d'instruction criminelle et les lois du 21 nov. 1872 et
31 juil. 1875 (V. Jury). Le même jury ne siège que pour
une seule affaire. Avant chaque affaire, il est procédé à un
nouveau tirage au sort. En cas de besoin, un ou deux jurés
supplémentaires peuvent être adjoints au jury : ils ne pren-
nent part au verdict que si, au moment de le rendre, le
nombre des jurés est descendu au-dessous de douze.
La procédure devant la cour d'assises est dominée par
les règles générales ci-après. Le débat est public. La pro-
cédure est entièrement orale. La preuve ne résulte que de
l'intime conviction. Les débats sont continus. Ces règles
sont intimement unies les unes aux autres par le lien de la
logique. Il est évident que la publicité des débats n'existe
entièrement que si le débat est oral. La lecture de déposi-
tions recueillies par Finstruction ne saurait remplacer la
comparution personnelle des témoins , leur confrontation
entre eux et avec l'accusé. Du moment que le débat est
entièrement oral, comme d'ailleurs les jurés n'ont à tran-
cher que des questions de fait, non de droit , il est certain
que leur conviction se formera d'après l'impression pro-
duite sur leur esprit par l'ensemble des témoignages pro-
duits. Ils ne seront liés par aucune preuve légale. Ils
jugeront, dans leur conscience, d'après leur intime convic-
tion. C'est, du reste, la loi qui le leur ordonne : « La loi
ne demande pas compte aux jurés des moyens par lesquels
ils se sont convaincus ; elle ne leur prescrit point de règles
desquelles ils doivent faire particuHèrement dépendre la
plénitude de la suffisance d'une preuve : elle leur prescrit
de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueille-
ment et de chercher, dans la sincérité de leur conscience,
quelle impression ont faite sur leur raison les preuves rap-
portées contre l'accusé et les moyens de la défense (C. d'instr.
crim., art. 342). » Le débat, étant oral, doit nécessairement
être continu. Le débat ne doit pas être interrompu, mais
il peut être suspendu. Il serait interrompu, si la cour,
ayant commencé le jugement d'une affaire, procédait à
d'autres actes étrangers aux débats : par exemple, com-
mençait une nouvelle affaire. L'attention des jurés serait
détournée, les débots rendus plus longs et confus. Mais le
débat peut être suspendu, par exemple pour les repas des
jurés. Dans ce cas, ils peuvent quitter la salle d'audience
et communiquer librement avec le dehors. La jurispru-
dence a toujours refusé d'admettre des enquêtes touchant
les conversations tenues par les jurés hors du prétoire de
la cour d'assises. Elle s'en rapporte, sur ce point, à leur
loyauté et à leur conscience. Lorsque le tirage au sort du
jury de l'affaire est^ terminé, les débats commencent immé-
diatement. Le président de la cour est chargé par la loi de
les diriger. II a même, pour tout ce qui peut favoriser la
manifestation de la vérité, un pouvoir discrétionnaire
(C. d'instr. crim., art. 267, 268, 269). Il a la pohce de l'au-
dience. Les débats (V, Procédure criminelle), quand l'ac-
cusé est présent, consistent essentiellement dans l'interro-
gatoire de l'accusé, l'audition des témoins, la lecture des
pièces dont le jury ne peut prendre connaissance autrement,
le réquisitoire du ministère public, la plaidoirie de la dé-
fense. C'est elle qui doit toujours avoir la parole en dernier
lieu. Après quoi, le président de la cour remet aux jurés
la feuille contenant les questions auxquelles ils doivent ré-
pondre. Les jurés se retirent alors dans une salle spéciale,
non publique, pour délibérer.
Les attributions du jury , en matière criminelle, sont
tout à fait distinctes de celles de la cour d'assises. Le jury
n'a pour mission que de prononcer sur l'existence des
faits. Mais il ne les qualifie pas. Le président de la cour,
dans les questions qu'il remet au jury, doit avoir soin de
ne point employer les termes techniques de la loi pénale,
mais bien les définitions légales de ces mots. Le jury n'a
donc point, en règle générale, à trancher des questions de
qualification des faits, c.-à-d. des questions de droit. Il ne
répond pas : « Un tel a commis un meurtre, un assassi-
nat. » Il répond : « Un tel est coupable d'avoir donné vo-
lontairement la mort... » Les décisions sont prises à la
majorité absolue : le partage est favorable, en général, à
l'accusé, sauf en ce qui concerne les circonstances atté-
nuantes, qui ne peuvent être accordées que par sept voix*
— 79
Lorsqu'il a été répondu, par scrutins distincts et successifs,
à toutes les questions posées, les jurés rentrent en séance
publique et le président du jury donne lecture à haute
Yoix des réponses du jury. Peut-être faudrait-il indiquer
qu'il ne doit employer que la formule unique à la majorité
sans mention plus précise de la répartitioD des suffrages.
N'y a-t-il pas là, en effet, une occasion d'irrégularités de
formes et par suite quelquefois matière à cassation? La
cour, s'appuyant, d'une part, sur les réponses du jury,
d'autre part, sur la loi pénale, rend alors son arrêt. Elle
prononce la peine portée par la loi : si le verdict du jury
est négatif, c'est le président seul qui rend l'ordonnance
d'acquittement. La cour, en cas d'acquittement comme au
cas de condamnation, statue sur les dommages-intérêts
réclamés par la partie civile (C. d'instr. crim., art. 366).
Il n'existe pas de juridiction d'appel au-dessus de la cour
d'assises. Ses décisions sont en premier et en dernier res-^
sort. Mais elles peuvent faire l'objet, soit d'un pourvoi
en cassation, soit d'un pourvoi en revision. Le pourvoi en
cassation doit être formé dans un délai de trois jours
francs. E. Gardeil.
Cour de cassation (V. Cassation),
Haute Cour de justice. — La plupart des gouver-
nements qui se sont succédé en France et dans les pays
étrangers depuis l'établissement du régime constitutionnel
ont admis la nécessité de renvoyer les grands crimes poli-
tiques à une juridiction spéciale ; généralement constituée
pour juger les actes des chefs ou des principaux manda-
taires du pouvoir exécutif, on lui a souvent confié égale-
ment le jugement des attentats et complots contre la sûreté
du souverain ou de l'Etat. On trouvera au mot Consti-
tution toutes les indications au sujet de ce tribunal poli-
tique, tel qu'il a été organisé par les diverses constitutions
de la France et des pays étrangers. Pour la France, nous
rappellerons que la haute cour de justice fut instituée par
la loi du 10 mai 1791 (V. Constitution, t. XII, p. 641).
Elle siégea à Orléans dès le mois de nov. 1791 , pour juger
entre autres le ministre Delessert. Supprimée par décret du
25 sept. 1792, elle fut rétablie par la constitution du
5 fructidor an III (V. t. XII, p, 647) et maintenue par
celles du 22 frimaire an VIU (V. t. XII, p, 649) et du
28 floréal an XII (V. t, XII, p. 651) ; supprimée à la
chute de l'Empire, elle ne fut pas rétablie pendant les
Cent-Jours. L'acte additionnel, comme la Charte, confia ces
attributions à la Chambre des pairs qui prenait alors le
titre de Cour des pairs (V. ci-dessous). La constitution du
4 nov. 1848 rétablit une haute cour de justice (V. t. XII,
p, 656). Elle fut convoquée deux fois ; du 7 mars au
2 avr. 1849, sous la présidence de Bérenger (de la Drôme),
elle jugea à Bourges les auteurs de l'attentat du 15 mai
1848 (V. Barbes, Blanqui et Mai [Journée du 15]);
le 10 oct. 1849, elle se réunit à Versailles sous la prési-
dence de Bérenger (de la Drôme) pour juger les accusés du
mouvement républicain du 13 juin 1849; onze furent
acquittés, trois condamnés à la déportation. Une tentative
fut faite le 2 déc. 1851 pour convoquer la Haute Cour,
conformément à l'art 68 de la constitution et procéder au
jugement du président (V. Décembre [Coup d'Etat du
Deux]). La constitution du 14 janv. 1852 maintint la
haute cour avec une organisation analogue à celle de 1848 ;
le sénatus -consulte du 10 juil. 1852 fut complété par
celui du 4 juin 1858; on établit une chambre de mises en
accusation distincte de celle de jugement, et attribua la
nomination annuelle des juges (pris dans la cour de cas-
sation) et du président à l'empereur. La haute cour fut
compétente.
La haute cour de justice du second Empire fut convo-
quée deux fois. Elle fut réunie une première fois à Tours
(21-25 mars 1870) pour juger le prince Pierre Bonaparte,
cousin de l'empereur, accusé du meurtre du journaliste
Victor Noir (V. ce nom), A la suite des déclarations du
prince Pierre, qui affirma, contrairement à la déposition
de M. de Fonvielle, qu'il n'avait tiré qu'en état de légi-
COUR
time défense, après avoir été frappé par Victor Noir, le
haut jury rendit, le 25 mars, un verdict négatif sur les
deux questions de meurtre et de tentative de meurtre qui
lui étaient posées, et le président Glandaz prononça
l'acquittement du prince. L'émotion que provoqua, dans
l'opinion publique, ce scandaleux acquittement, commen-
çait à peine à se calmer, lorsque, quelques mois plus tard,
le 18 juil. 1870, le gouvernement réunit de nouveau la
haute cour, à Blois, pour juger une affaire de complot
contre la vie de l'empereur, dans laquelle furent retenus
soixante-douze accusés ; parmi ces accusés figuraient, à
côté d'agents provocateurs, des républicains comme Flou-»
rens, Mégy, Félix Pyat, Tony Moilin, Dupont, etc. La
haute cour fut présidée par M. Zangiacomi, conseiller à
la cour de cassation ; les fonctions de ministère public
furent attribuées à M. Grandperret. Le verdict fut rendu
le 8 août : trente-quatre accusés furent déclarés cou-
pables. Les uns, comme Flourens, furent condamnés à la
déportation dans une enceinte fortifiée; d'autres, comme
Mégy, furent envoyés aux travaux forcés ; quelques-uns
furent condamnés seulement à la détention. D'ailleurs,
moins d'un mois après, la révolution du 4 sept, rendait à
la Hberté toutes ces victimes d'une intrigue policière.
Lorsque, en 1871, au lendemain de la guerre franco-
allemande, éclata l'insurrection de la Commune, il n'y avait
plus en France de juridiction spéciale pour juger les atten-
tats contre la sûreté de l'Etat. On sait que M. Thiers, chef
du pouvoir exécutif, déféra les insurgés aux conseils de
guerre, La constitution de 1875, qui a organisé définiti-
vement le régime républicain en France, a attribué au
Sénat une juridiction politique spéciale (V. Constitution,
t. XII, p. 661 et 662, et Sénat).
Pour les pays étrangers, V, Constitution, t. XII,
notamment pour la Suède, p. 676 et 679 ; la Norvège,
p. 688 ; pour les Pays-Bas, p. 692, etc.
Cour de la Chaîne. — Juridiction maritime, instituée
au xii^ siècle, dans les principaux ports du royaume chré-
tien de Jérusalem. Cette juridiction spéciale fut créée pour
répondre aux besoins du commerce maritime qui, sous les
successeurs de Godefroy de Bouillon, mit les Orientaux en
rapport avec les nations européennes de la Méditerranée
et qui avait pour entrepôts les ports de la Syrie, Tyr,
Joppé, Tripoli, Saint-Jean-d'Acre. Peut-être date-t-elle du
règne d'Amauri P'^ (1162-1173), qui promulgua sept
assises sur le droit maritime. — Dans chaque port, la cour
de la Chaîne était composée de jurés pris parmi les notables
commerçants. Elle connaissait des procès entre arma-
teurs, capitaines ou matelots de toute nationalité, des
diflicultés relatives à l'opération des contrats maritimes, des
déhts et crimes de mer, etc. On trouve dans les Assises
de Jérusalem (cour des Bourgeois) quelques dispositions
qui se rapportent au droit maritime et qui étaient sans
doute empruntées à la jurisprudence de la cour de la
Chaîne ; on y voit notamment que les affaires entraînant
l'application d'une peine, autre que l'amende ou l'empri-
sonnement, n'étaient pas de sa compétence, mais devaient
être renvoyées à la cour des Bourgeois, car le duel judi-
ciaire, mode de preuve usité dans les procès qui pouvaient
donner lieu à une peine plus grave, n'était pas admis « en
cort de la mer ». — Après la prise de Saint-Jean-d'Acre
par les musulmans (1291), quand les débris de l'Etat chré-
tien furent transférés dans l'île de Chypre, la cour de la
Chaîne fut étabhe à Nicosie, où elle fonctionna jusqu'à la
conquête de l'île par les Vénitiens (1489). Ch. Mortet,
Cour de la Fonde. — Juridiction mixte, instituée au
xii^ siècle, dans les principales villes du royaume chrétien
de Jérusalem, pour statuer sur les causes civiles des indi-
gènes et sur les procès commerciaux qui s'élevaient entre
eux et les Européens. Elle tirait son nom de la Fonde (en
arabe, foîidouq), sorte de bazar où les marchands se réu-
nissaient pour traiter de leurs affaires et où ils déposaient
leurs marchandises. — Après la prise de Jérusalem, Gode-
froy de Bouillon avait accordé aux Syriens la faveur de
COUR
- 80 —
vivre sous leurs lois nationales et de conserver leurs anciens
magistrats appelés reis. Mais, sous ses successeurs, les
progrès de la conquête et les relations commerciales qui
s'établirent entre les Syriens et les Européens amenèrent
la suppression des cours indigènes et la création des cours
de la Fonde, qui étaient composées de six jurés, dont qua-
tre Syriens et deux Francs, et présidées par un bailli pris
parmi les chevaliers ou les barons. On y appliquait la
Jurisprudence de la cour des Bourgeois et non les cou-
tumes syriennes. La compétence de ces cours s'étendait,
ratione materiœ^ aux affaires commerciales, quelle que
fût la nationalité des parties, rationœ personœ, aux
affaires civiles des indigènes, quand la valeur du litige
n'atteignait pas un marc d'argent. Pour les causes civiles
d'une plus grande importance et pour les causes crimi-
nelles, les Syriens relevaient de la cour des Bourgeois. —
Les cours de la Fonde subsistèrent jusqu'à la destruction
du royaume de Jérusalem (4294). Ch. Mortet.
Cour des comptes. -— I. Historique.— Sous l'ancienne
monarchie, il existait des chambres des comptes dans les
diverses parties de la France; elles avaient pour principale
mission de connaître en dernier ressort ce qu'on appelait
alors la manutention des finances. Mais leurs attributions
étaient beaucoup plus étendues que celles de la cour des
comptes actuelle ; les chambres, au nombre de treize, étaient
des tribunaux de comptabilité, exerçant sur les comptables
une active surveillance, remplaçant, jusqu'à un certain
point, une trésorerie alors mal organisée, et ayant sur les
comptables les pouvoirs d'une juridiction criminelle, char-
gée de poursuivre les délits de concussion. La chambre des
comptes de Paris avait des attributions spéciales qui con-
cernaient : 4^ l'ordre public, et sous ce rapport, elle enre-
gistrait les édits, ordonnances et déclarations qui formaient
le droit général du royaume, les traités de paix, les con-
trats de mariage des rois; 2° l'administration des finances;
ce second objet comprenait l'enregistrement des déclarations
et lettres patentes concernant la forme des comptes; les
jugements des comptes des recettes générales des domaines
et de celle des finances ; 3° la conservation des domaines du
roi et des droits régaliens ; et sous ce troisième rapport,
elle vérifiait et enregistrait toutes les ordonnances regar-
dant la conservation et la manutention du domaine, et les
édits qui permettaient des engagements de ce domaine.
La loi des 7-44 sept. 4790, art. 42, posa en principe la
suppression des chambres des comptes, suppression réali-
sée par la loi des 47-29 sept. 4794 ; aux termes du titre 2,
l'Assemblée constituante se réservait le droit de voir et
apurer définitivement par elle-même les comptes de la
nation. Ce mode de procéder, en opposition absolue avec le
principe de la séparation des pouvoirs que l'Assemblée
venait de proclamer, fut maintenu jusqu'à la constitution
de 4793 qui, par ses art. 405 et 406, prescrivit la no-
mination de vérificateurs choisis par le pouvoir exécutif,
surveillés par des commissaires pris dans le sein du Corps
législatif. La constitution de Tan III, art. 325 et sui-
vants, créa cinq commissaires de la trésorerie et cinq
commissaires de comptabilité, élus par le conseil des An-
ciens, sur une liste triple, présentée par le conseil des
Cinq-Cents, le règlement définitif des comptes étant d'ail-
leurs toujours réservé au pouvoir législatif. La constitu-
tion de l'an VIII, art. 89, institua une commission de
comptabilité nationale chargée de régler et vérifier les
comptes des recettes et des dépenses de la Répubhque. Cette
commission était composée de sept membres choisis par le
Sénat. Ces diverses commissions indépendantes, il est vrai,
du Trésor, mais privées de caractère et trop peu nombreuses,
ne présentant d'ailleurs aucune des garanties d'une magis-
trature inamovible, ne purent remplir complètement leur
mission. Pour donner une plus grande autorité à cet exa-
men de la fortune publique, et pour se conformer d'ailleurs
au caractère de la nouvelle administration française cen-
tralisée dans toutes ses parties, l'empereur Napoléon I^^, sur
la proposition du ministre du Trésor, Mollien, conçut en
4807 la pensée de confier le jugement des comptes à une
magistrature d'un ordre élevé, et de créer une juridiction
ayant qualité pour apurer les comptes, dégager les comp-
tables, afiîrmer, après examen, l'exactitude des comptes de
finances, et les soumettre ainsi au règlement d'une cour
suprême. La loi du 46 sept. 4807 et le décret du 28 du
même mois, instituèrent et organisèrent la cour des comptes
en lui confiant la double mission de contrôler et de juger
tous les faits de recettes et de dépenses intéressant les
deniers pubHcs. L'empereur Napoléon P^ en instituant cette
haute juridiction, voulut, en premier lieu, assurer immé-
diatement le prompt apurement d'une grande quantité de
comptes arriérés ; en second lieu, s'appuyer sur un grand
corps de magistrature chargé de ramener les comptables, et
dans une certaine limite, comme nous le verrons, les ordon-
nateurs des dépenses, à une régularité qui garantît, pour
l'avenir, la bonne gestion des finances. Pour ne laisser
aucun doute sur l'éminente position qu'il entendait donner
à la cour des comptes, il déclara, dans la loi d'institution
(art. 7), qu'elle prendrait rang immédiatement après la
cour de cassation, et jouirait des mêmes prérogatives.
IL Composition et organisation. — La cour des comptes
se compose d'un premier président, de trois présidents, de
dix-huit conseillers maîtres, et la loi du 46 sept. 4807
ajoutait, de conseillers référendaires en nombre qui sera
déterminé par le gouvernement. En vertu des décrets des
42 déc. 4860 et 47 juil. 4880, le nombre est aujourd'hui
de quatre-vingt-six, vingt-six de première classe et soixante
de seconde classe. Le premier président a la haute direction
de tous les travaux de la cour ainsi que la poHce et la sur-
veillance générale. Il préside de droit les assemblées géné-
rales et les réunions de la cour en chambré du conseil. Il
fait entre les conseillers référendaires la distribution des
comptes à vérifier. Il donne aux magistrats de la cour les
avertissements nécessaires, et provoque au besoin l'appli-
cation des mesures disciphnaires prévues par le décret du
49 mars 4852. Il adresse tous les trois mois au garde des
sceaux l'état de situation des travaux de la cour, pour être
porté à la connaissance du chef de l'Etat. Les présidents
des chambres déterminent l'ordre dans lequel les rapports
des conseillers référendaires sont entendus, font la distri-
bution de ces rapports aux conseillers maîtres ; ils dirigent
les discussions et délibérations de la chambre, recueillent
les opinions, prononcent les arrêts et en signent les minutes
(décret du 23 sept. 4807, art. 30 à 33). Les conseillers
maîtres siègent comme juges dans la chambre à laquelle ils
sont attachés (même décret, art. 28).
Il est formé trois chambres composées d'un président
et de six maîtres des comptes; le premier président peut
présider chaque chambre toutes les fois qu'il le juge con-
venable. Chaque année deux membres de chaque chambre
sont répartis entre les deux autres chambres, ou placés
dans une seule, selon que les besoins du service l'exigent.
Les décisions sont prises dans chaque chambre à la majo-
rité des voix ; en cas de partage, la voix du président est
prépondérante. Chaque chambre ne peut juger qu'à cinq
membres au moins. Les conseillers référendaires ne sont
spécialement attachés à aucune chambre; ils sont chargés
de faire des rapports sur les comptes qui leur sont distri-
bués ; ils n'ont pas voix délibérative. La réunion des trois
chambres de la cour forme ce qu'on appelle la chambre du
conseil. Les principales attributions de cette chambre con-
sistent dans la discussion des rapports à fin de déclarations
générales de conformité et du rapport public. Elle connaît
aussi des observations renvoyées par les trois chambres de
la cour sur les diverses natures de comptabilité, afin d'éclair-
cir les points douteux et d'arriver, autant que possible, à
une jurisprudence uniforme. Il y a près de la cour vingt-
cinq auditeurs divisés en deux classes, quinze de première
classe et dix de seconde : ils sont placés sous la direction
du premier président qui les adjoint aux conseillers réfé-
rendaires pour prendre part aux travaux d'instruction et
de vérification dont ces derniers sont chargés. Après quatre
84
COUR
années d*examen, les auditeurs désignés par décret du pré-
sident de la République peuvent être autorisés à faire direc-
tement des rapports aux chambres de la cour, et à signer
les arrêts rendus sur leurs rapports (décret du 25 déc.
4869). Par assimilation avec la magistrature ordinaire, les
présidents, conseillers maîtres et conseillers référendaires,
jouissent de l'inamovibilité. Par voie de conséquence, un
décret du 49 mars 4852 a déclaré applicable aux membres
de la cour des comptes le décret du 4^' mars précédent,
sur la mise à la retraite des magistrats ; dès lors, les pré-
sidents et maîtres des comptes sont retraités à soixante-
quinze ans, comme les membres de la cour de cassation ;
les conseillers rélérendaires à l'âge de soixante-dix ans,
âge de la retraite des conseillers à la cour d'appel. Le décret
du 49 mars 4852, par ses art. 3 et 4, donne pouvoir à la
cour des comptes, réunie en chambre du conseil, de pro-
noncer d'office, sur la réquisition du procureur général, la
censure, la suspension ou la déchéance contre ceux de ses
membres qui auraient manqué à leurs devoirs profession-
nels et compromis leur dignité. Toutefois, la suspension et
la déchéance ne sont exécutoires qu'en vertu d'un décret
du président de la République rendu sur le rapport du
ministre des finances.
Les prescriptions de la loi du 9 juin 4853 sur les pen-
sions civiles sont applicables aux magistrats de la cour des
comptes. La résidence à Paris est obligatoire pour les
membres de la cour. Ils sont nommés par décret du chet
de l'Etat sur la proposition du ministre des finances. Les
présidents et les conseillers maîtres ne peuvent être nom-
més avant trente ans accomplis, les conseillers référen-
daires avant vin^t-cinq ans. Nul ne peut être nommé con-
seiller référendaire de première classe s'il n'a passé deux
ans au moins dans la deuxième classe ; ce passage à la classe
supérieure s'effectue moitié au choix, moitié à l'ancien-
neté. Les vacances parmi les conseillers référendaires de
deuxième classe sont réservées pour moitié aux auditeurs
de première classe. Les auditeurs sont nommés par la voie
du concours ; la liste des candidats est arrêtée par le mi-
nistre des finances. Pour être admis à concourir, il faut
être licencié en droit, âgé de vingt et un ans au moins,
et n'avoir pas plus de vingt-huit ans (décrets des 23 oct.
4856, U et 25 déc. 4859, 42 déc. 4860, 49 mars 4864
et 25 déc. 4869).
Il existe près de tous les tribunaux une magistrature spé-
ciale connue sous le nom de ministère public, et qui a pour
mission de surveiller l'action des tribunaux près desquels
elle est placée, de pourvoir à l'appRcation des lois et d'en
requérir d'office, en certains cas, l'exécution. Pour la cour
des comptes, la loi d'organisation du 46 sept. 4807 por-
tait qu'il y aurait un procureur général près cette cour, et
le décret du 28 sept, suivant, art. 36 à 44, a déterminé les
attributions de ce fonctionnaire. Le procureur général
n'avait alors près de lui qu'un parquet composé d'em-
ployés; les décrets des 47 juil. 4880 et 40 mai 4888 lui
ont adjoint un avocat général. Comme dans les tribunaux
ordinaires, le ministère public ne prenant pas part aux
décisions des chambres, on n'a pas vu d'inconvénients à
ce qu'il fût révocable ; le procureur général est donc amo-
vible. Quant à l'avocat général, choisi, en vertu d'un
décret, parmi les conseillers référendaires de première
classe, il a le même caractère que les autres magistrats
de la cour des comptes, c.-à-d. l'inamovibilité; seulement,
en tant qu'avocat général, il peut être révoqué de ses fonc-
tions spéciales. Le procureur général ne peut exercer son
ministère que par voie de réquisition ; ces réquisitions ou
conclusions sont toujours par écrit. Le procureur général
peut cependant, dans certains cas, assister aux séances des
chambres et y prendre la parole (décret du 47 juil. 4880,
art. 3). Les rapports entre les chambres et le parquet ont
été réglementés par un arrêté du premier président du
23 févr. 4884; aux termes de cet arrêté, lorsque le pro-
cureur général le juge à propos, il peut demander par écrit
au président de la Chambre compétente à venir développer
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIÏI.
oralement ses conclusions : lorsqu^il les a développées, la
cour passe à la délibération en dehors de sa présence.
Le procureur général fait dresser un état général de tous
les justiciables de la cour. Il s'assure s'ils sont ou non exacts
à présenter leurs comptes dans les délais fixés par les lois et
règlements, et requiert contre ceux qui sont en retard l'ap-
plication des peines, soit des amendes fixées par la loi. Il
appartient au procureur général de suivre près de l'admi-
nistration les formalités nécessaires pour saisir la cour. Il
s'assure si les chambres tiennent ^réguhèrement leurs
séances, et si les conseillers référendaires et les auditeurs
font exactement leurs services, et en cas de négligence, il
adresse au premier président les réquisitions nécessaires
(décret du 23 sept. 4807, art. 37 et 38). Il transmet aux
ministres compétents les expéditions des arrêts de la cour,
et suit devant elle l'instruction et le jugement des demandes
en revision, pour cause d'erreurs, omissions, doubles et
faux emplois reconnus à la charge du trésor public, des
départements ; et lorsque les comptables sont justiciables
de la cour, à la charge des communes, des hospices et des
établissements publics et de bienfaisance. Toutes les de-
mandes en mainlevée, réduction ou translations d'hypo-
thèques sont communiquées au procureur général avant
d'y être statué (décret précité, art. 39 et 44). Toutes les
fois qu'une prévention de faux ou de concussion est élevée
contre un comptable, le procureur général est appelé à la
chambre et entendu en ses conclusions avant d'y être
statué. Ces crimes de faux ou de concussion ne sont plus
de la compétence de la cour; aux termes de l'art. 46 de la
loi du 46 sept. 4807, elle doit en référer au ministre de la
justice qui en fera poursuivre les auteurs devant les tribu-
naux compétents. Mais comme il s'agit d'une mesure d'ordre
public, d'une lettre adressée, s'il y a lieu, au ministre com-
pétent, et non d'un arrêt à rendre, le procureur général
appelé à la chambre donne lecture de ses conclusions.
Le procureur général peut prendre communication de
tous les comptes dans l'examen desquels il croit son minis-
tère nécessaire ; il peut requérir cette communication, et
chaque chambre peut l'ordonner d'office. Il adresse au
ministre des finances des rapports trimestriels sur la situa-
tion des jugements de la cour des comptes (décret du 6 juin
4850; 42 août 4854, art. 6).
Le procureur général est tenu de correspondre avec les
ministres sur tous les renseignements qu'ils peuvent avoir
à demander pour l'exécution des arrêts, les saisies, oppo-
sitions et inscriptions hypothécaires. Lorsque la chambre
du conseil statue par voie de déclaration générale, de con-
formité, délibère sur le rapport public, sur les questions
générales de jurisprudence et sur les affaires d'ordre inté-
rieur, le ministère public prend part au vote comme aux
débats. Le procureur général est encore appelé, s'il le juge
opportun, à signaler au ministre des finances le défaut de
surveillance dont les comptables supérieurs se seraient ren-
dus coupables vis-à-vis des receveurs municipaux et hospi-
taliers justiciables de la cour des comptes.
Il y a près de la cour des comptes un greffe, à la tête
duquel se trouve un greffier en chef; il assiste aux assem-
blées générales et y tient la plume ; des commis greffiers
tiennent la plume aux audiences des chambres. Le greffier
en chef est chargé de tenir les différents registres, et no-
tamment celui dé délibérations de la cour en chambre du
conseil. Il est chargé de veiller à la conservation de la
minute des arrêts, d'en faire faire des expéditions, de garder
les pièces qui lui sont confiées, et de concourir à la sup-
pression de ces mêmes pièces aux époques et dans les formes
déterminées par les règlements. En cas d'empêchement,
le premier président désigne un commis greffier.
III. Compétence. — La compétence de la cour des comptes
s'étend sur la France, l'Algérie et les colonies ; les comp-
tabilités soumises au jugement de la cour peuvent être divi-
sées en quatre catégories : 4*^ comptabilités intéressant
directement le trésor public ou rattachées pour ordre au
budget de l'Etat ; 2° comptabilités du Trésor ne donnant
6
COUll — 8^
pas lieu à un maniement de fonds par les comptables qui
rendent compte; 3* comptabilités des communes et des
établissements publics et de bienfaisance ; 4*^ comptabilités
en matières.
4^ Comptabilités intéressant directement le trésor
public ou rattachées pour ordre au budget de l'Etat,
En principe, le jugement des comptes des agents comptables
du Trésor avait été attribué à la cour par la loi du 16 sept.
4807; mais, pendant plus de dix ans, on ne soumettait
à ce jugement que des comptes collectifs présentés par les
directeurs généraux des régies financières; comptables
d'ordre qui n'avaient pas de responsabilité réelle. Mais peu
à peu, par suite des prescriptions de diverses lois, ordon-
nances et règlements, la cour put se faire produire les
comptes individuels de comptables responsables. Elle juge
donc aujourd'hui les comptes suivants : les trésoriers-
payeurs généraux et le receveur central de la Seine qui
sont chargés de la perception des contributions directes,
et les trésoriers-payeurs du payement de toutes les dépenses'
de l'Etat, à l'exception des frais de perception des autres
régies financières (ordonnance du 48 nov. 4847). Les
trésoriers-payeurs généraux rendent compte : 4** de leurs
propres opérations et de celles effectuées par les receveurs
particuliers et les percepteurs comptables subordonnés sous
leurs ordres ; 2«> des opérations faites pour le compte du
département dans lequel ils exercent leurs fonctions ; 3° des
opérations dont ils sont chargés pour divers services
spéciaux, et des opérations de trésoreries; et à ce der-
nier titre, ils centralisent les recettes, excèdent les besoins
des autres régies financières. Le receveur central de la
Seine rend compte des opérations de recettes faites par les
comptables subordonnés, les receveurs d'arrondissement de
la ville de Paris, et les percepteurs du département de la
Seine. Les receveurs principaux des douanes, des contribu-
tions indirectes, des postes et télégraphes ; les comptes de ces
trois ordres de comptables présentent, non seulement leurs
propres opérations, mais aussi celles des autres comptables
de leurs circonscriptions qui leur sont subordonnés (ordon-
nances des 48 sept. 4847, 8 nov. 4820, 48 févr. 4827;
décret du 27 nov. 4864). Les receveurs de l'enregistre-
ment, des domaines et du timbre, et les conservateurs dos
hypothèques (ordonnance du 48 nov. 4847). Le caissier-
payeur central du trésor public (ordonnances des 48 nov.
4847 et 5 avr. 4848). Le payeur central de la dette
publique (décret du 27 mars 4875). Ce décret attribue à
un comptable distinct qui prend la qualification de payeur
central de la dette publique le payement des arrérages de
rente, des pensions et de certaines valeurs du trésor
public, confié précédemment au caissier payeur central. Les
payeurs d'armée (ordonnance du 48 nov. 4847). Les tré-
soriers-payeurs en Algérie (ordonnances des 21 août 4839
et 46 déc. 1843). Les receveurs principaux des contribu-
tions directes, des douanes, des postes et les receveurs de
l'enregistrement en Algérie (ibid.). Les trésoriers des colo-
nies (loi du 27 juin i84i ; décrets des 26 sept. 4855 et
20 nov. 4882). Les receveurs des postes dans les stations
étrangères (ordonnance du 8 déc. 4820), Le caissier agent
comptable de la Monnaie (ordonnance du 20 nov. 4879).
L'agent comptable de la Légion d'honneur (loi des finances
du 29 juil. 4884 et décret du i^^ déc. suivant). Le tréso-
rier général des invalides de la marine (décret du 44 févr.
4809 et du 47 nov. 4885). L'agent comptable de l'Ecole
centrale des arts et manufactures (loi du 43 mai 4863).
Le caissier de l'Imprimerie nationale (ordonnance du 23 juil.
4823 ; loi du 9 juil. 4836). Le caissier général des che-
mins de fer de l'Etat (décret du 25 mars 4878). L'agent
comptable de la caisse nationale d'épargne (loi du 9 avr.
4881 ; décret du 34 août suivant). Le caissier de la caisse
des dépôts et consignations et de la caisse d'amortissement
(ordonnance du 42 Jmai 4825). La cour reçoit en outre
chaque année les revues de la solde des troupes de terre et
do mer, documents qui servent à constater la régularité
des opérations effectuées dans chaque régiment pour le
paiement de l'effectif ; ces revues forment un complément
indispensable des opérations comprises dans les comptes des
trésoriers payeurs généraux au titre des ministères de la
guerre et de la marine. L'agent comptable des chancelle-
ries diplomatiques et consulaires (décrets des 46 janv. 4877
et 44 août 4880). Les comptes de la Monnaie, de la Légion
d'honneur, des invalides de la mai'ine, de l'Imprimerie
nationale, des chemins de fer de l'Etat, de la caisse
d'épargne postale, sont rattachés pour ordre au budget de
l'Etat.
2*^ Comptabilités ne donnant pas lieu à un manie-'
ment de fonds par les comptables qui résident compte*
Ces comptabilités ont pour but de présenter une régulière
constatation de modifications effectuées dans certaines na-
tures d'opérations qui peuvent engager soit la responsabilité
du Trésor, soit celle des comptables chargés des services.
L'agent comptable du grand livre de la dette publique et de
celui des pensions (accroissement ou réduction) (ordonnance
du 8 déc. 4844). L'agent comptable du transfert et muta-
tion à Paris. Dans les départements, les trésoriers-payeurs
généraux sont chargés de ce service (ordonnance de 4 2 nov.
4826). L'agent comptable des reconversions et renouvelle-
ment de rentes au porteur (décret du 44 déc. 4876). Le
premier de ces agents a pour mission de faire connaître les
modifications survenues chaque année sur le grand livre de
la dette publique ; soit que de nouveaux emprunts aient
accru la dette, soit qu'elle ait été réduite par l'amortisse-
ment et d'autres causes ; et les accroissements et réductions
survenus dans les pensions servies par l'Etat. Les deux
autres agents constatent les changements opérés chaque
année dans la propriété des titres de rentes nominatives,
ou dans les inscriptions au porteur; ils rendent des comptes ;
la cour ne prononce la Mbération de ces comptables qu'après
avoir reconnu : 4*^ que les inscriptions n'excèdent pas les
autorisations législatives en vertu desquelles elles ont été
inscrites ; 2^ que lesdites inscriptions ont eu lieu sur
pièces régulières. L'agent comptable des traites de la marine,
chargé de suivre la régularisation des payements effectués
sur traites pour certaines dépenses de la marine par des
agents résidant hors de France et autorisés à émettre ces
traites sur le Trésor. Cet agent comptable n'a pas de manie-
ment de fonds ; les traites revêtues du vu bon à payer du
ministre de la marine, sont soldées par le caissier payeur
central du Trésor (ordonnance du 4 3 mai 4838).
L'agent comptable des virements de compte dont la mis-
sion consiste à produire à la cour un résumé général des
modifications apportées*pendant le cours d'un exercice dans
les écritures officielles de la comptabilité publique, tant en
recette qu'en dépense, par suite de changements d'imputa-
tion, de compensations, de mouvements de comptes cou-
rants; d'unemanière générale, d'opérations qui ne donnent
lieu à aucune entrée ni à aucune sortie matérielle de fonds.
Cet agent doit justifier par pièces que les modifications dans
les écritures ont été régulièrement opérées (ordonnance du
9 juil. 4826).
3<> Comptabilités des communes^ des établissements
publics et de bienfaisance. En ce qui concerne les établisse-
ments publics, les comptes des économes des lycées natio-
naux, de l'Ecole normale supérieure, de l'école forestière de
Nancy, de l'école normale spéciale de Cluny, des lycées de
filles, et des écoles normales primaires, sont jugées par la
cour quel que soit le chiffre des revenus (ordonnance du
20 mars 4829, règlement du 46 oct. 4867, règlement du
3 juin 4858, loi. du 23 juil. d882). Il en est de même des
comptes des receveurs des étabHssements généraux de bien-
faisance et d'utilité publique, savoir : l'hospice national des
Quinze-Vingts, les Jeunes Aveugles, les Sourds-Muets de
Paris, la maison nationale de Charenton, les asiles natio-
tionaux de Vincennes et du Vésinet, les Sourdes-Muettes de
Bordeaux, les Sourds-Muets de Chambéry, l'hospice du
Mont-Genèvre (ordonnances des 44 mai 4834, 43 févr.
4844 ; décret du 20 mars 4855). Quant aux autres
comptes compris dans ce paragraphe, soit les communes et
- 83
COUR
les établissements de bienfaisance, la loi organique de
4807 n'avait attribué à la cour que le jugement des comptes
des communes dont les budgets étaient arrêtés par l'empe-
reur; L'ordonnance du 23 avr. 4823 étendit sa juridiction
à toutes celles dont les revenus s'élevaient à 40,000 fr.
L'ordonnance du 22 janv. 4834 y ajouta les comptes des
hospices et établissements de bienfaisance. Aujourd'hui
pour ces diverses personnes morales, la cour est compé-
tente pour juger, lorsque les revenus ordinaires se sont éle-
vés pendant trois exercices consécutifs à plus de 30,000 fr. ,
êavoir : les comptes des receveurs de communes, établisse-
sements de bienfaisance, hôpitaux, hospices, asiles d'alié-
nés, dépôts de mendicité (loi du 48 juil. 4832, ordonnance
du 48 déc. 4839, règlement du 30 juin 4865, décret du
27 janv. 4866, loi du 5 avr. 4884). Les trésoriers des
associations syndicales créés dans un but d'utilité générale,
et régulièrement autorisées par le gouvernement, sont assu-
jettis aux règles de la comptabilité communale (loi du 24 juin
4865). Les caissiers des monts-de-piété (loi du 24 juin
4854). La cour, en ce qui concerne ces comptabilités, est
chargée d'une autre mission ; elle statue sur les appels for-
més contre les arrêtés rendus par les conseils de préfecture
sur les comptabilités que ceux-ci ont àjuger, soit les comptes
des communes, des établissements de bienfaisance, hospices,
hôpitaux et associations syndicales dans les termes de la loi
du 24 juin 4865, dont les revenus ordinaires ne s'élèvent
pas à 30,000 fr. Les conseils de préfecture, en effet, ne
jugent pas en dernier ressort (ordonnances des 28 janv. 4845,
21 mai 4847, 34 oct. 4824, lois des 48 juiL 4837, art. 66,
5 avr. 4884, art. 457, 24 juin 1865, art. 46). Les pour-
vois devant la cour des comptes ne sont pas suspensifs,
aux termes d'un avis du conseil d'Etat du 9 févr. 4808.
Toutefois, la cour saisie du pourvoi peut, si elle le juge
convenable, accorder un sursis (art. 4575 de l'instruction
générale du 20 juin 4859). Les formes à observer pour la
procédure à suivre, introduction de ces pourvois devant la
cour, et leur jugement ont été fixés par une ordonnance du
28 déc. 4830. Aux colonies, tous les comptes de communes,
établissements de bienfaisance, quel que soit le chiffre des
revenus, et certains comptes des contributions indirectes
attribués au service local, c.-à-d. à chaque colonie, sont
jugés par les conseils privés ; ce sont des conseils qui sont
en grande partie des attributions analogues à celles des
conseils de préfecture. La cour statue seulement sur les
appels formés contre les règlements prononcés par ces con-
seils privés à l'égard des comptes des comptables soumis à
leur juridiction.
4" Comptabilités en matières* Ces comptabilités se divi-
sent en deux parties : 4*^ Celles qui sont rattachées aux
comptabilités en deniers, ainsi: le compte de l'agent comp-
table de l'Imprimerie nationale, comprenant les caractères
d'impression et les livres en magasin ; les comptes rela-
tifs aux papiers timbrés, aux timbres mobiles, et rattachés
aux comptabilités des receveurs des contributions indirectes ;
la comptabilité des timbres-poste rattachée aux comptes ren-
dus par les receveurs principaux des postes et télégraphes.
Les matières et deniers appartenant aux lycées, aux écoles
normales compris dans les comptes des économes. I^es
comptes des préposés à la vente des poudres et à la vente
des tabacs. La cour statue sur ces divers comptes en géné-
ral dans le même arrêt que sur chaque comptabilité de
deniers correspondants (ordonnance du 8 nov. 4 820) . Le cais-
sier agent comptable du Journal officiel (décret du 30 déc.
4880). 2° Les matières de consommation et de transfor-
mation appartenant à l'Etat. En ce qui concerne les minis-
tères de la guerre, de la marine, de l'intérieur (service des
prisons), de l'agriculture, du" commerce et des finances
(service des postes et télégraphes), il y a dans chaque maga-
sin, chantier, usine, arsenal et autres établissements appar-
tenant à l'Etat, un agent responsable des matières qui y
sont déposées. Cet agent est comptable de la quantité des
dites matières suivant l'unité applicable à chacune d'elles.
Dans les trois prmiiers mois de chaque année, ces agents
font parvenir au ministère compétent le compte de leur
gestion de la précédente année. Puis, les ministres trans-
mettent à la cour les comptes individuels des comptables
de leurs départements, appuyés des pièces justificatives dont
la production est prescrite par les règlements. La loi du
6 juin 4843 a attribué le contrôle de ces comptabilités en
matières à la cour des comptes ; mais celle-ci ne juge pas
ces comptabihtés par des arrêts, elle procède par voie de dé-
claration, c.-à-d. que la cour n'a pas de juridiction directe
sur les comptables des matières. C'est pour ce motif que
la loi précitée de 4843 ne dit pas : la « cour juge », mais
seulement que les comptes sont soumis à son contrôle. La
cour, dans ses déclarations, signale seulement par des men-
tions les irrégularités constatées; elle adresse à chaque
ministre de qui relèvent les établissements les résultats de
son examen. Chaque ministre ordonne les redressements à
opérer s'il y a Heu, puis informe la cour de la suite don-
née à ses observations. Les comptables auxquels s'appli-*
quent la loi précitée du 6 juin 4843 et l'ordonnance portant
règlement du 46 août 4844, sont les suivants : mmistère
de la guerre: services des vivres, hôpitaux, habillements,
campements, harnachements, équipages militaires, remonte,
fourrages, artillerie, génie, école de maréchalerie. Les
comptes sont dressés par unités simples (décrets portant
règlem. du 49 nov. 4874 et du 9 sept. 4888).— Ministère
de la marine : services de l'habillement des équipages de la
flotte, habillements des troupes, casernement, hôpitaux,
vivres, justice maritime, approvisionnements généraux de la
flotte; travaux hydrauliques et bâtiments civiles, chiourmes,
chauffage et éclairage. Les comptes matières de la marine
sont présentés en valeurs et par unités collectives (dé-
cret portant règlement du 43 déc. 4845; instructions des
4«'' oct. 4854 et 30 nov. 4857; décret du 23 nov.
4887). — Ministère de l'agriculture: écoles vétérinaires,
écoles d'agriculture, vacheries et bergeries, établisse-
ments thermaux, haras et dépôts d'étalons. — Ministère du
commerce : écoles d'arts et métiers, école d'horlogerie
de Cluzes (règlements des 4^^^ févr. 4850 et 29 avr.
4854). — Ministère de l'intérieur : maisons de force et de
correction, colonies agricoles de jeunes détenus, services
des transports cellulaires, maisons centrales (règlement du
26 déc. 4853). — Ministère des finances : matériel des postes
et des lignes télégraphiques. Pour ces trois derniers minis-
tères, la comptabilité est tenue par unités simples et par
quantité (comptes généraux rendus par les ministres com-
pétents, et comprenant le matériel de transformation et de
consommation appartenant à l'Etat). Enfin, outre ces di-
verses attributions, la cour juge les comptabilités qui lui
sont régulièrement attribuées par des lois ou des décrets ;
de plus, elle juge également ce qu'on appelle les comptabi-
lités occultes et irrégulières ; aux termes des lois, ordon-
nances et décrets sur les matières, toute personne autre
(jue le comptable, qui, sans autorisation légale, se serait
ingérée dans le maniement des deniers publics, est, par ce
seul fait, constituée comptable, sans préjudice des pour-
suites prévues par l'art. 258 du code pénal comme s'étant
immiscée sans titre dans des fonctions publiques. Les ges-
tiens occultes sont soumises aux mêmes juridictions et
entraînent la même responsabilité que les gestions patentes
et réguHèrement décrites. La cour juge les comptes ren-
dus quel que soit le chiffre des opérations à la condition
que les comptabilités elles-mêmes dans lesquelles on aura
découvert ce maniement irrégulier de deniers publics soient
soumises à sa juridiction. Si ces sortes de comptabilités
étaient signalées dans les comptes soumis au jugement des
conseils de préfecture, ceux-ci seraient chargés de les
juger sauf appel à la cour des comptes (instruction générale
du 20 juin4859, art. 848; décretdu 34 mai4862, art. 25;
loi du 5 avr. 4884, art. 66),
5<* Formes de la vérification et du jugement des
comptes» La loi du 46 sept. 4807 reprenant les règles obser-
vées pour la vérification des comptes, a considérablement sim-
plifié le mode de procéder antérieur à 4789. Devant les
COUR — \
anciennes chambres des comptes, les comptables étaient
assujettis, pour la présentation de leurs comptes, à l'en-
tremise d'officiers ministériels dénommés procureurs aux
comptes- Les chambres des comptes se composaient d'au-
diteurs, de correcteurs et de maîtres. Un compte à vérifier
était d'abord envoyé à un auditeur dont la mission con-
sistait à vérifier ce qu'on appelait la législation de compte,
c.-à-d. si chaque article de recette et de dépense était
suffisamment justifié d'après les lois sur la matière. Alors
il était fait rapport à la chambre des maîtres qui ren-
daient un premier arrêt d'admission ou de rejet. Dans le
deuxième cas, il fallait recommencer à produire des pièces
ou en compléter la production pour revenir ensuite à une
nouvelle vérification des auditeurs. Dans le premier cas,
le compte passait à la correction, c.-à-d. à l'examen des
correcteurs qui vérifiaient le matériel du compte, l'exacti-
tude des calculs. Sur leurs rapports, également faits à
la chambre des maîtres, il sortait un ou plusieurs arrêts,
où le comptable enfin obtenait sa décharge. On a pensé
tout d'abord qu'il y avait double emploi dans la filière des
auditeurs et des correcteurs, dont une seule classe aurait
pu juger simultanément la légalité et le matériel des
comptes. Les lois relatives aux commissions de comptabi-
lité et la loi du 16 sept. 4807 ont donc supprimé : P l'en-
tremise des procureurs qui entraînait des frais reconnus
inutiles : 2^ les divers ordres d'examen des comptes. Au-
jourd'hui, lorsque les justiciables ont fait parvenir leurs
comptes au greffe de la cour, dans les formes et dans les
délais prescrits par les lois et règlements, le premier pré-
sident fait la distribution de ces comptes entre les con-
seillers référendaires en indiquant la chambre à laquelle le
rapport doit être fait; et chaque conseiller référendaire exa-
mine le compte à lui distribué, et fait un rapport pour provo-
quer un arrêt sur l'ensemble dudit compte. Le conseiller ré-
férendaire ne peut être chargé deux fois de suite de la
vérification des comptes d'un même comptable, et le conseiller
maître ne peut, non plus, être nommé deux fois de suite
rapporteur dans les mêmes conditions. Les conseillers ré-
férendaires sont tenus de vérifier eux-mêmes tous les
comptes qui leur sont distribués ; ils rédigent sur chaque
compte un rapport raisonné contenant leurs observations
sur la recette et la dépense dans l'ordre des articles, puis
ils établissent la ligne de compte, c.-à-d. la situation du
comptable soit à sa sortie de fonctions, soit au 31 déc, et
dans ce dernier cas présentent l'excédent de recettes qui
sera repris au compte suivant. Les observations sont de
deux natures, soit les charges, payements de recettes ou
rejets de dépenses, et les souffrances, observations prove-
nant de critiques portant sur les pièces mêmes, et dont
chaque article a paru susceptible relativement aux comp-
tables ; soit la composition des recettes avec les lois qui
les ont autorisées, et des dépenses avec les crédits sur
lesquels elles sont imputées, et qui donnent lieu à des
remises à la chambre du conseil, chargée de statuer défini-
tivement sur les déclarations générales de conformité et
sur le rapport au chef de l'Etat (loi du 16 sept. 1807,
art. 20 ; décret du 28 sept, suivant, art. 24). Les magis-
trats peuvent entendre les comptables ou leurs fondés de
pouvoir pour l'instruction des comptes ; la correspondance
est préparée et remise par eux au président de la chambre
qui doit entendre le rapport. Lorsque la vérification d'un
compte exige le concours de plusieurs référendaires, le
premier président désigne un conseiller référendaire de
première classe, qui est chargé de diriger le travail, de
recueillir les observations, de faire le rapport d'ensemble
à la chambre. Les référendaires qui ont pris part à la véri-
fication assistent aux séances de la chambre pendant le
rapport. Le compte, le rapport, les pièces à l'appui sont
mis sur le bureau, pour y avoir recours au besoin. Le
président fait la distribution du rapport à un maître qui
est tenu de vérifier si le référendaire a fait lui-même le
travail, et si les difficultés élevées dans le rapport sont
fondées. Le maître présente ensuite son opinion motivée à
la chambre, qui statue à la majorité des voix, le conseiller
référendaire préalablement entendu, mais seulement à titre
consultatif. La minute des arrêts rédigée par les conseillers
référendaires rapporteurs est signée de lui et du président
de la chambre ; elle est remise avec les pièces à l'appui au
greffier en chef qui la présente à la signature du premier
président, et en délivre les expéditions. Les arrêts de la
cour des comptes sont provisoires ou définitifs ; dans le
sens ordinaire, on appelle jugement provisoire celui par
lequel un tribunal décide actuellement et par provision,
certaines questions détachées de la cause principale et qui
présentent un caractère d'origine. Tel n'est pas le sens
de ce mot provisoire employé pour les décisions émanant
de la cour des comptes. Un arrêt provisoire, bien qu'ayant
cette dénomination, est rendu sur l'ensemble de la comp-
tabilité soumise au jugement de la cour ; il est provi-
soire en ce sens seulement qu'il est le premier rendu sur
cette comptabiUté. En effet, la cour juge sur pièces, et les
comptables ne sont admis à discuter ni en personne ni par
ministère d'avocat les articles de leurs comptes; dès lors,
il n'y a pas débat contradictoire ; il en résulte que le pre-
mier arrêt rendu sur un compte est toujours provisoire. Il
est accordé deux mois au comptable pour répondre, par
écrit, aux charges et injonctions qu'il contient et pro-
duire les justifications nécessaires. Si cet arrêt n'a pu être
exécuté ou contredit dans les deux mois, la cour peut, à
l'expiration de ce délai, rendre un arrêt définitif qui met
à la charge du comptable par des forcements de recette et
des rejets de dépense les sommes ou une partie des sommes
qui ont fait l'objet des charges ou injonctions contenues
dans le premier arrêt. — Dans le cas où, au contraire, les
comptables ont produit des justifications ou expHcations en
réponse au premier arrêt, la cour les apprécie, et si elle
ne fait aucune observation nouvelle, elle prononce défini-
tivement sur le compte (loi du 28 pluviôse an III, art. 14;
arrêté des conseils du 29 frimaire an IX ; circulaire minis-
térielle du 29 mai 1831 ; art. 1560 de l'instruction géné-
rale du 20 juin 1859).
La cour établit par ses arrêts définitifs si les comptables
sont quittes ou en avance ou en débet; dans les deux
premiers cas, elle prononce bien décharge définitive, et si
les comptables ont cessé leurs fonctions, elle ordonne
mainlevée et radiation des oppositions et inscriptions hy-
pothécaires mises sur leurs biens à raison de la gestion
dont le compte est jugé. Si la cour constate que les comp-
tables sont en avance, elle se borne à le mentionner, et
renvoie ses justiciables à se pourvoir devant qui de droit
pour obtenir le remboursement de la somme avancée.
Dans le troisième cas, la cour condamne les comptables à
solder leur débet dans les délais prescrits (loi du 16 sept.
1807, art. 13). Une expédition de chaque arrêt rendu
sur les comptes du Trésor est adressée par le procureur
général au ministre des finances chargé d'en suivre
l'exécution. Pour les communes et les établissements de
bienfaisance, les arrêts sont communiqués par le ministre
des finances aux préfets dans un délai de quinze jours, à
partir de la réception au ministère de l'expédition de
l'arrêt, qui a été envoyée par le procureur général près la
cour des comptes, conformément à l'art. 39 du décret du
28 sept. 1807. Les préfets, dans un délai de huit jours,
notifient par lettres recommandées, avec demande d'avis
de réception, aux maires et aux administrateurs des éta-
blissements assimilés, les arrêts de la cour communiqués
par le ministre des finances. Les préfets constatent, par un
procès-verbal arrêté à la fin de chaque trimestre, l'envoi
aux maires et aux administrateurs des arrêts communiqués
par le ministre des finances, et les numéros des bulletins
de dépôt délivrés par la poste. Ils adressent à la cour des
comptes, par l'entremise du ministre des finances, le
procès-verbal, en y annexant les bulletins de dépôt et les
avis de réception (décret du 12 juil. 1887, art. 1 et 2).
En ce qui concerne les lycées et les écoles normales, les
arrêts sont adressés au ministre de l'instrution publique et
— 85 —
COUR
notifiés aux comptables par Fentremise des recteurs
(règlement du 16 oct. 1867 ; décret du 29 juil. 1887).
La mission de la cour des comptes est circonscrite dans
une matière spéciale et déterminée, le jugement des
comptes ; sa juridiction est exceptionnelle. Il en résulte
que si dans l'examen d'un compte, la cour trouve des
faux ou des concussions, elle ne peut en connaître ; elle
doit en rendre compte au ministre des finances, et en
référer au ministre de la justice qui fera poursuivre les
auteurs devant les tribunaux compétents (loi du 16 sept.
1807, art. 16; décret du 28 sept, suivant, art. 41). Dans
l'esprit de son institution, la cour des comptes ne pourrait
pas détruire, par un refus d'allocation, l'effet des ordon-
nances de payement ou des mandats délivrés par les ordon-
nateurs. Elle n'est juge que des faits des comptables et
non de ceux des administrateurs investis de la puissance
executive, dont la responsabilité, concentrée dans celle des
ministres, ne relève que du chef de FEtat et des Chambres
législatives. Elle ne peut donc, dans aucun cas, s'attribuer
juridiction sur les ordonnateurs, ni refuser aux comptables
de l'Etat l'allocation des payements faits par eux sur ordon-
nances revêtues des formalités prescrites et accompagnées
des acquits des parties prenantes, ainsi que des pièces
constatant que leur effet est d'acquitter une dette réguliè-
rement justifiée. Ces pièces sont déterminées, par nature de
service, dans des nomenclatures arrêtées de concert entre
le ministre des finances et les ministres ordonnateurs (loi du
16 sept., 1807, art. 18; ordonnance du 15 sept. 1822,
art. 10 ; décret du 31 mai 1862, art.88). La cour n'a sur
les ordonnateurs qu'un droit de contrôle qui s'exerce sur
les comptes d'administration rendus chaque année par les
ministres, chacun pour son département.
IV. Voies de recours. — La cour des comptes est une
cour souveraine dont les arrêts sont rendus en dernier
ressort ; cependant ces arrêts sont soumis à deux voies de
recours extraordinaires : 1" la revision; 2^ la cassation.
Revisio7i, On appelle re vision l'examen fait à nouveau
de tout ou partie des articles d'un compte, par le même
tribunal qui l'avait définitivement jugé. En raison du ca-
ractère définitif de la première décision rendue, cette revi-
sion ne peut avoir lieu que dans les cas spéciaux déter-
minés par la loi. Aux termes de l'art. 14 de la loi du
16 sept. 1807, la cour, nonobstant l'arrêt qui aurait jucçé
définitivement un compte, peut procéder à la revision, soit
sur la demande du comptable, appuyée de pièces justifi-
catives recouvrées depuis l'arrêt, soit d'office, soit à la
réquisition du procureur général, pour erreur, omission,
faux ou double emploi reconnus pour la vérification
d'autres comptes. La re vision est un acte exceptionnel qui
remet en question la chose définitivement jugée ; elle ne
peut être admise que dans les cas suivants : si la demande
est formée par les comptables, il suffit pour rendre cette
demande en revision recevable, qu'elle soit appuyée de
pièces justificatives recouvrées depuis Farrêt de la cour, le
comptable devant prouver que ces pièces ont une existence
antérieure à l'arrêt définitif. Si l'affaire est évoquée d'office
par la cour ou sur la réquisition du procureur général, il
faut que les erreurs soient reconnues pour la vérification
d'autres comptes. — Il s'agit d'ailleurs dans l'espèce, sui-
vant la jurisprudence constante de la cour des comptes,
d'erreurs matérielles, d'omissions de recette ou de dépense
sur un compte jugé, de falsification soit de date, soit
d'écritures pouvant entraîner des doubles emplois. Cette
action, analogue à celle autorisée par les art. 488 et 541
du code de procéd. civ., ne se prescrit qu'après trente années
révolues. La requête en revision doit être notifiée à la
partie adverse, FEtat, le département, la commune ou
l'établissement public ; la cour rend un premier arrêt dé-
clarant s'il y a lieu à revision ; cet arrêt est notifié aux
parties, et dans le cas de l'admission, il leur est accordé
deux mois pour produire leurs moyens de défense. Un
second arrêt statue ensuite sur le fond (art. 1572 de
l'instruction générale du 20 juin 1859).
Cassation, Les arrêts de lia cour des comptes contre les
comptables sont exécutoires, ils ne peuvent être attaqués
que pour violation des formes ou de la loi devant le conseil
d'Etat. En effet, si la cour emprunte les formes judiciaires
sous le rapport de son organisation et de sa procédure,
ses décisions, sous le rapport du jugement des comptes,
sont considérées comme faisant partie du contentieux ad-
ministratif ; elles aboutissent donc au conseil d'Etat qui
possède la plénitude de ce contentieux. Dans le cas où un
comptable se croit fondé à attaquer un arrêt, il se pourvoit
dans les trois mois, pour tout délai, à partir de la notifi-
cation de Farrêt, au conseil d'Etat, conformément au
règlement sur le contentieux. Le ministre des finances, et
tout autre ministre pour ce qui concerne son département,
peut, dans le même délai, faire son rapport au président
de la République et proposer le renvoi au conseil d'Etat de
sa demande en cassation des arrêts qu'il croira devoir être
cassés pour violation des formes ou de la loi (loi du
16 sept. 1807, art. 17). Le pourvoi devant le conseil d'Etat
n'a pas d'effet suspensif (décret du 22 juil. 1806, art. 6).
Le conseil d'Etat statue, en ce cas, non pas comme cour
d'appel, la cour des comptes ayant une juridiction souve-
raine, mais comme cour de cassation ; il ne pourrait donc
ni retenir ni juger le fond de l'affaire, laquelle, sauf le cas
de cassation pour incompétence, est renvoyée à la cour
des comptes et portée pour le jugement du fond devant
une des Chambres qui n'en a pas connu. Dans le cas oti
un ou plusieurs membres de la chambre qui a rendu le
premier arrêt sont passés à la chambre nouvellement saisie
de Faffaire, ils s'abstiennent d'en connaître, et ils sont, si
besoin est, remplacés par d'autres conseillers maîtres en
suivant l'ordre de leur nomination (ordonnance du 16 sept.
1819, art. 1 et 2).
V. Déclaration générale de conformité. — Outre sa
mission comme corps judiciaire, la cour agissant alors
comme corps politique doit éclairer le pouvoir exécutif
et le pouvoir législatif sur la gestion de la fortune pu-
blique ; elle ne procède pas en ce cas par des arrêts, mais
par des déclarations générales de conformité. Ce sont des
déclarations constatant la conformité qui doit exister entre
les arrêts rendus par la cour sur les comptes individuels
des comptables du Trésor et les comptes rendus par les mi-
nistres. En effet, les ministres, entant qu'ordonnateurs des
dépenses, rendent des comptes généraux ; l'un de ces
comptes, le compte général de l'administration des finances
est un compte annuel qui comprend toutes les opérations
effectuées d'un 1^^ janv. au 31 déc. d'une année sur tout
le territoire, et qui présente le relevé des opérations re-
tracées dans les écritures de la comptabilité publique ;
les autres sont des comptes d'exercice rendus par tous les
ministres et comprenant en recette et en dépense toutes
les opérations effectuées d'un l''^ janv. à la clôture de
Fexercice, aujourd'hui au 30 avr. de Fannée suivante, sur
un même budget ; le ministre des finances y joint le compte
des recettes pour ce même laps de temps (loi du 25 mars
1817, art. 148 à 153; ordonnances des 14 sept. 1822,
art. 22 ; 10 déc. 1823, titre 2, et 9 juil. 1826). La cour
est appelée à démontrer que les nombreuses opérations
relatives au budget de FEtat et exécutées pendant toute la
durée de Fexercice sur tous les points du territoire ont
été régulièrement effectuées ; que les lois et règlements qui
régissent les finances ont été observés avec exactitude par
les ordonnateurs comme par les comptables. PAir arriver
à constater la conformité entre les arrêts de la cour et les
comptes des ministres, la cour reçoit du ministère des
finances des résumés généraux reproduisant les faits com-
pris dans les comptes individuels des comptables avec les
divisions adoptées pour les comptes ministériels. Chaque
chambre de la cour rend, selon sa compétence, une
déclaration partielle sur les résultats de la comparaison
établie entre les opérations portées dans les comptes indi-
viduels des comptables et les comptes généraux dont il
vient d'être question. On produit un résumé par nature de
COUR
^ 86 -
comptabilité et par exercice pour les comptabilités ratta-
chées pour ordre au budget de l'Etat. On joint à ces divers
résumés les comptes du caissier-payeur central du Trésor,
du payeur de la dette publique et le résumé général des
virements des comptes.
A l'aide de ces divers documents, la cour rend donc deux
déclarations générales ; par la première, elle déclare que
le compte général de l'administration des finances pour
Tannée qui se rapporte au compte rendu, est d'accord
pour les opérations de toute nature effectuées pour les
comptables d'un 1®^ janv. au 31 déc. de l'année, avec les
arrêts rendus sur les comptes individuels des comptables
du Trésor pour cette même année. Cette première déclaration
constate, en outre, l'accord existant entre les résultats
des mêmes arrêts et les résultats corrélatifs du bilan de
l'administration des finances, tel qu'il est compris au
compte général. Par la deuxième déclaration, la cour
constate que les recettes et les dépenses comprises dans
les comptes des ministres pour un exercice entier sont
conformes aux résultats des arrêts rendus sur les opéra-
tions correspondantes portées dans les comptes des comp-
tables des finances, et appuyées des pièces justificatives
qui leur servent de preuves (ordonnance du 9 juil.d826).
Cette deuxième déclaration qui statue sur la situation défi-
nitive de l'exercice expiré, comprend les faits accomplis
pendant, la période entière d'exécution d'un budget. Aussi
elle est adressée au ministre des finances pour être im-
primée et communiquée au Sénat et à la Chambre des dé-
putés avant qu'il ne soit statué sur le projet de règlement
législatif du budget de l'exercice auquel s'applique cette
déclaration (arrêté du 29 nov. 4848, art. 7). Cette
deuxième déclaration ne se borne pas à une simple consta-
tation de conformité, mais elle formule des réserves, si-
gnale les irrégularités pouvant engager la responsabilité
des ministres, et présente toutes autres observations qui
peuvent être utiles au contrôle d'un budget. Elle doit être
adressée au ministre des finances avant le 4^^ mai de
l'année qui suit la clôture de l'exercice expiré (décret du
25 janv. 1889, art. 7). Ces déclarations générales de
conformité sont arrêtées en chambre de conseil, le pro-
cureur général entendu en ses conclusions ; elles sont
ensuite prononcées en audience solennelle et publique par
le premier président. La cour prononce également, en
audience solennelle, dans les mêmes formes, des déclara-
tions générales sur la conformité des résultats des comptes
individuels des comptables en matières, avec les résultats
des comptes généraux publiés par les ministres compé-
tents en ce qui concerne les matières de consommation et
de transformation (ordonnance du 26 août 4844, art. 44).
La cour doit également mentionner dans sa déclaration sur
les comptes matières du ministre de la marine la situation
annuelle des approvisionnements de la flotte (loi du 8 mars
4850, art. 4).
VI. Rapport annuel. — Le rapport annuel au président
delà République a pour objet de taire connaître le résultat
général des travaux de la cour, et les voies de réforme et
d'amélioration dont les différentes parties de la comptabi-
lité lui ont paru susceptibles. Ce rapport est préparé par
un comité spécial formé chaque année par le premier pré-
sident et composé des présidents, du procureur général et
de trois conseillers maîtres désignés par les chambres,
pour procéder à un premier examen du projet de rapport.
Les élémete consistent dans les observations présentées par
les conseillers référendaires, résultant de la comparaison de
la nature des recettes avec les lois et de la nature des dé-
penses avec les crédits. La rédaction est ensuite discutée,
délibérée et arrêtée en chambre de conseil, en présence
du procureur général, pour être portée, après ce dernier
examen, à la connaissance du président de la République
(loi du 46 sept. 4807, art. 20 et 22; décret organique du
46 sept, suivant, art. 24 et 29 ; décret du 34 mai 1862,
art. 446 et 447). Ce rapport est imprimé et distribué aux
chambres législatives en même temps que les éclaircisse-
ments fournis par les divers ministères (loi du 22 avr.
4832, art. 45). H. Colmet-Daâge.
Cour des pairs. — Ancien régime. — • On appelait
ainsi, sous la monarchie capétienne, la cour de justice qui
jugeait les procès concernant les pairs de France et dans
laquelle devait siéger un certain nombre de ces pairs. Ce
n'était pas, à proprement parler, une juridiction particu-
lière, mais plutôt une assise exceptionnelle du Parlement
de Paris, dans laquelle la composition ordinaire de cette
cour était modifiée à raison de la qualité de l'une ou de
l'autre des parties comparantes.
A la fin du xiii^ siècle, on donnait le nom de pairs de
France (pares Franciœ) à douze grands feudataires du
royaume, parmi lesquels six seigneurs laïques : les ducs
de Normandie, d'Aquitaine, de Bourgogne, les comtes de
Flandre, de Toulouse et de Champagne, et six seigneurs
ecclésiastiques : l'archevêque de Reims, les évêques de
Laon, Noyon, Châlons, Beauvais et Langres. C'est l'adjonc-
tion de ces douze pairs aux membres ordinaires du Parle-
ment qui constituait la cour des pairs [ciiria parium)
telle qu'elle apparaît dans les documents judiciaires de cette
époque. — La question de savoir à quelle époque remon-
tait l'organisation de cette cour est fort complexe et encore
mal éclaircie, faute de textes précis. On a longtemps enseigné,
sur la foi du chroniqueur Mathieu Paris, que cette insti-
tution datait de Philippe-Auguste et qu'elle avait été créée
de toutes pièces par ce roi à l'occasion du procès de Jean
sans Terre (4202). Cette doctrine est aujourd'hui aban-
donnée, avec d'autant plus de raison que l'on né connaît
pas la composition de la cour qui jugea Jean sans Terre.
Les travaux les plus récents sur l'origine des institutions
judiciaires de la monarchie capétienne donnent lieu de croire
que la cour des pairs s'est formée dans le courant du
xiii® siècle par une lente évolution dont voici les phases
essentielles.
Pendant le xi® et le xii® siècle, on voit siéger auprès des
rois capétiens un conseil unique, appelé curia régis, dont
la composition n'a rien de régulier, où le roi convoque à
son gré les principaux de ses fidèles et qu'il consulte aussi
bien sur les questions politiques ou ecclésiastiques que sur
les affaires judiciaires. Quelques historiens ont cru à l'exis-
tence simultanée de deux cours distinctes, l'une purement
féodale, exclusivement composée des vassaux du domaine
royal qui étaient liés au roi par l'hommage et le contrat
du fief; l'autre, plus large, comprenant les seigneurs du
royaume qui n'étaient liés que par le serment de fidélité et
que le roi convoquait en vertu de sa souveraineté. Mais
cette distinction, qui peut être fondée en théorie, ne se
vérifie pas en fait : dans les séances de la curia dont le
procès- verbal a été conservé, on voit siéger indistinctement,
à côté des prélats et des hauts barons du royaume, les
petits vassaux du domaine, les officiers du palais et même
les représentants de quelques villes de bourgeoisie ; en un
mot, tous ceux qui étaient tenus envers le roi du service
de cour, sans distinguer s'ils le devaient comme vassaux
ou comme fidèles. C'est devant cette cour unique, composée
d'éléments divers, que comparaissaient tous les justiciables
du roi, aussi bien les grands vassaux de la couronne et les
hauts dignitaires de l'Eglise que les petits vassaux et les
hommes hbres du domaine royal (V. l'arrêt de 4453 entre
le duc de Bourgogne et l'évêque de Langres). — A la
vérité, les textes du xi® et du xii® siècle mentionnent sou-
vent, en parlant de la cour du roi comme en parlant des
autres cours féodales, le jugement par les pairs {judicium
parium). Mais alors le mot pair avait un sens large, con-
forme à son étymologie : le jugement des pairs était, sui-
vant le principe qui a .dominé toute l'histoire des institutions
judiciaires depuis l'invasion germanique jusqu'au xiii^ siècle,
le jugement des parties en cause par leurs égaux, c.-à-d.
par ceux qui occupaient le même rang dans la société ;
par conséquent la qualité des personnes à qui on appliquait
ce titre de pair variait dans chaque procès, suivant la
condition sociale des parties en cause. C'est ainsi que les
vassaux cités devant la cour du roi n'étaient jugés par
leurs pairs que s'il y avait dans cette cour un certain
nombre de vassaux de même rang qu'eux; les seigneurs
liés envers lui par la seule fidélité et non par l'hommage,
les clercs, les hommes libres ne reconnaissaient comme
leurs pairs que des juges pris parmi les fidèles, les clercs,
les hommes libres. Or la cour du roi était, comme on l'a vu,
composée d'éléments si variés qu'il était rare que la partie
mise en cause n'y trouvât quelques-uns de ses pairs, et si
ceux qui y siégeaient n'atteignaient pas le nombre fixé par
la coutume de sa région (généralement cinq, quelquefois
davantage), elle pouvait exiger qu'on en convoquât quelques-
uns de plus. Mais il faut bien remarquer que les autres mem-
bres de la cour ne cessaient pas d'en faire partie ; ils con-
servaient le droit de juger avec les pairs de la partie citée,
et même si les pairs convoqués ne se présentaient pas au
jour fixé, la cour passait outre et jugeait valablement. En
prenant donc le mot jt?air dans le sens large et étymologique
du mot qu'il avait au xi® et au xn® siècle, on peut dire que,
sous les premiers Capétiens, ce n'étaient pas seulement les
causes de quelques privilégiés, mais toutes les affaires sou-
mises à la cour du roi, qui étaient décidées par le jugement
des pairs : en ce sens, la caria régis, comme les autres
cours féodales du royaume, était toujours une cour des
pairs.
Mais vers la fin du xn® siècle ce mot prit une significa-
tion plus étroite. On sait que la tendance constante des
rois capétiens fut de restreindre dans leur curia la part
de l'élément féodal, en y faisant entrer un nombre déplus
en plus considérable d'officiers de leur palais et de conseil-
lers intimes, pris parmi les clercs, les légistes, les nobles
de petite naissance ou les bourgeois. Cette tendance est
surtout visible à partir du règne de Louis VII, dont la
cour se divise déjà en deux groupes, d'une part les opti-
mates, de l'autre les consiliarii ou jiidices. Il en résulta
que peu à peu, au lieu d'appartenir aux pairs des parties
comparantes, la décision des procès passa aux mains d'ua
corps de juges proprement dits, plus compétents et plus
dociles à la volonté royaleque les représentants de la féoda-
lité laïque ou ecclésiastique. Les petits vassaux du domaine,
trop faibles pour résister, s'inclinèrent devant ce nouvel
état de choses ; seuls les grands vassaux de la couronne
protestèrent avec succès, et gardèrent le droit d'être tou-
jours convoqués quand il s'agirait de juger l'un d'eux. Dès
lors le titre de pair de la cour de France (pares Franciœ),
qui convenait jusque-là à tous les membres de la cour du
roi, fut réservé aux principaux d'entre eux {principes,
majores pares) et devint un titre privilégié. Dès M7'I,
on le donne à l'archevêque de Reims, comme une qualifi-
cation honorifique ; mais c'est surtout au commencement
du xm® siècle, notamment dans des arrêts de 1216, 1224,
1230, que les pairs (pares regni nostri, pares Franciœ)
sont nettement distingués des autres membres de la cour
du roi. Dès lors l'existence d'une pairie, au sens étroit du
mot, fut officiellement affirmée et comme l'antique juge-
ment par les pairs n'était plus réellement pratiqué, à la
cour du roi, que lorsque les pairs de France étaient con-
voqués pour juger l'un d'entre eux, il fut naturel de
réserver le nom de cour des pairs aux assises de la cour
du roi dans lesquels les pairs de France étaient adjoints
aux conseillers ordinaires. Les pairs voulaient même aller
plus loin : en 1224, à l'occasion d'un procès entre la com-
tesse de Flandre et Jean de Nesle, ils osèrent prétendre que
le chancelier, le bouteiller, le chambrier et le connétable
n'avaient pas le droit de siéger avec eux et que la cour
assemblée pour le jugement d'un pair ne devait être com-
posée que de pairs ; mais les officiers du palais réclamè-
rent, en s'appuyant sur les us et coutumes de France, et la
cour du roi leur donna gain de cause. — En résumé, on
peut dire que c'est du jour où, dans la cour du roi, le juge-
ment par les pairs (lato sensu) devint le privilège de
quelques grands feudataires, que date la création de la
cour des pairs {stricto sensu). Il est à remarquer qu'une
— COUR
transformation analogue s'opéra vers la même époque dans
les cours seigneuriales de quelques grands fiefs : le terme
de pair, qui s'appliquait d'abord à tous les vassaux dont
cette cour était composée, fut réservé aux principaux d'entre
eux, aux majores pares, suivant l'expression de la
charte accordée par Philippe-Auguste, en 1195, aux bour-
geois de Saint-Quentin. C'est ainsi que le comte de Flandre
eut douze pairs, le comte de Hainaut en eut huit, le comte
de Champagne sept, le comte de Vermandois six.
Le nombre des pairs de France, qui d'abord n'était pas
limité ni toujours porté par les mêmes personnages, fut
fixé à douze, dès la seconde moitié du xm« siècle, et défi-
nitivement attribué aux six feudataires laïques et aux six
dignitaires ecclésiastiques qui ont été énumérés plus haut.
La royauté eut profit à constituer ainsi la pairie judiciaire
en cercle fermé : sans éliminer tout, à fait de sa cour l'élé-
ment féodal (ce qui eût diminué son prestige et son auto-
rité sur les seigneurs), elle restreignait dans des limites
fort rassurantes pour son pouvoir le nombre des vassaux
assez puissants pour revendic[uer le titre et le privilège de
pair de France. — Pourquoi ce nombre de douze fut-il
choisi et pourquoi cette dignité fut-elle conférée à ces feu-
dataires plutôt qu'à d'autres? Questions obscures, aux-
quelles on ne peut répondre gue par des hypothèses. La
tradition poétique qui atlribuait douze pairs à Charlemagne,
en souvenir du Christ et des douze apôtres, et dont la trace
la plus ancienneseretrouve,au XI® siècle, dans la Chanson
de Roland, ne fut probablement pas sans influence sur le
chiffre choisi. Les pairies laïques furent attribuées aux
chefs des six principaux fiefs du royaume ; quant aux pai-
ries ecclésiastiques, tout ce qu'on peut dire c'est qu'elles
appartinrent à des prélats dont les diocèses faisaient alors
partie du domaine royal. — Pendant les siècles qui suivi-
rent, le nombre des pairs de France ne resta pas limité à
douze. Dès le règne de Philippe le Bel, la royauté s'at-
tribua le droit de créer de nouveaux pairs, choisis parmi
les princes de la famille royale : ce fut d'abord, en 1297,
pour remplacer trois pairies vacantes par ex,tinction, puis,
dès 1327, le nombre de douze fut dépassé. A partir de
1424, la dignité fut conférée à des princes étrangers à la
famille royale; à partir de 1551, à de simples gen-
tilshommes. Ces nouveaux pairs furent investis des mêmes
privilèges que les anciens, et malgré les protestations du
parlement, firent comme eux partie de la cour des pairs
(affaire du duc d'Alençon, 1458 ; lit de justice du 12
févr. 1551). Loin de donner des gages à la féodalité en
augmentant ainsi le nombre des pairs, la royauté accrois-
sait son propre pouvoir ; car la pairie étant désormais une
émanation de la puissance royale, appendix coronœ, sui-
vant l'expression de Philippe le Bel. Aussi les créations de
pairies allèrent-elles se multipliant jusqu'à la fin de l'an-
cien régime, soit pour remplacer celles qui s'éteignaient
faute d'héritiers en ligne directe, soit pour conférer à un
comte ou à duc la plus haute dignité dont la faveur royale
pût honorer la noblesse sous l'ancienne monarchie : en 1789,
il y avait quarante-cinq pairies, dont sept ecclésiastiques
et trente-huit laïques. — Ce n'est pas ici le lieu d'expo-
ser l'histoire générale de la pairie, ni les droits, privi-
lèges et honneurs divers qui appartinrent aux pairs de
France (V. Pair de France, Pairie) ; dans les développe-
ments qui suivent, on ne s'occupera des pairs de France
qu'au point de vue de leur prérogative judiciaire, en tant
que membres de la cour des pairs.
Dans le principe, la cour des pairs devait être réunie
toutes les fois qu'un pair de France était en cause, qu'il
fût demandeur ou défendeur, et quel que fût l'objet du
procès, en matière civile aussi bien qu'en matière crimi-
nelle. Mais la royauté chercha de bonne heure à res-
treindre cette large compétence. Dès 1259, par un arrêt
du parlement renouvelé en 1295, elle s'arrogea, malgré la
résistance des pairs, le droit de distinguer, suivant l'objet
du procès, s'il y avait ou non cas de pairie ; et il fut
bientôt de jurisprudence qu'un pair ne pouvait demander
COUR -
k être jugé par la cour des pairs qu'en matière criminelle
{quia tangit honorem personœ) et dans les procès civils
où il s'agissait des droits de sa pairie {quia agitur de
baronia et parria). Plus tard, la formule fut un peu élargie
et à la fin ae l'ancien régime, on jugeait en cour des pairs
toutes les causes « concernant l'état des pairs, leur dignité,
ou les droits de leur pairie ». Quant aux procès qui
n'étaient pas compris dans cette catégorie, les pairs res-
taient, en vertu du priy'ûègeàe committimiis, jusikiàhles
du parlement de Paris. Mais la cour qui les jugeait alors
n'était qu'une assise ordinaire du parlement : en fait, des
pairs pouvaient y assister puisqu'ils avaient tous entrée et
voix délibérative aux séances du parlement; mais, endroit,
leur présence ou leur convocation n'était point nécessaire,
comme dans les cas de pairie, pour la validité de la sen-
tence.
La procédure suivie devant la cour des pairs n'était
réglée que par une tradition assez vague et mal établie ;
elle donna lieu sur bien des points à de vives discussions
jusque dans les derniers temps de la monarchie. Le parle-
ment de Paris, héritier direct de l'ancienne cour du roi,
était le seul de tous les parlements de France qui pût être
constitué en cour des pairs : le parlement de Toulouse
s'étant permis, au xvni^ siècle, de décréter d'accusation un
pair de France, le duc de Fitz-James, un arrêt du parle-
ment de Paris du 30 déc. 4763 annula ce décret. — C'est
au roi seul qu'il appartenait de convoquer la cour des
pairs. Fallait-il pour chaque affaire une commission
expresse du roi ? C'est ce que soutenaient les pairs, con-
trairement à l'avis du parlement ; la question, qui se posa
encore au xviii® siècle dans l'affaire du duc de La Force
(4721) ne fut jamais expressément résolue. En fait, le roi
convoquait la cour des pairs par lettres patentes et appe-
lait par lettres individuelles chacun des membres qui
devaient y siéger. L'ordre de comparution devait être notifié
au défendeur ou à l'accusé par deux de ses pairs ; mais
cette règle féodale, exactement suivie à l'origine, tomba
peu à peu en désuétude ; on admit que les deux pairs pou-
vaient être remplacés par deux chevaliers, puis par de
simples sergents du roi. — Jusqu'au xvn® siècle, la cour
des pairs était présidée par le roi en personne. Les pairs
lui avaient contesté vivement ce droit, soutenant qu'il ne
devait ni présider ni même assister aux séances de la cour.
Cette prétention élevée en 4374, en d386 et en 4458, à
l'occasion des procès du duc de Bretagne, du roi de Na-
varre et duc d'Alençon, fut formellement condamnée par le
parlement à cette dernière date. Louis Xlïl fut le dernier
roi qui présida en personne la cour des pairs (affaire du
duc de La Vallette, 4639) ; dans les procès qui suivirent,
la présidence fut exercée par le chancelier. — La cour des
pairs était formée, comme on l'a vu, par l'adjonction des
pairs de France aux membres ordinaires du parlement ;
mais, ce qui était essentiel, pour qu'elle fût valablement
constituée, c'était moins la présence des pairs que leur
convocation régulière. Il n'était pas nécessaire que tous les
pairs fussent présents : conformément au droit féodal, il
suffisait que la cour fût suffisammeut garnie, et elle
était réputée l'être, quand tous les pairs avaient été convo-
qués et que plusieurs avaient répondu à l'appel (procès du
roi de Navarre, 4386) ; on admit même que la présence
d'un seul suffisait (procès du duc de Bourgogne, 4290), et
en pratique le parlement jugea plus d'une fois sans la pré-
sence d'aucun pair. Toutefois, à la fin de l'ancien régime,
quand le nombre des pairs eut beaucoup augmenté, il fut
de règle que la présence de douze d'entre eux était néces-
saire pour juger un pair, du moins quand il s'agissait de
son état. — On sait que par suite de la réalité des grands
fiefs, des femmes pouvaient être investies de la dignité de
pair de France. Elles furent d'abord admises à siéger dans
la cour des pairs : ce fut le cas de Mahaut, comtesse
d'Artois, dans le procès de Robert de Flandre (4309), de
Marguerite, comtesse d'Artois, dans le procès de Jean de
Montfort, duc de Bretagne (4379). Mais peu à peu l'usage
s'établit de les écarter de ces fonctions judiciaires ; d'ail-
leurs, il n'y eut plus de pairies féminines postérieurement
au XVII® siècle. — La sentence de la cour des pairs était
rendue par tous les membres de la cour, pairs ou non.
Quant au roi, suivant les traditions du droit féodal, il
présidait, mais ne jugeait pas ; toutefois, le jugement devait
être approuvé par lui pour pouvoir être exécuté. Confor-
mément au droit canonique, les pairs ecclésiastiques s'abs-
tenaient de prendre part aux condamnations capitales (pro-
cès du duc d'Alençon, 44o8). Le jugement de la cour
était publié sous forme de lettres patentes par le roi dans
son domaine ; par les pairs dans leurs domaines respectifs.
Les causes les plus célèbres qui furent débattues de-
vant la cour des pairs sont des procès criminels, plus ou
moins mélangés d'accusations politiques. On peut citer les
procès de Robert de Flandre (4309), de Robert d'Artois
(4332), de Jean de Montfort, duc de Bretagne (4379), de
Charles le Mauvais, roi de Navarre (4386), du duc d'A-
lençon (4458), du connétable de Bourbon (4527), du duc
de Biron (4602), du duc de La Valette (4639), du duc de
Richelieu (4746) et du duc de La Force (1724). D'autre
part, on doit constater que le privilège de juridiction des
pairs de France ne fut pas toujours respecté par l'ancienne
monarchie. Malgré la tradition, malgré le rang élevé des
nobles qui ressortissaient à la cour des pairs, peut-être à
cause de leur élévation même, les rois de France mécon-
nurent en plusieurs circonstances une prérogative qui li-
mitait leur omnipotence. Quand ils redoutaient l'influence
d'un grand personnage récemment disgracié, au lieu de
saisir la cour des pairs, ils renvoyaient l'accusé devant
une commission spéciale, sous la prévention de crime de
lèse-majesté. Pour donner une apparence de légalité à cette
mesure arbitraire on déclarait déchu ipso facto de la di-
gnité de pair, et par conséquent de son privilège de juri-
diction, le prévenu que Ton voulait soustraire à ses juges
traditionnels. C'est ainsi que le comte d'Armagnac en
4457, le duc de Nemours en 4477, l'amiral de Chabot en
4544, le prince de Condé en 4560, le duc de Montmo-
rency en 4632, le duc d'Aiguillon en 4770, furent, malgré
leur qualité de pairs, déférés à des commissions royales et
jugés par elles au gré du roi.
Temps modernes. — Sous le régime des chartes de 4844
et de 4830 la juridiction politique spéciale (V. Constitu-
tion et ci-dessus Haute Cour) fut attribuée pour la pre-
mière fois à une des branches du Parlement, à la Chambre
des pairs, qui, lorsqu'elle siégeait comme cour de justice,
prenait le titre de cour des pairs, La charte de 4844,
après avoir aboli la haute cour impériale, portait, dans
son art. 33 : « La Chambre des pairs connaît des crimes
de haute trahison et des attentats à la sûreté de l'Etat qui
seront définis parla loi. » L'acte additionnel du 22avr. 1845
reproduisait en d'autres termes la même attribution, et
ajoutait : « Tous les crimes et délits qui étaient attribués
à la haute cour impériale et dont le jugement n'est pas
réservé par le présent acte à la Chambre des pairs seront
portés devant les tribunaux ordinaires. » L'art. 28 de la
charte de 1830 ne fit que reproduire l'art. 33 de la pre-
mière charte. La Chambre des pairs ne pouvait se constituer
en cour de justice qu'en vertu d'une ordonnance royale.
Elle arbitrait les peines ; mais elle ne pouvait en appliquer
d'autres que celles édictées parle code pénal. La procédure
suivie devant la cour des pairs ne fut jamais réglée par
aucune loi ; mais comme cette cour jugea souvent, dans les
trente-quatre années qui séparent 4844 de 4848, elle eut
fréquemment l'occasion de déterminer elle-même, dans ses
arrêts, la façon dont il devait être procédé devant elle, et
c'est aux règles consacrées par cette jurisprudence que la
législation actuelle a emprunté la plupart des principes sur
lesquels elle a établi l'organisation et le fonctionnement de
la haute cour républicaine. De même la compétence de la
cour des pairs ne fut jamais déterminée législativement, en
dehors des articles de la charte qui lui attribuaient d'une
manière générale la connaissance des crimes de haute
89
COUR
trahison et des attentats contre la sûreté de TEtat.
L'art. 47 de la charte de 1830 lui donnait spécialement le
droit déjuger les ministres à raison de leur responsabilité
ministérielle. L'art, i^^ de la loi du 9 sept. 1835 réputait
attentat à la sûreté de l'Etat toute provocation par les
moyens de la presse aux attentats et complots dirigés
contre le roi et la famille royale ou ayant pour objet de
détruire ou changer le gouvernement ou l'ordre do succes-
sibilité au trône et rendait cette provocation justiciable de
la cour des pairs. Mais la définition juridique et générale
de l'attentat contre la sûreté de l'Etat ne fut jamais donnée
par la loi.
De 1814 à 1848, la cour des pairs eut à juger de nom-
breux procès. Il nous faut mentionner les principaux :
celui du maréchal Ney (V. ce nom) qui l'occupa du 4 au
6 déc. 1815. En 1820, celui du capitaine Nantit (V. ce
nom). En 1826, la cour des pairs fut réunie pour juger
l'affaire dite des marchés de Bayonne : il s'agissait de con-
cussions dont s'étaient rendus coupables deux financiers,
Ouvrard et Tourton, qui avaient obtenu la fourniture de
l'armée envoyée en Espagne pour rétablir Ferdinand VIL
Deux pairs de France étaient compromis dans cette affaire ;
c'est ce qui fait qu'elle avait été déférée tout d'abord à la
cour des pairs. Mais la cour ayant, après son instruction,
mis hors de cause les deux pairs inculpés, Ouvrard et
Tourton furent renvoyés en police correctionnelle.
C'est surtout sous le gouvernement de Juillet que la
Chambre des pairs fut constituée fréquemment en cour de
justice. Au lendemain même de la révolution de 1830,
elle eut à juger le procès des anciens ministres de CharlesX.
Dès le 28 sept., la Chambre avait décidé la mise en accu-
sation, sous l'inculpation de haute trahison, des ministres
qui avaient signé les fameuses ordonnances de juillet, pro-
nonçant la dissolution de la Chambre, restreignant la
liberté électorale et supprimant la liberté de la presse.
Ces ordonnances, de l'aveu même des ministres qui les
avaient préparées, étaient « en dehors de l'ordre légal,
dont toutes les ressources avaient été inutilement épuisées »;
quatre seulement des membres de l'ancien ministère furent
arrêtés: Polignac, Peyronnet, Chantelauze et Guernon-
Ranville. Ils furent détenus à Vincennes. Le procès se
plaida le 15 déc. devant la cour des pairs. L'accusation fut
soutenue par le procureur général Persil, qui avait été
désigné pour remplir les fonctions de ministère public, et
par Bérenger (de la Drôme), qui, en sa qualité de rap-
porteur à la Chambre de la proposition de mise en accu-
sation, avait été adjoint au procureur général. Les quatre
accusés furent défendus par leurs avocats, Martignac,
Ilennequin, Sauzet et Crémieux. Le même soir, à dix heures,
la cour des pairs rendit un arrêt qui condamnait les quatre
accusés à la détention perpétuelle.
Le gouvernement de Juillet déféra également à la cour
des pairs le jugement du mouvement républicain d'avr,
1834. Ce mouvement avait éclaté à Lyon, le 9 avr., à la
suite d'un procès intenté à la Société des mutuellistes.
Après une lutte sanglante qui dura quatre jours, les insurgés
furent dispersés au delà du Rhône et de la Saône. D'autres
tentatives d'émeute eurent lieu, en même temps, dans un
grand nombre de villes, notamment à Saint-Etienne, à Mar-
seille, à Lunévilie. C'est à l'occasion de ces tentatives, que le
gouvernement fit arrêter, à Paris, cent cinquante membres
de la Société des droits de Vhomme, qui était le centre dli
mouvement. Cette arrestation fit éclater l'insurrection dans
les quartiers Saint-Martin et du Temple : les insurgés ne
furent réduits qu'après de sanglants combats, dont la rue
Transnonain fut le théâtre principal. La cour des pairs fut
convoquée le 5 mai 1835 pour juger ces divers attentats.
Les débats, présidés par le duc Pasquier, président de la
Chambre des pairs, durèrent jusqu'au 23 janv. de l'année
suivante et se terminèrent par la condamnation de cent six
des accusés à diverses peines dont la plus forte était la dé-
portation.
La conspiration de Louis-Napoléon à Strasbourg, en
oct. 1836, ne fut pas déférée à la cour des pairs. Le gou-
vernement, ne voulant pas mettre le prince en jugement^
décida de le transporter hors de France et le fit embarquer
pour les Etats-Unis ; quant à ses complices non militaires,
il les déféra au jury du Bas-Rhin, qui ne manqua pas de
les acquitter, en apprenant qu'on devait faire évader le
prince. Lorsque, quatre années plus tard, le 6 août 1840,
Louis-Napoléon fit une nouvelle tentative à Boulogne , où
il avait débarqué à la tête d'une petite troupe, le gouver-
nement, cette fois, le traduisit devant la cour des pairs,
sous l'inculpation d'attentat ayant pour but de détruire ou
de changer le gouvernement, et de complot. La cour des
pairs se réunit à Paris, le 18 août, sous la présidence du
duc Pasquier. Après une première audience publique, dans
laquelle le procureur général Franck-Carré donna lec-
ture de son réquisitoire, on procéda à l'instruction de l'af-
faire. Cette instruction terminée, la cour se réunit de nour
veau pour examiner la question de compétence, qui fut très
discutée par quelques pairs à raison de l'insuffisance de la.
définition que le code pénal donne de l'attentat. L'art. 28
de la charte du 6 août 1830 avait, disaient-ils, promis une
définition plus précise: il était regrettable qu'elle n'eût
jamais été donnée. Pourquoi l'affaire de Boulogne était-elle
déférée à la cour des pairs, juridiction spéciale, alors que
celle de Strasbourg, beaucoup plus grave, avait été déférée
au jury, juridiction ordinaire ? Tant qu'une loi d'attributions
n'aurait pas été faite pour la cour des pairs, la juridiction
ordinaire était seule compétente, selon eux. Ces scrupules
ne furent pas partagés par la majorité des pairs, et à la
suite d'un arrêt de compétence, la cour se réunit de nou-
veau pour les débats publics. Le prince était défendu par
Berryer ; mais il tint à parler lui-même. Il termina ainsi
sa déclaration : « Représentant d'une cause politique,
je ne puis accepter, comme juge de mes volontés et de
mes actes, une juridiction politique. Vos formes n'abusent
personne. Dans la lutte qui s'ouvre, il n'y a qu'un
vainqueur et qu'un vaincu : si vous êtes les hommes
du vainqueur, je n'ai pas de justice à attendre devons
et je ne veux pas de votre générosité. » La déclaration
de culpabilité fut rendue par 160 voix sur 161 votants.
L'application de la peine qui était alors laissée à l'appré-
ciation souveraine et arbitraire de la cour donna lieu à
une vive discussion, à la suite de laquelle 137 voix sur
160 votants se prononcèrent pour l'emprisonnement per-
pétuel dans une forteresse sur le territoire continental du
' royaume. On avait tenu à faire une distinction entre la
pinson perpétuelle et l'emprisonnement perpétuel : on
voulait, en employant cette dernière formule, éviter de
donnera la peine un caractère infamant, au moment où le
gouvernement préparait le retour en France des cendres
de l'empereur Napoléon. C'était vraiment, dans de telles
conditions, ainsi qu'on l'a fait remarquer, une peine poli-
tique prononcée pour crime politique par un tribunal po-
litique. Le procès des insurgés du 12 mai 1839 a été
exposé au mot Barbes (t. V, p. 368).
La cour des pairs jugea également, sous le gouverne-
ment de Juillet, toute une série d'attentats commis sur la
personne du roi ou de princes de la famille royale. On lui
déféra d'abord Fieschi, qui avait fait éclater, le 28 juil.
1835, au moment où Louis-Philippe passait une revue sur
les boulevards, une machine infernale, établie dans une
maison du boulevard du Temple ; la cour le condamna à la
peine des parricides. Elle prononça la même condamnation
à la suite des divers autres attentats commis sur la personne
du roi par Alibaud (25 juin 1836), par Meunier (août
1836), par Darmès (15 oct. 1840), par Lecomte (16 avr.
1846) et par Henry (juin 1846). On lui déféra également
Quénisset, qui, le 13 sept. 1841, jour de la rentrée à
Paris du 17® régiment de ligne revenant d'Afrique sous
la conduite de son colonel, le duc d'Aumale, avait tiré sur
le prince, rue Saint-Antoine, un coup de pistolet qui tua
le cheval d'un de ses officiers. La cour des pairs eut enfin
à juger, en 1847, deux affaires dans lesquelles étaient
GOUR »- 90 ~«
inculpés des pairs de France. La première est une affaire
de corruption : le général Despans-Cutières, ancien mi-
nistre de la guerre, et le ministre des travaux publics,
Teste, furent accusés d'avoir fait obtenir, à prix d'argent,
une concession aux mines de sel de Gouhenans. Traduits,
à raison de leur qualité de pairs de France, devant la cour
des pairs, le 17 juil. 4847, ils furent condamnés, le pre-
mier, à la dégradation civique et à une amende, le second,
à l'emprisonnement et aussi à une amende. Quelques mois
plus tard, la cour des pairs fut convoquée pour juger l'afïaire
de l'assassinat de la duchesse de Praslin. Le duc, son mari,
qui, depuis un certain temps, vivait en mauvaise intelli-
gence avec elle et entretenait une liaison adultère, fut
arrêté et traduit, comme accusé de cet assassinat, devant
la Chambre des pairs dont il était membre. Au moment
où la cour allait le condamner, il s'empoisonna. Ce fut la
dernière affaire dont eut à s'occuper la cour des pairs.
Cour des poisons (V. Chambre ardente).
Cour féodale (V. Fief et justice seigneuriale).
Cour laye. — C'est le nom que portait autrefois la
justice séculière par opposition à la justice ecclésiastique,
qu'on appelait cour cVéglise ou cour de chrétienté. Les
cours laïques eurent à subir de nombreux conflits de com-
pétence avec les officiaHtés, principalement à l'occasion du
privilège du for reconnu au moyen âge aux ecclésiastiques
(V. Clerc et Officialité) . La lutte prit surtout un carac-
tère d'acuité au xiii" siècle au moment où les ofTiciaUtés
arrivèrent à l'apogée de leur influence. Les péripéties en
ont été racontées par M. Paul Fournier, dans son livre
sur les officiaHtés. Rappelons seulement les deux coalitions
des barons, en 4235 et an 4246, dans lesquelles se
signala Pierre Mauclerc. La cour laye avait quelquefois
compétence sur les clercs, notamment dans les cas de
crime. Elle pouvait alors s'en emparer, à charge de les
rendre promptement à Févêque ; elle était aussi chargée
de leur exécution lorsqu'ils avaient été reconnus coupables
et dégradés par la cour d'église. On lui abandonnait éga-
lement, du moins en général, les clercs mari-és et les clercs
marchands. En revanche, diverses catégories de laïques
étaient soustraites à sa compétence. La principale fut celle
des croisés qui avaient à certains égards des privilèges plus
étendus que ceux des clercs. Beaucoup de laïques cher-
chaient à se soustraire à la juridiction séculière, soit à
titre d'agents de l'Eglise, comme les fabricants de parche-
min et de sceaux et les enlumineurs, soit en se faisant
faussement passer pour clercs. Les orpheHns et les femmes-
veuves, surtout pour leur douaire, recouraient fréquem-
ment aux tribunaux ecclésiastiques. Quelquefois on leur
laissait le choix entre les deux juridictions. Enfin des causes
sans nombre échappaient à la cour laye ratione materiœ.
Il y eut surtout des incertitudes sur les matières criminelles.
Les coutumiers les plus intéressants sur la question sont
les Coutumes de Beauvoisis de Philippe de Beaumanoir ;
la 1res Ancienne Coutume de Bretagne^ et la coutume
d'Anjou cotée M dans l'édition de M. Beautemps-Beaupré.
Cette dernière surtout est curieuse par l'habileté avec
laquelle elle restreint la compétence des cours d'église
(n*>« 74, 75 et 77).
Cour majour. — C'était la cour suprême de justice du
Béarn. Elle fut instituée, ou peut-être régularisée en 4220
par Guillaume Raymond. La cort mayor se composait
alors des évêques de Lescar et d'Qloron et de douze barons
héréditaires. C'était vraisemblablement une imitation de
la cour des douzes hommes riches (ricosombres) qu'on
rencontre dans les fors de Navarre dès 4074. La cour
se retrouve en 4554 dans les nouveaux fors publiés par
Henri II, mais sa composition a bien changé. Au lieu des
douzes barons héréditaires, elle se compose de quatre juges
nommés par le sénéchal et qui se transportent sur les dif-
férents points du pays pour y tenir leurs assises, La cour
majour jugeait les cavers (chevahers), et les domengers
(possesseurs de terres nobles) accusés de meurtre ou de
violences graves. Elle avait compétence pour toutes les
questions de propriété (de funtz de terre) et d'état {de
gentillessa et de cap d'omi). Elle était présidée ordi-
nairement par le seigneur majeur. Sa jurisprudence con-
tribua pour une large part à former les fors et coutumes
publiés en 4306.
VI. DROIT CANONIQUE. — Courde Rome (V. Curie).
VII. LITTÉRATURE. - Cour d'amour (V. Amour
[Cour d']).
BiBL. : Cour du roi. — D'excellents travaux ont été
récemnient publiés sur la Curia régis par M. A. Luchaire,
HisL des institutions monarchiques de la, France sous les
premiers Capétiens; Paris, 188â, 1. 1«*", in-8, livre II, ch. ii, et
livre IIÏ, ch. i, ii, m; et par R. GNEiST^Enqlische Verfas-
sungsgeschichte; Berlin, 1882, in-8, ch. xvi. — Cf. Revue
historique^ 1890, t. XLII, pp. 76 et suiv.
Cour d'appel. — Fréminville, Traité de l'organisation
et de la compétence des cours d'appel, 1848, 2 vol. in-8.
— Rousseau et Laisne y, Dictionnaire de procédure^ v» Âp-
pel. — BoiTARD, Colmet-Daage et Glasson, Leçons de
procédure civile, 14« éd., t. I, p. 23.— Dalloz, Jurispini-
dence générale., v° Organisation judiciaire.
Cour d'assises. -—Dalloz, jRéper^oire, instruction cri^
minelle^ n»» 1234 et suiv.— Cubain, Traité de la procédure
devant la cour d'assises. — De Fréminville, De la Procé-
dure devant le jury. — Nouguier, la Cour d'assises, 5 vol.
— Garraud, Précis de droit criminel., 662, 2« éd. — Boi-
tard, Leçons de droit criminel., 13^ édit., p. 719.
Haute Cour de justice. — Faustin Hélie, Traité d'ins-
truction criminelle; Paris, 1877, t. VI. — Adolphe-Emile
Lair, Des Hautes Cours politiques en Frayice et à V étranger
et de la mise en accusation du président de la République
et des ministres ; Paris, 1889. — Cauchy, les Précédents de
la cour des pairs; Paris, IS^9.— Procès-verbaux de la cour
des pairs, de 1810 à 18^1 ; Paris, 54 vol. — Morellet, JRap-
port fait au nom de la commission d'étude et d'élaboration
d'une loi réglant la procédure à, suivre quand les Chambres
ont à, exercer leurs attributions judiciaires (Distribution,
Sénat, 1889, n» 36); Réquisitoire écrit de M. le procureur
général Quesnay de Beaurepaire et note annexe (Distribu-
tion, Haute Cour, cotes 119 et 120j. — Albert Bataille,
Causes crim.inelles et mondaines de 1889 ; Procès du géné-
ral Boulanger ; Paris, 1890.
Cour de la Chaîne. — Assises de Jérusalem., éd.
Beugnot, 1843, dans la collection des Histoires des Croi-
sades, t. Il, introd., p. 22. — Pardessus, Collection de lois
maritimes antérieures au xviiio siècle, 1887, t. I, p. 275. —
Travers Twiss, the Black Book of the Admiralty, 1876,
dans la coll. des Scriptores rerum britannicarum, t. IV,
introd., p. 96 et suiv.
, Cour de la Fonde. — Assises de Jérusalem, édit.
Beugnot, 1843, dans la collection des Histoires des Croi-
sades., t. II, introd., p. 23.
Cour des pairs. — Boulainvilliers, Histoire de la
pairie et du Parlement de Paris, 1753. — Goesman, les
Quatre Ages de la pairie de France^ 1775. — Guyot, Des
Droits et privilèges annexés à chaque dignité^ t. Il, 2° par-
tie (1784), p. 56, 159. — Bernardi, Mémoire sur l'origine de
la pairie [Acad. des Inscriptions, t. X, p. 579). — D. Brial,
introd. au t. XVII des Historiens de France. — Beugnot,
préface des Olim, t. 1 (1840), p. 48. — Pardessus, Essai
sur l'organisation judiciaire... jusqu'à Louis XII, 1851,
pp. 22 et suiv. — Bibliothèque de l'Ecole des Chartes,
29 série, t. IV, p. 281, et t. V, p. 1. — Boutaric, la France
sous Philippe le Bel, 1861, p. 206. — Luchaire, HisL des
institutions monarchiques sous les premiers Capétiens.,
1883, t. I, pp. 384 et suiv. — Flach, le Régime seigneurial,
1885, pp. 228 et suiv. — Langlois, les Origines du Parle-
ment de Paris (Revue historique., t. XLII, 1890).
Cour laye. — Paul Fournier, les OfficiaHtés au moyen
âge ; Paris, 1880, principalement aux pages 64 à 127.
Cour majour. — Laferrière, Rapport sur les Fors du
Béarn, dans Recueil de l'Acad. de Législ. de Tow^oiese, 1865,
t. V, pp. 323 et suiv. — P. de Marca^ Histoire de Béarn; Pa-
ris, 1640, in-fol. — Fors de Béarn, éd. Mazure, 1840. ■—
E. DE Laurière, Glossaire du droit français., art. Cort
mayoî'.
COUR. Com. du dép. du Doubs, arr. et cant. de Baume-
les-Dames; 446 hab.
COUR-Cheverny. Com. du dép. de Loir-et-Cher, arr. de
Blois, cant. de Contres, sur le ruisseau de Cour-Cheverny,
affl. de gauche du Beuvron ; 2,379 hab. jStat. du chem.
de fer de Blois à Villefranche. Le chef-heu de la com-
mune, Cour, n'a que de médiocres annales; toute son
illustration lui vient du hameau de Cheverny et de son
château (V. Cheverny).
"^COUR-DiEu (La). Ancienne abbaye d'hommes de l'ordre
de Cîteaux, au diocèse d'Orléans, fondée en 4148 par
Jean II, évèque d'Orléans,
«. 94 -
COUR — COURANT
GOUR-ET-Buis. Com. du dép. de l'Isère, arr. de Vienne,
cant. de Beaurepaire ; 609 hab.
COUR-l'Evêque. Com. du dép. de la Haute-Marne,
arr. de Chaumont, cant, d'Arc-en-Barrois; 282 hab.
COUR-Marigny (La). Com. du dép. du Loiret; arr. de
Montargis; cant. de Lorris; 494 hab.
COUR-Notre-Dâme. Ancienne abbaye de Tordre de
Citeaux, au diocèse de Sens, aujourd'hui sur le territoire
de la com.de Michery (Yonn^). La charte par laquelle
Gautier, archevêque de Sens, confirma l'établissement
d'un monastère de femmes de l'ordre de Cîteaux dans la
paroisse de Villuis, sous le nom de Cour-Notre-Dame, est
datée du 29 août 4225. En 4285, il y avait trente reli-
gieuses et autant de gens de service, mais leur pauvreté
les obhgeait à la mendicité. Complètement ruinée par les
guerres, n'ayant plus de ressources suffisantes, Tabbaye
devint, au xv® siècle, un simple prieuré, transporté à des
hommes, puis en 4484 uni à l'abbaye de Cîteaux comme
un memi3re propre. Ceux des bâtiments qui subsistent ont
été transformés en ferme. Une partie de la chapelle, du
xni® siècle, est encore debout ; dans le mur de façade est
encadrée une remarquable porte datée de 4532 ; on en
trouvera l'image dans V Annuaire historique du dépar-
temeîitde l'Yonne^ 4883, pi. L M. Prou.
COUR-Saint-Maurice. Com. du dép, du Doubs, arr.
de Montbéliard, cant. de Maîche; 235 hab.
COUR-suR-LoiRE. Com. du dép, de Loir-et-Cher, arr.
de Blois, cant. de Mer ; 408 hab.
COUR (Janus-Andreas-Bartholin La), peintre danois,
né à Ringkjœbing le 7 sept. 4837. Elève de l'académie
des beaux-arts de Copenhague, il en devint membre en
4872. C'est un des paysagistes les plus distingués de l'école
de Skovgaard. On cite pa'rmi ses tableaux: Pré à Vaube;
Soir près du lac Nemi, B-s,
COUR (Paul La) (V. Lacour).
COURADILLES (Pic des) (V. Pyrénées).
COURADOUX (Mar.) (V. Entrepont).
COU RAGE. Le courage (avSpsia, fortitudo) était compté
par les anciens au nombre des quatre vertus cardinales.
Socrate le définissait la science de ce qu'il faut- faire dans
le danger [Eth, Nie, IIl, 44, iU6H ; Eth, Eud., 111, 4,
4229^47). Aristote voyait en lui le miHeu entre la lâcheté
et la témérité {Eth. Nie, II, 7, 4407^33 et passim). Cicé-
ron [De Offlciis, I, 49) approuve l'opinion des stoïciens qui
le définissaient la force au service de l'équité. Si, avant de
parler de la valeur morale du courage, nous voulons nous
rendre un compte exact de sa nature psychologique, nous
verrons que le courage véritable suppose : 4° la présence
d'un danger et sa connaissance par l'esprit, car ce qui n'est
pas connu est pour l'esprit comme s'il n'était pas ; 2^ la
résistance au trouble apporté naturellement à l'âme par la
présence du danger ; 3^ enfin l'exécution des actes que la
raison commande en dehors même de toute considération du
danger. Ainsi le vrai courage suppose avant tout la parfaite
possession de soi et la réflexion. C'est pour cela qu'x4ristote
(Eth. Nie., m, 44, 4446^^23, 4447^9) se refuse à nommer
courage l'insouciance du péril qui vient des dispositions phy-
siques. C'est surtout dans les cas où l'appropriation des actes
à la raison exige que la pensée se détourne de la représen-
tation du danger tout en songeant sans cesse à la chose
dangereuse, que se manifeste le vrai courage, et il se mani-
feste d'autant plus que les actes qu'on accomplit néces-
sitent moins d'efforts et d'absorption musculaire. Le cou-
rage civil qui consiste à remplir les fonctions de sa charge,
quels que soient les périls qui y sont attachés, est ainsi
souvent supérieur au courage militaire proprement dit. Le
magistrat, sur son siège, rendant un arrêt qui brisera cer-
tainement sa fortune, est plus courageux que le soldat qui,
grisé par la poudre, s'élance dans la mêlée, A son tour, le
soldat qui, l'arme au pied, attend sans bouger les boulets
et les obus qui font rage autour de lui, est plus courageux
encore que ce magistrat. Si le courage est indispensable
pour laisser à l'homme la libre disposition de soi en face
du danger, de manière qu'il puisse faire les actes que lui
dicte la raison, il est clair que le courage est une vertu.
En un sens, il est mêlé à toutes les vertus. L'obéissance à
la raison est d'ordinaire pénible et l'homme redoute la
peine; il faut donc, en toute circonstance, un certain cou-
rage pour obéir à la raison. Mais la vertu, qu'est-elle autre
chose que l'obéissance aux ordres que nous dicte la raison ?
Il faut du courage, et beaucoup, pour triompher d'un défaut
ou d'une mauvaise habitude. Il en faut d'autant plus que
le plus souvent alors on agit en secret, et que l'applau-
dissement extérieur ne vient pas en aide. Il semble en effet
que la vue des autres hommes fortifie notre courage, et c'est
un terme profond que le mot encourager. Cependant le
vrai courage a-t-il besoin qu'on le tire, pour ainsi dire, du
dehors ; ne doit-il pas, au contraire, sortir de l'âme ver-
tueuse comme une fleur sort de sa tige, et n'est-il pas d'au-
tant plus grand qu'il est ainsi moins extérieur et plus'per-
sonnel ? Le courage est non seulement une vertu, mais
une des conditions de la vertu ; c'est pour cela que les
anciens en faisaient une des quatre vertus qui donnent
naissance à toutes les autres. G. Fonsegrive.
COU RAJ OD (Louis), archéologue et critique d'art français
né à Paris en 48oi, actuellement conservateur adjoint du
département des monuments du moyen âge et de la Renais-
sance au musée du Louvre. Après avoir été élève de l'Ecole
des chartes oh il soutint une thèse sur les Villes neuves
au moyen âge, il entra au département des estampes de
la Bibliothèque nationale, d'où il passa au musée du Lo.uvre.
On lui doit de nombreux travaux sur l'histoire de l'art et
particulièrement l'histoire de la sculpture française, ita-
lienne et flamande, au moyen âge et pendant la Renaissance.
Nous citerons : le Livre-Journal de Lazare Duvaux,
précédé d'une étude sur le goût des objets d'art au xvin^ siècle
(4873, 2 vol. in-8); Histoire de l'enseignement des arts
du dessin au xviii® siècle (4874, in-8; 2® éd. en 4886);
les Estampes attribuées à Bramante (en collaboration
avec M. de GeymuUer, 4874, in-8); Etudes sur les col-
tections du moyen âge, de la Renaissance et des temps
modernes au musée du Louvre (4878, in-8) ; Alexandre
Lenoir, son journal et le musée des monuments fran-
çais (4878-1*887, 3 vol. in-8); le Baron Charles Davil-
lier et la collection léguée par lui au musée du Louvre
(4884, in-4); Donation du baron Charles Davillier,
catalogue, en collaboration avec M. Molinier (4885, in-4);
la Part de Fart italien dans quelques monuments
de sculpture de la première Renaissance française
(4875, in-4)'; Documents sur r histoire des arts et des
artistes à Crémone aux xv^ et xvi® siècles {iS86, in-8).
M.Courajod est un des collaborateurs les plus actifs de la
Gazette des Beaux-Arts et des Mémoires et du Bulletin
de la Société des antiquaires de France, il a aussi
collaboré à la Gazette archéologique', enfin il professe
un cours d'histoire de la sculpture française à l'Ecole du
Louvre.
COU RANGES. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr.
d'Etampes, cant. de Milly; 355 hab. Château.
COURANT. I. Physique.— Courant électrique.— On
entend par courant électrique le passage de l'électricité à tra-
vers un corps ; ce passage se manifeste à nous par les divers
effets qu'il produit : nous allons les passer en revue. La quan-
tité d'électricité qui circule ainsi est susceptible de mesure et
nous indiquerons les procédés que l'on emploie pour cela ;
enfin il y a une relation entre les divers effets et la quantité
d'électricité qui les produit ; aussi l'on pourrait choisir
théoriquement l'un quelconque de ces phénomènes pour
servir de mesure à l'intensité du courant. — Lois de Ohm.
Les courants électriques résultent de ce que les divers
points d'un conducteur sont, pour une cause ou pour une
autre, à des potentiels différents. Lorsque le courant a pris
un régime stable, les lois de Ohm lui sont applicables et le
potentiel varie aux divers points du conducteur, comme
la température, aux divers points d'un mur, dont les faces
COURANT
92 —
sont maintenues à des températures constantes. La théorie
de Ohm est tout à fait analogue à celle de Fourier (V. Con-
ductibilité calorifique) . Si A et B désignent les valeurs
du potentiel aux extrémités d'un conducteur de longueur!,
de section s, de conductibilité c, la quantité I d'électricité
qui passe pendanl l'unité de temps est donnée par la for-
mule de Ohm.
Formule de Ohm : I
A — B
(i) I
A—B
A^~B' A^^ — B^''
es
c's'
r
Or, s'il n'existe pas dans ce circuit de variation brusque
de potentiel, et si l'on applique ce calcul à toutes les portions
du circuit, il en résulte que B = A^, B^ = A^'', etc., et le
numérateur de la fraction se réduit à A — B*^, les termes
intermédiaires se détruisant ; on a alors :
A — B^
jLd es
Si au contraire il existe des variations brusques de
potentiel alors on aura A' =: B + E, E étant une de ces
variations brusques et la formule deviendra :
.2) T_A-B*^ + SE . SE
I:
OU I:
^^ es
T.—
^•^ es ^^^ es
Si on a étendu au circuit total la sommation des numéra-
teurs et des dénominateurs des fractions B, car alors on
sera revenu au point de départ et B^ ne sera autre chose
que A. S E représente la somme algébrique des variations
de potentiel, c.-à-d. qu'on ajoute les variations correspon-
dant à des accroissements de potentiel et que l'on retranche
les variations correspondant à des diminutions. Appliquons
cela au courant fournit par une pile. Soit E la difiTérence
de tension que l'on observe à ces pôles ; si l'on désigne
par R la résistance ( — ) de la pile, par r, r\ /''... les
résistances de diverses parties du circuit sans en oubUer
une seule, on a pour la quantité d'électricité I qui passe
par unité de temps :
i^ ? .
R-i-r4-/4-...
Si l'on réunit en tension m éléments identiques, c.-à-d. en
faisant communiquer le pôle de chacune d'elle avec le pôle
de signe contraire de l'autre, l'intensité du courant sera :
^ mE
mR-l-rH-/+...*
Si on les réunit en surface, c.-à-d. tous les pôles de
même nom ensemble, on aura :
1= ^
R
-/-
Si enfin on a un nombre n'p d'éléments, que l'on en mette|î
en surface et que l'on réunisse en tension ces n groupes,
l'intensité I sera :
?^E
E , '
n \-r-\-r -\- ...
P
Ces lois déterminent donc des relations très souvent
employées, entre les résistances, les variations brusques de
potentiels ou forces électromotrices, et les intensités des
courants. Mais elles ne suffisent pas pour savoir ce qui se
passe dans les cas plus compliqués que nous allons main-
tenant étudier.
Lois de Kirehoff. Supposons un circuit conducteur par-
couru par un courant électrique. Soient A et B deux points
sur ce circuit. En ces points fixons les extrémités d'un
nouveau fil et cherchons comment le courant électrique va
se partager entre les deux conducteurs qui réunissent A à
es
Si le circuit est hétérogène, dans chaque partie de même
nature on aura cette relation et l'expérience montre en outre
que la valeur I du rapport sera constante. On aura donc :
A — B H- A^ — B'-f- A'-' -- B'-'-f- -\- k'^ — B*^
es es
V'
l^
B. Remarquons que l'on pourra remplacer l'un quelconque
de ce fil par un fil équivalent, c.-à-d. sans changer l'in-
tensité du courant, ce fil équivalent étant d'une certaine
nature, de longueur 1 et d'une section s convenablement
choisie pour que l'équivalence ait heu. De même pour
l'autre fil ; nous pourrons le remplacer par un fil de même
nature que le précédent de longueur 4 et de section /.
Mais alors l'ensemble do ces deux fils de mêmes natures et
de mêmes longueurs agira comme un fil unique de cette
nature et de cette longueur ayant pour section la somme
de leurs sections ; on pourra donc calculer par les formules
précédentes la résistance apportée dans le circuit par l'en-
semble des deux fils. L'expérience a montré comment ils
se partagent la quantité d'électricité qui arrive en A, c'est
proportionnellement à leurs sections. On pourrait raisonner
de même pour des cas plus compliqués mais alors il vaut
mieux employer la méthode
suivante due à Kirehoff :
Considérons un point A où
se croisent plusieurs con-
ducteurs; quand l'état sta-
ble des courants est obtenu,
il arrive en A autant d'élec-
tricité qu'il en part et l'on
a par suite S I =rz 0 en pre-
nant les quantités avec le
même signe quand Télectri-
cité correspondante se rend vers A et en le prenant avec
le signe contraire quand c'est l'inverse. Considérons,
d'autre part, un circuit quelconque (fig. \) et proposons-
nous de déterminer l'intensité du courant passant dans
chaque partie. A un point de croisement quelconque, H
par exemple ou cinq fils se croisent, on aura SI = 0.
Considérons d'autre part une portion de circuit quelconque,
par exemple HKC ; la formule (2) de Ohm
A — Bn-f-SE
lui est applicable et si nous considérons un circuit fermé
quelconque, par exemple HKCDEH, on peut appliquer aux
quatre arcs dont il est formé la même formule que nous
mettrons sous la forme 1?'==:: A— B*^-|-SE ou Ir— SE
z=zk— B*^ en désignant par r le terme \ — et nous
aurons pour tout le circuit
Ir — SE = A — B**
— SE' = B" — ^"^
— SE'''' — B'^ — B^''»*
— SE''' = B"'! — B'"**
A étant le potentiel de H, B** celui de C, B"» celui de D, W
de E et B'"** celui de H, on a donc en ajoutant ces
équations nombre à nombre en remarquant que A =B'^^^
Fig. 1.
l'r'
I"r"
(ir - SE^
;0.
Nous avons autant de relations de ce genre que de cir-
cuits fermés et autant de relations comme SI^O que de
points tels que H. Mais toutes ces équations ne sont pas
distinctes et comme il y a autant d'inconnues que de con-
ducteurs (puisque ces inconnues sont les intensités du cou-
— 93 —
COURANT
rant traversant chaque conducteur), il n'y aura pas plus de
relations distinctes que de conducteurs tels que HKC
(14 dans la fig. 4). Ces relations permettent dans tous les
cas, quelle que soit la complication du circuit, de trouver
l'intensité du courant dans chaque portion. (Gomme
exemple, V. à Fart. Constantes des piles, la méthode de
Poggendorff.)
Effets des courants. Les principaux effets des courants
peuvent se classer en effets calorifiques, chimiques, méca-
niques, magnétiques et physiologiques. — Effets calorifi-
ques.de La Rive attribue ces effets aux décharges intermolé-
culaires qui se produisent dans les corps. On doit distinguer
les phénomènes qui se produisent lorsqu'un courant par-
court un conducteur homogène ou lorsqu'il traverse un
circuit hétérogène. Les lois des quantités de chaleur
dégagées par le passage des courants dans les fds métal-
liques sont connues sous le nom de lois de Joule: i° les
quantités de chaleur dégagées pendant l'unité de temps
dans les fils sont proportionnelles à leur résistance ; 2*^ les
quantités de chaleur sont proportionnelles aux carrés de
l'intensité. Les lois de Joule se résument dans la formule
suivante : q =2 ArP ; q désigne la quantité de chaleur
dégagée pendant l'usité de temps, r la résistance du fil
et I l'intensité du courant. A est une constante. On vérifie
la première loi de Joule en plongeant dans deux calori-
mètres identiques contenant de l'alcool, liquide très peu
conducteur, deux spirales faites avec les fils métalliques
que l'on voulait étudier ; le même courant les traversait
l'un après l'autre, de sorte que l'influence due à l'intensité
du courant était la même pour les deux. Joule trouva les
échauffements des deux calorimètres proportionnels à
chaque instant à la résistance des fils qui y étaient plongés.
Si au lieu de la quantité de chaleur on veut étudier la
température atteinte par le fil , il n'y a qu'à exprimer que
la quantité de chaleur dégagée dans l'unité de temps est
égale à la quantité de chaleur perdue par rayonnement
pendant le même temps. Dans la formule précédente la résis-
tance du fil r est celle qu'il possède à la température ordi-
naire ; en général la résistance augmente avec la tempé-
rature. Si on fait parcourir un fil assez fin par un courant
capable de l'amener au rouge très sombre, on ne s'aperçoit
pas qu'il est lumineux ; si on place alors un morceau de
glace sur une de ses parties, l'autre devient rouge ; cette
expérience s'explique par les remarques précédentes ; en
refroidissant une partie du fil on a diminué sa résistance
et par suite celle du circuit ; par conséquent l'intensité du
courant a augmenté et le terme ArP étant devenu plus
grand aux points non refroidis puisque r était resté le
même et que I avait augmenté, la température de cette
partie a pu dépasser le rouge sombre. Les conducteurs
liquides se comportent comme les conducteurs métalliques
et suivent la même loi à condition qu'il n'y ait pas de
dégagement de gaz indiquant une décomposition. En parti-
culier la loi de Joule s'applique au liquide de la pile. De
La Rive a montré que la quantité totale de chaleur dégagée
dans tout le circuit y compris la pile était une constante
particulière à chaque pile, mais indépendante de la résis-
tance du circuit traversée par le courant. Favre a montré
que cette quantité de chaleur était due à la chaleur dégagée
par les actions chimiques qui se passent dans les piles.
Etudions maintenant ce qiii se passe dans les circuits
hétérogènes ou plutôt ce qui se passe aux points de jonc-
tion de deux fils de natures différentes ; car dans le reste
du circuit on observe les mêmes phénomènes que dans un
circuit homogène. Peltier a le premier étudié les tempé-
ratures que prenaient les soudures de métaux traversés
par un courant électrique et il a observé que réchauffement
produit à une soudure n'était pas le même que dans le
reste du circuit et qu'il dépendait du sens dans lequel
l'électricité traversait la soudure. Il étudiait ces phéno-
mènes, désignés maintenant sous le nom â'effets Peltier
en serrant la soudure avec une pince thermo-électrique ;
cette pince se composait de deux petits éléments thermo-
électriques dont les soudures impaires constituaient les
branches de la pince tandis que les soudures paires étaient
à la température de l'air. Une mince feuille de papier
séparait les branches de la pince de la soudure que l'on
voulait étudier et un galvanomètre mesurait par la déviation
qu'on y observait le courant thermo-électrique ; celle-ci
était sensiblement proportionnelle à la diftérence de tem-
pérature des soudures paires et impaires des éléments
thermo-électriques, c-à-d. à l'élévation de la température
de la soudure de la barre. Peltier a reconnu que lorsque le
courant passe d'un fil de cuivre dans un fil de zinc, de
plomb ou de fer, réchauffement de la soudure est moindre
que lorsqu'il suit la route inverse. On peut même pour
certains métaux, et avec un faible courant, observer aux
soudures des refroidissements. Ainsi deux lames de cuivre
soudées aux deux extrémités d'une lame de bismuth don-
nent, lorsqu'elles sont traversées par un courant faible, une
élévation de température à l'une des soudures, un refroi-
dissement à l'autre. Une lame de bismuth étant soudée à
une lame d'antimoine et traversée par un courant, on re-
marque que la soudure se refroidit quand le courant va du
bismuth à l'antimoine et qu'elle s'échauffe quand le courant
va de l'antimoine au bismuth. Quintus Icilius, physicien
allemand contemporain, a étudié le même phénomène de la
façon suivante : il faisait passer un courant comme à tra-
vers une bande de métal soudée entre deux autres iden-
tiques entre elles; puis interrompant le courant, il mettait
les branches de la soudure en communication avec un
galvanomètre dont la déviation indiquait par son sens
quelle était la soudure la moins chaude et par sa grandeur
la différence de température des deux soudures. Il a trouvé
ainsi que la différence de température était proportionnelle à
l'intensité du courant qui les avait traversées. M. Becquerel
a montré qu'il y a une relation entre le sens du courant
thermo-électrique que l'on obtient en chauffant la soudure
et le sens du courant qui échauffe le moins la soudure ;
ces courants sont de même sens.
On a désigné sous le nom d'effet Thomson un phéno-
mène du même genre observé par ce physicien, mais sur
un circuit formé d'un seul métal à diverses tempéra-
tures. M. Thomson a montré que pour le fer et le platine
il y avait transport de chaleur, c.-à-d. que si l'on chauffe
un point A du circuit la température est plus élevée à
une certaine distance de ce point en marchant dans le
sens du courant qu'à la même distance en marchant en
sens inverse. Pour le cuivre, c'est l'inverse. M. Le Roux,
qui a étudié avec soin ces phénomènes, a constaté que
l'effet est proportionnel à l'intensité du courant et variable
avec la nature du conducteur : l'antimoine, le zinc, l'argent,
le cuivre se comportent de même ; l'antimoine est le plus
actif, le cuivre l'est le moins ; le platine et le bismuth se
comportent d'une façon inverse et le bismuth est le plus
actif des deux. — Applications. Lsi^las importante de toutes
et la plus récente consiste dans l'éclairage par l'incandes-
cence de fils de charbon (V. Lampes a incandescence). On
a aussi employé ces phénomènes pour allumer des lampes
à essence comme dans les allume-feu électriques. On fait
aussi rougir par ce procédé des fils métalliques qui servent
à cautériser. Enfin, ces dernières années, on a proposé
d'utiliser la chaleur dégagée au point de contact de deux
barres lorsqu'elles sont parcourues par un courant et
pressées l'une contre l'autre pour les souder. C'est le pro-
cédé E. Thomson qu'on a pu voir fonctionner à l'Exposition
universelle de 1889.
Effets chimiques (V. Electrolyse).
Effets mécaniques. Ces effets sont de plusieurs sortes :
Transport des liquides. Quand on fait passer un cou-
rant électrique dans une auge pleine de liquide présentant
une paroi en matière poreuse (une vessie par exemple), on
constate que le liquide semble entraîné par le courant à
traverser la membrane. Cet effet, étudié par Wiedemann,
obéit aux lois suivantes : les quantités de liquide transporté
dans l'unité de temps de l'autre côté d'une paroi sont:
COURANT — 94
i^ proportionnelles aux intensités des courants ; 2° indé-
pendantes de l'épaisseur et de la surface du vase poreux ;
3^ d'autant plus grandes toutes choses égales d'ailleurs
que le liquide est plus résistant.
Changement de structure. On a remarqué que cer-
tains métaux, le cuivre par exemple, devenaient cassants
lorsqu'ils avaient été longtemps parcourus par des courants
électriques. On a observé que la ténacité d'un fil de cuivre
avait diminué d'un quart par le passage prolongé d'un
courant faible. Werthcim a reconnu, en taisant vibrer des
verges parcourues par des courants électriques, que leurs
coefficients d'élasticité étaient diminués.
Effets cV arrachement. M. Planté a montré qu'en pla-
çant une lame de verre dans une cuvette contenant une
solution de l'azotate de potasse dans laquelle plongeait un
fil de platine communiquant avec le pôle positif d'une pile,
on pouvait graver cette plaque de verre en promenant à
sa surface un fil fin de platine entouré d'un tube de verre
ne laissant passer que l'extrémité du fil et communiquant
avec le pôle négatif de la pile.
Effets magnétiques. Ces effets sont de la plus grande
importance ; ils constituent tout un chapitre de l'électricité ;
ils seront développés à l'art. Electromagnétisme (V. aussi
Electrodynamique).
Effets physiologiques. Lorsqu'on fait passer des cou-
rants électriques à travers les muscles d'animaux tués
récemment, on observe des contractions diverses selon les
points d'entrée ou de sortie du courant et on peut ainsi
reproduire, mais d'une façon désordonnée, des mouvements
observés pendant la vie. Ces phénomènes ont été étudiés sur
divers animaux et tout d'abord sur la grenouille, ce qui
amena Galvani et Volta à la célèbre discussion qui fit
inventer la pile électrique à ce dernier physicien. Même
sur les insectes l'électricité provoque des mouvements et
l'on a pu de cette façon, avec une cigale récemment
tuée, obtenir le bruit particulier que cet insecte fait
entendre. Des expériences furent faites aussi sur des
cadavres humains, principalement sur des corps de sup-
pliciés. Celles de Glasgow faites par Indrew lire sont restées
célèbres ; on provoqua des mouvements violents des mem-
bres, capables de renverser des personnes, des contractions
du visage exprimant diverses impressions, « la rage,
l'horreur, le désespoir, l'angoisse et d'affreux sounrcs
unirent leur hideuse expression sur la face de l'assassin »,
et plusieurs personnes qui assistaient à ce spectacle durent
s'enfuir, d'autres se trouvèrent mal. Avec les corps de
malades morts naturellement, Aldini n'obtint rien de pareil.
Non seulement les muscles volontaires éprouvent ces mou-
vements, mais encore les muscles involontaires peuvent
être excités de cette façon; on peut faire pai' exemple
battre le cœur à l'aide d'un courant. Sur les êtres vivants
les courants faibles produisent diverses sensations : les
rhéophores d'une pile étant mis en contact avec les oreilles
on entend des bruits sourds que Volta comparait avec celui
produit par un Hquide visqueux en ébullition. On peut aussi
do cette façon percevoir des lueurs les yeux fermés ; des
aveugles même les ont perçues. Avec les courants forts on
obtient des commotions dont la violence dépend surtout de
la tension du courant plutôt que de sa quantité. Ainsi une
pile de douze éléments à très grande surface produit peu
d'effet, tandis qu'une pile de six cents couples à faible sur-
face donne une violente commotion dont la douleur persiste
plus de vingt-quatre heures, d'après Gay-Lussac. Pour les
courants d'intensité moyenne au moment où le courant est
fermé, on éprouve surtout une commotion sans accompa-
gnement de douleur et, tant que le courant passe, on
éprouve seulement une légère irritation ; au contraire,
quand on rompt le courant, on éprouve de la douleur sans
contraction en général. C'est donc surtout la fermeture et
l'ouverture du courant qui produisent des effets marqués ;
aussi c'est principalement aux courants induits qui se for-
ment et cessent un grand nombre de fois par seconde que
l'on a recours en électrothérapie.
Mesure de l'intensité des courants. On peut, pour faire
cette détermination, employer un phénomène convenable-
ment choisi pour faire cette mesure à la condition de
montrer que si l'on a deux courants égaux (c.-à-d. pro-
duisant la même action sur l'appareil de mesure) on
obtiendra une action double en les ajoutant. Si cependant
certaines actions sont particulièrement faciles à observer
ou sensibles, on pourra avoir intérêt à les utiliser même
si elles ne donnent pas une indication double de celle
qu'elles fournissent avec un seul courant ; mais il faudra
alors graduer l'appareil d'une façon empirique et construire
une table indiquant la valeur de l'intensité en fonction de
la grandeur de l'effet observé, La plupart des instruments
destinés à mesurer l'intensité des courants reposent sur
l'emploi de phénomènes à' électromagnétisme ou à'élec-
trodynamique (Y. ces mots). On emploie aussi les phé-
nomènes chimiques tels que la décomposition de l'eau ou
des sels ; cette dernière méthode n'est applicable qu'aux
courants intenses. C'est sur la décomposition du sulfate de
cuivre et sur le poids de cuivre déposé à l'électrode né-
gative qu'est fondée le système de compteur électrique
imaginé par Edison. Pour les courants faibles on emploie
les boussoles des sinus, des tangentes, les galvanomètres,
l'électrodynamomètre de Weber, etc. Pour la description
de ces appareils, V. Galvanomètre et Electrodynâmomètre.
Méthodes électromagnétiques. Quand un courant élec-
trique parcourt un conducteur situé au voisinage d'un pôle
magnétique austral, celui-ci est dévié vers la gauche du
courant. On entend par là la gauche d'un observateur
couché sur le conducteur, regardant le pôle de l'aimant,
lorsque le courant est dirigé dans le sens des pieds à la
tête; un pôle magnétique boréal est dévié à droite. Ce
phénomène sert à la mesure des courants. Si on considère
un courant rectifigne indéfini dirigé suivant le méridien
magnétique agissant à la distance d sur une aiguille ai-
mantée placée en dessous, on démontre que l'intensité I du
courant a pour expression
T # H- l^ sin^ a ,
I^„ _ tga.
T est la composante du magnétisme, K une constante, l la
distance des pôles de l'aiguille et a la déviation qu'elle
éprouve sous l'influence du courant. Cette formule est
compliquée et on a clierchc à la simplifier en modifiant les
conditions de l'expérience: de là les boussoles des sinus et
des tangentes. — Boussole des sinus. L'aiguille aimantée
déviée par le courant est en équilibre sous l'action de la
terre et du fil électrique enroulé sur un cadre qui entoure
l'aiguille. L'intensité de chacune des actions varie avec
l'angle de l'aiguille et du méridien magnétique, pour la
force terrestre, et avec l'angle de l'aiguille et du plan du
cadre, pour l'action de celui-ci. Or si à mesure que l'aiguille
est déviée on suit celle-ci avec le cadre, le plan du cadre
et de l'aiguille est toujours le même, de sorte que Faction
de ce cadre est constante dans toutes les expériences. La
composante terrestre a pour valeur K sin a, a étant l'angle
du méridien magnétique avec l'aiguille et K une constante.
L'intensité sera alors proportionnelle au sinus de la déviation:
delà le nom de boussole des sinus. Les sensibilités absolue
et relative de cet appareil augmentent avec a et sont
maximum pour a rr: 90^, — Boussole des tangentes. Dans
l'expression dcl donnée plus haut, si l'on fait en sorte que
d soit très grand relativement à ^, le terme IHïw^ct, sera
négligeable devant d^ et l'intensité I sera proportionnelle
très sensiblement à la tangente de la déviation ; de là le
nom de boussole des tangentes aux appareils qui réalisent
ces conditions. On a trouvé qu'il fallait que -, fût supérieur
à 30 ou 40 pour avoir des résultats satisfaisants; mais
ces appareils ne sont pas assez sensibles. On trouve que la
sensilDilité absolue est maxima pour les très faibles dévia-
tions et la sensibilité relative pour la déviation de 45''.—
Boussole de Weber. Elle est fondée sur le même principe,
- ÔB-
COURANT
maïs les déviations observées sont mesurées à l'aide d'un
rayon lumineux tombant sur un miroir invariablement lié au
système aimanté (c'est un disque d'aeier dans cette bous-
sole, au lieu d'une aiguille). La déviation du rayon lumi-
neux, double de celle du miroir, permet d'apprécier avec
exactitude de très faibles déviations. On a modifié la mé-
thode de la boussole des tangentes en remarquant que l'on
peut placer l'aiguille aimantée autre part que dans le plan
du circuit électrique qui constitue le cadre. Bravais a
montré théoriquement que si le plan d'une circonférence
de diamètre D est situé à une distance 2D du milieu d'un
petit barreau aimanté, les tangentes trigonométriques des
déviations de celui-ci sont proportionnelles aux intensités
du courant électrique. La boussole Gaugain (V. Galva-
nomètre) est fondée sur ce principe. — Galvmiomètres.
Ce sont des appareils à graduation empirique dos que la
déviation dépasse une certaine valeur. Pour la description
et la graduation de ces appareils, V. Galvanomètre.
Quelque soit le procédé adopté, que l'on mesure l'intensité
par une déviation ou par un phénomène chimique, on
n'obtient que des nombres relatifs et il faut choisir une
unité pour évaluer ces intensités indépendamment des
instruments employés. L'unité pratique adoptée Vampère
vaut 10 — * unités C.G.S. C'est l'intensité d'un courant
produit par une force électromotrice d'un volt parcourant
un circuit de résistance égale à un ohm (V. Unité élec-
ïriûue). a. Joannis.
IL Géographie. — Courants marins. — Généra-
lités. — Mouvement de translation des eaux de la mer, dans
une direction déterminée. Plusieurs causes contribuent à
former les courants de la mer : l*' un inégal échauffement
des eaux ; 2*^ les marées ; 3^ les vents généraux. Il y a lieu
de distinguer les courants généraux et les courants locaux ;
et, dans ces deux catégories, les courants de surface et les
courants sous-marins. Les premiers commencent à être bien
connus aujourd'hui ; mais l'étude des courants sous-marins
laisse encore beaucoup à désirer ; il reste de ce côté de
nombreuses lacunes à combler. Pourtant, si Ton regarde
en arrière, on est frappé des progrès accomplis depuis
trente ans dans l'étude de la physique du globe. Tout
porte à croire que les points obscurs que nous signalons
ne tarderont pas à disparaître.
Trois éléments principaux caractérisent un courant : sa
vitesse, sa direction et sa température. 1** Vitesse: les cou-
rants de la mer sont beaucoup moins rapides que ceux de
l'atmosphère. On pourra le constater par les données numé-
riques que nous donnons plus loin au sujet du Gulf-Stream,
l'un des mieux connus et des plus réguliers. 2° Direction,
que certaines causes telles que la rencontre d'une terre ou
d'un banc peuvent modifier. Nous en verrons également des
exemples. 3^ î^m/;^ra^ur<?; la température, du moins près
de la surface, s'obtient à l'aide d'un simple thermomètre
plongeur. On détermine expérimentalement les deux autres
valeurs, force et direction, à l'aide de flotteurs que l'on
abandonne sur des points déterminés et que l'on recueille
lorsqu'ils viennent s'échouer sur une côte. On obtient ainsi,
après un grand nombre d'observations, des notions sur
leur trajectoire et aussi sur leur vitesse, en tenant compte
du temps écoulé. Ce moyen a été souvent employé sur les
côtes. C'est en agissant ainsi que le prince de Monaco a pu
éclairer d'une vive lumière la marche du Gulf-Stream.
Nous résumerons un peu plus loin ces intéressants travaux.
Un courant, quelle que soit sa cause, a pour effet d'en-
traîner tous les corps qui flottent à sa surface. Ainsi,
quand un navire traverse un courant, il ne suit générale-
ment pas la route que marque le compas (à moins que ce
courant marche dans le sens de la route ou qu'il lui soit
directement opposé). L'effet de ce courant se manifeste par
une différence entre le point estimé et le point observé.
On cite tel navire à voiles qui, forcé, par un temps couvert,
de naviguer pendant plusieurs jours à l'estime, se trompa
de plus de 60 milles en atterrissant sur le port de Brest.
Les navigateurs ont donc grand intérêt à bien connaître la
force et la direction des courants du globe. Ils sont éga-
lement plus à même que quiconque d'étudier leur cours ;
donc, si l'on voulait avoir des données certaines à ce sujet,
il convenait de s'adresser à eux. Une assemblée tenue à
Bruxelles en 4853 décida que l'on engagerait les bâti-
ments à tenir un journal, avec prière d'y consigner toutes
les données relatives aux vents et aux courants.. Quelques
années plus tard, Maury, directeur de l'observatoire de
Washington, put dresser à l'aide des éléments recueillis
de cette manière les cartes des vents et des courants que
les navigateurs consultèrent avec fruit, et que l'on n'a
cessé depuis lors de compléter par de continuelles obser-
vations.
^ Les mers du globe se partagent en trois océans : l'Atlan-
tique, le Pacifique et l'océan Indien. Chacun d'eux a ses
courants généraux et particuliers. Nous ne prétendons point
que chacune de ces grandes divisions soit un bassin fermé
et que les trois systèmes de courants généraux coulent isolé-
ment ; au contraire, plusieurs d'entre eux se rattachent
ensemble, le long des continents. Remarquons d'abord que
chaque océan est traversé, aux environs de l'équateur, et
parallèlement à cette ligne, par un courant dit équatorial,
qui, après un parcours plus ou moins long, rejoint et ali-
mente les courants généraux particuliers à l'océan que Ton
considère.
Océan Atlantique. — Dans l'hémisphère nord, le Gulf-
Stream est le plus remarquable et le mieux connu des cou-
rants généraux. On ne l'a guère étudié que depuis un siècle.
En 1770, l'illustre Franklin apprit d'un capitaine de balei-
nier, nommé Folger, l'existence de ce remarquable fleuve de
la mer, Folger lui indiqua, sur une carte, son trajet depuis
sa sortie du golfe du Mexique : c'étaient des limites que les
baleiniers ne franchissaient point. Son nom {Gulf-Stream^
courant du golfe) remonterait, d'après Croll, à 4748, époque
où le Suédois Kalm édita ses Voyages» Cet auteur signale
les arbres et les plantes du golfe du Mexique que le courant
entraîne aux îles Fœroé et qu'il jette sur les côtes d'Islande.
Ajoutons qu'Alaminos, pilote de la caravelle qui, en 4o49,
porta en Espagne les dépêches de Fernand Cortez, paraît
avoir le premier utilisé la force de ce courant. La baleine
franche qui évite les eaux chaudes, se tenait . toujours au
large du Gulf-Stream : c'était là un fait bien connu des
anciens baleiniers. Ce furent ceux-ci, d'ailleurs, qui don-
nèrent à Frankhn, devenu directeur général des postes,. les
renseignements qui permirent de dresser une carte de ce
courant remarquable. Franklin cherchait à l'utiliser ; mais
les autorités anglaises ne voulurent tenir aucun compte de
ses observations.
• Le Gulf-Stream sort du golfe du Mexique et se dirige
d'abord au N.-E. Arrivé dans les parages de Terre-Neuve,
il se divise en deux branches, l'une dirigée sur Madère ;
l'autre traverse tout l'Atlantique ; ses eaux s'avancent dans
l'océan Glacial jusqu'à 88^ de latitude et réchauffent, en
passant, les côtes de la Norvège et du Spitzberg. L'arrivée
de ce courant à l'extrémité septentrionale de la Nouvelle-
Zemble a même été constatée par la présence de bois flotté
et de bambous, provenant, à n'en pas douter, des pays
inter tropicaux. La config-uration de la côte américaine paraît
n'influencer en rien la direction du Gulf-Stream. On l'ex-
plique, au contraire, parla rotation de la terre, cette der-
nière cause, dérivant vers l'E. les courants qui portent au
N. Ainsi, à partir du banc de Terre-Neuve, la seconde
branche court vers l'E. Cette barrière d'eau tiède arrête
et fond les icebergs; ces glaces flottantes déposent ainsi
sui; le banc, les pierres, la terre, les graviers qu'ils trans-
portent du Grœnland et des régions arctiques. Le Gulf-
Stream transporte^ aussi sur ce point les innombrables dé-
pouilles des organismes microscopiques dont ses eaux sont
chargées. Telle est, du moins, la théorie généralement admise
aujourd'hui en ce qui concerne la formation du grand banc.
D'autres pensent que ce plateau sous-marin est dû à l'éro-
sion du fond par le Gulf-Stream, et ils font remarquer à
ce propos que la face méridionale du grand banc de Terre-
COURANT
- 96 —
Neuve est accore, c.-à-d. que de 100 m. elle descend subi-
tement à 5,600 m., tandis qu'au N. le fond diminue graduel-
lement.
Maury compare le Gulf-Stream à une majestueuse
rivière, dont le courant dépasse en rapidité celui de l'Ama-
zone et du Mississipi. Voici comment il le décrit en
quelques mots : « Il est un fleuve au sein de l'Océan. Ja-
mais il ne tarit, même dans les plus grandes sécheresses ;
jamais il ne déborde, même dans les plus grandes crues.
Ses rives et son lit sont des couches d'eau froide, entre
lesquelles coulent à flots pressés des eaux tièdes et bleues.
C'est le Gulf-Stream ! Nulle part dans le monde, il n'existe
un courant aussi majestueux. Il est plus rapide que l'Ama-
zone, plus impétueux que le Mississipi, et la masse de ces
deux fleuves ne représente pas la millième partie du vo-
lume d'eau qu'il déplace. » Quoi qu'il en soit, il est certain
que les eaux de ce grand courant diffèrent des autres par la
transparence, la couleur, la densité, la température et le
degré de salure. En ce qui concerne la couleur (surtout
dans les environs du parallèle du cap Hatteras) le change-
ment s'aperçoit à l'œil nu ; l'on ne saurait établir aucune
similitude entre la teinte verdâtre habituelle à l'Atlantique
et les flots indigo du Gulf-Stream. Ce courant est comme
un fleuve qui traverserait l'Océan, comme un fleuve dont
la largeur est comparable à celle de l'embouchure du rio de
la Plata. D'après M. James Croll, le volume de ses eaux
équivaudrait à celui d'un canal de 80 kil. de large sur
300 m. de profondeur, dans lequel l'eau aurait une vitesse
de 6 kilom. par heure.
Les Hmites du Gulf-Stream se déplacent comme celles des
vents alizés en suivant les mouvements du soleil. Ce grand
courant éprouve donc des oscillations annuelles. Sur le
méridien du cap Race (S. de Terre-Neuve), sa limite sep-
tentrionale ne dépasse guère 40" en hiver ; en septembre,
alors que la température de la mer est maxima, il monte à
46^. Nous avons vu que l'influence bienfaisante du Gulf-
Stream s'étendait aux climats les plus lointains et se faisait
sentir jusqu'au Spitzberg. En effet, sans l'eau chaude qui
sort du golfe du Mexique et que le Gulf-Stream transporte
jusqu'à l'océan Glacial, les côtes d'Angleterre et d'Irlande
seraient prises dans les glaces comme celles du Labrador,
la Norvège disparaîtrait comme le Grœnland sous d'im-
menses glaciers. Les vents d'O. et de S.-O. qui pas-
sent sur ce courant lui enlèvent une partie de sa chaleur et
les vapeurs, apportées par ces vents, se condensent en
arrivant dans les hautes latitudes. C'est à cela que la verte
Erin doit son climat humide et pluvieux, sa végétation et
son surnom à'Emeraude de l'Océan,
Cet énorme fleuve d'eau chaude exerce une influence
considérable sur les phénomènes atmosphériques de F Atlan-
tique nord. Les Anglais le nomment le Père des tempêtes.
C'est en effet à lui que l'on doit les coups de vent fréquents
et terribles qui désolent ces parages, surtout pendant l'hiver
et lorsque le vent et le courant marchent en sens opposé.
On remarque que les coups de vent les plus violents sui-
vent à peu près son parcours.
Au sortir du golfe du Mexique, le Gulf-Stream atteint
en certains points son maximum de température, 29<*,4 cen-
tigrades. Cette température éprouve quelques variations,
suivant les saisons. Ainsi les observations faites sur le
détroit de la Floride, ont donné les chiffres suivants : en
hiver, 25«; au printemps, 25o,5; en été, 28*^,3 ; à l'au-
tomne, 27^,8. Ces chiffres, calculés d'après un grand
nombre d'observations, expriment des températures moyen-
nes. Les eaux les plus chaudes sont naturellement à la
surface, ou tout près de la surface. Dans un même lieu,
une observation a donné 3°, 3 pour les couches profondes et
26^,7 à la surface. Il est à peine besoin d'ajouter que l'axe
du courant est à la fois le lieu des plus grandes vitesses
et celui des plus hautes températures. Tous les points de la
surface ne sont pas à la même température. En traversant
le Gulf-Stream, le thermomètre accuse des bandes alterna-
tivement chaudes et froides. En tout cas, les hautes tempé-
ratures des couches les plus chaudes se maintiennent très
longtemps: ainsi, un changement de 40*^ en latitude, soit
un parcours de 10,800 kil., ne produit qu'un abaissement
de température de i*'. Toutefois, entre la partie centrale
de ce grand courant et le littoral des Etats-Unis, il s'opère
un brusque changement de température ; on a observé quel-
quefois une différence de 47^ entre deux points éloignés de
quelques centaines de mètres. Les Américains donnent au
plan de démarcation le nom de Cold Wall (muraille
froide). Ces masses d'eau chaude arrivant à la latitude de
Terre-Neuve, produisent les épais bancs de brume qui
couvrent si souvent ces parages.
La vitesse du Gulf-Stream, très variable, atteint son
maximum vers le solstice d'été et au commencement de
l'automne. Dans le canal de la Floride, à l'endroit le plus
resserré, cette vitesse atteint parfois 5 milles par heure. Dès
le commencement du xix® siècle, on aborda l'étude de ce
courant, à l'aide de séries de flotteurs. Mais, on ne pra-
tiqua cette méthode que d'une manière intermittente et
jamais avec la précision nécessaire à une opération scien-
tifique. Le prince de Monaco combla cette lacune pendant
les années 4883, 4886 et 4887. De son yacht l'Hiron-
delle^ il a jeté à la mer à titre d'expérience préhminaire
tout un matériel flottant composé de sphères de cuivre, de
barils et de bouteilles ordinaires. L'élégant pavillon de la
principauté de Monaco montrait de nombreux exemples de
ces engins à l'Exposition universelle de 4889. Chacun de
ces flotteurs contenait un tube de verre scellé à la lampe
et renfermant l'avis suivant traduit en dix langues : « Dans
le but d'étudier les courants de la côte française, ce
papier a été jeté à la mer par les soins de S. A. le prince
héréditaire de Monaco, à bord de son yacht r Hirondelle
eten sa présence. Toute personne qui trouvera ce papier
est priée de le faire parvenir aux autorités de son pays,
pour être transmis au gouvernement français, en indiquant,
avec le plus de détails possible le lieu, la date et les cir-
constances ou ce papier aura été retrouvé. » Afin de donner
au vent le minimum de prise, on faisait plonger presque
entièrement les flotteurs à l'aide d'un lest convenable.
Les premiers flotteurs, numérotés, furent lancés en 4885,
suivant une ligne située au N.-O. des Açores; deux mois
après, on en recueillit plusieurs au S.-E. du groupe; par
suite, ces flotteurs avaient contourné et traversé l'ar-
chipel. On en retrouva d'autres à Madère, aux Canaries,
et même aux Antilles. La marche circulaire des eaux se
dessinait : on pouvait déjà prévoir que ce mouvement avait
lieu autour d'un point situé dans le S.-O. des Açores.
L'année suivante (4886), V Hirondelle lança à la mer
540 bouteilles numérotées, sur le 20^ méridien 0. de
Paris, entre les parallèles du cap Finisterre et du S. de
l'x^ngleterre, sur une longueur de 444^milles. Les flotteurs
recueillis jusqu'ici indiquent une marche suivant les paral-
lèles, avec une légère inclinaison vers le S. Le prince de
Monaco concluait de cette expérience que le courant de
Rennel n'existait point et que le courant des fleuves se
faisait sentir assez loin en mer pour refouler le courant
océanique (on n'a trouvé aucun flotteur entre la Gironde et
l'île de Groix). Enfin, en 4887, V Hirondelle hn^a encore
4,000 flotteurs entre les Açores et Terre-Neuve, sur une
longueur de 638 milles. A la date du 25 août 4889, on
avait retrouvé 404 des flotteurs de cette troisième série.
En considérant les parages oii on les a recueillis, la tra-
versée qu'ils ont effectuée confirme les indications des
années précédentes. Voici les conclusions générales que
S. A. le prince de Monaco tire de ces expériences et qu'il a
condensées en grande partie dans une note présentée à
l'Académie des sciences, le 3 juin 4889 :
Ces expériences démontrent l'existence du mouvement
circulaire des eaux superficielles de l'océan Atlantique nord
autour d'un point situé au S.-O. de l'archipel des xAçores.
Le bord externe de cette nappe passe au S. du banc
de Terre-Neuve, se dirige à peu près vers la Manche,
devant laquelle il passe en s'infléchissant vers le S., après
97 —
COURANT
avoir dirigé une de ses branches vers le N.-E. Puis, il
longe l'Europe et l'Afrique jusqu'à la hauteur des Canaries,
se dirige vers le S.-O. et rejoint le courant équatorial. Voilà
pour le bord externe. Le bord interne paraît exécuter une
révolution d'un très court rayon autour du centre, ainsi que
l'indiquent deux flotteurs recueillis en 4887, en pleine
mer, à 160 milles au S. des Açores occidentales. Enfin,
un grand radeau composé de milliers de pièces de bois et
abandonné en mer au mois de déc. 4887, a donné éga-
lement quelques indications de vitesse et de direction.
A la fin d'une étude intitulée Expériences de flottage
sur les courants superficiels de l'Atlantique Nord, le
prince de Monaco exprime un desideratum appelé à rendre
les plus grands services aux marins du vieux monde. Il
s'agit de l'établissement d'un observatoire météorologique
relié par un câble à l'Europe, sur les Açores, ce poste
avancé si rapproché du centre dont nous venons de parler.
M. le lieutenant de vaisseau G. Simart a dressé les cartes
des courants pour l'océan Atlantique Nord, en employant des
documents tirés des journaux de bord de la marine de
l'Etat et de la Compagnie transatlantique, plus un certain
nombre d'observations provenant d'autres navires de la
marine du commerce. L'auteur divise la surface de la mer
en rectangles de 2 degrés de côté. Il inscrit dans chacun des
rectangles le nombre des observations faites dans ce rec-
tangle ; une flèche de longueur constante donne en degrés la
direction de la résultante ; le nombre inscrit à côté de cette
résultante indique, en milles marins, l'intensité probable du
courant par vingt-quatre heures. Lorsque la résultante est
nulle, le nombre des observations est seul porté à l'intérieur
du rectangle. Deux cartes donnent la direction des courants
de l'Atlantique Nord. L'une comprend les mois d'octobre,
novembre, décembre, janvier, février, mars ; la seconde
les six autres mois. Il est désirable que M. Simart réunisse
de nouvelles observations qui lui permettent de dresser
aussi les cartes des autres océans.
Courant équatorial. Le courant équatorial de l'Atlan-
tique prend sa source au fond du golfe de Guinée.
Il s'épanouit en s'avançant vers l'O. ; on évalue sa largeur
à 300 milles, par le travers du cap des Palmes. Au large
du cap San Roque, il se divise en deux branches : l'une
suit la côte N. de l'Amérique du Sud sous le nom de
courant de la Guyane, pénètre dans la mer des Antilles
et va alimenter le Gulf-Stream, après avoir contourné
le Yucatan. L'autre branche suit la côte E. du Brésil jus-
qu'au rio de la Plata. On observe sur les côtes des courants
de moindre importance. Par exemple le courant des Ama-
zones qui porte d'abord à l'E.-N.-E., puis s'infléchit vers
le N. et le N.-O., en se mêlant au courant équatorial, dont
il augmente la vitesse. Ici, l'eau devient boueuse ; elle tient
en suspension beaucoup de vase, et cette couleur jaunâtre
s'étend à une distance considérable dans l'O. et le N. Dans
la partie centrale de l'Atlantique Nord, on observe un cou-
rant vers rO., dô peut-être à l'influence des alizés de
N.-E., qui soufflent à l'E. de la zone en question. A l'O. et
au N., ce courant est limité par le Gulf-Stream, et à l'E.,
il est borné et en même temps alimenté par le courant
qui , en longeant les côtes d'Europe et d'Afrique , va
rejoindre le courant équatorial. Un courant polaire descend
le long du Labrador, se divise en deux branches qui
embrassent File de Terre-Neuve, se rejoignent au S. de cette
île et longent la côte des Etats-Unis. C'est ce courant qui
forme le Cold Wall dont nous avons parié et qui charrie
les icebergs si redoutés des navigateurs. A l'E. du Gulf-
Stream et dans les remous ùq ce grand courant, entre
les Açores, les Canaries et les îles du Cap- Vert, se
trouve la mer des Sargasses ou mer de Varech que les
compagnons de Colomb efîi'ayés appelaient les limites de
la mer. L'Océan y est couvert d'une végétation abon-
dante et notamment d'une espèce de fucus que l'on appelle
communément raisins des tropiques, les mêmes qui
arrêtaient la marche des petits navires de Colomb, en
s'accumulant sur leurs étraves. On croyait jadis que ces
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII,
régions étaient parsemées d'écueils sur lesquels croissaient
les fucus, que les mouvements de la mer arrachaient. Une
telle opinion n'a plus cours aujourd'hui. Les sondages de
M. Lee, commandant du Dolphin, ont accusé dans ces
parages plus de 2,000 m. de profondeur, et, de plus,
on a démontré que ces plantes se propagent à la surface des
eaux. Il reste à résoudre définitivement si ces goémons
proviennent du golfe du Mexique ou s'ils se développent là
naturellement, favorisés par le calme relatif dont jouit la
zone en question. La même espèce de varech croît aux
Antilles, aux îles du Cap-Vert et sur les îlots isolés du golfe
du Mexique. D'après M. Leps, la mer des Sargasses s'éten-
drait entre les parallèles 17^ et 38^ et les méridiens 50^ et
81^ 0. Les eaux opèrent lentement dans cet espace un
mouvement circulaire et tous les objets en dérive doivent
s'amasser entre ces limites. Il y a aussi dans les autres
océans des mers de sargasse dont nous parlerons.
Courants de la Méditerranée, Le courant qui pénètre
de l'Océan dans la Méditerranée se divise dans cette der-
nière en deux circuits fermés, l'un à l'E., l'autre à l'O.,
ces deux circuits ayant un point commun près de Malte.
On admet généralement que le courant de l'Océan à la
Méditerranée doit être attribué à l'abaissement continuel
de niveau que produit l'évaporation active dont cette mer
intérieure est le siège.
Océan Pacifique. — Au lieu d'un seul courant équa-
torial, il semble que l'océan Pacifique ait deux courants
équatoriaux courant de l'E. à l'O. comme dans les autres
mers, l'un auN., l'autre au S. de l'équateur. Le courant
équatorial N. s'avance jusqu'au 20® et même au 25® paral-
lèle; il alimente le Gulf-Stream du Pacifique dont nous
allons parler. Le courant équatorial S. se divise en deux
branches comprenant l'AustraHe entre elles. Entre ces deux
courants équatoriaux, il existe un contre-courant marchant
en sens contraire, de l'O. à l'E. Le courant analogue au
Gulf-Stream part du N. du grand archipel d'Asie et se
dirige vers les îles Aléoutiennes, en frôlant le littoral du
Japon dont il adoucit la température. Les Japonais le nom-
ment Kouro-Sivo (courant noir), à cause de la couleur
foncée de ses eaux. Par le travers du Japon, ce grand cou-
rant se divise en deux branches: 4^ la première remonte
au N., le long du Kamtschatka et pénètre dans le détroit
de Dehring, non sans avoir déposé sur les îles Aléoutiennes
du bois flotté qui vient de la Chine et du Japon, et que les
insulaires emploient à leurs usages domestiques ; 2*^ l'autre
rejoint la côte N.-O. d'Amérique, diminue de vitesse et se
perd dans une direction parallèle à cette côte. Comme
preuve de l'existence de ce grand mouvement des eaux, on
cite une jonque japonaise qui, abandonnée sur les côtes du
Japon, fut retrouvée dix mois plus tard aux îles Sandwich.
Les limites de ce courant sont très influencées par les
moussons et les vents locaux. Pendant la mousson de N.-E.,
le Kouro-Sivo, à son origine dans l'océan Pacifique, a 400
ou 500 milles de large. Il se rétrécit à l'époque de la
mousson de S.-O. et n'a plus que 450 milles de large
à son origine. Les troubles qui affectent ce courant pen-
dant l'été proviennent des typhons ; ils précèdent souvent les
tempêtes tournantes et constituent un des meilleurs pro-
nostics de ces dangereux météores, par lesquels les naviga-
teurs ont le plus grand intérêt à ne pas se laisser sur-
prendre. La vitesse du Kouro-Sivo augmente à mesure que
l'on monte vers le N. Voici, d'après le Chi7ia Sea Direc-
tory, sa vitesse journalière en diverses saisons et sur diffé-
rents points :
mai à sept. oct. à avril.
Chenal des Bachi 18 à 48 milles 48 à 42 milles
Côte Est de Formose. 24 à 42 — 24 à 36 —
Nord-Est de Formose. 24 à 48 — 48 —
Côte du Japon 48 à 72 — 24 à 48 —
De mai à sept., la température moyenne de ce courant
est de 27^,8 et sa température maxima de 30*^, soit 7^ de
plus que celle de l'Océan. Souvent, on a trouvé au milieu
de ce courant des bandes étroites d'eau froide avec des
7
COURANT - 98
différences de 3^ à ¥. En ce qui concerne l'océan Pacifique
Sud, les eaux des régions polaires se dirigent vers Féquateur
avec une vitesse proportionnelle aux différences de tempé-
rature et de densité ; mais le mouvement de rotation de
la terre les dévie vers l'E. Enfin, la pointe méridionale de
l'Amérique divise en deux ce courant froid : la première,
sons le nom de courant de Humboldt, remonte le long
de la côte et rafraîchit singulièrement les côtes du Chili et
du Pérou. Arrivée au S. de l'équateur, cette branche s'in-
fléchit à rO., puis à rO.-S.-O. Sa vitesse moyenne est de
J 5 milles par jour. L'autre partie du courant polaire con-
tourne le cap Horn et va se perdre sur la côte orientale
d'Amérique.
Océan Indien. — Le courant équatorial court au S. de
l'équateur dans la direction de l'O. et s'étend parfois jus-
qu'à 25° S. Il est produit à la surface de la mer par les
vents alizés de S,-E., mais subit une déviation par le fait
du mouvement de la terre. Sa vitesse, variable avec celle
des vents, oscille entre 20 et 25 milles par vingt-quatre heures.
A la hauteur des îles Mascareignes, le courant équatorial se
Sivise en trois branches : la première, dirigée au S.-O., passe
au S. de Madagascar et rejoint le courant au cap des Ai-
guilles, avec une vitesse de 50milles par vingt-quatre heures.
La seconde branche, continuant son chemin à l'O., rejoint la
côte de Madagascar vers l'île de Sainte-Marie. La troisième
branche s'infléchit au N.-O., contourne le cap d'Ambre
avec une vitesse de 30 à 60 milles, continue vers les
Comores et se divise en deux bras à sa rencontre avec la
côte d'Afrique : l'une, dirigée au S., constitue le courant de
Mozambique; l'autre, dirigée au N., se dirige vers le cap
Gardafui pendant les moussons de S.-O. et constitue,
pendant les moussons de N.-E., un contre-courant dirieé
à l'E.
Le courant équatorial de cet océan coule de l'E. à l'O.,
entre les paraUèles de 10<» et 20« S. L'île de Madagascar
le divise en deux branches qui rejoignent Je courant de
Mozambique de part et d'autre de celte fle. Dans la partie
septentrionale de l'océan Indien, les courants sont variables
et changent avec les moussons (V. ce mot). Une masse
d'eaux chaudes sort par le détroit de Malacca et va ahnien-
ter le Gulf-Stream du Pacifique. Enfin, le courant tra-
versier de l'océan Indien, arrivé près de l'Australie, se
divise en deux branches, chacune d'efles embrassant une
des côtes de ce continent. Sa vitesse est très variable. Les
principaux courants de la mer de Chine sont ceux des mous-
sons de N.-E. et de S.-O. (en dehors du Kouro-Sivo dont
nous avons déjà parlé). Les deux premiers alternent très
régulièrement. Pendant la mousson de N.-E., le courant
porte au S.-O. avec une vitesse qui dépend de la force du
vent. Cette direction est parfois un peu modifiée par la
configuration de la côte et sa direction générale. Pendant
la mousson de S.-O., les courants sont très variables, mais
portent à peu près dans la direction du vent. Aussi, pen-
dant la saison où souffle cette brise, les navigateurs doivent-
ils prendre de grandes précautions, à cause des brumes
qui accompagnent généralement cette mousson.
Courant de Mozambique. Ce courant longe la côte
d'Afrique à la distance de 60 à 80 mifles, avec une vitesse
de 36 à 72 cl même \ 00 milles par jour dans les parties
les plus étroites. Arrivé dans les parages du cap de lîonne-
Espérance, il prend le nom de courant des Aiguilles. La
direction du vent exerce une grande influence sur la force
et la direction de ce courant. Le long de la côte de Mada-
gascar, il suit généralement la direction du N. au N.-O.
On peut dire d'une manière générale que les courants du
canal de Mozambique sont irrcguliers, excepté dans leur
partie la plus rapprochée de la côte africaine. L'observation
de la température de l'eau donne parfois de précieuses indi-
cations sur ces courants : dès qu'elle descend au-dessous de
20*^, le courant cosse de porter au S.-O. Au S, de Mada-
gascar, le courant de Mozambique se réunit à la branche
méridionale du courant équatorial et constitue le courant
des Aiguilles.
Courant des Aiguilles. Ce courant chaud, formé comme
nous venons de l'indiquer, se dirige vers le S.-O. et passe
à une distance de la côte variable entre 3 à 120 mifles ;
vers le méridien du cap de Bonne-Espérance, il se divise
en deux branches, l'une continuant vers le S. et l'autre
dirigée vers l'E., jusqu'au parallèle de 43*^ S. La vitesse,
le volume et la température de ce courant varient suivant
les saisons. Il atteint son volume maximum en été (janv.
à mars) et s'étend alors jusquà 8° E.
Sa température vaiie également dans de notables limites :
Devant Natal 24^7 24%4 23%9 21%4
Baie Delagoa 20«,5 23%3 22%8 46«,1
Au S.-E. du banc des Aiguilles. 48%3 24^7 20^,5 48°,3
Méridien du cap des Aiguilles. 47<*,2 20^,0 4 9°, 4 46^,4
Le retour vers l'E. de la masse principale du courant
des Aiguilles doit être attribué à l'influence du courant
froid qui vient du S.-O. Le mélange des eaux froides et
chaudes des deux courants soulève une très grosse mer.
^ Courants dans les îles Laquedives et Maldives. Il est
difficile de donner une description générale des courants
qui sillonnent les chenaux innombrables de ces archipels.
Pourtant, on peut dire qu'ils portent à l'E. pendant la
mousson de S.-O . , à l'O. quand souffle la mousson de N.-E.
Dans le golfe du Bengale, les courants dépendent entière-
ment des moussons. Sur la côte de Sumatra, le courant
porte généralement au S.-E., à la vitesse de 42 à48 milles
par jour.
Courants sous-marins.— Les températures du fond de
la mer différent notablement de celles de la surface. Ainsi,
la température du fond des mers tropicales est relativement
basse, tandis que celle des mers polaires est assez élevée;
on en a conclu à un échange entre les eaux profondes de
ces mers. Ce mouvement est dû à la fois aux inégalités de
salure et de température. Les banquises, ces montagnes de
glace qui font l'effroi des navigateurs et, dans une certaine
saison, la préoccupation principale des paquebots transat-
lantiques, remontent quelquefois du S. au N. le détroit
de Davis, refoulant avec force les courants de surface.
Leur sommet ne s'élève qu'à une centaine de mètres, mais
la base, sept fois plus enfoncée dans l'eau, subit l'impul-
sion des courants sous-marins qui dominent dans les
régions inférieurs. On connaît depuis trois siècles l'exis-
tence, dans le Sund, d'un contre-courant sous-marin. jDès
4683, le docteur Smith s'appuyant sur cette certitude
avançait que par analogie un contre- courant sous-marin
devait exister au détroit de Gibraltar, ayant une direction
opposée à celle du courant de surface.
Quelques années plus tard, le docteur Hudson citait un
fait qui corroborait cette opinion. Un brick hollandais
coulé au milieu du détroit de Gibraltar (aux environs de
Tarifa), flotta entre deux eaux, dériva vers l'O. et s'échoua
sur la côte d'Afrique à 42 milles du point de départ. Ce
navire avait donc été entraîné par le contre-courant infé-
rieur dans une direction opposée au mouvement des cou-
rants de surface.
Comme une conséquence de Févaporation, le sel préci-
pité sans discontinuer, depuis l'origine des siècles, devrait
former au fond des mers des dépôts dont on n'a nulle part
part reconnu l'existence. Ce sont les contre-courants qui
entraînent les parties denses; ce sont eux qui conservent
aux eaux de la Méditerranée par exemple le même degré
de salure.
On peut donc admettre l'existence d'un courant sous-
marin toutes les fois qu'un courant de surface se manifeste
d'une manière permanente en un point quelconque des
océans. Considérés sous ce rapport, les courants sous-
marins, fraction de la circulation générale, maintiennent
l'équilibre des mers. On peut conclure de là qu'il existe
probablement au fond des mers des systèmes de circuits
fermés analogues à ceux des eaux superficielles. Mais, par
ce fait que les courants sous-marins n'intéressent pas di-
rectement la navigation, ils sont certainement moins connus
que les autres.
— 99 --
COURANT - COURANTE
M. Aimé a imaginé un appareil composé d'une girouette
et d'une boussole, disposées comme il suit: une boîte cylin-
drique en cuivre porte en son centre un cylindre de petit
diamètre dans l'axe duquel se meut une tige terminée
d'un côté par un disque et de l'autre par un anneau armé
de trente-deux dents. D'autre part, le fond de la boîte porte
une pointe sur laquelle oscille une aiguille aimantée, de
telle sorte que la tige en s'abaissant met en prise les dents
de l'anneau avec l'aiguille aimantée. Au-dessous de la
boîte est suspendu un poids et une girouette. Enfin, le
disque est percé d'un trou par lequel passe une corde
attachée au tube. La boîte étant préalablement remplie
d'eau et l'anneau élevé contre le couvercle de la boîte, on
descend l'appareil à la mer : puis on laisse tomber un
anneau de plomb qui abaisse la tige et par suite l'anneau.
L'aiguille de la boussole est alors prise entre les dents.
On a ainsi l'angle qu'elle fait avec la girouette, c.-à-d. la
direction du courant sous-marin. L'erreur commise ne
peut dépasser 6°, puisque les dents sont à 4'1°15' l'une de
l'autre, distance que les marins désignent sous le nom de
quart. Cette approximation est d'ailleurs suffisante pour
tous les cas de la pratique. Cet appareil a servi à la re-
cherche du courant sous-marin qui reporte dans l'Océan
les eaux de la Méditerranée par le détroit de Gibraltar.
On a pourtant imaginé beaucoup d'instruments suscep-
tibles d'en faire connaître la vitesse et la direction ; mais
ces études ont été peu suivies et l'on n'a jusqu'à ce jour
aucune donnée d'ensemble sur cet intéressant sujet. Le
dispositif le plus simple consiste en un corps immergé qui
relie un fil à un flotteur. M. l'ingénieur hydrographe
de la Roche-Poncié a imaginé un appareil dans lequel l'ai-
guille aimantée indique la direction des courants sous-
marins. M. le Meutenant de vaisseau de Gueydon emploie
un instrument dérivé du loch électrique à moulinet^ de
Fig. 2. — Carte des courants généraux à la surface des mers.
M, Fleuriais ; un rectangle de cuivre, mobile autour d'un de
ses côtés, sert de girouette et s'oriente de lui-même dans
la direction du courant quand l'ensemble est immergé.
Dans ces conditions, la vitesse est mesurée par le nombre
des tours ; la girouette en tournant détermine des con-
tacts électriques et fait marcher des sonneries qui indiquent
la direction. A l'aide de cet instrument, M. de Gueydon,
opérant dans le Bosphore, a reconnu que le courant des-
cendant de la mer Noire avait une profondeur de 45 à
48 m. A partir de 20 m. la température et la densité ne
cessent d'augmenter ; c'est donc de l'eau chaude et très
salée que la Méditerranée envoie dans la mer Noire. D'où
les brumes qui envahissent cette mer pendant l'hiver,
comme à Terre-Neuve au N. du Gulf-Stream. L'existence
de ce courant sous-marin est d'ailleurs mise en lumière
par ce fait que les kaïks turcs sont entraînés, à l'encontre
du courant de surface, par leurs filets soumis vers le bas
à l'action du contre-courant.
IIÎ. Météorologie (V. Vent).
BiBL. : Physique. — Joule, Philos opJiical Magazine^ XIX.
•— Fayre, Ann. chim. phys. (8), XL, p. 293. — Peltier
môme recueil, (2), LVI, p. 371. — Frankenheim, Pogg.
Ann.^ XCI, p. 161. — Le Roux, Aîtn. chim. phys. (5), X^
p. 201.— Thomson, même recueil (8), HV, p. 105. — Des-
Tt>B.ETz, Comptes rendus de l'Acad. des se, XXXV, p. 450.
— Gaugain, Ann. chim, phys. (3), XLI, p. 66.
COURANT. Nom donné à plusieurs petits fleuves côtiers
qui emportent les eaux des étangs des Landes (Courant de
Contin, de Mimizan, de Soustons, etc.) (V. Landes).
COURANT. Com. du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. de Saint-Jean-d'Angely, cant. de Loulay ; 575 hab.
COURANT (Mauricc-Francis-Auguste), peintre français
contemporain, né au Havre en 1847. Elève de Meissonier,
cet artiste, d'un talent tout à la lois fin et puissant, s'est
fait connaître par des paysages et des marines tout à fait
remarquables. On peut citer comme les meilleures de ces
œuvres: Bords du golfe Jouan (Salon 4868); les
Grands Steppes., environs de Poissy{S. 1870, médaille);
Marée basse (SASl'^); la Roche aux Mouettes {S ASl S);
la Barque de pêche (S. 1882); Dans F avant-port; le
Vieux Bassin au crépuscule (S, 1887,méd.de 2«cl.);
le Matiîi sur la grève, à Concarneau (S. 1889).
COURANTE. I. Musique. — La courante est une danse
dont l'espèce principale, d'origine française, était rythmée
à trois-deux, avec une note d'attaque ou anacrouse au
motif initial (V. fig.) . La fréquence des noires pointées y
était presque un élément caractéristique. Dans les Suites,
COURANTE — COURBE
la courante d'origine française prenait généralement place
après une autre danse nommée allemande. Comme parti-
cularité, on peut dire que la conclusion de chaque partie de
la courante, tout en gardant la durée ordinaire de mesure,
admettait une division rythmique différente de celle qui
faisait loi dans le morceau, six-quatre, par exemple, au
lieu de trois-deux. Quelquefois même, ce rythme à six-
quatre l'emporte en fréquence sur celui à troix-deux, en
dépit de l'indication marquée sur la portée. C'est le cas des
courantes de Couperin. Celles de Bach, qui se trouvent
surtout dans les Suites anglaises, sont classiques et
peuvent donner une idée très nette de ce genre de danse.
asi^^i
La courante italienne diffère beaucoup de la courante fran-
çaise. Elle est de mouvement rapide ; les valeurs moindres
des notes y sont plus employées, et la mesure s'en écrit à
trois-huit ou trois-quatre. On en trouvera des exemples
dans les Suites françaises de Bach (n*'^ 5 et 6), dans les
sonates de violon de Corelli, dans plusieurs œuvres de
Haendel, etc. Une troisième espèce de courante est un peu
une combinaison des deux précédentes, à cela près que les
changements de rythme de la courante française n'y sont
point admis, non plus que les traits rapides de la courante
itahenne. Cette courante est divisée en deux parties, qui
doivent être toutes deux répétées. Le plus grand nombre des
courantes de Haendel appartient à cette catégorie. A. E.
IL Danse (V. Danse).
COU RAYER (Pierre-François Le), théologien catholique,
né à Rouen en 1681, mort à Londres en 1776. En 17â;i,
il publia une dissertation anonyme dans laquelle il déclarait
valable la succession apostolique de l'Eghse anglicane. Cela
fit grand bruit. Courayer leva l'anonyme dans" une lettre
m Journal des Savans (17^26), mais persista dans son
opinion. Son traité fut condamné par Tarchevêque de
Paris, et comme Courayer était génovéfain, l'abbé de
Sainte-Geneviève l'excommunia. Il se retira en Angle-
terre, mais demeura catholique. F. -H. K.
GOURBAN. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Châtillon-sur-Seine, cant. de Montigny-sur-Aube ; 402 hab.
COURBARIL. I. Botanique (V. Hymen^a).
IL Ebénisterie. — Le Bois de Courbaril des ébénistes,
qu'on appelle aussi B. de Zèbre ou de Chat, est fourni par
VAstronium fraxinifolium Schott., de la famille des
Térébinthacées. C'est un bois précieux pour la fabrication
des meubles, car il est dur, compact et se polit bien. Son
aspect accidenté de jolies veines, onduleuses et chevelues,
a engagé les décorateurs à l'imiter en peinture. On se sert
de la résine qu'on extrait du tronc de cet arbre, pour pré-
parer un vernis transparent très estimé.
CD U R B E. I . Mathématiques . — On appelle courbe une
ligne qui n'est ni droite ni composée de lignes droites. Les
courbes sont ou planes quand elles sont entièrement situées
dans un plan, ou gauches quand cela n'a pas lieu ; les
courbes gauchos sont aussi appelées courbes à double cour-
bure.
Courbes ALGÉBRJûUES, transcendantes, empiriques, repré-
sentatives d'une fonction.— Dans les cours élémentaires de
géométrie, la seule courbe que l'on étudie est la circonfé-
rence du cercle; cette courbe a dû être connue de toute anti-
quité. Platon, chef du Lycée, qui était allé s'instruire chez
les prêtres égyptiens, enseigna dans son pays la théorie des
sections coniques et la doctiine des lieux géométriques.
Ainsi plusieurs courbes ont été étudiées dans l'antiquité et
imaginées en vue de résoudre quelques problèmes dont on
ne pouvait se procurer la solution avec la règle et le com-
100 —
pas. Mais pour classer les courbes, il fallait être en posses-
sion de la doctrine des coordonnées (V. ce mot) ima-
ginée par Descartes ; l'équation d'une courbe est la rela-
tion qui existe entre les coordonnées d'un point de la
courbe, si elle est plane; si la courbe est gauche, il existe
deux relations entre ses coordonnées. Une courbe plane est
algébrique quand son équation en coordonnées rectilignes
est algébrique ; une courbe gauche est algébrique quand
ses deux équations en coordonnées rectihgnes sont algé-
briques. Toute courbe non algébrique est transcendante.
On réserve le nom de courbes empiriques à celles dont le
mode de génération n'est pas soumis à une loi analytique.
Toute courbe plane dont le mode de génération est connu
a une équation ; réciproquement toute équation telle que
f {x,y):=z{), d'où l'on peut tirer des valeurs simulta-
nées réelles pour x et y, donne naissance à une courbe, lieu
des points entre les coordonnées desquelles existe la rela-
tion f{x, ?/) rr: 0 ; on dit que la courbe en question sert
à représenter la fonction y de x. Les courbes représenta-
tives des fonctions sont fort employées par les géomètres,
les physiciens, etc., pour se représenter d'un seul coup
d'œil la marche et les propriétés principales des fonc-
tions. V. par exemple xIortalité, Appareil enregistreur,
Courant, etc. — Le degré d'une courbe algébrique
plane est le degré de son équation en coordonnées recti-
lignes, sa classe est le degré de son équation tangentielle
(Y. ce mot et Genre). Le degré d'une courbe algébrique
à double courbure est le nombre de points réels ou ima-
ginaires où cette courbe peut être coupée par un plan, le
degré d'une courbe plane algébrique est d'ailleurs égal au
nombre -de points où elle peut être coupée par une droite.
Autrefois on appelait les courbes transcendantes courbes
mécaniques. Pour courbe de niveau, d'égale teinte, du
diable, etc., V. ces mots.
II. Physique. —Courbe DE régulation. — Les boussoles
placées sur les navires n'indiquent pas exactement le nord ;
elles subissent d'abord, comme celles qui se trouvent à terre,
loin de tout morceau de fer, une déviation que l'on nomme
déclinaison (V. ce mot), mais elles subissent encore de la
part du navire une déviation qui varie avec l'orientation du
navire. On peut en effet considérer les masses de fer qui
se trouvent dans un navire comme étant les unes magné-
tiques et les autres à l'état naturel ; les premières masses
produisent sur les boussoles une déviation constante, les
autres une déviation variable avec la direction du navire,
parce que sous l'influence de la terre ces pièces s'aiman-
tent par influence. Pour connaître la direction du nord, il
faut donc savoir quel est l'angle de correction de la bous-
sole pour chacune des directions des navires (V. au mot
Boussole les méthodes employées pour déterminer les cor-
rections pour chaque direction du navire). Lorsque l'on
connaît ces corrections pour chaque position du navire, on
peut résumer les résultats obtenus dans un tableau et les
représenter par une courbe dite de régulation. Cette courbe
peut être tracée de la façon suivante: d'un point 0 pris
comme centre, on trace des droites représentant les direc-
tions du navire quand on a fait les mesures ; sur chacune
de ces directions, on porte une longueur proportionnelle à la
correction nécessaire pour cette direction, comprenant, par
exemple, autant de millimètres que la correction comporte
de degrés et, en joignant tous les points ainsi obtenus, on
aura une courbe qui permettra d'avoir la correction pour une
direction quelconque. Il suffira de mener parle point central
une droite parallèle à cette direction et de mesurer la lon-
gueur du rayon depuis le point 0 jusqu'à son point de ren-
contre avec la courbe ; cette longueur représentera, avec
l'échelle adoptée, par exemple 1 millim. par degré, la cor-
rection nécessaire. Il est indispensable de tracer souvent
des courbes de ce genre, car elles changent de forme quand
le navire se déplace, parce que d'un heu à un autre les cons-
tantes du magnétisme terrestre varient. A. Joannis.
III. Travaux publics . — Courbes de raccordement.
— Une voie de communication de quelque étendue ne peut
— 101 —
COURBE
être établie en ligne droite sur tout son parcours. Les élé-
ments successifs qui représentent les diverses directions
sont reliés par des arcs de courbe qui leur sont tangents et
qu'on appelle courbes de raccordeinent. Le plus souvent,
la courbe adoptée est le cercle ; dans ce cas, les tangentes
sont égales ; on pourrait se donner leur longueur, mais
d'ordinaire, c'est le rayon qui se fixe arbitrairement. Pour
chaque nature de voie, il y a des limites entre lesquelles il
importe de se tenir. Sur une route le rayon minimum ne
peut guère être intérieur à cinq fois la largeur de la voie.
Sur un canal, on évite d'adopter des rayons moindres que
200 m., et le plafond reçoit dans toutes les courbes un
élargissement égal à — ^— ^ (cire. min. trav. publ. 49 juil.
4880). Enfin sur les chemins de fer devant recevoir des
trains rapides, il n'est pas permis, sauf de très rares excep-
tions, de descendre au-dessous de 500 m. En général,
d'ailleurs, le choix n'est pas illimité ; le relief du sol et
diverses circonstances locales amènent à déterminer dans
chaque cas particulier le rayon qui convient le mieux.
Etant donné le rayon R du cercle, et l'angle A des deux ali-
gnements étant mesuré, l'angle au centre 0 a pour valeur
480*» — A, la tangente, R tang - et le développement de l'arc,
À
2 ;t: R ^^. D'habitude, on calcule aussi la distance du
sommet au milieu de la courbe ; elle est égale à
R
V COS ^ J
La corde et la flèche, dont on a moins souvent besoin ,
seraient données respectivement par les formules
c =: 2 R sin 5 et/^iR A — cos^V
La méthode la. plus usitée pour obtenir des points inter-
médiaires de la courbe consiste à prendre l'une des tan-
gentes pour axe des abscisses et le point de tangence pour
origine ; l'ordonnée est obtenue par la formule
y=zK — v/ R^ — x^-.
Si l'on donne pai' exemple à x les valeurs successives 40,
20, 30 m., etc., il en résulte des valeurs correspondantes
de l'ordonnée ; on obtient ainsi autant de points qu'il est
nécessaire et sans avoir besoin d'autre instrument que de la
chaîne et l'équerre. 11 existe d'ailleurs des tables de calculs
tout faits pour les rayons usuels. Parmi les plus commodes,
il faut citer celles qui donnent des points équidistants sur
la courbe, et tout particuhèrement celles où l'espacement
des points est un nombre exact de mètres, 40 par exemple.
Dans ce cas on est obligé d'apporter plus de soin au chaî-
nage, puisque les abscisses ne sont plus en nombres ronds ;
mais, par compensation, la vérification du développement
de la courbe est très simplifiée, et les erreurs dans le tracé
sont beaucoup plus sensibles à l'œil qu'avec des points iné-
galement espacés. Quand un obstacle quelconque empêche
d'opérer entièrement sur les tangentes, on en trace d'auxi-
liaires, soit au sommet, soit en d'autres points quelconques.
Si la courbe avait un grand développement, il faudrait en
tout cas avoir recours à des tangentes auxiliaires aussitôt
qu'on serait parvenu à des ordonnées atteignant 40 m.
Parmi les autres méthodes de tracé du cercle, il convient
de citer celle qui a été décrite par M. Ghédéon dans les
Annales des ponts et chaussées de 4885. On calcule la
corde correspondant à un certain arc 2 a qu'on prend pour
unité ; puis, le sommet de la courbe étant déterminé, l'opé-
rateur y place son instrument, et prend sur la tangente, en
ce point des angles a, 2 a, 3 a, etc., tandis que son aide,
au moyen d'un jalon et d'une ficelle égale à la longueur de
la corde adoptée, détermine et marque les différents points
de la courbe. Il en résulte une grande économie de temps,
l'opérateur n'étant plus obligé, comme dans la méthode or-
dinaire, de déplacer son instrument et de prendre autant
de fois la direction des abscisses qu'il y a de points à déter-
miner.
Si la position des points de tangence est fixée à
l'avance, les tangentes sont généralement inégales. On
peut alors les raccorder au moyen de deux arcs de cercle
tangents entre eux ; ce problème étant indéterminé, on
peut se donner l'un des rayons, ou bien adopter la solu-
tion qui donne le plus faible rapport entre les deux rayons.
Quelquefois aussi, dans ce cas, on a fait emploi de la pa-
rabole, dont le tracé est facile ; il suffit d'unir les milieux
des deux tangentes pour avoir une nouvelle tangente, dont
le milieu est un nouveau point de la courbe, et ainsi de
suite. Sur les chemins de fer, on raccorde habituellement
les déclivités successives au moyen d'un arc de parabole,
ou plus simplement par une succession de plans inclinés
ayant chacun 6 m. de longueur, par exemple, pour chaque
différence d'un millième. Enfin, sur les mêmes voies de
communication, le raccordement des arcs de cercle avec
les alignements droits se fait par l'intermédiaire d'une pa-
rabole du troisième degré, sur l'étendue de laquelle on
rachète le dévers (V. ce mot). L. Schmit.
IIL Chemin de fer. — Nous avons fait connaître
(V. Chemin de fer) les limites habituellement admises pour
les rayons des courbes dans les tracés de chemins de fer.
Il existe deux raisons principales qui commandât de n'em-
ployer, autant que possible, que des courbes à grand
rayon ; ces raisons résultent des dispositions adoptées pour
le matériel roulant, savoir : 4*^ la soHdarité des roues d'un
même essieu ; 2<^ le paralléhsme des essieux d'un même
véhicule. Dans le matériel en usage sur les chemins de fer,
les roues sont soHdaires de leur essieu et tournent avec
lui; cette solidarité, indispensable pour les roues mo-
trices de la machine dont la rotation n'est déterminée que
par celle de leur essieu, ne l'est pas pour les wagons; on
la réaHse cependant par raison de solidité. Or, lorsqu'un
train s'engage dans une courbe, toutes les roues situées
du côté extérieur doivent effectuer un parcours plus grand
que les roues du côté intérieur; ce résultat ne peut être
obtenu que s'il se produit un glissement des roues sur le
rail et cet effet, d'autant plus accentué que le rayon de la
courbe est plus petit, a trois conséquences également graves :
il augmente l'effort de traction ; il use rapidement les rails
et les bandages des roues, il tend à amener une torsion
et, par suite, une rupture des essieux. Q est donc néces-
saire de réduire le plus possible ce glissement en adoptant
des courbes à grand rayon. D'un autre côté, dans le matériel
ordinaire des chemins de fer, c.-à-d. celui qui n'est pas
porté sur des trucks articulés, les deux essieux d'un même
véhicule sont fixés au châssis d'une manière à peu près
invariable et parallèlement l'un à l'autre. Tant que le ma-
tériel circule dans un alignement droit, cette disposition n'a
pas d'inconvénient ; mais dès quil entre dans une courbe,
les essieux ne pouvant pas prendre la position qui leur
conviendrait et qui serait celle de deux lignes convergeant
vers le centre de la courbe, il se produit encore un frotte-
ment, et, pour que ce frottement ne soit pas trop grand,
il faut que, d'une part, la voie présente un certain jeu et
que, en outre, la courbe ne diffère pas trop d'une ligne
droite, puisque c'est à la ligne droite seule que convient la
position parallèle et invariable des essieux. Au point de
vue de l'effort *de traction, on admet que, sur les lignes à
voie normale, la résistance due aux courbes estnégUgeable
pour les rayons supérieurs à 500 m., et qu'elle atteint
2 kilogr. par tonne pour des rayons de 50,0 m. , 3 kilogr . pour
400 m., 4 kilogr. pour 300 m. Sur les lignes à voie étroite
(4 m. de largeur à l'intérieur de la voie) l'influence des
courbes se fait beaucoup moins sentir ; on peut admettre
que, sur ces lignes, des courbes de 300 m., 200 m. et
400 m. de rayon équivalent respectivement à des courbes
de 500 m., 400 m. et 300 m. de rayon en voie normale. De
là résulte une facilité plus grande d'établir économiquement
les lignes à voie étroite dans les pays accidentés. G. H.
IV. Topographie. — Courbes de niveau. — Le mode le
COURBE — COURBET
— 102
plus précis de représentation graphique du relief du sol,
sur une carte ou un plan, consiste à supposer le terrain
coupé par une série de plans horizontaux équidistants, ou
plus exactement par une série de surfaces de niveau équi-
distantes, et à tracer les intersections ainsi obtenues. Les
intersections sont les courbes de niveau; on les définit
par l'inscription de leurs distances à un plan de compa-
raison arbitraire, distance qu'on nomme cotes ; mais, d'ha-
bitude, elles sont rapportées au niveau de la mer. L'usage
des courbes de niveau remonterait seulement au commen-
cement du xvm® siècle; le Hollandais Cruquins (1729) et
le géographe français Ph. Buache (1737) les ont em-
ployées pour définir des fonds de rivière ou de mer ; puis
les professeurs de l'école des ingénieurs de Mézières,
Du Buat, Mousnier et Monge, en étendirent l'usage aux
plans de détail : la première application pratique en fut
faite (1801) par le chef de bataillon du génie Haxo (lever
de la Roca d'Anfo), et enfin le capitaine Clerc, de la même
arme (1802), vulgarisa cette définition géométrique du
terrain ; depuis lors, elle a été adoptée universellement par
tous les ingénieurs.
V. Marine. — Pièce de bois ou de fer coudée sous un
angle plus ou moins grand. On l'emploie comme liaison entre
certaines pièces de la charpente : la courbe de capucine lie
l'étrave à l^eron ; la courbe d'étambot, l'étambot à la
quille ; les courbes d'écussons s'étendaient depuis le pre-
mier pont jusqu'au couple de levée le plus de l'arrière. Il
y en avait habituellement deux de chaque bord, situées à
un m. l'une de l'autre ; enfin, d'autres courbes réunissent
les baux à la muraille. L'assemblage de ces deux dernières
parties nécessite des précautions particulières, en raison
des forces auxquelles il faut résister, notamment dans les
mouvements de roulis, dont la violence provoque parfois
des effets d'arrachement très nuisibles à la sohdité de l'en-
semble. Autrefois, on plaçait sur l'une des faces des baux
des courbes en bois dont les deux branches étaient chevil-
lées, l'une sur la muraille, l'autre sur le côté du bau.
Quelquefois, les courbes de bois étaient en plusieurs mor-
ceaux. En deux, on les réunissait par des mortaises. En
trois, les deux principales pièces étaient réunies par des
écarts à mi-bois, pratiqués parallèlement aux faces planes.
A partir du point de jonction, elles présentaient un double
écart à croc, qui recevait une pièce auxiUaire épousant les
formes du vide central. Un étrier sur l'avant, un autre
sur l'arrière, consolidaient le tout. Ces pièces de bois,
très volumineuses, devinrent de plus en plus rares dans
les approvisionnements et l'on dut chercher un moyen
de les remplacer. On a alors considérablement réduit le
volume de ces courbes en leur donnant la forme de simples
taquets que l'on place sous l'extrémité du bau. En outre,
de chaque côté, l'on applique des étriers en fer, réunis
entre eux par des chevilles. Dans les batteries, où le poin-
tage oblique des pièces d'artillerie nécessite beaucoup de
place auprès des sabords, on a cherché à utiliser des courbes
tout en fer. Mais on a dû renoncer à ce dispositif, qui ne
présentait pas assez de solidité. Pour les ponts supérieurs,
on emploie des armatures de fer, dont les branches, situées
dans deux plans perpendiculaires, se chevillent, l'une contre
le barrot, l'autre dans la membrure. Les ponts légers,
tels que spardeck, roufs^ teugue et dunette^ nécessitent
des courbes beaucoup moins fortes. On emploie, dans ce
cas, des armatures chevillées dans le barrot et la mem-
brure. — En voilerie, on appelle courbe la forme de
certains côtés des voiles. Quand la courbe est convexe à
l'extérieur de la voile, elle se nomme rond. Quand sa
convexité est tournée vers l'intérieur de la voile, elle se
nomme échancrure. Le rond augmente donc la surface
de la voile ; l'échancrure, au contraire, la diminue.
Vï. Art vétérinaire. — Périostose de la tubérosité
inférieure et interne du tibia, qui se développe sous l'in-
fluence d'une violence extérieure ou d'un effort de l'articu-
lation. La courbe est caractérisée par la formation de couches
osseuses disposées en strates réguUères sur la tubérosité
du tibia, à l'endroit où s'épanouit le ligament latéral in-
terne. La courbe fait rarement boiter, parfois cependant
à ses débuts , mais jamais quand elle a effectué son déve-
loppement complet, à moins que par sa trop grande étendue
elle ne mette obstacle au libre mouvement de l'articulation
tibiale.
BiBL. : Travaux publics.— Annales des ponts et chauS'
sées, 1841, 1856, 1860, 1867, 1869, 1880, 1883, 1885 et 1886. —
L. Durand-Claye, Lever des plans et nivellement^ 1889.
~ Endrès, Manuel du conducteur des ponts et chausséesy
t. II. — Chauvag de la Place, Courbes de raccordement.
COURBE (La). Com. du dép. de l'Orne, arr. d'Ar-
gentan, cant. d'Écouché; 177 hab.
COURBE (Wilbrode-Nicolas-Magloire), graveur au burin,
né vers la fin du xvni® siècle, travailla à Paris. On cite
de lui un certain nombre de gravures d'après Raphaël,
Caria Maratta, Ch. Le Brun, Spada, P.-P. Rubens, etc. Il
a été, en 1789, l'un des graveurs de la Collection de
Déjabin (portraits des députés à l'Assemblée nationale).
Plus tard, il exécuta des vignettes d'après Moreau le Jeune
et des planches pour Napoléo7i et la Grande Armée
(Paris, 1810, in-foL).
BiBL. : Le Blanc, Manuel de Vamateur d'estampes. —
H. Beraldi, les Graveurs du xix« siècle, t. V.
COURBEBAISSE, ingénieur français, né le 8 aoùtl817,
mort le 22 mars 1886. Il appartenait au corps des ponts
et chaussées, et il est connu par l'invention d'un procédé
pour faire économiquement les déblais à flanc de coteau
dans les roches calcaires, et par la découverte d'une étoile,
qui a depuis été reconnue pour une étoile périodique. Cour-
bebaisse était un esprit très libéral, passionné pour les
questions d'améhoration sociale ; il a été l'un des adeptes les
plus conyaincus de l'école phalanstérienne et est resté jus-
qu'à la fin attaché aux idées du réformateur Fourier. Il ne
lui a pas été donné de voir le développement des syndicats
agricoles, qui sont très analogues à ce que les phalansté-
riens appelaient le comptoir communal. Comme ingénieur
en chef, Courbebaisse a été successivement chargé des tra-
vaux hydrauliques de la marine nationale à Lorient et à
Cherbourg, en qualité d'ingénieur détaché près le minis-
tère de la marine.
COURBEHAYE. Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. de
Châteaudun, cant. d'Orgères ; 379 hab.
COURBÉPINE. Com. du dép. de l'Eure, arr, et canton
de Bernay ; 638 hab.
COURBERIE. Com. du dép. de la Mayenne, arr, de
Mayenne, cant. du Horps ; 268 hab.
COURBES. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Laon,
cant. de La Fère ; 92 hab.
COURBESSEAUX. Com. du dép. de Meurthe-et-Mo-
selle, arr. et cant. (N.) de Lunéville ; 241 hab.
COURBET (Gustave), célèbre peintre français, né à
Ornans (Doubs) le 10 juin 1819, mort à la Tour-de-
Peilz, faubourg de Vevey (Suisse) le 31 déc. 1877. Peu
d'artistes ont eu. une vie plus bruyante, plus agitée, et il
n'y a point d'exemple dans l'histoire de la peinture, d'une
renommée fondée avec plus de fracas que la sienne au
moyen d'un bizarre mélange de doctrines sociales et de
théories esthétiques. Merveilleusement doué pour exprimer
les côtés extérieurs de Part, l'apparence des choses, la
matière épaisse, riche et colorée, mais absolument dé-
pourvu de toute culture littéraire, dénué d'idées générales,
il eut pourtant cette ambition de se donner les airs d'un
novateur, de paraître inventer les formules que lui suggé-
rèrent des écrivains comme Proudhon ou Castagnary, en
un mot de jouer un rôle dont sa finesse de paysan trop
vaniteux ne comprit pas les dangers, car il en a été finale-
ment victime. S'il a eu la douleur de mourir en exil, dans
la force de l'âge, isolé, délaissé, voyant son puissant
talent discuté parfois avec la plus âpre passion, c'est que
la politique avait effleuré cet homme resté jusqu'au bout
un grand enfant, et l'avait éclaboussé. L'impartiale histoire
doit remettre à son plan et dans son vrai jour ce peintre
qui, s'il a fait de son vivant beaucoup de besogne, a fait
>- 403 ~«
COURBET
aussi trop de bruit inutile, en dehors de sa sphère, et
délimiter nettement la juste part de gloire qui lui revient.
Ses parents étaient de braves gens, demi-paysans,
demi-bourgeois. Us voulurent faire faire à leur fils ses
études et le mirent au petit séminaire de Besançon. Le
jeune Courbet montra moins de goût pour les auteurs
latins ou français que pour les libres promenades en plein
air et les courses à travers la campagne. Comme il venait
d'avoir vingt ans, la diligence, un beau matin, le jeta sur
le pavé de Paris. Il venait y faire son droit, comme il le
dit lui-même dans une lettre qui est émaillée de tant de
fautes d'ortographe qu'on ne peut s'empêcher de sourire
devant une telle affirmation. Il avait eu à Besançon pour
professeur de dessin un artiste ignoré, élève de David, qui
avait reconnu en lui quelques qualités de coloriste et le
lui avait dit. Courbet n'ouvrit donc pas le code et résolut
de se faire peintre. On n'avait à Ornans que des idées bien
vagues sur ce que c'était que la peinture. Aussi, quand
l'étudiant eut fait connaître à sa famille sa résolution,
pleura-t-on sur cet enfant prodigue. Courbet cependant
alla droit son chemin , déjà possédé de cette confiance
naïve qui devint une colossale vanité. La première fois
que, visitant le musée du Luxembourg, il regarda le
Massacre de Scio d'Eugène Delacroix, il se prit à dire :
« Ceci n'est pas mal, mais j'en ferais bien autant si je
voulais ! » En dépit de ses fanfaronnades étourdissantes, il
étudia pourtant sérieusement les maîtres flamands et hol-
landais, les espagnols et les vénitiens, dans leurs pratiques
matérielles. Il se défendait de recevoir des leçons de qui
que ce fût, et prétendait ne rien vouloir que de lui-même.
Dès 4845, il exposait au Salon une toile banale. Quitta-
rero^ jeune homme dans un paysage, qu'il avait fait
précéder de quelques essais d'œuvres non achevées et qui
n'oift point été exposées : les Filles de Loth, d'une obscé-
nité repoussante, la Captive^ V Homme délivré de l'amour
par la mort, etc. Le livret des expositions qui le disait
élève de Hesse le mettait fort en colère. Un de ses jeunes
amis, M. Gonzalve Privât, qui lui a consacré une étude
biographique, a écrit : « Je ne l'ai jamais vu s'enthou-
siasmer que pour deux hommes parmi les peintres des
écoles anciennes : Domenico Feti, avec lequel il se trou-
vait, non sans justesse, plus d'un point de ressemblance,
et Canaletti, qu'il considérait comme l'inventeur du
paysage. »
Ce n'est qu'à partir du Salon de 4849 gue le nom de
Courbet commence à entrer dans les discussions publiques.
Cette année-là fonctionnait pour la première fois le jury
nommé à l'élection des peintres exposants. Courbet, qui
avait vu jusque-là ses tableaux presque constamment
refusés, fit du coup admettre les sept toiles suivantes : le
Peintre; M, N, I.... examinant un livre d'estampes;
la Vendange à Ornans sous la Roche du Mont ; la
Vallée de la Loue prise de la Roche du Mont; Vue du
château de Saint-Denis ; le Soir près du village de
Scey-en-Varay (Doubs); Une Après-dînée à Ornans;
les Communaux de Chassagne (soleil couchant). Dans
aucune de ces œuvres ne se montrait nettement encore le
désir de violenter l'attention par des procédés nouveaux
et extravagants. De tous ces tableaux, seul V Après-dînée
à Ornans se distinguait par une originalité très tranchée.
Quoi qu'il semblât étrange que, pour représenter une scène
intime des plus simples, l'auteur eût adopté les proportions
de la nature, on y loua la force du sentiment, la peinture
solide et expérimentée. Le critique d'art du National,
Haussard, trouva même de l'audace dans ces « portraits
de famille déguisés en tableau de genre colossal » et plus
encore « une honnêteté domestique qui touche profondé-
ment ». L'achat du tableau par l'Etat (il est aujourd'hui
au musée de Lille) et une deuxième médaille d'or furent
le résulat de cette exposition de 4849. Mais ce n'était là
qu'un jalon d'essai posé par le rusé Franc-Comtois. Au
Salon suivant, il dévoila résolument ses intentions provo-
catrices en produisant neuf toiles qui firent une impression
extraordinaire, mélange de surprise, d'admiration, de
ridicule. Dans le nombre, se trouvaient les trois œuvres
qui comptent encore parmi les plus caractéristiques de sa
manière: l'Enterrement à Ornans, les Casseurs de
pierres et les Paysans de Flagey, Les plus violentes
diatribes accueillirent cette tentative qui était un soufflet
donné aux convictions les plus généralement admises en
matière d'art, et même aux idées des amateurs les moins
attachés à l'idéal classique et académique dont Eug. Dela-
croix était l'apôtre. « C'est grand'pitié, disait M. Louis
Geoffroy, dans la Revue des Deux Mondes, qu'en 4854,
on soit réduit à faire la démonstration des principes les
plus élémentaires, à répéter que l'art n'est pas la repro-
duction indifférefite de l'objet le premier passant, mais le
choix déHcat d'une intelligence raffinée par l'étude, etc. »
Les critiques qui avaient accueilli avec indulgence les efforts
de Courbet se tournèrent contre lui. Haussard lui reprocha
de s'être exagéré hors de toute mesure, d'avoir fait de ses
qualités des défauts énormes, de son sentiment original
une charge excentrique, de son indépendance une bravade.
M. Paul Mantz, lui, accorda que l'exécution était remar-
quable, que, « sans un manque presque complet de lumière,
sans quelques autres défauts, tout serait réussi, si dans
VEnterrement le groupe des femmes en deuil était
empreint d'une émotion véritable ». Mais il protesta contre
les figures groupées autour de la fosse, « figures d'une
laideur, non pas triste et émue, mais grotesque et intolé-
rable », ajoutant que c'était toucher « aux frontières
extrêmes de l'art réaliste ».
« L'art réaliste î » le grand mot était lâché. On en
affubla Courbet, à qui peu importaient les définitions,
pourvu que son nom excitât de bruyantes clameurs. Aux
■ articles succédèrent les articles dans la presse. Champfleury,
qui cherchait lui aussi dans la littérature un rôle indé-
pendant, se fit le champion du peintre révolutionnaire et
se mit à tourner en doctrines les fantaisies de celui qu'on
appelait déjà le « maître d'Ornans, élève de la nature ».
Il écrivit un premier plaidoyer dans le Messager de VAs-"
semblée (25 et 26 févr. 4854) : « J'ai écouté, disait-il,
les propos de la foule devant le tableau d'un Enterrement
à Ornans, j'ai eu le courage de lire les inepties qu'on a
imprimées à propos de cette peinture, j'ai écrit ce feuil-
leton... » Il était partout question de Courbet, dans les
rues, dans les estaminets, dans les mansardes, dans les
salons, à l'Académie, et son nom se fixa dans la mémoire
du pubhc. L'artiste, insatiable de popularité, se faisant un
malin plaisir de « taquiner les bourgeois », se moquant
des dégoûts et des ridicules, promena ses tableaux en pro-
vince et à l'étranger, où ils ne causèrent pas moins de
scandale qu'à Paris. « Il n'a cessé, depuis lors, dit Théo-
phile Silvestre dans la remarquable étude, mélange d'ironie
et de sympathie, qu'il a consacrée à Courbet, il n'a pas
cessé de chanter lui-même sur tous les tons ses propres
louanges, ce qui fait craindre à ses vrais amis de voir son
talent périr par extravagance. Le public, trop excité par les
réclames personnelles, se fatigue à la longue. » Mais
Courbet, heureusement, n'avait pas en lui qu'un tempé-
rament de barnum. Sa pyramidale vanité, ses prétentions
réformatrices pouvaient faire sourire les gens de goût et
gâter son incontestable talent, non pas le détruire. Voyant
la portée philosophique que quelques écrivains attribuaient
à ses toiles, il se persuadait qu'il faisait de la « peinture
sociale » : l'illustre et paradoxal Proudhon se chargea do
le confirmer dans cette illusion en lui consacrant presque
entièrement un de ses livres sur ce qu'il appelait les pré-
jugés esthétiques. De son côté, Castagnary rédigeait pour
lui des manifestes. Dans l'un de ceux-ci, Courbet disait :
« Le beau est dans la nature et se rencontre dans laréahté
sous les formes les plus diverses. Dès qu'on l'y trouve, il
appartient à l'art, ou plutôt à l'artiste qui sait l'y voir.
Dès que le beau est réel et visible, il a en lui-même son
expression artistique. Mais l'artiste n'fi^jî?a5 le droit d'am-
plifier cette expression. Il ne peut y toucher qu'en ris-
COURBET
— 404
quant de la dénaturer et par suite de l'affaiblir. Le beau
donné par la nature est supérieur à toutes les conventions
de l'artiste... VoiL^ le fond de mes idées en art. »
C'est en vertu de ces principes dont nous n'avons pas
besoin de montrer ici l'étroitesse, pour ne pas dire plus,
que Courbet s'efforçait de choisir les sujets de ses tableaux
dans les scènes les plus triviales de la vie quotidienne. Au
Salon de 1852, il exposa les Demoiselles de village fai-
sant r aumône à une gardeuse de vaches ; en 4833, des
Baigneuses étalant leurs nudités grasses et rebutantes,
une Pileuse endormie dans son humble chambrette (musée
de MontpeUier), et les Casseurs de pierres; en 4855, son
Atelier « le plus singulier par la pensée comme le plus
étonnant par la facture de tous les tableaux qu'il a exé-
cutés », a dit Castagnary, « allégorie d'un goût détestable
et d'un désordre de composition inouï », a déclaré Th. Sil-
vestre. Puis Courbet abandonne quelque peu les tableaux à
personnages, pour se consacrer au paysage. Il en montra
plusieurs de remarquables en 4855 à une exposition orga-
nisée dans un local spécial où il avait réuni quarante de
ses œuvres. On y vit notamment, outre les tableaux déjà
cités : les Rochers d'Ornans, pris le matin, Paysage
de Fontainebleau : les rochers de Franchard^ Génisse
et Taureau au pâturage, Paysage dans Vile de Bou-
gival, etc. En 4857, les Demoiselles des bords de la
Seine soulevèrent d'énergiques protestations; mais, au
Salon de 4864, il obtint un succès à peu près unanime
avec le Combat de cerfs (musée du Louvre) « d'une exé-
cution magistrale », selon Th. Gautier qui admira également
le Cerf à l'eau (musée de Marseille), le Renard sous la
neige et la Roche d'Oragnon, ajoutant : « On dirait que
M. Courbet a entin compris qu'il avait trop de talent pour
chercher le succès par des excentricités voulues. » Une
Chasse au Renard (4863) ne donna lieu à aucune ré-
flexion ; mais il n'en fut pas de même pour le Retour de
la Conférence, refusé par le jury du Salon de cette année
pour cause « d'outrage à la morale religieuse ». Courbet
avait représenté deux curés revenant joyeux et titubants
d'un banquet confraternel. Avec V Entrée de la vallée
du Puits-Noir (4864), l'artiste donna toute sa mesure
comme paysagiste, en montrant une virtuosité de palette
incomparable, et rendant avec une intensité de fraîcheur
inouïe les beaux tons des mousses sur les roches. Le Por-
trait de Proudhon avec sa famille, qui est de la même
date, est une œuvre manquée, d'une mollesse insigne, mal
composée. Mais en 4866 paraissent la Remise des che-
vreuils, un des chefs-d'œuvre du peintre, la Femme au
perroquet, et en 4867, une douzaine d'œuvres excellentes,
exposées, comme en 4855, dans une salle louée par lui :
le Ruisseau couvert (musée de Luxembourg), morceau
délicieux, r Hallali du cerf (musée du Louvre), la Sieste
pendant la saison des foins, envoyé deux ans plus tard
au Salon, ainsi que rHallali, la Source de la Loire, le
Départ pour la chasse, divers portraits, quelques ma-
rines, etc. ; en 4870, une admirable Mer orageuse, etc.
Le plus grand nombre des tableaux de Courbet n'ont point
paru aux expositions; ils se trouvent dans les galeries pu-
bliques, dans les collections particulières; le musée de
Montpellier en possède une vingtaine qui ont été légués
par M. Bruyas, un des plus fervents admirateurs de l'ar-
tiste et l'ami fidèle de ses débuts.
A la réputation tapageuse et à la curiosité entachée de
scandale qui avaient accueilli Courbet à ses premières
œuvres, une renommée de meilleur aloi avait succédé,
faite de l'autorité que donne le talent sérieux et du pres-
tige que procure le triomphe des idées. En allant au fond
des choses, il n'y avait pas que de la sottise, moins encore
de la naïveté ou même du puflîsme si l'on veut, dans les
vagues doctrines de Courbet sur le réalisme dans l'art. Son
tort, et celui des écrivains qui avaient prétendu se servir de
lui pour ériger le principe d'un art nouveau, avait été de vou-
loir appliquer le réalisme au mode de conception du tableau,
et d'avoir essayé d'en faire la formule d'une philosophie. Or
l'idée de réalisme s'applique surtout à l'exécution , et, à ce point
de vue, l'exemple de Courbet n'aura pas été inutile à la pein-
ture contemporaine, car il a été un prodigieux ouvrier et
a apporté comme une réaction contre les fadeurs, les miè-
vreries, la spiritualité excessive qui menaçaient un art dont
l'élément, en somme, est la couleur, c.-à-d. une substance
matérielle. A la fin de FEmpiie, on commençait à lui rendre
justice, et le gouvernement voulut le nommer chevaher de
la Légion d'honneur. Mais Courbet, qui ne voulait pas
quitter son attitude d'outrecuidance révolutionnaire, refusa
par une lettre dont l'impertinence est restée fameuse. Après
la guerre, il se trouva, on ne sait comment, compromis par
ses amitiés politiques dans le mouvement de la Commune,
et, lorsque le gouvernement régulier fut rétabli, ce fut lui
que, par une inconcevable erreur, on accusa d'avoir inspiré
et organisé le renversement de la colonne de la place
Vendôme. Incarcéré, traduit devant les tribunaux militaires,
il fut condamné, en 4874, à six mois de prison et pécu-
niairement rendu responsable des frais nécessités pour la
réédification de ce monument. Courbet se réfugia en Suisse,
où il peignit quelques vues du Lac Léman, Il est mort
à l'âge de cinquante-neuf ans, emporté par une doulou-
reuse maladie de foie, et rongé de tristesse. Un de ses
amis, le comte d'Ide ville, a démontré dans un livre con-
tenant des documents irréfutables, combien était fausse
la légende qui, pendant des années, a fait passer Courbet
pour le « déboulonneur de la colonne ». Une exposition de
ses œuvres a été organisée au mois de mai 4882 à l'Ecole
des beaux-arts. Le catalogue, qui comprenait cent quarante-
six numéros, était précédé d'une préface de Castagnary, de
laquelle il faut retenir les lignes suivantes, d'une exacte
vérité : « Si Courbet ne pouvait peindre que ce qu'il voyait, il
voyait admirablement ; il voyait mieux que nul autre. Son
œil était un miroir plus fin et plus sûr, où les sensations
les plus fugitives, les nuances les plus délicates venaient se
mirer. A cette faculté de voir exceptionnelle, correspondait
une faculté de rendre non moins exceptionnelle. Courbet
peint en pleine pâte, mais sans scories et sans aspérités :
ses tableaux sont lisses comme une glace et brillants comme
un émail. Il obtient du même coup le modelé et le mou-
vement par la seule justesse du ton ; et ce ton, posé à
plat par le couteau à palette (l'artiste se servit rarement du
pinceau), acquiert une intensité extraordinaire. Je ne con-
nais pas de coloration plus riche, plus distinguée, ni qui
gagne davantage en vieillissant. » Si Courbet a été un
peintre matériahste, s'il a été, comme on l'a dit, le « vir-
tuose de la bestialité », il n'est quejuste d'ajouter qu'il a été
aussi un merveilleux ouvrier de son art. Victor Champier.
BiBL. : Th. SiLVESTRE, Histoire des artistes vivants. —
Camille Lemonnier, Courbet et son œuvre, 1878. — Ch.
TiMBAL, Notes et Causeries sur l'art et les artistes, 1881.
— Jules Cjlaretie, Peintres et Sculpteurs, 1882. — Victor
Champier, l'Année artistique, 1878, pp. 486-496. — Paul
Mantz, Gazette des Beaux- Ar ts, }mn, juil. et sept, 1878.-—
Ct« d'Ideville, Gustave Courbet, 1878, et la Vérité sur
Courbet, 1879.
COURBET (Amédée-Anatole-Prosper), amiral français,
né à Abbeville le 26 juin 4827, mort à son bord, dans les
mers de Chine, le 44 juin 4885. Fils d'un honorable
négociant en vins et frère du député Courbet-Poulard,
Courbet montra, dès sa première enfance, du goût pour
les aventures et les voyages. Après de bonnes études au
lycée d'Amiens, il entra à' l'Ecole polytechnique en 4847.
Il se trouva, £omme ses camarades, mêlé aux événements
de 4848 et fut pendant quelque temps le secrétaire d'Ar-
mand Marrast. Aux examens de sortie, en 4849, il fut
admis dans la marine. C'est en d 850, sur la corvette à
voiles la Capricieuse, que Courbet s'initia au métier de
marin, dans une traversée de Toulon à Macao, par le cap
Horii, qui ne dura pas moins de neuf mois. Il fut nommé
enseigne de vaisseau le 2 déc. 4852 et ne revint en France
qu'au moment de la guerre de Crimée, pendant laquelle il
embarqua sur un bâtiment de l'escadre du Levant. Après
la campagne, il fut nommé Heutenant de vaisseau (29 nov.
4856). L'année suivante, il reçut la croix de la Légion
— 405
COURBET — COURBURE
d'honneur, à Biarritz, où il se livrait, sous les yeux de
l'empereur, à des études en vue du creusement d'un port
en eau profonde. Nous le voyons ensuite successivement
passer deux ans à bord du vaisseau-école des canonniers,
commander la compagnie des canonniers à Toulon et faire
partie de l'escadre d'évolution comme aide de camp de
l'amiral Bouët-Wuillaumez. Le 14 août 186(), il fut promu
capitaine de frégate. Pendant la guerre de 1870, il com-
manda l'aviso le Talisman en station aux Antilles, où il
demeura jusqu'en 1872. Le 11 août de l'année suivante,
il fut nommé capitaine de vaisseau. Courbet commanda
ensuite pendant deux ans l'école des torpilleurs de Boyard-
ville ; puis il reprit la mer et remplit brillamment les fonc-
tions de chef d'état -major des amiraux de Dompierre
d'Hornoy et Cloué, à l'escadre cuirassée de la Méditerranée.
Le 23 juil. 1879, il recevait la croix de commandeur. Du
26 mai 1880 au 16 mai 1882, Courbet fut gouverneur
de la Nouvelle-Calédonie ; c'est à ce poste qu'il reçut sa
nomination de contre-amiral.
Monté sur le Bayard^ cuirassé de premier rang, qu'il
allait immortaliser et à bord duquel il devait mourir, le
nouvel amiral se trouvait en rade de Quiberon, en avr.
1883, lorsqu'il reçut l'ordre d'aller se mettre à la tête de
la division navale du Tonkin. Il arriva en baie d'Along le
20 juil. Un mois après, il enlevait les forts de Thuan-an,
à l'embouchure de la rivière de Hué, et forçait la cour
d'Annam à traiter avec nous. Quelque temps après, Courbet
reçut le commandement général des troupes de terre et de
mer du Tonkin, avec mission de s'emparer des places de
Sontay et Bac-ninh. Après avoir préparé avec le plus grand
soin son expédition, l'amiral partit d'Hanoï à la tête des
troupes le 11 déc. et arriva le 13 devant Sontay, place
protégée par une citadelle entourée des plus fortes défenses
et défendue par les meilleures troupes du fameux Luu~
Vinh-Phuoc, chef des Pavillons-Noirs. Le lendemain 14,
sous le commandement énergique de l'amiral, nos troupes
enlevèrent de haute lutte les fortifications de Phu-sa qui
couvraient la place et, le 16, l'amiral donna l'assaut à la
ville elle-même et s'en empara, après avoir payé de sa per-
sonne avec la plus grande bravoure. Quelques jours après,
Courbet eut la douleur de se voir remplacer à la tête des
troupes par un général de division de l'armée de terre, le
général Millot, et remonta à bord du Bayard (13 févr.
1884). Le gouvernement l'éleva alors au grade de vice-ami-
ral. Envoyé d'abord devant Formose pour en faire le blocus,
Courbet se rendit ensuite (2 août) dans la rivière Min, sur
la côte chinoise, où il se tint prêt à détruire les défenses
de la rivière et à bombarder l'arsenal de Fou-tchéou, aus-
sitôt que le gouvernement français lui permettrait d'agir.
Cette autorisation lui parvint le 23 août, et le 24, il ouvrit
le feu sur la flotte chinoise qui fut brûlée et coulée. L'ami-
ral bombarda ensuite l'arsenal et redescendit la rivière les
jours suivants, en détruisant les forts et les batteries qui
la défendaient et qui se trouvaient pris à revers par nos
bâtiments. A la suite de ce beau fait d'armes, Courbet
reçut la médaille militaire. Dans la nuit du 14 au 15 févr.
1885, il fit torpiller, dans le port de Cheï-pou, par les
canots-torpilles du Bayard, une frégate et une corvette
chinoises qui furent promptement coulées.
Le 28 mars, l'amiral Courbet arrivait devant Ma-koung,
point fortifié du groupe des îles Pescadores et, dans une
opération de trois jours magnifiquement conduite, chassait
les Chinois de leurs fortifications et s'emparait de Ma-koung.
Ce devait être son dernier triomphe. Dès le mois d'avril,
la santé de l'amiral donna, en effet, de vives inc[uiétudes.
Son estomac fatigué ne se prêtait plus à une alimentation
suffisante pour conserver des forces à sa constitution ruinée
par le travail et les fatigues de sa carrière si bien remplie.
Au commencement du mois de juin, il fut pris de vives
douleurs de foie et s'éteignit doucement le 11 juin, à
9 heures 50 du soir, entouré des principaux officiers de
l'escadre. Ses restes, ramenés en France sur le Bayard,
reçurent de la nation de^ funérailles splendides qui furent
célébrées dans l'église des Invalides. Ils reposent dans le
cimetière d'Abbeville.
COURBET-PouLARD (Alexandre- Auguste), homme poli-
tique français, né à Abbeville le 12 mars 1815, mort à
Abbcville le 11 déc. 1883. Fabricant de draps dans sa ville
natale, il fut nommé, en 1845, juge au tribunal de com-
merce et conseiller municipal en 1847. Elu conseiller
général de la Somme en 1858, il échoua, en 1869, aux
élections pour le Corps législatif, contre le candidat officiel
de l'Empire, M. Seneca. Le gouvernement le fit entrer au
conseil supérieur du commerce chargé de l'enquête sur les
fameux traités de 1860. Maire d'Abbeville, il fut élu, le
8 févr. 1871, député de la Somme à l'Assemblée nationale.
Il siégea à droite et son rôle politique fut plus utile que
brillant. Le 20 févr. 1876, il se présenta sans succès à
Abbeville aux élections pour la Chambre des députés. Il
rentra alors dans la vie privée. On lui doit un certain
nombre de travaux sur la Navigation intérieure, la
Marine, les Chemins de fer, les Octrois, les Biens com-
munaux. Il a collaboré à plusieurs journaux de province
et au Dictionnaire du commerce.
COURBETAUX. Com. du dép. de la Marne, arr. d'Eper-
nay, cant. de Montmirail ; 250 hab. Cette localité, située
sur le Petit-Morin, et jadis considérable, possédait un châ-
teau fort construit au xci^ siècle par les comtes de Cham-
pagne et qui disparut dans les guerres de religion ; un
prieuré de femmes, placé sous le vocable de Notre-Dame
de la Grâce, et plus tard, de 1623 à 1678, une maison de
lazaristes, fondée par saint Vincent de Paul et transférée
ensuite à Montmirail. A. T.
COURBEVEILLE. Com. du dép. de la Mayenne, arr. et
cant. (E.) de Laval; 668 hab.
COURBEVOIE [Curva via), Ch.-l. de cant. du dép. de
la Seine, arr. de Saint-Denis; sur la rive gauche de la
Seine ; 15,937 hab. Stat. du chem. de fer de Paris
(r. d.) à Versailles. Ce n'était, avant la Révolution, qu'un
hameau de la paroisse de Colombes ; en haut de la colline
se trouvait un couvent de pénitents qui fut supprimé en
1790. Sous Louis XV, on construisit à Courbevoie de très
importantes casernes et vers la même époque fut percée la
grande avenue qui prolonge celle de la Grande-Armée. Au
rond-point où aboutit la route de Normandie s'élève le groupe
de la Défense nationale, oeuvre de Barrias ; il y a été inau-
guré le 12 août 1882, à la même place où se trouvait autre-
fois une statue équestre de Napoléon I®'' renversée en 1870,
BiBL. : Uabbé Lebeuf, Hîst. du diocèse de Paris, t. III,
pp. 69-71 de redit, de 1883. -—Notice sur Courbevoie^ 1874,
in-8.
COURBIAC. Com. du dép. de Lot-et-Garonne, arr. de
Villeneuve-sur-Lot, cant. de Tournon-d'Agenais ; 306 hab.
COU RBI ÈRES. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Limoux,
cant. de Chalabre; 136 hab.
COURBlLLAC.Com. du dép. de la Charente, arr. d'An-
goulême, cant. de Rouillac ; 761 hab.
COURBOIN. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Château-
Thierry, cant. de Condé-en-Brie ; 359 hab.
COURBOUZON. Com. du dép. du Jura, arr. et cant.
de Lons-le-Saunier ; 403 hab.
COURBOUZON. Com. du dép. du Loir-et-Cher, arr. de
Blois, cant. de Mer ; 633 hab.
COURBURE. I. Mathématiques. — Courbure d'une
courbe plagie. L'idée qui s'attache dans le langage ordi-
naire au mot courbure est évidemment celle de déviation par
rapport à la forme rectiligne : plus cette déviation est brusque,
plus la courbure est prononcée. Si l'on cherche à préciser cette
notion dans le cas le plus simple qui est celui de la circon-
férence de cercle, on s'aperçoit que la courbure est d'au-
tant plus grande que le rayon est plus petit, et l'on est
• . . 1
ainsi conduit à mesurer" la courbure par l'inverse ^ du
rayon. On remarque, d'ailleurs, que si le point de contact
d'une tangente à une circonférence de rayon R décrit un
COURBURE
406
arc quelconque s, la tangente tourne d'un angle &. qui est
s . , oc
égal à -^ et que, par suite, le quotient — est constant et
1
égal à la courbure r-. Il est donc naturel de nommer cour-
bure moyenne d'un arc de courbe quelconque l'angle des
tangentes extrêmes divisé par la longueur de l'arc. Si
maintenant l'arc diminue indéfiniment, de telle façon que
ses deux extrémités tendent vers un même point M, la
limite de la courbure moyenne sera appelée la courbure au
point M ; elle est mesurée par la limite du rapport — .
L'angle a de deux tangentes infiniment voisines (ou, ce
qui revient au môme, de deux normales infiniment voi-
sines) s'appelle angle de contingence. La courbure au point
M est donc, par définition, la courbure moyenne d'un arc
infiniment petit comprenant le point M ; cela revient à
dire que, dans des limites infiniment petites, on assimile
l'arc de courbe à un arc de circonférence. Le rayon R de
cette circonférence est le rayon de courbure. Si l'on ima-
gine un cercle de rayon R, tangent en M à la courbe
donnée et tournant en ce point sa concavité dans le même
sens, ce cercle est appelé cercle de courbure ; son centre
est le centre de courbure. Le cercle de courbure possède
avec la courbe un contact du deuxième ordre (Y. Contact)
et ne diffère pas du cercle osculateur.
Soit y :=: f(x) l'équation de la courbe rapportée à des
axes rectangulaires ; soit 9 l'angle que forme la tangente
avec l'axe des ^. On a : tg©
' dx
et d!<pi
dhj
'^HST
do est l'angle de contingence. Le déplacement correspon-
dant du point de contact est :
ds=:
On a donc :
■■S^dx^ 4- dîf
-.dx
Mii)'
4
r'
d<p
' ds~
dx^
[-(1)7
ds^
sous la forme :
résultat qui peut encore se mettre
'\ds^/
Cette formule renferme les dérivées de y, prises par
rapport à x ; mais on peut exprimer ces dérivées sans faire
aucune hypothèse sur le choix de la variable indépen-
dante (V. Changement de variables) et l'on trouve alors :
4 _^dxd^y — dyd^x
____
_4____/^V A/.2^A2
R2-~V^5V '
A chaque système de coordonnées correspond une expres-
sion particulière du rayon de courbure ; l'une des plus simples
est celle qu'on obtient en définissant la courbe considérée
par une équation entre le rayon vecteur r d'un point, mesuré
à partir d'un point fixe, et la distance p du même point
fixe à la tangente. On trouve : Rrrr-— -. Pour déterminer
sans aucune ambiguïté le centre de courbure, nous admet-
trons que celui-ci peut être regardé comme le point de
rencontre de deux normales infiniment voisines, propriété
qui est évidente dans le cas du cercle et qui se démontre
rigoureusement dans tous les cas. L'équation de la nor-
male est y^Çi — ^)+X — aî=0. Le point de rencontre
avec la normale infiniment voisine s'obtient en joignant à
cette équation sa dérivée prise par rapport k x, y étant
considéré comme fonction de x. Il vient ainsi :
4 {d^ydH — dHd^y) dx + {dHd^x —
et l'on a par suite :
y'(i+y'^
AY=j/-
\
-y"
y - - y.
Par un changement de variable, on peut encore écrire
Les points où le rayon de courbure est infini sont des
points àHnflexion ; ceux où il est nul sont des points de
rebroussement ; ceux où il devient maximum ou minimum
sont des sommets (V. ces différents mots). Le cercle est
la seule courbe dont le rayon de courbure soit constant ou
autrement dit dont tous les points soient des -sommets. Si
l'on joint le point de contact d'une tangente avec le milieu
d'une corde infiniment petite, parallèle à la tangente, la
droite ainsi obtenue s'appelle l'axe de déviation ; elle forme
avec la normale un certain angle z, qu'on appelle l'aber-
ration de courbure ou encore la déviation, et qui ne s'annule
que dans le cas d'un sommet. Ce résultat se vérifie immé-
diatement dans le cas des coniques ; du reste, la parabole
osculatrice et, d'une manière générale, toute conique ayant
avec la courbe donnée un contact du troisième ordre pos-
sède le même axe de déviation qui est le diamètre al30u-
tissant au point de contact. De plus, pour la conique
osculatrice (V. ce mot), le centre est à la rencontre
de deux axes de déviation consécutifs ; on appelle ce point
le centre d'aberration. L'aberration est donnée par la for-
mule :
Courbure d'une courbe gauche. Dans le cas des
courbes gauches, il est nécessaire de distinguer deux sortes
de courbure. La première courbure se définit, comme
celle d'une courbe plane, par la limite du rapport entre
l'angle de contingence et l'arc correspondant. Pour la cal-
culer, supposons que les coordonnées x, y, zà'nn point M
soient exprimées en fonction de l'arc s, mesuré sur la
courbe à partir d'une origine arbitraire. Si l'on considère
une droite menée par l'origine des coordonnées parallèle-
ment à la tangente, cette droite perce une sphère de rayon
un, ayant son centre à l'origine, en un point P dont les
coordonnées sont respectivement égales aux cosinus des
angles formés par la tangente avec les trois axes, c.-à-d. à
-7-, -~, -r-. Pour un point M', infiniment voisin de M, on
ds ds ds
a de même, sur la sphère, un point P^ dont les coordonnées
dx d^x
sont :-^-\~jY^^^^ ®^^* ^-^ distance PP' est donc égale à
V dsy
(d^%\^
— 1 ; d'ailleurs, elle mesure
ds^J
évidemment l'angle de contingence da. On a donc pour la
expression que l'on peut transformer à volonté par des
changements de variables. — La seconde courbure, appelée
aussf torsion (Saint- Venant avait proposé le nom^ de cam-
brure qui n'a pas prévalu) , sert à mesurer la rapidité avec
laquelle la courbe considérée s'éloigne du plan osculateur,
c.-à-d. du plan déterminé par trois points infiniment voi-
sins. Par analogie avec la définition de la première cour-
bure, on définit la seconde courbure comme étant la limite
de l'angle de deux plans osculateurs infiniment voisins,
divisé par l'arc qui sépare les points correspondants, et on
i
la représente par =^. La longueur T prend alors le nom de
rayon de torsion. Un calcul plus long que difficile conduit
à l'expression :
d^xdH) dy-\-{d^xd^y — d^yd^x) dz
{dydH — dzd^yY + {dzd^x — dxdHY + {dxd^y — dyd^x)^
— 107 —
COURBURE
X=.+R^S, Y=,+R§,7.
Il est à remarquer que cette expression est entièrement
rationnelle.
La seule courbe pour laquelle les deux courbures sont
constantes est l'hélice à base circulaire ; les seules courbes
pour lesquelles le rapport entre les deux courbures est
constant sont les hélices à base quelconque. Il y a, pour
une courbe gauche comme pour une courbe plane, un cercle
de courbure qui coïncide avec le cercle osculateur. Il est
situé dans le plan osculateur et son centre, appelé centre
de courbure, se trouve sur la normale principale. On obtient
les coordonnées du centre de courbure en cherchant le
point de rencontre du plan osculateur avec la droite d'in-
tersection de deux plans normaux infiniment voisins, droite
qui s'appelle axe de courbure. On trouve :
Courbure des lignes tracées sur une surface. Soit :
(4)f(^,i/,%) = 0
l'équation d'une surface S ne présentant pas de point sin-
gulier dans la région que l'on veut étudier. Cette équation,
" jointe à une autre équation quelconque :
détermine une courbe arbitraire tracée sur la surface. Le
plan normal en un point M (^, ^, :^) de cette courbe a
pour équation :
(3) X—a?)c^^+(Y— î/)%+(Z— ^)c?^=:0,
X, Y, Z désignant les coordonnées courantes. L'axe de
courbure au point M s'obtient en joignant à l'équation (3)
celle qui en résulte en différenciant par rapport à x^ y, z,
sans faire varier X, Y, Z, c.-à-d. :
(4) (X— ^)#^ + (Y -^y)d^y)-Jr{l — %)dH
'^(dx^-^dy^-+-dz^)=:0.
Cet axe de courbure rencontre la normale en M à la sur-
face S en un point C dont les coordonnées vérifient à la
fois l'équation (4) et les équations de la normale. Ces der-
nières sont, en appelant p et q les premières dérivées par-
tielles de z par rapport k x et y :
(5) X— ^-1-|?(Z— ^)=0, Y-^y-\^'q{Z^%)~Q,
On trouve ainsi :
(1 — z) (dH—pd^x—qd^y)=zdx^-hdîf-hdz^,
Mais si r, s, t sont les dérivées secondes de ^, l'équa-
tion c^;^=zr|9c^^-f-gc% donne, par différentiation :
dH — pd^x — • qd^y=.rdx^ ~h ^sdxdy + tdy^.
Il vient par suite :
,^. „ dx^-\-dy^-{-d%^
' rdx^-\-^sdxdy-\'tdy^'
Soit alors R la longueur CM et soit :
ds:=i sjdx^-\-dy^-\-dz^
l'arc élémentaire de la courbe considérée. La combinaison
des équations (5) et (6) donne :
/dx\^ ^ dxdx /dn\^
a)i:
^ds /
ds ds
ii)'
\/l -h p^ -h q^
On voit par là que la longueur R dépend uniquement,
pour un point donné M, de la direction de la tangente MT
à la courbe considérée, et l'on est conduit au théorème de
Meunier en vertu duquel : « Les axes de courbure de
toutes les courbes tracées sur une surface et tangentes à
une même droite MT de cette surface rencontrent en un
même point C la normale au point M. » Le point G s'ap-
pelle le centre de courbure normale. La même propriété
s'énonce, sous une autre forme, en disant que : « Si le
plan osculateur d'une courbe fait un angle 9 avec le plan
tangent à la surface et si R est le rayon de courbure de la
section normale qui a la même tangente, le rayon de cour-
bure de la courbe est égal à R sincp. » Il suffit donc d'étu-
dier la loi de variation des rayons de courbure des sections
normales. A cet effet, supposons l'axe des z perpendicu-
laire à la normale au point considéré M, et soit a l'angle
que fait avec l'axe des x la tangente en M à une section
normale. L'équation (7) prend la forme :
i
=r-=z r cos ^a + 25 cos a sin a + ^ sin ^a.
ri
Une discussion bien facile montre alors qu'il existe deux
sections normales, perpendiculaires l'une à l'autre, pour
lesquelles R passe par un maximum et par un minimum.
Si l'on appelle R^ et Rg ces deux valeurs limites et si l'on
suppose les axes 0^, 0^ rendus parallèles aux tangentes
d cos oc sm oc
correspondantes, il vient : p=-p h -p— . C'est la /br-
mule d'Euler, On l'interprète géométriquement en disant
que, si l'on porte sur chaque tangente une longueur MT
égale à la racine carrée du rayon correspondant, le lieu
du point T est une conique. Par suite, chaque théorème
relatif aux longueurs des diamètres dans une conique
conduit à une propriété des rayons de courbure ; en par-
ticulier, la somme des courbures de deux sections nor-
1 i
maies perpendiculaires est constante et égale à^ — \-fr-'
K^ R?
Les directions (réelles ou imaginaires) des asymptotes de la
conique sont les directions a'symptotiques. Il est aisé de
voir que ces directions, pour lesquelles le rayon de cour-
bure normal est infini, coïncident avec celles des tangentes
menées au point M à la courbe d'intersection de la surface
avec le plan tangent. Elles sont réelles ou imaginaires sui-
vant que Ri et R^ sont de signes contraires ou de même
signe. Les directions, toujours réelles, des axes de la
conique sont appelées directions principales.
Si l'on veut calculer, pour un point quelconque de la
surface, les rayons de courbure principaux, il suffît de
reprendre la formule (7) et de chercher pour des valeurs
données de x^ y, z quels sont le maximum et le minimum
doi^ du
de R. Les deux quantités -7- et -y qui figurent dans le
second membre ne sont pas indépendantes, car elles doivent
vérifier les deux équations :
dz dx dy ^ /dxY /dyY /dzY
Partant de là et appliquant la méthode générale de re-
cherche des maxima et minima, on trouve l'équation du
second degré en ^ :
(8)
:4.
(i + p^-hq')^
_^^[pqs~-(i-i-p'')t-
R^
R
-rt-
:0
4 4
dont les racines sont les inverses 5^ et ^ des rayons de
courbure principaux. Ces racines sont toujours réelles et
elles ne peuvent devenir égales que si l'on vérifie à la fois
les deux conditions : -. — — 5=
4+p2
„=z:— . On conclut de
4+ g; pq
là que les points pour lesquels cette circonstance se produit
ne peuvent, en général, former sur la surface une ligne
continue ; do pareils points se nomment les ombilics.
La théorie qui précède permet de trouver la courbure
propre d'une ligne quelconque tracée sur une surface, mais
ce n'est pas toujours cet élément qu'il est le plus intéres-^
sant de considérer. Si, par exemple, on déforme la surface,
supposée inextensible, la courbure propre de chaque ligne
varie d'une manière quelconque, tandis que la courbure de
la ligne plane obtenue en projetant une courbe donnée sur
le plan tangent en un point conserve, pour ce point, une
valeur invariable. Liouville a donné à ce nouvel élément
le nom de courbure géodésique. Le centre de courbure de
la même ligne plane est le centre de courbure géodésique.
Si l'on considère l'axe de courbure d'une ligne tracée sur
la surface, cette droite rencontre, comme on Fa vu, la
COURBURE
d08 —
normale au centre de courbure normale. Nous pouvons
maintenant ajouter qu'elle perce le plan tangent au centre
de courbure géodésique et le théorème de Meunier se trouve
complété de la manière suivante : « Si le plan osculateur
d'une courbe fait un angle 9 avec le plan tangent à la
surface, et si p est le rayon de courbure géodésique, le
rayon de courbure propre est égal à p cos 9. » Une ligne
dont la courbure géodésique est constamment nulle et dont,
par conséquent, le plan osculateur est constamment normal
à la surface, s'appelle une ligne géodésique de cette surface.
Courbure des surfaces, Gauss a essayé de définir la
courbure d'une surface par un procédé entièrement ana-
logue à celui qui sert pour définir la courbure d'une ligne.
Traçons sur la surface une courbe fermée quelconque, C,
limitant une certaine région A et, par le centre d'une
sphère ayant un rayon égal à l'unité, faisons passer des
parallèles aux normales menées à la surface le long de la
courbe C. Ces parallèles découpent sur la sphère une région
A^ qui forme la représentation sphérique de R et qui
mesure l'ouverture de l'angle solide déterminé par les
directions des normales. A' est ce que Gauss appelle la
courbure intégrale de A. Si maintenant la région A tend
vers 0 en se resserrant indéfiniment autour d'un point M
de la surface et si en même temps A'' se resserre de la
même façon autour d'un point M' de la sphère, la limite
A^
du rapport -j est nommée par Gauss mesure de la cour-
bure au point M ; mais l'usage a prévalu de donner à cette
limite le nom de courbure totale. Elle est indépendante de
la loi suivant laquelle s'évanouit la région A. Si l'on con-
tinue à appeler R^ et R2 les deux rayons de courbure
principaux au point M et si l'on considère un élément rec-
tangulaire ayant ses côtés parallèles aux directions prin-
1
cipales, on trouve que la courbure totale est égale à ^7-^7 .
Suivant que les deux rayons R^ et R^ sont de même signe
ou de signes contraires, la surface est dite à courbure
positive ou à courbure négative. Si un rayon de courbure
principale est infini, la courbure totale est nulle; cette
circonstance se produit en tous les points d'une surface
développable et l'équation (8) montre par suite que les
surfaces développables sont caractérisées par la condition
rt — 5^ rrzO. Une propriété capitale de la courbure totale
consiste en ce que cette quantité reste invariable dans
toute déformation de la surface supposée inextensible. On
en conclut immédiatement que toute surface applicable sur
un plan est une surface dont la courbure totale est nulle,
ce qui n'a lieu que pour les surfaces dites développables.
Si l'on trace sur une surface deux séries de Hgnes se cou-
pant à angle droit (coordonnées curvilignes orthogonales)
et si l'on appelle p^p^ les rayons de courbure géodésique
des deux lignes qui se coupent en un point M, puis si l'on
imagine sur ces lignes, à partir du point M, deux déplace-
ments infiniment petits ds^^ ds^, auxquels correspondent
respectivement les variations d( — ) et d( — ) des cour-
\Pi/ \92/
bures géodésiques, on a la relation remarquable :
i 1
A d- d~
R.Rg dsi^ds, p,2 p^2
De cette formule on peut déduire le très beau théorème de
Gauss, en vertu duquel : « la courbure intégrale d'un
triangle formé sur une surface continue quelconque par
trois lignes géodésiques est égale à la somme des angles
de ce triangle diminuée de deux angles droits. » A côté
de la courbure totale qui vient d'être définie, on doit aussi
considérer la courbure moyenne, égale à
Celle-ci présente une grande importance dans la théorie de
la capillarité. Les surfaces pour lesquelles la courbure
moyenne est constamment nulle sont les surfaces minima.
L'équation (8) montre qu'elles sont caractérisées par la
condition : ^gs — (4 + j9*)^ — (i + q^)r =: 0.
Pour avoir une idée complète de la courbure d'une sur-
face, il faut encore se rendre compte de la disposition des
normales. Soient M et M' deux points infiniment voisins.
La normale en M^ ne rencontre généralement pas la nor-
male en M ; elle forme avec le plan passant par cette der-
nière et par le point M^ un certain angle dont le rapport
à l'arc MM' est appelé la torsion géodésique : c'est, en
effet, la torsion d'une ligne géodésique passant par ces deux
points. La torsion géodésique est nulle quand MM' est une
direction principale ; elle est maxima lorsque MM' fait
un angle de 45*^ avec les directions principales. Pour
deux directions MM', MM" également inclinées sur une
même direction principale, les torsions géodésiques sont
égales et de signes contraires ; pour deux directions
perpendiculaires l'une à l'autre, les torsions sont égales
1
et de même signe. Si l'on appelle- la valeur commune des
torsions relatives à deux directions rectangulaires et
4 4
j~r , rjT? les courbures normales correspondantes, l'expres-
4 4
sion ^7n// — 7F2, ®st égale à la courbure totale. La plupart
de ces propositions sont dues à M. Bertrand. En outre,
Sturm a montré que toutes les normales infiniment voisines
de la normale en M peuvent être considérées comme s'ap-
puyant sur deux droites, parallèles aux directions princi-
■ pales, passant par les deux centres de courbure principaux.
Toutes les normales sont tangentes aux deux nappes d'une
surface appelée la surface des centres, et ces deux nappes
sont telles que, si on les regarde d'un point quelconque de
l'espace, leurs contours apparents se coupent toujours à
angle droit. L'existence de ces diverses propriétés montre
que des droites menées au hasard dans l'espace de manière
à le remplir, à former, en d'autres termes, une congruence
quelconque ne sont pas, en général, normales à une mèm^
surface.
Lignes de courbure. Les hgnes de courbure d'une
surface sont les lignes dont la tangente en chaque point
coïncide avec une direction principale de la surface. Il
existe deux séries continues de hgnes de courbure, tou-
jours réelles, se coupant partout à angle droit. Les nor-
males menées à la surface le long d'une ligne de courbure
forment une surface développable dont l'arête de rebrous-
sement est située sur la surface des centres. Les normales
à cette surface développable sont évidemment parallèles
aux droites d'intersection successive des plans tangents
menés à la surface donnée par les points de la hgne de
courbure. Si donc l'on écrit que les plans tangents menés
aux deux points (^, y,z) et {x-\-dx, y-\-dy, %-{-d%) se
coupent suivant une droite perpendiculaire au déplacement
{dx, dy^ dz), on obtient nécessairement l'équation diffé-
rentielle des hgnes de courbure qui est :
[_{i+p^)s-
- cf)r']dx dy
pqr'\dx'^-Jrl{i -hp'^)t— (4 -
^[{i-{-q^)s—pqt]dy^=zO
Quand deux surfaces ont une ligne de courbure com-
mune, elles se coupent le long de cette ligne sous un angle
constant ; réciproquement, si deux surfaces se coupent à
angle constant et si la ligne d'intersection est Hgne de
courbure pour l'une d'elles, elle est aussi ligne de cour-
bure pour l'autre. Ces propriétés résultent immédiatement
des formules d'Ohnde Rodrigues, lesquelles s'obtiennent en
écrivant que la normale au point {Xy ?/, z) fait avec les
axes des angles dont les cosinus sont a, b^ c et rencontre,
à une distance R de la surface, la normale au point
(x-i-dxy y-hdy, z+dz) de la même ligne de courbure.
-^=:--=rR. Quand trois familles de
db de
surfaces forment un système triplement orthogonal, elles
se coupent mutuellement suivant leurs lignes de courbure.
^, . . . . dx
Il vient amsi : -7-
da
— 109
COURBURE — COURCELLES
Cette dernière propriété constitue l'important théorème de
Dupin, h. Lecornu.
II. Technologie. — Il y a plusieurs procédés pour rendre
les bois courbes : on les place au-dessus d'un feu clair
et on les dispose sur un ou plusieurs supports de pierre
ou de bois, auxquels on donne une hauteur convenable pour
permettre une courbure plus ou moins forte ; on les amollit
à l'eau bouillante, puis on les porte sur des formes qui
doivent leur donner la courbure voulue ; l'amollissement
peut se faire dans une caisse en madriers dans laquelle on
introduit de la vapeur ; on enfouit les pièces sous un sable
chaud et mouillé placé dans une étuvc en maçonnerie, puis,
comme précédemment, on les porte sur des formes ou
moules, dont il ne faut les ôter que lorsque la dessiccation
est complète. L. Knab.
III. Chemin de fer. — Courbure des rails (V. Rail).
COURCAILLET. Le courcaillet ou appeau à cailles se
compose d'un petit sifflet en os ou en métal, muni d'une
bourse en peau, plate, fermée par un des bouts et remplie
de crin frisé, qui fait l'office de soufflet. Le sifflet porte
sur un de ses côtés un trou rond, aminci sur les bords ;
à son extrémité inférieure, il est fermé par un morceau
de liège, taillé de façon à laisser passer de l'air du côté du
trou latéral ; l'autre extrémité est bouchée complètement.
Pour se servir de cet appeau, le chasseur tient le sifflet
dans la main gauche, la bourse reposant sur la paume de
la main ; il frappe légèrement sur cette bourse avec le dos
du pouce et les deux premiers doigts de la main droite, en
ayant soin que les trois doigts ne frappent pas ensemble,
qu'ils produisent une sorte de chevrotement et que l'inter-
valle entre le premier et le second coup soit plus grand
qu'entre le second et le troisième. Le son ainsi obtenu
peut être représenté par tri^ tritri,
COURÇAIS. Corn, du dép. de l'Allier, arr. de Mont-
luçon, cant. de Huriel; 967 hab.
COURÇAY. Com. du dép. d'Indre-et-Loire, arr. de
Tours, cant. de Bléré ; 730 hab.
COURCEAUX. Com. du dép. de l'Yonne, arr. de Sens,
cant. de Sergines; 217 hab.
GOURCEBŒUFS. Com. du dép. de la Sarthe, arr. du
Mans, cant. de Ballon ; 902 hab.
COURCEL (Alphonse Chodron, baron de), diplomate
français, né le 30 juil. 1835. Licencié es lettres en Sor-
bonne et docteur en droit de l'université de Bonn, il entra
au ministère des affaires étrangères comme attaché à la
direction politique le 6 juin 1859, et a fait une carrière
régulière; directeur des affaires politiques et des archives
le 23 janv. 1880, il fut nommé ambassadeur à Berlin le
27 déc. 1881, et mis en disponibilité sur sa demande
le 8 sept. 1886.
COURCELETTE. Com. du dép. de la Somme, arr. de
Péronne, cant. d'Albert ; 320 hab.
COURCELLE. Com. du dép. du Doubs, arr. de Mont-
béliard, cant. de Saint-Hippolyte ; 77 hab.
COURCELLE-SENEmL (Jean-Gustave), économiste fran-
çais, né à Seneuil (Dordogne) le 22 déc. 1813. Quelque
temps négociant, il s'est consacré de bonne heure à l'étude
de l'économie politique et de la science financière. En févr.
1848, il a été directeur des domaines au ministère des
finances, et de 1853 à 1863, professeur d'économie poli-
tique à l'Institut national de Santiago (Chili). Il est con-
seiller d'Etat depuis 1879 et membre de l'Académie des
sciences morales et pohtiques depuis 1882. Il a collaboré
à de nombreux journaux et revues périodiques (National,
Réforme, Droit, Temps, etc.), au Dictionnaire poli-
tique de Pagnerre et au Dictionnaire de l'économie
politique. Parmi ses nombreux ouvrages, nous citerons :
le Crédit et la Banque (Paris, 1840, in-8) ; Traité
théorique et pratique des opérations de Banque (Paris,
1853, in-4; 4® éd.. 1864) ; Manuel des affaires (Paris,
1855, in-8; 4^ éd., 1883, in-8); Traité théorique et
pratique d économie politique (Paris, 1858-59, 2 vol.
in-H ; 2® éd., 1867) ; Etudes sur la science sociale
(Paris, 1862, in-8) ; la Banque libre (Paris, 1867, in-8) ;
Cours de comptabilité (Paris, 1867, 4 vol. in-12) ;
Liberté et Socialisme (Paris, 1868, in-8) ; Protection et
libre échange (Paris, 1879, in-8) ; Préparation à
V étude du droit (Paris, 1887, in-8). On lui doit enfin
des traductions françaises d'ouvrages de Stuart Mill,
Sumner Maine, Graham Sumner. L. S.
COURCELLES. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Sois-
sons, cant. de Braisne ; 346 hab. Village de l'ancien Sois-
sonnais, dans la vallée de la Vesle, bâti sur l'ancienne
chaussée romaine de Reims à Soissons. Il fut possédé,
dit-on, par saint Remy qui en consacra les revenus à l'en-
tretien de l'hôpital de Reims. Dans la suite, saint Rigobert
le donna aux chanoines de la même ville. Charles le
Chauve échangea les domaines qu'il possédait dans ce
village contre ceux de Confavreux. Il s'y trouvait un cal-
vaire construit en même temps que la chapelle voisine en
1365 qui faisait autrefois l'objet d'un pèlerinage très
fréquenté. On remarque près de là la Roche aux fées et à
Monthusart (dépendance) une grange du xin^ siècle.
Bhîl. : Bulletin de la Société archéologique de Soissons.
t. XXXII.
COURCELLES. Com. du dép. de l'Aube, arr. de Bar-
sur- Aube, cant. de Brienne-le-Ghâteau ; 60 hab.
COURCELLES. Com. du territoire de Belfort, cant. de
Belle ; 196 hab.
COURCELLES. Com. du dép. de la Charente-Infé-
rieure, arr. et cant. de Saint-Jean-d'Angely ; 410 hab.
COURCELLES. Com. du dép. du Doubs, arr. de Be-
sançon, cant. de (Juingey; 94 hab.
COURCELLES. Com. du dép. d'Indre-et-Loire, arr. de
Tours, cant. de Château-la- Vallière ; 680 hab.
COURCELLES. Com. du dép. du Loiret, arr. de Pi-
thiviers, cant. de Beaune-la-Rolande ; 481 hab.
COURCELLES. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle,
arr. de Toul, cant. de Colombey-les-Belles ; 266 hab.
COURCELLES. Com. du dép. de la Nièvre, arr. de
Clamecy, cant. de Varzy ; 744 hab.
COURCELLES. Com. du dép. de la Sarthe, arr. de La
Flèche, cant. de Malicorne ; 732 hab.
COURCELLES. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr.
de Fontainebleau, cant. de Montereau; 178 hab.
COURCELLES. Com. belge du Hainaut, arr. de Char-
leroi, sur le Piéton, aftlucnt de la Sambrc; 12,500 hab.
Charbonnages importants.
COURCELLES-Aux-Bois. Com. du dép. de la Meuse,
arr. de Commercy, cant. de Pierrefitte; 103 hab.
COURCELLES-Aux-Bois. Com. du dép. de la Somme,
arr. de Doullens, cant. d'Acheux; 143 hab.
COURCELLES -EN -Montagne. Com. du dép. de la
Haute-Marne, arr. et cant. de Langres ; 296 hab.
COURCELLES-Epayelles. Com. du dép. de l'Oise,
arr. de Clermont, cant. de Maignelay; 216 hab.
COURCELLES-Frémoy. Com. du dép. de la Côte-d'Or,
arr. et cant. deSemur; 411 hab.
COURCELLES-le-Comte. Com. du dép. du Pas-de-
Calais, arr. d'Arras, cant. de Croisiîles ; 680 hab.
COURCELLES-LÈs-GisoRS (Corticella). Com. du dép.
de l'Oise, arr. de Beauvais, cant. de Chaumont ; 604 hab.
La forteresse de Courcelles, poste frontière entre la France
et la Normandie, fut assiégée et prise par Richard Cœur
de Lion le 27 sept. 1198 et le lendemain 28, il battit dans
la plaine voisine Philippe-Auguste, accouru de Mantes au
secours de la place. Il reste encore une entrée flanquée de
deux tourelles du manoir seigneurial dont le parc avait
été, au xvn® siècle, dessiné par Le Nôtre, originaire de
Courcelles. La nef, la tour et le latéral gauche de l'église
sont du xn^ siècle, le reste du xvi®. Au hameau de Beaus-
seré se voient les ruines d'un vieux château fort appelé le*
Sancourt. Autres hameaux : Inval, Meauriaumont , etc.
Fabrique de dominos et de dés à jouer. C. St-A.
COURCELLES
dio
COURCELLES-lès-Lens. Corn, du dép. du Pas-de-Ca-
lais, arr. de Béthune, cant. de Carvin; i,472 hab.
COURCELLES-LÈs-MoNTBÉLiÂRD. Corn, du dép. du
Doubs, aiT.de Montbéliard,cant. d'Audincourt; 378 hab.
COURCELLES-LÈs-RosNAY.Com. du dép. de la Marne,
arr. de Reims, cant. de Ville-en-Tardenois ; lOo hab.
COURCELLES-lès-Semur. Corn, du dép. de la Côte-
d'Or, arr. et cant. de Seniur; 300 hab.
COURCELLES-sous-Châtenois. Corn, du dép. des
Vosges, arr. de Neufchâteau,cant. deChâtenois; 149 hab.
COURGELLES-sous-Grignon. Corn, du dép. de la Côte-
d'Or, arr. de Semur, cant. de Montbard; 445 hab.
COURCELLES-sous-Moyencourt. Com. du dép. de la
Somme, arr. d'Amiens, cant, de Poix; 217 hab.
COURCELLES-sous-Thoix. Com. du dép. de la Somme,
arr. d'Amiens, cant. de Conty; 153 hab.
COURCELLES-suR-AiRE. Com. du dép. de la Meuse,
arr. de Bar-le-Duc, cant. de Vaubecourt; 187 hab.
COURCELLES-suR-AujoN. Com. du dép. de la Haute-
Marne, arr. de Langres, cant. d'Auberiye; 173 hab.
COURCELLES-sur-Blaise. Com. du dép. de la Haute-
Marne, arr. de Wassy, cant. de Doulevant; 232 hab.
COURGELLES-sur-Nied {Corihm, 1161). Com. de la
Lorraine allemande, arr. {Landkreis) de Metz, cant. de
Pange, sur la Nied française et le chemin de fer de Metz à
Sarrebourg, avec embranchement sur Teterchen ; 253 hab.
Faisait autrefois partie de la province des Trois-Evêchés.
Tuileries. — C'est près de ce village qu'eut lieu la
bataille du 14 août 1870, qui porte le nom de bataille de
Borny (V. ce nom), mais que les Allemands appellent de
préférence bataille de Golombey ou de Courcelles. — A
8 kil. au N.-E. se trouve un autre village de même nom,
qui était également occupé par les troupes allemandes au
début de cette bataille : Courcelles-Chaussy (Chaucey^
1206 ; en allemand, Kurzeï) ; 1,122 hab., également du
cant. de Pange et sur l'embranchement de Courcelles-sur-
Nied à Teterchen, qui possède une filature de laine, une
taillanderie, une brasserie, un moulin important et des car-
rières et qui, autrefois, était compris dans la province des
Trois-Evêchés. — A 2 kil. au S.-O. de Courcelles-Chaussy,
le château d'Urville (Eurville^^ 1404), construit au
XVI® siècle, habité jadis par les sires de Raville et acquis
en 1 890 par Guillaume II, empereur d'Allemagne. L. W.
COURGELLES-suR-SEiNE.Com. du dép. de l'Eure, arr.
et cant. des Andelys ; 257 hab.
00 URC EL LES-SUR- ViosNE. Com. du dép. de Seine-et-
Oise,arr. de Pontoise, cant. de Marines; 154 hab.
COURCELLES-Val-d'Esnoms. Com. du dép. de la
Haute-Marne, arr. de Langres, cant, de Prauthoy;
361 hab.
COURGELLES (Thomas de), théologien catholique fran-
çais, né en 1400, mort le 23 oct. 1469. Il a été recteur
de l'université de Paris et proviseur de la Sorbonne ; au
concile de Bâle et dans d'autres assemblées, il a toujours
défendu les libertés de l'Eglise gallicane ; mais il appar-
tient à l'histoire par sa participation au procès de Jeanne
d'Arc, où il se montra l'un des adversaires les plus inexo-
rables de la Pucelle. On a pu dire qu'il fut la main et la
bouche de Pierre Cauchon.
COURCELLES (Pierre de), littérateur français du
xvi^ siècle, né à Candes (Touraine). Parmi ses ouvrages,
devenus très rares, nous citerons : la Rhétorique (Paris,
1557, in-4); le Cantique des Cantiques de Salomon
mis en vers, ensemble les Lamentations de Jérémie
(Paris, 1564, in-16), avec les airs notés.
COURCELLES (Etienne de), en latin Curcellœus, théo-
logien protestant, né en 1586 de parents réfugiés à Genève,
mort à Amsterdam en 1659. Il était pasteur à Amiens
quand le synode d'Alais (1620) imposa aux ministres de
France les décisions du synode de Dordrecht (V. ce mot)
et déchaîna ainsi en France les querelles au sujet de la
prédestination. Courcelles fut parmi les théologiens qui
protestèrent au synode provincial de Charenton (1622)
contre cette mesure. Lorsque, Tannée suivante, ce synode
se rétracta, Courcelles persista et fut déposé. Peu après, il
demanda, sans qu'il soit possible de découvrir les mobiles
de cette variation, à être réadmis, mais pour quitter bien-
tôt la France et se réfugier en Hollande, où les adversaires
du synode de Dordrecht étaient tolérés (V. Arminianisme).
En 1643, il succéda à Episcopius comme professeur de
théologie au collège arminien fondé dès 1637 à Amster-
dam. Ses ouvrages, presque tous de circonstance et de
polémique, sont énumérés par Haag dans la France pro^
testante ( vol. IV, p. 86 et 87). Le plus important est une
édition du Nouveau Testament grec avec un grand choix de
variantes (Amsterdam, 1658, 2 vol. in-12), réimprimé
trois fois jusqu'en 1699. F.-H. K.
COURCELLES (Marie Sidonia de Lenoncourt, marquise
de), née en 1650, morte à Paris en déc. 1685. Fille de
Joachim de Lenoncourt, marquis de Marolles, lieutenant
général, gouverneur de Thionville et d'Isabelle-Claire-
Eugénie de Cronemberg, elle fut élevée par sa tante Marie
de Lenoncourt, abbesse de Saint-Loup à Orléans. Attirée à
Paris par Colbert qui la voulait marier à son frère Maule-
vrier, elle s'attacha à la princesse de Carignan et habita
avec elle l'hôtel de Soissons où la galanterie faisait fureur.
xAprès avoir repoussé successivement l'alliance de Maule-
vrier et de Villeroy, Marie-Sidonia épousa, vers 1666,
Charles de Champlais, marquis de Courcelles. Cette union
fut malheureuse. La jeune marquise eut à subir les bruta-
lités de son mari et ses fréquentes exigences d'argent. De
son côté, elle eut des intrigues peu voilées avec le marquis
de Villeroy, avec Louvois, avec le duc d'Elbeuf, le duc de
Bouillon, et bien d'autres personnages de marque, si bien
que les chansonniers satiriques lui avaient infligé comme
devise le Soleil : « Je ne m'arrête point et tourne comme
lui. » Le scandale devint tel que Louvois, par ordre du roi,
fit enfermer Sidonia dans le couvent des filles Sainte-Marie
de la rue Saint-Antoine, puis à Chelles. Après deux ans de
réclusion, elle se réconcilia un moment avec son mari qui,
à la suite de nouvelles aventures avec M. de Cavoy, l'exila
à son château de Courcelles dans le Maine. Elle y eut un
enfant de Jacques Rostaing, page de l'évêque de Chartres.
Courcelles déposa une plainte en adultère (3 avr. 1669).
Le 7 sept, elle était condamnée par le lieutenant criminel
de Château-du-Loir à être recluse en l'abbaye de BonHeu,
pendant deux ans à l'expiration desquels son mari pourrait
la reprendre, sinon, elle y devait vivre le reste de ses
jours. Ses biens étaient adjugés au marquis. Grâce à l'in-
tervention de M. de Rohan, Sidonia put s'évader du Petit
Châtelet où on l'avait enfermée et passa en Luxembourg.
Le 20 févr. 1672, elle revenait à Paris et se constituait
prisonnière à la Conciergerie. La procédure fut reprise. Elle
s'évada de nouveau le 29 févr. 1673. Cette fois elle passa
en Angleterre. Le 17 juin, le parlement prononçait un
arrêté modifiant la première sentence. Sidonia était con-
damnée à la même réclusion, mais sa fortune considérable
n'était plus remise à son mari; elle devait lui payer
100,000 livres de dommages-intérêts. La marquise vint à
Paris rejoindre un nouvel amant, François Brûlart du
Boulay, qui la conduisit à Genève. Son mari étant mort en
1678, elle revint aussitôt à Paris. Mais son beau-frère,
Camille de Champlais, chevalier de Courcelles, lui intenta
un procès qui aboutit à un arrêt du parlement (5 janv.
1680), la condamnant à 60,000 livres de dommages-inté-
rêts envers le chevalier de Courcelles, 2,000 livres d'au-
mônes, 500 livres d'amende et les frais. Bien entendu, elle
avait été encore incarcérée durant la procédure. Elle ter-
mina sa vie agitée en épousant un capitaine de dragons
nommé Dutilleul. Elle a laissé des lettres et d'agréables
mémoires publiés par Chardon de la Rochette sous le titre
de Vie de la marquise de Courcelles^ écrite en partie
par elle-même (Paris, 1808, in-12) ; Paul Pougin en a
donné une nouvelle édition : Mémoires et correspondance
de la marquise de Courcelles (Paris, 1854, in-18), dans
la Bibliothèque elzéuirienne, et V Académie des bîblio-
Ui -
COURCELLES — GOURCY
philes en a publié une troisième augmentée de divers
documents inédits : Mémoires de la marquise de Cour-
celles (Paris, 1869, in-8). R. S.
BiBL.: V. les notices placées en tête des éditions ci-
dessus. — Walckenaer, Mémoires sur Madame de
Sévigné; Paris, 1848, 4 vol. in-8. — Sainte-Beuve, Cau-
series du lundi; Paris, 1857, 1. 1.
COURCELLES (Jean-Baptiste-Pierre Jullien, dit le che-
valier de), généalogiste et biographe français, né à Orléans
le 14 sept. 1759, mort à Saint-Brieuc le 24 juil. 1834.
D'abord notaire, il acheta le cabinet héraldique de Saint-
Allais et continua son Nobiliaire universel de France ;
les t. XVn et XVïïl sont entièrement de lui. Ses autres
principaux ouvrages sont : Armoriai de la Chambre des
pairs (Paris, 1822, in-4) ; Dictionnaire universel de
la noblesse de France (Paris, 1820-1822, 5 vol. in-8);
Histoire généalogique et héraldique des pairs de
France et des maisons princières de V Europe (1822-
1833, 12 vol. in-4) ; Notices historiques et généalogiques
sur les maisons souveraines (Paris, 1828, gr. in-4).
On lui doit encore un Dictionnaire des généraux fran-
çais, depuis le xi^ siècle (Paris, 1820-1823, 9 vol,
in-8). H. GouRBON de Genouillâc.
COURCEMAIN. Com. du dép, delà Marne, arr. d'Eper-
nay, cant. de Fère-Champenoise ; 239 hab.
COURCEWIONT. Com. du dép. de la Sarthe, arr. du
Mans, cant. de Ballon; 1,328 hab.
COURCERÂC. Com. du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. de Saint- Jean-d'Angély, cant. de Matha ; 457 hab.
COURCERÂULT. Com. du dép. dePOrne, arr. de Mor-
tagne, cant. de Noce ; 550 hab.
COURCEROY. Com. du dép. de l'Aube, arr. et cant. de
Nogent-sur-Seine ; 248 hab.
COURCHAMP. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Dijon, cant. de Fontaine-Française; i05 hab.
COURCHAMPS. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Châ-
teau-Thierry, cant. de Neuilly-Saint-Front ; 123 hab.
COURCHAMPS. Com. du dép. de Maine-et-Loire, arr.
de Saumur, cant. de Montreuil-Bellay ; 383 hab.
COURCHAMPS. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr.
de Provins, cant. de Villiers-Saint-Georges ; 188 hab.
COURCHAPON. Com. du dép. du Doubs, aiT. de Be-
sançon, cant. d'Audeux ; 193 hab.
COURCHATON {Curtis Catonis). Com. du dép. de la
Haute-Saône, arr. de Lure, cant. de Villersexel; 747 hab.
Carrières. Tuilerie. Ruines d'un château féodal. La sei-
gneurie fut, au commencement du xm^ siècle, démembrée
du comté de Montbéliard pour Richard, fils de Richard de
Montfaucon, comte de Montbéliard, et d'Agnès de Bourgogne.
Avec Thierry, sire de Montfort et d'Antigny, fils aîné de
Richard II, la terre rentra, à la fin du xni® siècle, dans la
mouvance du comté ; elle passa ensuite à Simon de Sainte-
Croix, à Philippe de Vienne, à Edouard de Saint-Dizier,
puis aux de Bauffremont, aux d'Achey, et enfin (1 756) à
Jeannot, conseiller au parlement de Besançon. L-x.
COURCHELETTES. Com. du dép. du Nord, arr. et
cant. (0.) de Douai; 348 hab.
COURCHONS. Com. du dép. des Basses-Alpes, arr. de
Castellane, cant. de Saint- André ; 88 hab.
COURCI (John de), mort probablement en 1219. Soldat
de fortune dont l'histoire héroïque tient de la légende.
Giraldus Cambrensis, dans son Expugnatio Hiberniœ,
dit que Jean de Courci fut envoyé en 1176 par Henri II
en Irlande et qu'il y conquit, avec quelques compagnons,
le royaume d'Ulster, en accomplissement des prophéties
de Merlin. Il bâtit, suivant la coutume des conquérants
normands, des châteaux dans le pays conquis (Down,
Antrim) où ses soldats devinrent barons et furent ses
vassaux. Il épousa en 1180 la fille du roi de Man. En
1204, Hiigh de Lacy, agissant au nom du roi d'Angleterre,
vainquit et captura ce parvenu. A. partir de 1210, il
paraît être devenu l'un des favoris du roi Jean qui l'em-
mena avec lui dans plusieurs voyages en Irlande. Henri III,
au début de son règne, en parle comme de l'un de ses
«fidèles ». Peu de personnages du moyen âge ont été plus
défigurés que celui-ci par l'nnagination de la postérité.
and .
VIII.
Londres, 1887, XII, 380.
COURCIER (Pierre), jésuite et mathématicien français,
né à Troyes en 1604, mort à Auxerre le 5 mai 4692.
Entré en 1642 au collège de Pont-à-Mousson, il y pro-
fessa la théologie, puis les mathématiques, passa au collège
de Nancy comme recteur, puis à Dijon, et fut nommé en
1670 provincial pour la Champagne. On a de lui : Astro-
nojnia practica, sive motuum cœlestium praxes per
astrolabia quœdam, quibus siderum loca, motus,
defectus, cito et facile pro quolibet tempore in perpe-
tuum cognoscuntur (Nancy, 1653); Negotium sœculo-
rum Maria, sive rermn ad matrem Dei spectantium
chronologica epitome, ab anno mundi primo ad aii-
num christi 1660 (Dijon, 1662); Opusculum de sec-
tione super flciei sphœricce per superficiem sphœricam,
cylindricam, conicam; item supe?" flciei cylindricce
per superficiem cylindricam atque conicam ; denique
superficiei conicce per superficiem conicam (Dijon ,
1662); Supplementum sphœrometricœ, sive triangu-
larium el aliarum in sphœra figurarum quoad areas
mensuratio (Pont-à-Mousson, 1675).
COURCILLON (Louis de), abbé de Dângeau (V. Dan-
GEAU).
COURGITÉ. Com. du dép. de la Mayenne, arr. de
Mayenne, cant. de Villaines-la-Juhel ; 1,975 hab.
COURCI VAL. Com. du dép. de la Sarthe, arr. de Ma-
mers, cant. de Bonnétable ; 290 hab.
COURCOME. Com. du dép. de la Charente, arr. de
Rufi'ec, cant. de Villefagnan, sur le ruisseau de Moussac ;
861 hab. Eglise (mon. hist.) des x^, xii^ et xv^ siècles.
COUR'ÇON-d'Aunis. Ch.-l. de cant. du dép. delà Cha-
rente-Inférieure, arr. de La Rochelle ; 1 ,249 hab. Dans
l'église, belle copie de la Sainte Famille de Raphaël.
COURCOUÉ. Com. du dép. d'Indre-et-Loire, arr. de
Chinon, cant. de Richeheu ; 422 hab.
COURCOURONNES. Com. du dép. de Seine-et-Oise,
arr. et cant. de Corbeil; 202 hab.
COURCOURY. Com. du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. et cant. (S.) de Saintes; 751 hab.
COURCUIRE. Com. du dép. de la Haute-Saône, arr.
deGray, cant. de Marnay; 212 hab.
COURCY. Com. du dép. du Calvados, arr. de Falaise,
cant. de Morteaux-Coulibœuf, sur un affluent de la Dives ;
233 hab. EgHse dont le choeur est du xii*^ siècle et la
nef du xvin®. Elle a conservé une crédence du xm*^ siècle
et une stalle seigneuriale de la Renaissance ; une chaîne
en fer, près de l'autel de Saint-Léonard, passe pour avoir
la vertu de guérir du rachitisme. Ruines de l'ancien châ-
teau féodal entouré de fossés ; porte du xiii^ siècle ; cha-
pelle en partie romane ; vestiges des deux enceintes.
COURCY. Com. du dép. de la Manche, arr. et cant. de
Coutances ; 808 hab.
COURCY. Com. du dép. de la Marne, arr. de Reims,
cant. de Bourgogne; 850 hab.
COURCY-Aux-LoGES. Com. du dép. du Loiret, arr.
et cant. de Pithiviers; 460 hab.
COURCY (Jean de), écrivain français, né à Falaise vers
1350, mort à Caudebcc le 30 oct. 1 431 j II était seigneur de
Bourg-Achard, près de Pont-Audemer, localité appelée ordi-
nairement au moyen âge Bouc-Achard. On a de lui une vaste
compilation d'histoire ancienne, composée de 1416 à 1422
et à laquelle, du nom de la seigneurie de Bourg-Achard,
on donna le titre de la Boucachardière ou Bouquechar-^
dière. Cette compilation, où l'auteur montre des sentiments
élevés et une conception de l'histoire plus intelligente que
celle de ces devanciers, paraît avoir eu du succès, à en juger
par le nombre assez considérable de manuscrits qui nous
en sont parvenus. Mais ce succès ne dépassa guère le milieu
COURCY — COURET
— 4d2 —
du XV® siècle, car elle n'eut pas les honneurs de l'impres-
sion. Outre IdiBouquechardière, on a de Jean de Courcy un
poème allégorique médiocre intitulé le Chemin de Vail-
lance, qu'd composa de 4424 à 1426 : on n'en possède
qu'un seul manuscrit exécuté avec luxe pour la bibliothèque
d'Edouard IV, roi d'Angleterre. A. Thomas.
BiBL. : P. Paris, Manitscints français de la Bibliothèque
royale^ t. I, pp. 74 et suiv., et t. II, p. 332. —P. Meyer,
Alexandre le Grande %. II, p. 347.
COURCY (Pol-Louis Potier de), archéologue et généa-
logiste français contemporain, né à Landerneau (Finistère)
le 26 janv. 1815. Il est auteur d'un grand nombre de
mémoires et de volumes historiques, archéologiques et
héraldiques, la plupart relatifs à la Bretagne. Dans les deux
premières catégories, les principaux sont : Notice sur la
ville de Saint-Pol-de-Léon (Brest, 1841, in-8) et celle
sur la ville de Laiiderneau (1842) ; Monographie de la
cathédrale de Léon (1843) et de celle de Tréguier
(Rennes, 185J); les Itinéraires De Saint-Pol à Brest
(Nantes, 1859), De Nantes à Brest, etc. (Paris, 1863-
1865), De Rennes à Brest et à Saint-Malo (1864) ; la
Bretagne contemporaine, Finistère (Nantes, 1865,
in-fol.) ; le Combat de trente Bretons contre trente
Anglais (Saint-Pol-de-Léon, 4857, in-4). Parmi ses nom-
breux travaux héraldiques et généalogiques, nous signale-
rons: Nobiliaire de Bretagne (1846, in-4) ; Origine et
formation des noms de famille en Bretagne (Rennes,
1852, in-8) ; Dictionnaire héraldique de Bretagne
(Saint-Brieuc, 1855, in-8) ; Nobiliaire et Armoriai de
Bretagne (Nantes, 1862, 3 vol. in-4) ; Armoriai et
Nobiliaire de Vévêché de Saint-Pol-de-Léon en i443,
par le marquis de Refuge, 2® édit, annotée (Paris, 1863,
in-12) ; et surtout sa colossale continuation de V Histoire
de la maison royale de France, des pairs et grands
officiers de la couronne, et de l'ordre du Saint-Esprit,
du P. Anselme et autres (Paris, 1884-1890, 2 vol. gr.
in-4). Tous ces ouvrages jouissent d'une grande autorité en
raison de leur caractère sérieux, exempt de toute faiblesse
ou complaisance. G. P-i.
COURCY (Alfred-François Potier de), économiste fran-
çais, né à Brest en 1816, mort au château de Bois-Corbon,
près Montmorency, le \ 8 oct. 1888, frère du précédent. Il fut
un des administrateurs de la compagnie d'Assurances géné-
rales. Après avoir traduit de l'anglais la Théorie des annui-
tés viagères de Francis Baily (Paris, 1836, 2 vol. in-8),
il a donné un grand nombre de traités financiers et écono-
miques intéressants, comme : les Assurances sur la vie
en Angleterre et en France (Paris, 1861, in-8) : Essai
sur les lois du hasard (4862, in-12) ; D'une Béforme
internationale du droit maritime (1863, in-12); les
Sociétés anonymes (1869, in-12); Précis de l'assurance
sur la vie (1870, in-12); les Caisses de prévoyance des
employés et des ouvriers et les pensions de l'Etat
(1872, in-12); l'Institution des caisses de prévoyance
des fonctionnaires, employés et ouvriers (1876, in-12) ;
Questions de droit maritime (1877-1886, 4 vol. in-8) ;
les Sociétés étrangères d'assurances sur la vie (1883,
in-8), etc. Il a aussi écrit des ouvrages Httéraires :
Esquisses (1854, in-12) ; VHonneur (1858, in-12); un
Nom (1860, in-12); Proverbes de salon (1876, in-12) ;
le Roman cac/i^ (1881, in-12); Trop tard (iSS^in-i^);
Château à vendre (1882, in-12) ; le Bois de la Boulaye
(1883, in-12), etc.
COURCY (Philippe-Marie- Henri Roussel, comte de),
général français, né à Orléans le 30 mai 1827, mort à
Paris le 9 nov. 1887. Sorti de Saint-Cyr le l^*- oct. 1846,
il a été nommé capitaine au 15^ bataillon de chasseurs le
29 dcc. 1853, a tait la campagne d'Italie et est rentré dans
l'infanterie de ligne comme chef de bataillon le 25 mai
1860. Au commencement de la campagne de 1870, il était
depuis quatre ans colonel du 90® de ligne. Promu général
de brigade à Metz le 15 sept. 1870, il reçut le comman-
dement de la 1**^ brigade ,de la 1^® division du 3® corps
et à sa rentrée de captivité il fut placé à la tête des troupes
réunies à Cambrai, qui constituèrent à partir du 29 mars
1871 la 1^® brigade de la 1''® division du 5^ corps de
l'armée de Versailles. Bien qu'il sortît de l'infanterie, le
général de Courcy a commandé en 1874 l'artillerie du
11^ corps. En 1877, il a suivi comme attaché militaire
l'armée russe du Danube. Depuis cette époque il a com-
mandé successivement la 11®, la 15®, la 2®, puis de nouveau
la 11® division. Gouverneur de Toul-Nancy et inspecteur
de la défense des places du 6® groupe le 12 mars 1881, il
a pris le 4 juil. suivant le commandement du 6® corps et
le 20 août 1883 celui du 10® corps. C'est là qu'il se trou-
vait, lorsque le 14 avr. 1885 il a été placé à la tête du
corps expéditionnaire du Tonkin et de VAnnam (V. ces
mots). Il en a conservé le commandement jusqu'à la fin de
1885, époque à laquelle il a été mis en disponibihté.
COURDAVEAUX (Pierre -Charles -Victor) , professeur
français, né à Paris le 12 avr. 1821. Elève de l'Ecole
normale supérieure (promotion de 1840), il fut professeur
de philosophie, puis professeur de littérature étrangère à
Besançon, professeur de littérature ancienne à Douai, et
enfin professeur de langue et de littérature grecques à la
Faculté des lettres de Lille. Collaborateur de la Grande
Encyclopédie, de la Nouvelle Revue, de la Revue philo-
sophique, de la Révolution française et autres pério-
diques, M. Courdaveaux a donné un grand nombre d'ou-
vrages parmi lesquels nous citerons : ses thèses de doctorat,
De Fimmortalité de Vâme dans le stoïcisme, Etude
sur le De Regimine principum de Gilles de Rome ; la
Philosophie grecque mise à la portée de tous et éclaircie
par le christianisme (Troyes, 1855, in-12); Etude sur
Simart (Troyes, 1860, in-8) ; Du Beau dans la nature
et dans l'art (1860, in-8) ; Caractères et talents, études
sur la littérature ancienne et moderne (Paris, 1867,
in-8) ; Eschyle, Xénophon et Virgile. Etudes philoso-
phiques et littéraires (1872, in-8) ; Etudes sur le Co-
mique. Le Rire dans la vie et dans rart{iSl^, in-12) ;
Sur quoi reposent les prétentions politiques de l'Eglise
(1885, in-16); Saint Paul d'après la libre critique en
France (1886, in-8), etc. Conseiller municipal de Douai,
il s'est opposé de toutes ses forces à la translation des Fa-
cullés de cette ville à Lille, en 1888.
COURDEMANCHE. Corn, du dép. de l'Eure, arr.
d'Evreux, cant. de Nonancourt; 344 hab.
COURDEMANCHE. Corn, du dép. de la Sarthe, arr. de
Saint-Calais, cant. de Grand-Lucé; 1,323 hab.
COURDEMANGES. Com. du dép. de la Marne, arr. et
cant. de Vitrv-le-François ; 282 hab.
COU RDI MANCHE. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr.
et cant. de Pontoise ; 440 hab.
COURDIMANCHE-suR-EssoNNES. Com. du dép. de Seine-
et-Oise, arr. d'Etampes, cant. de Milly; 124 hab.
COURDOUAN (Vincent -Joseph -François), paysagiste
français, né à Toulon le 6 mars 1810. Après avoir été à
Paris l'élève de Guérin, il exposa des paysages qui furent
très remarqués au Salon de 1835. De ses nombreuses
excursions en Algérie et sur les bords de la Méditerranée
il rapporta des études pour les tableaux qu'il envoyait assez
régulièrement à nos expositions annuelles. Les plus connus
sont deux Paysages des îles d'Hyères en 1874, un Cou-
cher de soleil après l'orage (côtes de Provence) en 1875,
la Baie de la Ciotat (1877); la Chasse au Ramier et
un Soir à Hyères (1878) ; l'artiste s'y montre un très
fidèle interprète de la nature du Midi dont il a reproduit
avec succès la lumière et les divers aspects. Il a obtenu la
médaille de 3® classe en 1838 et 1844, la médaille de
2® classe .en 1849 et a été fait chevalier de la Légion
d'honneur en 1852. Il est professeur à l'Ecole navale de
Toulon.
COURET. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr. de
Saint-Gaudens, cant. d'Aspet ; 338 hab.
COURET (Du) (V. Abd-ul-Hamid Bey).
COURET DE Villeneuve (Martin), imprimeur et litté-
— us —
COURET — COUREUR
rateur français, né à Orléans le 25 mai 47i9, mort dans
la même ville le 21 oct. 4780. Typographe distingué, il a
donné deux jolies éditions classiques d'Horace (4767, in-
42) et de Phèdre (4773, in-24). Il a rédigé ou dirigé les
Affiches orléanaises^ continuées par son fils, publié une
Ecole des francs-maçons (Jérusalem [Orléans], 4748,
in-8), et avec Bérenger (V. ce nom), le Trésor du Par-
nasse ou le Plus Joli des Recueils (4766-4772, 6 vol.
in-42). M. Tx.
COURET DE Villeneuve (Louis-Pierre), fils du précé-
dent, typographe et littérateur français, né à Orléans le
29 juin 4749, mort à Gand le 26 janv. 4806. Comme
imprimeur, on lui doit d'élégantes éditions des Lyriques
sacrés (4774, in-42), des Poètes italiens (24 vol. in-8),
avec des notes et des préfaces rédigées par lui ; un Recueil
de voyages en vers et en prose (1783-4789, 9 vol.
in-42), etc. Rédacteur des Affiches orléanaises (4774-
4790) et du Publiciste véridique et impartial, il fut
nommé, après la conquête de la Belgique, professeur de
grammaire générale à l'Ecole centrale de Gand, et se noya
par accident dans la Lys. L.-P. Couret de Villeneuve a
publié entre autres travaux personnels : Prodromus florœ
aurelianensis (4784, in-8); Mes Matinées d'été ou
Opuscules en vers et en prose (Orléans, 4789, in-42) ;
Mémoires sur les inondations de la Loire (i789, in-8);
Lettre à Sicard sur les écoles primaires (4797, in-8);
Eloge de Kléber (4800, in-8); Discours sur la prise de
la Bastille (Gand, 4801, in-8) ; Programme d'un cours
de grammaire générale {iSÙi^ in-4); puis des recueils
instructifs et amusants : l'Ami de V enfance et de la jeu-
nesse (4798, in-4 6, souvent réimprimé); le Nouvel
Eraste ou Développement instructif de la jeunesse et
de V enfance (1799, in-42), etc., et diverses traductions
de l'italien. M. Tx.
COUREUR. I. Généralités. — La course est une
allure plus naturelle à l'homme que l'on ne croirait. Il
s'y entraîne avec la plus grande facdité (pour les principes,
le mécanisme et les eifets physiologiques, V. Course). De
tout temps, la course a été en faveur. Au sein des civilisa-
tions rudimentaires, y exceller soit en vue de la chasse,
soit en vue de la guerre est d'une nécessité impérieuse.
En Grèce, c'était sur une course à pied que la clôture
des jeux Olympiques était prononcée (V. Course et Jeu).
Les meilleurs coureurs étaient généralement originaires de
la Crète, de la Messénie, de la Laconie ou de Crotone. Entre
les plus illustres il faut citer Hermogène (de Xanthe) qui
remporta huit victoires en trois Olympiades, et reçut, en
raison de sa vitesse, le surnom de cheval ; Lasthène, le
Thébain qui battit un coursier de première valeur dans le
trajet de Coronée à Thèbes ; Polymnestor de Milet qui forçait
un lièvre à la course ; Philonide, le coureur d'Alexandre le
Grand, qui parcourut en neuf heures la distance de Sicyone
à Elis (plus de 420 kil.). Plus d'un mourut victime du
patriotique abus qu'il fit sous ce rapport de ses forces : au
premier rang, ce soldat qui tomba mort aux pieds des
magistrats d'Athènes en leur annonçant la victoire de
Marathon, et cet Euchidas de Platée, qui s'en fut à Delphes
chercher le feu nécessaire pour remplacer dans les sacri-
fices celui que les Perses avaient souillé et, en un seul
jour, parcourut un espace de 4,500 stades (plus de
200 kil.). A Rome, l'exercice de la course n'était pas en
moins grand honneur qu'à Athènes. Pline mentionne l'éten-
due considérable des étapes que les coureurs de son temps
étaient en état de fournir (V. Messagerie, Poste), ainsi
que les courses dans lesquelles l'adresse de l'athlète allait
jusqu'à porter, tout en courant et sans l'éteindre, un flam-
beau. A Rome, de même qu'à Athènes, il était pour les
coureurs une coutume : celle de provoquer l'atrophie de la
rate soit par l'ingestion de certaines préparations pharma-
ceutiques, soit au mo^en de certaines opérations chirurgi-
cales; par des cautérisations répétées, notamment, et même
l'extirpation. En Turquie, la profession de coureur, de
peich^ fut durant des siècles très répandue. Ceux qui s'y
grande encyclopédie. — XIII.
adonnaient étaient, pour la plupart, originaires de la
Perse. Le sultan n'entretenait pas moins de quatre-vingts
à cent coureurs dans ses palais. Ils allaient, sautant et
cabriolant devant lui et parfois se retournaient, continuant
Peich ou coureur du Grand Turc
Coureurs romains porteurs de flambeaux.
de courir à reculons en dodelinant de la tête et criant :
« Allah Deicherein ! Dieu maintienne le seigneur en puis-
sance et prospérité î » Toujours pieds nus, ils portaient aux
jarretières et à la ceinture des clochettes et des grelots, et
faisaient, dit-on, ferrer leurs pieds calleux de fers très
légers afin de mieux établir la ressemblance de leur vitesse
à celle du cheval. Plus
tard, vers le xvi® et le
xvii^ siècle, la muni-
ficence du Grand Turc
leur valut un élégant
costume composé d'une
tunique à l'albanaise
de damas ou de satin
aux riches couleurs,
d'une large ceinture
de soie brodée d'or à
laquelle pendait un poi-
gnard artistement ou-
vré, de chausses très
longues figurant assez
exactement des bottes,
et d'un bonnet très
haut, scuff, en argent
battu constellé de pier-
reries et surmonté d'un long panache de plumes d'au-
truche. D'une agilité et d'une force de résistance extraor-
dinaires, les peichs, selon Théodore Cantacuzène, fran-
chissaient en vingt-quatre heures la distance qui sépare
Constantinople d'Andrinople, c.-à-d. 160 kil.
En France, durant le moyen âge, les messagers qui rem-
plissaient en cou-
rant l'office de
la poste venaient
presque tous du
pays basque se
mettre à la dis-
position des
grands seigneurs.
« Grandgousier,
dit Rabelais, dé-
pêche le basque
son laquais pour
quérir Gargan-
tua » ; ce qui dé-
note au temps de
François P^ une
coutume très gé-
nérale. Laquais
et basque étaient
même devenus
avant 4789 deux
désignations à peu près synonymes; si bien qu'avant la Révo-
lution, courir pour le compte de son maître était la princi-
Coureur de l'aristocratie anglaise.
COUREUR — COURGE
— 144 —
pale attribution du laquais. En Angleterre, les coureurs de
profession étaient particulièrement recherchés de la no-
blesse. Ces running foobmen (laquais coureurs) portaient
un costume traditionnel : casaque de jockey, culotte de
toile blanche, toque de soie ou de velours. Ils étaient
munis d'une longue canne surmontée d'une pomme d'ar-
gent volumineuse et creuse dans laquelle étaient renfermés
leurs moyens de subsistance pendant la course : des œufs
durs et un peu de vin blanc. Un bon coureur devait être
en état de franchir la distance de sept milles à l'heure.
Chargé d'un message pressant, celui du comte de Home
parcourut, une fois, 35 milles en une nuit ; celui du duc de
J^anderdale fournit, en un jour, une étape à peu près égale
dans le pays accidenté de l'Ecosse. Langham, le coureur
de lord Berkeley, mit de Collowdon à Londres où il était
allé chercher un médicament destiné à lady Berkeley, et de
Londres à Collowdon, quarante-deux heures. Il avait fait
148 milles. A un pareil métier, les réserves de l'économie
s'épuisaient vite et au dire de Mrs Saint-Georges, les
coureurs succombaient d'ordinaire au bout de quatre à
cinq ans aux atteintes de la consomption. Ces traditions
dans la Grande-Bretagne se sont répercutées jusqu'à nos
jours. Le nom de footman (valet de pied) est encore celui
sous lequel on y désigne les domestiques de grande mai-
son. Et quand le shérif de la cour de Northumberland se
rend au tribunal pour y installer les assises, son carrosse,
dit Depping, est flanqué de deux coureurs. Mêmes mœurs
en Autriche oti de tout temps les coureurs se sont distin-
gués par la richesse de leur costume agrémenté de den-
telles, de passementeries, de franges d'or et de clochettes
au timbre retentissant. Mêmes mœurs en Allemagne où, en
4845 encore, le roi de Saxe faisait escorter sa voiture de
coureurs galonnés, brodés, surchargés de dentelles et coiffés
de bonnets surmontés de plumes de héron. En Espagne,
durant des siècles, le %agal tout couvert de soie bleue,
blanche, rouge, orange, a accompagné les diligences, pres-
sant les relais, surveillant le matériel et prêtant main-forte
au besoin. Son accoutrement et ses attributions passèrent
même dans les coutumes en Angleterre et en Allemagne, et
dans les grandes familles de ces deux pays ces coutumes
demeurèrent longtemps en vigueur. En certaines contrées de
l'Allemagne, à Marktgroningen en Wurttemberg, notam-
ment, les femmes s'adonnent avec passion à l'exercice de la
course. Le jour de la Saint-Barthélémy, on les voit, vêtues
Course de bergères de Wurttemberg.
d'un simple jupon court et d^un corsage de tricot blanc, se
réunir en grande pompe pour lutter de vitesse et d'agihté.
Parfois, c'est la tête chargée d'une cruche remplie d'eau
que la course s'exécute. Sous le rapport de l'habileté à la
course, les populations primitives ne le cèdent pas aux
peuples civihsés. Les Boschimans, entre autres, sont passés
maîtres en Fart de courir. Au rapport de Barrow, ce
seraient même les meilleurs coureurs que Ton connaisse,
et, malgré la ténuité de leur musculature et la proéminence
de leur ventre, les chevaux auraient peine à les suivre au
galop. Actuellement, enfin, que chezjious les exercices du
corps semblent plus que jamais prendre faveur, les cou-
reurs de profession sont rentrés en scène. Le 22 déc. d882,
Gilbert a franchi, à la course, la distance de Saint-Ger-
main-en-Laye à Mantes (31 kil.) en 150 minutes. Le25févr.
1883, il mettait 15 minutes à se rendre par les rues de
Rivoli, Cambon et Duphot, de la Bastille à la Madeleine.
Agé de seize ans, Ernest Moret a fait 48 kil. en trois
heures. Egalement en trois heures, quelques temps après,
il allait du Louvre à Versailles et de Versailles au Louvre
d'une seule traite. Ces nombreux exemples dénotent l'ex-
trême facilité d'entraînement qui distingue l'homme pour
la course. D^ Collineau.
IL Art militaire. — Coureurs cVavant-garde, Ce
mot était synonyme de troupes légères, de batteurs d'estrade,
d' éclair eurs chargés des reconnaissances ou découvertes et
de la poursuite des fuyards. Les Institutions militaires de
l'empereur Léon sur l'organisation de l'armée byzantine
avant le x^ siècle parlent déjà des coureurs qu'elles défi-
nissent ainsi : « Les coureurs sont ceux qui précèdent l'or-
donnance de l'armée quand elle va au combat et qui pour-
suivent l'ennemi lorsqu'il fuit. » Pendant le moyen âge, au
nombre des fonctions du connétable se trouvait la direction
des coureurs. Voici la définition qu'en donne Nicot dans
son Trésor de la langue française (1606) : «... coureurs
sont les gens de cheval, armez à la légère, qui se partent
d'une armée pour faire courses, pilleries et dég^ats au pays,
à l'ennemy. » De son côté, Nicolles Gilles écrivait dans la
Vie du roy Philippe de Valois : « Tandis que le roy
d'Angleterre estoit à Poissy et son fils à Saint-Germain-en-
Laye, où ils furent par six jours, leurs coureurs gattèrent
et brûlèrent tout le pays... »
m. Histoire. — Coureur ^ de vin. Officier de la
maison du roi aux xvii® et xviii® siècles, faisant partie de la
division appelée goblet du roi. Les coureurs de vin étaient
chargés de porter à la chasse et partout où le roi allait
une valise contenant des serviettes, du pain, un couteau,
des pièces de four, des fruits, des confitures, du vin et de
l'eau dans deux flacons. M. P.
IV. Ornithologie. — Les ornithologistes ont reconnu la
nécessité de ranger dans un ordre distinct, sous le nom de
Coureurs^ de Brévipennes ou de Struthioniens les Au-
truches, les Nandous, les Casoars, les Emeus, que G. Cuvier
(Règne animal^ 1^® édit., 1817, p. 459) considérait
comme une simple famille de l'ordre des Echassiers (V. ce
mot). Ces oiseaux, auxquels il faut joindre les Aptéryx
(V. ce mot) de la Nouvelle-Zélande, se distinguent en effet
par la réduction considérable de leurs membres antérieurs
qui ne peuvent plus servir d'organes de locomotion aérienne
et par le développement de leurs muscles postérieurs qui
sont conformés pour une course rapide. L'atrophie partielle
de leurs ailes entraîne une modification dans la forme du
sternum qui est aplati en bouclier, au lieu d'offrir comme
d'ordinaire sur la ligne médiane une saillie {bréchet)
de chaque côté de laquelle prennent leur insertion les
muscles pectoraux. C'est pour faire allusion à ces difi'érences
que Merrem avait proposé d'appeler Ratitœ les oiseaux
brévipennes et Carinatœ les oiseaux ordinaires, et que
M. Blanchard avait désigné ces deux grands groupes sous
les noms de Tropidosterniens Qtà'Homalosterniens. C'est
à l'ordre des Coureurs que se rattachaient deux genres d'oi-
seaux qui ont été détruits à une date relativement récente,
les Dinornis de la Nouvelle-Zélande et les Mpyornis de
Madagascar (V. Dinornis et tEpyornis). E. Oust.
COURGAINS. Corn, du dép. de la Sartlie, arr. de Ma-
mers, cant. de Marolles-les-Braults ; 971 hab.
COURGE. I. Botanique (V. Cucurbita et Lagenaria).
IL Horticulture. — On donne ce nom, dans la pratique
horticole, à diverses plantes de la famille des cucurbitacées.
Il appartient en propre au genre Cucurbita de Linné.
M. Naudin les divise en trois espèces auxquelles il faut
rapporter toutes les variétés cultivées dans les jardins. Ce
sont les Cucurbita maxima Duch., C. pepo DC. et
C. moschata Duch. Les variétés culturales qui sont innom-
brables à cause de la facilité avec laquelle ces plantes se
métissent entre elles et prennent sous la moindre influence
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COURGE — COURIEH
des diversités de formes et de dimensions, se prêtent toutes
aux mêmes usages culinaires et s'accommodent de la même
culture. Cependant les variétés diverses diffèrent beaucoup
en qualité ; elles sont d'autant plus estimées que la chair
du fruit est plus épaisse et qu'à la cuisson elle se réduit
plus complètement en purée renfermant le moins possible
de tissus fibreux. Celles dont la chair est sucrée servent à
la confection de confitures, à la falsification de la pâte
d'abricot et entrent dans la composition des raisinés. Parmi
les innombrables variétés, on peut citer se rapportant
au C. maxima : potiron rouge vif d'Etampes, gris de Bou-
logne, gros jaune ; courge de FOhio, courge verte de Hu-
bard, courge de Valparaiso, etc. ; se rapportant au C. pepo :
citrouille de Touraine, courge longue d'Italie, courge à la
moelle, le pâtisson, etc. ; se i apportant au Cucurbita mos'
chata : courge en forme de melon ou du Japon, C. cara-
bacette, etc. On multiplie toutes les courges au moyen du
semis que l'on peut faire, soit en place, soit préalablement
sous châssis pour mettre plus tard le jeune plant en pleine
terre. Les semis sur couche se font en avril, on pique les
graines au doigt dans le terreau puis dès que le plant porte
deux feuilles on le repique dans des godets où il attendra
le moment d'être mis en place vers le milieu de mai.
Les semis en plant ne se font qu'en mai, on sème
quelques graines ensemble sous réserve d'arracher les
plants les moins bons et de n'en conserver qu'un seul.
Les endroits où les courges seront mises en place ou se-
mées directement doivent avoir été préalablement défoncés
et l'on y met une brouettée de fumier ; on recouvre celui-
ci de terre dans laquelle la plantation ou les semis seront
faits. Dès que le plant commence à s'allonger, on coupe la
tige au-dessus des deux premières feuilles. Cette taille fait
naître deux branches qui à leur tour sont taillées au-des-
sus de la cinquième ou sixième feuille ; ce n'est que sur
les rameaux de troisième génération qu'apparaissent les
fleurs unisexuées. Quand les fruits commencent à se for-
mer on choisit les mieux venants et l'on n'en laisse qu'un
nombre déterminé par plant, un seul si le fruit doit de-
venir très gros ; de trois à cinq si la variété est à petits
fruits. Pendant l'été, pour favoriser le développement de
la plante il est utile d'enterrer la branche par place,
ce qui faciUte leur enracinement dans le sol, augmentant
ainsi la nourriture qu'elles y peuvent prendre. De co-
pieux arrosages sont utiles. La récolte des fruits doit se
faire avant l'apparition des premières gelées qui pour-
raient les endommager. On les conserve dans un local
sec, à l'abri du froid. J. D.
III. Thérapeutique. — La pulpe et les semences des diffé-
rentes espèces de courge sont vermicides et ténifuges. On
attribue cette propriété à une substance résineuse acre, la
péporésine^ qui, d'après Heckel, serait contenue dans la
pellicule verdàtre qui enveloppe l'amande. L'action .téni-
cide des semences de courge n'est pas absolument sûre ;
mais souvent un premier échec est suivi d'une tentative
heureuse. Pour l'administration, on met le malade au
bouillon pendant vingt-quatre heures et on le purge légè-
rement, puis on donne 40 à 60 gr. de semences pilées
dans un looch ou triturées avec du sucre en poudre; deux
heures après on fait prendre 20 à 30 gr. d'huile de ricin.
Le ver est expulsé en général au bout de sept à huit heures.
On peut encore faire prendre en une fois un électuaire
renfermant 40 à 60 gr. de semences, 30 gr. d'huile de
ricin et 30 gr. de miel. D'^ L. Hn.
IV. Art culinaire (V. Citrouille).
V. Archéologie. — Le mot courge désignait au moyen
âge tantôt un vase de la forme d'une courge tantôt un bâ-
ton arqué, ferré et encoche aux deux bouts, dont les
chambrières de Paris se servaient pour porter deux seaux
d'eau sur leurs épaules. M. P.
BiBL. : Archéologie. -— Delaborde, Glossaire^ p. 230.
— Gay, Glossaire archéologique^ p. 464.
COU RGEAC. Corn, du dép. de la Charente, arr. de
Barbezieux, cant. de Montmoreau ; 494 hab.
COURGENARD. Corn, du dép. de la Sarthe, arr. de
Mamers, cant. de Montmirail; 702 hab.
COURGENAY. Com. du dép. de l'Yonne, arr. de Sens,
cant. de Yilleneuve-l'Archevêque ; 658 hab. Eglise de
Saint-Crépin et Saint-Crépinien des xii^ et xvi® siècles. Nef
voûtée en bois ; sur le grand autel, tableau du Christ en
croix, attribuée à Jean Cousin. Croix de procession en
cuivre du xii^ siècle. Dans une maison, carrelage émaillé
du xv^ siècle. M. P.
COURGENAY (Claude Billard de) (V. Billard [Claude]).
COURGE NT. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr. de
Mantes, cant. de Houdan ; 153 hab.
GOURGEON. Com. du dép. de l'Orne, arr. et cant. de
Mortagne ; 440 hab.
GOURGEOUT. Com. du dép. de l'Orne, arr. de Mor-
tagne, cant. de Bazoches-sur-Hoëne ; 694 hab.
COURGIS (Corgiacum), Com. du dép. de l'Yonne, arr*
d'Auxerre, cant. de Chablis ; 591 hab. Eghse de Notre-
Dame des XIII® et xv® siècles; chapelle de la Renaissance ;
reliquaire en vermeil de 1655, contenant un fragment de
la sainte épine. ^ M. P.
COURGIVAUX. Com. du dép. de la Marne, arr*
d'Epernay, cant. d'Esternay ; 440 hab.
COURGOUL. Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr*
d'Issoire, cant. de Champeix ; 247 hab.
COURIER DE Méré (Paul-Louis), célèbre helléniste et
publiciste français, né à Paris le 4 janv. 1772, assassiné
dans le bois de Larcay, près de Véretz (Indre-et-Loire) , le
18 août 1825. Elevé par son père- dans le domaine oii il
devait trouver une fin si trafique, il fut destiné d'abord
à entrer dans le corps du génie, mais il montra d'égales
aptitudes pour les langues anciennes et pour les mathéma-
tiques. Admis à l'Ecole d'artillerie de Chàlons (1791), il
fut nommé lieutenant en janv. 1793 et envoyé en garnison
à Thionville où il consacra surtout ses loisirs à lire et à
relire, la plume à la main, les auteurs grecs. Au mois de
juin 1795, il quitta sans permission le quartier général
devant Mayence pour aller consoler en Touraine sa mère
devenue veuve, échappa, par le crédit de ses amis,
aux conséquences de cet acte d'indiscipline et reprit à Tou-
louse, oti il fut relégué, sa vie studieuse entrecoupée de
distractions moins austères. Courier ne sut jamais d'ailleurs
se plier aux impérieuses exigences du métier auquel son
esprit d'indiscipline le rendait impropre : c'est ainsi que,
durant son second séjour en Italie (1807), il reçut l'ordre
de se rendre de Naples à Vérone, et s'attarda si bien à Portici
et àBome qu'il rejoignit son poste en janv. 1808 et fut mis
aux arrêts. Rentré à Paris après avoir donné sa démission, il
demanda presque aussitôt à reprendre du service, etassista
aux horreurs dont l'île Lobau fut le théâtre et fut trans-
porté mourant à Vienne d'où il repartit, cette fois encore,
sans permission. Rentré définitivement en 1810 dans la
vie privée, il passa de nouveau quelque temps en ItaHe.
La collation d'un manuscrit grec de Daphnis et Chloé^ ap-
partenant à la bibliothèque Laurentienne de Florence, lui
fournit l'occasion de combler une lacune beaucoup plus
considérable qu'on ne le pensait dans le premier livre de
ce roman fameux, et fut l'origine d'une polémique où il
apporta plus de verve que de bonne foi. On sait comment
Courier, après avoir copié avec soin ce passage comportant
non pas, comme on l'avait cru tout d'abord, six ou sept
lipes, mais six ou sept pages, posa car mégarde, assure-
t-il, entre les deux feuillets, un papier taché d'encre et
qui rendit indéchiffrable le passage même qu'il venait de
rétablir. Vainement reconnut-il son « étourderie » dans
une attestation jointe au corps du délit, l'opinion publique
s'émut, les savants italiens, et nommément le bibliothécaire,
M. del Furia, crièrent à la trahison et le gouvernement
arrêta la distribution des soixante exemplaires du fragment
que Courier avait fait imprimer. L'éditeur se défendit
contre les soupçons qu'avait provoqués l'accident par une
Lettre à M, Renouard sur une tache faite à un ma-*
nuscrit de Florence (Tivoli, 1810, in-8, 24 p.) où ses
COURIER — COURLAN
— 446 —
adversaires n'étaient pas plus épargnés que le destinataire
même de la lettre, alors de passage à Florence, et qui
avait pris assez froidement la défense de son compatriote.
Courier ne revint en France qu'après la chute de l'Em-
pire. En 1844, il épousa M^^^ Clavier, fille de l'helléniste,
membre de l'Institut, âgée de dix-huit ans et dont il eut
deux fds. Durant un séjour assez prolongé qu'il fit en
Touraine pour y défendre ses intérêts compromis par une
longue absence, il fut témoin des excès et des tracasseries
de toute nature auxquels la réaction royaliste avait donné
cours, et ce spectacle lui inspira le premier de ses pam-
phlets politiques, sa Pétition aux deux Chambres, datée
du 40 déc. 4846, où il signalait les rigueurs exercées
envers les paysans par les curés ou par les gendarmes ;
elle fit sensation et le duc Decazes lui-même s'en servit,
dit-on, pour se soustraire aux exigences des fanatiques du
parti. Un autre P lacet adressé au même ministre et re-
latif à une coupe de chênes dans les bois de Véretz, suivie
d'un procès, fut favorablement accueilli du gouvernement
qui se flattait encore de désarmer l'auteur; mais aux
escarmouches succéda bientôt une guerre implacable. Un
échec tout littéraire émut de nouveau la verve de Courier
et décida de sa véritable vocation : candidat malheureux
au fauteuil de son beau-père, il eut le tort, dans une
Lettre à Messieurs de L'Académie des Inscriptions
(28 mars 4849, in-8, 20 p.), dérailler sans merci ceux-là
même dont la veille il sollicitait les suffrages et de se
fermer ainsi à jamais une porte qui, tôt ou tard, se serait
ouverte devant lui. Sa colère durait encore quand il adressa
au Censeur européen, de juil. 4849 à avr. 4820, dix
lettres où il prenait la défense des paysans contre les
grands seigneurs et le clergé, absolvait, par haine de la
féodalité, les actes de vandalisme commis par la bande
noire et appelait de tous ses vœux, « s'il se pouvait, sans
déplacer personne », une monarchie libérale dont le repré-
sentant tout indiqué, selon lui, était le duc d'Orléans,
L'année suivante, le Simple Discours de Paul-Louis,
vigneron de la Chavonnière, aux membres du conseil
de Véretz, à l'occasion de la souscription proposée
par Son Excellence le ministre de Vintérieur, pour
V acquisition du château de Chambord (4824, m-8,
28 p.), l'un de ses chefs-d'œuvre, lui valut des poursuites
en cour d'assises, deux mois de prison et 300 fr.
d'amende. Il subit sa peine à Sainte-Pélagie, dans la cel-
lule même précédemment occupée par Déranger, mais se
vengea de ses juges par un spirituel avis Aux Ames dé-
votes de la paroisse de Véretz (4824, in-8, 8 p.) et par
la publication de son Procès (4821, in-8, 80 p.). A
peine rendu à la liberté, il fut de nouveau poursuivi au
sujet d'un autre de ses chefs-d'œuvre, la Pétition pour
les villageois qu'on empêche de danser (4822, m-8,
28 p.) ; le ministère public ne réclamait pas moins de
treize mois de prison et 3,000 fr. d'amende ; il n'obtint
ni l'un ni l'autre et Courier fut acquitté.
La popularité que lui avait donnée cette lutte contre le
pouvoir ne l'empêcha pas cependant d'échouer aux élec-
tions de 4822, dans l'arr. de Chinon. Plus redoutable
dans ses écrits qu'à la tribune, il laissa publier sous des
rubriques fictives et en ne les désavouant qu'à demi deux
Réponses aux anonymes qui ont écrit des lettres à
P.'L, Courier (Bruxelles [Paris], 4822-4823, in-8), le
Livret de Paul-Louis, vigneron, pendant son séjour à
Paris en mars i823 (1823, in-8); im Vieux Soldat à
l'armée (in-4, 2 p.), au sujet de la campagne du Troca-
déro ; Pièce diplomatique extraite des journaux an-
glais (4823) ; Avertissement du libraire (4824), liste
de douze brochures imaginaires à titres satiriques, et enfin
le Pamphlet des pamphlets (4824, in-8, 36 p.) où il
justifiait en termes élevés et avec une pointe de mélan-
colie le rôle qu'il avait pris. On a voulu voir une sorte de
pressentiment dans ce conseil que lui adressait un interlo-
cuteur mis en scène par lui : « Prends garde, Paul-Louis,
prends garde, les cagots te feront assassiner », et cette
sinistre prédiction revint à la mémoire de tous, lorsqu'on
apprit que le cadavre de l'écrivain avait été trouvé percé
de pkisieurs balles dans le bois de Larçay. La première
enquête établit qu'il s'agissait d'un crime exclusivement
domestique ; les coupables (un garde-chasse et deux char-
retiers), acquittés alors, faute de preuves, ne furent connus
qu'au mois de juin 4830, par suite d'une déposition for-
tuite et tardive; l'un d'entre eux était mort, les deux
autres obtinrent de nouveau, et non sans peine, un verdict
d'acquittement.
« Peu de matière et beaucoup d'art », écrivait un jour
Courier en ébauchant le projet d'un récit de l'expédition
d'Egypte. « Ces mots, a dit Sainte-Beuve, sont toute la
devise et le secret de son talent. » C'est l'écrivain qui
survit en lui et non le champion de polémiques éteintes ou
bien dépassées depuis. Artiste avant tout, Courier travail-
lait jusqu'à ses moindres lettres intimes, et ce souci cons-
tant se trahit dans ses pages les plus célèbres, telles que
le récit du vote de ses camarades en faveur de la procla-
mation de l'Empire, ou celui de la nuit passée chez de pré-
tendus brigands de la Calabre. Les contemporains assurent
qu'il arrivait ainsi à réciter des passages entiers de ces
pamphlets où l'on a pu noter d'ailleurs tantôt des hémisti-
ches, tantôt même des alexandrins fort bien frappés.
Les Œuvres complètes de Paul-Louis Courier ont été
publiées avec un Essai sur sa vie et ses écrits par Armand
Carrel (1830 ou 4834, 4 vol. in-8) et les rémîpressions
partielles sont très nombreuses. Il faut citer à part sa
traduction Du Commandement de la cavalerie et de
l'équitation de Xénophon (4807, in-8), le Prospectus
d'une traduction d'Hérodote, avec un fragment du troisième
livre (4822, in-8), la traduction de la Luciade ou Y Ane
de Lucius, et sa collaboration à la Collection des romans
grecs édités par le libraire Merlin. Sainte-Beuve, qui
avait entrevu Courier chez Delécluze, le compare à « un
Grec sauvage, à un chevrier de l'Attique, large rire, rictus
de satyre », et les autres témoignages et documents con-
temporains ne laissent aucun doute sur sa laideur. Un cé-
notaphe orné d'une inscription emphatique avait été érigé
dans les bois de Véretz ; il a été restauré en 4876 au moyen
d'une souscription publique. Maurice Tourneux.
BiBL. : P.-L. Courier, Correspondance. — Ch. Nauroy,
le Curieux, t. L — Sainte-Beuve, Causeries du lundi,
t. VI, et Nouveaux Lundis, t. III et IV.— Aug. Vitu, Om-
bres et vieux murs, 1859, in-12.
COURJEONNET. Corn. du dép.delaMarne,arr.d'Eper-
nay, cant. de Montmort; ^123 hab.
COUR LAC. Com. du dép. de la Charente, arr. de Bar-
bezieux, cant. de Chalais ; 264 hab.
COURLAN (Ornith.). Les Courlans ou Courliris, pour
lesquels Vieillot a étabh le genre Aramus, appartiennent à
la famille des Rallidés (V. Râle), tout en se rapprochant un
peu des Grues par certains points de leur organisation. Ils
sont notablement plus grands que les Râles de nos pays et rap-
pellent un peuJes Ibis par leurs formes générales. Leur bec,
plus long que la tête, est un peu recourbé et renflé à la
pointe avec les mandibules légèrement écartées -au milieu et
leurs pattes, longues et grêles, sont dénudées sur la moitié
du tibia, garnies de scutelles sur la face antérieure du tarse
et terminées par quatre doigts complètement séparés les uns
des autres. Le pouce, relativement allongé, repose en entier
sur le sol et est armé d'un ongle acéré, de même que les
doigts antérieurs ; les ailes sont assez pointues, la troisième
penne étant plus développée que les deux premières rémiges,
la queue est de longueur moyenne et le plumage oifre des
couleurs sombres, du brun verdâtrc ou rougeâtre sur le dos
et les ailes et du gris rayé au blanc sur le cou. On ne con-
naît que deux espèces de ce genre, V Aramus scolopaceus,
Gm., qui habite la Guyane et le Brésil, où il est connu sous
le nom de Serrakura, et V Aramus gigaiiteus Bp., qui se
trouve dans l'Amérique centrale et aux Antilles et qui est
appelé Clacking lien par les colons anglais de la Jamaïque.
Les Courlans se tiennent au bord des marais et des cours
d'eau et se nourrissent principalement de vers, de petits
— 117 —
COURLAN — COURLIS
mollusques et de larves d'insectes, qu'ils cherchent dans la
fange ou au milieu des détritus végétaux. Ils se perchent
Courlan.
sur les arbres pour se reposer et font entendre, à la tombée
de la nuit, des cris singuliers, formés de deux notes, Tune
basse, l'autre sonore. Leur vol est lourd et pesant. E. Oust.
BiBL. : Daubenton, PL enl de Buffon, pi. 848. -- Ch.-L.
Bonaparte, Amer. Ornith., pi. 26, p. 2. — G.-R. Gray et
MiTCHELT, Gênera of Birds, ISU-miQ, t. III, app.', p. 26, et
pi. 162, p. 6. — Spix, Av. Bras, pi. 91. — Ph.-H. Gosse,
Birds ofJamaïca^ 1847, p. 355.
CD U R L A N D E. Province de l'empire de Russie. Avec FEs-
thonie et la Livonie, elle fait partie du groupe des provinces
baltiques. Elle est bornée au N. par la Livonie et le golfe
de Riga, à l'E. par le gouvernement de Vitebsk, à l'O. par
la Baltique, au S. par les gouvernements de Vilna, de Kovno
et la Prusse. Sa superficie est de 27,286 kil. q. Sa popula-
tion était, en 1886, de 682,792 hab., soit 25 par kil. q.
Le sol est généralement plat et assez fertile. Les principaux
fleuves sont l'Aa, la Windau et la Diina qui sépare la
Courlande de la Livonie. Le climat est sain ; mais les
brouillards sont fréquents. Les habitants appartiennent, en
majorité, à la nationalité lette ou lettone; la noblesse et la
bourgeoisie allemande dans les villes forment environ 8 <^/o
de l'effectif total; les Russes, les Polonais et les Lithua-
niens environ 3 **/o. Le pays est essentiellement agricole
(céréales, fourrages, lin, chanvre). L'élève du bétail est
prospère (151,010 chevaux, 186,000 bêtes à cornes,
166,000 moutons en i 888). L'industrie est peu importante.
La production totale a été, en 1885, de 13 millions et demi
de roubles. On exporte surtout des alcools et des céréales. La
Courlande est divisée en dix cercles (Bauske, Friedrichstat,
Goldengen, Grobin, Hasenpoth, Jletz, Mitau,Talsen, Tuckum
et Windau). La capitale est Mitau (Mita va). Les ports prin-
cipaux sont Windau et Liban. Un chemin de fer réunit
cette dernière ville à Mitau et à Riga. En 1885, on comp-
tait en Courlande 600 étabhssements d'enseignement secon-
daire ou primaire et une population scolaire de 44,000
enfants dont 17,300 filles. La religion dominante est le
luthéranisme. La Courlande est administrée par un gou-
verneur ; elle a une diète provinciale. Au point de vue mili-
taire elle dépend du gouvernement général de Vilna. L'al-
lemand dominait autrefois dans l'administration ; il a été
récemment remplacé par le russe.
La Courlande doit son nom au peuple des Koures,
peuple letton déjà mentionné dans les plus anciennes chro-
niques russes. En 1225, elle fut annexée à la Livonie dont
elle partagea les destinées. En 1561, le grand maître des
chevaliers teutoniques, Gotthardt Kettler, reçut du roi de
Pologne l'investiture de la Courlande et le titre de duc. La
provmce devint un duché héréditaire. Au xvi*^ siècle, le luthé-
ranisme y fut prêché et devint religion d'Etat. En 1658,
elle fut occupée par le roi de Suède. Elle fut restituée par
le traité d'Oliva (1662). En 1726, le trône ducal étant
devenu vacant, les Etats élurent comme duc Maurice de
Saxe. Mais l'élection fut annulée par la Pologne et la Rus-
sie. En 1727, ils élurent, avec l'assentiment d'Auguste III,
le célèbre Biren (V. ce nom). En 1769, il laissa la cou-
ronne à son fils Pierre. En 1795, les Etats de Courlande
décidèrent de reconnaître la souveraineté de la Russie. La
noblesse s'était réservé certains privilèges qui ont peu à
peu disparu. En 1817, le servage des paysans a été sup-
primé. En 1835 le code russe a été introduit; depuis 1850,
la langue russe a commencé à pénétrer dans l'administra-
tion où elle est maintenant officielle. Certains Allemands con-
sidèrent volontiers cette province comme faisant partie de
l'Allemagne irredenta (V. Baltiques [Provinces], t. V,
p. 180)J L. Léger.
BiBL. : Catalogue des Russica ; Saint-Pétersbourg, 1873,
2 vol. in-8. — Kruse, Geschichte Kurlands ; Riga, 1833-37;
Liv. Esth. undKurlandisch Urkundbuch ; Rigâ^ 1852-1884,
et les ouvrages cités à l'art. Baltiques (Provinces).
COURLANDON. Com. du dép. de la Marne, arr. de
Reims, cant. de Fismes; 154 hab.
COURLANS. Com. du dép. du Jura, arr. et cant. de
Lons-le-Saunier ; 458 hab.
COURLAOUX. Com. du dép. du Jura, arr. et cant. de
Lons-le-Saunier; 821 hab.
COURLAY. Com. du dép. des Deux-Sèvres, arr. de
Bressuire, cant. de Cerisay; 2,575 hab.
COURLÉON. Com. du dép. de Maine-et-Loire, arr. de
Baugé, cant. de Longue ; 409 hab.
COURLIR! (Ornith.). Synonyme de Courlan (V. ce
mot).
COURLIS. I. Ornithologie. — Les Courlis (Nume7iius
Mœhr, Av, Gen., 1752), qui paraissent au premier abord se
rapprocher des Ibis (V. ce mot), grâce à leur bec allongé et
fortement arqué, offrent en réalité des affinités avec les Bé-
casses comme Linné l'avait parfaitement reconnu ; toutefois,
ils ne peuvent demeurer confondus avec ces derniers oiseaux
dans le genre Scolopax et méritent de constituer un genre
particulier. Ils diffèrent en effet des Bécasseaux et des Cheva-
liers par leurs tarses qui sont réticulés, c.-à-d. couverts
d'écaillés polygonales et non de scutelles, et par leurs man-
dibules, recourbées en croissant (d'où le nom de Nume-
nius^ de N£0[i.rjV, nouvelle lune), la mandibule extérieure
dépassant un peu l'inférieure et étant marquée d'un double
sillon sous les trois quarts de sa longueur à partir de sa
base. Les doigts antérieures sont réunis deux à deux par
une petite membrane et le pouce est si court qu'il touche
à peine le sol. La queue, formée de pennes égales ou légè-
rement étagées , est aussi fort réduite, tandis que les ailes
sont longues et aiguës. Enfin le plumage, qui est le même
dans les*^ deux sexes, offre toujours sur les parties supé-
rieures du corps et sur la tète, des taches et des raies d'un
brun noirâtre sur un fond gris ou roussâtre, les parties
inférieures étant au contraire d'un blanc pur ou d'un fauve
pâle, marqué seulement de quelques raies foncées sur le
cou et la poitrine. Les Courlis se nourrissent de vers, de
mollusques et d'insectes qu'ils ramassent au bord de la
mer ou sur les rives des fleuves. Leur marche est légère et
précipitée et leur vol rapide. Au printemps, ils font entendre
une sorte de chant, et en d'autres saisons ils poussent de
temps en temps des cris singuliers, formés de deux notes et
rappelant les sons d'une flûte. Après avoir niché et élevé
leurs petits dans les régions arctiques des deux mondes, ces
oiseaux émigrent en automne en troupes nombreuses et
viennent passer l'hiver en Afrique, dans le sud de l'Asie ou
dans les contrées tropicales de l'Amérique. Au moment de
COURLIS «» COURNAND
_ 118 »-.
leurs migrations, les Courlis sont l'objet d'une chasse
active à cause de la saveur de leur chair qui cependant ne
saurait être comparée à celle de la bécasse. Toutefois , ce
n'est pas sans de grandes difficultés que l'on parvient à les
Courlis cendré (Numenius arquatus L.).
abattre à coups de fusil ou à les prendre dans des pièges,
car ils sont d'une défiance extraordinaire. Dans certains
pays, on rencontre assez régulièrement sur les côtes ou le
long des rivières, au printemps et en automne, deux
espèces de Courlis, le Courlis cendré ou Grand Courlis
(Numenius arquatus L.) qui mesure 0^60 de long, et le
Courlis corlieu (iV. phToptis L.) qui est d'un tiers plus
petit, tandis qu'on n'observe que rarement le Courlis à bec
grêle {N. tenuirostris V.) qui habite les contrées méridio-
nales de l'Europe. Le Grand Courhs et le Courlis corlieu ont
d'ailleurs une aire d'habitat assez étendue et se trouvent aussi
en Afrique et en Asie. Au Japon, en Chine, à Madagascar,
en Australie et dans le nouveau monde vivent d'autres
espèces appelées Numenius major Tem. et Schl.,iV. w?a-
dagascariensis L., N. uropygialis Gould, N. hudsonicus
Latt., iV. borealis Forst., etc. E. Oustâlet.
IL Art culinaire, — Les Courlis, quand ils sont
jeunes, sont assez recherchés : on les apprête comme la
bécasse (V. ce mot).
BiBL. : Ornithologie. — Vieillot, Galerie des Oiseaux^
pi. 245.~J. Gould, Birds ofEuropa, pi. 302 et 303, et Birds
of Australia^ pi. 42 et 43. — Temminck et Schlegel,
Fauna japonica^ pi. 75, — Degland et Gerbe, Ornith,
europ., 1867, 2° édit., t. II, p. 157.
COU RLON. Corn, du dép. de la Côte-d'Or, arr. de Dijon,
cant. de Grancey-le-Château ; 497 hab.
COU RLON (Curteleonis^ Corloonis, Colloon), Com.
du dép. de l'Yonne, arr. de Sens, cant. de Sergines, sur la
rive droite de l'Yonne; 947 hab. Eghse de Saint-Loup,
remarquable ; plan rectangulaire ; trois nefs, presque en-
tièrement du xvi^ siècle ; l'un des piliers porte la date de
4531 ; maître-autel en menuiserie, avec baldaquin, banc
d'œuvre, grille du chœur, le tout en bois sculpté, de la fin
du XVII® siècle. Gourion est la patrie du chroniqueur Geof-
froy de Courlon, moine de Saint-Pierre-le-Yif de Sens,
qui, à la fin du xiii® siècle, écrivit une Chronique uni-
verselle ; ses œuvres ont été publiées en deux volumes
par MM. JuUiot et Prou. M. P.
COURMANGOUX. Com. du dép. de l'Ain, arr. de Bourg,
cant. de Treffort; 736 hab.
COURMAS. Com. du dép. de la Marne, arr. de Reims,
cant. de Ville-en-Tardenois ; 481 hab.
COURMAYEUR (V. Cormayeur).
COURMEAUX (Pierre-Eugène) , publiciste et homme po-
litique français, né à Reims le 45 févr. 4847. Bibliothé-
caire adjoint de la ville de Reims (4843), conservateur de
la bibhothèque et des archives municipales (4846), il fut
arrêté et emprisonné pour avoir protesté contre l'expédition
de Rome (4849). Bien qu'acquitté par la cour d'assises
de Seine-et-Marne, il fut destitué. Il se jeta alors dans le
journalisme, dénonça le projet de coup d'Etat du 2 dé-
cembre et fut, pour ce motif, condamné par la cour d'as-
sises de Laon à un an de prison et 2,000 fr. d'amende. Il
passa en Belgique, et, après avoir durant plusieurs années
faille métier de voyayeur de commerce, il rentra en France
en 4860. Conseiller général de la Marne en 4874, il fonda
en 4877, pour lutter contre le Seize-Mai, le Franc Parleur
rémois et fut encore condamné à six mois de prison et
42,000 fr. d'amende. En 4879, il fut élu député de Reims
avec un programme radical, fut réélu en 4884 ;mais, battu
en 4885 par le candidat opportuniste, il reprit, en 4887,
ses fonctions de bibliothécaire de Reims. A la Chambre, il
siégea à l'extrême gauche et fut deux fois président de ce
groupe. Collaborateur à l'Industriel de la Champagne,
à VIndépendant rémois, au Progrès de la Marne, au
Radical de VEst, à V Avenir de l'Est, M. Courmeaux a
publié un grand nombre d'ouvrages parmi lesquels nous
citerons i r Agitation catholique (Reims, 4846); la
Poésie au xix^ siècle (4847) ; République ou Royauté
(Reims, 4874, in-32) ; Ne touchez pas à la République
(4873, in-8); Ce que valait le plus grand des rois de
France (Châlons-sur-Marne, 4873, in-8) ; Loiw's Blanc
(4884); LedrU'Rollin (iSSr^) ; Victor Hugo (4886);
Alexandre Dumas (4886) ; Souvenirs de la Chambre
des députés, esquisses de quelques orateurs (4888), etc.
On lui doit encore une Notice sur la Bibliothèque
de Reims (4845) et le Catalogue des Imprimés, II,
Sciences et Arts (4844, in-8), et des Incunables (4889,
in-8) de cette bibliothèque.
COU RM ELLES. Com. du dép. de l'Aisne, arr. et cant,
de Soissons ; 593 hab.
COURMELOIS. Com. du dép. de la Marne, arr, de
Reims, cant. de Verzy : 427 hab.
COURMÉNIL.Com. du dép. de l'Orne, arr, d'Argentan,
cant. d'Exmes; 326 hab.
COURMENIN. Com. du dép. de Loir-et-Cher, arr. et
cant. de Romorantin ; 654 hab.
COURMENIN (Louis Deshayes, sieur de), diplomate
français, né vers la fin du xvi® siècle ou les premières
années du xvii®, mort à Béziers le 42 oct. 4632. Il était
conseiller et maître d'hôtel ordinaire du roi et avait la
survivance du gouvernement de Montargis dont son père
était titulaire quand il fut envoyé comme ambassadeur en
Russie en passant par la Suède et le Danemark. Il y
conclut le traité du 42 nov. 4629 qui stipulait la bonne
correspondance entre les deux empires, la Hberté pour les
Français de trafiquer à Arkangel, Novgorod, Pskov et
Moscou, et de pratiquer privément leur religion. De retour
en France, Courmenin se jeta dans le parti de la reine mère
et de Gaston d'Orléans, qui le chargèrent de deux missions
en Allemagne. Au retour de la seconde, il fut arrêté par
Charnacé sur la route de Mayence à Francfort le 6 août
4632, conduit à Béziers, impliqué dans la révolte de
Montmorency, condamné à mort et exécuté. L. F.
Bibl. : Lettres de Richelieu p. p. Avenel {Coll. des Doc.
inédits de Vhistoive de France).— A. Rambaud, Jîec. des
instructions aux amb. et min. de France en Russie ; Paris,
1890, in-8.
GOURMES. Com. du dép. des Alpes-Maritimes, arr.
de Grasse; cant. du Bar; 423 hab.
COU RM ONT. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Château-
Thierry, cant. de Fère-en-Tardenois ; 247 hab.
COURMONT. Com. de la Haute-Saône, arr. de Lure;
cant. d'Héricourt; 359 hab.
COURNAND (l'abbé Antoine de), littérateur français,
né à Grasse (Var) en 4747, mort à Paris le 25 mai 4844.
Professeur de rhétorique dans divers collèges du royaume,
il obtint, en 4784, la chaire de littérature au Collège de
France. En 4790, non seulement il prêta le serment cons-
titutionnel, mais il prit l'initiative d'un débat contradictoire
touchant le célibat ecclésiastique, en recueilUt les éléments
dans un volume sur le Mariage des prêtres (4790, in-8)
et prêcha d'exemple en prenant femme. En 4792, il fut
membre de la commission administrative appelée à rem-
placer provisoirement le directoire du dép. de Paris. L'abbé
de Cournand a publié les Styles, poème en quatre chants
(4780, in-48); un Tableau des révolutions delà litté-
rature ancienne et moderne (4786, in-8); une Réponse
119 —
COURNAND — COURNIER
^Mux observations dhm habitant des colonies sur le
mémoire en faveur des gens de couleur (4789, in-8) ;
des Réflexions sur les mémoires historiques et philo-
sophiques de Pie VI (1799, in-8); FAchilléide, imita-
tion en vers du poème de Stace (1800, in-12). Il a traduit
du portugais la Vie de IHnfant don Henri de Portugal
(1781, 2 vol. in-12) et de l'italien la Littérature des
Turcs de Toderini (1789, 3 vol. in-8). M. Tx.
COURNANEL. Com. du dép. de FAude, arr. et cant.
de Limoux; 316 hab,
COURNAULT (Charles), artiste et écrivain français con-
temporain, né à Langres le 9 nov. 1815. Fils d'un colonel
du génie, il reçut une éducation distinguée et, s'étant livré
ensuite à la peinture, il fut élève de Delacroix et fît en
Algérie et en Orient plusieurs voyages d'où il rapporta de
nombreuses esquisses. Mais peu à peu, sans abandonner
tout à fait son art, il s'occupa surtout d'études ayant trait
à l'archéologie et à l'art. Pendant un séjour en Suisse, où
il demeura quatre années consécutives, de 1871 à 1875,
il vécut, à Zurich près du D^ Keller à qui l'on doit la
découverte des cités lacustres et les travaux les plus
remarquables faits à ce sujet. M. Cournault s'étant peu à
peu intéressé à ces recherches, réunit une collection très
complète de dessins scrupuleusement exacts faits par lui
d'après les armes et les objets les plus saillants apparte-
nant à cette période. Cette suite ne comprend pas moins
de onze gros volumes in-fol. Trois d'entre eux, ceux qui
concernent plus particulièrement les antiquités gauloises,
ont été offerts par lui au musée de Saint-Germain et il a
fait don des huit autres au cabinet des estampes de la
Bibliothèque nationale; ils contiennent 1,077 feuilles de
dessins exécutés par lui de 1875 à 1876 en Suisse, en
Allemagne et en Hongrie où il avait eu du ministère de
l'instruction publique plusieurs missions en vue de l'achè-
vement de ce grand travail. Outre un grand nombre de
rapports et d'articles relatifs à des antiquités trouvées en
Lorraine et qui ont paru dans les recueils spéciaux de
Paris ou de la province, M. Cournault a publié la Cor-
respondance de Diderot avec Falconet (Revue mo-
derne^ 1867) et plus récemment, à la librairie de l'Art,
deux intéressantes biographies d'artistes lorrains, Jean
Lamour (1886) et Ligier Richier (1887). M. Cour-
nault est conservateur du musée lorrain depuis 1860, et
à diverses reprises il a été président de la Société des
amis des arts de Nancy. Dans sa résidence de Malzéville,
près de Nancy, il a réuni à sa propre collection d'œuvres
d'art celle des armes et des objets de l'Orient qui lui avait
été léguée par Delacroix, Emile Michel.
COURNET (Frédéric), officier de marine et homme po-
litique français, né à Lorient (Morbihan) le 24 févr. 1808,
mort à Londres en 1852. Cournet fit ses études au lycée
de Lorient et passa, avec succès, ses examens à l'école
navale. Officier de marine, il prit part, en 1831, à l'expé-
dition du Portugal commandée par l'amiral Roussin. Il fut
blessé, cité à l'ordre du jour et décoré. Ses opinions net-
tement républicaines ne furent pas sans nuire à son avan-
cement, et il n'était encore que lieutenant de vaisseau en
1846. Le 2 juin 1847, une ordonnance royale le plaça en
retrait d'emploi. Il se trouvait à Paris au moment de la
révolution de 1848. Il n'hésita point à passer du côté du
peuple et prit une part glorieuse à la guerre des rues. Le
rôle qu'il joua à l'époque du coup d'Etat de 1851 a laissé
autour du nom de Cournet comme une sorte d'auréole. Ar-
rêté le jeudi 3 déc. 1851, au moment du coup d'Etat de
Louis Bonaparte, sur la dénonciation d'un agent en bour-
geois, ancien membre d'un comité électoral socialiste, il ne
fit d'abord aucune résistance et monta tranquillement dans
la voiture qui devait le conduire à la préfecture do police.
Mais à peine en route, il saisit vivement à la gorge l'agent
qui l'avait arrêté, l'étrangla net, descendit du fiacre, donna
Tordre au cocher de continuer sa route, et se rendit chez
un de ses amis à Juvisy. Il réussit à gagner la Belgique,
puis Londres, où il eut avec un autre proscrit français,
Barthélémy, républicain socialiste, combattant comme
lui des terribles journées de juin, une violente querelle
qui se termina par un duel tragique au pistolet. Cournet
fut blessé au côté droit et expira quelques heures après.
On l'enterra dans le cimetière de Windsor. A. C.
COURNET (Frédéric-Etienne), homme politique français,
né à Paris le 25 déc. 1839, mort à Paris le 23 mai
1885. Fils du précédent, il fit ses études à Loriefit, fut
employé de commerce, entra dans l'administration des
chemins de fer du Midi, puis devint directeur du casino
d'Arcachon. Il s'établit ensuite à Paris où il commença
à lutter contre l'Empire dans de petites feuilles démo-
cratiques du quartier latin. De 1866 à 1868 il voyagea
comme employé d'une compagnie transatlantique. Puis
il reprit son indépendance. Devenu secrétaire de la
rédaction du Réveil de Delescluze, il fut arrêté et empri-
sonné trois fois sous l'Empire. Pendant le siège de Paris il
commanda un bataillon de marche du XVIIP arrondisse-
ment. Elu député de la Seine à l'assemblée de Bordeaux,
le 8 févr. 1871 par 91,656 voix, il siégea à l'extrême
gauche. Il se rallia à la Commune dont il ïut élu membre
le 26 mars. Il fit partie de la commission de sûreté géné-
rale (30 mars), delà commission executive (4 avr.), fut
délégué à la sûreté générale où il remplaça Raoul Rigault
(25 avril), membre de la commission musicale (10 mai),
de la commission de la guerre (16 mai). Après le 29 mai,
il passa en Angleterre, fut délégué à la réunion à
La Haye du conseil général de l'Internationale (1872),
séjourna en Suisse et rentra en France à la suite de
l'amnistie de 1880. Il collabora au journal Ni Dieu ni
Maître^ dirigea un journal socialiste de Lyon. Ses
obsèques à Paris donnèrent lieu à quelques troubles facile-
ment réprimés.
COURNEUVE (La). Com. du dép. de la Seine, arr. et
cant de Saint-Denis; 1,251 hab. Ce lieu existait dès le
X® siècle sous le nom de Saint-Lucien : la dénomination ac-
tuelle, qui n'a prévalu qu'au xiv"^ siècle, se trouve déjà dans
la Vie de Philippe- Auguste de Rigord. L'église, dédiée en
1580, a été reconstruite pn 1762 et n'a aucun caractère.
Il s'est livré à La Courneuve de sanglants combats, par
suite du voisinage du Bourget, pendant la guerre de 1870.
Fabriques de toiles cirées, teintureries, apprêts d'étoffes,
féculeries.
BiBL. : L'abbé Lebeuf, Hist. du diocèse de Paris, t. I,
pp. 575-579 de Fédit. de 1883. — Etrennes de la Cour neuve
pour l'année ill^, in-8 (ouvrage rare, moitié liistorique,
moitié littéraire, fait chez le seigneur du lieu, M. de La
Garde, fermier général).
COURNIER (Jean-Marie- Jules) , littérateur français, né
à Bordeaux le 27 sept. 1819, mort à Paris le 27 juin
1881. Il dirigea de 1850 à d851 le théâtre de la Porte-
Saint-Martin et remplit les fonctions d'administrateur gé-
néral du théâtre de Cluny sous la direction Larochelle. Il
a publié : le Nyctolope (Paris, 1843, in-8); les Deux
Irlandais (1844, in-12), poésies ; V Archevêque deCan-
torbéry (1845, 2 vol. in-8) ; Henri II et Thomas
Recket (1848, 2 vol. in-8) ; le Nouveau Lucien, dia-
logues satiriques (d850, in-12); Dialogues satiriques
(1857, in-12) ; le Doute et la Croyance^ drame en un
acte en vers (1848, in-12), joué à l'Odéon en 1848, à
Cluny en 1869; Théâtre (1858, in-12) comprenant
V Oncle vengée le Capitaine Rock et le Doute et la
Croyance ; Egile le Démon (drame joué à Beaumarchais
en 1847) ; la Métrophobie (à Cluny en 1869), la Fiancée
du Rengale (à la Porte-Saint-Martin en 1851) ; 0 Jean-
Jacques ! ou le Nouvel Emile (fantaisie en deux actes,
jouée à Cluny en 1868); Une Famille en i870-i87i,
comédie en cinq actes en prose (1875, in-12) tirée d'un
roman du même titre (1874, in-42); l'Homme qui sait,
étude triangologique par une mère (1872, in-12);
Lettres de V Inconnue (1874, in-8). Il eut en 1873 des
difficultés avec Sardou et publia : /.-M. Cournier contre
Montigny et Sardou, demande en revendication de
collaboration, dans la pièce c^'Andréa. Mémoire à con-
COURNIER — COURONNE
— 420 —
sulter contenant in extenso le Médecin de son honneur,
comédie en quatre actes (1873, in-8). Cournier avait
rédigé en 1849 une revue mensuelle, ridéal, et, en 4855,
la Chronique artistique et littéraire,
COURNOLS. Corn, du dép. du Puy-de-Dôme, arr. de
Clermont-Ferrand, cant. de Saint -Amand-Tallende;
367 hab.
COURNON. Com. du dép. du Morbihan, arr. de Vannes,
cant. de La Gacilly; 564 hab.
COURNON. Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr. de
Clermont-Ferrand, cant. de Pont-du-Château ; 2,207 hab.
Les évoques de Clermont étaient coseigneurs de Cournon
avec la famille Escot. En 4694, M. Saulnier réunit la
seigneurie. Alphonse de Poitiers et Raoul, seigneur de
Cournon, accordèrent, en 4244, une charte de coutumes
aux habitants. Antiquités romaines. Deux églises romanes,
Saint-Martin et Saint-Hilaire (xii® siècle). L. F.
COURNONSEC. Com. du dép. de PHérault, arr. et
cant. (3®) de MontpeUier; 464 hab.
COURNONTERRAL (Cornoterralium). Com. du dép.
de l'Hérault, arr. et cant. (3«) deMontpellier; 4,809 hab.
Stat. du chem. de fer de Montpellier à Béziers par Pèze-
nas. Paraît dans les textes au début du xii« siècle. La
seigneurie de cette localité appartenait à l'évêque de Mague-
lonne, puis de Montpellier. Autrefois chef-lieu d'un archi-
prêtré du diocèse de Montpellier. Au début du xviii® siècle,
elle était le siège du marquisat de VignoUes. — Restes de
fortifications. Lacs de la Cassolle, de' Pataris, d'Estagniol
et de Ramassol. — Distillerie de plantes aromatiques.
COURNOT (Antoine-Auguste), mathématicien et philo-
sophe français, né à Gray (Haute-Saône) le 28 août 4804,
mort à Paris le 34 mars 4877. Entré à l'Ecole normale en
4824, licencié l'année suivante avec tous ses camarades,
il resta jusqu'à la fin delà Restauration sans fonctions ofii-
cielles. Nommé en 4834 inspecteur adjoint de l'académie
de Paris, il devint successivement professeur de mathéma-
tiques à la faculté des sciences de Lyon (4834), recteur
de l'académie de Grenoble (4835), inspecteur général des
études (4838), recteur de l'acqidémie de Dijon et inspec-
teur général honoraire (4854); il fut mis à la retraite en
4862. Savant distingué et penseur éminent, il est sorti
de bonne heure du domaine des mathématiques pures et
s'est révélé économiste, philosophe et historien : écono-
miste, dans ses Recherches sur les principes mathé-
matiques de la théorie des richesses (Paris, 4838,
in-8) et dans sa Revue sommaire des doctrines éco--
nomiques (Paris, 4877, in-8), où il critique la loi de
FoÉTre et de la demande ; philosophe, dans son Exposition
de la théorie des chances et des probabilités (Paris,
4843, in-8), dans son Essai sur les fondements de nos
connaissances et sur les caractères de la critique phi-
losophique (Paris, 4854, 2 vol. in-8) et dans Matéria-
lisme^ vitalisme, rationalisme (Paris, 4875, in~8),
étude sur l'emploi des données de la science en philosophie ;
historien, dans son Traité de V enchaînemenl des idées
fondamentales dans les sciences et dans V histoire
(Dijon, 4861, 2 vol. in-8) et dans Considérations sur la
marche des idées et des événements dans les temps
modernes i^m^^ 4872,2 vol. in-8). Sa théorie du hasard
est tout à fait neuve et il a, l'un des premiers, appliquées
méthodes mathématiques à l'économie politique. Cependant
ses livres, les premiers en date surtout, ont eu générale-
ment peu de succès ; travailleur modeste et désintéressé,
il a certainement eu moins de réputation que de valeur.
Outre les ouvrages déjà cités, on lui doit : Traité élémen-
taire de la théorie des fonctions et du calcul infinité-
5e>m/ (Paris, 4844, 2 vol. in-8; 2« éd., 4856-58); De
r Origine et des limites de la correspondance entre
V algèbre et la géométrie (Paris, 4847, in-8) ; Des Insti-
tutions d'instruction publique en France (Paris, 4864,
in-8) ; d'intéressants mémoires de mathématiques publiés
dans le Journal de Crelle et dans divers autres recueils
scientifiques ; des éditions des Mémoires du maréchal de
Courol.
Gouvion Saint-Cyr (Paris, 4834, 4 vol. in-8) et des Lettres
d'Euler (Paris, 4842, 2 vol. in-8); des traductions du
Traité d'astronomie d'Herschel (Paris, 4 834, in-8) et des
Eléments de mécanique de Kater et Lardner. L. Sagnet.
Bii3L. : LiARE, Coiivnot^ dans Revue des Deux Mondes.
COUROL (Ornith.). Les Courols, qui constituent le genre
Leptosomus de Vieillot (Aiialyse, 4846, p. 46), l'un des
groupes les plus caractéristiques de la faune malgache, ont
été placées d'abord parmi les Coucous ou dans le voisinage
des Rarhus (V. ces mots), mais doivent être rangés dans la
famille des Coraciadés (V. ce mot). Ils ont le bec de forme
prismatique, avec
les narines s'ou-
vrant, par des
fentes linéaires,
plus près de la
pointe que la base
de la mandibule
supérieure, qui
est largement re-
couverte par les
plumes frontales,
les ailes de di-
mensions moyen-
nes, avec la troi-
sième, la quatriè-
me et la cinquième
rémiges plus dé-
veloppées que les
autres, la queue
allongée et les
doigts disposés comme chez les Zygodactyles. A l'âge adulte,
leur livrée présente d'un sexe à l'autre de telles différences
que le mâle et la femelle des Leptosomus discolor ont été
attribués non seulement à deux espèces, mais à deux genres
différents; les plumes de leur tronc sont doubles et se
composent d'une plume normale et d'une plume courte, à
barbes flexibles, et deux touffes de duvet, situées de chaque
côté du croupion, recouvrent des glandes qui sécrètent une
matière huileuse destinée à lubrifier le plumage. Les Lep-
tosomes ne se trouvent qu'à Madagascar et aux Comores.
Ce sont des oiseaux peu farouches qui vivent sous bois, par
couples ou en petites troupes dans lesquelles les mâles sont
plus nombï.-^.ux que les femelles et qui font la chasse aux
insectes, aux vers et aux petits reptiles. Ils ont un vol facile
et planent souvent au-dessus des arbres en poussant de
temps en temps des cris plaintifs. Leurs nids, placés sur le
sol, renferment des œufs de couleur blanche. Le genre Lep-
tosomus n'est représenté dans la nature que par une seule
espèce (Leptosomus discolor Herm.) à laquelle se rattachent
une ou deux variétés. Dans cette espèce, qui mesure environ
50 centim. de long, le mâle a les parties inférieures du
corps grises, le sommet de la tête noirâtre glacé de vert, le
dos, les ailes et la queue d'un vert métallique à reflets bleus,
pourprés ou cuivrés, tandis que la femelle a les parties
supérieures du corps d'un brun foncé ou verdâtre, variés
de roux, et les parties inférieures roussâtres avec des gout-
telettes noires. E. Ousïalet.
BiBL. : Alph. MiLNE Edwards et Alf. Grandidier, Hist,
phys.,nat. et politique de Madagascar AS19 A. XII, Oiseaux,
p. 223 et pi. 33 à 38.
COURONNADE (Art milit.). Opération militaire consis-
tant en uKe série d'attaques convergentes contre une posi-
tion défensive ou une place forte. Ce mot n'est plus usité.
COURONNE. I. Archéologie. — La couronne a été
employée comme ornement de tête dans tous les temps et
chez tous les peuples.
Antiquité. — L'usage des couronnes était si répandu
chez les Grecs que ces coiffures avaient été l'objet de livres
spéciaux, aujourd'hui perdus. Quatre au moins nous sont
connus par des citations de Pline et d'Athénée : ceux des
médecins Callimaque et Mnésithée, celui d'Apollodore et
celui d'Aelius Asclépiade. A Rome, un certain Claudius
Saturninus avait composé un livre intitulé De Coronis,
— 121
Pline TAncien consacre aux couronnes les premiers cha-
pitres des livres XXI et XXII. Les plus anciennes cou-
ronnes étaient faites de fleurs et de feuillages tressés. On
employait à cet eôet les fleurs les plus variées. Les roses
étaient très recherchées. On mêlait aux fleurs des épis et
des fruits, mais exceptionnellement. Il y eut aussi des cou-
ronnes de feuillage artificiel. Enfin For constitua de bonne
heure, en Grèce, la matière des couronnes, surtout de celles
qu*on consacrait aux divinités. Les inventaires du temple
de Délos mentionnent plus de cent couronnes d'or. L'argent
était moins employé. A Rome, la corona Hetrusca^ qu'un
esclave public tenait au-dessus de la tête des triompha-
teurs, et qui consistait en feuilles d'or imitant des feuilles
de chêne, était ornée de pierres précieuses. PHne met les
coronœ aureœ et gemmatœ au nombre des récompenses
mihtaires. Le luxe s'introduisit également dans les lem-
nisques ou bandelettes qui servaient primitivement à
maintenir les feuilles de la couronne et se nouaient par
derrière. Les plus anciens usages des couronnes ont été
des usages religieux. Elles étaient une marque de consécra-
tion à la divinité. On ne peut fixer l'époque à laquelle les
couronnes s'introduisirent dans les cérémonies religieuses.
Homère ne connaît pas encore cet ornement. Mais, à la fin
du VI® siècle, Sapho écrit : « Les dieux se détournent de
ceux qui se présentent à eux sans couronne. » La matière
des couronnes qu'on oflrait aux dieux et dont on parait
leurs statues variait suivant les caractères de la divinité.
C'est ainsi que la vigne était spécialement consacrée à
Bacchus, le chêne à Jupiter, le laurier à Apollon, le myrte
à Vénus, l'olivier à Minerve, les épis, le narcisse et le
pavot à Cérès, la vigne et le chêne à Rhéa, le peuplier
blanc à Hercule, le pin à Pan, le grenadier à Junon, etc.
Les couronnes des prêtres étaient parfois ornées des images
des dieux. Le titre de atscpavri^dpo;, c.-à-d. porteur de
couronne, a été donné à ceux des magistrats grecs qui,
dans certaines cérémonies, apparaissaient comme sacrifica-
teurs. C'est une coutume fort ancienne que celle de cou-
ronner les morts. On a retrouvé des guirlandes de fleurs
et de feuilles sur la tête et la poitrine de plusieurs momies
de rois d'Egypte des XX*^ et XXI® dynasties. Les morts
étant divinisés, il était naturel qu'on leur rendît les mêmes
honneurs qu'aux dieux. Plus tard, les philosophes y ont
vu comme une récompense donnée à celui qui avait com-
battu le combat de la vie. L'explication de Lucien ne vaut
pas mieux : d'après lui, on couronnait les morts pour
combattre la mauvaise odeur. La couronne était tout sim-
plement une marque d'honneur. Des couronnes étaient
portées aux funérailles ou déposées sur les tombeaux.
Appien raconte qu'aux obsèques de Sylla, il n'y eut pas
moins de deux mille couronnes d'or. La loi des Douze Tables
nous apprend qu'on portait aux funérailles les couronnes
que le mort avait obtenues comme récompenses pendant
sa vie, par exemple les couronnes militaires, celles des
jeux. Les couronnes trouvaient aussi place dans la vie
privée. Les Grecs et les Romains en mettaient sur leur tête
dans les festins ; ils en ornaient même leur cou. Dans
une peinture d'un tombeau de Corneto, représentant un
repas funèbre, une femme, dont la tête est entourée d'une
double couronne et qui en porte une autre au cou, en
présente une plus grande à un personnage assis en face
d'elle. Certaines plantes, comme le lierre, étaient destinées
à prévenir l'ivresse ; d'autres, comme le safran, à procurer
un sommeil agréable à ceux qui avaient bu outre mesure.
Les couronnes jouaient un rôle dans d'autres réjouissances
ou cérémonies. Une couronne d'olivier fixée à la porte
d'une maison indiquait la naissance d'un enfant mâle. La
couronne était l'emblème du mariage. A Rome, la couronne
nuptiale devait être faite de fleurs cueillies par l'épouse
elle-même ; on la plaçait sous le voile.
Dans les jeux célébrés en Grèce, les vainqueurs rece-
vaient des couronnes à titre de récompenses (V. Jeu,
Jeux Néméens^ Olympiques, Pythiques^ etc.) . Cet usage
se perpétua dans les concours poétiques de Grèce et de
COURONNE
Rome. De là vint aussi le caractère honorifique attribué
aux couronnes et Pusage d'en offrir aux généraux vain-
queurs. Thémistocle et Eurybiade obtinrent à Sparte une
couronne d'olivier. Une récompense analogue décernée à
Démosthène donna lieu au fameux procès de la Couronne
(V. Démosthène).
Le souvenir de ces [hommages était conservé dans le
trésor des temples, et aussi sur les monuments funèbres,
où l'on figurait la couronne avec la formule par laquelle
la récompense avait été décernée. Les couronnes étaient
représentées de diverses façons, dans les monumf».nts, soit
sur la tête du personnage, soit à côté; un tombeau de
Smyrne (fig. 1) porte dans de petites armoires à volets
des couronnes à l'intérieur desquelles sont gravés les mots
Fig. 1. — Couronnes sur un tombeau de Smyrne.
6 Brj(jLo;, commencement de la formule usuelle. Dans un
grand nombre de monuments, on voit des Victoires cou-
ronnant des héros ou des dieux. On connaît celle qui,
dans le théâtre d'automates d'Héron d'Alexandrie, appa-
raissait portant une couronne au-dessus de Dionysos ; dans
une horloge décrite par Choricius de Gaza, Hercule
recevait à chaque heure et pour chacun des douze travaux
une couronne déposée sur son front par un aigle auto-
matique.
On distinguait à Rome la couronne du triomphe de
celle de l'ovation. L'une était de laurier, l'autre de myrte.
Le triomphateur consacrait sa couronne à Jupiter Capi-
tolin. Les peuples alliés des Romains ou les vaincus
offraient des couronnes à la même divinité. Quelquefois ils
se contentaient de les remettre aux magistrats romains. On
finit par considérer comme un tribut régulier les couronnes
d'or offertes par les peuples vaincus. Ceux qui avaient
reçu une couronne comme récompense publique pouvaient
ensuite se présenter aux fêtes couronnés de laurier. Les
soldats décernaient des couronnes au général vainqueur.
La couronne de gazon (corona graminea) était la plus
haute de ces marques d'honneur, car le gazon symbolisait
le sol conquis. La couronne obsidionale était décernée à
celui qui délivrait une ville assiégée. La couronne civique
(civicaj a cive servato) était réservée au citoyen qui avait
arraché un autre citoyen aux mains de l'ennemi ; elle fut
faite d'abord du feuillage de l'yeuse, plus tard de celui du
chêne. Celui qui l'avait reçue était dispensé des charges
publiques ; ce privilège s'étendait à son père et à son aïeul.
La couronne murale était donnée par le général au soldat
qui le premier était monté à l'assaut ; elle figurait un mur
muni de tours crénelées. Sur une monnaie de la famille
Sulpicia^ Agrippa est coiffé de cette couronne et de la
couronne navale, celle-ci récompensant le guerrier qui le
premier avait sauté sur une galère ennemie; elle était
ornée de rostres. Au soldat qui le premier pénétrait dans
le camp ennemi était réservée la couronne castrensis ou
vallaris.
Récompense de la victoire, la couronne devint naturel-
lement dans la symbolique et l'art chrétiens l'emblème du
martyre. Saint Cyprien appelle les martyrs coronandos^
coronœ proximos^coronatos. Honorius P^ donna le nom
d'église des Quatre-Gouronnés à une égHse élevée en Phon-
neur de quatre martyrs. Sur plusieurs monuments de Part
chrétien, des mosaïques et des verres, on voit une main,
symbole de Dieu, qui tient une couronne au-dessus de la tête
d'un martyr ou d'un saint. La couronne est un ornement qui
peut désigner des saints n'ayant pas souffert le martyre.
On appelle ablations les couronnes que portent, dans le
COURONNE
— in
pan de leur manteau, des martyrs, des saints, des apôtres,
et qu'ils présentent au Christ, à l'Agneau ou à un siège
vide. De pareilles représentations sont fréquentes sur les
mosaïques de Rome et de Ravenne, du iv'' au vi^ siècle.
L'usage de suspendre des couronnes d'orfèvrerie dans les
églises et particulièrement au-dessus de Fautel remonte
au moins au iv® siècle ; il fut commun à l'Orient et à l'Oc-
cident. Du milieu de ces couronnes tombait souvent une
lampe ou une croix. Les couronnes de Guarrazar dont
nous parlerons en étudiant les couronnes royales, étaient
des couronnes votives ainsi suspendues. Citons encore une
couronne d'or offerte par Léon le Philosophe à Saint-Marc
de Venise en 911 , et conservée dans le trésor de cette église.
Moyen âge. — L'usage des couronnes persista au moyen
âge. Les souverains n'étaient pas seuls à en porter. Aux
VI® et VII® siècles, les femmes riches se paraient de cou-
ronnes et de diadèmes d'orfèvrerie; cette mode reparut du
XII® au XIV® siècle. Un statut de 1283 porte que « nul
bourgeois ne bourgeoise ne portera verd ne gris, ne ermine,
et se délivreront de ceux qu'ils ont de Pasques prochain...
et ne porteront... couronnes d'or ne d'argent ». Les
femmes se coiffaient d'une couronne le jour de leur
mariage ; la couronne nuptiale était au nombre des objets
que la veuve réclamait sur la succession de son mari. Dans
les églises, les statues de la Vierge, du Christ et des saints
furent ornées de couronnes d'orfèvrerie.
Les couronnes ont été parfois des signes d'infamie.
Ainsi, en 1375, une certaine Agnès Piedeleu fut con-
damnée à être exposée pendant deux heures au pilori,
coiffée d'une couronne de parchemin portant écrit en
grosses lettres le mot faussaire.
Insigné royal ou féodal. L'insigne de la souveraineté
était chez les Grecs le bandeau appelé diadème. Cependant
certains rois de dynasties grecques apparaissent sur leurs
monnaies la tête ceinte de la couronne radiée, emblème de
divinisation : citons entre autres Ptolémée III Evergète,
Ptolémée V Epiphane, Antiochus II Théos et Antiochus IV
Epiphane. Chez les Romains, les empereurs sont représentés
avec une couronne de laurier. C'était originairement la
couronne triomphale. On sait que les triomphateurs pou-
vaient paraître aux fêtes couronnés de lauriers. Par un
privilège spécial, il fut permis à Pompée, à César et, plus
tard, à Auguste, de porter partout où il leur plairait la
couronne d'or triomphale. Quant au diadème, César le
refusa toujours. On conte qu'un de ses ^ partisans ayant
posé sur sa statue une couronne de laurier liée avec un
bandeau, les tribuns firent enlever le bandeau, mais non
la couronne ; celui qui l'avait offerte fut mis aux fers. La
couronne radiée paraît pour la première fois sur les mon-
naies de Caracalla, mais on sait que Néron avait adopté
cet ornement. Quand le siège de l'empire eut été porté à
Byzance, les empereurs prirent le diadème. Sous Cons-
tantin et ses successeurs immédiats, le diadème est un
bandeau bordé en haut
et en bas d'un rang de
perles ou bien encore il
est formé d'une série de
pierres, de feuilles de
laurier en or et de pla-
ques métalliques articu-
lées, comme on le voit
déjà sur un médaillon de
Constantin, Sous Justi-
nien, la couronne appelée
stemma , prototype de
toutes les couronnes roya-
les du moyen âge, sup-
planta le diadème ; ce
n'en était , d ' ailleurs ,
qu'une transformation, le
bandeau ayant fini par disparaître sous les pierreries et les
ornements. Le stemma de Justinien, tel qu'il est représenté
sur la célèbre mosaïque de Saint- Vital de Ravenne (fig. 2),
Fig. 2. — Couronne de Justinien.
(Mosaïque de Ravenne.)
Fig. 3. — Couronne dite
camelaucion^ sou d'or
de Ttiéodose (Cabinet de
France).
consiste en un cercle d'or rehaussé de perles. Mais les suc-
cesseurs de Justinien sont figurés avec une couronne plus
ornée ; une croix s'élève à la partie antérieure ; deux pen-
deloques de perles ou de pier-
res, attachés au bord inférieur,
tombent sur les joues ; c'étaient
les cataseista ; le stemma est
recouvert d'une étoffe formant
calotte. On ornait le cercle
d'émaux. Constantin Porphy-
rogenète possédait des couron-
nes vertes, bleues, rouges,
blanches, c.-à-d. ornées d'é-
maux de ces diverses cou-
leurs. On ne doit pas con-
fondre le stemma avec le
camelaucion, sorte de casque sans visière, orné sur le
bord inférieur d'un diadème garni de deux rangs de perles
et au sommet d'un cimier (fig. 3). Les enfants de l'em-
pereur et les dignitaires avaient une couronne appelée ste-
phanos. Anne Comnène a décrit la couronne impériale
telle qu'elle était à la fin du xi® siècle, telle que son père
la portait : « La couronne impériale, comme un hémisphère
arrondi, entoure la tète de tous côtés; elle est ornée de
pierres précieuses ; les unes y sont enchâssées, les autres
pendent en dehors. De chaque côté des tempes, en effet,
sont suspendues des rangées de pierres précieuses et de
perles qui caressent les joues. Les couronnes du sébasto-
crator et du césar sont clairsemées de pierres et de perles
et ne sont pas fermées en forme de sphère. » Les couronnes
des impératrices ne se présentent pas toujours avec la même
ornementation que celles des empereurs. Ainsi, sur la
mosaïque de Ravenne, Théodora porte une couronne dont
le cercle est surmonté de fleurons. Une miniature d'un
manuscrit carolingien de la bibliothèque d'Heidelberg repré-
sente sainte Hélène avec une couronne formée d'un cercle
d'or très étroit, orné de pierres bleues enchâssées ; sur le
cercle sont plantés des fleurons composés d'une perle,
d'une pieri'e bleue taillée en losange et d'une pierre ronde
Fig 4. — Couronne dite de Saint-Etienne, servant au cou-
ronnement des rois de Hongrie (x« siècle, d'après Sohlum-
berger, Nicéphore Phocas).
verte superposées ; le fleuron central et antérieur se com-
pose de trois branches s'échappant d'une perle (V. Hefner-
Alteneck, Jrachten, Kunstwerke und Gerâthschaften^
t. I, pi. 9). Plusieurs couronnes byzantines sont parvenues
jusqu'à nous^ Il faut citer en première ligne, et comme la
423 —
COURONNE
plus ancienne, la couronne de fer, conservée dans le tré-
sor de Monza. C'est, d'après une tradition fort ancienne,
un présent de Théodelinde, reine des Lombards, morte en
625 à l'église de Saint-Jean de Monza ; mais c'est une
œuvre byzantine. Elle consiste en un cercle d'or divisé en
six plaques séparées par des montants, recouvertes d'un
émail vert sur lequel se détachent des fleurs rouges, bleues
et blanches, dont les contours sont dessinés par des filets
d'or ; à l'intérieur est incrusté un cercle de fer qui passe
pour avoir été forgé avec l'un des clous de la Passion. Les
Autrichiens, après la bataille de Magenta, emportèrent ce
précieux monument à Vérone ; il fut réintégré à Monza le
6 déc. d866. On conserve au musée national de Budapest une
couronne dite de Constantin Monomaque, composée de sept
plaques d'or émaillé rectangulaires, plus hautes que larges,
arrondies à leur sommet, portant les effigies dudit empe-
reur, des impératrices Zoé et Théodora, de deux danseuses
et de deux Vertus; une huitième et une neuvième plaques,
circulaires, servant de fermoir, présentent les bustes des
saints André et Pierre ; cette couronne a dû être envoyée
par le gouvernement de Byzance au roi de Hongrie, André P^,
entre les années 1042 et 4050. La couronne dite de Saint-
Etienne (fig. 4), au château d'Olen, a une origine analogue ;
elle donne exactement le type du stemma impérial de la fin
du XI® siècle. Cette couronne, qui sert au couronnement
des rois de Hongrie, a été envoyée par l'empereur Michel
Ducas au roi Geysa P^.
n nous faut revenir en arrière pour jeter un coup d'œil
sur les couronnes des rois barbares. Divers monuments
nous permettent de nous faire une idée de ce qu'étaient
les couronnes de ces souverains qui établirent leur pouvoir
sur les ruines de l'empire romain. C'est d'abord une cou-
ronne d'or, trouvée sur les bords du Don et conservée à
Saint-Pétersbourg au musée de l'Ermitage dans la Collection
scythique ; elle consiste en un large bandeau d'or pur, orné
de perles, de cabochons et, sur le devant, d'un camée
antique ; le bord supérieur du
bandeau est orné de rameaux
et de statuettes représentant
des élans et bouquetins du
Caucase; au bord inférieur
sont suspendues des pende-
loques.
Le trésor trouvé, en 1858,
en Espagne, au lieu dit la
Fuente de Guarrazar, a
fourni toute une série de cou-
ronnes votives visigothes dont
neuf sont aujourd'hui con-
servées au musée de Cluny.
La plus remarquable (ûg. 5)
est celle du roi Reccesvinthe
(649-672). Elle se compose
d'un large bandeau en or mas-
sif, haut de 10 centim. et
dont le diamètre dépasse 21
centim. ; il s'ouvre au moyen
d'une double charnière ; il' est
orné de saphirs orientaux et
de perles enchâssées dans des
bordures d'or ; entre ces pier-
res sont découpées des pal-
mettes dont les feuilles sont
remplies par des lamelles de
pâte rouge imitant le grenat.
Du bord inférieur du ban-
deau partent vingt - quatre
chaînettes qui supportent une
petite croix et vingt -trois
lettres d'or cloisonnées et incrustées formant les mots
H- Reccesvinthos rex offeret ; chacune de ces lettres sup-
porte une pendeloque. La couronne est suspendue par quatre
chaînes; à une autre chaîne pend une croix. Un autre
Fig. 5. — Couronne votive
d'or d'un roi visigoth
(Musée de Cluny).
Fig. 6. ~- Couronne de Charles
le Chauve (Cahier et Martin,
Nouveaux Mélanges).
diadème du même genre présente au revers de la croix
l'inscription in di nomine offeret Sonnica sce Marie
in sorbaces. On ignore quel est ce personnage du nom
de Sonnica. Les autres couronnes du trésor de Guarrazar
sont très différentes ; le bandeau consiste en une sorte de
grillage très épais en or soufflé formant deux rangs de
mailles ; des pierres, saphirs, perles fines et coques de nacre
sont placées à chaque point d'intersection des barreaux.
Nous ne savons rien des couronnes des rois mérovin-
giens. Sur les monnaies qui portent leur nom, l'on voit
une tète diadémée, mais cette tête étant la copie servile de
celle qui apparaît sur les monnaies impériales du vi® siècle,
ne saurait fournir aucun
renseignement. Charle-
magne, sur la mosaïque
du Latran, est coiffé
d'une sorte de bonnet
entouré à sa base d'une
couronne dentelée. Les
Annales de Fulda rap-
portent que Charles le
Chauve, devenu empe-
reur, prit les vêtements
des empereurs grecs et
spécialement le diadè-
me. Plusieurs miniatu-
res du IX® siècle nous
ont conservé l'image de
Charles le Chauve. Nous
empruntons la fig. 6
à une miniature de l'é-
vangéliaire de Charles
le Chauve conservé à Munich ; on voit que la couronne est
formée d'un bandeau orné de pierres, auquel se rattache
une bande semi-circulaire également ornée de pierres, sur-
montée de fleurons et qui passe au-dessus de la tête.
Tel fut le type ordinaire de la couronne impériale au
moyen âge. On le retrouve dans une miniature d'un ma-
nuscrit de Munich qui représente Henri H couronné par
Jésus-Christ ; dans le même manuscrit, le même empereur
est figuré avec une couronne formée d'un cercle orné
de quatre fleurons. La couronne dite de Charlemagne,
dont on trouvera la figure au mot Charlemagne (t. X,
p. 668), conservée autrefois à Nuremberg, d'où elle est
passée dans le trésor impérial de Vienne, consiste en huit
plaques d'or arrondies en haut, quatre grandes et quatre
petites, réunies par des charnières ; les grandes plaques
sont ornées de pierres et de perles, les petites sont émail-
lées ; la plaque antérieure supporte une croix du pied de
laquelle part un arc qui va rejoindre la plaque postérieure
correspondante; sur l'arc, on lit : Chvonradvs Dei
gratia Romanorvm imperator avgvstvs, Conrad II fut
couronné en 1027. C'est de cette couronne qu'on fit
toujours usage au couronnement de l'empereur. Mais, au
moins au moyen âge, les empereurs allemands sont sou-
vent représentés avec des couronnes d'un autre type. Dans
un manuscrit de Munich, Othon II ou III porte une cou-
ronne carrée, posée la pointe en avant, surmontée d'un
fleuron à chaque angle. Sur une miniature d'un évangéhaire
conservé au trésor d'Aix-la-Chapelle, Otton III apparaît
coiffé d]un large bandeau circulaire, analogue au diadème
de Justinien sur la mosaïque de Ravenne. On peut voir au
musée de BerHn la couronne de l'impératrice Anne-Ger-
trude, femme de Rodolphe de Habsbourg, morte en 1281 ;
elle se compose d'un cercle d'argent doré sans ornement,
surmonté de quatre fleurs de lis ornées de pierres. A partir
du xv^ siècle, la forme de la couronne impériale est ordi-
nairement celle que présente une statue de Louis de Bavière,
de la fin du xv^ siècle, dans une chapelle de la cathédrale
de Munich : c'est une couronne à fleurons alternativement
grands et petits, formant la base d'une mitre à quatre pans
très élevée ; de la couronne tombent sur les épaules de
larges fanons.
COURONNE
— iU
Les couronnes royales du xi® au xv® siècle ne différaient
pas de celles que portaient les ducs, les comtes et autres
nobles jouissant de droits régaliens. La couronne des
rois de France n'avait pas, avant François P"^, de forme
particulière, et ce n'est pas avant le xv^ siècle que la
fleur de lis en est devenue l'ornement nécessaire. Aux
XI® et XII® siècles, les couronnes, autant qu'on peut en
juger par les miniatures et les statues, consistaient géné-
Fig. 7. — Sceau des régents de France pendant la deuxième
croisade de saint Louis (Archives nationales).
ralement soit en un cercle d'orfèvrerie orné de pierres, soit
en un cercle surmonté de quatre fleurons, les formes de
ces fleurons variant à l'infini. Dans un manuscrit lombar-
dique de la Gava, dont l'écriture indique le xi® siècle, le
roi Rachis est représenté avec une couronne polygonale,
dont trois pans sont visibles ; à l'intersection de chaque
pan une tige assez haute est surmontée d'une perle ; la
plaque centrale porte un fleuron de la forme d'une fleur de
lis. Les couronnes polygonales sont fréquentes dans les
monuments des xi^et xii® siècles. Elles présentaient l'aspect
d'un bonnet carré posé une pointe en avant. Citons les
belles statues des vieillards de l'Apocalypse au portail de
Moissac. Le roi Henri P^* et le roi Philippe P^ ont une
pareille couronne dans le livre de la fondation de Saint-
Martin des Champs, à Paris, composé entre 1067 et 1079
et conservé au Musée britannique. Au xiii^ siècle, appa-
raissent les couronnes à huit fleurons, dont quatre plus
gros et quatre plus petits. Ce type resta en usage jusqu'au
xv^ siècle. Mais on continue à voir des rois coiffés de cou-
ronnes à quatre fleurons. Nous donnons comme exemple
de ce type la figure de
la couronne royale qui
occupait le champ du
sceau des régents de
France pendant la se-
conde croisade de saint
Louis (1270) (fig. 7).
A la fin du xiii® siècle,
l'usage s'introduisit
pour les nobles et les
rois d'orner leur heau-
me, dans les tournois
et les parades militai-
res, d'une couronne pla-
cée à la base du timbre.
L'inventaire de Char-
les V mentionne une
« couronne à bassinet ».
La statue de Louis de
Bavière, mort en 1347,
conservée au musée de
Mayence, offre l'exem-
ple d'une couronne entourant la base d'un simple bassinet.
La couronne de la statue de Philippe V, roi de France, à
Saint-Denis, avait quatre grands fleurons formés de feuilles
Fig. 8. — Couronne placée sur
un bonnet, d'après une mé-
daille de Louis XII au Cabinet
de France.
d'aristoloche, alternant avec quatre petits formés de feuilles
de chélidoine. Le plus souvent, les quatre grands fleurofts de
la couronne royale de France, au xiv^ siècle, sont des fleurs
de lis. A la fin du xv^ siècle et au xyi« siècle, les rois de
France, spécialement Louis XI, Charles VIÏI et Louis XII
sont souvent représentés avec des couronnes formées d'un
cercle surmonté d'une série de fleurs de lis très rappro-
chées et toutes de même hauteur. De plus, les couronnes à
cette époque se plaçaient sur un bonnet ou un chapeau.
Une médaille de Louis XII (fig. 8) nous donnera un
exemple de cette disposition. La couronne fermée, c.-à-d.
surmontée de demi-cercles s'élevant au-dessus de la tête,
ne fut adoptée en France que par le roi François P^. Mais
en Angleterre, la couronne fermée, dite couronne archée^
apparaît dès le règne de Henri Y. Aux deux derniers siècles,
comme aussi dans notre siècle, les rois de France ont porté
des couronnes fermées dont l'ornementation consistait en
fleurs de Hs formées de diamants ; les arcs étaient, comme
le cercle, entièrement garnis de diamants, La couronne de
Louis XV, dont on peut voir un fac-similé dans la galerie
d'Apollon au Louvre, et dont nous donnons ici le dessin
(fig. 9), était surmontée du célèbre diamant le Sancy; le
Couronne de Louis XVL(Musée du Louvre).
dessin en avait été donné par Laurent Ronde, joaillier de
la couronne. La couronne du sacre de Charles X, dont la
décoration était analogue, avait été dessinée et exécutée
par Frédéric Bapst.
C'est seulement au courant du xvi^ siècle que des formes
spéciales ont été attribuées aux couronnes, insignes des
divers titres nobiliaires; c'est alors, quand s'est con-
stituée la science du blason, qu'on a arrêté la classification
des couronnes (V. plus bas, § Art héraldique.
Couronne cV épines (V. Epine).
Couronne de lumières. Grand lampadaire de forme
circulaire, suspendu à des chanies et portant à la fois des
lampes et des bougies. Les couronnes de lumières ont
été en usage surtout dans les églises. Elles dérivent des
lampes antiques à plusieurs becs disposés circulairement.
Elles faisaient partie du mobilier ecclésiastique au moins
dès le IX® siècle aussi bien en Orient qu'en Occident, L'em-
pereur Michel III (842!-867) offrit à l'église Sainte-Sophie
un polycandelon en forme de couronne. Antérieurement,
le pape Léon II fit suspendre quatre lampadaires en forme
de couronne entre les arcades du ciborium qui abritait
l'autel de la basilique de Saint-Pierre à Rome. Vers le
même temps, Angélelme, évêque d'Auxerre, plaça autour
de l'autel principal de sa cathédrale trois couronnes de
lumières en argent d'un poids considérable. Une chronique
— 425 -
COURONNE
du Mont-Cassm rapporte qu'au xi^ siècle l'abbé Didier fit
faire une très grande couronne d'argent pesant environ
iOO livres, ornée de douze tours et d'où pendaient trente-
six lamjjes ; elle était retenue par une chaîne de fer divisée
en plusieurs sections par sept pommes dorées. Ce monu-
ment devait être assez semblable à la couronne d'Aix-la-
Chapelle dont nous donnons le dessin (fig. 10). Saint
Bernard s'est élevé contre les dimensions de ces sortes de
lampadaires : « On orne maintenant les égliseâ non plus de
couronnes gemmées, mais de roues entourées de lampes,
tout éclatantes de pierres précieuses » (Apolog, ad Guill,
abb., c. 42). Une couronne de lumières représentée dans
une fresque du ix® siècle de la crypte de Saint-Clément à
Rome est beaucoup plus simple ; elle consiste en un cercle
de métal suspendu par trois chaînes et dans lequel sont
fichées six lampes. Azelinus, mort en 1044, et Ethylo ou
Hézilon, mort en 1079, tous deux évoques d'Hildesheim,
avaient fait faire pour leur église deux couronnes de
Fig. 10. — Couronne de lumières à Aix-la-Chapelle.
lumières qui subsistent encore. La plus ancienne est assez
petite; mais la plus récente a plus de 18 m. de circonfé-
rence ; elle se compose de douze bandes de métal contour-
nées en forme de segments de cercle unis les uns aux autres :
à chacun des points de jonction s'élève une tourelle qui
contenait autrefois une statuette d'argent représentant soit
un personnage de l'Ancien Testament, soit une vertu,
comme l'indiquent les inscriptions ; au point le plus sail-
lant ^de chaque segment de cercle était placée une niche
qui abritait un des douze apôtres ; chaque tourelle était
surmontée d'une lampe; l'espace compris entre les tou-
relles était occupé par les flambeaux. Ce lampadaire est
en cuivre et en argent. Il est soutenu par des tringles de
fer qui se réunissent à une grosse pomme dorée oii aboutit
la chaîne de suspension. La couronne offerte à la cathé-
drale d'Aix-la-Chapelle par l'empereur Frédéric Barberousse
et sa femme Béatrice de Bourgogne ne diffère pas essen-
tiellement de celle d'Hildesheim ; elle ne comprend que
huit segments de cercle ; elle est ornée de tourelles aux
points d'intersection et au point le plus saillant de chaque
arc. La partie inférieure de chaque tourelle forme un médail-
lon où sont gravés des personnages et des scènes de l'Ecri-
ture sainte. De plus, une inscription se développe tout
autour ; elle débute par deux vers qui révèlent l'idée sym-
bolique que ces lampadaires avaient aux yeux des gens du
moyen âge ; ils étaient l'image de la Jérusalem céleste :
Celica Jherusalem signatiir imagine tali — Visio pacis,
certa quietis spes ibi nobis. Des inscriptions analogues se
lisaient sur une couronne de Saint-Pantaléon de Cologne et
sur une autre dans l'église de Spire. En 1793, fut fondue
la couronne de lumières de l'église Saint-Rémy de Reims ;
on en trouvera l'image dans les Mélanges d'archéologie
des PP. Cahier et Martin (t. III, pi. 12). Toutes les cou-
ronnes de lumières n'étaient pas aussi ornées ; ce n'étaient
souvent que de simples cercles de métal auxquels on fixait
de petites lampes ou des cierges. On ne doit pas confondre
avec les couronnes de lumières les candélabres, les lampes
en forme de couronnes, comme était la lampe d'argent
suspendue jadis dans le chœur de Notre-Dame de Paris,
et qu'i^nne d'Autriche avait donnée en 1636 à cette
église. M. Prou.
IL Egyptologie (V. Coiffure).
IIL Art héraldique. — Les couronnes entrent dans
la composition des armoiries de quatre façons : ou pour en
composer le corps (la maison d'E lampes porte trois cou-
ronnes en chef) , ou comme figures accessoires ; telles celles
qui surmontent les animaux : de gueules^ au lion d'argent
couronné d'or, ou pour couronner le casque, ou enfin'pour
être placées au-dessus de l'écu, comme marque de souve-
Fio
11. — Couronne royale
de France.
Fis
12. — Couronne du
dauphin.
raineté ou de dignité. La couronne a une grande impor-
tance en héraldique ; sous la monarchie, la couronne royale
de France était composée d'un cercle surmonté de huit
fleurs de lis au pied coupé (fig. 11) ; de chacune d'elles part
Fk
. 13. — UoLironne des
enfants de France.
Fig. 14. — Couronne des
princes du sang.
un demi-cercle dont l'autre extrémité aboutit à un sommet
commun formé par une double tleur de lis. Celle du dau-
phin (fig. 12) n'avait que quatre demi-cercles ayant la forme
d'un dauphin. La couronne des enfants de France (fig. 13)
COURONNE
iâ6 —
était un simple cercle surmonté de huit fleurs de lis sans
demi-cercle. La couronne des princes du sang (fig. 14)
était réduite à quatre fleurs de lis entremêlées de fleurons.
Ce fut le roi Charles VU qui, le premier, plaça une cou-
ronne sur Fécu de ses armes. Les couronnes de prince (fig. 15)
sont de deux sortes ; celle de prince français ne diflère de la
couronne royale que par le nombre de demi-cercles qui la
Fig. 15. — Couronne de Fig. 16. — Couronne de
prince, prince du Saint-Empire.
forment ; elle n'en a que quatre. Les nobles, dont les terres
furent érigées en principautés ou ceux qui ont le titre de
prince du Saint-Empire (fig. 16), portent la couronne à l'an-
tique rehaussée de douze pointes d'or ou un bonnet de velours
écarlate rehaussé d'hermine, diadème d'un demi-cercle
d'or et surmonté d'un globe cintré et croisé d'or, surmonté
de la croix latine. La couronne de duc (fig. 17) est un cercle
d'or enrichi de pierreries, rehaussé de huit fleurons d'ache
17. — Couronne
de duc.
Fig. 18. — Couronne
de marquis.
posés sur des pointes aussi d'or (représentée par le dessin,
on ne voit que trois fleurons entiers et deux demi ; toutes
les couronnes sont vues de face) . Celle de marquis (fig. 1 8), un
cercle d'or enrichi de pierreries, surmonté de huit fleurons
d'or, quatre de feuilles d'ache et quatre alternatifs formés
de trois grosses perles posées en trèfle. La couronne de
comte (V. t. XII, p. 280), un cercle d'or enrichi de pier-
reries et surmonté de seize grosses perles (on en voit
neuf). Celle de vicomte (fig. 19) se compose d'un cercle
d'or enrichi de pierreries, surmonté de quatre grosses
Fig. 19. — Couronne Fig. 20. ~ Couronne
de vicomte. de iDaron.
perles; entre chacune d'elles est une perle plus petite
posée un peu plus bas. La couronne de baron (fig. 20),
qu'on nomme un tortil, se compose d'un cercle d'or enrichi
de pierreries, entortillé d'un collier ou chapelet de perles.
La couronne à l'antique (fig. 21), dont on se sert généra-
lement pour couronner les têtes de lion, de léopard, est à
peu près comme celle de comte, sauf que les pointes n'ont
pas de perles. Ces diverses formes de couronnes subsis-
tèrent jusqu'à l'avènement de Napoléon P^ à l'empire ; il
Fig. 21. — Couronne
à l'antique.
22. — Couronne
de ville.
voulut avoir une couronne spéciale composée d'un cercle
d'or enrichi de pierreries, surmontée de huit aigles esso-
rant et fermée par huit demi-cercles qui soutiennent un
globe ; de plus, il remplaça, pour les titrés qu'il créa, les
couronnes par des toques empanachées ; sous la Restaura-
tion, les couronnes furent de nouveau en usage et elles le
sont encore. On les place généralement au-dessus du casque
ou au-dessus de l'écu. — - Les villes surmontent leurs
armoiries de la couronne murale (fig. 22), qui peut être
indiff'éremment à quatre ou cinq créneaux, bien qu'un décret
du 17 mai 1809 ait réglementé le nombre des créneaux, ce
qui n'a jamais été observé. H. Gourdon de Genouillac.
23. — Couronne de
chêne.
IV. Ordres. — Ordre de la Couronne. — Créé en
France, en 1390, par Enguerrand, comte de Soissons, et Guy
de Coucy ; les chevahers portaient une couronne brodée sur
la manche droite. Il disparut peu de temps après sa fon-
dation. — Autre ordre de la Couronne, fondé en Prusse
le 18 oct. 1861 ; les membres furent divisés en cinq classes :
grands-croix, grands officiers, commandeurs, officiers, che-
valiers ; le ruban est bleu foncé.
Ordre de la Couronne de
chêne. — Créé en déc. 1841 par
le roi des Pays-Bas, Guillaume II,
particuhèrement en faveur de ses
sujets du Luxembourg dont il
voulait récompenser les services
civils et militaires, et aussi en
faveur des artistes régnicoles et
étrangers. Le roi est grand
maître ; les membres se divisent
en quatre classes : grands-croix,
chevaliers de l'Etoile, comman-
deurs et simples chevaliers. Le
ruban est jaune orange moiré
avec trois raies de couleur vert foncé. La croix est ém aillée
de blanc à quatre branches et huit pointes.
Ordre de la Couronne de fer. — Créé en Autriche par
l'empereur Napoléon F' le 5 juin 1805, dans le but d'at-
tacher les Autrichiens et les Italiens à l'Empire et à la
dynastie napoléonienne. Les événements survenus de 1813
à 1815 amenèrent la disparition temporaire de l'ordre,
mais François P^, empereur d'Autriche, déclara le 12 févr.
1816 que l'ordre de la Couronne de fer ferait désormais
partie des ordres de sa maison ; il lui donna de nouveaux
statuts et en annexa à perpétuité la grande maîtrise à la
couronne d'Autriche. Les membres sont aujourd'hui divisés
en trois classes de chevaliers, qui tous jouissent des mêmes
privilèges que les décorés de l'ordre de Saint-Etienne. Le
ruban est jaune d'or liséré de bleu ; la décoration consiste
dans la couronne de fer, surmontée de l'aigle autri-
chienne couronnée, tenant les attributs impériaux, ayant
au centre un écusson d'émail bleu chargé de la lettre F. Le
tout surmonté de la couronne impériale.
Ordre de la Couronne de Roumanie. — Créée en Rou-
manie les 10 et 22 mai 1881 ; les membres sont divisés
en quatre classes : grands-croix, commandeurs, officiers
et chevahers. Le ruban est bleu de
ciel liséré de blanc.
Ordre de la Couronne de rue.
— Créé en Saxe le 20 juil. 1807
par le roi Frédéric-Auguste, en
mémoire de la protection qu'il sup-
posa que la Providence avait ac-
cordée à ses Etats pendant la durée
de la guerre qui précéda le traité
de Tilsitt. 11 fut destiné à récom-
penser les services rendus à la
Saxe. Il n'eut qu'une seule classe
de chevaliers qui tous devaient
avoir au moins le rang de géné-
ral. Le roi de Saxe est grand maî-
tre de l'ordre. L'insigne est une
croix à quatre branches, anglée de couronnes ; elle est
suspendue à un ruban moiré vert.
Ordre de la Couronne de Siam. — Créé dans le royaume
de Siam m 1869, Les membres sont divisés en cinq classes :
grands-croix, grands officiers, commandeurs, officiers et
chevaliers. Le ruban est bleu bordé de vert, ces deux cou-
leurs séparées par une ligne rouge et une jaune.
Ordre de la Couronne des Wendes. — Créé le 3 nov.
1864 dans les grands-duchés de Mecklembourg-Schwerin
et Strelitz. Les membres sont divisés en quatre classes :
grands-croix, grands cordons, commandeurs et chevaliers ;
la grand'croix se donne aux dames ; le ruban est bleu
avec un Uséré jaune et un rouge sur chaaue bord. A cet
Fig. 24.
Couronne de rue.
— lâï-
CÔURONNE
Fig. 25. — Couronne
de Wurttemberg.
ordre est annexée une croix de mérite divisée en deux
classes : or et argent, qui se porte à un ruban rouge liséré
de bleu et de jaune sur chaque
bord.
Ordre de la Couronne de
Wurttemberg. — Créé le 23 sept.
4818 par le roi Guillaume P^ en
remplacement des deux ordres de
l'Aigle d'or et du Mérite civil. Il
récompense les services rendus
à l'Etat, les actions éclatantes et
le mérite. Le rai régnant est chef
souverain et grand maître. Les
membres sont divisés en trois
classes : grands-croix, comman-
deurs et chevaliers; l'insigne
consiste en une croix émaillée
de blanc, à quatre branches
et huit pointes ; elle est sus-
pendue à un ruban moiré rouge cramoisi.
Ordre de la. Couronne d'Italie. — Créé par le roi
Victor-Emmanuel II, par décret du 20 févr. 4868, à
l'occasion du mariage du prince
royal Humbert avec la princesse
Marguerite de Gênes. Il est des-
tiné' à récompenser les belles
actions, le mérite civil et le
mérite militaire, les services
rendus au gouvernement ita-
lien. Le roi d'Mie est grand
maître et chef souverain de l'or-
dre, dont les membres sont di-
visés en cinq classes : cheva-
liers, officiers, commandeurs,
grands officiers et grands cor-
dons. Les étrangers peuvent y
être admis. L'insigne consiste
en une croix à quatre branches
reliées entre elles par des lacs
d'amour et portant au centre
la couronne de fer ; elle est suspendue à un ruban rouge
cramoisi avec une large bande blanche au milieu.
Ordre de la Couronne lmpériale des Indes. — Créé
par la reine d'Angleterre Victoria le 4®' janv. 4877 en
faveur des princesses, femmes des princes indiens et des
femmes de distinction. Un second décret conféra cette déco-
ration à toutes les princesses de la famille royale et à des
ladies de distinction anglaises et indiennes.
Ordre de la Couronne royale d'Hawaiï. — Fondé en
4883; les membres sont divisés en cinq classes : grands-
croix, grands officiers, commandeurs, officiers et chevaliers.
Le ruban est blanc liséré de bleu. H. G. de Genouillac.
V. Administration. — Biens de la couronne (V. Bien,
t. VI, p. 728).
VI. Botanique (V. Corolle).
Couronne IMPÉRIALE {V. Fritïllairë).
VIL Géométrie. — On appelle quelquefois couronne
Faire comprise entre deux cercles concentriques situés dans
le même plan.
VIIL Métrologie (V. Crown).
IX. Astronomie. — Couronne australe. -- Petite
constellation méridionale située au-dessous du Sagittaire et
qui renferme une douzaine d'étoiles dont la plus belle est
de cinquième grandeur. Cette constellation rase notre hori-
zon S. vers le milieu de la nuit au commencement du
mois de juillet. Certains poètes racontent que Bacchus plaça
cette couronne dans le ciel en l'honneur de sa mère Sémélé ;
d'autres disent que cette couronne fut décernée à Corinne
de Thèbes, fille d'Archélodore, célèbre par ses succès en
poésie : elle remporta cinq fois la victoire sur Pindare.
Couronne boréale. — Petite constellation septentrionale
située entre Hercule, le Bouvier et Ophiuchus, ainsi nom-
mée à cause de la disposition de ses étoiles les plus
Fis
26. — Couronne
d'Italie.
brillantes. Elle renferme vingt et une étoiles suivant le
Catalogue britannique. Les poètes disent que cette couronne
est celle d'Ariane, fille de Minos et de Pasiphaé, ou celle
que Thésée reçut d'Amphitrite. La plus belle étoile de cette
constellation, a Couronne, que l'on appelle communément
Margarita^ est de seconde grandeur. Les coordonnées de
sa position moyenne pour 4894 sont d'après la Connais-
sance des Temps :
M n= 45^ 30«^ 4^34 ; P =: 62° W ^'' 0.
Couronne solaire. — Partie la plus éloignée du soleil,
située au delà de la chromosphère. C'est un cercle irréguHer
de lumière affaiblie et perlée, composée en grande partie de
filaments rayonnes et de banderoles qui s'étendent à
d'énormes distances du soleil, souvent à plus d'un million
et demi de kil. Le spectroscope yjévèle les raies de l'hy-
drogène. L. Barré.
X. Météorologie. — Cercle lumineux qui apparaît
quelquefois autour du soleil ou de la lune. Quand la cou-
ronne est petite, elle provient du passage des rayons entre
les vésicules des nuages ; c'est par un phénomène semblable
que l'on voit un cercle irisé autour d'une flamme quand
on la regarde à travers un tissu très léger ou une vitre
couverte de buée. Quand la couronne est grande, formant
un cercle de 22** de rayon, elle provient du passage de la
lumière à travers les fines particules de glace des cirrus très
élevés. La couronne ou halo (V.ce mot) décèle donc la pré-
sence des cirrus, qui indique le voisinage d'une bourrasque
et la menace du temps pluvieux. E. Durand-Gréville.
XL Technologie (V. Papier).
XII. Marine. — Partie en fonte appliquée à la partie
inférieure de la cloche
d'un cabestan. Elle pré-
sente sur son pourtour
une série d'empreintes
(généralement huit)
imaginées par le capi-
taine de vaisseau Bar-
botin et destinées à
engrener les chaînes
d'ancre. Ces empreintes
sont verticales, réunies
par une rainure hori-
zontale. Par cette in-
vention, M. Barbotin a
rendu à la marine un
service immense. On
nommait autrefois cabestans Barbotin ceux qui étaient mu-
nis de ce système. Actuellement, l'emploi de la couronne
s'est généralisé et l'on dit simplement cabestan.
XIII. Fortification. — Ouvrage de fortification ouvert
à la gorge dont la partie antérieure se compose d'un bas-
tion central, deux courtines et deux demi-bastions, c.-à-d.
de deux fronts bastionnés accolés, et dont les flancs sont
formés par deux ailes ou branches généralement en ligne
droite et quelquefois brisées en crémaillère. Une double
couronne comprend trois fronts de tête bastionnés au lieu
de deux. Les couronnes et doubles couronnes étaient
employées dans les mêmes conditions que les ouvrages à
cornes (V. Corne) et substituées à ces derniers lorsque
l'espace à couvrir était considérable.
BiBL. : Archéologie. ■— Insigne royal ou féodal. Du
Cange, Des Couronnes des rois de France, dans Gios-
sarium^ éd. Henschel, t. VII, p. 97. — Cahier et Martin,
Mélanges d'a^^chéologie. ~ Labarte, Histoire des arts
industriels. — Hefner-Alteneck, Trachten, Kunstv;>erke
und Gerâthschaften. — Egger et Fournier, art. Corona»
dans Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités.
— ViOLLET-LE-Duc, Dici. duniobilier,t. III, p. 307. — Gay,
Glossaire archéologique^ au mot Couronne. — Bapst,
Hist. des joyaux de la couronne.
Couronne de lumières. Cahier et Martin, Mélanges
d'archéoloqie. t. III, p. 1 et pi. 1 à 12. — Labarte, Arts
industriels, t. I, pp. 69, 228, 293, 297, 305, 353, 356, 860, 368,
393 et 401. — Gay, Glossaire archéologique, v» Couronne.
COURONNE (Cap). Limite et pointe septentrionale du
golfe de Marseille, à l'extrémité 0, de la suite de hau-
. 27. — Couronne de cabestan.
COURONNE ■- COURONNEMENT
— 128 —
teurs boisées dites collines de Carry et au S. de la baie
et des salines de Pontau.
COURONNE (La). Corn, du dép. de la Charente, arr. et
cant. d'Angoulême, sur la Boëme; 3,271 hab. Stat. du ch.
de fer d'Orléans, ligne de Paris à Bordeaux. Tourbières en
exploitation. Nombreuses papeteries qui utilisent les eaux
de la Boëme, de la Charau et les Eaux-Claires. Fabrique de
toiles métalliques; tréfilerie. Eglise romane (mon. hist.), à
une seule nef, avec clocher octogonal qui se termine par
une flèche conique. Ruines d'un édifice gallo-romain, connu
sous le nom de Prison des Romains et de Tour de la Berche.
Château de l'Oisellerie, de l'époque de la Renaissance. Cette
localité doit son origine à l'ancienne abbaye d'augustins
de La Couronne, fondée au xii® siècle. Il subsiste des ruines
de l'église construite en 1420, rebâtie de 1170 à 1201 et
remaniée à la fin du xv^ siècle. C'était un édifice du style
gothique des Plantagenets, à trois nefs d'égale hauteur, dont
les murs seuls se sont conservés. La croisée du transept
était surmontée de la coupole romane de l'édifice primitif,
dont de curieux débris se voient encore sur le sol. Les
bâtiments conservés du monastère sont du xv^ et du
xvni® siècle.
COURONNEMENT. I. Histoire. — Cérémonie dans
laquelle un roi reçoit la couronne, insigne de la souveraineté.
Dans l'empire grec de Constantinople où le pouvoir impérial se
transmettait soit par héritage, soit par désignation du prédé-
cesseur, le couronnement n'était pas essentiel ; il n'ajoutait
rien à la puissance du basileus. Le premier empereur
couronné par le patriarche de Constantinople fut selon les
uns Léon I®^, selon d'autres Anastase. Le couronnement
se faisait généralement à Sainte-Sophie. Cantacuzène (I, M)
nous a laissé une description du cérémonial suivi ; en voici
les principaux traits. Tout d'abord l'empereur était élevé
sur un bouclier soutenu par son père, s'il existait, par le
patriarche, les despotes et les sébastocrators les plus élevés
en dignité. L'assistance l'acclamait. On le déposait à terre,
puis on le conduisait dans l'église oii devait avoir lieu le
couronnement. Il était introduit dans un édicule de bois
où les évêques le revêtaient de la pourpre et du diadème.
La messe commençait ensuite. Sur une estrade recouverte
de tentures de soie rouge prenaient place le nouvel empe-
reur et les empereurs déjà couronnés, ainsi que les impé-
ratrices. Le patriarche montait à l'ambon. Les empereurs
et les plus hauts dignitaires allaient l'y rejoindre. Le
peuple faisait silence. Le patriarche récitait alors certaines
prières, les unes à voix basse, les autres à haute voix. Le
nouvel empereur ayant déposé son diadème, le patriarche
faisait sur son front une croix avec l'huile consacrée, en
même, temps qu'il s'écriait : Saint ! acclamation que les
personnages placés dans l'ambon, puis toute l'assistance
répétaient trois fois. Le patriarche prenait la couronne
(stemma) des mains des diacres qui l'avaient apportée et
la plaçait sur la tète de l'empereur, en s'écriant : Digne !
ce que l'assistance répétait trois fois. L'empereur descen-
dait de l'ambon ; s'il était marié, il couronnait sa femme
prosternée à ses pieds. Ensuite, on chantait le trisagion,
hymne à la Trinité. Avant de quitter l'église, l'empereur
déposait sur un autel une offrande en or ; puis, ceint de la
couronne, il quittait l'église et gagnait la partie du Palais
appelée Métatorion, où l'on procédait à l'adoration.
Chez les Germains, il n'y avait pas de couronnement ;
la cérémonie de l'installation consistait dans l'élévation du
nouveau roi sur un bouclier. Tacite (Hist,^ IV, 15) signale
cet usage à propos de l'élection d'un certain Brinno comme
chef de guerre. Grégoire de Tours mentionne plusieurs
fois cette cérémonie chez les Francs (IV, 52 ; VII, 10) et
spécialement à propos de l'élection de Clovis comme roi
des Francs de Cologne (II, 40). On la retrouve chez les
Goths (Cassiodore, Var.^ 10). Bien que le couronnement
ne paraisse pas avoir été en usag-e sous les Mérovingiens,
les rois de cette dynastie se paraient cependant de la cou-
ronne, comme le prouve un passage des Gesta Dagoberti
(c.xxix). Le sacre de Pépin, en 752, fut une innovation chez
les Francs; c'était un emprunt fait à l'Ancien Testament et
aux institutions de l'empire grec. Charlemagne fut cou-
ronné comme roi des Lombards à Monza, puis comme
empereur par le pape Léon III, à Rome, le jour de Noël de
l'an 800. Sous les Carolingiens, le sacre et le couronne-
ment avaient lieu dans une même cérémonie. On peut
même dire que le couronnement n'était qu'une partie du
sacre. Il nous reste plusieurs relations détaillées des cou-
ronnements des rois carolingiens; le couronnement de
Charles le Chauve, comme roi de Lorraine, à Metz, le
9 sept. 869, par Hincmar, archevêque de Reims, et les
évêques de Toul, Liège, Laon et Beauvais ; celui de Louis
le Bègue, comme roi de France, en 877, à Compiègne, par
le même archevêque de Reims. Le couronnement suivait
l'onction. Les évêques, en même temps qu'ils posaient la
couronne sur la tête du roi, prononçaient une oraison com-
mençant par les mots : Coronet te Dominus corona glo-
riœ atque justitiœ. Le couronnement des rois capétiens
avait lieu d'ordinaire à Reims ; et dès le xu^ siècle l'arche-
vêque de cette église regardait comme un privilège lui
appartenant le droit de couronner les rois de France. La
relation du sacre de Philippe P^ nous est parvenue. Ce
n'est qu'après avoir reçu l'onction sacrée que le roi était
revêtu des insignes royaux : la couronne, l'épée, le sceptre
et les éperons. Toutes les fois que les premiers Capétiens
tenaient une assemblée solennelle, ils se faisaient mettre
la couronne sur la tête par un archevêque. L'ordonnance
de Louis VU relative au sacre de Philippe-Auguste, publiée
par Godefroy, dans le Cérémonial françois^ est apocryphe,
ou du moins elle ne remonte pas au delà du xiii® siècle.
Mais le même savant a recueilli plusieurs relations ou for-
mulaires des sacres du xiii«^ siècle. A l'archevêque de Reims
était réservé le privilège de poser la couronne sur la tête
du roi, en disant : « Accipe coronam regni quœ licet ab
indignis, nostris tamen manibus capiti tuo imponitur, et
quia sanctitatis gloriam et honorem et opus fortitudinis
expresse signare intelligas et per banc te participem minis-
terii nostri non ignores; ita ut sicut nos in interioribus
pastoresque animarum intelligimur, tu quoque in exterio-
ribus verus Dei cultor strenuusque contra omnes adversi-
tates Ecclesige Dei defensor regnique tibi a Deo dati et per
officium nostraî benedictionis in vice Apostolorum omnium-
que sanctorimr tuo regimini commissi utilis exécuter
regnatorque proficuus semper appareas, ut inter gloriosos
athletas virtutum gemmis ornatus et prasmio sempiternœ
felicitatis coronatus, cum Redemptore ac salvatore Jesu
Christo, cujus nomen vicemque gestare crederis, sine fme
glorieris, qui vivit et imperat Deus cum Deo pâtre in uni-
tate Spiritus Sancti. Per omnia ssecula sseculorum, amen. »
Les pairs de France devaient mettre les mains à la cou-
ronne et la soutenir. Les choses ne se passèrent pas diffé-
remment aux sacres de Louis XIII, Louis XIV, Louis XV
et Louis XVI. La prière que l'archevêque prononçait en
mettant la couronne sur la tête du roi commençait par
les mots : Accipe coronam regni, in iiomine Patris et
Filii et Spiritus Sancti. Une autre oraison suivait le
couronnement. L'archevêque disait sur le roi deux béné-
dictions ; le prenant par la manche du bras droit, tandis
que les pairs mettaient la main à la couronne, il le con-
duisait jusqu'au trône. Le roi tenait le sceptre et la main
de justice. Devant lui marchait le connétable tenant l'épée
nue, puis le chancelier, le grand maître, le grand cham-
bellan et le premier chambellan. On procédait alors à
l'intronisation (V. Sacre). Napoléon ï^^ fut sacré et cou-
ronné à Notre-Dame de Paris, le 2 déc. 1804, par le pape
Pie VIL Le pape ayant béni la couronne, l'empereur la
saisit et la posa lui-même sur sa tête ; puis il couronna
l'impératrice. Au couronnement de Charles X, à Reims,
on renouvela les cérémonies de l'ancien régime. Le cou-
ronnement de la reine avait lieu en même temps que celui
du roi. Quand le roi se mariait étant déjà couronné, le
couronnement de la reine donnait lieu à une cérémonie
spéciale, dont les formes ne furent jamais arrêtées avec pré-
1^29 —
COURONNEMENT
cîsion et qui le plus sbuvetit eut lieu dans la basilique de
Saint-Denis. Quelques reines furent couronnées à la Sainte-
Chapelle.
Les empereurs allemands pouvaient être couronnés
quatre fois ; à Rome, comme empereurs et successeurs de
Charlemagne, à Monza comme rois des Lombards, à Arles
comme rois de Bourgogne, à Aix-la-Chapelle comme rois
de Germanie. D'Otton P^ à Frédéric III, les empereurs
allèrent à Rome se faire couronner par le pape. Charles-
Quint se contenta de recevoir la couronne des mains du
pape à Bologne en 1530. Rodolphe P'', Albert, Maximi-
lien II, Rodolphe II, Mathias, Ferdinand II et ni,ne furent
pas couronnés à Rome. A partir de Léopold P^', les em-
pereurs se contentèrent de prendre l'engagement, dans
Facte d'élection, d'aller se faire couronner à Rome. Aussi
longtemps que les rois de Germanie possédèrent la Lom-
bardie, ils furent couronnés avec la couronne de fer soit à
Saint-Jean de Monza, soit à Saint- Ambroise de Milan.
Conrad P^ fut couronné dans ces deux églises ; Frédéric P^,
à Saint-Michel de Pavie. Le couronnement à Arles fut
exceptionnel et sans importance ; c'était cependant pour les
empereurs un moyen d'établir leur suzeraineté sur la
vallée du Rhône. Le couronnement à Aix-la-Chapelle était
de beaucoup le plus important. La bulle d'or promulguée
en 4336 en régla le cérémonial. Le dernier empereur qui
ait été couronné à Aix fut Ferdinand P^\ en 1534 ; après
lui, comme on trouvait la ville d'Aix-la-Chapelle trop
voisine de la frontière française, cette cérémonie eut lieu
ailleurs, à Ratisbonne, à Augsbourg, et depuis 4744 à
Francfort-sur-le-Main. Chaque fois qu'un empereur n'était
pas couronné à Aix, il remettait aux magistrats de cette
ville une charte de non-préjudice. Voici le cérémonial suivi
pour le couronnement d'Aix après 4356. Le jour et le lieu
du couronnement une fois fixés, l'électeur de Mayence
informait les magistrats d'Aix et de Nuremberg d'avoir à
envoyer les ornements impériaux dont ils étaient les gar-
diens ; ceux de Nuremberg : la couronne d'or de Charle-
magne, l'anneau, le sceptre, le globe, les souliers, l'épée,
une aube, une étole, une chappe avec une ceinture ; ceux
d'Aix-la-Chapelle : une châsse contenant du sang de
saint Etienne, l'épée de Charlemagne et son baudrier", un
évan^énaire. Quand le couronnement avait lieu à Aix, on
plaçait sur le trône impérial la chaise de Charlemagne.
L'église était ornée. Le jour du couronnement, les élec-
teurs ecclésiastiques avec les évêques et autres prélats
officiants se rendaient le matin à l'église où les or-
nements impériaux leur étaient remis ; pendant que les
électeurs séculiers accompagnaient l'empereur depuis
l'hôtel de ville jusqu'à l'église, l'électeur de Bavière por-
tant le globe, celui de Brandebourg le sceptre, le comte
palatin la couronne, l'électeur de Saxe l'épée impériale.
L'empereur était reçu par les électeurs ecclésiastiques à
l'entrée de l'église. Le cortège se rendait vers l'autel.
L'officiant commençait la cérémonie par la prière Domine,
salvum fac regem. La messe célébrée était celle de l'Epi-
phanie jusqu'à l'Evangile. L'empereur allait s'agenouiller
devant l'autel, puis il se levait et l'officiant lui faisait six
questions en latin : Voulez-vous vous tenir à la sainte Foi,
que les hommes catholiques ont enseignée, et la confirmer
par de justes œuvres? A quoi l'empereur répondait : Oui,
je le veux. La seconde question était : Voulez-vous être
fidèle tuteur et protecteur de la sainte Eglise et de ses ser-
viteurs? La troisième question : Voulez-vous administrer
justement, comme vos prédécesseurs ont fait, l'Empire qui
vous est donné de Dieu et le défendre fortement ? La qua-
trième : Voulez-vous conserver les droits et recouvrer les
biens de l'Empire et les employer fidèlement à l'utilité
publique? La cinquième : Voulez-vous être équitable juge
des pauvres et des riches et fidèle protecteur des veuves et
des orphelins ? La sixième : Voulez-vous être soumis et
adhérent au très saint Père en Christ le pape de Rome et
à la sainte Eglise cathohque, apostolique et romaine? A
chacune de ces questions, l'empereur répondait : Oui, je le
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
veux, puis, s'approchant de l'autel, confirmait ses réponses
par le serment. Après guoi l'officiant se tournant vers les
assistants leur demandait : Voulez-vous accepter ce prince
pour régner sur vous, et lui être fidèles ? Les assistants
répétaient trois fois : Nous le voulons.
Après quelques oraisons, l'archevêque officiant sacrait
l'empereur en lui faisant plusieurs onctions avec l'huile
bénite. L'empereur était conduit par deux électeurs ecclé-
siastiques jusqu'à une chapelle oti on le revêtait des orne-
ments impériaux et spécialement de la couronne qui était
posée sur la tête de l'empereur par les trois électeurs
ecclésiastiques ensemble. L'empereur prêtait un nouveau
serment, puis il revenait à sa place et la messe continuait.
L'empereur communiait sans couronne. Après la messe, il
était conduit jusqu'à une chaise, celle de Charlemagne à
Aix ; c'était l'intronisation. Il revenait à sa place dans le
chœur; il était reçu chanoine de la cathédrale d'Aix et
promettait protection à cette église. — Frédéric P^ se fit
couronner roi de Prusse, le 48 janv. 4704 à Kœnigsberg.
Ses successeurs ne furent pas couronnés jusqu'à Guil-
laume l^^ qui renouvela cette cérémonie dans la même
ville le 48 oct. 4864. — Le couronnement de l'empereur
d'Autriche comme roi de Hongrie se fait à Ofen, et,
comme roi de Bohême, à Prague. — Les rois d'Angleterre,
avant la conquête normande, étaient sacrés à Bath, Win-
chester ou Kingston sur la Tamise. Après la fondation de
l'abbaye de Westminster, par Edouard le Confesseur, c'est
là que fut désormais célébrée cette cérémonie. Le couron-
nement n'est pas mentionné avant Guillaume P^ ; mais il
est probable qu'il faisait partie du sacre. Les archevêques
de Cantorbery réclamaient le privilège d'oindre et de cou-
ronner les rois. L'un des griefs de Thomas Becket contre
Henri II était que celui-ci ne l'eût pas appelé au couronne-
ment de son fils; il excommunia l'archevêque d'York et
l'évêque de Durham qui y avaient procédé sans sa per-
mission. Le couronnement de Richard P^ est le plus ancien
dont un récit détaillé nous soit parvenu. — Les grands-
ducs de Russie furent couronnés à partir de Vladimir
Monomaque (4413-4425). Ce fut seulement au xv» siècle,
sous Ivan III (4462-4505), que le cérémonial du couron-
nement fut fixé. Il a lieu au Kremlin dans la cathédrale
de l'Assomption. Les quatre métropolitains de Moscou,
de Nowgorod, de Kiev et de Pétersbourg y président.
Celui de Moscou dit les prières sur le tsar et fait Fonc-
tion sacrée. Mais le tsar pose lui-même sur sa tête la
couronne et en met une autre sur la tête de la tsarine
agenouillée. De grandes réjouissances précèdent et suivent
cette cérémonie. Le couronnement d'Alexandre II eut lieu
le 7 sept. 4856 ; les fêtes durèrent du 29 août au 20 sept.
Pour les fêtes du couronnement d'Alexandre III, célébré le
27 mai 4883, les dépenses s'élevèrent à six millions de rou-
bles. — Les rois d'Espagne étaient couronnés dans chacun
de leurs royaumes. — Le couronnement des rois de Suède se
fait à Stockholm dans l'église Nicolas. M. Prou.
IL Architecture. — ^ Membre d'architecture ou motif
décoratif qui termine un édifice ou une partie d'édifice.
Les couronnements offrent la plus grande variété dans leur
composition : ainsi l'arc de triomphe de l'Etoile à Paris a
pour couronnement un attique décoré de pilastres, tandis
que l'arc de triomphe du Carrousel est, comme les arcs
antiques, couronné d'un quadrige de bronze ; le monument
choragique de Lysicrates ainsi que la tour des Vents à
Athènes étaient couronnés par des fleurons ou touffes de
feuilles d'acanthe, et une pomme de pin colossale en bronze,
conservée au jardin du Belvédère à Rome, servait de cou-
ronnement au tombeau monumental de l'empereur Adrien.
Depuis le moyen âge et de nos jours, les pignons d'édifices
sont souvent surmontés de motifs décoratifs terminés par
une sorte d'acrothère formant couronnement, comme autre-
fois les palmettes et les antifixes sur les frontons des temples
antiques. Les cheminées monumentales de pierre ou de
brique sont parfois couronnées d'une assise de pierre mou-
lurée et sculptée d'une réelle importance, et les grilles de
9
COURONNEMENT — 130 -
ferronnerie ont pour touronnement des piques, des fers de
lance et des palme ttes reliés par des enroalis ou des
ornements divers. Charles Lucas.
IIL Travaux publics. — Couronnement des piles. —
Outre le couronnement général du pont, les constructeurs
apportent un soin particulier à donner un bon aspect au- cou-
Couronnement de pile du pont au Change (Paris).
ronnement des piles, ou pluâ exactement atl5c cotiroîinôments
des avant et arrière-becs. La destination principale de ceux-ci
est d'écarter les corps flottants et de rompre les glaces ; ils
doivent donc s'élever au-dessus du niveau des plus grandes
crues. On les
prolonge parfois
jusqu'au niveau
des parapets ;
c'est une dispo-
sition dont on a
parfois tiré très
bon eifet pour la
décoration des
ouvrages ; elle
convient particu-
lièrement aux
viaducs très éle-
vés, parce qu'a-
lors l'œil a, en
quelque sorte ,
besoin d'être ras-
suré sur leur
solidité. Au Couronnement de pile du pont de
moyen âge, on
se servait de la saillie des avant et arrière-becs, montant
à toute hauteur, pour établir des refuges et même des
maisons le long des chaussées des ponts (Pont-Neuf, à
Paris). Le pont Saint-Ange à Rome, le pont de la Trinité
à Florence, ont des ayant et arrière-becs prolongés, simple-
ment pour la décoration de ces ouvrages, connus pour leur
grande élégance. Au pont de la Concorde, à Paris, même
disposition ; des dés surmontant les piles étaient destinés à
porter des statues, comme au pont Saint-Ange. Les avant
et arrière-becs de ponts, le plus souvent, ne sont pour-
tant établis qu'en vue de leur utilité ; ils s'arrêtent aux
naissances des arches, si celles-ci sont très hautes, ou
entre les naissances et le couronnement du pont dans le
eas contraire. Rien n'est variable comme les formes
adoptées pour le couronnement des piles. Nous donnons, à
titre d'exemples, les piles du pont au Change, des ponts
de Tours et de Neuilly. « De l'examen de ces dessins, dit
Degrand (Ponts en maçon7iene, dans V Encyclopédie des
travaux publics)^ ne ressort rien de bien précis à l'égard
des meilleurs profils à adopter pour les piles, et l'on est
ainsi conduit à conclure qu'en pareille matière, une fois
les dimensions essentielles arrêtées, le goût, débarrassé
de toute entrave scientifique ou technique, reste le seul
guide à consulter... Quoique les avant et arrière-becs
tiennent beaucoup plus des contreforts que des colonnes,
Couronnement de pile du pont de Tours .
il pst d'usage cependant de les composer, comme ces der-
nières, d'une base, d'un fût et d'un chapiteau. La base
est de peu d'importance, étant généralement immergée, de
sorte qu'elle consiste d'habitude en un simple socle dé--
passant de quel-
ques centimètres
le périmètre de
la partie située
au-dessus ; cel-
le-ci a été profi-
lée quelquefois
suivant une cour-
be bombée à la
façon des colon-
nes, comme au
pont de Neuilly,
par exemple, ou
bien suivant une
courbe évasée
vers le bas, mais
cette complica-
tion est malaisée
à saisir à distan-
ce, et le mieux
en général est de lui donner une surface à génératrice
rectiligne, avec un léger fruit régulier sur toute la hau-
teur. Le chapiteau se compose d'un bandeau assez sail-
lant, dont les moulures peuvent être fort simples, par-des-»
sus lequel est disposée une sorte de couvertufe conique
formée de pierres de fortes dimensions, pour que les joints
y soient aussi peu nombreux que possible. » A titre d'ex«
ception on peut citer le viaduc de Laval, où les piles
sont exactement disposées comme des pilastres avec socle
et chapiteau, au-dessus des avant et arrière-becs; elles
s'arrêtent au niveau des naissances, et les arches vien-
nent s'asseoir dessus ; malgré Fétrangeté de cette solution,
tout le monde reconnaît que l'aspect est excellent. On
revient toujours à la même conclusion, que la décoration
Neuilly (vue latérale, élévation).
- i3i -
COURONNEMENT — COUROUCOU
des piles peut être traitée à divers points de vue assez diffé-
rents, mais que la question est avant tout affaire de goût.
Couronnement des ponts. — Entre les reins des voûtes
de ponts et les parapets régnent les tympans (V. ce mot),
espaces souvent trop nus, mais que de grands arcliitectes
ont réussi à décorer de la manière la plus heureuse. Quel-
quefois rien ne sépare les tympans des parapets, mais cette
disposition n'est pas à recommander ; ne fût-ce que par un
cordon saillant, il est nécessaire de limiter les tympans et
de donner une base aux parapets. Les tympans sont les faces
vues des murs de tête assis sur les arches ; les parapets
sont des parties tout à fait accessoires de l'ouvrage : une
confusion serait illogique, et l'on sait qu'en architecture
les choses vues doivent annoncer celles qu'on ne voit pas.
Avec notre excellent usage contemporain des trottoirs, on
peut dire que la plinthe ou couronnement du pont accuse à
l'extérieur la hauteur des trottoirs. Ce n'est toutefois que
dans les ouvrages très simples que cette indication peut
suffire ; on peut voir au pont de la Concorde ce que doit
être un couronnement de pont dans une grande ville : une
corniche de 1^40 de hauteur, très étudiée dans tous ses
détails, sert de hase au parapet à balustres, coupé par les
dés à statues qui surmontent les avant et arrière-becs. La
correction du style se retrouve « poussée à un plus haut de-
gré encore, et unie à une extrême élégance, aux ponts du
Rialto à Venise, delà Trinité à Florence, de Solferino à Pise
(Degrand) ». Nous donnons ci-dessous quelques exemples
de couronnements de ponts exécutés en France, à Paris.
Couronnement et parapet du Pont-Neuf à Paris (élévation).
Si l'on veut avoir une idée d'ensemble de la décoration
d'un pont, il ne faut pas considérer seulement le couron-
. ,.. , __ nement régnant
d un bout a lau-
tre de ^ouvrage
sous le parapet;
il faut aussi,
quand il y a lieu,
remarquer l'effet
des archivoltes
des voûtes. Il
existe malheureu-
sement beaucoup
d'ouvrages im-
portants oii ces
voûtes ne se dis-
tinguent des tym-
pans que par Pappareil des voussoirs, dont les joints sont
raccordés avec ceux des assises horizontales. « L'effet
ainsi obtenu, dit Degrand, peut être très satisfaisant sur
Couronnement et parapet du
pont Saint-Micliel à Paris (élévation)
^.-.U u \
un dessin, ou sur le pont lui-même vu à faible distance;
mais, pour peu qu'on s'éloigne, les joints cessent d'être aper-
çus, et les arches ne sont plus que des ouvertures de forme
particulière pratiquées dans un mur plan sans que rien en
puisse faire compren-
dre la structure, et sous fc=^
ce rapport l'infériorité
de cette disposition est
manifeste. Les archi-
voltes ont du reste tou-
jours présenté une assez
grande diversité de
composition. » (V. dans
l'ouvrage cité ci-dessous
Farchitecture du vieux
pont de Lavaur, fm du
xvin® siècle; la forme
de coupe perspective
ombrée, donnée à cette
figure, est particulière-
ment favorable pour
bien mettre en évidence
la composition de l'archivolte et de la corniche, et faire
apprécier l'effet décoratif ainsi obtenu). Au nouveau pont
de Lavaur, construit il y a quelques années pour uii
chemin de fer, les ingénieurs ont eu l'heureuse idée d'ap-*
pliquer à l'archivolte de l'arche principale un profil avec
tore emprunté à l'architecture romane, et de plus, pour
qu'il y eût concordance avec la variation de l'épaisseur de
cette voûte, la hauteur des moulures varie elle-même. L'ef-
fet obtenu est excellent. Ces exemples sont à méditer pour
les constructions modernes ; ils démontrent qu'on peut arri-
ver à des effets puissants, sans augmentation notable des
dépenses. M.-C. L.
IV. ï*ortificatiôn. '— Couronnement m chemin cou-
vert (V. Chemin couvert),
V. Marine. — Nom de la partie supérieure de l'ar-
rière d'un bâtiment. Sous Louis XIV, cette partie était cou-
Couronnement et parapet du
pont Louis-Philippe à Paris
(élévation).
Couronnement d'un navire.
verte de sculptures et de figures symboliques. Des tritons
supportaient les galeries ; des sirènes encadraient le tableau,
et le couronnement portait l'écu royal surmonté de la cou-
ronne fermée.
BiBL. : Histoire.— Th. et Denys GoDEf roy, le Cérémonial
français ,• Paris^ 1649, 2 vol. in-loL— Du Mont et RôUsset, le
Cérémonial diplomatique des cours de l'Europe; Amster-
dam, 1739, 2 vol. in-foL— Leber, Des Cérémonies du sacre;
Paris, 1825, in*8. — Luchaire, Histoire des institutions
monarchiques, t. I, p. 66. — Fustel de Coulanges, la
Monarchie franque^ p. 50. -— Schwarzer, Die Ordines des
Kaiserkrônunoy dans Forschungen zur deutschen Ge-
schichte^ t. XXII, p. 159. — Meinert, Das hônigliche Krô^
nungsceremoniell in Ungarn; Vienne, 1867, in-8. -- Lo-
serth, Die Krônungsordnung der Kôniqe von Bôhmen;
Vienne, 1876.
Travaux publics. — E. Degrand et J. Résal, Ponts en
maçonnerie ; Paris, 1887-1888, 2 vol. gr, in-8.
COURONNÉS (Les Quatre) (V. Coronati).
COUROUCOU (Ornith.). Les Couroucous^ qui constituent
COUROUCOU — COUROUPITA
— rs<i
Fancien genre Trogon de Linné et les familles des Trogo-
nidés des ornithologistes modernes, étaient rangés par Cuvier
dans l'ordre des Grimpeurs , à côté des Barbus (V. ce mot) . Ils
ont, en effet, comme ces derniers oiseaux, les tarses très
courts, en partie cachés sous les plumes et le doigt interne un
peu réversible en arrière. Leur bec est aussi garni à la base de
plumes sétiformes qui recouvrent les narines, mais les man-
dibules affectent une toute autre forme que chez les Barbus :
elles sont larges et courtes et la mandibule supérieure, for-
tement bombée, est terminée par un crochet et souvent
dentelée sur les bords. Leurs ailes sont arrondies ; leur
queue est formée de douze pennes dont les six externes sont
étagées, et leur plumage, mou et duveteux, offre sur les par-
ties supérieures du corps, sur la tête et parfois aussi sur
la poitrine des teintes métalliques, bleues, vertes ou dorées,
et, sur les parties inférieures, du rouge carminé, du rose
pâle ou du jaune orangé. Les couleurs métalliques sont
très résistantes, tandis que les diverses nuances du rouge et
du jaune s'altèrent facilement sous l'influence de la lumière
et de l'eau, non seulement sur les dépouilles conservées
dans les collections, mais encore chez l'oiseau vivant.
J. Verreaux affirmait même avoir vu souvent, dans les forêts
de l'Afrique australe, des Trogons qui, après une forte
ondée, avaient notamment perdu les belles nuances roses
de leur poitrine et de leurs flancs. Ces magnifiques Passe-
reaux se trouvent les uns dans les régions tropicales du
nouveau monde ,
au Mexique, au
Guatemala , dans
les Antilles, à la
Guyane, en Co-
lombie, au Brésil,
dans l'Equateur,
au Pérou ; d'au-
tres dans l'Afri-
que australe ou
en Abyssinie,
d'autres enfin
dans l'Inde, àMa-
lacca, aux Philip-
pines, à Bornéo
ou dans les îles
de la Sonde. Ils
vivent aussi bien
dans les plaines
que sur le flanc
des montagnes ,
mais recherchent
toujours les fo-
rêts sombres et
touffues. Perchés
sur une branche,
ils attendent dans
une immobilité
presque absolue
qu'un insecte
vienne à passer à
leur portée. Brus-
quement alors ils
quittent leur ob-
servatoire et hap-
pent la proie avec
une prestesse sin-
gulière. A l'occa-
sion, cependant,
ils dévorent aussi
des fruits et des
baies, et quelques
espèces même pa-
raissent avoir un régime essentiellement végétal. Comme
beaucoup de Grimpeurs et de Syndactyles, les Couroucous
nichent dans des troncs d'arbres et pondent des œufs de
couleur claire ou d'un blanc pur. Ce n'est guère que pen~
Couroucou.
dant la saison des amours que ces oiseaux font entendre
leur voix. En imitant le cri de la femelle on parvient alors
facilement à attirer, à portée du fusil, des mâles et des fe-
melles et on peut ainsi abattre facilement quelques-uns de
ces oiseaux dont la dépouille est très recherchée dans le
commerce de la plumasserie. Parmi les espèces qui, à ce
point de vue, sont les plus estimées, il faut citer le Cou-
roucou resplendissant (Trogon mocinno De la Llave) qui
habite le Mexique et le Guatemala et qui constitue le type
du genre Pharomacrus (De la Ll.) ou Calurus (Sw.).
Sous le rapport de la richesse du costume, le mâle l'em-
porte sur les Oiseaux de paradis. Chez le mâle, la tête est
surmontée d'une sorte de cimier. Les ailes et la queue
sont recouvertes par des plumes qui se recourbent comme
les faucilles de certains Gallinacés et qui, en arrière,
dépassent les pennes caudales de 60 à 70 centim. Ces
couvertures, de même que toutes les parties supérieures
du corps, la tête et la poitrine, sont d'un vert métahique à
reflets dorés, tandis que le ventre. est d'un rouge carmin
vif. Chez la femelle dont la huppe et les sus-caudales sont
beaucoup moins développées , le rouge est remplacé par du
gris brunâtre, mais le dessus du corps est encore d'un vert
métallique. Chez les anciens Mexicains, cette magnifique
espèce était désignée sous le nom de Quetzal et jouait un
rôle dans une foule de légendes ; ses plumes brillantes appor-
tées en tribut par les Indiens des provinces méridionales,
ornaient le manteau et la coiffure des souverains, et son
cœur, mangé tout chaud, passait pour guérir la folie et
l'épilepsie.
Le Couroucou pavonin {Trogon ou Cosmurus pavo-
ninus Spix) du Brésil et du Pérou appartient à un autre
groupe presque aussi remarquable que les Pharomacrus
par l'éclat du plumage, le Couroucou vert {Trogon vi--
ridis L.) ou Pompéo du Brésil, le Couroucou temnure
{Prionotelus temnurus Tem.) ou Tocoloro de Cuba, le
Couroucou narina {Apoloderma narina V.) du cap de
Bonne-Espérance, le Couroucou à bandes {Harpactes fas-
ciatus Gm.), de l'Asie méridionale, constituent les types
d'autres genres qui tirent leurs caractères de l'aspect des
mandibules, dont les bords sont plus ou moins fortement
dentés , de la proportion des doigts et de la forme des
pennes caudales qui sont tantôt régulières, tantôt bizar-
rement découpées. E. Oustalet.
BiBL. : J. GouLD, A Monograph of the Trogonideo or
Trogons; P^ édit., Londres, 1838, in-fol. : 2« édit., Londres,
1858, 2 vol.
COUROUPITA {Couroupita Aubl.) (Bot.). Genre de
plantes de la famille des Myrtacées et du groupe des Lécy-
thidées. L'espèce type, C. guianensis Aubl. {Lecythis
hracteata Willd. ; Pekea couroupita Juss.), est un arbre
très élevé à feuilles alternes, à grandes fleurs roses, d'une
odeur suave, ayant six pétales dont deux plus grands que
les autres. Ces fleurs
naissent sur le tronc.
Leur androcée est
muni, d'un côté,
d'une large et épais-
se languette ou li-
gule charnue , qui
se recourbe sur le
fond de la fleur et
dont la concavité est
chargée d'étamines
fertiles. Le fruit, ap-
pelé vulgairement
Boulet de canon ,
Abricot de singe, Abricot sauvage de Cayenne^ Calebasse-
Colin, est globuleux, coriace, à peu près de la grosseur
d'une tête d'enfant et couronné d'une sorte de calotte oper-
culiforme qui ne se détache pas à la maturité. — Le
C, guianensis croît dans les forêts de la Guyane. Son
bois, appelé communément Bois de Calebasse, est peu
estimé, car il offre peu de solidité. Ses fruits sont remplis
Couroupita guianensis Aubl.
(coupe de la fleur).
433
COUROUPITA — COURROIE
d'une pulpe succulente, d'une saveur acide assez agréable
quand ils sont frais, mais répandant une odeur insuppor-
table quand ils commencent à se décomposer. Les nègres
les emploient pour faire des vases et divers ustensiles de
ménage. Les graines qu'ils renferment sont comestibles sous
le nom d'Amandes d'Andos . Ed . Lef.
COU ROUVRE. Corn, du dép. de la Meuse, arr. de Com-
mercy, cant. de Pierrefitte; 470 hab.
COURPALAY. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr.
de Coulommiers, cant. de Rozoy-en-Brie ; 857 hab.
COURPIAC. Com. du dép. de la Gironde, arr. de La
Réole, cant. de Targon ; 404 hab.
COURPIÈRE. Ch.-l. de cant. du dép. du Puy-de-Dôme,
arr. de Thiers ; 3,973 hab. Il y avait un prieuré de béné-
dictins qui possédait la seigneurie. Eglise en partie romane
et restes des fortifications. Aux environs, église de Cour-
teserre (xv® siècle). L. F.
COURPIGNAC. Com. du dép. delà Charente-Inférieure,
arr. de Jonzac, cant. de Mirambeau ; 608 hab.
COUR.QUETAINE. Com. du dép. de Seine-et-Marne,
arr. de Melun, cant. de Tournan ; 220 hab.
COURRE (Chasse à) (V. Chasse).
COURRENSAN. Com. du dép. du Gers, arr. de Con-
dom, cant. d'Eauze ; 860 hab.
COURRIER. I. Poste (V. Poste).
IL Diplomatie. — Courrier diplomatique. Les cour-
riers diplomatiques, qu'on appelle aussi courriers d^am-
bassade ou courriers de cabinet, sont des agents officiels
subalternes attachés au ministère des affaires étrangères
ou aux missions diplomatiques, et chargés de porter
soit la valise contenant la correspondance régulière qui
s'échange entre le gouvernement et ses représentants à
l'étranger, soit les dépêches importantes ou urgentes qui
ne peuvent sans inconvénient ni attendre la valise, ni être
confiées à la poste. En temps de paix, la personne des
courriers est inviolable, et la saisie de leurs dépêches est
interdite ; toute violence exercée contre eux serait con-
sidérée comme une violation du droit des gens, qu'elle ait
eu lieu dans le pays étranger où se rend ou d'oti part
le courrier, ou dans un Etat intermédiaire; on admet
toutefois que, dans des circonstances pressantes, par
exemple, lors de la découverte d'une conspiration ourdie
par le ministre étranger, leurs papiers pourraient être
saisis. Pour qu'un courrier ait droit à l'inviolabilité, il
faut qu'il se légitime par un signe extérieur, tel qu'une
plaque attachée à son habit, ou par un passeport en due
forme. En général, les courriers sont exempts de la visite
de la douane; certains Etats limitent cette exemption
aux paquets portant un cachet officiel. En temps de guerre,
sauf convention contraire, on peut arrêter les courriers de
l'ennemi ou de ses alliés et saisir leurs dépêches. Quelque-
fois on charge du transport des dépêches des fonctionnaires
civils ou militaires, ou même de simples gens de confiance
qui ne sont pas employés du gouvernement ; dans ce dernier
cas, leurs passeports les qualifient de courriers porteurs
de dépêches. Les courriers de cabinet et autres reçoivent,
outre le prix de leurs billets de, chemins de fer, voitures
publiques ou paquebots, une indemnité de 30 fr. par
journée de voyage et, s'il y a lieu, le montant des dépenses
occasionnées par le transport des valises (décr. du 26 avr.
4882, art. 44). Ernest Lehr.
III. Histoire. — Courrier du cabinet du roi. On
appelait vulgairement courriers du cabinet du roi les che-
vaucheurs de la Grande Ecurie (V. Chevaucheurs). M. P.
IV. Art militaire. — Courrier des vivres. On don-
nait autrefois le nom de courriers des vivres aux agents de
la direction des vivres et aux hommes qui transportaient
des vivres et des messages importants dans les places.
Courrier volant. Le nom de courriers volants était
donné à des boulets creux, appelés aussi boulets messagers,
où l'on enfermait une lettre, un message destiné à faire
parvenir des nouvelles de l'extérieur aux défenseurs d'une
place assiégée. La charge de la pièce était réduite de manière
que le projectile ne dépassât pas le but.
V. Algèbre. — Problème des courriers. Le problème
des courriers joue un rôle important dans la théorie
des quantités négatives ; il est traité dans presque tous les
livres didactiques d'algèbre; il s'énonce ainsi : « Deux
mobiles sont ensemble l'un en A, l'autre en B et décrivent
la même droite AB avec des vitesses uniformes données ;
on demande où et quand a lieu leur rencontre. »
BiBL. : Diplomatie.— Charles de Martens, Guide diplo-
matique; Leipzig, 1832, t. I, § 50, p. 115. — A. Bulme-
RiNCQ, Bas Vôlkerrecht oder das internationale Recht,
§ 82. — Ernest Lehr, Manuel des agents diplomatiques et
consulaires ; Paris, 1888. — Alph. Rïvier, Lehrbuch des
Vôtkerrechts ; Stuttgart, 1889, t. VI, §35.
COURRIÈRES. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. de
Béthune, cant. de Carvin, sur le canal de la Deûle ; 3,460
hab. Mines de houille. Sucrerie. Eglise du xvi® siècle, con-
tenant un beau tombeau en marbre blanc de Jean de
Montmorency, seigneur de Courrières. Patrie des peintres
Jules et Emile Breton, dont les tableaux ont souvent repro-
duit les sites et les types de la contrée.
COURRIS. Com. du dép. du Tarn, arr. d'Albi, cant.
de Valence; 370 hab.
COURROL Composition dont on enduit parfois la carène
des navires qui n'ont pas de doublage en cuivre. Voici sa
composition : brai sec, 3; soufre, 2; suif, 4. Cet enduit
demande à être changé tous les six mois. Avant de le re-
nouveler, on chauffe le navire, en promenant sur la carène
de petites torches de bois très inflammable. On fait fondre
ainsi l'ancien brai et l'on détruit les vers.
COURROIE (Mécan.). Les courroies servent à transfor-
mer un mouvement circulaire continu en un autre mouve-
ment circulaire continu, autour d'un axe le plus souvent
parallèle et à une certaine distance du premier. La lon-
gueur de la courroie est réglée de manière que son en-
roulement sur les poulies ne puisse s'opérer sans lui donner
un certain degré de tension indispensable pour assurer une
transmission régulière du mouvement entre les deux arbres.
Quant à la circonférence des poulies, elle est bombée vers
le milieu, afin que la courroie, un peu plus tendue vers le
milieu, se maintienne dans la position qu'on lui donne.
Lorsque la poulie tourne autour d'un axe vertical, on la
munit d'un rebord à la partie inférieure destiné à retenir la
courroie dans le cas où elle tendrait à s'échapper de ce
côté. Les courroies s'enroulent de deux manières diffé-
rentes sur les poulies : soit par les tangentes supérieures
aux deux circonférences, lorsqu'elles tournent dans le
même sens, soit suivant les tangentes Intérieures, lors-
qu'elles tournent en sens inverse l'une de l'autre. La
transmission du mouvement entre les poulies ainsi que
celle du travail entre les arbres ne s'établissent qu'en
vertu de l'adhérence de la courroie sur les poulies, adhé-
rence qui ne peut exister qu'à la condition d'une certaine
tension dans cet organe. Et comme les dimensions à lui
donner sont fonction de cette tension, nous devons tout
d'abord indiquer comment on la détermine. Il y. a lieu de
faire remarquer au préalable qu'au moment o'^ii la poulie
motrice se met en marche, elle n'entraîne pas immédiate-
ment la courroie, et que, lorsque celle-ci se décide à obéir,
elle n'entraîne pas non plus de suite la poulie conduite;
mais une fois que cette dernière est en marche, la com-
munication se maintient d^une manière indéfinie si la ten-
sion de la courroie ne varie pas.
Si l'on désigne par T la force capable de faire glisser
une courroie sur un cylindre de rayon r qu'elle embrasse
sur une longueur s de la circonférence en la tirant par
l'une de ses extrémités, cette courroie étant soUicitée à
une autre extrémité par une force t ; f étant le coefficient
de frottement entre les deux matières qui constituent la
courroie et le cylindre, e la base des logarithmes népériens,
fs
on a la relation : Tzzit-e^ .Morina établi par expérience
les valeurs de / dans les divers cas usuels : 0,28 pour les
COURROIE
iU -»-
courroies à l'état ordinaire sur des poulies en fonte ; 0,38
pour les courroies à l'état humide sur des poulies en fonte ;
0,47 pour les courroies à l'état ordinaire sur des tambours
en bois ; 0,50 pour la corde de chanvre sur les poulies ou
tambours eu bois; 0,60 pour les courroies à l'état neuf
sur des tambours en bois. Le rapport desdeuîc forces T et ^
fs
dépend donc pour les mêmes matières de la valeur (?'^,
c.-à-d. du nombre de degrés embrassés sur la circon-
férence de la poulie. Quand on opère la transmission de
mouvement entre deux poulies à l'aide d'une courroie, à
l'extrémité du rayon de l'une d'elles agit une résistance Q et
la transmission n'aura lieu qu'autant que la différence
(sntre les tensions des deux Lrms sera au moins égale à la
résistance Q. Il est facile de voir que la tension du brin
conducteur correspond à la valeur de T et celle du brin
conduit à la valeur de t. Il faudra donc remplir la condition
T — i^=;=: Q et en remplaçant T par sa valeur, en fonction
de t. obtenue plus haut, on a ; ^ ::=^ -7- d'où l'on déduira
/s
e- —d
r
ensuite T en fonction de Q. Dans la pratique, on augmente
toujours ces valeurs de un dixième, pour se mettre à l'abri
du glissement. Il est évident que lorsque les deux poulies ne
feront plus semblables, soit qu'elles soient formées de
piatières différentes, soit que les rayons soient inégaux, on
devra toujours établir le calcul en partant delà poulie pour
laquelle la valeur de t est la plus grande, ce qui corres-
fs
respond par suite pour e'- à la valeur la plus petite.
La plus grande tension à laquelle la courroie est sou-
mise étant connue, il ne reste, pour en calculer les dimen-
sions, qu'à exprimer que la tension de ses fibres par unité de
surface ne dépasse pas la limite de sécurité R qui se rap-
porte à la matière qui la compose. Si l est sa largeur et si
C est son épaisseur, ces dimensions doivent satisfaire à la
relation : clK z=: T, dans laquelle on peut sans aucun
risque prendre R égal à 0^25 par millimètre carré de section.
Cette valeur de R doit d'ailleurs dépendre de la qualité du
cuir employé à la construction de la courroie ; voici les
valeurs, par millimètre carré, que donne M, Redtenbacher.
Cuir de mouton Effort de sécurité (R) z^zOH'I
Cuir de veau — ^=:0''25
Cuir de cheval (blanc) — :=r0'^54
Cuir de cheval (mince) — =r:0H4
Cuir de vache — :zr:0^^54
Les applications que l'on peut faire des courroies donnent
lieu à plusieurs observations. On peut poser comme règle,
en se basant sur les faits de la pratique, que la largeur
des courroies ne doit pas descendre au-dessous de 4 centim.
et que pour les courroies les plus fortes en cuir double, on ne
doit pas dépasser 28 centim. Les courroies minces présentent
d'assez graves inconvénients : elles s'allongent notable-
ment, surtout lorsqu'elles sont neuves; leur tension diminue
asse^ rapidement ; elles adhèrent mal aux poulies et finis-
sent par glisser sans produire d'entramement. Pour éviter
les variations dans la tension causée par l'allongement des
courroies, on a recours souvent au rouleau de tension ;
c'est un rouleau, appuyant sur la courroie, dont l'axe est
suspendu sur un levier coudé, oscillant autour d'une de
ses extrémités et portant à l'autre un contrepoids. Le
rouleau de tension devient indispensable, lorsque, par suite
de circonstances particulières, les poulies doivent suppor-
ter de légères modifications dans leur écartement.
Fabrication des courroies. Il faut employer pour la
fabrication des courroies en cuir, du cuir de bonne qua-
lité, parfaitement corroyé et d'épaisseur uniforme. Les
opérations qu'on fait subir à la matière sont les suivantes :
4^ tension des croupons ou moitiés de peaux ; 2^ décou-
page en bandes ; 3° égalisage des bandes ; ¥ jonction des
bandes ; 5^ tension des courroies. La tension des croupons
s'exécute en réunissant la peau par une extrémité dans
une pince et en attachant l'autre extrémité sur un treuil à
manivelle qui opère la tension, qu'on laisse subsister jus-
qu'à ce que tout pli ait disparu. Le découpage en bandes se
fait à l'aide d'une machine disposée au-dessus d'une table
en fonte sur laquelle on étend le cuir, et composée d'un
système de deux chariots, dont l'un, muni d'un couteau,
peut être déplacé perpendiculairement au premier, puis
entraîné ensuite avec celui-ci dans le sens longitudinal de
la table. L'égalisage des bandes et la préparation des jonc-
tions se font avec des machines analogues à celles employées
dans le corroyage (V. Corroirie). La jonction des bandes
donnant les courroies sans fin s'obtient, soit par la cou-
ture des diverses pièces les unes sur les autres, couture
à la main ou à la machine, soit par le vissage. On emploie
alors des boutons à vis, à tête très plate pouvant se noyer
dans le cuir, ou de petites bandes rectangulaires de bronze
munies à chacune de leurs extrémités d'un œil donnant
passage à des clavettes en acier ; on rapproche les extrémi-
tés de la courroie, on les applique bord à bord en relevant
un peu ceux-ci, on les traverse normalement par les
bandes de cuivre et on enfile les clavettes qui maintiennent
tout le système. Le système Scelles est de la plus grande
simplicité : une pièce de cuivre en forme de fer à T, dont
la branche intérieure a comme hauteur l'épaisseur de la
courroie. Avec une pince coupante, on fait sur les bandes
de la courroie, dans le sens de la longueur, une incision,
mesurée pour donner passage aux branches' horizontales du
double T, qu'on retourne sur lui-même à angle droit une
fois mis en place.
L'emploi du caoutchouc dans la confection des cour-
roies présente un certain nombre d'avantages; on peut,
avec cette matière, obtenir des courroies de telle longueur
qu'on désire, ne présentant qu'un seul point de jonction;
1 homogénéité de la matière est assurée par son mode de
fabrication : elles sont imperméables et peuvent résister
dans certains cas à l'influence d'atmosphères corrosives.
On fabrique des courroies en caoutchouc, en gutta-percha
ou bien avec ces mêmes matières et l'interposition d'un
treiUis de toile, dont on peut disposer plusieurs épaisseurs
entre les lames de caoutchouc ; ce sont les courroies mixtes*
On prend généralement de fortes toiles à voile, qu'on en-
duit soit au moyen de dissolution de caoutchouc, soit au
moyen de l'application d'une mince couche de caoutchouc,
puis on phe cette toile dans sa largeur, de deux, trois, ou
quatre épaisseurs suivant la plus grande résistance que la
courroie doit avoir à supporter : on la met alors dans de
longs moules en fer ouverts à leurs extrémités ; la partie infé-
rieure a sur ses côtés deux rebords entre lesquels pénètreà frot-
tement la partie supérieure du moule qui vient passer sur
la couri^oie. On met ce moule entre les deux plateaux d'une
presse à vulcaniser et l'on serre fortement. La chaleur des
deux plateaux se communique par contact direct au moule
et le caoutchouc se vulcanise en formant un corps homogène
et souple de caoutchouc et de toile. Quand une longueur de
2 à 4 m. est vulcanisée, on relève le plateau supérieur, on
soulève la partie supérieure du moule, puis en tirant sur
le bout de courroie vulcanisé on le fait glisser dans le
moule creux, jusqu'à ce qu'on arrive à 45 centim. envi-
ron de l'endroit qui a été déjà pressé et vulcanisé, on re-
place et on procède à la vulcanisation d'une nouvelle lon-
gueur. Depuis quelques années, M. Thomas insère entre
les deux toiles une toile métallique fine coupée en biais
qui donne au tissu la fermeté voulue et lui conserve l'ex-
tensibilité nécessaire. Enfin, on emploie en Amérique des
courroies en papier et on a constaté que, en se servant de
chiffons de lin, la matière obtenue offrait une résistance
supérieure à celle du cuir,
Tresca a fait, au Conservatoire des arts et métiers, une
série d'expériences sur le mérite relatif des courroies en
cuir, en caoutchouc, en gutta-percha et mixtes ; nous en
résumons les intéressantes conclusions. Les courroies en
cuir présentent un allongement des plus variables, ce qui
provient de la tension primitive à laquelle on est obligé de
-» 135 --
COURROIE - COURS
les soumettre pour éviter les yariationa de cet allongement
pendant la marche. On a constaté que l'allongement était
de un dixième de la longueur, avec des charges de 0^77 par
miUim. carré de section pour le cuir, de 0'^70 pour les cour-
roies mixtes, de 0^28 pour le caoutchouc et de 0^25 pour la
gutta-percha. Il n'y a donc pas de différence entre les
courroies en cuir et les courroies mixtes, seulement, sans
doubler cet allongement, il ne peut porter la charge qu'à
i^66 pour le cuir, alors qu'elle doit être de 2^^52 pour les
mixtes, On peut admettre le chiffre de 4 kilogr. comme
charge moyenne dans Jes courroies mixtes, cjiarge qui de-
vient bien inférieure pour le caoutchouc et la gutta-percha,
laquelle, sous une charge de 0^3o, se tire indéfiniment.
Tresca recommande les courroies mixtes pour le cas de
grandes transmissions, en adoptant 0^^50 pour valeur de h
charge par millimètre carré de section. h, Knàb.
COURRY. Corn, du dép. du Gard, arr, d'Aiais, cant.
de Saipt-Ambroix ; 565 hab.
COURS. I. Droit commercial. — On désigne sous
le nom général de cours, le prix auquel sont traitées
dans les bouj'ses les opérations sur chaque espèce de mar-
chandises ou de valei^rs (^effets publics, valeurs métal-
liques et changes) à un jour déterminé. Xe cours des
marchandises est constaté à Paris une fois par semaine
par le syndic des courtiers et ses adjoints (C. de comm.,
art. 73; arr. du 27 prairial an X, art. 26; règlem.
de la corporation des courtiers, 1844, art. 4). -^ En droit
maritime, on appelle cours du fret le prix du transport
des marchandises par mer. Il est fixé par les courtiers
maritimes; on appelle cours des primes le taux des
primes d'assurances pour les voyages en mer ou en rivière.
Ce cours est établi deux fois par an, à l'entrée de l'été et à
l'entrée de l'hiver, par les courtiers d'assurances maritimes.
II, Finances. -^ Cours de change (V. Cambiste).
Couns DE LA Bourse. -^ Le cours de la Bourse est le
relevé des prix auxquels ont été effectuées les opérations
de bourse d'une journée. L'arrêté du 27 prairial an XI obli"
gemt les agents de change à inscrire toutes leurs opéra-
tions sur des carnets spéciaux, il leur est facile de relever
les cours et d'en faire la liste, qui prend le nom de cours
authentique, publié par les agents de change et qui fait
foi dans toutes les affaires de bourse. Mors que sous la
Révolution et rEm|)ire le relevé des cours tenait sur le
recto d'une feuille int8 , le cours actuel comprend huit
grandes pages, qui contiennent la nomenclature de plus de
sept cents valeurs différentes. Les quatre premières pages sont
consacrées aux valeurs cotées au comptant et à terme ; les
quatre autres pages, sauf une partie de la huitième réser-
vée à des avis divers, indiquent les valeurs cotées seule-
ment au comptant. Les pages réservées aux valeurs au
comptant donnent, en dehors des cours, le taux d'émission,
le nom des titres, et, quand il s'agit d'actions, les intérêts
et dividendes. Ce dernier renseignement est inutile quand
il s'agit d'obligations, dont la désignation fournit en même
temps le montant de l'intérêt (Nord" 3 °/o, taux de rembour-
sement 500, et par suite intérêt 15 fr.). Pour les valeurs
cotées au comptant et à terme, les feuilles sont divisées
en quinze colonnes, les trois premières consacrées aux
reports, la (|uatrième donne le taux d'émission, la cinquième
la désignation du titre et des indications complémentaires
(libéré ou non Mbéré, etc.), la sixième la jouissance, c.-à-d.
la date du dernier payement d'intérêt ou do dividende, la
septième les cours au comptant, les colonnes 8 à d 2 com-
prennent les indications relatives aux opérations à terme ;
les treizième et quatorzième, les cours de la bourse précé-
dente, enfin la quinzième colonne fournit le montant des
derniers intérêts ou dividendes distribués, impôts non
déduits. C'est d'après ces divers renseignements qu'on éta-
blit les bordereaux des opérations faites et qu'on les véri-
fie ; c'est notamment en prenant la moyenne entre le plus
bas et le plus haut cours coté qu'on établit le cours moyen
d'une valeur, cours auquel se traitent la plupart des opé-
rations au comptant. G. François.
Cours forcé (V. Riliet de banque, t. VI, p. 862).
IIL Administration. — Cours d'eau navigables ou
FLOTTABï^Es. — Sous le rapport légal, il y a trois sortes
de cours d'eau : 1" rivières navigables ou flottables en
trains; 2° rivières flottables à bûches perdues ; 3^ cours
d'eau non navigables ni flottables. Nous nous occupe-
rons ici des deux premières catégories, et d'abord de la
première, la seconde ne devant venir que dans l'alinéa final ;
quand nous dirons rivières flottables, sans autre dési--
gnation, il est entendu qu'il s'agira de celles qui sont flot-
tables en trains.
Au mot Rivière, on trouvera la partie technique du sujet ;
mais les questions de légalité et de jurisprudence ont aussi
beaucoup d'intérêt, et il serait à désirer qu'elles fussent
mieux connues du public. Au point de vue qui nous inté-
resse ici, on peut classer les diverses natures de biens de la
manière suivante : 1^ les biens qui forment le domaine pu-
blic inaliénable et par suite imprescriptible ; 2° ceux ^ui
forment, outre le domaine des particuliers, le domaine privé
de l'Etat, des départements, des communes, des établisse-
ments publics ou d'utilité publique, des associations ; on peut
prescrire contre eux ; 3° ceux qui n'appartiennent à per-
sonne et dont l'usage est commun à tous (notamment le lit
des cours d'eau non navigables ni flottables (V. ci-des-
sous). La première nature de biens comprend (C. civ., art»
538) les rivières et parties de rivières déclarées navigables
ou flottables par ordonnances ou décrets. L'édit de Moulins de
1566 déclare le domaine public inaliénable, d'otiil résulte
que les empiétements sur les cours d'eau navigables ou
flottables ne peuvent opérer la proscription. Il appartient à
l'administration de constater les limites du domaine public;
si une déhmitation englobe des surfaces sur lesquelles des
tiers prétendent avoir des droits, il n'en résulte qu'une
expectative d'indemnité ; il appartiendra à l'autorité judi-
ciaire de se prononcer sur le principe et sur le chiffre de
l'indemnité (trib. des conflits, 11 janv. 1873, de Pâris-
Labrosse). On peut résumer les principes de la manière
suivante : à l'administration, le pouvoir de statuer en ce
qui concerne les intérêts généraux; à l'autorité judiciaire,
gardienne de la propriété individuelle, le pouvoir de déci-
der si celle-ci est lésée, et de régler rindemnité due, dans
le cas de l'affirmative. Il ressort de l'édit de 1566 que
l'existence d'une usine établie postérieurement h cette date
sur une rivière navigable ne peut résulter que d'une tolé-
rance, à moins qu'il n'y ait eu vente nationale, ou réunion
d'une nouvelle province à la France. Dans ce dernier cas,
on a toujours admis comme valables les jouissances anté-
rieures à l'annexion. Si l'exécution des travaux publics
supprime tout ou partie de la force motrice, il n'y aura lieu
à indemnité que si le propriétaire de l'usine prouve par
titres une existence antérieure à 1566, ou une acquisition
par vente nationale, ou s'il se trouve dans le troisième cas
mentionné ci-dessus. La législation des rivières navigables
doit être appliquée aux cours d'eau et parties de cours
d'eau suivants : 1® ceux qui figurent au tableau annexé à
l'ordonnance royale du 10 juil. 1835; 2^ ceux qui ont été
classés parmi les rivières navigables ou flottables par
des ordonnances ou décrets postérieurs à cette date. Les
rivières navigables et les canaux de navigation font partie
de la grande voirie : art. 1^^ de la loi du 29 floréal an X.
Aux termes de Tart. 4 de cette loi, le pouvoir répressif en
matière de grande voirie est attribué aux conseils de pré-
fecture. Le recours au conseil d'Etat peut avoir lieu par
simple requête, déposée au secrétariat général de la préfec-
ture, ou à la sous-préfecture, et sans l'intervention d'un
avocat au conseil d'Etat (loi du 21 juin 1865, art. 12);
il doit être fait dans le délai de deux mois (loi du 22 juil.
1889, art. 57).
L'ordonnance de 1669 sur les Eaux et forêts porte,
à l'art. 7 du titre XXVIIl, ce qui suit : « Les propriétaires
des héritages aboutissant aux rivières navigables laisseront
le long des bords 24 pieds au moins de place en largeur
pour chemin royal et trait de chevaux, sans qu'ils puissent
COURS
- rse -
planter arbres ni tenir clôture ou haie plus près de 30
pieds du côté que les bateaux se tirent, et 10 pieds de
l'autre bord, à peine de 500 livres d'amende, confiscation
des arbres et d'être, les contrevenants, contraints à répa-
rer et remettre les chemins en état à leurs frais. » Mais
Tarrêt de 4777 exige les 24 et 30 pieds sur les deux
rives, et en outre « sur les îles où il en serait besoin ».
L'art. 7 du titre XXVIII de Fordonnance de 1669 deve-
nait sans valeur en ce qui était contraire à cet arrêt ; mais
on peut se demander si le décret du 22 janv. 4808, gui
renvoie seulement à l'ordonnance de 4669, n'a pas modifié
la situation ? La différence de traitement pour les deux rives
ne semble pas avoir prévalu; M. Guillemain, directeur de
l'Ecole des ponts et chaussées, dans son grand ouvrage sur les
Rivières et Canaux {Encyclopédie des travaux publics)
donne son avis dans les termes suivants : « L'ordonnance
de 4669 est la seule qui parle d'un marchepied de S'^SS,
mais les règlements qui l'ont suivie ne reproduisent en rien
cette distinction et spécifient au contraire que la servitude
s'exerce sur les (deux) bords et même dans les îles. Le
décret de 1808, il est vrai, rappelle l'ordonnance de 4669
seule; mais il avait évidemment pour but d'appliquer cette
ordonnance aux pays annexés récemment à l'Empire, et non
de modifier les règlements qui régissaient antérieurement
le territoire français. Observons d'ailleurs que le halage
pouvant passer d'une rive à l'autre toutes les fois que les cir-
constances locales l'exigent, le marchepied, si on lui recon-
naissait une existence légale, pourrait à un moment donné
être transformé en chemin de halage, et retomber sous
l'application du règlement. » L'art. 650 duC. civ. confirme
la servitude de halage. Si des travaux sont nécessaires
pour faciliter la navigation, sur la surface frappée de ser-
vitude, on ne peut y procéder qu'après expropriation, à
tnoins d'entente amiable avec le riverain.
Le conseil de préfecture est compétent pour juger les
questions d'indemnités, en cas de dommage aux usines sur
rivières navigables dont l'existence légale a été reconnue
(cens. d'Etat, 47 mai 4844). L'indemnité doit être fixée
après expertise, d'après la force motrice réellement utilisée
par l'usine dans les Hmites de l'autorisation (cons. d'Etat,
9 mai 4867). On ne sait pourquoi la même règle n'est
pas appliquée aux usines vendues nationalement; l'indem-
nité n'est accordée dans ce dernier cas qu'en raison de la
force utilisée à l'époque de la vente, sans tenir compte des
dépenses faites depuis pour mieux approprier les méca-
nismes (cons. d'Etat, 5 mai 4876). Le jury d'expropriation
est compétent pour fixer le total de l'indemnité, force
motrice comprise, en cas d'expropriation.
L'autorisation qu'on peut obtenir d'emprunter un cer-
tain volume d'eau à une rivière navigable est une con-
cession essentiellement révocable, les cours d'eau dont il
s'agit faisant partie du domaine pubhc, qui est inaliénable.
Les décrets de décentrahsation des 25 mars 4852 et 4 3 avr.
4 864 ont délégué aux préfets le pouvoir de statuer sur les
demandes de règlements d'eau en ce qui concerne les
rivières non navigables ni flottables; mais en outre ces
magistrats peuvent statuer (tableau D, 4), en ce qui con-
cerne les rivières navigables, pour les prises d'eau à faire
« au moyen de machines et qui, eu égard au volume du
cours d'eau, n'auraient pas pour effet d'en altérer sensible-
ment le régime », et encore (D, 2) autoriser « des établis-
sements temporaires sur lesdits cours d'eau, alors même
qu'ils auraient pour effet de modifier le régime ou le niveau
des eaux », et fixer « la durée de la permission ». D'après
une instruction ministérielle du 27 j ail. 1852, cette durée
ne doit être que d'une année au plus; comme il s'agit
d'autorisation tout à fait précaire, il n'y a pas à imposer
de redevance. Les permissionnaires ou tous autres intéres-
sés peuvent adresser leur réclamations au ministre, qui
réforme s'il y a lieu les décisions des préfets.
En dehors des cas d'exception prévus au tableau D, une
prise d'eau ne peut être faite dans une rivière navigable
qu'en vertu d'un décret. S'il s'agit d'une usine, le barrage
sera le plus souvent un barrage établi pour le service de la
navigation ; le permissionnaire entretiendra les vannes de
prise d'eau et de décharge, et supportera une part des
charges de grosses réparations du barrage d'après la pro-
portion des intérêts de l'Etat et de l'usine (loi du 46 sept.
4807, art. 34), si cette proportion n'est pas déter-
minée par d'anciens usages ou règlements, ou par des titres.
La décision à ce sujet fera l'objet d'un règlement d'admi-
nistration publique. Les travaux de réparation et d'entre-
tien dont il s'agit sont toujours faits par l'Etat; l'usinier
paye sa part à titre de fonds de concours. Quand le barrage
n'existe pas au moment de la permission, l'usinier l'établit
dans les conditions que fixe le décret. L'autorisation s'ap-
pliquant à un volume d'eau déterminé, on fixe les dimen-
sions des vannes de l'usine et la hauteur de leurs seuils. —
Si la prise d'eau est destinée à l'irrigation, le concession-
naire pourra invoquer la loi du 29 avr. 4845 pour le pas-
sage des eaux sur les propriétés intermédiaires, et la loi
du 4 4 avr. 4 847 pour l'appui des ouvrages de prise d'eau
sur le riverain opposé. — Pour les prises d'eau indus-
trielles, ayant par exemple pour but l'ahmentation des
machines à vapeur, le lavage des laines, l'alimentation des
papeteries, etc., le partage des attributions entre le préfet
et l'administration supérieure est le mhmQ. La compétence
des préfets sur les rivières canahsées est la même que sur
les rivières à courant libre; mais, s'il s'agit d'un canal de
navigation, le préfet ne peut plus statuer dans aucun cas.
Les prises d'eau pour alimentation pubhque sont autorisées
par les préfets si le volume à emprunter ne peut altérer le
régime du cours d'eau navigable.
Une concession sur un cours d'eau du domaine pubhc
donne nécessairement lieu à une redevance annuelle (lois
de finances du 46 juil. 4840, art. 8, dont l'application est
autorisée chaque année par la loi de finances ; V. notam-
ment la loi du 47 juil. 4889, état G). D'après la jurispru-
dence du conseil d'Etat, le montant de cette redevance est
généralement de 4/2 °/o de la valeur vénale de la force
motrice brute, évaluée d'après ce qu'elle vaut dans la loca-
hté, ou un dixième de la valeur locative de cette force,
après déduction s'il y a Heu de l'intérêt et de l'amortisse-
ment du concours de l'industriel dans les dépenses intéres-
sant la navigation. Les redevances sont révisables ordinai-
rement tous les trente ans, tandis que les redevances pour
occupations temporaires sur les routes, rivières et canaux
(par exemple pour un appontement à l'usage d'une compa-
gnie de navigation) sont révisables tous les cinq ans. Il
n'est pas dû de redevance pour une usine ayant existence
légale (antérieure à 4566, ou vente nationale), à moins
qu'il ne soit concédé une force motrice en sus de la consis-
tance légale ressortant des titres. Pour les irrigations, la
base de la redevance est du dixième de l'augmentation
brute du revenu, après retranchement de 6 ^/o des dépenses
du premier établissement des ouvrages, ainsi que du mon-
tant des frais annuels d'entretien. Pour les prises d'eau
sans barrage, la redevance annuelle est habituellement de
40 cent, par mètre cube ou fraction de mètre cube d'eau
pouvant être dérivé ou puisé par vingt-quatre heures. Pour
les besoins domestiques, la redevance est réduite au droit
fixe de 4 fr., à moins qu'il ne s'agisse d'une entreprise
ayant pour but un bénéfice pour l'exploitant, auquel cas le
droit de 40 cent, par mètre cube doit être ajouté.
Flottage à bûches perdues. N'est pas considéré, comme
l'est le flottage en trains, comme une navigation. Dans ce
cas, les cours d'eau sont assimilés aux cours d'eau non
navigables ni flottables. Toutefois, un régime spécial leur
est applicable dans le bassin de la Seine, à cause de l'im-
portance exceptionnelle de l'approvisionnement de Paris :
les riverains sont soumis à la servitude d'un marchepied de
4 pieds et à celle du dépôt des bois destinés à la capitale ;
les usiniers doivent laisser leurs établissements en chômage
pendant le passage du flot (ordonnance du 2 déc. 4672).
Outre les mots précédemment indiqués, V. Endiguemënt
et Inondation.
— 137 -
COURS
Cours d'eau non navigables ni flottables. — Après
ce qu'on a dit à au paragraphe Cours d'eau navigables
ou flottables^ il ne peut être question ici de traiter que
les questions spéciales aux autres , ou celles qui, ayant
en ce qui concerne les cours d'eau non navigables beau-
coup plus d'importance qu'au regard des cours d'eau
navigables, ont été laissées de côté ou seulement effleurées
ci-dessus. Les rivières non navigables font partie du
domaine commun. Cette expression, proposée il y a bien
longtemps par Guichard {Dictionnaire des travaux pu-
blics^ de Tarbé de Vauxclairs, p. 479), met assez bien
en relief le caractère distinctif de ce genre de propriété,
placé en quelque sorte entre le domaine public et le
domaine privé : personne ne peut user arbitrairement d'un
cours d'eau non navigable, par exemple le détourner de
son cours et en faire passer les eaux dans un autre bas-
sin, à moins qu'une loi spéciale n'intervienne. Cependant le
riverain a des droits d'usage sur le cours d'eau non navi-
gable qui longe ou traverse sa propriété, et il peut alié-
ner ces droits ; mais il ne peut les aliéner à perpétuité
qu'en vendant sa propriété; réciproquement, la vente de
la propriété entraîne, même sans que cela soit mentionné,
celle des droits d'usage sur les cours d'eau. L'art. 714 du
C. civ. dit qu' « il est des choses qui n'appartiennent à
personne et dont l'usage est commun à tous ». Cela ne veut
pas dire « dont l'usage est uniforme pour tous », car l'ar-
ticle ajoute : « Des lois de police règlent la manière d'en
jouir. » La cour de cassation (arrêts du 10 juin 1846, canal
de Sambre à l'Oise contre Parmentier, et du 6 mai 1861,
arrêt Gontaut) a reconnu qu'il faut ranger parmi ces choses,
tlont l'usage est commun à tous, les cours d'eau non navi-
gables ni flottables. Pour la manière d'en jouir, voici main-
tenant le texte fondamental (C. civ., art. 644) : « Celui
dont la propriété borde une eau courante, autre que celle
qui est déclarée dépendance du domaine public, peut s'en
servir à son passage pour l'irrigation de ses propriétés. Celui
dont cette eau traverse l'héritage peut même en user dans
l'intervalle qu'elle y parcourt, mais à la charge de la rendre
à la sortie de ses fonds à son cours ordinaire. » Ce texte
est applicable aux ruisseaux comme aux rivières non navi-
gables les plus importantes. Mais un thalweg qui se rem-
plirait d'eau en temps de forte pluie, et serait bientôt à sec
jusqu'à de nouvelles averses, devrait être considéré comme
un simple pli de terrain susceptible de propriété privée.
Plusieurs riverains peuvent, par une convention, régler les
conditions dans lesquelles ils utiliseront leurs droits d'usage.
Mais les droits des tiers sont nécessairement réservés, par
exemple le droit qu'ont les habitants de puiser de l'eau
pour leurs besoins, aux points où le cours d'eau traverse
ou longe une voie publique.
Les alluvions sont régies par l'art. 556 du C. civ., pour
les cours d'eau non navigables comme pour les autres. Les
accroissements qui se forment successivement aux fonds
riverains sont dits alluvions et profitent aux riverains. Si
l'eau se retire de l'autre rive, le propriétaire de ce côté ne
peut réclamer les surfaces qui se sont formées le long
d'autres héritages. Aux termes de l'art. r>58, le propriétaire
d'un étang reste toujours propriétaire de la surface couverte
par les eaux «quand elles sont à la hauteur de la déchargé,
mais il n'acquiert pas de droits sur les terres que l'étang
vient à couvrir dans des crues extraordinaires. Art. 559
du C. civ. : « Si un fleuve ou une rivière navigable on
non enlève par une force subite une partie considérable et
reconnaissable d'un champ riverain, et la porte vers un
champ inférieur ou sur la rive opposée, le propriétaire de la
partie enlevée peut réclamer sa propriété ; mais il est tenu de
former sa demande dans l'année. Après ce délai, il n'y sera
plus recevable, à moins que le propriétaire du champ auquel
la partie enlevée a été unie n'ait pas encore pris possession
de celle-ci. » L'art. 561 règle la propriété des îles qui se
forment dans les rivières non navigables et non flottables ;
l'art. 565 réserve au riverain la propriété de la surface
transformée en île par l'ouverture d'un nouveau lit. Si
l'ancien lit est abandonné, l'art. 563 l'attribue aux anciens
propriétaires de l'emplacement du lit nouveau. Quand les
travaux d'un propriétaire le long de sa rive amènent des
corrosions au détriment d'autres héritages, les propriétaires
de ceux-ci peuvent exercer utilement leurs revendications.
Lorsqu'on défend une rive, il ne faut pas que les ouvrages
mettent obstacle au cours des eaux (cons. d'Etat, 15 sept.
1831).
Alignements. Travaux le long des cours d'eau et dans
leur lit. Le riverain est tenu de respecter les vieux bords ;
s'il y contrevient, l'autorité publique a le devoir d'inter-
venir (cons. d'Etat, 8 avr. 1858, 8 avr. 1860, 7 janv.
1867). Mais néanmoins le riverain n'est pas obligé de
demander l'alignement ; il peut agir de son autorité privée,
mais à ses risques et périls. Le conseil d'Etat a rappelé les
principes dans l'avis suivant, relatif à la rivière du Libron
(Hérault), 26 juil. 1859 : « S'il appartient aux préfets de
reconnaître et de constater, par arrêtés pris après enquêtes,
la largeur des rivières non navigables ni flottables aussi
bien que des torrents, de prescrire le rétablissement du lit
de ces cours d'eau suivant les vieux fonds et vieux bords,
et d'interdire en même temps tout empiétement sur les
rives ainsi déterminées, il ne peut appartenir à l'autorité
préfectorale, hors le cas d'urgence, de prescrire l'élargisse-
ment du lit d'une rivière pour cause d'insuffisance de
débouché, au détriment des propriétés riveraines, et d'or-
donner la destruction, sans indemnité, de constructions
existant depuis longtemps, et de juger ainsi des questions
de propriété dont la solution est réservée à l'autorité judi-
ciaire, ni de déterminer un alignement et des servitudes
dont l'établissement n'est, en cette matière, autorisée par
aucune loi. » Les mots « existant depuis longtemps » sont
évidemment de trop dans cet avis ; ils ne peuvent s'expli-
quer que par des circonstances particulières de l'aff'aire qui
a amené à l'émettre. Il n'appartient qu'à l'autorité judi-
ciaire de décider si une construction, ancienne ou récente,
doit être démolie comme empiétant sur les vieux bords. La
position du riverain serait aggravée si la construction avait
eu lieu après fixation régulière par le préfet des limites du
cours d'eau.
D'après la jurisprudence du conseil d'Etat (26 nov.
1863, 8 août 1865), le propriétaire traversé par une eau
courante non navigable peut changer l'emplacement du lit
sans que le préfet ait le droit d'exiger que les eaux soient
ramenées à leur ancien cours, ou d'ordonner que certains
ouvrages construits pour la déviation soient détruits; ce
magistrat peut seulement prescrire que le nouveau lit ait
une pente et une largeur suffisantes pour assurer le libre
écoulement des eaux. En dehors de ce cas spécial, on peut
dire que l'autorité doit faire respecter les vieux bords et
rétablir les vieux fonds ; elle ne peut s'opposer à ce qu'on
fasse des plantations, digues ou autres ouvrages, du moment
qu'on n'empiète pas sur les vieux bords, et qu'on ne se
heurte pas à une loi spéciale imposant certaines conditions
dans les vallées du bassin. Cette limitation des pouvoirs de
l'autorité publique s'applique au cas où aucune formalité
spéciale n'a été remplie ; mais elle n'est pas absolue, car le
gouvernement peut exiger des formations de syndicats, et
faire déclarer d'utilité publique les travaux qui seraient
nécessaires dans l'intérêt général. On appliquerait les lois
du 16 sept. 1807 et du 14 floréal an XI, si l'on ne pou-
vait atteindre le but au moyen de la loi du 21 juin 1865.
Moulins et usines. Les riverains, qui ne sont pas pro-
priétaires du lit, ne possèdent pas davantage la pente des
eaux (cass., 18 avr. 1866). Le caractère légal d'une
usine sur cours d'eau non navigable résulte : de son
existence antérieure à l'abolition du régime féodal (1789),
d'une vente nationale, ou d'une autorisation administrative
réguHère. Le pouvoir de police de l'administration résulte
des dispositions du ch. vi de la loi du 20 août 1790, de
l'art. 16, titre II, du C. rural de 1790, et de la loi du
6 oct, 1791. Le partage des compétences administratives a
été modifié par le décret de décentralisation du 25 mars
COURS
^ 138
1852. Pour les cours d'eau non navigables, les autorisa-
tions concernant l'établissement d'usines sont des permis-
sions ou des règlements de police, sans préjudice des droits
des tiers. Si une permission se trouvait contraire à un droit
acquis, les tribunaux seraient juges. Les tiers peuvent se
pourvoir devant les tribunaux ordinaires ; ceux-ci ont le
pouvoir d'ordonner la suppression des ouvrages qui ont fait
l'objet de la permission administrative (cass,, 40 mars
1879). Depuis le décret de d852, les préfets sont
compétents pour autoriser, sur les cours d'eau non navi-
gables ni flottables, tout établissement nouveau, tel que
moulin, usine, barrage, prise d'eau d'irrigation, patouillet,
bocard, lavoir à mines (3 du tableau D). Ils statuent éga-
lement pour les régularisations de l'existence des établisse-
ments non encore pourvus d'autorisation régulière, ou
pour les modifications des règlements existants (4 de D).
Un décret du 13 avr. 1861 a apporté certaines modifica-
tions au décret de 1852, mais elles ne portent pas sur les
points dont il s'agit ici. Les recours contre les décisions
préfectorales peuvent s'exercer au moyen de requêtes adres-
sées au ministre des travaux publics, soit directement, soit
par l'intermédiaire des préfets. Si le ministre n'accorde
pas la réformation demandée, le conseil d'Etat n'admet pas
le pourvoi devant lui (13 déc. 1872), s'il n'est pas allégué
que le préfet n'ait point agi dans un but de police et d'in-
térêt général; il ajoute que si certains dommages résultent
des conditions de l'arrêté, les réclamants peuvent sou-
mettre leurs griefs à l'autorité judiciaire, les droits des
tiers ayant été réservés. Ils le pourraient évidemment
encore si cette réserve avait été omise dans l'arrêté, car
elle est de droit.
Associations syndicales, La loi du 21 juin 1865,
modifiée par la loi du 22 déc. 1888, est applicable aux
associations libres et aux associations autorisées. Lorsque
l'on n'arrive pas à former au moyen de cette loi les asso-
ciations jugées nécessaires par l'administration, on peut
recourir à la loi du i6 sept. 1807 et à l'art. 2 de la loi du
14 floréal an XI pour organiser des associations forcées.
La loi de 1865 est applicable aux travaux de défense contre
la mer, les fleuves, les torrents et rivières navigables ou
non navigables; au curage et à la régularisation des
canaux et cours d'eau non navigables ni flottables, des
canaux de dessèchement et d'irrigation ; au dessèchement
des marais ; aux ouvrages nécessaires à l'exploitation des
marais salants; au drainage, à l'irrigation, aux travaux
d'utilité publique dans les villes, aux chemins d'exploita-
tion dans les campagnes, et à toute autre amélioration d'in-
térêt agricole. On trouvera des indications sur son fonc-
tionnement aux mots Curage, Drainage, Irrigation, etc.
Partage des eaux entre V industrie^ l'agriculture et
V alimentation publique, La loi des 12-20 août 1790
fait un devoir à l'administration de diriger autant que pos-
sible les eaux du territoire vers un but d'utilité générale,
« d'après les principes de l'irrigation ». Cela veut dire
qu'il faut tenir compte de tous les genres d'utilité, donner à
tous les satisfactions possibles, de manière que l'utilité
totale soit aussi grande que possible pour la société. Il ne
faut pas que l'administration sacrifie l'intérêt public à un
intérêt privé, ou un intérêt privé à un autre, car son droit
de « direction » est corrélatif à l'intérêt général seulement.
Hors de là, elle n'a que des pouvoirs de police. En réglant
les retenues des usines, de manière que, dans son ensemble,
l'industrie d'une vallée dispose de la plus grande somme
possible de puissance mécanique, l'administration sert l'in-
térêt général, à la condition toutefois qu'elle donnera aussi
satisfaction aux besoins d'alimentation des villes, aux
besoins d'irrigation des campagnes, de telle manière que
l'utilité sociale totale soit maximum. On ne peut toutefois,
sans de graves motifs, sacrifier des intérêts existants, et
d'ailleurs la solution la meilleure, si tout était à faire, devien-
drait mauvaise si l'on voulait l'imposer au prix de grandes
destructions des capitaux.
Quand des contestations surgissent, et qu'il apparaît au
conseil d'Etat que Fadministration, se trompant dans l'ap-
plication de ses vues d'intérêt général, a en réalité favorisé
certains intérêts privés au détriment d'autres intérêts fon-
dés sur des titres ou un usage ancien, ce haut tribunal
administratif annule pour excès do pouvoir et décide qu'il
appartient aux tribunaux ordinaires de statuer (7 août
1863, Goguel; 19 mai 1864, Vidal; 1^^'févr. 1866,Couil-
laud; 10 avr. 1867, Dobiche). Mais le conseil d'Etat ne
conteste pas pour cela les droits de l'administration à sta-
tuer dans le sens que commande l'intérêt général ; il appré-
cie simplement que, dans certains cas, des erreurs d'appré-
ciation ont amené à commettre des abus, dans l'application
d'un principe incontesté en lui-même. Il résulte de la juris-
prudence que l'administration a le droit de déterminer,
dans un intérêt général, le volume d'eau à réserver à l'irri-
gation et les périodes et durées des arrosages. La cour de
cassation reconnaît que les tribunaux doivent faire respec-
ter les règlements ainsi édictés, conformément à l'art. 645
du C. civ. et à l'art. 471, § 15, du C. pén. S'il y a d'an-
ciens règlements ou des usages locaux, le préfet a le droit
de statuer sur les répartitions d'eau entre l'industrie et
l'agriculture, et aussi l'alimentation publique, en se con-
formant à ces règlements ou usages ; mais s'il n'en existe
pas, ou s'il apparaît qu'il soit nécessaire de les modifier
pour satisfaire à une plus grande somme d'intérêt général,
le préfet n'est plus compétent, et c'est à l'autorité souve-
raine qu'il appartient de régler les conditions du partage,
au moyen d'un règlement d'administration publique,
ou en autres termes d'un décret délibéré en assemblée
générale du conseil d'Etat. Les règlements réservent les
droits des tiers à faire valoir devant les tribunaux ordi-
naires par les particuliers qui se croient lésés ; ils aban-
donnent aux arrosants de chaque section (correspondant à
une prise d'eau) le soin de partager entre eux les eaux mises
à leur disposition, sauf à porter leurs contestations devant
l'autorité judiciaire (V. Curage, Irrigation). M.-C. L.
IV. Marine. — La navigation au long cours ou na-
vigation hautnrière est celle que l'on fait hors des limites
du cabotage (V. ce mot). Les capitaines au long cours
peuvent seuls commander les navires destinés à naviguer
hors des limites précitées (V. Capitaine, t. IX, p. 1§8).
V. Enseignement. — Dans l'enseignement secondaire,
cours s'oppose à classe^ et cela de deux manières: pour ces
acceptions du mot, V. Classe. Dans l'enseignement supé-
rieur cours s'oppose à conférence (V. Conférence). Un
cours est essentiellement une série de leçons suivies et
coordonnées sur un point déterminé de l'enseignement.
Traditionnellement, en France, les professeurs des facultés
enseignent sous forme do cours ex cathedra : cours large-
ment ouverts aux étudiants dans les facultés de médecine
et de droit, cours tout à fait publics dans les facultés des
sciences et des lettres. Cependant cette publicité n'est pas
sans inconvénients. Le public ne peut goûter exclusive-
ment, ni même principalement les recherches profondes et
originales ; et, n'en étant pas bon juge, il n'y incite pas
suffisamment. L'essence de l'enseignement supérieur est la
propagation de l'esprit scientifique et des méthodes par la
parole et par l'exemple ; or ce qui constitue vraiment la vie
de la science (tâtonnements du laboratoire^ minutieux
travaux d'érudition, discussions serrées de la critique) est
indifférent ou inaccessible au pubHc, qui n'est sensible
qu'aux résultats acquis et à l'intérêt de l'exposition. Le
genre oratoire, la leçon d'apparat qu'appelle plus ou moins
le cours pubKc, sont peu favorables à la sévère disciphne
intellectuelle nécessaire pour former des savants et des
professeurs. Aussi la réaction fut-elle vive contre cette
forme d'enseignement, le jour où les facultés des lettres
et des sciences, reprenant conscience de leur fonction véri-
table, eurent de véritables élèves. Dans la chaleur de cette
réaction, qui date de 1877 environ, quelques-uns seraient
allés volontiers jusqu'à supprimer le cours pubhc. Mais il
a paru suffisant d'autoriser, de recommander même à côté
de lui les cours fermés^ dans lesquels le professeur, sans
«-139-
COURS
descendre nécesssurement aux menus exercices, parfois à
demi scolaires de la conférence proprement dite, est du
moins en commerce familier avec les étudiants, les fait
agir, collaborer à ses recherches, les initie, en un mot, à
la méthode. Quelques griefs qu'on puisse avoir contre les
auditoires libres, pour ce qui s'y mêle nécessairement d'ama-
teurs mal préparés, d'irréguliers, voire de simples passants,
on n'a pas cru pouvoir leur refuser leur part, et chaque
professeur fait au moins une leçon publique par semaine.
Ces passants mêmes, en efet, il peut arriver qu'on les
retienne. Et, abstraction faite des services qu'on peut leur
rendre, ces auditoires flottants contribuent, eux aussi, à la
vie des facultés, en leur donnant d'abord une certaine
popularité qui n'est pas étrangère à leur prestige, surtout
en les maintenant en communication directe avec le grand
courant de la vie nationale.
Les Cours complémentaires y intermédiaires entre les
chaires magistrales et les conférences, ne sont pas régis
par une législation expresse, ni même par des règlements
uniformes. L'administration les institue dans les diverses
facultés, après avis du conseil des professeurs, dans des
conditions très variables selon les circonstances et les res-
sources dont elle dispose. C'a été depuis 1878 ou 1880 le
moyen d'étendre progressivement les cadres, en mettant à
l'essai des enseignements nouveaux confiés à des hommes
d'une compétence spéciale. Ces cours sont érigés en chaires
quand Fépreuve en a mis hors de doute l'utilité.
Les Cours libres dans les facultés ont été institués par
le décret du 24 juil. 1883. Le ministre peut, après avis
de la faculté et sur un rapport spécial du recteur, autoriser
tout docteur es lettres ou es sciences à faire dans les fa-
cultés de l'Etat des cours libres. Sont assimilés aux doc-
teurs les membres des divers établissements d'enseignement
supérieur de l'Etat, les membres et les correspondants de
rinstitut. La même autorisation peut être accordée à des
personnes non pourvues du titre de docteur, mais seu-
lement après avis conforme de la faculté compétente. Elle
est au plus annuelle et elle est toujours révocable, mais
elle peut être indéfiniment renouvelée. Les cours libres
sont : ou publics, dans les mêmes conditions que ceux de
la faculté ; ou privés, c.-à-d. réservés aux seuls auditeurs
agréés par le professeur. L'entrée, toutefois, en appartient
de droit à tout membre de la faculté ou de l'administration
académique. Les dépenses auxquelles donnent lieu les
cours libres sont à la charge du professeur, lequel peut
recevoir de l'Etat quelque encouragement s'il y a lieu, mais
n'a droit à aucun traitement. En revanche, il est autorisé
à percevoir une rétribution payée par les auditeurs des
cours privés. Tout ce règlement est applicable aux facultés
de droit sur leur demande. Les cours libres à la Faculté
de médecine de Paris restent soumis aux prescriptions
de l'arrêté du 9 févr. 1881. — En fait, cette tentative pour
étendre et vivifier l'enseignement supérieur "en y intro-
duisant l'analogue du privat-docent des universités alle-
mandes, n'a réussi qu'à demi. La rétribution prévue par le
règlement est trop contraire à nos habitudes, du moins
dans les facultés dont les cours sont gratuits, pour qu'on
ait songé bien sérieusement à l'exiger. Parmi les cours
libres autorisés, un petit nombre seulement ont su attirer
et retenir le public, cela à Paris même, où la curiosité
intellectuelle est infinie sans doute, mais où elle trouve
aussi dans des cours innombrables les satisfactions les
plus diverses.
Cours pratique des salles d'asile. — C'est l'ancien nom
de l'école normale spéciale qui, depuis 1878, s'appelle
VEcole Pape-Carpantier et qui a pour but la préparation
des directrices de salles d'asile (aujourd'hui écoles ma-
ternelles). Je dis l'ancien nom, et non le premier, car
l'institution, d'abord l'œuvre toute privée d'une femme
charitable. M""® Jules Mallet, tante du ministre de Sal-
vandy, fut fondée en 1847 sous le nom de « Maison
d'études pour les salles d'asile ». Elle s'ouvrit rue Neuve-
Saint-Paul, n** 12, sous la direction de M^^® Carpantier,
celle-là même qui devait être M^® Pape-Carpantier et perfec-
tionner si largement la méthode des Infants schools qu'elle
était alors chargée d'enseigner. En 1848, sous le ministère
de Carnot (arrêté du 28 août), la maison prend le nom
à' Ecole maternelle normale et reçoit un caractère officiel.
On y fait chaque année deux cours d'études, chacun de
quatre mois, afin de pourvoir plus vite aux besoins. Une
école maternelle y est annexée, chose indispensable à la
préparation pratique du personnel. C'est en 1852 qu'ap-
paraît le nom de Cours pratique des salles d'asile, de-
mandé par la commission de surveillance, sans doute
comme plus modeste que celui d'Ecole normale et moins
de nature à porter ombrage, dans un temps où l'ensei-
gnement laïque n'était en faveur à aucun degré. Depuis
185d, l'école avait été transférée rue des UrsuHnes, dans
le bâtiment qu'occupe aujourd'hui le Musée pédagogique.
Elle y était encore quand le décret du 19 déc. 1878 lui a
donné le nom à' Ecole Pape-Carpantier^ auquel nous
renvoyons pour la suite de son histoire.
Cours normaux. — Cette expression n'a plus qu'un intérêt
historique, la loi du 9 août 1879 ayant rendu obligatoire
pour tous les départements , et cela dans un délai de
quatre ans, la création d'écoles normales d'instituteurs et
d'écoles normales d'institutrices. Auparavant, chaque dé-
partement était tenu aussi par l'art. 35 de la loi du 15 mars
1850 d'assurer le recrutement de ses maîtres d'école;
mais beaucoup le faisaient, à défaut d'écoles normales, en
entretenant des élèves-maîtres dans des établissements
d'instruction primaire désignés par le conseil départe-
mental. On appelait proprement cours normaux les
classes spéciales ainsi annexées à des collèges ou à des
écoles libres. Quelquefois, par extension, le nom s'appli-
quait aux établissements mêmes qui recevaient de la sorte,
ordinairement pour trois ans, les boursiers ou les bour-
sières du département, La valeur de ces maisons étant très
inégale et souvent fort médiocre, la préparation pédago-
gique qu'elles donnaient l'était nécessairement aussi,
d'autant que la surveillance, quand elle ne faisait pas
entièrement défaut, était sans prise sur l'enseignement et
les méthodes. H. Mârion.
BiBL. : Droit commercial. — Boistèl, Précis de droit
commercial; Paris, 1884, in-8. — Buchè;re, Opérations de
Bourse; Paris, 1877, in-8.— Lyon-Caen et Renault,
Précis de droit commercial ; Paris, 1879-1885, 2 vol. in-8,
ADMINISTRATION. — GuiL.LBMAm, Rivières et Canniix ;
Paris, 1885, 2 vol. gr. in-8. ■— Grissot de Passy, Service
hydraulique; Paris, 1869, in-8, E» éd. — De Lalande,
Annales du régime des eaux (paraît à Paris depuis 1887).
— Lechalas et DE Lalande, les Cours d'eau^ dans l'En^
cyclopédie agricole et horticole,
COURS. Corn, du dép. de la Gironde, arr. de Bazas,
cant. de Grignols ; 426 hab.
COURS. Gom. du dép. de la Gironde, arr. de La
Réole, cant. de Monségur; 397 hab.
COURS. Com. du dép, du Lot, arr. de Cahors, cant.
de Saint-Géry, sur un plateau dominant le Gers; 644 hab.
Eaux minérales froides. Ruines d'un aqueduc antique qui
amenait à Cahors les eaux de la fontaine Polémie,
COURS. Com. du dép. de Lot-et-Garonne, arr, d'Agen,
cant. de Prayssas ; 408 hab.
COURS. Com. du dép. du Rhône, arr. do Villefranche,
cant. de Thizy; 6,246 hab. Importantes fabriques de toiles,
de fil et coton dites beaujolaises et de couvertures. Sur le
territoire de cette petite ville, on voit encore les ruines du
vieux château d'Estieugue dont elle relevait jadis. G. G.
COURS. Com. du dép. des Deux-Sèvres, arr. de Niort,
cant. de Champdeniers ; 663 hab.
COURS-DE-PiLEs. Com. du dép. de la Dordogne, arr.
et cant. de Bergerac; 609 hab. Carrières de calcaire
blanc célèbres à cause des nombreux ossements fossiles
qui y ont été trouvés.
COURS-les-Bârres. Com. du dép. du Cher, arr.de
Saint-Amand-Mont-Rond,cant. deLaGuerche; 1,030 hab.
COURS-sur-Loire. Com. du dép. du Loir-et-Cher, arr.
de Blois, cant. de Mer ; 408 hab.
COURSAC ~ COURSE
— 140 —
COURSAC. Corn, dudép. de la Dordogne, arr. de Péri-
gueux, cant. de Saint-Astier ; 998 hab.
COURSAN. Corn, du dép. de FAube, arr. de Troyes,
cant. d'Ervy; 261 hab.
COURSAN {Cortiamm). Ch.-l. de cant. du dép. de
l'Aude, arr. de Narbonne, près de l'Aube; 3,786 liab.
Stat. du chem. de fer de Narbonne à Béziers. Eglise for-
tifiée en partie du xiv® siècle. Pont du xyi® siècle sur
l'Aude. Puits artésien. Château moderne de Ceylan.
COURSE. I. Course à pied. — Gymnastique. — La
course est une allure naturelle à l'homme. Les aptitudes qu'il
apporte en naissant pour ce mode de locomotion sont notoires
et n'ont besoin pour atteindre leur plus entier développe-
ment que d'une culture méthodique. Les résultats auxquels
conduit un entraînement approprié sont étonnants. Sur ce
point les faits abondent (V. Coureur). On apprend à courir
comme on apprend à marcher et, au cours d'une étape,
un ou plusieurs temps de course judicieusement mesurés
sont pour le marcheur une condition de repos et de résis-
tance. L'enseignement de la course repose sur des prin-
cipes généraux nettement définis : 1^ sa cadence a des de-
grés ; modérée^ elle implique cent quarante mouvements
par minute ; rapide, elle en implique deux cents, et dite
de vélocité ou de vitesse^ elle en exige deux cent qua-
rante dans le même laps ; 2^ pour obtenir un surcroît de
rapidité, ce n'est pas à exagérer l'étendue du pas que l'on
doit s'appliquer, c'est à précipiter le rythme des mouve-
ments que l'on doit tendre ; 3** pendant la course, le corps
doit être légèrement penché en avant, de telle sorte que
la propulsion du pied s'effectue obliquement et non verti-
calement, les coudes dans la demi-flexion, dégagés du
corps, les mains fermées, les bras oscillant sans con-
trainte ; 4^ un entraînement rationnel exige que la durée
des exercices de course, d'abord très restreinte, soit accrue
progressivement en tenant compte tant des conditions
topographiques du champ de manœuvre, du climat, de la
maison, que de l'âge et de la force de résistance des élèves ;
en plein air, sur un sol sans poussière et plat, on peut
arriver graduellement, en commençant par une course de
quatre minutes au plus, avec reprise, à faire exécuter sans
fatigue de 1 à 3 kil., selon l'âge : 1 kil. jusqu'à onze ans;
2 kil. jusqu'à quatorze ans; 3 kil. au delà; il y aurait
excès, quel que soit l'âge, à dépasser ce dernier terme :
5^ dans les exercices de marche, où des temps de course
seront entremêlés, jamais la course ne devra commencer
ni cesser brusquement; elle sera précédée et suivie d'un
temps de pas accéléré comprenant cent quinze mouvements
par minute et d'une durée de trois minutes environ ;
6^ enfin, aucun sujet dont l'état de santé n'est pas parfait
et dont la chaussure est défectueuse ne saurait sans in-
convénient prendre part aux exercices de course. Le pro-
cédé pédagogique didactique pour l'enseignement des prin-
cipes qui président à l'exécution des mouvements propres
à la course consiste dans le dressage au pas dit gymnas-
tique. Dans le pas gymnastique le pied est : 1^ détaché
du sol et élevé d'une hauteur de 10 centimètres; 2^ porté
en avant; 3^ réappliqué sur le sol sur lequel il s'appuie
par son tiers antérieur seulement. Ce mouvement doit s'ef-
fectuer selon le plan antéro-postérieur du corps et non
obliquement afin que le pied vienne poser sur le sol non
obliquement mais d'aplomb. L'application la plus élémen-
taire des règles du pas gymnastique et celle en même
temps sur laquelle il est le plus aisé d'exercer une sur-
veillance effective est la course sinueuse dans les chaînes
gymnastiques. Un premier élève parcourt successivement
toutes les sinuosités des chaînes sans s'arrêter ; les autres
le suivent en conservant leurs distances. Lorsque les élèves
se rencontrent aux intersections des cercles, ils raccour-
cissent ou allongent le pas afin de ne point se heurter et
pour éviter que deux élèves ne passent dans le même in-
tervalle. Le maître se place de façon à veiller à ce que
rélève ne porte pas le genou trop haut, rase de son pied
le sol sans y poser le talon, allonge franchement la jambe
active, garde les coudes au corps, tienne le torse légère-
ment fléchi en avant sans renverser la tête trop en arrière
et avance avec une vitesse moyenne de deux cents mouve-
ments à la minute.
En dernier lieu, dans les exercices de course, aussi bien
au gymnase qu'en plein air, il est une habitude à incul-
quer dès l'abord et à conserver avec soin : celle de respi-
rer selon les règles que dicte la physiologie, c.-à-d.
àHnspirer l'air extérieur par les narines et d'expirer l'air
provenant du poumon par la bouche. C'est une des condi-
tions indispensables pour éviter l'essoufflement; de même
que dans la course dite de vitesse (exercice à réserver
aux garçons) précipiter dans toute la mesure du possible
les mouvements sans allonger le pas est le plus sûr moyen
de ménager ses forces.
En l'absence de toute culture, le mécanisme physiolo-
gique de la course chez l'homme présente trois variétés ré-
pondant à des dispositions organiques personnelles. Par
une circonstance quelconque, l'accomplissement des fonc-
tions respiratoires est-il insuffisant? Le sujet court en fau-
chant^ c.-à-d. en projetant les jambes en avant et en ra-
sant le sol de la plante des pieds sans imprimer au torse
d'autres mouvements que ceux qui sont inévitables. La fa-
tigue est-elle parvenue à l'extrême ? La course n'est plus
qu'une succession de sauts et de bonds : appel suprême de
la volonté aux réserves de contractilité dont peuvent être
encore pourvus les muscles. Le coureur jouit-il dans toute
leur ampleur de ses aptitudes locomotrices? D'instinct c'est
le tronc infléchi en avant, le pied légèrement tendu par
rapport à la jambe, la base de sustentation réduite à la
moitié antérieure de la plante du pied, que par une suite
de pas dont la longueur n'excède pas celle qu'il leur donne
dans la marche, mais dont l'accélération est telle qu'il
semble plutôt repousser le sol que d'y prendre appui, il
réalise les conditions normales de la course et, sans s'en
douter, en met en stricto application les règles. C'est à
amener l'universalité des élèves à la pratique de ce type
régulier que consiste l'enseignement théorique de la course.
Or, les recherches expérimentales sur ce mode de locomo-
tion ont conduit aux conclusions suivantes. D'abord entre
deux périodes d'appui, et c'est là précisément ce qui
distingue la course de la marche, le corps à un moment
se trouve suspendu en l'air. Les jambes semblent se déro-
ber sous le tronc. Ensuite, ainsi que le démontrent les
expériences pratiquées à l'aide de la photographie instanta-
née, dans les mouvements du pied, les appuis sont alter-
natifs et égaux, saiis chevauchement comme dans la
marche, mais bien séparés par un intervalle qui corres-
pond exactement au temps de suspension du corps. En
outre, c'est au moment des appuis que la tête occupe la
position la plus élevée, de même que c'est au moment où
le corps est en l'air que, par suite du retrait des membres
auquel, en réalité, est due cette courte période de suspen-
sion, la tête descend à un niveau plus inférieur.
En ce qui concerne enfin les oscillations des membres et
du tronc, au moment de l'appui, lequel se fait par le con-
tact entre le sol et la partie antérieure de la plante des
pieds, la cuisse est légèrement fléchie sur le bassin et la
jambe sur la cuisse. Le degré de la flexion diminue au mo-
ment où la première moitié de la durée totale de la pé-
riode d'appui est périmée, pour augmenter à celui où sa
seconde moitié prend fin et atteindre, en même temps que
le membre abandonne le sol, son maximum. Au moment
où la première moitié de la durée totale de la période de
suspension est périmée, le degré de la flexion diminue et
l'extension progressive de la jambe et de la cuisse permet
au membre de retrouver le sol sur lequel commence une
nouvelle période d'appui. Verticales ou horizontales, les
oscillations du bassin sont beaucoup moins sensibles que
dans la marche et le sont d'autant moins que le rythme
de la course est plus accéléré. Comme dans la marche, le
tronc dans la course est animé d'un triple mouvement de
rotation, de torsion et d'inclinaison. Ce dernier est plus
— 141 —
COURSE
tïiàrqué, les deux autres Tétant moins que dans la
marche. L'inclinaison en ayant pendant la première moitié
de la période d'appui, puis le redressement en arrière pen-
dant la seconde, sont très nettement manifestes. Quant aux
mouvements, enfin, des membres thoraciques, ces mouve-
ments consistent essentiellement en des oscillations alter-
natives et en sens inverse des membres pelviens.
Dans l'exercice de la course, pour un homme pesant
75 kilogr., à une allure de cent cinquante pas à la mi-
nute, la somme de travail peut se décomposer comme
suit :
Oscillation des membres. 3,4 kilogrammètres.
Oscillations verticales . . 2,3 —
Propulsion en avant . . . 18,4 —
Total. . . 24,1 kilogrammètres.
Ce qui, pour un pas complet, fait 48,2 kilogrammètres
et par minute 48,2 X 150 ~ 7,230 kilogrammètres. Et
c'est la nécessité de la propulsion en avant qui fait monter,
en raison de la quantité considérable de travail qu'elle
exige, la somme de celui qu'entraîne la continuité de
l'allure.
L'importance des effets physiologiques de la course est
de premier ordre. Bien plus que sur la peau dont elle
active les sécrétions, et que sur le système locomoteur mis
en jeu, cependant, d'une façon aussi énergique que directe,
c'est sur les fonctions respiratoires et circulatoires qu'en
première ligne ces effets se font sentir. Une course rapide
oblige le thorax à se dilater au point de permettre à la
plus grande quantité d'air possible de pénétrer à chaque
inspiration dans la poitrine afin d'effectuer l'hématose du
flot abondant de sang que le rythme essentiellement
accéléré de l'allure y fait affluer. Si] en effet, on exprime
par 1 la quantité d'air nécessaire par chaque mouvement
respiratoire dans la position horizontale, cette quantité,
qui s'élèvera au chiffre de 1,33 dans la position debout,
puis à ceux de 2,76 dans la marche rapide et de 4,31
dans la natation, montera dans la course rapide à 7.
Méthodiquement pratiqué, l'exercice de la course con-
stitue donc le moyen gymnastique par excellence pour
fortifier le jeu physiologique des organes de la respi-
ration.
Poussé jusqu'à l'exagération, il suscite des battements
précipités et violents du cœur, détermine dans le fonc-
tionnement du poumon des perturbations dont l'anhélation
est la conséquence et le dernier terme l'essoufflement. Dans
la pratique des exercices gymniques en général et dans
celui de la course en particulier, c'est ce rythme accéléré
à l'excès, irrégulier, involontaire, spasmodique presque,
de la respiration , c'est l'essouftlement qu'il importe au
premier chef d'éviter et de prévenir. Or, à cet égard, il
est deux points à ne pas perdre de vue : pour le coureur
consommé, la fatigue musculaire n'est guère plus grande que
dans la marche ; et ce qui fait sa résistance, c'est l'ampleur
qu'a acquise le jeu des poumons et la placidité relative que
conservent les battements du cœur. D^ Colline au.
Histoire (V. Coureur et, pour l'organisation des courses
dans l'antiquité, l'art. Jeu).
IL Courses de chevaux. — Antiquité. — Les courses
de chevaux attelés à des chars remontent à une haute
antiquité. Il dut y en avoir dans l'Asie antérieure. La pre-
mière description détaillée qui nous en soit donnée se
trouve dans V Iliade, au récit des jeux célébrés aux funé-
railles de Patrocle. Plus tard, les courses de chars réguliè-
rement organisées prirent place en Grèce, dans les grands
jeux, spécialement aux jeux Olympiques. On en trouvera la
description ainsi que celle des courses à pied et des autres
jeux au mot Jeu; sur les hippodromes de Rome et du
Bas-Empire, des détails ont été donnés au mot Cirque.
Origine des courses en Angleterre. — Le goût des
chevaux et des courses est un trait du caractère anglais
depuis fort longtemps. La plus ancienne manifestation que
nous en connaissions au moyen âge est relatée par William
Fitzstephen dans sa Description of the city of London,
vers 1074. Il nous apprend que, dans un champ appelé
Smithfields, situé en dehors et au voisinage d'une des
portes, chaque vendredi on réunissait un bon nombre de
nobles chevaux destinés à être vendus. Les membres de
l'aristocratie, barons et comtes, leurs écuyers, une grande
foule accouraient ; pour être fixé sur le mérite des plus
précieux destriers , on les faisait courir ensemble ; le
champ était évacué, les chevaux remis à des jockeys, c.-à-d.
à des garçons experts dans leur maniement, groupés par
deux ou trois. Au signal, ils partaient et luttaient à qui
arriverait le premier. Au temps de Richard Cœur de Lion,
le roman de sir Bevys de Hampton parle d'une course de
trois milles courue à la Pentecôte, dont le prix était de
40 livres d'or. Sur les registres du roi Jean figurent à
plusieurs reprises des chevaux de course, de même sur
ceux du roi Edouard III; mais il ne semble pas qu'ils les
aient employés à des courses régulièrement organisées.
Pendant les croisades, les chevaliers occidentaux avaient
constaté la supériorité des chevaux arabes ; ils avaient eu
l'idée d'en acheter et de fonder des haras où ils perpétue-
raient cette race ou du moins transmettraient ses qualités
à dés chevaux indigènes par des croisements. Dès 1121,
sous le règne de Henri P^, on avait importé en Angleterre
deux chevaux arabes, dont l'un fut donné au roi d'Ecosse.
D'Italie, d'Espagne, d'Orient, on importait des chevaux ;
les genêts d'Espagne étaient préférés. Le roi Jean sans
Terre fit des tentatives méthodiques pour améliorer la race
anglaise. Il acheta en Flandre une centaine d'étalons ; il
fonda un haras royal. Pour porter la lourde armure de fer
des chevaliers du moyen âge, il fallait des animaux d'un
grand développement musculaire, et les chevaux arabes,
plus rapides, étaient trop légers. Telle est la raison qui
retarda pendant des siècles l'acclimatation d'une race dont
la vitesse semblait la qualité exclusive. Edouard III, grand
amateur de chevaux, acheta cinquante étalons espagnols,
probablement des genêts. Il les paya en moyenne 13 livres
et 6 shiUings soit 4,000 fr. en monnaie actuelle. Pour
la chasse, l'avantage restait au cheval rapide et léger sur
le lourd cheval de guerre. D'une manière générale, la
cavalerie anglaise restait très inférieure à celle de France.
Elle se remontait en grande partie dans le Hainaut. La
neuvième année de son règne, Edouard III reçut en don
du roi de Navarre deux chevaux de course. Sous le règne
de Richard III, on introduisit en Angleterre les chevaux de
poste pour lesquels on rechercha seulement la vitesse et
l'endurance. Le gouvernement ne cessait de donner ses
soins à l'amélioration de la race indigène. Il défendait
l'exportation des étalons . Henri VII interdit d'employer à
la reproduction des chevaux d'une taille inférieure à douze
paumes et demi et avant leur entière croissance. Henri VIII,
dans la trente-deuxième année de son règne, publia un
bill très important ; il était tout à fait hostile aux petits
chevaux ; il interdit d'employer à la reproduction ceux qui
auraient moins de quinze paumes (l'^52) pour les étalons,
treize paumes (1"^32) pour les juments; il ordonna même
de tuer dans les forêts, pâturages, communs, etc., les
chevaux qu'il jugeait incapables de service. Par un autre
acte il enjoignit aux propriétaires de parcs, prélats et
nobles, d'entretenir deux poulinières. Ce statut ne s'appli-
quait pas aux comtés du Nord (Westmoreland, Cumber-
land, Northumberland, évèché de Durham). Henri VIH fit
beaucoup pour améliorer le haras royal ; Thomas Chaloner
nous apprend qu'il importa des chevaux de Turquie, de
Naples et d'Espagne. A cette époque, un cheval parcourut
80 milles (129 kil.) en un jour; cet exploit, bien dépassé
depuis, parut prodigieux. Les courses continuaient d'être
un amusement assez goûté du peuple ; mais il n'était pas
à la mode et n'intéressait pas les classes dirigeantes. Nous
sommes renseignés sur les courses de chevaux instituées à
Chester en 1512 ; à partir de 1540, on donna en prix une
sonnette d'argent d'une valeur de 3 shillings et 6 pence ;
la sonnette s'appela sonnette de Saint-George; la course
COURSE
- 44^ --
se disputait le mardi gras. Au temps de la reine Elisa-
beth, les courses sont de plus en plus en vogue, sans
séduire encore l'aristocratie et figurer parmi les amuse-
ments de la cour (par exemple à ceux de Kenilworth) ;
cependant la reine aimait fort les chevaux et montait très
bien. La découverte de la poudre à canon et l'usage des
armes à feu rendant inutiles les pesantes armures métal-
liques du moyen âge, diminua la faveur des lourds chevaux
d'armes ; toutefois, longtemps encore on les préféra ; le
changement se fit lentement. A la fin du xvi^ siècle, l'usage
des voitures qui se généralisa avec les progrès de la voirie,
fit désirer des chevaux plus rapides. Ces causes concou-
rurent à l'amélioration des chevaux anglais. Toutefois, la
formation de cette grande richesse nationale est due uni-
quement aux courses en vue desquelles fut acclimatée ou
créée la race du pur sang anglais. L'histoire des courses
et celle de la race pur sang sont inséparables ; à vrai dire,
les faits sont les mêmes. C'est par les épreuves publiques
que s'est affinnée la supériorité des chevaux d'origine
orientale ; c'est surtout par ces épreuves qu'on a pu pra-
tiquer la sélection, grâce à laquelle la race orientale im-
plantée en Angleterre est devenue très supérieure à la
race arabe d'où elle provient. Les chevaux de pur sang
sont tous les descendants des plus illustres vainqueurs des
courses de la fin du xvn® et du xvni° siècle.
L'honneur de la formation de la race pure et de l'ins-
titution des courses revient aux Stuarts. Le premier d'entre
eux qui régna en Angleterre, Jacques P"^ (1603-4625),
était un sportsman passionné ; il avait encouragé les courses
en Ecosse. Il en institua en Angleterre. Médiocrement
satisfait des chevaux anglais, il fit acheter à Constantinople
par Markham un étalon arabe qu'il paya 500 guinées. Ce
cheval bai de petite taille fut battu dans les co^urses où il
se présenta, et le marquis de Newcastle, le spécialiste le
plus autorisé, blâma les formes du « Markham Arabian »;
le résultat fut de déprécier le cheval arabe en Angleterre
pour de longues années. Les courses organisées par
Jacques P^ furent les premières courses régulières d'An-
gleterre; dans les plus anciennes, à Chester, à Stamford,
on n'observait nulle règle fixe; tous les chevaux étaient
admis, on ne tenait pas compte du poids du cavalier ; il
n'y avait pas d'hippodrome, on courait à travers champs
comme dans le^ Cross Country actuel. En 4607, des
courses eurent lieu près d'York où le prix était une son-
nette d'or. En 4609, à Chester, le shérif Robert Ambrye
institua une poule ; le vainqueur recevait le montant des
engagements versés par les concurrents et une sonnette
d'argent qu'il gardait pendant une année pour la trans-
mettre ensuite lu vainqueur de l'année suivante. Grâce au
roi, le goût des courses se développait. En 4643, il est
question de prix par souscription ; à Chester, les courses
sont toujours annuelles; en 4623, John Brereton, maire
de la ville, décide que la sonnette, d'une valeur de 8 à
40 livres sterling, sera définitivement acquise au vainqueur
et renouvelée chaque année. Des courses régulières sont
instituées à Garterley ou Gatherley, près Richmond, dans
le comté d'York ; à Croydon, dans le Surrey, et à Enfield
Chase. Ces deux dernières étaient patronnées par le roi.
Celui-ci faisait courir à Epsom pendant qu'il résidait à
Nonsuch; il fit bâtir une maison à Newmarket, pour
chasser aux environs, mais aussi pour faire courir ; ce qui
eut lieu dès 160?). Telle est l'origine la plus ancienne des
grandes courses et des établissements hippiques de New-
market. Il est aussi question de courses à Linton dans le
comté de Cambridge. Les prix décernés étaient des son-
nettes d'or ou d'argent. On commence à tracer des pistes ;
les gentilshommes montent souvent leurs chevaux dans des
défis privés [match) ; mais ils s'aperçoivent de l'avantage
qu'ils trouvent à les faire monter par des hommes du
métier, des jockeys ; on forme ces jockeys par une éduca-
tion spéciale; on régularise le poids, qui est le plus sou-
vent fixé à 40 stones (63 kilogr. 4/2 et davantage). On
étudie la préparation des chevaux pour la course, l'entraî-
nement, la nourriture, etc. Bref, il se crée toute une
science et un art du turf.
Sous le règne de Charles P*" (4623-4649), les progrès
s'accentuèrent; le roi patronna les courses de Newmarket
et de Hyde Park qui cependant ne devinrent pas encore
annuelles. Elles l'étaient à Stamford où le prix était une
coupe d'argent valant 7 à 8 Hvres. A Hyde Park, la coupe
de vermeil offerte par le roi valait 400 guinées. Ainsi les
coupes tendaient à remplacer les sonnettes pour les prix
de courses. Cromwell continua de favoriser les courses. Il
forma un haras, comme Jacques P^ et Charles P^ ; il y
introduisit des chevaux turcs, arabes et barbes, y attacha
Place qui avait acheté pour Jacques P'' un cheval appelé
Place' s White Turk, lequel fut père de l'étalon Royal Oak
et une des souches de la race nouvelle. Charles P^ s'était
appliqué très activement à la transformation de la race
indigène ou à son remplacement par une race issue des
chevaux orientaux qu'il importait et faisait reproduire
entre eux. A cette époque, on cite l'étalon Helmsley Tiirlc
et le barbe de Fairlax {Fairfax Marocco Barb) sans
parler des juments orientales installées ou nées au haras
royal ; quand on vendit celui de Cromwell, une de ces
juments fut achetée par un conducteur de pompes funèbres
d'où le nom de Coffin Mare, sous lequel elle devint cé-
lèbre. Au temps de la Révolution, les courses avaient lieu
près d'Epsom, à Banstead Downs.
La grande prospérité des courses date de la Restauration
de 4660 et du règne de Charles IL Ce prince ne se boraa
pas à reconstituer un haras modèle où il réunit un grand
nombre d'étalons et de juments achetés dans le Levant ; il
rebâtit à Newmarket l'établissement fondé par Jacques P^;
il établit des prix royaux dans chacune des principales
courses. Celles-ci furent réglées d'une manière systéma-
tique ; on fixa l'âge, le poids, les conditions diverses im-
posées aux chevaux ; on coordonna les réunions des divers
centres qui furent réparties dans l'année. Charles II fit
plus ; il eut une écurie de courses dont les chevaux furent
entraînés et coururent sous son nom. Les principales courses
avaient lieu à Newmarket (annuelles depuis 4667) à Datchet
Mead, à Burford Downs, près Stockbridge où le Bibury
Club présidait. Sous le règne de Jacques II, le développe-
ment des courses continua, tandis que les chevaux et les
poulinières de race orientale se multipliaient. Guillaume III
augmenta les subventions royales. Sous son règne furent
importés les deux étalons qui devinrent la souche princi-
pale de la race pur sang, Byerly lurk et Darley Arabian.
Leurs produits parurent sous la reine Anne qui avait hé-
rité du goût de Charles II pour les chevaux de course ;
elle augmenta les prix royaux et fit courir sous son nom.
En 4703, on établit des courses à Doncaster ; le prix prin-
cipal était de 4 guinées; en 4746, on établit le prix
de la ville (Town Plate). A Newmarket, les courses se
multiphaient puisqu'on 4708 et 4709Basto en gagna sept.
En 4709, furent établies les courses d'York. En 4740, fut
disputée la première coupe d'or offerte par la reine ; elle
valait 60 guinées ; la course eut Heu entre chevaux de six
ans portant 42 stones sur une distance de 4 milles
(6,400 m.) et fut gagnée par Bay Bolton. En 4714, la
valeur de la coupe d'or fut portée à 4 00 guinées. A partir-
de 4724, les prix royaux furent donnés en numéraire. En
4744, un cheval de la reine Anne, Star, gagna une poule
de 40 guinées ajoutée à un prix de 40 livres. En 4746, le
Ladies Plate à York pour chevaux de cinq ans fut gagné
par un fils de Darley Arabian, Aleppo. Enfin, en 4724,
parut le fameux Flyi7ig Childers. A cette époque, les courses
comportaient en général plusieurs épreuves successives, en
moyenne trois; il fallait en gagner deux pour être le
gagnant de la course ; encore exigeait-on que 1^ gagnant
ne fût pas distancé dans la troisième épreuve ; était dis-
tancé tout cheval arrivant à plus d'un furlong (200 m.
environ) du poteau au moment où le gagnant le passait.
Les parcours étaient très longs, 3 ou 4 milles. En
4727, John Cheney établit le calendrier des courses.
-143-
COURSE
Racing Calendar^vmîermsinthlhie de toutes les courses
de l'année dans toute l'étendue du royaume, avec l'indica-
tion des résultats. Cette date peut être considérée comme
marquant la fin de la première période des courses an-
glaises. Les tâtonnements sont terminés ; les courses sont
pour les Anglais un sport national ; il y a déjà une cen-
taine de réunions dans l'année. Elles suffisent à encourager
et à diriger la production de la race spéciale des chevaux
de course, race dont l'origine remonte aux étalons et aux
poulinières importées d'Orient, mais qui, propagée unique-
ment par les chevaux dont la supériorité -s'était affirmée
dans les courses, dut à cette sélection de dépasser rapide-
ment les mérites de la race arabe dont elle était issue.
Formation de la race pur sang. — La race anglaise
dite de pur sang {thoroughbred) est formée de chevaux
dont la généalogie détaillée est conservée au registre spé-
cial appelé Stud-Book, L'origine est toujours un cheval
importé d'Orient au xvii® ou au début du xviii®. siècle,
arabe, turc ou barbe. Il ne faut pas en effet considérer le
pur sang anglais comme résultant d'un croisement entre
ces chevaux orientaux et des indigènes ; il est possible,
probable même, que les pur sang ont dans les veines du
sang indigène, mais cela n'est pas démontré. Les généalo-
gies que nous citerons s'arrêtent toutes à des chevaux im-
portés ; on ne peut attribuer aux indigènes que les noms
restés en blanc ; et c'est une simple hypothèse qui ne peut
être juste qu'exceptionnellement. Plusieurs auteurs sou-
tiennent que le pur sang anglais remonte exclusivement à
des étalons et à des juments d'Orient, dont il est une des-
cendance directe et sans mélange. Ce qui est certain, c'est
que leur théorie exprime sinon le fait, du moins la pré-
tention. Voici ce que dit à ce sujet le duc de Guiche : « La
dénomination de chevaux de pur sang {thoroughbred) ne
s'applique qu'aux chevaux arabes ou aux chevaux anglais
qui, par une filiation non interrompue et sans souillure,
tant du côté du père que du côté de la mère, descendent
des chevaux arabes importés et naturalisés en Angleterre.
L'expression de cheval pur sang a donc été et doit être
exclusivement réservée au cheval arabe ou à sa postérité
sans mélange naturahsée en Europe, parce que cette race
est devenue comme la race par excellence, comme le type
de la perfection et comme la source de toutes les amélio-
rations des autres races inférieures. » Nous reviendrons
brièvement sur cette question si controversée de l'origine
exclusivement orientale du pur sang, après avoir exposé
l'historique de la formation de la race.
Elle provient essentiellement, avons-nous dit, d'étalons
et de poulinières importés des pays barbaresques, de
Turquie, de Syrie, d'Arabie ou de Perse; les principaux
furent placés dans les haras royaux. On appelle Royal
Mare les juments arabes turques ou barbes importées par
Charles P^ et Charles II ou les pouliches élevées au haras
royal ; toutefois, le haras formé par les d'Arcy renferma
aussi des juments appelées Royal Mare. On n'adopta pas
le système des Arabes qui comptent la généalogie des
chevaux en ligne maternelle ; on fit comme eux en tenant
note exacte de la généalogie des chevaux nobles, mais on
attacha surtout l'importance à la ligne paternelle. Nous
insisterons donc surtout sur les étalons. Primitivement on
les désignait par leur origine arabe, barbe, turque, le nom
du propriétaire et la couleur de la robe. Le premier qui
ait eu des descendants et figure sur le livre d'or du Stud-
Book est celui qu'importa de Turquie, Place : on l'appela
Place' s White Turk ; à la même époque, on cite Helmsley
Turk et F air fax Marocco Barb. Charles II envoya en
Arabie les chefs de ses haras, Christoph Wywill et sir
George Fenwick acheter des étalons et des juments ; il
semble que la plupart des poulinières étaient des barbes.
Sous le rè^e de Jacques II, le duc de Berwick ramena du
siège de Bude un cheval nommé Lister Turk. Au même
moment furent importés Barb Chillaby, célèbre par sa
férocité et son amour pour un chat ; D'Arcy White Turk
et D'Arcy Yellow Turk ; deux étalons achetés au comte
de Toulouse, fils de Louis XIV, offerts au roi par Muley
Ismaël, sultan de Maroc, Curwen Bay Barb et Toulouse
Barb; le cheval du capitaine Byerly, le fameux Byerly
Turk; on connaît encore Saint-Victor Barb, père de
Bald-Galloway , les deux barbes de Hutton, Mathews
Persian, Crofts Egyptian ; une vingtaine d'autres étalons
turcs, arabes ou barbes.
Cette énumération n'a d'ailleurs qu'un intérêt secon-
daire, en raison même des règles de sélection qui ont pré-
sidé à la formation du type pur sang. Tous les chevaux
de course actuels, tous les étalons et les poulinières qui
représentent la race pure, remontent en ligne masculine
directe à Tun des trois étalons suivants qui peuvent être
regardés comme les ancêtres de la race : Byerly Turk,
Darley Arabian et Godolphin Barb (ou Arabian). Ces trois
familles ont été si fréquemment alliées que dans chacun
des chevaux pur sang actuels on retrouve une proportion
considérable du sang de chacune. Il est donc indispensable
de les étudier l'une après l'autre, en groupant ainsi les
étalons les plus remarquables ; mais sans oublier que la
mère a tout autant d'influence que le père pour la trans-
mission des qualités héréditaires ; seulement elle les
transmet à bien moins d'enfants, une poulinière modèle
ne pouvant guère produire plus de vingt chevaux (chiffre
déjà très considérable) , tandis que les grands étalons ont sou-
vent eu trois cent cinquante à quatre cents produits et
jusqu'à soixante dans une année. Nous réunissons ici tous
les renseignements relatifs aux généalogies chevalines, bien
que pour apprécier complètement il soît utile de se repor-
ter à ce qui sera dit plus bas des courses oti se sont distin-
gués les plus célèbres reproducteurs.
Famille de Byerly Turk. L'étalon primitif était un
cheval d'armes du capitaine Byerly qui combattit avec
Guillaume III en Irlande en 1689 et dans les années sui-
vantes. Cet étalon est le plus ancien auquel le Stud-Book
anglais fasse remonter par une généalogie incontestée et
ininterrompue une partie des étalons et poulinières qui y
sont inscrits. Byerly Turk ne couvrit pas beaucoup de
juments de race orientale. Il produisit en 4703 Basto,
cheval du duc de Devonshire, puis Jigg ; celui-ci fut le père
de Partner (1718) qui commença la réputation des descen-
dants de Byerly Turk ; c'était un beau et fort cheval, issu
d'une fille de Curwen Bay Barb qui remporta des succès
considérables sur l'hippodrome. Son fils Tartar (1743)
produisit King Herod ou ïïerod (1758). Celui-ci est un
des plus célèbres chevaux anglais et c'est par lui qu'à la
cinquième génération la famille de Byerly Turk acquit son
importance. Il est indispensable, en effet, de constater que
si les étalons et poulinières arabes, turcs et barbes ont
fourni le sang, c'est l'Angleterre qui a fait le cheval de
course. L'illustration des chefs de famille importés
d'Orient tient non pas à leurs qualités personnelles, mais
à celles manifestées par leurs descendants ; dans chaque
lignée nous trouvons un étalon exceptionnel qui est le
véritable chef de la famille. Dans celle de Byerly Turk,
c'est Herod. Dans son pedigree il y a une douzaine de
juments d'origine inconnue; sa mère était Cypron (1750)
par Blaze (1733), fils deFlyingChilders (V. ci-dessous). La
mère de Cypron était Selima par Bethels Arabian et une
pouliche issue de Grahams Champion et d'une fille de Darley
Arabian. Herod tenait donc doublement, en ligne mater-
nelle, à la famille de Darley Arabian. C'était un cheval bai
de haute taille (15 paumes et 3 pouces, c«-à-d. 15 ^/4
paumes, ce qui était beaucoup pour le temps), de structure
allongée et puissamment musclé. Il courut d'oct. 1763 à
mars 1767, de l'âge de cinq ans à l'âge de neuf ans, dis-
puta dix courses, fut battu quatre fois. Il servit d'étalon
jusqu'à sa mort (1780) et eut au haras de grands succès.
Sa saillie fut payée 10 guinées, puis après 1774, â5 gui-
nées. Il donna naissance à trois cent quatre-vingt-dix-sept
chevaux ou juments qui ont gagné ensanble douze cents
prix d'une valeur totale de 5,027,625 francs. Ses qualités
nous ont été transmises par un grand nombre de ses pro-
COURSE
— iU —
duits. Mais la plupart ne se sont conservés qu'en ligne
féminine. Le premier volume du Stud-Book anglais cite
une centaine de poulinières, filles ou petites filles d'Herod.
Mais deux seulement des fils d'Herod ont laissé une posté-
rité masculine qui s'est continuée jusqu'à nos jours :
Woodpecker et Highflyer. — Woodpecker (4773) est
issu de Miss Ramsden (1760) par Cade, fils de Godol-
phin Barb et d'une fille de Regulus (fils de Godolphin) ; les
ascendants féminins de Miss Ramsden remontent aussi à
Byerly Turk et Darley Arabian. Wodpecker fut le père de
Buzzard (1787), lequel eut trois fils célèbres sur le turf :
Castrel(1801), Selim (1802) etRubens (1803), tous trois
issus d'Alexander Mare (1790), poulinière remarquable,
fille d'un fils d'Eclipsé, Alexander (1782), et d'une fille de
Highflyer; celle-ci par sa mère remontait à Alfred Matchem
et Snap. — La descendance de Castrel est perpétuée par
Bustard (1813), petit-fils de Shuttle par sa mère ; de Bus-
tard naguit Héron (1833). Un fils de Selim, Sultan (1816)
produisit Glencoe (1831), père de la célèbre Pocahontas
(1837) et Bay Middleton (1833) de qui naquirent Cowl
(1842) et The Flying Dutchman (1846), père de Dollar
(1860) ; de Selim descendent aussi Pantaloon (4824) et
son fils Windliound(1847) ; Langar (1817), son fils Epirus
(1834) et son petit-fils Pyrrhus the First (1843).
Highflyer (1774) était fils de Rachel (1763), issue d'un
double croisement de Godolphin Barb ; son père était Blank,
fils de Godolphin Barb ; sa mère, une fille de Regulus, fils
de Godolphin. Cette aUiance consanguine donna les meil-
leurs résultats ; dans cette branche d'Herod les alliances
de ce genre ont été plus fréquentes que partout ailleurs,
car dans le pedigree de Weathergage nous trouvons trente-
cinq croisements d'Herod et vingt d'Eclipsé. Pour en revenir
à Highflyer, il eut les plus grands succès à l'hippodrome, ne
fut jamais battu ; sa saillie fut payée jusqu'à 50 guinées ;
deux cent trente-sept de ses produits ont gagné douze cent
quarante-sept prix ; son plus célèbre fils fut Sir Peter Teazîe,
appelé d'ordinaire Sir Peter (1784), né d'une fille de Snap.
Sir Peter courut de 1787 à 1789, gagna un des premiers
Derbys, fit la monte jusqu'à vingt-sept ans et laissa deux
cent quatre-vingt-sept descendants, vainqueurs dans mille
quatre-vingt-quatre prix. Parmi ceux-ci figurent quatre
vainqueurs du Derby, deux des Oaks, quatre du
Saint-Léger ; mais aucun d'eux n'eut au haras le mérite
des trois fils suivants de Sir Peter, trois étalons qui
nous intéressent surtout : Wallon (1790), Stamford
(1794) et Sir Paul (1802). C'est un fait très sou-
vent constaté que certains étalons remarquables n'ont
pas remporté de succès tout à fait aussi brillants que leurs
frères ou sœurs. La sélection faite par les courses se
complète par l'expérience du haras et, grâce toujours aux
Darley's Arabian.
courses, on voit quels étalons et poulinières transmettent
le plus de qualité à leurs produits. Walton a produit Phan-
torn (1806), père de Cedric, Middleton et Cowbeb, et
Partisan (1811), père de Glaucus (1829), Venison(1833)
et Gladiator (1833) ; Venison eut Alarm (1842) et
Kingston (1849) ; la lignée de Gladiator est plus remar-
quable encore ; son fils Sweetmeat (1842) produisit Maca-
roni (1860) et Parmesan (1857), père de Favonius (1868)
et de Cremorne (1869). La famille de Sweetmeat a la robe
foncée. La descendance de Sir Paul est arrivée à nous par
la hgnée oii se succèdent Paulowitz (1813), Gain (1822),
Ion (1835), Wild Dayrell (1852) et Buccaneer (1857) ;
ce dernier a produit Kisber (1873) et See Saw, père de
Bruce (1879) et de Little Duck (1886), deux des princi-
paux étalons français actuels.
Famille de Darley Arabian, La famille de Darley
Arabian est celle qui est représentée par les étalons les
plus nombreux. Ce cheval fut importé en Angleterre à la
fin du règne de Guillaume HI ou dans les premières
années de celui de la reine Anne par M. Darley d'Aldby
Park dans le Yorkshire. C'était un cheval renommé dans le
désert de Palmyre, fils d'un étalon célèbre parmi les Arabes
de cette contrée. Amené à Alep, quoiqu'il ne fût pas des-
tiné à la vente, le frère de M. Darley, agent d'affaires en
Syrie, réussit à l'acheter. Darley Arabian eut deux fils
célèbres, que fit naître Léonard Childers de Carr House
près Doncaster ; Flying Childers (appelé aussi Devonshire
Childers) et Bartletts Childers (appelé aussi Young Chil-
ders), le premier fut vendu au duc de Devonshire, le
second à M. Bartlett de Masham, dans le comté d'York. Ces
deux étalons ont été la tige des deux branches de la famille
de Darley Arabian, que l'on désigne la première par le
nom de Flying Childers, la seconde par celui d'Echpse,
arrière-petit-fils de Bartletts Childers.
Flying Childers, né en 1715, mort en 1741, est le pre-
mier des grands chevaux de course de l'Angleterre ; il
parut sur l'hippodrome à l'âge de six ans, en 1721 ; il ne
fut jamais battu et l'emporta toujours sur ses rivaux avec
une supériorité écrasante. Si les chiffres donnés étaient
exacts, il serait le cheval le plus vite qui ait jamais couru ;
on prétend qull eût pu parcourir 1 mille (1,609 m.) en
une minute. Ceci est légendaire, mais on affirme qu'il
fournit 6,429 m. en 6 m. 42 s. et6,764m.en 7m.nya de
bonnes raisons de douter de ces affirmations et de croire
que les vitesses réalisées au xix^ siècle remportent de
beaucoup sur les plus remarquables réalisées par les pre-
miers champions du turf. A un autre point de vue, Flying
Childers a donné lieu à de vives controverses ; il a été
étabh qu'il remonte exclusivement à des ancêtres orientaux.
Nous reproduisons ici son pedigree^ c.-à-d. sa généalogie.
Flying Childers \
mh)
Betty Leedes .
Barb Mare.
Leedes Arabian.
S qniT^Vpr ) D'ArcyYellowTurk.
Careless j bpanKer | Marocco Barb Mare.
( Barb Mare.
1
Fille de .
Il en résulte que sa mère était issue de croisements de
sang arabe, turc et barbe, et que dans les deux lignes elle
descendait de Spanker. Flying Childers était un cheval bai
avec quatre balzanes ; il produisit des chevaux grands et
forts tels que Plaistow, Blacklegs Second, ou "de belles
formes tels que Blaze, Win Ail, Spanging Boger ; ses
meilleurs produits furent Blaze (1733) et Snip (1736);
Snip eut pour fils Snap (1750), dont la descendance fémi-
nine est encore très bien représentée ; dans le premier Stud-
Book figuraient une trentaine de poulinières issues de Blaze
ou de Snip et par eux de Flying Childers.
La seconde branche de la lignée de Darley Arabian est
de beaucoup la plus considérable et la plus illustre. Bart-
letts Childers^ qui ne fut jamais entraîné, fut le père de
( Spanker i R'^^^^^f Tivî"^^*
\ ^ I Marocco Barb Mare.
^'^^^ '^^ ) Marocco Barb Mare ??f/g'^^S l^'"^
f (mère de Spanker). OldBald Peg{par un
V ^ ^ M arabe et une barbe).
Squirt (4732), duquel naquit Marske (1750), père de
Young Marske (1762) et du fameux Eclipse (1764). Young
Marske fut le père de Shuttle (1793), dont le sang très
rare est très recherché. Nous nous conformons à la théorie
admise par le Stud-Book qui fait de Marske le père d'Eclipsé,
la plus grande illustration du turf anglais. Mais la chose a
été contestée et on a soutenu, avec de très bonnes raisons,
qu'Eclipse était fils de l'étalon Shakespeare qui a couvert
sa mère aussi bien que Marske ; Shakespeare était fils
d'Hobgoblin parAleppo, par Darley Arabian; l'origine pater-
nelle d'Eclipsé remonterait toujouk à Darley 'arabian. Sa
lignée maternelle remonte à Godolphin Barb. Nous repro-
duisons ici le pedigree d'Eclipsé dressé selon la théorie
courante.
Eclipse (1764).
Squirt(1732).
Marske(1750).(
Spiletta.
Fille de.
Regulus .
/ / Darley Arabian
Bartlett Childers J
V Betty Leedes
c. , t D' Arcy Yellow Turk
Spanker î ro^k Mo. i Morocco Barb.
( Barb Mare | Bald Peg.
BarbaryMare i MnS^'' •«.•;>;
Leedes Arabian Morocco Barb r Un arabe
( J^aldPeg I Une jument barbe-
Caroline.
Si Lister Turk ( „„ ^, ( D'Arcv Wi
Snal- j Fille de j """"^"^ 1 Royal^lar
r Fille de ^ Hautboy C D'Arcy White Turk
V i — ^ Royal Mare.
White Turk.
Mare.
( Huttons Bay Turk.
Hutton Black Legsj C Coneys Ring.
{ Fille de )
f Fille de
Lister Turk.
Cluny ,
Hautboy S D'Arcy White Turk.
— ( Royal Mare.
Hautboy.
Fox Club.
Fille de .
Fille de.
Fille de \ leedes Arabian.
Coneys King | Lister^Turk.
piije de ^ Huttons Grey Barb.
Godolphin Barb.
Bald Galioway . . . { Saint-Victor Barb.
Fille de.
Snake. .
Lister Turk.
Fille de.
f xj.,.*ur..r J D'Arcy White Turk.
OldWilkes \ Hautboy... J Royal Mare.
Mother Western.. < ^^^^® ^^
Cheval de Smith . | ^^^^^^ i Lister^Turk.
{ Old Montagne.
( Fille de
Fille de
^^"® ^® i (Importé d'Orient.)
o
m
COURSE
- U6 -
Ainsi qu'on peut s'en rendre compte en consultant ce
tableau, il y a dans la généalogie d'Eclipsé plus d'une
douzaine de juments d'origine inconnue. Parmi les ascen-
dants mâles nous retrouvons la plupart des étalons orientaux
qui ont servi à la formation de la race anglaise : Lister
Turk ou Stradling, D'Arcy Yellow Turk, Dodsworth, barbe
importé dan^ le ventre de sa mère, Leedes Arabian, Morocco
Barb, etc.
Eclipse naquit le 1®^' avr. 1764, jour d'une éclipse de
soleil, que son nom conunémore, dans le haras du duc de
Cumberland, qui avait acheté sa mère Spiletta pleine par
Marske (ou Shakespeare). A la mort du duc, EcHpse fut
acheté par un marchand de Smithfield nommé Wildman
pour la somme de 75 guinées. C'était un cheval alezan
dont l'aspect frappa sur-le-champ les connaisseurs par la
parfaite régularité de ses formes. « La ligne supérieure
était droite et rigide, les grandes cavités se montraient par-
faitement dessinées et logeaient à l'aise les principaux vis-
cères. L'avant-main était gracieuse et belle ; les épaules
offraient de la hauteur; elles étaient larges et fortement
inclinées en arrière ; le membre antérieur était puissant
dans toutes ses divisions, l'encolure avait de la longueur
et do la souplesse, le chanbein était prolongé; la tête
bien placée et bien faite offrait tous les caractères de la
noblesse et de l'intelligence ; l'œil était beau, vif, plein
d'expression dans le regard ; les naseaux s'ouvraient comme
chez le cheval de race. L'arrière-main était musculeuse et
puissamment accusée par l'écartement des hanches; les
quartiers présentaient l'image de la force, le jarret était
large, net, évidé, plein de ressort ; les pieds étaient admi-
rablement conformés ; les allures étaient fermes, la démar-
che élastique. La robe était d'un bel alezan vif, relevé en tête
par une hsse prolongée et sur le membre postérieur gauche
par une balzane bien chaussée ; il avait également des taches
noires sur la croupe, particularité qui s'est perpétuée dans sa
descendance ; les crins étaient d'une grande finesse. »
(Gayot.) La respiration d'Eclipsé était très bruyante, s'en-
tendait de loin, au point qu'on put l'accuser de cornage.
Il fut amené sur l'hippodrome, par le capitaine O'KoUy
qui avait acquis la moitié de sa propriété et débuta à l'âge
de cinq ans, à Epsom, le 3 mai 1769, dans le prix dos
nobles et des gentlemen, course de 4 milles en partie bée ;
dès la première épreuve, il prouva sa supériorité sur ses
quatre concurrents ; son propriétaire paria alors 100 gui-
nées contre 50 qu'il placerait tous les chevaux ; le pari
tenu, il déclara qu'Eclipse arriverait premier et qu'aucun
autre ne serait placé, c.-à-d. que les autresserai eut distancés
de ^lus d'un fuîiong (200 m. environ). Il gagna son pari.
EcKpse disputa dix-huit courses et ne fut jamais battu,
jamais touché de la cravache ni de l'éperon ; quand il défit à
Newmarcket Bucephalus, jusqu'alors invaincu, on pariait
pour lui dans la proportion de 1 5 pour gagner 1 ; ce qu'on
appelle « payer quinze » (^/^g) ; plus tard, on paria jusqu'à
^jrjQ, Il termina sa carrière de courses le 4 oct. 1770 ; et
le capitaine O'Kelly, qui avait racheté 1,000 livres la seconde
moitié du cheval, refusa dele vendre pour 11,000 guinées;
il demanda, dit-on, 20,00-0 Uvres sterling, plus une rente
viagère de 300 livres et trois pouHniôres de pur sang. Il
le conserva, et, de 1771 au 26 févr. 1789, l'employa à la
reproduction à Epsom, demandant un prix de 50 guinées
par saillie, le prix le plus élevé qu'on exigeât à cette époque.
Eclipse laissa trois cent cinquante-quatre produits vainqueurs
dans huit cent cinquante-deux courses d'une valeur de
quatre millions de francs, non compris les pièces d'orfèvre-
rie, les paniers de vin, etc.
Parmi les nombreux fils d'Eclipsé, quatre seulement ont
propagé sa descendance en ligne masculine jusqu'à notre
époque, beaucoup en ligne féminine ; les quatre premiers
sont : Potoooooooo qu'on appelle Pot-8-os (1773), King
Fergus (1775), Joe Andrews (1778) et Mercury (1778).
De ces quatre lignées, la plus importante est la première.
Pot-8'OS fut père de Waxy, Champion, Tyrant. Waxij
(1790) fut engendré par Maria, fille d'Herod et Lisette
(1772) par Snap ; il a donné naissance aux plus célèbres
coursiers et étalons du xix^ siècle ; parmi ses fils il y a lieu
de distinguer ceux qu'il eut de Pénélope : Whalebone
(1807), Web (1 808), Woful (1809), Wire(1811), Wliisker
(1812); Pénélope était fille de Trunspator (1782) et de
Prunella (1788) par HigMyer et Promise (fille de Snap) ;
citons encore un autre fils de Waxy, Waxy Pope (1806).
Whalebone eut pour fils Camel (1822) et Sir Hercules
(1 826) , ancêtres de deux excellentes lignées. De Camel naqui-
rent Defence (1824), père de The Emperor, père de Monar-
que (1852), le célèbre étalon français (V. les Courses en
France), et Touclistone (1831), père d'Orlando, de Newmins-
ter et de Piutus ; Orlando (1 841 ) , père de Teddington (1 848) ,
eut pour petit-fils Wellingtonia, le père de Plaisanterie;
Ncwminster (1848) est le père d'Hermit, d'Adventurer, et
de Lord Clifden ; à'ïïermit (1864) sont issus Saint-Biaise
(1880) et Tristan (1878). Nous retrouverons Piutus
parmi les étalons français. — Sir Hercules eut pour fils
Birdcatcher ( 1 833) et Faugh-a-Ballagh (1 84 1 ), nés tous deux
de Cuiccioli (1823) et Gemma di Vergy [\^M)» Birdcatcher
(1833) donna naissance à The Baron (1842) et Saunterer
(1854) ; The Baron, allié à la célèbre Pocaliontas (1837),
lui donna Stockwell (1849) et Rataplan (1850). De
Stockwell naquirent d'excellents chevaux tels que Blair
Athol (1861), père de Silvio, Lord Lyon (1863), père
de Minting (1883), Doncaster (1870), père de Bend'Or
(1877), père â'Ormonde (1883). Les descendants de
Stockwell sont comme lui alezans et chez plusieurs (par
exemple Doncaster) on retrouve les marques noires qui
caractérisaient leur aïeul et qu'il tenait d'Eclipsé. — Un
troisième fils de Whalebone, Waverîey (1817), père de The
Saddler (1828), a perpétué sa fignée. Le sang de Whale-
bone est actuellement un des plus appréciés, et c'est la famille
qui a produit le plus de vainqueurs, remportant depuis
trente ans près de la moitié des Derbys; ses représentants
sont les étalons les plus appréciés pour leur force et leur
courage à la lutte ; on recommande, en particulier, le croi-
sement des deux grandes lignées issues de Whalebone par
Camel et par Sir Hercules. A ce point de vue, on cite les
produits de Steriing (fils d'Oxford par Birdcatcher), Iso-
nomy et Energy : le premier a dans son pedigree sept croi-
sements de Waxy, dont cinq de Whalebone et un deShuttle.
Toute cette famille de Whalebone, de même que la plupart
des descendants d'Eclipsé, a généralement la robe alezane.
Parmi les fils de Waxy, il nous faut relever encore le
nom de Whisker (1812) qui engendra The Colonel (1825)
etEconomist (1825); de celui-ci naquit Harkaway (1834),
père de King Tom (1851), père deKingcraft (1867).
Revenons maintenant aux autres fils d'Eclipsé. King
Fergus (1775) est le fondateur d'une famille qui fut, au
miheu du siècle, la plus fameuse et la plus célèbre et n'a
été surpassée que par celle de Waxy et Whalebone. De
son fils Beninbrough (1791) naquit Orville (1799), le
meilleur cheval de son temps, père à'Emilius (1820);
celui-ci fut un reproducteur renommé, père de Priam (1827)
et Plenipotentiary (1831); 'à un autre fils d'Orville, Muley
(1810), se rattachent Chesterfield (1834) et Hero (1843).
— Le fils d'Eclipsé, Joe Andrews (1778), fut pèredeDick
Andrews (1797), dont descendent Tramp (J810), Lottery
(1820), Liverpool (1828), Sheet Anchor (1832), Lanercost
(1 835) , Weatherbit (1 842) , Beadsman (1 855) et Blue Gown
(1865). Enfin, d'un quatrième fils d'Eclipsé, Mercury
(1778), naquit Gohanna (1790), fils d'une jument de la
famille d'Herod, comme Waxy, avec lequel il eut plusieurs
luttes mémorables. Sa descendance ne vaut pas celle de son
cousin ; on y relève les noms de Golumpus (1802), Catton
(1809),Mulatto (1823), Royal Oak (1823) et Slane (1833).
Famille de Godolphin Barb. La famille de Godolphin
Barb, la dernière venue en Angletere, a été cependant la
première célèbre, son champion, Matcliem, étant né dès la
seconde génération. Elle est représentée, en ligne mas-
culine, par beaycoup moins de noms que les deux autres
et tend à s'éteindre. Dans les croisements, elle a fourni
— U1
COURSE
souvent aux autres familles des juments d'un mérite ex-
ceptionnel. Son auteur, Godolphin Barb, fut importé en
Angleterre vingt ou trente années après Darley Arabian.
C'était un cheval bai brun, avec une trace de balzane au
pied postérieur droit, d'une musculature puissante, man-
quant de grâce; il avait quinze paumes de haut (1^52), ce
qui expHque les prompts succès de sa descendance, comparée
à celle des autres étalons arabes, plus petits et moins puis-
sants, qui ne se fortifia tout à fait qu'après une accli-
matation et une sélection prolongée pendant plusieurs
générations. Il paraît certain qu'il était barbe, bien qu'on
l'ait souvent désigné comme arabe. Il fut acheté en France,
où on l'avait employé, dit-on, à traîner un tonneau d'ar-
rosage. On le donna à lord Godolphin dont il prit le nom,
selon l'usage. Dédaigné d'abord, il fut employé au haras
comme boute-en-train ; un jour que l'étalon Hobgoblin re-
fusait de saillir la jument Roxana (par Bald Galloway et une
fille d'Akaster Turk issue d'une fille de Leedes Arabian),
celle-ci fut accouplée à Godolphin Barb. Le produit fut
Lath (1732), dont la qualité fit apprécier celle de son
père. Les principaux fils de Godolphin Barb furent : Cade
(1734), Regulus, Babraham, Bajazet, Tamerlan, Phœnix,
Sultan, etc. De Cade, n^Lquit Matchem (1748) qui illustra
la famille. C'était un cheval bai brun de plus de quinze
paumes de haut ; le premier du fameux trio (Matchem,
Herod, Eclipse) qui, au milieu du xviii® siècle, affirma
nettement la supériorité de la race implantée en Angleterre
sur les chevaux orientaux et fit à peu près abandonner les
reproducteurs importés directement. Il est de dix ans l'aîné
d'Herod, de seize ans l'aîné d'Eclipsé.
Son père était Cade par Godolphin Arabian et Roxana ;
celle-ci, fille de Bald Galloway par Saint-Victor 's Barb ;
la mère de Matchem était Partner Mare par Brown Fare-
well et une fille de Brimmer ; Brown Farewell était pe lit-
fils d'Oglethorpe Arabian par son père Makeless ; la fille de
Brimmer était issue de cet étalon et d'une fille de Place's
"White Turk ; nous rappelons que Brummer naquit de D'Ar-
cy Yellow Turk et d'une fille de Dodsworth et d'une jument
barbe. Le sang barbe domine donc de beaucoup. Matchem
courut de cinq à dix ans, gagna presque toujours, onze fois •
sur treize ; il parcourut 6,220 m. en 7 m. 20 s. à ce qu'on
dit ; nous avons le relevé certain d'une épreuve sur cette
distance en trois manches, où sa plus grande vitesse fut de
7 m. 40 s. ; ces vitesses ont été dépassées, mais restent très
remarquables. Comme étalon, Matchem eut une grande
réputation ; le prix de ses saillies fut successivement
élevé de 5 à 25 guinées jusqu'à l'âge de trente-trois ans
où il mourut ; elles rapportèrent à son propriétaire, sir
Fenwick de Byell ( Northumberland ) , la somme de
425,000 fr. Ses produits directs, au nombre de trois cent
cinquante-quatre, gagnèrent, de 1764 à 1786, huit cent un
prix, valant 3,777,425 fr., non compris les objets d'art. Le
meilleur fils de Matchem fut Conductor (1767), né d'une
fille de Snap ; il donna Trumpator (1782). Par les deux fils
de celui-ci, Sorcerer (1790) et Paynator (1791), le sang
de Godolphin a été transmis jusqu'à notre époque. Sor-
cerer fut le père de Soothsayer (1808), de Comus (1809),
et de Smolensko (1810) ; de Comus naquit Humphrey
Clinker (1822), père de Melbourne (1834); celui-ci a
produit West Australian (1850), le meilleur cheval de
son temps, et des juments célèbres, Blink Bonny (1854) et
Canezou (1845), sans parler de l'étalon français Ruy Blas,
père de Nubienne (1876). La ligne de West Australian est
représentée par l'excellent étalon Barcaldine. On rattache
à Melbourne l'étalon Thormanby (1857), père d' Atlantic,
qui a produit en France Le Sancy (1884) et Fitz Roya
(1887). — Paynator eut Docteur Syntax (1811) dont la
fille Beeswing (1833) fut une jument et poulinière répu-
tée. La famille de Godolphin Barb a hérité de la haute taille
de son ancêtre et souvent donné des chevaux de course
de très grande dimension.
Pour compléter dans une certaine mesure cet exposé
nécessairement trop rapide, nous placerons ici une liste
des principaux étalons dont plusieurs produits ont gagné
une des trois courses classiques anglaises : le Derby (D).
les Oaks (0), le Saint-Léger (L), ou le Grand Prix de
Paris (G)*
Eerod : Bridget (0), Faith (0), Maid of the Oaks (0),
Phenomenon (L). . -
Florizel (fils d'Herod) : Diomed (D), Eager (D), Tartar
(L), Ninetythree (L).
Nighflyer : Noble (0), Sir Peter (D), Skvscraper (D),
Violante (0), Omphale (L), Cowslip (L), Spadille (L),
Young Flora (L).
Sir Peter (D) : Sirllarry (D), Archduke (D), Ditto (D),
Pans (D), Hermione(O), Parasite (0), Ambrosio (L), Fyl-
dener (L), PauHna (L), Petronius (L).
Phantom :Cedric (D), Middleton (D), Cowbeb (0).
Stveetmeat : Macaroni (D), Mincemeat (0), Mincepie (0),
Monarque : Gladiateur (D, G, L).
Parmesan (fils de Sweetmeat) : Favonius (D), Cremorne
(D, G).
Buccaneer : Kisler (D, G), Formosa (0, L), Brigan-
tine (0).
See Saw (fils de Buccaneer) : Bruce (G), Little Duck (G).
Ecli^jse : Young Eclipse (D), Soltram (D), Sergeant (D),
Annette (0).
Pot-B-os : Waxy (D), Champion (D, L), Tyrant (D),
Nightshade(O).
Waxij (D) : Pope (D), Whalebone (D), Blucher (D),
Whisker (D), Music (0), Minuet (0), Corinne (0).
Whalebone (D) : Moses (D), Lapdog (D), Spaniel (D),
Caroline (0).
Woful : Augusta (0), Zinc (0), Théodore (L).
Whisker (D) : Memnon (L), The Colonel (L).
Or ville (L) : Octavius (D), Emilius (D), Ebor (L).
Tramp : Saiat-Giles (D), Dangerous (D), Barefoot (L).
Emilius (D) : Priam (D), Plenipotentiary (D), Oxygen
(0), Mango (L).
Priam (D) : Miss Seltz (0), Industry (0), Crucifix (0).
Sir Hercules : Coronation (D), Faugh-a-Balladi (L),
Birdcatcher (L). & \ /'
Touchstone (L) : Cotherstone (D), Orlando (D), Sur-
pHce (D, L), Mendicant (0), Blue Bonnet (L), Newmins-
ter (L).
Birdcatcher (L) : Daniel O'Rourke (D), Songstress(O),
Knight of Saint-George (L), Warlock (L), The Baron (L).
Stockwell (L) (fils de The Baron) : Blair Athol (D, L),
Lord Lyon (D, L), Doncaster* (D), Regalia (0), Saint-
Albans (L), Caller Ou (L), The Marquis (L), Achieve-
ment (L).
Neivminster (L) : Musjid (D), Hermit (D), Lord CHf-
den (L).
Khîcj Tom : Kingcraft (D), Tormentor (0), Hippia (0),
Hannah(0, L).
Lord Clifden (L) : Jannette (0, L), Hawthornden(L),
Wenlock (L), Petrarch (L).
Adventurer : Pretender (D), Apology (0, L), Wheel
of Fortune (0).
Blair Athol (D, L) : Silvio (D, L), Craig Millar (L).
Hermit (D) : Shotover (D), Saint-Biaise (D), Lonely (0).
Hampton : Merry Hampton (D), Ayrshire (D), Rêve
d'Or (0). \ n j \ j^
Bend'Or (D) : Orraonde (D, L).
Sterling : Harvester (D), Paradox (G).
Matchem : Teetotum (0), Hollandaise (L).
Melbourne : West Australian (D, L), Blink Bonnv (D*
0), Sir Tatton Sykes (L).
On trouvera un complément utile dans le pedigree de
Blair Athol que nous donnons ci-après comme modèle de
ces tableaux de généalogie hippique. Ce cheval, un des plus
remarquables qui aient été élevés en Angleterre, vainqueur
du Derby et du Saint-Léger, second du Grand Prix de
Paris, vendu pour la somme de 12,000 guinées qui n'avait
pas encore été atteinte aux enchères publiques, avait parmi
ses ancêtres les plus célèbres étalons anglais du xviii® et
Birdcatcher** (1833)..*
The Baron (1842)..
Stockwell (1849).
Echidna(1838).
Pocahontas (1837).
Glencoe (1831).
• et**
Blair Athol (1861).,
Marpessa (1830) .
Humphrey Clinker
(1822)
Melbourne (1834).,
Fille de (1825)..
*0
BiinkBonny (1854).../
Gladiator (1833) .
Queen Mary (1843)..
Fille de.
Sir Hercules (1826)...
Guiccioli (1823)
Economist (1825). . . . ,
Miss Pratt (1825)
Sultan (1816)
Trampoline (1825)....
Muley (1810)
Clare (1824)
Cornus (1809)
Glinkerina (1812)
Cervantes (1806)
Fille de (1818)
Partisan (1811)
Pauline (1826)
Plenipotentiary (1831)
Myrrha (1830) .
Whalebone (1807)
Péri (1822)
Bob Booty (1804)
Flight(1809)
Whisker* (1812)
Floranthe (1818)
Blacklock (1814)
Gadabout (1812)
Selim(1802)
Bacchante (1809)
Tramp (1810)
Web (1808)
Orville** (1799)
Eleanor * 0 (1798)....
Marmion (1806)
Harpalice (1814)
Sorcerer (1796)
Houghton Lass(1801).
! Clinker (1805)
Pewet (1786)
Don Quixote(1784)....
Evelina (1791)
Golumpus (1802)
Fille de (1810)
( Walton(1799)
( Parasol (1800)
( Moses*(1819)
( Quadrille (1815)
\ Emilius* (1820)
( Harriett (1819)
\ Whalebone* (1807)....
( Gift (1818)
; Waxy* (1790).
' Pénélope (1798).
I Wanderer (1790).
• Thalestris (1809).
, Chanticleer (1787).
' ïerne(1790).
, Escape (1802).
' Young Heroine.
, Waxy*(1790).
' Peneîope (1798).
I Octavian (1807).
> Caprice (1797).
i Whitelock (1803).
• Coriander Mare (1799).
; Orville** (1799).
' Minstrel (1803).
Buzzard (1787).
Alexander Mare (1790).
Williamson's Ditto (1800).
Sœur de Calomel (1791).
Dick Andrews (1797).
Gohanna Mare.
, Waxy* (1790).
I Pénélope (1798).
■ Beningbrough (1791).
Evelina (1791).
Whiskey (1789).
Young Giantess (1790).
, Wiskey (1789).
I Young 'Noisette (1789).
Gohanna (1790).
Amazon (1799).
Trumpator (1782).
Young Giantess (1790).
Sir Peter* (1784).
Alexina (1788).
Sir Peter* (1784).
Hyale (1797).
Tandem (1773).
Termagant.
; Eclipse (1764).
' Grecian Princess (1770).
■ Highflyer (1774).
Termagant.
Gohanna (1790).
Catherine (1795).
Paynator (1791).
Sœur de Zodiac.
Sir Peter* (1784).
Arethusa (1792).
Pot-8-os (1773).
Prunelîa (1788).
, Whalebone* (1807).
Gohanna Mare.
Selim (1802).
Canary Bird (1806).
Orville** (1799).
Emily (1810).
I Pericles (1809).
• Selim Mare (1812).
: Waxy* (1790).
Pénélope (1798).
Young Gohanna (1810).
Sœur de Grazier (1803).
o
GO
m
* ffagrnant du I>erby. — ** ffaffnant du Saint-Leffer. — O gagnant des OaJks,
149 —
COURSE
du xix^ siècle, et les plus célèbres juments ^ les deux seules
qui aient gagné le Derby, Eleanor et Blin Bonny ; la pre-
mière réunit le sang d'Eclipsé, Herod, Matchem et Snap ;
la seconde celui des sept principales familles : Matchem,
Sorcerer, Sir Peter, Buzzard, Snap, Shuttle, Orville et
Waxy ; en outre, Pocahontas dont nous reparlerons.
Il faut remarquer en effet que si la règle adoptée par le
Stud-Book anglais, qui donne la prépondérance à la lignée
masculine, est une règle conforme aux faits, cependant
le rôle des juments dans l'amélioration de la race ne
doit pas être négligé; il est moindre parce que cha-
cune ayant moins de produits, on est obligé de les
employer presque toutes à la reproduction, tandis que
la sélection s'exerce bien plus complètement sur les éta-
lons, parmi lesquels il est aisé de choisir seulement les
plus remarquables. Assez fréquemment d'ailleurs les juments
qui avaient obtenu sur le turf les plus grands succès se
sont peu distinguées au haras; tandis que d'autres qui
avaient couru obscurément ou n'avaient même pas été en-
traînées ont donné un ou plusieurs produits remarquables.
Le mérite de la fécondité n'est pas toujours allié avec celui
de la qualité des produits. Ainsi New Star, mère de New-
mardket, puis de Ténébreuse en 4884, est restée vide les
six années suivantes. Parmi les juments anglaises qui ont
également réussi sur l'hippodrome et au haras, nous cite-
rons : Beesv^ing, mère de Newminster ; Alice Hawthorn,
mère de Thormanby; Crucifix (qui gagna les Deux Mille Gui-
nées et faillit enlever le Derby), mère de Surplice ; Canezou,
mère de Fazzoletto ; enfin la mère de Blair Athol, Blink
Bonny. En revanche, parmi les reproductrices les plus
remarquables qui n'ont pas brillé sur l'hippodrome, nous
citerons, outre Pénélope dont nous avons déjà signalé les
fécondes allliances avec Waxy, Queen Mary, Paradigm et
Pocahontas. Queen Mary, saillie par Melbourne, donna Blink
Bonny ; saillie par Mango et Lanercost, elle donna Haricot,
mère de Caller Ou (gagnant du Saint-Léger). Paradigm eut
successivement de Stockwell Lord Lyon et Achievement
(gagnant du Saint-Léger). Pocahontas (1837) est la jument
la plus illustre comme reproductrice; fille de Glencole et
Marpessa, elle ne put gagner une seule course ; alliée à
The Baron, elle produisit Stockv^ell et Rataplan ; alliée
à Harkaway elle donna King Tom ; à Knight of Saint-
George elle donna Knight of Saint-Patrick; à Nutwith,
Knight of Cars ; tous ces chevaux furent des animaux de
haute taille et de forte structure, dépassant 16 paumes ;
la quaUté la plus apparente de Pocahontas était, en effet,
la longue et haute taille ; elle avait plus de 15 paumes
de haut; elle-même produisit encore deux juments qui
firent merveille à leur tour : Ayacanora par Birdcatcher
et Araucaria par Ambrose ; cette dernière fut la mère de
Chamant (gagnant de Middle Park et de Deux mille Gui-
nées, claqué avant le Derby) par Mortemer et de Rayon
d'Or (gagnant du Saint-Léger) par Flageolet, deux des
chevaux français les plus remarquables qui aient couru
en Angleterre; alliée à Chattanooga, fils d' Ayacanora, elle
produisit Wellingtonia. On cite encore comme poulinière
Manganèse (1853), par Birdcatcher et Moonbeam, fille de
Tomboy et Lunatic (par The Prime Ministeret Maniac, fille
de Shuttle) ; Manganèse, unie à Rataplan, donna Mandra-
gora, mère d'Apology (par Adventurer), gagnante desOaks
et du Saint-Léger; elle eut aussi pour fille Minerai: celle-
ci, alliée à LordClifden, f ut mère de Wenlock (gagnant du
Saint-Léger) ; vendue en Hongrie, elle y eut de Buccaneer
le fameux Kisber (gagnant du Derby et du Grand Prix)?
Dans les croisements, on attache grande importance non
seulement aux formes de la poulinière, que l'on recherche
autant que possible grande et allongée, à larges hanches,
sur le modèle de Pocahontas, et d'une santé irréprochable,
mais aussi à ses ascendants, au sang ; de judicieux croise-
ments combinés avec un art et des précautions qu'on
négligeait parfois au siècle dernier sont le secret de la
moitié du succès des grands éleveurs. Sans aller aussi loin
dans la voie des unions consanguines qu'on fit dans la
famille de Betty Leedes (V. le pedigree de Flying Chil-
ders), ils cherchent souvent à se rapprocher du sang d'un
étalon remarquable en multiphant les croisements de ses
divers descendants. Nous avons dit comment on combine
avec soin les deux branches issues de Whalebone ; de
même, en France, celles issues de Monarque. Ces croise-
ments ont eu pour résultat de si fréquentes alliances entre
les familles chevalines que non seulement tout pur sang
actuel réunit le sang d'Eclipsé, de Matchem et d'Herod,
mais que souvent tel qui appartient à une famille par son
ascendance mascuhne directe a beaucoup plus du sang de
telle autre famille à qui se rattachent plusieurs femelles de
sa généalogie.
Le Stud-Book. — Le système généalogique. Le système
anglais, qui a donné à l'institution des courses une immense
prospérité, amélioré la race chevaline dans des proportions
étonnantes et créé pour l'Angleterre une source de fortune
considérable dans l'élevage du pur sang, repose sur deux
principes empruntés aux Arabes : relevé précis de la généa-
logie des bons chevaux, constatation de leur mérite par les
épreuves publiques. Les Arabes avaient maintenu ou formé
une race de chevaux d'une valeur exceptionnelle à l'aide
de ces pratiques très simples ; constatant que les qualités
du coursier, et notamment la vitesse, sont héréditaires, ils
attachaient un prix exceptionnel à la généalogie de leurs
chevaux, tenant avant tout à ceux qui descendaient de la
famille la plus réputée (d'une des cinq juments du Pro-
phète), s'attachant avant tout à n'allier lès uns aux autres
que des chevaux de race noble et à en maintenir la pureté ;
enfin, éliminant au moins comme reproducteurs ceux des
chevaux nobles qui se montraient inférieurs ou dégénérés
dans les courses ou exercices auxquels ils les employaient.
Ces règles, suivies pendant des siècles, n'ont pas cessé de
maintenir la supériorité du cheval arabe (V. Races cheva-
lines). Elles étaient indispensables et, dès qu'on s'en est
écarté, la race a dégénéré. Dans les différents pays euro-
péens, en Italie, en France, on a souvent importé des che-
vaux d'Orient, spécialement des arabes ; en Espagne, la
race fut importée par les musulmans ; pendant longtemps,
on y dressa des certificats généalogiques d'après le système
arabe ; quand on eut cessé il arriva, comme dans les autres
pays européens, que des alliances avec les autres races
chevalines d'un mérite moins confirmé firent disparaître en
peu de temps les qualités de la race noble. Au contraire,
lorsque, en Angleterre, on eut adopté dans les haras les
règles suivies par les Arabes, les résultats furent admi-
rables ; ces règles, appliquées avec plus de méthode et par
un peuple plus riche, ont permis en peu d'années de dé-
passer de beaucoup les succès obtenus en Arabie. Les
Anglais ne se sont pas contentés de dresser avec un soin
scrupuleux la généalogie de leurs chevaux nobles et, une
fois la race formée, de veiller à ce qu'aucune intrusion de
sang étranger n'en vînt altérer les qualités; grâce aux
courses, épreuves publiques multipliées, ils ont pu prati-
quer une sélection méthodique, n'employer comme repro-
ducteurs que les chevaux nobles d'une qualité confirmée,
de manière à fixer et accroître indéfiniment celle-ci. Le
cheval anglais pur sang, qui est le résultat de cette sélec-
tion, a prouvé sa supériorité à tous les points de vue pour la
vitesse et l'endurance, comme cheval de chasse et cheval
d'armes, comme cheval de selle et d'attelage, au galop et
au trot ; il transmet sa supériorité aux autres races, et les
alliances qui donnent naissance aux chevaux de demi-sang
ne sont cas un des moindres profits pour l'élevage.
L'origine du pur sang est, ainsi que cela ressort du
récit fait ci-dessus, une colonie d'étalons et de juments
d'Orient établie en Angleterre, surtout dans le haras royal,
à la fin du xvii® siècle. Ces chevaux n'étaient qu'exception-
nellement de la race noble d'Arabie, les barbes et les turcs,
de plus haute taille, s'étant plus vite acclimatés et ayant
plus tôt produit de beaux chevaux du type anglais. Toute-
fois^, l'étalon le plus fécond, celui dont la descendance
directe est le mieux représentée aujourd'hui, est ce Darley
COURSE
150 ^
Arabian, qui appartenait à la plus pure race arabe, celle
des kochlanis (V. Races chevalines). On a dit souvent que
la race anglaise pur sang résultait d'un croisement entre
la race arabe et la race indigène ; ceci est complètement
inexact ; elle descend d'une colonie de chevaux orientaux ;
il est possible, vraisemblable même, que quelques juments
anglaises ont mêlé leur sang à celui des reproducteurs
étrangers, mais on peut dire que, même parmi les treize
ou quatorze juments inconnues du pedigree d'Eclipsé, la
plupart devaient être d'origine orientale ; pour Flying
Childers, on a démontré que toutes l'étaient. On peut donc
dire que le pur sang anglais résulte d'un croisement entre
chevaux arabes, turcs et barbes, accompli en Angleterre à
la fin du XVII® et dans la première moitié du xviii® siècle.
Grâce aux courses et à la sélection intelligente dont elles
fournissaient les éléments, la supériorité de la race accli-
matée fut bientôt telle qu'on dut laisser de côté, puis
exclure les croisements avec les chevaux arabes, même les
meilleurs, leurs produits restant très inférieurs à ceux des
étalons et poulinières anglaises.
Le Stud-Book anglais, A la fin du xviii® siècle, on
éprouva le besoin, pour assurer la pureté de la race, de
réunir les différents livres de haras et certificats généalo-
giques en un ouvrage d'ensemble. « C'est alors que vint
ridée d'une publication générale, authentique, et c[ue fut
arrêtée la rédaction d'un seul livre généalogique qui, résu-
mant avec soin tous les renseignements disséminés dans les
divers recueils, offrit la généalogie et descendance de tous
les chevaux nés en Angleterre des étalons et des pouli-
nières de pur sang. » (Gayot.) Ce livre intitulé : The
General Stud-Bookcontaining pedigrees of races horses,
fut rédigé en 1791. Il fut précédé d'une introduction his-
torique (publiée en 1808 avec l'ouvrage), qui reste le docu-
ment fondamental pour l'histoire de la formation de la
race. Depuis, le travail a été continué jusqu'à nos jours
et, à des intervalles réguliers, donne la liste de tous les
pur sang existant en Angleterre ; il fait loi dans le monde
entier, et les publications analogues entreprises sur le conti-
nent s'y réfèrent pour les généalogies. Les discussions sur
l'origine de la race n'ont plus qu'un intérêt archéologique,
car celle-ci est considérée comme fixée et on peut définir
pur sang tout cheval inscrit au Stud-Book anglais (publié
aujourd'hui par M. Weatherby) ou descendant exclusive-
ment d'ancêtres qui y figurent. Deux chevaux seulement,
mentionnés dans l'introduction, sont antérieurs au xvni^
siècle. Byerly Turk, connu dès 1689, et Counsellor, né chez
M. Egerton en 1694, fils de Lord d'Arcy's Counsellor, par
Lord Lonsdale's Counsellor, par Shaftesbury Turk et une
sœur de Spanker, toutes les juments de son pedigree étant
de race orientale. Darley Arabian, qu'il ait été ou non
importé avant 1700, n'eut pas de produit avant cette date;
le premier connu est Manica (1707). Parmi les plus anciens
chevaux, on cite encore Grey Ramsden (1704) et Bay
Bolton (1705).
Le caractère du Stud-Book et les garanties qu'il offre ont
été très bien analysées par E. Gayot {Etudes hippolo-
giques^ t. I, p. 133). « C'est avec justice que j'ai appelé
le Stud-Book un dictionnaire historique des différentes
familles chevalines d'une même race, la race de pur sang,
car, en compulsant les différents Stud-Books, on trouvera
la relation historique des migrations diverses de ce cheval
dont l'identité sera facilement admise, d'ailleurs, sur les
indications précises que contient maintenant le Stud-Book,
lesquelles relatent les inscriptions antérieures, s'il y a
lieu : le nom de l'individu, la couleur de sa robe, l'année
de sa naissance, le nom du ou des propriétaires, et tous les
détails qui intéressent le pedigree, c.-à-d. l'exposition com-
plète et nominale de la parenté et des alliances, tant en
ligne directe qu'en hgne collatérale, avec les diverses
familles dont se compose la grande race pure ou primitive.
C'est ainsi que le Stud-Book est devenu le livre par excel-
lence pour l'amateur de courses, le dépositaire fidèle des
chevaux-ou des poulinières dont les produits avaient obtenu
les plus brillants succès d'hippodrome. On conçoit que
l'étude des rapprochements faits entre les différentes
familles, à l'issue des épreuves qui constatent la valeur de
chaque produit, rende illusoire et parfaitement insigni-
fiante l'inscription d'un intrus, et que cette noblesse, illégi-
timement accordée, cette place usurpée ne mènent pas bien
loin ; car, à moins d'être au nombre des fanatiques aveugles
du sang, on n'accepte guère que des faits, et l'on repousse
sans pitié les plus belles individualités lorsque de bons états
de service ne viennent pas les recommander. Il ne faut
donc pas attacher une importance plus considérable que de
raison à la fraude, nécessairement inévitable^ qui introduit
de temps à autre, parmi les plus nobles et les plus purs
sujets de la race, quelques individus entachés d'un germe
d'ignobilité, soit paternelle, soit maternelle. Je sais un
éleveur en France qui a eu recours à un pareil subterfuge
et dont les produits maintenant ne trouvent plus placement
nulle part. C'est le châtiment bien mérité d'une faute grave,
inexcusable. Un producteur n'a pas de moyen plus assuré
de discréditer ses écuries. L*ignorance seule peut le porter
à une fraude coupable dont il devient fort heureusement
ainsi la première, la principale et bientôt même la seule
victime. Voilà pour les inscriptions fausses, illégitimes,
inévitables de loin en loin, sans doute, mais exceptionnelles
et rares cependant avec le contrôle sévère qu'exercent au-
jourd'hui l'administration en France et les particuliers en
Angleterre. » Les derniers exemples authentiques de
mélange de sang indigène avec le sang pur remontent au
milieu du siècle passé. En 1750, parut en courses Sampson,
né en 1745 dans le nord de TAngleterre; c'était un che-
val noir, d'une taille et d'une force extraordinaires, qui
obtint de réels succès ; son fils, Engineer (1755), bai brun,
marcha sur ses traces ; de même, le fils de celui-ci, Mam-
brino (1768), cheval gris; pendant quelque temps, cette
famille nouvelle fut très appréciée et recherchée dans les
croisements; mais, comme les races métisses, elle dégénéra
bientôt et on élimina des haras de chevaux de pur sang
tous les individus qui lui appartenaient.
Supériorité du pur sang anglais. Vers la même
époque, on renonça complètement à l'emploi dans les haras
de chevaux arabes ; on reconnut que la race formée par la
sélection pratiquée depuis un demi-siècle était très supé-
rieure à celle qui en avait fourni les premiers éléments ;
Byerly Turk, ou Darley Arabian, était le point de départ,
mais le résultat était Herod ou Eclipse, très supérieurs à
leur ancêtre en taille, en force, en vitesse, et transmettant
à leurs descendants ces qualités. On continua assez long-
temps l'emploi parallèle de la race orientale et de la race
acclimatée, espérant trouver dans les chevaux étrangers
quelque étalon comparable aux ancêtres de Flying Childers
ou de Matchem et donnant de tels produits. On établit à
Newmarket une course spéciale pour chevaux arabes ; il
fallut y renoncer ; l'écart était trop grand entre eux et les
chevaux de pur sang anglais ; même l'alliance d'un arabe
et d'un pur sang donnait toujours un produit de qualité
inférieure ; dans la course pour la Coupe de Goodwood, on
dut accorder une décharge de 8 kilogr, aux produits d'un
anglais et d'un arabe, turc ou persan, et de 16 kilogr. aux
produits de père et mère arabes, turcs ou persans. L'ex-
périence a prouvé que ceci ne suffisait pas pour égaliser les
chances. Même en Asie, particulièrement au Bengale, la
supériorité du pur sang anglais s'est afîîrmée avec éclat ;
les meilleurs chevaux arabes ou persans sont battus par de
médiocres anglais. Leur plus grand exploit a été de faire
3,200 m. en quatre minutes, ce que feraient aisément tous
les chevaux de trois ans entraînés en France ou en Angle-
terre. Cette question, soulevée à plusieurs reprises et vive-
ment agitée en France au milieu de ce siècle, est tout à
fait résolue ; non seulement la supériorité du cheval anglais
de pur sang est certaine, mais l'avance prise par lui est
telle qu'il n'y aurait nul avantage à tenter une nouvelle
acclimatation d'arabes, tels que ceux qui furent les an-
cêtres de la race inscrite au Stud-Book anglais. Cela n'est
451 «.
COURSE
nullement désirable, car la race ne se détériore nullement
depuis son acclimatement et il n'^ a nulle raison de renou-
veler le contact avec le type originel. Ceci n'a rien de sur-
prenant, car le cheval n'est pas le seul être perfectionné
par l'homme. Mathieu de Dombasle l'a bien expliqué.
« Nous n'allons pas redemander au Bengale, au Japon, au
Mexique, le type du rosier, du camélia, du dahlia, dont les
soins de l'homme ont su tirer chez nous tant de variétés
plus belles que les types. La pomme de terre est aujour-
d'hui, entre les mains de nos cultivateurs, infiniment supé-
rieure à ce qu'elle était au moment de son introduction et
à ce qu'elle est encore dans les Andes. Nos céréales, nos
légumes, nos fruits les plus succulents, qui sont presque
tous originaires des contrées orientales, ont-ils besoin qu'on
ait recours aux types primitifs pour que les espèces se
perpétuent avec tous les perfectionnements qu'ils tiennent
d'une culture intelligente et soigneuse ? » Le cheval n'échappe
pas à la loi commune. La seule condition est que Ton con-
tinue à employer la méthode qui a produit les pei^fection-
nements ; ils sont dus à l'institution des courses.
Une question plus controversée a été celle de l'endurance
du pur sang ; on a soutenu que, produit en vue des courses,
entraîné trop tôt, trop maigre et trop nerveux, c'était un
être artificiel, incapable de résister aux fatigues que sup-
portent les races indigènes d'aspect plus massif et plus
robuste. Sur ce point, on n'oppose plus au pur sang le
cheval arabe, petit et maigre, qui lui reste inférieur, mais
les races de trait ou les vigoureux chevaux de Normandie,
de Flandre, de l'Angleterre orientale. L'expérience a donné
l'avantage au pur sang ; on cite l'exemple de Quibbler qui,
en 4786, à l'âge de six ans, parcourut à Newmarket
23 milles anglais (3 7 kil.) en 57 m. 40 s. ; des courses de 40
et de 80 kiL ont été soutenues, les premières sans quitter
le galop ; des luttes engagées contre les chevaux cosaques
ont affirmé la supériorité du pur sang. On concède cepen-
dant que, pour porter de gros poids, résister à des fatigues
prolongées, mieux vaut substituer au pur sang le cheval de
demi-sang qui a l'avantage d'être bien moins délicat. Sur
de très longs parcours, il paraît évident que les trotteurs
de demi-sang ont l'avantage sur les galopeurs de pur sang ;
ils peuvent effectuer jusqu'à 80 kil. sans jamais employer
plus de 1 m . 40 s. par kil. et en parcourant même les derniers
kilomètres à une allure plus vive. Sans remonter bien loin,
nous citerons comme preuve un pari récent engagé en févr.
4891 entre lord Lonsdale et lord Shrewsbury. Chaque
concurrent devait, à son tour de rôle, parcourir quatre
fois une distance de 2 heues d'abord avec un seul cheval
attelé, puis avec deux, puis avec quatre à grandes guides,
enfin avec deux chevaux montés en postillon. Lord Lons-
dale accomplit la distance en* moins de 56 minutes. La
première épreuve, pour laquelle il s'était servi d'une voi-
ture américaine dite buggy et du pur sang War Paint a
été parcourue en -IS m. 39 s. ^/^ ; la seconde épreuve a été
fournie par deux trotteurs américains à la place de deux
trotteurs français qu'il avait fait venir ; ce second trajet a
été fait en 42 m. 54 s. ^/g; le troisième, à quatre chevaux,
a été accompK en 45 m. 9 s. % ; enfin, le dernier, en pos-
tillon, en 43 m. 55 s. ^j^. Quelques secondes ont été dépensées
en relais d'attelage dans l'intervalle de chaque épreuve.
War Paint est une jument de race d'une valeur incon-
testée, mère de War Dance qui a gagné près de 440,000 fr.
en prix de courses dans l'année 4890. Or, deux trotteurs
attelés en paire, ce qui est une condition un peu inférieure,
ont battu le pur sang de près de 50 secondes. D'ailleurs,
dans les courses au trot, les pur sang ont, en général, été
battus par les chevaux de demi-sang ; il est vrai que souvent
plus ceux-ci sont près du sang (et on appelle demi-sang des
chevaux qui ont si peu que ce soit de sang roturier), plus
leur supériorité s'affirme. L'expérience a d'ailleurs été
faite en grand pour les chasses à courre de l'Angleterre,
et les maîtres de chasse du Leicestershire ou du Northamp-
tonshire préfèrent les demi-sang. Ajoutons toutefois que
dans les courses d'obstacles, même dans les steeple-chases
les plus longs et les plus hérissés de difficultés, les pur
sang, d'abord réputés inférieurs aux chevaux de demi-sang,
ont prouvé leur supériorité. Ce qui a jeté souvent du doute
dans le débat, c'est qu'on a confondu Je jeune cheval qui
fait ses preuves sur l'hippodrome, mais n'a pas encore
atteint son plein développement, avec celui qui a passé
cinq ans et peut supporter la fatigue la plus prolongée.
Il ressort de ce que nous venons de dire que le cheval
oriental, naturahsé en Angleterre, y a subi une transfor-
mation complète. A l'origine, il était bien plus petit ; l'arabe
ne couvre guère plus de 44 pieds dans une foulée, l'anglais
en couvre 28 ; les premiers arabes étaient si petits que
souvent on les qualifiait de « galloway », les assimilant à
cette race, de petite taille, du*^ comté de Galloway. Ainsi
Bald Galloway n'avait pas plus de 43 paumes et demi
(4 m. 37) ; les étalons turcs, plus hauts que les arabes,
furent à cause de cela assez recherchés. D'une manière
générale, le pur sang actuel, haut de 15 à 46 paumes et
même davantage, dépasse au moins d'une paume, en
moyenne, la taille de ses ancêtres orientaux. Godolphin
Barb, qui était en son temps d'une taille exceptionnelle,
avait 4 ^^^52 ; Monarque avait 4^62. — Pour la vitesse, il
paraît acquis que les progrès n'ont pas été moins sensibles.
Si Flying Childers ou Eclipse venaient se mesurer avec
Stuart ou Donovan, ils seraient aisément distancés ; les
chiffres cités pour les deux premiers paraissent légen-
daires ; le plus sérieux attribuant à Eclipse une vitesse de
4 m. 6s. pour 4,000 m. (mille yards à la minute), sur
une distance de 6,000 m., semble ' encore bien exagéré,
quoique la chose soit possible; Matchem, dans sa course la
plus authentiquement mesurée, fit 6,220 m. en 7 m. 52 s.
à la première manche, 7 m. 40 s. à la seconde et 8 m. 5 s.
à la troisième ; on lui prête un record de 7 m. 20 s. sur
la même distance, mais le fait est douteux ; même celui-ci
aurait été dépassé, en 4877, par Mondaine qui fit en
7 m, 48 s. les 6,200 m. du prix Gladiateur ; en Angle-
terre, Alonzo battant le célèbre Orville (à Doncaster en
4833) mit 7 m. 44 s. à franchir 6,070 m. Les attestations
de vitesse extraordinaire de Flying Childers et d'Eclipsé
reposent sur des affirmations et des mesures dont la pré-
cision est des plus suspectes et prouvent seulement l'ad-
miration inspirée aux contemporains. Des relevés authen-
tiques paraissent établir que, pendant tout le xvm® siècle,
les progrès de la race chevaline se manifestèrent par un
accroissement de vitesse analogue à celui qui fut constaté
dans les courses au trot dans le xix® siècle. En 4730, on
faisait 6,200 m. en 8 m. 40 s. ; en 4756, en 8 m. 3 s. ;
en 4764, en 7 m. 54 s.; en 4766, en 7 m. 50 s.; en 4793,
en 7 m. 43 s. ; le progrès est régulier et constant. Nous
admettrons donc avec les témoins les plus autorisés, tels
que l'amiral Rous, que c'est seulement au début de ce
siècle que furent réalisées les plus grandes vitesses pour
les courses au galop. Elles n'ont guère été dépassées depuis,
même sur les petits parcours, et il semble qu'on soit près
de la limite maxima ; de même que dans les courses au trot,
le record du mille en 2 m. 7 s. (le kil. en 1 m. 19 s. ^/g),
obtenu en Amérique, sera difficilement dépassé, rare-
ment retrouvé. L'amélioration de la race chevaline a été
poussée presque aussi loin qu'on pouvait la rêver. Mainte-
nant, il y a plutôt à se préoccuper d'étendre les avantages
acquis en multipliant les produits de pur sang et surtout
en multipliant les croisements avec les races inférieures
de manière à relever de plus en plus le niveau moyen.
Les résultats que nous venons de relater sont dus à
l'institution des courses.
C'est à l'entraînement, au travail préparatoire des
courses, à l'épreuve publique que le pur sang anglais doit
la conservation et le développement de ses qualités, surtout
de la vitesse ; c'est par ces épreuves que sont mis en relief
les sujets d'élite grâce auxquels se fait la sélection. Sans
le système des courses, qui fournissent un critérium indis-
pensable, la race anglaise de pur sang perdrait en quelques
générations le bénéfice d'une amélioration réalisée par un
COURSE
— 152 —
travail plus que séculaire, tout comme les riches variétés
de plantes domestiques, d'arbres fruitiers, disparaîtraient
sans le constant travail du jardinier. La sélection naturelle
et sexuelle à laquelle on attribue le progrès dans Fensemble
de la nature a été certainement l'instrument du progrès
hippique ; la lutte pour l'existence ou du moins pour la
reproduction se livre sur l'hippodrome. — Un exemple très
curieux, à l'appui de cette thèse, a été fourni par la race
deux-pontoise ou ducale. Au siècle dernier, le duc Chris-
tian fonda au haras de Deux-Ponts une race par l'alliance
d'étalons arabes, turcs ou barbes, avec des juments anglaises
de pur sang ; on veilla avec grand soin au maintien de la
pureté et à l'amélioration de cette race, les chasses à courre
révélant les reproducteurs les plus dignes. La réputation
de la race ducale devint très grande. En 1814, les animaux
du haras furent emmenés à Rosières, puis dispersés ; on
cessa de tenir avec soin la généalogie; la race deux-
pontoise, mêlée à d'autres, reproduite sans que l'épreuve
publique vînt garantir la conservation de ses qualités, dis-
parut ; « elle s'individualisa dans quelques sujets de
haute valeur, elle ne fut plus une collection d'êtres se
tenant étroitement par des caractères identiques constants »
(Gayot) ; ceux-ci même n'eurent pas de descendants de
leur mérite ; faute d'un Stud-Book bien tenu et de courses
régulières, la race ducale deux-pontoise dégénéra et s'étei-
gnit. L'exemple est topique. « Sans épreuves, point de
connaissances précises, réelles, fondées; point de choix
certain pour la reproduction ; dès lors aucune chance de
conserver à une race sa valeur, les qualités qui lui sont
propres. La dégénération prompte et complète est au bout
de ce système qui ne produit pas un bon cheval. Avec les
courses, au moins, il en reste quelques-uns, et ceux-là suf-
fisent à perpétuer les hautes facultés inhérentes au cheval
noble, au cheval pur sang, au régénérateur précieux qui a
pouvoir et mission de tout améliorer autour de lui. » Après
avoir parlé de la formation de la race pure et du Stud-
Book qui fournit la garantie de la conservation de ses qua-
lités, il nous reste à parler des courses pour et par les-
quelles fut créée celte race.
Les courses en Angleterre au xviu® siècle. — Les
Plates et les Stakes. La grande vogue des courses com-
mença dans le premier quart du xviii® siècle. Nous ayons
vu comment à cette époque cette institution fut régularisée.
Elle fut en grande faveur auprès de la nouvelle aristocratie
riche et fastueuse qui se groupait autour de la maison de
Hanovre, tandis que l'ancienne, fidèle aux Stuarts, tendait
à s'isoler dans ses terres. Parmi les principaux promoteurs
des courses, on cite, après la reine Anne et George P^,
les ducs de Devonshire, de Somerset, de Rutland, le fa-
meux lord trésorier Godolphin, le notaire Frampton. Les
prix étaient encore de peu de valeur, mais de grands paris
s'engagèrent; on tint à honneur d'avoir une bonne écurie
de courses, et on tira des victoires de ses chevaux de
grands bénéfices ; il en résulta un accroissement considé-
rable de la valeur des chevaux, d'autant que les réunions
de courses, les occasions de gagner des prix et des paris
se multiplièrent ; donc un grand encouragement à l'éle-
vage. Néanmoins le sport conserva toujours son caractère
aristocratique ; on sait qu'il en est encore ainsi en Angle-
terre. Dans la première partie du xvm« siècle, le centre des
courses était à York, dans le nord de l'Angleterre. Les prix
étaient de 10 à 20 livres sterling; une loi interdit d'exiger
le payement d'une dette de plus de 10 livres ayant pour
origine un pari sur les chevaux de courses. Les courses
avaient généralement lieu sur 4 milles en partie liée ; les
chevaux ne paraissaient sur l'hippodrome qu'après avoir
atteint leur plein développement, à cinq ans ; on vit courir
non seulement des étalons, mais des poulinières, comme
Brocklesby Betty qui, en 1716, courut après avoir pou-
liné et manifesta cependant une grande supériorité. Le
poids porté par les chevaux était en général de 12 stones
(76 kilogr.), ce qui n'avait rien d'excessif pour des che-
vaux âgés; cela eut l'avantage de pousser à produire par
sélection des chevaux plus grands et plus forts ; bientôt
les chevaux nés en Angleterre eurent l'avantage sur ceux
qu'on importait. Les prmcipales courses étaient les Plates
royaux, où le prix était une pièce d'orfèvrerie, offerte par
le roi : souvent on en donna la valeur en argent (de 20 à
150 guinées). En 1727, il y avait une douzaine de ces
courses : en avril, à Newmarket, pour les chevaux de six
ans (poids, 12 stones) ; une autre pour les juments de
cinq ans (poids, 10 stones) ; en octobre, à Newmarket,
une autre pour les chevaux de six ans (poids, 12 stones) ;
il s'en disputait à York une pour chevaux de six ans ; à
Black Hambleton, une pour juments de cinq ans; enfin, à
Nottingham, Lincoln, Guildford, "Winchester, Salisbury et
Lewes pour chevaux de six ans, toujours sur 4 milles en
partie liée ; à Ipswich, une pour chevaux de cinq ans ;
enfin on en établit à Edimbourg et à Curragh, en Irlande;
un bon cheval, nettement supérieur, dans son année pou-
vait remporter presque tous les prix; ainsi, en 1736,
Goliah au duc de Boîton, en gagna sept sur dix, courus
dans toute l'Angleterre, En 1 739, pour éviter les courses
de prix, amusement ou spéculation, on interdit de faire
courir des poneys ou des chevaux de trait et de donner des
prix d'une valeur inférieure à 50 livres sterling (l,250fr.).
A cette époque, un bon cheval courait rarement plus de
six ou sept fois; ces courses, en partie liée, comportant
jusqu'à quatre épreuves de 6,400 m., étaient fatigantes. Aux
Plates vinrent s'ajouter une série de nouvelles épreuves ;
l'usage des défis particuHers {match) conduisit à l'organi-
sation de poules (sweepstakes) et de prix par souscrip-
tion ; plusieurs propriétaires mettaient en ligne leur ou
leurs champions, souscrivant chacun une certaine somme ;
le vainqueur recevait ce prix, formé par la souscription
des vaincus. Une fois admis, ce système fut généralisé ;
aux prix on ajouta le montant des entrées demandées aux
chevaux engagés ; on fractionna la souscription, n'exigeant
qu'une partie pour l'engagement, le reste seulement si le
cheval prenait réellement part à la course ; on multiplia
ainsi les engagements et la valeur des prix auxquels
s'ajoutaient non seulement les entrées, mais les forfaits
payés par les propriétaires des chevaux qui déclaraient ne
pas courir. On put aussi organiser les courses longtemps
d'avance, recevoir les engagements à une époque où la
valeur respective des concurrents était inconnue ; la poule
prit ainsi le caractère d'une sorte de pari mutuel entre les
éleveurs ; on en vint à reculer les engagements au moment
de la naissance des chevaux ou même avant, et ces poules
d'essai et ces poules de produits, dont l'origine était une
sorte de pari, devinrent pour l'élevage une prime et un
encouragement incomparable ; on s'appliqua avec un soin
avivé par l'intérêt et F amour-propre à allier les meilleurs
reproducteurs ; l'étude méthodique des croisements, le
dressage et l'entraînement du poulain furent poussés très
loin; la sélection, qui a formé et conserve la race pur
sang, doit énormément à ces poules des produits. Elles
eurent d'ailleurs une influence décisive sur le développe-
ment des courses dans la seconde moitié du xviii® siècle.
Dans ces poules, profitant des progrès de l'entraînement et
les accentuant, on arriva à faire courir le cheval à trois,
puis à deux ans ; on fut conduit à multiplier les épreuves
de vitesse, à abaisser les poids, à créer le jockey de poids
léger, être plus artificiel que le cheval de course. Ce furent
là de grands progrès qui améliorèrent la condition du pur
sang et le livrèrent plus tôt au haras, où il put entrer dès
sa première année de productivité.
Le Jockey Club Newmarket» La plupart de ces progrès,
sur lesquels nous reviendrons, furent accomphs sous l'in-
fluence du Jockey Club anglais, fondé en 1750. En 1751
furent organisées à York les premières grandes poules,
puis on développa les courses de Newmarket qui devint le
plus grand centre de l'entraînement et le Ueu classique des
épreuves publiques ; aux deux meetings ou réunions d'avril
et d'octobre, on ajouta, en 1762, une seconde réunion
d'octobre; en 1765, une réunion de juillet; en 1770,
-~ 453
COURSE
i'Houghton Meeting à la fin d'octobre; puis, en 1774, le
Craven Meeting au commencement d'avril. Il y eut, à
Newmarket, sept meetings par an : Craven, en avril ; deux
autres de quinzaine en quinzaine; celui de juillet; le pre-
mier lundi d'octobre ; un autre quinze jours après; enfin,
après une dernière quinzaine, THonghton Meeting, qui dure
huit jours. L'organisation des grandes courses de New-
market est capitale ; en effet, nul terrain n'est plus favo-
rable que celui de cette ville avec ses nombreuses écuries
d'entraînement et une vingtaine de pistes différentes, par-
cours plan, montée, descente, etc. Tous les connaisseurs
s'extasient sur les qualités dé ce sol gazonné, d'une élasti-
cité admirable, encore amélioré depuis qu'on y a parqué
des moutons; il est régulièrement passé au rouleau. Depuis
4753, le Jockey Club est propriétaire du terrain de New-
market, grâce auquel l'entraînement des chevaux peut être
poussé à sa perfection. Les courses mêmes qui ont lieu
dans cette ville ont bien plus qu'ailleurs le caractère
d'épreuves, nullement celui de divertissement; les gens
du métier s'y réunissent pour juger les chevaux, parier
entre eux.
Le TattersalL En 4766 fut créé à Londres, près
d'Hyde Park, par Richard Tattersall, un étabHssement
destiné aux achats et ventes de chevaux de pur sang, et
généralement des chevaux de luxe. Ce marché, transféré
en 4865 à Knigthtsbridge, compléta l'organisation hip-
pique anglaise, comprenant les haras oîi l'on faisait mon-
ter les chevaux, les écuries d'entraînement où on les
préparait, les hippodromes où on les éprouvait, enfin ce
grand marché du Tattersall où l'on pouvait les écouler ou
s'en procurer, et qui, par la publicité, par la concentration
de l'offre et de la demande, détermina la valeur.
Les grandes courses. — Nous voici parvenus au com-
mencement du dernier quart du xviii^ siècle, à une pé-
riode où de nouvelles fondations eurent lieu, transformant
tout le régime des courses. En cinq années furent insti-
tuées, de 4776 à 4780, les trois grandes courses pour
poulains et pouHches de trois ans qui sont demeurées jus-
qu'à nos jours, depuis plus d'un siècle, les courses les
plus importantes des Iles Britanniques : le Saint-Léger,
les Oaks et le Derby.
Le^ Saint-Léger. Le Saint-Léger fut créé en 1776, à
l'instigation du colonel Saint-Léger qui résidait près de
Doncaster, à Parkhill. Il y avait à Doncaster, au mois de
septembre, des courses annuelles; le 24 sept, il fit placer
une course pour poulains et pouliches de trois ans ; c'était
une poule où chacun payait 25 guinées; la distance était
de 2 milles (3,200 m. environ). La première année
six souscripteurs mirent six chevaux en hgne. Lord Roc-
kingham enleva le prix avec sa pouHche, Allabaculia par
Sampson. En 4777, il y eut douze souscripteurs et dix
chevaux prirent part à l'épreuve ; la victoire resta à
Bourbon, cheval de M. Sotheron. En 4778, la course
reçut le nom de Saint-Léger, son fondateur ; elle fut ga-
gnée par Hollandaise, à M. T. Gascogne. En 4832, le
montant de la souscription fut porté à 50 souverains ; les
poids modifiés conformément aux règles nouvelles sont
fixés à 57 kilogr. pour les poulains, 56 pour les pouliches.
La distance est de 2,900 m. environ (4 mille 6 furlongs
et 432 yards); la plus grande vitesse constatée est celle
de Donovan en 1889, qui fit le parcours en 3 m. 43 s. ;
précédemment poulains et pouliches l'avaient fait en
3 m. 44. s. ; la piste est de forme ovale et plane, ce qui
explique que la vitesse moyenne soit relativement plus
considérable que dans le Derby. Les pouliches ont obtenu
de grands succès dans le Saint-Léger depuis Allabaculia et
Hollandaise jusqu'à Seabreege et Memoir; inférieures au
printemps aux mâles, en raison de l'influence de la saison,
elles font beaucoup mieux à l'automne.
Les Oaks, Le 44 mai 4779 le comte de Derby, dou-
zième du nom, créa une poule pour pouliches de trois ans;
un groupe de chênes placés près du champ de courses
d'Epsom, à Woodmansterne, valut son nom à la course.
Elle fut disputée sur une distance de 2,400 m. (4 mille
et demi) ; l'allocation était fournie par les souscripteurs
dont les chevaux étaient engagés et par une redevance im-
posée aux propriétaires de baraques sur la colline, lesquels
contribuaient depuis l'organisation réguUère des courses
d'Epsom (4781). La première année les Oaks furent rem-
portés par Bridget, pouliche de lord Derby.
Le Derby, L'année suivante, lord Derby organisa une
poule pour poulains de trois ans, laquelle^ reçut bientôt
son nom ; la souscription était de 50 souverains, moitié
forfait, le parcours de 4 mille, bientôt porté à 4 mille et
demi. La première année, le vainqueur fut Diomed (par
Florizel, fils d'Herod), à sir C. Bunbury, battant huit
autres chevaux. Les pouliches sont admises dans le Derby,
mais s'y présentent rarement et 'ne l'ont gagné que deux
fois. Le Derby et les Oaks sont courus dans la dernière
semaine de mai; depuis 4839, le Derby est couru le mer-
credi (au lieu du mardi), les Oaks le vendredi. Le champ
de courses d'Epsom est vallonné et accidenté ; il est dange-
reux pour les chevaux qui ont de mauvaises jambes; la
piste du Derby commence par une montée, finit par une
descente. Longtemps le Derby fut regardé comme la
course aristocratique par excellence pour les hommes,
les dames allant aux Oaks et pariant . des douzaines
de gants au Heu d'argent ; mais depuis quelques années
la princesse de Galles ne va qu'au Derby et les Oaks
ont perdu leur caractère mondain. En revanche, le
Derby a conservé dans la vie anglaise une importance
énorme ; ce jour-là tout chôme à Londres ; des centaines
de milliers de spectateurs se dirigent vers la colline d'Ep-
som, en chemin de fer, en voiture, en mail, à cheval, à pied
même. C'est à la fois une fête aristocratique et une fête
populaire où l'on peut admirablement observer les mœurs
nationales.
Le Derby et les Oaks sont précédés chacun d'une course
réservée aux mêmes chevaux et courue sur une distance
moitié moindre; la première, établie en 4809 à Newmar-
ket, pour poulains et pouliches de trois ans, comporte un
prix de Deux Mille Guinées; la seconde, établie en 4814,
pour les pouliches, comporte un prix de Mille Guinées ;
toutefois les inscriptions y sont plus nombreuses, au point
que le montant total des deux prix arrive quelquefois
presque à se balancer, 100,000 fr. environ. Voici quelle
était en 4879 la valeur des six principales courses an-
glaises : Deux Mille Guinées, 6,250 livres ; Mille Guinées,
4,200; Derby, 7,050; Oaks, 4,425; Saint-Léger, 6,550;
Middle Park Plate (pour chevaux de deux ans), 3,470.
Il est remarquable que, bien qu'on ait accru la valeur ga-
rantie du Derby (425,000 fr.)et des Oaks (400,000 fr.),
leur valeur effective diminue, par suite du moindre nombre
d'engagements ; après avoir dépassé 250 dans la période
de 4860, ils tombent vers 460; en 4889, le chiffre était
de 469 ; les engagements dans le Saint-Léger diminuent
également, mais dans une moindre proportion.
Voici la liste des gagnants du Derby depuis l'année 1 860 :
4860 Thormanby par Melbourne ou Windhound.
4864 Kettledrum par Rataplan.
4862 Carartacus par Kingston.
4863 Macaroni par Sweetmeat.
4864 Blair Athol par Stockwell.
4865 Gladiateur par Monarque.
4866 Lord Lyon par Stockwell.
4867 Hermit par Newminster.
4868 Blue Gown par Beadsman.
4869 Pretender par Adventurer.
4870 Kingcraft par King Tom.
4874 Favonius par Parmesan.
4872 Cremorne par Parmesan.
4873 Doncaster par Stockwell.
4874 George Frederick par Marsyas.
4875 Galopin par Vedette.
4876 Kisber par Buccaneer.
4877 Silvio par Blair Athol.
COURSE
154
4878 Sefton par Spéculum.
4879 Sir Bevys par Favonius.
J 880 Bend'Or par Doncaster.
4881 Iroquois par Leamington.
4882 Shotover par Hermit.
4883 Saint-Biaise par Hermit.
4 ôQ A S Saint-Gatien par Rotherhill.
' ( Harvester par Sterling.
4 885 Melton par Master Kildare.
1 886 Ormonde par Bend'Or.
1887 Merry Hampton parHampton.
4888 Ayrshire par Hampton.
4889 Donovan par Galopin.
4890 Sainfoin par Springfield.
Deux fois la course s'acheva par un dead-heat, en 4828
et 4884; la première fois, entre Cadland et Colonel; Cad-
land l'emporta dans la seconde épreuve ; en 4884, le prix
fut partagé entre Saint-Gatien et Harvester. La vitesse est
en général à peu près la même d'une année à l'autre,
variant de 2 m. 50 s. à 2 m. 44 s. ; en 4879, le temps
employé fut de 3 m. 2 s., ce qui est très long; la vitesse
de Kettledrun (4864) qui fit le parcours en 2 m. 43 s.
n'a pas été dépassée. Ces vitesses sont très inférieures à
celles qui ont été constatées en France pour le prix du
Jockey Club couru à la même époque et sur la même dis-
tance; de 4878 à 4890, une seule fois (en 4887) le temps
employé a dépassé 2 m, 43 s.
Deux fois seulement le Derby a été gagné par des pou-
liches et toutes deux ont gagné les Oaks : Eleanor (4804)
et Blink Bonny (1 857) ; cette dernière fut battue dans le
Saint-Léger par Impérieuse qui l'avait déjà battue dans les
Mille Guinées. Pour nous en tenir aux poulains, onze
seulement ont gagné les Deux Mille Guinées et le Derby,
courus à un mois de distance; Smolensko(4843), Cadland
(1828),Bay Middleton (4836),Cotherstone (1840), West
Australian (4853), Macaroni (1863), Gladiateur (4865),
Lord Lyon (1866), Pretender (4869), Ormonde (4886) et
Ayrshire (4888). De ceux-ci, quatre seulement ont pu
gagner ensuite le Saint-Léger, couru quatre mois après le
Derby : West Austrahan, Gladiateur, Lord Lyon et Or-
monde ; ces chiffres prouvent combien la forme des che-
vaux est peu durable, et comme il est rare d'en trouver
dont la supériorité soit indiscutable même dans leur année.
Transformation des courses. — A l'époque où furent
créées les grandes épreuves dont nous venons de parler,
les courses anglaises subirent une transformation complète.
L'origine en fut l'abaissement de l'âge auquel on amena le
cheval sur l'hippodrome ; au lieu d'attendre qu'il eût para-
chevé son développement physique, on le soumit à l'en-
traînement pendant sa période de croissance, ce qui permit
de l'améliorer plus complètement, et on plaça les épreuves
destinées à révéler les meilleurs chevaux au moment où
le cheval a pris trois ans, c.-à-d. dans sa quatrième
année. Le résultat fut excellent au point de vue du but
poursuivi, le perfectionnement de la race chevaline, puis-
qu'il permit de livrer au haras les reproducteurs d'élite
plusieurs années plus tôt et de les utiliser ainsi plus com-
plètement. L'abaissement de l'âge conduisit à diminuer les
fatigues imposées aux chevaux de course, pour éviter
d'épuiser les jeunes chevaux; on diminua sensiblement de
20 à 30 kilogr. le poids porté ; on diminua la longueur
des épreuves ; aux anciennes courses de 6,400 m. en partie
liée où chaque concurrent faisait 49 kil., on substitua des
courses de 2 milles (3,200 m.), de 4 mille (4,600 m.);
celles-ci devinrent bientôt les plus fréquentes ; malgré les
résistances, on alla de plus en plus loin dans cette voie,
prisant de plus en plus la vitesse ; les épreuves classiques
imposées aux chevaux de trois ans furent de 4,600 m. au
début de l'année, de 2,400 au milieu, de 2,900 à la fin;
c.-à-d. un mille, un mille et demi et un mille trois quarts
environ ; pour les chevaux plus âgés furent conservés les
principaux « plates » ou « coupes » ; mais au xix® siècle
la distance a été diminuée dans ces épreuves comme dans
les autres; PAlexandra Plate, de 4,800 m., est une excep-
tion. On admit que le cheval qui gagnait sur 3,200 m,
gagnerait aussi bien sur 6,400 m., ce qui n'est exact
qu'en général, mais est démenti par de nombreuses excep-
tions. Le résuhat de ce mouvement, dont le plus ardent
promoteur fut l'amiral Rous, a été de sacrifier la tenue du
cheval à sa vitesse; toutefois, on trouve encore bien des
chevaux réunissant les deux qualités, et les courses de
2,800 m. et plus sont suffisamment nombreuses en Angle-
terre pour rémunérer largement les chevaux de fonds. Il est
juste de constater que les chevaux actuels courent beaucoup
plus souvent que les anciens ; ceux-ci disputaient rarement
plus de quatre ou cinq courses par année ; même pour les
sujets d'élite le chiffre a doublé ou triplé. Ces épreuves
multipliées où les chevaux plus nombreux se mesurent un
grand nombre de fois, fournissent à toutes les supériorités
l'occasion de s'affirmer, et la fatigue imposée par l'entraî-
nement actuel et ces courses incessantes à nos chevaux est
certainement plus grande que celle qu'on leur imposait
jadis dans les longues courses du xviii^ siècle.
Celles-ci ne seraient plus qu'un souvenir si, par une
exception curieuse, l'esprit conservateur des Anglais ^n'en
avait conservé un échantillon. Le whip ou cravache
d'honneur du Jockey Club se dispute sur une distance de
4 milles dite Beacon Course avec un poids de 40 stones.
C'est une lourde cravache avec un manche d'argent sur
lequel les armes royales sont gravées ; le cordon du poignet
et la lanière sont faits de la crinière d'Eclipsé ; cette cra-
vache, offerte par Charles II, fondateur des courses de
Newmarket, se transmet d'un propriétaire à l'autre ; une
fois par an le détenteur est tenu d'accepter un défi (enjeu
5,000 fr.) et de produire un cheval qui défende sa chance
sur le Beacon Course ; souvent le whip reste de longues
années dans les mêmes mains, d'autres fois il change
d'année en année ; le plus souvent, la course n'a pas lieu,
la supériorité d'un des champions la rendant inutile.
A la fin du xviii® siècle et au commencement du xix®,
eurent lieu deux innovations considérables : les courses des
chevaux de deux ans et les handicaps. Les courses pour
chevaux de deux ans furent instituées très peu de temps
après les courses pour chevaux de trois ans et d'après la
même règle ; poids égal imposé aux concurrents, sauf une
décharge pour les pouliches. La première grande course
de deux ans fut établie à Newmarket en 4786, les July
Stakes ; puis vinrent à Epsom les Woodcote Stakes (1807) ;
les Champagne Stakes (1823) à Doncaster; les Criterion
Stakes à Newmarket, à l'Houghton iVleeting (1829); les
Chesterfield Stakes (1834) au meeting de juillet; les New
Stakes (1843) à Ascot; puis le Middle Park Plate (1866),
sorte de Derby de deux ans au second meeting d'octobre
de Newmarket; le Dewhurst Plate (1875), à l'Houghton
Meeting; les Richmond Stakes (1877), àGoodwood; enfin
plus récemment les épreuves plus lucratives de Manchester,
de Kempton Park, etc., le Whitsuntide Plate, les Portland
Stakes, etc.
Les handicaps sont des courses où les poids sont gradués
selon le mérite supposé des concurrents. A l'origine, ne
couraient guère que des chevaux de cinq ou six ans au
moins; on leur imposait à tous le même poids; lorsque
parurent des chevaux de quatre ans ils eurent de ce chef
un désavantage sensible ; mais quand vinrent ceux de trois
ans, il fallut équilibrer les chances en proportionnant les
poids aux forces, c.-à-d. à l'âge des chevaux. On créa alors
des épreuves au poids pour âge, spécifiant des différences
de poids pour les chevaux de chaque génération. Après
quelques tâtonnements, on arriva à des règles précises que
résume fort bien le tableau dressé par l'amiral Rous.
(V. ci-dessous après le règlement des courses en France.)
Mais bientôt on constata que lorsqu'un cheval d'une supé-
riorité reconnue se présentait-, les autres déclinaient la
lutte, au grand détriment du plaisir des turfistes. Pour
ménager celui-ci et ne pas trop maltraiter les chevaux
de second ordre, on imagina d'imposer des surcharges aux
chevaux vainqueurs de grandes courses ou gagnants d'une
f ort^somme de prix ; de décharger ceux qui n'avaient
obtenu aucun succès ou trop peu gagné. On en vint enfin
à substituer à ce système relativement imparfait l'appré-
ciation d'un homme du métier : on créa des courses oii les
poids étaient gradués de manière à équilibrer les chances
entre les chevaux, de telle sorte que le meilleur fût assez
surchargé pour que le plus mauvais pût lutter sans désa-
vantage contre lui. Un des membres de la société de
courses est chargé de ce rôle difficile de handicapeur; il
fixe arbitrairement les poids. Sa tâche est très compliquée,
parce que ces courses, qui ressemblent davantage à des
loteries, piquent la curiosité ; ce sont, avec les deux ou trois
grandes poules, celles qui attirent le plus l'attention des
parieurs, donnent lieu au « betting » le plus mouvementé.
Il en résulte que les écuries cherchent à s'assurer un avan-
tage en cachant le mérite d'un cheval, en le faisant courir
encore mal préparé, de manière à lui procurer, un poids
favorable qui lui permet de vaincre aisément. Les handi-
caps ont donc un double inconvénient : ils favorisent et
provoquent des fraudes ; ils font maintenir à l'entraîne-
ment des chevaux très médiocres. Ils ont l'avantage de
fournir aux écuries malheureuses une occasion de couvrir
leurs frais ; la tendance, légitime d'ailleurs, du handicapeur
est de les favoriser un peu. — On n'admet pas dans les
handicaps des chevaux de moins de trois ans (bien qu'il y
ait quelques handicaps entre chevaux de deux ans) ; à
présent le poids le plus faible est de S stones 7 livres
(35 kilogr.); jadis il a été abaissé jusqu'à 4 stones
(26 kilogr. 4/2), poids porté par Red Deer qui enleva la
coupe de Chester en 1844. On tend à le relever jusqu'à
7 stones (44 kilogr. 4/2), afin d'écarter les chevaux
« ficelle » sans résistance et de donner l'avantage aux
jockeys plus vigoureux (V. ci-dessous le § Jockey) .
Les courses anglaises au xix® siècle. — Les courses
anglaises ont continué de progresser au xix® siècle appli-
quant les règles adoptées à la fin du xviii® ; elles du-
rent beaucoup à la protection du prince de Galles, fils de
George III, celui qui régna sous le nom de George IV.
Il avait la passion des courses, entretenant une belle écu-
rie. En 4792, il se produisit, à son occasion, un incident
mémorable. Escape par Highflyer, cheval du prince de
Galles, était favori; il fut battu; le lendemain, il gagna à
grosse cote : indignation générale ; on avait beaucoup parié ;
on savait le prince gêné ; le Jockey Club s'assembla et ex-
clut le prince des courses de Newmarket. Exaspéré, celui-ci
vendit son écurie, puis la reforma et organisa de nouvelles
courses pour faire concurrence à celles de Newmarket,
celles d'Ascot; en outre, il favorisa celles de Brighton,
Lewes, Bibury. En 4805, le Jochey-Club lui fit des excuses
et le pria d'honorer Newmarket de sa présence, ce qu'il
ne fit que plus tard. Son règne fut l'âge d'or des courses.
Guillaume IV aussi les protégea, surtout celles d'Ascot;
puis Victoria et le prince Albert qui assistèrent plusieurs
fois à celles d'Epsom et d'Ascot. Depuis, le gouvernement
s'en est à peu près désintéressé, mais ce sport est devenu
populaire; les habitants des grandes villes s'y intéressent,
créant ou développant les hippodromes situés dans leur
voisinage; les autres, plus éloignés, déclinent. Tels York,
Goodwood et même Ascot.
Nous indiquerons rapidement l'origine des principales
réunions. Celle à' Ascot, tenue sur la colline d'Ascot, aux
limites du parc de Windsor, remonte au duc de Cumber-
land, oncle de George III ; les premières courses y furent
courues en 4727, mais aucune importante avant 4785. En
4807 fut créée la Coupe d'or qui, de 4845 à 4853, fut
offerte par le tsar et dénommée Emperor's Prize ; le Vase
d'or est donné par la reine depuis 4838, le Royal Hunt
Cup, depuis 1843; en 4865, fut établie une grande course
pour chevaux de quatre-ans, l'Alexandra Plate, dénommée
en l'honneur de la princesse de Galles. Les courses de
Goodwood furent instituées en 4802 par le duc de Rich-
mond au N. de son parc, près de Petworth, dans un très
455 — COURSE
beau site, à 5 milles de Chichestér, entre des collines boisées
et la mer où émerge l'île de Wight. Elles ont lieu à la fin
de juillet ; le prix principal est la Coupe de Goodwood, donnée
depuis 4802, sauf une interruption en 1845 et de 1817 à
1824. Voici la date de l'institution des autres grandes courses
anglaises: à Newmarket, les Handicaps du Cesarewitch
(300 souverains offerts par le fils du tsar) et du Cambridge-
shire, en 1839; à Ascot, les Ascot Stakes, en 1839; à
Goodwood, les Goodwood Stakes, en 1823, les Steward's
et Chesterfield Cup, en 1840; à Epsom, le City and Subur-
ban, en 1 851 ; le Chester Cup, les Brighton Stakes, en 1 824;
la première des quatre Coupes de Liverpool,en 1828 ; le
Northumberland Plate, en 1833; ManchesterCup, enl834;
Great Ebor Handicap d'York, en 1843; le Handicap de Lin-
coln, en 1853. — Dans les dernières années, les grandes
villes de Londres, de Manchester et de Liverpool ont vu
leurs hippodromes prospérer, créer des prix d'une valeur
nominale énorme, 150,000 à 300,000 fr., Portland Stakes,
Lancashire Plate, Royal Stakes, Eclipse Stakes, etc. Les
anciens champs de course, si florissants au début de ce
siècle, ont pâti de leur concurrence. Ces hippodromes ur-
bains, en effet, peuvent non seulement créer des prix dont
la valeur nominale est énorme parce qu'ils attirent une
foule de souscripteurs dont les engagements payent le prix,
mais ils peuvent, grâce aux entrées perçues sur le public,
doter richement des épreuves; c'est ainsi que le Manchester
Cup de 1880, comportant un prix de 50,000 fr. plus les
entrées, fut le prix le plus considérable offert en Angleterre
depuis l'origine des courses. Les chiffres suivants donne-
ront une idée du développement des courses en Angleterre
du milieu du xviii^ au miHeu du xix® siècle :
Nombre de
Valeur chevaux
(en liv. st.) ayant couru
61.440 374
460.634 504
409.400 527
418.520 532
71.180 536
140.960 821
127.050 988
177.040 1.239
182.910 1.269
Hippodromes Prix
1762.... 76 261
1772.... 100 494
1782.... 88 580
1792.... 81 641
1802.... 83 537
1812.... 97 834
1822.... 106 883
1832.... 117 4.482
4842.... 444 4.446
En 4854, il y eut 4,613 courses disputées par 1,851 che-
vaux. En 1879, il y eut 1,626 courses disputées entre
2,113 chevaux; ces totaux se subdivisent comme suit :
2 courses de 4 milles; 10 de 3 milles et plus; 59 de
2 milles et plus; le reste de moins de 3,000 m. Il n'y a pas
de course de moins de cinq furlongs (1,000 m.). 844 che-
vaux de deux ans; 633 de trois ans; 314 de quatre ans ;
322 de cinq ans et plus. La valeur totale des prix était
de 380,699 livres (environ neuf miUions et demi).
On voit qu'après avoir subi la crise qui faiUit ruiner
l'Angleterre dans ses guerres contre la France, l'institution
des courses a prospéré rapidement depuis. Dans les vingt
dernières années (1870-1890), les progrès ont été encore
plus rapides ; le nombre des prix est plus que double de
celui offert en 1842, leur valeur est presque triple; plus
de dix millions de francs sont répartis chaque année entre
les gagnants. Il est juste de dire que ce sont les proprié-
taires qui en font les frais; les prix monstres multipliés
dans les dernières années sont en grande partie un trompe-
l'œil : ce sont des prix par souscription ; tout ou presque
tout est fourni par les entrées et forfaits des chevaux en-
gagés. Il y a là une différence considérable avec ce qui se
passe en France où dans tous les prix, sauf quelques poules
des produits, l'allocation nominale du prix offerte par la
société de courses est bien supérieure à la fraction qu'y
ajoutent les souscripteurs qui engagent des chevaux. On
s'explique cette différence si on remarque qu'en Angleterre
les courses restent un sport aristocratique, mettant aux
prises les champions des plus riches ducs anglais, tandis
qu'en France le but poursuivi est d'encourager l'élevage ;
COURSE
— 156
aussi les courses anglaises sont-elles ouvertes à tous, tandis
que la plupart des prix offerts en France sont réservés à
l'élevage national. Au milieu du siècle, il était encore rare
qu'un propriétaire remportât pour plus de 500,000 fr. de
prix en une année. Dans les dernières années, ces chiffres
ont été singulièrement dépassés. En 1889, grâce aux
succès de Donovan et d'Ayrshire, le duc de Portland a
gagné environ deux millions de prix. — La plus forte
somme gagnée par un seul cheval en une année était, jus-
qu'à ces dernières années, celle gagnée par Gladiateur en
1865, quand il avait trois ans : 18,681 livres; Lord Lyon,
en 1866, n'avait gagné que 18,025 livres; ces chiffres ont
été de beaucoup dépassés par Donovan ; dans sa deuxième
année, il a gagné près de 500,000 fr., dans la troisième
plus d'un million, tandis que son compagnon d'écurie,
Ayrshire, âgé de quatre ans, en gagnait plus de 500,000.
Malgré ces gains considérables, il est rare qu'un pro-
priétaire de chevaux de course fasse ses frais, ce qui se
comprend puisque les entrées payées par lui forment la
presque totalité des prix. Il tire un bénéfice plus certain
du prix de saillie demandé pour ses étalons. Celui-ci qui
n'était il y a cent ans que de 5 à 25 guinées, exceptionnel-
lement de 50, s'est élevé dans le courant de ce siècle; le
prix de 50 livres (1,250 fr.) est devenu fréquent; depuis
quelques années l'accroissement a été énorme et pour la
saillie des deux étalons les plus demandés, Hermit et Galo-
pin, on demandait, en 1890, 250 livres, soit 6,250 fr.
Les principales écuries ont leur centre à Newmarket ;
celles du Nord, groupées autour d'York, sont bien moins
considérables; elles n'ont pas triomphé dans le Derby
depuis 1869; celles d'Irlande n'ont en courses plates
qu'une importance secondaire.
Les courses anglaises contemporaines. — Nous com-
pléterons cette analyse par un exposé sommaire des prin-
cipales courses anglaises, telles qu'elles se succèdent sur
le calendrier. La saison des courses plates commence vers
le 20 mars par la réunion de Lincoln où les principales
courses sont le Batthyany Stakes (handicap, 1,000 m.,
15,000 fr.), le Brockfes by Stakes où débutent les chevaux
de deux ans (1,000 m., 12,500 fr.), le Lincolnshire
Handicap (1,600 m., 25,000 fr.), le premier grand han-
dicap de l'année et l'un de ceux qui donnent lieu au plus
grand chiff're d'affaires ; il a été gagné deux fois par des
chevaux de trois ans portant 3-) kilogr. ; le plus gros poids
porté par un gagnant l'a été en 1890 par The Rejected
(56 kilogr.). — Vient ensuite la réunion de Liverpool
surtout consacrée aux steeple-chases, mais où figurent
quelques belles courses plates : Union Jack Stakes (1 ,600 m.,
25,000 fr.), Moiyneux Stakes (1,000 m., 20,000 fr.),
Liverpool Spring Cup (2,200 m., 20,000 fr.). — La réu-
nion de Northampton est secondaire ; on y dispute l'Earl
Spencer's Plate (1,000 m.) et le Northamptonshire Stakes
(2,800 m.). — A celle de Leicester, au début d'avril,
on a placé l'Excelsior Breeder's Foal Stakes (1,000 m.,
25,000 fr.), le Leicester Spring Handicap (1,600 m.,
15,000 fr.), et surtout le Prince of Wales Stakes, h
première des grandes épreuves des chevaux de trois ans,
disputée sur 1,600 m.; en 1889 son allocation se montait
à 300,000 fr. — Au milieu d'avril se place la première
réunion de Newmarket, le Craven Meeting où se courent
le Crawfurd Plate (1,200 m., 15,000 fr.), le Fitzwilliam
Plate (1,000 m., 20,000 fr.), le Babraham Plate (handi-
cap, 1,800 m., 12,500 fr.), le Craven Stakes (1,600 m.,
12,500 fr.). — A Derby, les grandes courses sont le Sud-
bury Stakes (1,000 m., 20,000 fr. environ), le Wclbeck
Handicap (1,000 m., 20,000 fr.). — Après les courses de
Nottingham arrive le meeting d'Epsom, signalé par le Holm-
way Plate (deux ans, 1,000 m., 12,500 fr.), le Great
Surrey Handicap (1,000 m.), le Great Metropolitan Stakes
Handicap (3,600 m., 12,500 fr.), le Hyde Park Plate
(1,000 m., 12,500 fr.) et surtout le grand handicap dé-
nommé City and Suburban (2,200 m., 25,000 fr.).— ■
A la fin d'avril a lieu le second meeting de Newmarket
dénommé First Spring Meeting, où se courent les grandes
épreuves classiques des Deux Mille et des Mille Guinées :
Two Tfiousand Guineas Stakes, pour chevaux de trois ans
à poids égal, et deux jours après, sur la même distance de
1,600 m., One Tliousand Guineas Stakes. — A la suite
ont Heu, au commencement de mai, la réunion de Chester
avec le Chester Cup (3,600 m., 17,500 fr.) et le Dee
Stakes (2,400 m., 10,000 fr.), et celle de Kempton Park
avec son handicap de 75,000 fr., Kempton Park Jubilee
Stakes (1,000 m.); en 1889, on y disputa le Royal
Stakes de 250,000 fr. (sur 2,000 m.); en 1890, un prix
de 75,000 fr. pour chevaux de deux ans (1,000 m.). —
Après les meetings de Bath, York, Doncaster, etc., on re-
vient à Newmarket où se courent le Newmarket Stakes pour
chevaux de trois ans (2,000 m., 150,000 fr.) et le Bed-
ford Plate pour chevaux de deux ans (1 ,000 m., 20,000 fr.).
— Une course pour chevaux de deux ans, le May Plate (1 ,000
m., 25,000 fr.) est la principale du meeting de Windsor. —
A Manchester, on court le Salfordboroug Handicap (1 ,600 m.,
25,000 fr.), le Breeder'sFoal Stakes (deux ans, 1,000 m.,
45,000 fr.), la Coupe de Manchester {Ma^ichester Cup)
de 50,000 fr. sur 2,800 m., enfin le Whitsuntide Plate,
grandecourse de chevaux dedeuxans(1 ,000m. ,92, 500 fr.).
A la fin de mai, parfois au début de juin, commence la
grande semaine d'Epsom où le Berby est couru le mercredi,
les Oaks le vendredi ; les autres courses notables sont le
Woodcote Stakes (deux ans, 1,000 m., 25,000 fr.), le
Grand Prix d'Epsom (2,000 m., 25,000 fr.), une poule
de chevaux de deux ans (Breeder's Foal Stakes, 1,000 m.,
25,000 fr.). — Après la réunion de Sandown Park, mar-
quée par l'Electric Stakes (1,000 m., 50,000 fr.), et la
semaine du Grand Prix de Paris, commence la semaine
d'Ascot où sont placées les plus intéressantes épreuves à
longue distance pour chevaux de trois ans et plus. Le pro-
gramme comprend le Prince of Wales Stakes (2,600 m.,
25,000 fr.), l'Ascot Stakes (3,200 m., 12,500 fr.), le
Vase d'or (3,200 m.), le Royal Hunt Cup (1,600 m.,
12,500 fr.), l'Ascot Derby Stakes (2,400m., 12,500 fr.),
le Bons Mémorial Stakes de 1,600 m. (25,000 fr.), la
Coupe d'or (4,000 m., 25,000 fr.), les New Stakes pour
chevaux de deux ans (1,000 m., 25,000 fr.), VAlexan-
dra Plate (4,800 m., 25,000 fr.), les Hardwicke Stakes
(2,400 m., 50,000 fr.). Ces épreuves mettent en présence,
dans des conditions diverses, les chevaux de trois ans et
leurs aînés et terminent le classement entre eux. — Les
courses d'été se continuent ensuite à Newcastle par le
Derbij du Nord (2,400 m., 37,500 fr.), le Seaton Déla-
vai Plate (1,000 m., 30,000 fr.), le Northumberland
Plate (3,200 m., 25,000 fr.); à Windsor, par le Roval
Plate (1,000 m., 32,500 fr.). En juillet, on dispute à New-
market les July Stakes (deux ans, 1,200 m.), un handicap
de 25,000 fr. sur 1,600 m., le Midsummer Plate (1 ,400 m.,
25,000 fr.), plusieurs courses entre chevaux de deux ans;
à Kempton Park une grande course de deux ans (1 ,000 m.),
et les prix de la Princesse et du Prince de Galles; en 1890,
cette dernière épreuve, courue sur 1,700 m., valaîtunprix
de 212,500 fr. ; à Sandown Park se court, sur 2,000 m.,
V Eclipse Stakes, poule dont le montant s'élève à 250 ,000 fr . ,
et qui est disputée au poids pour âge avec surcharge; fon-
dée il y a cinq années, elle ne se court pas tous les ans.
Ceci est d'ailleurs le cas pour plusieurs de ces prix énormes,
car il arrive souvent que le montant des souscriptions
n'est pas suffisant pour réahser le chiffre total stipulé au
programme. — A Leicester, les chevaux de deux ans trou-
vent un prix de 150,000 fr. , le Portland Stakes (1 ,000 m.)
jadis placé à l'ouverture de la saison, sans parler du
Knighlon Plate (1,000 m., 15,000 fr.); aux autres che-
vaux est off'ertun handicap (1,600 m., 20,000 fr.). — A
Liverpool on trouve la Coupe de Liverpool, handicap de
2,200 m, et 30,000 fr., les Mersey Stakes (1,100 m.,
17,000 fr.). — A la fin du mois de juillet commence la
réunion de Goodwood, dans le parc du duc de Richmond ;
ce meeting aristocratique correspond à celui de Deauville
d5t
COURSE
en France ; les principales courses sont les suivantes :
Stewards Cup (4,200 m.), Goodwood Stakes (handicap,
4^000 m.), Sussex Stakes (1,600 m.), la Coupe de Good-
woody Chesterfield Cup; les hippodromes des villes de
bains de mer donnent quelques courses (Brighton, Lewes),
puis au mois d'août nous retrouvons à Kempton Park des
poules de 20,000 et 40,000 fr. disputées sur 4,000 m. Les
épreuves les plus intéressantes ont lieu au nord de l'Angle-
terre, à Stockton, à York, à Derbv. A York, Great Ebor Han-
dicap (2,400 m., 25,000 fr.), Gimcrack Stakes (4,200m.);
à Derby, Peveril of the Peak Plate (4,600 m.). Champion
Breeders Foal Stakes (4,000 m.), Breeders Saint-Léger
Stakes (4,600m.), DevonshireNursery Handicap (4 ,000 m.),
Hartington Handicap (4,000 m.), prix valant en moyenne
25,000 fr.
En septembre reprennent les grandes courses classiques.
Au meeting de Doncaster prennent place le Great Yorkshire
Handicap Plate (2,800 m., 25,000 fr.), les Champagne
Stakes (4,050 m., 42,500 fr. ajoutés à une poule de 750 fr.
chaque), le Prince of Wales Nursery Plate (4,400 m.,
25,000 fr.) et surtout le Saint-Léger^ dont nous avons
déjà parlé. — Ensuite a lieu le meetmg de Leicester, puis
celui de Manchester avec son Lança ster Nursery Handicap
(4,200m., 25,000 fr.), les Breeder'sFoalStakes(4,000m.,
45,000 fr.) et surtout le Lancashire Plate (4,400 m.,
275,000 fr.), épreuve capitale qui met aux prises les
chevaux de deux ans, de trois ans et plus ; c'est la plus
richement dotée des courses régulières. — A la fin de sep-
tembre commence le Newmarket October Meeting compre-
nant : Great Foal Stakes (2,000 m., 47,500 fr.), leGreat
Eastern Railway Handicap (2,800 m., 25,000 fr.); pour
les deux ans,Rous Mémorial Stakes (4,000 m., 45,000 fr.).
Après un meeting de Kempton Park signalé par un grand
prix offert aux chevaux de deux ans, Great Breeders Pro-
duce Stakes (4,000 m., 425,000 fr.) et le Champion Nur-
sery Handicap (4,400 m., 25,000 fr.), a lieu le second
October Meeting de Newmarket dont les courses principales
sont le Middle Park Plate^ qu'on a appelé le Derby des
chevaux de deux ans (1 ,200 m., 4 2, 500 fr., plus une poule,
en tout près de 400,000 fr.); le Cesarewitch Stakes, le
premier des grands handicaps d'automne (3,600 m.,
42,500 fr., plus les entrées), une course de chevaux de
deux ans, Piendergast Stakes (4,200 m.). Une réunion
à Sandown Park (Sapling Plate de 4,200 m. etHeersham
Stakes de 4,200 m.) sépare ce meeting du troisième de
Newmarket, appelé Houghton Meeting, dans lequel prennent
place les épreuves suivantes : Criterion Stakes (4,000m.)
et Dewhurst Plate (4,400 m.) pour chevaux de deux ans,
Cambridgeshire 5^(2te(4,800m., 42,500 fr.), le second
grand handicap d'automne, Allaged Stakes (4,200 m.) et
un « Plate » de 3,200 m. (25,000 fr.). — Nous voici au
terme de l'année sportive. Les dernières réunions d'automne
importantes sont tenues à Lincoln (fin octobre), Liver-
pool (novembre). Derby et Manchester. A Liverpool sont dis-
putées quelques courses de deux ans, le Saint-Léger de
Liverpool (2,000 m., 47,500 fr.), le Stewards Cup, le
Liverpool Autumn Cup (2,200 m., 25,000 fr.); à Derby,
Chesterfield Nursery Stakes (4,000 m., 25,000 fr.);Do-
veridge Stakes (4,200 m., 20,000 fr. environ) ; à Man-
chester, Liverpool Handicap (4,600 m., 42,500 fr.) et
Manchester November Handicap (2,800 m., 25,000 fr.).
Cette course, disputée vers" le 20 nov., est la dernière im-
portante et clôt la saison des courses plates. Les quatre
mois qui s'écoulent jusqu'à la réouverture de ces hippo-
**dromes sont consacrés aux courses d'obstacles, lesquelles
commencent dès le début de novembre à Liverpool et se
prolongent jusqu'à la fin d'avril. Nous y reviendrons. Pour
le moment, nous ferons quelques remarques au sujet delà
liste des grandes courses plates que nous venons de donner.
Les chiffres des allocations sont en général ceux de 4890; ils
subissent naturellement d'année en année quelques modifica-
tions ; celles-ci portent même, mais dans une faible mesure,
3ar l'ordre des réunions et les conditions des épreuves.
Ce programme étant donné, voyons quelle est en Angle-
terre la carrière offerte à un cheval de courses. A deux ans,
il se présente dès le mois de mars ou d'avril, s'il est en
retard, dans la saison d'été, trouvant des épreuves de tout
ordre depuis le Maiden Plate réservé aux débutants jus-
qu'à ces grandes poules d'une valeur de 450,000 fr. comme
celle des Portland Stakes ; un grand nombre de prix de plus
de 20,000 fr. mettent en présence les meilleurs performers
de la nouvelle génération ; le classement s'achève par la
course de Middle Park Plate, après laquelle le Dewhurst
Plate, dont le parcours est un peu plus long, met en lumière
les qualités de tenue. Après l'hiver, quand arrive la troi-
sième année, celle dans laquelle on juge complètement les
chevaux, ceux-ci trouvent une série de grands prix d'une
valeur de 400,000 à 200,000 fr. , échelonnés dans les mois
d'avril et de mai jusqu'au Derby. Cette course capitale, la
plus glorieuse de beaucoup, a perdu de son importance
depuis qu'une série d'autres, aussi richement dotées pour
le moins, la précèdent ; elle ne fixe plus le classement des
chevaux qui est fait auparavant ; toutefois, le favori n'y est
pas plus heureux que jadis et des surprises y sont fré-
quentes. La saison d'été offre un grand nombre de prix
aux chevaux dont la vitesse est la quahté maîtresse, comme
à ceux qui brillent par la tenue. En automne, le Saint-Léger
met aux prises poulains et pouliches dans une saison plus
favorable à celles-ci, et fournit une occasion d'en appeler
des résultats du Derby, lesquels ont souvent été démentis
dès le mois de juin. Ce grand nombre d'épreuves classi-
ques, parmi lesquelles les Deux Mille et Mille Guinées, le
Derby et les Oaks, le Saint-Léger, conservent leur prestige,
est un trait caractéristique des courses anglaises. Il est
bien rare que, même dans sa troisième année, un cheval
maintienne sa supériorité du printemps à l'automne ; à cet
égard, les Anglais ont des critériums bien plus exacts du
mérite respectif de leurs chevaux que les Français, chez
lesquels trop souvent la lutte se concentre dans les six
semaines qui précèdent le Grand Prix de Paris dont le vain-
queur s'expose rarement à une défaite et se tient au moins
sur la réserve dans sa troisième année. Après celle-ci, en
Angleterre comme en France, bon nombre de chevaux sont
envoyés au haras ; beaucoup courent encore dans leur
quatrième année, soit des épreuves à longue distance qui
leur sont à peu près réservées, soit d'autres plus courtes où
ils se mesurent contre la génération suivante. Dès cette
année et surtout dans les suivantes, s'ils restent à l'en-
traînement, ils sont engagés dans les handicaps, lesquels
se courent le plus souvent sur 4,600m., fréquemment sur
2,800 ou plus. Ces grands handicaps, de Lincoln, du City
and Suburban, du Cesarewitch, du Cambridgeshire, de
Manchester, sont, en raison même de l'incertitude de leur
résultat, les courses qui donnent heu au plus grand mou-
vement de paris, avec le Derby et le Saint-Léger. Les plus
importants sont ceux de Newmarket, Cesarewitch et Cam-
bridgeshire, qui ont été souvent remportés par des écuries
françaises ; les deux derniers chevaux qui ont réussi le
« double event, » en les gagnant l'un après l'autre, étaient
deux chevaux de trois ans, l'américain Foxhall et la jument
française Plaisanterie ; on ne cite que deux ou trois autres
cas analogues. — Ainsi qu'on a pu le remarquer, la très
grande majorité des courses anglaises sont des épreuves de
4,000 à 4,600 m. ; il y a des journées où aucune des six
ou huit courses n'excède la distance de 4,600 m. ; si l'on
excepte les « plates » d'ancienne fondation, la chose sera
encore bien plus frappante. Nous avons indiqué les causes
de cette situation contre laquelle on commence à réagir.
Il est juste de dire que le nombre des beaux prix disputés
sur 3,000 m. ou plus est encore considérable; toutefois, le
train (c.-à-d. la vitesse initiale) est généralement assez
lent et beaucoup de ces courses se réduisent à un déboulé
de 4,000 m. dans lequel la vitesse seule des chevaux leur
assure l'avantage. Bien que ces conditions rapprochent
beaucoup les épreuves proposées aux chevaux dans leur
i seconde, leur troisième et leur quatrième année, les résul-
COURSE
im
tats sont loin de se reproduire dans les rencontres succes-
sives, même entre les chevaux de tête ; les interversions de
forme sont constantes ; ainsi, dans la génération de 4885,
à l'âge de deux ans, Friars Balsam fit preuve d'une supé-
riorité écrasante ; à trois ans il subit une déchéance com-
plète ; Ayi%hire, vainqueur des Deux Mille Guinées et du
Derby, fut nettement inférieur à la pouHche Seabreeze qui,
après avoir gagné les Oaks, le battit dans le Saint-Léger et
le Lancashire Plate; mais, à l'âge de quatre ans, Ayrshire
prit l'avantage et parut imbattable. Les chevaux qui n'ont
pas été battus sont en général ceux qui ont peu couru,
comme Ormonde ; le mérite d'autres comme Donovan, resté
sur la brèche pendant deux saisons entières, est peut-être
plus grand, malgré trois échecs (il a gagné 46 courses sur
49 en dix-huit mois) dus à une surcharge écrasante pour
un poulain de deux ans et à des défaillances momentanées.
L'entraînement. — La science de l'entraînement a fait,
depuis l'origine des courses, de très grands progrès ; on est
arrivé à préparer pour les courses, non plus des chevaux
de cinq et six ans, complètement formés, mais des pou-
lains de trois, puis de deux ans, et ceci sans nuire à leur
développement, au contraire. Jadis l'entraînement se fai-
sait en un mois, à l'aide de sirops, de juleps, de blancs
d'œufs délayés dans du vin, de frictions d'eau-de-vie ;
aujourd'hui, il dure près d'une année, au moins six mois
avant que le cheval soit à point ; il comporte une disci-
pline sévère, un régime de nourriture et d'exercices savam-
ment combiné et gradué jour par jour. Le poulain d'un an ou
yearling est envoyé de la prairie voisine de son haras
chez l'entraîneur à la fin de l'année ; il est procédé au
dressage, souvent trop brutal, au point de gâter le carac-
tère de l'animal, puis, lorsqu'on l'a assoupli et pHé à
l'obéissance, commence l'entraînement proprement dit ; le
cheval est nourri d'une manière fortifiante, mais avec
méthode, et exercé ; le but poursuivi est de fortifier ses
muscles, particulièrement ceux des jambes, de le débar-
rasser de tout poids, de toute graisse inutile, de le réduire
à la charpente et aux muscles. On y parvient surtout par
des suées qu'on lui donne en le faisant galoper puis en le
couvrant très chaudement ; on donne à certains chevaux
jusqu'à trois suées par semaine, à d'autres seulement une
par quinzaine, quelquefois pas du tout. De temps en temps
on le purge (avec de Faloès). Tandis qu'ils suivent ce
régime, on les exerce sur des distances de plus en plus
grandes et sous des poids variés. Le grand travail est de
mettre un cheval à point sans dépasser le but en l'épuisant
ou l'énervant, surtout sans claquer les tendons et muscles
de ses jambes, accident presque irrémédiable qui diminue
énormément sa valeur. A cet égard, il est capital de le
faire galoper sur un bon terram, résistant et élastique,
une pelouse de préférence. Nulle part on ne trouve de con-
ditions aussi favorables qu'à Newmarket qui est le centre de
l'entraînement anglais ; les qualités de ce terrain sont pour
beaucoup dans la supériorité encore maintenant évi-
dente de l'entraînement anglais. En France, le centre prin-
cipal d'entraînement est Chantilly et les localités des envi-
rons (La Morlaye, etc.), où des entraîneurs anglais prépa-
rent les meilleurs chevaux de courses. Là, ce sont des
routes à travers bois, plus ou moins sablées ou recouvertes
de feuilles, qui servent de lieu d'exercice aux chevaux. Une
des préoccupations capitales des entraîneurs est de se
rendre compte du mérite de leurs pensionnaires pour les
engager en connaissance de cause et, si possible, faire des
paris avantageux dans des courses oîi ils leur savent une
chance ignorée. On procède d'abord à des essais pour
débarrasser l'écurie des chevaux de qualité trop inférieure
qui l'encombrent inutilement, afin de réserver tous les
soins pour les meilleurs sujets, chose d'autant plus utile
que presque chaque cheval doit être surveillé à part et
traité selon son tempérament individuel. Dans ces pre-
miers essais, on peut se tromper ; le propriétaire peut être
trompé par son entraîneur qui lui conseille de réformer un
bon cheval qu'il fera racheter. Parmi les poulains conservés,
quelques-uns succombent aux fatigues de Tentraînement ;
on essaye les autres pour les classer; ces essais sont
espionnés par une série de gens (touts) appointés par les
rivaux, surtout par les bookmakers, désireux d'être fixés
sur le mérite des concurrents des courses à venir ; on
déjoue l'espionnage en cachant le poids porté par les che-
vaux dans les essais. Ceux-ci ne fournissent pas d'ailleurs
de données décisives ; constamment leurs résultats sont
démentis par l'épreuve publique, d'autant qu'on ne les
pousse pas à fond pour ne pas trop fatiguer les chevaux ;
quelques-uns de ceux qui brillent le plus à l'entraînement
manquent de cœur, se refusent à la lutte de l'hippodrome ;
ces rognes font le désespoir des propriétaires ; en revanche,
d'autres champions doivent à leur énergie des victoires que
leurs galops d'entraînement ne faisaient pas augurer. — Les
grands propriétaires ont leur entraîneur particuher ; les
petits mettent leurs chevaux en pension chez des entraî-
neurs pubhcs. La plupart des entraîneurs sont d'anciens
jockeys.
Le jockey. — Le jockey est un produit de Fentraîne»
ment. Dès l'origine des courses, on constata l'avantage
qu'il y avait à faire monter les chevaux par des hommes
dont ce tût la profession. Lorsque le développement des
courses de trois ans conduisit à l'abaissement du poids
imposé aux chevaux, qui de 76 et 70 kilogr. fut descendu
à 56 kilogr., il fallut soumettre à un entraînement spécial
les jockeys ; toutefois, de dix-huit à vingt-cinq ans, on peut
assez aisément se faire maigrir jusqu'à ne peser que 4 08 à 4 4 0
hvres, réduisant le harnachement, selle, étrier, cravache,
à un poids de 3 livres environ. Il n'en fut plus de même
après l'institution des courses au poids pour âge, et sur-
tout des handicaps ; la nécessité d'équilibrer les chances
obhgea à échelonner les poids sur une différence de 20
kilogr. au moins, tandis que la crainte de surcharger des
poulains qui n'étaient pas au terme de leur développement
empêchait de relever le maximum ; on fut donc conduit à
abaisser le minimum à des poids de plume ; aujourd'hui
encore, en Angleterre, il est couramment de 38 kilogr.,
parfois de 35 ; en France, de 40 kilogr.; mais on a vu en
Angleterre des jockeys monter au poids de 28 kilogr.
Même quand il s'agit d'adolescents, on juge des efforts
qu'ils doivent s'imposer pour réduire leur poids et ne pas
engraisser, ce qui les empêcherait d'exercer leur métier.
D'autre part, il est indispensable de conserver une vigueur
musculaire suffisante pour conduire et maîtriser son cheval.
L'entraînement du jockey a donc le même objet que celui
du coursier, mais plus accentué. Les procédés sont les
mêmes : régime spécial, discipline sévère, nourriture sobre
et calculée, se faire maigrir par des suées ; en quelques
jours par ce moyen, un jockey maigrit de plusieurs kilo-
grammes ; il fait à pied, chargé de lourds vêtements, des
marches rapides et longues (4 milles par exemple) ; au
bout, il trouve un grand feu préparé dans une taverne, se
chauffe, se fait masser, revient à pied et recommence. Sa
principale boisson est le thé ; l'usage des spiri-
tueux, malheureusement fréquent, est nuisible. Dès que le
jockey mange, il engraisse, d'autant qu'il se dédommage de
ses jetînes forcés par de vastes ripailles. Quand le garçon
d'écurie ou lad devient jockey et qu'après avoir monté les
chevaux à l'exercice on les lui confie en course, il a sou-
vent quinze ou seize ans seulement ; il est rare qu'il
monte plus d'une dizaine d'années, bien que les excep-
tions soient nombreuses ; passé ce délai, il engraisse, cesse
d'être un jockey de poids léger pour ne plus monter que.
dans les épreuves classiques où le poids est de 55 à
57 kilogr., ou tout au moins au-dessus de 50 kilogr. Quand
il se retire, s'il le peut, il devient entraîneur. Il a d'ail-
leurs vécu près de l'entraîneur et des chevaux, dans le
même bâtiment, partageant leur vie, se levant à quatre ou
cinq heures du matin, et souvent possède toutes les con-
naissances et qualités requises pour faire un bon entraî-
neur. C'est une chance à courir, comme de rester plus
longtemps sur le turf en maintenant son poids ou en pas-
- m
COURSE
sailt aux courses d'obstacîes oii le minimum est fixé à
60 kilogr. Néanmoins, le jockey sait que sa carrière sera
probablement courte ; il faut en quelques années conquérir
la célébrité et faire sa fortune. Ceci explique la perpé-
tuelle tentation de s'enrichir par le jeu et par la fraude.
Malgré la surveillance dont ils sont l'objet, les jockeys
fraudent souvent. Lorsqu'on s'en aperçoit, ils sont répri-
mandés ou, dans les cas graves et bien démontrés, mis à
pied, quelquefois pour leur vie entière. Le principal moyen
d'action est le droit que s'est réservé le Jockey Club de
n'octroyer la licence^ c.-à-d. l'autorisation de monter en
course, que pour une année. On la fait attendre ou on la
refuse aux jockeys dont la façon de monter a paru sus-
pecte dans l'année précédente.
On ne saurait exagérer l'importance qu'a la monte dans
le résultat d'une course ; simplement l'art de bien placer
son cheval, de prendre la corde, de tourner habilement, est
difficile ; les bons jockeys y sont passés maîtres et la diffé-
rence est saisissante si on leur compare les meilleurs gent-
lemen-riders ; il n'est pas moins utile de bien calculer les
moyens de son cheval, de savoir quand il faut aller de
l'avant, ou se tenir en arrière, de ne pas se laisser sur-
prendre quand on a l'avantage, de ne pas épuiser le courage
d'un cheval en l'exposant à plusieurs luttes successives, de
ne lui demander qu'un effort bref et presque dissimulé s'il
manque de cœur, etc. Les victoires remportées uniquement
par l'habileté du jockey sont innombrables. Le plus célèbre
dans la période contemporaine a été Fred. Archer qui mourut
plusieurs fois millionnaire; aujourd'hui, en Angleterre, Tom
Cannon est passé maître ; on cite aussi Tom et Sam Loates,
les deux Barrett, Webb, Fagan, Rickaby, J. Watts, etc.
En France , les jockeys sont à peu près tous anglais ;
les plus connus sont actuellement Tom Lane, Rolfe, Dodge,
G. Bartholomew, E. Cooke, French, Hartley, Bridgeland,
Storr, Childs. Une des réformes les plus réclamées est celle
qui relèverait de quelques kilogrammes l'échelle des poids
dans les handicaps, de manière à diminuer l'importance des
jockeys de poids léger, généralement plus faibles et moins
habiles que d'autres, à qui leur poids interdit de monter
au-dessous de 50 ou même de 54 kilogr.
Le public des courses en Angleterre. — Nous emprun-
tons à une excellente étude parue récemment dans le
Journal des Débats quelques détails sur le pubhc des
courses anglaises et les moeurs sportives de l'autre côté du
détroit. L'auteur constate que les courses de chevaux sont
le sport le plus populaire en Angleterre, ce qui tient à
l'amour de l'Anglo-Saxon pour les chevaux et plus encore
à sa passion pour le pari. A mesure que les courses deve-
naient plus nombreuses et plus fréquentes, les journaux
durent tenir leurs lecteurs au courant de ce qui se passait
dans les écuries, chez les entraîneurs, aux courses et dans
les cercles des bookmakers où se font les paris. Les colonnes
consacrées au sport sous la rubrique : Sporting Intelli-
gence prirent peu à peu des proportions et une importance
croissantes, et donnèrent naissance à une nouvelle espèce
de journalisme et de journahstes. Le sporting editor des
journaux quotidiens est aujourd'hui un des membres les
plus importants de la rédaction ; c'est une puissance ; il a
des appointements d'ambassadeur et contribue plus large-
ment au succès de son journal par la sûreté de ses infor-
mations et l'infaillibilité de ses prophéties que le plus dis-
tingué des collaborateurs chargé des articles de fond ou le
mieux renseigné des correspondants politiques. Cela est si
Yrai et le goût des courses ou plutôt des paris est tellement
répandu dans toutes les classes de la société que les jour-
naux populaires, les journaux lus relativement par les
classes laborieuses, ont des rédacteurs de sport et font aux
nouvelles du turf une place des plus larges. Le Star^ journal
des classes ouvrières par excellence, en est un exemple
frappant. Dès sa fondation, il s'assura à coups de bank-
notes la collaboration d'un spécialiste des plus renommés
auquel il doit en grande partie son succès. Les jours de
grandes courses, ce journal vend 300,000 exemplaires dans
un après-midi, à Londres seulement. Cela paraît extraor-
dinaire, mais il faut se rappeler que sur trois Londonniens
il y en a un qui est intéressé directement ou indirectement
au résultat des courses. Il va sans dire que, malgré la
place faite aux choses du sport, dans les feuilles quoti-
diennes, ces informations ne sont pas suffisantes et que des
journaux spéciaux, qui paraissent une fois, deux fois par
semaine et même tous les jours, ont été fondés avec un
succès qui témoigne de l'importance qu'ont prise dans les
préoccupations du public les nouvelles du turf. Si le sport
s'est démocratisé ainsi en Angleterre, ce n'est certes pas
parce que le petit bourgeois, l'employé, le commis de ma-
gasin, l'ouvrier s'intéressent à l'améHoration de la race
chevaline ; c'est uniquement parce qu'ils y trouvent un
moyen de satisfaire leur passion pour le jeu, qui est, on
n'en saurait douter, la passion dominante de l'Anglais. Ce
n'est pas sans raison que la loi anglaise interdit formelle-
ment les loteries et les jeux de hasard de toute espèce, et
qu'elle a déclaré illégal tout pari fait au comptant, c.-à-d.
dont les enjeux sont déposés au moment même du pari. Le
but de cette dernière disposition de la loi est évidemment
d'empêcher les classes moyennes et ouvrières de parier ;
mais, si elle gêne les parieurs, elle ne les empêche nulle-
ment de se livrer à leur spéculation favorite. Car la loi
reste lettre morte, et, en dépit de tous les actes du Parle-
ment, on parie toujours et beaucoup, et l'on parie au
comptant, soit par l'intermédiaire des bookmakers, soit, —
et c'est là surtout le cas pour les gens peu fortunés et pour
les ouvriers, — dans les innombrables « clubs » qui ne
sont, en réalité, que des agences de pari déguisées.
Le pari sur les courses de chevaux, après avoir été un
plaisir réservé aux grands, est actuellement un amusement
démocratique. Et c'est là le mal.
Entrez à Londres, le matin, à l'heure oîi les gens occupés
vont à leurs affaires, dans un omnibus ou dans un wagon
de deuxième ou de troisième classe du chemin de fer métro-
politain. Chacun des voyageurs a un journal à la main qu'il
parcourt avec une vive attention. Si vous examinez d'un
peu près les feuilles déployées, vous remarquerez bientôt
que les lecteurs, employés, commis, ouvriers, lisent
presque tous les colonnes de petit texte consacrées aux
choses du sport, et vous serez surpris du nombre de jour-
naux spéciaux, comme le Sportman^ le Sporting Life,
que des gens de coudition très humble achètent et dont ils
étudient le contenu. Maintenant, interrogez au hasard un
commis, un employé, un homme de peine, un garçon épicier,
boucher ou boulanger ; demandez-lui quel est en ce moment
le favori du Derby qui se court en avril, ou de diverses
courses qui ont lieu aujourd'hui même à Manchester, et
huit fois sur dix vous obtiendrez une réponse de nature à
vous convaincre que ces braves gens sont admirablement
renseignés sur ces matières et ce, pour la très suffisante
raison qu'ils y ont un intérêt. Ils ont mis de l'argent sur
tel ou tel cheval.
Les parieurs de cette catégorie parient quelquefois entre
eux ; mais le plus souvent dans des « clubs » qui ne sont
que des tripots où, à la vérité, on ne joue pas aux cartes,
mais oïl l'on parie sur les courses. Ces clubs appartiennent
à des bookmakers ou à des individus qui de loin ou de près
tiennent au monde des hippodromes, des écuries et des
champs d'entraînement. Il y en a des quantités à Londres,
notamment dans les faubourgs du Nord et du Sud. Dans les
environs d'une célèbre taverne de la rive droite, il y en a
plusieurs très connus et très fréquentés. L'accès de ces
tripots n'est pas difficile ; on se fait présenter par un ami,
et, moyennant une faible somme, on obtient sur place une
carte de membre. Il ne reste plus qu'à entrer, à parier et
à perdre son argent. Voici comment on procède : tous ces
clubs sont abonnés à la compagnie qui fournit des appa-
reils électriques d'oti se déroule un ruban de papier sur
lequel le télégraphe imprime au fur et à mesure les nou-
velles du champ de courses. Les paris s'engagent jusqu'au
moment oti le tic-tac de l'appareil annonce que l'oracle va
COURSE
^ i60 —
parler. Alors les offres et les demandes cessent, et il ne
reste plus, le résultat connu, qu'à payer. En dehors de ces
clubs, on trouve aussi de ces appareils dans les tavernes.
11 y eut un moment où presque tous les taverniers en
avaient ; mais la police a réussi à les faire supprimer.
Les paris. — Les bookmakers. Bien que le pari
se soit démocratisé, il va de soi que les gros parieurs four-
nissent comme par le passé la plus forte portion de l'argent
qui change de main à l'occasion des courses, et que la
plupart de ces gros parieurs sont les membres de l'aris-
tocratie. Ceux-ci parient entre eux dans leurs clubs où, par
la comparaison de l'offre et de la demande, s'établit une
sorte de bourse hippique où les chevaux ont leur cote, sont
offerts ou demandés selon leurs performances, les nouvelles,
les racontars d'entraînement. Sur le Derby, le marché
s'ouvre un an d'avance ; sur les grands handicaps, il est
très animé pendant le dernier mois. Toutefois, l'importance
de ces transactions diminue; en 4860, 4863, 4867, les
propriétaires de Thormanby, Macaroni et Hermit, vain-
queurs du Derby, gagnèrent chacun plus de 200,000 livres
sterling, sans parler des bénéfices réalisés par leurs amis ;
aujourd'hui, on ne gagne guère plus du dixième de cette
somme; le total des paris n'a pas diminué, mais les gros
parieurs sont plus rares. Il nous faut dire quelques mots
des conditions où se font les paris de courses. On parie que
tel cheval gagnera dans une course où sont inscrits cin-
quante chevaux, dont une vingtaine partiront ; sa chance
est évaluée à un seizième, c.-à-d. qu'on parie un contre
quinze, gagnant quinze fois l'enjeu en cas de succès ; ceci
ne veut pas dire réellement que le cheval a une chance sur
seize de gagner, un calcul de ce genre étant arbitraire,
mais simplement que le seizième de l'argent risqué l'est en
sa faveur. On comprend que toute mise un peu forte fasse
baisser la cote, c.-à-d. que le cheval portant non plus le
seizième, mais le onzième de la masse totale d'argent, n'est
plus offert qu'à dix contre un. 11 en serait ainsi si les pa-
rieurs jouaient entre eux ; mais presque toutes les opé-
rations se font par l'intermédiaire des bookmakers. Ceux-ci
parient à la fois contre tous les chevaux, acceptant les paris
de tous ceux qui croient à la chance de l'un ou l'autre. Ils
dressent une hste des chevaux, mettant en regard la cote offerte
aux parieurs; au moment du départ des chevaux, cette cote
est combinée de manière à laisser au bookmaker un bénéfice
certain; s'il y en a, par exemple, trois également joués, il
devrait les donner tous à 2/4 ; il les donnera à 7/4, et s'il
fait trois paris de 4,000 Ir. à ce taux, il encaissera 3,000 fr.
et n'en payera au gagnant que 2,750. Généralement il
prélève un' bénéfice plus considérable, parce qu'il n'est
jamais sur de pouvoir équilibrer la liste de ses paris, faire
un « livre » complet ; quand il commence surtout à
accepter les enjeux sur un cheval, il ignore si on jouera
les autres et il risque que tous les parieurs demandant le
même, il se trouve en perte au cas où celui-ci gagnerait.
Il faut donc un mélange de prudence et de hardiesse, une
grande rapidité de décision et du flair, modifier sans cesse
la cote des chevaux selon la demande ; la règle usitée par
les plus habiles bookmakers est de multipher autant que
possible les transactions, de se découvrir sans hésiter en
offrant aux conditions les plus favorables chaque cheval au
moment où il se joue. Ils ont remarqué en effet qu'en
raison des bruits successifs qui circulent, tous les principaux
concurrents sont joués successivement. En général, les book-
makers se découvrent sur le favori, ne faisant nul bénéfice
ou perdant s'il arrive premier, mais ils réalisent de grands
bénéfices par la victoire des outsiders, chevaux délaissés
par les parieurs ; en effet, si un cheval offert à égalité porte
réellement la moitié de l'argent engagé, il est bien rare
qu'un cheval offert à quatorze contre un porte le quinzième
de l'argent ; souvent il n'y a pas le vingtième, le trentième,
le cinquantième des mises engagées sur sa chance ; selon
ces cas, le bookmaker gagne le quart, la moitié ou plus
des deux tiers de ce total. Les usages que nous venons
d'indiquer s'appliquent a fortiori pour les paris faits long-
temps à l'avance * pour ceux-ci, le bookmaker se découvre
naturellement moins ; les conditions des paris sont moins
avantageuses si l'on tient compte de l'incertitude sur le
départ du cheval, sa santé, sa forme exacte quand viendra
la course ; ainsi, par exemple, dans le prix du Jockey Club de
4889, les deux favoris étaient offerts à 6/4 en avril, trois
autres à 40/4, une dizaine de chevaux à 46/4, une quinzaine
à 25/4 ou 33/4, une vingtaine à 50/1, autant à 400/4 ; si
l'on fait le total, on voit qu'un parieur ou une série de
parieurs jouant tous les chevaux proportionnellement à
leur cote eussent donné deux fois et demi à trois fois plus
qu'ils ne recevraient après avoir gagné ; le livre dressé par
le bookmaker dans la demi-heure qui précède la course, lui
laisse seulement un avantage moyen de 20 %. Cependant,
en général, la cote offerte à l'avance est plus favorable que
celle du départ, et quelqu'un de bien renseigné en peut
profiter; ainsi Sainfoin, gagnant du Derby de 4890, était
encore à 33/4 un mois avant la course. Les variations sont
très grandes; Donovan, gagnant du Derby de 4889, était
à 3/4 dans l'hiver; à la fin d'avril, il' fallait payer 6
pour gagner 4, sur sa victoire dans le Derby ; ayant été
battu dans les Deux Mille Guinées, il fut offert à 5/4 ; très
demandé, il fut joué à 3/4 puis 2/4 et, après sa victoire
dans les Newmarket Stakes, il fallut de nouveau payer
pour, c.-à-d. risquer plus qu'on ne pouvait gagner: 8/44,
onze pour gagner huit. Un habile parieur peut profiter
de ces soubresauts en jouant au bon moment tous les
chevaux, se faire un livre complet comme le bookmaker,
c.-à-d. une liste complète de paris, telle qu'en aucun cas
il ne perde ; on cite Dick Vernon qui, dans une course,
pouvait, selon le résultat, gagner 250,000 fr., ou moins,
mais, en toute hypothèse, réalisait un bénéfice. — Le book-
maker, pour sa garantie, prend l'argent du parieur ; en
échange, il lui délivre un ticket mentionnant les clauses
du pari ou portant simplement un numéro qui se réfère à
la ligne du livre sur laquelle le pari est inscrit. Avec les
gros clients, les règlements se font à des périodes déter-
minées et souvent on n'exige nul versement préalable; avec
le menu fretin, on règle après chaque course. Il en est ainsi,
même en Angleterre, où la loi interdisant les paris au comp-
tant est journellement violée. Dans les moments où la
poUce les poursuit en France, on parie au livre, c.-à-d. que
le bookmaker (couvert souvent par un versement préalable)
ne délivre pas de ticket et règle à la fin de la journée avec
ses clients : ceci nécessite qu'il les connaisse personnelle-
ment et diminue les garanties.
En Angleterre, « le bookmaker, qui s'appelle turf com-
mission agent, ou commissionnaire, est devenu, depuis
une trentaine d'années, un notable commerçant; mais, le
plus souvent, il est parti de très bas ; il a été domestique,
groom, palefrenier, quand il n'a pas étèivelcher^ c.-à-d. un
de ces bookmakers qui, arrivés sur un hippodrome, attirent
les naifs par leur faconde et leurs promesses, empochent
les enjeux et lèvent le pied après la course sans payer per-
sonne s'ils viennent à perdre, ce qui n'est pas rare. Moins
grossier, plus honnête et plus intelhgent que le bookmaker
d'autrefois, le turf commission agent d'à présent est
riche et vit largement. On en cite un qui, à vingt-cinq ans,
n'avait jamais mis le pied sur un hippodrome et qui, après
avoir assisté à une course, eut l'idée d'adopter la profession
de bookmaker. Il quitta les affaires et s'établit. Il est de-
venu un des plus gros bookmakers d'Angleterre, fait,
pendant la saison des courses, pour un million de francs
d'affaires par semaine et gagne en commissions 4,500,000fr,
par an. Il est bookmaker comme il serait banquier. Il ne
joue pas, ne boit pas, ne fume pas et se rend aux courses
comme un autre va à son bureau. Accompagné d'un secré-
taire, il arrive en voiture, inscrit les paris ; puis, la journée
finie, il reçoit des uns et paye aux autres absolument comme
un agent de change verse à ses clients ou reçoit d'eux les
différences provenant d'opérations de Bourse faites pour
leur compte ».
Les steeple-chases. — Jusqu'ici nous n'avons parlé
461 —
COURSE
que des courses plates au galop ; ce sont, en effet, de beau-
coup les plus importantes, surtout au point de \ue histo-
rique, puisqu'elles ont amené à former la race anglaise pur
sang. Toutefois, pour ceux qui ne voient dans les courses
qu'un amusement, il en est qui préfèrent Tautre forme,
celle des courses à obstacles ; au lieu d'avoir lieu sur un
sol artificiellement aplani, qui n'est même pas comparable
à celui d'une route, elles se donnent sur un terrain qui
conserve ou reproduit les principaux obstacles qu'un cava-
lier peut avoir à franchir, surtout dans la chasse à courre.
Elles lui fournissent l'occasion de déployer ses talents et
sont une branche de l'équitation plutôt qu'une institution
annexe de l'élevage. Leur origine fut donc due au désir
d'organiser un exercice analogue à la chasse, propre à for-
mer des chevaux et des cavaliers bien dressés ; on com-
mença par la course au clocher, dans laquelle les cavaliers
se dirigeaient, à travers champs et prés, vers un but dé-
signé sans s'astreindre à suivre une Hgne rigoureusement
tracée ; ces courses, qui ont encore lieu quelquefois, sont
appelées cross-country. On en vint ensuite à une organi-
sation régulière ; comme pour les courses plates, on déter-
mina une piste Hmitée par des poteaux entre lesquels il
fallut passer ; on y accumula des obstacles artificiels, repré-
sentatifs, en quelque sorte, des haies vives, des claies, des
murs en terre, en pierre, des barrières en bois, des fossés,
des rivières, des talus en pente raide, banquettes entre deux
fossés ; le saut des rivières larges de 4^50, de murs de
4 "^30 présenta aux chevaux des difficultés dont ils ne pou-
vaient triompher qu'après un parfait dressage. Pour les y
amener graduellement, on organisa des courses oti on ne
leur demanda que de sauter en hauteur de simples haies ;
aux steeple-chases, comportant tous les obstacles, s'ajou-
tèrent les courses de haies. Dans les steeple-chases, on
distingua les parcours plus accidentés, à travers champs,
réservés aux hunters^ véritables chevaux de chasse. Mais,
comme pour les courses plates, il fallut bientôt confier les
chevaux aux jockeys, plus habiles en général que les gent-
lemen-riders. Toutefois, ceux-ci continuent de figurer hono-
rablement et balancent presque le mérite des jockeys, du
moins en Angleterre. Les courses d'obstacles se dévelop-
pèrent et on leur consacra les mois d'hiver pendant la va-
cance des courses plates, de telle sorte que spectateurs et
parieurs ne fussent pas privés de leur divertissement
favori. Toutefois leur importance est restée bien moindre.
Comme le but poursuivi est l'amusement, presque tous les
steeple-chases importants sont des handicaps; de plus,
comme on a remarqué la docilité plus grande des chevaux
hongres, on castre beaucoup de steeple-chasers. Pendant
longtemps, les chevaux de demi-sang, plus robustes et plus
maniables, ont eu l'avantage ; mais, depuis une cinquan-
taine d'années, les pur sang Font conquis et gagnent
presque toutes les courses d'obstacles. Celles-ci étant mo-
delées sur la chasse, les parcours sont plus longs (3,000 m.
au moins, 4,800 en moyenne) et les poids y sont plus lourds
qu'aux courses plates; les chevaux n'y débutent guère
avant d'avoir quatre ans (en Angleterre). D'autre part,
comme les courses de haies, moins dangereuses, attirent
plus de chevaux et que ces champs plus fournis sont plus
goûtés des parieurs, une tendance s'est marquée à multi-
plier ces courses bâtardes. Pour les steeple-chases, les
écuries anglaises et irlandaises rivalisent avec des chances
à peu près égales. Chapus a bien marqué la différence du
sauteur anglais et du sauteur irlandais : « Il y a, dit-il,
une différence très saisissable entre la manière dont le
cheval anglais et le cheval irlandais prennent leur élan.
L'anglais s'appuie sur ses jarrets et s'élance de telle sorte
que déjà il a franchi la moitié de la barrière lorsque le
corps s'est seulement allongé pour rendre son élan com-
plet. Quand il a quitté terre, il porte ses hanches sous lui
comme au galop, descend ensuite sur les jambes de devant,
et, quand elles touchent le sol, c'est alors seulement qu'il
attire ses jambes de derrière, en sorte que l'avant-train
est seul a supporter le poids tout entier. Le cheval irîan-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
dais, au contraire, part de ses quatre jambes à la fois ;
quand il est parvenu à l'extrémité de l'objet à franchir,
ses jambes sont entièrement retroussées sous lui ; il des-
cend et les quatre jambes se posent sur le sol en même
temps. »
Sans parler des réunions irlandaises, parmi lesquelles
nous citerons celles de Curragh, de Leopoldstown, etc., en
Angleterre les principales sont tenues à Croydon, Sandown
Park, Kempton Park, Liverpool et Manchester, quelque-
fois en novembre et mars, concurremment avec celles pour
courses plates. La plus célèbre des courses d'obstacles
anglaises est le Grand National Steeple-chase de Liver-
pool; c'est un handicap couru sur 7,200 m. ; le prix est
de 50,000 fr. Le parcours est très accidenté, la course
sévère ; en 4890, sur quinze partants, cinq seulement
franchirent le poteau; en 4894, sur vingt-deux concur-
rents qui formaient le champ, cinq seulement terminèrent
le parcours ; trois furent arrêtés dans le premier tour,
les quatorze autres tombèrent, un se tua. On comprend
qu'une épreuve aussi rude ne puisse être imposée qu'à
de vieux routiers; aucun concurrent n'a moins de cinq
ans, très peu six, presque tous ont de sept à onze ans,
souvent davantage, jusqu'à treize ou quatorze ans. Pré-
parés longtemps à l'avance, ils disputent le Grand Na-
tional plusieurs années de suite, parfois ne courant que
cette fois dans l'année. Deux chevaux seulement l'ont gagné
deux fois : The Lamb et The Colonel, mais bien des
vainqueurs ont été ensuite battus cinq ou six fois de suite.
Parmi les courses d'obstacles, celle-ci est la seule qui
donne lieu à un grand mouvement de paris durant plu-
sieurs mois.
Origine des courses en France. — Les courses sont en
France, comme le pur sang, une importation anglaise et
l'une et l'autre n'ont réussi que lorsqu'on se fut décidé à
adopter la méthode anglaise. Avant d'en venir là, il faut
placer, en tête de cet historique, le récit de quelques
courses particulières qui passionnèrent les contemporains.
Sans parler des courses de Semur, amusement local, qui re-
monteraient à 4370, de celles de la Bretagne où elles étaient
un vieil usage national, la première dont il soit fait men-
tion eut lieu le 45 mai 4654 à la suite d'un pari entre le
prince d'Harcourt et le due de Joyeuse ; l'enjeu était de
4,000 écus; les chevaux furent nourris au village de Bou-
logne, selon la coutume anglaise, avec du pain d'anis, des
féverolles au lieu d'avoine, et, les deux derniers jours,
deux à trois cents œufs irais. La course eut lieu au bois
de Boulogne, après dîner ; on partit de la barrière de la
Muette, suivant la route de Saint-Cloud, tournant vers
Madrid pour revenir de là à la Muette ; le duc de Joyeuse
fit monter son cheval par Plessis du Vernet ; le prince
d'Harcourt monta le sien coiffé d'une casquette ou bonnet
de jockey, avec trois livres de plomb, pour égaliser le poids;
il fut battu de cent pas. Le 6 août 1722, le marquis de
Saillans, raconte Barbier, paria faire quatre fois la course
de Paris à Chantilly, allant et revenant deux fois de la
porte Saint-Denis au château en six heures : il gagna de
27 minutes; des paris énormes avaient été engagés contre,
par le duc de Bourbon et plusieurs autres; le 9 mai 4 726,
le même marquis de Saillans devait aller de Versailles aux
Invalides en 30 minutes ; sa femme lui fit ordonner par le
roi de se substituer un valet qui perdit de 30 secondes.
Lord Poscool alla de Paris à Fontainebleau (56 kil.) en
4 h. 48 m. On cite encore une course au Bois entre lord
Forbes et le comte de Lauraguais. Sous le règne de
Louis XVI, les véritables courses furent instituées à
l'exemple de l'Angleterre et eurent une grande vogue de
4775 à 4783; les programmes figurent au Journal de
Paris ; les écuries furent celles du comte d'Artois (casaque
vert pomme garnie de rose), du duc d'Orléans (casaque
noire garnie de rose), du duc de Lauzun (casaque noire
garnie de vert), du marquis de Conflans (casaque rouge '
garnie de noir), etc. Les chevaux venaient d'Angleterre.
Le 45 avr. 4777, une sorte de Jockey-Club se fonda; il
44
COURSE
— 462
organisa dans la plaine des Sablons des réunions de prin-
temps et d'automne. La reine se passionnait pour les
courses et voulait avoir des chevaux ; le roi l'en empêcha.
Une poule de quarante chevaux, suivie d'une autre pour
quarante ânes furent courues à Fontainebleau (nov. 4777);
plusieurs courses à Vincennos (4784). On pariait beau-
coup. Quand vint la Révolution, elle donna au Champ de
Mars des fêtes imitées de l'antique avec courses à pied, à
cheval, en char ; on a noté les succès du cheval normand
de Villatte Carbonnel deux années consécutives (4796 et
4797). On fit plus, l'administration commençait à s'in-
téresser aux courses.
Les courses officielles. ~- L'utilité des courses pour
l'amélioration de la race chevaline avait été proclamée, dès
4770, par Bourgelat et Le Boucher du Grosso, invoquant
l'exemple de l'Angleterre. Sous le Directoire, il fut question
d'en instituer officiellement. Eschassériaux jeune présenta
aux Cinq-Cents à ce sujet un rapport remarquable ; il se
déclarait partisan des courses, demandait qu'elles fissent
partie de toutes les fêtes, déposa un projet de résolution
libellé comme suit : « Il y a tous les ans dans chaque divi-
sion trois courses de chevaux, savoir aux fêtes nationales
du 44 juillet, du 40 août et de la fondation de la Répu-
blique ; ces courses auront lieu alternativement dans chaque
département compris dansladivision, autant que les localités
peuvent le permettre. » Ne sont admis que les chevaux nés
en France; le premier prix était de 4,000 fr., le second
de 600 fr. ; il y avait douze divisions, soit trente-six courses
pour lesquelles l'Etat donnerait 57,600 fr. Ce projet ne
fut pas exécuté. Mais Napoléon le reprit. Son décret du
34 août 4805 est le premier acte officiel concernant les
courses ; il en instituait dans les départements producteurs
de bons chevaux : Orne, Corrèze, Seine, Morbihan ou
Côtes-du-Nord, Sarre, Hautes-Pyrénées. Il instituait, à
partir de 4806, trois séries de prix : 3 prix de 4,200 fr.
sur 4,000 m. dans chaque chef-lieu ; les trois vainqueurs
concouraient pour un prix de 2,000 fr. sur 4 kil. en partie
liée ; les vainqueurs venaient à Paris disputer un Grand
Prix de 4,000 fr. dans les mêmes conditions. Les poids
étaient gradués d'après l'âge et la taille, de 3 miUim. en
3 millim., un cheval de cinq ans de 1^462 portait
50 kilogr.; de 4«^543, 68 kilogr. ; de 4^624, li^^rQ^
Après l'Empire, les courses faillirent disparaître, mais elles
furent réorganisées en 4849 et depuis n'ont cessé de pro-
gresser; le gouvernement s'en occupa activement, trop
même, multipliant les règlements; de 4849 à 4847,
ceux-ci furent remaniés par quatorze arrêtés et quatre cir-
culaires. Les courses de 4849 et 4820 furent destinées
aux chevaux de cinq ans et au-dessus ; elles comportaient
4 et 6 kil. ; les prix étaient des prix locaux et d'arrondis-
sement, de 800 et 4,200 fr. ; des prix principaux de
2,000 fr. ; un prix royal, couru à Paris, de 6,000 fr. En
4822, la France chevaline fut partagée en deux divisions.
Nord et Midi, celle du Midi s'étendant jusqu'à la Charente,
la Haute-Vienne, l'Indre-et-Loire, la Nièvre et Saône-et-
Loire. Une somme totale de 78,000 fr. fut affectée aux
prix par l'Etat. On fixa la durée maximum des épreuves
en 4834 : 3 minutes pour 2 kil., 5 m. 30 s. pour 4 kil, ;
en 4842, on l'abaissa à 2 m. 40 s. pour 2 kil. et 5 m. 5 s.
pour la grande épreuve de 4 kil. ; à partir de 4842, les
prix royaux furent réservés aux chevaux de pur sang ins-
crits au Stud-Book. A ce moment, les progrès réalisés étaient
déjà très grands. C'est qu'aux encouragements officiels,
était venue s'ajouter l'initiative privée, bien autrement
puissante, plus éclairée et sachant mieux mettre en jeu
l'intérêt et la vanité. Au lieu de s'attarder à des combinai-
sons administratives, elle adopta résolument le système
anglais qui avait fait ses preuves. Le tableau suivant donne
une idée du progrès des courses après 4840. Tandis que
les allocations de l'Etat doublent seulement en dix ans
* (4 838-48), le nombre des chevaux quintuple, celui des
propriétaires décuple. Ce résultat fut dû à la Société
d'encouragement.
9
25
»
4
5
»
»
»
»
23
408
60
54
426
54
88
476
69
99
784
760
Chevaux Proprié-
Courses courant taires
4807
4847
4848
4849
4827
4837
4847
L'Etat donnait, en 4849, 32,758 fr. ; en 4828,
84,489fr. ; en 4.838, 404,675 fr.; en 4848, 24 0,000 fr.
En 4840 encore, on admettait que les chevaux de tête
anglais pouvaient rendre aux Français un quart de
mille sur 4 ^/g. Ceci se comprend si l'on compare le déve-
loppement des courses dans l'un et l'autre pays. La sta-
tistique accuse pour l'Angleterre, en 4822, 406 hippo-
dromes, 883 prix disputés par 988 chevaux se partageant
3,050,000 fr. de prix; en 4843, 436 hippodromes,
4,248 prix disputés par 4,294 chevaux se partageant
4,780,000 fr.; tandis qu'en France, en d843, il n'y a que
38 hippodromes, 244 prix valant 354,000 fr. disputés
par 624 chevaux; un cheval en Angleterre gagne en
moyenne 3,700 fr. ; en France, moins de 600 fr. Cepen-
dant les progrès sont déjà sensibles. En 4828, Vittoria au
duc de Guiche, jument de cinq ans, ayant battu dans le
prix Royal le cheval de lord Seymour, celui-ci défia le
vainqueur ; il amena un cheval anglais, Link Boy ; le match
eut lieu sur 4,000 m.; la première fois l'anglais rendant
42 livres fut battu; la seconde il ne rendit que le sexe
et fut encore battu. Un nouveau champion anglais fut
produit, Turkoman, gagnant des Deux Mille Guinées ; il fut
encore battu par Vittoria qui fit les 4 kil. en 5 m. 3 s. ; il est
vrai qu'il rendait un an et 2 livres (plus les 3 livres
du sexe). Une des causes qui, malgré des succès isolés
comme celui-là, maintenait l'infériorité des chevaux fran-
çais, c'est que les courses avaient lieu sur l'hippodrome
du Champ de Mars, détestable terrain trop petit et dont le
sol était formé de terres rapportées. Cependant le goût
des courses se développait. L'Anglais lord Seymour, établi
à Paris, y contribuait fort; il était à la tête du mouvement;
son écurie était de beaucoup la plus importante. De 4828
à 4833, sur 463 prix, il en gagna 58; sur 508,800 fr.,
^89,300 fr. ; après lui venaient le colonel Charrettie,
Crémieux ahié, le comte de Tocqueville, Charles Laffitte,
le duc de Guiche.
Fondation de la Société d'encoukagement . -— A la fin
de 4833 les principaux sportsmen français fondèrent une
Société d'encouragement pour V amélioration des races
de chevaux en France ; les fondateurs étaient les ducs
d'Orléans et de Nemours, lord Seymour, le comte de
Cambis, le cowite Caccia, le comte Demidov, le chevalier
de Machado, MM. Delamarre, Fasquel, Ch. Laffitte, E.
Leroy, le prince de la Moskowa, MM. Rieussec, Denor-
mandie. Cette société eut sur les courses et l'élevage en
France une influence décisive ; tandis que dans les courses
officielles on admettait tous les chejaux, elle s'occupa d'im-
porter en France la race pure "^et décida que ses prix
seraient réservés aux chevaux entiers et juments, nés et
élevés en France jusqu'à l'âge de deux ans, dont la généa-
logie est inscrite au Stud-Book anglais ou français et qui
ne sont issus que d'ancêtres dont les noms y sont insérés.
Tandis que l'administration mettait sur le même pied les
anglais et les arabes, continuait d'entretenir une race anglo-
arabe, la Société d'encouragement affirma bien haut la su-
périorité du pur sang anglais. Ses manifestes, les bro-
chures du duc de Guiche sont des modèles. De ce moment
date vraiment l'élevage du pur sang en France. En nov.
4834, la Société fonda un cercle, le Jockey-Club^ dont la
vogue fut bientôt très grande. Un grand nombre de sociétés
filles se créèrent dans les départements; en quinze ans, on
en compta trente-deux ; elles adoptèrent le règlement de la
Société d'encouragement inspiré de celui de Jockey-Club an-
glais. En vingt ans le Jockey-Club offrit 707,750 fr.deprix,
— i63 —
chiffre faible à nos yeux puisqu'en trois mois il en donne
maintenant davantage, mais chiffre très considérable pour
l'époque; bientôt les subventions des sociétés égaleront
celle de l'Etat, puis les dépasseront de beaucoup.
Création des grandes épreuves. Le Jockey-Club a fait
mieux que de donner aux courses ces larges subventions ;
il les a transformées par la création d'une série de grandes
épreuves pour les chevaux de trois ans, imitées des grandes
épreuves anglaises. Mécontent du terrain du Champ de
Mars, il adopta en 1834 la pelouse de Chantilly dont le sol
gazonné élastique est le meilleur qu'on possède en France.
Dès 4835, il y créa le prix du Jockey-Club qui est encore
la plus inportante épreuve réservée aux chevaux français ;
c'est un prix ajouté à une poule, pour chevaux de trois
ans; la distance est de 2,400 m. Il fut couru pour la pre-
mière fois en 1836; il y eut cinq engagements, cinq par-
tants; Franck par Rainbow, à lord Seymour, gagna le
prix dont la valeur était de 7,500 fr. (5,000 fr. plus les
entrées) ; en 1837, Lydia par Rainbow, à lord Seymour,
battit quatre autres concurrents; en ^837, il y eut onze
engagements, cinq partants, le prix se montant à 8,700 fr.
En 1839, il y eut dix-neuf engagements; en 1841, trente;
le chiffre s'est peu à peu élevé jusqu'à plus de deux cents
engagements et quinze à vingt partant. La valeur du prix a été
successivement élevée à,10,000 fr. (en 1847), 20,000 fr.
(en 1855), 25,000 fr., 50,000 fr., enfin 75,000 fr.; le
montant avec les entrées était, en 1840, de 21,400 fr.;
en 1848, de 27,400 fr.; en 1873, il dépassait 70,000 fr.;
en 1890, il était de 122,400 fr., plus4,000fr. au second.
Depuis trente ans, le prix n'a été gagné par une pouliche
qu'une seule fois.
Voici la liste des gagnants du prix du Jockey-Club depuis
sa fondation :
Années Nom du gagnant Nom du propriétaire
1836 Franck lord Seymour.
1837 Lydia -^
1838 Vendredi —
1839 Romulus comte de Cambis.
1840 Tontine Aumont.
1841 Poetess lord Seymour.
1842 • Plover Perregaux.
1843 Renonce de Pontalba.
1844 Lanterne prince de Beauvau.
1845 Fitz Emilius Aumont.
1846 Meudon baron de Rothschild.
1847 Morok Aumont.
1848 Gambette Lupin.
1849 Expérience Th. Carter.
1850 Saint-Germain Lupin.
1851 Amalfl —
1852 Porthos Aumont.
1853 Jouvence Lupin.
1854 Celebrity prince de Beauvau.
1855 Monarque Aumont.
1856 Lion prince de Beauvau.
1857 Potocki Lupin.
1858 Ventre-Saint-Gris comte de Lagrange.
1859 Black prince —
1860 Beau vais W^^ Latache de Fay.
1861 Gabrielle d'Estrées comte de Lagrange.
1862 Souvenir J. Robin.
1863 La Toucques comte de Montgomery.
1864 Bois-Roussel Delamarre.
1865 Contran major Fridolin.
1866 Florentin Delamarre.
1867 Patricien —
1868 Suzerain baron de Schickler.
1869 Consul comte de Lagrange.
1870 Bigarreau major Fridolin.
187^1 (pas couru)
1872 Revigny Aumont.
1873 Boïard Delamarre.
1874 Saltarelle Fould.
Années Nom du gagnaïit
1875 Salvator
1876 Kilt
1877 Jongleur
1878 Insulaire
1879 Zut
1880 Beauminet
1881 Albion
Dandin
Saint-James
1883 ' Frontin
1884 Little-Duck
1885 Reluisant
1886 j gy^~
1887 Monarque
1888 Stuart
1889 Clover
1890 Heaume
1882
COURSE
Nom du propriétaire
Lupin.
baron de Rothschild.
comte de Juigné.
comte de Lagrange.
haras de Chamant (Lefèvre).
comte de Lagrange.
Michel Ephrussi.
duc de Castries.
marquis de Bouthillier.
baron de Schickler.
comte de Berteux.
, Aumont.
Pierre Donon.
Ed. Blanc,
baron de Rothschild.
Le cinquième prix, remporté par Tontine, donna lieu à
un débat mémorable. Lord Seymour, dont le représentant,
grand favori, avait été battu, prétendit que Tontine était
en réalité une jument anglaise de quatre ans, du nom
d'Herodia, substituée à la jument française. Il ne put faire
la preuve devant le Jockey -Club et fut débouté. Mais
M. Aumont vendit Herodia; lord Seymour la fit acheter
et reprit l'affaire, la portant devant les tribunaux ; il sou-
tint que ce n'était pas la vraie Herodia et réussit à le
prouver. La question reste donc très obscure ; la substitu-
tion est probable, mais la bonne foi de M. Aumont est
peu discutable, puisque lui-même, après avoir triomphé,
fournit de son plein gré des armes contre lui. Une sub-
stitution de ce genre eut lieu dans le Derby anglais et fut
démasquée.
En 1840, fut instituée la Poule d'essai dont les engage-
ments se font au 1*"-^ oct. de l'année de la naissance ; en
1841, la Poule des produits dont les engagements se font
avant la naissance, sur la déclaration de saillie de la pou-
linière ; en 1843, le prix de Diane, analogue aux Oaks
d'Angleterre, pour les pouliches de trois ans.
Le Jockey-Club, comme on le voit, suivait résolument
la route tracée par les Anglais ; ces prix par souscription
ou poules avec engagements longtemps d'avance sont par-
ticulièrement propres à galvaniser l'élevage. Après avoir
donné l'ascendant aux courses de trois ans, il introduisit
les courses de deux ans, mais sans leur donner autant de
développement qu'en Angleterre et en ne les laissant com-
mencer qu'au l^^août. Elles furent systématisées en 1853 ;
on créa deux Critériums de poulains et pouliches et un
Grand Critérium.
Les chiffres suivants donneront une idée des progrès dus
au Jockey-Club. En 1819, il y avait en France 7 pouli-
nières de pur sang anglais ; en 1825, 31 ; en 1830, 73 ;
en 1833, 91 ; en 1835, il y en avait 135 ; en 1840, 278 ;
en 1845, on en comptait 330 ; 1834, il en avait été sailli
par des étalons de pur sang, 102; en 1843, 287 ; en
1856, 800. En Angleterre, les chiffres sont, pour 1846,
1 ,323 ; pour 1856, 1 ,864 ; on voit que l'écart diminua rapi-
dement. Nous examinerons plus loin la question des étalons.
On se fera une idée des progrès des courses par les
chiffres suivants: en 1847, le' montant total des prix
offerts est de 540,000 fr. La famille royale donne
25,000 fr.; on tire des paris ou dons particuliers 11,1 00 fr.;
les municipalités et départements donnent 98,450 "fr.;
l'administration des haras donne 210,000 fr.; les sociétés
de courses, 196,855 fr.; enfin les entrées payées par les
propriétaires se montent à 150,000 fr., soit un total de
691,000 fr. Le montant des prix offerts (entrées non
comprises) se répartit comme suit entre les différentes espèces
de courses. Les courses prélèvent 442,430 fr.; il y a cent
soixante-seize courses en une épreuve, quatre-vingt-douze
en partie liée ; les courses de haies, au nombre de quarante-
trois, ont 27,340 fr. de prix, et les steeple-chase 24,000 fr.
COURSE — 164
environ ; enfin les courses au trot disposent de 44,000 fr.
environ.
En 4854, il y a trois cent quatre-vingt-trois courses et
875,500 fr. de prix, y compris 25,750 fr. d'objets d'art ;
les courses plates prélèvent 707,375 fr.; le reste va aux
courses d'obstacles.
En 1860, il y a 945,350 fr. de prix, dont 510,000
offerts par les pouvoirs publics, 435,000 par les sociétés ;
en ajoutant 357,150 fr. d'entrées versés par les proprié-
taires, on arrive à un budget total de 1 ,302,500 fr.
Les prix les plus importants sont, vers 1850, outre
ceux du Jockey-Club que nous avons énumérés, le Grand
Prix (royal, national, puis impérial) de 14,000 fr., fondé en
1834 et couru au Champ de Mars par des chevaux de quatre
ans et au-dessus, sur 4,000 m., en partie liée ; il est
réservé aux chevaux français. Il est vrai que le prix d'Or-
léans leur oppose ceux qui sont nés en Angleterre, mais
seulement s'ils sont à réclamer pour 10,000 fr.
A cette époque se placent deux faits considérables. En
1853, on donne aux courses un code unique ; celui de la
Société d'encouragement sert de modèle. En 1856, est
inauguré l'hippodrome de Longchamp. Un traité avec la
ville de Paris, négocié à l'instigation du duc de Morny,
accorde à la Société d'encouragement la concession pour
cinquante ans moyennant un loyer de 12,000 fr. et l'obli-
gation de dépenser 300,000 fr. pour élever des tribunes,
aménager le terrain, etc. Les recettes fournies par le
public parisien qui de plus en plus affluera sur cet hip-
podrome vont permettre de multiplier les prix et d'en aug-
menter la valeur. En même temps, la France commence à
produire de bons chevaux ; elle entre en lutte avec l'An-
gletere, la bat sur son propre terrain. En 1853, Jouvence
à M. Lupin enlève la Coupe de Goodwood; elle était entraînée
en Angleterre, mais Hervine à M. Aumont, qui prit la
seconde place, venait de Chantilly ; en 1855, Baroncino ;
en 1857, Monarque, renouvellent ce succès. Puis se fonde
la grande écurie Lagrange, à cheval sur la France et
l'Angleterre, qui remporte successivement tous les prix
classiques, Oaks, Deux Mille Guinées, Derby, Saint-Léger.
On se sent si fort, qu'en 1863, M. de Morny fait créer une
grande épreuve internationale à laquelle on convie les che-
vaux anglais. Comme la Société d'encouragement était
liée par ses statuts et ne pouvait fournir un prix interna-
tional, il décide la ville de Paris à donner 50,000 fr., les
cinq grandes compagnies de chemins de fer à en donner
autant; ce prix de 100,000 fr. restera jusqu'en 1890 le
plus considérable offert, si l'on ne tient pas compte des
entrées ; celles-ci en portent la valeur à 150,000 fr.
environ ; les engagements se font comme pour le Derby et
le prix du Jockey-Club, l'année de la naissance du cheVal.
Voici la liste des gagnants du Grand Prix de Paris de-
puis la fondation :
4863 The Ranger, par Voltigeur, àM.H.Saville (monté
par J. Goater).
4864 Vermout, par The Nabob, à M. H. Delamarre
(Kitchener).
4865 Gladiateur, par Monarque, au comte de Lagrange
(H. Grimshaw).
4866 Ceylon, parldle Boy, au duc de Beaufort (T. Can-
non).
1867 Fervacques, par Underhand, à M. de Montgomcry
(G. Fordham).
1868 The Earl, par Y. Melbourne, au marquis d'iïastini>s
(G. Fordham).
1869 Glaneur, par Duckthorn, à M. A. Lupin (Kit-
chener) .
1870 Sornette, parLigth, au major FridoHn (Ch. Pra tt).
1871 (Pas couru.)
1872 Cremorne, par Parmesan, à M. H. Saville (Maid-
ment).
1873 Boïard, par Vermout, à M. IL Delamarre (T. Car-
ver).
1874 Trent, par Broomielaw, à M. Marshall (T. Cannon).
1875 Salvator, par Dollar, à M. A. Lupin (Wheeler).
1876 Kisber, par Buccaneer, à M. Baltazzi (Maidment).
1877 Saint Christophe, par Mortemer, au comte de
Lagrange (lïudson).
1878 Thurio, par Nilthorpe ou Cremorne, au prince Sol-
tykoff(T. Cannon).
1879 Nubienne, par Ruy Blas, à M. Ed. Blanc (Hud-
son).
1880 Robert the Devil, par Bertram, à M. C. Brewer
(Rossiter).
1881 Foxhall, par King Alfonso, à M. J,-R. Keene (G.
Fordham).
1882 Bruce, par See Sm, à M. H. Rymill (F. Ar-
cher).
1883 Frontin, par George Frederick, au duc de Castries
(T. Cannon).
1884 Little Duck, par See Saw, au duc de Castries (T.
Cannon).
1885 Paradox, par Sterling, à M. BrodrickClœte (F.
Archer).
i886 Minting, par Lord Lyon, à M. R.-C. Wyner (F.
Archer).
1887 Ténébreuse, par Mourle ou Saxifrage, à M. P. Au-
mont (Woodburn),
1888 Stuart, par Le Destrier, à M. Pierre Donon (T.
La ne).
1889 Vasistas, par Idus, à M. H. Delamarre (Rolfe).
1890 Fitz Roya, par Atlantic, au baron A. de Schickler
(T. Lane).
Le Grand Prix de Paris a été gagné quinze fois par des
chevaux français, dix fois par des chevaux anglais (1863,
1866, 1868, 1872, 1874, 1878, 1880, 1882, 1885,
1886), une fois par un cheval hongrois (Kisber, 1876) et
une fois par un cheval américain (Foxhall, 1881). Cinq
chevaux seulement ont gagné succcessivement le prix du
Jockey-Club et le Grand Prix : Boïard (1873), Salvator
(1875), Frontin (1883), Little Duck (1884) et Stuart
(1888); trois seulement ont gagné successivement le
Derby et le Grand Prix : Gladiateur (1865), Cremorne
(1872) et Kisber (1876); de ceux-ci un seul était anglais.
En revanche quatre gagnants anglais du Derby ont été
battus dans le Grand Prix : Blair Athol par Vermout
(1864), Doncaster par Boïard et Flageolet (1873), Saint-
Biaise par Frontin (1883), enfin Merry Hampton (1887)
qui n'arriva que quatrième. En vingt-sept années trois
pouliches ont gagné le Grand Prix : Sornette (1870),
Nubienne (1879) et Ténébreuse (1887).
Nous indiquerons plus bas, en parlant du programme
méthodique de la Société d'encouragement, les autres
grandes épreuves.
Ecuries. — Les principales écuries de courses ont beau-
coup contribué en France au succès des courses et aux
progrès de l'élevage. La première et quelque temps la plus
brillante fut celle de lord Seymour; après 1840, il fut
éclipsé par des éleveurs français, MM. Aumont et Lupin ;
le premier surtout a rendu les plus grands services par des
importations d'étalons comme Gladiator ; il a possédé les
deux premiers étalons, souche de la race française, Fitz
Gladiator et Monarque ; le second a fait naître Dollar. En
1854, nous voyons figurer en tête des écuries gagnantes,
MM. Aumont avec 136,850 fr., Boldrick avec 67,250 fr.,
Delamotte, 66,100 fr., citons encore celle du prince de Beau-
vau ; nous sommes loin de l'Angleterre, où M. xiumont
n'occuperait que le dixième rang après l'écurie Padwick
(439,850 fr.) ; celle de lord Derby (353,775 fr.), etc. Ala
mort de M. Aumont, la plupart de ses chevaux sont rachetés
par le comte de Lagrange, entre autres Monarque ; en
1857, il gagne 148,325 fr., M. Lupin, 128,155 ; le prince
de Beauvau s'associe Nivière, P. Aumont garde quelques
chevaux; en 1860, l'écurie Nivière gagne 267,148 fr.,
P. Aumont, 414,725 fr., Lagrange, 444,71 3 fr, A cette date
se produit la fusion des écuries Lagrange et Nivière; « la grande
écurie » ainsi constituée s'assure par des traités la produc-
— 165 —
COURSE
tion des principaux éleveurs français, dont M. Aumont. Les
vieilles écuries Delamarre, Lupin sont éclipsées ; bientôt
paraît le fameux Gladiateur, fils de Monarque, le plus
remarquable des chevaux de ce siècle ; Técurie Lagrange
remporte les plus grands succès en France et en Angle-
terre ; Fille de l'Air gagne les Oaks ; Gladiateur, toutes les
grandes courses anglaises ; plus tard, Chamant enlèvera le
Middle Park et les Deux Mille Guinées, mais claquera avant
le Derby, et Rayon d'Or gagnera le Saint-Léger ; en France,
l'écurie Delamarre a de beaux succès ; après 4865, l'asso-
ciation Lagrange-Nivière se rompt. Ch. Laffitte, Nivière et
Khalil-bey s'unissent et font courir sous le pseudonyme de
major Fridolin ; récurie Fould se développe. Après 4870,
les chevaux français chassés de Chantilly par la guerre
émigrent en Angleterre; ils y retournent souvent les
années suivantes ; Reine (4872) gagne les Oaks, où deux
pouliches françaises, Enguerrande et Camélia, f ont dead-heat
en 4876; Mortemer (4874), Henry (1872), Boïard (4874),
Verneuil (4878), la Coupe d'Ascot; Sornette (1870) et
Dutch Skater (4872), la Coupe de Doncaster ; nous ne par-
lons pas des succès dans les handicaps qui ont été fréquents,
ni de ceux de plus en plus nombreux, obtenus depuis
quelques années par les écuries franco-anglaises Lefèvre,
Rothschild et Ed. Blanc. L écurie Lagrange, très éprouvée
par la guerre, se relève peu à peu ; en 4875, Lupin gagne
469,254 fr., Lagrange, 491,300 fr., le baron de Nexon,
144,442 ; en 4878, Lagrange gagne 598,493 fr. plus
247,950 fr. en Angleterre, soit 846^,000 fr., et ce total ne
suffit pas pour couvrir ses frais ; rien qu'en France il en-
traîne soixante-neuf chevaux ; l'écurie Lupin gagne
304,520 fr., Técurie Fould, 289,543. Aux écuries La-
grange, Lupin, Delamarre, à celle de M. Aumont qui repa-
raît, il faut ajouter celle formée par MM. Fould et de Sou-
beyran ; ce dernier s'associe ensuite avec le duc de Castries,
puis fait courir sous son nom ; les écuries Rothschild,
Maurice et Michel Ephrussi se développent ; quand le
comte de Lagrange meurt, M. Lefèvre recueille une partie
de sa succession, mais bientôt traite avec le baron de
Rothschild, à qui il vend ses produits. Comme conclusion
à cet exposé, nous donnons la liste des principaux pro-
priétaires gagnants en courses plates, depuis quatre années.
1887 1888 1889 1890
Baron de Soubeyran. 339,433 473,822 381,682 285,730
A. Lupin : 285,500 431,140 568,412 189,379
P. Aumont 630,560 231,584 225,504 211,513
Michel Ephrussi 451,025 273,111 284,473 250,278
Baron de Schickler.. 179,636 300,204 223,261 492,254
P. Donon 157,369 444,483 115,613 341,800
Baron de Rothschild. 217,324 148,386 272,547 410,487
Maurice Ephrussi.... 70.337 140,494 279,136 420,675
Comte de Juigné 143,636 194,845 215,447 245,999
Delamarre 94,211 67,437 293,812 106,872
Ed. Blanc 42,649 96,902 191,062 154,847
En 1889, il a été distribué sur les différents hippo-
dromes, pour les courses plates, 5,332,857 fr. 65 de prix ;
dont 4,041,930 ofierts et 1,290,927 fr. 65 d'entrées
payées par les propriétaires ; sur ce total, 2,406,720 fr.
ont été courus à Paris, Chantilly et Fontainebleau. Ce
total est très élevé, surtout si l'on y ajoute 4,366,670 fr. 10
pour les courses d'obstacles (dont 3,483,200 fr. de prix
offerts) lesquels pour une grande partie reviennent à l'éle-
vage. Pour les courses plates, l'Angleterre donne le double
de prix, mais la somme réellement offerte aux propriétaires
est bien moindre ; ce sont les entrées payées par eux qui
représentent la différence. En obstacles, la France donne
beaucoup plus. Nous verrons plus bas que ceci est moins
regrettable qu'il ne semblerait à première vue.
Les casaques adoptées par les principaux propriétaires
sont : Aumont, casaque blanche, toque verte ; Lupin,
c. noire, t. rouge ; baron de Soubeyran, c. et t. blanche
et or; Maurice Ephrussi, c. bleue, "^pois jaunes, t. bleue;
Michel Ephrussi, c. et t. gros bleu ; Lefèvre, c. bleu,
blanc, rouge, t. bleue; duc de Feltre, c. blanche, manches
bleues, t. rouge; P. Donon, c. rayée lilas et noir, t. rayée
lilas et noir ; Delamarre, c. marron, manches rouges, t.
noire; comte de Berteux, c. verte, t. rouge; baron de
Schickler, c. blanche, manches et t. cerise ; baron de Roths-
child, c. bleue, t. jaune ; comte de Juigné, c. cerclée jaune
et rouge, t. noire ; Ed. Blanc, c. orange, t. bleue ; baron
Roger, c. rouge, t. jaune ; H. Say, c. rouge, manches et
t. bleue; Delâtre c. et t. verte; comte Le Marois, c. verte,
pois rouges, manches et t. rouges; Th. Carter, c. grenat,
brandebourgs argent, t. noire ; J. Prat, c. marron, manches
orange, t. blanche; Petit, c. bouton d'or, manches cerclées
bouton d'or et cerise, t. cerise ; H. Jennings, c. jaune,
manches rouges, t. noire; de La Charme, c. rayée cerise et
noir, t. cerise; L. André, c. orange, t. rouge; Gibson,
c. bleue, manches blanches, t. rouge; de Brémond, c. noire,
manches cerclées mauve et noir, t. mauve ; vicomte d'Har-
court, c. rouge et or, t. rouge et or; Liénart, c. et t. rouges ;
Dephieux, c. gros bleu, manches et t. orange; Ridgway, c. vert
d'eau, t. noire ; Joubert, c. bleu ciel, t. prune ; de Nexon,
c. gris-perle, t. cerise; etc. (V. aussi la liste des écuries
d'obstacles).
Etalons. — Le pur sang français a été importé d'An-
gleterre ; depuis soixante ans, pour la formation de notre
effectif et pour le maintien de sa qualité, nous n'avons
cessé de nous alimenter en Angleterre, achetant d'excel-
lents étalons depuis Cadland jusqu'à Bruce et Retreat. Les
tentatives pour créer une race originale par l'acclimatation
d'une colonie arabe ont retardé le progrès ; cependant l'ad-
ministration des haras y a eu une grande part ; c'est elle
qui a importé et importe encore la majorité des reproduc-
teurs achetés en Angleterre. A côté de ceux-ci figurent dès
le miUeu du siècle des étalons indigènes, c.-à-d. nés en
France, qui bientôt prouvent une qualité égale. Cependant
aujourd'hui encore où les courses et les chevaux de France
rivalisent sans désavantage avec ceux de l'Angleterre, nous
sommes forcés de nous alimenter régulièrement de l'autre
côté du détroit, au moins pour remplacer les étalons et les
juments exportés en Allemagne, en Autriche, en Amérique.
En 1847, les principaux étalons sont: Master Waggs,
dont 4 produits ont gagné 15 courses d'une valeur de
43,500 fr. ; Beggarmann, dont 3 produits ont gagné 14
courses d'une valeur de 41,700 fr. ; Y Emilius, dont 8 pro-
duits ont gagné 18 courses valant 38,700 fr. ; Royal Oak,
dont 10 produits ont gagné 20 courses valant 37,700 fr. ;
Lotthery, dont 4 produits ont gagné 11 courses valant
32,450 fr.; tous sont d'origine anglaise. En 1854, les
étalons de tête sont Gladiator, dont les produits gagnent
129,880 fr., Royal Oak, 70,240 fr., Giges, 69,060fr.,
Master Waggs, 62,570 fr., également de naissance an-
glaise ; en 1857, la situation n'a pas changé, Gladiator
(119,525 fr.), The Emperor (95,500 fr.), Nunnykirk par
Touchstone (73,250) sont anglais. Dix ans plus tard, les
choses ont bien changé, l'étalon français Monarque tient la
tête ; depuis lors, ce sont les chevaux issus d'étalons fran-
çais qui gagnent la majorité de nos prix ; toutefois, de
temps à autre, la descendance des étalons anglais leur vaut
la première place sur le tableau des étalons gagnants. Voici
cette liste en 1890 pour les courses plates:
Atlantic 370,975
Hermit 288,425
Bruce 261,024
Saxifrage 237,775
Silvio 233,456
Wellingtonia 201,707
Le Destrier 190,705
Narcisse 150,484
Dutch Skater 145,237
Zut 139,508
Don Carlos 136.497
Albion 131,203
Perplexe 131 ,169
Bay-Archer ^ 126,139
Plutus^ 118,680
Beauminet 114,575
Clairvaux 110,150
COURSE
— 166
Gaillard 409,925
Hampton 408,937
Inval 402,820
Vigilant 401,546
Voici également pour les courses d'obstacles la liste
des étalons dont les produits gagnent plus de 400,000 fr. :
Salvator 463,458
Ascetic 436,975
Saxifrage 432,692
Patriarche 430,640
Montargis 429,468
Bay-Archer 443,426
Zut 408,860
On voit que dans les courses plates les premiers rangs
appartiennent à des étalons anglais, Atlantic (importé),
Hermit (en Angleterre), Bruce (importé), Silvio (importé)
et Wellingtonia (importé). Si nous faisons le total des prix
gagnés en plat et en obstacles, voici le résultat pour les
deux dernières années 4889 et 4890 :
Saxifrage 401,474 370,367
Sihio 292,826 303,963
Zut 258,424 248,368
Atlantic 242,045 443,922
Bay-Archer 242,944 229,665
Salvator 209,682 486,558
Bruce 48,450 302,490
Le Destrier 473,434 235,444
Don Carlos 249,634 499,479
On distingue parmi les étalons français quatre grandes
familles; en effet, si l'on peut les grouper selon les trois
grandes familles de la race anglaise, elle est depuis assez
longtemps fixée en France pour qu'on ait pu créer des
familles françaises ayant leur physionomie propre et suscep-
tibles de croisements méthodiques. Nous indiquerons d'abord
sommairement le point d'attache avec les familles anglaises,
puis nous décrirons les principales Mgnées françaises.
A la famille de Bierly Turk se rattachent : la branche
de l^itz Gladiator (par Gladiator) dont nous reparlerons; la
branche de See Saw, fils de Buccaneer, représentée par
Frontin et Bruce; Idus, fils de Wild Dayrell par Ion, de la
lignée de Sir Peter ; la branche de Dollar, fils de The Flying
Dutchman, de la lignée d'Herod et de Woodpecker dont nous
reparlerons ; Dutch Skater, par The Flying Dutchman ;
Eusèbe, fils de Favonius; Stracchino, fils de Parmesan.
A la famille de Darley Arabian se rattachent : la branche
de Monarque (par The Emperor) dont nous reparlerons ; la
branche de Plutus (par Touchstone) dont nous reparlerons ;
les descendants d'Hermit : Saint-Louis, Tristan, Clairvaux;
Wellingtonia, petit-fils d'Orlando par Touchstone; les fils
d'Isonomy et d'Energy (par Sterling); Silvio, par Blair Athol;
tous sont de la famille de Whalebone. A la famille de Godol-
phin Barb on rattache le fils de West Australian, Buy Blas,
et Atlantic (par Thormanby) descendant de Melbourne.
Les quatre grandes familles françaises sont celles de Fitz
Gladiator, Monarque, Plutus et Dollar, dont les descendants
gagnent annuellement environ un million à 4,300,000 fr.
pour chaque famille. Pendant les années qui précédèrent
la chute de l'Empire, Monarque et Fitz Gladiator tenaient
invariablement la tête des étalons gagnants avec une grande
avance sur leurs concurrents. Leur descendance brille
également dans les courses de toute catégorie ; peut-être
celle de Monarque a-t-elle une légère supériorité dans les
courses plates, et celle de Fitz Gladiator dans les courses
d'obstacles. Mais la différence est faible et des résultats
contraires pourraient être constatés d'une année à l'autre.
Les Plutus, au contraire, aiment mieux d'ordinaire les
courses plates, sans doute à cause de leur caractère souvent
inégal. Les Dollar sont bons toujours et partout.
Les qualités qui caractérisent la descendance de Monarque
sont le courage, la docilité, Pendurance, l'aptitude à tenir
la distance et à porter le poids. Don Carlos transmet
d'ordinaire ces qualités à ses descendants. Mais les deux
chefs de famille qu'il faut considérer comme les véritables
héritiers du célèbre étalon Gladiateur n'ayant malheureu-
sement pas laissé de descendant digne de lui, sont Consul
et Tîvcadéro. Tous deux sont personnellement hors de
cause ; mais leurs représentants soutiennent l'honneur de
la famille. Nougat (fils de Trocadéro), père d'Aérolithe et
de Modèle, a depuis longtemps fait ses preuves ; son fils
Farfadet a pour ses débuts produit Carmaux. Albion et
Flavio s'annoncent bien. De même Narcisse et Bariolet
sont venus à point recueilHr l'héritage de Trocadéro dont
Chitré, Satory et Pourquoi peuvent également devenir
les dignes représentants. — Il ne faut pas oublier enfin que
Léon, Prologue, Castillon et Flageolet descendent de filles
ou {)etites-filles de Monarque ; les produits de ces étalons
ainsi que des fils de Flageolet, Le Destrier, Zut, Rayon
d'Or, etc. , ont donc tous dans les veines le sang du célèbre
vainqueur du prix du Jockey-Club en 4855.
Les qualités qui caractérisent la descendance de Fitz
Gladiator ont beaucoup d'analogie avec celles que Monarque
a léguées à sa race. La famille de Fitz Gladiator elle-
même peut se subdiviser en trois branches dont les chefs
sont Vertugadin, Orphelin et Mortemer. Tous les trois
furent d'excellents étalons, mais leur rôle personnel peut
être considéré comme fini. Orphelin est mort depuis long-
temps et les deux autres ne sont plus représentés que
par de rares produits. En France, le premier rang appar-
tient à la descendance de Vertugadin qui de Slapdah a eu
Saxifage, le meilleur étalon indigène, et Saltéador. — A la
branche d'Orphelin se rattachent Faublas et son fils San-
Stefano, Montargis, Tabac, Eckmulh ; les produits de Mon-
targis sautent bien. — La branche de Mortemer, petit-fils de
Fitz Gladiator par Compiègne qui mourut jeune (à sept ans),
s'est singulièrement appauvrie depuis le départ de son chef
pour les Etats-Unis, de Verneuil pour l'Autriche et de dia-
mant pour l'Allemagne. On sait que tous les trois ont obtenu
à l'étranger de grands succès, Chamant occupe tantôt le pre-
mier rang, tantôt le second rang en Allemagne et son demi-
frère, Verneuil, est presque toujours parmi les quatre et cinq
premiers en Autriche. Mortemer était fils de Compiègne et
de Maid of Hart ; celle-ci est la célèbre pouhnière à laquelle
nous devons également Etoile du Nord, Dangu, Six Mai
et Monseigneur, De toute cette Mgnée qui est peut-être la
plus remarquable, il ne reste en France que Beaurepaire.
La famille de Dollar, fils de The Flying Dutchman, a
hérité des quahtés de son ancêtre. Les Dollar sont, comme
leur père, des animaux honnêtes et résistants; ils ont
beaucoup de fond et déploient le plus souvent à l'arrivée
ce grand courage qui a fait la fortune de leur père et au-
quel il a dû notamment ses deux victoires mémorables sur
Stradella. Les principaux représentants de cette famille sont
les trois fils de Dollar : Fontainebleau, Salvator et Pa-
triarche, après lesquels on peut citer Cimier, Vignemale ;
les produits de Patriarche sont excellents en obstacles.
Plutus (4863), qui est lui-même un excellent étalon, a
produit Flageolet par La Favorite; celui-ci a malheureu-
sement été vendu en Allemagne , mais il a laissé pour fils,
outre Rayon d'Or qui a été 'vendu aux Etats-Unis oh il est
l'étalon de tête, gagnant en 4889 près d'un million : Zut,
Le Destrier et Beauminet, le dernier exporté en Autriche;
les deux autres obtiennent beaucoup de succès, générale-
ment dans les prix secondaires, bien que Le Destrier ait
produit Stuart (4885),
Après ces grandes familles on peut citer la descendance
de Vermout par The Nabob qui n'a pas de succès compa-
rables; puis les étalons déjà nommés: les fils d'Hermit;
Stracchino ; Ruy Blas, et son fils Mourle ; Insulaire, exporté
en Autriche ; Frontin et Bruce ; Silvio ; Bay-Archer (par
Toxophylite), fils de Longbon; Wellingtonia; Lord Clive;
Atlantic ; King-Lud et Border-Ministrel. — Bien entendu
ces familles, surtout les quatre principales, ont été si fré-
quemment alliées que la plupart des bons chevaux réunis-
sent le sang de plusieurs d'entre elles, notamment celui
de Monarque, le meilleur étalon français dont nous repro-
duisons le pedigree.
- 167 -
COURSE
/
Monarque (1852) .
The Emperor,...
Poetoss
Whalebone.
Défiance par Rubens,
Reveller.
Design ,.,,,>
Tramp par Dick Andrews,
Défiance par Rubens,
Vitesse. — Parmi les plus grandes vitesses constatées,
nous citerons celles réalisées par les vainqueurs du prix du
Jockey-Club qui ont à gravir la fameuse montée de Chan-
tilly. Voici le temps qu'ils ont mis, depuis 48T8, à par-
courir la distance, qui est de 2,400 m. :
4878 Insulaire 2^38^
4879 Zut 2^^363
4880 Beauminet 2«^39^
4884 Albion 2«»39« ^/^
4882 Saint-James et Dandin , . . 2^44^ ^j^
4883 Frontin 2«^34« %
4884 Little-Duck 2"^22«
4885 Reluisant 2'^39« ^5
4886 Sycomore et Upas 2«^42«
4887 Monarque 2'^45^
4888 Stuart 2«^39«
4889 Clover 2°^38^
4890 Heaume 2^44« Vs
Ces temps sont généralement plus courts que ceux mis
par les vainqueurs du Derby anglais à parcourir la même
distance. Nous citerons encore Mondaine qui fit, en
7 m. 48 s. %, les 6,200 m. du prix Gladiateur (en 4877) ;
Pourtant qui, en 4890, fit en 5 m. 42 s. ^/g les 5,000 m.
du prix Rainbow. Ces dernières vitesses, supérieures à
celles des chevaux anglais, ont été dépassées aux Etats-Unis
où, sur les longs parcours, la vitesse se maintient mieux.
Sur de courtes distances, dans les épreuves de 4,000 à
4,200 m., on a réalisé de plus grandes vitesses que dans
celles oti il faudrait soutenir cette allure extrême pendant
un temps double ; toutefois, la vitesse grâce à laquelle
Little-Duck remporta sa célèbre victoire sur Archiduc n*a
guère été dépassée ; elle représente 59 s. par kil. ; dans
le Cambridgeshire de 1888, Veracity parcourut les 1 ,800 m.
de l'épreuve en 4 m. 47 s., ce qui représente une vitesse
équivalente à celle de Little-Duck, mais sur un parcours
moindre de moitié. Dans les courses de 4,000 m. en An-
gleterre, en France et aux Etats-Unis, on a vu assez sou-
vent des chevaux de deux ans faire le parcours en 4 m.
ou même en 4 s. de moins.
Sur 4,600 m. (le mille anglais), on a obtenu presque la
même vitesse ; dans le Grand Critérium de 4877, Mantille
fit 4,600 m. en 4 m. 38 s. ^/^ ; en 4878, 4880, 4884 et
4889, ils furent parcourus en 4 m. 40 s. ; il est remar-
quable que les chevaux de deux ans atteignent, en général,
une vitesse égale ou supérieure à celle de leurs aînés (dans
les poules d'essai des poulains, par exemple), bien que les
chiffres extrêmes soient à l'avantage de ceux-ci. Jusqu'à
2,500 m. la vitesse se soutient encore; on a vu celle que
réalisa Little-Duck; elle est exceptionnelle; mais, en 4 890,
dans le prix Hocquart, où l'allure fut simplement vive,
Yellow parcourut 2,500 m, en 2 m. 38 s., ce qui est
encore une vitesse de 4 m. 3 s. par kil. A partir de
3,000 m., les chiffres sont moins remarquables, la vitesse
diminue sensiblement, au moins pendant la première moitié
du parcours. En Angleterre, les 2,900 m, du Saint-Léger,
la grande course classique d'automne, sont généralement
parcourus en 3 m. 20 s, environ ; Donovan (4890) les a
fournis en 3 m. 43 s, (vitesse par kil., 4 m. 6 s. ^/g).
Les 3,000 m. du Grand Prix de Paris ont été parcourus, en
moyenne, en 3 m. 30 s. ; l'année 4889 Vasistas les fit en
3 m. 24 s., soit 4 m. 74 s. par kil. ; la vitesse est plus
grande d'ordinaire pour le prix Royal Oak, grande épreuve
d'automne courue sur la même distance. Les 3,600 m. du
Cesarewitch Stakes, handicap d'octobre en Angleterre, ont
été fournis par Sheen (4890) en 3 m. 54 s., ce qui repré-
Whisker S Waxy.
^^^^^®^ l Pénélope.
' Shuttle.
AnnaBella.,
Fille de Drone.
sente une vitesse de 4 m. 5 s. par kil. ; celle de Pourtant,
sur 5,000 m., était de 4 m. 8 s. Va par kil. ; celle de
Mondaine sur 6,200 m., n'est plus que de 4 m. 40s. V21
et ce sont là des résultats exceptionnels, car, en général,
sur une distance de 6,000 m., la vitesse moyenne ne dé-
passe guère 4 m, 45 s, ; elle est donc inférieure d'un
quart à celle qu'on réalise sur 4,000 m.
Code des courses. — Nous relatons ici les dispositions
essentielles du code des courses, rédigé par la Société
d'encouragement. Depuis la délégation qui a été donnée
aux Sociétés par l'arrêté de 4866, les hippodromes sont
régis, pour les courses plates au galop, par le règlement
de la Société d'encouragement pour l'amélioration des races
de chevaux en France ; pour les courses à obstacles, par
le règlement de la Société générale des steeple-chases ;
pour les courses au trot, par celui de la Société pour Famé*
lioration du cheval français de demi-sang.
Les règles générales, admises pour les courses plates
par la Société d'encouragement, sont, sauf les modifications
exigées par les différences spécifiques, adoptées par les
autres sociétés. Nous énoncerons ci-dessous les plus im-
portantes.
De la qualification des chevaux. Ne seront admis à
courir, sauf conditions contraires, que les chevaux entiers
et juments nés et élevés en France jusqu'au 4^^ juin de
leur deuxième année, dont la généalogie est inscrite, soit
au Stud-Book anglais, soit au Stud-Book français, ou qui
ne sont issus que d'ancêtres dont les noms s'y trouvent
insérés. « Tout cheval qui quitte la France avant d'avoir
couru est disqualifié et incapable de courir, à moins que,
postérieurement au 4®^' juin de sa seconde année, et préa-
lablement à sa sortie de France, son signalement aussi
complet que possible ait été étabH par un vétérinaire
diplômé, certifié par son propriétaire, et déposé au secré-
tariat de la Société d'encouragement. »
Est disqualifié et incapable de courir : 4^ Tout cheval
né en France ayant couru sur le continent dans une course
publique : A, avant le 45 mars ou après le 45 nov. ; B, en
portant un poids inférieur à 40 kilogr. ; C, sur une dis-
tance inférieure à 4,600 m., si la course est un handicap;
D, à l'âge de deux ans, avant le i^^ août, et après cette
époque, s'il a été engagé plus de trois mois à l'avance ou
si la course est un handicap. 2^ Tout cheval déclaré inca-
pable de courir par l'autorité compétente en France ou à
l'étranger. 3^ Tout cheval ayant couru en France: A, dans
une course dont le prix n'est formé que par les entrées
payées par les propriétaires des chevaux engagés ; B, dans
une course dont l'entrée dépasse 5 ^/o de la somme offerte
en prix ; C, dans une réunion publique dont le programme
n'a pas été publié au Bulletin officiel.
Le programme d'aucune réunion n'est publié au Bulle-
tin officiel qu'autant qu'il a été établi à la satisfaction du
comité et, en cas d'urgence, des commissaires ; que cette
commission est régie par le code des courses, qu'elle ne
fait pas l'objet d'une spéculation, que les excédents de
recettes sont entièrement appliqués au maintien et au dé-
veloppement des courses, que les prix annoncés ne sont,
en aucun cas, sujets à réduction au profit du fonds de
coursés. De plus, on a limité les sommes affectées aux prix
à réclamer, qui ne pouvaient jamais dépasser 25 % du
total ; celles affectées aux handicaps, 25 <*/o ; de même, on
fixe un maximum de 25 ^/^ à celles affectées aux courses
de moins de 2,000 m. pour chevaux de trois ans et au-
dessus, de 20 **/o pour la somme des prix de courses
ouvertes aux chevaux de deux ans et de 20 % pour les
COURSE
— 168 —
courses ouvertes aux chevaux étrangers. Ces conditions
sont un peu adoucies pour les petites sociétés de province ;
celles qui distribuent moins de 5,000 fr. sont libres de les
répartir comme elles l'entendent.
Les chevaux prennent leur âge du 1^^ janv. de l'année
de leur naissance.
Toute course dont le gagnant reçoit un prix formé, soit
par une donation spéciale, soit par les entrées payées par
les propriétaires des chevaux engagés, soit par ces deux
moyens réunis, est une course publique. Un pari particulier
entre deux propriétaires n'est pas une course pubhque ;
mais, s'il y a plus de deux propriétaires ayant engagé des
chevaux, la course est considérée comme publique, et le
gagnant comme le gagnant d'un prix.
Le montant des gains se calcule sur la totalité de la
somme annoncée comme offerte en prix. Mais on ajoute au
prix le montant de toutes les entrées revenant au gagnant,
la sienne exceptée. Si un objet d'art ou autre, forme le
prix ou une partie du prix, il n'entre pas en compte ; la
somme payable en espèces est seule comptée. Les chevaux
ayant couru ou gagné des courses d'obstacles ne sont pas
considérés comme ayant couru ou gagné. Lorsque certaines
conditions particulières sont exigées pour la qualification
des chevaux dans une course, il suffit, pour qu'un cheval
soit quahfié, qu'il remphsse ces conditions au moment de
la clôture des engagements, sauf conditions contraires.
De rengagement des chevaux. Tout engagement doit
être fait par le propriétaire du cheval engagé, ou en son
nom, par son mandataire, s'il y a plusieurs propriétaires ;
mais pour agir en cette qualité et engager valablement, il
faut qu'il ait une part de propriétaire ou d'intéi'êt au moins
égale à celle d'aucun des autres associés ; ou bien qu'il ait
été constitué associé dirigeant par un acte authentique ;
toute objection contre la qualification d'un cheval, en raison
des dispositions qui précèdent, doit être faite, à peine de
nullité, avant l'heure fixée pour la course. Ces engagements
se font par écrit ou par télégramme, au domicile et à
l'heure indiqués par le programme. Tout engagement arrivé
après l'heure fixée est nul de plein droit, même dans le cas
où le retard serait justifié par des raisons de force majeure.
Tout engagement doit contenir la désignation exacte du
cheval engagé, son âge et son origine ; il faut y consigner
les noms des pères, mère, grands-pères, grand'mères des
chevaux, etc., en s'arrêtant à ceux de leurs ancêtres qui
sont inscrits au Stud-Book anglais ou au Stud-Book fran-
çais. — Si la mère du cheval a été couverte par plusieurs
étalons, ils doivent tous être nommés. — Après qu'un
cheval a été engagé une seule fois avec sa désignation, son
nom et son origine, dans une course publiée au Bulletin
officiel^ il suffit, pour les engagements subséquents, de le
désigner par son nom, même s'il n'a pas couru; et si on
l'engage en même temps, et pour la première fois dans plu-
sieurs courses, il suffit de donner sa désignation exacte et
son origine pour l'un de ces engagements, et son nom
seulement pour les autres. — Si l'on veut changer le nom
sous lequel un cheval a déjà couru, on doit, dans tous les
engagements faits pendant trois mois à dater du premier
engagement qui suit ce changement, mentionnera la suite
au nouveau nom celui ou ceux sous lesquels le cheval a déjà
couru. S'il s'agit d'un cheval n'ayant pas couru, mais ayant
reçu un nom soit au Stud-Book, soit dans un engagement
antérieur, il suffit de mentionner le changement et de
donner le nouveau nom avec l'ancien, dans le premier
engagement inséré an Bulletin officiel. — Si, par suite
d'une manœuvre frauduleuse, un cheval court ou est engagé
sous une fausse désignation, ce cheval devient incapable
de courir ensuite dans aucune course. Son propriétaire
doit restituer à qui de droit la valeur des prix qu'il a
gagnés et peut être déclaré incapable de faire courir à
l'avenir aucun cheval. — Tout propriétaire désirant que
ses chevaux ne courent pas sous son nom peut être autorisé
à les mettre sous le nom d'un représentant agréé par le
comité de la Société d'encouragement.
Des déclarations de forfaits et engagements nuls.
Le droit de retirer un cheval ou de déclarer forfait appar-
tient exclusivement à la personne qui l'a engagé ou à ses
représentants; la déclaration doit être faite aux commissaires
ou à la personne chargée de recevoir ces engagements. —
Quand un cheval est vendu avec tout ou partie de ses enga-
gements, le vendeur ne peut déclarer forfait ni retirer ce
cheval d'aucun des engagements avec lesquels il a été
vendu, et ce droit appartient exclusivement à l'acquéreur
ou à ses représentants. Dans le cas de vente à l'amiable,
une reconnaissance écrite et signée des deux parties est
nécessaire pour constater qu'un cheval a été vendu avec
ses engagements. Dans le cas d'une vente pubhque ou d'une
vente dans un prix à réclamer, les conditions de la vente
ou celles de la course font foi. A défaut des preuves spé-
cifiées ci-dessus, un cheval est toujours considéré comme
vendu sans ses engagements. Quand un cheval est vendu
sans ses engagements, le vendeur conserve le droit d'en
disposer, et il peut accorder ou refuser à l'acquéreur l'au-
torisation d'en profiter.
La déclaration par laquelle un cheval est retiré d'une
course est irrévocable. Si un cheval pour lequel on a payé
forfait ou qui a été retiré par une personne ayant quaUté à
cet effet est, par suite d'une erreur, admis à courir, il ne
peut pas gagner, et est disqualifié pour cette course.
L'engagement d'un cheval est annulé, si la personne sous
le nom de laquelle il a été engagé meurt avant l'époque
fixée pour le payement de l'entrée ou du forfait. L'enga-
gement fait pour une poule de produits est nul si la jument
engagée est vide, si elle a produit mort-né, si elle met bas
avant le 1^"^ janv., ou si elle a plus d'un produit.
Des entrées et forfaits. Les entrées sont réunies au
prix, sauf conditions contraires .
Le montant du forfait ou de l'entrée, lorsqu'il n'y a pas
de forfait, doit être versé au moment de l'engagement.
Dans les courses pour lesquelles les engagements se font
un an ou plus d'un an à l'avance, le montant de l'entrée ou
du forfait peut être représenté par un billet à ordre.
Lorsque les conditions de la course admettent plusieurs
forfaits, c'est le forfait le plus élevé qui doit être déposé ou
souscrit. Tout engagement qui n'est pas accompagné du mon-
tant de l'entrée ou du forfait exigé peut être refusé. Aucun
cheval ne peut courir sans que son entrée ait été payée.
Le fonds de course est responsable de l'entrée des che-
vaux, pour les courses où les commissaires les auront laissé
partir. Toute personne ayant plusieurs chevaux engagés dans
la même course ne peut en faire partir aucun, tant que
les entrées ou forfaits ne sont pas payés pour tous ceux
qui, bien que ne partant pas, lui appartiennent ou sont
engagés sous son nom, ou sous le même nom que le cheval
qu'elle fait courir. Aucun cheval ne peut courir tant que
toutes les entrées dues par son propriétaire ou par la per-
sonne qui l'a engagé ne sont pas payées.
Du pesage. A l'heure fixée pour chaque course, la cloche
sonne, et si, un quart d'heure après, tous les jockeys ne
sont pas prêts, on peut faire partir ceux qui le sont. Tous
les jockeys sont tenus de se faire peser avant la course
devant les commissaires ou leurs délégués, qui constatent
le poids de chaque jockey, mais ne sont pas responsables,
si ce poids n'est pas calculé correctement d'après les con-
ditions de la course. Tout jockey qui, sans en avoir obtenu
la permission de la personne chargée du pesage, ne se fait
pas peser devant elle avant la course, est mis à l'amende
(50 fr.). Après la course, les jockeys doivent rester à cheval
jusqu'à l'endroit où ils sont pesés ; s'ils descendent avant
d'y arriver, les chevaux qu'ils montent sont distancés. Si un
jockey est, par suite d'un accident, hors d'état de revenir
à cheval jusqu'aux balances, il peut, mais dans ce cas seule-
ment, y être conduit ou porté. Tout jockey qui ne se présente
pas au pesage après la course est mis à l'amende (50 fr.).
Tout jockey dont le poids après la course est inférieur
de plus d'un kilogramme au poids constaté avant la course,
peut être mis à une amende n'excédant pas 500 fr.
169 —
COURSE
Tout cheval n'ayant pas porté le poids £xé par les con-
ditions de la course est distancé. On peut peser tout ce que
porte le cheval, excepté les fers. Lorsque le poids le plus
lourd accepté est inférieur à 62 kilogr. dans un handicap
ouvert aux chevaux de 3 ans et au-dessus, ou à 56 kilogr.
dans un handicap où les chevaux déplus de trois ans ne sont
pas admis, il est élevé à ce chiffre et les autres en pro~
portion. Cette règle n'est pas applicable aux handicaps
pour lesquels il n'y a pas d'époque fixée pour la déclaration
de forfaits, ou l'acceptation des poids avant la course.
Du départ. La place des chevaux au départ est tirée au
sort avant chaque course, si les commissaires le jugent utile.
Quand la personne chargée par les commissaires de faire
partir les chevaux a appelé les jockeys pour prendre leurs
places, les propriétaires des chevaux qui se présentent au
poteau doivent, dès lors, leurs mises entières. La personne
chargée de faire partir les chevaux peut faire ranger les
jockeys en ligne, en arrière du point de départ, aussi loin
qu'elle le juge nécessaire. Il est interdit aux jockeys de
prendre le galop avant que le signal de partir soit donné.
Les jockeys doivent marcher au pas vers le poteau et partir
au pas. La personne chargée de faire partir les chevaux
est juge souverain de la validité du départ. Si un jockey
désobéit ou cherche à prendre un avantage illicite, les com-
missaires peuvent lui imposer une amende et même lui
interdire de monter dans les courses de la localité, pendant
le temps qu'ils jugent convenable. Tout jockey mis à l'amende
est incapable de monter, même dans une autre localité,
tant que cette amende n'est pas payée. Tout jockey se trou-
vant sous le coup d'une exclusion ou d'une suspension
prononcée par les commissaires du Jockey-Club anglais
est incapable de monter partout où le présent règlement
est en vigueur.
De la course. S'il est prouvé qu'un jockey a coupé la
ligne suivie par un autre, sans avoir, au moins, deux lon-
gueurs d'avance sur lui, qu'il l'a poussé, ou empêché, par
un moyen quelconque, d'avancer, le cheval que monte ce
jockey peut être déclaré distancé, ainsi que tout autre che-
val appartenant, en totalité ou en partie, au même proprié-
taire, et courant dans la même course ; à moins que la
collision n'ait été causée par un troisième cheval ou que le
jockey qui en a souffert ne fût lui-même en faute ; mais le
fait que cette collision a été involontaire, ou qu'elle n'a pas
modifié le résultat de la course ne constitue, en aucun cas, une
excuse valable. Lorsqu'un cheval en courant passe en dehors
d'un poteau, il est distancé, à moins qu'on ne le fasse re-
tourner et rentrer sur la piste à l'endroit où il en est sorti. Si
un jockey tombe et que son cheval soit remonté et amené au
but par une autre personne, le cheval prend sa place comme
si l'accident n'avait pas eu lieu, pourvu qu'il soit reparti de
l'endroit où le jockey est tombé. Pour qu'un cheval ait
gagné, il faut qu'il ait rempU toutes les conditions de la
course, quand même aucun concurrent ne se serait présenté.
Dans ce cas, il est passible des surcharges imposées aux
gagnants de ce prix. — Il est interdit de faire partir un ou
plusieurs chevaux dans une course sans avoir l'intention d'es-
sayer delà gagner. Toutjockey convaincu d'avoir, dans un but
frauduleux, fait battre le cheval qu'il monte, peut être
puni par les commissaires. Tout propriétaire convaincu
d'avoir donné à son jockey l'ordre de ne pas gagner, peut
être déclaré incapable d'engager ou de faire courir aucun
cheval.
Des épreuves nulles. Si dans une course en une seule
épreuve, deux ou plusieurs chevaux arrivent premiers au
but, tellement ensemble que le juge ne puisse pas décider
lequel a gagné, ces deux chevaux recourent après la der-
nière course de la journée. Les autres chevaux sont consi-
dérés comme perdants et prennent leurs places respectives
comme si la course avait été terminée la première fois. — Si,
après que deux ou plusieurs chevaux ont couru une épreuve
nulle (dead-heat), leurs propriétaires conviennent de par-
tager le prix, ils partagent aussi l'argent attribué au second,
et, s'il y a lieu, au troisième ; ces chevaux sont tous alors
considérés comme gagnants et passibles des surcharges
imposées aux gagnants de ce prix ; mais, dans les courses
pour lesquelles les surcharges sont établies d'après l'impor-
tance des sommes gagnées, ils sont considérés comme ayant
gagné seulement le montant de leur part. — Si deux ou
plusieurs chevaux arrivent ensemble de façon que le juge
ne puisse décider qui est second, l'argent attribué au second
est partagé entre eux, et, s'il y a une somme attribuée au
troisième, ils la partagent aussi. Ces chevaux sont tous pas-
sibles des surcharges imposées au second dans cette course ;
mais dans les courses pour lesquelles il existe des sur-
charges en raison des sommes reçues comme second, ils
sont considérés comme ayant seulement le montant de leur
part.
Des prix à réclamer ou à vendre au plus offrant.
Lorsque les conditions d'une course portent que le gagnant
ou que tous les chevaux seront à vendre au plus offrant,
tout cheval engagé dans cette course, et n'ayant pas été
retiré, peut être réclamé avant la course, moyennant la
somme pour laquelle il a été mis à vendre, augmentée de
la valeur du prix. Les propriétaires de chevaux engagés
dans la même course, et n'ayant pas été retirés, ont seuls
le droit de réclamation. Un propriétaire ne peut pas ré-
clamer lui-même son propre cheval. S'il y a plusieurs
réclamations pour le même cheval, les commissaires ou leurs
délégués procèdent à un tirage au sort qui décide de la
préférence. Tout cheval réclamé avant la course ne peut
pas courir.
Le délai pendant lequel le droit de réclamation peut
s'exercer commence quinze minutes avant l'heure fixée
pour la course, et finit au moment du signal indiquant
l'ouverture du pesage. Pendant ce délai, le droit des pro-
priétaires de retirer leurs chevaux est suspendu. Les
chevaux doivent être rendus sur le terrain quinze minutes
avant l'heure fixée pour la course. Tout cheval dont l'ab-
sence est constatée par les commissaires, sans qu'ils
l'aient autorisée, est considéré comme retiré et ne peut
plus partir.
Lorsque les conditions d'une course portent que le
gagnant sera à vendre pour un prix déterminé, toute per-
sonne ayant l'intention de l'acheter peut, dans le quart
d'heure qui suit la course, remettre aux commissaires, au
juge ou à la personne chargée du pesage, une lettre ca-
chetée contenant l'offre d'un prix qui ne peut être inférieur
à celui fixé par les conditions de la course. Le quart
d'heure expiré, les lettres sont ouvertes et le gagnant
appartient à la personne qui a fait l'offre la plus élevée.
Son propriétaire n'a droit qu'à la somme pour laquelle il
avait mis son cheval à vendre, et l'excédent, s'il y en a,
revient au fonds de course.
Cet excédent doit être payé tout de suite aux commis-
saires, faute de quoi la vente est nulle, et le cheval appar-
tient à la personne qui a fait l'offre immédiatement infé-
rieure.
Lorsque les conditions d'une course portent que tous
les chevaux seront à vendre pour un prix déterminé, toute
personne qui désire acheter un ou plusieurs des chevaux
partants peut, dans le guart d'heure qui suit la course,
remettre aux commissaires, au juge ou à la personne
chargée du pesage, une lettre contenant l'offre qui ne peut
être inférieure à celle fixée par les conditions de la course,
augmentée, s'il s'agit d'un cheval autre que le gagnant,
de la valeur du prix. Le quart d'heure expiré, les lettres
sont ouvertes et tout cheval ayant couru appartient à la
personne qui a fait l'offre la plus élevée ; son propriétaire
n'a droit qu'à la somme pour laquelle il avait mis son
cheval à vendre, augmentée de la valeur du prix. L'excé-
dent, s'il y en a, revient au fonds de course et doit être
payé de suite. Tout cheval vendu au plus offrant n'est
livré qu'après avoir été payé ; il doit l'être le jour même
de la course, faute de quoi la personne qui l'a acheté ne
peut plus exiger qu'il soit livré, tandis qu'elle reste
obligée à le prendre et à le payer si le propriétaire l'exige.
COURSE
— 170 —
Tout cheval vendu au plus offrant est considéré, sauf
condition contraire, comme vendu sans ses engagements.
Des surcharges et remises de poids. Les juments et pou-
liches portent un 1/2 kilogr. de moins que le poids indiqué
pour les chevaux et poulains. Quand les conditions d'une
course imposent une surcharge, ou accordent une remise
de poids, pour avoir gagné ou avoir été battu un certain
nombre de fois dans Tannée, Tannée se compte du 1®^ janv.
précédant le jour de la course. Quand les conditions d'une
course imposent une surcharge aux gagnants d'autres
courses, cette surcharge est applicable aux chevaux ayant
gagné après leur engagement, comme à ceux qui ont gagné
auparavant. Quand une remise de poids est accordée aux
chevaux n'ayant pas gagné, ils perdent le droit d'en pro-
fiter s'ils gagnent après leur engagement. Les paris parti-
culiers n'imposent aucune surcharge et ne donnent lieu à
aucune remise de poids. Les surcharges et remises de poids
ne peuvent être accumulées ; la plus forte est seule apph-
cable.
Des réclamations et des délais dans lesquels elles
doivent être représentées. Le droit de réclamer contre
un cheval dans une course appartient exclusivement aux
propriétaires des autres chevaux, ou à leurs entraîneurs,
jockeys et autres représentants. Les commissaires, le juge
et la personne chargée du pesage ont seuls quahté pour
recevoir les réclamations. Les commissaires peuvent tou-
jours agir d'office. Les délais dans lesquels les réclama-
tions doivent être faites, sous peine de nuHité, sont les
suivants :
1° Pour les réclamations contre la mesure des distances,
la qualification des jockeys, le défaut de payement d'entrées
ou forfaits, avant la course^ 2" pour les réclamations
contre l'exactitude matérielle ou la composition du poids
porté par un cheval, avant que le jockey dont le poids
est contesté ait quitté la balance ; 3^ pour les réclama-
tions contre l'insuffisance du poids constaté par le juge, en
égard aux conditions de la course ; contre les manœuvres
illicites des jockeys, les erreurs de parcours ou toute autre
irrégularité ayant eu lieu pendant la course, un quart
d'heure après la fin du pesage ; 4° pour les réclamations
contre la qualification des chevaux ou de leurs proprié-
taires, les erreurs dans les engagements et en général
toutes les réclamations autres que celles spécifiées aux
deux paragraphes ci-dessus, dix jours francs après la
course ; 5^ pour les réclamations contre une fraude ayant
pour résultat l'engagement ou la départ d'un cheval sous
une fausse désignation, six mois après la course.
Lorsqu'une objection contre la qualification d'un cheval
est faite avant la course, la validité de cette qualification
doit être prouvée par le propriétaire du cheval. Les com-
missaires fixent l'époque à laquelle la preuve devra être
fournie, et si le cheval arrive premier, Targent est retenu.
Si, à l'époque fixée, la qualification du cheval n'est pas
établie, le prix est attribué au propriétaire du second cheval.
Dans le cas où la réclamation contre la qualification d'un
cheval est faite après la course, les preuves à Tappui
doivent être fournies par la personne qui réclame.
Des commissaires des courses, — Les commissaires
des courses doivent publier le programme, recevoir les
engagements, décider de la qualification des chevaux,
veiller au recouvrement des entrées, fixer vingt-quatre
heures au moins à l'avance l'heure et l'ordre des courses,
prendre les dispositions convenables pour le terrain, le
pesage, la désignation des juges du départ et de Tarrivée,
et adresser dans le plus bref délai possible le compte
rendu des courses au gérant du Bulletin officiel. En cas
de nécessité absolue et lorsque des circonstances de force
majeure rendent impossible de courir, les commissaires ont
le pouvoir de remettre les courses de jour en jour, mais
pendant quatre jours consécutifs seulement. S'il est certain
que Timpossibilité de courir doit durer plus de quatre
jours après la date fixée, ils ont le droit de décider que
les courses n'auront pas heu. Tous les engagements faits
pour des courses dont la date serait reculée de plus de
quatre jours sont nuls de plein droit. Les commissaires
sont au nombre de trois. Dans le cas où deux d'entre eux
sont seuls présents, ils choisissent d'un commun accord un
remplaçant pour leur collègue absent. Ils ont d'ailleurs le
droit de s'adjoindre une ou plusieurs personnes compé-
tentes, et de leur déléguer une partie de leurs attributions.
Ni les commissaires, ni les personnes auxquelles ils délè-
guent leurs fonctions ne peuvent les exercer pour une
course dans laquelle ils seraient directement ou indirecte-
ment intéressés. Toutes les réclamations ou contestations
auxquelles les courses peuvent donner lieu sont jugées par
les commissaires. Leurs décisions sont sans appel. Ils ont
le pouvoir de mettre à Tamende, de renvoyer ou de sus-
pendre tout employé, jockey ou autre personne placée sous
leur contrôle. Lorsque l'importance ou la difficulté d'une
question leur paraît l'exiger, les commissaires ont la
faculté d'en déférer le jugement au comité de la Société
d'encouragement pour l'amélioration des races de chevaux
en France. Lorsqu'un propriétaire, un jockey ou un cheval
se trouve frappé d'exclusion par décision des commis-
saires, cette exclusion ne s'applique qu'aux courses de la
localité où elle a été prononcée. Mais si les commissaires le
jugent nécessaire, ils ont la faculté de déférer au comité de
la Société d'encouragement l'examen des faits qui ont
motivé leur décision, et l'exclusion absolue ou temporaire
prononcée par ce comité et insérée au Bulletin officiel,
s'apphque à toutes les courses où le présent règlement
est en vigueur.
ECHELLE DES POIDS POUR AGE
ayant servi au Tableau des Prix de courses de la Société d'encouragement
j de 3 ans courant seuls entre eux
j de 5 ans courant seuls entre eux
I. Courses pour chevaux.
56 kilogrammes.
IL Courses pour chevaux de 3 ans et au-dessus.
DISTANCES DISTANCES
de 2,000 à 2,500 mètres de 3,000 à 3,500 mètres
DISTANCES
de 4.000 à 6,200 mètres
Avril et mai
Juin
Juillet
Août
Septembre 55
Octobre et novembre 551/3
2 ans
51
52
53
54
62
62
62
62
62
62
5 ans
65
64
64
63V2
63V2
6 ans et
3 ans
4 ans
au-dessus
66V2
50'V,
62
66
5IV2
62
651/2
521/3
62
651/3
531/3
62
64
541/.
62
64
55
62
66
65
64
64
G ans et
au-dessus
If'
65
65
3 ans 4 ans
49
501/3
5IV2
521/3
54
62
62
62
62
62
62
661 2
66
651/0
651/3
65
65
6 ans et
au-dessus
68
671/.
67 ^
67
66
III . Courses pour chevaux de 4 ans et au-dessus.
DISTANCES DISTANCES
de 2,000 à 2,500 mètres de 3,000 à 3,500 mètres
DISTANCES
de 4,000 à 6,200 mètres
Avril et mai
Juin
Juillet
Août
Septenabre
Octobre et novembre .
57
57
57
57
57
57
5 ans
60
591/3
59
59
581/3
581/3
6 ans et
au-dessus
6IV2
61
6O1/3
60
59
59
4 ans
5 ans
57
61
57
601/^
57
60
57
591/,
57
59
57
59
6 ans et
au-dessus
ïï''
60
60
57
57
57
57
57
57
6IV2
61
6O1/3
6O1/2
60
60
6 ans et
au-dessus
63
62
62
62
61
61
- 474 —
COURSE
ÉCHELLE DES POIDS D'APRÈS L'AGE EN COURSES PLATES, ÉTABLIE PAR L'AMIRAL ROUS
8 O O raètres
2 ans ,.
3 ans
4 ans
5 et 6 ans e^ âge.
Avril
st. liv.
6 8
0
0
1
2 ans..... ,
8 ans
4 ans
5 et 6 ans et âgé.
2 ans
3 ans
4 ans
5 ans....*
6 ans et âgé.
Mai
st. liv.
6 5
8 1
9 0
0
,.„ 9
Juin
gt. liY.
6 7
8 3
9 0
9 0
Juillet
st- liv.
6 12
X,3 0 0 raètres
6 0
7 13
9 0
9 0
5 11
7 11
9 0
9 1
,600
5 5
9 5
2 ans
3 ans
4 ans
5 ans
6 ans et âgé.
7 9
9 0
9 3
9 3i/,
3,3 OO mètres
mètres
5 10
7 11
9 0
9 2
9 2
5
0
0
4
1
0
0
0
0
0
1V2
3 ans
4 ans
5 ans
6 ans et âgé.
7 10
9 0
9 41/2
9 5
9 10
4:,8 0 0 mètres
7 4 7 5
9 0 7 0
9 7 9 6
9 8V2 9 7
7
0
5V2
6
Août
st. liv.
7 2
8 7
9 0
9 0
6 7
8 3
9 0
9 0
6 8
8 2
9 0
9 1
9 1
5 7
7 13
9 0
9 3
9 3
7 9
9 0
9 5
9 5
Septembre
6t liv.
7 4
8 8
9 0
9 0
6 12
8 5
9 0
9 0
6 5
8 3
9 0
9 0
9 0
5 10
8 0
9 0
9 3
9 3
7 11
9 0
9 4
9 4
Octobre
st. liv.
7 7
8 9
9 0
9 0
7 0
8 7
9 0
9 0
6 7
8 4
9 0
9 0
9 0
5 12
8 1
9 2
9 9
9 2
7 12
9 0
9 3
9 3
Nous plaçons ici la table de réduction des poids anglais
et français (stones, livres, kilogrammes)
kil. st.liv.
40 = 6
42
45
47
50
52
55
58
60
6 8
7 1
7 6
7 12
8 3
8 9
9 2
9 7
IdL
62 :
65
68
70
72
75
78
st.liv.
9 11
10 3
10 10
11 0
11 5
11 12
12 4
12 8
st. liv. kil.
5 7 = 35
0
41
44V2
471/2
54
57
60
st. liv. kil.
0 = 63V2
66V2
73
76
791/2
821/2
85
Les courses plates en France. — Le code des courses
plates est appliqué à toutes les sociétés. Celle qui Ta rédigé
et l'impose, la Société d'encouragement, propriétaire du
Bulletin officieU est de beaucoup la plus importante ; elle
possède les deux plus beaux hippodromes, Longchamp au
Bois de Boulogne, près Paris, et Chantilly, sans parler du
terrain d'entraînement acquis par elle à Chantilly ; elle fait
aussi courir près de Fontainebleau dans la vallée de la Solle.
Après elle, il faut citer la Société sportive, qui donne des
courses plates sur son hippodrome de Maisons-Laffîtte, qui
possède une admirable piste en ligne droite de 2,000 m.
de long, et sur celui de Saint-Ouen, très mauvais pour les
courses plates, à cause de ses tournants; puis la Société du
Demi-Sang, qui fait courir à Vincennes ; celle du Sport de
France donne quelques courses de hacks (chevaux d'ordre
inférieur) à Achères. En province, des courses sont orga-
nisées dans toutes les villes importantes par les sociétés
locales, à ce point que, si Ton tient compte de la Belgique,
et des courses d'obstacles, il y a des journées où l'on court
sur quinze points à la fois. Les principales sociétés sont
celles de Belgique, de Deauville et des courses du Sud-Ouest.
Les programmes les plus intéressants de beaucoup sont
ceux de la Société d'encouragement, conçus très habilement ; le
but est d'assurer une large récompense aux chevaux de pre-
mier ordre, tout en réservant aux autres des rémunérations
sufTisantes; les premiers gagnent de 450 à 200,000 fr,
ou davantage dans leur année de trois ans, sur laquelle sont
concentrées les grandes épreuves ; les autres peuvent gagner
de 50 à 30,000 fr. assez aisément. Les prix comprennent
quatre catégories principales : les poules et épreuves clas-
siques avec engagements avant ou dès la naissance, qui sont
la clef de voûte de tout le système des courses et reviennent
aux chevaux d'élite, sauf exception ; nous en avons exposé
l'utiHté à propos des courses anglaises. On y peut rat-
tacher les courses au poids pour âge comme les prix biennaux
disputés parles chevaux à trois, puis à quatre ans, et trien-
naux dont la première manche (1,100 m., 20,000 fr.) se
court à Fontainebleau ; la seconde (2,200 m., 30,000 fr.),
à Longchamp; la troisième (4,400 m., 40,000 fr.), à
Chantilly; chaque propriétaire ne peut y engager qu'un che-
val. Les courses au poids pour âge avec surcharge, décharge
ou clause restrictive excluant les gagnants de fortes sommes
ou de grandes courses, ces épreuves permettent aux che-
vaux de second ordre de couvrir les frais de leurs écuries.
Les handicaps, qui attirent la foule, donnent une occasion
de subventionner les écuries malheureuses à qui le hasard
des naissances n'a pas donné de bons champions. Enfin les
prix à réclamer, où le gagnant esta vendre pour une somme
déterminée ; ces épreuves permettent au propriétaire de
réformer à bon compte les chevaux médiocres ou ceux dont
les jambes menacent ruine. Au point de vue des distances,
il y a en France quelques courses de 800 m., tandis que
le minimum en Angleterre est de 1,000 m. Mais les
épreuves à longue distance sont bien plus nombreuses ;
la distance la plus fréquente est 2,000 à 2,500 m., très
souvent on court sur 3,000 m.
La saison des courses plates dure du 15 mars au 15 nov. ;
elle est interrompue rigoureusement pendant les quatre
mois d'hiver pour reposer les chevaux, déjà un peu sur-
menés ; de plus, le mois d'août est réservé aux courses de
province et il est interdit de faire courir dans un rayon de
60 kil. de Paris. Les réunions essentielles sont celles que
donne la Société d'encouragement : à Longchamp, de la fin
de mars au milieu de mai ; à Chantilly, à la fin de mai ;
Longchamp, en juin; à Longchamp, en septembre et
octobre ; à Chantilly, à la fin d'octobre ; de plus, une
journée à Fontainebleau au début de septeml)re (celle de
juin a été supprimée). La Société de Vincennes et la Société
sportive donnent leurs réunions concurremment avec celles
de la grande Société qui ne prend généralement que le
dimanche et le jeudi (sauf entente avec Auteuil). Nous
indiquons sommairement les principales courses avec leurs
conditions et le montant des prix (sans les entrées).
La saison commence le 15 mars par la réunion de Vin-
cennes, où se dispute le prix de Vincennes pour chevaux
de trois ans (2,100 m., 10,000 fr.) ; cette société donne en-
core comme prix importants un handicap de 10,000 fr. en
juillet et un prix de même valeur pour les chevaux de deux
ans en septembre. Aussitôt après s'ouvre l'hippodrome de
Maisons-Laffîtte, où l'on donne en avril le prix Lagrange,
20,000 fr., 2,000 m. pour cheva ux de trois ans, plus
tard un prix de 10,000 fr. pour deux ans et un handicap
de même valeur; à la fin de mars s'ouvre celui de Long-
champ. Dans ce meeting du printemps sont disputées les
COURSE
172 —
poules des produits dont l'importance est capitale et qui sont
sans cesse accrues; ce sont des poules de 500 fr. chaque
ajoutées à des prix de 20,000 fr. (portés en 1891 à
30,000 fr.) pour chevaux engagés le 4^^ oct. de l'année
qui précède leur naissance, sur déclaration de saillie de
la mère. Le prix Hocquart (2,500 m.) est réservé aux
produits d'étalons nés et élevés en France ; le prix du
Nabob (2,500 m), à ceux d'étalons étrangers ; le prix
Greffulhe (2,100 m.) à ceux de juments nées et éle-
vées en France; le prix Daru (2,100 m.) à ceux de
juments étrangères; enfin, la Grande Poule des produits
(30,000 fr. plus une poule de 1,000 fr., valeur totale,
70,000 fr. environ, 2,100 m.). Il faut citer ensuite les
épreuves classiques pour lesquelles les engagements se font
l'année de la naissance : Poule d'essai des poulains et
Poule d'essai des pouliches, courues sur 1,600 m.
(20,000 fr. plus une poule de 1,000 Ir., valeur 50 à
60,000 fr.) ; le prix de Diane (2,100 m., 40,000 fr.) et
le prix du Jockey-Club (V. ci-dessus), courus à Chantilly ;
enfin, le Grand Prix de Paris, et plus tard les prix de
Seine-et-Marne, du Saint-Léger et Royal Oak. — Outre ces
épreuves, on trouve à la réunion du printemps le prix du
Cadran (4,200 m., 30,000 fr.), grande épreuve des che-
vaux de quatre ans, suivi du prix Rainbow (5,000 m.,
20,000 fr.) pour chevaux de quatre ans et plus, un prix
biennal, un triennal, enfin les courses dont la liste suit
pour ne nommer que les principales : prix de Fontainebleau
(trois ans, 2,200 m., 15,000 îr.) ; prix Dollar (quatre ans,
2,000 m., 10,000 fr.) ; prix des Sablons (trois ans et plus,
2,000 m., 10,000 fr.) ; le lundi de Pâques, ancienne
journée initiale, prix de la Bourse, de la Grotte, du Cadran,
de Guiche, de Lutèce ; le prix de Lutèce est pour chevaux
de trois ans et plus (2,200 m., 10,000 fr.), puis le prix
de la Seine (trois ans et plus, 2,400 m., 10,000 fr.); la
Coupe (trois ans et plus, 3,200 m., 10,000 fr. plus un
objet d'art de même valeur) ; le prix des Cars et le prix
Fould pour trois ans, avec surcharge aux vainqueurs pré-
cédents ; prix du Printemps (trois ans et plus, 3,000 m.,
10,000 fr.) ; Reiset (trois ans, n'ayant pas couru à deux
ans, 3,000 m., 20,000 fr.); prix des Acacias (2,400 m.,
25,000 fr. pour trois ans, non engagés dans les poules
d'essai, le prix de Diane et le prix du Jockey-Club) ; de
plus, deux grands handicaps, le prix Rieussec (4,000 m.,
10,000 fr.) et le prix du Lac (2,200 m.). A Chantilly,
l'on dispute, outre les prix de Diane^ du Jockey-Club et
Triennal (quatre ans), de beaux handicaps et le prix Dangu
(quatre ans et plus, 4,000 m., 10,000 fr.).
La saison d'été à Longchamp comprend, outre le Grand
Prix de Paris, les prix de Lonray (produits de juments et
étalons nés hors de France) et de Yictot (produits de juments
et étalons nés en France), prix de 10,000 fr. disputés
sur 2,000 m., les prix du Cèdre (3,000 m.), de Juin
(2,400 m.), Seymour (2,400 m.), de la Neva (3,000 m.)
de 10,000 fr. réservés aux trois ans ; ceux de Meudon et
de la Jonchère (3,000 m., 10,000 fr.) pour les quatre
ans; ceux de Deauville et d'Ispahan (2,400 m., 10,000 fr.)
pour chevaux de trois ans et plus ; le prix de Rocquen-
court (trois ans, 2,400 m., 12,000 fr.); le prix de Seine-
et-Marne (2,200 m., 10,000 fr.) ; déplus, deux handicaps,
prix de Castries (3,000 m., 10,000 fr., puis 6,000 fr.), et
de Longchamp (2,400 m., 20,000 fr.). — Viennent alors
en juillet les réunions de province à Amiens, Beauvais, Rouen ,
où l'on offre de beaux prix et des handicaps importants. Au
Midi, les réunions principales sont tenues à Lyon et à Vichy.
La réunion de Normandie, en août, a pour principales
étapes: Caen, Deauville et Dieppe; à Caen se courent le
prix du Premier Pas, début des deux ans qui ne peuvent
courir en France avant le 1^^ août, et le Saint-Léger
de France (trois ans, 3,000 m., 15,000 fr.) ; à Deau-
ville le prix de deux ans (1,200 m., 10,000 fr.); les
prix de Victot (trois ans et plus, 2,400 m., 10,000 fr.) ;
Hocquart (trois ans et plus, 3,000 m., 15,000 fr.) ; de
Longchamp (trois ans et plus, pour chevaux n'ayant pas
gagné un prix de 10,000 fr. sur les grands hippodromes,
2,^00 m., 12,000 fr.) ; un handicap de 12,000 fr. sur
1,600 m. et surtout le Grand Prix de Deauville
(2,500 m., 30,000 fr.), épreuve internationale pour che-
vaux de tout âge et de tout pays, au poids pour âge avec sur-
charge ; à Dieppe, le grand prix de deux ans sur 1,000 m.
Simultanément à Spa, le meeting international pu dominent
les chevaux français offre 300,000 fr. de prix, dont les
principaux sont le prix de Spa (deux ans, 40,000 fr.) et
le prix du Sart (trois ans et plus, 2,500 m., 20,000 fr.).
La journée des Critériums (pour chevaux de deux ans) à
Fontainebleau ouvre la saison d'automne marquée à Long-
champ par le prix Royal Oak (trois ans,poids égal, 3,000 m . ,
40,000 fr.), contre-épreuve du Grand Prix de Paris ;
VOmnium, grand handicap français pour lequel les enga-
gements se font six mois d'avance et qui donne lieu à de
grosparis(2,400m., 10,000 fr.; valeur en 1890, 25,800
fr.) ; le Grand Critérium pour chevaux de deux ans
(1,600 m., 20,000 fr.) ; le prix d'Octobre, oii se rencon-
trentles chevaux de trois anset plus (2,500 m., 20,000 fr.),
qui se retrouvent dans celui du Prince d'Orange (2,400 m.,
1 2,000 fr.); le prix Gladiateur, grande épreuve à longue
distance (6,200 m., 20,000 fr. et un objet d'art de
10,000 fr.), précédé du prix Jouvence (4,800 m., 10,000
fr.) ; il faut encore citer le prix de Chantilly (trois ans et
plus, 3,200m., 10,000 fr.); le prix de Saint-Cloud (handi-
cap, 4,000 m., 10,000 fr.); le prix de Martin vart( quatre
ans, n'ayant pas ^agné de prix de 10,000 fr. dans l'année,
3,200 m., 10,000 fr.) ; le handicap libre (3,000 m.,
10,000 fr.), c.-à-d. n'exigeant pas d'engagement préalable
par les propriétaires, mais seulement l'acceptation des poids.
— A Chantilly se placent les prix de la Salamandre (1,400
m., 10,000 fr.) et de Condé (2,000 m., 10,000 fr.) pour
chevaux de deux ans, celui de la Forêt (1,400 m.), où ils
rencontrent les chevaux plus âgés et sont généralement
battus ; celui de Saint-Firmin pour chevaux de deux ans
n'ayant pas couru ; des handicaps ; enfin les prix de la
Table (trois ans et plus, 3,000 m., 10,000 fr.) ; Vermout
(trois ans et plus, 2,400 m., 10,000 fr.) ; du Pin (3,000
m., 15,000 fr.) pour chevaux de quatre ans n'ayant pas
gagné 50,000 fr. et portant tous également 78^^^ 1/2.
Courses d'obstacles. — Les courses d'obstacles ont pris
en France un développement égal à celui des courses plates,
par conséquent plus grand qu'en aucun autre pays. La rai-
son en est que les entrées des spectateurs sur les champs
de course forment le plus clair de la recette des sociétés
de courses, lesquelles s'alimentent presque exclusivement
par leurs hippodromes des environs de Paris ; or, l'attrait
du spectacle des steeple-chases est pour le gros pubhc au
moins égal à celui des courses plates. Cet état de choses
eût été très favorable au développement d'hippodromes de
spéculation ; mais, dès que la vogue des courses d'obstacles
se fut affirmée, la grande Société des steeple-chases de
France veilla à ce que les intérêts de l'élevage y trou-
vassent leur compte. De là une différence fondamentale
entre les steeple-chases d'Angleterre et de France. Les
premiers sont un amusement d'origine aristocratique, les
autres sont utilisés de plusieurs manières ; d'abord leurs
épreuves plus rudes servent à manifester l'endurance des
étalons pour les croisements et la production des chevaux
de demi-sang ; la Société du demi-sang les a longtemps
inscrits à ses programmes à cet effet, et chaque année les
haras achètent plusieurs chevaux d'obstacles pour servir
d'étalons ; en second lieu, ces courses servent d'encoura-
gement à l'élevage en donnant une plus grande valeur à
ses produits ; à la fin de la carrière de trois ans, quand
ils ont quatre ans, des chevaux d'ordre secondaire, pour
peu qu'ils aient de bons reins, de bons poumons et les
jambes solides, trouvent dans la carrière d'obstacles une
rémunération convenable ; facilement ils peuvent gagner
50,000 fr. en dix-huit mois, couramment 20 à 30,000 fr.
A tous ces points de vue, les programmes de la Société des
steeple-chases peuvent être cités comme des modèles ; elle
173 —
COURSE
est la première qui, adoptant l'avis de M. Oller et un usage
introduit en Angleterre pour quelques grandes courses, ait
fait une part aux éleveurs sur les prix gagnés par les che-
vaux qu'ils ont fait naître ; souvent ils les ont vendus peu ;
l'appoint que viendront leur apporter les quelques milliers
de francs, produits par leurs victoires dans les prix de
série ou les grands courses, sera donc très sensible. Enfin,
n'oubliant pas l'origine des steeple-chases qui sont un
exercice d'équitation, la Société consacre des subventions
considérables aux courses réservées aux officiers et mili-
taires ; le but est double : les exercer à l'équitation et
surtout les encourager à acheter de bons chevaux, des pur
sang surtout, et leur fournir des ressources ; dans les
steeple-chases militaires dits de série, les prix sont des
armes ou des chevaux ; en outre, il se court presque à
chaque journée d'Auteuil des steeple-chases handicaps
(3,500 m.) réservés aux officiers, d'une valeur de 5,000 fr.,
dont moitié au premier, 1,200 fr. au second, 800 fr. au
troisième et 500 fr. au quatrième ; on remarquera que le
caractère de handicap et les conditions très favorables
faites aux chevaux placés ont pour but de répartir la sub-
vention entre un nombre de concurrents aussi grand que
possible. On a créé, en outre, une course internationale
réservée également aux chevaux des officiers leur apparte-
nant hona fide, depuis le 1®^ janv. au moins. Le prix de
France, d'une valeur de 20,000 fr., se court en juin.
L'origine des steeple-chases en France remonte presque
aussi haut que celle des courses plates ; relativement pros-
pères sous la monarchie de Juillet, ils ne progressèrent
guère après 1850 ; on se souvient pourtant des exploits
de Franc-Picard, gagnant près de 50,000 fr. en une
année, autant pr^que que le meilleur cheval de plat. Puis
vint une période signalée par les exploits de brillants gent-
lemen-riders, par les discussions sur la supériorité du pur
sang ; elle fut complètement démontrée ; dans cette pé-
riode, le nom le plus brillant est celui du baron Finot, pos-
sesseur de Valentine et d'Astrolabe. Les steeple-chases
se disputaient à la Marche, à Vincennes ; le principal était
le Grand Prix de Vincennes, qui valait 10,000 fr. Après
la guerre, la Société des steeple-chases de France donna
un essor imprévu à l'institution ; elle obtint la concession
de l'hippodrome d'Auteuil, sur lequel elle a organisé, de-
puis 1874, des courses où elle distribue maintenant pour
1,500,000 fr. de prix, sans parler de 400,000 fr. de
subventions à d'autres sociétés, presque toutes dans les dé-
partements. Comme en plat, les courses comprennent des
prix à réclamer, des handicaps, des courses au poids pour
âge avec ou sans surcharge et décharge ; enfin on y a ajouté
une poule pour laquelle les engagements se font un an
d'avance. Seulement le principe n'est pas le même; comme
il ne s'agit pas de favoriser les reproducteurs hors ligne,
au lieu de grouper les allocations de façon que quelques
chevaux de tête en remportent la meilleure part, on a
voulu les répartir de telle sorte que tous les chevaux de
bon ordre gagnent à peu près autant ; quand ils ne sont
pas arrêtés par des accidents, ils y arrivent aisément en
plus ou moins de temps ; les courses au poids pour âge
strict sont assez rares ; après les premières où les chevaux
débutent en haies, puis en steeple-chases, il n'y a à citer
de prix important de cette nature que le prix de l'Avenir,
prix biennal de 20,000 fr., où les chevaux courent en
haies à trois ans, puis en steeple-chases à quatre ans, et
les grandes épreuves de juin, le grand steeple-chase et la
grande course de haies. Toutes ces grandes courses sont
réservées aux chevaux entiers de pur sang (nés et élevés en
France, sauf les deux dernières où l'on appelle les rivaux
étrangers). Les handicaps, jadis seuls importants, sont
beaucoup moins favorisés, quoique très goûtés du public
et des parieurs. Les prix de série sont la clef de voûte
de l'édifice. Dans les départements, les prix de 4® série,
2,600 fr. pour chevaux de quatre ans et au-dessus, nés
et élevés en France, n'ayant pas jusqu'au moment de la
course gagné de prix d'une série supérieure, ni deux de
4^ série, ni 20,000 fr. en steeple-chases ; tout gagnant d'un
pFix de 4® série porte 5 kilogr. de surcharge. L'échelle
des poids est, du l^'' janv. au 1^^ juin, 62 kilogr. pour
un cheval de quatre ans ; 69 kilogr. à cinq ans ; 71 kilogr. ^/^
à six ans et au-dessus; après le 1^^ juin, les quatre ans
portent 65 kilogr. ^I<^ et les cinq ans 70 kilogr. ; la dis-
tance est de 3,000 m. ; les clauses générales sont les
mêmes pour les autres prix de série ; ceux de 4« série
d'Auteuil, 3,500 fr., 3,700 m. ; de 3« série (Auteuil et
départements), 4,600 fr. pour chevaux n'ayant pas gagné
30,000 fr., 3,500 m. ; de 2^ série (à Auteuil), 6,000 fr.
pour chevaux n'ayant pas gagné 40,000 fr., 4,100m.; de
1^® série (à Auteuil), 15,000 fr. pour chevaux n'ayant
pas gagné 50,000 fr., 5,000 m.; de plus, le gagnant
de ces deux derniers rapporte 1,200 ou 1,800 fr. à î'éle-
veur propriétaire de la mère au moment de la naissance
du produit ; une somme de 1,800 fr. est également sti-
pulée au profit de celui-ci dans les prix de plus de
10,000 fr. En somme, un cheval de trois ans débute sur
les obstacles au mois de juin en haies, fin août en steeple-
chases ; après avoir disputé le prix Wild-Monarch, qui
échoit au meilleur néophyte, il court à Auteuil, sur les
hippodromes suburbains et de province des courses de
haies, débute en steeple-chases au prix Congress ; il trouve
ensuite une série de prix spéciaux (à Auteuil), prix de
4,000 fr. pour chevaux n'ayant pas gagné 30,000 fr.,
dont les surcharges bien graduées rendent bien difficile
plus de deux succès consécutifs; les clauses très variées
des programmes des divers champs de courses lui laissent
bien des occasions de succès, soit qu'il tente la fortune des
handicaps, notamment en haies, soit qu'il suive la filière
réguhère en steeple-chases ; il peut se mesurer contre ses
aînés; enfin, au terme de la saison d'automne, au début
de la saison de printemps, trois prix de 15,000 fr. sont
offerts aux chevaux un peu en retard, l'échelle des sur-
charges excluant presque ceux qui ont déjà remporté des
succès lucratifs. A l'âge de quatre ans, le cheval aborde
les prix de série, soit qu'il les enlève successivement, soit
que des succès latéraux l'excluent successivement de
chaque série, il y trouve une sorte d'assurance de réaliser
un gain moyen, les concurrents qui l'ont vaincu s'éHminant
successivement par les victoires qui leur font dépasser les
maxima fixés ou leur imposent des surcharges ; le tout
est de durer : l'endurance est donc la qualité maîtresse du
steeple-chaser. Quandil a gagné 50,000 fr. en steeple-chases,
il peut disputer les courses au poids pour âge avec sur-
charge, et surtout les handicaps ; ceux-ci, disputés sur
de longs parcours, sont généralement favorables aux che-
vaux plus vieux, même d'un ordre inférieur. A cet égard,
les mauvais chevaux trouvent peut-être trop de ressources ;
on en voit qui se font des prix à réclamer une spécialité
lucrative, gagnant 20 à 30,000 fr. en un an; Coutainville
a gagné plus de 120,000 fr. de prix à réclamer; mais ici
le cheval n'est plus que l'occasion du gain ; il change de
propriétaire presque après chaque succès, et ces allocations
viennent compenser pour les petites écuries les déboires
essuyés ailleurs. De même pour les grands handicaps de
15,000 et 30,000 fr., lesquels sont souvent gagnés par
des chevaux qui ne valent pas le tiers de ce prix. On a bien vu
un vieux cheval hongre, acheté au Tattersall pour quelques
milliers de francs, gagner, le lendemain, le grand steeple-
chase de Paris, grâce à son poids de plume. Nous retraçons
sommairement le programme des courses d'Auteuil, les
plus importantes de beaucoup, car les autres sociétés, dont
la principale est la Société sportive (puis celles de Colombes,
Saint-Germain), n'ont pas, à beaucoup près, des prix aussi
considérables et un programme aussi méthodique.
Il y a trois réunions : celle du printemps, du 15 févr.
au 30 avr., les dimanches et jeudis, puis en avril les jeudis
dernière semaine d'oct. au 15 déc. A la réunion du prin-
COURSE
iU —
temps sont échelonnés trois grands handicaps de haies : prix
du Viaduc (3,800 m.), GrandPrix du printemps (4,200 m.),
prix d'Anjou (4,000 m.) valant de 12,500 à 20,000 fr.
(plus les entrées naturellement), le prix de l'Avenir
(steeple, 20,000 fr., 3,000 m.), quatre grands steeple-cliases
handicaps, prixiïarry (4,200 m.), Hungerford (5,000m.),
de FEquinoxe (5,400 m.), Richard Hennessy (5,800 m.);
la distance croît régulièrement, Tallocation est la même,
45,000 fr. (dont 2,500 fr. au second, 1,500 fr. au troi-
sième, plus 1,800 fr. à Féleveur); ce montant est aussi
celui d'un welter-handicap (poids minimum, QQ kilogr.),
le prix de Billancourt (4,100 m.) et de trois épreuves au
poids pour âge avec surcharge, prix d'Auteuil réservé aux
quatre ans (3,500 m.), de la Butte (4,200 m.) et Emilius
(5,000 m.) ; les prix d'Anjou, Hennessy et Emilius sont
internationaux ; au mardi de Pâques se place la journée
unique de la Croix-de-Berny avec ses parcours de cross-
country où brillent les huniers^ particulièrement dans un
steeple-chase handicap de 5,000 m. ; ils ne sont à pareille
fête qu'à Dieppe. — La réunion d'été débute le dimanche
avant celui du Grand Prix de Paris par le Grand Steeple-
chase ; nous en reparlerons ; le mercredi se court la
Grande Course de haies internationale au poids pour âge
(62 kilogr., 68 et 70) avec surcharge de 6 kilogr. pour
les gagnants de cette course, du Grand Steeple et du Grand
National de Liverpool ; le vendredi le prix des Drags,
steeple-chase handicap de 4,200 m. Après le Grand Prix,
le prix ffi^W/owarc/i (15,000 fr.) où débutent sur les
haies les chevaux de trois ans, la distance est de 2,600 m.;
puis le prix le Torpilleur (15,000 fr., 5,000 m., steeple-
chase handicap) et le prix de France^ steeple-chase mili-
taire handicap international fondé en 1889, gagné en
1890 par l'anglais Roman Oak, portant 84 kilogr. ; viennent
ensuite les prix Saint-Sauveur et de Rambouillet de
15,000 fr. sur 5,000 m. et 4,100 m., au poids pour âge
avec surcharge. A la fin d'août, les chevaux de trois ans
débutent en steeple-chase dans le prix Congress (20,000 fr.,
3,000 m.). -- A la réunion d'automne se courent deux
handicaps de 15,000 fr.. Grand Prix d'automne (steeple-
chase, 5,000 m.) ; prix de Vincennes (haies, 5,000 m.);
le prix Firino (steeple-chase de 15,000 fr. sur 4,200 m.),
au poids pour âge avec surcharge ; le prix Maubourguet
(steeple-chase de 3,000 m., 12,000 fr.), où se rencontrent
au poids pour âge les chevaux de trois ans et d'un âge su-
périeur; le prix de la Croix-de-Berny (steeple-chase
hors série de 30,000 ir. sur 6,000 m. pour chevaux
français), sorte de contre-épreuve du Grand Steeple, avec
des surcharges modérées ; le prix de l'Avenir (20,000 fr.,
haies, 2,600 m.) ; prix Magne et le prix Lehon en haies
et steeple-chase, réservés aux chevaux de trois ans, avec
des surcharges très fortes.
Le Grand Steeple-chase, La course la plus intéressante
est le Grand Steeple-chase de Paris où se mesurent dans
des conditions égales les chevaux français et anglais ; jadis
c'était un handicap qui donna lieu aux surprises les plus
grandes ; on l'a transformé en épreuve classique ; le par-
cours comprend vingt-deux obstacles répartis sur 6, 500 m.,
le double saut de la grande rivière des tribunes met hors
de combat beaucoup de concurrents ; le train rapide est
favorable aux concurrents français.
Voici les conditions : 120,000 fr. et un objet d'art
d'une valeur de 10,000 fr., pour chevaux entiers et
juments de toute espèce et de tous pays, âgés de quatre
à huit ans inclusivement. Entrée : 1,000 fr. ; forfait,
500 fr., et 50 fr. seulement s'il est déclaré. Au second,
12,000 fr., au troisième, 6,000 fr., au quatrième,
2,000 fr. sur le prix ; en outre, 5,000 fr, sur le pari
mutuel d'Auteuil, à l'éleveur du cheval gagnant, s'il est
né et élevé en France. Poids : quatre ans, 62 kilogr. 1/2 ;
cinq ans, 70 kilogr. ; six ans et au-dessus, 72 kilogr. 4/2.
Tous gagnants du Grand Steeple-chase de Paris ou du
Grand National Steeple-chase de Liverpool porteront
6 kilogr. de surcharge.
Le montant effectif du prix était en 1874 de 38,700 fr. , en
1882 de 56,050 fr., en 1888 de 73,200 fr., depuis 1889,
de 115,000 à 120,000 fr. Le baron Finot ne l'a remporté
que deux fois parce que c'était un handicap ; ses chevaux
ont pris quatre fois la deuxième place malgré des poids très
défavorables ; seul Wild Monarch l'a gagné deux fois.
Voici la liste des gagnants du Grand Steeple-chase de
Paris depuis sa fondation :
1874 Miss Hungerford, â., 70 kil. ^2^ à M. F. Bennet
(M. Rolly), 12 partants.
1875 La Veine, 5 a,, 77 kil., au baron J. Finot (J. Page),
11 partants.
1876 Ventriloque, 4 a., 68 kil. V21 au marquis de
Saint-Sauveur (Goddard), 16 partants.
1877 Congress, â., 80 kil., à lord Lonsdale (Jewitl),
17 partants.
1878 Wild Monarch, â., 72 kil. Va. au marquis de
Saint-Sauveur (J. Page), 48 partants.
1879 Wild Monarch, â., 74 kil. ^/g, au marquis de
Saint-Sauveur (J. Anson), 16 partants.
1880 Recruit H, â., 58 kil., à M. Robinson (Oxford),
15 partants.
1881 Maubourguet, â., 73 kil., au marquis de Saint-
Sauveur (H. Andrews), 17 partants.
1882 WhisperLow, 4 a., 65 kil. V2. à M. WilMam
Cahill(M. T. Beasley), 15 partants.
1883 Too Good, 4 a., 67 kil., au comte Erdody(M. H.
Beasley), 12 partants.
1884 Varaville, 6 a., 64 kil., àM. Camille Blanc (Hat-
chett), 12 partants.
1885 Redpath, a., 67 kil., à M. Zigomala (T. Loove),
18 partants.
1886 Boissy, 5 a., Wô kiL, à M. H. Andrews (Benson),
12 partants.
1887 La Vigne, 4 a., 64 kiL, à M. J. ïïarper (V. Ba-
ker), 11 partants.
1888 Parasang, à., 68 kil., à M. R. Moncreiife (M.
Lambston), 14 partants.
1 889 Le Torpilleur, 4 a. , QQ kil. , à M. G. Ledat (Mous-
set), 14 partants.
1890 Royal Meath, 6 a., 72 kil. V2. à Lord Dudley (M.
H. Beasley), 11 partants.
Les courses d'obstacles ont heu toute l'année ; mais le
mois d'août est réservé aux courses de province, surtout
Spa, Deauville et Dieppe, celui de janvier aux courses de
Nice et de Pau ; les dernières offrent de petits prix, mais
mettent en ligne de bons steeple-chasers élevés dans le
pays : celles de Nice comporte un steeple-chase do
15,000 fr. dans des conditions analogues à celle des « prix
si)éciaux » d'Auteuil, et trois grands handicaps : prix de
Monte-Carlo (20,000 fr., haies, 3,000 m.), prix de Mo-
naco (30,000 fr., steeple-chase, 4,400 m.) et prix de Nice
(20,000 fr., steeple-chase, 4,400 m.). Il est interdit aux
propriétaires de faire courir dans les environs de Paris du
15 déc. au 45 fév. et dans le mois d'août. Le reste de
l'année, concurremment avec les meetings d'Auteuil, et dans
leurs intervalles, les autres sociétés organisent des courses
en se conformant au code des steeples-chases ; elles tendent
à préférer les courses de haies où les champs sont plus nom-
breux. Ces sociétés sont : la Société sportive d'encourage-
ment, qui fait courir en plat à Maisons-LafTitte et Saint-Ouen,
en obstacle à Saint-Ouen, Enghien, le Vésinet et la Marche ;
la Société de Colombes, celles de Saint-Germain (hippo-
drome d'Achères), du Sport de France (Vincennes et
Achères, épreuves de plat et de haies pour hacks et huntcrs
montes par des gentlemen), du Demi-Sang (Vincennes).
Le code des steeple-chases est analogue à celui de la
Société d'encouragement ; mais en cas de dead-heat on ne
recourt jamais ; les jockeys ne peuvent posséder de che-
vaux de course.
Les cinq principaux propriétaires gagnants des courses
d'obstacles ont été, en 1890 : MM. G, Ledat, 303,970 fr. ;
baron Finot, 299,372 fr. ; E. Fould, 223,658 fr.; CamiUe
— in —
COURSE
Blanc, d 94,470 fr., et Guinebert, 127,945 fr. La supériorité
de l'écurie Finot est constante depuis une vingtaine d'années.
Ses steeple-chasers, Basque et Baudre, sont probablement
les meilleurs qui aient paru en France ; le dernier a gagné
plus de 350,000 francs de prix en quatre années, triom-
phant dans plus de soixante courses sur soixante-dix, même
sous des poids voisins de 80 kilogr. En général, la France
n'a guère de chevaux âgés à opposer aux vieux routiers
anglais du Grand National ; le but étant ici de favoriser
l'élevage, on combat les chevaux hongres et on ne cherche
nullement à retenir sur le turf de bons champions dont la
place est marquée au haras.
Les casaques adoptées par les principaux propriétaires
sont : baron Finot, casaque marron, toque rouge; Camille
Blanc, c. verte, t. bleu ciel; Ledat, c. rayée noir et blanc,
t. noire; Fould, c. blanche, croix mauve, t. mauve;
Guinebert, c. noire, t, verte; Siéber, c. cerclé bleu et
blanc, manche et t. bleues ; Dervillé, c. verta, brande-
bourgs argent, t. verte; Houze, c. bleu clair, manches et
t. grenat; J. Archdeacon, c. blanche, manches bleues, t.
noire; E. Archdeacon, c. blanche, manches cerclées gros
bleu et blanc, t. gros bleu ; d'Aldin, c. prune, t. mauve;
Jorel, c. rose, t. rose; Aijcille, c. mi-noir, mi-orange,
t. noire ; Hennessy, c. bleue, t. blanche ; Hawes, c. verte,
écharpe blanche, t. rouge; Andrews^ c. noire, manches
et t. rouges ; de Boisgelin, c. mi-vert mi-cerise, t. cerise
et or (V. aussi la Hste des écuries de plat).
Courses au trot. — Appèsles courses au galop, il nous faut
parler des courses au trot organisées à l'instigation et par
les soins de l'administration des haras, comme contrôle de
la valeur des chevaux de demi-sang ; elles sont dirigées par
la Société d'encouragement à la production du cheval
français du demi-sang, dont le siè^e est à Caen. Elles
ont été imposées en 4848 par l'administration pour ses
achats d'étalons; en 4857 se fonda la Société des courses
de Normandie remplacée par la Société actuelle. Le but
poursuivi est de développer la quantité et la qualité des
chevaux de demi-sang, anglo-normands surtout, destinés
à la remonte de la cavalerie ; il a été poursuivi avec beau-
coup de méthode; les prix sont nombreux, de valeur assez
faible ; les principaux sont des poules où l'on engage les
produits deux ans d'avance ; les principales (Saint-Léger
du demi-sang, Derby du Cotentin, prix du Premier Pas à
Vire) ont reçu en 4890, pour 4892, de cent trente à cent
quarante engagements . Ils sont courus dans la troisième
année, après laquelle le classement est fait et presque toute
la production, masculine du moins, achetée par l'Etat. Un
bon trotteur peut gagner 50,000 fr. de prix dans cette
année. La Société du demi-sang fait courir à Vinccnnes et
en Normandie ; un hippodrome s'est organisé à Neuilly-
Levaîlois, d'importance médiocre. Des conditions que nous
avons énumérées, il résulte qu'on attache surtout de
l'importance aux épreuves au trot monté, relativement
longues, et qu'on désire avant tout obtenir beaucoup de
chevaux d'une bonne qualité. On considère comme tels ceux
qui peuvent parcourir 4 kil. en 4 m. 40 s. (sur 4 kil. au
moins) ; on pousse plutôt au développement de la vitesse
moyenne qu'à celui de la vitesse extrême, n'y ayant pas
grand intérêt à obtenir dans une race métisse d'étalons de
tête; la valeur d'un trotteur se juge principalement d'après
sa vitesse ; on en tient registre et ce record est toujours
consulté avec grand soin ; un des meilleurs est celui qu'eut à
trois ans, en 4889, Pastille faisant le kilomètre en 4 m. 33 s.
Il a été dépassé bien souvent même à l'âge de trois ans
aux Etats-Unis oii l'on cherche avant tout la vitesse ; les
courses s'y font au trot attelé ; l'entraînement est parfait,
très supérieur au nôtre. Dans les épreuves internationales
les trotteurs étrangers viennent se mesurer avec les nôtres ;
les succès se balancent ; les trotteurs russes (de la race
Orlov) paraissent bien être dépassés ; les nôtres (dont la
race remonte surtout à l'étalon Y Ratller et dont les prin-
cipaux étalons de demi-sang sont Valencourt et Conquérant)
semblent avoir plus de fonds mais un peu moins de vitesse
et une allure moins impeccable que les américains ; cepen-
dant ceux-ci ne retrouvent pas sur les parcours plus durs
de nos hippodromes les vitesses réalisées aux Etats-Unis ;
l'excellente Bosque Bonita, un des plus remarquables
représentants de l'Amérique, qui a fait à Vienne le kilo-
mètre en 4 m. 22 s. (ce qui représente un mille en 2 m.
44 s.) n'a pasmarjiué en France de supériorité bien nette.
(Au sujet de l'amélioration des races inférieures avec la race
pur sang, et de la production du cheval demi-sang, V. Races
CHEVALINES Ct HarAS.)
Les paris. — La principale cause de la fortune des
courses et de l'intérêt croissant qu'elles excitent, au grand
bénéfice de l'élevage, tient aux paris dentelles fournissent
l'occasion. En France, on a adopté le pari au livre, seul
légal en Angleterre ; puis les bookmakers ont introduit le
pari à la cote dont nous avons déjà parlé; la différence est
que le donneur élève sur un piquet la Hste des chevaux qui
courent avec la cote des paris qu'il propose au public. A
mesure que celui-ci afflua davantage, donnant aux courses
dès le début de leur prospérité ce caractère de plaisir dé-
mocratique qu'elles n'ont pris que récemment en Angle-
terre, le champ des transactions se multiplia. Les béné-
fices réalisés par les bookmakers donnèrent l'idée de créer
un pari mutuel entre les partisans des divers concurrents
sans passer par l'intermédiaire des bookmakers; en 4869,
M. Oller l'organisa; ses agences furent fermées à Paris,
comme maisons de jeu ; rouvertes après la guerre, elles
offrirent non seulement le pari simple, mais des poules,
simples loteries, des combinaisons où l'attrait du hasard
et d'un gain qui pouvait être énorme se doublait de l'appât
d'une prime offerte à l'intelligence et au flair. Ces agences
furent fermées de nouveau. En 4887, à l'instigation du
conseil municipal de Paris, le gouvernement interdit sur
les hippodromes le pari à la cote ; le désert se fit ; pour
éviter la ruine des courses, on autorisa l'institution par
les sociétés du pari mutuel, moyennant un prélèvement de
2 % sur les opérations, au profit de l'Assistance publique;
puis on toléra les autres formes du pari. Depuis, bookma-
kers et pari mutuel se font la guerre. Le bookmaker a
l'avantage de la célérité et de la précision dans le pari
dont on sait d'avance le bénéfice éventuel ; le pari mutuel a
celui de la sécurité et d'un bénéfice généralement supérieur.
Le bookmaker armé d'un carnet, d'une sacoche, d'une
pancarte et d'un crayon, escorté en général d'un seul com-
mis, est un être essentiellement mobile. On s'en serait
même beaucoup trop aperçu, si l'on n'avait pris le sage
parti de l'attacher en quelque sorte à son piquet.
Bien moins alerte, le pari mutuel traîne à sa suite un
volumineux matériel et tout un cortège de contrôleurs et
d'employés, qui n'ont pas d'intérêt à accélérer leurs opé-
rations et préfèrent même ne pas aller vite pour éviter des
erreurs dont ils sont exposés à supporter les conséquences.
En revanche, le pari mutuel donne d'énormes bénéfices dans
les courses où sont battus les favoris, bénéfices doubles et
parfois décuples de ceux que proposaient les bookmakers.
Voici un tableau des meilleures répartitions données par
le pari mutuel en 4890; il donne la répartition calculée
sur une mise uniforme de 40 fr.
4^ Courses plates; chevaux gagnants : Maisons-
LaflTitte, 24 mars, Orangis, 448 fr. 50. -— Bois de Bou-
logne, 45 juin, Fitz Roya, pesage, 376 fr. ; tribunes,
285 fr., pelouse, 326 fr. — Bois de Boulogne, 22 juin.
Sans Peur, pesage, 484 fr. 50. -— Deauville, 47 août,
Fernande, 309 fr. 50.-^ Blaisons-Lafiitte ; 5 sept., Mai-
den, pesagje, 406 fr.; pelouse, 506 fr. — Maisons-Laffitte,
49 sept., Michon, pesage, 544 fr., pelouse, 428 fr. —
Bois de Boulogne, 5 oct., Espion, pelouse, 348 fr. —
Chantilly, 46 oct.. Boulangère, pesage, 335 fr. ; pelouse,
654 fr. — Chantilly, 23 oct., Primerose, pesage,
468 fr. 50 ; pelouse, 976 fr.
2<* Courses plates ; chevaux placés : Bois de Bou-
logne, 42 juin, La Caussade, troisième, pelouse, 345 fr.
— Maisons-Lafiitte, 44 juil., Dourak, deuxième, 448 fr.
COURSE
476
— Fontainebleau, 31 août, Goguenard II, deuxième
pelouse, 402 fr. — Chantilly, 23 octobre, Primerose,
première, pelouse, 406 fr. — Marseille, l®'^ nov., Cha-
riclée, troisième, pelouse, 650 fr.
3*^ Courses d'obstacles; chevaux gagnants : Nice,
13 janv., Babylone II, 3,951 fr. -— Nice, 16 janv., Saint-
Serge, 1,332 fr.— Lyon, 7 avr., Gloxinia, 370fr.— La
Croix-de-Berny, 8 avr.. Le Fétiche, pesage, 342 fr.; pelouse,
642 fr. — La Marche, 12 avr., Concordia, 323 fr. 50.
— Lille, 15 mai, Vatel, 819 fr. — Saint-Germain,
25 juin, Moutarde, 413 fr. — Saint-Ouen, 27 août.
Propre à Rien, pesage, 496 fr. — Colombes, 3 sept.,
Eleda, pesage, 338 fr, 40. — Auteuil, 30 oct., Module,
pesage, 462 fr. 50. — Auteuil, 30 oct., Tyrol, tribunes,
294 fr. ; pelouse, 349 fr. — Auteuil, l*"* nov., Emincé,
pesage, 386 fr. ; tribunes, 362 fr. ; pelouse, 366 fr. —
Saint-Ouen, 5 nov., Balsamo, pesage, 619 fr.; pelouse,
343 fr. 20. — Saint-Germain, 12 nov.. Lyre d'Or,
595 fr. 90. — Saint-Ouen, 18 nov., Chartreuse, pesage,
351 fr. — Saint-Germain, 19 nov.. Astrologue II, pesage,
408 fr.; pelouse, 356 fr. 60. — Les deux répartitions de
Nice (3,951 fr. pour Babylone et 1,332 fr. pour Saint-
Serge) sont les plus remarquables de l'année.
i^ Courses d'obstacles; chevaux placés : Auteuil,
30 oct.. Rhésus, troisième, pesage, 613 fr. 50. — Saint-
Ouen, 5 nov., Balsamo P'', pelouse, 343 fr. 20.
On comprend que la constatation de bénéfices aussi con-
sidérables fasse une grande réclame au pari mutuel ; en
dehors des gros parieurs qui jouent dans leurs cercles ou
avec quelques bookmakers attitrés des sommes très fortes
et règlent périodiquement leurs différences, le public serait
disposé à préférer le pari mutuel surtout si on perfectionnait
un peu le fonctionnement. Voici les objections que lui font
les partisans des bookmakers : il laisse trop de place au
hasard : c'est un pari peu scientifique car lorsque je joue à la
cote un cheval à 10/1, je ne le jouerais pas s'il était à 5/1,
estimant que sa chance de gagner est de plus d'un
onzième, mais de moins d'un sixième ; il est exact qu'avec
le pari mutuel on n'est fixé qu'après la fin des opérations
sur la quotité du gain possible, puisque jusqu'à la fin de
nouveaux paris peuvent modifier la proportion existante ;
mais, d'une part, ils la changent rarement d'une manière
complète et l'on peut toujours se rendre compte approxi-
mativement du résultat et, d'autre part, l'expérience
démontre que la moyenne des résultats du pari mutuel est
plus avantageuse ; en s'y tenant on est donc sûr de réa-
liser un bénéfice. Une autre objection a été présentée.
Indépendamment de cet inconvénient capital pour le parieur
de ne pas savoir si la cote sera en rapport avec la chance
que ses calculs attribuent à son favori, le pari mutuel a ce
résultat très fâcheux, aux yeux des gros joueurs, qu'une
forte mise abaisse au pari mutuel la côte même du parieur
qui l'engage, tandis que le bookmaker abaisse seulement
la cote et, par conséquent, le bénéfice éventuel des
joueurs qui viennent ensuite.
Ceci est incontestable ; aussi les gros joueurs ne vien-
dront guère au pari mutuel ; celui-ci se prête peu à la
fraude par laquelle on fait gagner un cheval délaissé en
pariant en cachette ou au dernier moment en sa faveur ;
le coup serait trop visible. — On a dit encore que le book-
maker gagne au succès des outsiders, mais perd à celui
des favoris ; donc le parieur qui aime à jouer logiquement
et de bons chevaux doit s'adresser à lui ; ceci est la clef
du problème, mais l'expérience prouve que, même pour les
favoris, surtout quand ils sont au-dessous d'égalité, qu'il
faut payer deux ou trois pour gagner un, les répartitions
du pari mutuel sont plus avantageuses. La chose est très
compréhensible ; en effet, le pari mutuel et le pari avec le
bookmaker sont deux formes de la môme opération ; le
bookmaker ne joue pas contre les chevaux ; il se borne à
servir d'intermédiaire entre les joueurs partisans de
chacun ; sa cote est proportionnelle, non aux chances des
chevaux, mais aux paris engagés ou présumés ; il faut
qu'il couvre ses frais, considérables, qu'il fasse un béné-
fice parfois énorme, et, de plus, ainsi que nous l'avons
expliqué en parlant des courses anglaises, qu'il prélève une
prime correspondant au risque couru. L'administration du
pari mutuel est un intermédiaire désintéressé, elle ne court
aucun risque et ses frais sont moindres ; elle ne fait d'autre
bénéfice que les 2 ^/o attribués à l'Assistance publique.
L'avantage pour le parieur est indiqué par les chiffres
suivants : en 1890, en plaçant 100 fr. sur tous les gagnants
à la cote (et celle relevée par les journaux est plus favo-
rable que celle généralement obtenue par le parieur, sur-
tout à la pelouse), il aurait gagné sur les hippodromes de
la Société d'encouragement 86,869 fr.; en les plaçant aux
guichets du pari mutuel du pesage, il aurait gagné
109,085 fr.; à ceux de la pelouse, 118,580 fr.; à Auteuil,
au printemps, le pari à la cote lui eût rapporté 24,723 fr.;
au pari mutuel du pesage, 31,760 fr. ; de la pelouse,
3-1,040 fr. Ces chiffres sont significatifs et les derniers
nous paraissent indiquer à peu près l'avantage réel moyen
du pari mutuel : 33 ^/^ de plus qu'à la cote.
Le pari mutuel a donc prospéré ; il était sous la
protection de la loi sur les loteries, les bookmakers sous
celle de l'art. 1966 du C. civ,, lequel autorise les paris à
l'occasion des courses de chevaux ; toutefois, la jurispru-
dence, moins hbérale (jue la loi, condamnait le pari à la
cote pour tenue de maison de jeu, la clandestinité résultant
du caractère mobile de l'installation du bookmaker. De
plus, la cour de cassation déclara que le pari n'était licite
qu'entre gens s'y connaissant en chevaux et se connaissant
entre eux ; la première stipulation est aisée à satisfaire, car
tous les habitués des champs de course, renseignés par les
journaux spéciaux, sont ferrés sur les performances des
chevaux et le mérite des jockeys; la seconde est plus grave
et, strictement appliquée, implique l'interdiction du pari à
la cote. Des agences se créèrent à Paris sous prétexte de
recueillir l'argent des parieurs en leur évitant le déplace-
ment; elles ne le portaient pas au pari mutuel, se conten-
tant de payer d'après sa répartition et réalisant des béné-
fices considérables, en premier lieu par le prélèvement de
6 °/o dont elles frustraient le pari mutuel ; une seule agence,
le Bruyère' s office, eut deux cents succursales; le déve-
loppement du jeu inquiéta le gouvernement qui fit fermer
ces agences. Le parquet découvrit que le pari mutuel ne
rentrait pas dans les cas prévus par la loi sur les loteries,
tout le produit n'étant pas consacré à des œuvres de cha-
rité; ceci était de toute évidence; de plus, les sommes pro-
duites par le pari mutuel, trois ou quatre millions par an
et mises à la disposition du ministère de l'intérieur, n'avaient
pas de gérant bien attitré, ne pouvaient entrer dans les
caisses publiques, donnaient lieu à une comptabilité oc-
culte, M. Constans, ministre de l'intérieur, voulut régu-
lariser la situation par une loi; la Chambre des députés,
prise de pudeur, refusa de légiférer sur le jeu et rejeta le
projet. Il fallut interdire le jeu sur les champs de course
(mars 4891 ). Cet état de choses ne peut durer et il est vrai-
semblable qu'il se terminera par un accord avec les sociétés,
lesquelles rétabliront le pari mutuel sur les hippodromes et
n'autoriseront que le pari au livre des bookmakers.
Courses à l'étranger. — En dehors de la France et
de l'Angleterre, les principaux pays ont accueilli les courses
et les favorisent pour développer l'élevage du pur sang et
améliorer la race chevaline. Les courses de Belgique sont
annexes de celles de France ; les principaux prix sont
le Grand Prix de Bruxelles (1,700 m.) et le Derby belge
réservé aux nationaux comme bon nombre de courses. —
Les courses d'Espagne sont encore peu développées, même
à Barcelone. Celles de Russie paraissent appelées à un grand
avenir. — Dans l'Amérique du Sud, on a importé à Buenos
Aires, et à Rio de Janeiro surtout, une foule d'excellents
chevaux de France et d'Angleterre; les progrès se font
sentir, car les produits indigènes luttent avec succès
contre les immigrés ; mais les courses sont trop irrégulières
et viciées par la fraude.
— ni —
COURSE
En Allemagne, hs' courses sont favorisées par le gou-
vernement, lequel possède, au haras de Graditz, un éta-
blissement admirable où il élève des chevaux de course ;
les prix gagnés par ceux-ci sont restitués aux courses par
la fondation d'autres prix ; cette écurie arrive en tête des
gagnants en 4890 avec 257,000 marcs; à la suite viennent
celles de M. May (235,000 marcs), du capitaine Joe, du
baron d'Oppenheim, etc. Le meilleur étalon est Chamant,
puis viennent Flageolet, également acheté en France, Sa-
vernake, Trachenberg et Weltmann, indigènes; l'Allemagne
a également acheté Kisber, Saint-Gatien et Charibert. Les
deux principaux hippodromes sont Hoppegarten, près de
Berlin (509,000 marcs de prix, grand prix de 26,000 marcs,
prix Renard de 20,000 marcs pour chevaux de deux ans),
de Hambourg, où l'on dispute le Derby de l'Allemagne du
Nord, et de Bade. Depuis 1876, aucun cheval allemand n'a
gagné le Derby autrichien. A Spa, ils se rencontrent dans
le prix de l'Avenir (deux ans, 25,000 fr.), et surtout dans
le prix du Jubilé (70,000 fr. et une coupe d'or) , avec les
chevaux français : ceux-ci, môme de deuxième ordre,
battent d'habitude les meilleurs chevaux allemands. Les
courses d'obstacles sont surtout organisées pour les mili-
taires auxquels est réservé le grand steeple-chase de Char-
lottenburg (50,000 marcs). Dans les courses au trot, les
chevaux franco-américains ont prouvé leur supériorité.
En Autriche-Hongrie i les principales courses ont lieu à
Vienne et à Budapest; il y aà Vienne 4 réunions, 33 jour-
nées de courses avec 229 prix valant 528,200 florins,
dont 46 courses et 104,700 florins réservés aux deux ans
avec 3 prix de 12,000 florins. Pour les trois ans on a le
prix du Jockey-Club de 50,000 florins ; pour ceux de trois
ans et au-dessus les prix du Jubilé (25,000 florins) et de
la Résidence (11,000 florins). — Les courses d'obstacles
sont au nombre de 62 : haies 30 prix, 53,700 florins ;
steeple-chases 32 prix, 68,000 florins. — A Budapest il
y a 3 réunions, 23 journées, 151 courses, 342,000 florins
de prix y compris 22 prix et 30,900 florins pour les
courses d'obstaclesiiç on réserve 42 prix et 97,500 florins
aux deux ans; l'hippodrome est mauvais; les épreuves à
courte distance sont moins nombreuses qu'à Vienne ; le
prix le plus important est celui de Saint-Etienne (40,000 flo-
rins), puis le Saint-Léger (20,000 florins) et deux prix de
20,000 florins pour les deux ans. — La grande course de
Fempire est le Derby autrichien fondé en 1808; ouvert aux
chevaux du continent à l'exception des français dont la
supériorité est trop grande; c'est une poule de 300 florins,
fortait 100. — Les chevaux les plus célèbres sont venus
de Hongrie : Kisber, gagnant du Derby et du Grand Prix
de Paris; Kincsera, jument qui ne fut pas battue, fit dead
beat dans le prix du Jubilé à Bade, gagna le Grand Prix de
Deauville et la Coupe de Goodwood (1878). Les meilleures
écuries sont celles du comte Nicolas Esterhazy, de M. Pechy,
des comtes Henckel, Maurice Esterhazy, Kinsky, etc. —
Les meilleurs étalons, Doncaster, Craig Millar, Stron-
zian, Orzedwit, Vedcremo, Verneuii, Gunnersbury, etc.
L'Autriche comme l'Allemagne, mais à un moindre degré,
est tributaire delà France.
En Italie^ où les courses de chevaux lâchés en liberté
(dans le Corso à Rome) ne sont plus qu'un souvenir, les
courses se développent rapidement, et les chevaux indigènes
figurent bien à côté de ceux qu'on a importés de France et
d'Angleterre; l'étalon national Andred a de bons produits
(gagnant 160,000 fr. en 1890). Les principales courses
sont le Grand Prix de Rome de 100,000 fr. pour chevaux
de trois ans sur lé mauvais hippodrome de Tor di Quinto ;
le Grand Prix du commerce international de 50,000 fr., à
Milan; le prix du prince Amédée à Turin, le Derby Royal;
des courses importantes ont lieu à Rome, Milan, Turin,
-Florence et Pise". Dans tous les pays continentaux euro-
péens, on a accepté le pari mutuel.
Aux Etats-Unis, comme dans leurs autres colonies, les
Anglais ont porté leur sport favori : leur premier pur sang,
Bully Rock, par Darley Arabian, fut importé en 1738
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
en Virginie ; depuis l>ien d'autres suivirent, parmi lesquels il
faut retenir le nom de Diomed, gagnant du premier Derby ;
de lui ou plutôt de son fils Sir Archy descendent presque
tous les chevaux de pur sang des Etats-Unis ; Glencoe a
aussi donné d'excellents produits ; récemment, l'étalon fran-
çais Rayon d'Or y a été importé et a obtenu d'immenses
succès. En 1879, il y avait 1,221 prix disputés par
1,524 chevaux et valant 545,624 dollars. Ces chiffres ont
encore beaucoup progressé; on compte 2,500 poulinières,
3 à 400 étalons et 1,500 produits annuels de pur sang.
On attache grand prix aux records de vitesse; les meilleurs
sont 7m. 15s. 3/4 pour 4 milles (6,400 m,); 5m. 26s. V4
pour 3 milles (4,800 m.), chiffres très remarquables; 3 m.
27 s. V2 pour 2 milles (3,200 m.) ; 2 m. 34 s. ^U miv
1 mille et demi (2,400 m.); 1 m. 39 s. ^/^^ pour 1 mille
(1,600 m.); enfin 1 m. 15 s. pour 1,200 m.; tous ont été
obtenus par des chevaux de quatre ans au moins ; on voit
que la vitesse est moindre sur les petits parcours qu'en
Angleterre et en France ; sur les longues distances elle se
soutient plus. ~ Les courses au trot ont pris en Amérique
un développement immense depuis vingt ans ; les éleveurs
et entraîneurs du Kentucky et de Californie ont des établis-
sements où sont élevés et préparés des centaines de che-
vaux ; quelç[ues-uns ont gagné plus d'un million en prix ;
on en distribue pour près de dix millions par an ; les étalons
les meilleurs se vendent plus de 500,000 fr. L'entraîne-
ment est poussé à la perfection, rien n'est négligé; le meil-
leur record obtenu est 1 mille en 2 m. 7 s., ce qui ferait 1 kil.
en 1 m. 19 s. ^/g ; il n'a jamais été égalé ailleurs, et pour la
vitesse les trotteurs américains sont sans rivaux. (V. encore
Haras et Races chevalines). A. -M. Berthelot.
III. Courses et combats de taureaux (V. Taureau).
IV. Technologie. — On donne le nom de course à la
distance comprise entre les deux portions extrêmes d'un
point choisi sur une tige de piston, de tiroir de pompe, etc.
On fait usage depuis longtemps déjà de machines dans les-
quelles Farbre est placé, soit au-dessous, soit au niveau
de l'axe du cylindre ; or, il est important qu'il ne puisse y
avoir aucune indécision sur ce que l'on entend par haut ou
par bas de course, c'est pourquoi on a admis la convention
que l'on donnerait la dénomination de haut de course ou
de point mort haut à la position la plus rapprochée de
l'arbre de couche, et que la position la plus éloignée de
Farbre serait qualifiée de bas de course, ou de point mort
bas. Dans les machines de système dit à pilon, oti l'arbre
est situé au-dessous du cylindre, le langage technique est
en désaccord avec celui usuel, puisque le point mort haut
correspond à la position la plus basse du piston. Un piston,
conduisant une manivelle, ou conduit par elle, a une course
égale à deux fois le rayon de la manivelle. Un tiroir ou un
piston de pompe menépar un excentrique, aune course égale
à deux fois le rayon d'excentricité, s'il est attelé directement ;
dans le cas contraire, la course peut être augmentée ou
amoindrie à l'aide de leviers de transmission. La demi-
course est la position occupée par un piston, un tiroir, etc.,
lorsqu'il se trouve au milieu de ses deux positions extrêmes,
on dit alors qu'il est à mi-coiirse. Remarquons que la mi-
course du piston ne comprend pas la moitié du chemin par-
couru par la manivelle ou le rayon d'excentricité, à partir
de Fun des points morts, à cause des obhquités de la
bielle. Un tour de machine se compose de deux fois la
course du piston, ou, en langage technique, de deux coups
simples. L. Knab.
Tissage. — On donne dans les industries textiles le nom
de course à toutes les séries qui se répètent régulièrement
dans la contexture d'un tissu ou dans les mouvements
qu'exige sa fabrication; course des fils et course des
duites signifient rapport chaîne et rapport trame, course
du remettage, course des marches, course des cartons
indiquent une évolution de ces organes.
V. Marine. — Expédition des corsaires et des navires
que l'on arme pour courir sus à l'ennemi. On peut faire
remonter au commencement du moyen âge Forigine de la
12
COURSE - COURSIER
— 178 --
course. Les négociants, pillés par les pirates barbaresques,
organisèrent, avec le consentement tacite du gouverne-
ment, des battues afin de protéger leurs navires et, au
besoin, de débarrasser les mers des pillards qui Fécu-
maient. Avant les traités internationaux que Ton dut faire
intervenir, en temps de guerre, tous les navires de com-
merce des belligérants couraient sus à ceux du parti
adverse. On fut amené ainsi à diviser la course en course
de guerre et course de représailles. Dès 4400, la France
défendit à ses corsaires de s'armer et de combattre sans en
avoir reçu l'autorisation. Une telle mesure aurait permis
de régulariser ces sortes d'opérations, si les autres peuples
avaient suivi cet exemple; car, les corsaires, armés au nom
du bien de l'Etat, chassaient pour leur propre compte, et
il importait de réprimer cet abus qui transformait la course
en piraterie. Il fallut un siècle pour que l'exemple de la
France se généralisât. Les diverses nations ne délivrèrent
plus aux corsaires de lettres de marque que pour la course
de guerre. Celle-ci servit d'auxiliaire puissant aux flottes
de ligne, en anéantissant le commerce de l'ennemi. La
France fut puissamment aidée par ses corsaires. Avec une
audace et un bonheur inouïs, ces hommes intrépides, non
contents d'amariner des navires de commerce, s'attaquaient
aux bâtiments de guerre, les prenaient à l'abordage et,
parfois, transformaient ces prises elles-mêmes en corsaires.
Les plénipotentiaires réunis en congrès à Paris le 16 avr.
1856 ont arrêté la déclaration solennelle ci-après : 1^ la
course est et demeure abolie; 2° le pavillon couvre la
marchandise ennemie, à l'exception de la contrebande de
guerre; 3* la marchandise neutre, à l'exception de la con-
trebande de guerre, n'est pas saisissable sous pavillon
ennemi ; 4^ les blocus, pour être obligatoires, doivent être
effectifs, c.-à-d. maintenus par une force suffisante pour
interdire réellement l'accès du littoral de l'ennemi. L'Es-
pagne, le Mexique et les Etats-Unis, qui n'ont pas pris part
aux délibérations du congrès de 1856, peuvent armer des
navires pour la course. La course ne peut être faite qu'en
haute mer et dans les eaux maritimes des belligérants. Dans
les fleuves et rivières, la course devient de la piraterie.
Le gouvernement délivrait autrefois des lettres de
marque aux corsaires autorisés. Ces documents les distin-
guaient des pirates et les consacraient, pour ainsi dire, les
Irancs-tireurs de la mer. On remarquera d'ailleurs que
les pirates exercent en tout temps leur industrie et que les
corsaires ne l'exercent que pendant la durée d'une guerre.
Les corsaires prirent une immense extension après la décou-
verte du nouveaumonde. Les galions espagnols, chargésd'or,
étaient de trop belles proies pour ne pas tenter la cupidité.
Aventuriers anglais et hollandais se lancèrent donc, et les
succès qu'ils obtinrent en attirèrent beaucoup d'autres. La
France elle-même arma un grand nombre de ces navires,
car notre caractère aventureux s'accommodait parfaitement
de ces expéditions périlleuses. Jean Bart, Surcouf , Duguay-
Trouin se formèrent à cette rude école. Les exploits de
Surcouf, en particulier, sont restés célèbres dans le golfe
du Bengale, à l'île de France et à l'entrée du détroit de la
Sonde. Il fallait, pour cette guerre de surprise, des hommes
de résolution et d'énergie : ces hommes n'ont jamais
manqué parmi nous. De 1T93 à 1 8i 5, les corsaires français
capturèrent 10,8T1 navires de commerce anglais, dont 949
pendant la seule année 1797, la plupart à l'entrée de la
Manche, aux environs de l'atterrissage des Sorlingucs. Les
corsaires, en effet, loin de battre continuellement la haute
mer, croisaient dans un certain nombre de parages déter-
minés, oh aboutissent les routes de navigation. En temps
de guerre, les puissances qui n'ont pas adhéré au congrès
du 16 avr. 1856, sont libres d'armer des corsaires. Ceux-ci,
munis de lettres de marque, sont considérés comme des
auxiliaires de la puissance belligérante qui les a armés.
Dans aucun cas, on ne peut les considérer comme pirates.
On distinguait autrefois les basses voiles sous le nom
de courses^ parce que, dans les mauvais temps, c'est sous
ces voiles que le navire continue sa route, sa course.
VL Droit commercial et Droit international
(V. Prise maritime).
BiBL. : Course a pied. — Manuel de gymnastique publié
par les ministères de rinstruction publique et de la guerre.
Paris, 1882, in-18. — Tissot, Gymnastique médicinale et
chirurgicale ; Paris, 1772, in-12. — Eclias, Gymnastique
élémentaire ; Paris, 1819, in-8. — Dally, De l'exercice
méthodique de la respiration dans ses rapports avec la
conformation thoracique et la santé générale; Paris, 1881;
— Chassagne et Dally, Influence "précise de la gymnas-
tique sur le développement de la poitrine et de la force de
l'homme; Paris, 1881. — Carlet et Mare y, Etude sur la
marche {Annales des sciences naturelles) ; Paris, 1872. —
Collineau, la Gymnastique, Paris, 1884, in-8.— Couvreur,
les Exercices du corps ; Paris, 1890, in-12.
Courses de chevaux. — The gênerai Stud-Book, éd.
de 1808 et suiv. — The Racing Calendar, régulièrenaent
publié depuis 1773. — Le Stud-Book français (la dern. éd.
est de 1890). — The Sporting Calendar , 1769. — Whyte,
History of the Turf. ■— John Lawrence, History of the
race-horse. —De Bailly, Institutions hippiques. — Mon-
TENDRE, Institutions hippiques.) 3 vol. — Eug. Gayot, la
France chevaline, 1850, 8 vol. — Observations de la Société
d'encouragement sur les remontes^ 1842.— Bulletin officiel
des courses de chevaux. — Journal des Haras, de la chasse
et des courses de chevaux (depuis 1828, rempli de disserta-
tions et études curieuses). — Touchstone, les Chevaux
de course; Paris, 1889. — Cf. les journaux spéciaux
VEleveur (fondé en 1835), le Sport (fondé en 1854), le Jockey^
l'Entraîneur., l'Auteuil-Longchamp, etc.
COURSEGOULES.Ch.-l. de cant. du dép. des Alpes--
Maritimes, arr. de Grasse, près de la source de la Gagne
et au pied du Cheiron, dont les hauteurs (1,778 m.) res-
semblent à un rempart aux talus uniformes et sans ondu-
lations ; 440^ hab. Mines de plomb et de fer. Gouffres à la
base du Cheiron d'où sort la Cagne, après un cours sou-
terrain assez long.
COU RSELE (Gérard de), jurisconsulte belge, né à Liè^e
en 1568, mort à Bruxelles en 1636. Il étudia la théologie
et le droit à Louvain où il devint en 1596 professeur
d'institutes du droit romain et fut investi neuf années de
suite de la dignité rectorale. En 1616, il fut appelé au
grand conseil de Malines et de là au conseil privé des
archiducs Albert et Isabelle. Il publia ^ Oî^atio in Justi
Lipsii funere habita (Louvain, 1606, in-4) et Index
legum et capitulorum selectiorum, adscriptis aucto-
nbiis (ihïà.,iUO).
BiiîL. :SwEERTius, A^^ensebe^â^icee; Anvers, 1628, in-fol.
— Foppens, Bihliotheca belqica ; Malines, 1739, 2 vol. in-4.
— - Paquot, Mém. pour servir à Vhist. littér. des Pays-Bas,
COURSETa Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr. de
Boulogne-sur-Mer, cant. de Desvres ; 421 hab.
COURSEULLES-sur-Mer. Corn, du dép. du Calvados,
arr. de Caen, cant. de Creully, à l'embouchure de la
Seulle, qui y forme le port; 1,514 hab. Sous-quartier ma-
ritime du quartier de Caen. Consulat suédois. Le port se
compose d'un chenal entre deux jetées en charpentes
pourvues de feux fixes, d'un avant-port et d'un bassin à
flot ; on y accède par une passe balisée dite fosse de Cour-
seulles. L'importation consiste en bois du Nord, houille et
guano ; l'exportation en sel, cidre, eaux-de-vie et huîtres.
L'élevage des huîtres est l'industrie la plus importante du
pays : les nombreux parcs destinés à l'engraissement sont
disposés le long des rives de la Seulle, Courseulles arme
pour la pêche du hareng, du maquereau et de la morue.
Fabrique de dentelles et de blondes. Etablissement de
bains de mer fréquenté; plage de sable très étendue à
droite du chenal. Vaste château bâti sous Louis XIII qui
domine le bourg. — Station du chem. de fer de Caen à
la mer.
C0URS1ER.I. Marine. — Nom donné autrefois au canon
que l'on plaçait à l'avant des embarcations ou des petits
navires. Cette dénomination est remplacée aujourd'hui par
celle de canon de chasse.
IL Hydraulique. — On appelle coursier un conduit ou
canal, à section généralement rectangulaire, dans lequel l'eau
s'écoule après avoir traversé un orifice ou bien après avoir agi
sur une roue hydraulique. Toutes choses égales, c.-à-d. dans
les mêmes conditions de contraction de la veine liquide, la
- 479 -
COURSIER - COURT
présence d*un coursier à îa suite d*un orifice a pour effet
de diminuer légèrement le débit en raison surtout du frot-
tement du liquide sur ses parois, et cette diminution est
d'autant plus sensible que la longueur du coursier est
plus grande. Le coursier des roues hydrauliques, dans
toute la partie où Feau motrice agit sur la roue, doit être
profilé suivant un arc de cercle se rapprochant le plus
possible de la circonférence décrite par la partie la plus
saillante des aubes, la longueur de cet arc de cercle ne
doit jamais être inférieure à deux espacements d'aubes et
il est souvent utile qu'elle soit beaucoup plus grande. Le
jeu, entre le coursier et les aubes, aussi bien le long de
cette partie de son fond que le long de ses parois verti-
cales, doit être réduit le plus possible, car le volume
d'eau auquel il donne passage n'agit pas sur la roue et se
trouve entièrement perdu pour le rendement. Dans la
partie qui précède, le coursier doit être tracé de manière
à donner, à la masse liquide qui arrive sur la roue, la
meilleure direction possible, et sa forme, qui dépend de
celle des aubes, sera décrite à l'article spécial relatif à
chacune des roues hydrauliques. Au delà, le coursier
Fig. 1.
Fig, 2.
peut affecter deux formes différentes. Il peut, comme dans
la fig, 1 , être prolongé horizontalement suivant une tan-
gente à la circonférence extérieure de la roue, ou bien comme
dans la fig. 2, présenter un abaissement brusque constituant
une augmentation de la section transversale du courant.
Dans le premier cas, l'eau doit conserver jusqu'au bief
d'aval la vitesse qu'elle possède à la sortie de la roue et,,
lorsque cette vitesse est grande, elle doit prendre une
pente qui a pour effet de diminuer la chute réellement uti-
lisée. La seconde disposition est donc préférable en général
et elle est d'autant plus justifiée que la vitesse de la roue
est plus grande et que le coursier a une plus grande
longueur depuis la roue jusqu'au bief d'aval. Les orifices
prolongés par un coursier horizontal débitent, à conditions
égales, moins d'eau que ceux qui débouchent directement
dans l'air et la différence peut devenir assez grande si le
coursier est long. Au contraire, si le coursier présente une
pente dans le sens de l'écoulement, sa présence peut aug-
menter le débit (V. Orifice, Roue hydraulique). A. F.
COURSON (Vitic). Les coursons sont des rameaux de
l'année que l'on taille en hiver à un, deux ou trois yeux ;
ils sont destinés à fournir des bois de remplacement ou
des bois fructifères. Ils sont surtout usités dans les tailles
à court bois, telles que le gobelet, et aussi dans les tailles
mixtes à long bois et à court bois (V. Taille).
COURSON. Gom. du dép. du Calvados, arr. de Vire,
•cant. de Saint-Sever ; 1,016 hab.
COURSON— l'Aulnay. Com. du canton de Seine-et-
Oise, arr. de Rambouillet, cant. de Limours; 144 hab.
GOURSON-les-Carrières {Curcedonus).t\iA, de cant.
du dép. de l'Yonne, arr. d'Auxerre; 1,365 hab. Doit son
surnom à des carrières de calcaire très blanc, ouvertes dans
le coral-rag, et qui ont fourni les pierres du nouvel hôtel
de ville de Paris. Ce lieu est mentionné dès la fin du
VI® siècle dans les statuts de saint Aunaire, évêque
d'Auxerre. Au xii® siècle il y avait déjà des seigneurs de
son nom. Au xv® siècle, la seigneurie passa à la famille
de Chastellux. La baronnie fut érigée en comté en 1650
pour Gaspard Coignet de La Thuilerie, ambassadeur du roi
en Suède. Ce comté comprit Courson, Moussy, Merry-Sec
^tMigé. End 670, d'après un rapport de l'intendant de
Bourgogne, îe nombre des habitants était de 339, « tous
réduiz à la mendicité, à la réserve de douze à cause des
fréquents incendies qui y sont arrivés depuis quinze ans »,
Eglise de Saint-Pierre, dédiée le 9 févr. 1583 ; portail
construit en 1850 ; on y^ conserve le chef de sainte Bri-
gitte, donnée par Christine de Suède à Gaspard Coignet
en 1653. M. p.
COURSON (Aurélien de), historien et érudit français
contemporain, né le 25 déc. 1811 à Port-Louis (île de
France) où son père était attaché à l'état-major du gé-
néral Decaen. Il fit ses études à Paris, au collège Samt-
Louis; forcé par un accident de renoncer à la carrière mi-
litaire à laquelle il se destinait, il étudia le droit à Rennes,
Chargé de collaborer aux recherches historiques instituées
sous le ministère Guizot, il fut depuis archiviste du Finis-
tère, employé à la bibliothèque Sainte-Geneviève, conser-
vateur à la bibliothèque du Louvre et, après l'incendie de
cet étabhssement, entra avec le titre de conservateur hono-
raire à la Bibliothèque nationale. Parmi ses ouvrages, nous
citerons : Essai sur l'histoire, la langue et les institu--
tions de la Bretagne armoricai7ie (1840, in-8); Histoire
des origines et des institutions des peuples de la Gaule
armoricaine et de la Bretagne insulaire, jusqu'au
V^ siècle (iS^d^ in-8); Histoire des peuples bretons
dans la Gaule et dans les îles Britanniques (1846,
2 vol. in-4) ; Mémoire sur l'origine des institutions féo-
dales chez les Bretons et les Germains (1847, in-8, en
collaboration avec M. Vallery-Radot) ; Cartulaire de
r abbaye de Redon (1863, in-4, dans la Collection de
documents inédits sur l'histoire de France) .
COURT (La Bruyère), amiral français, né vers 1665,
mort en 1752, Entré au service en qualité de garde de
marine (1674), il fut nommé enseigne de vaisseau
en 1686 et lieutenant de vaisseau en 1689. Il commanda
successivement V Agréable et le Maure et servit sous le^
ordres de Jean Bart. Il était chef d'escadre en 1715 ; lieu-
tenant général en 1725, et vice-amiral en 1750. Au siège
de Dunkerque (1695), il réussit à faire échouer au large
du port un brûlot lancé contre la ville.
COURT (Antoine), né à Villeneuve-de-Berg (Vivarais) le
17 mai 1695, mort à Lausanne le 15 juin 1760. Pasteur
protestant, justement surnommé le Restaurateur du pro-*
testantisme en France, Dès son bas âge, orphelin de
père, il fut élevé par sa mère, pieuse huguenote, au plus
fort des persécutions de Louis XIV (guerre des Camisards).
Nourri de la lecture de la Bible et des Consolations du
pasteur Drelincourt, il manifesta tout jeune encore une
foi ardente et suivit sa mère, malgré elle, aux prédications
du « Désert », où il rempHt souvent les fonctions de
lecteur des Saintes Ecritures. Témoin de l'anarchie des
troupeaux dispersés et désolé des écarts auxquels donnait
lieu l'exaltation de beaucoup de prédicateurs dépourvus
d'instruction (inspirés, prophètes cévenols), il conçut à
l'âge de dix-sept ans le plan hardi d'une restauration des
Eglises réformées. Les moyens qu'il se proposait d'em-
ployer étaient : 1^ des assemblées fréquentes pour ramener
les exaltés à des idées plus saines ; 2^ le rétablissement
de la discipline presbytérienne; 3° une instruction théo-
logique à donner aux futurs pasteurs. Appelé en 1715
à desservir comme pasteur l'église de Nîmes, il résolut
de mettre aussitôt son plan à exécution et — du vivant
même de Louis XIV — présida le premier synode des
délégués des Eglises des Cévennes et du Bas-Languedoc
(21 août 1715), où l'on interdit aux femmes de prê-
cher, et posa la Bible comme la seule règle de la foi. Dès
lors, ces Synodes, dits du Désert, se multiplièrent,
rétablissant la correspondance entre les églises et la dis-*-
cipline chez les pasteurs et les laïques. — C'est dans une
de ces assemblées nocturnes que Court fut consacré mi-
nistre du Saint Evangile par Pierre Corteis, l'un des
pasteurs du Désert. Mais, cette année même, sentant les
lacunes de sa première instruction, il se rendit à l'aca-
démie de Genève pour y faire des études théologiques
ÉOURT — COURTAGE
- 180 -
régulières (1748-22). Il revenait en Languedoc vers la fin
de l'année 1722 et y poursuivait au milieu des plus grands
dangers Fœuvre de la réorganisation du culte protestant.
Sa tète ayant été mise à prix par l'intendant du Lan-
guedoc, il fut obligé de quitter le pays natal, et poursui-
vant la réalisation de son programme, fonda à Lausanne —
en pays neutre et à l'abri d'un coup de main du roi de
France — un séminaire pour l'instruction des ministres
destinés à desservir les cent vingt églises qui étaient déjà
rétablies en Languedoc et Dauphiné (1729). Depuis cette
année jusqu'à sa mort, Antoine Court dirigea cette école
de théologie, s'efforçant d'inculquer aux jeunes gens non
seulement la connaissance des langues et textes sacrés,
mais aussi V esprit du Désert. « Par là, disait-il,
j'entends un esprit de mortification, de sanctification, de
prudence, un esprit de réflexion, de grande sagesse et
surtout de martyre, qui, nous apprenant à mourir tous les
jours à nous-mème, nous dispose à perdre courageusement
la vie dans les tourments et sur un gibet, si Dieu nous y ap-
pelle. » Outre la direction du séminaire de Lausanne, Court
remplit les fonctions de député général des Eglises réfor-
mées, auxquelles il avait été élu (1730), défendant ses
coreligionnaires opprimés en France, devant le congrès
de l'Europe, et négociant indirectement avec le régent ou
avec tel ou tel gouverneur de province. Bien que proscrit,
il reparut plusieurs fois en France pour résoudre des
conflits soulevés par des pasteurs rebelles à la discipline,
et, entre autres, assista au synode de 1744, où les députés
prièrent Dieu pour le rétablissement de Louis XV dange-
reusement malade. Mais ce n'étaient que des fugues, et Court
séjourna en somme les trente dernières années de sa vie à
Lausanne, partageant son temps entre ses leçons et ses écrits.
Antoine Court a laissé une volumineuse correspondance
et de nombreux ouvrages, la plupart manuscrits (Y. à la
bibliothèque de Genève, la collection Court, 116 vol.). Ont
été publiés : Relation historique des cruautés exercées
envers quelques protestants en France pour avoir
assisté à une assemblée tenue au Désert (s. 1. n. d., vers
1719, in-12); le Patriote français et impartial (Ville-
franche, Genève, 1751, 2 vol. in-12); Lettre d'un patriote
sur la tolérance civile des protestants de France (s. 1.,
1756, in-8) ; Histoire des troubles des Cévennes ou
guerre des Camisards sous le règne de Louis le Grand
(Villefranche, 1760, in-12). G. Bonet-Mauhy.
BiBL. : Ed. Hugues, Ant. Court; Hist. de la restau-
ration du protestantisme en France au xyiii» siècle ;
Paris, 1872, in-8; Mémoires d'Antoine Court; Toulouse,
1885, in-12. — Cliarles Coquerel, Histoire des Eglises du
Désert; Paris, 1841, 2 vol. in-8. — Henri Bordier, art.
Court, dans la France protestante, t. IV, 2^ édit.
COURT (Joseph-Désiré), peintre français, né à Rouen
le 11 sept. 1798, mort dans celte ville le 23 janv. 1865.
Elève de Gros, il remporta à vingt-quatre ans le grand
prix de Rome avec une composition, Samson livré aux
Philistins^ qui fit concevoir les plus hautes espérances
pour le développement de son talent. En effet, au Salon de
1827 il débuta par un tableau, la Mort de César, qui fut
presque un coup d'éclat, et remporta un succès considérable
parmi les amateurs du genre académique. La composition
n'en était pourtant pas très heureuse ; le corps de César
assassiné est sur les rostres ; Marc-Antoine montre au
peuple la tunique du dictateur ; quelques sénateurs entou-
rent le cadavre, tandis que le peuple est groupé au pied de
la tribune, regardant avec indignation les meurtriers. Le
tableau manque d'air, la partie élevée de la scène écrase
l'autre ; la Mort de César fut achetée par l'Etat et placée
au musée du Luxembourg. « M. Court promet d'illustrer
son nom », écrivait Jal. Mais le peintre trompa ces espé-
rances. Au Salon de 1835, il exposa Boissy d'Anglas
saluant la tête de Féraud^ qui offrait encore d'apprécia-
bles quahtés. Puis il sembla décliner, ne faisant preuve,
soit dans les scènes historiques qu'il envoyait d'une façon
intermittente au Salon, soit dans les nombreuses peintures
officielles dont il était chargé, que d'une inégalité de talent
des plus singulières. « La décadence de M. Court est une
des plus tristes, disait Th. Thoré au Salon de 1844. On né
saurait imaginer un plus ridicule tableau que le Duc d'Or-
léans posant la première pierre du pont-canal d'Agen. »
En 1838, le gouvernement lui avait donné la croix de la
Légion d'honneur. Quelques années plus tard, il fut nommé
conservateur du musée de Rouen. Court continua jusqu'à
la fin de sa vie à exposer aux Salons ; en 1863, il avait
envoyé encore deux tableaux. Mais il ne faisait plus guère
que des portraits. On éite ceux de Madame Adélaïde, du
Prince de Joinville, du Roi et de la reine du Danemark
du Duc Decazes, de Monseigneur Siboiir, le Maréchal
Pé lissier, etc. V. Ch.
COURT DE Gébelin (Antoine), fils d'Antoine Court, né à
Nîmes en 1725, mort à Paris le 12 mai 1784. Destiné
à la carrière pastorale, il fit ses études au séminaire de
Lausanne, fondé par son père (1741-54), et fut consacré
ministre du Saint Evangile. Mais, après la mort de son
père, il vint se fixer à Paris, où il s'adonna à l'étude de
l'histoire des rehgions et des langues anciennes. Ses livres
lui valurent les suffrages de l'Académie française et de
l'Académie des inscriptions. Il fut nommé, malgré sa qua-
lité de protestant, censeur royal, et fonda (rue' Dauphiné)
le Musée de Paris, sorte de société libre des sciences,
lettres et^ beaux-arts. Cependant, héritier du zèle de son
père, il s'efforçait de rendre service aux Eglises protes-
tantes de province, en organisant à leur profit un « Bureau
de correspondance » et, grâce à sa réputation, il réussit à
entretenir des relations avec le duc de la Vrillière, comte
de Saint-Florentin, chargé de la direction des affaires des
« religionnaires ». Il professait d'ailleurs les principes de
la plus large tolérance. « Quiconque protégera la vertu,
dans quelque communion que ce soit, et portera les hommes
à s'aimer et à laire leur devoir, cet être, fût-il mahométan
ou Chinois, sera à mes yeux un être admirable et de
l'amitié duquel je serai jaloux ». Court de Gébelin a laissé
plusieurs ouvrages, dont voici les principaux : Lettres
toulousaines (Edimbourg, 1763, in-12, concernant les
procès de Calas et de Rochette) ; le Monde primitif
analysé et comparé avec le monde moderne (Paris,
1873-84, 9 vol. in-4); Devoirs du prince et du citoyen
(Paris, 1789, in-4). C. Ronet-Maury.
BiBL. : Rabaut-Saint-E TIENNE, Leii?^e sur la vie et les
écrits de Court de Gébelin; Paris, 1826. — Henri Bordier,
art. Court, dans la France protestante, 2« éd. — Charles
Dardier, Court de Gébelin ; Nîmes, 1890, in-8.
COURTACON. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr.
de Provins, cant. de Villiers-Saint-Georges ; 297 hab.
COURTAGE, COURTIER. Le courtage est l'acte de
commerce qui consiste à s'entremettre entre vendeurs et
acheteurs pour les mettre en relations, leur procurer le
moyen de réaliser l'opération qu'ils désirent faire et cons-
tater leur convention quand elle est intervenue. Ceux qui
se livrent aux opérations de courtage sont appelés cour-
tiers, autrefois couratiers, à cause, dit-on, de l'activité
qu'ils devaient déployer, courant de l'un à l'autre pour
faire former des conventions. Leur rémunération est fixée
par un tarif établi dans chaque place d'après les usages et
règlements. Le courtage n'entraine aucun engagement per-
sonnel du courtier. C'est ce qui le distingue de la commis-
sion. La définition que nous venons de donner du courtage
convient également, on l'a remarqué, aux opérations faites
par les agents de change. Ceux-ci, en effet, sont de véri-
tables courtiers. Les règles qui régissent ces deux profes-
sions sont les mêmes, sauf quelques différences que nous
ferons ressortir au cours de cet article. Toutefois, l'appel-
lation de courtier ne s'applique jamais aux agents de
change, elle est réservée dans l'usage à ceux qui ne servent
pas d'intermédiaires pour la négociation des effets publics.
Libre d'abord, la profession de courtier a été érigée en
office par l'éditde 1572. Puis vient la loi du 17 mars 1791
qui la rend libre de nouveau. Enfin le code de commerce,
qui, partiellement au moins, rétablit le monopole. Il énu-
mère successivement : les courtiers en marchandises, les
481 -.
COURTAGE
courtiers d'assurances, les courtiers interprètes et conduc-
teurs de navires, les courtiers de transports par terre et
par eau (C. de comm., art. 77). A cette énumération, il
faut ajouter les courtiers gourmets piqueurs de vins, insti-
tués spécialement pour Paris, par un décret du 45 déc,
4843. En dehors de ces classes, depuis la promulgation
du code ^e commerce, le courtage a toujours été libre.
Encore le monopole établi au profit des courtiers de mar-
chandises a-t-il été supprimé par la loi du 48 juil. 4866.
Il y a donc aujourd'hui deux grandes classes de courtiers :
les courtiers privilégiés et les courtiers libres, parmi lesquels
les plus importants sont les courtiers de marchandises.
Courtiers privilégiés. — Ce sontceux énumérés ci-dessus
à l'exception des courtiers de marchandises : 1° courtiers
d'assurances. En s'exprimant ainsi, le code de commerce
.n'a entendu parler que des assurances maritimes, les
autres étant, à cette époque, à peu près inconnues en
France. Leurs fonctions consistent à rapprocher les assu-
reurs et les assurés, à dresser l'écrit constatant la con-
clusion de l'assurance; cet écrit qu'on nomme pohce est un
véritable acte authentique et fait foi jusqu'à inscription de
faux. Ces deux droits ne leur appartiennent toutefois que
concurremment avec les notaires (C. de comm., art. 79 et
arg. de cet art.). Seuls et à l'exclusion de tous autres
officiers publics, ils constatent le cours légal des primes
d'assurance. Ce cours est établi, en général, deux fois
par an seulement, le 45 avr. et le 15 oct., sous la sur-
veillance de la chambre syndicale des courtiers. 1^ Cour-
tiers interprètes et conducteurs de navires ou courtiers
maritimes. Ils servent d'intermédiaires entre les capi-
taines et les marchands pour le louage des navires. Ils
constatent le cours du fret ou nolis. En cas de contestation
portée devant les tribunaux, ils traduisent toutes les pièces
dont la traduction est nécessaire : déclarations, chartes-
parties, connaissements (C. de comm., art. 80, alin. 4).
Pour les affaires contentieuses de commerce et pour le ser-
vice des douanes, ils servent seuls de truchements à tous
étrangers, maîtres de navires, marchands, équipages de
. vaisseaux et autres personnes de mer (C. de comm.,
art. 80, alin. 2). Leur droit d'interprétation est limité aux
langues que le décret de nomination les autorise à traduire.
.Ils ont le droit de procéder aux ventes de navires aux en-
chères publiques lorsque la vente n'a pas lieu en suite
d'une saisie (ordonn. du 44 nov. 4835, arg. art. 2). Leur
privilège qui leur appartient pour ces diverses opérations
n'est pas également exclusif. Leur monopole est absolu
^ pour la fixation du cours du fret, tandis que, pour le louage
des navires, les parties peuvent traiter soit directement
entre elles, soit par l'intermédiaire de commissionnaires.
Les intéressés, et sous cette dénomination il faut com-
prendre le capitaine français ou le capitaine étranger con-
naissant la langue française, l'armateur ou ses préposés,
peuvent faire les traductions et servir d'interprètes. Les
attributions des courtiers maritimes employés comme inter-
prètes ne sont pas indivisibles en ce sens que celui qui a
eu recours à leur ministère pour des traductions n'est pas
obligé de les charger du dépôt à faire des pièces traduites
aux différentes administrations. 3° Courtiers de transport
par terre et par eau. D'après l'art. 82 du C. de comm.,
ce sont ceux qui, seuls, ont le droit de faire les courtages
des transports par terre et par eau. Ils ne peuvent s'occuper
cumulativement de ce mode de courtage et des autres. En
. fait, il n'y a pas de courtiers de transports. Les opérations
qui leur étaient réservées sont faites par les commission-
naires. 4^ Courtiers gourmets piqueurs de vins. Exclu-
sivement créés pour l'entrepôt des vins de Paris, ils dégustent
, les boissons, sont intermédiaires pour les achats et les ventes
et experts dans les contestations sur la qualité des vins.
Les courtiers privilégiés dont nous venons d'indiquer
sommairement les attributions spéciales sont de véritables
officiers ministériels. Ils jouissent de la prérogative accor-
^ dée à ceux-ci de présenter leur successeur à l'agrément du
gouvernement. Il leur est interdit de former des sociétés
pour l'exploitation de leur charge, La nomination des cour-
tiers privilégiés est faite par le président de la République
sur la proposition du ministre du commerce, sauf celle des
courtiers gourmets qui est faite directement par le ministre
du commerce. Pour pouvoir être nommé courtier, il faut :
être citoyen français, justifier de l'exercice de la profession
d'agent de change, de négociant, ou d'un stage de quatre
ans chez un agent de change, un commerçant ou un notaire
de Paris (arrêté du 29 germinal an IX, art. 6 et 7), n'être
dans aucun des cas d'incapacité prévus par les art. 83 et
88 du C. de comm., l'art. 7 de l'arrêté du 29 germinal
an IX et l'art. 5 de l'arrêté du 27 prairial an X. Dans
chaque place, les courtiers privilégiés forment une corpo-
ration administrée par une chambre syndicale, suivant les
règles posées dans un règlement élaboré par elle et ap-
prouvé par le gouvernement. Le président, que l'on nomme
syndic^ représente la compagnie et peut agir ^n justice en
son nom. Dans les bourses où il n'y a pas de parquet, il
n'y a qu'une seule chambre pour les agents de change et
pour les courtiers. De même que les agents de change, les
courtiers privilégiés sont obligés à la tenue d'un livre spé-
cial et de carnets sur lesquels ils inscrivent leurs opéra-
tions. Il leur est interdit de s'intéresser, soit directement,
soit indirectement, soit en leur nom personnel, soit comme
garants, à aucune entreprise commerciale. Etant seulement
des intermédiaires, ils ne peuvent ni recevoir, ni payer
pour leurs mandants. Mais l'obhgation du secret en ce qui
concerne le nom de leurs commettants ne saurait leur être
imposée, précisément à cause du but auquel tend leur inter-
vention. Les courtiers dont nous nous occupons ont, sous
les exceptions que nous avons indiquées spécialement pour
chaque classe, un véritable monopole pour les opérations
ressortissant à leur spécialité. L'usurpation de leurs fonc-
tions par un particulier constitue un délit appelé courtage
clandestin ou mar rouage. Les négociants qui ont recours
au ministère des courtiers marrons sont considérés comme
complices de ce délit. La peine qui les frappe est édictée
par les art. 8 de la loi du 28 ventôse an IX et 5 de l'arrêté
du 27 prairial an X. C'est une amende qui est au moins
, du douzième du cautionnement imposé actuellement à la
catégorie de courtiers dont la fonction a été usurpée, et
au plus du sixième de ce cautionnement; sans préjudice de
la pénalité civile qui consiste dans la nullité des opérations
ainsi conclues, ce qui prive le courtier clandestin de toute
action contre son client.
Courtiers libres. — Les plus importants sont les cour-
tiers de marchandises^ depuis que la loi du 18 juil. 4866
leur a enlevé leur monopole. Avant cette loi, les obhgations
étroites qui étaient la conséquence du privilège empêchaient
le courtage de rendre au commerce le service qu'il était en
droit d'en attendre. D'une part, les courtiers se spéciali-
saient généralement dans les opérations sur un nombre
restreint de marchandises, d'où l'obligation pour les négo-
ciants de recourir aux courtiers marrons pour toutes les
autres. D'autre part, les négociants préféraient des inter-
médiaires pouvant payer ou recevoir pour eux, d'où délais-
sement des courtiers au profit des représentants de com-
merce. Cette situation avait engendré de nombreux procès :
procès entre les courtiers et les usurpateurs de leurs fonc-
tions, qui ne naissaient que lorsque ceux-ci avaient, grâce
à leur travail, développé une branche de commerce aban-
donnée par les courtiers ; procès entre les courtiers et les
représentants de commerce, qui soulevaient la délicate
question de la fixation des caractères distinctifs de cour-
tage, de la représentation et de la commission. La loi de
4866 a mis fin à toutes ces difficultés. Les courtiers de
marchandises sont aujourd'hui des commerçants ordinaires
affranchis de l'obhgation de tenir des livres spéciaux et des
carnets. Ils ont le droit de s'intéresser dans les affaires
traitées par leur entremise, à charge par eux d'en prévenir
les autres parties sous peine d'une amende correctionnelle
de 500 à 3,000 fr. et de tous dommages-intérêts (loi du
48 juil. 4866, art. 7). Toutefois, pour la constatation du
COURTAGE -=» COURT-BATON
— 182 —
cours des marchandises et Tévaluation, en cas de besoin, de
celles qui sont déposées aux magasins généraux, on a
recours à des courtiers appelés courtiers inscrits ou asser-
mentés. Ils sont nommés par les tribunaux de commerce
en vertu d'une faculté que leur a laissé la loi de 4866, et
prêtent devant lui le serment de remplir leurs fonctions
avec honneur et probité. Les courtiers inscrits ont seuls
le droit de procéder aux ventes faites en vertu d'une auto-
risation du tribunal de commerce, vente par suite de faillite,
vente à l'enchère de marchandises neuves, etc. Dans ces cas,
il leur est interdit d'acheter les marchandises qu*ils sont
chargés de vendre. La sanction de cette prohibition est, au
cas d'infraction, la radiation pour toujours de la Mste des
courtiers inscrits. Parmi les courtiers libres, on doit men-
tionner aussi les courtiers d'agent de change qui, moyen-
nant un droit de commission, recherchent et provoquent
des ordres de bourse qu'ils remettent pour l'exécution à
un agent de change de leur choix. Lyonnel Didierjean.
BiBL. : BivoRT et Turlin, Etude sur le courtage des
marchandises ; Paris, 1879, in-8. — Boistel, Précis de
droit commercial; Paris, 1884, 3« éd., in-8. — Durand de
Sainï-Amand, Manuel des courtiers de commerce; Paris,
1865, in-8. — Victor Emion, la Liberté et le courtage des
marchandises; Paris, 1867, in-12. — Jules Fabre, Des
Couriie7's ; Paris, 1883, 2 vol. in-8. — Godet, les Courtiers
interprètes et conducteurs de navires ; Paris, 1875, in-8. —
Lyon-Caen et Renault, Précis de droit commercial ; Pa-
ris, 1879-1885, 2 vol. in-8. ~ Mollot, Bourses de eom-
w,erce, agents de change., courtiers^ etc. ; Paris, 1851,
2 vol. in-8.
COURTAGNON. Com. du dép. de la Marne, arr. de
Reims, cant. de Châtillon-sur-Marne; 53 hab.
COU RTA I S (Amable-Gaspard-Henri, vicomte de) , homme
politique français, né à Montluçon le 16 oct. 1790, mort à
Doyet (AUier) le 11 juin 1877. Après avoir servi dans
l'armée sous l'Empire et la Restauration, il était rentré
depuis longtemps dans la vie privée lorsque les électeurs de
Montluçon l'envoyèrent à la Chambre des députés (1842),
où il prit place à l'extrême gauche. Réélu en 1846, il
signa, le 22 févr. 1848, la demande de mise en accusation
du ministère Guizot. Le gouvernement provisoire le nomma
général de division et lui donna le commandement supérieur
de la garde nationale de Paris (25 févr.). La partie réac-
tionnaire de cette garde le prit bientôt en haine, surtout
après la journée dite des bonnets à poil (16 mars). Elu peu
après (avril) représentant de l'Allier, il fut chargé de
prendre les mesures nécessaires pour faire respecter l'As-
semblée nationale menacée par la manifestation populaire
du 15 mai. H s'acquitta de sa tâche avec une indécision et
une mollesse qui permirent à la foule des manifestants
d'envahir le Palais-Bourbon. Aussi fut-il bientôt destitué,
arrêté et traduit devant lahaute cour de Bourges. Défendu
par Bethmont, il fut acquitté après une longue instruction
(mars 1849). Il revint siéger pour quelques semaines à
l'Assemblée, mais ne se présenta pas aux élections de mai
1849 et sembla dès lors ne plus songer qu'à se faire
oublier. A. Debidour.
COURTALAIN. Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. de
Châteaudun, cant. de Cloyes; 738 hab. Beau château
gothique construit vers le milieu du xv^ siècle appartenant
aujourd'hui à la famille de Montmorency. Gare importante
^ du chem. de fer de l'Etat (hgne de Paris à Bordeaux).
COURTALON- Delâistre (Jean - Charles ) , littérateur
français, né à Dieuville (Aube) en 1735, mort le 29 oct.
1786. Curé de Sainte-Savine de Troyes. Il a écrit : Dis-
cours sur les beaux-arts (Paris, 1778, in-12); Eloge de
Pierre Mignard (Paris, 1781, in-12); Epître à V au-
teur de V Anti-Uranie (Troyes, 4765, in-8) ; Vie du
pape Urbain ÏV (Troyes, 1782, in-12), et une série de
publications sur la ville de Troyes : Almanach de la ville
et du diocèse de Troyes (1776-1787,12 vol. in-16) ;
Histoire de la vie et du culte de sainte Savine (Troyes,
1774, in-12) ; Topographie historique de la ville et du
diocèse de Troyes (Troyes, 1783-86, 3 vol. in-8), etc.
COURTANVAUX (Erançois-César Le Tellier, marquis
de) (V. Le Tellier).
COURTAOU LT. Com. du dép. de PAube, arr. de Troyes,
cant. d'Ervy; 261 hab.
COURTAUD (Mus.) (V. Basson).
COURTAULY. Com. du dép. de PAude, arr. de Li-
moux, cant. de Chalabre ; 209 hab.
COURTARVEL de Pezé (Hubert, marquis), né en 1660,
mort le 23 nov. 1734. Page du roi en 1692, il fit en 1700
office d'aide de camp du comte de Tessé à l'armée d'Italie,
prit part au combat de Carpi (1701), au blocus de Man-
toue, où il se signala, aux batailles de Santa Vittoria et
de Luzzara (1702). Il reçut, le 25 févr. 1703, la commis-
sion de capitaine, passa à l'armée de Flandre en 1704,
servit sous Vihars à l'armée du Rhin (1706), figura à
Oudenarde (1708), à Malplaquet (1709), aux sièges de
Landau et de Fribourg (1712). Il fut nommé, le 10 avr.
1719, gouverneur de la maison royale de la Muette, de-
vint brigadier du régiment de roi-infanterie (20 juin
1720) et gouverneur de Rennes (1722). Promu maréchal
de camp le 24 avr. 1727, il servit à l'armée d'Itahe en
1733-1734. Il venait d'être nommé lieutenant général
(1^^ août 1734), lorsqu'il fut mortellement blessé à la
bataille de Guastalla (19 sept. 1734).
LouiS'François-René^ marquis de Courtarvel, de la
même famille que le précédent, né à Souday (Loir-et-Cher)
le 19 déc. 1759, mort à Baiilou (Loir-et-Cher) le 27 juin
1841. Page de Marie- Antoinette, il fut nommé sous-lieu-
tenant au régiment de Guienne-infanterie (1®^ janv. 1776),
capitaine au régiment de Penthièvre (1778). Il était colo-
nel au régiment de Vivarais-infanterie depuis 1786 lorsque
survint la révolution. Il émigra, servit à l'armée de Condé
et en Portugal, où Louis XVIII lui fit parvenir le brevet
de maréchal de camp, en 1796. Promu lieutenant général
le 22 juin 1814, il fut nommé député de Loir-et-Cher le
17 mars 1821, et réélu le 10 oct. de la même année. Il
rapporta en 1824 la loi sur le recrutement. Il entra à la
Chambre des pairs le 5 nov. 1827,
Deux autres membres de la même famille ont fait partie
des assemblées législatives. Le comte Claude-René-César
de Courtarvel, colonel de cavalerie (1815), député d'Eure-
et-Loir (1816-1819, 1820-1823), pair de France (23 déc.
1823), maréchal de camp (1832), et le vicomte Jules-
Honoré'César, chef d'escadron sous la Restauration, dé-
puté d'Eure-et-Loir (1824 à 1827).
COURTAUD-Divernéresse (Jean-Jacques), philologue
français, né à Felletin (Creuse) en 1794, mort à Paris en
1879. Longtemps professeur dans les collèges de province
(Tulle, Martignac, Bergerac, Cahors, Avignon), il devint pro-
fesseur à Charlemagne (1823), à Louis-le-Grand (Bourbon)
(1830) et enfin censeur des études au lycée Bonaparte
(1848). Il fut mis à la retraite l'année suivante. Il a
donné un grand nombre d'ouvrages classiques qui ont joui
en leur temps d'une certaine renommée. Nous citerons :
Cours élémentaire de rhétorique appliquée aux trois
langues française^ grecque et latine (Paris, 1822, in-12);
Grammaire grecque (1828, in-8, souv. rééd.) ; Examen
critique de la grammaire grecque de M. Burnouf
(1854, in-8); Dictionnaire français-grec (1847-1859,
in-8) ; Abrégé du Dictionnaire français-grec (1859,
gr. in-8); Exercices appliqués aux éléments de la
langue grecque (1865, in-12) ; Etude de métrique
grecque et latine (1877, in-12), plusieurs traductions
d'auteurs latins (Perse, Juvénal, Lucain, etc.), pour la
collection Panckoucke. Très indépendant, il eut des diffi-
cultés avec les grands-maîtres de l'Université, d'où sans
doute les brochures un peu amères : Douze ans j'attendis
justice de V Université, douze ans f attendis en vain
(Paris, 1847, in-8) ; Procès universitaire sous le mi-
nistère de M, Falloux. Appel à Vopinion publique
(1849, in-8).^
COURT-BATON. On appelait ainsi les armes de demi-
longueur, demi-lances ou demi -hallebardes, dont on se
servait pour combattre à pied dans les tournois, les car-
rousels, ainsi que dans certains duels ou dans les combats
488 —
COURT-BATON - COURTENAY
de jugement, quand les vilains y prenaient part. Le court-
bâton s'appelait aussi canne d'armes. Le fer de ces armes
affectait les formes les plus variées . On en trouve qui sont
en croissant, en trident, en marteau d'armes, en forme de
hallebarde, en double croisé, etc.
COURT-BOUILLON. Le court-bouillon est un assaison-
nement dans lequel on fait cuire le poisson et qui se com-
pose d'eau et de vin blanc sec en égale proportion, avec
addition de condiments : sel, poivre, gousse d'ail, clous de
girofle, oignons et carottes coupés en rondelles, thym et
feuilles de laurier. On fait bouillir le tout dans une pois-
sonnière sur un feu vif, pendant un temps variant avec
la grosseur du poisson, celui-ci étant roulé dans une ser-
viette afin d'éviter qu'il se mette en lambeaux. La cuisson
terminée, on retire le poisson que l'on sert soit avec une
sauce blanche relevée de câpres, soit à l'huile et au vi-
naigre. Le vin peut être remplacé en tout ou en partie
par du vinaigre. Si l'on se sert de vin rouge au lieu de
vin blanc on a le court-bouillon au bleu. Le court-bouillon
destiné à faire cuire le poisson d'eau douce peut se con-
server quelque temps et servir plusieurs fois en aj^ant soin
de le faire bouillir et de le compléter chaque lois qu'on
l'emploie. — Quant au poisson de mer, le court-bouillon
qui lui convient doit être simplement composé d'eau et de
sel ou de moitié eau moitié lait avec un peu de sel.
GOURTEGON. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Laon,
cant. de Craonne; 117 hab.
, COURTEGUISSE (Jean), prélat et écrivain français, né
à AUaines au diocèse du Mans (Eure-et-Loir) vers le milieu
du XIV® siècle, mort le 4 mars 1423. Venu jeune à Paris,
il entra au collège de Navarre et conquit tous ses grades
à l'université, y compris le doctorat en théologie. Il prit
une part active aux négociations pour l'extinction du grand
schisme et fut envoyé à Avignon au nom de l'université de
Paris. A la mort de Louis d'Orléans (1407), il prononça son
oraison funèbre au collège de Navarre. En 1413, il fit partie
de la commission des réformes nommée à la suite de la
réunion des Etats généraux, et le 29 mai il prononça devant
le roi une harangue solennelle pour détendre l'ordonnance
cabochienne que les représentants du pays avaient arrachée
à la royauté. Après la chute des Cabochiens, il vécut à
l'écart, mais ne fut pas inquiété. Nommé chancelier de
l'université en 1418 et évêque de Paris le 16 juin 1421,
il ne put prendre ofliciellement possession de son poste à
cause de l'hostilité du roi d'Angleterre, maître de la capitale,
et il obtint en échange l'évêché de Genève (12 juin 1422)
où il n'arriva guère que pour mourir. Il laissa tous ses
biens à l'Eglise de Paris, et un certain nombre des manus-
crits de sa bibliothèque se trouvent encore aujourd'hui à
la Bibliothèque nationale. On a de lui des sermons latins
et français et un grand nombre de questions scolastiques :
ia plupart de ses œuvres sont inédites. Ant. Thomas.
BiBL. : Hauréau, Histoire littéraire du Maine ; Paris,
1870 et suîv., t. m, pp. 148 et suiv. 2« éd. — - Coville, les
Cabochiens et V Ordonnance de ikl3; Paris, 1888, passim.
GOURTEFONTAINE. Com. du dép. du Doubs, arr. de
Montbéliard, cant. de Saint-Hippolyte ; 341 hab.
GOURTEFONTAINE. Com. du dép. du Jura, arr. de
Dôle, cant. de Dampierre; 370 hab. Carrières de pierre
et de marne; minerai de fer. Eglise romane (mon. hist.)
construite de 1152 à 1179. Ancien prieuré d'augustines
occupé par un pensionnat et noviciat de maristes. La fon-
taine qui donne son nom à la localité sort d'un rocher om-
bragé ; elle est assez puissante pour faire marcher un
moulin important, et à 79 m. de sa source se précipite
dans un goufire, pour aller ensuite, après un parcours de
5 kil., se jeter dans le Doubs.
GOURTEILLES. Com. du dép. de l'Eure, arr. d'Evreux,
cant. de Verneuil ; 308 hab.
GOURTEILLES. Com. du dép. de l'Orne, arr. d'Argen-
tan, com. de Putanges; 265 hab.
GOURTEILLES (Jacques-Dominique Barberie, marquis
de), diplomate français, mort après 1770. B était fils de
Jacques Barberie, seigneur de Courteilles, intendant des
généralités d'Alençon et de Bourges, conseiller honoraire au
Parlement de Paris et maître des requêtes ordinaire hono-
raire de l'hôtel du roi, mort en 1731, et d'Elisabeth Dou-
mengin. Le ministre Sain t-Contest était son cousin germain.
Ancien intendant des finances, le marquis de Courteilles
était conseiller d'Etat ordinaire et du conseil royal, maître
des requêtes ordinaire de l'hôtel du roi quand on l'envoya
comme ambassadeur en Suisse. Son instruction est datée du
1®^ janv. 1738 et il ne quitta la Suisse que le 14 avr.
1749. Il fut marié deux fois : 1** à Henriette-Geneviève
de Savalette de Magnanville, dont il eut trois enfants;
2° à Marie-Madeleine-Mélanie Fyot de la Marche. L. F.
GOURTEIX. Com. du dép. de la Corrèze, arr. d'Ussel^
cant. d'Eygurande ; 354 hab.
GOURTELEVANT. Com. du territoire de Belfort, cant.
de Délie ; 307 hab.
GOURTEMANGHE. Com. du dép. de la Somme, arr. et
cant. de Montdidier ; 131 hab.
GOURTEMAUX. Com. du dép. du Loiret, arr. de Mon-
targis, cant. de Courtenyy ; 470 hab.
COURTÉMONT. Com. du dép. de la Marne, arr. et cant.
de Sainte-Menehould ; 281 hab. — Belle église romano-go-
thique, avec portail et porche du xii® siècle, remarquables cha-
piteaux sculptés du XIV®, débris de vitraux de la Renaissance»
Ancien manoir de Saint-Hilairemont (xvu® siècle). A. T.
GOURTEMPIERRE. Com. du dép. du Loiret, arr.de
Montargis, cant. de Ferrières; 339 hab.
GÔURTENAI (François de) (V. Bléneau [Sieur de]),
GOURTENAY. Com. du dép. de l'Isère, arr. de La
Tour-du-Pin, cant. de Morestel; 1,156 hab.
GOURTENAY. Ch.-l. de cant. du dép. du Loiret, arr,
de Montargis; 2,728 hab. Fabriques de bonneterie et de
corroierie. Ancien château qui fut le berceau de la famille
des Courtenay (V. ci-dessous).
GOURTENAY. Vieille famille française originaire de
Courtenay, dans le Gâtinais ; son premier représentant fut
Hutto, fils d'un châtelain de Château-Renard, vers 1010.
Son petit-fils, Josselin //, prit part à la première croisade,
reçut en 1115, de Baudouin P', la seigneurie de Tibé-
riade, en 1119 le comté d'Alep, tua de sa main le célèbre
émir turcoman Balac, et fut tué en 1131 par l'écroule-
ment d'une tour au siège d'Alep. — Son fils, Josselin III,
perdit son comté et Edesse même, enlevée en 1144 par les
sultans de Mossoul. Il mourut prisonnier à Alep en 1149.
— A cette première maison de Courtenay se rattache la
seconde, apparentée aux Capétiens, descendant de Pierre,
fils de Louis le Gros, qui épousa en 1150 Elisabeth, dame
de Courtena}; et héritière de la seigneurie. Il fit la
deuxième croisade et mourut en 1183. Pierre II, son fils
aîné, accompagna Philippe-Auguste en Terre Sainte, épousa
l'héritière des comtés de Nevers et d'Auxerre ; devenu veuf,
il se remaria (ld93) avec la sœur de Baudouin qui devint
empereur de Constantinople (V. ce mot), fut élu empe-
reur après la mort de ses beaux -frères (V. Pierre
et Constantinople [Empire latin de]). Ses fils Robert
(1219-1228) et Baudouin II (1237-1261) furent égale-
ment empereurs. Philippe de Courtenay, fils de Baudouin II,
épousa la seconde fille de Charles d'Anjou (V. ce nom)
qui projetait de le ramener à Constantinople ; il mourut en
1285. Sa fille unique Catherine épousa en 1300 Charles
de Valois, fils de Philippe le Hardi. Cette famille eut
plusieurs branches cadettes; on y rattache Robert de
Courtenay, archevêque de Reims (1299 à 1323). Parmi
les branches cadettes, on cite celles de Courtenay-Cham-
pigneules, éteinte en 1472, Courtenay-Taniay. Les descen-
dants, authentiques ou non firent de grands efforts pour
être reconnus princes du sang à l'avènement des Bourbons.
Jean de Courtenay, seigneur de Chevillon, ne put l'obtenir
de Henri IV ni de Louis XÏII. Comme en Angleterre une
branche Redver de la maison de Courtenay, établie dans
l'île depuis Henri II, avait donné naissance à la famille
ducale de Devomhire (V. .ce nom)., les rois anglais
COURTENAY — COURTEYS
— 184 —
appuyèrent la réclamation, quoique la lignée directe des
Courtenay anglais fût éteinte. Jamais, d'ailleurs, les preuves
de la fdiation ne put être faite rigoureusement, Louis,
prince de Courtenay, né en 1610, obtint de mettre les lis
dans ses armes. Louis -Charles^ prince de Courtenay,
comte de Cesy, né le 25 mai 4640, mort le 28 avr. 1664,
combattit sur les côtes barbaresques et dans les guerres
de Louis XIV. Avec son fils, l'abbé Charles-Roger^ s'éteignit
en 1730 la descendance masculine des Courtenay.
COURTENAY(Catherinede)(V.CATHERiNE,t.IX,p.841).
COURTENAY (Edward), comte de Devonshire, né vers
1526, mort à Padoue en 1556. Il fut incarcéré à l'âge de
douze ans avec son père et sa mère pour raisons politiques.
Il ne fut libéré qu'en 1553. Marie Tudor en fit un de ses
favoris, et il songea à l'épouser. Battu par Philippe d'Es-
pagne, Courtenay se tourna du côté de la princesse Elisa-
beth; il organisa en 1553 un complot pour la substituer à
Marie et devenir roi sous son nom. Il fut pris et exilé.
L'ambassadeur français de Noailles dit que c'était « le plus
beau et le plus agréable gentilhomme d'Angleterre ». Il
traduisit dans sa prison un livre italien de piété, The
Benefit ofChrist's death; sa traduction a été imprimée
en 1856 par M. Churchill Babington. Ch.-V. L.
COURTENAY (John), homme politique anglais, né en
Irlande en 1741, mort le 24 mars 1816. Secrétaire par-
ticulier de lord Townshend, vice-roi d'Irlande (1767-
1772), il fut élu membre de la Chambre des communes
par Tamworth en 1780 et nommé inspecteur général de
l'intendance en 1783. Réélu en 1783 et 1784 par Tamworth,
en 1796 et 1812 par Appleby, il fut encore commissaire
de la trésorerie en 1806. Orateur de talent, plein d'hu-
mour et de fantaisie, il appuya toujours la politique des libé-
raux, soutint surtout Fox et Wilferforce, et attaqua Pilt et
Hastings avec une énergie qui confine à la violence. Il fut
un des rares partisans anglais de la révolution française.
On lui doit un certain nombre d'ouvrages, parmi lesquels
nous citerons : Select essays from the Batchelor (Dublin,
i772,in-12); the Râpe of pomona (1773, in-4) ; Poeti-
cal review of the literary and moral character of Dr.
S. Johnson (1786, in-4); Philosophical reflections on
the late Révolution in France (1790, in-8) ; Poetical
and philosophical essay in the french Révolution
addressed to Mr. Biir/c^ (1793, in-8) ; the présent State
of the Manners^ Arts and Politics of France a7id Italy
(Londres, 1794) ; Characteristic sketches of some of
the most distinguished speakers in the House of corn-
mons since 1180 (1808, in-8) ; Verses (1811, in-8), etc.
COURTENEYE (William de), né vers 1342, mort à
Maidstone en 1396. Quatrième fils du comte de Devon,il
fut chancelier de l'université d'Oxford en 1367, malgré l'op-
position des ordres mendiants. Evêque d'iïereford en 1370,
il s'allia étroitement avec le parti du prince de Galles et de
W. de Wykeham (V. ce nom) contre le parti de Jean de
Gand, hostile à l'Eglise nationale et protecteur du loUardisme.
Il revendiqua hautement les droits de l'Eglise d'Angleterre,
dans la convocation de 1373, contre le double joug du
pape et du roi. Evêque de Londres en 1376, il persista
dans cette politique, et devint rapidement populaire près
de la populace londonnienne ; on le vit bien en 1378 quand
les bourgeois excités par lui menacèrent de brûler le duc
de Lancastre, l'ami de Wicleff, dans son palais de Savoy.
En juil. 1381, après la répression de l'insurrection de Wat
Tyler, Courteneye fut élu au siège métropolitain de Cantor-
bery et devint chancelier du royaume. En cette qualité, il
ouvrit en novembre le parlement par une allocution en an-
glais ; mais il comprit vite que sa parfaite orthodoxie lui
avait aliéné la confiance des Communes wiclefTites et il déposa
les sceaux presque aussitôt. Il reprit alors la lutte contre
l'hérésie avec beaucoup de véhémence, tant à Londres qu'à
Oxford, et contre l'indiscipline de ses sufFragants. Son
libre langage lui aliéna le jeune Richard II, en 1385, et
il eut « à souffrir pour la justice ». Ch.-V. L.
BiBL. :. Archseologia, XXII, ?57, — Dugdale, Monasticon,
VI, 1394. — HooK, Lives of the archhishops of Canief-
bury, IV, 315-398.
COURTENOT. Corn, du dép. de l'Aube, arr. et cant.
de Bar-sur-Seine ; 247 hab.
COURTE-PAUME (Jeu) (V. Paume).
COURTtPÉE (Claude), historien français, né à Saulieu
le 23 janv. 1721, mort à Dijon le 11 avr. 1781. Après
avoir fait ses études de droit à Dijon, il entra au séminaire
de la même ville. Ordonné prêtre, il devint principal du
collège de Saulieu, puis curé de Grésigny. En 1763, il fut
nommé sous-principal du collège des Godrans à Dijon,
fonctions qu'il remplit jusqu'à sa mort. Il consacra sa vie
à écrire les annales de Bourgogne. Il a laissé les ouvrages
suivants : Description générale et particulière du du-
ché de Bourgogne (Dijon, 1774-1785, 7 vol. in~8 ;
2« éd., Dijon, 1847-1848, 4 vol. in-8); Notice sur
les jeux des anciens et sur l'origine des compagnies de
rare, de V arbalète et de rarquebuse (Dijon, 1776, in-8) ;
Histoire abrégée du duché de Bourgogne (Dijon, 1777,
in-12). Il collabora à V Encyclopédie et au Dictionnaire
géographique de l'abbé Vosgien. M. P.
BiijL. : Notice sur Vabbé Courtépêc à la fin du t. IV, éd.
1848, de la Description du duché de Bourgogne.
COURTE-POINTE (V. Lit).
COURTERANGES. Corn, du dép. de l'Aube, arr. de
Troyes, cant. deLusigny; 213 hab.
COURTERON. Corn, du dép. de l'Aube, arr. de Bar-
sur-Seine, cant. de Mussy-sur-Seine ; 391 hab.
COURTES ou COURTOUX. Com. du dép. de l'Ain, arr.
de Bourg, cant. de Saint-Tri vier-de-Courtes ; 411 hab.
COURTESOU LT. Com. du dép. de la Haute-Saône, arr.
de Gray, cant. de Champlitte; 293 hab.
C0URTETA1N-et-Sâlâns. Com. du dép. du Doubs, arr.
de Baume-les-Dames, cant. de Vercel; 182 hab.
COURTÊTE (La). Com. du dép. de l'Aude, arr. de
Limoux, cant. d'Alaigne; 186 hab.
COURTEUIL. Com. du dép. de FOise, arr. et cant. de
Sentis ; 248 hab.
COURTEWILLE (Josse de), homme d'Etat belge, né à
Bailleul vers 1520, mort à Bruxelles en 1572. Il appar-
tenait à une famille d'ancienne noblesse flamande et reçut
une brillante éducation. Philippe II l'emmena à Madrid en
qualité de secrétaire pour les affaires des Pays-Bas. Cour-
tewille s'efforça de faire prévaloir une politique plus clé-
mente à l'égard de ses compatriotes, mais ce fut en vain.
En 1567, il quitta Madrid et accompagna le duc d'Albe à
Bruxelles. Il désapprouva les mesures de rigueur du farouche
gouverneur général et lui adressa un mémoire intitulé :
Moyens par oîi semble que Sa Majesté pouroit mieulx
regaigner le cœur des vassaux et subjectz de par deçà,
vray remède à rétablissement des affaires. « Le remède
souverain, dit-il, serait la présence du roi dans le pays;
en attendant, il faudrait se montrer doux et généreux avec
toutes les classes de la population. » Courtewille rédigea une
relation du voyage de la reine d'Espagne Isabelle qu'il
accompagna à Bayonne en 1565. Cette relation a été pubhée
dans le Bulletin de la commission royale d'histoire de
Belgique (2« sér., IX). Les archives du royaume, à
Bruxelles, possèdent sa correspondance avec Marguerite de
Parme et avec Vigiius d'Aytta; il s'y trouve beaucoup de
renseignements intéressants et inédits sur l'histoire des
Pays-Bas de 1557 à 1570. E. H. .
BiBL.: IIoYNCK VAN Papendrecht AîiaZecfa 5e^gfica; La
Haye, 1743, br. in-4. — Gachard, Covresp. de Philippe II;
Bruxelles, 1848-1879, 5 vol. in-4. — Bulletin de la commis-
sion royale d'histoire de Belgique, 1^^ sér., IX, XVI :
2o sér., VIL
COURTEYS (Pierre), célèbre émailleur, né à Limoges en
1520. Il signait ses œuvres P. Cou P. G. T ou, quel-
quefois, de son nom entier avec une orthographe variable
P. Corteys, Courteys, Cortoys ou Courtoys, C'est à
lui que l'on doit de grands émaux décoratifs de 1"^65 de
hauteur sur 1 m. de largeur environ, incrustés autrefois
dans la façade du château de Madrid au bois de Boulogne
185
COURTEYS — COURTIN
et conservés aujourd'hui au musée de Cluny. Les figures,
repoussées en relief au marteau, sont dessinées et peintes
avec des exagérations de formes et de couleurs qui nous cho-
quent aujourd'hui dans la salle où ces émaux sont exposés
trop près de la vue, mais qui devaient disparaître dans
l'effet d'ensemble et s'harmoniser avec la décoration po-
lychrome des façades de ce château auquel les contempo-
rains avaient donné le nom de château de faïence.
Pierre Gourteys a exécuté un grand nombre de pièces de
service et de coupes ; sa manière rappelle celle de Pierre
Reymond avec plus de lourdeur dans le dessin et l'exé-
cution. Beaucoup de ses émaux sont datés; la dernière
date que l'on rencontre est celle de 1568. — On attribue
le monogramme I C qui se trouve sur quelques rares
émaux à un émailleur nommé Jean Courteys qui aurait
vécu à Limoges en 1545 et qui était sans doute parent du
précédent, mais on ne sait rien sur son compte , et la plus
grande incertitude règne à ce sujet, cette marque pouvant
être également celle de Jean Court ou De Court. Ed. G.
CdURTHEZON {Curtedone, Cortezon). Com. du dép.
de Vaucluse, arr. d'Avignon, cant. de Bédarrides;
3,199 hab. — La petite ville de Courthezon faisait partie
de la principauté d'Orange. Au xiii° siècle, une branche
de la famille de Baux en possédait la seigneurie sous la
suzeraineté des princes d'Orange. En 1302, Bertrand de
Baux, seigneur de Courthezon, octroya aux habitants une
charte de franchises. En 1365, cette ville fut assiégée par
le prince d'Orange, qui s'en rendit maître. En 1568, le
comte Suze l'enleva aux protestants, et en fit réparer les
fortifications dont on voit encore de nombreux vestiges
remontant au xiv^ siècle et parfaitement conservés. L. D.
BiBL. : L. Duhamel, la. Charte de Courthezon; Avignon,
1882, in-12.
COURTHIEZY. Com. du dép. de la Marne, arr. d'Eper-
nay, cant. de Dormans ; 383 hab.
COURTI (Blas.). Figure représentant une tête de maure
de sable portant au cou un collier d'argent.
COURTIBAUT (ArchéoL). Tunique à manches courtes,
puis à simples épaulières, analogue à la dalmatique des
diacres ou au tabart des hérauts d'armes. Portée par les
diacres et sous-diacres dans les grandes solennités, surtout
dans les églises de l'ouest de la France, depuis le xiii« siècle
jusqu'au xvii^ siècle ; elle a été aussi un vêtement civil
réservé aux rois ou princes. Ainsi dans les comptes de la
garde-robe d'Edouard III, un courteby d'étoffe verte à
l'usage du roi figure comme vêtement de chasse. M. P.
BiBL. : Gay, Glossaire archéologique, p. 467.
COURTIER (V. Courtage).
COURTI ES, Com. du dép. du Gers, arr. de Mirande,
cant. de Montesquieu; 192 hab.
COURT\EU\ (Curtiacum). Com. du dép. de l'Oise,
arr. de Compiègne, cant. d'Attichy; 138 hab. La sei-
gneurie dépendait de Martimont et il y existait une forte-
resse dont le gouverneur relevait de Pierrefonds et qui
joua un certain rôle au moyen âge. Elle fut détruite à la
fin du XV® siècle. Courtieux eut postérieurement le titre de
baronnie. Il y a quelques restes d'un ancien manoir du
XVI® siècle ; quelques parties de l'église sont aussi de cette
époque. C. St-A.
COURTILIÈRE (V. Grillon-Taupe).
COURTILLE (Archit.) (V. Jardin).
Jardin de la Courtille. — Ce vieux nom a été donné
à un village bâti à la place de la Courtille du Temple, au
bout de notre faubourg du Temple (à Paris). Au début du
XIX® siècle il s'y établit des guinguettes parmi lesquelles
celle de Ramponneau devint célèbre. La mode fut, vers 1840,
d'y aller terminer les amusements nocturnes ; le dernier jour
du carnaval on y montait danser, puis à l'aube les masques
redescendaient au milieu d'un grand concours de foule ;
cette descente de la Courtille^ au matin du mercredi des
Cendres, à laquelle prenaient part les viveurs les plus
aristocratiques, avait l'air de quelque* macabre fantaisie
(V. Carnaval, t. IX, p. 463, col. 2).
COURTILLERS. Côm. du dép. de la Sarthe, ârr. de
La Flèche, cant. de Sablé; 184 hab.
COURTILS. Com. du dép. de la Manche, arr. d'Avran-
ches, cant. de Ducey ; 460 hab.
COURTILS (Jean des) historiographe du roi; il vivait
dans la première moitié du xvi® siècle. Il publia, en 1514-
1516, un ouvrage intitulé Mer des histoires ou Chro-
niques de France^ extrait en partie « de tous les anciens
chroniqueurs qui ont écrit depuis la création du monde »
(Paris, 2 vol. in-8, réédité en 1517-1518, 4 vol. in-foL).
COURTILZ DE Sandras (Gatien) (V. Sandras).
COURTIN (Nicolas), poète français de la seconde moitié
du xvu® siècle. Il fut professeur d'humanités à l'université
et donna le Cornélius Nepos à la collection des classiques
ad usum Delphini. Il a laissé un poème héroïque en cinq
livres : Charlemagne, ou le Rétablissement de l'empire
romain (Paris, 1666, in-12), un poème sur Charlemagne
pénitent, imprimé avec ses Poésies chrétiennes (Paris,
1687, in-12), et un Poème sur la nouvelle conquête de
la Franche-Comté (Paris, 1674, in-4).
COURTIN (Antoine de), né à Riomen 1622, mort à Pa-
ris en 1685. Il appartenait à une famille d'administrateurs.
Son père, greffier en chef du bureau de finances de la gé-
néralité d'Auvergne, connut à Riom le président de ce
bureau, Chanut, qui fut ensuite appelé à l'ambassade de
Stockholm par Mazarin, et pendant dix ans eut en Suède une
autorité considérable. Chanut contribua à donner à la reine
de Suède, Christine, le goût des lettres françaises. Il lui
présenta successivement Descartes, Bochart, Naudé, Huet,
Saumaise : moins illustre, le jeune Courtin fut appelé et pré-
senté au même titre. Christine le prit particuhèrement en
affection, et le chargea de missions de confiance auprès de
son cousin Charles-Gustave qui commandait pour elle en
Allemagne les armées suédoises. Il s'en tira à son honneur,
fut déclaré secrétaire des commandements de la reine et
noble suédois. En 1651, la changeante Christine renvoya
tous les savants qu'elle avait attirés et fêtés : elle se livra
à un apothicaire de Sens, galant médecin de dames, que
Saumaise avait eu le tort de lui recommander, Bourdelot.
Courtin quitta Stockholm, avec ses protecteurs et ses amis,
et revint chercher fortune en France. La fortune le rappela
en Suède, après l'abdication de Christine. Charles-Gustave,
son- successeur, se souvint de lui et l'invita à revenir, pour
l'aider de sa diplomatie et de ses connaissances. Courtin
suivit le nouveau roi dans sa guerre contre les Polonais
(1655). En 1657, il le vit forcé de résistera une coalition
générale du tsar, de l'empereur et du roi de Danemark,
et se chargea pour lui d'une mission auprès de Mazarin.
Charles-Gustave offrait à Louis XIV de combattre l'empe-
reur et le roi de Prusse et de mettre l'Allemagne à sa
discrétion : il lui demandait en échange son concours. Ses
instructions furent interceptées par les habitants de Danzig,
et ce fut à la paix surtout, et après la mort de Charles X,
que Mazarin intervint pour sauver la Suède. Pendant les
négociations de cette paix, le gouvernement français con-«
nut Courtin et résolut d'employer son influence dans le
Nord. Louis XIV, en 1660, donna à celui-ci le poste de ré-
sident général auprès des cours du Nord, poste qu'avant
lui avait occupé avec éclat d'Avaugour, et qui lui donna
l'occasion d'achever la paix du Nord, à laquelle il avait
contribué. En 1662, son oeuvre dans le Nord étant à peu
près achevée, il fut chargé de négocier la restitution de
Dunkerque à la France (1662). Il réussit dans cette mis-
sion, qui paraît avoir été la dernière. A partir de ce mo-
ment, il revint aux lettres qui avaient été la source de sa
fortune politique et publia surtout des ouvrages de morale
et de théologie : Traité sur la jalousie (Paris, 1674,
in-12) ; Sur le point d'honneur (1675, in-12); Traité
de la paresse (Amsterdam, 1674, 4 éditions) ; Traité de
la civilité (1693, 8 éditions); V Esprit du Saint Sacri-
fice de V autel (Paris, 1688). Tout entier à ces études qui
lui firent, on le voit, une certaine réputation, il ne se sou-
vint de sa carrière diplomatique que pour traduire, en
COURTIN - COURTINE
-» 186 -
4687, le traité deGrotius sur le droit de guerre et de paix
(2^ édition en 1703).
BiBL. ; L'abbé Goujet, Vie de Courtîn^ insérée en tête
de la 4o édition du Traité de la,j)aresse ; Paris, 1743, in-12.
— QuÉRARD, la France littéraire. — Geffroy, Instruc-
tions aux ambassadeurs de France en Suède, 1885, in-8. —
De Lisola, Dépêches de 1655 à 1660; "Vienne, 1887. •—
A. Barine, Christine de Suède, dans Revue des Deux
Mondes, 15 oct. 1888.
COURTIN (Fabbé François), poète français, né en 4659,
mort à Passy (Seine) le 5 janv. 4739. Fils d'un conseiller
d'Etat, il fut protégé par le duc et le grand-prieur de
Vendôme, et se lia d'amitié avec J.-B. Rousseau, Voltaire,
Chaulieu, La Fare. Il est plus connu par ses amitiés litté-
raires que par ses poésies. Cinq EpUres de lui ont été im-
primées avec les œuvres de Chaulieu.
COURTIN (Honoré), administrateur et diplomate fran-
çais, mort en 4703. Il appartenait à cette classe d'inten-
dants où Louis XIV chercha ses meilleurs administrateurs.
Il eut d'abord l'intendance de Picardie, et s'y fit remar-
quer par son honnêteté. Louis XÏV le chargea ensuite
de négociations importantes, d'abord en Allemagne où
il réussit à passer avec les princes le traité d'Heilbronn.
De Lionne l'envoya de là négocier un accommodement
avec les Hollandais et les Anglais. Il fut dès lors au
premier rang parmi nos diplomates et devint l'agent prin-
cipal des négociations les plus difficiles de Lionne en
4670-4672. Lorsque Arnauld de Pomponne fut appelé au
ministère, après la mort de celui-ci, Courtin fut envoyé
(4^'' sept. 4674) comme ambassadeur àStockholm : le 43avr.
4672, il obtint du roi Charles XI un traité d'alliance offen-
sive et défensive, qui permit d'opposer dans le Nord la
Suède à la coalition du Brandebourg et de la Hollande. Ce
beau succès le mit tout à fait hors de pair ; remplacé, en
oct. 4672, par Feuquières, il prit part avec les plénipoten-
tiaires suédois au congrès de Cologne. En mai 4676 il
fut envoyé en Angleterre, et, malgré l'hostilité de l'opinion
publique contre la France, parvint à prendre de l'influence
sur le roi Charles II et à obtenir sa neutralité.
Ces services éminents avaient valu à Courtin la faveur
personnelle du roi. Il était aussi très estimé de Louvois
auquel il déconseilla formellement en 4672 la guerre de
Hollande et qui se refusa à l'entendre. Courtin fit tous
ses efforts pour rendre la guerre moins dangereuse : il
avait assuré l'alliance de la Suède ; il négocia en 4673 avec
le conseiller de l'électeur de Cologne, Guillaume de Furs-
tenberg, pour déterminer ce prince, malgré l'approche des
Impériaux, à ne pas abandonner notre parti. Sa cam-
pagne diplomatique en Angleterre fut aussi très heureuse.
L'intimité de Louvois et de Courtin allait jusqu'à un com-
merce de lettres auquel le ministre des affaires extérieures.
Pomponne, était étranger et dans lequel il était même fort
maltraité. Cela alla si loin en 4677 que Louis XIV se
décida, pour satisfaire aux réclamations légitimes de Pom-
ponne, à faire revenir Courtin de Londres. Ce ne fut pas
une disgrâce ; Courtin se plaignait, comme tous les ambas-
sadeurs, de n'être pas payé, et menaçait le roi d'abandonner
son poste : Louis XIV le prit au mot pour terminer le dif-
férend, sans lui retirer sa faveur.
La disgrâce de Pomponne parut une occasion fort belle
pour Courtin de prendre sa revanche et pour Louvois de
mettre un homme à lui dans le ministère des affaires étran-
gères. Mais les deux Colbert l'emportèrent à leurs dépens :
le grand ministre fit donner la succession à son frère Col-
bert de Croissy. L'échec ne fut pas définitif pour Courtin :
sa faveur auprès du roi survécut à la mort de son protec-
teur, Louvois : il continua à servir Louis XIV avec un
vrai mérite, et Louis XIV ne cessa pas de l'employer.
Mais à partir de 4696 le mauvais état de sa santé lui fit
refuser successivement le poste de ministre plénipotentiaire
à Ryswick et celui de membre du conseil des finances,
après la mort de Pussort, oncle de Colbert (4697). Courtin
avait résolu de prendre définitivement sa retraite. — Sans
avoir été jamais un grand ministre, Courtin est le type du par-
fait serviteur de Louis XIV, homme de cour, et, malgré des
défauts physiques, très galant, très goûté dans le monde,
au point que le roi d'Angleterre lui taisait ses confidences
amoureuses ; en même temps, avisé, sage et ordonné en
matière d'affaires : c'est à ce titre qu'il mérite d'être étudié.
BiBL. : Correspondance de Louvois et de Courtin, dans
RoussET, Histoire de Louvois; Paris, 4 vol., passim.
— Saint-Simon, Mémoires, 1881, t. I, II et IV. — Mignet,
Négociations relatives à la succession d'Espagne, t. III. — ■
Geffroy, Recueil des instructions aux ambassadeurs de
France en Suède, 1885.
COURTIN (Jacques), peintre français, né à Sens en
4672, mort à Paris le 26 août 4752. Elève de Louis Bou-
logne, il fut reçu à l'Académie en 4740, sur un Loth et
ses filles^ qui se trouve actuellement au musée du Louvre.
Un de ses tableaux, le Combat d'Horatius Codés ^ figurait
parmi les douze qui prirent part au concours de 4726,
dans la.galerie d'Apollon. J. Courtin exposa à presque tous
les Salons de l'Académie, de 4737 à 4754, sans que, par-
mi les portraits et les sujets bibliques qu'il envoya, on
puisse citer une seule œuvre véritablement hors de pair ;
quelques-uns de ses portraits furent peints sur glace. On
lui doit enfin le mai de 4707 : Saint Paul prêchant
à Troade et ressuscitant un jeune homme. Ad. T.
CO U RTI N (Sébastien-Michel) , homme politique français,
né le 22 sept. 4756. D'abord nés^ociant, il fut nommé, à
la Révolution, administrateur du âép. de Seine-et-Oise, et
élu député de ce département à l'Assemblée législative le
7 sept. 4794. Il entra ensuite dans les ponts et chaussées
dont il devint secrétaire général. En cette dernière qualité,
il a publié : Tableau des ponts et chaussées depuis iSOO
ou tableau des constructions neuves faites sous le
règne de Napoléon /^^ (Paris, 4842, in-8).
COURTIN (Eustache-Marie-Pierre-Marc-Antoine), ma-
gistrat et encyclopédiste français, né à Lisieux en 4768,
mort à Garches (Seine-et-Oise) en févr. 4839. Il fut suc-
cessivement avocat au parlement de Rouen, secrétaire de
la Convention après le 9 thermidor, chef du secrétariat
général du Directoire, substitut près la cour criminelle de
la Seine (4803), avocat général à la cour impériale (4844),
préfet de police pendant les Cent- Jours. Exilé au retour des
Bourbons, il fut autorisé à rentrer en 4848. Il conçut et di-
rigea la publication de V Encyclopédie moderîie (Paris,
4824-1832, 24 vol. in-8 et 2 vol. de pL), ouvrage qui
fut ensuite entièrement remanié sous la direction de Léon
Renier (4847-1862, 39 vol. et 5 vol, de pL). G. P-i,
COU RTI N E. I. Fortification. — Portion de rempart ser-
vant de liaison à deux pièces de fortification situées en saillie ;
par exemple, dans le tracé bastionné, la courtine est la ligne
qui joint les extrémités des flancs de deux bastions consé-
cutifs. Les courtines sont généralement rectilignes ; toute-
fois, il y en a qui sont brisées en avant (courtines à redan)
ou en arrière (courtines à tenaille) ou renforcées, c.-à-d.
munies de flancs qui en augmentent la force ; on en ren-
contre aussi de concaves et de convexes. La longueur
d'une courtine n'est pas arbitraire. Pour que son fossé soit
entièrement battu, il faut que les coups de feu partant des
flancs sur lesquels elle s'appuie et dirigés suivant l'incli-
naison des plongées se croisent à 50 centim. au plus au-
dessus du fond de ce fossé ; la courtine minimum est celle
qui correspond à ce cas limite dont on se rapproche autant
que possible afin de diminuer la distance des flancs aux
saillants qu'ils défendent. Les courtines occupant les par-
ties rentrantes de la fortification, c'est dans leurs parapets
que sont percées les portes et poternes donnant accès à
l'extérieur, parce (qu'elles y sont moins exposées aux entre-
prises de l'ennemi.
IL Art héraldique. — Partie du pavillon royal formant
le manteau sur lequel étaient posées les armes de France.
COURTINE (La). Ch.-l. de cant. du dép. de la Creuse,
arr. d'Aubusson ; 978 hab. Foires importantes. La Courtine
est située sur une colline qui domine un ruisseau, sous-
affluent de la Dordogne par la Diège, à peu de distance du
dép. de la Corrèze. En 4224, Humbert de Tinière accorda
187 -
COURTINE — COURTOIS
une charte de coutumes aux habitants : cette charte n'est
connue que par une analyse partielle faite par Fabbé
Michon, curé de La Courtine, qui Fa insérée dans son Livre
des annales de la ville de La Courtine^ ouvrage inédit.
La Courtine eut des consuls jusqu'à la Révolution. La com-
mune actuelle a absorbé Fancienne paroisse de Saint- Denis,
qui était en bas Limousin ; quelques villages dépendaient du
pays de franc-alleu ; la paroisse de La Courtine et son annexe
La Daigne (mieux Ladaigue, Lata Aqua) étaient dans la
province de la Marche, archiprètré de Chirouse. Ant. T.
BiBL. : L. DuvAL, Chartes communales et franchises
locales de la Creuse, pp. 146 et suiv,
COURTISAN (V. Cour).
COURTISANE (V. Femme et Mariage [Sociologie]).
COURTISOLS {Curtis Ausorum), Com. du dép. de
la Marne, arr. de Ghâlons, cant. de Marson, sur la Vesie ;
i ,538 hab. — De nombreuses tombes gallo-romaines et
mérovingiennes y ont été découvertes dans ces dernières
années. Les habitants de ce lieu se distinguent des popu-
lations du voisinage par leur patois mieux conservé, et
par Fobservation de certaines traditions et coutumes qui
cependant s'altèrent et disijaraissent de jour enjour. Men-
tionné dès la seconde moitié du ix® siècle dans le Polyp-
tique de Saint-Remy de Reims, dont il dépendait, Cour-
tisûls possédait un château fort dont il reste quelques
vestiges, et plusieurs fiets seigneuriaux. Long de 3 à
4 kil., le bourg ne forme qu'une rue, dont les maisons,
ombragées de grands arbres, bordent le cours de la
rivière, et compte encore trois églises. L'église Saint-
Martin, au centre du bourg, est un intéressant édifice à
trois nefs voûtées et décorées extérieurement de curieuses
gargouilles. La Hçade principale se compose de trois
portes accolées, dont deux sont romanes, la troisième de
la Renaissance ; le clocher roman, carré, percé d'ouver-
tures géminées, s'élève au-dessus de la croisée; les deux
bras du transept datent du xv® siècle, ainsi que la nef et
les bas côtés. Sur le mur extérieur se voit une inscription
funéraire de 4417. A l'intérieur, on remarque de superbes
chapiteaux sculptés, dus au même artiste qui exécuta ceux
de Notre-Dame de Lépine en 4529 et dans les deux cas a
signé et daté son œuvre (4520). Le chœur, de style
roman, renferme un joli groupe en pierre figurant l' Ense-
velissement de la Vierge, et provenant de l'ancienne
église des Cordeliers de Châlons. L'église Saint-Memmie,
moins vaste, appartient à l'époque de transition, avec une
nef et un clocher carré du xii® siècle, semblable à celui
de Saint-Martin ; de petites fenêtres en plein cintre sur-
montent les arcades ogivales de la nef. L'église Saint-
Julien, fréquemment remaniée, a perdu tout caractère
architectural. A. Tausserat.
BiBL. ; Ed. DE Barthélémy, Notes historiques et ar-
chéologiques sur Courtisols (Marne) ; Châlons, 1882, in-8
(tiré à 30 ex.). ■— Morel, (a Champagne souterraine;
Châlons, 1876, gr. in-8, avec pi.
COURTIVRON. Com. du dép. de la Gôte-d'Or, arr. de
Dijon, cant. d'Is-sur-Tille ; 282 hab,
COURTIVRON (Gaspard Le Compasseur de Créqui-
MoNTFORT, marquis de), né à Courtivron (Côte-d'Or) en
4745, mort en 4785. Mathématicien, membre de l'Aca-
démie des sciences. Entré d'abord dans la carrière mili-
taire, où il parvint au grade de mestre de camp. Jl est
l'auteur d'un Traité d'optique (Paris, 4752, in-4), de
VArt des forges (Paris, 4757, in-foL). -- Son fils, An--
toine-Nicolas-Philippe-'Tanneguy, né à Courtivron le
43 juil. 4753, mort à Buxy-la-Pesle (Côte-d'Or) le 28 oct.
4832, adonné une traduction àes Essais politiques, etc.,
du comte de Rumford (Paris, 4799, 2 vol. in-8) ; Histoire
de la guerre pour la succession de VElecteur de Ba-
vière (Paris, 4802, in-42). P. C.-C.
BiBL. : CoNDORCET, Eiogfe de G. de Courtivron. —Aman-
ton, Eloge du marquis de Courtivron; Dijon, 1837.
COURTMANS (Jean-Baptiste), professeur belge, né à
Berlaereen 4844, mort en 4856. Il fut sous-instituteur à
Overmeire, puis professeur à l'école moyenne de Gand et
enfin à l'école normale de Lierre ; il y exerça une excel-
lente influence sur la formation pédagogique des institu-
teurs. Il a publié un grand nombre d'ouvrages classiques
qui sont encore aujourd'hui en usage. Les principaux sont :
Description du royaume de Belgique, en flamand
(Gand, 1843); Iraité de pédagogie, en flamand (Gand,
4843); Encyclopédie flamande (Gand, 4849); Gram-
maire^ flamande (Gand, 4854). Il a écrit aussi quelques
comédies qui ne sont pas sans mérite.
COURTMANS (Jeanne), née Berchmans, femme de
lettres belge, née à Audegem en 4844, femme du précé-
dent. Elle se voua de bonne heure à l'enseignement et y
remporta de brillants succès. Consacrant ses loisirs aux
lettres, elle publia un grand nombre de nouvelles fla-
mandes qui furent très bien accueillies du public et dont
plusieurs eurent les honneurs de la traduction. En voici
les principales : Vînstituteur primaire (Gand, 4862) ;
Griselda (Tiel, 4864); le Cadeau du Chasseur (Gand,
4864 ; trad. en français par L. Hymans) ; la Hutte de
tante Claire (Gand, 4857 a été' traduit en français par
E. Courtmans sous le titre de la Dentellière des Flandres) ;
la Roue de la Fortune (Anvers, 4873)^
COURTOIN. Com. du dép. de l'Yonne, arr. de Sens,
cant. de Chéroy; 440 hab.
COURTOIS. Com. du dép. de FYonne, arr. et cant. de
Sens; 487 hab.
COURTOIS (Jean), compositeur français du xvi® siècle;
il fut maître de chapelle à la cathédrale de Cambrai. Six
messes de sa composition se trouvent en manuscrit à la
bibliothèque de Munich. Plusieurs recueils imprimés en
France, en Italie et en Allemagne au xvi® siècle, contien-
nent de Courtois une trentaine de morceaux de musique
sacrée et profane à quatre cinq et six voix.
BiBL. : Mater, Die masikalischen Handschriftender K.
Bibliothek zu Mûnchen, 1879, in-8.— Eitner, Bibliographie
der Musiksammehverke, 1877, in-8.
COURTOIS (Jacques) (V. Bourguignon [Le]).
COURTOIS (Guillaume) (V. Bourguignon [Le]).
COURTOIS ou de COURTOIS (N..., abbé), diplomate
français du XVII® siècle. L'abbé Courtois semble avoir été
un des familiers de Lionne qui l'aurait envoyé en Pologne
en 4665. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il revint dans ce
pays en 4668 pour expHquer au roi de Pologne, Jean-
Casimir, la_ cause du retard apporté à la collation des béné-
fices qui lui avaient été promis en échange de son abdica-
tion. Mais, à côté de cette mission quasi-officielle, il fut
chargé d'une autre bien plus secrète et dont il n'est pas
fait mention dans son instruction datée du 24 sept. 4668.
On n'avait pas abandonné définitivement l'affaire de l'élec-
tion d'un prince français, et pour cela l'appui de la puis-
sante maison lithuanienne des Paç était tout à fait néces-
saire. Or, l'éveque de Béziers, Bonsy (V. ce nom), était
au plus mal avec tous ses membres, mais surtout avec le
grand chancelier Christophe Paç. L'abbé Courtois fut alors
chargé de négocier spécialement avec eux l'affaire de Félec-
tion. Il était de retour en France à la fin de 1669. L. F.
BiBL. : Louis Farges, Rec. des instructions aux amb.
et min. de France en Pologne ; Paris, 1888, 1. 1, in-8.
COURTOIS (Pierre-François), graveur, né à Paris en
4736, mort à Rochefort en 4763.11a gravé quelques
planches d'après Boucher, Aug. de Saint-iiubin, etc. Sa
pièce la plus connue est la Promenade des remparts de
Paris, d'après Augustin de Saint- Aubin.
COURTOIS (Edme-Bonaventure) , homme politique
français, né à Arcis-sur-Aube le 45 juil. 4754, mort à
Bruxelles le 6 déc. 4846. Ami de Danton, il était rece-
veur du district quand les électeurs de l'Aube l'envoyèrent
siéger à la Législative, où il ne parla pas, puis à la Con-
vention, oh il ne joua aucun rôle avant Thermidor. Dans
le procès de Louis XVI, il opina contre l'appel au peuple,
pour la mort et contre le sursis. Le 48 sept. 4793 il fut
dénoncé aux Jacobins comme étant un royahste masqué.
Le 46 nivôse an III (5 janv. 4795), il lut àla Convention,
au nom de la commission de l'examen des papiers de Ro-
bespierre, un long et emphatique rapport (que Barbier dit
COURTOIS — COURTOISIE
— 188 —
avoir été rédigé par Laya) , et dont les pièces annexes, pleines
de révélations curieuses, ont un grand intérêt historique,
bien que le partial rapporteur en ait trop souvent frelaté
le texte. Imprimé par ordre de la Convention (Paris,
an m, in-8), et réimprimé en 1828 dans les Papiers
inédits trouvés chez Robespierre, etc. (3 vol. in-8), cet
écrit célèbre a fourni des arguments aux polémiques sur la
Révolution. On a aussi de Courtois : Ma Catilinaire, ou
suite de mon rapport du i6 nivôse.,. (Paris, an III,
ân-8), et Rapport fait au nom des comités de Salut
public et de Sûreté générale sur les événements du
9 thermidor, etc. (Paris, an IV, in-8). Courtois fut accusé,
et il méritait cette accusation, d'avoir supprimé, ou rendu
aux intéressés, ou gardé par devers lui beaucoup de
pièces importantes trouvées chez Robespierre. Membre du
comité de Sûreté générale, le 15 germinal an III, il fut un
des plus fougueux thermidoriens. Il fit partie du conseil
des Anciens et favorisa le coup d'Etat du 18 brumaire.
Membre du Tribunat, il s'y vit accuser de concussion et
en sortit en 1802. Il se retira à Rambluzin (Meuse), où
il vécut dans la retraite. Proscrit en 1816, il alla mourir
à Bruxelles. Une perquisition fut faite dans le domicile de
Courtois, au moment de sa proscription, par ordre du mi-
nistre de la police, duc Decazes; elle amena la découverte
de pièces importantes, notamment une sorte de testament
de Marie-Antoinette. Transportées aux Tuileries, ces pièces
y restèrent jusqu'en 1830. M. Casimir Périer fit remettre
au fils de Courtois ce qu'on en retrouva, c.-à-d. des notes
inédites pour la rédaction du fameux rapport, des anec-
dotes sur le 9 thermidor, sur Robespierre et sur Danton.
On en trouvera une analyse dans le Catalogue d'une
importante collection de documents autographes et
'historiques sur la Révolutio7i(VdiY\s, 1862, pp. 75-76,
in-8). Quant au surplus, le fils de Courtois le reven-
diqua contre le duc Decazes devant le tribunal de la Seine
(janv, 1833). Le tribunal se déclara incompétent. Courtois
fils publia peu après une curieuse brochure {Affaire des
papiers de V ex-conventionnel Courtois; Paris, 1834,
in-8), oti il donna une idée de la nature des papiers dis-
parus. M. le docteur Robinet a publié dans la Révolutio7i
française, revue historique (t. XII, pp. 806 et suiv.),
des Notes et souvenirs de Courtois dont il avait pris copie
aux archives de la préfecture de pohce en 1863. Ces notes
concernent surtout Danton : le style en est spirituel et de
bon goût, tout autre que le style déclamatoire du célèbre
rapport. F. -A. A.
COURTOIS (Alexandre -Nicolas), publiciste français,
né à Longuyon (Moselle) le 24 nov. 1758, décapité à
Paris le 12 fanv. 1794. Avocat à Nancy, il se jeta dans
la littérature à la suite de quelques succès flatteurs ob-
tenus dans les académies de province. Il collabora au
Journal de Deux-Ponts, au Journal général de l'Eu-
rope, à la Muse ardennaise et à une infinité de feuilles
locales. Nommé, à la Révolution, membre du district de
Longwy, puis commissaire du pouvoir exécutif dans la
Flandre orientale, qu'il organisa sur le modèle d'un dépar-
tement français, il revint en France après la trahison de
Dumouriez. Il fut alors nommé accusateur public près le
tribunal militaire de l'armée de la Moselle. Dénoncé comme
modéré et arrêté, il fut traduit devant le tribunal révo-
lutionnaire qui le condamna à mort. Parmi ses nombreuses
publications, en général sans grande valeur, nous citerons :
Observations pour la ville de Longuyon (Paris, an II,
in-I2) ; Idée sur l'estime du marc d'argent (in-d2).
COURTOIS (Bernard), chimiste français, né à Dijon en
1777, mort à Paris le 27 sept. 1838. Son père, qui était
préparateur des cours de chimie de Guyton-Morvcau,
et dirigeait une nitrière artificielle, le plaça d'abord à
Auxerre dans la pharmacie Frémy, puis le fit entrer suc-
cessivement, à Paris, dans les laboratoires de Fourcroy, de
Thénard, de Séguin. C'est en collaboration avec Séguin qu'il
étudia l'opium et qu'il y découvrit un corps cristallisable,
la morphine, caractérisée douze ans plus tard comme un
alcaloïde par Sertuerner. A la suite de cette découverte,
dont toute l'importance ne fut pas d'abord comprise, il
quitta Paris, établit une nitrière artificielle sur des prin-
cipes nouveaux. C'est alors qu'il remarqua que les chau-
dières qui servaient à préparer le nitrate de chaux prove-
nant des souches de varech, se détérioraient sous l'intluence
d'un corps nouveau qu'il obtint en distillant les eaux
mères avec l'acide sulfurique, et en condensant dans un
ballon les vapeurs violettes qui s'échappaient du mélange.
Ce corps, que Gay-Lussac, en 1813, étudia sous le nom
à'iode, était un nouvel élément appartenant à la famille du
chlore. C'est une des plus grandes découvertes du com-
mencement du siècle. Elle ne profita guère à son auteur,
car ce dernier, ruiné par l'introduction en France des sal-
pêtres de l'Inde, ne put obtenir de l'Institut qu'un prix de
6,000 fr. Sur la fin de sa vie, Courtois reprit ses recherches
sur l'opium, et annonça le premier que la morphine n'était
pas le seul alcaloïde de l'opium ; mais il laissa à d'autres
le soin d'établir cette vérité, et mourut à Paris en ne lais-
sant à sa famille qu'un nom désormais cher à la science, à
la médecine, aux arts et à l'industrie. E. Bourgoin.
COURTOISIE (Dr. internat.). Les règles de la cour-
toisie internationale, en tant qu'elles concernent les rela-
tions des agents diplomatiques ou consulaires à l'étranger
avec les autorités du pays oti ils résident et avec les repré-
sentants des autres puissances, ont déjà été indiquées au
mot Cérémonial diplomatique. Il convient d'ajouter ici que
souvent des personnes qui ne peuvent se prévaloir d'un
droit ou d'un usage formel sont mises, par simple cour-
toisie internationale, au bénéfice de certains privilèges ou
prérogatives. Ainsi, l'épouse, les enfants et autres parents
d'un souverain n'ont, par eux-mêmes, aucun des droits de
la souveraineté ; ils sont des sujets, ce qui n'empêche pas
que, sans y être strictement tenu, on leur épargne généra-
lement, quand ils se déplacent, les petites taquineries aux-
quelles les autres voyageurs sont exposés. Ainsi encore,
nul agent diplomatique ne peut prétendre à l'exemption des
droits de douane en vigueur dans les pays dont il emprunte
le territoire pour se rendre à son poste, ou à l'exemption
des taxes ou impôts dans les pays où il n'iest pas accrédité
et ne séjourne que d'une façon passagère ; mais cette
exemption est très fréquemment accordée, même en l'ab-
sence de toute convention expresse, par pure courtoisie
internationale et par respect pour l'inviolabilité dont l'agent
est revêtu à raison de son caractère diplomatique. Dans le
pays même oii ils sont accrédités, c'est par pure courtoisie
que les agents diplomatiques sont presque toujours dis-
pensés de la visite de leurs bagages à la frontière.
Lorsqu'un souverain ou un membre de sa famille se
rend à l'étranger ouvertement (et non pas incognito), il
est d'usage que certains honneurs lui soient rendus ; le
caractère et la solennité de la réception varient suivant le
rang du voyageur et les circonstances du voyage. Le plus
souvent, de*^ hauts fonctionnaires civils ou militaires sont
envoyés à sa rencontre jusqu'à la frontière et attachés à sa
personne pendant tout le temps qu'il passe sur le territoire.
A son arrivée dans la capitale, il est reçu par le chef de
l'Etat ou par des dignitaires délégués à cet effet ; les
troupes font la haie entre la gare et le palais mis à sa
disposition par le gouvernement ; une garde d'honneur est
chargée de protéger sa résidence ; des visites sont immé-
diatement échangées entre le chef de l'Etat et le voyaegur,
et des fêtes ou réjouissances sont offertes par le gouverne-
ment à son hôte. Dans les voyages incognito, les exigences
de la courtoisie internationale sont beaucoup plus limi-
tées ; le gouvernement du pays se borne à assurer dis-
crètement la tranquiUité et la sécurité du voyageur, à se
mettre à sa disposition dans la mesure où ce peut être néces-
saire et à échanger avec lui quelques visites de politesse.
— Dans le cas où un souverain, en déplacement dans son
propre pays, se rapproche de la frontière d'un Etat voisin
et ami, cet Etat lui envoie une mission pour le compli-
menter. On appelle missions de « courtoisie » ou de « céré-
-489 —
COURTOISIE - COURT-VITE
monie » les missions envoyées dans un pays, non pour y
traiter d'affaires, mais uniquement pour porter au souve-
rain des félicitations ou des condoléances, soit dans la cir-
constance que nous venons d'indiquer, soit à l'occasion
d'un événement marquant survenu dans sa famille ou dans
son règne (couronnement, mariage, décès, etc.). En ce qui
concerne les titres de courtoisie à donner aux chefs d'Etat
ou aux membres de familles souveraines, V. le mot Cor-
respondance DIPLOMATIQUE (Titrcs à donner aux chefs
d'Etat). Ernest Leur.
BiBL. : Bluntschli, le Droit international codifié^ éd.
Lardy, n^s 154 et 181. — Ch. de Martens, Guide diploma-
tique, § 32. — Neumann, Grundriss des heutigen europ.
Vôlkerrechts^ § 63. — Ernest Leur, Manuel des agents
diplomatiques et consulaires^ n»» 1081 et 'suiv.
COURTOMER. Ch.-l. de cant. du dép. de l'Orne, arr.
d'Alençon ; 1 ,092 hab. On y voit un beau château construit
avant la Révolution sur le plan de l'hôtel des Monnaies
de Paris. Eaux ferrugineuses froides. Elevage de chevaux
renommés.
COURTOMER. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr.
de Melun, cant. de Mormant; 285 hab.
COURTONNE-lâ-Meurdrac. Com. du dép. du Calvados,
arr. et cant. de Lisieux ; 533 hab.
GO U RTO N N E-la-Ville. Com. du dép. du Calvados, arr.
de Lisieux, cant. d'Orbec; 509 hab.
COURTONNE (Jean), architecte français, né à Paris en
4671, mort à Paris le il janv. i739. Déjà connu par de
beaux travaux particuliers, tels que l'hôtel de Noirmoutiers
qu'il fit construire en 1720 dans la rue de Grenelle-Saint-
Germain près la rue de Bourgogne, pour le duc de La Tré-
moille et l'hôtel de Matignon, élevé en 1721 dans la rue de
Varennes pour le duc de Montmorency et comprenant deux
palais dont un grand, l'hôtel proprement dit et un petit
situé à gauche dans le jardin et décoré avec goût. Jean
Courtonne avait de plus fait paraître, en 1725, un Traité
de perspective pratique^ avec des remarques sur Var-
chitecture^ suivi de quelques édifices considérables mis
en perspective et de V invention de V auteur (Paris,
în-4), lorsqu'il fut appelé, en 1728, à faire partie de l'Aca-
démie royale d'architecture comme un des huit nouveaux
membres de 2® classe, puis fait architecte du roi et nommé,
en 1730, professeur d'architecture à ladite Académie en
remplacement de Bruand fils. On doit encore à Courtonne
des agrandissements considérables à l'hôtel de la duchesse
de Vendôme situé rue d'Enfer et, dans la même rue, de
nouveaux bâtiments au grand couvent des Chartreux. — Un
second architecte français, du nom de 6'owr^o?zn<?, probable-
ment parent du précédent, était en 1750 architecte du prince
de Conti et eut à expertiser avec Beaussire et Jacques Har-
douin Mansart de Levy, architectes du roi, le grand
hôtel de Conti situé sur le quai de ce nom où l'on voulait
édifier un nouvel hôtel de ville et où fut élevé l'hôtel ac-
tuel des Monnaies. Charles Lucas.
COURTOT de Cissey (V. Cissey).
COURTOULIN. Com. du dép. de FOrne, arr. de Mor-
tagne, cant. de Bazoches-sur-Hoëne; 114 hab.
COU RIRAI (Kortryk), Ville belge de la Flandre occi-
dentale, ch.-l. d'arr., sur la Lys; 30,000 hab. Stat. des
lignes de chem. de fer de Gand à Lille, de Bruxelles à
Hazebrouck, de Bruges à Tournai. Fabriques de toile, de
linge damassé, de fil, de coton, d'huile, de tabacs.
Histoire. — Courtrai existait déjà du temps des Ro-
mains sous le nom de Cortracum et portait le titre de ville
dès le vii^ siècle. Vers cette époque, saint Amand et saint
Eloi vinrent y prêcher le christianisme. Plus tard, Courtrai
figure parmi les stations que doivent visiter les Missi de
Charles le Chauve. La ville fut ruinée par l'invasion des
Normands et ne se releva que sous le règne de Bau-
douin III. Ce prince institua les premiers marchés et foires
et fit venir de l'étranger des tisserands qui introduisirent
à Courtrai leur industrie. Comme toutes les villes de la
Flandre, Courtrai eut ses émeutes et ses guerres civiles ;
elle eut surtout des rivalités sanglantes avec Harlebeke
(V. ce mot). C'est près de Courtrai que l'armée des com-
munes flamandes battit le 11 juil. 1302 l'armée royale
commandée par Robert d'Artois. Lorsque les Français
eurent pris leur revanche à Roosebeke (V. ce mot) en
1382, ils brûlèrent Courtrai. La ville fut rebâtie en 1385
par Philippe le Hardi, duc de Bourgogne et comte de
Flandre. Les Français s'en emparèrent quatre fois sous
Louis XÏV, en 1643, 1646, 1670 et 1683. Restituée à
l'Espagne par le traité de Ryswick en 1697, elle fut de
nouveau prise par les troupes de Louis XV en 1744 et
démantelée. Les armoiries de Courtrai sont : d'argent, au
chevron de gueules, à la filière engi^effée de même.
Vécu timbré d'une couronne d'or.
Monuments. — L'hôtel de ville, de style ogival, cons-
truit en 1527. Le beffroi est du xiv^ siècle. L'église de
Saint-Martin, de style ogival, construite au xiii® siècle;
frappée de la foudre en 1862 et presque complètement
incendiée, elle a été restaurée avec soin. On y voit un
magnifique tabernacle de la Renaissance . L'église Notre-
Dame possède un célèbre tableau de Van Dyck, V Erection
de la croix. Le musée a quelques toiles remarquables, no-
tamment la Bataille de Grœninghe de de Keyser et des
paysages de de Jonghe. La bibliothèque communale possède
vingt mille volumes et cinq cents manuscrits. Le catalogue
des livres légués à la ville par Gœthals a été imprimé en
1875. Courtrai a vu naître Palfyn, mort en .1730, inventeur
du forceps. On lui a érigé une statue en 1888 ; J. Ghcs-
quière, bollandiste, mort en 1802; Gœthals, historien,
mort en 1838 ; de Jonghe, paysagiste, mort en 1844. E. H.
COURTRIZY-et-Fussigny. Com. du dép. de l'Aisne,
arr. de Laon, cant. de Sissonne; 145 hab.
COURIR Y. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr. de
Meaux, cant. de Claye; 451 hab.
COURTRY (Charles- Jean-Louis), graveur contemporain,
né à Paris le 11 mars 1846. Il commença par étudier
chez un architecte, entra chez le graveur de commerce
Dulos, suivit les cours de dessin de l'école de la rue de
l'Ecole-de-Médecine, et reçut pour ses premières eaux-
fortes les conseils de MM. Gaucherel et Léop. Flameng.
Ch. Courtry a obtenu une médaille en 1868, une troisième
médaille en 1874, une deuxième médaille en 1875, une
médaille d'or à l'Exposition universelle de Munich en 1877,
une médaille de première classe à l'Exposition universelle
de Sidney en 1880, la médaille d'honneur au Salon de
1887, une médaille de premier ordre de mérite à l'Expo-
sition universelle deMelbourne de 1888 et une médaille d'or
à l'exposition universelle de 1889. Il a gravé plus de six-
cent eaux-fortes; voici les plus importantes : Milton aveugle,
dictant le Paradis perdu à ses filles, d'après Munkacsy;
le Gué de Moutfiiers, d'après Van Marcke ; V Etat-Major
autrichien devant le corps de Marceau, d'après J.-P.
Laurens ; le Berger, d'après J. Dupré ; le portrait d'Hé-
lène Forman, d'après Rubens ; les Coifrses d'Epsom
d'après Géricault ; le Marché d'Esclaves, V Aimée, le
Bain, Alcibiade chez Aspasie, d'après Gérôme ; les Deux
Foscari, d'après Delacroix ; les Femmss à la place Na-
vone, d'après Tony Robert-Fleury ; des suites d'objets
d'art pour les collections d'Ed. Lièvre et en dernier lieu
la Salomé d'après A. Stevens. F. Courboin.
COURT-VITE (Ornith.). Le genre Court- Vite, Coure-Vite
ou Cour- Vite (Cursorius Latham, Ind. ornith., 1790,
t. Il, p. 750, ou Tachydromus IlHger, Prudr., 1811, p.
250) renferme une dizaine d'espèces de petits Échassiers que
l'on rapprochait autrefois des OEdicnèmes et des Outardes
(V. ces mots), mais qui paraissent avoir plus d'affinités avec
les Pluviers (V. ce mot). Ces oiseaux ont des formes
sveltes, les ailes longues, la queue courte et arrondie, le
bec mince et un peu recourbé, les pattes grêles, terminées
par trois doigts seulement, le plumage souple et offrant
généralement des teintes claires qui s'harmonisent avec la
couleur du sol des régions sablonneuses où vivent les Court-
Vite. — ht Cursorius gallicus Gm. ou Court-Vite isabelle,
qui se rencontre dans la plus grande partie de l'Afrique et
CODRT-YITE - COURVOISIER — 490 —
aux Canaries et qui s'avance parfois jusqu'en Europe, mesure
environ 25 centim. de long ; il a le sommet de la tête cou-
vert d'une calotte grise limitée de chaque côté par un
double trait, blanc et noir, le dos et les ailes d'un fauve
Cursorius gailicus Gm.
rougeâtre, avec quelques taches blanches et noires, et les
parties inférieures du corps d'une teinte Isabelle . Un sys-
tème de coloration analogue s'observe dans les autres espèces
du genre, chez le Cursorius Burchelli Sw. et chez le
C, bicinctus Tem. de l'Afrique australe, chez le C, sene-
galensis de la Sénégambie, chez le C. coromanclelicus
Gm. de l'Inde, etc., qui ont les mêmes mœurs que le
Court-vite Isabelle. Ces oiseaux se nourrissent essentielle-
ment d'insectes et de vermisseaux qu'ils ramassent en cou-
rant sur le sol avec une agilité extraordinaire. Ils volent
aussi rapidement que les Vanneaux et se montrent telle-
ment farouches que leur chasse présente de grandes diffi-
cultés. Leurs nids, placés sur le sol, au milieu des pierres,
dans une touffe d'herbes, contient, à chaque couvée, trois
ou quatre œufs jaunâtres, rayés de brun et de gris. Quelques
ornithologistes rattachent maintenant aux Cursorius le
Pluvian d'Egygte (Pluvianus œgyptius L.) qui, jusqu'à
ces derniers temps, constituait le type d'un genre particu-
lier (V. Pluvian). E. Oustalet.
BiBL. : Daubenton, PI. enl de Buffon^ pi. 795. —
J. GouLD, B, ofEuropa, pL 266. — H. Seeboh.m, the geo-
graphical DisWïbution of the Charadriidœ^ 1888, p. 232.
COUR VAL (Gessner-Albéric Lehoult), professeur fran-
çais, né au Sap (Orne) le 16 oct. 4819. D'abord clerc de
notaire, il entra en 1841 au séminaire de Séez,fut ordonné
prêtre en 1846 et nommé professeur d'histoire au petit
séminaire de Séez dont il devint supérieur en 1867. Il a
écrit : VEvangile des doux et humbles de cœur (Paris,
1841, in-8) ; une série de hvres d'histoire à l'usage de la
jeunesse, parmi lesquels : Histoire ancienne (1 860, in-1 8)
Histoire de France (1859, 2 voL in-1 8) ; Histoire ro-
maine (1861, in-1 8); Histoire contemporaine (1870,
in-1 8) ; Manuel de l'étudiant chrétien en vacances
(1873, in-1 8); Petites dominicales (1876, 2 vol.
in-1 2). La plupart de ces ouvrages, très estimés dans
l'enseignement clérical, ont eu de nombreuses éditions. On
doit encore à l'abbé Courval des livres spéciaux comme :
Mois de Marie de Notre-Dame de Séez (1870) ; Histoire
sainte (1868), et une réimpression annotée de la Vie de
messire Pierre Cretey, curé de Barbenton (1871).
GOURVAL-SoNNET (Thomas de), poète français, né en
Normandie en 1577, mort vers 1635, Il s'est acquis une
grande réputation par les satires qu'il a publiées contre
les abus et les désordres de France, contre les femmes
surtout et les mauvaises mœurs du temps. Elles ont été
réunies sous le titre d'OEuvres satiriques (Paris, 1622,
in-8) ou les Satyres (Paris, 1621, in-8); Satyre Me--
nippée contre les femmes sur les poignantes traverses
et incommodités du mariage (Lyon, 1623, in-8), les
Exercices de ce temps (Rouen, 1631, in-4), etc. Ces
ouvrages sont fort rares. Prosper Blanchemain les a réim-
primés dans le Cabinet du bibliophile : Œuvres poé-
tiques (Paris, 1876-1879, 3 vol. in-16).
COURVAUDON. Com. du dép. du Calvados, arr. de
Caen, cant. de Villers-Bocage ; 398 hab.
COURVIÈRES. Com. du dép. du Doubs, arr. de Pon-
tarlier, cant. de Levier; 448 hab.
COURVILLE. Ch.-l. de cant. du dép. d'Eure-et-Loir,
arr. de Chartres ; 1,716 hab. Stat. des ch. de fer de l'Ouest,
ligne de Paris à Brest. Aux environs, château de Villebon,
beau monument gothique du xvi® siècle, où mourut Sully,
COURVILLE {Curva villa), Com. du dép. de la Marne,
arr. de Reims, cant. de Fismes; 424 hab. — Restes d'une
importante forteresse, résidence des archevêques de Reims
jusque vers la fin du xvni^ siècle, où fut exilé Mazarin en
1651. Remarquable église du xii® siècle, surmontée d'un
beau clocher à deux étages, élevé sur la croix du transept ;
curieux chapiteaux et modillons sculptés. Sur presque toute
la longueur de la nef s'étend la chapelle Saint-Michel,
vaste construction superposée à l'église en 1284 et à
laquelle on accédait par une galerie extérieure reliée à la
grosse tour du château. A. T.
BiBL. : Valentin, Notice historique et descriptive sur
les monuments civils et religieux du canton de Fismes ;
Reims, 1866, in-8.
COURVOISIER (Jean- Joseph-Antoine) , magistrat et
homme politique français, né à Besançon le 30 nov. 1775,
mort à Lyon le 18 sept. 1835. Après avoir servi, à partir
de 1792, dans les rangs des émigrés, puis dans l'armée
autrichienne, il rentra en France sous le Consulat, étudia le
droit et se fit inscrire comme avocat au barreau de sa ville
natale. Nommé conseiller-auditeur à la cour d'appel de
Besançon en 1808, il ne s'attacha guère à l'Empire et il
accueilHt avec joie la Restauration. Louis XVIÏI lui conféra
l'emploi d'avocat général. Au mois de mars 1815, n'ayant
pu empêcher ses compatriotes d'arborer le drapeau trico-
lore et de se prononcer pour Napoléon qui revenait de l'île
d'Elbe, il se retira de son poste et n'en reprit possession
qu'après les Cent- Jours. Courvoisier ne partageait pas, il est
vrai, les passions furieuses de ce parti ultra-royaliste qui,
de 1815 à 1817, déchaîna la Terreur blanche par toute
la France. Il approuvait la charte et ne craignit pas, dès
cette époque, de dire bien haut que la monarchie ne s'affer-
mirait pas si elle ne s'attachait loyalement, sans arrière-pen-
sée, aux principes constitutionnels. Envoyé à la Chambre des
députés, après l'ordonnance du 5 sept. 1817, par le collège
électoral de Baume-les-Dames, il siégea sur les bancs du
centre gauche et soutint de toutes ses forces le cabinet
Richelieu, puis le cabinet Decazes. Doué d'une remarquable
faculté d'assimilation, il se prodigua à la tribune, surtout
pendant les sessions de 1817, 1818 et 1819. Il parlait sur
les questions les plus diverses avec une égale compétence
et une égale sûreté. Les ultras le redoutaient et le haïs-
saient, mais ne pouvaient rien contre lui, car il avait donné
trop de gages de son royalisme pour être suspecté aux Tui-
leries, et ses services dans l'armée de Condé lui donnaient
quelque autorité pour rappeler les émigrés à la modération
et à la pudeur. Après les déplorables événements dont Lyon
avait été le théâtre en 1817 (V. Canuel, Fabvier, Sain-
neville), il fut attaché comme procureur général (11 févr.
1818) à la cour royale de cette ville et contribua fort à
ramener le calme dans le dép. du Rhône. Réélu député
en 1819, vice-président de la Chambre , il s'éleva contre,
les violences de l'extrême droite, s'opposa de toutes ses
forces aux mesures d'exception et à la nouvelle loi éleç-^
toràle que le second niinistère Richelieu fit voter pour
complaire à la faction ultra-royaliste, et continua de dé-
fendre énergiquement la liberté pendant les sessions de
i 821 , 1822 et 1823. Non réélu en 1824, grâce aux menées
du ministère Villèle, il se tint quelque temps renfermé dans
les devoirs de sa charge judiciaire. Nommé en 1827 con-
seiller d'Etat en service extraordinaire, il fut appelé le
8 août 1 829 au ministère de la justice par le prince de
Polignac, qui voulait donner en sa personne un gage au
centre gauche. Courvoisier ne crut pas pouvoir refuser son
concours au gouvernement. Mais bientôt, voyant la charte
sérieusement menacée, il donna sa démission, le 19 mai
1830, pour ne pas s'associer au coup d'Etat que méditaient
Charles X et son favori. Quelques mois plus tard éclatait la
révolution qu'il avait pressentie (juillet). Cité comme témoin
dans le procès des mmistres (déc. 1830), il eut une atti-
tude et un langage plein de convenance pour ses anciens
collègues. Sous Louis-Philippe, il refusa d'accepter aucun
emploi politique et consacra dans ses dernières années la
meilleure partie de ses loisirs à des travaux littéraires et à
des œuvres de bienfaisance. A. Debidour.
COURZIEU. Com. du dép. du Rhône, arr. de Lyon,
cant. "de Vaugneray; 1,591 hab.
COUSANGE-Du-JuRA. Com. du dép. du Jura, arr. de
Lons-le-Saunier, cant. deBeaufort; 1,232 hab.
COUSANCELLES. Com. du dép. de la Meuse, arr. de
Bar-le-Duc, cant. d'Ancerville ; 418 hab.
COUSANCES-Aux-Bois. Com. du dép. de la Meuse,
arr. et cant. de Commercy; 172 hab.
COUSANCES-Aux-FoRGES ou lès-Cousancelles (Cus^
titiaca curtis, Cmtiviacum, 1756). Com. du dép. de la
Meuse, arr. de Bar-le-Duc, cant. d'Ancerville, sur la Cou-
sances, affluent de la Marne ; 1,600 hab. Mines de fer,
hauts fourneaux, fonderie. Avant 1790,1a commune fai-
sait partie du Barrois Mouvant avec titre de prévôté et de
comté, bailliage de Bar, et possédait un château et une
maison forte du nom de Lisle-sous-Cousances.
COUSCOUS. Mets national des populations musulmanes
du nord de l'Afrique. Il consiste en grumeaux de semoule
que l'on fait cuire à la vapeur d'eau ou de bouillon ; on
l'assaisonne de beurre et généralement on l'arrose légère-
ment de lait ou de bouillon. La pâte appelée elle-même
couscous s'obtient en roulant sur un plat avec la paume
de la main de la semoule de grosseur moyenne légèrement
aspergée d'eau; il se forme alors de petits grains du
volume d'une petite tête d'épingle que l'on fait cuire de la
manière suivante : on place le couscous dans une passoire
que l'on met au-dessus d'une marmite dans laquelle se
trouve les éléments du bouillon ; viande, eau et légumes.
On entoure la passoire d'un linge de façon que toute
la vapeur traverse le couscous durant la cuisson à feu vif
qui dure environ trois heures. Mais pour éviter que les
grains adhèrent les uns aux autres, il faut avoir soin, au
miheu de la cuisson, de retirer le couscous et de le rouler
de nouveau en Taspergeant très légèrement. La pâte cuite,
on la manie avec du beurre ; on dresse la viande, mouton
et volaille, sur le couscous avec les légumes, mais on sert
le bouillon à part. On prépare encore le couscous au maigre ;
dans ce cas on y ajoute du sucre et des raisins secs et on
l'arrose avec du lait.
COUSÉRANITE (V. Couzérânite).
COUSEUSE (V. Machine à coudre).
COUSERANS ou CONSERANS. Ancien pays de la
France méridionale, qui faisait partie de la Guyenne. Il
était limité par le Comminges au N. et à l'O., la Catalogne
et TAragon au S., et le comté de Foix à TE,; il était
arrosé par le Salât, affluent de droite de la Garonne, et
ses affluents. Le Couserans fut habité primitivement par
les Consorani et compris par les Romains dans la Novem-
populanie. Le Couserans subit les invasions des Goths et
des Visigoths, puis des Sarrasins. Charlemagne en fit un
comté. Ù a formé plus tard une dépendance du comté de
Comminges. Les vicomtes de Couserans sont sortis de la
^ 191 ^ COURVOISIER — COUSIN
maison des comtes de Comminges. Roger II, comte de
Carcassonne, auquel le Couserans appartenait, le donna,
vers 990, à Bernard, son fils puîné, avec le titre de
vicomte. Le chef-lieu était Saint-Lizier, et le siège de
l'administration vicomtale. Massât. Il passa ensuite à la
maison de Bigorre vers le milieu du xii® siècle, puis à celle
de Navarre. Les évêques du Couserans étaient suffragants
de l'archevêché d'Auch. Parmi eux, il faut citer Pierre de
Marca, évêque en 1642 (V. ce nom). L'évêché du Couse-
rans fut supprimé à la Révolution. Aujourd'hui, le Couse-
rans fait partie du dép. de FAriège. G. Regelsperger.
BiBL. : H. Castillon, Histoire des populations pyré-
néennes du Nebouzan et du pays de Comminges, 1842,
2 vol. in-8.~ Du même, Histoire d*Ax et de la vallée d'An-
dorre, 1851 (suivie d'un chapitre sur le pays du Couserans).
— Adolphe Garuigou, Etudes historiques sur l'ancien
pays de Foix et le Conserans^ 1846 et 1856, 2 vol. —
C. Douais, Documents pontificaux sur l'évêché de Couse-
rans, 1425-1619, dans Revue de Gascogne^ 1888, t. XXIX,
pp. 349 et 439.
COUSIN. I. Jurisprudence. — Ce mot désigne tous les
membres d'une même famille qui sont issus de frères et
sœurs. Les enfants nés de deux frères ou de deux sœurs,
ou d'un frère et d'une sœur s'appellent plus spécialement
cousins germains ; les enfants nés de deux cousins ger-
mains sont dits issus de germains. Au delà, on ne leur
donne pas de nom particulier et on les dit cousins au qua-
trième, cinquième, etc., degré. La qualité de cousin et de
cousine, même germains, n'est plus un empêchement de
mariage, en droit civil. Le droit canonique, au contraire,
défend les unions entre cousin et cousine jusqu'au qua-
trième degré, inclusivement, à moins de dispenses, qui sont
d'ailleurs toujours accordées.
IL Histoire. — Titre honorifique. Depuis le commen-
cement du xvi^ siècle, l'usage s'est établi dans la cérémo-
nial que les souverains traitent de cousins certains person-
nages. Les rois de France ont appelé ainsi les princes du sang,
les cardinaux et les archevêques, les ducs et pairs, les maré-
chaux de France, les grands officiers de la couronne, et
ouelques princes étrangers.
Ancienne corporation (V. Bons Cousins).
COUSIN (Entom.). Les insectes désignés vulgairement sous
le nom de Cousins ou de Moustiques sont des Diptères-Némo-
cères qui constituent, dans leur ensemble, la famille des
Culicides, placée près des Tipulides (V. Tipule). Ces Dip-
tères, tous de petite taille, ont le corps grêle, allongé, la
tête petite et globuleuse, dépour-
vue d'ocelles sur le vertex, le pro-
thorax grand et bombé, l'abdomen
long, mince, cylindroïde, les pattes
grêles et longues, surtout les pos-
térieres. Les antennes, simplement
velues chez les femelles, sont for-
tement plumeuses chez les mâles
et forment un élégant panache. Les
ailes, assez larges et arrondies au
bout, ont au moins six nervures
longitudinales qui sont revêtues d'é-
cailles serrées microscopiques. En-
fin, l'appareil buccal (fig.l) est
transformé en une trompe cornée
plus ou moins longue, sorte de gai-
ne cyhndrique, terminée à son ex-
trémité par deux lobes soudés et
renfermant un suçoir composé de
six soies fines, dentelées à leur
extrémité. Cet appareil a été dé-
crit en détail par Réaumur {Mé-
moires pour servir à VEistoire
des Insectes^ t. IV, Mém. XIII,
pp. 573 et suiv., pi. 39 à 44). — Les Culicides abondent dans
toutes les régions du globe, aussi bien sous les latitudes les
plus froides que dans les régions tempérées et tropicales. Ils
sont surtout répandus daïis les contrées humides et .maré-
cageuses. Leurs larves et leurs nymphes vivent, en effet,
Fig. 1. — Pièces buc-
cales : a, labre ; h,
lèvre inférieure,
trompe; c^ palpes
labiaux*, d, man-
dibules ; e, mâchoi-
res ; f, hvpoplia-
rynx.
COUSIN
im —
dans l'eau, et, suivant qu'elles y restent constamment plon-
gées ou qu'elles peuvent s'élever à la surface par de rapides
mouvements du corps, leur respiration s'effectue à l'aide
de branchies ou de tubes trachéens externes. Les bran-
chies, tantôt chevelues et ciliées, tantôt filiformes, sont
généralement attachées au prothorax et aux derniers
anneaux de l'abdomen ; il en est de même des trachées.
A l'état parfait, les Culicides se montrent peu pendant le
jour; ils restent immobiles dans les bois humides, dans les
prairies, dans les endroits obscurs des habitations, etc. Au
coucher du soleil, ils se réunissent dans les airs en troupes
plus ou moins nombreuses et exécutent ces danses ou
rondes qui ont été remarquées depuis la plus haute anti-
quité. C'est à ce moment que s'opère l'accouplement. Les
femelles font entendre une sorte de bourdonnement très
aigu « ressemblant aux sons qu'on peut obtenir avec les
plus petits diapasons placés sur une caisse renforçante et
donnant plus de soixante mille vibrations par seconde » (V.
Maurice Girard, Traité d'entomologie, llï,]). 951). Les
mâles sont absolument inoffensifs. Les femelles, au contraire,
très avides du sang de l'homme et des animaux, piquent
fortement et font naître, sur la peau, des boursouflures œdé-
mateuses inflammatoires, dont les démangeaisons, très
pénibles, durent plusieurs jours et paraissent dues à l'in-
troduction d'une certaine quantité de salive irritante. Pour
^ atténuer ces démangeaisons,
on peut lotionner les points
des téguments piqués avec
quelques gouttes d'ammonia-
que. Mais dans les contrées où
ces Diptères sont très multi-
pliés, le plus sûr moyen de se
préserver de leurs piqûres
consiste à tenir les apparte-
ments clos pendant le jour et à
entourer, pendant la nuit, les
lits du rideau de gaze dit cou-
sinière ou moustiquaire.
En France, les espèces de
Cousins les plus connues ap-
partiennent au genre CiUex
L. , dont le caractère distinc-
tif est d'avoir les palpes plus
longs que la trompe chez les
mâles et très courts chez les
femelles. Ces espèces sont les
C. pipiensh., (7. annulatus Schrk. et C. pulicaris Maig.
ou Pibau des Provençaux. Le C. pipiens ou Cousin com-
Fig. 2. — Culex pipiens :
a, mâle ; b, tête de la fe-
melle.
Fig. 3. — Larve gros-
sic { Culex pipiens
L.).
Fig. 4. — Nymphe
grossie (Cûlex pi-
piens L.).
mun (fig. 2) est long de 5 à 6 milL, d'un brun plus ou moins
foncé, varié de jaune. Ses larves vivent par miUions dans
5, — Èclosion et ponte
(Culex pipiens L.).
les eaux stagnantes, même de très peu d'étendue, felle^
que les flaques d'eau des chemins, les tonneaux d'arrosage
des maraîchers, etc. Pour pondre, la femelle se cramponne
au moyen de ses pattes antérieures et intermédiaires sur
une feuille ou quelque autre corps flottant sur l'eau ; puis
elle croise ses pattes postérieures, relève le dernier segment
de l'abdomen, et place le premier œuf qui se présente dans
l'angle formé par les pattes. Le second est collé au pre-
mier et ainsi de suite jusqu'à ce que la ponte soit terminée.
Ces œufs forment ainsi une masse allongée aux deux
extrémités et renflée au milieu. Il en sort, au bout de deux
jours, des larves apodes, d'aspect pisciforme, à tête grosse
avec des ocelles noirs. Elles se tiennent à la surface de
l'eau, la tête en bas pour respirer au moyen d'un stigmate
postérieur et, au moindre danger, elles se précipitent au
fond en contournant l'abdomen avec vivacité. Après avoir
subi trois ou quatre mues, elles se transforment en
nymphes agiles, grosses, bossues, à abdomen replié, ter-
miné par deux palettes membraneuses servant à la natation.
Ces nymphes respirent au moyen de deux tubes en forme
de cornes, placés sur la partie antérieure du prothorax et
dont elles maintien-
nent constamment
l'extrémité au-des-
sus de la surface de
l'eau. Quand le mo-
ment de la dernière
métamorphose es
arrivé, la nymphe
se place étalée à la
surface de l'eau, son
thorax se fend et
rinsecte parfait
commence à paraî-
tre, la tête la pre-
mière. Par les con-
tractions des segments du corps, il parvient à se hisser verti-
calement hors de l'enveloppe nymphale, devenue une nacelle
(fig. 5) sur laquelle il se tient immobile jusqu'à ce que ses
organes affermis lui permettent de s'envoler.
Dans le nord de l'Europe, l'espèce la plus répandue est
VAedes cinereus Maig., caractérisé par les palpes très
courts et pointus. A l'île Barbade, au contraire, c'est
V Anophèles bifurcatiis L., qui est long d'environ 7 mill.,
d'un gris brun, avec le tour des yeux blanc et les cuisses
jaunâtres. Quant aux Moustiques, Mosquitos ou Marin-
gouins des régions tropicales, ils appartiennent, dit-on, pour
la plupart, surtout ceux d'Amérique, au genre Magarhina
Rob.-Desv., dont l'espèce type est le il/, mosquita Rob,-
Desv. (V. Moustique), ou bien au genre Simulia Latr.
(V. Sjmulie). Ed. Lefèvre.
COUSIN. Rivière de France, affluent de droite de la
Cure, prend sa source sur les limites de la Nièvre et de la
Côte-d'Or, entre dans le dép. de V Yonne (V. ce nom).
COUSIN, navigateur dieppois du xv"^ siècle, pour qui on
a revendiqué, d'après une tradition locale très vague,
l'honneur d'avoir, en 1488, découvert l'Amérique du Sud
et le cap des Aiguilles, au S. de l'Afrique. Sa relation offi-
cielle a été brûlée avec les archives de l'amirauté de Dieppe
en 1694 et rien ne permet d'y suppléer.
BiBL. : EsTANCELiN, Recherches sur les voyages et dé-
couvertes des navigateurs normands ; Paris, 1832, in-8.
COUSIN (Jean), un des plus grands artistes de la Renais-
sance française, né à Soucy, près de Sens, en 1500 ou 1501 ,
mort à Paris vers 1590. De même que certains maîtres
italiens de son temps, il marqua dans toutes les branches
de l'art : il fut géomètre, peintre, graveur, dessinateur
pour illustrations, sculpteur, écrivain d'art et même quelque
peu architecte. Dans sa jeunesse , il exerça dans son
pays les modestes fonctions de géomètre et d'expert arpen-
teur. Plus tard, il figure dans les comptes royaux des bâ-
timents à Fontainebleau (1540-1550) en quahté à' ima-
gier à raison de 14 livres (210 fr. de notre monnaie)
— 193 ~
COUSIN
par mois. En4tH63, il fut chargé d'exécuter les décorations
pour l'entrée de Charles IX à Sens. Néanmoins sa prodi-
gieuse activité s'exerça principalement en dehors de la cour
et il jouit en son temps d'une telle renommée qu'en style
emphatique de l'époque on le qualifiait « en l'art de portrai-
ture et peinture non infime à Zeusis ou Appelles ». Son
grand savoir en géométrie est attesté par son Livre de
perspective (Pans, 1560, gr. in-foL), composé d'après
une méthode personnelle et originale. Il est orné de gra-
vures « portraittes de sa main sur planches de bois » et
taillées par l'imprimeur Jehan le Royer, où apparaît la
science des raccourcis dans laquelle Cousin excellait. Son
Livre de pourtraicture (Paris, 1571, in-4 obi.), qui eut
un nombre considérable d'éditions et fait encore autorité en
la matière, prouve combien il avait approfondi l'art de
dessiner. Et de fait, dans toutes les oeuvres de sa main qui
subsistent encore, c'est la sûreté, la force et le caractère
du dessin qu'il convient de remarquer avant tout.. Ses hautes
qualités d'art sont résumées dans son célèbre Jugement
dernier (Musée du Louvre), composition compliquée, mais
remarquable de clarté, de science anatomique et de pers-
pective. Si l'imitation de Michel-Ange y est visible, l'artiste
y apporta, comme partout ailleurs, une large part d'origi-
nalité propre, puisée aux meilleures traditions de l'art
national. Il se représenta lui-même sur cette toile qui est
l'un des plus anciens monuments de la peinture française
à l'huile. De ses autres tableaux authentiques, on ne pos-
sède plus ({n'Eva Pandora (à Sens) et cinq portraits de
membres de la famille Bovyer^^ où il prit l'une de ses
épouses et dans laquelle il maria sa fille unique ; celui
de son petit-fils porte la date 1582. — Comme sculpteur,
on lui doit le Tombeau de r amiral Philippe de Chabot
(Musée du Louvre, provenant de l'église des Célestins); on
a exprimé des doutes à l'égard de sa paternité, mais elle
est attestée par Ta veau, compatriote et contemporain de
Jean Cousin, dans une histoire manuscrite de Sens, rédigée
vers 1572. On lui attribue le superbe monument funéraire
de Louis de Brezé, mari de Diane de Poitiers (dans la
cathédrale de Rouen), et il aurait aussi travaillé aux sculp-
tures du château de Chambord. — Mais Cousin fut surtout
un peintre verrier. Nombre de ses œuvres en ce genre ont
péri, notamment les trois vitraux de l'église Saint-Gervais,
à Paris. La Sainte-Chapelle, à Vincennes, en possède
plusieurs d'une rare beauté; il s'en est conservé deux
superbes (Vie et Martyre de saint Eutropeei la Sibylle
Tiburtine), dans la cathédrale de Sens, et un non moins
beau dans la chapelle du château de Fleurigny (la Sibylle
Tiburtine), — Comme graveur, il laissa cinq eaux-fortes,
toutes signées et deux datées : V Annonciation^ Jésus
descendu de la croix^ la Sainte Famille (1544), la
Conversion de saint Paul, Bacchtis et 4a Vendange
(1582). Ces gravures, dit M. G. Duplessis « donnent la
mesure réelle du talent de ce maître, qui possédait à un
degré fort élevé la science de la forme, le sentiment de
l'élégance et de la beauté ». Léonard Gaultier et Etienne
Delaune ont gravé nombre d'estampes d'après des compo-
sitions de J. Cousin.
On lui attribue avec beaucoup de probabilité l'exécution
de deux cents dessins d'un manuscrit conservé à la biblio-
thèque de l'Institut ; ils ont été publiés en fac-similé par
M. L. Lalanne : le Livre de Fortune (V'àrk, 1883, in-4).
S'il fallait s'en rapporter au témoignage de Papillon,
l'historien de la gravure sur bois, presque toutes les es-
tampes des livres imprimés à Paris sous les règnes de
Henri II, François II, Charles IX et Henri III, seraient
« des dessins ou de la gravure en bois » de Jean Cousin, et
il en nomme une longue série. L'accord n'est pas encore fait
entre les iconographes sur toutes les attributions de Papil-
lon, et, à l'exception de quelques-unes, il faut s'en tenir
sur une sage réserve. G. Pâwlowski.
BiBL. : Félibien, Entretiens; Paris, 1666-88, 2 vol, în-4. —
Papillon, Traité hist. et prat. de la gravure sur bois^ 1766,
2 vol. in-8. — Renouvier, Types et manières des maîtres
graveurs, — RoBERT-DuMESNiLet G. Duplessis, iePeinire-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
graveur français^ t. IX et XL— G. Duplessis, Histoire delà
gravure en France. — Ch. Blanc, Histoire des peintres. —
Ambroise Firmin-Didot, Etude sur Jean Cousin., 1872,
in-8, et Œuvres choisies de J. Cousin, 1872, in-foL
COUSIN (Louis), littérateur français, né à Paris le
12 août 1627, mort le 26 févr. 1707. Avocat distingué,
président à la cour des monnaies (1659), il entra en 1697
à l'Académie française où il remplaça Paul-Philippe de
Chaumont. Il fut encore censeur royal. Il a publié la tra-
duction des principaux auteurs byzantins, sous le titre de
Histoire de Constantinople deptiis le règne de l'ancien
Justin jusqu'à la fin de l'Empire (Paris, 1672-1674,
8 vol. in-4; Paris, 1685, 11 vol. in-12); une Histoire
de l'empire d'Occident contenant la vie de Charlemagne
par Eginhard^ les Annales du même, etc. (Paris, 1683,
2 vol. in-12); Histoire de l'Eglise (Paris, 1675-1676,
4 vol. in-4 ; Paris, 1686, 5 vol. in-12), traduction des pre-
miers historiens ecclésiastiques ; Histoire romaine écrite
par Xiphilin, par Zonare et par Zozime (1678, in-4;
1686, 2 vol. in-12) ; Histoire de plusieurs saints de
la maison de Tonnerre et de Clermont, etc. (1698,
in-12). On lui a attribué la Morale de Confucius (Paris,
1688, in-12).
COUSIN (Victor), célèbre professeur et philosophe fran-
çais, né à Paris le 28 nov. 1792, mort à Cannes le 13 janv.
1867. Après de brillantes études au lycée Charlemagne, il
entra en 1810 à l'Ecole normale, et, deux ans après, il fut
chargé, dans cette même école, des fonctions de répétiteur,
d'abord pour le grec, puis pour la philosophie. En 1815, il
suppléa Royer-Collard dans sa chaire d'histoire de la philo-
sophie moderne à la Faculté des lettres. Destitué, en 1820,
par le gouvernement de la Restauration, et privé en 1822,
lors de la suppression de l'Ecole normale, de son titre de
maître de conférences, il se consacra, pendant sept années,
à de grands travaux d'érudition philosophique. En 1828, le
ministère Marti^nac lui rendit sa chaire. C'est à ce moment
que Cousin obtint ses plus brillants succès oratoires, et
qu'il donna, en même temps que Guizot et Villemain, cet
enseignement célèbre, qui exerça une si puissante influence
sur la jeunesse et jeta sur la Sorbonne un si vif éclat.
Après la révolution de 1830, il devint successivement con-
seiller d'Etat, membre du conseil royal de l'instruction pu-
blique, professeur titulaire de la Faculté des lettres, direc-
teur de TEcole normale, pair de France. Il fut même ministre
de l'instruction publique pendant huit mois en 1840. La
révolution de 1848 et le coup d'Etat de 1851 l'obligèrent à
renoncer à la politique et à l'enseignement. Il vécut dès
lors dans la retraite, occupé surtout de travaux littéraires.
Victor Cousin fut un professeur incomparable. Personne
n'a apporté dans l'enseignement public une éloquence plus
ardente et plus persuasive. Nul n'a excité chez un nombreux
auditoire un enthousiasme plus passionné. Considéré comme
philosophe, Cousin a traversé plusieurs pliases, qui se sont,
par sa faute, mêlées dans le souvenir des générations sui-
vantes, et cette confusion a été la cause de bien des juge-
ments injustement sévères portes contre lui. Disciple de
Royer-Collard, il suivit d'abord les traces des philosophes
écossais, et bientôt s'appropria quelques-unes des idées,
alors nouvelles, de Maine de Biran. Mais cette philosophie
timide et terre à terre ne put lui suffire longtemps. Il se
mit à l'école des philosophes allemands, de Schelling et
surtout de Hegel, à qui il fit visite en 1817 et 1824 et
dont il devint l'ami. C'est dans cette période (1817-1828)
qu'il appartint le plus complètement à la philosophie. Il
chercha la vérité avec une généreuse ardeur, sans se laisser
arrêter ni par les préoccupations politiques, ni par les
timidités du sens commun. Ce même homme, à qui on devait
plus tard reprocher les hésitations ou la banalité de ses
doctrines, effraya plus d'une fois ses contemporains par la
hardiesse de sa pensée, en même temps qu'il ne craignait
pas de les déconcerter par les obscurités de son langage.
On a pu dire de lui qu'il apparaissait alors comme une
sorte d'hiérophante, venant d'un monde invisible annoncer
des choses étonnantes. C'est cette partie de sa vie qui a été
13
COUSIN
— 194 —
souvent oubliée depuis. Il n'est que juste cependant de la
rappeler : quoi qu'on doive penser de sa conduite ultérieure,
elle lui fait honneur, et il est certain que si Cousin mérite
d'être compté parmi les philosophes, il le doit aux travaux
accomplis pendant cette période de sa jeunesse. Nous ne
saurions essayer de résumer ici sa doctrine. D'ailleurs ses
amis mêmes avouent que ses idées manquaient de cohésion
et de précision. Sa philosophie est un assemblage assez
confus d'idées empruntées à ses premiers maîtres, à Platon,
dont il a traduit les œuvres, à ScheUing, dont il disait
encore en d833: « Son système est le vrai », à Hegel, sur-
tout, qui a inspiré le plus célèbre de ses cours, celui de
4828. Si l'on voulait détacher de ce groupe les doctrines
que le philosophe a le mieux marquées de son empreinte,
et dont on peut dire qu'elles lui appartiennent en propre,
il faudrait signaler la théorie selon laquelle la conscience
aperçoit directement l'absolu, que lïamilton a vivement
combattue ; la théorie de la raison impersonnelle, par
laquelle il croyait réfuter définitivement la critique de Kant ;
la théorie de la création, qui lui a valu de si vives accusations
de panthéisme ; la théorie des rapports de la philosophie et de
la religion considérées comme deux sœurs immortelles, la pre-
mièrc« élevant doucementla secondedu demi-jourdu symbole
à la pleine lumière de la pensée pure ». Parmi ces théories,
il en est une dont Cousin a emprunté l'idée première à Hegel,
mais qu'il a faite sienne par l'ardeur éloquente avec laquelle
il l'a défendue : c'est la fameuse apologie de la force et
du succès, qu'on lui a si souvent et si justement reprochée.
Si le monde est le développement d'une idée ou d'un prin-
cipe unique, tout ce qui arrive est nécessaire et rationnel :
h succès est le critérium de la vérité et de la justice ; la
force est la mesure du droit : elle est le droit lui-même.
Il fallait, et il a été bon que Démosthène fat vaincu par
Philippe : « Il n'y a eu à Waterloo ni vainqueurs ni vaincus ;
ce qui a triomphé, c'est la civihsation européenne et la
charte. » En fait, la théorie à laquelle Cousin a indissolu-
blement attaché son nom et qui est bien à lui, c'est l'éclec-
tisme.
Il est facile de dire en gros ce qu'est récloctisme : c'est,
comme l'indique le nom, une doctrine qui choisit dans les
divers systèmes la part de vérités qu'ils contiennent, qui
les tempère les unes par les autres, à peu près comme la
charte concilie la monarchie et la démocratie. C'est une
philosophie de concessions réciproques et de juste milieu,
qui, si elle ne substitue pas entièrement l'histoire de la plû-
iosophie à la philosophie, appelle du moins l'une au secours
de l'autre. Mais une telle définition est visiblement insuf-
fisante, et si on cherche à la préciser, on se trouve dans
un grand embarras. Les disciples de Cousin, même les plus
fidèles à la tradition, ne s'entendent pas sur l'interprétation
qu'il faut donner à la doctrine du maître ; si bien que cette
philosophie qui devait tout concilier n'est pas d'accord
avec elle-même. Et il paraît bien, de l'aveu de l'un d'eux,
que la pensée de Cousin lui-même a été incertaine, et
qu'elle a changé au moins trois fois. De 1815 à 1827,
Cousin remarque que les systèmes ne peuvent être ni tous
vrais, car le principe de contradiction s'y oppose, ni tous
faux, car il faudrait désespérer do l'esprit humain, si tant
de doctrines soutenues depuis trois mille ans par tant de
grandes intelligences n'étaient que des erreurs. La vérité
est éparse dans les systèmes : il ne s'agit que de l'y re-
cueillir, et Cousin ne la cherche guère encore que chez les
trois philosophes q[u'il regardecomme ses maîtres. En 1828,
autre interprétation. Les systèmes ne sont pas faux, mais
incomplets ; vrais dans ce qu'ils affirment, ils sont faux
dans ce qu'ils nient. Mais comment distinguer la vérité de
l'erreur ? Là apparaît un principe nouveau : c'est la mé-
thode psychologique qui résoudra la difficulté. « La philo-
sophie est faite, car l'esprit humain est là... Pour posséder
la vérité tout entière, il faut rester au centre, rester dans
la conscience, et analyser la pensée dans ses éléments, dans
tous ses éléments. » L'éclectisme n'est plus une œuvre his-
torique : ce n'est plus l'histoire qui fonde le système, mais
le système éclaire l'histoire. Parmi les disciples de Cousin ,
il en est encore qui s'en tiennent à ce point de vue : d'au-
tres le déclarent insuffisant et se rallient à la troisième
interprétation donnée parle maître dans le cours de 1829.
Il s'agit, cette fois, de la célèbre réduction de tous les svs-
tèmes philosophiques à quatre types : sensualisme, idéalisme,
scepticisme, mysticisme, qui se succèdent et se succéderont
éternellement dans le même ordre, qui forment comme un
rythme invariable, comme une symphonie à quatre parties,
qui, à peine terminée, recommence sur un autre mode.
Mais ici, nouvelle difficulté : est-ce les systèmes mêmes
qu'il s'agit de concilier, malgré leurs contradictions ?
Quelques-uns disent oui, et croient déjà voir se réahser,
par des concessions réciproques, cet accord des parties
opposées. D'autres disent non, et affirment avec énergie
qu'il subsiste entre les systèmes des barrières infranchis-
sables. Ce qu'il faut concilier, ce n'est pas les systèmes
mêmes, mais les tendances de l'esprit qui leur ont donné
naissance : il faut faire droit à chacune d'elles dans une
doctrine plus compréhensive, et ainsi reparaît le point de
vue psychologique, qui l'emporte sur le point de vue histo-
rique. Nous n'ayons pas à discuter ici la valeur de cette
théorie. Il est difficile cependant de ne pas remarquer que
la conclusion s'éloigne singulièrement du point de départ,
et qu'on ne voit pas bien connnent, dans la dernière inter-
prétation, la doctrine justifie son nom d'éclectique. Les
disciples de Cousin ont souvent rapproché du nom de leur
maître ceux de Platon, dePlotin, deLeibnitz. Et il est vrai
que ces philosophes et bien d'autres ont essayé de concilier
les vues souvent opposées de leurs prédécesseurs. Mais ils
tentaient cette conciliation à l'aide d'un principe ou d'une
idée supérieure, qu'ils n'avaient empruntée à personne, qui
était leur point de vue original, et leur permettait de dé-
passer ceux mêmes dont ils s'inspiraient. Et il n'y a rien
de pareil chez Cousin.
Telle est la partie essentielle de l'œuvre philosophique
de Cousin, Encore faut-il ajouter que lui-même ne s'y est
pas strictement tenu. Il a peu à peu modifié sa doctrine,
l'inclinant de plus en plus vers un spiritualisme un peu
timide, qui lui paraissait convenir aux classes moyennes de
son temps. Et ces modifications, Cousin les a faites sans
franchise, supprimant sans le dire, tantôt une phrase,
tantôt une page, tantôt un simple mot, dont la disparition
lui faisait dire tout le contraire de ce qu'il avait primiti-
vement affirmé. Ses disciples reconnaissent qu'il a été
injuste et en quelque sorte ingrat envers lui-même. C'est
que, après 1830, Cousin, devenu membre du conseil royal
de l'instruction publique, entreprit de substituer l'ensei-
gnement de sa propre philosophie à celle du xvni« siècle et
même du moyen âge, qui régnait encore dans certaines
écoles. Bien d^es assertions, risquées un peu témérairement
dans sa jeunesse, l'embarrassèrent une fois qu'il eut assumé
la responsabilité d'un rôle officiel. En même temps il
devait prévenir ou réprimer chez les fonctionnaires placés
sous sa direction les écarts qu'il s'était jadis permis à lui-
même, et comme on l'a dit, au lieu d'être l'apôtre de sa
philosophie, il en devint le magistrat. H faut dire pourtant
que beaucoup des reproches qu'on Itii a adressés sont
exagérés. On a mis à son compte le caractère suranné des
questions et des solutions imposées par les programmes.
Mais M. Paul Janet, dans le beau livre qu'il lui a con-
sacré, a victorieusement établi que les programmes pré-
parés par Cousin étaient animés d'un esprit vraiment libéral,
et marquaient un notable progrès. C'est lui qui a affranchi
et laïcisé la philosophie, et, chose curiense, qui montre
bien la différence des temps, il eut contre lui tout le clergé
pour avoir introduit la théodicée dans l'enseignement. On
l'a accusé aussi d'avoir gouverné le personnel enseignant
avec dureté, de lui avoir imposé ses propres idées, et de
l'avoir trop souvent sacrifié aux exigences du clergé. Là
encore il faut concéder à ses défenseurs qu'il n'a pas mé-
rité toutes les accusations portées contre lui. Il a su faire
une distinction entre l'enseignement des collèges, soumis
à certaines exigences, et celui des facultés, oîi il y a plus
de place pour la liberté. Il n'a pas opprimé les consciences,
et, si on ne peut contester qu'il ait souvent montré un esprit
trop autoritaire, il faut reconnaître aussi qu'en maintes
occasions il a défendu les professeurs de philosophie avec
une louable fermeté. Enfin il serait injuste d'oublier le
courage et l'indomptable énergie qu'il apporta en 4844 dans
la défense de l'Université contre le parti catholique, et
même contre une notable fraction du parti libéral. Les
beaux discours qu'il prononça à cette époque ont été
réunis sous le titre : Dé fense de V Université et de la phi-
losophie (Paris, 4844 et 4845).
A la fin de sa vie, Cousin tourna toute son activité du
côté des lettres. C'est alors qu'il publia ces livres d'un si
beau style et d'un si grand intérêt historique : la Jeu-
nesse de M^^ de Longueville (48o3); la Marquise de
Sablé (4854) ; la Duchesse de Chevreuse et M''^^ de Hau-
tefort (4856); la Société française au xvii® siècle,
d'après le Grand Cyrus (4856); ill^^ de Longueville
pendant la Fronde (4853); la Jeunesse de Mazarin
(4865). Parmi ses ouvrages philosophiques, le plus connu
est le livre intitulé : Du Vrai, du Beau et du Bien (4854),
résumé très modifié de son cours de 4848, souvent réim-
primé. Citons encore le Cours d'histoire de la philosophie
(Paris, 4827, 2 vol.) ; Cours d'histoire de la philosophie
moderne (4844); Cours d'histoire de la philosophie
morale au xviii^ siècle (4840-44, 5 vol.); Fragments
philosophiques (4826, 4 vol., et 4838, 2 vol.) ; Leçons
de philosophie sur Kant (4842); Histoire générale de
la philosophie (4864), etc. Il faut faire une place à part à
ses grands ouvrages historiques, qui qnt exercé une si
heureuse influence et donné une si vive impulsion aux travaux
ultérieurs : l'édition de Proclus, 6 vol. ; la traduction des
Œuvres complètes de Platon (1825-4840, 44 vol.) ;
l'édition des OEuvres de Descartes (4826, 44 vol.); la
traduction du Manuel de Vhistoire de la philosophie de
Tennemann (4829, 2 vol.) ; l'édition des Pensées de Pascal
(4842) ; les ouvrages inédits d'Abélard (4836) et Pétri
Âbelardi opéra (4859, 2 vol.). Victor Brochârd.
BiBL. : Un certain nombre d'ouvrages ont été consacrés
à Victor Cousin : signalons surtout le livre de M. Paul
Janet, Victor Cousin et son œuvre; Paris, 1885; les ar-
ticles de M. Ad. Franck, dans le Diction, des se. philos.
(^« édit.), dans Moralistes et Philosophes, 1873, et Nouv.
Essais de critique philos. ^ 1890. Enfin on lira avec plaisir
et profit le charmant volume que M. Jules Simon a con-
sacré au maître gu'il a tant aimé, Victor Cousin, 1887.
COUSIN (Louis), antiquaire français, né à Boulogne en
4802, mort à Wormhout en 4872. Avocat, il a publié
différentes études d'archéologie, principalement dans les
Mémoires de la Société dunkerquoise. Nous citerons :
Trois Voies romaines du Boulonnais ; Fouilles archéo-
logiques de Cassel et de Wissant; Notices sur les
antiquités celtiques ou gallo-romaines du nord de la
France; Eclaircissement sur l'emplacement de Quen-
tovic ; Etude sur les chemins suivis en 944 dans un
voyage de Boulogne-sur-Mer à Gand.
COUSIN (Charles-Marie- Gabriel), collectionneur et écri-
vain français contemporain, né à A vallon (Yonne) le 4 5 avr.
4822. Fils d'un ingénieur des ponts et chaussées, il fit ses
études au lycée Louis- le-Grand, fut ensuite répétiteur de
rhétorique, puis secrétaire intime du prince de Capoue (frère
du roi de Naples); enfin il entra (4846) au service de la
compagnie des chemins de fer du Nord, devint inspecteur et
principal délégué en 486T et secrétaire de l'exploitation en
déc. 4890. Pendant la guerre 4870-74, il a commandé un
Bataillon de 2,400 hommes formé par ses soins avec le
personnel de la compagnie. Il a joué un grand rôle dans la
franc-maçonnerie et a été, de 4883 à 4885, grand maître
de l'Orient de France. Il publia en 4872 d'intéressants
Souvenirs sur Baudelaire, son ancien condisciple. L'un
des fondateurs (4874) et premier vice-président de la So-
ciété des Amis des livres, qui édite de beaux volumes illus-
trés ; possesseur d'une magnifique collection de livres et
d'objets d'art, il en a tiré la matière de deux publications
- 495 — cousm
de grand luxe et d'une singulière originalité : Voyage dans
un grenier (4878, in-4) et les Racontars illustrés d'un
vieux collectionneur (4888, in~4), où l'on trouve de
nombreuses révélations sur des points de l'histoire contem-
poraine littéraire, sociale et politique. G. P-r.
COUSIN d'Avâllon (Charles-Yves Cousin, dit), littéra-,
teur français, né à Avallon en 4769, mort à Paris vers
4840. Polygraphe infatigable, il a mis au jour sous son
nom, sous ses initiales ou sous divers pseudonymes, une
centaine de compilations de toute nature, depuis des recueils
d'anecdotes et de calembours jusqu'à un Dictionnaire pit-
toresque donnant une nouvelle définition des mots,
des aperçus philosophiques et critiques formant un
cadre de pensées neuves et saillantes (4835, in-4 2). 11
s'était fait surtout une véritable spécialité de sa rédaction
des anas (V. ce mot), dont la collection s'accroissait au
fur et à mesure que mourait un personnage célèbre ou que
paraissait un livre signé d'un nom fameux. On trouvera
dans les bibhogTaphies générales la liste à peu près com-
plète de ces petits livres dont l'énumération serait ici fasti-
dieuse. M. Tx.
COUSIN- MoNTAUBAN (Charles-Guilkume-Marie-Apolli-
n aire- Antoine), comte de Palikao, g^énéral français, né à
Paris le 24 juin 4796, mort k Versailles le 8 janv. 4878.
Entré de bonne heure dans l'armée, il gravit lentement les
degrés de la hiérarchie militaire. C'est en Afrique, où il
passa près de trente années, qu'il conquit presque tous ses
grades. Chef d'escadron de spahis le 4 sept. 4836, colonel de
chasseurs le 2 août 4845, il devint général de brigade le
24 sept. 4854, général de division le 28 déc. 4855 et fut
appelé quelque temps après de Constantine à Limoges, où
il commanda la 24^ division militaire. L'attention publique
se porta sur lui principalement à partir de 4 860, époque où
il fut mis à la tête du corps expéditionnaire que le gouver-
nement français envoyait en Chine (d'accord avec le gou-
vernement anglais qui, lui aussi, y expédiait des troupes
pour venger la violation du traité deTien-tsin). Ayant dé-
barqué à' l'embouchure du Peï-ho, il prit le commandement
supérieur des forces alliées, emporta les forts de Takou
(20 août), marcha contre l'armée du Céleste-Empire, que
dirigeait Sang-ko-lin-sin , la mit en complète déroule,
malgré son énorme supériorité numérique, à Pa-li-kao
(24 sept.), entra dans Pékin avec ses troupes victorieuses
(42 oct.) et réduisit le gouvernement chinois à signer une
paix onéreuse (25 oct.). Ces succès foudroyants et qui
tenaient presque du merveilleux avaient malheureusement
été souillés par le scandaleux pillage du Palais d'Eté,
commencé par les Anglais. Napoléon lïl récompensa lar-
gement Cousin-Montauban de ses derniers services. Il le
nomma sénateur (4 mars 4864) et, après son retour en
France (juil. 4864), lui conféra le titre de comte de Pa-
likao (22 janv. 4862). 11 voulut même, à cette dernière
époque, lui faire voter une dotation par le Corps législatif.
Mais cette assemblée en accueillit la proposition avec une
lEroideur tellement significative qu'il dut la retirer. Il trouva
pourtant, grâce à cette faculté des virements qui lui per-
mettait de disposer à son gré des fonds de l'Etat, le
moyen de satisfaire son caprice. On a découvert, en effet,
après la chute de l'Empire, qu'une somme de 589,500 fr.
avait été prise sur l'indemnité de guerre imposée à la
Chine et attribuée au nouveau comte de PaHkao par ordre
de l'empereur.
Cousin-Montauban fut appelé, le 4 juin 4865, au com-
mandement du 4*^ corps d'armée, à Lyon. Il l'exerçait encore
quand s'ouvrirent, en juil. 4870, les hostilités entre la
France et la Prusse. Il demandait à servir devant l'ennemi.
L'impératrice, qui ne l'aimait pas, l'empêcha d'obtenir cet
honneur. Mais, après les désastres de Reichshoffen et de
Forbach, elle dut le mander en toute hâte à Paris et le
chargea de constituer un nouveau ministère qui avait
principalement pour tâche de pourvoir à la défense du pays
(9 août) . Le comte de Palikao prit naturellement pour lui
le département de la guerre. On ne saurait méconnaître
COUSIN — COUSINOT
d96 —
l'activité dont il fit preuve pendant son court passage aux
affaires. En quelques semaines l'armée de Mac-Mahon fut
reconstituée à Chàlons, portée à i 40,000 hommes; trois
nouveaux corps d'armée furent organisés ; le général Trochu
fut investi du gouvernement militaire de Paris, et des tra-
vaux importants furent commencés pour la défense de cette
ville, que des approvisionnements considérables mirent en
état de soutenir une longue résistance. Cousin-Montauban
fut le principal auteur du plan stratégique en vertu duquel
l'armée de Châlons, au lieu de se rabattre sur Paris, dut,
vers la fin d'août, se diriger vers le nord, pour se tourner
ensuite vers Metz et opérer sa jonction avec l'armée du
maréchal Bazaine. De l'aveu des hommes compétents, ce
programme était exécutable, mais à la condition d'être
suivi à la lettre et surtout d'être accompli sur-le-champ
et avec une grande rapidité. L'empereur, par les modifi-
cations qu'il y introduisit, et le maréchal de Mac-Mahon,
par son indécision et ses lenteurs, firent tout manquer.
La marche projetée aboutit au désastre de Sedan (1®^ et
2 sept.). La nouvelle de cette catastrophe fut sue à Paris
dans la soirée du 3 sept, et y causa une effervescence
qui présageait une révolution prochaine. La majorité
impérialiste offrit la dictature à Palikao. Il recula devant
une si grande responsabilité et se contenta d'appuyer
la proposition de Thiers qui demandait la création d'un
conseil de gouvernement et de défense nationale. Mais
avant qu'il eût été délibéré sur ce projet, le Palais Bourbon
fut envahi par le peuple. Le ministre s'enfuit, non sans
peine, et se retira en Belgique, à Namur, où il apprit que
son fils, dont on lui avait annoncé la mort, était encore
vivant. De là, il offrit à deux reprises (20 sept., 8 oct.),
mais sans succès, ses services au gouvernement de la
Défense nationale. Après l'armistice, il vint se mettre à la
disposition de Thiers devenu chef du pouvoir exécutif (févr.
4871). Il fit un peu plus tard une déposition importante
devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale
(juil.), publia, en déc, pour la défense de son administra-
tion, le livre intitulé Un Ministère de la guerre de
vingt-quatre jours (Paris, gr. in-8), déposa comme té-
moin dans le procès du général Trochu contre le Figaro
(mars-avr. 1872) et passa ses dernières années dans le
silence et la retraite. A. Debidour.
BiBL. : Annuaire des Deux Mondes, 1860, 1861. — Mu-
TRÉCY, Journal de la campagne de Chine (1859-1861). —
Fallu, Relation de l'expédition de Chine en 1860. — Va-
RiN, l'Expédition de Chine. — Wolsley, Narrative of
the war with China in 1860., etc. — Campagne de 1810 jus-
qu'au i»'" septembre par un officier de l'armée du Rhin.
— Campagne 1810., histoire de V armée de Châlons par un
volontaire de l'armée du Rhin. — T. Delord, Histoire du
second Empire. — Journal officiel^ 1870.
COUSIN EAU (Pierre-Joseph), harpiste et facteur de
harpes français, né à Paris vers 1753, mort en 1 824. Il fut
harpiste à l'orchestre de l'Opéra de 1788 à 1812, et publia
pour son instrument une méthode, sept sonates, deux
concertos et divers morceaux. Etabli comme luthier à Paris,
il inventa en 1782 la harpe à double rang de pédales,
dont le système fut adopté plus tard par Dizi et par Erard.
En 1799, il prit conjointement avec Rouelle un brevet pour
un mécanisme de tension des cordes; en 1803, il prit un
autre brevet, pour une mécanique de harpe à plans inch-
nés et à renforcement acoustique. A l'exposition des pro-
duits de l'industrie, qui fut ouverte en 1806, il exposa
de nouvelles harpes à chevilles. Cousineau s'associa vers
la même époque son fils, auquel il laissa son industrie en
1823. ^ M. Brenet.
COUSINÉRY (Esprit-Marie), numismatiste français, né
à Marseille le 8 juin 1747, mort à Paris le 17 janv. 1833.
Il entra de bonne heure dans la carrière des consulats, fut
nommé en 1771 chancelier du consulat de France à Trieste
et en 1773 chancelier à Salonique. En 1779, il fut vice-
consul à Smyrne, en 1784 consul à Rosette et enfin en 1786
consul à Salonique, fonctions qu'il remplit jusqu'en 1793.
Ses rapports avec les émigrés le firent destituer ; il ne fut
rayé de la liste des émigrés qu'en 1803 et il ne fut réin-
tégré dans les fonctions de consul à Salonique qu'en 1814.
Durant son long séjour en Orient, Cousinéry s'adonna à
l'étude de la numismatique ancienne, et il réunit une collec-
tion de monnaies grecques qui ne tarda pas à devenir cé-
lèbre et qu'on trouve citée dans les principaux ouvrages
relatifs à la numismatique. Les principaux travaux de Cou-
sinéry, qui lui valurent d'entrer à l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres, sont les suivants : Lettre de l'abbé
San Clémente au sujet d'une médaille de Magnésie du
Sipyle (Paris, 1808, in-8); Lettres à M, Rostan sur
l'inscription de Rosette (Paris, 1808, in-8); Mémoire
sur un petit monument de bronze trouvé à Pergame
(in-8); Catalogue raisonné des monnaies des princes
croisés {in-S); Essai sur les monnaies d'argent de la ligue
achéenne (Paris, 1825, in-4); Voyage dans la Macédoine
(Paris, 1831, in-4). Une grande partie des monnaies de la
collection de Cousinéry ont été acquises par le cabinet des
médailles de la Bibliothèque nationale.
COUSINÉRY (Barthélémy-Edouard), ingénieur français,
né à Marseille le 29 oct. 1790, mort en 1851. Entré à
l'Ecole polytechnique en 1808 et à l'Ecole des ponts et
chaussées en 1810, il a été, avec Méry et Poncelet, l'un
des promoteurs de l'emploi du calcul graphique dont les
applications, s'étant développées et étendues aux problèmes
nouveaux de la résistance des matériaux, constituent ce
que Ton appelle aujourd'hui la statique graphique. Ses
principaux ouvrages sont : Géométrie perspective ou
principes de projection polaire appliqués à la des-
cription des corps (1828) ; le Calcul par le traita ses
éléments et ses applications à la mesure des lignes, des
surfaces et des cubes, à l'interpolation graphique et à la
détermination de l'épaisseur des murs de soutènement et
des murs de culées des voûtes (1839); Géométrie de
précision^ comprenant la géométrie du compas et les
tables des cordes circulaires (1851). Ces ouvrages ont
vieilU. Il n'en est pas de même du Recueil de tables à
l'usage des ingénieurs publié par Cousinéry en collabo-
ration avec Genieys et qui, s'il ne figure plus dans les
bibliothèques des ingénieurs, n'en est pas moins la source
où puisent la plupart des auteurs d'aide-mémoire, ou
d'ouvrages analogues.
COUSINOT. Famille de magistrats français établis à
Paris au xv^ siècle; les plus connus sont : Guillaume 1^^
mort en 1412, conseiller au parlement; Guillaume îî
(V. ci-dessous) et Jacques J^^ (J 585-1 645), professeur
au Collège de France, médecin de Louis XIII et du dau-
phin qui devint Louis XIV.
COUSINOT (Guillaume II), sieur de Montreuil-sous-
Bois, homme d'Etat et diplomate français, né en 1400,
mort en 1484. Conseiller, puis premier président au conseil
delphinal, il semble être venu à la cour dans la première
partie du règne de Charles VIL Maître des requêtes de
l'hôtel, puis chambellan du roi, il remplit diverses mis-
sions à l'intérieur de 1438 à 1444 et fut chargé de négo-
ciations avec l'Angleterre de -1444 à 1449. Il prit ensuite
part à la guerre de Normandie, assista au siège de Rouen,
où il fut fait chevalier, et resta dans la ville comme bailli
après son occupation. Il fut dès lors un des conseillers les
plus écoutés de Charles VII. Ce fut lui qui arrêta le duc
d'Alençon en 1456. Il participa à l'expédition de Sandwich,
sous Pierre de Brézé en 1457, et fut envoyé comme am-
bassadeur au congrès de Mantoue en 1459. La réaction
qui suivit Favènemcnt de Louis XI le fit emprisonner, mais
il rentra vite en grâce auprès de ce prince qui, dès 1463,
le nomma son chambellan. Guillaume Cousinot lui resta
fidèle pendant la ligue du Bien public et contribua à re-
pousser les Bourguignons de Paris (1465). Aux Etats
généraux de Tours (1468), il porta la parole au nom du
prince en faveur de l'inaliénabilité delà Normandie. Enfin,
en \ 469, il alla comme ambassadeur à Rome pour demander
au pape d'envoyer des vicaires apostoliques en France afin
d'instruire le procès du cardinal La Balue. Louis XI le
récompensa dignement de ses services ; il le fit capitaine
— d97
COUSINOT — COUSSER
de Cabrières en Languedoc, châtelain de Lates-lès-Mont-
pellier, capitaine de Saiixe, près Perpignan, gouverneur de
Montpellier et de la baronnie d*Omellas. Guillaume Cou-
sinot continua à faire partie des conseils du royauîne sous
Charles VIII. Il était l'auteur d'une chronique qui est
perdue, mais dont M. Vallet de Viriville voit un débris
dans la chronique de la Pucelle, publiée par Godefroy dans
son Recueil des historiens de Charles VIL Louis Farges.
BiBL. : Vallet de Viriville, Hist. de Charles VIL —
De Beaugourt, Hist. de Charles VIL — Jacques II Cou-
siNOT, Abrégé de la vie et actions plus mémorables de
messire Guillaume Cousinot^ s, 1. n. d., in-4.
COUSINS (Samuel), graveur anglais, né à Exeter en
i80i, mort à Londres en 1887. Il était élève de sir W.
Reynolds, fut reçu membre de l'Académie royale en 4835 ;
membre de l'école de gravure en 1854; professeur en titre
de gravure à l'Académie royale en 1855. Il a gravé les
portraits du comte d'Aberdeen, d'après Lawrence; de la
reine Victoria, de lady Dover et de son fils Henry Agar
Ellis ; la Dîme d'après Edw. Landseer ; la Fille de Sara-
gosse, d'après D. Wilkie (1837), etc.
COUSINS (Henry), graveur anglais contemporain, tra-
vaillant à Londres. Il a gravé à î'aqua-tinta ou en ma-
nière noire la Sieste, d'après Winterhalter ; le portrait du
Duc de Cambridge, d'après Lucas ; le portrait de Lady
Cust, d'après Middieton; Vittoria d'Albano, d'après
H. Vernet etc.
COUSO-BRODEUR (V. Broderie, t. VIII, p. 99).
COUSOLRE. Corn, du dép. du Nord, arr. d'Avesnes,
cant. de Solre-le-Château, sur la Thure; 3,203 hab. Forges,
fonderie, platinerie; scieries de marbre. Ce village très
ancien aurait été donné en 668 par sainte Aldegonde à
l'abbaye de Maubeuge. La ferme de la Court passe pour
être construite sur l'emplacement d'un château, et un ancien
caveau qui s'y trouve est regardé comme l'oratoire de
sainte Aldegonde. Eglise du xvi® siècle.
COUSSA. Com. du dép. de l'Ariège, arr. de Pamiers,
cant. de Varilhes; 246 hab.
COUSSAC-BoNNEVAL. Com. du dép. de la Haute- Vienne,
arr. et cant. de Saint-Yrieix, traversée par la Boucheuse;
3,597 hab. Forges importantes; féculerie. La fabrique de
porcelaine est aujourd'hui abandonnée. — Le fief de Bonneval
était regardé au xvi® siècle comme l'une des quatre grandes
châtellenies du Limousin avec Pompadour, Ventadour et
Châteauneuf-la-Forêt (V. ce nom). Parmi les membres
delà famille de Bonneval, on connaît surtout Alexandre,
dit Bonne val-pacha (V. ce nom), né audit château en
4672, et Germain de Bonneval qui s'illustra dans les pre-
mières guerres d'Italie. Le château de Coussac-Bonneval,
situé en lieu élevé, est le plus remarquable du dép. de la
Haute- Vienne. Dans son état actuel, il présente quatre
façades de styles difiérents (xv®-xvi® siècle), que réunissent
quatre grosses tours à mâchicouhs. La chapelle date de
1480. Dans le cimetière s'élève un fanal ou lanterne des
morts (xv® siècle) comme on en connaît plusieurs en Limousin.
Sur le territoire de la com. de Coussac-Bonneval se voient
encore : un tumulus dont la date est incertaine ; à Bré, les
ruines d'un ancien château qui fut assiégé par le vicomte
de Limoges en 4242; à Chaufailles, une jolie chapelle
moderne, consacrée en 4854.
COUSSAN. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr. de
Tarbes, cant. de Pouyastruc; 465 hab.
COUSSA Y. Com. du dép. de la Vienne, arr. deLoudun,
cant. de Monts; 647 hab.
COUSSAY-LES-Bois.Com. du dép. de la Vienne, arr. de
Châtellerault, cant. de Pleumartin, sur un affluent de la
Creuse; 4,420 hab. Pierres meulières. Eglise romane;
deux coupoles contigues forment la couverture de la nef.
Chapelle gothique au château de la Vervolière.
C0USSE6REY. Com. du dép. de l'Aube, arr. de Bar-
sur-Seine, cant. de Chaource; 425 hab.
COUSSEMAKER (Charles-Edmond-Henri de), écrivain
musical français et historien de la musique, né à Bailleul
(Nord) le 49 avr. 4805, mort à Bourbourg (Nord) le
42janv. 4876. Issu d'une famille noble dont les membres
avaient occupé nombre de postes importants dans la ma-
gistrature de province , il fut destiné par ses parents à
la même carrière, mais ses aptitudes musicales se manifes-
tèrent de si bonne heure qu'à l'âge de dix ans il jouait à
première vue sur le piano tous les morceaux qu'on lui
présentait. En 4825, il vint à Paris, où il travailla l'har-
monie avec Reicha et Payer, le chant avec Pellegrini, le
contrepoint avec Lefebvre. Il fut successivement avoué à
Douai, juge de paix à Bergues, juge aux tribunaux de
Hazebrouck, de Dunkerque, de Lille, et, dans ces divers
postes, il continua ses recherches historiques sur la mu-
sique. Les premiers écrits de Fétis eurent sur lui une assez
grande influence et l'encouragèrent à pousser plus avant
ses travaux. Les ouvrages de M. de Coussemaker sont les
suivants : Mémoires sur Hucbald et sur ses traités de
musique,,, (Paris, 4844, in-4); Notices sur les collec-
tions musicales de la bibliothèque de Cambrai et des
autres villes du dép. du Nord (4843, in-8); Essai sur
les instruments de musique au moyen âge (extrait des
Annales archéologiques); Histoire de V harmonie au
moyen âge (1852, gr. in-4); Chants populaires des
Flamands de France, recueillis et publiés avec les mé-
lodies originales,., (Gand, 4856, gr. in-8), collection
très consciencieuse et très intéressante ; quelques notices
tirées à part : VEarmonie au moyen âge (extrait des
Annales archéologiques) ou étude sur le morceau Orien-
tis partibus à trois parties ; Chants liturgiques de Tho-
mas a Kempis (extrait du Messager des sciences histo-
riques de la Belgique) ; Notice sur un manuscrit
musical de la bibliothèque de Saint-Dié; Drames litur-
giques du moyen âge (Paris, 4860, in-4); l'Art harmo-
nique aux XII® et XIII® siècles (Lille, 4865, in-4), ouvrage
d'une grande valeur ; Scriptores de musica medii œvi
nova séries a Gerbertina altéra (Lille, 4866-76, 4 vol.
in-8), livre magistral, qui corrige, complète et continue
la publication des écrivains musicaux ecclésiastiques entre-
prise par l'abbé Gerbert au xviii® siècle ; Œuvres com-
plètes du trouvère Adam de la Halle (poésie et musique ;
Paris, 4872, in-4). Au moment de sa mort, M. de Cousse-
maker préparait un Art harmonique au xiv® siècle. Comme
musicien, il a écrit deux messes à quatre voix et orchestre,
des fragments d'opéras, dos airs séparés, un 0 Salutaris,
une messe pour quatre voix d'hommes sans accompagne-
ment, un Ave Maria, un Salve Regina, des ouver-
tures, etc., et des romances qui, avec deux recueils de
mélodies, sont les seules compositions de lui que l'on ait
publiées. Au point de vue de l'originalité et de l'importance
de son œuvre, M. de Coussemaker occupe dans l'histoire de
la littérature musicale une place presque égale à celle de
Fétis. S'il n'a pas toute l'érudition, toute l'ingéniosité et la
facihté de travail de son ennemi, il lui est parfois supérieur
par sa patience dans les recherches, et ne montre point
cette extrême partialité et cet orgueil naïf qui nuisent sou-
vent aux ouvrages de l'écrivain belge. Les erreurs assez
fréquentes, dont quelques-unes graves, qui se trouvent
dans les ouvrages de Coussemaker, n'en détruisent ni la
considérable valeur ni la grande utilité. Il n'était pas sans
doute assez bon paléographe pour accomplir avec la cri-
tique nécessaire la tâche qu'il s'était imposée, mais cer-
tains de ses travaux demeurent, malgré leurs imperfections,
des monuments déjà classiques au point de vue de l'his-
toire musicale. A. Ernst.
COUSSER ou KUSSER (Jean-Sigismond), compositeur
dramatique hongrois, fils d'un organiste, né à Presbourg
(Hongrie) en 4657, mort à Dublin en 4727. Sa vie fut très
aventureuse; incapable de se fixer nulle part, il la passa en
voyages,tant en Allemagne qu'en France, Italie et Angleterre.
Il commença par être attaché à plusieurs chapelles seigneu-
riales en Hongrie, comme compositeur et instrumentiste;
puis il vint à Paris travailler avec Lulli et y demeura six
ans. Il gagna alors l'Allemagne, fut maître de chapelle à
Stuttgart et à WollfenbiitteL A Hambourg, il fut très appré-
COUSSER — COUSSINET — 198
cié pendant quatre ans (4693-97) comme compositeur et
chef d'orchestre. li fit par la suite deux voyages en Italie,
et se rendit en Angleterre, à Londres et à Dublin, où il se
fixa enfin comme maître de chapelle de la cathédrale. Il
pubHa : Apollon enjoué^ contenant six ouvertures de
théâtre accompagnées de plusieurs airs (Nuremberg,
1700); Heliconische Musen-Lust ans der oper Âriad-
nean (Nuremberg, 1700) ; Ode, Long hâve I fear'd that
you^ my sable muse (sur la mort de la célèbre Mrs.
Arabella Hunt [Londres]); A Sérénade to be repre-
sented on George J, at the Castle of Dublin the 28 of
may ilM (Dublin, 1724). Les opéras qu'il fit repré-
senter à Hambourg sont : Erindo (1693) ; Porus (1694) ;
Scipion r Africain (1695), et Jaso7i (1697). Ch. Bordes.
COUSSERGUES. Com. du dép. de l'Aveyron, arr. de
Millau, cant. de Laissac; 485 hab.
GOUSSET (Camille), homme politique français, né à
Chambon (Creuse) le 16 janv. 1833. Avocat à Chambéry,
il fut nommé procureur de la République à Saint~Jean-de-
Maurienne le 4 sept. 1870. Révoqué en 1871, il reprit sa
place au barreau de Chambéry et y tonda la Savoie répu-
blicaine. Il s'établit ensuite à Limoges où il plaida d'im-
portants procès de presse qui attirèrent sur lui l'attention
publique. Après s'être présenté sans succès aux élections
législatives du 21 août 1881 dans l'arr. de Boussac, il fut
élu député de la Creuse, avec un programme radical, le
18 oct. 1885, et réélu par l'arr. de Boussac en 1889.
Membre de l'extrême gauche, il a fait partie de plusieurs
commissions importantes et a rapporté la loi sur la
diffamation par cartes postales. Il fut l'un des adversaires
les plus décidés du boulangisme.
COUSSEY {Coxeium). Ch.-L de cant. du dép. des
Vosges, arr. de Neufchâteau, sur la Meuse et le chemin
de fer de Nancy à Chaumont ; 847 hab. Tuilerie ; com-
merce de bestiaux ; deux foires annuelles. Eglise dont
l'abside et Je transept datent du xvi® siècle, tandis que la
nef et la tour, en style roman, remontent au xii®, peut-être
au XI® siècle ; fontaine avec une statuette de Jeanne d'Arc.
Anciennement chef-lieu d'une baronnie, puis d'un comté,
pendant longtemps apanage d'un cadet de la maison de
Lorraine, Coussey faisait partie, depuis 1594, du bailliage
de Nancy et à partir de 1710 de celui de Neufchâteau.
BiBL. : Léon Louis, le Département des Vosges, t. VL
^- Chapellier, Notice sur l'église de Coussey, dans
Annales de la Société d'émulation du département des
Vosges ; Epinal, 1886.
COUSSIN. Le coussin est l'une des pièces les plus
usuelles du mobilier et il sert aux emplois les plus divers.
Les bas-reliefs et les peintures des vases antiques montrent
les lits et les sièges couverts de coussins sur lesquels
s'appuyent les personnages. Ils étaient alors indispensables
pour atténuer la dureté d'un mobihor de métal ou entaillé
dans le bois. Les coussins affectaient souvent la forme
d'oreillers et ils étaient placés sur les lits de pierre sem-
blables à ceux que l'on retrouve dans les salles à manger
de Pompéi. Les sénateurs et les consuls romains sont repré-
sentés assis sur des chaises curules garnies de coussins
oblongs recouverts de riches étoffes. L'ameublement du
moyen âge nécessitait l'emploi d'un nombre considérable
de coussins que l'on plaçait sur les coffres et sur les bancs
pour les rendre plus confortables. Le coussin se confondait
alors avec le carreau (coussin carré), qui servait de siège
aux dames accompagnant les princesses, ou que l'on dis-
posait dans les églises devant les fauteuils des souverains.
Les coussins étaient rembourrés de crin, de laine ou de
plume. Ils sont encore le meuble le plus répandu dans les
contrées orientales, qui ne connaissent pas nos sièges et nos
lits de bois et les remplacent par des coussins superposés.
L'adoption des fauteuils et des canapés rembourrés, qui date
du xvii^ siècle, restreignit l'emploi des coussins. Ils tendirent
alors à n'être plus que des raffinements du bien-être. Il y
avait cependant au xviii® siècle, des canapés et des ber-
gères qui étaient garnis de coussins mobiles remplis de
duvet et épousant les contours du siège qu'ils remplissaient.
Les appartements modernes sont décorés de nombreux
coussins, les uns placés sur les sofas et les canapés, les
autres servant de tabourets de pied. Leurs formes sont
aussi variées que leurs recouvrements et l'on emploie indif-
féremment pour leur confection des étoffes semblables à
celles de l'ameublement de la pièce où ils figurent, des
tapisseries ou des broderies et même des étoffes anciennes
qui leur donnent un cachet particulier d'élégance.
BiBL. : VioLLET-LE-Duc, Dtctiounaire du mobilier, —
H, Havard, Dictionnaire de l'ameublement.
COUSSINET. I. Architecture. — Petits coussins déco-
rés de moulures, dç feuilles et de bandelettes, ayant la
forme d'un balustre et qui terminaient le dessus des lits et
des urnes funéraires que les anciens plaçaient dans les
temples. On appelle aussi coussinet, oreiller ou balustre
ionique, les parties de côté reliant, dans le chapiteau co-
nique, les volutes qui décorent les faces principales : aussi
les chapiteaux qui offrent des volutes sur leurs quatre
faces sont-ils privés de coussinets (V. Chapiteau).
IL Gravure. -— Petit coussin de cuir rembourré ayant
généralement la forme d'un disque ou d'une couronne;
les graveurs, surtout les ouvriers graveurs, placent en
travaillant un coussinet devant eux pour appuyer leur poi-
trine ; ils se servent également d'un coussinet ou d'une
pile de coussinets pour donner à l'objet qu'ils doivent gra-
ver un point d'appui aussi élevé qu'il leur convient.
IIL Mécanique. — On nomme coussinet, dans les ma-
chines et transmissions de toute espèce, une pièce mé-
tallique qui embrasse sur une partie de sa circonférence
un arbre tournant ou un tourillon et lui sert à la fois
de support et de guide. Ordinairement, deux coussinets,
réunis entre eux suivant un plan diamétral, forment une
enveloppe complète au tourillon. Les deux coussinets sont
encastrés dans un palier (V. ce mot) fermé par un cha-
peau avec boulons de serrage. Chacun d'eux présente deux
rebords parallèles appelés joues qui eux-mêmes embrassent
le palier et empêchent le ghssement longitudinal.
Les coussinets étant destinés à supporter des efforts de
frottement, sont, faits ordinairement en bronze. Dans un
grand nombre de cas on a reconnu avantageux d'en garnir
la surface interne d'un métal plus tendre (métal blanc, ou
antifriction ; alliage en proportions variables d'antimoine,
d'étain, de plomb, et parfois de cuivre). La surface frot-
tante est lubrifiée au moyen d'huile, parfois de graisse
solide, ordinairement fournie par un réservoir supérieur
et distribué par des pattes d'araignée, sortes de canaux en
croix ménagés à la partie interne du coussinet. Les cous-
sinets doivent être ajustés sur leurs portées avec un jeu
très faible : l'absence complète de jeu déterminerait un
frottement nuisible (qui d'ailleurs disparaîtrait à la longue
par l'usure). Un jeu trop grand permettrait le déplacement
relatif de l'arbre ou de l'axe par rapport au coussinet, et
par suite il se produirait des chocs. Quelques soins qu'on
apporte au graissage, les coussinets subissent toujours une
usure plus ou moins rapide sur la partie de leur circon-
férence où s'exerce pendant la marche le maximum d'ef-
fort, par suite ils s'ovalisent. En prévision de cette cir-
constance les coussinets neufs sont souvent ajustés avec
des cales interposées, qu'on enlève au fur et à mesure de
l'ovalisation : on arrive au même résultat en faisant usage
de coussinets ajustés à bloc, dont on lime, quand cela est
devenu nécessaire, la surface de contact.
Dans les voitures et wagons de chemin de fer, le cous-
sinet est la pièce par l'intermédiaire de laquelle la caisse et
le châssis reposent sur les fusées des essieux. Comme l'ef-
fort s'exerce toujours dans une direction à peu près ver-
ticale et de haut en bas, il suffit ici d'un coussinet supé-
rieur ; la partie inférieure de la fusée peut rester libre.
Le coussinet n'embrasse pas même la demi-circonférence
supérieure dans son entier: il laisse de part et d'autre un
certain évasement nommé dépouille, et la surface d'appui
n'est guère que le tiers du pourtour de la fusée. Le grais-
sage se fait parfois au moyen d'un trou supérieur qui
- 199 —
COUSSINET - COUSTOU
donne passage à de l'huile ou à de la graisse, plus souvent
au moyen d'huile placée dans un godet inférieur et que de
forts tampons en coton pressés par des ressorts amènent
par aspiration à la partie inférieure de la fusée (V. Wa-
gon). E. Desdouits.
IV. Chemin de fer (V. Chemin de fer).
V. Artillerie. — Coussinet de culasse, de volée.
Supports fixés à l'affût de certaines bouches à feu de siège
et destinés à supporter respectivement la culasse et la
volée de la pièce placée à la position de route.
Coussinet de pointage. Partie antérieure d'uu affût
de mortier lisse, sur laquelle se place le coin de mire pour
Je pointage en hauteur. Dans certains affûts de côte, le
coussinet de pointage est un bloc de bois placé à l'arrière
et dans lequel est engagé l'écrou de la vis de pointage.
COUSSO (V. Kousso).
COU ST. Com. du dép. du Cher, arr. de Saint-Amand-
Mont-Rond, cant. de Charenton; 725 hab.
COUSTAIN (Pierre), peintre et sculpteur brugeois du
xv^ siècle. Il travailla beaucoup à la cour de Philippe le
Bon. En 4450, la confrérie de Saint-Luc de Bruges l'admit
avec la qualification de « peintre des princes ». Coustain
exécuta des armoiries pour le chapitre de la Toison d'or ;
il peignit des bannières, des chars, des cottes d'armes et
travailla aux préparatifs des obsèques du comte de Nevers.
Mais ses œuvres principales sont deux statues peintes de
Saint Philippe et de Sainte Elisabeth que le duc de
Bourgogne fit placer dans son château de Bruxelles.
BiBL. : De Laborde, les Ducs de Bourgogne, 1. 1.
GOUSTANT (Dom Pierre), bénédictin de la congrégation
de Saint-Maur, né à Compiègne le 30 avr. 4654, mort à
Paris le 48 oct. 4724. Appelé à Paris après avoir été
ordonné prêtre à l'abbaye deSaint-Remy de Reims où il avait
fait son noviciat, il fut chargé d'abord de faire les tables du
3® vol. de l'édition de saint Augustin et rectifia la liste des
ouvrages attribués à ce père de l'Eglise dans deux traités :
Appendix tomi quinti operum S. Augustini complectens
sermo7ies suppositos et Appendix tomi sexti operum S.
Augustini coiitinens substitia opuscula. Il donna ensuite
une nouvelle édition de saint Hilaire : S. Hilarii Picta-
vorum episcopi Opéra (Paris, 4693, in~fol.). Cette édi-
tion est précédée de deux vies du saint, l'une par D. Cons-
tant lui-môme, l'autre attribuée à Fortunat, éVèquo de
Poitiers. Il venait de terminer ce travail quand il fut
nommé prieur de Nogent-sous-Goucy, mais il revint trois
ans après à Saint-Germain des Prés où il reprit ses travaux
et sa vie austère. Nous citerons parmi les autres ouvrages
de D. Constant : Vindicice manuscriptorum codicum a
R. P. Bartholomeo Germon impugnatorum, cum appen-
dice, etc. (Paris, 4706, in-8) ; Vindicice manuscrip-
torum codicum confirmatce (ibid., 4745, in-8). (Ces
doux ouvrages furent écrits pour défendre \di Diplomatique
de Mabillon contre les attaques du jésuite Germent.) Epis-
tolce Tomanorum pontificum,.. a Sancto Clemeîdo ad
Innocentium III (Paris, 4721). D. Constant avait préparé
et à peu près achevé les tomes II et III de cette importante
collection lorsqu'il mourut à Paris, épuisé de travail.
— Plusieurs de ses neveux et petits-neveux appartinrent
successivement à la chambre, puis à la cour des comptes.
L'un d'entre eux, le comte Henry Constant d'Yanville,
a donné, en 4867-75, à Lyon, une seconde et magnifique
édition de l'ouvrage de M"^ Denys : Chambre des comptes
de Paris ; essais historiques et chronologiques ; privi-
lèges et attributions nobiliaires et armoriai (2 vol.
in-4). De Caix de St-Aymour.
BiBL. : D. Martène, Vie de D. Constant ; Bihl. hist. des
auteurs de la congrégation de Saint-Maur. — Dupuy,
Biblioth. des auteurs ecclésiastiques du xvip siècle, 1698,
et ann, suiv. — D. Tassin, Hist. litt.de la Congrégat. de
Saint-Maur ; Paris, 1770. — D. Mopinot, dans Journal des
savants, janv. 1722. — H. Coustant d'Yanville, Notice,
dans Mém. soc. acad. de l'Oise, 1863, in-8.
COUSTARD de Massy (Anne-Pierre), homme politique
et littérateur français, né à Saint-Domingue le 28 oct.
4734, mort à Paris le 7 nov. 4793. Tour à tour gendarme
de la garde du roi, mousquetaire de la garde, lieutenant
des maréchaux de France à Nantes, il était commandant
de la garde nationale de cette ville quand les électeurs de
la Loire-Inférieure l'envoyèrent siéger à l'Assemblée légis-
lative. Il y siégea à gauche. Réélu à la Convention, il y
opina, dans le procès de Louis XVI, pour l'appel au peuple,
pour la réclusion et le bannissement à la paix, pour le
sursis. En mission à Nantes, il refusa de rentrer dans la
Convention après le 2 juin et fut décrété d'accusation le
48 juil. 4793, comme complice des girondins fédéralistes.
Découvert et arrêté par Carrier, il fut traduit devant le
tribunal révolutionnaire de Paris et guillotiné le 7 nov. 4793,
avec le duc d'Orléans. D'après Quérard, il publia V Even-
tail, poème traduit de l'anglais, de Gray (Paphos, 4768,
in-d2), et la Foire Saint-Ovide ., drame satirique en un
acte et en prose (Madrid, 4758, in-8). F.-A. A.
COUSTAUSSA. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Limoux,
cant. de Couiza; 437 hab.
COySTELlER (Antoine-Urbain), libraire et imprimeur
français, mort en 4724. Il a surtout attaché son nom à une
collection d'anciens poètes français, encore estimée, malgré
les progrès de la philologie et de la critique, et qui com-
prend la Fai'ce de Pathelin, les œuvres de François
Villon, avec les notes d'Eusèbe de Laurière, celles de Jean
et de Michel Marot, de Guillaume Crétin, de G. Coquil-
lart, avec notes de La Monnoye, la Légende de Pierre
Faifeu de Bourdigné , les œuvres de Martial de Paris ,
dit d'Auvergne, et celles de Racan (1723-4724, 40 vol.
in-8). ^ M. Tx.
COUSTELIER (Antoine-Urbain) , littérateur et imprimeur
français, fils du précédent, né à Paris, mort le 24 avr. 4763.
Il a publié un certain nombre de brochures sur les modes ou
les ridicules du jour, telles que la Lettre d'une demoiselle
entretenue à son amant (4749, in-8) ; la Rapsodie ga-
lante (4750, in-42) ; les Lettres de Montmartre (4750,
in-4 2), signées du pseudonyme de Jeannot Georgin, écrites
en langage populaire des environs de Paris et pour les-
quelles Nicolas Jouin, l'auteur des Sarcelades, fut, dit-on,
son collaborateur ; le Petit Almanach parisien (4757,
in-4 8), etc. Comme imprimeur, Coustelier fils a publié les
dix-sept premiers volumes de la série d'auteurs latins plus
connue sous le nom des frères Barbou. M. Tx.
COUSTON (Paul-Hector-x\lbert), général français, né
le 27 sept. 4834. Entré au service le 4 févr. 4852, il a
été nommé sous-Heutenant le 47 févr. 4855, capitaine le
20 janv. 4864 et chef de bataillon le 47 oct. 4870. Il
venait d'être promu au grade de colonel (40 juil. 1884),
lorsqu'il a été appelé au commandement du régiment des
sapeurs-pompiers de Paris. Il est général de brigade du
24 déc. 4888 et remplit les fonctions d'adjoint au gouver-
neur do la place de Toulon (4894).
COUSTOU (François), sculpteur sur bois, vivant à
Lyon dans le miheu du xvn® siècle, mort à Lyon vers
4690. Il épousa Claudine Coysevox, sœur du sculpteur
Antoine Coysevox, dont il eut quatre enfants : Nicolas et
Guillaume Coustou, les célèbres sculpteurs ; Elisabeth Cous-
tou, qui épousa le sculpteur Guillaume Hulot, et Eléonore
Coustou, qui épousa le sculpteur François-Alexis Franciri.
CO U STO U (Nicolas), sculpteur français, fils aîné du précè-
dent, né âLyon le 9 janv. 4658, mortà Paris le 4®^mai4733.
A l'âge de dix-huit ans, il vint à Paris étudier la sculpture,
auprès de son oncle Antoine Coysevox. En 4682, il rem-
porta le premier grand prix, sur un bas-reHef représen-
tant CaÏ7i bâtissant la ville d'Hénoch, et reçut une mé-
daille d'or de 200 livres. Puis au mois d'avr. 4683, il
partit pour Fiome, où il séjourna pendant trois années ; il y
fit une copie en marbre de la statue d« V Empereur Com-
mode en Hercule, qu'on plaça dans le parc de Versailles.
A son retour en France, il resta quelques mois à Lyon ; il
les employa à sculpter des figures décoratives pour des par-
ticuliers. Au mois de févr. 4688, il fut reçu, comme agréé,
à l'Académie royale de peinture et de sculpture ; en 4692,
il commença à travailler pour l'église des Invalides, sculp-
COUSTOU - i200 —
tant des groupes de Prophètes^ dans la chapelle Saint-
Jérôme, une figure à' Ange tutélaire sous une tribune de la
nef, ainsi que plusieurs figures destinées à décorer Textérieur
du monument. Le 29 août 4693, Nicolas Coustou fut reçu
académicien ; son morceau de réception était un bas-relief
allégorique, au sujet du Rétablissement de la santé du
roi (actuellement au Louvre). En 1695, il sculpta, pour le
tombeau du maréchal de Créqui, placé dans Téglise des
Jacobins, à Paris, une figure en marbre de la Valeur et
un bas-relief en bronze représentant une bataille; en 1696,
les religieuses de Moulins lui commandèrent deux statues
en pierre. Saint Joseph et Saint Augustin, En 4700, il
travaillait, au château de Marly, à des motifs de décoration
intérieure; en 4704, il terminait une statue que Girardon
avait laissé inachevée, la statue de Saint Louis pour les
Invalides. De 4704 à 4710, Nicolas Coustou fit, pour le
parc de Marly, le groupe en marbre de la Seine et la
Marne ^ une statue de César ^ un Chasseur au repos ^ deux
figures de Nymphes, deux groupes placés de chaque côté
du grand escalier, représentant la Chasse au cerf et la
Chasse au sanglier, deux groupes de Tritons pour la
cascade et la pièce d'eau des Vents, des Sphinx et des
Enfants exécutés en plomb doré, les groupes de Diane
et Endymion, de Mercure et Argus, des groupes de
Bergers et Bergères, fondus en plomb ; la statue en
marbre à' Apollon poursuivant Daphné. En récompense
de si grands et si beaux travaux, le roi lui accorda une
pension de 2,000 livres. Le duc d'Antin ayant chargé
Nicolas Coustou et son frère Guillaume de l'exécution du
Vœu de Louis XIII, pour Notre-Dame de Paris, Nicolas
entreprit le groupe principal de la Vierge soutenant le
corps du Christ ; cet important ouvrage ne fut' terminé
qu'en 4725. En 4743, il sculpta, pour Mgr de Noailles,
une statue en marbre de Saint Denis ; en 1744, il fit la
statue en marbre du Maréchal de Villars vêtu à la
romaine; en 4745, il exécuta une figure de Minerve sou-
tenant le médaillon du prince de Conty ; ce groupe en
marbre ornait le tombeau du prince, placé dans le chœur
de Saint-André des Arcs, à Paris. En 4720,1e duc d'An-
tin fit accorder à cet artiste la pension de 4,000 livres
que Louis XÏV avait donnée à Coysevox. Vers la même
époque, Nicolas Coustou orna, de deux groupes en bronze,
la place Bellecour à Lyon, l'un représentant la Saône
assise sur un lion, l'autre un Trophée avec Minerve, ce
dernier placé contre le piédestal de la statue équestre de
Louis XIV. En 4731, il termina la statue en pied (en
marbre) de Louis XV, placée d'abord à Petit-Bourg, puis
dans le parc de Versailles (aujourd'hui au Louvre). On
doit encore à ce grand sculpteur : une statue en marbre du
Cardinal de Janson pour la cathédrale de Beauvais ; un
Crucifix en marbre; les bustes en marbre de Colbert, de
Bignon, de d'Argenson, garde des sceaux, une Flore et
un Bacchus pour un parc à Saint-Maur. Quand il mourut,
il laissait à l'état d'ébauche un grand bas-relief du Passage
du Rhin, Nicolas Coustou a été successivement adjoint à
professeur à l'Académie en 1695; professeur en 4702,
adjoint à recteur, en 4745; recteur en 4720, chancelier
en 4733. Il n'a exposé qu'au Salon de 4704 un Christ
en bronze. On a transporté de Marly aux Tuileries la
Seine et la Marne, Apollon poursuivant Daphné et le
Chasseur au repos ; au Louvre se trouve la statue de
César. Maurice Du Seigneur.
BiBL. : Cousin de Contamine, Eloge historique de
M. Coustou, sculpteur ordinaire du roy ; Paris, 1737, in-
12. — Mariette, Ahecedario. — Archives de l'art français
{Documents), t. III, pp. 137 à 143. — A. Jal, Dictionnaire
critique de biographie et d'histoire; Paris, 1867, in-8.
COUSTOU (Guillaume), sculpteur français, frère cadet
du précédent, né à Lyon le 25 avr. 4677, mort à Paris
le 22 févr. 4746. Elève de Coysevox, il obtint le second
prix au concours pour Rome, en 4696, et le premier
prix en 4697, sur un bas-relief représentant un Epi-
sode de r histoire de Joseph en Egypte, Il éprouva, en
arrivant à Rome, quelques tracasseries qui l'empêchèrent
de jouir de la pension royale; il allait, découragé, s'embar-
quer pour Constantinople, lorsque son ami le sculpteur
Frémin vint à son secours et le détourna de son projet. Il
entra alors chez le sculpteur Le Gros, auquel Frémin
l'avait présenté, et travailla sous sa conduite à l'exécu-
tion du bas-relief de Saint Louis de Go7izague, placé dans
l'église Saint-Ignace. En 4704, le 25 nov., il fut reçu
académicien ; son morceau de réception représentait :
Hercule sur son bûcher (marbre, actuellement au musée
du Louvre) : il fut nommé adjoint à professeur le 3 juil.
4706, professeur le 28 déc. 4745, adjoint à recteur le
26 oct. 1726, recteur le 40 janv. 4733, directeur du
3 févr. 4735 au 5 juil. 4738. En 1742, il sculpta,
pour Marly, les statues d'Hippomène et de Daphné (au-
jourd'hui aux Tuileries) ; en 4730, il orna de trophées et
d'enfants en bronze le piédestal de la statue de Louis XIV,
place Vendôme ; en 1734, il fit les sculptures d'ornement
de la pyramide du pont de Blois et la statue en marbre de
Marie Leczinscka (aujourd'hui au Louvre). En 4738 ,
Guillaume Coustou décora le tapis vert de Marly d'un
groupe en marbre représentant la Jonction des deux
mers, groupe de 48 pieds de large sur 46 pieds de haut.
Il exécuta pour la chapelle de Versailles : une statue de
Saint Augustin; un groupe d'Anges; un autre groupe,
la Foi et la Religion; les bas-rehefs de la Visitation,
de Jésus chez les docteurs, du Christ mort sur les ge-
noux de la Vierge ; il termina aussi pour ce palais le
bas-relief ovale, commencé par son frère Nicolas Coustou,
représentant Louis XIV à cheval; et sculpta, pour le parc,
une statue de Bacchus. On voyait de cet artiste, dans
l'église du noviciat des Jésuites à Paris, rue du Pot-de-
Fer, les figures en marbre de Saint Ignace et de Saint
Xavier ; sur l'entablement de l'ancien Palais-Bourbon, un
groupe important représentant le Char du soleil. Au
grand porche de l'hôtel royal des Invalides, il fit toutes
les sculptures, les figures en pierre de Mars et de Minerve
placées de chaque côté de l'entrée ; le masque d'Hercule
ornant la clef de voûte, et enfin l'important bas-relief
représentant Louis XIV à cheval, accompagné des figures
de la Justice et de la Prudence, Le Louis XIV à che-
val fut détruit pendant la Révolution, en 4793, mais il a
été refait à peu près identiquement au modèle de Coustou,
par Pierre Cartellier en 4845. Dans l'œuvre du Vœu de
Louis XIII, pour Notre-Dame de Paris, la statue du
roi Louis XIII est de Guillaume Coustou. Il faut rappeler
aussi le bas-relief qu'il exécuta pour la grand'chambre du
Parlement et les figures décoratives dont il orna l'ancien
château d'eau de la place du Palais-Royal.
Les œuvres les plus importantes de Guillaume Coustou,
celles qui ont consacré son nom et qui éterniseront sa gloire,
sont les deux fameux groupes en marbre des Chevaux de
Marly exécutés pour remplacer, de chaque côté de l'abreu-
voir de Marly, le Mercure et la Renommée de Coysevox.
Le 25 fructidor an III (44 sept. 4795), ces deux groupes
furent transportés de Marly à Paris en cinq heures, et
placés, à l'entrée des Champs-Elysées sur les piédestaux
élevés par l'architecte Delannoy. Le portrait de Guillaume
Coustou a été peint par Jean-François Delyen vers 4724,
et gravé par Larmessin en 4730. Maurice Du Seigneur.
BiBL. : Dezallier-d'Argenville, Vies des fameux
sculpteurs ; Paris, 1787, in-8. — P.-J. Mariette, Abecedario,
t. Il, p. 21. — Barbey de Jouy, Description des sculp-
tures modernes du Musée du Louvre.
COUSTOU (Guillaume), le fils, sculpteur français,
fils du précédent, né à Paris le 20 mars 4746, mort à
Paris le 43 juil. 4777. Il remporta le premier prix de
Rome en 4735, sur un bas-relief représentant Rebecca
et Eliézer, Il fut reçu académicien le 28 juil, 4742 ; son
morceau de réception, représentant Vulcain, est aujour-
d'hui au Louvre. En 4743, il eut le titre d'adjoint à profes-
seur; en 4746, celui de professeur ; adjoint à recteur en
4765, il devint recteur en 4770 et trésorier de l'Académie
en 4774 ; il était, de plus, conservateur des sculptures du
Louvre depuis 4764. En 4743, Coustou sculpta, pour le
— 201 —
COUSTOU - COUTAN
maître-autel de l'église des Jésuites de Bordeaux, un groupe
en marbre, représentmt V Apothéose de saint François
Xavier, Au Salon de 1745, il exposa un groupe en terre
cuite : le Dieu Pan enseignant à Apollon à jouer de la
flûte ; à celui de 1750, un bas-relief destiné au château de
Bellevue, Galathée sur les eaux; dans le livret du Saloa
de 1769, une note indique qu'on pouvait voir, dans l'après-
midi, à l'atelier de M. Coustou, le modèle du tombeau de
feu Mgr le Dauphin et de feue M^^ la Dauphine, exécuté
pour le chœur de la cathédrale de Sens. Nous citerons
encore, de cet artiste, une statue d'Apollon pour le châ-
teau de Bellevue ; les statues de Mars et Vénus exécutées
pour le roi de Prusse ; la statue de Louis X F, pour le châ-
teau de Ménars ; le bas-relief de la Visitation à l'autel de
la Vierge dans la chapelle de Versailles ; la statue de Saiîit
Roch dans l'église de ce nom à Paris ; le premier fronton
de l'église Sainte-Geneviève (depuis le Panthéon) représen-
tant une croix rayonnante adorée par des chérubins ; deux
des froiitons des grands hôtels de la place Louis XV (place
de la Concorde). Le portrait de cet artiste, peint en 1758
par F.-H. Drouaisle fils, est conservé à l'Ecole des beaux-
arts de Paris. Maurice Du Seigneur.
BiBL. : Dezallier d'Argenville, Vie des fameux sculp-
teurs ; Paris, 1787, in-8. — Barbey de Jouy, Description
des sculptures modernes du musée du Louvre, — Herlui-
SON, Actes d'état civil d'artistes français ; Orléans, 1873.
COUSTOU 6 ES. Com. du dép. de TAude, arr. de Nar-
bonne, cant. de Durban ; 261 hab.
COUSTOUGES ou COSTOJA. Com. du dép. des Pyré-
nées-Orientales, arr. de Céret, cant. de Prats-de-Mollo ;
480 hab-^Coustouges paraît remontera l'antiquité et avoir
été un poste militaire, destiné à surveiller la crête des
Pyrénées. La paroisse fut donnée à l'abbaye d'Arles par
les comtes de Besalù en 988. L'église, consacrée en 1142,
est très intéressante : à une seul nef, avec clocher en saillie
sur la face S., deux chapelles latérales dans F avant-chœur,
une abside, des arcs doubleaux, une très belle porte àl'O.,
et un porche beaucoup plus récent qui paraît avoir pour
but de protéger cette porte. Les voûtes sont en arc brisé.
L'église possède des grilles en fer forgé d'un aspect très
riche. Aug. Brutails.
BiBL. : De Noell, Notice architectonique sur l'église de
CoustougeSt dans le XXX^ Bulletin de la Socinté agricole
des Pyrénées-Orientales (bons dessins).
COUSU (Blas.).Il est de règle absolue en blason qu'on
ne peut mettre couleur sur couleur ou métal sur métal :
cependant il y a une exception à cette règle, c'est lors-
qu'un chef est cousu sur le champ ; c'est le mot qui sert
à désigner et en même temps ta pallier cette infraction ; un
souverain donnant à un particulier un chef d'azur, alors
que ce particulier a des armes de gueules, par exemple, il
applique ce chef comme s'il cousait une pièce à son blason.
Toute pièce honorable peut être cousue. H. G. de G.
COUSU (Antoine de), théoricien musical, né à Amiens
dans les premières années du xvn® siècle, mort à Saint-Quen-
tin le 11 août 1658. Il était chanoine de la collégiale de cette
ville. On a de lui un livre intitulé la Musique universelle,
contenant toute la pratique et toute la théorie. C'est
un des ouvrages les plus complets et les plus sérieux qui
aient été écrits au xvii*^ siècle sur la musique. Il s'en trouve
un exemplaire à Paris à la bibliothèque Mazarine sous le
n^ 4727 D. L'ouvrage a été longtemps considéré comme
introuvable. Il existe une brochure de M. Thoinan sur ce
livre et sur son auteur : Antoine de Cousu et les singu-
lières destinées de son livre rarissime : la Musique
universelle (Paris, 1866, in-12). C. B.
CO UTAN (Amable-Paul), peintre français, né à Paris en
1792, mort à Paris le 29 mars 1837. Elève de Gros, cet
artiste obtint le grand prix de Rome en 1820, sur Achille^
vainqueur aux jeux olympiques, demande à Nestor le
prix de sagesse. Parmi ses ouvrages remarquables par un
style élevé et une grande largeur d'exécution, on peut citer :
le Christ portant sa croix (S. 1827; église Notre-Dame
des Champs) ; portrait en pied du Général Cadoudal
(pour la maison du roi) ; le Génie des Arts (pour une
salle du conseil d'Etat) ; portraits de François Pizarre
et du Lieutenant général Coutard (gai. de Versailles) ;
la Sainte Vierge (église Saint- Thomas-d'Aquin) ; la Visi-
tation et les Obsèques de saint Hippolyte (église Notre-
Dame de Lorette). Son dernier ouvrage, le Serment de
Louis- Philippe, a été terminé par Court. Ad. T.
BiBL. : Calai, des tableaux, etc., vendus après le décès
de M. Coutan, le 2 mai 1831, à Paris, in-8.— Miel, Notice
sur P. -A. Coutan, pub. dans les Annales de la Société
libre des beaux-arts, 1838-39, t. VIII.
COUTAN (Jules-Félix), sculpteur français, né à Paris
le 22 sept. 1848. Elève de Cavelier, il obtint le grand
prix de Rome en 1872, sur une figure représentant Ajax
bravant le ciel et foudroyé. Il envoya de Rome une statue
d'Eros, OEdipe et le Sphinx., bas-relief; V Agriculture,
bas-relief, et une copie en marbre du Rémouleur., œuvres
qui furent exposées à l'Ecole des beaux-arts en 1875. Sa
statue d'Eros rejparut au Salon de 1876 et lui valut une
médaille de première classe ; il en exécuta un marbre exposé
en 1881 , et placé depuis au musée du Luxembourg. Ses
autres œuvres exposées sont : en 1879, Saint Christophe.,
groupe marbre; 1882, la Porteuse de pain., st. pi. ;
1883, Figure symbolique des Arts et des Lettres; 1885,
Respublica Gallorum, terme pi. ; 1890, une statue
marbre destinée au tombeau de M"^^ Louis Herbette. Coutan
exécuta toute la statuaire de la grandiose Fontaine du
Progrès., placée au centre du jardin de l'Exposition univer-
selle de 1889. On voit encore à Paris, de cet artiste, la
Porteuse de pain, statue de bronze, dans le square de la
tour Saint-Jacques; Sergent d'armes au xiv® siècle,,
statue de bronze à l'un des guichets de l'Hôtel de Ville :
la Paix armée, statue de bronze, dans le square de la
place d'Anvers. Jules Coutan a obtenu une médaille d'or à
la suite de l'Exposition universelle de 1889. M. D. S.
COUTAN (George), dessinateur, né à Chamouille (Aisne)
le 9 mars 1853, mort à Paris le 3 août 1890. Fils d'un
employé de la Banque, et employé lui-même dans cette
administration, il la quitta après son mariage avec la
statuaire Laure Martin pour ne plus s'occuper que de
travaux artistiques et littéraires. Il collabora à nombre de
journaux et de publications illustrées : la Caricature, la
Vie parisienîie, le Carillon, le Triboulet, la Lanterne
de Boquillon, etc., illustra les Mystères du Peuple,
d'Eugène Sue, quelques romans de Léon Cladel et d'Hector
France, fonda avec Clovis Hugues le Tambourin, pamphlet
hebdomadaire, et, en 1890, avec L. Moutin, la Revue des
Sciences psychologiques, dont il fut le rédacteur en chef
et à laquelle il collabora par la plume et le crayon.
COUTAN (Laure Martin, dame), statuaire, née à Dun-
sur-Auron (Cher) le 1^"^ nov. 1855 ; fille d'un menuisier.
Envoyée à Paris en 1878 pour représenter à l'Exposition
universelle une maison de poteries artistiques de Bourges,
Laure Martin s'établit à Paris. Elle fit construire un four
et installa, dans un quartier populaire de Paris, une fabrique
de terres cuites. A la fois artiste et artisane, elle exécuta
pour le commerce quantité de statuettes qui plurent du pre-
mier coup et se répandirent rapidement sur le marché. Gai
Réveil, le Petit Chanteur, le Ramoneur, le Petit Mar-
chand de journaux, la Fillette au Vase, le Joueur de
toupie, le Chapeau de la grand'mère, etc., sont devenus
populaires. Sur ces entrefaites, elle épousa le dessinateur
George Coutan, et, dès lors, "n'ayant plus à s'occuper de la
partie administrative de sa fabrique, elle put donner à son
talent une plus large envergure. Un groupe colossal de la
République du travail est le point de départ de sa répu-
tation de statuaire, et depuis son œuvre est considérable.
Le buste d'André Gill et celui du chansonnier Jules Jouy
la mirent au premier rang des portraitistes. Parmi ses
autres bustes et médaillons, il faut citer encore ceux de
He7iri Brisson, d'Hector France, de l'orientaliste Le-
drain, etc. Voici la liste des principales œuvres que
M^^ Coutan envoya au Salon : Leverrier (marbre, 1884) ;
George Coutan (1885) ; la Surprise (bronze, 1886) ;
COUTAN «- COUTANCES
^ 202 --
l'Inspiration (1887) ; Général Boulanger (1888) ; Ma-
dame Séverine^ Juliette Dodu (1889); comtesses de
Vogilé et de Choiseul-Gouffler (1890). Hector France.
COUTANCES. Ch.-l. d'arr. du dép. de la Manche, en
amphithéâtre sur une colKne granitique qui s'élève entre la
Soulle canalisée et le ruisseau de Bulsard ; 8,107 hab.
Stat. du chem. de fer de l'Ouest, ligne de Lison à Folli-
gny, embranchement sur Cherbourg. — Evêché suffragant
de Kouen, grand séminaire, cour d'assises, lycée, biblio-
thèque publique. Syndicat maritime. — Fabriques de par-
chemin, de toiles ouvrées, de cotonnades, de lacets et de
dentelles noires. Commerce de filasse, de marbre, de bes-
tiaux, de chevaux et de graines.
Histoire. — La ville de Coutances existait avant la
conquête romaine sous le nom de Cosedia et était l'une
des villes principales des Unelli. Comprise après la con-
quête dans la troisième Lyonnaise, elle changea au m® siècle
son nom ancien contre celui de Constantia, après avoir
été fortifiée par Constance Chlore. Capitale du pagus
Constantimis ou Cotentin, elle suivit au moyen âge les
destinées de la Neustrie. Détruite de fond en comble par
les Normands en 886, un moment possédée par les Bre-
tons, elle devint prospère sous la domination des ducs de
Normandie. Après la mort de Guillaume le Conquérant
elle eut à souffrir des luttes qui éclatèrent entre les pré-
tendants à sa succession : prise d'assaut par Foulques
d'Anjou en 4117, elle fut reprise par le roi d'Angleterre
Henri P^' et reconquise ensuite par le comte d'Anjou,
Geoffroy Plantagenet. Pendant la guerre de Cent ans, après
avoir été vainement assiégée en 1356 par Godefroy d'Har-
court, maréchal d'Angleterre, elle tomba cependant aux
mains des Anglais; fut reprise par Charles V en 1378,
mais passa de nouveau sous la domination anglaise en
1417; elle y resta jusqu'en 1449. Les guerres rehgieuses
furent encore plus funestes à la ville que les guerres an-
glaises. Les protestants s'en emparèrent en 1562 et y
commirent toutes sortes d'excès jusqu'en 1566. Toutefois,
grâce à son gouverneur Matignon, qui refusa d'obéir, Cou-
tances échappa aux horreurs de la Saint-Barthélémy. Aux
XVII® siècle, l'établissement de la gabelle souleva à Cou-
tances l'émeute des i^u-pieds qui fut durement réprimée
par le chancelier Séguier.
Evêché. — L'évêché de Coutances fut fondé au v^ siècle.
Voici la hste chronologique des évêques qui l'ont gou-
verné : saint Ereptiole, v. 470; saint Léoncien, 511;
saint Possesseur ; saint Lô, v. 530-v. 575 ; saint Roma-
chaire, v. 586; Vulfobert; Lupicin; Chairibon, 648;
Waldemar (Baldomer^, 653 ; Hughier ou Hilderic, v. 658;
Frodomond, 677; Willebert, 693; Agathius; Livin ;
Wilfrid; Josué; Léon; Anglon ; Hubert, v. 798 ; Wil-
lard, V. 829-v. 837; Herloin, v. 843-v. 862; Sigenand,
V. 866-v. 877 ; Liste, v. 890 ; Ragenard ; Herlebaud,
905; Agebert; Thierry, 911 ; Herbert P^'; Algerondc ;
Gilbert; Hugues I«^ v. 980-1020; Herbert II, 1021-
1022; Robert P^ v. 1025-v. 1045; Geoffroi P^ de
Montbray, 10 avr. 1049-2 févr. 1094; Raoul, 3 avr.
1094-1110: Rooer, v. 1112-oct. 1123; Richard P^ de
Bruix, 1124-1131; Algar, 1132-1151; Richard H
de Bohon, 1151-18 nov. 1178 ou 1179; Guillaume P^* de
Tournebu, 1179-1199 ou 1202; Vivien, 1202-15 févr.
1208 ; Hugues H de Morville, 1208-27 oct. 1238; Gil-
lien de Caen, 1245-1250; Jean P^ d'Essey, 26 févr.
1251-31 oct. 1274 ; Eustache P^ de Rouen, nov. 1282-
8 août 1291 ; Robert II d'ïiarcourt, nov. 1291-7 mars
1315; Guillaume H de Thiéville, 1315-1345 ou 1347 ;
Louis d'Erquery, 1345 ou 1347-1371 ; Sylvestre de la
Cervelle, 1371-sept. 1386; Nicolas P^' de Toulon, 1386-
sept. 1387 ; Guillaume III de Crèvecœur, sept. 1387-
1408; Gilles P^ des Champs, 27 sept. 1408-5 ou 15
mars 1414; Jean H de Marie, 2 avr. 1414-29 mai 1418;
Pandolphe Malatesta, 7 oct; 1418-10 mai 1424; Phili-
bert de Montjeu, 10 mai 1424-20 juin 1439 ; Gilles II de
Duremort, 9 oct. 1439-29 juil. 1444; Jean lU de Cas-
tifi^lione, 2 sept. 1444-1453 ; Richard III Olivier, cardi-
nal de Longueil, 28 sept. 1452-18 août 1470 ; Benoit de
Montferrand, 1470-1476; Julien, cardinal de la Rovère,
15 juil. 1476-1 «^ avr. 1478; Geoffroi H Herbert, juil.
1478-1^^ févr. 1510; Adrien, cardinal GoufTier, 2 mai
1510-13 avr, 1519 ; Bernard Divitius, cardinal Bibbienà,
sept. 1519-9 nov. 1520 ; René de Brèche, 1525-19 nov.
1529; Philippe de Cossé-Brissac, 15 mai 1530-24 nov.
1548; Payen le Sueur d'Esquetot, 16 mars 1549-24 déc.
1551; Etienne Martel, 9 déc. 1552-26 mai 1560 ; Ai^-
thur de Cossé-Brissac, 4 mars 1561 -7 oct. 1587 ; Nico-
las n de Briroi, 21 avr. 1589-23 mars 1620 ; Nicolas IH
Bourgoing, 9 juil. 1623-19 avr. 1625; Léonor P^ Goyon
de Matignon, juil. 1625-août 1646; Claude Auvry,
27 juil. 1646-sept. 1658 ; Eustache II Leclerc de Lesse-
ville, sept. 1658-3 déc. 1665 ; Ch.-Fr. de Loménie de
Brienne, 19 févr. 1668-7 avr. 1720; Léonor II Goyon de
Matignon, janv. 1721-3 avr. 1757 ; Jacques Lefebvre du
Quesnois, 21 avr. 1757-9 sept. 1764; Ange-François de
Talaru de Chalmazel, oct. 1764-1790; François Bécherel,
év. constitutionnel, 20 mars 1791-1793; Claude-Louis
Rousseau, 25 avr. 1802-1807 ; Pierre Dupont dePoursat,
6 janv. 1808-1835; Louis-Jean Robiou, 6 oct. 1835-
1852; Jacques-Louis Daniel, 9 déc. 1852-4 juil. 1862;
Jean-Pierre Bravard, 12 août 1862.
Monuments. — La cathédrale s'élève au sommet de la
colline sur laquelle s'étage la ville et domine tout le pays.
C'est un bel édifice de la première période gothique, dont
on ne saurait reculer la construction au delà des premières
Cathédrale de Coutances.
années du xiii^ siècle. Il se compose d'une nef, haute sous
voûte de 28 m. et longue, y compris le chœur, de 95 m.,
flanquée de bas côtés, de chapelles latérales et d'un tran-
sept. La façade est formée d'un vaste portail surmonté
d'une fenêtre gothique encadrée entre deux tours du xiii®
siècle, mais où l'on retrouve des vestiges de la construc-
tion primitive qui remontait au règne de Guillaume le
Conquérant ; chacune des tours se termine par une flèche
flanquée de nombreux clochetons. Les portes latérales de
l'édifice donnant sur les bas côtés sont ouvertes non pas sur
la façade (celles qui s'y trouvent ne donnent accès qu'aux
- m -
COUTANGES - COUTEAU
tours) mais à la première travée derrière les tours ; l'une
d'elles, celle du nord, ne s'ouvre qu'à la première entrée et
à la mort des évèques. L'ornementation sculpturale de
l'édifice est très sobre; elle comprend peu de figures,
mais surtout des feuillages variés d'excellente exécution.
La croisée du transept est surmontée d'une tour octogo-
nale nommée le Plomb, formant à l'intérieur une lanterne
à deux étages dont le premier est garni d'une galerie ana-
logue au triforium de la nef. Notre-Dame a conservé de
beaux vitraux du xm® au xvi® siècle et quelques fresques
anciennes* Près de la sacristie se trouve le tombeau
de l'évêque Algar (xii® siècle) ; dans la chapelle de la
Vierge le tombeau de l'évêque Daniel, mort en 1862.
L'église Saint-Pierre (mon. liist.) appartient au gothique
flamboyant : le chœur et la nef sont de la fin du xv^ siècle
et le reste de l'édifice du xvi*^ siècle. La porte de l'ouest
est surmontée d'une élégante tour de la Renaissance ; le
transept, est couronné par un dôme qui est une lourde
imitation de celui de la cathédrale. Les vitraux du xvi^
siècle sont en partie mutilés. Eaint-Nicolas est une église
reconstruite en partie au xvi®, en partie au xvii® siècle,
encore dans le goût gothique; un dôme a été ajouté au
transept au xviii^ siècle. Derrière le chœur est une très
belle statue de la Vierge du xiv® siècle. L'aqueduc, cons-
truit au XIII® siècle pour amener à Coutances l'eau de la
fontaine des Closages, a été en grande partie détruit au
xvi^ siècle par les protestants. Bien qu'il ait été en partie
restauré en 1595, il n'en subsiste que cinq arches revê-
tues de lierre et qui forment des ruines pittoresques. Le
Palais de justice est un édifice du xyiii® siècle ; l'Hôtel
de ville est l'ancien hôtel de la famille de Cussy; le Lycée
occupe l'emplacement d'un ancien couvent d'eudistes. Le
Palais épiscopal est une construction de la fin du xviii®
siècle ; le jardin qui en dépend entoure la cathédrale dont
il masque l'abside ; le Grand Séminaire occupe l'enclos
des Dominicains. L'église des Capucins a été transformée
en halle aux grains. Près de l'hospice subsiste la tour
surmontée d'une flèche en pierre du xv® siècle d'un ancien
prieuré d'augustins. Coutances a conservé quelques mai-
sons du XVI® siècle. Sur la place de la Sous-Préfecture,
statue en bronze de Le Brun, duc de Plaisance, œuvre
d'Etex. Le Jardin pubhc, donné à la ville avec son hôtel
par J.-J. Quesnel-Morinière, possède de belles serres;
l'hôtel renferme le Musée qui comprend des tableaux, des
antiquités et des collections d'histoire naturelle.
Canal de Coutances. — On désigne sous ce nom la
rivière de Soulle, canalisée depuis Coutances jusqu'à son
embouchure dans la Sienne, c.-à-d. sur une longueur de
5,632 m. Il peut porter des bateaux d'une charge maxima
de 60 tonnes et sert surtout au transport de la tangue ou
engrais maritime et de la houille.
COUTANSOUZE. Com. du dép. de l'Allier, arr. de
Gannat, cant. d'Ebreuil; 567 hab.
GO UTARD (Louis-François, comte), général français, né
à Ballon (Sarthe) le 19 févr. 1769, mort le 21 mars 1852.
Entré au service en 1787, il se distingua à la Trebbia
(1799) et au siège de Gênes (1800). Nommé colonel en
1803, il fit les campagnes d'Espagne et de Portugal, devint
général de brigade et baron de l'Empire en 1811 et fut mis
en disponibilité en 1813. Louis XVIIlle nomma lieutenant
général en 1814, lui donna le commandement des gardes
nationales de Lille en 1815, le fit comte en 1816 et l'appela
en 1822 au commandement de la place de Paris qu'il
conserva jusqu'en 1830. Il fut mis à la retraite après la
révolution de Juillet. E. F.
COUTARNOUX {Curtis Arnulphi). Com. du dép. de
l'Yonne, arr. d'A vallon, cant. de l'Isle-sur Serain ; 277 hab.
Ruines du château. Bâtiment de la fin du xv® siècle avec
tour octogonale. Restes d'une croix monumentale du
xvi^ siècle. Eglise de Saint-Martin, du xviii® siècle.
GO UTEAU. I. Archéologie. — Les archéologues donnent
le nom de couteaux à certains instruments de silex dont les
hommes primitifs se servaient pendant l'âge de la pierre écla-
tée et celui de la pierre polie. Ces instruments consistent en
un éclat de silex allongé, présentant d'ordinaire une face plane
Fig. L
Fig. 2.
Fig
et une face convexe avec arête médiane, quelquefois deux
faces plus ou moins arrondies ; les deux bords sont tran-
Fig.4 et 5.
chants. Les deux extrémités sont pointues comme dans le
silex de la collection Christy, trouvé en Angleterre et
dont nous donnons l'image (fig. 1), ou bien un bout seul
est pointu, tandis que l'autre est arrondi
(fig. 2). Les silex dont la forme rappelle
tout à fait celle d'une lame de couteau sont
plus rares ; en voici cependant un exemple
(fig. 3) . On classe parmi les couteaux des
silex de forme triangulaire ou quadrangu-
laire.
L'usage des couteaux de pierre a per-
sisté au delà de l'époque préhistorique. Le
Musée britannique possède un couteau-poi-
gnard égyptien en silex, taillé et poli, en-
châssé dans un manche de bois. Les pre-
miers instruments que les hommes, dès
après la découverte du bronze, aient fa-
briqués avec ce métal ont été des couteaux,
ou du moins des lames auxquelles les ar-
chéologues donnent ce nom. Les stations
lacustres de la Suisse ont fourni un grand
nombre de couteaux en bronze dont le
manche, également en bronze, fait corps
avec la lame (fig, 4 et 5). On en peut voir
dans les musées de Zurich, de Chambéry Fig. 6.
et de Saint-Germain-en-Laye. Ces instru-
ments se rencontrent aussi fréquemment dans les fouilles
de la France; en Angleterre ils sont très rares. Les lames
à deux tranchants, munies d'une douille (fig. 6), si par leurs
dimensions elles rappellent les couteaux, méritent plutôt par
leur forme le- nom de poignards ou de pointes de lance.
COUTEAU
Dans r antiquité classique, les métaux employés à la fabri-
cation des lames de couteau ont été le bronze, le fer et le
cuivre. A Rome, les couteaux de bronze étaient réservés à des
usages religieux. Des couteaux à lames de fer ont été re-
trouvés dans les fouilles ; les textes les mentionnent.
Pétrone dit que les cuisiniers recherchaient les couteaux
en fer du Norique; plus tard, Clément d'Alexandrie parle
des couteaux de fer de l'Inde. Les manches étaient en os,
en ivoire ou en bronze ; la forme variait ; c'était généra-
lement une figure en ronde bosse, un buste ou bien un
animal (fig. 7). En 1864, on a trouvé à Heiligkreuz un
couteau avec manche d'os orné de pierres. La lame était
le plus souvent immobile ; quelquefois elle se repliait dans
une rainure du manche (fig. 8). Certaines personnes por-
^04 -
ceinture, souvent renfermé dans le même étui que le poi-
gnard. Au moyen âge, les lames d'acier apparaissent.
Dès le milieu du xiv^ siècle, Scheffield
était un centre de fabrication de l'a-
cier. La coutellerie de Langres était déjà
renommée en d427. Celle de Moulins re-
monte à la même époque. A partir du
XIV® siècle, les lames furent souvent or-
nées de dessins en creux ou dorées au
talon. *0n ne se borna pas à graver des
armoiries, des rinceaux; on grava même
des scènes de chasse. La matière des man-
ches est très variée, comme leur forme ;
l'ivoire, l'os, la nacre, l'argent, le cui-
vre, l'acier, le bois ont été employés. Un
couteau de l'an 1400 environ (fig. 11),
conservé au cabinet des médailles de la
Bibliothèque nationale, a un manche en
ivoire. C'est un couteau qui a servi de
symbole de tradition pour constater la
donation d'une terre faite à l'église Notre-
Dame de Paris. On conservait jadis dans
l'église de Chartres deux autres couteaux
du' même genre ; on en trouvera le des-
sin dans le manuscrit latin 5185 de la
Bibliothèque nationale. On peut voir au
Louvre un couteau du xiv® siècle, dont
le manche d'ivoire se termine par un
animal accroupi. Au xvi® siècle, les man-
ches ont souvent la forme de figurines Fig. 11.
ou de cariatides. Pendant le moyen âge,
un des luxes des grands seigneurs consistait à avoir pour
le service de la table des couteaux dont le manche variait
Fig. 9.
talent leur couteau dans une gaine pendue à la ceinture.
Les tombeaux gallo-romains de la Marne ont fourni des
gaines dont le côté extérieur était en bois et l'autre en fer.
La forme de la lame était en rapport avec l'usage auquel
elle était destinée. Une stèle funéraire du Vatican, ornée
d'un bas-relief représentant l'officine d'un coutelier, nous
montre des couteaux de formes diverses (fig. 9). Sur un
grand nombre de monuments sont figurés des couteaux de
sacrifice. Chez les Grecs, ils ressemblent souvent à des
poignards. Chez les Romains, ceux que portent les assis-
tants du prêtre chargés d'égorger les victimes sont des
sortes de couperets (fig. 10). Le couteau dont se servaient
les flamines , les vestales et les pontifes était en fer ,
long, à manche rond et d'ivoire, orné au pommeau de
bandes d'or et d'argent fixées par des clous de cuivre. Le
couteau de table ne devint d'un usage habituel qu'assez
tard, au temps de Clément d'Alexandrie. Quelques monu-
ments grecs nous montrent toutefois des convives munis
de couteaux. Mais d'ordinaire le soin de découper la viande
était laissé aux écuyers tranchants ; les convives la pre-
naient avec les mains et la déchiraient avec les dents. Les
anciens ont eu des couteaux d'os pour couper les fruits.
Le couteau de chasse leur était connu.
Les Francs portaient un couteau de fer pendu à leur
i:
suivant le temps de l'année liturgique. Les manches d'ébène
étaient réservés au carême; ceux d'ivoire à Pâques. Les
armoiries étaient un des motifs
de décoration les plus fré--
quents; nous reproduisons ici
(fig. 12) un couteau aux
armes de Philippe le Bon ;
le manche est en bois dur,
orné de bandes d'argent dorées
et émaillées. Les couteaux
étaient ordinairement enfermés
dans des gaines. Un des plus
anciens étuis qui nous ait été
conservés est celui de la cathé-
drale de Bamberg, qui con-
tient le couteau avec lequel,
suivant la tradition, a été écor-
ché saint Barthélémy ; il est en
ivoire avec ornements de métal
et peut remonter à la fin du
x"^ siècle. Aux xiv« et xv^ siè-
cles, les gaines sont le plus
souvent en cuir gaufré, ornées
d'écussons (fig. 13). Les cou-
teaux de table étaient trois
dans une seule gaine : un grand
couteau, dit couteau à tran-
cher, dont la lame, très large, •
était terminée en croissant
(fig. 14), la pointe servant à
piquer les tranches pour les
placer sur les plats ou les pré-
senter aux convives; un autre grand couteau, à deux
tranchants; un couteau plus petit qu'on plaçait près du
Fig. 13.
205 —
COUTEAU - COUTELIER
seigneur. On appelait aussi couteau une gaine contenant
plusieurs couteaux et divers instruments. Un inventaire
Fig. 15.
Fig. 14.
des ducs de Bourgogne, de Fan 4420, mentionne « un
gros cousteaul d'Alemaigne, garni de VI cousteaulx, une
lyme et ung poinsson et unes forsetes (four-
chette) pendans à une courroye de fil blanc
à clouz de leton ». Dans les réfectoires des
couvents l'on faisait usage de couteaux
dont la lame porte gravés d'un côté le
Benedicite, de l'autre le Dei gratias,
notés en plain-chant (fig. 15).
Les couteaux à ouvrir les huîtres ap-
paraissent dès le XVI® siècle. Quant aux
couteaux pliants, déjà connus des Ro-
mains, il est probable qu'ils n'ont jamais
complètement disparu. En tout cas, un
inventaire de 1380 mentionne « un petit
coutel, à manche d'argent, taillé à lys,
dont i'alumelle (lame) se reboute au
manche ». Au xvii*' siècle, on a donné
aux couteaux de poche à manche de bois
le nom à'eustache, qui leur est resté.
Le musée du Louvre possède un couteau
pliant sur le manche duquel on lit :
Eustache DuboL Au siècle dernier, les
bourgeois emportaient un couteau dans
leur poche pour aller dîner en ville.
Les couteaux ont été employés au
moyen âge comme armes de guerre. Ri-
gord raconte qu'à la bataille de Bouvines
les ennemis étaient armés de couteaux
très longs et très tranchants, armes toutes nouvelles
pour les Français. On appela couteaux de brèche, à
partir du xv® siècle, des armes du genre des halle-
bardes, avec pointe et croc, servant dans les combats
d'approche ; l'usage s'en est continué en Allemagne jus-
qu'au XVIII® siècle. M. Prou.
IL Technologie (V. Coutellerie).
m. Chirurgie. — Les couteaux sont employés en chi-
rurgie pour opérer la section des tissus ; ils diffèrent des
bistouris par ce fait que leur lame est fixée à demeure
sur le manche et qu'ils sont habituellement plus volumi-
neux. Les couteaux à amputation sont généralement droits ;
il ne faut en effet citer que pour mémoire le couteau
courbe, en forme de serpette, employé par les anciens
chirurgiens. La lame des couteaux varie de longueur et
de largeur suivant le but cherché. La lame longue sert
pour la taille des masses charnues dans les grandes ampu^-
tations ; elle est habituellement la plus large ; les lames
étroites et courtes servent au contraire dans les petites
opérations et d'une façon générale dans tous les cas où il
est nécessaire d'opérer avec une certaine précision. La lame
du couteau à amputation n'a généralement qu'un seul
tranchant ; on employait bien autrefois un couteau à double
tranchant, dit interosseux, pour mieux diviser les tissus
placés entre deux os, mais cet instrument tend à être
abandonné de plus en plus. Le manche du couteau doit avoir
une longueur d'au moins dix centimètres, quelles que
soient les dimensions de la lame, et être muni de pans ou
de cannelures pour pouvoir être bien tenu en main. La
soie de la lame doit être enfin très forte et très longue de
façon à être solidement implantée dans le manche. Pour
l'emploi des couteaux à amputation, V. Amputation. — Le
couteau galvanocaustique (V. Cautère) est un instrument
qui repose sur le principe du galvanocautère. Il comprend
une anse de platine aplatie de manière à rappeler par son
aspect la lame d'un couteau qui serait évidé à son centre.
Cette lame est montée sur un manche creux et reliée aux
deux pôles d'une forte pile. Un dispositif spécial permet en
agissant sur la longueur de la lame de reporter l'action du
courant sur une plus ou moins grande surface et par suite
de chauffer celle-ci à une température variable. Ce perfec-
tionnement, dû à M. Séré, a son importance, l'action du
couteau galvanocaustique variant avec sa température. Aux
environs de 1500^, alors que la lame est au rouge blanc,
elle se comporte comme un couteau avec cette différence
qu'il suffit d'appuyer et non de scier. Les vaisseaux san-
guins restent même béants comme dans le cas d'une section
nette ; il y a hémorragie et si la lame se refroidit peu au
contact du sang, c'est que les parties liquides qui l'en-
tourent sont à l'état sphéroïdal. Vers 600<* (rouge sombre),
le couteau coupe également, mais les vaisseaux sanguins ne
sont plus béants; aussi l'hémorragie est-elle presque nulle.
C'est cette température qui est la plus employée par le
chirurgien, car elle permet d'opérer certaines tumeurs très
vasculaires sans perte de sang. B^ A.
IV. Peinture. — Couteau à palette. Instrument, dont
le nom indique la forme, pourvu d'une lame d'acier
très mince et très flexible; on se sert parfois aussi de
lames de corne, pour la manipulation de certaines couleurs
qui se noirciraient au contact de l'acier. Jadis, les peintres
se contentaient d'employer le couteau pour broyer et mé-
langer les couleurs sur la palette ; aujourd'hui il a pris
une plus grande importance, et sert très souvent à poser
directement les tons sur la toile, comme le feraient une
brosse ou un pinceau; dans ce cas, la lame est trian-
gulaire, coudée à son sommet, et ressemble à une truelle
de maçon. Des coloristes puissants, tels que Courbet, Jules
Dupré,etc., ont exécuté des morceaux d'une vigueur éton-
nante, peints seulement au couteau. Ad. T.
BiBL. : Archéologie.— Evans, les Ages de la pierre (tra-
duct. franc.), p. 321.— Du même, l'Age du bronze {tvâduct.
franc.), p. 2i8. — S. Reinach, dans Daremberg et Saglio,
Dictionnaire des Antiquités^ au mot Culter. — Viollet-
LE-Duc, Dictionnaire raisonné du mobilier français^ t. II,
p. 74. — Gay, Glossaire archéologique, au mot Couteau.
COUTEAU (Cultellus) (Malac). Genre de Mollusques-
Lamellibranches, de l'ordre des Pholadacés, établi par Schu-
macher en 1847 pour une coquille transverse, allongée,
comprimée latéralement, bâillante et arrondie aux deux
extrémités, courbée dans le sens de la longueur; côté an-
térieur très court. Charnière composée : sur la valve droite,
d'une dent cardinale antérieure, verticale,' prononcée, et
d'une autre postérieure et oblique ; sur la valve gauche,
de trois dents cardinales divergentes, la médiane étant
bifide. Ligament porté sur une nymphe bien développée ;
impression musculaire antérieure presque arrondie ; la pos-
térieure ovale, oblongue; impression palléale large, courte,
de forme subquadrangulaire. Animal pourvu de siphons
allongés et désunis dans la moitié de leur longueur, entou-
rés d'un cercle de tentacules. Le pied est long, cylindrique,
tronqué et dilaté à son extrémité. Les Cultelles vivent dans
le sable à une faible profondeur : ils habitent surtout les
mers de l'Asie, des Philippines, celles de l'Afrique.
COUTELAS. ï. Archéologie. — Sorte d'épée courte, à
lame large et courbe, tranchante d'un seul côté, en usage
dans les armées au xvi® siècle pour achever les blessés sur
les champs de bataille ou exécuter les prisonniers. En
4575, Palissy mentionne un coutelas de Genève, mer-
veilleusement orné et d'acier si bien trempé que l'on en
coupait des landiers de fer comme l'on eût fait du bois.
IL Technologie (V. Coutellerie).
III. Marine. — On nomme coutelas les bonnettes de
hune, par analogie de forme. Dans les bateaux à voiles
latines, on amure quelquefois le foc sur un bâton parti-
culier et on l'oriente de façon à lui faire recevoir l'action
directe du vent. Cette opération s'appelle faire coutelas,
et s'effectue quand le foc est abrité parla mestre,
COUTELASSE (V. Charcuterie, t. X, p. 644).
COUTELIER. I. Archéologie. — Etui en cuir ou on
métal, servant à enfermer des couteaux.
COUTELIER — COUTELLERIE
«- 206 -^
IL Technologie. — L'origine de l'industrie des cou-
teliers, à Paris surtout, est très ancienne ; nous en trou-
vons la preuve, dès 1268, dans les titres XVI et XVII du
Livre des métiers d'Etienne Boileau, ainsi que dans les
édits rendus sous Charles IX, en 1565, confirmés sous
Henri III et Henri IV en 1586 et 1608, pour la réunion
des maîtres et la désignation des objets qu'ils pouvaient
fabriquer. Les couteliers faisaient primitivement partie des
ouvriers en fer désignés par l'appellation générale de fèvres
et comprenant les fèvr es-coutelier s seulement, fabricants
de lames de couteaux, assimilés aux maréchaux, quant à
l'achat du métier, à la surveillance et aux amendes. Les
couteliers de manches^ chose étrange, n'avaient pas de
rapports avec les fabricants de lames ; ils se bornaient à
travailler le manche des couteaux et à les emmancher ; ils
faisaient également des peignes en ivoire et les emman-
chaient. Les malfaçons et l'emploi du clinquant étaient
punis d'une amende. Des pièces assez nombreuses ont été
exécutées plus tard sous les règnes de Louis XV et de
Louis XVI. Ces objets, conservés si précieusement dans nos
musées et par les collectionneurs, sont des preuves bien
évidentes que le mérite bien reconnu des couteliers du
siècle dernier provient de la réunion de plusieurs profes-
sions dirigées par un seul patron. Pour s'en convaincre, il
suffit d'examiner ces couteaux fermants ou de table, soit à
manches d'argent ciselé, soit à manches d'ivoire, d'écaillé
ou de nacre, décorés de bandes droites ou obliques et
garnis de viroles et cuvette enrichies d'ornements en or de
couleur ciselé, les ressorts et les dos de lames appliqués
de bandes d'or, ainsi que ces ciseaux d'acier ciselé, branches et
lames décorées d'or de couleur incrusté et ciselé. L'aban-
don de ce mode de fabrication pendant la première période
de ce siècle, ainsi que de celle de ces pièces exceptionnelles,
avait de beaucoup diminué l'importance des couteliers.
C'est ce qu'ils ont compris plus tard, en revenant aux
errements du passé. Hs ont exécuté, en les imitant avec
le même soin, non seulement tout ce qui avait été déjà fait,
mais, s'inspirant des besoins nouveaux, ils ont modifié les
formes des couteaux de table en les simpUfiant d'une façon
élégante, devenue plus facile parla division du travail ; par
suite de l'abaissement du prix, ils les rendent accessibles
à un plus grand nombre, provoquent des besoins par la
création des pièces utiles au service de table. Enfm, d'ad-
ditions en additions, ils sont arrivés à fabriquer tout le ser-
vice de table en argent. De là leur dénomination, pour une
partie, de couteliers-orfèvres (V. Coutellerie). L. Knaij.
COUTELLE (Jean-Marie-Joseph), ingénieur militaire
français, né au Mans en 1748, mort dans cette ville le
20 mars 1835. Il créa, avec l'aide de Conté, la première
compagnie d'aérostiers militaires , qu'il commanda à la
bataille de Fleurus (V. Aérostat, t. I, p. 669), et fit
partie de l'expédition d'Egypte. Nommé à son retour colo-
nel, puis inspecteur aux revues, il fit les campagnes de
l'Empire et fut mis à la retraite en 1816. Il a publié : Sur
r Emploi des aérostiers aux armées de Sambre-et-Meuse
et du l\hin (1794); Sur la Topographie du Sinaï et
Observations météorologiques faites au Caire^ mémoires
insérés dans le grand ouvrage de la commission d'Egypte.
BiBL. : Obsèques de Coutelle^ dans le Bulletin de la So-
ciété élémentaire^ mars 1835. — Dagoneau, Notice sur
Coutelle; Le Mans, 183G, in-8.
COUTELLERIE (Industr.). L'industrie désignée sous le
nom de coutellerie comprend, d'une part, tous les outils
qui servent, dans l'économie domestique, à tailler ou à
couper la matière, et, de l'autre, les outils non tranchants
servant aux usages personnels ou au service de la table.
Ces outils et objets sont extrêmement variés, tant dans leur
nature que dans leurs formes, en raison des usages de
toute sorte auxquels ils sont destinés. Ils peuvent se classer
de la manière suivante : coutellerie de table ordinaire et
de luxe, comprenant les services à découper, couteaux à
fromage, couteaux spéciaux pour les fruits, à lames recou-
vertes de métal inoxydable ou en métal précieux ; coutel-
lerie fermante, couteaux de poche, de chasse, de voyage
et de défense, canifs, coupe-cors et onghers de poche ; cou-
tellerie à lames fines, à gaine, poignards, couteaux de
chasse et ceux dits saladéros ou brésiliens ; grosse cou-
tellerie à tranchants divers, couteaux de cuisine ou de
boucher, coutelas, fusils et affîloirs, hachoirs à plusieurs
lames, couperets, tranchants et couteaux de peintre; ci-
saillerie, ciseaux de tous les genres, pour les travaux mul-
tiples, pour la toilette et diverses professions, tailleurs^
cordonniers et chemisiers, ciseaux à raisin pour la table,
pinces à couper les ongles, sécateurs, coupe-fleurs et autres
pièces pour l'horticulture ; rasoirs en tous genres ; quin-
caillerie fine en acier poli, tire-bouchons, tire-boutons,
limes à ongles, pinces à ôpiier et garnitures de nécessaires ;
pdite orfèvrerie, pièces à hors d'œuvre, couverts à salade,
fourchettes à huître, à melon, truelles et services à pois-
son, à melon, à glace, en argent ou en métal argenté ou
doré ; enfin, diiférentes pièces se rattachant à cette indus-
trie et dont nous parlerons plus loin.
Jous les pays fabriquent une partie de la coutellerie
qui leur est nécessaire, mais il existe, en outre, un certain
nombre de districts manufacturiers dont la coutellerie est
l'industrie spéciale et pour ainsi dire exclusive, et qui ex-
portent régulièrement leurs produits dans les pays étran-
gers ; ce sont : en France, Thiers (Puy-de-Dôme), Nogent
(Haute-Marne), Châtellerault (Vienne) et Paris; en An-
gleterre, Sheffield; en Belgique, Gembloux, Namur et
Lierre; en Allemagne, Solingen, Tuttlingen; en Autriche-
Hongrie, Steinbach, Trattenbach, Beraun, Prague, Buda-
pest ; en Russie, Pavlona (Nijni-Novgorod), Vatch (Vla-
dimir), Viborg (Finlande); aux Etats-Unis, Northfield.
Nous nous proposons, avant de passer à la fabrication, de
donner la descripLion générale des centres, en faisant con-
naître leur mérite et îeiirs particularités.
Fabrique de Thiers. La ville de Thiers, bâtie sur le ver-
sant d'une montagne du Forez, près de laquelle coule un petit
torrent, la Durolle, qui est le moteur naturel pour la plupart
des fabriques, est le centre le plus important de l'industrie
de la coutellerie française. On y fabrique tous les articles,
depuis le commun jusqu'au demi-fin. Le nombre des fabri-
cants patentés dans le cant. de Thiers est de trois cent
cinquante ; celui des ouvriers travaillant à cette industrie
est de vingt mille, dont quatre mille partagent leur temps
entre l'atelier et les travaux des champs. La production
est évaluée à 13 millions de francs. Les ouvriers travail-
lent à la tâche ou à la journée, soit dans les fabriques au
nombre de soixante et onze à Thiers, soit isolément réunis
en famille. Le salaire moyen par jour est de 2 fr. 75 à
3 fr. pour les hommes de la ville et de 2 fr. 25 pour ceux
de la campagne ; 1 fr. et 1 fr. 25 pour les femmes. Les
fabricants se livrent généralement à une spécialité de pro-
duction, l'exécution se fait par la division du travail, soit
manuel, soit au moyen de machines-outils ; chaque ouvrier
fait une fraction de pièce ; l'un forge, l'autre lime, un
autre trempe et ratisse, d'autres émoulent et polissent;
puis, lames, ressorts, platines et manches de chaque mo-
dèle sont réunis et remis aux monteurs -ajusteurs qui
terminent les pièces. Les fabriques les plus importantes
ont tous les ouvriers réunis ; mais bien d'autres produc-
teurs commandent ou remettent aux ouvriers isolés soit
les matières premières, soit les pièces en cours de fabri-
cation, afin qu'ils exécutent la fraction qui les concerne;
puis, comme dans les fabric[ues, des monteurs réunissent,
montent et terminent les pièces. Ce dernier mode d'exécu-
tion, qui est encore le plus répandu, a ses avantages et ses
inconvénients. Il permet à l'ouvrier de travailler en famille,
d'être plus indépendanl, de vivre avec plus d'économie ;
mais l'ouvrier perd du temps pour aller chercher et re-
porter l'ouvrage, et il est difficile de surveiller pour l'exé-
cution et l'ensemble nécessaire à donner aux pièces. Aussi
le travail isolé devra aller en diminuant, pour être rem-
placé par l'augmentation et l'agrandissement des fabriques,
où l'on peut établir et utihser les machines-outils qui don-
207 -
COUTELLERIE
nent un travail plus régulier et à des prix moins élevés.
La vapeur est employée en supplément de la Durolle, qui
rie fournit qu'une force hydraulique de 375 chevaux. Les
produits exécutés à l'aide des machines à forger, estamper,
découper et percer sont : les couteaux fermants, à une ou
plusieurs pièces, et ceux plus compliqués, modèle Nogent ;
également les ciseaux communs et ceux demi-fins, forgés
ou estampés, procédé et modèles Nogent, les rasoirs or-
dinaires ; les couteaux de table communs à plates semelles
ou à bascule, manches en bois, ébène, os et ivoire blanc ;
la grosse coutellerie. Les produits sont expédiés pour deux
tiers en France et un tiers à l'étranger. Les principaux dé-
bouchés sont : Paris, où résident des négociants vendant
soit aux détaillants, soit aux commissionnaires pour l'ex-
portation; Lyon, Bordeaux, Marseille, Lille, Toulouse;
l'Italie, la Turquie, l'Egypte, la Suisse, la Belgique et
l'Amérique du Sud.
Fabrique de Nogent. C'est dans le district de Nogent-
Langres que l'on prépare la coutellerie fine et demi-fine
de tout genre. L'origine en est fort ancienne. C'est à
Langres que la coutellerie a pris naissance pour se déplacer
plus tard et se fixer définitivement à Nogent et dans les
quatre-vingts à cent communes qui l'environnent. Dans
cette petite ville chacun est employé au commerce de la
coutellerie, les uns comme producteurs, les autres comme
marchands commissionnaires, ces derniers achetant aux
meilleures conditions les articles qui leur sont apportés le
dimanche matin, recevant et donnant des commandes à
exécuter ; enfin, d'autres marchands vendent aux ouvriers
les outils et les fournitures qui leur sont nécessaires pour
la fabrication. Les diverses branches de cette industrie
multiple employent quatre à cinq mille ouvriers, travaillant
les uns en fabrique, les autres en famille et gagnant, les
premiers, de 3 à 5 fr. par jour, les seconds de 2 à 4 fr,
La production dépasse 4 millions de fr. Les fabriques
sont au nombre de quarante. La force motrice employée est
de 600 chevaux, dont 350 pour l'eau et 250 pour la vapeur.
On y fabrique par la division du travail, avec les machines-
outils en usage, la grosse coutellerie, les lames des couteaux
de table et à découper, les lames de rasoir, les sécateurs et
plusieurs sortes de ciseaux, pour tailleurs, cordonniers et
chemisiers. Les ouvriers travaillant isolément avec un ou
deux compagnons et apprentis qui, le plus souvent, sont leurs
fils, sont de beaucoup les plus nombreux. Ils se divisent
en deux catégories : les uns qui fabriquent à leur guise
des produits vulgaires, qu'ils vendent à Nogent, et les
autres exécutant les commandes qui leur sont faites soit
par les commissionnaires, soit par les couteliers des villes.
Les produits, en général, sont expédiés deux tiers pour la
France et un tiers pour l'étranger. Paris est le débouché le
plus important, tant par les marchands détaillants que par
ceux en gros et les commissionnaires pour l'exportation,
principalement pour l'Amérique du Sud.
Fabrique de Châtellerault. Les produits de Châtelle-
rault, si bien connus autrefois des voyageurs allant en di-
ligence de Paris à Bordeaux, avaient à peu près disparu
'de 1830 à 1838, les ouvriers couteliers ayant été attirés
par un salaire supérieur à la fabrique d'armes blanches
étabUe par l'Etat. C'est à cette dernière date qu'un indus-
triel monta, à peu de distance de Châtellerault, une usine
pour y fabriquer la coutellerie de table et la grosse cou-
tellerie. Les heureux résultats obtenus ont fait surgir deux
imitateurs, ce qui porte à trois le nombre des fabriques
installées sur des cours d'eau à quelque distance de la ville ;
mille ouvriers y sont employés. Le chiff*re de la production
annuelle est d'environ 1,200,000 fr. Les produits ordi-
naires, demi-fins, et ceux d'un prix plus élevé sont fabri-
qués par la division du travail, avec un outillage très per-
fectionné. Le placement des articles est fait directement
tant en France que dans les pays étrangers voisins.
Fabrique de Paris. Paris occupe le premier rang dans l'in-
dustrie de la coutellerie, aussi bien par le mérite de ses pro-
duits, qui réunissent à la qualité la perfection, que comme
entrepôt général des produits des autres fabriques. Le groupe
de Paris se divise ainsi qu'il suit : 1° les couteliers en gros;
ils s'approvisionnent directement dans les centres de pro-
duction, ils vendent aux commissionnaires exportateurs,
aux commerçants, trafiquant sur ces articles ou les em-
ployant pour garnitures de trousses ou nécessaires ; 2^ les
couteliers-orfèvres en appartement, fabriquant les man-
ches d'argent, les couteaux de table ivoire et nacre, ainsi
que la petite orfèvrerie et les couverts de table et de des-
sert en argent ; ils succèdent, pour ces derniers articles,
aux cuilleristes, qui n'existent plus ; ceux qui restent ont
ajouté à leur fabrication première la petite orfèvrerie ; ik
s'appellent orfèvres-couteliers. Les produits des uns et des
autres sont vendus aux bijoutiers-orfèvres de toutes les
villes, ainsi qu'aux couteliers ; 3*^ les couteliers en bou-
tique travaillant avec un ou deux ouvriers ; ils font le
repassage, les réparations ainsi que des pièces neuves ;
plusieurs fabriquent les ciseaux de tailleurs avec une rare
perfection ; 4° les couteliers-orfèvres en magasin sont,
par leurs rapports directs avec les consommateurs, chargés
de faire exécuter les pièces de commande et de mettre en
pratique les idées qui leur sont apportées ou suggérées.
Ils sont, par leur situation exceptionnelle, appelés à rem-
plir le rôle le plus important dans la direction de la fabri-
cation de la coutellerie de luxe, ainsi que de celle des autres
pièces qui s'y rattachent. Leurs ateliers ne sont, à propre-
ment parler, que le lieu de centralisation des objets ou des
fractions exécutés ailleurs sous leur surveillance. Chaque
chose est par eux visitée, retouchée, ajustée et montée,
pour faire un tout composant la pièce ou l'objet. Les lames
d'acier qu'ils emploient pour les couteaux de table ainsi
que les couteaux fermants et ciseaux d'usage courant sont
exécutés dans la Haute-Marne, sur modèles envoyés ou dé-
signés par eux. Ces pièces sont marquées du nom du cou-
telier qui les a commandées, comme étant ses produits.
Les rasoirs vendus à Paris sont exécutés les uns en province,
les autres à Paris ; ces derniers fabriqués avec l'acier
anglais lïuntsmann et dont les formes sont raisonnées en
raison de l'usage du cuir, jouissent d'une renommée bien
justifiée. En résumé, les couteliers parisiens ont donné
une grande extension à leur industrie ; le chiffre d'affaires
annuel dépasse 10 millions de fr.et le nombre d'ouvriers tra-
vaillant à la coutellerie est évalué à neuf cents; leur salaire
est de 5 à 7 fr. par jour.
Angleterre. La coutellerie anglaise jouit d'une réputa-
tion méritée ; Sheffield, son centre de fabrication, est le
lieu de production des meilleurs aciers fondus. Le nombre
de personnes employées à cette industrie est évalué à dix-
neuf mille, le chiffre d'affaires à 12 millions de fr. Les prin-
cipaux producteurs ont des relations établies dans toutes
les parties du monde. Les pièces sont exécutées par la di-
vision du travail, soit à la main, soit à l'aide de machines,
dont l'emploi ne cesse de s'accroître. Les ouvriers habi-
tent la ville et les environs ; ils travaillent soit en famille,
dans de petits ateliers, soit dans les fabriques, qui sont
importantes et assez nombreuses. Le salaire est fixé à la
pièce ; la moyenne pour les travaux ordinaires est de 40 fr.
pour cinq journées et demie de dix heures de travail, la
semaine finissant le samedi à midi. Les modèles sur les-
quels on doit exécuter des quantités do pièces pendant de
longues années sont créés avec beaucoup de soins. Les
formes lourdes et solides, bien appropriées aux usages an-
glais, ne plaisent pas en France. La coutellerie anglaise
doit sa réputation a l'emploi de bons aciers, aux soins
donnés à la trempe, à Fémoulage et surtout à l'affilage,
qui est exécuté par des ouvriers spéciaux.
Allemagne. C'est Solingen qui est le principal centre
de la production ; la Wupper coule près de la fabrique et sert
de moteur économique aux aiguiseries. Les produits prin-
cipaux sont : les couteaux-canifs de deux à six pièces et
les ciseaux. Les uns et les autres sont établis à des prix
extrêmement bas. Les couteaux sont faits sur des modèles
anglais , sur lesquels on applique souvent la marque
COUTELLERIE
— 208 —
anglaise ; les manches, façon écaille ou en nacre, sont com-
posés de plusieurs morceaux, avec garniture aux extré-
mités. Ils sont expédiés soit en paquets, soit assortis par
douzaine, fixés sur des cartes anglaises; ils ont une cer-
taine apparence, mais pas de qualité. Les ciseaux sont
quelquefois en acier forgé ou estampé, mais le plus sou-
vent en fonte parfaitement moulée. On les livre soit blan-
chis à la lime et à la meule, soit demi-polis sans être
trempés, soit enfin trempés, demi-polis ou polis. Une partie
de cette mauvaise coutellerie, fabriquée avec beaucoup
d'habileté par un outillage bien compris, est employée en
France et vendue dans les bazars.
Autriche-Hongrie, Steinbach et Trettenbach font partie
du groupe des fabriques de Steyr, qui transforment les
produits métallurgiques sous tant de formes d'outils. On
y fabrique la coutellerie à bas prix ; les manches sont en
bois. Ceux fermants sont ronds, faits au tour, le ressort
est remplacé par une virole en fer, qui tient le rivet et
forme repos à la lame ouverte. Ceux à lame fixe pour la
table ont le manche méplat refendu, dans lequel la lame est
fixée par trois rivets. Les lames, faites avec de l'acier mar-
telé qui a de la souplesse et beaucoup de résistance, sont
de bonne qualité. Les prix sont, pour ceux fermant, de
2 cent, la pièce; vendus par mille, ceux de table se payent
de 3 cent, à 5 cent, la pièce.
Belgique, En Belgique on fabrique la coutellerie à Na-
mur, à Gembloux et à Lierre ; ces fabriques ont beaucoup
perdu de leur importance.
Russie. Elle produit, aux environs de Nijni-Novgorod,
d'excellents aciers, avec lesquels on fabrique, notamment
à Pavlona et à Vatch, de la coutellerie de tous les genres,
fermante et fixe.
Etats-Unis. Les fabriques de coutellerie sont assez nom-
breuses, quoiqu'elles soient d'une création récente. Les
usages se rapprochant de ceux de l'Angleterre, c'est de ce
pays qu'elles ont pris les formes et les ouvriers pour les
faire exécuter au moyen de machines-outils très bien con-
çues, avec lesquelles l'ouvrier n'a qu'à diriger.
Fabrication. — Les diverses opérations qui constituent le
travail de la coutellerie se divisent en trois groupes : le
travail de la forge ; le travail de l'aiguiserie ; le travail du
montage. Le travail de la forge comprend tout ce qui a
trait aux opérations à faire subir aux matières constituant
les lames, pour leur donner les formes et qualités qu'elles
doivent présenter. Les manipulations comprennent d'abord
le corroyage, destiné à transformer le métal en un tissu
homogène, doux et serré ; la soudure est en quelque sorte
le complément naturel du corroyage, et, lorsqu'il s'agit du
ier, elle n'est qu'une variété du travail de la forge, mais,
lorsqu'il s'agit de l'acier, on est obligé d'avoir recours à
la variété de soudure dite brasure. La fabrication particu-
lière des lames destinées aux armes de luxe, entraîne
l'opération du damasquinage qui a pour but de leur donner
une élasticité, une sonorité et un tranchant remarquables,
La trempe qui vient ensuite est une des opérations les plus
essentielles de la coutellerie, puisque c'est elle qui procure
le durcissement de l'acier et ses propriétés tranchantes. La
trempe qui a pour but de donner à l'acier de la résistance,
de la dureté et de l'élasticité, lui procure rarement ces
trois qualités à la fois, d'où souvent la nécessité de re-
prendre ce travail à plusieurs reprises. Si l'acier n'est pas
assez dur, une seconde trempe peut corriger le défaut sur-
venu après la première : mais, s'il est devenu aigre, il faut
lui donner une chauffe spéciale. On remplace souvent et
avec avantage la chauffe au feu de forge par l'immersion
dans des bains d'aUiages métalHques fondant à des tempé-
ratures connues (V. Trempe). Les rasoirs sont recuits au
jaune paille, les bistouris, canifs, et toutes les lames qui
ont besoin de corps au jaune d'or, les couteaux et toutes
les lames robustes au rouge cuivre, les ciseaux au pourpre,
les ressorts au bleu foncé et violet. Certaines pièces comme
les lancettes exigent des soins particuliers dans l'opération
du recuit, la lame devant présenter à la fois plusieurs
nuances au feu ; ainsi un couteau devra montrer du tran-
chant au dos, le rouge cuivre, le violet et la couleur d'eau.
Le travail de l'aiguiserie comprend Vémoulage pour don-
ner à la lame le tranchant que la forge n'a pu lui procurer ;
V affilage pour abattre les rainures, le morfil subsistant
après l'émoulage, et donner à la lame le fil qu'elle doit
avoir ; le polissage pour donner de la douceur et de la viva-
cité au tranchant, et à toute la lame un aspect net et bril-
lant. L'émoulage se fait avec un enduit d'eau et de suif sur
des meules généralement en grès gui ne doivent tourner
qu'à une vitesse modérée pour éviter réchauffement des
lames. Le travail de Fémoulage est assez pénible pour les
ouvriers qui l'exécutent, à cause des poussières métalhques
qui remplissent l'air ; ils s'abritent les yeux avec de larges
lunettes. L'affilage se fait à la main avec des pierres à ai-
guiser ; ce sont : pour la grosse coutellerie, des grès houiJ-
1ers, pierres crétacées ; pour le dos des lames, des pierres
à huile, dites du Levant, en chaux carbonatée; pour les
rasoirs, des schistes argilo-siliceux ; pour les lames fines,
des pierres à burin, ou schiste verdâtre à grains serrés.
Enfin le polissage s'exécute, soit sur des meules en bois
très dur, soit à la brosse, soit à la main. Le premier pro-
cédé ou poli ordinaire n'est suffisant que pour la coutellerie
commune ; on peut aussi se servir d'une meule de bois
recouverte d'un cuir, sur lequel on a déposé de la potée
d'étain ou du rouge d'Angleterre. Le poKssage à la brosse
se fait avec des meules garnies de brosses et imbibées de
bouillie d'émeri, de potée et de rouge ; on l'emploie pour
les pièces de formes tourmentées. Le poHssage à la main
s'exécute en tenant la lame dans un étau et la frottant
avec une pièce de bois de noyer couverte d'émeri ou de
potée.
Le travail d'ajustage comprend toutes les opérations né-
cessaires pour achever une pièce de coutellerie ; elles con-
sistent à terminer les lames par le limage, à préparer les
manches, les pièces qui servent à former la liaison des
lames et des manches et enfin à fixer ces derniers entre
eux. Les divers genres de couteau peuvent se rattacher à
deux classes : les couteaux à gaine et les couteaux fer-
mants à manche ; le plus simple est formé d'une lame ter-
minée vers le manche par une pièce beaucoup moins large
en forme de pointe dite queue ou scie^ séparée de la lame
par un rebord dit mitre., qui sert à asseoir la lame sur le
manche. Les couteaux fermant sont à une ou plusieurs
lames, mais toujours constitués avec les mêmes éléments.
Ces lames sont alors sans queues mais pourvues d'un ren-
flement dit talon y qui traverse l'axe autour duquel elles
tournent. Ce talon est arrondi suivant une de ses tranches
et s'appuie contre un ressort fixé au manche dont il forme
le dos. Ce ressort fait pivoter légèrement autour d'un
rivet qui passe vers le milieu. Les faces du manche sont
dans ce cas formées par des lames dites platines^ qui sont
recouvertes par des plaques de bois ou d'autres matières
formant le manche proprement dit. L'assemblage des pla-
tines, des ressorts, des lamelles et des lames se fait à la
lime, puis à l'aide de clous traversant les pièces et rivés
sur les platines. Les manches de coutellerie se font en mé-
tal, en bois, ou en matières diverses telles que la corne,
l'écaillé, l'ivoire, le caouthouc, la nacre. Parmi les bois
les plus employés, on peut citer l'if et 1q^ bois des îles,
principalement l'ébène, le bois de rose et l'acajou. Ces ma-
tières sont débitées suivant les formes convenables, à la
scie, à la lime, à récouelle,ou préparées par les procédés de
moulage, quand il s'agit de la corne, de l'écaillé ou du
caoutchouc. Ils sont ensuite polis au frottoir avec du rouge
d'Angleterre délayé dans du suif, de l'alcool ou de l'huile.
L'ajustage des manches et des lames se fait de diverses
façons. Pour cimenter un couteau à gaine, on commence
par mettre la queue de la lame au feu ; pendant qu'elle
chauffe, on emplit le trou du manche avec du ciment en
poudre. Ce ciment est un mélange de une partie de brique
broyée assez fin, quatre parties de poix-résine broyée de
même et une partie de cire jaune. Quand la queue est un
— 209 -
COUTELLERIE - COUTHON
peu chaude, on la présente au trou et la force à y entrer.
Lorsque la mitre est arrivée sur la virole, on retire la
queue du trou, on la garnit de ciment, on l'enfonce de
nouveau dans le manche et l'on réitère cette manœuvre
jusqu'à ce que l'on sente le ciment s'épaissir. Lorsque le
manche est formé de platines en métal, recouvertes de
plaques de matières diverses, l'ajustement de ces pièces se
fait à l'aide de rivets, passant dans des trous convenable-
ments percés à travers toutes les pièces de bois ajustées en
place. Quelquefois aussi on se contente d'un simple collage,
ou d'un emmanchement des plaques dans une rainure à
coulisse, les bords des platines se trouvant sur saillie et
à fleur des faces définitives du manche. L. Knâb.
COUTELLIER, dessinateur et graveur au pointillé fran-
çais, qui travaillait à Paris dans la seconde moitié du
xviii^ siècle. On cite de lui les portraits de Carlin Ber-
tinazzi, de M^^^ Julien, de i)P^^ Colombe, de Joseph
Menier, artistes de la Comédie-Italienne, gravés à la ma-
nière du lavis et en couleur; ceux de ilf"^ Contât, en
Suzanne, et de i¥^^^ Olivier, en Chérubin, deux pièces en
couleur inspirées par le succès du Mariage de Figaro ; le
portrait de Jean-Denis Cochin, docteur en théologie de la
Faculté de Paris.
BiBL. : Dictionnaire des artistes dont nous avons des
estampes; Leipzig, t. IV.— Le Blanc, Manuel de Varna-
teiir d'estampes, t. II.
COUTENÇON. Corn, du dép. de Seine-et-Marne, arr.
de Provins, cant. de Dannemarie-en-Montois ; 217 hab.
COUTENS. Com. du dép. de l'Ariège, arr. de Pamiers,
cant. de Mirepoix ; 196 hab.
COUTERNE. Com. du dép. de l'Orne, arr. de Dom-
front, cant. de La Ferté-Macé, sur la Vée (Mayenne,
droite); 1,337 hab. Stat. de la ligne de Domfront à Alen-
çon, et tête de l'embranchement sur Briouze (Ouest), dans
un pays bien arrosé et pittoresque. L'église, de style roman,
est curieuse; le château, du xvi® siècle, a été construit par
le poète Jehan Frotté, chevalier de Marguerite de Navarre.
COUTERNON. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. et
cant. de Dijon; 301 hab.
C0UTEU6ES. Com. du dép. delà Haute-Loire, arr.
de Brioude, cant. de Paulhaguet ; 425 hab.
COUTEVROULT. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr.
de Meaux, cant. de Crécy ; 373 hab.
COUTHENANS. Com. du dép. de la Haute-Saône, arr.
de Lure, cant. d'Héricourt, sur la Luzine ; 331 hab. Tis-
sages. La seigneurie, qui était dans la mouvance du comté
de Montbéhard, appartint, du xiii® au xv® siècle, à la mai-
son de Couthenans; elle passa ensuite, au xvi^, à Heckie
de Steineck, bailli de Montbéliard, puis aux héritiers de
Frédéric de Wurttemberg, qui affranchit les habitants en
1583. Le village fut pillé en 1519 parles troupes de Fur-
steml>erg, brûlé deux fois, en 1635, par les Lorrains, et,
en 1653, par le maréchal de La Ferté. L-x.
COUTHON (Georges), homme politique français, né à
Orcet en Auvergne le 22 déc. 1755, mort à Paris le
10 thermidor an II (28 juil. 1794). Elevé chez un pro-
cureur à Riom et reçu avocat à Clermont en 1785, il se
fit estimer par la clarté de sa parole et la gravité douce
de son caractère. Sa réputation de bienfaisance et d'impar-
tialité étaient grandes. En 1787, il devint un des avocats
qui formèrent le conseil des députés du tiers état à l'as-
semblée provinciale d'Auvergne. Au début de la Révolution, il
fit partie delà municipalité de Clermont. En 1791, il publia
une comédie, F Aristocrate converti, qui est un dialogue
politique entre un noble rallié à la Révolution et son neveu
qui hésite à se rallier : c'est une apologie de la monarchie
constitutionnelle. Mais la fuite à Varennes changea sa ma-
nière de voir : il fit voter par la société populaire de
Clermont une adresse à l'Assemblée nationale pour demander
la déchéance du roi. Il était alors président du tribunal de
Clermont-Ferrand. En sept. 1791, les électeurs du Puy-de-
Dôme le nommèrent député à la Législative. Il semblait
presque mourant. Atteint de paralysie au commencement de
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIIL
1790, il était alors complètement privé de Fusage de ses
jambes. La maladie le laissa vivre, mais l'exaspéra par de
vives et continuelles souffrances, qui expliquent peut-être
en partie la violence ultérieure de sa conduite politique.
A une des premières séances de la Législative, le 5 oct.
1791, il se fit porter à la tribune, dans tout son appareil
d'intéressant malade, et cet inconnu à la fissure noble et
douce, au ton modeste et suave, laissa tomber de ses
lèvres les paroles les plus irrévérencieuses que la royauté
eût encore entendues. A propos du cérémonial à adopter
dans les rapports de la couronne et de l'Assemblée, il de-
manda nettement que Louis XVI ne fût plus traité en roi :
plus de trône pour lui quand il viendrait dans l'Assemblée ;
plus de distinction honorifique entre le chef de l'Etat et le
président de la Législative ; plus de ces titres de sire et de
majesté. Un décret réalisa un instant le vœu de Cotithon,
mais il fut rapporté le lendemain. Pendant cette première
année de sa vie parlementaire, Couthon fut sobre de dis-
cours, aux Jacobins comme à l'Assemblée. Mais son attitude
dans l'affaire des Suisses de Château vieux le rendit populaire.
En nov. 1791, il préside les Jacobins. Sans se lier à aucun
parti, il combat dès lors, non avec Brissot, mais avec les
Jacobins du dehors, Petion, Barbaroux, qui préparent la
chute du trône.
Quand le 10 août éclata, il était à Saint-Amand-les-
Eaux pour y soigner son mal. 11 fut réélu à la Convention.
Dans le procès de Louis XVI, il vota contre l'appel au
peuple, pour la mort, contre le sursis. Il avait horreur de
Marat et parut d'abord incertain entre la Montagne et la
Gironde. Mais, bientôt, il se rapprocha ouvertement de
Robespierre, dont il fut dès lors le séide. Une communauté
d'opinion religieuse rapprochait ces deux hommes : Cou-
thon était, lui aussi, fanatique de l'évangile du Vicaire
savoyard et il aida Robespierre à combattre la philosophie
et à organiser le culte de l'Etre suprême. S'il fut into-
lérant et cruel, ce fut moins comme politique que comme
sectateur de la rehgion déiste, du néo-catholicisme dont Robes-
pierre fut le pontife. Du 3 mars au 3 mai 17 93, il fut envoyé,
avecGoupilleau (deMontaigu) et Michel dans laprincipauté de
Salm, dont il organisa l'annexion à la France. Le 30 mai, il
entra avec Saint-Just au comité de Salut puWic. Le 21 août
1793, la Convention l'adjoignit, avec Chat eauneuf-Randon et
Maignet, aux représentants près l'armée devant Lyon et
dans les départements circonvoisins. 11 opéra une levée en
masse dans le dép. du Puy-de-Dôme, mena lui-même ces
recrues au siège de Lyon et supplanta Dubois-Crancé, dont
il dénonçait les lenteurs périlleuses. Quand l'armée répu-
blicaine fut entrée dans la ville (9 oct. 1793), il y joua le
rôle d'un véritable proconsul. L'historien royaliste du siège
de Lyon, l'abbé Guillon, déclare que Couthon se montra
modéré et « contint la vengeance au lieu de l'exciter ».
Quand il reçut le fameux décret du 12 oct. qui ordonnait
la destruction de la ville rebelle, il en retarda de plusieurs
jours la proclamation qui n'eut lieu qu'à l'arrivée d'Albitte
(25 oct.). Le 26, il se fit porter sur la place Bellecour et
en toucha une maison avec un marteau, en disant : La loi
te frappe. Mais, tant qu'il fut à Lyon, aucune démoHtion
n'eut lieu. Il se montra également avare de sang. Sous son
proconsulat, on ne fit périr à Lyon que les chefs mili-
taires des insurgés, en tout vingt-quatre personnes. Il
repartit pour Paris le 3 nov. 1793, remplacé par le vindicatif
CoUot d'Herbois, qui affecta au contraire un zèle cruel.
Le 21 déc. 1793 (l^^nivôse an II), il fut éluprésident de la
Convention. Quand vint le premier anniversaire de l'exé-
cution de Louis XVI, il en demanda la célébration, et c'est
alors qu'il popularisa cette maxime : Blort aux tyrans,
paix aux chaumières ! Lors du procès des liébcrtistcs
et des dantonistes, il s'éleva avec fureur contre ces ennemis
de Robespierre et les calomnia avec perfidie. Le 27 floréal
an II, il injuria à la tribune les « philosophes » et glorifia
le culte de l'Etre suprême. Il eut le triste honneur d'être
le rapporteur de la loi du 22 prairial qui permettait de
guillotiner presque sans jugement tous les suspects, tous
14
CÔUTHON - COUTISSON
- âio ^
les ennemis de Robespierre. Le 3 thermidor, il fit aux
Jacobins la motion vague et terrible de poursuivre les
fripons et de délivrer la Convention du joug de quatre ou
cinq scélérats. Ces quatre ou cinq, avertis, firent le
9 thermidor. Dans cette circonstance, Couthon fut cou-
rageux. On l'attendait à Clermont, oii une ovation lui
était préparée. Mais il prévoyait la crise, et il écrivit
« qu'il voulait mourir ou triompher avec Robespierre et
la liberté ». Dans la séance du 9, Fréron ayant dit :
« Couthon voulait se faire de nos cadavres autant de de-
grés pour arriver au trône », Couthon se borna à répondre
ironiquement : « Je voulais arriver au trône , oui ! »
{Moniteur^ XXÏ, 335.) Décrété d'accusation et mis hors
la loi, il tenta vainement de se poignarder, le lendemain,
à l'Hôtel de ville. L'avocat Berryer, père de l'orateur, vit
ce misérable corps traîné et insulté comme un cadavre.
L'infirmité de Couthon rendit son supplice particulière-
ment long et horrible. -— Son portrait par Bonneville
lui prête une figure noble et régulière, un peu académique,
dépourvue d'expression et d'originalité. Gabriel l'a repré-
senté vieux, décharné, grimaçant, l'œil rusé et la bouche
sardonique, tel qu'il était sans doute, en 1794, torturé par
la maladie et enfiévré par le fanatisme. A la Convention,
immobile à sa place où le clouait son mal, il caressait un
Jeune chien qu'il tenait constamment sur ses genoux. Géné-
ralement, il parlait assis, Mais, dans les grandes occasions,
il se faisait porter à la tribune, où on lui installait un
siège haut et commode. F. -A. A.
BiBL. : Fr. Mège, Correspondance de Couthon; Paris,
1872, in-8. — Marcellin Boudet, les Conventionnels d'Au-
vergne : Dulaure ; Clermont-Ferrand et Paris, 1874, in-8.
— F.-A. AuLARD, les Orateurs de la Législative et de la
Convention, t. II, pp. 425-443.
COUTHURES-sur-Gâronne. Corn, du dép. de Lot-et-
Garonne, arr. de Marmande, cant. de Meilhan, sur la
Garonne; 4, 084 hab. Couthures se rattachait au Bazadais,
L'histoire de cette commune au moyen âge est peu connue.
Elle se trouvait, dans la seconde moitié du xin^ siècle, sur
la limite des possessions anglaises en Guyenne. C'était une
juridiction seigneuriale que le cardinal de Sourdis et les
archevêques de Bordeaux, ses successeurs, ont possédée
au xviï^ siècle. Peu de villes riveraines de la Garonne ont
eu plus à souffrir que celle-ci des débordements du fleuve.
Une partie du village et la moitié de l'église furent empor-
tées par les eaux dans la première moitié du xvii® siècle.
La configuration des rives de la Garonne, des relais et des
îles variait à la moindre crue, rendant toute propriété
précaire sur un grand périmètre, depuis les remparts
écroulés de Couthures, qui entravaient la navigation, jusqu'à
Sainte-Bazeille.
COUTICHES. Corn, du dép. du Nord, arr. de Douai,
cant. d'Orchies, sur un affluent de la Scarpe; 4,942 hab.
Bureau de douanes. LocaHté ancienne mentionnée dès le
xii"^ siècle.^
COUTIÈREa Com. du dép. des Deux-Sèvres, arr. de
Parthenay, cant. de Blénigoutte; 308 hab.
COUTIL» Tissu fort et serré, tantôt uni, tantôt rayé en
différentes couleurs, qui se fabrique en lin, ou en lin
mélangé de coton ou même en coton pur, et qui s'emploie
pour recouvrir les matelas et les traversins, ou pour
stores, housses de meubles, ou encore pour les confections
de vêtements, pantalons, guêtres, corsets, etc. Les centres
de fabrication les plus importants sont, en France, Fiers,
Laval, Evreux, Nantes et Lille.
COUTILLIER. Soldat armé de la coutille, qui figurait
dans les armées du xv^ siècle. On n'a pas encore pu dé-
terminer exactement la forme de la coutille „ Cette arme
apparaît dans les textes, ordinairement sous la forme
coustille, dès le milieu du xiv*^ siècle ; mais, tandis que
dans certains documents ce mot paraît désigner une sorte
d'épée à lame large à la base, dans d'autres au contraire
il semble qu'il faille l'entendre d'une lame emmanchée à
un bâton. L'auteur inconnu d'un traité du costume mili-
taire, rédigé en 4446, décrit ainsi le harnachement des
soldats armés de la coutille, appelés coustilleux, puis
coutilliers : « Y use l'en (en France) d'une autre manière
de gens armez seulement de haubergeons, sallade, gan-
tellez et harnoys de jambe, lesquelx portent voulun tiers
en leur main une façzon de dardres qui ont le fer large,
que l'en appelle langue de bœuf, et les appelle l'en cous-
tilleux Quant à la faczon de dagues et d'espées
lesdits coustilleux portent voluntiers f ueilles de Catheloigne
un pou longuettes et estroites, et sont un bien pou roides
et dagues pareilles. » La coutille paraît avoir été très
usitée en Espagne. Froissart parle d' « une coustilie longue
de Castille ». On relève dans la chronique de Molinet
(4498) la phrase suivante : « Puis à la manière d'Espa-
gnol, la coustilie au costé. » L'ordonnance de 44o4, sur
les compagnies, prescrivait à chaque homme d'armes
d'avoir un << coustilleur bien et suffisamment monté, selon
que à coustilleur appartient, de cheval sur quoy il puisse
faire son devoir ». Chartier, dans sa Chronique de
Charles VU, parle aussi de coustilleurs à cheval. Le rôle
de ce soldat était d'achever l'ennemi abattu. M. Pkotj.
BiBL. : ViOLLET-LE-Duc, Dictionnaire du 'ïnohilier^ t. V,
p. 297. — Gay, Glossaire archéologique^ p. 470.
COUTINHO (D. Francisco), comte de Redondo, hui-
tième vice-roi des Indes, mort à Goa en févr. 4564. Il
succéda en 1561, dans le gouvernement des Indes portu-
gaises, àl'éminentD. Constantin deBragance (V. ce nom).
Aucun événement important ne signala sa courte adminis-
tration. D'un caractère doux et d'un esprit large, le comte
de Redondo fit mettre en liberté Camoëns, emprisonné par
suite d'une odieuse calomnie. — Son fils, D,Joào Coutinho,
fut aussi vice-roi des Indes, de 4647 jusqu'en nov. 4649,
date de sa mort ; mais, malgré ses efforts, il ne fut plus
en son pouvoir d'arrêter la chute prochaine delà puissance
portugaise dans cette colonie. G. P-i.
CO'UTINHO (D. Gonçalo), poète et historien portugais,
né vers le milieu du xvi® siècle, mort en 4634. Capitaine
général de Mazagan, au Maroc, il se montra à la hauteur
de sa tâche, et il publia une relation de son gouvernement :
Discurso da jornada de D. Gonçalo Coutinho a villa de
Masagào e seu go ver no nella (Lisbonne, 4629, in-4). Il
futensuite gouverneur du royaume des Algarves et conseiller
d'Etat sous Philippe III. Ami de Camoëns, il s'employa à
répandre sa gloire ; lui-même fut un poète de mérite, à en
juger par le peu qui reste de ses poésies lyriques. Il a
laissé encore une précieuse biographie du poète Sa de Mi-
randa, et on lui attribue un roman de chevalerie, aujour-
d'hui perdu : Historia de Palmeirim de Inglaterra e
de Dom Duardos, G. P-i.
COUTINHO (JoséLiNo), homme politique brésilien, né
à Bahia le 34 mars 4784, mort à Bahia le 25 juil. 4836.
Il était un des premiers médecins de Bahia, lorsqu'il fut
envoyé comme député aux Cortès constituantes de Lisbonne
en 4824. Dans cette assemblée il eut à soutenir des luttes
ardentes contre la majorité portugaise, en défendant, avec
les autres députés brésifiens, l'unité et l'autonomie poli-
tique du royaume du Brésil. Enfin il quitta furtivement
Lisbonne, avec quelques-uns de ses collègues, et, arrivés à
Falmouth, ils y publièrent le 22 oct. 4822 un manifeste qui
eut un grand retentissement. L'indépendance et l'empire
constitutionnel venaient d'être proclamés par D. Pedro P^,
et Lino Coutinho rentra au Brésil. De 1826 à 4833, il
siégea à la Chambre comme député de Bahia et devint le
plus populaire des orateurs de cette époque. Pendant le
règne de D. Pedro, il fut toujours un des chefs de l'oppo-
sition parlementaire. Après l'abdication, il accepta le porte-
feuille de l'intérieur pendant quelques mois (46 juil. 4834,
3 janv. 4832). Le mauvais état de sa santé le força à
vivre retiré depuis lors dans sa ville natale. Il a laissé
outre un mémoire, Topographia medica da Bahia ^ et un
ouvrage de morale, dédie à sa fille, Cartas sobre a edu-
caçào de Cora^ seguidas de um cathecismo morale
politico e religioso. R.-B.
COUTISSON-DaMAS (Jean-Baptiste), né à Gentioux
Mi -
COUTISSON — COUTUME
(Creuse) le 16 mai 4746 , mort à Evaux (Creuse) le 48
août 4806. Cultivateur à Felletin et administrateur de son
département, il fut élu, le 5 sept. 4792, député à la
Convention. Il y vota la mort de Louis XVI. Il fut de
nouveau député de la Creuse au conseil des Anciens le
22 vend, an IV. En l'an VII il fut nommé haut-juré de la
Creuse.
COUTO (Diogo do), célèbre historien portugais, né à
Lisbonne en 1542, mort à Goa le 40 déc. 4616. Elevé à
la cour de l'infant Dom Luiz, frère du roi Jean III, il
perdit son protecteur en 1556, et s'embarqua en 4559
pour les Indes, où il fit bravement le métier de soldat.
Il s'y lia avec Camoëns, qui estimait les talents poétiques
de son jeune ami. Dans son voyage de retour (4569),
Couto trouva Camoëns dans une misère affreuse à Mozam-
bique, et ils revinrent ensemble à Lisbonne. Il ne tarda
pas à retourner à Goa pour s'y fixer définitivement,
étant appelé à succéder au célèbre Joâo de Barros (V. ce
nom) en qualité d'historiographe et de garde général des
archives des Indes. Aux trois Décades pubhéespar celui-ci,
il en ajouta neuf autres, comprenant une période d'environ
quatre-vingts ans, jusqu'en 4600. Les quatre premières
seulement ont paru de son vivant (Lisbonne, 4602, 4642,
4644, 4646, in-foL). L'indépendance de son jugement fut
cause qu'on lui déroba la huitième et la neuvième, qu'il
dut refaire à nouveau deux ans avant sa mort ; on n'a
cependant qu'un fragment de cette dernière, cinq livres de
la douzième, tandis que la onzième est entièrement per-
due. Ce qui reste de la dernière a paru à Paris en 4645;
la huitième ne fut publiée qu'en 4673, à Lisbonne; le
fragment de la neuvième seulement dans la réimpression
partielle de 4736, et la dixième dans l'édition complète
des deux historiens, 4778-4788, 24 vol. in-8. Deux
autres ouvrages inédits de Couto ont été publiés au siècle
dernier : Vida de Z). Paulo de Lima Pereira^ capitào
mor das armadas do estado da India (4765, in-8), et
Observaçoes sobre as principaes causas da decadencia
dos Portuguezes na Asia (4790, in-8). Il faut y ajouter
les Obras ineditas (Lisbonne, 4808, in- 42). Historien
impartial, observateur sagace, Diogo do Couto se montra
encore écrivain lumineux et pittoresque. G. P-i.
BiBL. : Manoel-Severim de Faria, Vida, de Diogo do
Cottio, 1788, in-8.— Forjaz Pereira-Coutinho, Sobre algii-
mas Decadas ineditas de Couto, dans les Memorias de
TAcadémie royale des sciences de Lisbonne, 1792. —
Th. Braga, Os Quinheniistas, 1872.
COUTOULY (Gustave de), diplomate français, né le
25 déc. 4838. Entré dans la carrière diplomatique comme
consul honoraire, désigné pour faire partie de la mission
chargée de l'organisation de la Roumélie orientale (46 août
4878), M. de Coutouly a été successivement rédacteur à
la direction pohtique, chargé des fonctions de sous-
directeur du Midi (22 nov. 4879), sous-directeur (23 janv.
4880), ministre plénipotentiaire de 2« classe à Mexico
(45 oct. 4881), puis à Bucarest (42 oct. 4885). Il a été
élevé à la première classe de son grade le 4®^ nov. 4886.
— Son frère, Charles de Coutouly, né le 24 févr. 4847,
est consul de première classe au' cap de Bonne-Espérance.
COUTOUVRE (Cotobrum), Com. du dép. de la Loire,
arr. de Roanne, cant. de Ferreux, sur un plateau au pied
duquel coulent la Trambouze et le ruisseau de Jarnossin ;
4 ,852 hab. C'est une commune industrielle oti la fabrication
des cotonnades a pris une grande extension.
COUTRAS. Ch.-l. de cant. du dép. de la Gironde, arr. de
Libourne, sur la Dronne, à 4,500 m. en amont de son con-
fluent avec risle; 5,092 hab. Gare importante du ch. de fer
d'Orléans, sur la ligne de Paris à Bordeaux au point où la
grande ligne et celle qui passe par Périgueux se rencontrent ;
embranchements sur Blaye et sur Saintes. Le commerce des
vins (rouges) est assez actif; de même celui des farines
fournies principalement par la belle minoterie de Laubar-
demont, à 4,500 m. de Centras, sur l'Isle (beau château).
Coutras possède un clocher gothique et les ruines d'un
château du xvi® et du xvu^ siècle, célèbre dans l'histoire de
France, où résidèrent Catherine de Médicis, Henri IV, la
duchesse de Longueville, etc.
Bataille de Goutras. — Bataille gagnée le 2 oct. 4587
par Henri, roi de Navarre, sur l'armée royale commandée
par le duc de Joyeuse ; celui-ci disposait de 2,400 cavaliers
et 4,500 fantassins; le roi de Navarre avait une cavalerie
moitié moindre et autant d'infanterie, une bonne artillerie.
Le duc de Joyeuse défit la cavalerie, mais ne put entamer
l'infanterie répartie en trois bataillons que commandaient le
roi, le prince de Condé et le comte de Soissons; l'artillerie
rompit les rangs des catholiques dont l'armée fut exter-
minée ; le duc de Joyeuse fut tué. Le courage et la décision
dont fit preuve Henri de Navarre, sa générosité après la vic-
toire, rehaussèrent beaucoup l'opinion qu'on se faisait de
lui. La victoire de Coutras fut la première grande bataille
rangée gagnée par les protestants français dans les guerres
de religion.
COUTRE (Agric.) (V. Charrue).
COUTRIER (Agric.) (V. Charrue).
COUTUME, Epoque féodale. Moyen Age. — De toutes
les sources du droit, celle qui domine sans contredit au
moyen âge, avec le droit canonique, est la coutume
féodale ou civile. Il n'est plus parlé des lois barbares,
salique, ripuaire ou autres. C'est à peine si l'on peut en
découvrir une trace sérieuse et directe dans quelques usages
des coutumiers. Les capitulaires eux-mêmes paraissent
être tombés dans un oubli à peu près complet, {^u'on par-
coure les principaux coutumiers, les œuvres de de Fon-
taines, celles de Beaumanoir et on pourra constater sans
peine que ces sources du droit de la période franque, les
leges et les capitulaires, ne sont jamais invoquées ni même
citées. Elles ont donc bien disparu ou pour mieux dire
elles se sont transformées et ont passé à l'état de coutume.
C'est peut-être ici le Heu de nous expliquer sur une ques-
tion pour laquelle les auteurs paraissent en désaccord parce
qu'ils ne Font pas suffisamment précisée, car au fond il est à
peu près certain qu'ils ne sont pas loin de s'entendre. Peut-
on dire que nos coutumes viennent, suivant les circonstances,
du droit germanique, du droit romain ou du droit cano-
nique ? On a reproché à certains historiens d'avoir pro-
fessé cette doctrine, de sorte qu'il n'existerait pas, dans
leur opinion, à proprement parler, de droit national fran-
çais. Est-ce que telle est bien leur pensée? Nous nous per-
mettons d'en douter. A notre avis le droit barbare, le droit
canonique et accessoirement le droit romain ne sont que
des matériaux au moyen desquels s'est élevé en partie,
mais en partie seulement, l'édifice du droit coutumier.
Lorsque, avec des matériaux empruntés à trois vieux édi-
fices en ruine et auxquels on ajoute une quantité consi-
dérable d'autres matières premières tout à fait neuves, on
élève une autre construction, celle-ci a bien son existence
propre et se distingue complètement des monuments qui
ont disparu. C'est aussi ce qui s'est produit pour la for-
mation de nos coutumes. Elles sont bien nées de la féoda-
lité et de nos mœurs françaises ; elles sont vraiment natio-
nales. Plus d'une fois sans doute elles ont emprunté des
dispositions au droit barbare, au droit romain, aux capi-
tulaires. Il n'en pouvait être autrement, puisque toutes ces
législations avaient été successivement observées sur le sol
de la Gaule et n'avaient jamais reçu aucune abrogation.
Mais toutes ces dispositions ont été adaptées par le génie
national au nouvel état social du moyen âge. Nos institu-
tions sont donc françaises, mais elles sont aussi la suite
des institutions romaines et germaniques dans lesquelles
elles trouvent plus d'une fois des racines. Ainsi, au moyen
âge, l'organisation de la famille, la propriété, le régime
des biens, celui des successions, diffèrent essentiellement
de ceux de l'époque antérieure. Cependant, à chaque ins-
tant, on y retrouve des traces du droit barbare. Il arrive
parfois qu'une institution se renouvelle complètement ; tel
est le mariage sous l'influence de l'Eglise. D'autres fois, au
contraire, une institution reste tout à fait intacte et se
transmet de siècle en siècle avec une remarquable énergie ;
COUTUME
— 212
tel est le régime dotal qui n'a subi aucun changement
essentiel depuis la loi Julia jusque dans le code civil. Mais
si ces faits sont vraiment remarquables, ils restent tout à
fait exceptionnels. L^ plus souvent les institutions se trans-
forment et prennent une nature nouvelle imposée par l'état
social de l'époque. Au moyen âge, c'est l'usage qui a détruit
ou renouvelé les anciennes institutions. A vrai dire, il
n'existe plus que des coutumes ; Beaumanoir ne connaît
pas d'autres sources du droit. La loi romaine elle-même
ne vaut qu'à titre de coutume. N'était-ce pas la consé-
quence naturelle de cet état social qui, au début et pen-
dant un temps assez long, avait ressemblé à une véritable
anarchie ? Le pouvoir royal était impuissant à faire des
lois. Dans les cas rares où il usait de son autorité législa-
tive, il ne pouvait l'exercer que dans l'étendue de ses do-
maines. Au delà, il se serait heurté au pouvoir identique
qui appartenait aux grands vassaux de la couronne, sou-
verains à peu près indépendants de leurs Etats. Dans leurs
domaines comme dans ceux du roi, les grands, comtes,
barons ou autres, avaient à leur tour profité de l'absence
de tout pouvoir vraiment fort pour faire régner l'arbitraire
à leur profit. En même temps, la société féodale, déjà en
formation à l'époque carolingienne, était arrivée à son com-
plet développement, et à une société nouvelle il fallait aussi
des lois nouvelles pour régir ses institutions. Les habitants
des villes et ceux des campagnes s'efforçaient d'échapper
à l'arbitraire des seigneurs et à la confusion du droit par
des moyens très divers, par l'obtention des chartes, à l'aide
de contrats copiés les uns sur les autres ou renouvelés et
confirmés à certaines époques, parfois aussi par le seul
effet du temps. Ainsi se sont peu à peu et lentement for-
mées les coutumes dans le centre et dans le nord de la
France, pendant que le droit romain demeurait la base de
la législation dans le Midi où il se combinait d'ailleurs fort
souvent avec les chartes municipales des villes. C'est qu'en
effet il ne faudrait pas exagérer le rôle du droit romain,
même dans le Midi. Il y était souvent contredit ou écarté
par des coutumes locales. En plein moyen âge, certains
hommes du Nord ont imposé dans diverses localités du
Midi le droit coutumier. Tel est le cas de Simon de Mont-
fort. Plus souvent ce sont les princes anglais qui ont donné
certaines libertés aux villes et ont en même temps introduit
dans leurs chartes des dipositions empruntées aux cou-
tumes des villes du Nord. Puis les rois de France, à mesure
qu'ils reprenaient ce territoire, durent confirmer ces chartes,
et il leur arriva aussi d'en concéder de semblables à des
villes qui n'en avaient pas obtenu auparavant. Ainsi se
constitua, même dans le Midi, un ensemble de coutumes
municipales qui modifiaient assez souvent le droit romain
et rapprochaient les pays du Midi de ceux du Nord. Il y a
plus, le droit romain n'était lui-môme apphqué, dans ces
pays du Midi, qu'à titre de coutume générale. Mais en sens
inverse et en retour, on reconnaissait une certaine auto-
rité au droit romain, même dans les pays de coutume.
On appelait pays de droit écrit ceux qui étaient surtout
régis par le droit romain, et pays de coutume tous ceux
où dominait cette seconde source. Cette distinction se ren-
contre déjà dans Tédit de Pistes de 864 (art. 13,46, 20,
23, 31). On a aussi vu dans le Petriis (II, 31) la distinc-
tion des pays de droit écrit et de coutume et on s'est même
appuyé sur ce fait pour soutenir que cette œuvre a été
écrite en France, dans le Dauphiné, au xi^ ou xii^ siècle.
On a longtemps dit, d'une manière vague et tout à fait
superficielle, que la Loire séparait les pays de coutume de
ceux de droit écrit. Cette erreur n'a plus cours aujourd'hui
et il n'est même nécessaire de la relever que pour mettre
en garde ceux qui pourraient la rencontrer dans de vieux
livres. En réalité, des pays de coutume s'étendaient beau-
coup plus au sud et formaient les deux tiers de la France.
Les pays de droit écrit étaient dans le Midi, à l'ouest et au
centre, la Guyenne, la Gascogne, le Languedoc avec la Sain-
tonge, le Bordelais, le Périgord, le Limousin, l'Agenois,
l'Armagnac, le Bigorre, le Couseran, le pays de Foix, le
Quercy, le Rouergue, le Velay, auxquels il faut joindre, au
pied des Pyrénées, la Navarre, le Roussillon ; au sud-ouest
la Provence, le Dauphiné, le pays de Bresse, de Bugey et
de Valromey, le Maçonnais, le Beaujolais, le Lyonnais , le
Forez étaient également pays de droit écrit. Enfin, quel-
ques pays situés sur les frontières du droit écrit et du droit
coutumier offraient des particularités. Ainsi, bien que l'Au-
vergne fût en général pays de coutume, certaines parties
étaient cependant soumises au droit romain et il y avait
même des enclaves de droit écrit dans les pays de coutume
de l'Auvergne. De même, bien que la Marche fût en géné-
ral de droit coutumier, certaines parties de la Basse-Marche
étaient soumises au droit écrit. En sens inverse, la partie
septentrionale de la Saintonge avec Saint-Jean-d'Angely
était pays de coutume, tandis que tout le reste de la Sain-
tonge, y compris Oléron, était régi par le droit écrit. Au
pied des Pyrénées, les pays basques étaient aussi pays de
coutume.
Toutes ces coutumes, comme d'ailleurs le droit romain
lui-même, formaient des lois territoriales. Tous les habi-
tants de la région étaient soumis aux mêmes usages. Depuis
des siècles on avait perdu jusqu'au souvenir des lois per-
sonnelles.
Si ce droit coutumier offrait le double avantage d'être
vraiment national et de répondre aux nécessités de la vie
nouvelle, il avait cependant deux graves défauts; fort sou-
vent il manquait de précision ; en second lieu, il variait à
l'infini. Ce second vice a persisté jusqu'à la rédaction du
code civil ; le premier a disparu par la rédaction officielle
des coutumes au commencement des temps modernes. Il a
donc existé pendant toute cette période, et cependant, déjà
à cette époque, on se plaignait de ce que les coutumes
étaient trop souvent muettes, obscures ou incertaines. On
se demandait aussi à partir de quelle époque un usage pou-
vait devenir une coutume obligatoire. En principe, on exi-
geait qu'il eût été pratiqué pendant quarante ans et d'une
manière générale; il constituait alors une coutume no-
toire. Les coutumes devenaient encore obHgatoires, malgré
l'absence de cette condition, si elles avaient été formelle-
ment approuvées par le seigneur local, comte, évêque ou
autre ; ces coutumes étaient précisément dites approuvées
par opposition aux coutumes notoires.
Mais comment savoir si une coutume était observée
depuis plus ou moins de quarante ans ? Comment sortir
d'embarras quand elle était entendue dans des sens diffé-
rents ? On était alors obligé de recourir à un moyen de
preuve long et ruineux pour les intéressés; c'était l'en-
quête par turbe. Nous possédons une ordonnance de saint
Louis, du parlement de la Chandeleur 1270, qui indique la
manière de procéder aux enquêtes par turbe. Le bailli
appellera plusieurs hommes sagies et leur remettra par
écrit les questions auxquelles ils doivent répondre. Ces
hommes sages prêtent serment quod ipsi dicent et ftdeli-
ter réfèrent illud quod sciunt et credunt et viderunt
usitari super illa consuetudine. Cette promesse faite,
ils se retirent, s'enquièrent auprès des personnes du pays,
recherchent s'il existe des décisions judiciaires, délibèrent
entre eux et font ensuite leur déclaration au bailli. Celui-
ci en dresse un procès- verbal, lequel est revêtu du sceau
des enquêtes et envoyé au Parlement.
L'enquête par turbe peut être ordonnée d'office par le
juge ou demandée par les parties. L'ordonnance de 1270
se terminait en disant : Et reddent omnes causam dicti
sui etiam in turba, formule un peu obscure qui ne nous
explique pas comment s'arrangeaient les témoins. Mais un
arrêt du parlement de Paris de 1318 ne laisse aucun
doute à cet égard. Chaque partie avait le droit d'appeler un
grand nombre de témoins pour établir le sens de la cou-
tume. Pour que la coutume fût établie en faveur d'un des
plaideurs, il fallait que tous ses propres témoins fussent
unanimes et que ceux de la partie adverse se trouvassent
au contraire en désaccord entre eux. Les premiers témoins
choisissaient alors l'un d'entre eux qui parlait au nom de
213 —
COUTUME
hturba^ c.-à-d. au nom de tous. Il semble bien que si les
témoins de chacune des parties étaient unanimes et en sens
contraire, on devait recourir au duel judiciaire. Au xiv®
et au XV® siècle, on décida que pour former une turba il
faudrait au moins dix témoins dans le même sens ; sinon
la coutume n'était pas prouvée. C'est ce que nous appren-
nent Jean Desmares, le Grand Coutumier de France qX la
glose du Grand Coutumier de Normandie, Il est probable
que cette règle suivant laquelle la turba suppose au moins
la réunion de dix témoins s'est introduite sous l'influence
du droit romain. Ce qu'il y a de plus curieux dans ces
enquêtes par turbe, c'est la réunion des différents témoins
en une sorte d'unité pour laquelle répond un seul d'entre
eux. C'est ainsi que fonctionne encore aujourd'hui le jury
en cour d'assises avec cette différence qu'il prend ses déci-
sions à la majorité ; mais on sait qu'en Angleterre il doit
être unanime. Il est bien évident que le jury moderne n'a
rien de commun avec ces enquêtes par turbe qui étaient
interdites en France depuis l'ordonnance de 4667. Mais
ces enquêtes par turbe étaient au contraire un vestige de
l'ancien jury qui avait été d'abord usité presque partout et
ne s'était ensuite maintenu qu'en Angleterre et en Nor-
mandie. Chaque turbe étant considérée comme une unité,
on en arriva ainsi à décider qu'elle formait un seul témoin,
et, comme le droit canonique exigeait pour la preuve d'un
fait les dépositions de deux témoins au moins, l'ordonnance
de Blois de 4498 (art. 43) décida que la preuve d'une
coutume supposerait à l'avenir deux turbes d'accord, par
conséquent vingt personnes au moins, puisque chaque turbe
devait en comprendre dix au minimum.
Après avoir été très fréquentes et d'un usage général au
jnoyen âge, les enquêtes par turbe devinrent assez rares à
partir du jour de la rédaction ofTicielle des coutumes et
comme dans tous les cas où elles étaient employées elles
donnaient lieu à de graves abus de la part des témoins et
des officiers de justice aux dépens des plaideurs, sans ins-
truire le plus souvent les juges, ces mesures d'instruc-
tion furent définitivement prohibées par l'art 4 ^^ du titre XII
de l'ordonnance de 4667.
Déjà en plein moyen âge on comprenait les graves incon-
Yénients d'une législation transmise par la seule tradition.
A chaque instant on se heurtait à des difficultés nouvelles ;
il était impossible de connaître le sens exact d'une coutume,
et de cette incertitude naissaient de nombreux procès. Il
arrivait même parfois que les habitants d'une contrée ne
savaient pas exactement à quelle législation ils étaient
soumis. C'est ce qui se produisit notamment en Auvergne,
contrée frontière entre les pays de coutume et ceux de
droit écrit. Pour mettre un terme à ces incertitudes, une
ordonnance royale de 4294, rendue à la demande des mon-
tagnards de l'Auvergne, décida qu'à l'avenir ils seraient
soumis au droit coutumier.
Le besoin de préciser les usages s'est fait aussitôt sen-
tir dans les campagnes que dans les villes, mais il a été
plus facile de donner satisfaction à ce besoin dans les
agglomérations urbaines. Tantôt c'était le seigneur qui
accordait des privilèges à une -ville ou même l'affranchisse-
ment, et alors on profitait de la rédaction d'une charte
faite à cette occasion pour y insérer la mention de certains
usages ; tantôt la ville elle-même prenait, par l'intermé-
diaire de ses magistrats, l'initiative de la rédaction de ses
coutumes, au moyen des statuts municipaux. Mais à la
campagne cette organisation n'existait pas. En outre, il est
toujours plus difficile de préciser le sens d'une coutume
qui s'applique sur un territoire étendu. Aussi les premiers
textes coutumiers officiels sont-ils ceux des chartes de
villes et des statuts municipaux. Il arrivait même parfois
qu'un point de droit coutumier s' étant fixé depuis l'époque
de la rédaction primitive de la charte, on profitait du renou-
vellement de cette charte pour l'y insérer. D'ailleurs déjà
à cette époque, le roi intervenait dans la rédaction des
coutumes de certaines villes. Il était en effet de principe
qu'elles devaient être homologuées parle roi en son parle-
ment. C'est ainsi que Philippe III le Hardi approuva les
coutumes de Toulouse, à l'exception de vingt articles qui
furent écartés. D'autres fois le roi s'attachait à régler un
point spécial de la coutume d'une contrée. En 4278, le roi
Philippe III réglementa le retrait lignager en Normandie,
Un peu plus tard, en 4280, il abolit comme mauvaise,
malgré les protestations du roi d'Angleterre, la coutume
de Gascogne, qui permettait de se purger d'une accusation
par un serment prêté sur le corps de saint Séverin. Mais
il n'était pas encore question, ni de la part du roi ni de la
part des grands vassaux, de la rédaction officielle de cou-
tumes provinciales. Les praticiens avaient bien compris la
nécessité de coutumes claires et précises ; aussi ont-ils
rédigé pendant notre période un grand nombre de coutu-
miers dont quelques-uns n'ont même pas fardé à obtenir
force de loi. Il suffira de citer les coutumiers normands et
notamment le Grand Coutumier de Normandie, le Con-
seil de Pierre de Fontaines, les Etablissements de saint
Louis , la Compilatio de usibus et consuetudinibus
Audegavie, les Coutumes de Beauvoisis, les Anciens
Usages d'Artois, la Très ancienne Coutume de Bretagne ^
le Livre des Droiz et des commandemens,, le Grand
Coutumier de France,, en dernier lieu la Somme rural
de Boutillier. On ne peut guère relever pour cette période
qu'une tentative de rédaction officielle d'une coutume, due
à la comtesse Mahault qui prescrivit, en 4345, la consta-
tation des coutumes de l'Artois. Mais le texte de ces cou-
tumes est aujourd'hui perdu. Nous ne possédons pas non
plus le texte primitif de la coutume d'Anjou et du Maine,
rédigée aux grands jours d'Anjou par les gens du conseil
de ces pays. A peu près à la même époque, en 4447, des
praticiens furent officiellement chargés de constater la cou-
tume du Poitou, et leur travail, quoique resté inédit, est
parvenu jusqu'à nous. Au milieu du xv® siècle, en 4450, le
lieutenant général du bailli de Berry convoqua les avo-
cats, procureurs et autres praticiens du bailliage pour la
rédaction d'un style, c.-à.-d. des lois de la procédure du
bailli de Berry et du prévôt de Bourges, avec les cou-
tumes locales. Son projet fut discuté par les hommes de
loi qui l'adoptèrent et le roi l'approuva ensuite. On voit
que, dès le commencement du xv^ siècle et sans aucune
interruption, il se produisit un véritable mouvement dans
le sens d'une rédaction officielle des coutumes, et le roi
Charles VII ne fit que suivre ce mouvement dans l'ordon-
nance de 4454.
Ces principes généraux et communs aux coutumes une
fois connus, il n'est pas inutile de faire rapidement con-
naître, dans un tableau d'ensemble, les principales cou-
tumes de notre ancienne France avant leur rédaction offi-
cielle et les recueils où elles sont contenues. Pour bien
comprendre cette géographie de la France coutumière, il
faut diviser notre pays en plusieurs parties. La région du
Nord comprend la Flandre, l'Artois, la Picardie et le Ver-
mandois. Jusqu'au x« siècle, la Flandre se divisait en
deux contrées, l'une appelée gallicante, où dominait la
langue des Français du Nord, le roman wallon, et l'autre
désignée sous le nom de Flandre flamigante parce qu'on
y parlait le flamand, véritable patois teutonique. La pre-
mière relevait, en général, du roi de France ; la seconde
était considérée comme un fief de l'Empire. Les coutumes
delà Flandre française comprennent celles de Lille, Douai,
Orchies, Grammont, Cambrai, Mortagne, Saint-Amand,
Saint-Vinox. A ces coutumes municipales il faut joindre
un grand nombre de coutumes locales, notamment celles
d'Anapes, de La Barrée, de l'Epine, de FApostelle, d'Es-
quernes, de Neuville, de Chesoing, de Commines. Les
anciennes coutumes de Lille, remarquables par leur carac-
tère germanique, ont été réunies au xiv*^ siècle, par un
grefiier de cette ville appelé Roisin ; aussi a-t-on donné à
son recueil le nom de Livre de Roisin. Le gouvernement
belge publie en ce moment deux recueils officiels des
anciennes coutumes de ce pays où l'on trouvera dès lors
aussi les coutumes de la Flandre.
COUTUME ^ 214 -
Tandis que le droit de cette province est resté éparpillé
dans un grand nombre de coutumes locales ou municipales,
celui du Hainaut s'est de bonne heure résumé dans une
coutume générale qui d'ailleurs n'excluait pas, dans cer-
taines contrées, la coutume locale, et ne s'y appliquait qu'à
son défaut. Parmi ces coutumes locales du Hainaut, les
plus remarquables sont, sans contredit, celles de Mons et
de Valenciennes. Le territoire de l'Artois, détaché de la
Flandre au xn^ siècle, érigé en comté en 1237 par
Louis IX en laveur de son frère Robert, possédait un
ancien coutumier publié autrefois par Maillart, en tête de
ses Coutumes d'Artois^ et de nos jours par M. Tardif. Ce
coutumier est composé d'éléments les plus divers, usages
germaniques, droit romain, droit canonique, droit féodal ;
peut-être même certaines coutumes sont-elles antérieures à
la conquête romaine. Auprès de l'Artois, bordant la mer,
se trouve le Boulenois dans lequel était comprise la ville de
Saint-Omer, et nous possédons, sur les usages ou institu-
tions de cette ville, un assez grand nombre de documents
importants qui ont été publiés, en dernier lieu, par
M. Giry dans son Histoire de la ville de Saint-Omer et
de ses institutions, L'Ancien Coutumier inédit de
Picardie^ rédigé au commencement du xiv® siècle, par un
auteur resté inconnu, et publié de nos jours par Marnier,
se compose de trois parties distinctes : un recueil des déci-
sions judiciaires, une coutume de Ponthieu, Yimeu et
autres lieux, la coutume ou usage de la ville et cité
d'Amiens. C'est dans le Yermandois qu'a été écrite, en42lo3,
une œuvre fort importante, le Conseil à un ami, par
Pierre de Fontaines, bailli de ce pays. Mais comme ce tra-
vail est d'un caractère général, il nous donne peu de ren-
seignements sur le droit propre du Yermandois. Il paraît
qu'il existait autrefois un vieux coutumier de Yermandois
qu'ont connu quelques anciens jurisconsultes, notamment
Chopin ; mais ce coutumier est aujourd'hui perdu, et à son
défaut, il faut, pour reconstituer les vieux usages de cette
contrée, se reporter à la coutume de Laon et aux chartes
de cette ville (1128-1179), à la charte deSoissons(118I),
à celle de Saint-Quentin (H 95) qui a été donnée à Chauny
en 1213. Beaucoup plus tard, sous le titre : Coustumes
des pays de Vermendois et ceulx de envyron , un
praticien du pays de Saint-Quentin a composé un cou-
tumier dont le contenu différait d'ailleurs peu de l'ancienne
coutume de Laon. A la région du Nord, nous devons aussi
rattacher, mais sans préciser davantage, la Somme rural
de Boutillier, qui est en effet une œuvre d'un caractère
très général, où se trouvent rapprochées les coutumes d'un
assez grand nombre de pays, mais le plus souvent de con-
trées du Nord, et qui contient même du droit romain.
Dans la région de l'Est et en partant du centre de la
France, on rencontre d'abord la Champagne, puis viennent
la Lorraine et l'Alsace, puis, en descendant vers le sud, les
deux Bourgognes. La Champagne, vaste province, compre-
nant la haute Champagne, la basse Champagne, la Brie
champenoise, avec Troyes pour capitale, possédait un cou-
tumier général intitulé : li Droict et H Coustumes de Cham-
paigne et de Brie, pubHé pour la première fois par Pierre
Pithou et reproduit plus tard par Richebourg. Ce coutu-
mier doit être rapproché des anciennes chartes de Troyes,
Saint-Dizier, Châlons, Yitry, Meaux, Sens. Le territoire
de Reims n'était pas placé sous le pouvoir du comte de
Champagne ; il formait un comté féodal, particuKer, au pro-
fit de l'archevêque, et tous les documents législatifs, judi-
ciaires ou autres qui le concernent ont été publiés par
Yarin, dans le Recueil des documents inédits, sous le titre
d'Archives législatives de Reims,
Parmi les chartes des villes de l'Est, il n'en est pas qui
se soient propagées avec plus de rapidité et plus largement
que celle de Beaumont en Argonne. Elle régissait au
xvi^ siècle plus de cinq cents villes ; cette charte avait en
effet le mérite de substituer la liberté au servage. Pendant
la période qui nous occupe, la Lorraine, les Trois Evêchés
et l'Alsace ne faisaient plus partie de la France ; ils en
avaient été détachés parle traité de Yerdun. Aussi la Lor-
raine était-elle régie par le droit germanique, le droit féo-
dal et les usages locaux. Le droit germanique était repré-
senté par le Miroir de Souabe qui jouissait d'une grande
autorité sur les deux rives du Rhin. Mais comme ce cou-
tumier était écrit en langue allemande et que les habitants
de la Lorraine étaient pour la plupart étrangers à cette
langue, on avait été obligé de faire, à leur usage, une tra-
duction en français. Cette solution est toutefois contestée
et certains auteurs soutiennent que le Miroir de Souabe
n'aurait jamais exercé aucune influence en Lorraine. Quoi
qu'il en soit, il est certain que toutes les anciennes cou-
tumes locales de ces contrées sont fortement pénétrées de
l'esprit français et rédigées dans notre langue. Il suffit,
pour s'en convaincre, de se reporter aux vieux textes rela-
tifs à la ville de Metz, récemment publiés par M. Prost.
L'Alsace était régie par le droit romain et par le Miroir
de Souabe qui servait de droit provincial. Il n'y avait pas
de coutumes générales, mais il existait des coutumes muni-
cipales, parmi lesquelles il faut relever celles de Strasbourg,
Haguenau, Landau, dans la basse Alsace, de Colmar, du
val d'Orbey, du val de Rosemont dans la haute Alsace.
En général, le droit du duché de Bourgogne et celui de
la comté du même nom, étaient identiques, sauf certaines
particularités que présentait ce dernier et qui tenaient aux
liens de la comté avec l'Empire. C'étaient deux pays de
coutume et non pas de droit écrit, bien que la législation
romaine y exerçât une influence sérieuse. On a même
essayé, à plusieurs reprises, d'élever le droit romain au
rang de droit commun ; mais ces tentatives n'ont abouti à
aucun résultat. Des coutumes générales ont été rédigées et
promulguées pour le duché de Bourgogne sous le gouver-
nement de Philippe le Bon au mois d'août 1459, et ces
coutumes ont été plus tard réformées en 1570. Auparavant
les usages étaient constatés par plusieurs coutumiers d'un
caractère purement privé qui ont été pubhés de nos jours
en partie par MM. Giraud et Marnier, et au siècle dernier
par le président Bouhier. Parmi les chartes ou coutumes
locales, il faut relever celles de Dijon, de Châtillon-sur-
Seine et de Beaune. La Franche-Comté ne possédait pas
de coutumier propre avant la rédaction officielle de sa cou-
tume en 1459 et la plupart des chartes municipales de ce
pays sont peu connues ou même inédites.
Tout en demeurant dans la région de l'Est, en quittant
les deux Bourgognes et en descendant vers le sud, nous
allons maintenant laisser pour quelque temps les pays de
coutume à l'écart et pénétrer dans ceux de droit écrit.
Ces derniers pays, quoique soumis au droit romain, doivent
néanmoins prendre place dans la géographie de notre droit
national, parce que, à défaut de coutumes générales, ils
possèdent un grand nombre de coutumes ou de chartes
locales qui dérogent plus ou moins au droit romain. Dans
tous ces pays du Midi, le droit coutumier, relégué au second
rang, joue cependant encore un rôle important ; mais nous
ne le retrouverons, à titre de législation générale, que
dans des cas fort rares. Le pays lyonnais, y compris le
Forez et les contrées voisines, firent partie, comme la
Franche-Comté, mais moins longtemps, des terres de
l'Empire. Le régime des fiefs était parfois soumis à des
règles particulières, notamment par la charte de la Dombes,
par les statuts locaux de la Bresse (1430), par les cou-
tumes de Bugey, Yalromey et Gex. Mais le droit local le
plus curieux est sans contredit celui de la ville de Lyon.
Le Dauphiné, ancienne partie du royaume de Bourgogne et
d'Arles, transporté en 1349 à la maison de France, resta
soumis aux statuts de la même année, rédigés par les soins
du dauphin Humbert II, au Livre des fiefs et surtout au
droit romain. Les chartes de coutumes locales du Dauphiné
existent en grand nombre dans les registres de la chambre
des comptes de Grenoble, mais la plupart sont encore iné-
dites. ^ On a cependant publié celles de Gap, de Yeynes,
d'Upaix, de Jarjayes, de Serres, d'Abriès, de Nevache,
d'Embrun. En quittant le Dauphiné, nous arrivons dans
- 245 —
COUTUME
la région du Sud proprement dite qui comprend trois
grandes contrées : d'abord la Provence, aux bords de la
Méditerranée, au pied des Alpes à FE., confinée au N.
par le Dauphiné et par le comtat Venaissin ; ensuite le
Languedoc, avec une partie de la Guyenne et de la Gas-
cogne ; enfin les divers pays situés au pied des Pyrénées,
depuis le Roussillon jusqu'au Béarn et la Navarre. En
Provence, la loi romaine et le Livre des fiefs formaient
le droit commun, mais il y était souvent dérogé par des
ordonnances des comtes de Provence et de Forcalquier, et
par des statuts municipaux. De toutes les chartes munici-
pales, la plus importante est, sans contredit, celle de la
ville d'Arles qu'on peut considérer comme un modèle au
point de vue des institutions locales du pays. La charte
primitive ayant paru insuffisante, un jurisconsulte de l'école
de Bologne, Jean Alvernatius, fut chargé de rédiger des
statuts plus complets qui n'ont pas tardé à être copiés en
partie par d'autres villes. M. Giraud les a publiés dans
son Essai sur Vhistoire du droit français^ ainsi que
ceux des villes d'Avignon, Apt, Salon, Châtillon. Dans
le Languedoc et l'Albigeois, les monuments du droit cou-
tumier et surtout les statuts municipaux sont plus nombreux
qu'en Provence, bien qu'il s'agisse de pays de droit écrit
par excellence. Parmi ces coutumes locales, les plus impor-
tantes sont, sans contredit, celles d'Aigues-Mortes, de
Montpellier, de Toulouse. La coutume d'Aigues-Mortes a
exercé autour d'elle, depuis les rivages de la mer jusqu'au
pied des Cévennes, une influence remarquable, à cause
surtout de son esprit libéral. C'est ainsi qu'à la demande
des habitants d'Alais les seigneurs de cette ville lui accor-
dèrent, en 4246, une charte dont la plupart des dispositions
étaient empruntées à celle d'Aigues-Mortes. La coutume de
Montpellier accordée le 4 5 août 4204 par Pierre d'Aragon,
a joui d'une influence semblable ; elle s'apphquait direc-
tement sur un territoire assez vaste; elle fut ensuite
reconnue comme droit supplétif dans les localités avoisi-
nantes à défaut d'autres usages. Cette coutume règle sur-
tout le droit des bourgeois ; celui des nobles se trouve
dans la coutume de Narbonne. Le droit romain était aussi
sérieusement modifié dans le comté de Toulouse, par des
statuts locaux. Dès l'année 4254, l'ancienne coutume de
Toulouse fut rédigée ; puis on la soumit à Alphonse de
Poitiers qui la confirma. Plus tard, elle fut présentée au
roi de France en 4283, et le roi ordonna une enquête à
l'effet d'en constater la sincérité; en 4285, la coutume fut
confirmée par Philippe le Bel, moins vingt articles qui
furent écartés comme défectueux et consacrant de mauvais
usages. Lorsque Simon de Montfort était maître do l'Albi-
geois, il avait profité de sa puissance pour y introduire de
force la coutume de Paris. Mais deux ans après sa mort,
en 4220, Févêque, les consuls et les habitants d'Albi
s'empressèrent de profiter des troubles du temps pour pro-
tester contre la loi du vainqueur et ouvrir une enquête à
l'effet de constater les anciennes coutumes du pays ; c'est
ainsi que furent rédigées, spontanément en langue latine
et méridionale, les franchises d'Albi dont la charte origi-
nale est encore aujourd'hui déposée aux archives de cette
ville. Dans le Toulousain, de nombreuses chartes ont été,
comme ailleurs, concédées à des villes ou communes ; mais,
par malheur, la plupart des chartes primordiales, même
celles des villes importantes telles que Castelsarrasin,
Gaillac, Lavaur, Caraman,Castelnaudary,Saverdun, Muret,
Lombez ont été perdues ; les villes n'ont gardé que des
textes de dates postérieures, destinés à renouveler ou à
modifier leurs anciens privilèges. On ne compte pas plus
de cinq ou six chartes remontant à une époque antérieure
à la croisade albigeoise. Au nord de Toulouse, on possède
les coutumes de Moissac, de Montauban et de Saint- Antonin ;
à l'est, celles de Villemur, d'Albi , de Castres ; au sud,
celles de Mirepoix et de Saint-Gaudens ; la charte deRieux
est encore inédite ; du côté de l'ouest, Auch et Lectoure
n'ont que des chartes de privilège écrites assez tard. Mais
oh possède celle de File-Jourdain qui est fort complète et
permet de se rendre compte de l'organisation de certaines
villes du Midi. Dans la région la plus méridionale du Lan-
guedoc et de la Gascogne, les anciennes coutumes sont
aussi variées que curieuses ; presque toujours empreintes
d'un profond caractère d'originalité, elles se distinguent
nettement de celles des autres contrées de la France, même
les plus voisines. En parcourant ce pays de la Méditerranée
à l'Océan, nous rencontrons successivement les coutumes
de Perpignan et du Roussillon, les usages du val d'Andorre,
ceux du Cominges, du Couseran, du pays de Foix, les
coutumes de Bigorre, ainsi que celles des vallées de Ba-
règes et de Lavedan ; puis les fors de Béarn et enfin les
coutumes des Basques et les fors de Navarre. Dans la
plupart de ces pays des Pyrénées, le droit romain n'a pas
complètement disparu, mais la législation des Visigoths a
laissé une empreinte plus profonde. Quant à la féodalité,
elle s'est surtout organisée d'après les usages de Barcelone,
promulgués en 4068 par Raymond Boulanger. Dans la
Guyenne et dans la Gascogne, la domination anglaise a
exercé une influence considérable ; les rois d'Angleterre se
sont attachés à accorder aux habitants de grandes libertés
municipales, d'abord pour les éloigner du roi de France,
ensuite sous l'influence de ce qui se passait en Angleterre.
La ville de Bordeaux formait une sorte de république, et
elle possédait des coutumes qui sont restées célèbres. En
présence de cette politique habile, les rois de France
furent obligés, bon gré, mal gré, d'accorder des franchises
analogues aux villes restées sous leur domination ou de
confirmer celles des Anglais pour les villes qu'ils parve-
naient à reprendre. Aussi les coutumes locales sont-elles
très nombreuses dans toute cette contrée. On relève notam-
ment celles de Condom, d'Agen, de Clermont dessus, de
Larroque-Timbaud, de Prayssas, de Lamontjoye, de Puy-
mirol, de Castel-Amouroux, de Saint-Pastour, de Lérac
dans FAgenois ; dans le Quercy celles de Cahors, Montcuq,
Gréalou, Gourdon, Thegra, Gramat. Il ne faut pas non
plus oublier les coutumes de Moissac et, dans le Bordelais,
celles de la ville de La Réole. Saintes reçut les Etablisse-
ments de Rouen de la reine Eléonore en 4494. Ces éta-
blissements furent aussi accordés à Oléron, par Hugues de
Lusignan et à l'île de Ré par Henri III. Bien que la Sain-
tonge fît encore partie des pays de droit écrit, cependant
une certaine portion de cette contrée, celle qui était du
ressort de Saint-Jean-d'Angely, était déjà pays de cou-
tume. Cette ville de Saint-Jean-d'Angely avait reçu une
charte de Jean sans Terre en 4499; mais, en 4204, Phi-
lippe-Auguste, tout en la confirmant, y introduisit quelques
dispositions des EtabHssements de Rouen. On rattache aussi
aux coutumes de Saintonge, celles de La Rochelle qui étaient
également calquées sur les EtabHssements de Rouen. Nous
n'avons rien à dire du Périgord et du Limousin, tous deux
pays de droit écrit, et nous allons maintenant rentrer dans
les pays de coutume, en abordant la région de l'Ouest.
Cette région de l'Ouest comprend trois vastes contrées qui
bordent la mer, le Poitou, la Bretagne et la Normandie. H
faut y joindre l'Anjou et le Maine. Tous ces pays sont
parents, non seulement à raison de leur situation géogra-
phique, mais aussi par l'esprit de législation fortement
imprégné de droit anglais.
Avant la rédaction officielle de 4544, le Poitou possédait
déjà un ancien coutumier qui a été successivement imprimé
en 4486, 4500, 4503, 4508. Les anciennes coutumes de
Poitou sont aussi connues par le Livre des droiz et des
commandemens d'office dm justice qu'a publié de nos
jours M. Beautemps-Beaupré. Quant à la ville de Poitiers,
elle reçut de Philippe-Auguste une charte copiée sur les
Etablissements de Rouen. Il faut en dire autant de la ville
de Niort. Nous possédons peu de renseignements sur la
coutume du Loudunois avant sa rédaction officielle en 4548 ;
nous savons seulement qu'elle présente de fréquentes ana-
logies avec les Etablissements de saint Louis et avec la
coutume de Tours. L'ancienne coutume d'Angoumois, très
féodale sous certains rapports, et notamment en ce qu'elle
COUTUME
— 216
admet le droit d'aînesse même en ligne collatérale, nous
est connue par diverses œuvres de Jean Faber. Quant à
la ville d'Angoulême, elle a reçu de Jean sans Terre, en
d204, le droit de commune avec les Etablissements de
Rouen. La ville de Cognac n'a obtenu qu'une partie de ces
Etablissements et une communauté restreinte. L'Anjou et
le Maine ne formaient originairement qu'une seule séné-
chaussée. Le bailliage de Tours en fut séparé dès l'année
4323 ; mais c'est seulement en 4442 que l'Anjou et le
Maine constituèrent deux sénéchaussées. Ils n'en conti-
nuèrent pas moins d'ailleurs à être régis par la même
coutume, et la plupart des textes relatifs à cette ancienne
coutume ont été publiés dans ces derniers temps par
M. Beautemps-Beaupré. Le droit de l'Anjou et du Maine
n'est pas seulement riche en vieux coutumiers ; il comprend
aussi un nombre assez important de styles relatifs à la
procédure, où l'on découvre aussi des règles de droit privé.
Les coutumes les plus originales du pays de l'Ouest sont
sans contredit celles de la Bretagne et celles de la Nor-
mandie; dans les premières on rencontre des institutions
telles que le droit du juveigneur et le bail à domaine con-
géable qui remonte à la plus haute antiquité. Le régime
des fiefs y fut consoHdé par l'Assise du comte Geffroy. Il
faut aussi mentionner l'ordonnance de Jean II qui traite de
la procédure et de certains usages féodaux. La Très
ancienne Coutume de Bretagne n'est autre chose qu'un
coutumier d'un caractère tout à fait privé, écrit pendant
le premier tiers du xiv® siècle, et destiné à faire connaître
le droit privé en vigueur à cette époque en Bretagne. Le
droit normand présente d'autres particularités ; il se rap-
proche beaucoup plus du droit anglais que du droit français,
à cause des Hens qui ont rattaché la Normandie à l'Angle-
terre, pendant la première partie du moyen âge. L'orga-
nisation de la famille, le régime de la terre, l'administra-
tion du pays, le système financier, la justice, la procédure
avec le jury au civil comme au criminel, sont à peu près
identiques dans les deux pays. Le plus ancien droit cou-
tumier de la Normandie au moyen âge se trouve dans un
Très ancien Coutumier de Normandie^ publié d'abord
par M. Marnier en France et par Warnkônig en Allemagne,
en dernier lieu et tout récemment par M. Tardif. Les
Assises de Normandie sont un résumé de décisions judi-
ciaires rédigé par un praticien qui appartenait probable-
ment au bailliage de Caen. Nous possédons aussi un grand
nombre de décisions de l'Echiquier de Normandie, publiées
par Léopold Delisle, sous le titre : Recueil de jugements
de l'Echiquier de Norma?idie au xiii® siècle. Mais de
toutes les sources de l'ancien droit normand, la plus pré-
cieuse et la plus complète à la fois est celle qu'on désigne
sous le nom de Grand Coutumier de Normandie^ écrite
vers la fin du xiii^ siècle. Elle a reçu un nombre considé-
rable d'éditions ; la dernière est celle de M. de Gruchy
qui l'a composée pour les îles de Jersey et de Guernesey
où le Grand Coutumier de Normandie est encore en
vigueur et sert de base à la législation civile. A ces sources
principales, il faut ajouter les coutumes de Vernon publiées
par l'abbé Lebeurier dans la Bibliothèque de V école des
chartes et surtout les Etablissements de Rouen qui ont
tait, de la part de M. Giry, l'objet d'un travail remarquable.
On a déjà dit que ces établissements ont été étendus à un
assez grand nombre de villes delà région de l'Ouest.
La région du centre des pays de coutume peut se diviser
en deux grandes parties, Tune au sud, l'autre au nord de
Paris. La région du sudcom^end l'Orléanais, la Touraine,
le Berry, le Nivernais, le Bourbonnais, la Marche et l'Au-
vergne. Les deux monuments les plus importants du droit
de l'Orléanais au moyen âge sont le Livre de jostice et de
plet et les Etablissements de saint Louis. Le premier
est peut-être le résumé d'un cours professé à l'université
d'Orléans, et où l'on s'est attaché à rapprocher, souvent
même à fusionner le droit romain, le droit coutumier et
le droit canonique. Les Etablissements de saint Louis
ont longtemps passé pour une œuvre législative de ce
prince, mais cette erreur est aujourd'hui reconnue par
tous. Il s'agit tout simplement d'une compilation assez
mal faite, œuvre d'un praticien qui Fa composée en formant
un seul tout de deux ordonnances de saint Louis et de
deux coutumiers plus anciens. Ces établissements ont
d'ailleurs exercé une certaine influence autour d'eux,
mais dont on a souvent exagéré les effets et l'importance.
Ils ont été édités autrefois par Du Gange et par Laurière ;
la meilleure édition est celle que M. Viollet a fait paraître
dans ces dernières années. Il ne faut pas quitter l'Orléanais
et le Gâtinais sans mentionner les coutumes de Lorris,
charte de franchise donnée par Louis VU en 4155 aux
habitants de cette ville et qui améhorait tellement leur
condition, que beaucoup d'autres villes ou villages en
réclamèrent le bénéfice. Aussi la charte de Lorris a-t-elle
eu la même fortune que celle de Beaumont. Quant à la
coutume de Touraine, elle était fort semblable à celle de
l'Anjou et du Maine. Nous en avons vu précédemment la
raison : ces trois provinces n'ont formé jusqu'en 4323
qu'une seule sénéchaussée. L'ancienne coutume de Touraine
vient d'être rééditée par M. d'Espinay. 11 existe pour le
Berry plusieurs coutumiers fort précieux publiés par La
Thaumassière et qu'il ne faut pas confondre avec les
Anciennes Coutumes et septaines de la ville de Bourges.,
éditées len 4529 par Bohier. Le Nivernais n'avait pas de
coutumier connu avant 4453 et, peu de temps après, eut
lieu la première rédaction officielle en 4494 ; puis vint la
réformation de 4534. Les anciennes coutumes d'Auvergne
sont rapportées par la célèbre Practica forensis de Masuer.
Dans la partie du centre de la France située au nord de
Paris, l'esprit du droit coutumier est en général le mhme
que celui des pays du centre placés au sud de la capitale.
De tous les coutumiers de cette contrée, le plus célèbre
est, sans contredit, celui qu'on désigne sous le nom de
Coutume de Beauvoisis^ œuvre du grand jurisconsulte
Beaumanoir. Nous possédons aussi des renseignements sur
les anciens usages de Beauvais et sur ceux du Vexin. Il
nous reste à mentionner, en terminant, l'ancienne coutume
de Paris, fort importante, d'abord à cause de l'étendue du
territoire auquel elle s'appliquait, ensuite à cause du rang
prépondérant qui lui a été de bonne heure reconnu. On
l'appelait parfois Coutume du pays de France^ parce que
le parlement l'appliquait en effet dans presque tout l'ancien
domaine royal antérieur aux annexions de 4203, c.-à-d.
dans le Parisis, le Vexin français, les comtés de Dreux, de
Melun, d'Orléans et de Sens, les seigneuries de Corbeil,
d'Etampes et de Montlhéry, Cette ancienne coutume n'a
jamais été rédigée par écrit, mais il existe de nombreux
documents qui permettent de la reconstituer. Les uns
forment de véritables coutumiers composés par des pra-
ticiens ; les autres sont des traités de procédure qui con-
tiennent assez souvent des règles de droit privé. La source
la plus importante est celle que fournit la compilation connue
sous le nom de Grand Coutumier de France ou encore
sous celui de Gra^id Coutumier de Charles Vh bien que
ce prince soit absolument étranger à sa rédaction. Le nom
de l'auteur de ce travail, resté longtemps inconnu, a été
découvert dans ces derniers temps ; c'est celui de Jacques
d'Ableiges. Le Grand Coutumier de France a été édité
de nos jours par MM. Laboulaye et Dareste. A cette œuvre
capitale il faut joindre les Constitutions du Châtelet de
Paris, pubhées récemment par M. Mortet, les Coutumes
notoires du Châtelet qui se trouvent dans le commentaire
de Brodeau sur la coutume de Paris, ainsi que les Décisions
de Jean Desmares, les Questions de Jean Lecoq qui sont
insérées dans les œuvres de Dumoulin, les Sentences du
Parloir au bourgeois que Le Roux de Lincy a publiées
dans son Histoire de r hôtel de ville de Paris, le Stylus
parlamenti de Dubreuil, œuvre remarquable qui a servi
de modèle aux autres travaux de même nature parus dans
la suite. Il faut aussi mentionner les registres judiciaires
de quelques abbayes du Parisis qui remontent tous au
xin^ et au xiv*^ siècle, notamment les registres des abbayes
— 217 —
COUTUME
de Saint-Maiif-des-Fossés, de Saint-Denis, de Notre-Dame
de Paris, de Saint-Germain des Prés, de Saint-Martin des
Champs, édités à diverses reprises par M. Tanon. Les
procès-verbaux de rédaction delà coutume de 1540 jettent
aussi souvent un grand jour sur le droit antérieur.
Nous venons de constater que, déjà avant le xv^ siècle,
les coutumes les plus importantes avaient été recueillies
par des praticiens ou même des jurisconsultes dans des
ouvrages qu'on désigne aujourd'hui sous le nom de coutu-
miers, pour les distinguer des coutumes officielles. Parmi
ces travaux, quelques-uns avaient une grande valeur; tels
sont ceux de Beaumanoir. La plupart cependant étaient
faits sans plan ni méthode. Comme ils avaient en outre un
caractère purement privé, il était toujours possible de con-
tester leur exactitude. Quelques-uns, il est vrai, comme
par exemple le Grand Coutumier de Normandie, obtin-
rent, en tait, force de loi, mais tous n'eurent pas cette
bonne fortune. D'un autre côté, la plupart des coutumiers
comprenaient des dispositions empruntées au droit romain
ou au droit canonique, ce qui était une cause d'embarras
et même d'erreurs pour les praticiens. Enfin la plupart de
ces compilations négligeaient les coutumes locales. Aussi,
malgré l'existence de ces importants travaux, la plus
grande incertitude continuait à régner parfois sur certains
usages, sur leur sens et leur portée. On était obligé de
recourir aux enquêtes par turbe qui étaient une source de
frais considérables et n'aboutissaient pas toujours à des
résultats sérieux. Sous le règne de Charles VIÏ, le moment
était venu d'entreprendre une grande réforme. A vrai dire,
à cette époque, la France entrait dans une période nou-
velle ; on venait de chasser définitivement les Anglais ;
l'administration et la justice étaient réorganisées ; le parle-
ment de Paris était démembré par la création d'un second
parlement à Toulouse, l'armée permanente était créée, la
taille se transformait en un véritable impôt royal ; enfin la
monarchie devenait partout le pouvoir dirigeant!^ Pour donner
satisfaction à des vœux souvent exprimés, Charles VII, par
l'ordonnance de Montil-lez-Tours, d'avr. 1453 (1454
nouveau style), art. 125, prescrivit la rédaction des cou-
tumes. On posséderait à l'avenir pour chaque coutume un
texte officiel et précis. De cette manière les enquêtes par
turbe deviendraient très rares ; les trais des procès seraient
sensiblement diminués ; l'administration de la justice serait
plus sûre et plus rapide; les contrariétés de jugement
sur le même point de droit deviendraient impossibles ou
tout au moins fort rares. L'exécution d'une mesure aussi
grave et aussi vaste demandait beaucoup de temps ; mais
ce qui prouve combien elle était utile, c'est que l'exemple
donné par le roi de France fut suivi par certains grands
vassaux, notamment par le duc de Bourgogne et même
par des princes étrangers. Louis XI renouvela l'ordonnance
de son père, Charles Vïll rappela aussi en 1493 et 1497
la rédaction des coutumes, mais on ne vit paraître sous
son règne que celles du Bourbonnais. Les règnes de
Louis XII et de François P"^ furent plus productifs, et la
rédaction des coutumes se poursuivit sans interruption
jusque sous Henri IV, époque à laquelle elle fut à peu près
terminée.
Pour procéder à la rédaction officielle d'une coutume, on
suivit à peu près partout la même marche. Des lettres
patentes ordonnaient la réunion des trois Etats de chaque
province par députés. Les magistrats, greffiers, maires,
échevins, recevaient l'ordre de dresser des mémoriaux de
chaque coutume et de les envoyer aux Etats. Ceux-ci
nommaient alors une commission qui faisait le dépouille-
ment de tous ces cahiers et rédigeait un projet. Ce projet
était lu et discuté dans l'assemblée des Etats. La rédaction
définitive était arrêtée d'après la volonté de la majorité ;
en cas d'opposition, l'affaire était portée au parlement. Ces
assemblées étaient en général présidées par des commis-
saires que le roi nommait et choisissait parmi les membres
du parlement de la localité. Bien qu'on ait rédigé avec
beaucoup de soin ces premières coutumes, cette œuvre,
par cela même qu'elle était absolument neuve, présentait
bien des défauts et, pour y remédier, il fallut plus d'une
fois ordonner la réformation de la coutume. C'est ainsi
qu'une seconde rédaction suivit la première, mais on s'en
tint là. Pour se faire une idée exacte de l'ensemble de ces
coutumes officielles, il faut reprendre la géographie que
nous avons déjà étudiée sous la période précédente. Parmi
ces coutumes, les unes étaient générales et les autres
locales ; on ne comptait pas moins de soixante coutumes
générales, et les coutumes locales étaient au nombre de
plus de trois cents. Il y avait en outre des marches, terres,
paroisses, seigneuries, situées sur les confins de diverses
provinces, souvent indivises entre ces provinces, et qui
n'étaient pas régies par des coutumes propres. Quelques-
unes étaient soumises à des usages particuliers qui déter-
minaient en même temps la coutume voisine dont on devait
faire application.
Dans la région du Nord, on rencontre en premier lieu
trois pays importants : la Picardie, l'Artois et la Nor-
mandie. La Picardie ne comprenait pas moins de cinq
coutumes générales : celles de Péronne en 1567, Ponthieu
(1494), Amiens (1496, réformée en 1567), Boulenois
(1495), Calais (1583). Les coutumes d'Amiens sont les
plus célèbres ; elles ont été commentées par Bicard et par
Dufresne. La rédaction des coutumes générales d'Artois
fut commencée en 1509 et fut continuée même après le
démembrement de 1525. Celles du bailliage et prévôté de
Chauny ont été accordées et rédigées en 1510, mais il ne
paraît pas que ces premières coutumes aient jamais été
décrétées; elles furent rédigées de nouveau en 1609 et
cette fois publiées ; des lettres patentes de Louis XIII les
confirmèrent en 1611 et elles furent enregistrées au par-
lement en 1614. Les coutumes de Vermandois étaient
beaucoup plus importantes ; elles étendaient leur autorité
dans toute la partie du pays de ce nom qui a plus tard été
comprise dans l'Ile-de-France et dans la Picardie, et on
sait que ce pays comprenait à lui seul quatre des six
pairies ecclésiastiques, l'archevêché de Beims, les évêchés
de Laon, Châlons et Noyon. Les coutumes de Vermandois
ont été publiées en 1556 et elles ont fait l'objet d'un com-
mentaire important de la part d'un jurisconsulte du
x\u^ siècle, Buridan, professeur de droit à l'université de
Beims. Ce jurisconsulte a également commenté la coutume
de Beims rédigée par Louis XII en 1481. Plus au nord de
la France se trouvait la Flandre, qui appartenait seulement
en partie à notre pays. Ce qui est tout à fait remarquable
dans cette région, c'est l'organisation municipale de la
plupart des villes. Celles-ci forment un territoire privilégié
qui jouit de sa coutume, de sa justice, de son administra-
tion distinctes de celles de la seigneurie voisine. Parfois
même cette seigneurie a été incorporée à la ville, et alors
la juridiction ordinaire ayant été réunie à l'échevinage,
l'ancienne cour féodale n'a conservé compétence que sur
les fiefs. Dans ce dernier cas, il existe deux coutumes
locales : l'une est celle de la ville qui s'applique aux
bourgeois et aux biens roturiers ; l'autre est celle du prince
qui concerne les nobles et les fiefs. On comprendra sans peine
qu'avec^ une pareille organisation la coutume générale ne
joue qu'un rôle tout à fait secondaire ; elle lorme un droit
subsidiaire qui s'applique en cas de silence de la coutume
locale. L'empereur Charles-Quint rendit en 1531 une
ordonnance qui prescrivit la rédaction des coutumes de ces
Pays de par deçà. C'est en conséquence de cette ordon-
nance que furent rédigées les coutumes de la ville de Lille,
les coutumes générales de Hainaut, les coutumes particu-
lières du ressort de Mons, celles d'Ypres et de Malines,
et plusieurs coutumes locales de l'Artois. Parmi les autres
coutumes locales de la Flandre wallonne, on peut citer
comme étant les plus importantes celles de l'échevinage de
la ville de Tournai, celles du bailliage de Tournai,
celles de la gouvernance de Douai, celles de la ville de
Douai, celles de la ville d'Orchies. Dans la Flandre flamande,
il y avait aussi une coutume générale du pays et comté
COUTUME
— 218 -
de Flandre qui n'a jamais été officiellement rédigée et un
assez grand nombre de coutumes locales, notamment
celles d'Ostende, Gand, Bruges, etc. Les coutumes géné-
rales du Hainaut avaient été rédigées en 1483, sous l'em-
pereur Maximilien, et plus tard Charles-Quint les confirma
en 1531. En dernier lieu, de nouvelles coutumes furent
faites pour le Hainaut et pour Valenciennes en d619. Le
Luxembourg était régi par les coutumes générales de ce
nom que confirma Philippe IV, roi d'Espagne en 1629.
Lorsqu'une partie de ce duché fut réunie à la France, elle
conserva ses anciennes coutumes. On en fit toutefois une
rédaction nouvelle et c'est à cette occasion que furent
dressées les coutumes de Thionville et autres lieux du
Luxembourg français. Dans le Luxembourg se trouvaient
le duché de Bouillon et la principauté souveraine de Sedan.
Les coutumes du duché de Bouillon furent rédigées en
1618 par ordre de Ferdinand, évêque de Liège et duc de
Bouillon; celles de Sedan avaient déjà été officiellement
constatées en 1568, par ordre de Henri Robert de la Marck,
duc de Bouillon et seigneur souverain de Sedan.
Les premières coutumes de la région de l'Est sont celles
de la Champagne. Tout le nord de cette province était
soumis aux coutumes du bailliage de Vitry-le-François,
sauf exception pour les contrées qui appartenaient au Ver-
mandois et pour divers lieux du bailliage de Sainte-Mene-
hould relevant du bailliage de Reims. Les coutumes de
Vitry furent publiées en 1509. Deux autres parties de la
Champagne étaient régies, l'une par la coutume du bail-
liage de Chaumont en Bassigny, pubHée en 1509 ; l'autre
par la coutume du bailliage de Troyes qui a été commentée
par Legrand et par les frères Pithou. La coutume de Sens,
rédigée en 1495, pubhée en 1506, s'appliquait dans tout
le territoire situé entre les bailHages de Troyes, de Chaumont,
de Montargis, d'Auxerre et les deux Bourgognes. Les villes
de Sens et de Langres et le comté de Montsaujon y
échappaient toutefois et étaient soumis à des coutumes
locales. Quelques parties du Barrois ayant été comprises
dans l'ancien ressort du bailliage de Sens, le duc de Lor-
raine et de Bar fut assigné pour prendre part à la rédac-
tion des coutumes de Sens à raison de ses terres qui en
relevaient. Le duc de Lorraine refusa d'y participer et
souleva des difîîcaltés qui cessèrent seulement en 1571. A
cette époque intervint un traité qui reconnut au duc de
Lorraine le droit de faire rédiger les coutumes de ce pays
à charge d'appel au parlement et, en exécution de ce traité,
on dressa les coutumes de Clermont (1571), celles de Bar
(1579), celles de Bassigny (1580), celles de Saint-Mihiel
(1598). Au sud de la Champagne, on rencontre le duché de
Bourgogne dont la coutume générale régissait le territoire de
cinq grands bailliages, Auxois, la Montagne, Châtillon-sur-
Seine, Dijon, Autun, Chalon-sur-Saône. Quant aux cou-
tumes générales du comté de Bourgogne, elles s'éten-
daient sur toute la Franche-Comté, dans les bailliages
d'Amont, d'Aval, de Dôle et de Besançon. Des lettres du
duc de Bourgogne, Philippe le Bon, avaient ordonné la
rédaction des coutumes du duché et de la comté, et elles
furent publiées en 1459. Les coutumes du duché de Bour-
gogne ont fait l'objet de travaux considérables de la part
de Chasseneuz, Dumouhn, Bouhier, Taisand, Davot, Ban-
nelier. Les Trois Evêchés enclavés dans la Lorraine étaient
régis par les coutumes générales de la ville de Metz, du
bailliage de l'évêché de Metz, de la ville et bailliage deToul,
de la ville, bailhage, évêché et comté de Verdun. Ce sont
des lettres de Charles ÏX qui, en 1569, ont ordonné la
rédaction des coutumes de la ville de Metz et du pays
messin. Mais elles restèrent sans résultat, ainsi que des
lettres semblables de Henri III en date de d 578. En réalité,
les coutumes de Metz ne furent publiées qu'en 1611 ;
celles de Tout et de Verdun l'ont été beaucoup plus tard
encore, en 1646. On sait que le Barrois se divisait en deux
parties, le Barrois Mouvant qui formait une sorte d'annexé
de la Champagne, et le Barrois non Mouvant qui ressor-
tissait à la cour souveraine de Nancy. Celui-ci se gouvernait
par les coutumes du bailliage de Saint-Mihiel, rédigées en
1598. Quant aux coutumes de Lorraine, elles furent constatées
par ordre du duc en 1594. Elles comprenaient trois cou-
tumes générales : celles des bailliages de Nancy, Vosges et
Allemagne. H existait en outre des coutumes locales, celles
d'Epinal et de Marsal. En Alsace, on ne rencontrait que
des coutumes locales parmi lesquelles les plus importantes
étaient sans contredit celles de la ville de Strasbourg. Le
droit romain formait la base générale de la législation de
cette province.
Si en quittant l'Est de la France et avant d'entrer dans
la contrée de l'Ouest, nous descendons vers le Midi, nous
allons aussi constater que, même dans ces pays de droit
écrit, il existait un assez grand nombre de coutumes locales.
Ainsi, dans le Lyonnais, on observait des usages parti-
culiers qui ne furent d'ailleurs jamais rédigés officiellement
par écrit au bailliage de Lyon. La plus grande partie de
l'Auvergne était de droit coutumier ; c'était seulement la
contrée du Sud et certaines enclaves qui étaient régies par
le droit romain, et encore y appliquait-on la coutume géné-
rale d'Auvergne à titre de droit subsidiaire. De même dans
la partie de la Basse-Marche qui était de droit écrit (les
châtellenies de Bellac, Rançon et Champagnac), il existait
des coutumes locales. Le parlement de Bordeaux, comme
celui de Paris, comprenait dans son ressort à la fois des
pays de coutume et des pays de droit écrit. Mais tandis
que les pays de coutume formaient l'immense majorité
dans le ressort du parlement de Paris, c'était le contraire
qui se produisait dans celui de Bordeaux. Au nord de
Bordeaux, la partie septentrionale de la Saintonge du res-
sort de Saint-Jean-d'Angely, était à vrai dire le seul pays
de coutume important qui dépendît du parlement de Bor-
deaux. Dans le Limousin, l'Agenoiset le Périgord, existaient
toujours les anciennes coutumes de Limoges et d'Agen,
mais leur autorité était incertaine. Le Bazadois avait
aussi des coutumes locales ; leur rédaction officielle fut
même ordonnée, mais elle n'eut jamais Heu. Dans le res-
sort du parlement de Bordeaux on peut toutefois encore
relever les coutumes de Bordeaux rédigées en 1521, celles
de la sénéchaussée des Landes, les coutumes générales du
pays de Marsan, Tursan et Gabardan, les coutumes locales
de Mont-de-Marsan, celles d'Acs, les coutumes générales
de la prévôté de Saint-Sever, les coutumes locales de la
ville de ce nom, les coutumes de Bayonne, celles du pays
et bailliage de Labour, celles du pays et vicomte de Soûle.
Au sud du parlement de Bordeaux se trouvait celui de Pau
qui comprenait dans son ressort la basse Navarre et le
Béarn, tous deux pays de coutume. Les coutumes du
Béarn furent rédigées en 1551. Dans le ressort du parle-
ment de Toulouse, le plus étendu après celui du parlement
de Paris, il n'y avait pas à proprement parler de coutumes
locales, sauf quelques exceptions, notamment pour les
vallées do Barèges et du Lavedan, pour la ville do Lour-
des, pour le pays d'Ousles, pour la baronnie des Angles,
pour le marquisat de Bénac ; mais il existait, dans un
grand nombre de villes, des statuts municipaux qui, tout
en appartenant à la période précédente, étaient restés en
pleine vigueur. Tout le ressort du conseil souverain de
Perpignan était de droit écrit, mais la ville de Perpignan
jouissait de privilèges spéciaux. Dans le ressort du parle-
ment d'Aix, les statuts municipaux de la période précé-
dente étaient restés en vigueur et il y avait aussi des
statuts provinciaux pour les comtés de Provence et de For-
calquier. La situation était la même dans le Dauphiné,
autre pays de droit écrit. On voit qu'il n'était pas inutile,
même à l'occasion des coutumes, de parler des pays de
droit écrit, car on était loin d'y observer exclusivement le
droit romain, comme on Fa dit parfois à tort.
Dans la région de l'Ouest, nous comprendrons la Nor-
mandie, la Bretagne, le Maine et l'Anjou, le petit pays du
Loudunois, le vaste comté du Poitou et enfin, en conti-
nuant à descendre vers le Sud, les pays d'Aunis, de Sain-
tonge et d'Angoumois. Là s'arrêtent les pays de coutume ;
- 219 —
COUTUME
nous avons même déjà constaté qu'une partie de la Sain-
tonge est de droit écrit. La rédaction de la coutume géné-
rale de Normandie n'a été arrêtée que fort tard en 4577
et elle a été homologuée en 1585. L'année suivante, en
1586, on constata les coutumes locales du duché. Enfin
sous Henri IV, en 1600, le titre dos exécutions de la cou-
tume de Normandie fut réformé. Bien que l'influence fran-
çaise se fasse sentir dans la coutume de Normandie, elle a
cependant conservé un profond caractère d'originalité dont
les causes remontent à la période précédente et ont déjà
été expliquées. C'est avec la coutume de Paris celle
qui compte le plus de commentateurs. Nous relèverons
notamment les travaux de Berault, Basnage, Flaus,
Houard. Les coutumes locales les plus importantes de
cette contrée sont celles de Caux, de Gaen, de Vire, de
Bayeux, de Falaise, d'Alençon. La coutume générale de
Bretagne présente aussi beaucoup d'originalité; elle a été
rédigée et pubHée en 1539, puis réformée en 1580. On
compte parmi ses commentateurs : Hé vin, d'Argentré,
Poullain du Parc, de La Bigotière, etc. Il existait des
coutumes locales pour les villes de Rennes et de Vannes,
pour le territoire du'Goello, pour celui de la ville et
comté de Nantes. Enfin il ne faut pas oublier que, dans
diverses localités de la Bretagne, la tenure convenancière
ou à domaine congéable était soumise à des usances spé-
ciales, celles de la vicomte de Rohan, du comté de Cor-
nouailles, de la principauté de Léon, de la juridiction de
Daoulas, du comté de Vannes, de la vicomte de Porhoët,
de la ville de Saint-Malo, de la baronnie de Fougères, de
la ville de Vitré. Les coutumes de l'Anjou et du Maine,
comme celles de La Rochelle et du Loudunois, ont été ré-
digées au commencement du xvi® siècle (1508, 1 514, 1518)
et elles n'ont jamais été réformées malgré plusieurs tenta-
tives entreprises à cet effet. René Chopin, Michel de La
Rochemaillet, Dupineau, Pocquet de Livonnière ont attaché
leurs noms aux commentaires des coutumes d'Anjou et du
Maine. Les coutumes du Poitou, comme celles de La Ro-
chelle et de l'Angoumois, ont été rédigées en 4514; on a
réformé celles du Poitou en 1559. La réformation des
coutumes de La Rochelle, ordonnée en 1558, n'a jamais
eu lieu ; ces coutumes ont été commentées. Au contraire,
celles de Saintonge et celles de l'Angoumois n'ont jamais
donné lieu à un travail qui mérite d'être mentionné.
Dans la région du centre, la coutume de Paris est sans
contredit celle qui doit occuper la première place. Elle s'ap-
pliquait dans tout le ressort du Châtelet de Paris, dans la
châtellenie de Triel située dans le Vexin français au nord
de la Seine et à Fouest de l'Oise, dans les prévôtés, sous-
bailliages et châtellenies de Poissy, Saint-Germain-en~
Laye, Châteaufort, Montlhéry, Brie-Comte-Robert, Tour-
nan en Brie, Gournay-sur-Marne et Gonesse, dans quelques
fiefs assis à Meaux ou aux environs et enfin à l'hôtel
épiscopal de cette ville.
La coutume de Paris n'a été rédigée qu'assez tard ; ce
sont des lettres de Louis XII, du 21 janv. 1510, qui donnè-
rent mission à des magistrats du parlement d'en arrêter
le texte. Des cahiers provisoires furent préparés par des
commissaires choisis parmi les avocats et les praticiens.
C'est à cette occasion que furent produites les Coutumes
notoires du Châtelet. Les trois Etats furent ensuite con-
voqués dans la grande salle de l'archevêché et les articles
y furent discutés du 8 mars au i^^ avr. 1510 sous la
jprésidence de Thibault Baillet, conseiller du roi, président
au parlement. Cette discussion fut très courte et les ré-
formes ne paraissent pas avoir été fort nombreuses. Le
président Baillet fit admettre que le franc-alleu serait à
l'avenir, dans les successions, soumis au même régime que
les biens roturiers, c.-à-d. au système du partage égal, et on
introduisit aussi sur sa demande des formes plus solen-
nelles dans les testaments pour prévenir le danger des
suggestions. En prenant connaissance des dispositions du
procès-verbal de la rédaction de la coutume, il est facile
de se convaincre que les discussions ont surtout porté sur
les dispositions relatives au régime des biens, au droit des
seigneurs à l'occasion de leurs fiefs, censives ou autres
tenures. Ainsi le projet voulait que le seigneur, en exerçant
le retrait féodal, ne remboursât l'acheteur du prix que
déduction faite du quint denier. On fit observer aux nobles
que cette disposition était très dure, que dans la plupart
des coutumes l'acheteur était intégralement désintéressé, et
les nobles ne renoncèrent à leurs prétentions que sur les
observations des gens d'Eglise et du tiers état réunis
contre eux. De même le projet de l'art. 62 voulait que le
défaut de payement des cens au seigneur à l'échéance ne
donnât pourtant lieu à aucune amende pour les héritages
assis dans la ville et la banlieue de Paris. Les gens d'Eglise
et les nobles protestèrent contre cette disposition. Les
praticiens répondirent que l'amende n'était due qu'autant
qu'il y avait une disposition formelle dans le bail, et c'est
aussi en ce sens que l'article fut définitivement rédigé,
malgré les protestations des gens d'Eglise et des nobles.
La matière des successions a aussi donné lieu à des
observations importantes. L'art. 95 du projet accordait à
l'exécuteur testamentaire la saisine d'an et jour de tous les
meubles du défunt. On demanda que la saisine fût limitée
à la quantité de biens nécessaire à l'acquittement des
dettes et des legs. Mais on répondit qu'il était difficile de
fixer tout de suite le montant de ce passif et le projet fut
maintenu avec cette adjonction qu'une disposition formelle
du testament pourrait limiter la quantité des biens sur
lesquels s'exercerait la saisine de l'exécuteur testamen-
taire. La correction la plus grave est celle que subirent les
articles relatifs à la représentation ; le projet écartait la
représentation à moins qu'elle n'eût été stipulée en contrat
de mariage. On se décida en faveur de la représentation
d'une manière absolue en ligne directe, même au point de
vue du droit d'aînesse. Le projet voulait aussi que les
parents et lignages des évêques et autres gens d'Eglise
séculiers leur succédassent en ligne collatérale. Mais plu-
sieurs membres du clergé protestèrent contre cette dispo-
sition, soutenant que les biens devaient en pareil cas aller
à l'abbaye ou au prieuré ; les gens du roi au Châtelet, le
prévôt des marchands et les échevins de la ville de Paris,
les avocats, les praticiens et autres assistants protestèrent
contre cette prétention qu'ils déclarèrent absolument con-
traire à la coutume, et elle fut écartée. Une des dispositions
les plus remarquables du projet est sans contredit le second
article du chapitre des matières féodales aux termes
duquel : « Quand aucun fief tenus aux us et coutumes
de France eschet, par succession de père et mère, ayeul,
ayeulle, il n'est deu au seigneur féodal dudit fief par les
descendants en ligne directe que la bouche et les mains
avec le serment de feauté quand lesdits père et mère, ayeul
ou ayeulle, ont fait les droits et devoirs en leur temps ».
On fit observer que cette disposition était trop générale
en parlant des coutumes de France, que les fiefs étaient
soumis à des coutumes très diverses, selon les contrées, et
cette première manifestation de l'idée d'un droit général
coutumier fut supprimée.
Ainsi rédigée, la coutume de Paris ne dura pas long-
temps. Dès la fin du siècle, en 1580, elle fut réformée.
Cette coutume de Paris est tout particuHèrement remar-
quable par son esprit ; elle subit peu l'influence du droit
romain, encore moins celle du droit canonique ; elle s'at-
tache à être essentiellement nationale et c'est ce qui a été
une des causes de son succès. On a surtout tenu à lui
donner un caractère général à l'époque de la réformation,
en 1580. Cette réforme eut lieu de par l'autorité du parle-
ment et grâce aux soins d'une grande commission dirigée
par le premier président de Thou. Pasquier, un des com-
missaires chargés de la revision, nous apprend qu'on s'est
attaché à cette époque à reproduire la jurisprudence géné-
rale du parlement, et il ajoute qu'en cas de silence d'une
autre coutume, on fera bien, pour connaître l'esprit général
du droit coutumier, de se reporter à la coutume de Paris.
« Cette coutume, dira plus tard Brodeau, en tête de son
COUTUME
no —
commenlaire, dont l'air doux et salubre est respiré par
messieurs du parlement, est comme la maîtresse coutume
ordinairement étendue par leurs arrêts aux autres coutumes
pour les cas qui n'y sont point décidés, principalement pour
les matières qui sont du pur droit français non empruntées
à la jurisprudence romaine. »
On ne compte pas moins de seize commentateurs de la
coutume de Paris : Dumoulin (4539) ; Charondas (1582);
Chopin ('1586); Fortin (4595); Pilhou (4604); Tronçon
(4648) ;Tournet(4623);Guérin(4634) ; Brodeau (4658) ;
Ricard (4664) ; Perrière (4679) ; Bobe (4683); Duplessis
(4^99) ; de Laurière (4699) ; Le Maître (4700) ; Auzanet
(4708).
Bien que la coutume de Paris fût appliquée dans un
vaste territoire et eût même obtenu d'être considérée
comme le droit commun de la France, cependant plusieurs
châtellenies, à l'origine dépendantes de la prévôté de Paris
et plus tard érigées en bailliages, possédaient leurs coutumes
propres. Telles étaient les coutumes d'Etampes. Les cou-
tumes de Dourdan, Montfort-l'Amaury, Mantes, Meulan,
du Vexin français, dérogeaient aussi à celles de Paris. L'an-
cien ressort de Sentis était régi par trois coutumes géné-
rales, celles de Senlis, de Clermont en Beauvoisis et de
Valois, toutes trois publiées en 4539. La Brie n'était
soumise qu'en petite partie à la coutume de Paris ; cette
contrée était en général régie par la coutume de Meaux,
publiée en 4506, et par celle de Melun, publiée en 4509
et réformée en 4560. La coutume de Melun s'appliquait
dans une partie du Gâtinais ; l'autre partie de cette
contrée était soumise à la coutume de Lorris (4494-
4534). Les coutumes d'Orléans, qui diffèrent peu des
précédentes, sont de 4509 et elles ont été commentées
par le célèbre jurisconsulte Pothier. Les coutumes de
Dreux datent de 4508 et celles de Châteauneuf de 4552.
Il faut aussi citer celles du comté de Perche ; le Dunois,
le Vendômois et le Blaisois étaient régis par les cou-
tumes générales de Blois publiées en 4523, mais il y
était dérogé par une foule de coutumes locales. A côté du
territoire de la coutume de Blois se trouve celui du duché
et bailliage de Touraine dont la coutume officielle a été
publiée en 4559. Il n'est pas certain que la première
rédaction de la coutume d'Auxerre ait été publiée; la
seconde eut lieu et fut publiée en 4564. La coutume du
Nivernais avait été rédigée sans la participation du roi de
France, par l'autorité du duc de Brabant, comte de Nevers,
en 4490. Une autre rédaction fut faite en vertu de lettres
de Charles VIIL et de Louis XII. Mais ces deux premières
coutumes ne furent jamais décrétées en due forme, et on
continua à se servir des enquêtes par turbe, comme s'il n'a-
vait pas existé de rédaction officielle. Pour mettre un terme
à cet état de choses, le roi prescrivit une dernière rédaction
qui eut lieu en effet en 4534. Tous les pays coutumiers du
centre parcourus jusqu'à présent sont situés au nord de la
Loire; mais au sud de ce fleuve se trouvent encore d'autres
contrées importantes, une partie du Berry, le Bourbonnais,
l'Auvergne et la Haute-Marche. La coutume générale du
Berry s'appliquait dans la partie de cette contrée qui n'était
pas régie par les coutumes de Montargis, de Blois ou de
Touraine, et de plus il était parfois dérogé à la coutume
par des coutumes locales. Ces coutumes ont été homologuées
en 4539; le président Lizet contribua beaucoup à leur
rédaction, et, comme il était grand admirateur du droit
romain, il y a fait entrer un certain nombre de dispositions
de ce droit. Les coutumes du Berry ont été commentées
par La Thaumassière, Boyer, Labbé, Ragueau. Les coutumes
générales du Bourbonnais, rédigées pour la première fois
en 4594, réformées sous François P^ en 4524, s'appli-
quaient dans tout le pays de ce nom et aussi dans une
partie de l'Auvergne; elles ont été commentées par Du-
moulin, Duret, Pothier, Auroux des Pommiers. Une autre
partie de l'Auvergne, on s'en souvient, était de droit écrit.
Tout le reste de ce pays était soumis à la coutume d'Au-
vergne, à laquelle dérogeaient d'ailleurs un assez grand
nombre de coutumes locales. Cette coutume d'Auvergne
n'a été rédigée qu'en 4540; elle a été commentée par Du-
moulin, Brodeau, Ricard, Chabrol; elle s'appliquait aussi
dans la Marche d'Auvergne. La Marche proprement dite
du Limousin avait aussi ses coutumes publiées en 4540.
Quant à la Basse-Marche, elle était en partie soumise aux
coutumes générales du Poitou.
La rédaction des coutumes réahsa un grand progrès
dans le droit civil et elle peut même être considérée comme
la première préparation de notre code civil. Désormais le
droit coutumier fut fixé dans la plupart de ses dispositions,
mais par cela même aussi il prit plus d'immobilité et se
modifia moins facilement au gré des circonstances et du
temps. D'un autre côté, les coutumes avaient le tort de ne
pas être complètes, de sorte que parfois encore on recourut
à l'enquête par turbe jusqu'au jour oti elle fut interdite
par l'ordonnance de 4667. Enfin les coutumes, au nombre
de plusieurs centaines, tant générale que locales, avaient
le tort de varier à l'infini. Le mot de Voltaire est bien
connu ; il disait avec raison qu'on changeait en France
plus souvent de coutumes que de chevaux de poste. De là
des complications dans l'application du droit civil et dont
on pourra se rendre compte en supposant qu'une personne
née sous l'empire d'une coutume se soit mariée et ait fait
son contrat de mariage dans une autre coutume, ait passé
des contrats dans diverses parties de la France et enfin,
soit morte en laissant des biens meubles et immeubles de
divers côtés. La théorie des statuts réels et personnels
avait sans doute prévu la plupart de ces questions, mais
elle ne les avait pas toutes tranchées avec netteté, et la
diversité des coutumes était restée jusqu'à la fin de notre
ancien droit une source incessante de difficultés et de procès.
En outre, il ne faut pas oublier qu'indépendamment des
pays de coutume, il existait aussi des pays de droit écrit.
Aussi demandait-on généralement à la fin du xviii^ siècle
la cessation de cet état de choses, par l'établissement d'un
droit civil uniforme pour toute la France. L'Assemblée con-
stituante prit le soin d'inscrire dans la constitution de
4 794 un article qui ordonnait la confection d'un code civil
commun à tout le royaume. Toutefois, l'Assemblée légis-
lative n'eut pas le temps de réahser ce projet, absorbée
qu'elle était par les lois de l'ordre politique. La Convention
chargea sa commission de législation de préparer un projet
de code civil. Le 9 août 4793, le représentant Cambacérès
déposa ce projet qui était presque exclusivement son œuvre
personnelle, mais la Convention estima que ce travail
s'inspirait trop des idées anciennes et pas assez des idées
nouvelles, et elle le repoussa. Cambacérès présenta un
nouveau projet le 23 fructidor an II, mais des occupations
plus pressantes absorbèrent la Convention et l'empêchèrent
d'y donner suite. Sous le Directoire, un troisième projet
fut soumis par Cambacérès le 24 prairial an IV, au conseil
des Cinq-Cents ; cette tentative n'eut pas plus de succès
que les précédentes. C'est sous le Consulat que fut enfin
menée à bonne fin l'œuvre de rédaction du code civil.
Droit actuel. — Lorsque les divers titres du code civil
furent terminés et après qu'ils eussent été mis successi-
vement en vigueur, la loi du 30 ventôse an XII les réunit
en un seul corps de loi sous le titre : Code civil des Fran-
çais. En outre, l'art. 7 de cette loi de ventôse an XII
portait : « A compter du jour où ces lois sont exécutoires,
les lois romaines, les ordonnances, les coutumes générales
ou locales, les statuts, les règlements, cessent d'avoir force
de loi générale ou particulière dans les matières qui sont
l'objet desdites lois composant le présent code. » Cette
disposition, comme on le voit, abroge tous les anciens
usages auxquels correspondent les dispositions du code civil.
Il n'y a pas lieu de distinguer entre les coutumes écrites
et les coutumes non écrites. Pour empêcher les anciennes
coutumes de reparaître, même d'une manière indirecte,
l'art. 4390 du C. civ. a soin de prévenir ceux qui font leur
contrat de mariage, qu'il ne leur est plus permis de déclarer
en termes généraux que leur association conjugale sera régie
— 221
COUTUME
par une de nos anciennes coutumes générales ou locales,
ni même qu'ils entendent adopter les dispositions de tel
ou tel article d'une ancienne coutume. Les clauses de cette
nature devraient être considérées comme non avenues. Il
n'est d'ailleurs pas interdit de prendre dans un contrat de
mariage, telle ou telle règle d'une ancienne coutume, mais
il faut alors avoir le soin de la reproduire textuellement.
On admet aussi généralement, par interprétation des
art. 6 et 4390 duC, civ., qu'il faudrait considérer comme
nul le testament par lequel le testateur se bornerait à
renvoyer d'une manière générale, pour le règlement de sa
succession, aux dispositions d'une ancienne coutume. Un
pareil acte serait contraire à la loi d'ordre public c[ui a
abrogé ces coutumes. Mais pour les matières commerciales,
comme nous le verrons bientôt, la loi de ventôse an XII
n'a pas abrogé les usages. D'un autre côté, des dispo-
sitions assez nombreuses du code civil se réfèrent aussi
aux usages et les consacrent en y renvoyant (V. art. 593,
663, 671, 674, 1135, 1159, 1160, 1648, 1736, 1748,
1753, 1754, 1757, 1758, 1759, 1762, 1777). Toutefois,
en matière civile, ces usages ne sont pas force obligatoire
par eux-mêmes : ils ne sont loi qu'à raison de la dispo-
sition du code civil qui les consacre. Mais aussi dans le cas
où l'un de ces usages aurait été violé par un jugement en
dernier ressort, il y aurait lieu à pourvoi en cassation,
pour violation de la disposition du code civil qui le men-
tionne.
En matière commerciale, il est de tradition constante que
la coutume a au contraire force de loi par elle-même. On
a réuni la plupart des dispositions du droit commercial
dans un code pour les rendre plus précises et en faciliter
l'application, mais sans avoir la prétention de supprimer
les usages. Il faut bien en effet que les lois propres au
commerce puissent se modifier elles-mêmes sans interven-
tion du législateur et selon les besoins du commerce. Cer-
taines matières importantes, telles que les comptes cou-
rants, les assurances terrestres, ne sont encore aujourd'hui
régies que par les usages. De plus, on admet en matière
commerciale qu'un usage peut déroger, non seulement à un
autre usage, mais même à une loi promulguée par le
législateur. En d'autres termes, en matière commerciale,
et à la différence de ce qui a lieu en matière civile, la cou-
tume abroge la loi, pourvu cependant que celle-ci ne soit
pas d'ordre public. Lorsque des doutes s'élèvent sur le
sens ou sur la portée d'un usage, il faut en faire la preuve
devant la justice. D'ailleurs, tous les moyens de preuve
sont admis en matière commerciale ; on pourrait donc
ordonner une enquête ; le plus souvent les plaideurs pré-
senteront des certificats de commerçants et des parères
de chambre de commerce. Pour préciser certains usages,
une loi du 13 juin 1866 a déterminé les règles qui devraient
être suivies dans les ventes de certaines denrées à défaut
de conventions contraires. Ces règles sont surtout relatives
au pesage et au mesurage. D'ailleurs, un usage ne doit être
considéré comme ayant une existence réelle qu'autant qu'il
résulte de faits multiples et uniformes qui se sont produits
pendant un temps relativement long et sans opposition de
la part du législateur. Quant à la question de savoir s'il
existe un usage commercial sur tel point de droit, elle est
de pur fait et comme telle abandonnée à la libre appré-
ciation des tribunaux dont les décisions échappent à la
censure de la cour de cassation. Mais, une fois l'existence
de la coutume commerciale bien établie, sa violation par
un tribunal serait-elle une cause d'ouverture à cassation ?
En matière civile, la violation d'un usage dans l'un des cas
où un article du code civil s'y réfère, autorise, on l'a vu,
le pourvoi en cassation, précisément parce que l'usage
civil ne vaut pas par lui-même, mais par la loi qui le con-
sacre et y renvoie, de sorte que, si un tribunal n'observe
pas cet usage, il y a en réahté violation de l'article du
code civil qui s'y réfère. On donnera la même solution et
par identité de motif pour les usages commerciaux con-
sacrés par des lois ; tels sont ceux dont parle la loi du
13 juin 1866. Mais en général les coutumes commerciales
valent et sont obligatoires par elles-mêmes, et pour ces
cas les plus ordinaires il existe une très vive controverse
sur le point de savoir si la violation d'une de ces coutumes
commerciales par un tribunal donne ouverture à cassation.
Dans une première doctrine on enseigne l'affirmative et on
donne deux motifs à l'appui de cette solution : l'usage
commercial, étant obligatoire, doit être assimilé à une loi et
la violation de la loi donne ouverture à cassation; les
coutumes commerciales ne sont en réalité que des conven-
tions tacites, et la cour de cassation a le droit d'annuler les
jugements en dernier ressort et arrêts qui n'observent pas
les conventions des parties, car ces décisions judiciaires
violent les art. 1134 et 1135 du C. civ. Ces deux raisons
ne nous paraissent cependant pas décisives. De ce que la
coutume commerciale est obligatoire comme la loi, il n'est
pas permis de conclure qu'elle doit, sous tous les rapports,
être assimilée à une loi votée par le législateur. On a au
contraire soin d'opposer la coutume à la loi ; l'une est
l'œuvre des citoyens : elle se forme d'une manière lente et
progressive et doit pouvoir se transformer à chaque instant
selon les besoins si variés du commerce ; l'autre se forme
instantanément et est inflexible. L'esprit du droit com-
mercial est de permettre aux coutumes de se modifier
selon le temps et d'être différentes dans les diverses places
de commerce. Ne voit-on pas qu'en admettant l'ouverture
à cassation pour cause de violation de la coutume on
empêche celle-ci de se modifier et de varier selon les con-
trées ? C'est aussi une erreur de dire que les coutumes
sont des conventions tacites, d'autant plus que certaines
coutumes existent en dehors de tout contrat. En réalité,
par cela même qu'on admet les coutumes dans le droit
commercial, on entend leur donner une existence propre
à côté de la loi et de la convention. Or les lois relatives au
pourvoi en cassation ne parlant jamais que du pourvoi
pour cause de violation de la loi, il n'est pas possible de les
étendre pour cause de violation d'une coutume. Nous con-
clurons donc en décidant que la violation d'une coutume
commerciale à laquelle ne se réfère aucune loi écrite
n'est pas une cause d'ouverture à cassation. E. Glasson.
Coutumes notoires du Châtelet.— On donne ce nom
à un texte juridique, composé de cent quatre-vingt-six arti-
cles, qui contient l'analyse sommaire de sentences rendues
par la juridiction royale du Châtelet, entre les années 1300 et
1387, pour fixer, en matière de droit civil et de procédure,
les points douteux de la coutume observée dans la prévôté
de Paris. Ce texte a été publié en 1658, sous le titre de
Coustumes tenues toutes notoires et jugées au Chaste-
let de Paris ^ par le jurisconsulte J. Brodeau, dans le
tome II de son Commentaire sur la coutume de Paris
(p. 523) ; le manuscrit d'où 2\: Âièt "nri :; ya^ltaffews'e-
ment pas été retrouvé, ce qui ne permet pas de vérifier
l'exactitude de la transcription dont le style paraît ay.ôir hxb
souvent rajeuni. — Les décisions analysées dans ce docu-
ment juridique étaient prises par le prévôt de Paris, tantôt
sur des enquêtes faites par lui au Châtelet, tantôt sur des
avis émanant du Parloir aux bourgeois. A cette époque
ancienne, où la coutume de Paris n'avait pas encore été
rédigée par écrit, l'enquête, c.-à-d. la preuve par témoins,
était le moyen auquel recouraient habituellement les juges
pour trancher les difficultés qui se présentaient quand, sur
le même point de droit, des usages contraires étaient allé-
gués par les parties plaidantes. Or, le prévôt de Paris
procédait à l'enquête de deux manières : tantôt il consul-
tait les magistrats de son tribunal (lieutenants et con-
seillers), les avocats, examinateurs et procureurs du Châ-
telet, ou même des gentilshommes, bourgeois et artisans de
Paris, qu'il convoquait spécialement à cet effet ; tantôt il
s'adressait au prévôt des marchands et aux échevins de la
ville de Paris, qui siégeaient alors dans le Parloir aux
bourgeois. Ces magistrats municipaux, choisis parmi les
notables commerçants, investis à la fois de fonctions judi-
ciaires (en matière commerciale et en matière de suc-
COUTUME - COUTUMIER
n^
cessions) et d'attributions notariales (en matière d'actes et
de conventions privées), jouissaient d'une grande autorité ;
ils ne donnaient d'ailleurs leur avis sur les usages observés
qu'après avoir conféré avec les bourgeois les plus expéri-
mentés de la ville, comme on peut le voir dans un acte de
4293, cité par Brodeau {ibid.).V enquêta ainsi provoquée
par le prévôt de Paris, qu'elle eût lieu au Cliâtelet ou au
Parloir aux bourgeois, avait souvent pour résultat de faire
constater que, sur la question en litige, il existait dans la
prévôté de Paris un usage assez général et depuis assez
longtemps pratiqué pour être considéré comme une cou-
tume notoire. Dans ce cas, le prévôt rendait toujours
une sentence conforme à l'avis qui lui était soumis, et la
décision par laquelle il constatait judiciairement la noto-
riété de cette coutume faisait jurisprudence devant son
tribunal ; de sorte que les parties qui invoquaient ultérieu-
rement l'usage ainsi reconnu n'avaient pas besoin d'en
fournir la preuve ; il était tenu pour certain. — Tel était
le caractère des décisions contenues dans le recueil des
Coutumes notoires. On voit de quelle importance elles
sont pour la reconstitution de l'ancienne coutume de Paris.
Elles ont été utilisées, notamment par Jean Le Coq dans
ses Questions^ recueil d'arrêts du parlement de Paris, et
par l'auteur des Décisions dites de Jean Des Mares (V. ce
mot) ; Brodeau voyait en elles avec raison « la vive source
dont on a tiré le cahier qui fut présenté à MM. les com-
missaires, en l'an 1510, lors de la rédaction de la cou-
tume de Paris », et c'est pourquoi il les publiait à la
suite de son commentaire de cette coutume. Ch. Mortet.
Coutume privée. — Convention ou usage particulier à
une certaine famille, et qui régissait les rapports des
membres de cette famille entre eux. Les coutumes privées
(on disait aussi familières ou domestiques) ne pouvaient pas
être contraires à la coutume générale qui faisait loi pour
toute une province, mais elles pouvaient déroger aux cou-
tumes locales qui n'avaient force de loi que pour un bourg,
une ville ou un canton.
Coutumes souchères,— Coutumes de notre ancienne
France, par exemple celle de Touraine, qui réglaient d'une
manière spéciale la dévolution des successions immobilières.
Dans ces coutumes, comme dans toutes les autres, on faisait
d'abord une distinction entre les immeubles que le défunt
avait acquis- lui-même {acquêts)^ qui étaient attribués k ses
plus proches parents, et les immeubles qu'il tenait de ses
ancêtres par succession ou par quelque autre titre analogue
et qu'on appelait propres^ ou propres de succession. A
ceux-ci on appliquait la règle ordinaire patenta paterîiis,
materna maternis^c-h-A, que ces propres étaient respec-
tivement dévolus à un représentant de la ligne d'où ils
provenaient. C'est uniquement dans la détermination de ce
représentanV'jfuo '^^^ coutUix^wo soudières se distinguaient
Hes autres : elles remontaient à l'origine première du
propM, recherchaient qui l'avait fait entrer dans le patri-
moine de la famille, en qui le propre avait souche^ et l'at-
tribuaient aux seuls descendants de cet acquéreur primi-
tif, fût-il un collatéral du défunt. On voit qu'en réalité
c'était le degré de parenté en ligne descendante directe avec
l'acquéreur primitif, et non la parenté avec le de cujus, qui
déterminait l'attribution des propres. — Dans les coutumes
de simple côté (Normandie), au contraire, le propre était
attribué au plus proche parent du défunt dans la Hgne
d'où il provenait; enfin, dans les coutumes de côté et
ligne (Paris), on recherchait bien encore en qui le propre
avait souche; mais, au lieu de l'attribuer, comme dans les
coutumes souchères, aux seuls descendants de cet acqué-
reur primitif, on l'attribuait à son plus proche parent,
fût-il un collatéral.
Droit de coutume. — Redevances qui étaient payées,
dans certains pays, au seigneur, pour toutes les denrées,
blés, vins, bestiaux, qui étaient vendus dans sa seigneurie.
Il y avait la grande et la petite coutume ; elles différaient
uniquement quant au tarif : la grande coutume était de
quatre deniers par boeuf, et la petite de un denier seulement.
Les droits de coutume ont été abolis par la loi des 15-28
marslT90. — Dans quelques provinces, l'expression droit
de coutume désignait une espèce de revenu annuel, ou de
rente foncière qui se payait en blé, seigle ou avoine, par
les possesseurs de rotures : ceux-ci étaient dits alors « pre-
neurs d'héritage en coutume », On disait aussi quelquefois
droit de levage^ par exemple dans la Coutume du Maine ^
art. 10. P. GmoDON.
BiBL. : Epoque féodale, Moyen âge, Droit actuel. —
Klimrath, Etudes sur les coutumes; Paris, 1837. ~ Viol-
LET, Précis ^ de l'histoire du droit français, p. 114.— Glas-
son, Histoire du droit et des institutions de la France,
t. IV, pp. 14 et suiv. — GiNOULHiAc, Histoire générale du
droit français^ p. 570.
Coutumes notoires du Châtelet.—- J. Brodeau, Com-
mentaire 1658 et 1669, t. II, pp. 523 et suiv. — H. Bûche,
Essai sur l'ancienne coutume de Paris aux xiii» et
xiv siècles^ dans Nouvelle Revue historique de droite
1884 et 1885, t, YIII, pp. 45 et suiv. ; t. ÏX, p. 558,
Coutume privée, — Guyot, Répertoire de jurispr.y art.
Coutume privée.
Coutumes souchères. -~ Pothier, Traité des succes-
sions, 1777, chap. ri, art. 4.
Droit de coutume. ~ Merlin, Répertoire, art. Cou-
tume. — GuYOT, Rép.; Paris, 1784. — Ragueau, Indices
des di'oits royaux et seigneuriaux ; Paris, 1583.
COUTUIVIIER. Se disait en Anjou et en Touraine des
personnes soumises aux charges et impôts levés par les
seigneurs. Dans la langue des xi® et xn® siècles, con-^
suetudines désignait l'ensemble des redevances et des cor-
vées auxquelles les vilains étaient assujettis. Après avoir
été d'un usage très général, ce mot semble s'être localisé
sur les bords delà Loire. La table très détaillée donnée par
M. Beautemps-Beaupré pour son édition des coutumes
d'Anjou et du Maine permet de retrouver facilement toutes
les règles qui étaient applicables aux coutumiers. Les ar-
ticles assez nombreux des coutumes d'Anjou, du Maine,
du Loudunois et de Touraine qui parlent des coutumiers
sont cités dans le Glossaire de Laurière aux mots Goustu-
mier et Coustumière,
Grand Coutumier de Frange. — Le Grand Coutu-
mier de France est une compilation de la fin du xiv^
siècle, comprenant des ordonnances relatives à l'adminis-
tration de la justice, un abrégé de droit romain, un autre
de droit coutumier, un style de procédure et des instruc-
tions diverses sur les devoirs des juges. Cette œuvre est
souvent désignée sous le nom de Coutumier de Charles FI;
mais il serait difficile de justifier ce titre qui est de pure
invention. Le coutumier a été probablement écrit, il est
vrai, au commencement du règne de ce prince ; mais c'est une
œuvre purement privée, et le nom de son auteur n'a même
été découvert que dans ces derniers temps. La compilation
ne renferme en effet aucune indication précise sur celui qui
l'a écrite. Sans doute, dans plusieurs passages, l'auteur
semble se mettre en scène. Toutefois, comme notre compila-
teur s'est borné à copier servilement, il est évident que
celui qui parle est bien l'auteur du passage, mais non celui
du coutumier. M. Denevers, bibliothécaire de la cour de
cassation, croyait avoir trouvé le nom du compilateur.
L'exemplaire du coutumier possédé par la cour de cassation,
porte au-dessous du titre la mention suivante écrite par un
de ses anciens possesseurs : Par M. Guillaume Brouilly,
advocat en Parlement. Mais il n'a pas été difficile d'éta-
blir que ce maître Brouilly ne figure sur aucune des listes
d'anciens avocats parvenues jusqu'à nous, et que le pos-
sesseur du manuscrit, en inscrivant cette mention, a com-
mis une méprise ; il a cru que ce manuscrit comprenait le
Stylus parliamenti de Guillaume Dubreuil, et il a traduit
par Guillaume Brouilly le nom de celui qui s'appelait en
latin Guillelmus de Broglio. Aussi MM. Laboulaye et
Dareste, en publiant le texte du Grand Coutumier de
France., ont-ils déclaré, comme autrefois Charondas le
Caron, qu'ils renonçaient à en découvrir l'auteur. Mais
dans ces derniers temps, un manuscrit du Grand Coutu-
mier resté jusqu'à ce jour à peu près inconnu, fut offert
d'abord à la FacuMé de droit de Paris, puis à la Biblio-
thèque nationale. Celle-ci l'ayant acquis, M. Léopold Delisle,
^ nz ^
CôUTUMIEÏl
en l*examinant avec sa perspicacité habituelle, n'a pas
tardé à découvrir qu'il indiquait le nom si longtemps cher-
ché de l'auteur : c'est Jacques d'Ableiges, secrétaire du
duc de Berry en 1371, puis examinateur au Châtelet en
1380, bailli de Chartres et de Saint-Denis, en dernier lieu
bailli d'Evreux. Notre oeuvre est, en effet, bien celle d'un
praticien, mais qui connaît aussi le droit romain et la cou-
tume. Le compilateur a surtout copié un style de la chambre
des enquêtes du parlement, le Stylus 'parliamenti de Du-
breuil, les Constitutions du Châtelet de Paris, dont
M. Mortet vient de donner une nouvelle édition, un docu-
ment intitulé : les Demandes que le roy fait des cous-
tumes de fief à l'usage de France, Il est bien probable
aussi qu'il a fait des emprunts à un abrégé de droit romain
écrit en français et aujourd'hui perdu. Enfin, il a aussi
compris dans sa compilation un certain nombre d'actes
nouveaux. L'ouvrage est divisé en quatre livres : le pre-
mier comprend les ordonnances dont la connaissance était
nécessaire aux magistrats, aux avocats, aux procureurs,
aux parties elles-mêmes pour la conduite des procès ; c'est
un véritable code judiciaire oU il est parlé des Etats du
Parlement, de ceux du Châtelet, des droits royaux, des juri-
dictions, de l'appel, des serments, des baillis, avocats, pro-
cureurs. On a longtemps pensé que ce premier livre ne fai-
sait pas partie à l'origine de la compilation, et qu'il y aurait
été ajouté après coup. Mais il résulte de deux manuscrits
récemment découverts qu'on avait fait une conjecture sans
fondement. Le second livre comprend une compilation par-
tie de droit écrit, partie de droit coutumier ; il y est ques-
tion de la division des choses, des servitudes, des obliga-
tions, des seigneuries, de la possession des fiefs, des francs-
alleux, du retrait lignager, des successions, de la garde,
des délits. La première partie a été vraisemblablement
copiée sur un abrégé de droit romain écrit en français, et
qui n'est pas parvenu jusqu'à nous ; dans la seconde partie
on relève des emprunts faits au Stylus parliamenti de
Dubreuil, mais d'autres sources ont encore été mises à pro-
fit, et notamment le chapitre consacré aux Coutumes des
fiefs, rédigé par demandes et par réponses, forme un véri-
table petit catéchisme de droit féodal dont il serait curieux
de retrouver l'original. Le troisième livre est un véritable
style de procédure où l'auteur, après avoir posé quelques
principes relatifs aux avocats et aux procureurs, nous
expose les différents actes d'un procès : ajournement,
exoines, exceptions, défauts, répHques, salvations, etc. Il
contient des formules très nombreuses et fort diverses, et
se termine par des ordonnances relatives aux appellations.
Dans le quatrième livre il est question de l'office du juge,
de l'interrogatoire des témoins, des cas qui peuvent tou-
cher le roy et l'évêque, c.-à-d. des conflits de juridiction
qui s'élèvent entre le pouvoir spirituel et le pouvoir tem-
porel, de la haute, moyenne et basse justice, de la justice
foncière, et ce livre se termine par un petit traité sur les
peines. A la suite de ce livre quatrième, les éditions du
Grand Coutumier de France contiennent une traduction
française du Stylus parliamenti de Dubreuil, contempo-
raine peut-être du texte latin. Enfin, on insère encore des
formules très diverses, qui varient d'ailleurs d'après les
éditions.
Le Grand Coutumier de France a obtenu un véritable
succès jusqu'au milieu du xvi*^ siècle; à cette dernière
époque, les éditions en sont fort nombreuses ; puis tout à
coup, il tombe dans l'oubli, et lorsqu'en 1598, Gharondas
îe Caron en donne une nouvelle édition, ce n'est plus qu'à
titre de pure curiosité historique et alors qu'il s'était écoulé
plus d'un demi-siècle depuis la publication de la précédente.
C'est qu'en effet, depuis le miheu du xvi® siècle, le Grand
Coutumier de France était hors d'usage : la coutume de
Paris avait été rédigée et même réformée ; plusieurs ordon-
nances royales, en dernier lieu la célèbre ordonnance ren-
due à Villers-Colterets par François I^^ au mois d'août
1539, avaient gravement modifié les pratiques judiciaires.
Dès lors, le Grand Coutumier de France^ par cela même
qu'il contenait un droit coutumier et une procédure hors
d'usage, devait nécessairement tomber dans l'oubli. LaThau-
massière,Brodeau, les annotateurs du glossaire de DuCange,
Laurière se servirent encore du Gi^and Coutumier et le
citèrent à maintes reprises; Gharondas le Caron en avait
même donné une dernière édition, mais la pratique igno-
rait complètement son existence. Le Grand Coutumier de
France est en effet fort utile pour l'étude de l'ancienne
coutume de Paris et de la vieille procédure française. On
y retrouve quelques-unes des origines de cette coutume ;
c'est aussi à cette compilation qu'il faut se reporter si l'on
veut connaître les formes de la procédure en vigueur avant
les grandes ordonnances royales qui les ont modifiées et
ont préparé celle de 1667. Le Grand Coutumier de
France nous expose clairement la procédure de la fin du
moyen âge, moitié féodale, moitié canonique, dégagée en
grande partie du vieux formalisme, mais encore très longue
et fort compliquée. Il ne faut pas s'étonner d'y rencontrer
le duel judiciaire, car l'ordonnance de saint Louis qui l'avait
prohibé en 1260 concernait seulement le domaine royal,
et elle y avait même été assez, mal observée ; elle avait été
ensuite abrogée par une ordonnance de Philippe le Bel en
1306, qui permettait de nouveau le duel, mais dans des cas
d'ailleurs fort rares. Il n'en est pas moins vrai qu'au temps
même du Grand Coutumier de France un duel judiciaire
avait été ordonné par le parlement de Paris entre Jacques
le Gris et Jean de Carrouge en 1386. MM. Laboulaye et
Dareste ont donc rendu un véritable service à la science
lorsqu'en 1868 ils ont publié une édition du Grand Cou-
tumier de France, Mais, depuis cette époque, de nou-
veaux manuscrits ont été découverts, et il paraît bien résul-
ter de recherches récentes qu'une autre édition est devenue
nécessaire.
Grand Coutumier de Normandie. — De toutes les
sources du droit normand, la plus précieuse et la plus
importante est sans contredit celle qui est connue sous le
nom de Grand Coutumier de Normandie, Cet ouvrage a
certainement été écrit avant 1280, car déjà en cette année
il a été mis en vers par Richard Dourbault. D'un autre
côté, l'auteur du Grand Coutumier ne connaissait évi-
demment pas l'ordonnance de Philippe IIl du jour de la
Toussaint 1275, car autrement, il en aurait certainement
parlé, soit dans le chapitre De Tenura per eleemosynam,
soit dans celui qui est consacré au Brève defeodoet elee^
mosyna dont cette ordonnance modifiait la disposition. Le
Grand Coutumier a été vraisemblablement écrit d'abord
en latin sous le titre de Summa de legibus et consuetu-
dinibus Normatmice ou sous celui de Jura et consuetu-
dines Normamiiœ, La version française a longtemps passé
pour le texte original, probablement par cette seule raison
qu'elle était la plus répandue.
Le Grand Coutumier n'est pas une compilation, mais
une œuvre originale, méthodique même, à la fois scienti-
fique et pratique. Bien qu'elle n'ait jamais été revêtue d'un
caractère officiel, cette œuvre, d'une nature purement pri-
vée à son origine, n'a pas tardé à être considérée comme
une véritable loi, et à jouir en fait des avantages attachés
aux textes législatifs. Cependant, chose curieuse, on ne
sait pas encore avec certitude quel est l'auteur du Grand
Coutumier de Normandie. Les opinions les plus diver-
gentes ont été émises. Le coutumier étant connu dans les
iles normandes sous le nom de Summe Maucael et ce
dernier nom étant au xiu® siècle celui des membres d'une
famille nombreuse de Normandie, M. Tardif en a conclu
que le Grand Coutumier de Normandie a été écrit par un
de ces personnages. A plusieurs reprises, le Grand Coutu-
mier a fait l'objet de gloses et de commentaires ; le der-
nier et le plus important est celui de Terrien. Déjà, en
1302, Philippe le Bel citait et approuvait un article du
Grand Coutumier de Normandie comme s'il s'était agi
d'une loi obligatoire, et cette œuvre ayant en fait pris la
place d'une coutume officielle, les Normands n'éprouvèrent
pas, comme les habitanta d'autres provinces, le besoin de
COUTUMIER — COUTURE
demander la rédaction de leur coutume. C'est seulement
aux Etats de Blois, en 4576, que les députés normands se
décidèrent à émettre un vœu en ce sens, et le roi Henri III
y fît droit par lettres patentes. « La nouvelle coutume nor-
mande ayant été mise en vigueur le 1^^ juil. 1588, le
Grand Coiitumier cessa à partir de ce jour d'être observé
en Normandie après avoir formé la véritable loi de cette
province pendant trois siècles. Mais de nos jours même
son autorité n'est pas encore complètement évanouie, et
dans les îles normandes, à Jersey, à Guernesey et dépen-
dances toujours demeurées sous le sceptre des succes-
seurs de Guillaume le Conquérant, il forme encore le fond
d'une législation coutumière ; il en a même été donné une
édition récente par William Laurence de Gruchy, juré jus-
ticier à la cour royale de l'île de Jersey. » E. Glasson.
BiBL. : Beautemps-Beaupré, Coutumes d'Anjou et du
Maine; Paris, 1877-83, 4 vol. in-8. — Viollet, Etablisse-
ments de saint Louis; Paris, 1881-86, 4 vol. in-8, — Fran-
çois Ragueau et Eusèbe de Laurière, Glossaire du droit
français ; Niort, 1882, in-8, nouv. éd. — G. Despinay,
la Coutume de Touraine au xy« siècle ; Tours, 1888, in-8.
~ Du Gange, Glossarium médise et inf. lalinitatis;
Niort, 1883-1888, 10 vol. in-4.
Grand Coutumier de France. — Beautemps-Beau-
pré, Notice sur un manuscrit du Grand Coutumier de
France , conservé à la hibiiothèque de Troyes, dans la
Revue historique de droit français et étranger^ 1857,
p. 476.— Dareste, Notice de quatre manuscrits du Grand
Coutumier de France^ conservés à la Bibliothèque de
Paris , dans la Revue historique de droit français et
étranger^ 1862, p. 671. — De Rozière, Notice sur itn
manuscrit du Grand Coutumier de Finance, conservé à
la bibliothèque du Vatican, dans la Revue historique de
droit français et étranger^ 1864, p. 251. — De Beaurepaire,
Notice d'un manuscrit du Grand Coutumier, conservé à la
bibliothèque de jRowen, dans la Revue historique de droit
français et étranger^ 1864, p. 352. — Delisle, Mémoire sur
Jacques d'Ableiges, dans les Mémoires de la Société de
l'histoire de Paris^ 1881, t. VIII, p. 140. — Bertrand, l'Au-
teur du Grand Coutumier de France^ dans le Journal des
savants, 1880, p. 784.
Grand Coutumier de Normandie. — Tanneguy-Sorin,
De Consuetudine Normannise, Gallica et Latina diligenter
visa.... et commentariis aucla illustrata; Caen, 156è, 1574,
in-4. — Terrien, Commentaires du droit civil tant public
que privé, observé au Pais et Duchié de Normandie.,
ordonné à la façon de l'ancien édit prétorial perpétuel
des Romains ; Paris, 1574, 1578, in-fol. — Germain Forget,
les Paraphrases sur les lois des Républiques anciennes
des Egyptiens, Athéniens, Lacédémoniens , Locres et Ilu-
riens, naissance et progrès du droit romain et coutumes
du pays et duché de Normandie ; Paris, 1577, in-8. — Le
Marchant, Remarques et animadversions sur l'approba-
tion des lois et coutumes de Normandie usitées es juri-
dictions de Guernezé (ouvrage écrit au xvii^ siècle et im-
primé par ordre des Etats de Guernesey en 1826). —
Poingdestre, Commentaires sur l'ancienne coutume de
Normandie (en manuscrit à la bibliothèque de Jersey), —
De Gruchy, l'Ancienne Coutume de Normandie; Jersey,
1881, in-8, oii l'on trouvera, pp. 339 et suiv., l'indication de
toutes les éditions antérieures. — Glasson, Histoire du
droit et des institutions de l'Angleterre, t. II. — Tardif,
les Aideurs présumés du Grand CoiUumier de Norman-
die, dans la Nouvelle Revue historique de droit français
et éti^anger, 1885, p. 155.
COUTURE. I. Technologie. — Art de coudre ; mamère
dont un objet est cousu ; suite de points exécutés par une
personne qui coud. On distingue, parmi les points de cou-
ture, le point devant ., le point arrière, le point de côté^
dit aussi couture à V anglaise., le point croisé, le point
à'ourlet, le point de surget, le piqué, le point de bou-
tonnière et de hride^ etc. Le point devant va droit de-
vant lui sans revenir sur lui-même. Le point d'arrière
revient sur lui-même, sans cependant repasser dans les
mêmes trous d'aiguille. Le point de côté n'est que le
point devant, fortement incliné par côté; il est employé
pour les ourlets, il sert à tenir ensemble les pièces appli-
quées, etc. Pour faire un ourlet, on replie d'abord à l'en-
vers une très petite portion de l'étoffe, puis une seconde,
proportionnée à la hauteur de l'ourlet qu'on veut faire, et
l'on coud à points devant ou de côté. Le surjet consiste à
joindre ensemble deux parties d'étoffe, surtout des lisières,
et à les coudre au moyen de points très serrés les uns
contre les autres et aussi réguliers que possible ; une fois
le surjet fini, on l'aplatit, en appuyant fortement dessus,
224
le doigt armé du dé. Les piqûres consistent dans des points
arrière très serrés, et piqués les uns dans les autres. Il
importe que l'intervalle laissé entre chaque point soit par-
tout le même ; c'est à cette régularité qu'on reconnaît une
piqûre bien faite. Pour les points de boutonnière, on fend
l'étoffe de la grandeur voulue, et on la pique de dessous
en dessus, en formant avec le fil une boucle dans laquelle
on repasse l'aiguille qu'on tire alors vivement à soi ; il ne
faut employer dans ce genre de travail que du fil très
résistant, et les points doivent être réguliers et très serrés
les uns contre les autres. Quand la boutonnière est finie,
on l'arrête aux deux bouts par un point de feston. Pour
les brides, on forme une boucle avec plusieurs fils réunis
ensemble au moyen d'un point de boutonnière. La couture,
qui a pour objet la confection des robes, celle du linge
neuf, etc., comprend plusieurs opérations. D'abord, on
taille l'étoffe sur des patrons; les patrons doivent être
coupés sur une robe bien faite, pièce par pièce, en donnant
à chacune d'elle la grandeur qu'elle doit avoir pour pro-
duire l'effet désiré, déduction faite de la largeur nécessaire
pour les coutures d'assemblage. La robe taillée, on la bàlit,
c.-à-d. qu'on fait tenir les pièces ensemble, au moyen de
grands points droits de fil blanc. On l'essaye alors, et on
y fait les modifications nécessaires ; on bâtit ensuite une
seconde fois, plus solidement que la première, puis on
s'occupe de coudre. Le corsage et la jupe sont cousues
séparément, on monte les manches au corsage, puis le
corsage à la robe, s'il y a lieu. Mais avant de monter,
on pose les garnitures (ganses, boutons, passemen-
teries, etc.).
Jusqu'à la fin du siècle dernier, la couture se faisait à
la main. L'idée d'exécuter mécaniquement les travaux de
couture paraît avoir pris naissance aux Etats-Unis. Ce fait
s'explique aisément quand on considère le haut prix de
la main-d'œuvre dans l'Union américaine. Les premiers
essais en ce genre datent de cent ans environ ; ils m furent
pas heureux, tout d'abord. Mais aujourd'hui le problème
est à peu près résolu, et il existe un certain nombre de
machines à coudre (V. ce mot), qui fonctionnent très
convenablement. Elles n'ont pas fait, du reste, au travail
humain le tort que l'on croit; une ouvrière qui gagnait à
peine un franc par jour par les procédés ordinaires de la
couture, peut gagner 4 à 5 fr. au moyen de la machijic à
coudre.
IL Marine. — Ii^tervalle compris entre deux bordages,
que les calfats remplissent en y bourrant del'étoupe et que
l'on recouvre ensuite de brai chaud. Il y a intérêt à dimi-
nuer, dans la mesure du possible, la largeur des coutures;
car, avec le temps, plusieurs causes tendent à accroître
leur importance. Nous citerons en première ligne ^ les mou-
vements du bâtiment et les calfatages successifs, nécessités
par les alternatives de sécheresse et d'humidité. Dans cer-
tains pays, on remplit les coutures d'étoupe ou de bourre
de coco; puis, on en rapproche les bords avec du rotin,
par un procédé analogue à celui des sutures chirurgicales.
On nomme aussi couture la réunion de deux laizes de toile
à voile et le travail lui-même qui consiste à les réunir.
En voilerie, les coutures sont généralement plates, à deux
ou trois rangées de points, suivant la surface de la voile à
confectionner ou le rôle (jue cette voile est appelée à rem-
plir. On leur donne trois rangées de points, lorsque la
toile est comprise dans les quatre premiers numéros; elles
n'en ont que deux dans les autres cas. Dans le premier
cas, on dit qu'elles sont cousues, piquées et rabattues; dans
le deuxième, elles sont seulement cousues et rabattues.
Ajoutons que l'on distingue trois sortes de points: le point
broché, le point piqué et le point debout. Les deux pre-
miers s'exécutent en poussant l'aiguille obliquement à la
surface de la toile. Dans le point debout, on manœuvre
l'aiguille dans un sens perpendiculaire à la toile. Une voile
présente quelquefois de nombreuses clairières dans ses cou-
tures ; cela vient souvent de ce que, dans le travail d'as-
semblage, on s'est servi d'aiguilles dont les arêtes trop
225
COUTURE
vives ont coupé les fils de la toile. Il faut alors appliquer
des galons sur ces coutures.
COUTURE. Coin, du dép. de la Charente, arr. et cant.
deRufFec; 544 hab.
COUTURE (La). Corn, du dép. de Loir-et-Cher, arr.
"de Vendôme, cant. de Montoire; 870 hab. C'est sur ce
territoire que se trouve le joli manoir de La Possonnière,
où naquit Ronsard, où il habita souvent et où il a laissé
dans les sculptures et les devises de nombreuses marques
de sa pensée.
COUTURE (La). Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr.
et cant. de Béthune ; 1,982 hab.
COUTURE (La). Com. du dép. de la Vendée, arr. de
La Roche-sur-Yon, cant. de Mareuil ; 314 hab.
COUTURE (La). Abbaye bénédictine du diocèse du
Mans, fondée dans la ville du Mans à la fin du vi^ siècle
par saint Bertrand, évêque, supprimée à la Révolution.
'L'église, de style roman, est devenue une église parois-
siale, et dans les bâtiments conventuels on a établi la
Préfecture (V. Le Mans).
COUTURE-BoussÉE (La). Com. du dép. de l'Eure, arr.
d'Evreux, cant. de Saint- André; 779 hab. Importante
fabrique d'instruments de musique à vent en bois.
COUTURE-d'Argenson. Com. du dép. des Deux-Sèvres,
arr. de Melle, cant. de Chef-Boutonne ; 686 hab.
COUTURE (l'abbé Jean-Baptiste), érudit français, né à
Saint-Aubin près Bayeuxlell nov. 1651, mort à Paris le
16 août 4728. Régent au collège des arts de Caen, profes-
seur de rhétorique au collège de Vernon puis au collège de
La Marche à Paris, recteur de l'université de Paris, profes-
seur d'éloquence au Collège de France et enfin membre
associé de l'Académie des inscriptions et belles-lettres et
censeur royal, lia publié un grand nombre de dissertations
dans les Mémoires de C Académie des inscriptions, une
traduction, latine du .Traité des Automates de Héron
d'Alexandrie (dans Mathematici veteres de Boivin; Paris,
1693); Abrégé de Vhistoire de la monarchie des Assy-
riens^ des Perses^ des Macédoniens et des Romains
(Paris, 1699, in-12), etc.
BiBL. : De Boze, Eloge de l'abbé Couture, dans Mémoires
de V Académie des inscriptions, t. VIII, p. 405. — G. Man-
CEL, J.-B. Couture^ étude bibliographique; Caen, 1847,
in-S. — MoRERi, Dictionnaire historique,
COUTURE (Guillaume-Martin), architecte français, né
à Rouen en 1732, mort à Paris le 29 déc. 1799. Après
avoir complété ses études par un voyage en Italie, Couture
vint à Paris où il fit construire les hôtels de Saxe et de
Coishn, fut admis, en 1773, à l'Académie royale d'archi-
tecture et chargé, en 1775, de la construction du jubé en
marbre (aujourd'hui démoli) de la cathédrale de Rouen,
lequel avait été commencé par Le Carpentier. En 1776,
Couture était associé avec Moreau et Antoine pour la re-
constitution des parties récemment incendiées du Palais de
Justice de Paris; mais il fut bientôt remplacé par Des-
maisons et succéda, en 1777, à Constant d'Ivry (V. ce
nom) comme architecte de l'église de la Madeleine dont,
sur son rapport, on modifia considérablement les plans
et on agrandit la nef, après avoir fait le public juge des
deux projets de Constant d'Ivry et de Couture, projets dont
les modèles en relief furent exposés dans le chantier de
l'église. On doit encore à Couture un projet de reconstruc-
tion de l'hôtel de ville de Saint-Omer et les plans d'une
grande caserne dont il commença la construction à Caen
en 1786. En 1788, il avait reçu le grand cordon de
l'ordre royal de Saint-Michel. Charles Lucas.
COUTURE (Thomas), célèbre peintre français, né à
Sentis le 21 déc. 1815, mort à Viiliers-le-Bel, près de Paris,
le 30 mars 1879. Ses parents vivaient d'un travail assez
humble. Mais l'enfant avait un esprit altier, et tout petit
il rêvait de hautes destinées ; celle de continuer l'état de
son père, qui faisait des galoches, ne lui suffisait pas.
Entré à l'atelier de. Gros, en 1830, ce fut à l'atelier de
P. Delaroche qu'il fit ses premières armes. En 1837, il
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
remporta le second grand prix de Rome avec une compo-
sition, Noé à la descente de r arche, qui ne sortait pas
du genre poncif, emphatique et plat alors en faveur dans
les concours officiels. Il fit l'année suivante un nouvel essai
malheureux, puis abandonna l'Ecole et renonça définitive-
ment au séjour de la villa Médicis. Son parti était pris de
chercher sa voie avec ses seules forces et de se constituer
une originahté. En 1840, il présenta au Salon un Jeune
Vénitien après une orgie, puis, en 1841, un Enfant
prodigue, assis, les jambes ballantes, sur, un rocher, qui
le fit remarquer. Une certaine habileté d'arrangement et
surtout une couleur très particulière, argentine et rosée
dans les tons clairs, bitumeuse dans les dessous, le signa-
lèrent à l'attention de la critique. Ce furent par les mêmes
qualités de coloriste qu'il se distingua au salon de 1848
avec un joh Trouvère, qui sentait, bien un peu la poésie
de romance, et dont la grâce mélancolique ne dépassait
guère la note mise à la mode par Deveria ; mais ce tableau
offrait un tel imprévu de couleur, un mélange si heureux
de tons austères tempérés par d'aimables accompagnements
de gammes tendres, des roses et des noirs en conflits cha-
toyants, et, par-dessus tout, trahissait une telle aisance
d'exécution ({ue son . auteur passa aussitôt grand favori
dans les ateliers d'artistes où l'on se tint au courant de ses
projets, de ses essais, de ses ébauches. V Amour de Vor,
qui parut au Salon de 1844, justifia les espérances que
Couture faisait naître. Ordonnée dans la manière des
tableaux du Valentin et du Caravage, la composition figu-
rait un homme aux cheveux hérissés, aux joues creuses,
au regard inquiet et fauve, qui défend son trésor contre
les passions qui l'assaillent de toutes parts, crispant ses
mains avec désespoir sur les pièces de monnaie amoncelées
et résistant aux séductions de la Poésie qui veut l'attirer
aussi bien qu'aux caresses d'une belle femme nue aux
rondes épaules et aux flancs potelés. L'Etat proposa à
Couture de lui acheter ce tableau 10,000 fr., ou bien
8,000 fr. en y ajoutant la croix de la Légion d'honneur.
L'artiste prit les 10,000 fr., ne doutant pas que la croix
dût bientôt lui échoir. V Amour de l'or est au musée de
Toulouse. En même temps Couture exposait le portrait en
pied d'un jeune homme, grasse et forte peinture qui, si
elle n'indiquait ni finesse ni élégance dans le style, mon-
trait du moins les remarquables progrès qu'il avait faits
en peu de temps.
Au Salon de 1847, Couture exposa le grand tableau, les
Romains de la décadence, qui reste son chef-d'œuvre et
qui produisit une impression considérable. Les critiques
gourmés et dogmatiques, qui étaient tentés de faire un
grief à Couture de son indépendance, trouvèrent bien
quelques épigrammes pour son exécution « sans corps »
cjui rendait, selon eux, ce tableau plus semblable à une
immense aquarelle qu'à une franche et loyale toile de
peinture à l'huile. On blâma aussi l'aspect conventionnel et
théâtral de la composition, sa froideur en dépit de quelques
épisodes trop chaleureux, les costumes faux, l'absence de
caractère. Mais les éloges dominèrent et l'enthousiasme de
la foule consacra le succès de Couture. On admira le dessin
magistral dans son dédain des détails puérils et prétentieux ;
on trouva l'architecture lumineuse, spirituelle et comme
enlevée de brosse vénitienne. L'éminent critique Thoré en
donna une description dont le ton élogieux est d'autant
plus remarquable que l'écrivain si compétent n'est pas
prodigue de son encens. « Au milieu de la scène, dit-il,
sur un lit recouvert de splendides draperies en désordre,
une femme, vêtue de blanc, est couchée avec nonchalance,
comme une nymphe rêveuse au bord de la mer sans ho-
rizon ; mais son beau visage exprime une lassitude infinie
et l'hébétement de sens épuisés. Ses membres, abandonnés
mollement sur les coussins de pourpre, se dessinent en
reliefs voluptueux. Un homme, assis près d'elle, la sou-
tient, et tend sa coupe ciselée à une autre femme demi-
nue qui y verse les acres épices de l'Orient. Celle-ci, sou-
levée et vue de profil en pleine lumière, resplendit de
15
COUTURE — COUTURIER
— 226
fraîcheur et de beauté ; sa main gauche repose sur les
épaules ambrées d'un jeune garçon, étendu comme un
nageur dans ce fleuve de délices. Pour pendant à ce groupe,
Vitellius, accoudé en triomphateur, contemple l'orgie, sans
s'apercevoir qu'une fdie, couronnée de pampres, se serre
contre lui. Le torse de cette femme, vue presque de dos,
se modèle admirablement dans une demi-teinte transpa-
rente et légère qui recouvre à peine le grain de la toile.
Derrière ces trois groupes principaux, bondit ou s'affaisse
une foule de voluptueux et de bacchantes, émouvés par
Vénus et par le grand dieu que la mythologie païenne
aurait dû marier avec elle. C'est une promiscuité insensée
avec tous les degrés de la débauche antique, adroitement
dissimulés dans l'ensemble... Mais comment décrire tous
les épisodes de cette bacchanale? A droite, un jeuue
garçon qui, grimpé sur un piédestal et s'accrochant au
bras inflexible de la statue de Brutus, offre au vieux Ro-
main la coupe chancelante, et quelques têtes de femmes
qui le regardent en souriant; à gauche une jeune fille, les
bras crispés au-dessus de la tète, souvenir de la magnifique
figure de l'Envie dans le Gouvernement de la reine par
Rubens ; et les vaincus de l'orgie, emportés par des esclaves,
et les faibles qui s'endorment sur les vases renversés, et
les physionomies qui éclatent ou qui s'assombrissent, et
les couronnes do feuillages et de roses qui s'entremêlent
aux chevelures dénouées ou qui serpentent sur des poi-
trines inondées de soleil, et l'éclat des étoffes et des bijoux,
et la tournure variée des personnages, et l'abondance de
la couleur.,. Le tableau de M. Couture est aussi remar-
quable par l'ordonnance et la pensée que par la splendeur
de l'exécution. »
Ce jugement de Thoré, dont nous ne donnons ici qu'un
extrait, et qui est si fortement motivé, l'avenir le con-
sacrcra-t-il? Il ne servirait à rien de dissimuler qu'à l'heure
qu'il est. Fart de la peinture a pris une tout autre direc-
tion que celle où se trouvait Couture lorsqu'il peignit ce
tableau, et que notre appréciation aujourd'hui se ressent
de l'évolution accomphe. Tout en rendant justice au talent
de l'artiste, il nous semble que son art est un art de musée,
fait de souvenirs, d'imitation, et que si son pinceau est
savant, parfois aussi audacieux que celui des grands
maîtres, principalement dans les accessoires, les draperies,
les architectures, il n'a, sous le rapport de l'expression,
du sentiment, jamais une trouvaille originale, jamais un
éclair. Quoi qu'il en soit, les Piomains de la décadence
portèrent aux nues la renommée de l'artiste. Le gouver-
nement lui acheta ce tableau pour le musée du Luxembourg,
et le nomma chevalier de la Légion d'honneur (nov. 4848).
Mais par une bizarrerie singulière, à partir de ce moment.
Couture cessa à peu près complètement de montrer ses
œuvres au public. Il se mit pourtant, vers 4849, à s'oc-
cuper avec ardeur d'une vaste composition dont il proposa
le sujet à Charles Blanc, alors directeur des beaux-arts,
lequel a écrit à ce sujet les lignes suivantes : « Deux ans
après l'éclat de son succès, j'étais alors directeur des beaux-
arts au ministère de l'intérieur. Couture vint me voir.
C'était un homme petit, ramassé, robuste, portant avec
orgueil sa tête engoncée : il ressemblait à Ingres. L'admi-
nistration lai avait commandé VEnrôlemenl des volon-
taires en 92. Il me parla de ce tableau futur : il le peignit
en paroles de flamme... » Mais ce ne fut plus désormais,
semble-t-il, qu'en paroles que s'exhala le talent de l'ar-
tiste. En 4855, il exposa néanmoins le Fauconnier, pein-
ture remarquable et qu'on peut mettre, au point de vue
de l'exécution, au-dessus des Romains de la décadence.
Jamais Couture ne renc(mtra sur sa palette couleur plus
fluide et plus charmante que dans cette toile de petite
dimension (elle se trouve actuellement à Berlin) où il
montrait le fauconnier agaçant du bout de ses doigts en riant
l'oiseau chasseur. Ce fut, ainsi qu'on l'a dit, le dernier
sourire de la muse à l'ami qu'elle allait abandonner. Dès lors,
Couture, retiré dans un château de VilMers-le-Bel, dont
il fit l'acquisition, parut prendre à tâche de se faire ou-
bUer, évitant de produire aucune des œuvres qu'il exécu-
tait, commençant vingt compositions qu'il laissait inache-
vées, aigri, on ne sait pourquoi, contre ses contemporains
qui ne savaient pas, croyait-il, l'apprécier à sa valeur,
exhalant sa bile contre ses confrères les peintres dans des
écrits pleins de verve et de mots acerbes {Méthode et en-
tretiens d'ateliers et Paysages et entretiens d'ateliers).,
en un mot, tournant à la misanthropie et à l'hypocondrie.
Il laissa à l'état d'ébauche, plein de fragments superbes,
son Enrôlement des volontaires, commença pour la salle
des Etats du Louvre une vaste décoration ofTicielle, le
Baptême du prince impérial, qui fut également aban-
donnée, enfin entreprit toute une série de petites composi-
tions tantôt philosophiques et tantôt satiriques, le Juge
endormi, le Roi de l'Epoque, l'Avocat, la Noblesse, la
Courtisane moderne, le Petit Gilles, nombre de
paysages, des têtes de Moines, des Pifferari, etc., qui
seraient restés ignorés du public si la famille de Couture,
ainsi que M, Barbedienne, un de ses plus fervents amis,
n'avaient eu l'idée d'organiser au mois de sept. 4880 une
- exposition de son œuvre au palais de l'Industrie. Cette ex-
position ranima la curiosité de la foule auquel le nom de
Couture était devenu presque complètement étranger, le
peintre n'ayant plus exposé qu'une seule fois, et sans
succès, un Damoclès au Salon de 4877. Elle contribua à
faire connaître sous son véritable aspect le talent de cet
artiste chercheur, un peu métaphysicien, coloriste souvent
saisissant, qui, soit par impuissance, soit par orgueil, et crai-
gnant de ne plus rencontrer un succès égal à celui que lui
avait valu son œuvre les Romains de la décadence, s'en
tint pour ainsi dire à ce seul tableau. Victor Champier.
BiBL. : Jules Claretie, Peintres et Sculpteurs, 1882,
1*0 série, in~8. — Ch. Timbal, Notes et causeries
sur l'art et les artistes, 1881, pp. 405-413. ~- Th. Thoré,
Salon de Î8kl, pp. 30-43. — Roger Ballu, Préface du
Cataloguede l'Exposition de Th. Couture, 1880.
COUTURELLE. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr.
de Saint -Pol- sur -Ternoise, cant. d'Avesnes-le-Comte ;
460 hab.
COUTURES. Com. du dép. delà Dordogne, arr. de
Ribérac, cant. de Verteillac ; 552 hab.
COUTURES. Com. du dép. de Maine-et-Loire, arr. de
Saumur, cant. de Gennes, sur un plateau ; 506 hab. Beau
dolmen formé de six pierres et précédé d'une sorte de ves--
tibulc. Château de Montsabert, sur une ancienne motte
féodale, domaine de Duguesclin.
COUTURES. Com. du dép. de Tarn-et-Garonne, arr.
de Castelsarrazin, cant. de Saint-Nicolas-de-la-Grave :
293 hab.
COUTURES-sur-le-Drot. Com. du dép. de la Gironde,
arr. de La Réole, cant. de Monségur; 467 hab.
COUTURIER. I. Technologie. — Celui dont l'état est
de coudre. Se dit principalement des personnes qui cousent
des habits. L'industrie des couturiers est ancienne. Un édit
de Dioclétien (304 ap. J.-C.) nous apprend qu'à la confec-
tion des habits étaient employés les tailleurs proprement
dits (bracarii) et les couturiers {sarcinatores). Ceux-ci
ne mettaient la main qu'aux vêtements llottants, qui de-'
mandaient seulement à être ourlés et froncés. Au moyen
âge, couturiers et tailleurs se confondirent. Mais les cou-
turières n'apparaissent pas encore. Ce sont les tailleurs
qui sont chargés de faire les vêtements des femmes comme
ceux des hommes. Il y en eut même un, au xvn*^ siècle, qui
fut un véritable ministre de la mode, et qui fait penser
à tel couturier célèbre de ces dernières années. Il s'appelait
Langlée.
Cependant, à cette époque, les couturières commencent
à poindre à l'horizon. C'est en 4675 qu'elles furent auto-
risées à se former en communauté, « considérant, dit l'édit
royal, qu'il était dans la bienséance et convenable à la
pudeur et à la modestie des femmes et des filles, de leur
permettre de se faire habiller par des personnes de leur
sexe ». Mais il leur fut défendu de mettre la main aux
— 227
COUTURIER ~; COUVADE
pièces ajustées du vêtement. Ainsi les tailleurs conservaient
le privilège de fabriquer les corps, appareil en forme de
gaine, bardé de baleine (V. Corset), les fausses robes
(robes sans panier, ni pièce volante au dos, ni ouverture
sur le devant, et portées surtout par les jeunes filles), les
fourreaux (fausses robes dont la jupe n'avait pas de queue).
Pour le même motif, ils furent seuls en possession de con-
fectionner les robes de cour, parce que le corsage de celles-
ci était muni d'une armature qui en faisait un véritable
corps.
Les couturières luttaient de leur mieux ; en ce qui con-
cerne les corps, elles imaginèrent les corsets de basin^
qui n'avaient qu'un buse pour armature," et c'est à ces
corsets que recoururent pour leurs enfants beaucoup de
mères de famille ; à leur tour, les tailleurs, poussés par la
concurrence, sortirent de la routine et inventèrent des
appareils plus flexibles. En somme, les couturières ne
pouvaient pas développer leur industrie, enserrées qu'elles
étaient par une réglementation impitoyable. Une maîtresse
ne peut faire qu'une apprentie ; l'apprentissage est de trois
ans et doit être suivi de deux ans de travail chez les
autres maîtresses. Une couturière ne peut tenir en sa
boutique aucune étoffe en pièce, ni en faire le commerce.
Cependant, en 4784, la communauté obtient le privilège
exclusif d'entreprendre, tailler, coudre, garnir et vendre
toutes sortes de robes et d'habillements neufs de femmes,
do filles et d'enfants. Mais cette autorisation était hérissée
de précautions restrictives, et il faut arriver à 4789 pour
que les entraves dont souffraient les couturières dispa-
raissent complètement.
, « Chose étrange ! s'écrie M. Dusautoy dans son rapport
sur les travaux du jury international de la 35® classe
(vêlements), à l'Exposition universelle de 4867, lorsque la
Révolution eut émancipé l'industrie, les couturières
n'usèrent pas de cette liberté du travail, si chèrement
acquise et depuis longtemps poursuivie. Aucune entrave
n'étant plus apportée à leur commerce, elles purent, il est
vrai, fournir les étoffes à leur gré, mais elles ne songèrent
plus à faire d'avance des habillements confectionnés. Elles
restèrent donc couturières, travaillant à façon, ou four-
nissant quelquefois les étoffes, mais abandonnant la con-
fection pour femmes à une autre industrie qui créa cette
spécialité, devenue depuis si prospère. »
Le nombre des couturières n'a pas augmenté dans la
même proportion que pour beaucoup d'autres métiers. On
comptait :
En 4 754 .... . 4 ,500 maîtresses couturières.
En 4780 2,000 —
En 4849 2,500 —
En 4860 3,000 —
En 4867 4,000 —
Mais, en revanche, le chiffre d'affaires s'accroît très rapi-
dement. De 4860 à 4867, il a plus que doublé; de
49 millions il s'est élevé à 39, Cela tient à ce que le
nombre des couturières travaillant à façon reste stationnaire,
tandis qu'il se crée quelques maisons d'une grande impor-
tance dont les affaires atteignent plusieurs millions.
II. Anatomie. — Muscle couturier (V. Cuisse).
BiBL. : Technologie, Rapport des jurys sur l'indus-
trie du vêtement aux Expositions universelles de Paris
en 1861 et 1818, — Hillardt, Das Nœhen; Vienne, 1887,
3« édit.
COUTURIER (Jean), théologien français, né à Minot
(Bourgogne) en 4723, mort à Léry en 4799. Après avoir
fait ses études à Langres, il entra dans la compagnie de
Jésus et devint professeur de rhétorique à Langres et à
Nancy. On a de lui Catéchisme dogmatique et moral
(Dijon, 4824 et 4832, 4 vol. in-42), et un grand nombre
de Controverses, Méditations, Sermons qui n'ont pas
été imprimés.
COUTURIER (Jean-Pierre), homme politique français,
né à Porcelette (Moselle) le 46 nov. 4744, mort à Issy le
5 oct. 4848. Lieutenant civil et criminel du bailliage de
Bouzonville, il devint en 4794 juge au tribunal de cette
ville. Le dép. de l'Hérault le nomma député à la
Législative, où il siégea à la gauche extrême. Réélu à la
Convention, il fut, le 23 déc. 4792, envoyé en mission
dans la Meurthe, la Moselle et le Bas-Rhin, et, pour ce
motif, ne vota pas dans le procès de Louis XVI. Il fut un
des rares conventionnels qui, dans le procès de Carrier,
l'excusèrent à moitié. Membre du conseil des Cinq-Cents ,
il y fit voter la mise en vente des biens du culte réformé
(44 ventôse an Vil). Après le 48 brumaire, il devint
directeur de l'enregistrement du dép. de la Loire.
Son testament a été publié dans la Révolution française,
revue historique (t. VII, p. 474). F.-A. A.
COUTURIER (Henri-Jean-Baptiste), homme politique
français, né à Vienne (Isère) le 45 juil. 1843. Médecin à
Vienne, il fut nommé conseiller général de l'Isère, devint
vice-président de cette assemblée, puis fut élu député de
Vienne le 20 févr. 4876. Membre de la gauche et du
groupe des 363, il fut réélu le 44 oct. 4877, fit partie de
l'Union républicaine et fut encore réélu le 24 août 4884.
Le 6 janv. 4887, il fut nommé sénateur de l'Isère par
4,442 voix sur 4,252 votants, en remplacement de Michel
Ladichère, décédé. Il suivit au Sénat la même ligne poli-
tique qu'à la Chambre, vota l'expulsion des princes et se
prononça nettement contre le boulangisme.
COUTURIER (Léon-Phihbert), peintre français contem-
porain, né à Chalon-sur-Saône le 26 mai 4823. Elève de
Ch. Couturier et Picot, cet artiste débuta par des portraits
et des sujets de nature morte ; mais c'est dans la peinture
de genre qu'il a surtout réussi. Ses principales œuvres
sont: Scène de basse-cour (S. 4855; méd. de 3^ cl.);
Homère conduit par un enfant (S. 4864 ; rappel de
méd.);^ le Rat retiré du monde (S. 4863); V Amour
aux champs (S. 4869); Conseil tenu par les rats (S.
4876); On a trinqué! (S. 4889). Ad. T.
COUVÂDE (Anthrop.). La couvade est une coutume
symbolique qui servait et sert encore chez beaucoup de
peuples barbares à attester les droits paternels sur l'enfant
qui vient de naître, La mère, à peine accouchée, se lève
pour vaquer aux soins de son ménage, tandis que le père
se couche, pousse la simulation jusqu'au grotesque en gé-
missant et même en se contorsionnant, reçoit les compli-
ments de condoléance des voisins, se fait dorloter et
s'abstient de certains aliments tels que du poisson, ou jeûne
trois jours et plus. Cette coutume bizarre a été signalée
dès l'antiquité chez les Thraces, les Scythes, les Ibères,
chez les Basques, en Corse, chez certains peuples celtes,
sur la côte orientale duPont-Euxin. Marco Polo l'a retrou-
vée dans le Turkestan chinois. Ses traces ont été reconnues
un peu partout par un grand nombre de voyageurs con-
temporains. Son existence a cependant été contestée en
Europe, en particulier chez les Basques, il y a encore peu
de temps, car les peuples qui l'ont pratiquée' ne la prati-
quent plus ou s'eft défendent. Elle n'est cependant pas
disparue entièrement, même en Europe. Dans certaines
provinces baltiques de la Russie, on verrait encore le mari,
une fois sa femme accouchée, se mettre au lit et pousser
des gémissements. M. Léon Donnât aurait aussi retrouvé
les traces de cette coutume dans la petite île de Marken,
; dans le Zuyderzee (Letourneau).
Elle a été répandue surtout en Amérique, depuis le
Grœnland et le Canada, jusqu'au S. du Brésil. Elle a
subsisté jusqu'aux temps modernes, même chez certains
Peaux-Rouges. Mais c'est surtout au Nouveau-Mexique,
en Californie, chez les anciens Caraïbes, les Abipones, et
; en particulier dans la Guyane qu'elle a été maintes fois
observée, et par des contemporains. Parmi les témoignages
les plus positifs et les plus récents qui s'y rapportent, nous
citerons ceux de MM. Mazé, Voisin, Maurel, Crevaux,
Simson. M. Voisin, juge de paix à la Guyane, reçut un
soir l'hospitalité dans un carbet d'Indiens Galibis sur la
Mana, vers 4852. Le matin il fut bien surpris d'apprendre
que, derrière la cloison de feuilles qui le séparait de ses
hôtes, était né un enfant. La mère n'avait poussé aucun
COUVADE ~ COUVERCLE
— 228
cri. Il la vit dès le jour aller sur le bord du fleuve, s'ac-
croupir, faire sa toilette, prendre son nouveau-né, le lan-
cer à plusieurs reprises au fond de l'eau pour le recevoir
au moment où il remontait et l'essuyer avec ses mains.
Mais là où son étonnement fut à son comble, c'est quand
il vil le mari rester couché dans son hamac, se déclarer
malade et recevoir avec le plus grand sérieux les soins
que lui prodiguait sa femme (Maurel). En 4884, M.Lenoël
écrivait de la Guyane à M. Maurel que la couvade existait
chez tous les Indiens et qu'il l'avait vue ^ en particulier chez
les Marouanes du haut Ouassa. Chez ceux-ci, le mari reste
dixjours dans son hamac et s'abstient de poisson, le pois-
son devant donner la mort à l'enfant. Les hommes du
village s'assemblent chez lui pendant ce temps, dansent au
son du tambour et s'enivrent de cachiri.
Cette coutume est réduite à un pur simulacre, même
chez des Indiens de l'Amérique du Sud. Et quant à sa
signification originaire, aujourd'hui généralement oubliée
ou perdue, elle est attestée par sa fréquence surtout chez
les tribus où la filiation par la mère seule n'est pas encore
abandonnée, et par ce qui se passe chez les Larkas du
Bengale où, après que le mari a été déclaré impur comme
la femme pour huit jours, on proclame la fdiation mas-
culine de l'enfant, en lui donnant le nom de son grand-père
(Dalton). Zaborowski.
BiBL. : LuBBocK, les Origines de la civilisation; Paris,
1877, m-8, — Bulletins de la Société d'anthropologie^ 1882 et
1884. — D»- CoRRE, la Mère et l'Enfant dans les races hu-
maines ; Paris, 1887, in-12. — Letourneau, l'Evolution du
mariage et de la famille ; Paris, 1888, gr. in-8.
COU VAI N (Apic). Les différents états de l'abeille au ber-
ceau, c.-à-d. renfermée dans l'alvéole, depuis l'œuf jusqu'à
l'insecte près d'éclore, constituent le couvain. Le temps pen-
dant lequel s'accomplit l'éducation du couvain est divisé,
par les apiculteurs, en quatre périodes : la première com-
prend celle de l'incubation ; la seconde, celle où l'œuf éclos
a produit une, larve ; la troisième, celle où la larve ou ver
se transforme en nymphe, et la quatrième, celle où la
nymphe parvient à l'état d'insecte parfait. Dans les ruches,
le couvain est sujet à certaines maladies qui entraînent
souvent des pertes justement redoutées des apiculteurs.
La plus commune de ces altérations est la pourriture ou
loque (V. ce mot) qui offre de grandes analogies avec la
flacheriedes vers à soie (V. Abeille, Apiculture). Alb. L.
BiBL. : H. Hamet, Cours pratique d'apiculture; Paris,
1883, in-16. — Maurice Girard, les Abeilles ; Paris, 1887,
in-16. — F. Hubert, Nouvelles Observations sur les
abeilles ; Genève, 1814, 2 vol, in-8.
COUVAINS. Com. du dép. de la Manche, arr. de Saint-
Lô, cant. de Saint-Clair; 677 hab.
COUVAINS. Com. du dép. de l'Orne, arr. d'Argentan,
cant. de La Ferté-Fresnel ; 466 hab.
COUVAY (Jean), dessinateur et graveur français, né à
Arles en 1622, mort à une date inconiaue. Habile à ma-
nier le burin, il ne fut cependant qu'un artiste de second
ordre. Il a gravé plus de cent pièces d'après des maîtres
français et étrangers, et dans ce nombre se distinguent
plus particulièrement : le Martyre de saint Barthélémy^
d'après le Poussin; le Repentir de saint Pierre^ d'après
Cl. Vignon ; Marie Stuart; Nie. Sevin, oncle de l'artiste
et professeur de Boileau, d'après Van Mol ; Louis A/ F, à
cheval, d'après Séb. Bourdon. G. P-i.
COUVÉE (Economie rurale). L'ensemble de tous les
œufs qu'une poule ou plutôt qu'un oiseau couve en même
temps constitue une couvée. Mais ce terme s'appHquo aussi
à la réunion des petits qui sont éclos. Dans les basses-
cours, c'est en grande partie du choix des œufs que
dépend l'avenir d'une couvée. On choisira donc ceux-ci
plutôt gros, intacts, bien frais ; on évitera de placer dans
les nids des œufs pris sous une poule qui avait des dispo-
sitions à couver ; la chaleur qu'elle a développée a fait
commencer le travail de l'incubation et si cet œuf vient
à se refroidir pendant le trajet du poulailler au cou voir,
l'embryon meurt, alors l'œuf pourrit sous la couveuse.
Avant de placer les œufs dans le nid, il convient de les laver
dans l'eau tiède, afin que l'air pénètre facilement par les
pores de la coquille. Quant à la poule couveuse, elle doit être
calme, douce et peu craintive. Le besoin de couver se mani-
feste par plusieurs signes : la poule glousse d'une manière
particulière, hérisse ses plumes, tient les ailes écartées et
donne des signes d'inquiétude ; enfin, elle reste sur son
nid. Pour forcer les poules à couver, il y a plusieurs
moyens : 1^ les plumer sous le ventre; 2^ les enivrer avec
du pain trempé dans du vin ; 3^ leur donner du chenevis
en abondance. Les plus grosses poules ne peuvent pas cou-
ver plus de quinze œufs ; généralement, on leur en laisse
dix ou douze. On ne doit pas ajouter d'œufs à une cou-
veuse un, deux ou trois jours après qu'elle a commencé à
couver, lors même qu'elle en aurait cassé une partie; cette
adjonction produirait dans l'éclosion une irrégularité fâ-
cheuse. L'interruption dans l'acte de l'incubation doit être
également évitée avec soin, car dès qu'un œuf cesse d'avoir
la chaleur nécessaire, le germe périt. Plus les œufs sont
gros, plus ils conservent longtemps la chaleur; ainsi une
pie peut rester absente de ses œufs trente minutes, tandis
qu'un serin ne peut les quitter dix minutes sans danger.
La poule met une ardeur sans pareille à couver; aussi
est-il parfois nécessaire de la chasser pour lui faire prendre
Fair ; on doit la faire sortir deux fois par jour pour lui
donner à manger. On profitera de son absence pour enle-
ver les œufs cassés, mais en évitant avec soin de remuer
les autres œufs, ce qui compromettrait tout le reste de
la couvée. A. Lârbalétrïer.
COUVENT (V. Abbaye, Monastère, Ordres religieux).
COUVERCHEL (Alfred), peintre français, né à Mar-
seille-le-Petit (Oise) en 4834, mort à Croissy en 4867.
Elève de Picot et d'Horace Vernet, cet artiste fit plusieurs
voyages en Algérie et en Orient, où il trouva les sujets de
presque tous ses tableaux. Ses principales œuvres furent :
Irrégiiliers de la mer Noire , campagne d'Orient
(S. 4857); Combat de Kanghil, Crimée i855 (S. 4859 ; à
Versailles) ; Bataille de Magenta (S. 4864 ; à Versailles);
Portrait équestre du Général de division Walsin Es-
terhazy (S. 4864); Femmes maronites conduites en
captivité par les Druses^ Liban (S. 1867). Ad. T.
COUVERCLE. I. Archéologie. — L'emploi du couvercle
(primitivement couvescle) s'apphque à trop de besoins de la
vie usuelle pour n'être pas fort ancien. Il reste de l'anti-
quité de nombreux couvercles de vases de toute espèce, ainsi
que de coffres, de cistes et de divers objets mobiliers. Les
coupes, les hanaps et les vases de l'époque du moyen âge
et de la Renaissance étaient fermés par des couvercles que
leur matière et leur exécution rendaient parfois des pièces
d'une grande richesse. La forme du couvercle actuel varie
à l'infini, et ses dimensions changent suivant les récipients
auxquels il s'adapte. Il doit aussi bien se modeler sur les
proportions et la matière des vases de poterie grossière ou
de métal qui servent aux usages domestiques, que sur
celles des coffrets et des meubles de luxe. Le couvercle n'a
pas d'existence particulière ; lorsqu'on le rencontre isolé-
ment, c'est qu'il est détaché de l'ensemble dont il faisait
partie. On ne saurait donc le décrire en dehors des pièces
qu'il est destiné à compléter.
II. Technologie. — On donne le nom de couvercle dans
les machines à vapeur au plateau de fonte ou de bronze,
de forme appropriée à la fermeture d'un cylindre, du côté
correspondant au haut de course du piston. La ferme-
ture du côté opposé se nomme fond de cylindre. Pour les
grands cyhndres à vapeur, le couvercle s'emboîte d'une
certaine quantité dans le cylindre ; il est rehé à la colle-
rette par un nombre de boulons suffisant pour résister à
la pression intérieure et assurer un joint hermétique,
en comprimant du blanc de céruse entre son rebord et la
collerette. Ce rebord porte généralement une saillie égale
au moins à la largeur du cordon de blanc de céruse, afin
que les lèvres du rebord et de la collerette ne soient pas
en contact immédiat lorsque le joint est serré. L'espace
— 229 —
COUVERCLE — COUVERTE
libre sert à Pintroduction de coins acérés, pour faciliter le
décollage du couvercle. Dans le même but, le rebord porte
trois ou quatre trous taraudés, qui servent de casse-joints ;
le bout des vis s'appuie sur une partie pleine de la colle-
rette, l'effort exercé sur ces vis tend à écarter le couvercle
lorsque tous les boulons sont enlevés. Les couvercles sont
pourvus d'un presse-étoupes pour le passage de la tige du
piston ; d'un godet-graisseur, pour lubrifier le cylindre ;
d'une soupape de sûreté, pressée au moyen d'un ressort
pour permettre l'échappement de l'eau qui peut arriver
dans le cylindre. Enfin, les grands couvercles sont creux,
afin qu'on puisse y établir une circulation de vapeur pour
les tenir à l'abri du refroidissement. Dans les machines
horizontales et dans celles à pilon, le couvercle est sou-
vent venu de fonte avec le cylindre. L. Knab.
, BiBL. : Archéologie. — H. Havard, Dictionnaire de
rameublement. — Viollet-le-Duc, Dictionnaire du mobi-
lier. — V. Gay, Glossaire du mobilier.
COUVERT. L Archéologie. — Ce terme désignait primi-
tivement tout ce qui couvrait la table pour le service du repas.
Le roi avait son petit ou son grand couvert, suivant qu'il
dînait en particulier ou en public (V. ci -après). Cette
expression s'est conservée jusqu'à nous et l'on met le cou-
vert pour le dîner, de même que le nombre des convives
s'exprime en disant : un service de tant de couverts. De
nos jours, on a restreint, dans l'usage domestique, la
signification du mot couvert, et après s'en être servi pour
désigner tous les ustensiles destinés à marquer sur la
table la place des convives, on est arrivé à ne plus appeler
ainsi que le couteau, la fourchette et la cuillère et parfois
même ces deux derniers ustensiles. Dès le xvn® siècle on
appelait déjà couvert un étui garni d'une cuillère, d'une
fourchette et d'un couteau. Nous renverrons à ces der-
niers mots pour l'étude de ces ustensiles employés dans
les repas.
n. Histoire. — Grand et petit couvert. On appe-
lait grand couvert du roi le cérémonial suivi en France aux
xvji*^ et XVIII® siècles, quand le roi mangeait en public.
L'huissier de salle se rendait à la salle des gardes du corps
et frappant à la porte avec sa baguette disait tout haut :
Messieurs, au couvert du roi ! puis avec un garde il se rendait
au « gobelet ». Le chef du gobelet, accompagné de ce même
garde, apportait la nef, pièce d'orfèvrerie en forme de
navire, qui renfermait, entre des coussins de senteur, les
serviettes qui devaient être présentées au roi pendant le
repas. Les autres officiers apportaient le reste du couvert.
L'huissier de salle, tenant deux nappes, précédait le cor-
tège. Arrivé au lieu où était dressée la « table du prêts »
il étalait une nappe sur le buffet ; puis, aidé du chef du
gobelet, il recouvrait d'une autre nappe la table du prêts.
Les autres officiers préparaient le reste du couvert. Le gen-
tilhomme servant faisait le prêts, c.-à-d. qu'il procédait à
l'essai du pain, du sel, des serviettes de la nef, de la cuil-
lère, de la fourchette, du couteau et des cure-dents du roi.
Le couvert royal était ensuite dressé sur la table où devait
manger le roi. On apportait en grande pompe et on
essayait la viande. Le premier service une fois sur la table,
le maître d'hôtel précédé de l'huissier de salle allait pré-
venir le roi. Celui-ci étant arrivé à table, le maître d'hôtel
présentait au roi une serviette mouillée pour se laver les
mains. Le gentilhomme servant continuait de faire faire
l'essai aux officiers de la bouche et du gobelet de tout ce
qu'ils apportaient à chaque service. En dehors du gentil-
homme servant, faisant le prêts, il y en avait six autres
qui se tenaient auprès de la table. L'un d'eux servait d'é-
chanson, et, chaque fois que le roi demandait à boire,
criait : A boire pour le roi ! faisait la révérence et allait
chercher sur le buffet une soucoupe d'or garnie d'un verre
couvert et de deux carafes de cristal pleines de vin et
d'eau, puis revenait auprès de la table du roi. Le gentil-
homme servant faisait l'essai du vin et de l'eau. Le roi se
versait ensuite lui-même le vin et l'eau. L'écuyer tranchant
présentait les plats au roi, changeait les assiettes et les
serviettes et coupait les viandes quand le roi ne le faisait
pas lui-même. Le grand panetier, le grand échanson et le
premier écuyer tranchant ne servaient que dans les grandes
cérémonies. — Le petit couvert était un cérémonial plus
simple, observé quand le roi mangeait en particulier dans
sa chambre à coucher. Le service était ordinairement alors
fait par le grand chambellan, et, en son absence, par le
premier gentilhomme de la chambre. M. Prou.
111. Art MILITAIRE. — - Chemin couvert (V. Chemin,
t. X, p. 4025).
. Terrain couvert (V. Terrain).
BiBL. : Archéologie. — H. Havard, Dictionnaire de
l'ameublement. — Viollet-le-Duc, Dictionnaire du mo-
bilier.
Histoire. — L'Etat de la France; Paris, 1749, t. I, p. 143,
in-12. ^ ^F 1
COUVERTE (Céram.). La couverte est la surface bril-
lante fondue par le feu, qui glace, après le passage au four,
les terres vernissées et émaillées. Quelques auteurs ont
cru devoir spécialement réserver le nom de couverte à un
enduit terreux (V. Céramique), fusible à la même tempéra-
ture que la pâte, et applicable à l'argile seulement. Mais il
faut adopter l'opinion de Jacquemart, qui, sans distinction,
comprend, t avec raison, sous le nom générique de couverte
(qui couvre) tous les enduits brillants, fusibles, qui revêtent
les terres cuites. La couverte est produite parla fusion d'une
préparation artificielle fixée, soit par absorption, soit par
immersion, soit par arrosage, sur les pièces céramiques. Dans
certains cas, elle est destinée à faire simplement disparaître
la porosité ou la couleur de la terre ; dans d'autres, elle doit
fondre dans une douceur moelleuse la décoration qu'elle
incorpore ; dans d'aucuns enfin, elle doit être la surface
unie qui servira à poser la couleur. Il en résulte que, dans
le premier cas, il importe souvent fort peu que la prépara-
tion fusible soit débarrassée de toutes ses impuretés et
teintée, par conséquent, par des oxydes minéraux qui s'y
rencontrent accidentellement ou intentionnellement, mais
que, dans les autres, il est indispensable que la couverte
soit uniformément pure pour que son unité ne puisse nuire
en rien à la perfection du décor peint ou gaufré sous cou-
verte, comme certaines pièces chinoises qui ont, depuis,
servi de modèles à d'habiles artistes européens.
La distinction qui existe entre les émaux et les vernis
doit, de même, trouver ici son application : tous les deux
sont, en effet, des couvertes. Si la couverte esi plombifèi^e,
c'est un vernis ; plombo-stannifère., c'est un émail ; mais
elle forme toujours épaisseur sur la pièce, à la différence du
lustre des poteries grecques ou romaines, tellement mince
qu'il est impossible de le détacher du corps même de la
pièce, ou de la glaçure des grès, produite, le plus souvent,
par la simple volatilisation de sel marin projeté dans le four
pendant la cuisson. Il est facile de comprendre (jue, suivant
la terre employée, la fusibihté de la couverte doit être modi-
fiée ainsi que sa composition, pour qu'elle puisse suivre
les retraits ou les dilatations d'un dessous plus ou moins
sensible aux variations de la température. Aussi, de même
qu'il y a les couleurs au grand feu et au demi-grand feu,
il y a les couvertes de grand feu et de demi-grand feu : les
premières sont réservées aux porcelaines et aux majoliques,
les secondes aux terres argileuses ordinaires, de façon que
la fusion de la couverte ait lieu à une température infé-
rieure au ramollissement de la pâte qu'elle enduit. Tels
les bleus turquoises, les violets de manganèse, employés
par les plus anciens céramistes chinois et qui sont les pre-
miers céladons destinés à dissimuler la couleur de la pâte.
Aujourd'hui, ils emploient la couverte Ûrnihée {y ao-pien),
pleine des surprises les plus artistiques, produites par Tin-
troduction dans le four de courants d'air plus ou moins
oxygénés, qui revivifient, décomposent ou volatilisent par
places les oxydes métalHques qui entrent dans la composi-
tion de la couverte, d'où, avec un même métal, une juxta-
position des teintes les plus différentes (V. Cuisson). Telle
encore la couverte vernissée des carrelages du moyen âge,
COUVERTE — COUVERTURE
230
presque toujours appelés à tort émaillés, comme aussi la
couverte des vases les plus communs qui sont d*un service
journalier dans les campagnes ; elle s'obtient dans des fours
ordinaires à des températures peu élevées. La couverte
translucide à base de feldspath quartzeux ne fait son appa-
rition qu'avec l'emploi du kaolin, parce qu'alors le dessous
déjà blanc acquiert par ce vernis le ton et l'éclat de l'émail
stannifère.
Il est certain que les potiers assyriens et persans con-
naissaient, dès la plus haute antiquité, les couvertes
émaillées ; les bas-reliefs rapportés par M. Dieulafoy (V.
Céramique ) en sont la preuve évidente , tandis que les
Egyptiens, bien qu'en rapports intellectuels et artistiques
avec Suse et Babylone, ne semblent pas avoir su l'appli-
quer, du moins s'en être servi ; leurs poteries sont bril-
lantes, mais plutôt lustrées ou glacées à la façon des grès.
En Occident, les couvertes n'apparaissent que bien'^plus
tardivement : les vasa vitreata terrea^ « vases de terre
couverts de verre », qu'il faut distinguer des vasa vitri^
vases de verre, rencontrés dans les inventaires du moyen
âge, indiquent certainement des vases de terre vernissée
avec couverte , par conséquent. Urstisius même nous apprend ,
par un obituaire du xiii^ siècle, le nom du potier Stezlstatt
(et non pas, comme d'aucuns l'ont cru, d'un potier de
Schelestadt), mort en 4283, qui fut le premier à répandre en
Alsace le nouveau procédé : 128S^ Obiit figulus Stezlstatt
qiiiprimus in Alsaiia vitro vasa fictilia vestiebat.
En dehors des carrelages céramiques, il ne nous reste
plus beaucoup de pièces occidentales à couvertes, anté-
rieures au XV® siècle. Ce ne sont d'ailleurs que des cou-
vertes plombifères, souvent transparentes, mais impures,
auxquelles leurs impuretés mêmes, jointes à la rougeur de
la terre qui s'aperçoit au travers, donnent des tonalités
chaudes et agréables, en quelque sorte comparables à des
flambés : d'autres sont opaques, vertes, noires, jaunes,
colorées par des sels de cuivre, de manganèse ; telles les
terres de Normandie, du Beauvoisis, du Poitou. Mais avec
le XV® siècle, grâce aux nouvelles découvertes, à l'emploi
de l'émail stannifère, à Vinvetriature^ les potiers et les
céramistes réalisent les progrès les plus surprenants, soit
qu'ils décorent la couverte crue, pulvérulente, comme les
majolistes italiens, ce qui donne au dessin une souplesse
exquise, mais sans retouche possible, soit qu'ils fassent
d'abord fondre la couverte sur laquelle ils peuvent travailler
ensuite tout à leur aise. Les pièces de faïence Henri II, d'Oiron
ou de Saint-Porchaire, continuent, grâce à la blancheur de
la terre, décorée à l'état de biscuit, à n'avoir qu'une cou-
verte translucide, vitreuse, à travers laquelle le dessin tracé
sur la terre apparaît dans une pureté qui rappelle les cou-
vertes au grand feu des majoliques d'Italie, Les couvertes
à reflets métalliques qui firent la réputation des ateliers de
Gubbio, celles à reflets nacrés des ateliers de Pesaro, sont
obtenues par un tour de main et par les mêmes procédés
que les flambés ; Tartiste, pendant la cuisson, détermine
un appel d'air qui, en passant sur la couverte, revivifie le
métal et le fait apparaître dans la transparence de la gla-
çure. L'emploi des couleurs destinées à décorer les porce-
laines doit aussi être modifié suivant la nature de la cou-
verte : les couleurs au grand feu peuvent être posées sur
le biscuit et la couverte mise par-dessus, ou incorporées,
parce qu'elles peuvent soutenir la température de 140<* du
pyromètre de Wedgwood : celles à petit feu ne pouvant,
sans se transformer, subir la même chaleur, doivent être
posées sur la couverte déjà fondue. F. de Mély.
COUVERTOIRADE (La). Com. du dép. de l'Aveyron,
arr. de Millau, cant. de Nant ; 736 hab.
COUVERTPUITS. Com. du dép. de la Meuse, arr. de
Bar-ie-Duc, cant. de Moûtiers-sur-Saulx ; 229 hab.
COUVERTURE. I. Archéologie. — Couverture
d'autel. — Drap qui couvrait entièrement l'autel, d'oii
le nom de vestis altaris que certains textes lui donnent.
Anastase le Bibliothécaire rapporte que l'empereur Cons-
tans, étant à Rome, fit présent à l'église Saint-Pierre d'une
couverture d'autel de drap d'or; le même auteur men-
tionne plusieurs présents de cette sorte faits par les papes
à diverses églises. Dans les inventaires latins du xv^ siècle,
les couvertures d'autel sont appelées mapptilœ, coho-^
perforia, M. P.
Couverture de lit et de siège. — On a dit avec raison
que la couverture est aussi ancienne que le lit qu'elle
recouvre. Si sa forme est restée en quelque sorte immuable,
son caractère a varié avec les mœurs et sa condition maté-
rielle a subi de nombreuses transformations. En raison de
l'habitude qu'avaient les souverains et les grands person-
nages au XIV® et au xv® siècle de donner souvent des au-
diences et de recevoir même les visites les plus solennelles
étant au lit, la couverture devenait un objet de parade et
de luxe. Elle était alors tantôt de velours, tantôt de cendal
(V. ce mot) ou de drap de soie et toujours ornée de bro-
deries historiées et parfois même de pierreries. Ce luxe per-
sista jusque vers le milieu du xvn^ siècle. D'autre part, on
n'oubliait point le but réel de cet article du mobilier, dont
le rôle était jadis bien important en raison de l'insufiisance
des moyens de chauffage et des dimensions des chambres à
coucher seigneuriales. On fit donc intervenir l'emploi des
fourrures plus ou moins coûteuses, l'hermine, la martre,
le menu vair, les peaux de chats sauvages ou de renards, etc.
Les inventaires des riches mobiliers de l'époque nous ren-
seigneront amplement sur la variété infinie de cet objet
intime. Au xvii® siècle s'introduisit la mode de housses
recouvrant entièrement le lit, et la couverture cessa d'être
aussi fastueuse que par le passé. Une nouvelle étoffe fut
alors employée pour sa confection : la cotonine, sorte de
satin provenant des Indes orientales, et l'ouate et le duvet
furent substitués à la fourrure. Vint ensuite la couverture
de laine, d'origine espagnole, ou plutôt catalane, d'où son
nom de castelogne^ catellonne^ catologne, etc. On se mit
bientôt à en fabriquer en France, notamment à Paris, à
Darnetal près Rouen, à Montpellier, à Avignon. Les cou-
vertures communes provenaient de la Lorraine; elles étaient
fabriquées de poil de chèvre ou de poil de chien.
Les sièges recevaient aussi, jusqu'au miheu du xvii® siècle,
en guise de housses d'aujourd'hui, des couvertures de luxe,
qui constituaient de superbes habits chargés de broderies,
décorés d'orfrois éblouissants, parfois semés de perles et de
pierres précieuses (Henry Havard, Dictionaire de V ameu-
blement^ 1. 1).
Couverture de livre. — Le moyen âge a déployé dans
la couverture des livres, spécialement des livres saints et
liturgiques, le plus grand luxe. C'était l'usage dès le
VI® siècle d'enfermer l'Evangile dans des boîtes richement
ornées. Grégoire de Tours cite parmi les objets précieux
rapportés de Narbonne par Childebert, vainqueur d'Ama-
laric, vingt-trois boîtes d'or couvertes de pierreries et
destinées à la conservation d'évangéliaires. Le pape
Victor m laissa à l'égUse d'Ostie des epistoliers, des évan-
géliaires et des sacramentaires recouverts de tables d'or et
d'argent; il ne s'agit plus ici de boîtes, mais de véritables
reliures dont les plats étaient formés ou recouverts de
plaques de métal. Cassiodore {de Institut,, cap. xxx) dit
qu'il avait dessiné de nombreux exemples de couvertures
de livres. On voulait que la décoration extérieure des ma-
nuscrits des Saintes Ecritures répondît à la dignité et à
l'importance du texte. Un livre saint donné par Léon III à
la basilique de Saint-Pierre était protégé par des plaques
d'or ornées d'émeraudes, d'hyacinthes et de perles. En
852, Hincmar fit don à l'église Saint-Remy de Reims d'un
éyangéhaire remarquable par sa couverture enrichie de
pierres précieuses et d'une croix d'or. Nous n'en sommes
pas réduits aux textes pour juger de la beauté des cou-
vertures de livres du moyen âge : un grand nombre ont
été conservées dans les trésors d'église et les biblio-
thèques. Nous voyons qu'on employait au revêtement des
ais soit les plaques d'orfèvrerie, c.-à-d. des feuilles d'or,
d'argent ou de cuivre décorées de sculptures, de gravures,
de pierres fines, de camées, d'intailles et d'émaux, soit
^ ^31 ^
COUVERTURE
encore des plaques d'ivoire sculpté. Il est assez rare que
les reliures du moyen âge soient d'une seule pièce ; très
souvent elles sont faites de morceaux de diverses époques
rapportés. C'est ainsi que des ivoires antiques ont été
introduits dans des reliures d'orfèvrerie du xii® siècle. La
couverture carolingienne de l'évangéliaire conservé à la
cathédrale de Noyon peut être considérée comme un type
de reliure entièrement composée de morceaux les plus
disparates : l'ivoire, le bois, les plaques de métal, les
monnaies ont été employés à sa confection. Parmi les plus
anciennes couvertures de livres, citons celle d'un évangéliaire
de la cathédrale de Monza ; c'est une oeuvre d'orfèvrerie
Fig. 1 et 2. — Couverture de l'évangéliaire de Charles V (Bibliothèque nationale, Paris).
byzantine. Elle consiste en deux feuilles d'or entourées
d'une bordure formée de petits cercles d'or divisés par des
segments ; ce cloisonnage est rempli par des grenats taillés
en table ; sur le plat supérieur, une croix pattée divise le
champ en quatre cantons, dans chacun desquels est enchâssé
Fig. 3. — Couverture^ de'missel (Gotha).
un camée antique. Une inscription ajoutée au vii^ siècle
indique que cet objet est un présent de la très glorieuse
reine Théodelinde (morte en 625) à la basilique qu'elle
avait fondée, à Monza, près de son palais, en l'honneur de
saint Jean-Baptiste. Les plaques d'émail cloisonné repré-
sentant des personnages de l'Ecriture sainte ou des saints
forment l'élément essentiel de la décoration des couvertures
byzantines. On conserve à la bibliothèque de Sienne un
évangéliaire grec recouvert de deux plaques d'argent ornées
l'une de vingt-trois émaux, l'autre de vingt-cinq.
Citons encore deux reliures du x® siècle à la bibliothèque
de Saint-Marc, à Venise,, recouvrant les manuscrits latins
n^^ CXV et LX : le fond est de cuivre doré ; les émaux
sont encadrés de perles et de pierreries. Les couvertures
de livres fabriquées en Occident ne sont pas moins remar-
quables. Un évangéliaire écrit pour Charles le Chauve, connu
sous le nom d'évangéliaire de saint Emmeran de Ratis-
bonne, aujourd'hui à la bibliothèque de Munich, a une cou-
verture revêtue de lames d'or, ornées de bas-reliefs et
relevées par de nombreux cabochons encadrés dans des
dessins de filigranes. Une autre couverture, dont le fond
est formé de plaques d'or, est celle d'un évangéliaire con-
servé au trésor de la cathédrale de Milan ; le plat supérieur
est orné de dix-neuf émaux, entre lesquels se déroulent
des rinceaux de filigranes, et d'inscriptions rendues en
lettres faites d'un cloisonnage d'or sur fond d'émail ; c'est
une œuvre de la fin du xi® ou du commencement du
XII® siècle. Le plat d'une couverture d'évangéliaire, du
xi"^ siècle, à la bibliothèque de l'université de Wiirzbourg,
consiste en une plaque d'argent découpée représentant le
Christ accosté des quatre évangélistes.
La reliure d'un célèbre manuscrit de la Bibliothèque
nationale, connu sous le nom à'Apocalice, offert par
Charles V à la Sainte-Chapelle, est datée de 1379 (fig. 1
et 2). Le plat supérieur est formé d'une plaque d'argent doré
sur laquelle on a gravé saint Jean l'Evangéliste, assis et
écrivant, accosté de quatre médaillons où sont figurés les
symboles des évangélistes : ces figures se détachent sur un
fond losange, semé de fleurs de lis; les traits du dessin et
le fond des losanges sont niellés. Sur la plaque du plat infé-
rieur est représentée en ronde bosse la crucifixion ; le fond
est semé de pierres enchâssées rémeraudes, rubis et saphirs;
des pierres plus petites ornent aussi la croix ; quatre gros
cabochons aux angles du volume servaient à protéger les
figurines ; il n'en reste plus que deux.
L'usage des couvertures d'orfèvrerie persista jusqu'au
xvi^ siècle. Benvenuto Cellini avait ciselé une reliure en
or massif pour recouvrir un livre d'heures que le pape
COUVERTURE
- ^rs'i —
Paul IIÏ offrit à Charles-Quint. Ce chef-d'œuvre est perdu.
Mais on peut attribuer à ce môme artiste deux autres cou-
vertures de livres, l'une au château de Fridenstein à Gotha,
(fig. 3), l'autre au musée de South-Kensington à Londres.
La première est en or ; sur chaque plat est sculpté un sujet
sous une arcade ; des figures de saints occupent les angles;
le tout est encadré dans des bordures de diamants et de
rubis; trois petits bas-reliefs ornent le dos. La seconde
est également en or ; elle est ornée de feuillages sculptés,
rehaussée d'émaux champlevés, translucides et opaques. Il
Fig. 4 et 5. — Couverture en ivoire du psautier de Charles le Chauve (Bibliothèque nationale, Paris),
y avait autrefois dans la bibliothèque des rois de Naples
une couverture de missel, du xvi® siècle, en argent, ornée
de bas-reliefs et aux armes des cardinaux Alexandre et
Edouard Farnèse ; elle est aujourd'hui perdue.
C'est sous forme de reliures que nous sont parvenues un
certain nombre de plaques d'ivoire sculptées antiques. Les
diptyques et spécialement les diptyques consulaires furent
transformés en couvertures de hvres. Un diptyque consu-
laire de l'année 517 a servi à couvrir un catalogue des
archevêques de Bourges conservé à la Bibliothèque natio-
nale. Le manuscrit de l'office de la fête des Fous écrit au
xm^ siècle et aujourd'hui à la bibliothèque municipale de
Sens, a été recouvert des deux feuilles d'un diptyque du
IV® siècle où sont sculptés le triomphe de Bacchus et celui
de Diane Lucifère. Citons encore un diptyque du même temps
formant les ais d'un manuscrit des Dialogues de Grégoire
le Grand, au trésor de Monza. Un manuscrit des Evan-
giles, écrit au ix^ siècle, conservé à la Bibliothèque
nationale sous le n^ 9384 du fonds latin, a ses plats re-
couverts de plaques d'ivoire du v^ siècle sur lesquelles
sont sculptées des scènes de l'Evangile. On ne se con-
tentait pas au moyen âge d'employer des ivoires antiques ;
on sculpta des plaques d'ivoire tout exprès pour en faire
des couvertures de livres. Citons les ivoires qui protègent
le psautier de Charles le Chauve à la BibHothèque natio-
nale (fig. 4 et 5) ; l'un des plats représente l'âme de David
protégée par le Tout-Puissant, l'autre le dialogue du roi
David avec le prophète Nathan. Les ivoires du sacramen-
taire de Drogon, évêque de Metz, également à la Biblio-
thèque nationale, ont été sculptés au xii^ siècle ; ils re-
présentent les diverses cérémonies religieuses auxquelles
préside un prélat ; cet accord entre le livre et le sujet de la
reliure avait fait croire que celle-ci était contemporaine de
la composition du manuscrit ; mais une note écrite au
xi^ siècle au fol. 429 montre que la reliure primitive était
une reliure d'orfèvrerie ornée de pierres. Les étoffes ont
été aussi en usage pour cacher les ais des reliures, depuis
le moyen âge jusqu'à nos jours. C'a été surtout la mode
aux XV® et xvi® siècles ; on employait de préférence les
draps avec broderies d'or et d'argent, la soie et le velours
(V. Reliure). M. Prou.
IL Technologie. — Couvertures de laine. — Les
couvertures de laine sont employées soit pour couvrir les
lits, soit pour chevaux, voyages et troupes. Les couvertures
de Mts les plus employées sont blanches, mais on en fabrique
aussi de vertes et de rouges. Au commencement du siècle,
les principaux centres de fabrication étaient, en France,
Orléans, Paris, Lyon et Beauvais, qui alimentaient respec-
tivement l'Ouest en couvertures vertes, le Centre et kNord,
la vallée du Rhône et le Midi, et enfin la Normandie, la
Picardie et la Flandre. Cette fabrication actuellement a
presque disparu de Paris, Lyon et Beauvais, tandis qu'elle
s'est développée dans le Midi. Pour les couvertures blanches
on fait usage de laines de Russie, de Saxe ou d'Australie :
la Sologne fournit les matières premières pour les couver-
tures de couleur. La filature se fait comme pour tous les fils
cardés, en gros numéros très peu tordus pour les trames ;
le tissage est presque toujours en croisé; les pièces sont
ensuite dégraissées et foulées, puis lainées par des machines
garnies de chardons et enfin blanchies au soufre. Pour les
couvertures de couleur, la teinture remplace le blanchis-
sage; toutes sont ensuite épaillées à la main avant d'être
livrées à la vente. Les couvertures de voyage et de cheval
sont généralement faites par les fabricants de tapis, la
chaîne souvent en lin ou en coton, en tissu croisé avec
effets de couleurs produits par la trame, soit en rayures,
soit en dessins variés qui nécessitent alors l'emploi de là
mécanique Jacquard pour leur tissage. Les couvertures de
troupes, par les matières employées et les procédés de
fabrication, se rapprochent de la draperie.
. Couvertures de coton. — Elles se fabriquent principale-
ment en France à Cours dans le Rhône et à Lannoy dans
le Nord, au moyen de coton d'Amérique, des Indes et du
Levant. Les procédés de fabrication sont très analogues à;
ceux qui viennent d'être indiqués pour les couvertures de
laine. Outre les couvertures proprement dites, on fabrique
également des courte-pointes, couvre-pieds, couvre-lits en
piqués à simple ou double face, en brillantes, satins,
damassés de couleurs et qui s'exécutent suivant les pro-
cédés ordinaires du tissage.
III. Architecture. — : La couverture est l'ensemble
des matériaux formant la toiture et servant à préserver
l'intérieur d'un édifice des intempéries des saisons ; on
conçoit dès lors toute l'importance que, à toutes les époques,
les constructeurs ont dû attacher à cette partie importante
de la construction. Les matériaux employés dans la cou-
verture sont de diverses natures, et les couvertures peuvent
être végétales, minérales ou métalliijues. Dans tous les
cas, la couverture comprend toute partie légère de cons-
truction, d'attaches ou de supports, servant à relier la
couverture proprement dite au bâtiment, et l'on rattache
aussi à la couverture d'un édifice les chéneaux et gout-
tières ainsi que les tuyaux de descente (V. ces mots) ser-
vant à recevoir les eaux des toits et à les conduire dans
les canalisations spéciales hors du périmètre de la cons-
truction.
Couvertures végétales. — Ce mode de couverture,
surtout employé dans les campagnes et que, par crainte
d'incendie, on proscrit de l'intérieur des villes, consiste
surtout en chaume ou paille de seigle, posée par petites
bottes à cheval les unes sur les autres et fixées sur les
chevrons du comble. Quand tout l'espace à couvrir est ainsi
recouvert, on peigne et on tond le chaume pour éviter toute
inégalité, et on rend ainsi plus facile l'écoulement des
eaux pluviales que, généralement, on laisse tomber sur le
sol en donnant seulement à la couverture une saillie sufB-
sante pour préserver le pied de la construction. Dans les
pays marécageux, on emploie les joncs et les roseaux de la
même façon que le chaume. De tout temps, on a fait des
couvertures en bois, composées de planches espacées ou
juxtaposées et dont les interstices sont recouverts de couvre-
joints (V. ce mot) ou encore formées de petits morceaux
de bois de mince épaisseur taillés en losanges ou en écailles
se chevauchant et offrant un aspect des plus pittoresques.
Enfin, on peut encore faire rentrer dans les couvertures
végétales les couvertures économiques, mais provisoires,
consistant en carton ou papier bitumé posé sur des trin-
glettes de bois ou de métal.
Couvertures minérales. — Ces couvertures sont for-
mées de tuiles^ à^ ardoises ou de feuilles de verre (V. ces
mots). Les tuiles sont ou naturelles ou fabriquées; ainsi
les anciens ont couvert un certain nombre d'édifices pubhcs
et surtout les temples, de tuiles naturelles faites de marbre,
dont l'invention était attribuée à Byzès de Naxos, et ils
couvraient les bâtiments ordinaires de tuiles faites de
terre cuite en forme de petits caniveaux légèrement coniques,
s'emboîtant les unes dans les autres et recouvertes, à leur
jonction, de tuiles de même forme formant couvre-joints. Les
modernes se sont servis de tuiles plates que l'on pose par
rangées, à recouvrement les unes sur les autres, et que l'on
fixe par des crochets ou des clous au lattis ou au voligeage
du comble. De nos jours, un système de tuiles plates, à
emboîtement, inventé par feu Emile Millier et participant
à la fois des tuiles creuses des anciens et de nos tuiles
plates, est employé avec succès. Enfin les couvertures en
tuiles peuvent, grâce aux formes variées que l'on donne à
ces dernières, aux dessins suivant lesquels on exécute leur
233 — COUVERTURE — COUVEUSE
pose et aux émaux vernissés dont on les revêt, offrir un
mode de décoration des plus intéressants pour la partie
supérieure des édifices. — Les ardoises s'emploient, pour
la couverture, dans les mêmes conditions que la tuile, et les
feuilles de verre, assemblées et mastiquées sur des menui-
series de fer, sont d'un usage de plus en plus général pour
la couverture des ateliers, cours, halls, etc., aussi bien
que pour celle des serres, usage auquel elles étaient pri-
mitivement réservées.
Couvertures métalliques. — Ces couvertures appar-
tiennent de fait au règne minéral dont le cuivre, le plomb,
la tôle et le zinc sont des produits et s'emploient de la
même façon, par feuilles de métal de dimensions plus ou
moins grandes, fixées sur un lattis ou un voligeage, se
recouvrant les unes les autres, ou leur jonction étant cou-
verte par des couvre-joints ; mais, dans toutes les couver-
tures faites de métal, il faut laisser aux feuilles, qu'elles
soient de cuivre, de plomb, de tôle ou de zinc, la possibi-
lité de se dilater ou de se contracter sous l'influence de la
température sans éprouver de gondolement ou de fissure.
Il faut encore faire rentrer dans la couverture l'appli-
cation faite, dans les pays de montagnes ou aux bords de
la mer, de revêtements de bois ou de métal sur les faces
des constructions légères exposées au vent et aux pluies
dominant dans la région. Charles Lucas.
IV. Droit commercial. — En langage de bourse, le
mot couverture désigne l'ensemble des sommes ou valeurs
remises aux agents de change par leurs clients pour leur
garantir en tout ou en partie le payement des différences
résultant des opérations à terme. En matière de lettre de
change, le mot couverture est parfois employé comme syno-
nyme de provisio7i, et dans l'usage commercial, comme
synonyme de payement.
COUVEUSE. I. Médecine. — Lorsque l'enfant naît
avant terme ou se trouve dans un état de faiblesse congé-
nitale très marquée, les moindres variations de température
peuvent avoir sur lui les plus graves conséquences. Ce dan-
ger était déjà connu des anciens accoucheurs qui avaient
soin dans ces cas d'envelopper le petit être de coton et de
placer dans son berceau des boules d'eau chaude. On arrivait
bien ainsi à sauver un certain nombre d'enfants qu'on n'eût
pu élever dans les conditions ordinaires, mais ce procédé
était aussi imparfait que difficile à appliquer. Le berceau
incubateur de Denucé fut un premier perfectionnement dans
cette voie. C'était une sorte de baignoire à double fond qui
contenait de l'eau chaude que l'on renouvelait de temps à
autre en se guidant sur un thermomètre. L'enfant plié dans
ses langes et mis dans cette baignoire conservait certaine-
ment mieux sa chaleur que dans un berceau ordinaire.
Est-il besoin cependant de montrer les desiderata qui
existaient encore dans cet appareil, desiderata auxquels
satisfait aujourd'hui pleinement la couveuse de Tarnier?
Nous avons figuré ci-joint le modèle le plus usité de ces
couveuses et l'on voit qu'il rappelle par son ensemble
comme par plusieurs de ses détails la boîte qui sert depuis
longtemps aux éleveurs pour l'incubation artificielle des
œufs. La fig. 4 représente l'appareil complètement fermé;
la fig. 2 est une coupe destinée à bien faire saisir la dis-
position de ses principales parties. On voit que la couveuse
est constituée par une grande caisse deux fois plus longue
que large et divisée en deux compartiments superposés. La
pat'tie inférieure contient des vases prismatiques en grès (M),
qui sont remphs d'eau chaude ; ces vases sont renouvelés
de temps à autre par la porte à coulisse 0. C'est dans cette
partie que pénètre l'air par la petite porte T, qu'on laisse
plus ou moins ouverte. L'étage supérieur P, garni comme un
berceau, supporte "f enfant. Il contient une éponge humide
en E, pour que l'air chauffé par les récipients de l'étage
inférieur ne soit pas à un trop grand degré de sécheresse ;
cet air sort par le tube A. L'appareil est enfin muni d'un
panneau vitré en V, pour permettre de surveiller et de
retirer l'enfant s'il est besoin. Quand on veut se servir de la
couveuse, on a soin de chauffer d'abord son intérieur vers
COUVEUSE
234 -^
les environs de 30 à 32**, en mettant en place le temps
Youlu les quatre premiers vases d'eau bouillante. C'est
alors seulement qu'on installe l'enfant. Il suffît main-
tenant d'entretenir la température, ce qu'on obtient en
Fîg. 1, "— Vue extérieure d'une couveuse.
mettant le cinquième vase après deux heures. A partir de
ce moment on a soin de retirer à peu près toutes les deux
heures un des réservoirs, et on remplace l'eau tiède qu'il
Fig.' 2. — Coupe verticale d'une couveuse.
contient par de l'eau bouillante. — Il existe d'autres modèles
de couveuse qui diffèrent assez peu de celle de Tarnier. Ces
appareils, qui peuvent avoir leur supériorité à l'hôpital,
sont loin de valoir celui que décrivons et qui a surtout
pour lui l'avantage de la simplicité. La couveuse con-
venablement employée rend des services dont peut donner
une idée la statistique suivante extraite du Tî'^aité cVaccoii-
chements de MM. Tarnier et Clian treuil. A la Maternité,
avant l'emploi de la couveuse, la mortalité des enfants d'un
poids inférieur à 2 kilog., était de ^Q ^/o. Depuis, elle est
descendue à moins de 4 ^Iq. Ces chiffres se passent de
commentaires. D'' Alphandéry.
II. Économie rurale. — Généralités (V. Cou-
vée).
Couveuse artificielle. — Les couveuses artificielles
sont des appareils servant à faire éclore des œufs sans l'in-
tervention de la poule couveuse, dans une chambre close
et chauffée au degré voulu. Autrefois on se servait de
fours chauffés convenablement, et ces sortes de couveuses
primitives étaient déjà connues des Egyptiens. La pre-
mière couveuse artificielle véritablement pratique a été
inventée en 4860 par M. Carbonnier. Quelques années
après, elle fut modifiée et perfectionnée par M. Deschamps,
dont la couveuse figura à l'Exposition universelle de
1867, où elle fut très remarquée. A partir de cette époque,
les modèles de couveuses se multiplièrent rapidement et
il en existe aujourd'hui une vingtaine de systèmes dif-
férents, tant en France qu'à l'étranger. Un des systèmes
les plus répandus est celui de MM. RoulHer et Arnoult,
appelé hydro-incubateur. Cette couveuse est formée par
des boîtes en bois, munies de tiroirs dans lesquels sont
placés les œufs. Entre les tiroirs sont des réservoirs
en zinc dans lesquels on introduisait naguère de l'eau
chaude ; celle-ci est aujourd'hui remplacée par des ])ri-
quettes de charbon aggloméré qui, une fois allumées, con-
tinuent à brûler lentement et réguhèrement. La chaleur
venant d'en haut , comme dans la couveuse^ naturelle ,
surplombe toute la surface des tiroirs à œufs et se trouve
répartie d'une façon uniforme ; les œufs se trouvent donc
dans les mêmes conditions que s'ils étaient placés sous
la poule couveuse, mais on peut en faire éclore beaucoup
plus. L'aération est obtenue au moyen de tubes latéraux,
qui servent encore au dégagement de l'acide carbonique
dégagé par les embryons. Quant à l'humidité également si
nécessaire à l'incubation, elle s'obtient naturellement par
la différence même de température qui existe entre les
tiroirs à œufs et Fair ambiant de l'appareil; les tubes
latéraux mettant en contact les deux températures, il en
résulte à l'intérieur du tiroir une vapeur humide, effet
qui se produit du reste sur les vitres d'une chambre chauf-
fée quand il fait froid au dehors, et il n'est nullement
besoin de placer avec les œufs, comme dans certains appa-
reils, du sable ou des éponges mouillées; l'humidité ainsi
produite est absolument suffisante. — Un thermomètre
de forme courbée permet de constater à l'extérieur de
l'instrument la température des tiroirs sans qu'il soit
nécessaire d'ouvrir ceux-ci. Dans ce système, qui peut être
regardé à bon droit comme un des plus perfectionnés,
il n'y a donc plus d'eau à réchauffer. Les briquettes de
charbon en brûlant ne dégagent aucune odeur, et leur
durée est de douze à vingt-quatre heures, suivant la dimen-
sion et le degré de compression des briquettes. Pour
chauffer un appareil de 2o0 œufs, il ne faut que les trois
quarts d'une briquette de 45 cent, pour douze heures,
soit une dépense de moins d un centime par heure. — Il
y a des modèles de couveuses pour 50 œufs et d'autres
pour 200 et 400 œufs. Ces derniers sont en général munis,
à la partie supérieure de la boîte, d'une chambre dite
séchense , où l'on place les jeunes poussins au sortir
des tiroirs, immédiatement après l'éclosion de l'œuf; ils
s'y ressuient et évitent les conséquences fatales d'un
brusque changement de température. Les couveuses mu-
nies d'une chambre sécheuse sont recouvertes d'un châssis
vitré et d'un double couvercle capitonné. La couveuse
artificielle , _ système Voitellier , diffère quelque peu de
celle-ci. Ici il y a un réservoir d'eau chaude en forme
de manchon cylindrique, isolé de la boîte par de la sciure
de bois qui empêche la déperdition de la chaleur; il
communique avec l'extérieur par un tube supérieur qui
permet l'introduction de l'eau chaude et par un robinet
inférieur qui sert à l'écoulement de l'eau refroidie. Au
milieu de la boîte inférieure où sont placés les œufs,
émerge un tube vertical qui sert au renouvellement de l'air
intérieur ; cet ^ air se réchauffe par le passage du tube à
travers la partie inférieure du réservoir d'eau. La marche
d'une couveuse artificielle, quel que soit son système,
consiste : 4» à maintenir une température uniforme de
39 à 40** pendant tout le cours de l'opération ; 2*^ à dépla-
cer et à retourner les œufs matin et soir (on profite géné-
ralement de ce moment pour remplacer l'eau chaude ou
la briquette) ; dans ces conditions, la durée de l'incubation
est de vingt et un jours pour les œufs de poule. ~ On
peut également se servir des couveuses artificielles pour
faire éclore les œufs de perdrix, de faisan, etc. Au Cap
et en Algérie, on en a même construit de spéciales servant
à faire éclore les œufs d'autruche. Pour les œufs de
dinde, d'oie, de cane, la durée de l'incubation avec
les couveuses artificielles est de vingt-huit à trente jours ;
pour les œufs^ de pintade, c'est vingt-cinq jours ; pour
les œufs de pigeon, la durée est de seize jours. Avec les
couveuses artificielles, le nombre des éclosions est au moins
— 235
COUVEUSE -^ COUVRE-FEU
égal à ce qu'on obtient avec des couveuses naturelles. De
plus, les poulets ainsi produits sont parfaitement robustes
et vigoureux (V. Incubation). A. Lârbalétrier.
COUVIGNON. Corn, du dcp. de l'Aube, arr. etcant. de
Bar-sur- Aube ; 567 hab.
COU VILLE. Corn, du dép. de îaMancbe, arr. de Cher-
bourg, cant. d'Octeville ; 494 hab. Stat. du ch. de fer de
l'Ouest, ligne de Caen à Cherbourg. L'église renferme un
ancien et curieux autel provenant de l'abbaye de Blanche-
lande. On a trouvé dans le cimetière d'anciens sarcophages
chrétiens en tuf.
COU VIN. Com. belge de la province de Namur, arr. de
Philippeville, sur la grande route de Charleroi à Rocro^ ;
3,000 hab. Carrières, usines métallurgiques.
BiBL. : De Villermont, Couvin et sa châtellenie; Na-
mur, 1877, in-8.
C0UV0N6ES. Com. du dép. de la Meuse, arr. de Bar-
le-Duc, cant. de Revigny; 269 hab.
COUVRANTE (Masse) (Art mihL) (V. Défilement).
COUVRE-AMORCE (Art milit.) (V. Cartouche).
COUVRE-BASSINET. Sorte de couvercle employé avec
le mousquet à mèche pour empêcher la poudre d'amorce
de sortir du bassinet. Il permettait au soldat de marcher
tout en conservant son arme amorcée.
COUVRE-BOUCHE, COUVRE-CULASSE (ArtilL).
Coiffe en cuir noirci que l'on fixe au moyen d'une courroie
aux deux extrémités d'une bouche à feu. Le couvre-bouche
empêche l'introduction des corps étrangers dans l'âme de
la pièce ; le couvre-culasse sert à protéger le mécanisme
de fermeture.
COUVRE-CH EF. I. Archéologie. — On appelait couvre-
chef au moyen âge un voile fait d'un tissu très léger. De là
ce mot vint à désigner le tissu lui-même. Le Registre des
Métiers d'Etienne Boileau mentionne les « tesseirandes de
queuvrechiers de soie ». La Chronique de Saint-Denis
rapporte qu'après la mort de la reine Jeanne de Bourbon,
en 1378, son visage fut recouvert d'« un cuevre-chef si
délié (fin) que tout plainement on véoit son visage parmy ».
Au XIII® et xïv^ siècle, les femmes se couvraient souvent
la tête d'un simple couvre-chef ; au xv® siècle, elles l'atta-
chaient à l'extrémité de leur coiffure pyramidale ; c'était
ce qu'on appelait le couvre-chef à bannière. Le couvre-
chef était aussi une coiffure de nuit, bande de toile qu'on
enroulait et nouait autour de la tête. On se servit de
couvre-chefs de soie pour envelopper les reliques. Ce nom
fut encore attribué aux couvertures de lit ; mais ces cou-
vertures étaient généralement en velours.
Les couvre-chefs de fil les plus renommés étaient ceux de
Beims ; les dames de l'Angleterre et de l'Italie les recher-
chaient. Un compte royal de 4352 mentionne l'achat de
« 8 aunes et demie detoille de Compiègne... pour faire
6 queuvrechiefs à pingnier pour le roi ». Nous trouvons
encore dans divers textes, en 1404, « 12 cueuvrechiefs de
fin lin de Laon » ; en 1455, « 4 aulnes 3 quartiers de
fine toile de Troyes pour en tailler et faire 6 étroiz
cueuvrechiefs froncez »; en 1459, « 10 aulnes et demie
fine toile de Holande pour faire une douzaine de couvre-
chiefs pour ledit seigneur (le roi) a mettre de nuit » ; en
1534, « un grant couvrechef de toillette de toille de Hol-
lande ». — Le couvrechef à armes, dit aussi de plaisance,
était un long et riche volet ou lambrequin qui, dans le
costume militaire d'apparat, pendait du heaume. M. Prou.
IL Hygiène. — Le couvre-chef est le vêtement pro-
tecteur de la tête. Dans les pays tempérés, cette partie
de l'hygiène individuelle n'est pas de grande importance,
car nous voyons,^ en Espagne, en Italie, en Provence,
en Languedoc, les 'femmes se contenter d'une fleur, d'une
mantille, d'un foulard plutôt comme ornements que comme
agents préservateurs. Leur chevelure abondante les pro-
tège suffisamment contre les intempéries. On ne saurait
donc prescrire, dans nos pays, un mode de coiffure type :
casquette, calot, béret, chapeau de formes diverses,
chacun choisissant son couvre-chef suivant sa profession
et son genre de vie. Nous croyons même que, sauf en été,
beaucoup de personnes pourraient impunément s'en passer,
à la condition d'avoir une chevelure bien fournie. Au
moment des fortes chaleurs, au contraire, et bien que la
plupart des femmes aillent impunément au soleil la tête
nue, l'hygiène conseille de préserver la tête des ardeurs du
rayonnement solaire. Le chapeau de paille ou de feutre
léger, de couleur claire, à bords larges, à forme haute,
ou le casque en moelle d'aloès ou de sureau conviennent
parfaitement, surtout aux hommes dont les cheveux sont
souvent courts et clairsemés. Si, dans les armées en
marche, les coups de chaleur (V. ce mot) sont fréquents,
c'est surtout à l'absence de couvre-chef hygiénique qu'il
faut l'attribuer. Aussi serait-il désirable de voir noire
armée d'Afrique et celle du sud de la France munies du
casque, en été, au même titre que les troupes de la marine
autorisées à le porter à Toulon. Beaucoup d'accès de fièvre,
d'embarras gastriques fébriles sont dus à l'insuffisance
du couvre-chef, protecteur de nos soldats; l'été, le képi
ne se comprend qu'avec le couvre-nuque, et la casquette
du « père Bugeaud » était un képi haut de forme.
Sous le casque des dragons on a constaté, au mois d'août,
à onze heures, en manœuvre, ■ des températures de 49
et 51°, alors qu'il y avait 31° à l'ombre; est-il étonnant
de constater que ces cavaliers s'y brûlent la main ? Vallin
a trouvé 42° et 46° à l'intérieur d'un chapeau de soie,
après une promenade d'une heure au mois de juillet, au
soleil. La chevelure crépue des nègres les dispense du
port d'un couvre-chef; mais l'Arabe, dont la tête est
rasée, la préserve des accidents d'hyperémie cérébrale, si
fréquents sous le soleil d'Algérie, grâce à la grande quan-
tité d'étoffes qu'il enroule autour d'elle comme un rempart
impénétrable, et les Asiatiques ont des chapeaux de paille
aussi larges que des ombrelles, que ne dédaignent pas les
Touaregs nomades. D^ A. Coustân.
BiBL. : Archéologie. — Quicherat, Histoire du cos-*
tiime, p.l88. — ViOLLET-LE-Duc, Dictionnaire du mobilier^
t. III, p. 322. — Gay, Glossaire archéologique, p. 485.
COUVREFACE (Fortif.) (V. Contregarde).
COUVRE- FEU. Le couvre-feu était, au moyen âge, un
coup de cloche qui marquait l'heure de se retirer chez soi
et d'éteindre le feu et la lumière. On ne sait pas au juste
à quelle époque cet usage s'est introduit, mais il semble
fort ancien. Pasquier, dans ses Recherches sur l'histoire
de France^ dit que le couvre-feu fut introduit par les ma-
gistrats des villes pour inviter le peuple à se renfermer
dans les maisons, en temps de troubles ; Polydore Virgile
en attribue l'origine à Guillaume le Conquérant qui, après
la conquête de l'Angleterre, aurait, comme mesure de
pohce, défendu aux Saxons de sortir des maisons ; d'autres
auteurs estiment que le couvre-feu sonné à sept heures du
soir fut établi à l'occasion des troubles causés par les fac-
tions d'Orléans et de Bourgogne; mais l'origine en est
certainement plus ancienne ; on possède quelques docu-
ments permettant de donner sur le couvre-feu des ren-
seignements précis. En 1358, un extrait des statuts du
collège de justice enjoint de fermer la porte à clef et de son-
ner la cloche de façon qu'elle retentisse dans tout Paris,
sitôt la nuit tombée. De nombreuses ordonnances rendues
pendant les xiv° et xv° siècles par le Châtelet de Paris
nous apprennent qu'au son du couvre-feu les femmes
publiques devaient fermer leur porte, éteindre leur lumière
et se retirer chez elles ; c'était aussi le moment oh devaient
être exécutées certaines mesures d'ordre public : par
exemple les habitants devaient allumer des lanternes ou
des chandelles ardentes, après l'heure du couvre-feu, pour
éclairer les rues. Lorsque l'éclairage public commença à
se répandre, ce fut aussi le signal de Fallumage des lan-
ternes. Vers le miheu du xvi° siècle, on sonnait le couvre-
feu à Saint-Germain des Prés à huit heures du soir. Au
xvin® siècle, on avait celui de Notre-Dame sonné à sept
heures et celui de la Sorbonne sonné de neuf heures à
COUVRE-FEU - COUZA
— 236 —
neuf heures et demie. L'usage du couvre-feu a depuis
longtemps disparu, au moins sous sa forme primitive : la
retraite battue et sonnée par la troupe dans les villes qui
avaient une garnison militaire, pouvait, dans une certaine
mesure, y être comparée.
COUVRE-GIBERNE (Art milit. ) . Etui destiné à protéger
la giberne contre les chocs et les intempéries. Cet effet,
que les ordonnances de 4788 et de 1821 avaient rendu
réglementaire, était fait de grosse toile écrue. Il disparut
le jour où, sous Tinfluence des guerres d'Afrique, le cein-
turon, qui avait remplacé les buffleteries en croix de Saint-
André, vers 1840, eut à supporter une giberne plus petite
et veuve de tout ornement métallique. L'usage du couvre-
giberne ne subsista qu'au bataillon des élèves de Saint-
Cyr où la giberne portait une grenade en cuivre. La garde
impériale de Napoléon lïl reprit le couvre-giberne, à cause
de l'aigle qui ornait le milieu de la patelette de sa giberne
et des grenades ou des cors de chasse qu'elle portait à ses
quatre coins. Le couvre-giberne de la garde était en cuir
blanc.
COUVRE-JOINT (Archit.). Terme de construction dé-
signant, comme son nom l'indique, des baguettes de bois
posées à plat et servant à recouvrir les joints des planches,
que ces dernières soient seulement juxtaposées ou assem-
blées à rainure et à languette (V. Menuiserie). ■— On appelle
aussi couvre-joints de petits canaux, de forme trapézoïdale,
faits de zinc ou de cuivre et servant à recouvrir les tas-
seaux sur lesquels s'appliquent les feuilles de métal em-
ployées dans la construction des édifices (V. Couver-
ture). Charles Lucas.
COUVRELLES. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de
Soissons, cant. de Braisne; 271 hab.
COUVRE-LUMIÈRE (Artill.). Petit dôme en métal ou
en bois qu'on plaçait sur la lumière des canons pour la
protéger contre la poussière et l'humidité. Dans les canons
se chargeant par la culasse, du système de Reffye, le
couvre-lumière est un organe de sûreté; porté par le mé-
canisme de fermeture, il empêche d'introduire l'étoupille
dans la lumière tant que la culasse n'est pas complètement
fermée.
COUVRE-NUQUE (Archéol.). Partie du bassinet ou de
la salade qui protégeait la nuque. Dans les salades sans
visière adoptées pour l'infanterie au xv^ siècle, le couvre-
nuque était saillant (V. Bassinet). M. P.
COUVRE-PIED (Ameubl.). Couverture que l'on place sur
le lit pour garantir les pieds du froid. Le couvre-pied est
un diminutif de la courte-pointe ; celle-ci recouvrant le lit
comme pièce décorative, tandis qu'il n'est pas apparent
pendant le jour. De plus, la courte-pointe embrasse le lit
tout entier, pendant que le couvre-pied ne doit pas dépas-
ser la ceinture de la personne couchée. Comme la courte-
pointe, il se compose de deux tissus doublés de laine, de
ouate ou de plume et piqués ensemble. Le couvre-pied est
en usage depuis une époque très reculée et il est souvent
recouvert de riches étoifes et de broderies.
COUVREUR (Construct.). Ouvrier chargé de l'exécu-
tion des couvertures des édifices. Le métier de couvreur
exige un certain apprentissage et présenterait, pour des
ouvriers peu habiles, de grands dangers. Lorsque les cou-
vreurs ont à poser des tuiles ou des ardoises, ils montent
soit sur les lattis ou sur le voligeage, soit sur des
échelles garnies d'un rouleau de natte ou de paille , ratta-
chées à la latte et posées à plat sur la couverture. Ils mar-
chent sur les barreaux de l'échelle et sont ainsi moins
sujets à glisser ou à briser les ardoises ou les tuiles par
le poids de leur corps. La couverture en ardoises des
flèches, des clochers ou des poivrières des châteaux pré-
sente plus de difficulté. Le couvreur, dans ce cas, se sert
d'une grosse corde nouée dont les nœuds sont espacés de
2 à 3 décim.; il attache cette corde par un bout à une
grosse pièce de bois de la charpente, fait passer l'autre
bout en dehors, puis se place lui-même et se soutient sur
les nœuds de cette corde. Pour cela, il attache à chacune
de ses jambes un étrier de cuir composé de deux jambières,
retenues par des jarretières. Ces jambières se réunissent à
un crochet de fer qui s'accroche aux nœuds de la corde ;
puis à celle-ci on suspend une sellette sur laquelle le cou-
vreur s'assied. Transportant alors tantôt au nœud supé-
rieur le crochet des jambières, tantôt au nœud inférieur le
crochet qui supporte la sellette, cet ouvrier s'élève ou
s'abaisse à volonté. L. Knab.
COUVREUR (Auguste), publicis te et homme politique
belge, né à Gand en 1827. Après avoir fait d'excellentes
études en Allemagne, il s'adonna de bonne heure à l'étude
des questions économiques et prit une grande part à l'or-
ganisation du congrès des sciences sociales qui se tint
successivement à Bruxelles, à Amsterdam et à Berne. En
même temps il combattait vigoureusement les théories pro-
tectionnistes dans les colonnes de V Indépendance belge.
En 1868, il fut élu membre de la Chambre des représen-
tants pour l'arr. de Bruxelles. Il prit place à Textrême
gauche et fit preuve d'une compétence toute particulière
dans la discussion des questions d'enseignement et de
finances. Son mandat fut renouvelé en 1870, 1872,
1876 et 1880. Il ne fut pas réélu en 1884. M. Couvreur
a publié les ouvrages suivants : Congrès international
des réformes douanières réuni à Bruxelles en i856
(Bruxelles, 1857, in-8); Annales de T Associât ion inter-
nationale pour le progrès des sciences sociales
(Bruxelles, 1863, 2 vol. in-8) ; Congrès international
d'hygiène^ de sauvetage et d'économie sociale de
Bruxelles (Paris, 1877, 2 vol. in-8). E. H.
COUVRON-ET-AuMENCOuRT. Com. du dép. de l'Aisne,
arr. de Laon, cant. de Crécy-sur-Serre ; 656 hab. Village
de l'ancien Laonnois, dans une vaste plaine, qui appartint
d'abord aux seigneurs de LaFerté-Chevresis, puis à l'abbaye
de Saint-Nicolas-aux-Bois et enfin aux seigneurs du lieu. —
En 1590, un détachement de ligueurs y fut défait par les
royalistes.
COUVROT. Com. du dép. de la Marne, arr, et cant. de
Vitry-le-François ; 318 hab.
COUWENBERG (Abraham- Jean) , paysagiste hollandais ,
né à Delft en 1806^ mort à Arnheim le 6 avr. 1844. Il
fut en son temps fort apprécié dans les diverses exposi-
tions auxquelles il prit part et le musée d'Amsterdam pos-
sède de lui un Hiver ^ avec la vue d'une ville dont les fossés
sont couverts de glace.
COUWENBERG (Henri-Guillaume), graveur hollandais
contemporain, membre de l'Académie des beaux-arts
d'Amsterdam, né à La Haye en 1814. Elève de Huygens et
de Taurel, il a gravé d'excellentes planches dont les plus
importantes sont : la Jeune fille à la fenêtre, d'après
Gérard Dou ; le Portrait du poète hollandais W. de
Clerq; Mignon et son père, d'après Ary Scheffer, etc.
COUX. Com. du dép. de^ l'Ardèche, arr. et cant. de
Privas; 1,151 hab.
COUX. Com. du dép. de la Charente-Inférieure, arr. de
Jonzac, cant. de Montendre; 650 hab.
COUX-ET-Bir,AROQUE. Com. du dép. de la Dordogne,
arr. de Sarlat, cant. de Saint-Cyprien, sur la Dordogne ;
1,602 hab. A Ceux, ruines romaines; église du xii® siècle.
A Bigaroque, ruines d'un château féodal. Fontaine abon-
dante de Sahbourne.
COU Y. Com. du dép. du Cher, arr. de Sancerre, cant.
de Sancergues; 850 hab.
COUYÈRE (La). Com. du dép. d'Ille-et-Vilaine, arr.
de Redon, cant. du Sel; 832 hab.
COUZA (Alexandre -Jean), prince régnant de Rou-
manie (Moldavie et Valachie) de 1859 à 1866 sous le
nom à' Alexandre- Jean I^**, né à Galalz en 1820, mort à
Heidelberg le 5 mai 1873. Il appartenait à une famille
moldave de petite noblesse. Inscrit dans les rangs de l'ar-
mée, il la quitta pour venir compléter ses études à Paris
— 237 —
COUZA
de 4837 à 1840. De retour en Moldavie, il épousa M^^« Ro-
setti, entra dans la magistrature et devint, sous le règne
du prince Grégoire Ghika, préfet de Galatz (1850). En
1857, lors de l'avènement du caïmacan (lieutenant prin-
cier) Vogoridès, Alexandre Couza rentra dans l'armée et
parvint en quelques mois au grade de colonel. Vogoridès
lui confia aussi la préfecture de Galatz ; mais les menées
antinationales et antiunionistes du caïmacan le forcèrent à
donner sa démission motivée. Lorsqu'une commission inté-
rimaire (composée de MM. Pance, Basile Stouraza et
Etienne Catargi) remplaça le gouvernement de Vogoridès
(1858), il fut nommé ministre de la guerre et envoyé
comme député de Galatz à l'assemblée élective, chargée, en
vertu de la convention de Paris du 18 août 1858, de don-
ner à la Moldavie un prince librement élu. Le jour de
l'élection princière (17 janv. 1859), il signa, avec tous les
autres députés de Moldavie, une adresse aux puissances
pour les remercier d'avoir reconnu et garanti les droits des
principautés danubiennes, inscrits dans leurs capitulations
avec la Porte ottomane, et pour exprimer en même temps
le regret que le congrès n'eût pas déféré au vœu des prin-
cipautés d'être réunies en un seul Etat sous le gouverne-
ment d'un prince étranger, issud'une des familles régnantes
de l'Europe. Le jour même à Jassy (17 janv. 1859),
quelques jours plus tard à Bucarest (5févr.), à défaut d'un
prince étranger, le colonel Alexandre Couza était élu à
l'unanimité prince de Moldavie et prince de Valachie. Il
devenait, du fait de cette double élection, qui réalisait
r « union personnelle » des principautés, prélude de l'union
politique, prince régnant de Roumanie. Cette union dépas-
sait les désirs ou les prévisions de la diplomatie euro-
péenne : il fallut la souplesse du prince Couza et les bons
offices de la France pour obtenir la sanction de la Porte
et la ratification des puissances (3 sept. 1859),
Malheureusement le prince Alexandre-Jean P' n'était
pas de taille à porter cette double couronne, au moment
oti l'administration des deux principautés, séparées depuis
plusieurs siècles, réclamait des réformes de toutes sortes.
Il ne tarda pas à montrer son peu de respect pour la cons-
titution à laquelle il avait prêté serment, pour les droits le
l'assemblée élective chargée de voter et de contrôler de
budget, pour les prérogatives des ministres qu'il voulait
à sa dévotion et responsables de leurs actes seulement vis-
à-vis du souverain. Tant à Bucarest qu'à Jass^, les minis-
tères se succédèrent avec une décevante rapidité : tel cabi-
net est obligé de se retirer pour ne pas avoir voulu
souscrire à une loi contre la presse exigée par le prince ;
tel autre, plus complaisant, après avoir commis de nom-
breuses illégalités, se dérobe avant l'ouverture de la ses-
sion parlementaire ; un troisième ne peut gouverner qu'en
prorogeant illégalement la Chambre ; un quatrième est mis
en jugement pour ses exactions. La fusion des deux par-
lements et des deux ministères moldave et valaque, con-
sentie par la Porte à la fin de l'année 1861, n'apporta
aucun remède à cet état de choses. Le ministère de fusion,
dit des boyards (5 févr.-20 juin 1862) finit tragiquement
par l'assassinat de son chef, M. Barbu Catargiu. Le meur-
trier demeura inconnu. Vint ensuite un ministère Cretzu-
lescu, qui suivit. Le prince avait appelé successivement
au pouvoir tous les partis, espérant devenir le maître
de la situation le jour où il aurait usé tous les hommes
politiques de la Roumanie. A force de se jouer tour à
tour du parti conservateur et du parti libéral, il avait
fini par réunir contre lui les deux grandes fractions de
rassemblée. Les amis même du prince reconnaissaient
que l'armée manquait du nécessaire ; que les sommes vo-
tées par la Chambre étaient distraites de leur destination ;
que le crédit de l'Etat n'existait pas ; que la liberté indi-
viduelle n'était pas respectée; que toute l'administration
était livrée à l'arbitraire. Depuis 1860, le budget n'était
plus soumis à l'examen de l'assemblée et aucun compte
ne lui était rendu. Celle-ci, ayant refusé de voter l'impôt
dans ces conditions (mars 1863), fut dissoute ; le budget
fut décrété par simple ordonnance princière et les impôts
furent prélevés par des moyens violents. En déc. 1864, au
ministère Cretzuleseu fit place au ministère Cogalni-
ceanu. Celui-ci se présenta avec un message de concilia-
tion et promit de présenter les projets de loi réclamés par
la Chambre. L'assemblée voulut juger à l'essai ce cabinet
pris en dehors de la majorité parlementaire et se mit réso-
lument au travail. En quatre mois elle élabora et vota des
lois tendant à la sécularisation des biens des couvents dé-
diés^ à la création d'une cour des comptes et d'un conseil
d'Etat, à l'organisation de la justice et à la réforme du
code pénal, à l'amélioration de la défense nationale et de
l'instruction publique, à la concession des chemins de fer
de Moldavie. Elle proclama l'abolitionde la peine de mort,
la liberté absolue de la presse et du droit de réunion, Tin-
violabilité des personnes et des domiciles ; l'incompatibi-
lité des fonctions publiques avec le mandat de député. La
promulgation de cette dernière loi eut fait perdre au prince
des partisans dans l'assemblée : il s'y reîusa. Il ajourna
indéfiniment sa sanction pour d'autres lois créant des mi-
lices et une garde nationale, et consacrant le principe de
l'élection des maires par les communes. Cette attitude
inconstitutionnelle devait aboutir à un véritable coup d'Etat.
L'ajournement de la discussion de la loi agraire en fournit
le prétexte. En effet, l'assemblée qui comptait un grand
nombre de ^oî/ar<is, gros propriétaires fonciers, n'avait pu
se mettre d'accord sur la quantité de terre à céder en pro-
priété aux paysans : la gauche demandait pour chaque
paysan cinq pogones (3 hect.) ; les boyards n'en voulaient
accorder que deux et demi. Le Parlement avait eu l'im-
prudence de surseoir à toute décision sur cette question
capitale qui seule divisait la majorité. Le gouvernement du
prince exploita cet ajournement contre le pouvoir législatif,
attisa les convoitises populaires en faisant répandre par
tous ses fonctionnaires que lui seul avait le souci des
classes déshéritées et en patronnant un projet de loi qui
accordait cinq pogones aux paysans corvéables. Inopiné-
ment le cabinet Cogalniceanu présenta ce projet de loi à la
Chambre pendant que les agents du prince travaillaient
l'assemblée pour la décider à le rejeter. Les députés don-
nèrent dans le piège et à la presque unanimité des voix
refusèrent de discuter la loi présentée tant qu'un ministère
pris dans la majorité n'aurait pas fait place au ministère
Cogalniceanu. Alexandre- Jean F»* répondit à ce vote de
défiance par la dissolution du Parlement; les députés
furent expulsés de la salle des séances par la troupe
(14 mai 1864) ; une nouvelle loi électorale tut promulguée
(16 mai), établissant un suffrage universel à deux degrés
qui faisait de presque tous les paysans des électeurs à sa
dévotion. Le nouveau statut élaboré par le prince Couza
fut soumis à un plébiscite qui le ratifia par 713,000 oui
contre 57,000 non (22-24 mai 1864). Il était créé un
Sénat, corps pondérateur dont les membres nommés par le
prince étaient renouvelables par tiers tous les deux ans ; le
président de l'assemblée élective était également désigné
par le souverain qui seul avait l'initiative des lois prépa-
rées par lui avec le concours du conseil d'Etat. En cas de
refus du budget, celui-ci pouvait être décrété par le prince.
D'ailleurs pendant une période de trois mois tous les décrets
princiers devaient avoir force de loi.
Ce coup d'Etat avait été désapprouvé par les puissances
et aussi par la Porte qui craignait d'entrevoir dans le
gouvernement personnel du prince Couza des velléités
d'indépendance. En juin 1864, Alexandre-Jean P'' entreprit
un voyage à Constantinople, dans le but de calmer ces
appréhensions et d'obtenir la reconnaissance du fait accom-
pli. Non seulement il gagna son procès, mais il obtint que
dorénavant les lois intérieures des principautés pourraient
être modifiées sans l'assentiment préalable du sultan et des
puissances garantes. Cependant, au dedans, son gouver-
nement, basé sur l'arbitraire, devenait chaque jour plus
odieux. Alexandre-Jean P^ continue à confectionner des
lois, à accorder des pensions, la concession de chemins
GOUZA - COVARRUBIAS
238 -
de fer et de fournitures militaires par simples décrets. Les
finances de FEtat sont dans le désarroi le plus complet ; la
dette publique, nulle au début du règne, augmente chaque
jour et l'Etat est obligé de contracter des emprunts oné-
reux. Une camarilla de favoris et de favorites domine au
palais, annihile l'action des ministres et emploie les
deniers publics à satisfaire une soif effrénée de plaisirs.
La mesure était comble et la promulgation de la nou-
velle loi rurale (14 juil. 1864), du code Napoléon (déc.
1865), ne put conjurer la chute du prince Couza. En févr.
1866, la constitution d'un nouveau ministère Gretzulescu et
le douzième du règne, pris en dehors de la majorité des
Chambres, fut le signal de l'explosion. Une révolution à la
fois populaire et militaire éclata dans la nuit du 22 au
23 févr. 1866. Les conspirateurs pénétrèrent dans le palais
du prince à quatre heures du matin et lui arrachèrent son
abdication, qui fut immédiatement communiquée au Sénat
et à la Chambre des députés. En même temps que sa dé-
chéance, était proclamée l'avènement au trône de Rouma-
nie du comte Philippe de Flandre, qui, quelques semaines
plus tard, déclinait cet honneur. Un gouvernement provi-
soire fut nommé dont l'un des premiers soins fut de proté-
ger la personne du prince déchu et de veiller à ce qu'il fût
reconduit sain et sauf jusqu'à la frontière. Depuis sa chute
et jusqu'au moment de sa mort, le prince Couza a résidé
surtout à Vienne et à Paris. Ne manquant pas d'intelHgence,
mais dépourvu de caractère et aflûchant, dans sa vie pu-
blique et privée, un profond mépris pour toute règle, il ne
sut pas assurer l'entrée définitive de la Roumanie dans la
famille des Etats indépendants. André Bâudrillârt.
COUZA (Alexandre C), poète lyrique et épigrammatiste
roumain contemporain, né à Jassy en 1857. Ses œuvres,
publiées dans le Contemporain de Jassy et les Causeries
littéraires^ ont été réunies en un volume (1887). Il appar-
tient pour ses morceaux lyriques, à l'école poétique d'Emi-
nescu. Ses Monologues et ses Èpigrammes sont remar-
quables par leur originalité. N. Jorga.
COUZAN (V. Damas et Sail-sous-Couzân).
COUZE. Ce nom est celui de nombreuses rivières
de la France : 1^ affluent de la Vezère (V. Corrèze) ;
2" affluent de la Dordogne (V. Dordogne) ; 3^ affluent de
la Gartempe (V. Haute- Vienne) ; 4<* la Couze-d'Ardes^
affluent de l'Allier (V. Puy-de-Dôme) ; 5^ la Couze-de-
Besse^ également affluent de l'Allier (V. Ibid,); 6° la
Couze-de-Chaudefour, autre affluent de l'Allier (V. Ibid.) ;
7^ la Couze-de-Compains^ affluent de la Couze-de-Besse
(V.Ibid.),
COUZE-Saint-Front. Corn, du dép. de la Dordogne,
arr. de Bergerac, cant. de Périgueux, au confluent de la
Gouze et de la Dordogne; 842 hab. Papeteries; fabriques de
papiers à cigarettes, de papiers à filtrer, de papiers d'em-
ballage, etc. Eglise des xii® et xiii® siècles ; la façade a
conservé de curieuses sculptures. Habitations creusées dans
le roc dans la vallée de la Gouze.
GOUZEIX. Gom. du dép. de la Haute- Vienne, arr. et
cant. (N.) de Limoges; 1,926 hab.
COUZÈRANITE. Variété de Dipyre^ groupe des Wer-
Hérites (V. ces mots),
GOUZIERS. Gom. du dép. d'Indre-et-Loire, arr. et
cant. de Chinon; 167 hab.
COUZON. Gom. du dép. de l'Allier, arr. de Moulins,
canton de Lurcy-Lévy ; 701 hab.
COUZON. Gom. du dép. de la Haute-Marne, arr. de
Langres, cant. de Prauthoy; 110 hab.
COUZON. Gom. du dép. du Rhône, arr. de Lyon, cant.
de Neuville; 1,125 hab. Importantes carrières de pieiTe.
Vin renommé au moyen âge. Ancienne possession du
chapitre de Lyon, Couzon fut saccagé en 1273 par les
Lyonnais révoltés contre la domination ecclésiastique.
Le maréchal François de Neuville de Villeroy y naquit
le 7 avr. 1744.
BiBL. : Fayard, Notice historique sur le village de Cou-
zon ; Lyon, 1888.
COUZOU. Gom. du dép. du Lot, arr. de Gourdon, cant.
de Gramat ; 443 hab.
C0VAD0N6A. Petite vallée desAsturies, près deCangas
de Onis, célèbre dans l'histoire traditionnelle d'Espagne.
On y montre une caverne, la Ctceva, oti Pelage se retira
avec trois cents guerriers, soutint un siège contre les armées
musulmanes et les repoussa ; il y repose dans un tombeau
de pierre, à côté d'Alphonse le Catholique ; près de là est
une modeste chapelle, oh l'on conserve une très ancienne
image de la Vierge, Notre-Dame de Covadonga, que de
nombreux pèlerins viennent visiter. Sous Charles III, on
avait pensé à élever dans cet endroit pittoresque un
grand monument rappelant la gloire de Pelage et de ses
compagnons. E. Gaï.
GO VA DOS (Métrol.). Mesure de longueur portugaise,
valant 66 centim. ; mesure de longueur usitée dans les
Etats barbaresques, valant 50 centim.
GOVALAM (V. Mglè).
GO VARIANT (V. Substitution et Forme linéaire).
COVARRUBIAS (Alonso de), architecte espagnol, né à
Govarrubias (archevêché de Burgos) vers 1490, mort à
Tolède le 14 mars 1570. Venu jeune à Burgos, Alonso
de Govarrubias étudia l'architecture auprès de Simon de
Cologne et se rendit, en 1511, à Tclède où il épousa Marie
Gutierez, fille de Henrique de Egas, grand maître de l'œuvre
de la cathédrale de cette ville et avec lequel il collabora à
la façade, de style plateresque, de Vhùpitdil de Santa Cruz,
hôpital converti depuis en collège militaire. Govarrubias fit
ensuite exécuter sur ses dessins (lesquels furent préférés
à ceux de Diego de Siloè) la chapelle de los Reyes nuo-
vos de la cathédrale de Tolède et fut nommé^ en 1534,
grand maître de l'œuvre de cette église, fonction qu'il
remplit jusqu'à sa mort. L'archevêque Alonso de Fonseca
chargea peu après Govarrubias de continuer les travaux de
son palais de Alcala de Henares, édifice commencé en style
plateresque par Berruguete et aujourd'hui affecté aux Ar-
chives générales du royaume, et Govarrubias traça encore
pour le même prélat le portail du collège de l'archevêché
(aujourd'hui les grandes écoles), de l'université de Sala-
manque. En 1537, Charles-Quint appela Govarrubias à
diriger, d'abord avec Luis de Vega, les travaux des Alca-
zars de Séville, Madrid et Tolède, puis, seul, ceux de
l'Alcazar de cette dernière ville où on lui doit, vers 1547,
les dessins de la façade principale construite sous sa direc-
tion par son beau-frère Henrique II de Egas. Ch. Lucas.
BiBL. : Cean Bermudez, Noticias de los Arauitectos ;
Madrid, 1820, in-8.
COVARRU BIAS y Horozco (Juan de), savant espagnol de
la fin du XVI® siècle, neveu de Diego Govarrubias y Leyva,
né à Tolède, mort en 1608. Il est désigné le plus souvent,
ainsi que son frère Sébastien, par le nom de famille de
sa mère, Govarrubias, nom qui avait été déjà illustré par
les deux savants Antonio et Diego de Govarrubias. Docteur
en théologie, chanoine de Ségovie, puis archidiacre de
Guellar, il fut ensuite évèque de Girgenti, en Sicile; il y
établit une imprimerie, et ses écrits lui attirèrent l'ini-
mitié de quelques personnages laïques et ecclésiastiques
qui le traduisirent en cour de Rome. Après un procès
qui dura longtemps, il parvint à se disculper et fut nommé
évèque de Guadix en 1605. Il a publié : Tratado de la
verdadera y falsa prophecia, de son oncle Antonio
Govarrubias (Ségovie, 1588, in-4) ; Emblemas mo--
raies, recueil très curieux , en 3 livres , imprimé d'abord
à Ségovie (1589, puis 1591, (in-4), réimprimé avec addi-
tions et traduction en latin (Symbola sacra; Girgenti,
1601, in-8) ; Paradoxas christianas contra las falsas
opiniones del mimdo (Ségovie, 1592, in-8); Con-
suelo de afligidos (Girgenti, 1605, in-8) ; Doctrina de
principes ensenado por el santo Job (Valladolid, 1605,
in-4).
GOVARRUBIAS y Horozco (Sébastien), grammairien
espagnol, frère du précédent ; il fut chapelain de Phi-
— S39 .--
COVARRUBIAS — COVENT
lippe m, chanoine de Giienca et conseiller du saint office.
Il publia en 4614, à Madrid, un Tesoro^ le premier
dictionnaire castillan qui ait quelque valeur. Il y en a
une édition meilleure et plus complète, publiée par Benito
Remigio Noydens (Madrid, 1674, pet. in-foL). E. Cat.
COVARRUBIAS y Leyva (Diego ou Didacus), juriscon-
sulte-espagnol, surnommé le Bartok espagnol^ né à Tolède
le 25 juiL 4542, mort à Madrid le 27 sept. 4577. Il en-
seigna le droit canon à Salamanque, et, en 4538, fut reçu
professeur à Oviédo. Il fut ensuite juge à Burgos et con-
seiller à Grenade. En 4549, Charles-Quint le nomma
archevêque de Saint-Domingue et Philippe ÏII le fit évêque
de Ciudad Rodrigo en 4560. Il fut chargé de réformer
l'université de Salamanque. Il fit partie du concile de
Trente et, avec Hugues Buoncompagno (depuis Gré-
goire XIII), il rédigea les décrets de réformation. Il fut
nommé à î'évêché de Ségovie, en 4565, puis à celui de
Cuenca. En 4572, il fut président du conseil de Castille, et
en 1574, président du conseil d'Etat. On peut citer parmi
ses ouvrages : Epitome de sponsalibus et matrimonio
(Anvers, 4588); Variarum ex jure pontificio, regio
et cœsareo jure resolutionum quatuor libri. Ses
œuvres ont été imprimées à Lyon, 4568, 4606 et 4664 ;
à Anvers, 4638, 2 vol. in-fol.; à Genève, 4762, 5 vol.
in-fol.
COVENÂNT. Ce mot vient du vieux français convenant
et signifie alliance. Il désigne spécialement l'alliance con-
clue entre Dieu et le peuple juif : « I will establish my cove-
nant^ between me and thee, andthy seed after thee în their
générations, to be an os&ûd&ïmgcovenant to be a God to
thee and tothy seed for ever. » (Gen., XVII, 7.) Outre ses
diverses acceptions théologiques, le vocable co venant
désigne spécialement l'alliance conclue, à diverses époques,
par les protestants d'Ecosse, pour défendre leur religion
contre les catholiques et les angHcans, notamment en 4586,
4638 et 4743. Cette aUiance est généralement appelée
Solemn League and Covenant (V. Charles P^' et Cove-
I^ÂNTAIRES). G. Q.
COVENANTAIRES. Dans l'histoire d'Ecosse et d'Angle-
terre, on désigne ainsi le parti rehgieux et politique des
presbytériens, qui, au xtii® siècle, combattit à la fois les
catholiques et les épiscopaux, au nom des déclarations du
Solemn League and Covenant (4643). Rappelons qu'une
première alliance fut signée dans ce but à Edimbourg, en
4638, par les représentants de la noblesse, du clergé et
de la bourgeoisie. Ils se proposaient de maintenir leur culte
tel qu'il avait été institué d'après le document connu sous
le nom de National Covenant^ rédigé en 4579 par Craig
et approuvé en 4584 par Jacques VI. . L'adoption de ce
programme, qui avait la prétention d'extirper le catholi-
cisme, mécontenta vivement le gouvernement anglais, dont
la pohtique, dans les questions ecclésiastiques, était inspi-
rée par Laud. Des deux côtés, on fit des préparatifs de
guerre. Les covenantaires entrèrent en Angleterre (août
4640), et, quelques mois après, un armistice fut signé à
Ripon avec Charles P"^. Le compromis entre les belligérants
fut approuvé par l'assemblée des théologiens presbytériens
réunis à l'abbaye de Westminster (4643). La confession
de foi de l'Eglise d'Ecosse reçut une consécration officielle
et fut à la base du traité d'alliance dénommé Solemn Lea-
gue and Covenant. — A la mort de Charles P^, son fils
Charly II, couronné en Ecosse, signale Covenant en 4654.
Mais u fut vaincu à Worcester, et Cromwell établit le
gouvernement répubficain en Angleterre. Pendant le Pro-
tectorat, les covenantaires furent tout-puissants ; mais, à
la Restauration, ils furent cruellement persécutés tant en
Angleterre qu'en Ecosse (4662). Dans ce dernier pays, les
ministres furent considérés et traités comme rebelles. Sous
Charles II et Jacques II, ils devinrent d'ardents apôtres de
la liberté de conscience. Aussi contribuèrent-ils, dans une
grande mesure, à assurer le triomphe de la révolution
qui, en 4688, renversa définitivement la dynastie des
Stuarts. A l'avènement de Guillaume et de Marie, les
covenantaires perdirent leur importance en tant que parti
politique, mais continuèrent à exister comme secte reli-
gieuse. Les adhérents stricts du Covenant ou confession de
Westminster sont de nos jours plus spécialement désignés
par l'appellation de cameronians^ du nom de Richard
Cameron qui périt en 4680, les armes à la main, à la tête
de quelques partisans dévoués qui voulaient renversai^ le
gouvernement de Charles 11 (V. ce nom). G. Q.
BiBL. : M. M'Cries, Sftefc/îes of scottish church history^
1812. — BuRïON, History of Scotland, 1867,
COVENT Garden (Théâtre). L'un des plus anciens et
des plus fameux théâtres de Londres. Situé dans Bow Street
(quartier de Westminster), il fut élevé, dans les premières
années du xvm® siècle, sur l'emplacement d'un ancien
monastère catholique, ainsi que l'indique son titre, et
devint bientôt célèbre par la façon admirable dont certains
grands artistes y interprétèrent les drames et les tragédies
de Shakespeare. Le premier directeur de Covent Garden
fut un nommé Rich, qui lutta avec succès contre son rival
du théâtre de Drury Lane, et qui, après quelques années,
sut réunir une troupe admirable dans laquelle, à côté de
l'incomparable Garrick, brillaient des artistes tels que Quin,
Woodward, Ryan, mistriss Cibber, mistriss Pritchard et
d'autres moins fameux. Les triomphes de Garrick et de
Quin dans le Roi Lear^ dans Macbeth, dans Othello,
dans Richard III, n'empêchaient pas qu'*on y jouât nombre
de pièces nouvelles, dont les succès, il faut le dire, étaient
moins retentissants. Puis, tandis que Garrick passait à
Drury Lane, on vit à Covent Garden son rival toujours
dangereux, le grand comédien Macklin, qui à son tour y
attira la foule, en compagnie de Barry et de sa femme et
de mistriss Woffington, qui étaient aussi des artistes hors
ligne.
Cela n'empêchait pas qu'on jouait parfois à Covent
Garden l'opéra anglais, et que la musique remplaçait la
poésie. C'est à ce théâtre que le docteur Arnold donna
quelques-uns de ses opéras, entre autres la Fille du
Moulin, Rosamonde, le Portrait, le Château d'Anda-
lousie. Le compositeur Dibdin y fit représenter quelques
ouvrages, et avant eux, même Haendel, l'illustre Haendel,
écrivit, pour Covent Garden, Justin et Bérénice. C'est
d'ailleurs à Covent Garden que, pendant plusieurs années,
Haendel fit exécuter, avec le succès que l'on sait, plusieurs
de ses oratorios, parmi lesquels le Messie, Samson, Se--
mêlé, Joseph, Hercule, etc. Les triomphes du maître
faisaient alors du théâtre de Covent Garden le rendez-vous^
de la haute aristocratie anglaise et de tous les dilettantes,
de Londres, ayant à leur tête le mécène et le brillant pro-
tecteur du célèbre compositeur, le duc de Chandos.
On en était depuis longtemps revenu au drame, à la tra-
gédie et à la comédie, lorsqu'on 4808 le théâtre de Covent
Garden fut entièrement détruit par un incendie. Reconstruit
aussitôt par l'architecte Smirke, qui en fit un brillant
édifice, décoré de superbes sculptures de Flaxman, il rou-
vrit ses portes le 48 sept. 4809, et retrouva son ancienne
vogue. C'est alors qu'on y vit Yates et sa femme, le tra-
gédien Young, Chapman, qui jouait les pères nobles,
Abbott, excellent comédien qui fit représenter aussi quelques
pièces intéressantes, Cooke, Liston, très curieux dans les
rôles de bas comique, Terry, dont le comique au con-
traire était vif et distingué, Egerton, miss Foote, dont le
talent exquis brillait également dans les trois genres, puis
ces tragédiens de génie qui avaient nom John Kemble,
Charles Kemble son fils, Macready et Edmond Kean. Ce
fut une nouvelle époque de splendeur, pendant laquelle
Charles Kemble, auteur en même temps qu'acteur, fit re-
présenter quelques pièces importantes : VHomme errant
ou les Droits de l'hospitalité, Kamschatka ou le Tribut
de V esclave, l'Enfant du hasard, la Tête de bronze, etc.
Cependant le temps approchait où le théâtre de Covent
Garden allait subir une transformation complète. Sous la
direction d'un manager dont le nom est resté fameux, le
célèbre Lumley, il abandonnait le gem^e auquel il était
COVENT -- COVILHAO
240 —
consacré pour se livrer exclusivement à l'exploitation de
Topera italien avec le titre de Royal Italien Opéra. Il était
déjà l'un des plus beaux de Londres; Lumley en fit l'un
des plus luxueux et des plus confortables qui se puissent
imaginer. Décorée avec une somptuosité sans pareille, cette
salle immense, avec ses six rangs de loges, ses vastes
dégagements, la facilité avec laquelle on pouvait accéder à
toute*s les places, offrait un coup d' œil admirable lorsqu'elle
était garnie d'un public en tenue de gala, dont la partie
féminine déployait un luxe de toilettes inouï. Les abords
de la salle répondaient à sa propre splendeur, et ses esca-
liers gigantesques, ses foyers décorés avec une richesse
royale, les couloirs, les corridors, tout était à l'avenant.
Les prix des places d'ailleurs étaient établis de telle sorte
que le théâtre n'était guère accessible qu'à l'aristocratie et
au grand monde : les loges se payaient de 2 livres 2 schel-
lings à 6 livres 6 scheilings; les stalles d'orchestre, 1 livre
1 schelling; les stalles des loges, de 12 scheilings 6 pence
à 45 scheilings; le parterre, 8 scheilings; enfin les stalles
d'amphithéâtre, 5 scheilings, et l'amphithéâtre proprement
dit, 2 scheilings 6 pence. Lumley justifia ces hauts prix
par le rang qu'il sut donner à son Royal Italian Opéra ^
qui devint bientôt le rival et l'égal des plus grandes scènes
européennes de ce genre, le Théâtre-Italien de Paris,
l'Oriente de Madrid, le San Carlos de Lisbonne, le Théâtre-
Italien de Saint-Pétersbourg, la Scala de Milan, le San
Carlo de Naples, la Fenice de Venise, etc. C'était assez
généralement, dans les premières années, les principaux
artistes de notre Théâtre-Italien qui, après avoir fait leur
saison d'hiver à Paris, s'en allaient taire à Londres la
saison d'été. C'est ainsi qu'on entendit à Covent Garden
Rubini, Mario, Tamburini, Lablache, M«^^« Giuiia Grisi,
Persiani, Frezzolini, dans les opéras de Rossini, de Donizetti
et de Bellini. Plus tard, quand certains de nos chanteurs
français se façonnèrent aussi au chant italien, et quand on
commença à renouveler et à varier le répertoire à l'aide
d'opéras français traduits en italien, on vit à Covent Garden,
aux côtés de Fraschini, de Délie Sedie, de Gardoni, de Zuc-
chini etde M"**^^ Alboni, Penco, Adelina Patti, briller Faure,
Nicoîini, M°^«« Viardot, Carvalho, Artot, Christine Nilsson,
chantant le Prophète, les Huguenots, Guillaume Tell,
Robert le Diable, le Pardon de Ploërmel, Faust,
Zampa, la Fille du régiment, Fra Diavolo, le Domino
noir. Mignon, Roméo et Juliette, etc., etc. La grande
vogue de l'opéra italien à Covent Garden dura pendant
près d'un demi-siècle, puis décrut sensiblement par suite
de rivalités et de diverses circonstances, et finit par s'affai-
Mir à ce point que le genre dut disparaître. Depuis quelques
années, le théâtre de Covent Garden, complètement déchu
de son ancienne splendeur, a servi tantôt à des concerts-
promenades, tantôt même aux exercices de troupes équestres.
Aujourd'hui il est délaissé à ce point qu'il est sérieusement
question de le démolir, pour, à l'aide de son emplacement,
agrandir le marché qui lui est voisin. Arthur Pougin.
COVENTRY. Ville d'Angleterre, comté de Warwich, sur
le Sherbourne; 42,111 hab. Elle a conservé sa physionomie
ancienne avec ses ruelles étroites et tortueuses. Chaque
année on y célèbre par une procession la légende de lady
Godiva (V. ce nom). Parmi ses vingt églises on cite l'église
Saint-Michel (de 1133) avec une tour de 95 m., l'église
de la Trinité avec une tour de 76 m., sans parler' des
ruines d'une abbaye bénédictine du xi® siècle et d'un hôtel
de ville du xv®. La population très industrieuse a succes-
sivement développé la fabrication de la toile, des soieries,
des lainages, des vélocipèdes, des machines à coudre,
l'horlogerie.
COVENTRY (Sir William), politicien anglais, né vers
1628, mort en 1686. Secrétaire privé de Jacques, duc
d'York, en 1660, député de Great Yarmouth aux parle-
ments de la Restauration, bon orateur, ami de Pepys
(V. ce nom) et de lord Arlington, il attaqua violemment
l'administration de Clarcndon, bien qu'il ne fût pas lui-
même à l'abri de tout soupçon de vénalité. C'est grâce à
son influence que la guerre fut déclarée aux Hollandais en
1663. Il causa la chute de Clarendon en 1667. En 1668,
ayant appris que le duc de Buckingham avait l'intention
de le taire caricaturer dans une pièce satirique, il lui
envoya des témoins. Cette incartade et les intrigues des
politiciens ses rivaux le firent enfermer à la Tour, puis
exiler en province, près de Witney (Oxfordshire) . A sa mort,
il laissa de grosses sommes aux réfugiés protestants de
France et pour le rachat des captifs d'Alger. Il fut univer-
sellement considéré de son temps comme un habile homme,
a mise and witty gentleman. Il a laissé un livre intéres-
sant, the Caracter ofa Tîimmer, dontla première éd. pa-
rut en 1689, où il recommande entre les whigs et les tories
la création d'un tiers parti. Coventry tenait, comme Pepys,
un Journal dont on n'a pas retrouvé trace. Ch.-V. L.
COVERDALE (Miles), théologien anglais, né en 1485
ou 1487, mort en 1568. Coverdale était moine augustin
à Cambridge quand les doctrines de Luther agitèrent cette
université. Il embrassa avec ardeur les idées nouvelles et
résolut de faire une traduction de la Bible en langue
anglaise, à l'exemple de V^ichffe, au xiv« siècle, et de
Tyndale, son contemporain. C'est à Cambridge que Cover-
dale entreprit cette oeuvre considérable (1527). Mais ayant
quitté l'Angleterre deux ans après, il la poursuivit à An-
vers. Il prit pour base de son travail les parties déjà tra-
duites par Tyndale et fit paraître, en 1535, une Bible
anglaise complète. En 1537, il en parut une deuxième
édition revêtue de l'approbation royale. La traduction de
Coverdale a été depuis remplacée, pour les usages du culte
anglican, par la version sanctionnée en 1 61 1 par Jacques l"""
(King James's Bible). En 1551, sous Edouard VI, Cover-
dale fut nommé évêque d'Exeter ; mais, à l'avènement de la
princesse Marie, il fut jeté en prison. Il se réfugia plus
tard à Genève (1555). Il y collabora à une nouvelle tra-
duction anglaise de la Bible, dite Bible de Genève, long-
temps en faveur auprès des dissidents anglais. Elle parut
en 1560. Le point de départ de cette nouvelle oeuvre fut
la Bible française d'Olivétan, publiée en 1535. Coverdale
revint dans son pays (1558) à l'avènement de la reine
Elisabeth. Il vécut à Londres, dans la retraite, unique-
ment occupé de travaux de traduction et de propagande
religieuse. G. Pearson pubha ses Writings, translations
and remains (Cambridge, 1844-46, 2 vol. in-8). G. Q.
BiBL. : Pearson, Writings and translations of Cover-
dale^ 1844. — Remains of Coverdale, ihià., 1846. — West-
coTT, General View of the history of the enqlish Bible.
1868. — Eadie, the English Bible, 1876.
COVID (MétroL). Mesure de longueur valant, en Chine,
0^3564 ; à Pondichéry, 0^^4573 ; à Bombay, 0«»4602 ; à
Madras, 0M737.
COVILHAO. Ville du Portugal, province de Beira ;
10,986 hab. Eaux thermales; fabriques de toiles; beau
château.
COVILHAO ou COVILHAM (Joâo Pères da), célèbre
voyageur portugais, né dans la bourgade de Covilhâo vers
le milieu du xv« siècle, mort en Abyssinie après 1515.
D'abord au service de D. Alfonse, duc de Séville, il
retourna bientôt en Portugal et guerroya comme homme
d'armes d'Alfonse V. Sous le roi Jean II, il fit un long
séjour en Afrique et y rempMt des missions diplomatiques.
En raison de sa connaissance parfaite de l'arabe, le grand
roi, dont la préoccupation constante était de trouver la
route des Indes, le chargea de cette entreprise périlleuse,
de concert avec Alfonso de Payva. Le but immédiat de
leur mission était de pénétrer dans le royaume mystérieux
et légendaire du Prêtre- Jean, qu'on disait alors le souve-
rain de toutes les Indes. Partis de Santarem le 7 mai 1487,
ils gagnèrent successivement Naples, Rhodes, Alexandrie
et Le Caire. De là, Payra se dirigea vers l'Ethiopie, et l'on
ignore son sort, tandis que Covilhâo s'embarqua à Aden
sur un navire arabe pour les Indes. Il aborda la côte de
Malabar à Cananôr, visita Calicut et Goa, se rendit ensuite
à. Sofala, où il apprit l'existence de Madagascar, et revint
au Caire, d'où il transmit à son souverain, par l'intermé-
— 241 —
COVILHAO — COWLEY
diaire d'un pauvre cordonnier et voyageur juif, Josepe (de
Lamago), envoyé au-devant de lui, les précieux renseigne-
ments qui permirent, dix ans après, à Vasco de Gama, de
mener à bonne fin sa grande expédition. Accompagné d'un
second messager juif, Rabbi Abraham, il visita l'île d'Or-
muz, puis il se rendit tout seul en Abyssinie (1490). Fort
bien accueilli par le négus Iskander, qui mourut peu de
temps après, et richement doté par ses successeurs, il dut
se résigner à ne jamais quitter le royaume. G. P-i.
BiBL. : F. Alvarez, Description de VEthiopie^ trad. du
portug. ; Paris, 1556, in-fol. — J. de Bârros, Asia, t. I. —
F.-L. DE Castanheda, Historia, t. I.
COVILLARD (Joseph) (V. Couillârd).
COVINGTON. Ville des Etats-Unis, Etat du Kentucky,
au confluent del'Ohio et du Licking. Fondée en 1812, a%
en 1834. Population catholique importante. 29,720 hab.
en i 880. Manufactures de tabacs et de cigares, fonderies,
distilleries, etc. Covington est une sorte de faubourg de la
ville de Cincinnati (V. ce mot), — Ville des Etats-Unis,
(Indiana), auN.-O. d'Indianopohs, sur le canal reliant le lac
Erié à l'Ohio. Centre minier (fer) et houiller. Aug. M.
COVINUS (Antiq.) (V. Char).
COVOLO. Défilé des Alpes, en Italie, prov. de Bellune,
le long de la Brenta, sur la route du Tirol (Valsigana) à
la Vénétie; le fort de Covolo fut pris par Maximilien
en 1509; en 1796, Français et Autrichiens s'y combat-
tirent.
CD VO LU M E (Phys.)» On désigne sous ce nom une quantité
que l'on introduit dans la formule de la loi de Mariette afin
de la rendre plus exacte. Si l'on désigne par V le volume,
H la pression, t la température centigrade d'une masse de
gaz, on sait que l'on a, d'après les lois de Mariette et de
VH
Gay-Lussac, -^ t=:K, K étant une constante. Si l'on
1 -f- at
pose 1 4- a^ m aT, T étant la température absolue, on a
VH=AT
A étant une constante, mais cette formule n'est pas exacte
pour des pressions élevées et son inexactitude varie avec la
nature du gaz. On a proposé de remplacer cette formule
par la suivante :
(V-y)(H-4-/i) = AT
V Qih sont des constantes ; la première se nomme covo-
lume et la seconde pression intérieure. Remarquons que
si l'on augmente indéfiniment la pression, le volume ne
peut devenir nul comme l'indique la loi de Mariette, mais
il deviendra égal à v avec cette formule. Le covolume v
serait le volume des molécules des gaz et h la résultante
des actions des molécules les unes sur les autres. On a pu,
à l'aide des expériences d' Andrews, de M. Amagat, etc.,
calculer ces quantités pour un certain nombre de gaz.
C'est ainsi que les expériences de M. Amagat ont donné à
M. Sarrau les valeurs suivantes pour v et h:
Gaz Covolume ^V^
Hydrogène 0,000887 0,0551
Azote 0,001359 0,4464
Oxygène 0,000890 0,5475
Formène. 0,001091 0,9295
Acide carbonique 0,000866 2,092
Ethylène 0,000967 2,688
On voit que les co volumes sontvà peu près les mêmes
pour les divers gaz et qu'il y a même lieu de se demander
si les différences observées ne portent pas sur des erreurs
d'expériences, ce qui est possible, ces quantités n'étant
susceptibles que d'une approximation assez faible. Il n'en
est pas de même de hN^ ; c'est ce coefficient qui semble
caractériser l'état du gaz : il est d'autant plus petit que le
gaz se rapproche davantage d'un gaz parfait. A. Joannis.
BiBL. : HiRN, Théorie mécanique de la chaleur, U^ p. 211.
— Clausius, Ann. de Wiedemann^ IX, p. 337. — Sarrau,
Comptes vendus de V Académie des sciences, XCIV,pp. 639,
718, 845.
COWANIA {Cowania Don) (Bot.). Genre de Rosacées, du
groupe des Fragariées, composé d'arbrisseaux rameux, à
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
feuilles Alternes et stipulées, à fleurs hermaphrodites ou
polygames . Le gynécée est formé de cinq carpelles qui, à
la maturité, deviennent des achaines surmontés- chacun
d'un style persistant, barbu et plumeux. L'espèce type,
C, Stransburiana Don, est connue sous le nom vulgaire
d'Alonsenel. Elle croît abondamment aux Etats-Unis, où on
l'emploie beaucoup comme astringente pour arrêter les
hémorragies. Ed. Lef.
COW BAY. Bourg de l'île du Cap-Breton, sur une baie
du même nom. Mines de houille.
COWDEN (M^« Clarke) (V. Clarke).
COWELL (Edward-Byles), sanscritisant anglais, né à
Ipswich en 1826. Il vint à Calcutta (1856) où il professa
jusqu'en 1864 à Presidency Collège ; professeur de sans-
crit à Cambridge depuis 1867. Parmi ses écrits nous cite-
rons, outre l'édition des Essays de Colebrooke (1873) :
traduction de Vikramorvasi de Kalidasa (Hertford, 1851);
édition et traduction du Prâktra-Prakâça de Vararutschi
(Londres, 1868, 2« éd.) ; du Katha-Upanishad (Calcutta,
1861); édition d'une partie du Yajurveda (avec Roer;
Calcutta, 1858-64), des Maitri-Ûpanishad (Calcutta,
1864), du Kusumânjali (Calcutta, 1864); traduction
des Çandilya-Sutrai (CâknttdL, 1878), du Sarvadar-
çana-Samghra (avec Gough; Londres, 1882), etc.
COW EN (Frédéric-Hymen), pianiste et compositeur an-
glais contemporain, né à Kingston (Jamaïque) le 29 janv.
1852. Il fut amené de bonne heure en Angleterre, où ses
précoces dispositions musicales furent cultivées par sir
J. Benedict et sir John Goss. En 1865-68, il alla compléter
son instruction technique aux conservatoires de Berlin et
de Leipzig. Revenu en Angleterre, il s'y livra avec succès
à la composition, dans les genres les plus variés ; ses
œuvres principales sont : cinq symphonies, une suite d'or-
chestre, quelques morceaux de musique de chambre, les
cantates the Rose maiden (1870), ihe Corsair (festival
de Birmingham, iS16),the Sleeping Beauty (id., 1885);
les oratorios Sancta Ursula (Norwich, 1881) et RuthÇN or-
cester, 1887); une opérette, Garibaldi ; un opéra, Pauline
(Londres, 1876) ; une musique de scène pour la Jeanne
d'Arc de Schiller (1871), etc. En 1888, M. Cowen fut
nommé chef d'orchestre de la Société philharmonique de
Londres ; la même année, il fut chargé de diriger la partie
musicale de l'Exposition de Melbourne.
COWES. Ville d'Angleterre, au N. de l'île de V^ight,
sur les deux rives du Médina ; West Cowes a 6,487 hab.;
East Cowes^ 2,615 hab. ; à 1 kil. est le château royal
d'Osborne ; le port très sûr de West Cowes possède cin-
quante bateaux de pêche, le mouvement y est de trois cents
navires jaugeant 15,000 tonnes. Dans le vieux château
s'est établi le Yacht-Club anglais (V. Yacht). Station bal-
néaire fréquentée.
COWLEY (Abraham), poète anglais, né à Londres en
1618, mort à Chertsey-sur-la-Tamise le 28 juil. 1667. Il
était fils d'un papetier de Londres. Jamais poète ne fut si
précoce. Dès 1633, il publiait un petit recueil de vers
{Poetical Blossoms) dont une partie avait été composée à
l'âge de dix et douze ans. Longtemps membre de l'université
de Cambridge, il y écrivit un grand nombre de vers et de
pièces de théâtre, entre autres une comédie latine, Nau-
fragium Jocular, qui fut jouée au collège de la Trinité
(Trinity's Collège). C'est là qu'il commença son poème
épique intitulé Davideis^ qu'il mterrompit, sans dommage
pour les lecteurs de son temps ni pour sa renommée, à la fin
du quatrième chant. De Cambridge, il passa à Oxford, vers
1644, où il affirma de plus en plus, dans des satires et par
ses relations, ses opinions royahstes. Il s'y lia avec lord
Falkland et Jemyn, plus tard comte de Saint-Albans, et, en
1646, suivit la reine en France. L'année suivante parais-
sait à Londres le recueil de ses vers d'amour, the Mis-
tresSf qui est son meilleur titre poéticjuc. Après avoir été
employé par la reine à différentes missions sur le conti-
nent, il revint en Angleterre (1656) pour servir les mêmes
intérêts, et ne dut d'être laissé libre qu'à la caution du
16
COWLEY ^ COWPER
— 242 —
W Charles Scarborough, Cette même année parut le recueil
le plus volumineux de ses poèmes publié de son vivant; il
contient .des Miscellanées, the Misiress^ ses Odes Pincla-
riques et les quatre chants de la Dauideis. Ni la politique,
ni la poésie ne suffisaient, cependant, à l'activité de son
esprit ; il se mit à l'étude de la médecine, fut créé docteur
en 1657, et, en 1 662, pubha un poème latin sur les vertus
des plantes : Plantarum Libri duo. On le retrouve en
France quelque temps avant la Restauration. Il salua cet
événement dans plusieurs ouvrages, dont le plus remar-
quable est Visioîi concerning his late pretended High-
ness, Cromwell the. Wicked. 11 fut un des fondateurs de
la Société royale. Il commençait à jouir, dans la retraite
qu'il affectionnait, au milieu des champs, de la récompense
de son zèle pour la cause royale, lorsqu'il mourut,
laissant une grande réputation que Dryden s'efforça de
maintenir à sa mémoire, mais qui alla toujours s'affaiblissant.
Il reste, grâce à l'émotion sincère qui anime certaines de ses
poésies, à un bon rang parmi la légion de poetœ minores
dont l'Angleterre a le droit de s'enorgueillir. La première
édition collective de ses oeuvres parut en 1656, in-foL, et
il y en a plusieurs de postérieures. B.-H. Gausseron.
BiBL. : Spratt, Life of Colley. — Johnson, Lives of
the Poets. ~ Miscellanea Aulica^ 1702, pp. 130 et suiv. —
Cowi,EY,^ Works, édités par Grosart, 1880. — Leslie Ste-
PHEN, Dict. of National Biography.
COWLEY (Hannah Parkhouse, M'»^), poète et auteur
dramatique anglais, née à Tiverton (Devonshire), en 1743
morte à Tiverton le 11 mars 1809. Elle descendait par
sa mère du poète Gay. Mariée au capitaine Cowley de
la compagnie des Indes, ce ne fut que quelque temps
après son mariage que l'idée lui vint de faire du théâtre.
Assistant à une représentation, elle dit à son mari :
« J'en ferais bien autant ». Raillée par celui-ci, elle
écrivit en quinze jours the Runaway ^ représenté à
Drury Lane avec un grand succès. Puis vinrent Who's
the dupe farce (1779), the Belle' s Stratagem^ co-
médie (1782), et quantité d'autres, ainsi que des poésies
et quelques nouvelles. Plusieurs de ses pièces vives et
spirituelles, dont la meilleure est V Ecole des vieillards,
sont restées sur la scène ; il faut ajouter qu'elles contien-
nent beaucoup d'emprunts. Quanta sa poésie, elle est pré-
cieuse et puérile. Ses oeuvres complètes ont été publiées
en 3 vol. (Londres, 1813). Hector France.
COWLEY (Henry Wellesley, lord), 1773-1 847 (V.Wel-
iesley).
COWLEY (Henry-Richard-Charles Wellesley, comte),
1804-1884 (V. Wellesley),
COWPENS. Village des Etats-Unis, Etat de la Caroline
du Sud, près de la frontière de la Carohne du Nord, oii
eut lieu, le 17janv. 1781, pendant la guerre de l'Indépen-
dance, un combat acharné entre les Américains comman-
dés par Daniel Morgan et une division anglaise commandée
par le colonel Tarleton. L'assaut livré par celui-ci aux
positions américaines échoua ; une charge des dragons du
colonel Washington, parent du général, rejeta les assail-
lants en désordre. Une attaque à la baïonnette acheva la
victoire. La perte des Anglais fut de 300 tués ou blessés,
celle des Américains de 12 tués et 60 blessés. Aug. M.
COWPER (William), anatomiste anglais, néàAlresford
(Hampshire) en 1666, mort à Londres le 8 mars 1709.
Son principal ouvrage est Myotomia reformata (Londres,
1694, in-8; 1724, in-foL). Il publia sous son nom l'ana-
tomie de Bidloo qu'il avait achetée {the Anatomy of hu-
man bodies ; Oxïorà, 1697), ce qui l'engagea dans une po-
lémique avec l'auteur ; à la suite d'une réplique, il publia,
en 1702, Glandularum description où sont décrites les
glandes qui ont conservé son nom.
COWPER (Comte William), mort en 1723. Avocat de
grande réputation, il leva, en 1688, une compagnie de
volontaires en faveur du prince d'Orange. En 1698, il fut
élu membre du Parlement pour Hertford, et s'affirma tout
de suite comme le meilleur orateur de la Chambre des
connnunes. Lord Keeper of the privy Seal et pair en
1705, l'acte d'union entre l'Angleterre et l'Ecosse qu'il
avait élaboré ayant été conclu, il fut fait grand chancelier
en 1707. C'est lui qui présida en cette quaHté le jugement
du D^ Sacheverell dans Westminster Hall en 1710, lequel
amena cette année-là même la chute du ministère whig. Il
reprit possession du sac de laine après la mort de la reine
Anne, et ne démissionna qu'en 1718, pour raisons de
santé, après avoir pris une part active à la consolidation de
la dynastie hanovrienne. — Le Journal de Cowper,
qui va de 1705 à 1714, a été imprimé en 1823 par le
Roxburghe Club. Lady's Cowper's Diary commence au
moment oii finit le journal de son mari (Londres, 1864,
in-8). Gh.-V. L.
COWPER (William), poète anglais, né à Great Berk-
hamstead (Hertfordshire) le 26 nov. 1731, mort à Olney
le 25 avr. 1800. Fils d'un chapelain de George III, il
perdit sa mère dès le bas âge et fut placé dans une école
oîi sa faiblesse de constitution et une timidité excessive le
rendirent la risée de ses camarades. Entré au collège de
Westminster, il y eut pour condisciples Warren Hastings,
Churchill, Lloyd, Colman, et en sortit à dix-huit ans pour
étudier le droit chez un attorney de Londres où se trouvait
déjà Thurlow, depuis lord chancelier. Après trois ans de
stage, il se fit inscrire au Temple (barreau de Londres),
ou sa timidité l'empêcha de prononcer le moindre plai-
doyer. Maître d'un petit patrimoine à la mort de son père,
il quitta le barreau, étudia Homère, traduisit la Eenriade^
se mêla aux gens de lettres dont la vie était alors fort
dissolue, épuisa ses ressources et ayant échoué à cause de
sa terrible timidité à une sorte d'examen pour le poste
lucratif de clerc des comtés, à la Chambre des lords, en
proie à des hallucinations et obéissant à des voix imagi-
naires, il résolut de se pendre. La corde heureusement se
rompit, mais la secousse à tout jamais lui fêla le cerveau.
En proie à la monomanie religieuse, il se croyait damné, et
sa famille le fit enfermer dans l'hospice de fous du doc-
teur Cotton, mesure peu propre à lui enlever ses terreurs.
Il avait alors trente-deux ans. Sorti après deux années
passées dans cet enfer, la mort d'un frère ramena de nou-
velles crises. Des amis entreprirent alors sa guérison sans
le concours des docteurs, et, grâce aux soins maternels de
la femme du pasteur Unwin à qui on l'avait confié, à une
saine hygiène, des occupations au grand air, les crises
cessèrent, sans que toutefois le cerveau reprît son état
normal. C'est dans ses moments lucides qu'il écrivit ses
poésies, reflet de sa nature sensitive, ardente et malade.
Progress of Error, son premier poème, fut commencé à
l'instigation de mistress Unwin, et le démon poétique
s'emparant de lui, il abattit en quelques mois un poème
entier. Une autre Egérie, lady Austen, exerça, par son
esprit enjoué et peut-être sa beauté, une grande influence
sur cette âme endolorie. Près d'elle il fit des chansons
qu'elle mettait en musique et chantait en s'accompagnant
de la harpe. Pour l'égayer, elle lui raconta un jour
l'histoire de^ John Gilpin ; il l'arrangea immédiatement
en vers_ comiques. Joh7i Gilpin eut un succès universel
ci depuis plus de cent ans réjouit les jeunes générations.
Celte ballade humoristique est peut-être ce qui reste de
plus clair dans l'auréole de la gloire de Cowper. The
Task, tâche en effet, que lui inspira son amie, œuvre
un peu décousue, le plaça d'emblée au rang des poètes
démarque (1785) ; Table Talk^t d'autres poèmes assirent
sa réputation. Mysticisme religieux, préoccupations so-
ciales, riantes descriptions champêtres, sincérité d'ex-
pression, beaucoup de douceur, de naturel, de simpli-
cité, tranchant heureusement avec la pompe épique et le
faux éclat des poètes d'alors, firent de Cowper un poète à
part ouvrant une voie nouvelle. Il fut le chef d'une
réaction contre l'école artificielle et brillante de Pope.
L'excès de travail le fit retomber dans ses premiers accès
qui l'emportèrent. Ses œuvres, auxquelles il faut ajouter
une traduction assez incolore à' Homère, parue en 1791,
furent réunies par les soins de son amillayley (1803-1806)
243 — .
COWPER — COX^
en 4 Yol. in-8, et rééditées par Tayior (Londres, 4833): En
4824, John Johnson publia sa correspondance, véritable
chef-d'œuvre épistolaire. Southey donna une édition complète
de ses œuvres {the Works; with a life of the author;
4833-37, 45 vol., et 4853-54, 8 vol.) Hector France.
BîBL. Boucher, W. Cowper, sa correspondance et ses
£oésies; Paris, 1874. — Goldwin Smitii, Life of W. C;
ondres, 1880.
COWPER (Douglas), peintre anglais, né en 4847, mort
en 4839. Fils d'un marchand de Gibraltar, il montra un
talent précoce pour le dessin. Admis aux écoles de F Aca-
démie royale, le jeune Cowper se fit remarquer par son
application et son talent. On possède de lui quelques créa-
tions magistrales de personnages de Shakespeare comme :
Shylock, Antonio^ Bassanio et Othello^ un tableau de
genre, r Adieu, et des portraits fort distingués. Il passa les
dernières années de sa vie dans le midi de la France, et
alla mourir dans l'île de Guernesey.
COW-POX (Pathol.). On appelle ainsi une éruption qui
se produit sur les trayons des vaches, et qui contient le
vrai vaccin. De nos Jours on vaccine les sujets gu'on veut
préserver de la variole en leur inoculant le vaccin ; autre-
fois on les variolisait ; cette opération consistait à inoculer
du virus varioleux pris sur des sujets de choix, porteurs
d'une variole bénigne. Cela se fait encore chez les Arabes
et dans certaines régions du continent noir. Jenner avait
remarqué (4776) que les vachers et vachères de Glo-
cester, oîi il exerçait les fonctions de variolisateur, avaient
précédemment contracté sur les mains, en trayant leurs
vaches, une éruption de nature pustuleuse ; il observa
aussi que les vaches étaient sujettes à une maladie de
môme nature se manifestant tout particulièrement sur les
pis. Il reconnut alors que c'est par les excoriations, cre-
vasses ou plaies si fréquentes chez les gens de la cam-
pagne que la maladie des vaches {cow-pox), était trans-
mise aux mains des vachers. Il inocula la maladie de la
vache à l'homme et constata qu'elle était transmissible ;
puis il inocula le pus des pustules d'une servante d'au-
berge, qui les avait prises à sa vache par une égratignure
à la main, à un enfant de huit ans, qui vit se développer
des pustules ; la variole lui fut ensuite inoculée sans succès.
— On remarquait également, à la même époque, que
les maréchaux ferrants, comme les vachers, résistaient à la
varioHsation ; Jenner observa alors chez les chevaux une
éruption que les premiers appelaient grease, ayant son
siège sur la peau du talon, contagieuse, et se traduisant
chez ceux qui les soignaient par des pustules et des ulcères
aux mains. Ces maréchaux ferrants soignant en même
temps les vaches, étaient les porte-germes de la maladie
éruptive du pis, préservatrice de la variole. De plus, ceux
d'entre eux qui contractaient le grease étaient réfractaires
à la varioHsation. Jenner conclut de tout ce qu'il avait ob-
servé que le cow-pox procédait du grease^ auquel il
donnait le nom de sore-heeVs (mal des talons).
Loy (4802), Sacco (4807), confirmèrent cette découverte, ^
et plus tard Ritter, Rosenthal, Berndt, Steinbeck donnè-
rent le cow-pox à la vache et le vaccin à l'homme en
puisant le virus générateur chez des chevaux atteints du
mal aux jambes (maî^A;^, des Allemands). En 4860, le
horse-pox^ maladie du cheval génératrice du vaccin, est
retrouvée à Rieumes, près Toulouse ; l'éruption de pustules
existait dans la région du boulet et du paturon, ainsi que
sur les différentes parties du corps (narines, lèvres, fesses,
vulve chez les juments). La matière des pustules inoculée
sur le pis des vaches leur donna le cow-pox (Lafosse) ;
avec les pustules de la vache, il inocula un enfant et un
cheval; avec les pustules de ce cheval, il inocula un second
enfant et obtint constamment une éruption vaccinale carac-
téristique. En résumé, il est bien établi aujourd'hui qu'on
rencontre deux soi^tes de cow-pox sur le pis et les trayons
des vaches, le premier, dit primitif ou spontané, carac-
térisé par une pustulation vésiculeuse ou huileuse, donnant
lieu à des ulcères plus ou moins irréguliers, pouvant se
montrer à la fois sur les' trayons et le pis. Dans les loca-,
lités 011 se trouvent les vaches atteintes de cow-pox pri- )
mitif, on ne rencontre pas de chevaux malades atteints de ,
horse-pox. Le second cow-pox que l'on peut trouver sur
les vaches est le cow-pox secondaire ou cow-pox
transmis, provenant du horse-pox^ Il est beaucoup^ plus
rare que le premier, ne se montre que dans des conditions
spéciales de rapprochement et de soins communs donnés
aux vaches et aux chevaux. C'est une éruption de pus-
tules irrégulières, locaUsées sur le pis, à la base des
trayons et sur les trayons ; ni vésicules ni bulles. Les
pustules offrent toutes à la base une dépression irrégu-
lière, sinueuse, allongée. II y a donc deux sources natu-
relles de vaccin : le horse-pox et le cow-pox primitifs ; ,
l'ombilication est le caractère spécial de tout vaccin trans-
mis (V. Vaccin). D'' A. Coustan.
BiBL. : A. Layet, Traité pratique de la vaccination ani-
male ; Paris, 1889.
COWRY (V. Cauri).
COX. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr. de Tou-
louse, cant. de Cadours;^686 hab.
COX (Richard), théologien anglais, évêque d'Ely, né en
4499, mort en 4584. En 4544, il devint prébendaire de
la cathédrale d'Ely, et fut nommé tuteur du jeune prince
Edouard VI. A l'avènement de ce dernier, il fut comblé*
d'honneurs et siégea dans le conseil privé du roi. Sous le
règne de Marie, il vécut sur le continent, tantôt à Stras- ,
bourg, tantôt à Francfort, et se livra à des controverses très
vives avec les théologiens allemands. A l'avènement de la
reine Elisabeth, il fut nommé évêque d'Ely (4559). Au
milieu des discussions auxquelles il se trouva mêlé, il tra-
duisit pour la Bible, dite dps évêques (4568), les quatre
évangiles, les Actes des apôtres, et l'épître aux Romains.
On lui doit quelques traités théologiques, notamment Reso-
lutions of some questions concerning tlie sacraments,
document pubKé parmi les pièces justificatives de Vîlis-
toire de la Réformation do Burnet. G. Q.
COX (Léonard), érudit anglais, mort à Coventry vers
4599. Elevé à l'université de Cambridge et plus tard
à Oxford, il fut longtemps directeur de la Ùrammar
School de Reading. Il voyagea ensuite sur le continent,
visitant les universités de Paris, de Wittemberg, de Praguo'
et de Cracovie. On le retrouve à la tête de la Grammar'
School de Coventry en 4572. Ami d'Erasme et de Melan-
chthon, Léonard Cox est l'auteur de plusieurs ouvrages
remarquables pour le temps, tels que the Art or Crafte
of Rhetoryke (4524). On a aussi de lui des vers latins et
une traduction anglaise de la Paraphrase de l'Epître
à Titus, d'Erasme (4549).
COX (Sir Richard), né à Bandon (comté de Cork) en
4650, mort en 4733. D'abord avocat en Irlande, zélé pro-^
testant, il crut prudent de s'établir à Bristol lors de l'avè-
nement de Jacques II. Là il employa ses loisirs à rédiger
son Hibernia Anglicana, histoire générale d'Irlande, dont
la première édition parut en 4689-90 (2 vol.). Il fut un
des plus zélés partisans de la révolution protestante du
prince d'Orange, et il assista à la bataille do Boyne.
Sous Guillaume III et la reine Anne, il fut le principal
conseiller de la couronne pour les choses d'Irlande, ayant
été appointé lord chancelier d'Irlande de juil. 4703 à juin
4707. Malgré sa haine, pour les catholiques, Cox paraît
avoir été bon administrateur. Il n'a aucun mérite comme
historien, et ses nombreux écrits de propagande théologique
n'ont pas de réputation.
BiBL. : Autobiography of the Rt. hon, sir R. Cox, lord
chancellor of Ireland ; Cork, 1860, in-8.
COX (William), littérateur américain, né en Angleterre
où il mourut en 4852. La littérature américaine le reven-
dique parce qu'il passa aux Etats-Unis la plus grande par-
tie de sa vie, et y écrivit les essais qui ont sauvé son nom
de l'obscurité. Il vint, dans sa jeunesse, exercer à New-
York le métier d'imprimeur, se lia avec Morris, éditeur du
Mirror, et publia dès lors un grand nombre d'articles sur
COX — COXE
244 —
toutes sortes de sujets dans ce périodique ; la série la plus
connue est groupée sous le nom de Crayon Sketches hy
an Amator en uu volume paru à New- York en d833,
avec une préface de Théodore S. Fay. Verplank, dans une
biographie de Cox, dit : « Après avoir fourni un contin-
gent régulier à la littérature périodique américaine, il s'ac-
quit une réputation littéraire fort enviable par ses Crayon
Sketches j série d'essais pleins d'originalité, de gaieté et
d'esprit, rappelant alternativement au lecteur l'éloquence
poétique de Hazlitt, et l'humour de Charles Lamb . »
COX (David), paysagiste anglais, né à Birmingham le
29 avr. 1783, mort à Harbourne le 7 juin 1859. Fils d'un
maréchal ferrant. Il débuta comme aide-peintre de théâtre,
fut ensuite professeur de dessin à Hereford, et publia en
1814 un remarquable Treatise of landscape-painting
in water-colours. Il devint lui-même paysagiste d'une
grande puissance et d'une rare fécondité ; ses sujets sont
empruntés pour la plupart au pays de Galles. Egalement
habile dans la peinture à l'huile, il fut surtout aquarel-
liste. G. P-i.
COX (Sir George- William), mythologue et historien
anglais, né en 1827. Il prit ses grades à Oxford, reçut les
ordres en 1850 et fut nommé recteur à Scrayingham
(York). Il a beaucoup écrit sur l'histoire et la mythologie,
et la liste de ses ouvrages d'érudition est fort longue.
Les plus , remarquables sont : Collections of Stories
from Ancient Greece (1868) ; the Myihology of the
Aryan Nations (1870, 2 vol.) ; History of Greece
(1874, 2 vol.); Introduction to the Scie7ice of compa-
rative mythology and Folklore (1881); History ofBri-
tish Rule in India (1881) ; Lives of Great Statemen
(1866, 2 vol); History ofEngland (1887), etc., etc. De
plus, il collabora à diverses revues et à des dictionnaires
littéraires et scientifiques et publia en 1888 Life of Bi-
shop Colenso. Hector France.
COXALGIE (PathoL). Le nom de coxalgie (douleur de
la hanche), créé par Wist, en 1809, et tout d'abord donné
à la luxation spontanée de la hanche, est aujourd'hui
exclusivement appliqué à la tumeur blanche de l'articu-
lation coxo-fémorale. — Etio logie. C'est une aïïeGtïon relati-
vement commune et qui est le triste apanage de la jeunesse;
bien qu'elle puisse atteindre les enfants du premier âge
et les adultes, elle présente son maximum de fréquence
de cinq à douze ans, et chez les petits garçons. Sa patho-
génie est des plus obscures : le traumatisme, si souvent
invoqué, peut tout au plus prendre rang parmi les causes
occasionnelles, en réveillant une affection sur laquelle la
misère physiologique et morale semble avoir une in-
fluence bien autrement sérieuse; l'air confiné, une mau-
vaise alimentation et une constitution chétive jouent un
rôle très important. Il faut en dire autant des maladies
générales (fièvres éruptives, rhumatismes, etc.).
Anatomie pathologique. Les altérations anatomiques
sont les mêmes que celles des tumeurs blanches en gé-
néral ; il y a toujours une lésion de la cavité cotyloïde,
correspondant à une lésion de la tête fémorale, sans qu'on
puisse dire laquelle a débuté. Les cartilages s'érodent,
piuis disparaissent, laissant à nu un os plus ou moins pro-
fondément atteint, suivant l'époque de la maladie; la ca-
vité cotyloïde peut être détruite entièrement. Des abcès
de voisinage apparaissent, cruraux externes ou iliaques.
La peau, d'abord saine, devient scléreuse, s'ulcère et pré-
sente des trajets fistuleux. Les muscles s'atrophient, les
nerfs sont souvent atteints de névrite (Poulet), et enfin la
tuberculose peut s'étendre aux viscères.
Symptômes. Tout en reconnaissant que la coxalgie peut
avoir une marche aiguë ou chronique, il y a lieu de dis-
tinguer deux périodes dans son évolution. La première,
appelée période de début, est parfois extrêmement délicate
à saisir : c'est dire que l'affection est insidieuse dès ses
premiers pas. Le jeune malade ressent, au niveau de la
hanche, ou dans la cuisse, ou seulement au genou, une
douleur généralement sourde, toujours intermittente et
aussi variable dans ses heures d'apparition que dans son
siège. Comme conséquence, il survient un certain degré
de claudication, que les parents du malade ne prennent
pas au sérieux le plus souvent, et qui est caractérisé par
un défaut de mobilité de la cuisse sur le bassin. Le ma-
lade évite instinctivement tous les mouvements capables
d'appliquer l'une contre l'autre les surfaces articulaires.
A cette période, il est possible de porter le diagnostic, en
faisant heurter la tête fémorale contre l'acétabulum, par
translation longitudinale imprimée au membre inférieur,
dont l'axe est maintenu rigide. Le toucher rectal peut
encore fournir de précieuses indications sur l'état de
l'arrière-fond de la cavité cotyloïde.
A cette période succède celle des attitudes vicieuses. La
cuisse se fléchit sur le bassin, en même temps qu'elle se
porte en rotation externe et abduction. Si Ton applique
le membre sur un plan horizontal, on constate un allon-
gement apparent dû à la flexion du bassin du côté malade,
un degré marqué d'ensellure lombaire, l'abaissement du
pli fessier, l'aplatissement de la fesse correspondante.
Nous n'essayerons pas d'exposer les nombreuses théories
émises pour expliquer cette attitude. Disons seulement
qu'elle est accompagnée du gonflement des parties molles
et de douleurs vives siégeant en trois points : en avant, en
dehors de l'artère fémorale; en arrière, au niveau du
grand trochanter; et quelquefois en dedans du droit in-
terne. A une période plus avancée, en même temps que la
gêne des mouvements augmente, une attitude inverse du
membre se produit. Du pus se forme dans l'article ou en
dehors et s'écoule, en ulcérant la peau. Les os sont grave-
ment altérés, l'état général devient de plus en plus mau-
vais et le malade finit par succomber à la tuberculose
viscérale ou à une suppuration dont il ne peut faire les
frais.
Diagnostic, Délicat au début, le diagnostic est facile, à
la période des attitudes vicieuses. Le siège de la douleur,
l'intégrité des mouvements pendant l'anesthésie, permet-
tront d'éliminer la sacro-coxalgie et la coxalgie hysté-
rique. L'ostéomyélite sera écartée, par la recherche des
antécédents ; il en sera de même pour l'ostéite épiphysaire
du fémur. La périarthrite coxo-fémorale ne s'accompagne
pas d'un état général inquiétant.
Pronostic. Le pronostic est toujours grave, soit par la
lésion locale qui peut entraîner la perte du membre, soit
par l'état général. Toutefois, à la période de début, la
coxalgie peut guérir, avec un très léger degré d'ankylose.
A la période des attitudes vicieuses, la guérison est rare
et s'obtient dans de moins bonnes conditions ; il y a un
degré de difformité très marqué. Enfin, à une époque plus
tardive encore, il n'est que trop fréquent de voir se mani-
fester des complications viscérales.
Traitement. De ce qui précède il découle clairement
que la coxalgie doit être traitée dès le début. La thérapeu-
tique s'adressera à l'état général, qui sera heureusement
modifié par les toniques et les reconstituants (huile de
foie de morue, phosphate de chaux, etc.), par une hygiène
appropriée (séjour au bord de la mer, ou à Salins, Salies-
de-Béarn, etc.) et par une alimentation soignée. Pour ce
qui est de l'état local, l'immobilisation est la première
indication à remplir. Parmi les nombreux appareils pro-
posés, on donnera la préférence à la gouttière de Bonnet
et à l'appareil de Verncuil. L'extension continue fournira de
bons résultats. S'il y a de la suppuration, on aura recours au
raclage et aux injections d'éther iodoformé. Quoi qu'il ad-
vienne du traitement suivi, on ne devra pas oublier que la
coxalgie exige un très long temps pour guérir, quand elle est
susceptible de cette heureuse terminaison. Cadilhac.
COXCIE (Michel Van) (V. Cogxie).
COXCIE (Raphaël Van) (V. Cocxie).
COXE (Wilham), historien anglais, né à Londres le
7 mars 1747, mort à Londres le 16 juin 1828. Après de
fortes études à l'université de Cambridge, il entra dans les
— 245
COXE — COYET
ordres, fut ordonné diacre en 47Ti et curé de Denham. 11
fut ensuite précepteur du fils du comte de Pembrocke, du
fils de lord Cornwallis, recteur de Bemerton (1788), archi-
diacre du Wiltshire (1804), etc. Parmi ses ouvrages, nous
citerons : Sketches of the naturaU political and civil
state of Stvitzerland (Londres, 1779) ; Account of the
Russian discoveries between Asia and America (1780) ;
Account of prisons and hospitals m Russia., Sweden
and Denmark (1781) ; Travels into Poland^ Russia^
Sweden and Denmark (1784-90, 5 vol.) ; Travels in
Sivitzerland (1789, 3 vol.); Letter of secret tribunals
of Westphalia (1796); History of the House ofAiis-
tria from i2i8 to iW2 (1807, 3 vol.). La plupart de
ces ouvrages ont eu plusieurs éditions et ont été traduits
en français et en allemand. Mais Coxe est surtout connu
pour la publication des importants documents suivants :
Memoirs ofsir Robert Walpole {il9S, 3 vol.); Memoirs
of Horatio lord Walpole (1802 et 1808, 2 vol.) ; Me-
moirs of the Bourbon Kings of Spain from ilOO to
ilSB (1813, 3 vol.); Memoirs of John, duke of Mari-
borough (1817-19, 3 vol.) ; Private and original Cor-
respondence of Charles Talbot, duke of Shrewsbury
(1821); Memoir of the administration of Henry
P^Zton (1829, 2 vol.). ^ R. S.
COXE (Tench) , économiste américain, né en 1756, mort
à Philadelphie le 16 juil. 1824. Il fut successivement com-
missaire à la conférence d'Annapolis en 1786, membre du
congrès continental en 1788, sous-secrétaire du Trésor
en 1790. Ses principaux ouvrages sont : An înquiryinto
the principles of a commercial System for the United
States (1787); View of the United States (ilM) ;
Ihoughts on naval power and the Encouragement of
commerce and manufactures (1 806) ; On the Naviga-
tion Act (1809) ; On the Arts and manufactures of the
United States (1 814) . Aug. M.
COXE (Henry-Octavius), érudit anglais, né à Bucklebury
(Berkshire) le 20 sept. 1811, mort à Oxford le 8 juil. 1 881 .
Bibliothécaire au British Muséum (dép. des manuscrits)
en 1833, il prit ensuite les ordres. Devenu en 1838 sous-
bibliothécaire à la bibl. Bodléienne, il fut nommé, en
1860, bibhothécaire en chef. Il fut chargé, en 1857, d'une
mission en Orient (Le Caire, Jérusalem, Patmos), à la dé-
couverte de manuscrits enfouis dans les couvents. Coxe a
publié : Forms of bidding Prayer (Oxford, 1840, in-8);
Catalogus codicum mss, qui in collegiis aulisque oxo-
niensibus hodie adservantur (Oxford, 1852-54, 2 vol.
in -4) ; Catalogi codd. mss, Bibliothecœ Bodleianœ
(Oxford, 1853-1858, 3 vol. in-4); Report to H, i¥. go-
vernment on the greek manuscrits yet remaining in
the libraries of the Levant (1858, in-8); Letter in
reports on the antiquity ofthe Utrecht Psalter (1874).
Il a édité la Chronique de Roger de Wendover, le Prince
noir de Chandos, etc., etc.
COXIE (Jean-Antoine), peintre d'histoire et portraitiste
de l'école flamande au xviii® siècle. Il s'était probablement
jorméen Hollande, quand en 1705 son talent appela sur lui
l'attention de la cour de Prusse qui l'attira à Berlin, où il
peignit la chapelle du château de Charlottembourg.
COXWELL (Henry Tracey), aéronaute anglais, né à
Wouldham (comté de Kent) le 2 mars 1819. Ancien élève
de l'école militaire de Chatham, il a d'abord exercé à
Londres la profession de dentiste, puis s'est fait aéronaute
vers 1840 et a exécuté plus d'un millier d'ascensions. La
plus mémorable est celle du 5 sept. 1862, faite en com-
pagnie de M. James Glaisher (V. Aérostat, t. I, p. 669).
Arrivés à la plus haute altitude qui ait été atteinte (près
de 9,000 m.), les deux aéronautes, engourdis par le froid,
allaient perdre entièrement connaissance, lorsque M. Cox-
well, réunissant ce qui lui restait de force, parvint à saisir
avec les dents la corde de la soupape qui s'ouvrit. Editeur de
VAerostatic Magazine^ il a en outre publié diverses notes
et fait des conférences sur l'aérostation. L. S.
COYAIMA. Ville de la Colombie, Etat de Tolima, rive
droite du Saldana; 6,000 hab. Elle a pris le nom d'une
tribu indienne.
COYAPOS. Tribu indienne du Brésil, prov. de Goyaz,
débris des Tupis (V. Brésil).
COYAU (Archit.) (V. Chevron, t. X, p. 1172).
COYE [Coye-en-Servais ; Coda). Com. du dép. de
l'Oise, arr. de Senlis, cant. de Creil, sur la Thève ;
1,298 hab. Ce lieu dépendait autrefois du diocèse de Paris;
il constituait une seigneurie qui appartenait, au xvii® siècle,
à la famille Rose et qui dépendit ensuite de Chantilly. Les
étangs de Commelle et le château de la reine Blanche,
appelé autrement la Loge de Viarmes, le plus joli site de la
forêt de Chantilly, dépendent de cette commune ; la vallée
de la Thève y est traversée par le chemin de fer du Nord
qui passe sur un magnifique viaduc de 40 m. d'élévation.
L'ancien château^ a été converti en usine. Fabrique de
dentelles, filature* de coton, cordes d'écorce. C. St-A.
COYECQUES. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. de
Saint-Omer, cant. de Fauquembergue ; 640 hab.
COYER (Charp.). Pièce de charpente qui, dans un
comble, forme le tirant d'une demi-ferme d'arêtier. Le
coyer reçoit d'un bout le pied de l'arêtier et, par l'autre,
s'assemble ordinairement dans une pièce horizontale qui
s'assemble elle-même dans les tirants. L. K.
COYER (Gabriel-François), littérateur français, né à
Baume-les-Dames le 18 nov. 1707, mort à Paris le 18 juil.
1782. Entré dans la compagnie de Jésus, il professa dans
ses collèges les humanités et la philosophie. En 1 741 , il
devint précepteur du prince de Turenne (le duc de
Bouillon), puis il fut aumônier de la cavalerie (1743). Il
fit partie de plusieurs sociétés savantes (académie de
Nancy, académie de Rome, académie de Londres). Il a
publié un grand nombre d'écrits qui ont eu assez de vogue
au xviii^ siècle. Nous citerons : Bagatelles morales
(Londres, 1754, in-12 ; plus, rééd.); l'Année merveil-
leuse ou les Honnêtes Femmes (1748, in-12) ; Chinki,
histoire cochinchinoise (Londres, 1768, in-8) ; la No-
blesse commerçante (Paris, 1756, in-12); Développe-
ment et défense du système de la noblesse commerçante
(Amsterdam, 1757, in-1 2) ; Dissertation sur la différence
des religions grecque et romaine (La Haye, 1755,
in-12); Essai sur la prédication (1766, in-12); His-
toire de Jean Sobieski^roi de Pologne (Varsovie, 1761,
3 vol. in-12) ; Observations sur V Angleterre (Paris,
1779, in-12); Voyage dltalie et de Hollande (?2irk,
1775, 2 vol. in-12); Voyage en Italie (Paris, 1789,
2 vol. in-12). Ces ouvrages et d'autres moins importants
ont été réunis en recueils, d'abord sous le titre àOEuvres
(Varsovie et Paris, 1764, 2 vol. in-12), puis sous celui
^'Œuvres complètes (Paris, 1782-1783, 7 vol. in-12).
L'abbé Coyer a encore traduit le Commentaire sur le
code criminel d'Angleterre de Beackstone et plusieurs
discours' àe Wilkes à la Chambre des communes et relatifs
à la guerre entre l'Angleterre et les colonies.
Bibl. : L'Abbé Coyer^ dans Bibliothèque universelle de
1846, t. III, p. 186.— QvÉRARD^ la France littéraire,
COYET. Famille de diplomates, militaires et marins
suédois, issus du Brabançon Gilles Coyet, qui fit partie de
l'expédition de Charles-Quint à Tunis (1535). — Son fils
Gilles, ayant pris le parti des Gueux, dut se réfugier en
France d'où il passa en Suède (1569). H devint bijoutier du
roi, banquier et maître monnayeur (1 576). — Un troisième
Gilles, fils de ce dernier, fut également monnayeur (1614);
il passa en Russie comme fondeur de canons (1619) ef
mourut à Moscou en 1634. — Il eut deux fils : 1» Fredrik
Coyet qui passa dans les Indes comme négociant, devint
envoyé néerlandais au Japon (1652) et commandant du
fort Zelandia à Formose, mais fut emprisonné pour l'avoir
rendu à un pirate (1659) et relâché seulement en 1670 à
la prière de Charles XI ; 2<* Peter-Julius Coyet, né en
1618, mort le 1^^ mars 1667. Entré à la chancellerie, il
devint envoyé extraordinaire en Angleterre et en Néer-
lande (1654), secrétaire d'Etat (1657), signa les préli-
COYET -- COYPEL
— 246
minaires du traité de Roskilde (1658) et, après que la
Suède eut rompu cette paix, il publia en latin et en suédois
un mémoire justificatif (1658). Il fut un des plénipo-
tentiaires aux négociations de Breda (1666). On le regarde
comme un des plus habiles diplomates suédois de son
temps. — Le petit-fils de celui-ci, Gustaf-Wilhelm Coyet,
né à Stockholm le 25 mars 1678, mort à Copenhague en
1730, se distingua dans plusieurs campagnes, devint gé-
néral de brigade (1719), un des plénipotentiaires au
congrès d'Aland (1719) et premier commissaire pour la
Skanie (1721). Il quitta son poste sans autorisation, pour se
rendre à Copenhague, où il conspira avec Famtmand Poul
Juel dans le but de détacher la Norvège du Danemark et
d'en faire, sous la protection de la Russie, un royaume pour
le duc de Holstein, Charles-Frédéric, neveude Charles XII.
Son complice fut décapité (1723) et il /ut lui-même con-
damné à la réclusion perpétuelle. B-s.
COYOLLES. Com. du dép. de FAisne, arr. de Sois-
sons, cant. de Villers-Cotterets ; 318 hab.
COYPEAU (Charles) (V. Assoucr).
COYPEL. Famille parisienne qui a donné à l'art fran-
çais quatre artistes célèbres.
Noël Coypel, peintre d'histoire et graveur, né à Paris le
25 déc. 1628, mort à Paris le 24 déc. 1707. Fils de Guyon
Coypel (qui signait Couespel), marchand, et non « cadet
d'une famille de Cherbourg». D'abord élève du peintre
Poucet à Orléans, qui ne lui apprit rien, il vint à Paris
étudier dans Patelier de Facadémicien Noël Quillerier. Dès
1646, il fut employé à la cour à des travaux de peinture
décorative. Il se fit rapidement un nom et gagna les faveurs
de Louis XIV, pour lequel il travailla presque exclusivement
pendant plus de vingt ans, au Louvre, aux Tuileries, à
Fontainebleau et à Versailles. Reçu membre de l'Académie
royale le 31 mars 1663 (son tableau de réception : le
'Meurtre d'Abely est au musée du Louvre), et nommé pro-
fesseur le 1®** mars 1664, il succéda en 1672 à Ch.Errard
comme directeur de l'Académie de Rome, et y rendit d'émi-
nents services. Les tableaux qu'il y exécuta pour le roi :
Solon, Trajan, Ptolémée Philadelphe, Alexandre Se-
vère^ sont au musée du Louvre. Il rentra à Paris au bout
de cinq ans, devint adjoint à recteur le 2 juil. 1689, rec-
teur le 1*"' juil. 1690, directeur perpétuel de l'Académie le
13 août 1695 et de nouveau recteur en 1702. A l'âge de
soixante-dix-sept ans, il peignait à fresque deux grands
sujets au-dessus de l'autel du dôme des Invalides : la Tri-
nité et V Assomption de la Vierge, Nombre de toiles de
cet artiste fécond se trouvent dans les musées de province,
de l'étranger et chez des particuliers. C'est assurément le
plus grand peintre de cette famille. Compositeur d'une rare
magnificence, quoique parfois trop théâtral, il frappe par
sa brillante imagination, ainsi que par la correction de son
dessin, et charme par la beauté de son coloris. On l'a sur-
nommé Coypel-le-Poussin, Son portrait a été gravé, d'après
son propre dessin, par J. Audran, et plusieurs burinistes
ont reproduit de ses œuvres. On lui doit un Dialogue sur
le coloris, publié par Caresme, son gendre (Paris, 1741,
in-4), qui fut aussi son biographe. Noël Coypel se maria
deux fois : avec Madeleine Hérault (1659), puis avec Anne-
Françoise Perin (1685) ; l'une et l'autre cultivaient la
peinture avec succès. Les deux artistes qui suivent sont
issus de ces deux mariages.
Antoine Coypel, peintre-graveur, fils du précédent, né
à Paris le 12 avril 1661, mort à Paris le 7 janv. 1722.
Elève de son père, il ne l'égala point, mais il jouit de plus
de célébrité. Emmené en Italie à l'âge de onze ans, il y
étudia les maîtres, surtout les coloristes vénitiens ; malheu-
reusement, il perdit en grande partie le bénéfice de ses
études hâtives sous l'influence prédominante du faux goût
de l'époque consacré par le talent du Bernin. Docile à l'en-
gouement de ses contemporains, il noya ses grandes qua-
lités d'inventeur plein de charme et d'ordonnateur habile
dans une afféterie emphatique, mais il sut plaire, malgré l'in-
correction de son dessin. A vingt ans il fut reçu académicien
pour son tableau représentant Louis XIV couronné par la
Victoire (25 oct. 1681) ; il devint professeur en 1707 et
directeur de l'Académie en 1714; fut nommé premier
peintre du roi en 1716, censeur royal pour les ouvrages
d'art, garde des tableaux et dessins du roi, et reçut des
lettres de noblesse en avr. 1717. Il peignit un grand
nombre de tableaux pour les palais royaux et les églises de
Paris ; douze sujets de V Enéide pour la galerie du Palais-
Royal, compositions qu'on ne connaît plus que par leur re-
production en gravure : un portrait de Molière, etc., etc.
Le Louvre possède de son pinceau : Athalie chassée du
Temple, Suzanne accusée par les vieillards, Esther et
Ahasvérus, Rebecca et Eliezer, Les musées de province
en ont un plus grand nombre. Les meilleurs artistes ont
gravé d'après lui, et il trouva un interprète hors ligne en
Drevet fils. C'est à lui aussi qu'on doit la majeure partie
des dessins gravés pour VHistoire numismatique du
règne de Louis XIV. Le duc d'Orléans, régent, compta
parmi ses élèves. Coypel réunit en volume ses Discours
sur la peinture prononcés dans les conférences de l'Aca-
démie royale (Paris, 1721, in-4). Son portrait a été peint
et gravé nombre de fois ; l'un d'eux est dans la galerie
des peintres à Florence. Son fils lui consacra une biogra-
graphie remarquable.
Noël-Nicolas, peintre-graveur, frère consanguin du
précédent, né à Paris le 18 nov. 1690, mort à Paris le
14 déc. 1734. Ayant perdu son père de bonne heure, il se
forma lui-même. Grâce à des dons naturels et à un amour
sincère pour son art, il devint un peintre excellent, en
raison de la perfection de son dessin et de l'élégance de son
pinceau. Toutefois, comme il ne se souciait point de flatter
le goût du jour, il n'obtenait que des succès d'estime. Ce-
pendant il fut reçu académicien le 29 nov. 1720. Son
Triomphe de Galathée (ou d'Amphitrite), exécuté pour
un concours entre les principaux peintres de l'Académie, le
mit plus en vue (musée de Versailles) ; les peintures du
plafond de la chapelle de la Vierge à l'église Saint-Sauveur
accrurent encore sa réputation. Il eut le titre de peintre du
roi, et devint adjoint à professeur le 27 oct. 1731 et titu-
laire le 31 déc. 1733. Il excella aussi dans le pastel, ce
dont témoignent plusieurs portraits dans ce genre.
Charles- Antoine, peintre-graveur et auteur drama-
tique, fils d'Antoine, né à Paris le 11 juil. 1694, mort à
Paris le 14 juin 1752. Elève et imitateur de son père, il
dut ses succès moins à son talent d'artiste qu'à ses qualités
du cœur et de l'esprit, et plus au choix des sujets de ses
peintures qu'à leur exécution. Homme du monde accompH,
il était très apprécié à la cour pour ses spirituelles pièces
do théâtre, dont une seule fut imprimée : les Folies de Car-
denio (1721). Ce qui lui fit le plus d'honneur comme
peintre, ce sont les vingt-cinq tableaux de l'Histoire de
Don Quichotte (au palais de Compiègne), reproduits aux
Gobelins en tapisserie, puis vulgarisés par la gravure. Il
peignit tant à l'huile qu'au pastel de nombreux portraits ;
celui à'Adrienne Lecouvreur a été merveilleusement
gravé par Drevet fils. Il prêta son crayon plein de grâce et
d'expression à Fillustration de plusieurs ouvrages, et ses
dessins pour les principaux sujets àes Comédies de Molièi^e
ont une valeur à part. Membre de l'Académie royale le
31 août 1715, adjoint à professeur le 26 oct. 1720, titu-
laire le 10 janv. 1730, recteur le 26 mars 1746, premier
peintre du roi en 1747, directeur de l'Académie le 23 juin
1747, il était encore premier peintre du duc d'Orléans,
qui se fit son disciple, et il avait succédé à son père comme
garde des dessins du cabinet du roi (16 janv. 1721). Sous
la direction des beaux-arts de M. de Tournehem, c'est,
Coypel qui fut chargé de tout ce qui regardait la pein-
ture, et s'il s'en acquitta avec intelHgence. Son portrait,
d'après lui-même, a été gravé par Nie, Tardieu et par
Baléchou.
Tous les Coypel gravèrent à Feau-forte, avec plus ou
moins de succès, et seulement en manière de croquis.
G, Pawlowski,
Ul —
COYPEL — COYSEVOX
BiBL. : Mariette, Ahecedario. — Robert-Dumesnil, le
Peintre-Graveur, t, II et XI. — Villot, Catalogue du musée
du Louvre. — Ch. Blanc, Hist. des jpeintres. — Jal, Dic-
tion, d'hist. et de biogr. — Bellier de la Cjiavignerie,
Dict. des artistes de l'Ecole française.
COYRIÈRE. Com. du dép. du Jura, arr. do Saint-
Claude, cant. des Bouchoux ; 197 Iiab.
COYRON. Com. du dép. du Jura, arr. do Saint-Claude,
cant. de Moirans ; 444 hab.
GOYSEVOX (Antoine), sculpteur français, né à Lyon
le 29 sept. 4640, mort à Paris le 40 oct. 4720. Son père,
Espagnol d'origine, exerçait à Lyon l'état de menuisier. A
l'âge de dix-sept ans, Antoine Coysevox quitta sa ville
natale et vint à Paris recevoir les leçons du sculpteur
Lerambert ; avant son départ, il avait pu voir sa sœur Clau-
dine épouser le sculpteur sur bois François Coustou, qui
était aussi le fils d'un menuisier. Aucune trace ne subsiste
des travaux que Coysevox exécuta pendant les dix années
qu'il passa auprès de Lerambert; en 4666, il épousa la
nièce de son maître, Marguerite Quillerier, dont il fut veuf
moins d'un an après son mariage. Nommé sculpteur du roi,
il commença, en 4667, à travailler au palais du Louvre
sous les ordres de Charles Le Brun, puis il fut chargé de
décorer le palais de Saverne que se faisait construire le
cardinal Egon de Furstenberg, évêque de Strasbourg. Ces
travaux de décoration furent exécutés de 4667 à 4674 ;
pour la salle d'honneur, il sculpta plusieurs termes et autres
figures en ronde bosse et les bas-reliefs en stuc du plafond
représentent Apollon et les Muses ; il orna aussi l'escalier
principal du palais de quatre trophées en bas-relief; vingt-
quatre termes et huit figures de proportions colossales en
pierre de grès qu'on voyait dans le parc de Saverne étaient
encore de Coysevox. Un violent incendie devait malheureu-
sement détruire, en 4780, cet important édifice, et la Révo-
lution devait, quelques années après, disperser les œuvres
d'art réunies dans ce domaine princier. Coysevox revint à
Paris, en 4674, et fut reçu membre de l'Académie royale
de peinture et sculpture, le 44 avr. 4676. Ayant manifesté
le désir de s'établir à Lyon, il fut nommé, le 43 févr. 4677,
professeur à l'académie de Lyon fondée par le peintre
Blanchet. Peu après, il revint à Paris et fut chargé, pour
Versailles, de travaux considérables; Charles Le Brun lui
fit obtenir un logement et un atelier aux Gobelins. C'est
de 4678 à 4686 que le grand sculpteur se distingua dans
la décoration du palais de Versadles, en exécutant ou
faisant exécuter, sous sa direction, des trophées, des
masques et des guirlandes en bronze doré pour l'escalier
des ambassadeurs ; ornant la corniche de la grande galerie
avec vingt-trois figures d'enfants et des trophées en stuc ;
sculptant pour le salon de la Guerre un bas-relief, de
forme ovale, représentant Louis XIV à cheval. A l'exté-
rieur du palais, Coysevox multiplia les preuves de son
talent ; il sculpta une figure d'Apollon, le groupe en pierre
de l'Abondance., les statues de la Force et de la Justice^
et quantité de sculptures d'ornement pou» les quatre pavil-
lons de l'avant-cour. Pour les jardins, il smlptât la Fon-
taine de la Gloire, œuvre en marbre dont le dessin était
de Le Brun ; un groupe fondu au plomb, représentant la
France triomphante écrasant l'Espagne et l'Empire ;
les groupes en bronze de la Garonne et de la Dordogne ;
un vase en marbre pour la terrasse ; plusieurs statues en
marbre imitées de l'antique, la Vénus de Médicis, la
Nymphe à la Coquille, la Vénus pudique. Le groupe de
Castor et Pollux est de plusieurs années postérieur aux
œuvres précédentes, le sculpteur l'a signé et daté en 4742.
. De 4686 à 4689, il fit, pour la ville de Rennes, la statue
équestre de Louis XIV et deux bas-reliefs pour le piédestal
de ce monument. La statue a été détruite pendant la
Révolution.
Entre 4686 et 4689, Coysevox prêta aussi son concours
à la décoration du château de Trianon. Les échevins de la
ville de Paris s'adressèrent à lui pour qu'il fit une statue
pédestre de Louis XIV, destinée à décorer la cour de
l'Hôtel de Ville. Cette statue en bronze, dont le piédestal
était orné de deux bas-reliefs, fut érigée le 44 juil. 4689 ;
elle occupe aujourd'hui le centre de la cour d'honneur à
l'hôtel Carnavalet. Le 29 avr. 4690, à la mort de Le
Hongre , il reçut de l'Académie le titre d'adjoint à recteur;
depuis le 29 oct. 4678, il était investi de la charge de pro-
fesseur, et exerçait l'enseignement, chaque année, pendant
tout le mois de septembre, depuis l'année 4684. De 4694 à
4 704, il fit, pour l'éghse de l'hôtel des Invalides, les statues
en pierre de la Justice, la lempéraîice, la Prudence,
la Force, placées sur le fronton ; les statues en pierre de
saint Athanase et saint Grégoire de Nazianm, placées
à la hauteur de l'attique ; la statue en marbre de Charle-
magne décorant la façade de l'église ; l'Ange au casque
et diverses sculptures d'ornement sous le dôme. En 4704
et 4702, il fit pour le château de Marly les deux célèbres
groupes en marbre de la Renommée et de Mercure ,
figures équestres placées à l'entrée des Tuileries le 7 janv.
4749, et qui s'y trouvent encore. Dans les jardins de Marly
se trouvaient aussi les groupes en marbre de Neptune, du
Triomphe d'Amphitrite, de la Seine, de la Marne, exé-
cutés par Coysevox de 4703 à 4707, 1^ groupes en marbre
de Flore, de VHamadryade et du Berger et Petit Satyre
exécutés de 4708 à 1712. Le Neptune, le Triomphe d'Am-
phitrite et la Seine ont été donnés en 4804 à la ville de
Brest; la Flore et VHamadryade ont été placés dans le
jardin des Tuileries, le groupe du Berger et Petit Satyre
est au Louvre. En 4740, il sculpta la gracieuse statue de
Marie-Adélaïde de Savoie , avec les attributs de Diane ; ce
marbre, placé d'abord au château de Petit-Bourg, est aujour-
d'hui au Louvre. En 4713, Coysevox, âgé de soixante-treize
ans, commença la statue agenouillée de Louis XIV, pour le
Vœu de Louis XI II; celte statue fut placée à Notre-Dame
de Paris en 4745; elle fut recueillie au musée des monu-
ments français pendant là Révolution, puis figura dans les
salles du Louvre ; aujourd'hui elle a repris sa place primi-
tive dans le chœur de Notre-Dame. Il faut encore citer de
cet éminent et fécond sculpteur le monument funéraire de
Mazarin exécuté pour la chapelle du collège des Quatre-
Nations et placé actuellement au Louvre ; le monument de
Colbert en collaboration avec Tuby, dans l'église Saint-
Eustache à Paris ; le monument de Vaubrun, dans la cha-
pelle du château de Serrant (Maine-et-Loire) ; le monument
de Charles Le Brun dans l'église de Saint-Nicolas du Char-
donnet à Paris ; les monuments de la chancehère d'Aligre,
de François d'Aligre, du marquis de Créqui , de Henri de
Lorraine, comte d'Harcourt, de Ferdinand de Furstenberg.
On doit à Coysevox beaucoup de bustes, la plupart en
marbre, représentant : Louis XIV, Marie-Thérèse, le grand
dauphin, Marie- Adélaïde de Savoie, Louis XV, Richelieu,
Mazarin, Colbert, Louvois, le grand Condé, Turenne, Vau-
ban, Villars, M. de Cossé-Briss'ac, les chanceliers Boucherat
et Michel Le Tellier, le président Achille de Harlay, le duc
de Chaulnes, de Sainte-Maure, gouverneur du dauphin, le
chevalier de La Vallière, les cardinaux de Noailles, de Bouil-
lon, Melchior de Polipac; l'archevêque de Reims Ch.
Maurice Le Tellier, Bossuet; les écrivains Jean Racine,
Robert Arnauld d'Andilly, Mathieu Prier; lés architectes
Robert de Cotte, Jules Hardouin Mansart, Le Nôtre; les
peintres Charles Le Brun, Pierre Mignard, Antoine Coypel,
Marie Serre, mère de Hyacinthe Rigaud; les graveurs
Gérard Audran, Gérard Edelinck, le musicien Lully, le
médecin Fermel'huis qui fut l'ami et le biographe de Coyse-
vox. H exposa aux Salons de 4699 et 4704. Dans le cata-
logue que M. Henry Jouin a dressé de ses œuvres, nous
trouvons deux cent quatre-vingt-dix-neuf numéros. De la
notice que lui a consacré le sculpteur Jean Du Seigneur dans
la Revue universelle des Arts, nous extrayons l'appré-
ciation suivante : « Les statues de Coysevox sont si heu-
reusement mouvementées, leurs principaux plans sont tou-
jours déterminés si franchement, leurs masses d'ombres
toujours si bien combinées, que les silhouettes de ces sta-
tues expriment clairement, même de fort loin, sur le ciel
ou sur un fond d'arbres, l'action que l'artiste a voulu repré-
COYSEVOX — COZZANO
248 -
senter. La disposition des draperies, dans ses ouvrages, ne
fait qu'accentuer et les plans et les lignes, sans jamais
paralyser le mouvement ni déguiser l'action. Ses bustes en
marbre sont fièrement posés ou gracieusement ajustés ; tous
sont beaux, quelques-uns admirables; ce qui justifie cet
ingénieux rapprochement que nous trouvons dans VEloge
funèbre de Coysevox : « On peut dire qu'il a été le Van
Dyck de la sculpture. » On a de nombreux portraits de cet
artiste, d'abord les bustes en marbre qu'il a faits de lui-
même et les portraits peints par Vivien, Jouvenet, H. Ri-
gaud, Gilles Allou. Jean-Louis Lemoyne fit aussi un buste
de Coysevox, en marbre. Maurice Du Seigneur.
BiBL. : Fermel'hois, Eloge funèbre de M. Coysevox^
sculpteur duroy, prononcé à TA cadémie; Paris, 1721, gr.
in-8. — DÉzALLiER d'Argenville, Vie des fameux sculp-
teurs ; Paris, 1787, in-8. — Jean Du Seigneur, Coysevox
et ses ouvrages, notice dans la Rev. univ. des Arts^
t. I«'-, pp. 31 à 49. — Henry Jouin, Antoine Coysevox, sa vie,
son œuvre et ses contemporains; Paris, 1883, in-8.
COYSSARD (Michel), lexicographe français, né à Besse
(Auvergne) en 1547, mort à Lyon le 40 juin 1623. Il fut
professeur de belles-lettres dans plusieurs collèges de pro-
vince (Besançon, ^^enne, Lyon, etc.). Il a laissé un ou-
vrage curieux qui a joui en son temps d'une grande vogue :
Petit Sommaire de la doctrine chrétienne^ mis en vers
français (Lyon, 1591, in-8), souvent réédité, notamment
à Rouen (1608, in-12) sous le titre : Hymnes et Odes
spirituelles^ et même mis en musique par Jean Usucci.
Citons encore de lui : Thésaurus P. Virgilii (Lyon, 1590,
in-lS) ; Dictionnaire français-latin (Lyon, 1609, in-4).
COYVILLER. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr.
de Nancy, cant. de Saint-Nicolas-du-Port ; 151 hab.
CCI (Claude Le), évêque et homme politique français.,
né à Rodou-Glass (Finistère) le 22 déc. 1740, mort à Vil-
levieux (Jura) le 3 mai 1815. Après avoir fait ses études
au collège des jésuites de Quimper où il se lia d'amitié
avec La Tour d'Auvergne, il entra dans l'ordre et enseigna
dans le collège même où il avait été élevé. Il en devint
régent et directeur. Acceptant les principes de la Révo-
lution, il fut nommé, en 1790, procureur-syndic du district
de Quimper. Bientôt il souleva une polémique extrêmement
vive en se déclarant partisan de la constitution civile du
clergé et en publiant à l'appui de son opinion des Obser-
vations sur le décret de V Assemblée nationale pour la
constitution civile du clergé et la fixation de son trai-
tement (Quimper, 1790, in-4), et trois Mémoires en ré-
ponse aux écrits de ses adversaires. Sacré le 10 avr. 1791
évêque métropolitain du Nord-Ouest, il fut installé à Rennes
le 16 du même mois. Le 3 sept. 1791, il était élu député
d'IUe-et- Vilaine à T Assemblée législative. Il y joua un rôle
assez actif, parla en faveur du célibat des prêtres, réclama
la suppression des associations de religieux séculiers, sauf
des congrég*itions s'occupant d'enseignement. Revenu dans
son diocèse après le 10 août, il s'attaqua résolument à
Carrier qui le fit emprisonner au Mont-Saint-Michel. Délivré
par le 9 thermidor, il continua à soutenir la cause de la
constitution civile du clergé avec une ardeur qui le fit
choisir pour président du concile national de Paris
(15 aoùt-12 nov. 1797). Deux ans après (sept. 1799), il
tenait le synode de Rennes dont il publia les actes:
Statuts et règlements (1799, in-8). Puis il présida le
concile de Paris (29 juin-17 août 1801). Après la conclu-
sion du concordat. Le Coz se démit de sonévêché de Rennes,
mais il fut presque aussitôt nommé archevêque de Besançon
(1802). Il demeura fidèle à Napoléon et vint lui présenter
ses hommages à son retour de l'île d'Elbe. La Restauration,
à vrai dire, l'avait considéré avec défiance et même le
comte d'Artois à son voyage à Besançon (oct. d814) lui
avait fait défendre de se présenter devant lui. Le Coz a
laissé un certain nombre d'écrits parmi lesquels nous cite-
rons : Avertissement pastoral sur l'état actuel de la
religion catholique (Fougères, 1799, in-8) ; Lettre aux
prêtres et aux fidèles catholiques d'Ille-et-Vi laine
(an VU, in-8) ; Préservatif contre Vimpiété (1 793, in-8);
Réflexion sur les lettres du citoyen Rallier (il96, in-8);
Défense de la révélation chrétienne (1802, in-8) ;
Observation sur une letti^e de Fourier relative aux
zodiaques d'Egypte (1802, in-8) ; V Amour de la patrie
(1813) ; Quelques Détails sur La Tour d'Auvergne, pre-
mier grenadier de France (Besançon, 1815, in-8). Il a
laissé en manuscrit le journal de sa détention au Mont-
Saint-Michel, le journal de son séjour à Paris lors du cou-
ronnement de Napoléon, etc. R. S.
COZEN (John) (V. Cosm).
COZENS (Alexander), aquarelliste anglais, né en Russie,
mort à Londres le 23 avr. 1786. Fils naturel du tsar
Pierre le Grand et d'une Anglaise de Deptford, qui fut
emmenée par ce prince en Russie, le jeune Cozens fut en-
voyé aux frais de Pierre le Grand en Italie où il étudia
l'art classique. Fixé en Angleterre (1746), il eut l'honneur
d'être appelé à donner des leçons au prince de Galles.
Son ouvrage d'esthétique, the Principles of Beauty re-
lative to the human head (1778), fit sensation, de même
que ses paysages exposés à l'Académie royale.
COZENS (John-Robert), aquarelliste anglais, fils du
précédent, né en 1752, mort en 1799. L'ouvrage qui fit sa
réputation figura, en 1776, à l'exposition de l'Académie
royale : c'était un Paysage avec Annibal traversant les
Alpes, Il visita l'Italie et fut le premier aquarelliste anglais
qui reproduisit avec succès les paysages romantiques de
cette contrée.
COZES. Ch.-l. de cant. du dép. de la Charente-Infé-
rieure, arr. de Saintes; 1,758 hab. A 26kil. S.-S.-O. de
Saintes. Stat. de la ligne de ch. de fer de Pons à Royan.
COZUMEL. Ile de la mer des Antilles, sur la côte
orientale du Yucatan mexicain, d une superficie d'environ
450 kil. q., d'un abord difficile. Aujourd'hui inhabitée,
elle a été jadis peuplée par les tribus indigènes, qui y ont
laissé des restes de monuments.
COZZA(Francesco), peintre et graveur, né à Istilo (Ca-
labre) en 1605, mort en 1682. Elève et ami du Domini-
quin, il acheva quelques tableaux de son maître après la
mort de celui-ci . Ses propres tableaux sont rares et son
oeuvre gravé se réduit à cinq pièces décrites par Bartsch
dans le Peintre-Graveur (t. XIX, p. 78).
COZZA (Lorenzo), cardinal itahen, né à Bolseno, dio-
cèse de Montefiascone, en 1653, mort à Rome le 18 janv.
1729. Entré dans l'ordre des frères mineurs observantins,
il devint supérieur du couvent de Viterbe, puis définiteur
de la province romaine, enfin général de l'ordre. On lui
reconnaissait une grande part à la réunion à l'Eghse
romaine du patriarche grec d'Alexandrie : en récompense
de ce service et de bien d'autres, le pape Benoît XIII le
créa cardinal le 9 déc. 1726. Il a laissé quelques ouvrages
de théologie et une histoire polémique du schisme des
Grecs : Historia polemica de Grœcorum schismate ex
ecclesiasticis monumentis concinnata studio Laur,
Cozza (Rome, 1719-1720, 4 vol. in-foL). R. G.
BiBL. ; F.-J,-H. Sbarala, Supplementum et castigatio
ad scriptores irlum ordinum S. Francisci a Waddingo
aliisque descriptos ; Rome, 1806, in-fol.
COZZA (Giovanni-Battista), peintre milanais, mort à
Ferrare en 1742. Il a laissé quelques tableaux agréables,
quoique peu corrects ; ses principaux se trouvent dans
l'église de Cabianca, aux Servîtes de Ferrare.
COZZALE (Orazio) (V. Cossâle).
COZZAN IGO (Tommaso da), sculpteur italien du xv® siècle.
Il travailla à Milan, où il exécuta deux sépultures, dont
l'une, à Santa Maria délie Grazie, reçut la dépouille des
délia Torre (1483) ; l'autre, destinée à Stefano da Bri-
vio (f 1484), prit place dans la chapelle Brivio, à Sant'
Eustorgio. Ces deux ouvrages offrent beaucoup de points de
ressemblance ; la décoration en est fine, la conception heu-
reuse jusque dans les plus petits rehefs.
BiBL. : BuRCKHARDT et BoDE, Ciceronc. -~ E. Mûntz,
Histoire de VArt pendant la Renaissance, t. II.
COZZANO. Com. du dép. de la Corse, arr. d'Ajaccio,
cant. de Zicavo ; 862 hab.
— 249 —
COZZARELLI — CRABETH
, COZZARELLI (Giudoccio), peintre italien, né en 4450,
mort en 4526. Cet artiste, fort médiocre, est l'auteur d*une
Madone^ conservée à Facadémie de Sienne, et d'une Sibylle
libyque dans le dôme de la même ville.
BiBL. : BuRCKHARDT et BoDE, Cicevone. — Milanesï,
Documenti per la storia delV Arte senese.
COZZARELLI (Giacomo ou Jaeopo), architecte et sculp-
teur italien, né en 4453, mort en d545. Elève de Fran-
cesco di Giorgio Martini, il travailla surtout à Sienne, où il
dirigea, à partir de 4485, la reconstruction de VOsser-
vanza. Comme sculpteur, il y a laissé un groupe en terre
cuite, son œuvre maîtresse, la Mort du Christ. A Santo
Spirito se trouvent une Sainte Catherine et un Saint
Vincent ; dans le couvent del Carminé, un Saint Sigis-
mond (statue de grandeur nature en terre cuite, peinte) ;
à Sant'Agostino, un Saint Nicolas, Enfin, au palais Pe-
trucci ou « del Magnifico », terminé en 4508, également à
Sienne, on remarque des torchères qui comptent parmi
les plus beaux bronzes de la Renaissance.
BiBL. : BuRCKHARDT etBoDE, Cicerone. — E. Mûntz, His-
toire de l'Art pendant la Renaissance^ t. II.
COZZO (Pietro di), architecte italien des xii^-xiii*^ siècles,
né à Limena. Il dirigea la construction du Salone délia
Ragione de Padoue, une des salles les plus vastes du
monde. Cet édifice, commencé en 4172, fut terminé en
4248. On ne connaît pas d'autre ouvrage de Cozzo.
BiBL. : Selvatico, Guida di Padova; Padoue, 1869, p. 275.
CRAB (Antilles) (V. Bièque).
CRAB (Roger), mystique anglais, né vers 4624, mort
en 4680. Vers l'âge de vingt ans, il s'astreignit à ne vivre
que de son, de navets et d'herbes et à ne boire que de
l'eau. R servit pendant sept ans dans l'armée parlementaire,
où l'excentricité de ses idées religieuses le fit plus d'une
fois persécuter. l\ fut plus tard chapelier à Chesham ; mais
il ferma bientôt boutique, distribua son bien aux pauvres,
et alla vivre en ermite dans une hutte qu'il s'était construite
à Ickenham, où les malades et les infirmes accouraient en
foule pour qu'il les guérît. Souvent molesté et emprisonné
dans son comté de Buckingham aussi bien qu'à Londres, où
il vint à deux reprises pour faire imprimer ses écrits, il
transporta son ermitage à Bethnal Green, où il semble
avoir passé la fin de sa vie en paix. On a de lui plusieurs
livres étranges, en prose mêlée de vers, où la grossièreté
et les fantaisies de son cerveau illuminé n'excluent pas un
certain bon sens ; tels sont : The English Hermite^ or
Wonder of his Age (4655, in-4), curieuse autobiogra-
phie, et Dagons-Downfoll, or the Great Idol digged up
Root and Branch (4657, in-4). B.-H. G.
CRABB (George), jurisconsulte et écrivain anglais, né
à Palgrave (Suffolk) le 8 déc. 4778, mort le 4 déc. 4854.
Il aborda successivement les genres d'étude les plus divers,
médecine, théologie, linguistique, et finalement la juris-
prudence sur laquelle il a écrit de nombreux ouvrages :
History of English Law (4829, trad. en allemand par
Schœffner, 4839) ; Digest and Index of ail the Statutes
at Large (4844-47, 4 vol.) ; Laiu of Real Property
(4846, 2 vol.) ; Séries of Précédents in Conveyancing
and Common and commercial Forms (4845, 3^ éd.).
Il a écrit aussi des ouvrages sur la grammaire allemande,
divers dictionnaires encyclopédiques, un dictionnaire d'his-
toire, un dictionnaire des synonymes anglais.
CRABB E (George), poète anglais, né à Aldborough
(Suffolk) le 24 déc. 4754, mort à Trowbridge (Wiltshire)
le 8 févr. 4832. Fils d'un maître d'école, collecteur de
taxes, il fut mis en apprentissage chez un chirurgien, devint
chirurgien dans sa ville natale, mais il renonça à la
carrière doctorale pour s'occuper de poésie et, en 4780,
riche de trois livres sterling et de quelques manuscrits,
partit pour Londres. Un éditeur trouvé enfin, celui-ci fit
banqueroute et le poète, sur le point d'être emprisonné
pour dettes après s'être adressé en vain à quelques grands
seigneurs, songea à Burke. Il raconta plus tard comment,
après avoir remis sa lettre à la porte d'Edmund Burke, il
passa toute la nuit sur le pont de Westminster. Heureuse
détresse, il était lancé. Burke Taccueillit sous son toit, lui
fournit de quoi faire imprimer son poème, the Library^
qui fut un succès (4784). Lord Thurlow, qui l'avait repoussé
d'abord, lui donna un banknote de cent livres sterhng ;
l'année suivante, entré dans l'Eglise sur les conseils de
Burke, il était à la tète d'une petite cure au lieu même où
il avait exercé la médecine, marié à une jeune fille qu'il
aimait depuis longtemps et coula des jours heureux jusqu'à
sa mort, comme pasteur, poète et magistrat campagnard.
Son second poème, the Village {il S<à), eut également un
grand succès. Après un long intervalle, il domi2i the Parish
Register (4807); the Borough (4840); ^m% Taies
in Verse (1842), taies of the Hall (4849); Sir Eus-
tace Gray, émouvante histoire d'un fou raconté par lui-
même. C'est, avec Hall of Justice, aventures d'une bohé-
mienne, sa meilleure production. On a appelé Crabbe le
Pope en « bas d'estame » ; il est une sorte de chaînon entre
l'école de Pope et celle de Worsdworth. Il excelle à ana-
lyser, avec une précision de chirurgien, l'anatomie morale
de ses héros, choisis tous dans les dernières classes :
contrebandiers, vagabonds, bohémiens, paysans, et il les
fait mouvoir dans des scènes tracées avec la même minutie.
Hazlitt dit de lui qu'il décrit l'intérieur d'une chaumière
comme un huissier ferait un inventaire. C'est dans la litté-
rature anglaise un précurseur de Zola ou plutôt de Balzac,
car il ne se sert jamais d'images repoussantes. D'images,
d'ailleurs, il en emploie peu. Crabbe, dit l'un de ses cri-
tiques, « est le plus sévère des poètes anglais, le plus dé-
nué d'ornements ; quand il emploie une figure, on dirait un
quaker qui met une fleur à sa boutonnière ». On l'a com-
paré aussi à un peintre flamand, Teniers ou Yan Ostade,
mettant tout son talent dans des scènes de la vie commune.
Il gagna beaucoup d'argent. En 4849, l'éditeur Murray lui
paya 3,000 livres sterling Taies of the Hall et le droit
de reproduction des poèmes précédents. Ses œuvres ont été
réunies en 4853 (Londres). Hector France.
CRABE. I. Zoologie. — Le vulgaire applique ce nom de
Crabe aux Crustacés Brachyures en général, animaux qui
se reconnaissent à première vue à leur corps large et
court d'ordinaire, muni de dix pattes ambulatoires, dont
deux sont disposées en pince. L'aspect particulier des
Crustacés Brachyures, si différents, à première vue, des
Homards et des Ecrevisses (Macroures) est dû au très grand
développement que prend le thorax, alors que leur abdo-
men se réduit considérablement et vient s'appliquer contre
lui, formant ce que l'on appelle volontiers la queue chez
ces animaux. R existe un très grand nombre de Crabes
dans toutes les mers et sur toutes les côtes ; quelques-uns
sont terrestres ou même habitent les eaux douces. Les
espèces les plus connues sont le Maïa, le Tourteau^ les
Portunes, les Gêcarcins^ la Telphuse (V. ces mots) , le
Crabe vulgaire ou Ménade (V. Carcinus), etc. R. Moniez.
IL Paléontologie (V. Cancer et Décapodes [Paléont.]).
IIL Pèche. — Les crabes, se tenant généralement
sous les rochers, se prennent au moyen d'un crochet re-
courbé ; on les capture, le plus souvent, avec des cau-
drettes ou des casiers. Sur les côtes de Norvège, on prend
les crabes tourteaux au moyen de filets et avec des tines
faites de minces baguettes clouées sur de petits cerceaux ;
les intervalles sont remplis de ficelles de chanvre tendues
de façon à former une sorte de filet ; à chaque extrémité
se trouve une ouverture assez grande pour laisser entrer
les Crabes ; l'amorce est fixée à une cheville. E. Sauvage.
IV. Art culinaire. — Parmi les espèces de crabes les
plus estimées figure le tourteau, très commun sur les côtes
de la Manche ; quelques personnes trouvent sa chair déli-
cate et d'une digestion facile ; cependant il ne conviendrait
pas de le faire figurer sur une table bien servie. On le
prépare comme le homard (V. ce mot).
CRABETH (François), peintre de l'école hollandaise,
né à Gouda en 4500, mort à Matines en 4548. Il a exé-
cuté à la détrempe, dans le style de (Juentin Metsys, des
tableaux qui pour leur relief et leur éclat semblent peints à
CRABETH — CRACHAT
~ 250 ■-
l'huile et entre autres un Christ en croix et des Scènes
de la Passion qui lui étaient commandés pour un couvent
de franciscains à Malines, et qu'il était occupé à terminer
dans cette ville quand il y mourut.
CRABETH (Wouter), peintre verrier hollandais, célèbre
par les grandes verrières qu'il exécuta en 4560 pour
l'église de Saint-Jean à Gouda. H avait visité la France et
l'Italie et laissé dans ces deux pays quelques-uns de ses
ouvrages. Collaborateur de son frère dans la gigantesque
décoration de l'église de Gouda qui a fait leur réputation
commune, il le surpassait par la correction de son dessin
et l'éclat de son coloris. En dépit de leur style un peu
étrange et du maniérisme qui les dépare, ces vastes com-
positions avec leurs architectures nombreuses, leurs per-
sonnages innombrables et leurs costumes magnifiques
produisent un grand effet, et rivalisent avec les œuvres
les plus remarquables de l'école flamande. La Naissance
du Christ et Héliodore chassé du temple^ qui sont de la
main de Wouter, méritent en particulier l'attention à cet
égard.
CRABETH (Dirk), frère du précédent et son collabora-
teur. Il exécuta de 1551 à 1559 six de ces grands vitraux
qui garnissent l'église Saint-Jean à Gouda; en 1567, il
terminait un autre vitrail qui leur est bien supérieur : le
Christ chassant les vendeurs du Temple, et l'année
d'après une 3Iort d'Holopherne,
CRABETH (Wouter), peintre de l'école hollandaise et
petit-fils du peintre verrier de ce nom. Il fut élève de
Cornelis Ketel. Après avoir voyagé en France et en Italie
où il étudia les œuvres des maîtres, il se fixa à Gouda,
en 1628, et il y vécut fort apprécié comme portraitiste et
peintre d'histoire. On voit de lui dans cette ville une
Ascension de la Vierge et un tableau à' Archers de la
confrérie de Saint-Geo7''ges,
CRABIER (Zool.) (V. CmEN, t. XI, p. 4).
CRABRO {Crabro Fabr.) (Entom.). Genre d'Hyménop-
tères-Porte-Aiguillons, qui a donné son nom au groupe des
Crabronides dans la grande division des Diploptères. Ce sont
des insectes fouisseurs, de taille moyenne, bien reconnais-
sablés à leur corps court, assez épais, le plus souvent orné de
taches et de bandes jaunes sur un fond plus ou moins noir,
brun ou roussâtre. Leur tête est ordinairement très large,
avec le labre non saillant, les antennes coudées, filiformes ou
fusiformes, et le- chaperon couvert d'une pubescence ar-
gentée, plus rarement dorée, ce qui leur a fait donner en
Allemagne le nom de Guêpes à bouche argentée {Die
Silbermundivespen). L'abdomen, allongé ou subclavi-
forme, est plus ou moins sessile, et les pattes, longues et
robustes, ont les tibias postérieurs armés de fortes épines.
— Les Crahro comptent un assez grand nombre d'espèces
qui ont été réparties par Lepeletier Saint-Fargeau ctBrullé
(Ann, Soc. eut. de Fra^ice^ 1834, p. 683) dans plusieurs
genres, considérés aujourd'hui comme de simples sous-
genres. Les mâles se distinguent des femelles soit par un
élargissement de la région moyenne du fouet des antennes,
soit dans Févidement de quelques articles qui paraissent
comme rongés. D'autres, comme le C. striatus Lep. et
le C. (Thyreopus) patellatus Lep., ont les jambes anté-
rieures élargies en forme de coquille et couvertes de points
clairs et transparents ; d'où le nom de Guêpes à tamis
{Die Siebwespen) qu'on leur donne souvent dans le lan-
gage vulgaire. Les femelles déposent leurs œufs dans la
terre, mais le plus souvent dans le bois mort. Quelques-
unes, comme celles des C, {Solenius) lapidarius Lep. et
C. {Solenius) vagus Lep., dans les galeries de Coléoptères
xylophages creusées antérieurement (V. E. Perris, Ami.
Soc. eut. de France^ 1840, p. 407). La plupart appro-
visionnent leurs nids avec des Diptères, tantôt d'une seule
et même espèce, tantôt d'espèces différentes. Il en est
cependant qui emmagasinent dans leurs nids des pucerons.
Tel est le C. {Crossocerus) aphidum Lep. L'espèce type
du genre, C. cephalotes Fabr., est commune aux environs
de Paris. Ed. Lef.
CRACCO (Dominique), httérateur belge, né à Roulers
en 1791, mort en 1860. Il devint prêtre en 1816 et
entra dans l'enseignement ; il fut successivement profes-
seur dans les collèges épiscopaux d'Alost, de Roulers et
de Courtrai. Il traduisit en hexamètres flamands une
grande partie de Y Iliade et de V Enéide^ les Bucoliques de
Virgile, phisieurs fables de La Fontaine et d'autres poèmes
classiques. Ces travaux littéraires sont remarquables. Ils
n'ont malheureusement jamais été réunis ; ils sont dis-
persés dans le Taalverbond d'Anvers, années 1848 à
1854, et ont été en partie réédités dans le Fwnd den
Heerd de Bruges, années 1865 à 1883, — Son frère,
Pierre Cracco, né à Roulers en 1798 et mort en 1872, a
publié des contes flamands qui ne sont pas sans mérite,
CRACH (Rivière de) (V. MoRmHM [Dép.]).
CRÂCH. Com. du dép. du Morbihan, arr. de Lorient,
cant. d'Auray; 1,938 hab.
CRACHAT. I. Médecine. — On désigne sous le nom de
crachats tous les produits qui sont éliminés par la voie res-
piratoire et qui sont expulsés soit avec de la toux, soit sans
toux et dans certains cas par flots. Ces produits proviennent
de différentes sources ; ils sont le résultat des sécrétions et
des exsudations du tissu pulmonaire, de substances intro-
duites du dehors par le courant inspirateur ; de substances
n'appartenant pas au tissu pulmonaire mais provenant de
formation morbide dans ce tissu, enfin ils peuvent venir
d'autres organes à la suite d'une communication acciden-
telle entre le poumon et ces organes (vomiques) . Au point
de vue du diagnostic des maladies, les crachats ont toujours
joué un grand rôle ; les variations qu'ils présentent dans
les différents cas étaient surtout précieuses avant la grande
découverte de Laennec sur l'auscultation. Les découvertes
bactériologiques sont venues apporter un nouvel élément
important de diagnostic. La quantité de crachats expectorés
pendant vingt-quatre heures est variable. A l'état normal, elle
est à peine appréciable, quelquefois nulle, tandis que dans
certaines affections, comme dans le catarrhe bronchique,
l'emphysème pulmonaire, elle peut atteindre près d'unhtre.
Au point de vue de l'aspect, on a divisé les crachats en
séreux, albumineux, muqueux, muco-purulents, fibrineux,
pseudo-membraneux, hémoptiques. Les crachats séreux sont
souvent très abondants ; on les trouve dans la bronchite
chronique et la bronchectasie, ils sont légèrement filants,
sans odeur caractéristique, couleur de l'eau ou légèrement
verdâtres. Quand on les recueille dans un verre, on voit
peu à peu le contenu se diviser en trois couches : la supé-
rieure spumeuse, la moyenne aqueuse et l'inférieure
trouble, renfermant des débris épithéliaux et des globules
de pus en petite quantité. Les micro-organismes y sont
nombreux, mais ce sont presque toujours des microbes non
pathogènes et des espèces décrites dans toutes les cavités
buccales. Les crachats albumineux qui s'observent dans les
pleurésies à grands épanchements offrent quelques analogies
avec les précédents ; ils sont abondants, de couleur rosée
et se prennent en masse par les acides et la chaleur ; leur
richesse en albumine peut atteindre un dixième du poids
total. Les crachats muqueux du début de la bronchite
aiguë, de l'asthme, se distinguent surtout des précédents
par la difficulté qu'éprouve le malade à les expulser ; ils
sont très visqueux, consistants, ne se détachant qu'après
de violents efforts de toux qui épuisent le patient. Ces
crachats renferment parfois des cristaux à forme octaé-
drique, insolubles dans l'eau, l'éther, le chloroforme, mais
solubles dans les acides et auxquels Leyden fait jouer un
rôle important pour expliquer l'irritation de la muqueuse
pulmonaire et amener ainsi la contracture des bronchioles
chez les asthmatiques. Les crachats muqueux, expulsés
par une toux sèche, étaient pour les anciens les crachats
crus de la bronchite, et c'est après un certain laps de
temps qu'apparaissaient les crachats de la coction, les
crachats muco-purulents actuels. Le grand nombre des
globules blancs qu'ils renferment leur donnent une teinte
jaunâtre et une certaine opacité. Recueillies dans un vase.
— 251 —
CRACHAT — CRACIDÉS
les matières purulentes se séparent souvent et tombent au
fond, tandis que le mucus plus ou moins spumeux forme
la couche superficielle; mais, dans quelques cas, les crachats
restent en masses arrondies, à contours plus ou moins
réguhers et semblables à des pièces de monnaie, d'où leur
nom de crachats nummulaires. L'apparition de ces crachats
chez les phtisiques caractérise le troisième degré de la
tuberculose, période des cavernes. Ce sont encore des
crachats de cette nature que l'on rencontre dans la gan-
grène pulmonaire et dans la bronchite fétide ; ils sont alors
gris verdâtre et répandent une odeur infecte, attribuée à
la présence de la méthylamine et de l'acide butyrique.
L'expectoration peut enfin être complètement purulente,
quand un abcès, soit pulmonaire, soit extra-pulmonaire,
vient s'ouvrir dans une bronche. Les crachats fibrineux,
caractéristiques de la pneumonie, d'abord peu colorés, très
visqueux et riches en albumine et mucine, prennent avec
l'évolution de la maladie une coloration rouille ou jus de
pruneau, provenant des globules rouges ou de la matière
colorante dissoute qu'ils renferment. Les crachats pseudo-
membraneux appartiennent surtout à la diphtérie ; ce sont
de véritables moules fibrineux, blanchâtres ou rosés,
constitués par les pseudo-membranes qui se développent
dans les bronches, et qui sont parfois expulsés sous forme
arborescente, sans«ruptures, les branches les plus longues
dépassant 20 centim.
Les crachats hémoptiques présentent des différences
considérables entre eux; ils peuvent être constitués par
des crachats muqueux, légèrement teintés de quelques filets
sanguins. Souvent ces filets de sang, qui effrayent vivement
le sujet, viennent simplement d'une rupture de capillaires
des muqueuses du larynx ou des grosses bronches à la
suite d'un violent accès de toux ; mais, depuis le premier
stade, on peut observer tous les degrés ; les crachats aérés
sont plus ou moins teintés d'un sang rutilant; enfin, il peut
y avoir des expectorations de sang pur, soit en petite
quantité, soit par flot, dans les hémoptysies graves. Le
sang des hémorragies pulmonaires (hémoptysies) se
distingue de celui des hémorragies gastriques (héma-
témèse) en ce qu'il est plus rouge et rempli de fines bulles
d'air ; toutefois, cet aspect se modifie quand le sang séjourne
quelque temps dans le poumon ; il prend alors une teinte
noirâtre qui pourrait le faire confondre avec le sang venant
de l'estomac, si l'on n'était prévenu par les caractères des
premiers crachats de sang rouge.
L'examen microscopique des crachats présente, au point
de vue du diagnostic, une importance qui va sans cesse en
augmentant. Les cellules épithéliales s'y rencontrent en
grand nombre. On peut distinguer ainsi les cellules pavi-
menteuses, toujours très nombreuses et qui viennent de
la muqueuse buccale ; les cellules brunes à cils vibratils
des bronches assez rares généralement ; enfin les cellules
alvéolaires, indices de troubles plus profonds ; mais la pré-
sence de ces différentes cellules n'offre qu'un médiocre
intérêt. Il n'en est pas de même des fibres élastiques, car
leur présence indique une destruction du tissu pulmonaire
(tuberculose, pneumonie, abcès pulmonaires) ; mais il est
nécessaire, avant de tirer des conclusions pessimistes, de
s'assurer que ces fibres proviennent bien des alvéoles pul-
monaires et non des aliments, dont quelques débris seraient
restés dans la cavité buccale; il suffit, pour éviter cette
erreur, de faire faire un lavage complet delà bouche avant
l'expectoration des produits soumis à l'examen. Dans la
gangrène pulmonaire, on ne trouve pas dans les crachats
de fibres élastiques ; mais, par contre, les débris du tissu
connectif peuvent y être abondants, suivant le degré où en
est arrivée la destruction. Quant aux cristaux de marga-
rine, de cholestérine, de tyrosine, leur présence est trop
variable et leur importance paraît faible. Citons, avant
d'aborder la question des micro-organismes pathogènes,
les crochets de tœnia que l'on peut rencontrer dans quelques
vomiques, ce qui permet de diagnostiquer sûrement un
kyste hydatique. Les crachats renferment toujours un
grand nombre de micro-organismes, bacilles et microcoques,
qui sont la plupart inoffensifs, ou du moins non spécifiques
d'une affection, mais il en est un surtout dont la présence
éclaire et confirme une diagnose quelquefois hésitante.
C'est le bacille de la tuberculose, que l'on rencontre dans
les crachats et qui présente cette propriété curieuse, et
qui rend sa recherche facile, de prendre la matière colo-
rante d'aniline en solution alcaline, et, seul des autres
microbes et des produits qui constituent le crachat, de ne
pas se décolorer dans un mélange d'alcool et d'acide azo-
tique. Voici, résumé brièvement, le mode opératoire que tout
médecin doit connaître aujourd'hui. On choisit dans les
crachats suspects les endroits purulents et avec une pince
flambée, on prend une gouttelette du muco-pus que l'on
étale entre les deux lamelles préalablement flambées. Les
lamelles sont ensuite séparées, légèrement chauffées à la
flamme puis trempées dans une solution de violet de gen-
tiane dans l'eau d'aniline ; au bout de vingt-quatre heures,
tout ce qui est sur la lamelle est coloré en bleu intense; on
passe rapidement dans une solution d'acide azotique au
tiers, puis on lave à l'alcool absolu. S'il y a des bacilles
de la tuberculose, on aperçoit sous le microscope armé d'un
fort grossissement de nombreux bâtonnets colorés en bleu
(procédé Ehrlich) (V. Bactérie). Si la constatation du
bacille est une preuve positive absolue, on ne saurait
émettre une conclusion négative, si on ne le rencontre
pas ; toutefois, plusieurs examens infructueux permettent
une forte présomption pour l'absence de tubercules dans
les poumons. — Il existerait également dans les crachats
des pneumoniques un micro-organisme spécifique : le pneu-
mocoque de Friedlander; mais sa spécificité est loin d'être
aussi bien démontrée que celui de la tuberculose, et dans
de nombreuses affections pulmonaires, tels que catarrhe
chronique, bronchectasie, on trouve dans les crachats des
corps qui, morphologiquement, ont le même aspect que le
pneumocoque de Friedlander. Au point de vue prophylac-
tique, l'existence incontestable du bacille de la tuberculose
dans les crachats des phtisiques montre le danger de
contagion que présentent ces crachats. Une fois desséché,
le bacille peut être transporté au loin. Il est donc de toute
nécessité de désinfecter rigoureusement les crachoirs des
phtisiques ; une solution de sublimé aux deux millièmes
ou de sulfate de cuivre convient parfaitement. On doit les
engager, en outre, à ne jamais cracher par terre.
D^ P. Lânglois.
IL Entomologie. — Crachat de Coucou^ Crachat de
Grenouille (V. Aphrophore).
BiBL. : MÉDECINE. — BiERMER, Leçons sur les erachats;
Wurzbourg, 1855. — Jaksch, Manuel de diagnostic des
maJadies inteimes^ 1888. — Cornil et Babes, les Bactéries.,
1890. — Germain Sée, la Phtisie bacillaire.
CRACHEMENT de fusil (Art milit.). On dit çiu'un
fusil crache lorsque la poudre et les étincelles jaiUissent
en arrière du tonnerre. Dans les armes tirant une car-
touche combustible, le crachement tenait généralement à
un défaut d'obturation : 4^ des joints de la pièce de fer-
meture et du canon ; 2^ du canal qui donnait passage à
l'aiguille ou au percuteur. Avec les cartouches métalliques
cet accident est moins à craindre ; il peut toutefois se pro-
duire par suite du manque de solidité du culot de l'étui.
CRACHES. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr. de Ram-
bouillet, cant. de Dourdan ; 162 hab.
CRACHIER. Com. du dép. de l'Isère, arr. de Vienne,
cant. de La Verpillière; 336 hab.
CRACHOIR. On désigne sous ce nom une sorte de boite
en bois ou de vase en métal, faïence ou porcelaine, conte-
nant ordinairement de la sciure de bois, et destinée à
recevoir les crachats. Son usage ne semble pas remonter
au delà du xiv^ siècle. Aujourd'hui, le crachoir a presque
complètement disparu de nos appartements. -
CRACIDÉS (Ornith.). Cette famille, l'une des plus natu-
relles de l'ordre des Gallinacés (V. ce mot), renferme les
Hoccos et les Pénélopes (V. ces mots) et se rapproche non
seulement, comme le dit Huxley, des Mègapodiidés (V. Talé-
CRACÏDÉS — GRAESBEKE
252
GALLE et Mégapode), lïîais encore de la famille des Numididés
ou Pintades (V. ce mot). Ces trois groupes ont chacun
leur aire d'hah'tat bien tranchée et se trouvent le premier
dans le nou\x.>a monde, le second dans la région indo-aus-
tralienne et en Papouasie, le troisième en Afrique. Ils con-
stituent une catégorie de Gallinacés correspondant en partie
aux Péristéropodes d'Huxley, et différant des Gallinacés
typiques ou Aledoropodes par la forme de leur sternum,
plus large et moins profondément découpé et par la dispo-
sition de leurs pattes dont le pouce repose sur le sol et s'in-
sère au niveau des autres doigts. E. Oustâlet.
BiBL. : Huxley, On theclassif. and distrib. of the Alec-
toromorphœ, Proceed. Zool. Soc. Lond.., 1868, p. 294. —
Ph.-L. ScLATER, Synops. of the Cracidœ^ Proceed. Zool.
Soc. Lond., 1870, p. 504.
CRACOVIE (en polonais Krakow, en allemand iiTratei).
Cette ville, ancienne capitale du royaume de Pologne, fait
actuellement partie de l'empire d'Autriche. Elle est située
à l'O. de la Gahcie, sur la rive gauche de la Vistule.
Elle est rattachée par
des chemins de fer à
Vienne, à Varsovie, à
Lwéw (Lemberg) et à
la ligne de Podgorze
Suche. Sa population (y
compris les faubourgs)
était, en 4880, de
66,000 hab. dont deux
tiers de Polonais et un
tiers d'israéhtes. Elle
fait un grand commerce
de bétail, vins, céréales,
bois et toiles, et a des
foires très fréquentées.
Elle possède des fabri-
ques de machines, de
tabac, de produits
chimiques; des brasseries, des mouhns à vapeur; elle est
le siège de la Banque de Galicie pour le crédit et l'in-
dustrie. Son université, fondée en 4364, est la plus an-
cienne de l'Europe orientale ; elle porte le titre d'univer-
sité Jagellonienne et compte environ un millier d'étudiants.
La bibliothèque possède 450,000 volumes et est actuelle-
ment lapins importante de tous les pays polonais. Cracovie
est le siège d'une académie des sciences instituée en 4872
et dont les travaux sont fort estimés ; elle possède en outre
trois gymnases, une école réale supérieure, une école
des beaux-arts, un séminaire catholique, une école indus-
trielle et un certain nombre d'établissements philanthro-
piques. Elle est le siège d'une capitainerie de cercle, de la
cour d'appel de la Gahcie occidentale, d'une direction de
pohce, de douanes, de finances, d'une chambre de com-
merce, d'un évéché cathoHque et du commandement du
premier corps d'armée autrichien.
Cracovie est, au point de vue monumental, la ville la
plus intéressante de l'ancienne Pologne. Elle comptait
autrefois soixante-cinq églises. Le plus remarquable édifice
religieux est l'église du château sur la colline de Wawel ;
commencée au xr® siècle, elle date dans son état actuel du
XIV® (4320-4359) ; elle renferme les tombeaux des princes
Jagellons et d'hommes célèbres, notamment ceux de Kos-
ciuszko, de Sobieski et de Mickiewicz. Le trésor est fort
riche. L'église de Sainte-Marie date du xni® siècle, a une
tour haute de 73 m., des vitraux intéressants et un mer-
veilleux autel deWeit Stoss. Il faut citer encore l'église de
Saint-Pierre et Saint-Paul (xvi® siècle), de Sainte-Catherine,
celle de l'Université (xvni® siècle) qui renferme un monu-
ment en l'honneur de Copernic. En dehors des églises et
des chapelles catholiques, la ville compte sept synagogues.
Parmi les édifices civils, le plus intéressant était le château
royal, aujourd'hui transformé en citadelle. Sur la place du
Marché s'élève la halle aux draps, intéressant édifice du
xjv® siècle dont le premier étage renferme aujourd'hui une
galerie de tableaux et un musée national. Les anciens rem-
Halle aux draps de Cracovie.
parts de Cracovie ont été convertis en promenades ; il en
reste un débris fort intéressant, la porte Saint-Florian au
faubourg de Piasek (xv^ siècle). A une heure environ de la
ville s'élève le tumulus de Kosciuszko.
Histoire. — Cracovie est une des plus anciennes villes
de la Pologne. Suivant la légende, elle aurait été fondée par
un personnage mythique appelé Cracus. Des localités portant
un nom analogue se trouvent en Bohême et dans le Mecklem-
bourg. Dès ses origines, elle fut la capitale de la Grande-
Pologne. Au commencement du xi^ siècle, elle devint le
siège d'un évêché. A dater du xii®, elle fut colonisée par
de nombreux Allemands auxquels les rois de Pologne accor-
dèrent l'usage de leur législation nationale. A dater de
4319, elle devint le heu de couronnement et la résidence
des rois. Florissante par les arts et par le commerce à
l'époque des Jagellons, elle compta jusqu'à 400,000 hab.
Elle décHna sous la dynastie de Vasa surtout lorsque la
capitale de la Répubhque fut transportée à Varsovie. A
l'époque des partages,
elle ne comptait plus que
40,000 hab. Occupée
en 4794 par les Prus-
siens, elle fut cédée à
l'Autriche en 4796. En
4845, le congrès de
Vienne fit de Cracovie
la capitale d'un petit
Etat indépendant et neu-
tre qui comprenait
440,000 hab. et qui
portait le nom de Ré-
publique. Il était gou-
verné par un conseil de
douze sénateurs qui
avaient à leur tête un
président confirmé par
les trois puissances voisines, la Prusse, F Autriche et la
Russie. La milice était composée de 500 fantassins et
50 gendarmes à cheval. En 4833, le territoire de la Répu-
blique fut occupé par les troupes russes, plus tard par les
troupes autrichiennes qui ne l'évacuèrent qu'en 4844. En
4846, la République, du commun accord des trois puis-
sances copartageantes, fut adjugée à l'Autriche. Elle avait
eu pour présidents Wodzicki, Wieloglowski, Haller et
Szyndler. Cette violation des traités de Vienne fît grand
bruit en Occident, mais elle ne provoqua que des protes-
tations platoniques. L. Léger.
BiBL. : Cracovie^ dans le Dictionnaire géographique de
la Pologne et des pays slaves; Varsovie, 1883, en pol. —
Klein, Die FreistadtKrakau; Cracovie, 1846.— L. Chodzko,
les Massacres de Galicie; Paris, 1861. — Tessorczyk, ia
République de Cracovie, en polonais ; Cracovie, 1863. —
EssEisiyvEiyit Die mittelalterlichen Kunstdenkmale der S ladt
Krahau; Leipzig, 1889.— Miltner, Fuhrer durch Krahau.
CRACTICUS (V. Cassicâns).
CRADLE (Mines). Le cradle est un appareil primitif en-
core très employé pour le lavage des sables aurifères. Il se
compose d'une boîte en bois, de 4 m. de long et de 0'^50
de large, dont le fond, légèrement en pente, porte deux ba-
guettes transversales en" bois de 2 centim. d'épaisseur ;
elle est fermée à la partie la plus élevée et ouverte à l'autre
extrémité. Elle peut osciller comme un berceau d'enfant,
autour d'un axe parallèle à sa longueur. Du côté le plus
élevé est une boîte à fond perforé, où on met la charge ;
une toile inclinée, placée au-dessous de cette boîte, fait
tomber le sable sur le fond, à l'extrémité supérieure. On
verse de l'eau sur les matières placées dans la boîte supé-
rieure, et l'on fait osciller le cradle; l'or et les gros sables
s'arrêtent seuls derrière les baguettes de bois, et les parties
fines s'échappent. L. Knab.
GRAESBEKE (Joost Van), peintre de genre de l'école
flamande, né à Neerlinter, près Thienen en Brabant, un peu
avant 4608, mort avant 4662. Il s'était de bonne heure
fixé à Anvers et l'on trouve son nom inscrit à la date du
— 253
CRAESBEKE ~ GRAIG
2o juil. 1631 comme bourgeois de cette ville. En 4633-
34, il y était admis dans la gilde de Saint-Luc. Il est pro-
bable qu'il reçut les leçons d'Ad. Brouwer qui cette même
année figure aussi sur les listes de cette société ; en tout
cas sa manière de peindre offre une analogie positive avec
celle de cet artiste qui passe pour avoir été son maître, sans
qu'il soit nécessaire d'ajouter une foi entière aux légendes
plus ou moins vraisemblables que les biographes du siècle
dernier ont mises en circulation sur leur compte, et
qu'expliquent en partie d'ailleurs la ressemblance des
scènes qu'ils ont représentées. Après avoir habité Anvers
pendant une vingtaine d'années, Craesbeke se fixa à
Bruxelles où en 1651 il fut reçu dans la gilde et où il
mourut, à en croire le témoignage de De Bie. Le Louvre
possède un de ses meilleurs tableaux, un Peintre à son
chevalet, peut-être l'artiste lui-même, une tête éner-
gique et joviale, faisant le portrait d'un seigneur élé-
gamment vêtu auquel des musiciens donnent une sérénade
pendant que des serviteurs s'empressent autour de lui pour
lui servir une collation. Sans avoir la finesse et la distinc-
tion de Brouwer, la touche est spirituelle et moelleuse, et,
grâce à un clair-obscur habile, les colorations réparties
avec goût dans le tableau se détachent franchement sur
les tonalités grisâtres qui y dominent. Les musées d'Anvers,
de Bruxelles, de Madrid et la galerie du prince Liechten-
stein ainsi que le Belvédère possèdent aussi des ouvrages
remarquables de Craesbeke. E. Michel.
BiBL. : Max Rooses, Geschichte der Malerschule Anl-
werpens.
CRAFFONARA (Giuseppe), peintre et graveur, né à
Wengen (Tirol) en 1791. Il travaillait encore en 1835.
Après des débuts fort pénibles, Craffonara put, grâce à la
protection d'un ingénieur, F. Malacarne, de 'Vérone, étu-
dier à l'académie de Vérone d'abord et à Rome ensuite,
où il obtint en 1819 une pension de Tempereur d'Autriche.
Il a laissé de bonnes copies d'après Raphaël, quelques por-
traits, et différentes planches dont les plus connues sont
les reproductions des tableaux du Vatican, publiés à Rome
en 1820,'sous ce titre: / Più Celebri Quadri délie diverse
Scuole italiane nel appartamento Borgia del Vaticœno^
disegnati ed incisi a contorno da Giuseppe Craffo-
nara, pittore tirolese (Rome, 1820).
CRAHAY (Louis), magistrat et historien belge, né à
Maastricht en 1 834. Il fut successivement substitut et pro-
cureur du roi à Hasselt, conseiller à la cour de cassation,
et fit partie du conseil de perfectionnement de l'enseigne-
ment moyen et de la commission pour la publication des
anciennes lois. Il a publié plusieurs ouvrages très remar-
qués : Commentaire législatif de la loi du 6 mars
i866 relative à la mendicité^ au vagabondage et aux
dépôts de mendicité (Bruxelles, 1866) ; Coutumes du
comté de Looz^ de Saint-Trond et de Reckheim
(Bruxelles, 1872, 2 vol. in-4) j Coutumes de la ville de
Maastricht (Bruxelles, 1876, in-4) ; Traité des contra-
ventions de police (Bruxelles, 1874, in-8).
CRAIE. I. Géologie (V. Calcaire).
IL Chimie (V. Chaux [Sels de]).
III. Chimie industrielle (V. Blanc, t. VI, p. 997).
Craie rouge (V. Brun, t. Vtll, p. 223).
IV. Thérapeutique. — La craie entrait jadis dans diverses
préparations absorbantes, antiacides, antidiarrhéiques ; elle
n'est plus d'aucun usage aujourd'hui. D^^ L. Hn.
CRAI6 (John), réformateur écossais, né en 1512, mort
en 1600. Il entra de bonne heure dans l'ordre des domi-
nicains et enseigna la théologie à Bologne. Il se convertit
au protestantisme après avoir lu VInstitution de la reli-
gion chrétienne de Calvin. Il fut condamné en 1555 à
périr sur le bûcher, pour crime d'hérésie. Mais le pape
Paul IV étant mort la veille du jour où il devait être exé-
cuté, Craig fut délivré par le peuple ameuté. A son retour
en Ecosse, il fut l'ardent collaborateur de Knox. A la
mort de celui-ci, il se trouva placé à la tète de l'Eglise
réformée à Edimbourg. Nommé chapelain de Jacques VI,
en 1579, il rédigea le National Covenant ou la confession
du roi {King's Confession) en 1581. On lui doit en outre
un catéchisme qui porte son nom, fort répandu en Ecosse
au XVII® siècle. C. (J.
CRAIG (Sir Thomas), jurisconsulte écossais, né en 1538,
mort en 1608. Elevé d'abord à l'université de Saint-
Andrews, il termina ses études à Paris, et fut reçu avocat
à Edimbourg en 1563. Il remplit successivement plusieurs
des plus hautes fonctions du barreau, s'occupant en même
temps de questions d'enseignement et de poésie latine, et
faisant les plus louables efforts pour effacer toute rivalité
et toute haine entre l'Ecosse et l'Angleterre réunies sous
Jacques P^. Ses principaux ouvrages de droit sont : Jus
Feudale, le seul qui fut publié de son vivant (1603) ;
Treatise on the Right of James VI to the Succession ta
the English Crown (1703); et un Treatise on the Union
qui est resté manuscrit. Ses poésies latines ont été impri-
mées dans les Delitice Poetarum Scotorum (Amsterdam,
1637). B.-H. G.
CRAIG ou CRAIGE (Alexander), poète écossais, né à
Banff vers 1567, mort en 1627. On ne sait rien de
sa vie, sinon qu'il fut élevé à Saint-Andrews et pensionné»»
par Jacques P^', à la suite de la publication de the Poeti-
cal Essayes of Alexander Craige, Scots-Brita7ie(i604;^
in-4). Citons encore the Âmorose Songes, Sonets and
Elégies of M, Alexander Craig e (1606, in-4), et the
Poetical Récréations of M, Alexander Craige of Rose-
craig (1609, in-4). Ses poésies, qui n'ont d'autre mérite
que leur extrême rareté, ont été réimprimées pour la Hun-
terian Society (1873-74) sous la direction de David
Laing. B.-H. G.
CRAIG (John), mathématicien écossais de la seconde
moitié du xvii^ siècle, qui fit connaître le premier en
Angleterre le calcul infinitésimal sous la forme que lui
avait donnée Leibniz. Ses traités : Methodus figurarum
lineis redis et curvis comprehensarum quadraturas
determinandi (Londres, 1685); Tractatus mathema-
ticus de figurarum curvilinearum quadraturis et
locis geometricis (Londres, 1693), sont très antérieurs
à la première publication des méthodes de Newton (1704).
Dans un ouvrage subséquent. De Calculo fluentium libri
duo, quibus subjunguntur libri duo de optica analy-
tica (Londres, 1718), Craig se proposa de faire pour le
calcul de Newton ce qu'il avait fait pour celui de Leibniz.
Il a également publié des m,émoires insérés dans les
Transactions philosophiques et dans les Acta Erudi-
torum. Il essaya enfin une singulière application du calcul
des probabilités en partant de l'hypothèse que la croyance
fondée sur le témoignage humain s'affaiblit avec l'éloîgne-
ment de la date de ce témoignage. Il en conclut dans son
traité Theologiœ christianœ principia mathematica
(Londres, 1699) que la probabilité de la religion chré-
tienne diminue et deviendrait nulle à une date qu'il essaye
de déterminer (vers 3150 de notre ère), si le Christ ne
procédait pas à un nouvel avènement. Ces conclusions
attirèrent naturellement à Craig de vives réfutations de la
part des théologiens. Mais l'ouvrage fit assez de bruit
pour être encore jugé digne en 1755 d'être réédité avec
réfutation par Daniel Titius (Leipzig). D'ailleurs Craig
trouva des adhérents, entre autres Petersen, qui, dans ses
Animadversiones (il Oi) sur son livre, assigna à l'affai-
bhssement de la probabilité du christianisme une rapidité
beaucoup plus grande et indique comme limite la date
de 1789.
CRAIG (Sir James Henry), général anglais, né en 1748,
mort à Londres le 12 janv. 1812. Entré dans l'armée en
1763, il servit à Gibraltar et en Amérique où il se dis-
tingua en 1776 au combat des Trois-Rivières (Canada), et
à la fin de la guerre fut promu colonel. Il était en garnison
en Irlande lorsque la guerre avec la France éclata. Il fut
envoyé à Jersey comme sous-gouverneur, puis aux Pays-
Bas comme adjudant général dans l'armée du duc d'York.
En 1794, il prit part à l'expédition du Cap, où il de-
CRAIG — CHAMAILLES
— 2,H4
meura comme gouverneur et commandant en chef (1795-
1797). Après avoir commandé une division du Bengale,
il revint en Angleterre en 1802. Il avait été promu lieu-
tenant générarie 1®^ janv. 1801. Vers la fin de 1807,
il fut mis à la tète du corps d'armée qui devait opérer en
Italie, conjointement avec les Russes et les Autrichiens de
manière à prendre en flanc l'armée de Napoléon. Craig
débarqua 7,300 hommes à Castellamare le 26 nov. Mais
hientôt les nouvelles de la capitulation d'Ulm et de la vic-
toire d'Austerlitz l'obligèrent à quitter l'Italie (19 janv.
1806), et à s'établir en Sicile. Il retourna en Angleterre
pour raisons de santé, et le 29 août 1807 il était nommé
gouverneur général du Canada. Malgré de véritables talents
d'administrateur, il rencontra en ce poste de telles diffi-
cultés qu'il démissionna en oct. 1811. Il fut promu général
le 1^^ janv. 1812. ^ R. S.
. G RAI 6 (William-Marshall), peintre et dessinateur anglais,
mort après 1827. Il fut attaché à la cour de la reine en qua-
lité d'aquarelHste et à la cour du duc d'York en qualité de
miniaturiste. Sa première exposition date de 1788. On lui
doit un certain nombre d'illustrations et plusieurs ouvrages
«didactiques d'art.
CRAIG (Isa Knox), femme de lettres écossaise, née à
Edimbourg le 17 oct. 1831. Tout en faisant son appren-
tissage de couturière, elle envoya des poésies au journal
le Scotsman, qui attirèrent l'attention et la firent entrer
comme rédactrice dans ce journal. Après un recueil de vers
pubUé en 1856, elle partit pour Londres et fut nommée
secrétaire de l'Association nationale pour le progrès de la
science sociale, emploi qu'elle occupa jusqu'à son mariage
avec son cousin John Knox. On cite d'elle une Ode à
Burns à l'occasion du centième anniversaire de ce poète,
et qui obtint le prix sur six cent vingt concurrents (1859);
Ducliess Agnès (1865), et d'autres poèmes.
CRAIK (George Lillie), historien et littérateur anglais,
né à Kennoway (Fifeshire) en 1791, mort à Belfast en
juin 1866. Son premier livre inspiré par lord Brougham,
Pursuit of Knowledge under difficulties, paru en 1831,
est sa meilleure production; il fut suivi de deux
importants ouvrages : History of British Commerce^
(1844, 3 vol.) ; lîlstory of Literature andLeaming in
Englandfrom the Norman Conqiiest to the présent
Urne (1844). Il dirigea Pictorial History of England,
collabora à la Penny Cyclopedia, dont il réédita ses
meilleurs articles sous le titre Sketches of the History
(1844, 6 vol.) Nommé professeur d'histoire et de littéra-
ture à Belfast, il écrivit English of Shakespeare (1856) ;
Outlines ofthe History of English Language (1861),
tous deux très estimés. Ses autres livres sont: Spencer
(1845) ; Bacon (1847) ; Bomance of the Peerage
(1848-50); History of British Commerce,
GRAiK (Miss Dinah Maria Mdlok, dame George-Lillie) ,
romancière anglaise, née à Stoke-upon-Trcnt (comté de
Staiford) en 1826. Tant sous son nom de jeune fille que
sous celui de son mari, elle a publié un grand nombre de
romans et de nouvelles qui ont joui d'un succès considé-
rable en Angleterre. Nous citerons : The Ogilvies (1849) ;
Olive (1850) ; the Head of the family (1851) ; Agatha's
Hiishand (1852) ; John Halifax gentleman (1857) ; a
Life for a life (1859) ; Mistress and Maid (1863) ;
Christian' s Mistake (1865) ; Two Marriages (1867) ;
My Mother and I (1874) ; the Laurel Bush (1876) ;
Miss Tommy (1884); Kùig Arthur (d886), etc. Elle
a aussi donné des poésies, une série de petites nou-
velles publiées sous des titres divers : Bomantic Taies,
Domestic Taies, Studies from life, etc., des contes pour
les enfants, et quelques volumes de réflexions et de criti-
ques : Sermons out of Church (1875) ; a Legacy (1878) ;
Plain Speaking (1882) ; an Ensentimental Journey
through Cornwall (1884), etc. Presque tous ses romans
ont été traduits en français.
CRAIK (Georgina-Marion), romancière anglaise, née à
Londres en 1831. Fille de George LilheCraik, elle écrivit
dès l'âge de dix-neuf ans dans le Household Words et The
People's Journal et continua depuis, avec une déplorable
facilité, cette littérature incolore et niaise pour laquelle
les Anglaises ont un goût particulier. Parmi les deux
douzaines et plus de volumes parus jusqu'à ce jour, il faut
citer : Biverstone, son premier roman (1857) ; Lost and
Won (1859) ; My First Journal (1860) ; Leslie Tyrrel
(1867); Mildred (1868); traduit en français par E.
Robert (1883); Cousin Trix (1868); Esther HilVs
Secret (;{^1^); Hero Trevelyan (1871); JanetMason's
Troubles (iSll); Two Women (1880); Jwelve OUI
Friends (1885), etc. Hector France.
CRAIN (Crinsensis viens, Cranum). Com. du dép. de
l'Yonne, arr. d'Auxerre, sur l'Yonne, cant. de Coulanges-
sur-Yonne; 635 hab. En 1858, découverte d'une statue
de Minerve et d'une statuette d'un Gallo-Romain faisant
une offrande à Minerve (V. Bullet, de la Soc, des sciences
de l'Yon7ie, 1861). Egfise de Saint-Etienne; chœur du
XIII® siècle ; nef du xv® siècle ; crypte contenant les cer-
cueils des saints Ursin, Langueur et Loup. Château de la
Maison-Blanche, où furent fondus, d'après la tradition, les
reliquaires enlevés par les huguenots dans les églises
d'Auxerre en 1567. M. P.
CRÂINTILLEUX. Com. du dép. de la Loire, arr. de
Montbrison, cant. de Saint-Rambert ; 447 hab.
CRAINVILLIERS. Com. du dép. des Vosges, arr. de
Neufchâteau, cant. de Bulgnéville ; 438 hab.
CRAÏOVA. Ville de Roumanie, cap. du district de Dolj,
ancienne résidence des bans de l'Olténie, ses princes pen-
dant l'époque de son indépendance; environ 40,000 hab.
Patrie des Bassarabs. Lycée, école militaire. N. Jorga.
BiBL. : Hasdeu, les Origines de Craïova; Craïova, 1879.
GRAISSAC. Com. du dép. du Lot, arr. de Cahors,
cant. de Catus ; 621 hab.
G RAM -Char AN ou le~Prieuré, Com. du dép, delà Cha-
rente-Intérieure, arr. de La Rochelle, cant. de Courçon;
826 hab.
CRAIVI/ER (Mauritz), poète suédois, né à Wisby en 1811,
mort à Stockholm le 10 nov. 1848. Il écrivit pour divers
journaux de Stockholm des articles piquants dont Birgcr
Schœldstrœm a publié un recueil avec remarques et no-
tice sur l'auteur (Stockholm, 1885), fit jouer plusieurs
vaudevilles, entre autres : Cinq Cents Biksdalers banco
(1846; 2e édit. 1888); Un Demi-Million (1847); les
Couturières (1848), dont les refrains sont restés popu-
laires. Il publia d'autres pièces, notamment dans Accords
et Dissonances (Wi^). B-s.
CRAMAI L (Adrien de MoNTLUG, comte de), prince de
Chabanais, littérateur français, né en 1589, mort le
22 janv. 1646. Petit-fils de Biaise de Montluc (V. ce
nom), maréchal de camp, gouverneur du comté de Foix,
il fut enfermé à la Bastille (1630-1642) pour avoir cons-
piré contre Richelieu. On lui doit : la Comédie des pro-^
verbes (Paris, 1633, in-8), très souvent réimprimée; les
Jeux de Vincognu (Paris, 1630, in-8), recueil de nou-
velles et de contes publié sous le nom de De Vaux. Les
biographes lui attribuent les Pensées du solitaire^ dont
nous ne connaissons pas d'édition.
CRAMAI ILE. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Sois-
sons, cant. d'Oulchy-le-Château ; 193 hab. -
GRAMAILLES (Claude Pinard, sieur de), sieur de
Comblisy, homme d'Etat et diplomate français, né dans la
première moitié du xvi® siècle, mort à Cramailles le 14 sept.
1605. D'abord secrétaire du maréchal de Saint-André,
puis trésorier-payeur des cent gentilshommes de la maison
du roi (1556), le sieur de Cramailles devint successivement
secrétaire du roi (1558), secrétaire des finances (29 sept.
15@9) et enfin secrétaire d'Etat (13 sept. 1570). Dès lors
il prit aux affaires une part importante. Ambassadeur
extraordinaire en Suède pour demander la main de la
princesse Elisabeth en 1574, il fut appelé au conseil secret
du cabinet du roi en 1575 et fit partie de l'ambassade
envoyée en Angleterre pour négocier l'aô'aire du mariage
— 2S5 —
CRAMAILLES - CRAMER
entre le duc d'Anjou et la reine Elisabeth. En 1586, il
suivit la reine mère auprès du roi de Navarre et à la
journée des Barricades. Disgracié le 8 sept. 1588, il se
retira de la vie publique. L. F.
BiBL. : Pinard, Chronologie historique militaire^ t. L -—
De Luqay, le& Secifétaires d'Etat ; Pans, 1881, in-8.
CRAN! AN S. Coin, du dép. du Jura, arr. de Poligny,
cant. de Yillers-Farlay ; 533 hab.
CRAMANT. Corn, du dép. de la Marne, arr. d'Epernay,
cant, d'Avize; 830 hab.
CRAMBÉ {Crambe Tourn.). I. Botanique. — Genre de
plantes de la famille des Crucifères et du groupe des Cakilces.
L'espèce type, C. maritima L., ou Chou marin, est une
herbe vivace à feuilles charnues et à fleurs blanches ou
rosées. Ses fruits sont formés chacun de deux articles dont
le supérieur, ovoïde ou globuleux, est seul pourvu d'une
graine à embryon charnu et à cotylédons condupliqués. —
Le C. maritima croît en France dans les sables des bords
de l'Océan. En Angleterre, on le cultive dans les potagers,
sous le nom de Sea Keal, Ses feuilles et ses pousses
nouvelles, blanchies par l'étiolement, constituent un
légume excellent. Il en est de même de celles du C. Tata-
ria Jacq., ou Chou marin de Hongrie, qui croît dans le
nord-est de l'Europe et dans l'Asie tempérée. C'est le
Baltracan des Hongrois et des Tar tares. Ses souches
épaisses et charnues sont utilisées en temps de disette,
comme aliment en guise de pain, d'où leur nom vulgaire
de Tatar Kenyer, c.-à-d. Pain de Tartarie. Ed. Lef.
n. HoRTicuLTUËE. — Lc crambé ou chou marin est un
légume encore assez peu cultivé, bien qu'il soit générale-
ment estimé. Ce sont les jeunes pousses, soumises au blan-
chiment, que l'on consomme. Les crambés ne fructifient
qu'assez mal et les graines qu'ils donnent perdent très ra-
pidement leur faculté germinative. Pour cette double rai-
son on substitue au semis la multiplication par tronçons de
racines laquelle donne de prompts et assurés résultats.
Dans ce cas, en avril, on arrache les vieux pieds et on coupe
les racines en tronçons de 0^10. On les divise en deux
lots formés l'un de grosses racines, l'autre de petites. Los
premières seront directement utilisées et plantées à 0^*25
les unes des autres ; les plus petites seront mises en pépi-
nière et ne serviront que l'année d'après. La plantation
doit être faite en terre bien fumée. La reprise est assurée
et dès juin le carré est couvert de verdure. Il est utile
d'arroser. En mars de l'année qui suit la plantation, on ra-
mène la terre sur les lignes et l'on couvre chaque pied
d'un pot à fleur. Les feuilles ne tardent pas à pousser, on
les récolte en les coupant avec le rameau qui les porte. —
En Angleterre, cette plante est fréquemment soumise à la
culture forcée, laquelle est faite sur place en recouvrant les
carrés de châssis et établissant des réchauds entre ceux-ci.
Dans ce cas, l'on récolte environ 2^^500 par châssis. J. D.
IIL Art culinaire. — Le chou marin peut être préparé
au beurre ou à la sauce blanche comme le chou-fleur et
l'asperge. Sa saveur se rapproche un peu de celle de ces
légumes. Quelques minutes dans l'eau bouillante suflisent
pour le faire cuire. Quand il a été coupé un peu trop
développé, il possède un goût d'amertume qu'on lui enlève
facilement en le faisant blanchir dans une première eau.
CRAMBOURNE (Vicomte) (V. Cecil [Robert]).
CRÂMENIL. Com. de l'Orne, arr. d'Argentan, cant.
de Briouze; 365 hab.
CRAMER (Gaspard), corecteur de l'école de Salzbourg,
vivait dans la première moitié du xvii^ siècle. Dans l'ou-
vrage, Anvmœ sauciatœ medela, etc. (Erfurt, 1641, in-8),
il y a soixante-dix chorals dont plusieurs sont de sa com-
position ; les autres appartiennent à des auteurs allemands.
Beaucoup d'entre eux sont chantés dans l'Eghse luthérienne.
CRAMER (Nicolas), peintre, né à Leyde en 1670, mort
en 1710. H était élève de G. Van Miens et de Karl Moor,
dont il fut l'ami et le disciple fidèle. Il a laissé dans la
manière de ce dernier des portraits et des tableaux de
genre, bien dessinés et exécutés avec le plus grand soin.
CRAMER (Johann-Georg), jurisconsulte allemand, né à
Leipzig le 6 janv. 1700, mort le 3 mars 1763. Il fut reçu
docteur à Francfort-sur-l'Oder et vint faire des cours de droit
pubhc à Leipzig oii il fut professeur titulaire en 1752. On
a de lui : Nova Litteraria^ quœ disputationes aliasque
commentatiunculas theologicas^ juridicas, medicas et
philosophicas recensent (Leipzig, 1727, in-4, anonyme) ;
Disputatio de natura et indole delictorum et pœnarum
(i liS et 1738) ; Brevis introducMo in historiam rerum
germanicarum litterariam (1728, anonyme); Dispu-
tatio de concussionibus advocatorum (i 729) ; Disqui-
sitio an advocati in republica sint tolerandi (1729);
Programma de conjungendo juris et antiquitatum ger-
manicarum studio (1729); Comme^itarii de juribus
et prœrogativis nobilitatis avitœ ejusque probatione
(1739).
CRAMER (Gabriel), mathématicien suisse, né à Genève
le 31 juil. 1704, mort à Bagnols en 1752. Il concourut
dès vingt ans pour la chaire de philos^hie de Genève, qui
fut alors donnée à Calendrini, et qu'il ne devait obtenir
qu'en 1750, cette fois sans concours. Mais, dès 1724, le
conseil de la république de Genève instituait une chaire de
mathématiques, qui tut partagée entre Calendrini et Cramer
dont les thèses sur le son avaient été fort remarquées.
Toutefois le jeune professeur ne put longtemps remplir ses
fonctions ; sa santé, altérée par le travail, le força à quit-
ter Genève en 1727 pour voyager en France et en Angle-
terre. Il se créa à cette occasion de nombreuses relations
scientifiques et se lia particulièrement à Bâle avec Jean et
Nicolas BernouUi. En 1 731 , il obtint le premier accessit
pour le prix proposé par l'Académie des sciences de Paris
et décerné à Jean Bernoulli, sur la cause de l'inclinaison
des orbites des planètes. Rentré à Genève, Cramer avait
alors repris ses travaux et il les poussait avec activité
dans toutes les directions. Il a pubMé, dans les recueils
scientifiques du temps, de nombreux mémoires ; mais les
plus grands services qu'il ait rendus à la science sont,
d'une part, les éditions des œuvres des premiers Bernoulli
(celles de Jean en 1742, de Jacques en 1744) et du Com-
mercium epistolicum entre Leibniz et Jean Bernoulli
(1745); d'autre part, la publication de son Introduction
a V analyse des courbes algébriques (Genève, 1750,
in-4), ouvrage qui est longtemps resté un guide indispen-
sable sur cette matière, bien qu'il eût été devancé de deux
ans par Euler, qui a traité du même sujet dans son Intro-
ductio inanalysin infmitorum,
CRAMER (Johann-Ulrich, baron de), jurisconsulte et
philosophe, néà Ulm le 8 nov. 1706, mort à Wetzlar le 18
juin 1772.11 étudia le droit et la philosophie à l'université
de Marbourg, sous la direction de Wolff, avec lequel il se
lia d'amitié. Il fut professeur de droit en 1733 et occupa
plusieurs fonctions publiques. Il fut nommé juge au tribunal
de Wetzlar et créé baron par Charles VIL II a laissé les
ouvrages suivants : Opuscula (1742-56, 4 vol.) et un
supplément (1767); Wetdarische Nebenstunden (Ulm,
1755-73, 32 vol.) ; Observationes juris universi (1758-
72, 6 vol.); Wetzlarische Beitrdge (1763, 4 vol.) ; Sys-
tema processus imperii (1764-67).
CRAMER (Les). Famille de musiciens allemands dont le
chef fut Jacques Cramer, flûtiste à Mannheim, mort en
1770. — Son fils aîné, Jean Cramer, né en 1743, fut musi-
cien de la cour, à Munich. — Le second, Guillaume Cra-
mer, né en 1745, se fixa en Angleterre en 1772 comme
violoniste et chef d'orchestre, et y mourut le 5 oct. 1800.
— Des trois fils de Guillaume Cramer, tous musiciens, le
plus célèbre fut Jean-Baptiste Cramer, né à Mannheim le
24 févr. 1771, mort à Londres le 16 avr. 1858. Elève
de Clementi pour le piano et de C.-F. Abel pour l'harmo-
nie, il obtint de bonne heure les plus beaux succès de vir-
tuose, à Londres et sur le continent ; les principales qua-
lités de son jeu étaient une égalité parfaite des deux mains,
beaucoup de charme et d'expression dans le style lié et
l'adagio, une habileté consommée dans la lecture à pre-
CRAMER
-- 256
mière vue ; on le plaçait, comme virtuose, entre Clementi
et HummeL Ses œuvres, excellentes de facture, mais
pauvres d'invention, comprennent cent cinq sonates, sept
concertos, une méthode, deux recueils d'études, et une
multitude de morceaux divers ; tout cela est oublié aujour-
d'hui, sauf ses études, demeurées classiques et souvent
réimprimées. J.-B. Cramer avait fondé à Londres une
importante maison d'édition et de commerce de musique. —
Fraiiçois Cramer, fils de Jean Cramer et cousin de Jean-
Baptiste, hé à Munich en 1786 se fit connaître en Allemagne
par la composition de concertos, morceaux de piano, etc.,
d'un opéra intitulé Hidallan, et d'un ballet joué à Mu-
nich. — H, Cramer ou simplement Cramer est un nom
employé comme pseudonyme, depuis le milieu du xix® siècle,
par divers musiciens pour la publication d'airs variés,
petites fantaisies et autres arrangements de morceaux
d'opéras, sans mérite artistique, M. Brenet.
CRAMER (Johann- Andréas), orateur et écrivain alle-
mand, né à Jôhstadt en Saxe le 27 janv. 1723, mort à Kiel
le 12 juin 1788. Il étudia la théologie à Leipzig, où il
collabora aux Bremer Beitrdge^ le premier organe qui
défendit en Allemagne les idées rénovatrices de Klopstock.
Il fut ensuite prédicateur à Crellwitz (1748) et à Quedlin-
burg (1750). L'influence de Klopstock le fit appeler, en
1754, à Copenhague, où il prêcha avec succès, et où il
enseigna la théologie. La mort du roi Frédéric V le priva
de son protecteur ; il se rendit à Lubeck, et enfin à Kiel,
où il devint chancelier de l'université. Les odes de Cramer
sont, pour le fond et pour la forme, des imitations de
Klopstock; la meilleure est VOde à Luther. Une partie de
ses cantiques sont restés dans le culte. Ses poésies com-
plètes ont paru en deux recueils, Sammtliche Gedichie
(Dessau et Leipzig, 1782-1783, 3 vol.), et Hinterlas-
sene Gedichte^ publiés par son fils Karl Friedrich (Ham-
bourg, 1791, 3 vol.). Cramer a écrit encore une biographie
de Gellert, une traduction de VHistoire universelle de
Bossuet continuée jusqu'au xvni® siècle, et une paraphrase
versifiée des Psaumes. A. B.
CRAMER (Peter), peintre danois, né en 1726, mort en
1782. Il fut peintre de décors au Théâtre royal de Copen-
hague à partir de 1762 et devint membre de l'Académie
des beaux-arts. On lui doit des tableaux dans le genre des
Ténier et des Ostade. B-s.
CRAMER (Karl-Friedrich), fils de Johann-Andreas, né à
Ùuedlinburg le 7 mars 1752, mortà Paris le 8 déc. 1807.
Il fit ses études à Gottingue, où il se rattacha au groupe
poétique dont Bùrger et Voss étaient les chefs. Appelé
à l'université de Kiel en 1775, il se fit connaître comme
poète et comme publiciste; mais ses sympathies pour la
Révolution française le forcèrent, en 1791, à quitter sa
chaire. Il se rendit à Hambourg, et de là à Paris, où il se
ruina dans des entreprises de librairie. Frédéric Cramer
est surtout connu par ses deux ouvrages sur Klopstock,
où son admiration éclate en éloges enthousiastes, et qui
contiennent encore d'utiles renseignements : Klopstock,
Er und ûber ihn (Hambourg, 1779-1792, 5 vol.), et
Klopstock, in Fragmenten aus Brie f en von Tellow an
Elisa (Hambourg, 1777-1778, 2 vol.). Ses impressions
sur la Révolution et l'Empire sont consignées dans les
publications suivantes : Tagebuch aus Paris (Paris, 1800,
2 vol.), Indiuidualitâten aus und ûber Paris (Ams-
terdam, 1806-1807, 4 vol.) et Ansichten der Haupt-
stadt des franzôsischen Kaiserreichs, en collaboration
avec Pinkerton et Mercier (Amsterdam, 1807-1808, 2 vol.).
CRAMER ( Andréas- Willielm), philologue et juriscon-
sulte danois, né à Copenhague le 24 déc. 1760, mort le
23 janv. 1833. Frère du précédent, il fut professeur de
droit et premier bibliothécaire à l'université de Kiel, et
devint, en 1810, conseiller d'Etat du roi de Danemark.
Il s'occupa de philologie sur la fin de sa vie. Parmi ses
œuvres philologiques, il faut signaler une édition de
portions inédites des discours de Cicéron, une édition
d'anciennes scholies sur Juvénal, des dissertations sur
Aulu-Gelle, une vie de saint Augustin. Comme œuvres
de droit, il a laissé un certain nombre de disserta-
tions de droit romain, et divers articles de droit romain
dans le Magasin de jurisprudence de Hugo, de 1798,
la Gazette de jurisprudence historique et la Biblio-
thèque universelle allemande,
BiBL. : Dr. Fr. von Holtzendorff, Rechtslexikon.
CRAMER (Catarina-Christina Gârdell, dame), poétesse
suédoise, née en 1786, morte en 1864. Elle publia
en 1832 un recueil de Poésies de circonstance, dont
quelques-unes pleines de sentiment. ~ Un de ses fils, Her-
man-Johan-Carl Cramer, né en 1808, a été lecteur à
Visby (1835-1879), et a publié plusieurs bons ouvrages
de météorologie, entre autres : la Loi des tempêtes (185^6);
De la Circulation de V atmosphère (;i^QO), B-s.
CRAMER (John Antony), philologue anglais, né à
Mittoden (Suisse) en 1793, mort à Scarborough le
24 août 1848. Il fut professeur d'histoire moderne à Ox-
ford (1842) et doyen de Carhsle (1844). Il a publié :
Dissertation of the passage ofHannibal over the Alps
(Oxford, 1820) ; Description of ancient Italy (1826,
2 vol.) ; Description of ancient Greece (1828, 3 vol.);
Description of Asia Minor (1832, 2 vol.); Anecdota
Grœca (1839-1841, 4 vol.); Catenœ Grœcorum pa-
triim in Nov, Testamentum (1838-1844, 8 vol.). Il a
encore imprimé la leçon d'ouverture de son cours {On the
study of Modern History, 1843) et donné à la Camden
Society une édition des Travels of Nicander Nucius of
Corcyra in England i?i the reign of Henry VHI
(1841).
CRAMER (Frédéric- Auguste), magistrat et historien
suisse, né le 27 oct. 1795 à Lyon', mort à Genève le
14 déc. 1855. Il appartenait à une ancienne famille patri-
cienne genevoise, originaire de l'Allemagne, fixée d'abord
dans le Holstein, puis à Lubeck, admise en 1668 à la
bourgeoisie et qui donna à sa nouvelle patrie plusieurs
savants de premier ordre. Son père, Gabriel Cramer, mo-
mentanément banni de la petite république par les agita-
tions politiques qui la troublèrent pendant tout le cours du
xvui® siècle, avait fondé dans la grande cité française une
importante maison de commerce. Frédéric-Auguste Cra-
mer revint à Genève et s'enrôla en 1813 comme volontaire
dans le 14^ régiment de dragons, levé par Napoléon après
la campagne de Russie. Blessé et fait prisonnier à la ba-
taille de Leipzig, il reprit, après une captivité de quelques
mois en Allemagne, ses études juridiques à Strasbourg, se
fit naturaliser Français et devint substitut du procureur
général au près de la cour royale de Colmar. Revenu en
1824 à Genève, Fréd.-Aug. Cramer occupa d'abord avec
talent plusieurs postes dans la magistrature, puis entra
en 1824 au conseil d'Etat et fut nommé successivement
lieutenant do police, député à la Diète fédérale, syndic de la
République. La révolution de 1841 interrompit brusque-
ment sa carrière politique. Après l'échec des idées qui lui
étaient chères. Cramer continua à les défendre, comme
membre influent de la minorité, soit dans les assemblées
constituantes de 1842 et de 1847, soit dans les grands
conseils radicaux jusqu'en 1850. Il s'occupa d'histoire et
d'économie politique et publia notamment des Notes ex-
traites des registres du Consistoire de Genève de i64i
jusqu'en 18 14, autographiées à cent exemplaires, qui
contiennent des détails curieux sur le xvi® siècle.
CRAMER ( Johan-Niklas) , publiciste et pédagogue sué-
dois, né à Visby le 18 févr. 1812. Il fut successivement
(1840-1858) adjoint, lecteur, recteur à la haute école de
sa ville natale, et reçut les ordres en 1842, quoiqu'il fût
pour la séparation de l'école et de l'Eglise, et qu'il pros-
crivît tout enseignement religieux dans les écoles primaires.
Il n'eut d'ailleurs jamais à remplir de fonctions ecclésias-
tiques. Il a exposé ses doctrines rationalistes dans : Notes
éparses d'un libre penseur (1859); Profession de foi
(1862) ; En avant ou en arrière (1862) ; Questions de
conscience (1 864-9) ; Païen ou Chrétien (1 882) . On lui doit
— 257 —
CRAMER — CRAMPON
aussi: Etymologie et syntaxe suédoises (1839 ; 2® édit.
1843) ; Orthographe suédoise (i840; 3« édit., 1859);
Deux Conditions pour les progrès de V école (4845) ;
Mon Dernier Mot dans les questions scolaires (1887) ;
Excursions dans Vile de Gotland et une nuit sur mer
(4872). B-s.
CRAMER ( Julian) , pseudonyme de Joseph Lemuel Chester
(V. ce nom).
CRAMINAGE (Tannerie). Le craminage est une opéra-
tion que l'on a souvent à pratiquer avant de tanner les
peaux et qui a pour but de faire disparaître le raccornis-
sement et la raideur que contractent les peaux conservées
par la dessiccation. Elle se pratique pendant le temps que les
peaux sèches sont mises dans 1 eau, afin de les ramener
au degré de souplesse convenable. Pour cette opération,
elles sont étendues, nettoyées et assouplies convenablement.
L'opération de craminage se fait à l'aide du chevalet de
rivière, au moyen du couteau rond. On supprime ce tra-
vail pour les peaux fraîches ou vertes. L. Knâb.
CRAMOISY (Cramisiacum). Corn, du dép. de l'Oise,
arr. de Senlis, cant. de Creil, sur le Thérain; 552 hab.
Stat. du ch. de fer du Nord. La seigneurie dépendait de la
baronnie de Mello et il y avait un manoir fortifié. L'église
a un clocher roman du xii^ siècle et quelques parties
gothiques. Le hameau principal est Maysel, qui constituait
une seigneurie particulière avec château fort dépendant de
Mello. L'église de Maysel est gothique. On a trouvé de
nombreux sarcophages sur un plateau au-dessus de Cra-
moisy. Filature de laines, coutellerie. C. Sr-A.
CRAMOISY. Famille d'imprimeurs et de libraires pari-
siens très distingués. — Sébastien /^^, reçu libraire en
1589, devint libraire juré en 4640. — L'aîné de ses fils,
Sébastien //, né à Paris en 4585, mort le 29 janv. 1669,
est le plus célèbre de la famille. Reçu hbraire et imprimeur
en 1602, il fut élu syndic de la communauté le 8 juin
1628 et consul le 31 janv. 1636. Le meilleur typographe
et le plus grand éditeur de livres grecs, latins et français
de son temps, il fut nommé directeur de l'Imprimerie
royale du Louvre lors de sa création en 1640. Très estimé
pour ses talents et sa probité, il exerça les fonctions
d'échevin de la viMe de Paris (1641), d'administrateur des
hôpitaux et déjuge-consul (1652). — Son petit-fils, Sébas-
tien Mabre-Cramoisy (né en 1642, mort le 9 juin 1687),
lui succéda comme premier imprimeur du roi et directeur
de l'Imprimerie royale, et sa veuve en conserva le titre jus-
qu'en 1691, date à laquelle fut nommé Jean Anisson
(V. ce nom). — De deux frères de Sébastien II, reçus
libraires en 1618 et 1629, Claude (mort le 27 mars 1680),
devint chef des travaux à l'Imprimerie royale en 1645, et
Gabriel (mort la 5 oct. 1663) en fut le sous-directeur. —
Andréa fils aîné de Claude, reçu libraire en 1655, impri-
meur en 1687, s'en démit en 1712 et mourut avant 1723.
— Son frère, Sébastien III^ libraire en 1663, mourut
avant 1708, laissant un fils, Sébastien /F, libraire depuis
1688, mort le 28 févr. 1709. G. P-i.
BiBL. : LoTTiN, Catal. chronol. des libraires^ 1789. —
G. Peigkot, Diet. de bibliologie^ 1802, t. I^'-. — A. Ber-
^'AR^), Hist. de Vhnprimerie royale, 1867.
CRAMONT. Corn, du dép. de la Somme, arr. d'Abbe-
ville, cant. d'Ailly-le-IIaut-Clocher ; 495 hab.
CRAMP (John Mockett), théologien anglais, né en 1796,
mort au Canada en 1881. Cramp fut nom'mé, dès sa vingt-
deuxième année, pasteur d'une église baptiste à Londres.
Il fut dans la suite vicaire de son père à Saint-Pierre (île
de Thanet), En 1844, il fut appelé à Montréal, en qualité
de directeur du collège -baptiste de cette ville. Plus tard, il
remplit les mêmes fonctions à Acadia Collège, et se retira,
en 1869, de la vie active pour se consacrer entièrement à
l'étude de la théologie. On lui doit une histoire de la Réfor-
mation en Europe et une histoire des communautés bap-
tistes. Il a composé de plus un Système de théologie chré-
tienne qui n'a pas été publié. C. Q.
CRAMPAGNA. Com. du dép. de l'Ariège, arr. de Pa-
GRÂNDE ENCYCLOPÉDIE. — XIll.
miers, cant. de Varilhes; 625 hab. Grande minoterie. —
Grotte de la Sarrazine, du fond de laquelle sort un ruis-
seau d'eau incrustante qui se jette dans l'Ariège.
CRAMPE (Méd.). La crampe est une contraction dou-
loureuse, involontaire et passagère d'un faisceau plus ou
moins considérable de fibres musculaires. Elle n'a aucun
rapport avec les convulsions, ni avec les contractures,
ni avec le rhumatisme musculaire. A l'état de crampe,
le muscle est dur, tendu, gonflé, moins cependant que
dans les contractions musculaires énergiques ; la douleur
qui accompagne la crampe est agaçante en même temps
que pénible; elle est localisée et peut ne pas disparaître
entièrement avec la cessation de la contraction. Dans les
crampes très intensives, il peut y avoir rupture de quel-
ques fibres musculaires et même de petits vaisseaux,
comme dans la forme légère du coup de fouet (V. ce mot).
Très fréquente dans les muscles du mollet, la crampe peut
affecter tous les muscles des membres inférieurs ; elle
s'observe plus rarement dans les muscles des membres
supérieurs et les autres muscles du corps. Quant aux
causes de la crampe, on peut signaler la fatigue muscu-
laire, les mouvements exceptionnels (ascension des mon-
tagnes, danse), la fausse position d'un membre, et une
foule de circonstances qui mettent l'activité musculaire en
jeu ; des auteurs assurent que les excitants du système
nerveux central, vin blanc, alcool, café, thé, etc., prédis-
posent aux crampes ; celles-ci sont fréquentes dans les
empoisonnements. Toute cause d'excitation des nerfs peut
déterminer des crampes (compression, piqûre, irritation dé
nature quelconque) ; on les observe dans les maladies gé-
nérales, les dyscrasies, quand la circulation artérielle et
veineuse est gênée ; c'est dans ce dernier cas que la crampe
prend sa plus grande importance (crampes des femmes en
couche, du choléra, des variqueux, des personnes qui
portent des bandages trop serrés). Quant à la nature de la
crampe, elle peut être considérée comme une contraction
tonique permanente, comme le. premier degré de la con-
tracture (V. ce mot), dont elle se distingue par la douleur
et l'état passager. L'élément douleur est difficile à expli-
quer; on peut admettre comme démontré, en attendant de
nouveaux éclaircissements, que cette douleur est localisée
au muscle et qu'elle est due à l'irritation des nerfs sensi-
tifs spéciaux qu'il renferme. — On fait disparaître les
crampes par le repos complet ou par la contraction des
muscles antagonistes; on recommande aussi les frictions
avec la main sèche ou huilée, les frictions d'alcool, les
bains locaux et, dans les cas rebelles, le courant électri-
que interrompu; on a encore recours à la compres-
sion du creux poplité dans les cas de crampes persistantes
du mollet (choléra).
Crarnpe d'estomac. Douleur vive, localisée à la région
épigastrique. On désigne par ce terme à la fois les douleurs
provoquées par la gastralgie (V. ce mot) et celles résul-
tant des cohques hépatiques.
Crampe des écrivains (V. Paralysie). D'' L. Hn.
CRAMPON. I. Technologie. — Petite pièce de métal pliée
aux deux bouts et qui sert à lier ou à guider. Les crampons
sont de trois sortes : k pointes,, à pattes et à scellement.
Les crampons à pattes et à pointes sont des pièces de quin-
caillerie, qui servent ordinairement de gâches et de con-
duits pour les serrures, les verrous, les targettes ; on les
appelle aussi cramponnets ou picolets. Les crampons à
scellement sont employés pour unir les pierres de taille
avec plus de force dans les constructions qui exigent une
très grande solidité. Ils sont ordinairement entaillés de
leur épaisseur dans la pierre et scellés au plomb, au soufre,
au ciment ou au plâtre. L. Knab.
IL Chemin de fer. — Les crampons sont de gros
clous qui servent à fixer les rails du type Yignole sur les
traverses en bois qui les supportent; leur tête porte sur
le bord du patin du rail. La longueur des crampons est de
15 cent, environ; on les fait en fer ou en acier et leur
poids varie de 250 à 300 gr. Depuis quelques années on les
17
CRAMPON - CRANACH
258
remplace par des tire-fonds ou clous à vis, qui ont l'aYan-
tage de mieux maintenir le rail sur la traverse (V. Tire-
fond). G. H.
ni. Art militaire. — Crampon d^ assaut. Espèce de cro-
chet que le soldat attachait à sa chaussure pour monter à l'as-
saut, ou qu'il enfonçait dans le mur pour y fixer les échelles.
IV. Botanique. — On a donné le nom de crampon à des '
racines adventives, servant d'organes de fixation et qui
naissent le long des tiges de plantes grimpantes telles que
le lierre. Ces crampons se transforment en véritables racines
s'ils se trouvent en contact avec le sol (V. Racine).
V. Art héraldique. — Figure artificielle ayant à peu
près la forme d'un Z aiguisé aux deux extrémités, repré-
sentant l'instrument que les gens de guerre portaient lors-
qu'ils allaient escalader quelque place.
, CRAWIPTON (Sir John Fiennes Twisleton), diplomate
anglais, né le 12 août 1805, mort à Bushey Park, près
Bray, le 5 déc. 1886. Attaché à Turin le 7 sept. 1826,
puis à Saint-Pétersbourg (1828), à Bruxelles (1834), à
Vienne (1839), secrétaire de légation à Berne (1844), il
devint, en 1845, secrétaire de légation à Washington, où
il exerça encore les fonctions de chargé d'affaires de 1847
à 1849 et de 1850 à 1852. Il y rendit de grands services
à son gouvernement en y recrutant, au vif déplaisir des
Américains qui rompirent toute relation diplomatique avec
lui, des soldats pour la guerre de Crimée. Remplacé à
Washington, il fut nommé ministre plénipotentiaire et en-
voyé extraordinaire à Hanovre le 2 mars 1857, puis à
Saint-Pétersbourg le 31 mars 1858, et à Madrid le 11 déc.
1860. Il prit sa retraite en 1869.11 avait épousé, en 1860,
Victoire Balfe, fille du compositeur Michel Balfe, et can-
tatrice de grand talent, avec laquelle il divorça en 1863.
C R A M PTO N (Thomas-Russell) , ingénieur et mécanicien
anglais, né à Broadstairs (comte de Kent) en 1816, mort
le 25 avr. 1888. Il est surtout connu en France par les
locomotives à grande vitesse qui portent son nom et qui
ont été adoptées dès 1 848 par la compagnie du Nord pour
ses trains express ; elles ont valu à leur inventeur la croix
d'officier de la Légion d'honneur (1855). On doit en outre
à M. Crampton la pose du premier câble sous-marin entre
Calais et Douvres (1851), l'exécution d'importants travaux
hydrauliques et de lignes de chemins de fer en Angleterre
et sur le continent, d'intéressantes études pour le perce-
ment du tunnel projeté sous la Manche, etc. L. S.
Machine Crampton. — La machine Crampton a pour
caractère essentiel la position des roues motrices tout à
l'arrière de la chaudière, au delà du foyer . Cette dispo-
sition, en dégageant complètement l'essieu moteur du
corps de la chaudière, permet d'adopter un grand diamètre
des roues avec une faible élévation du centre de gravité
général, circonstance favorable à la stabilité et à la dou-
ceur d'allures. Tout le mécanisme, placé extérieurement, se
trouve, comme les roues motrices elles-mêmes, reporté vers
l'arrière, ce qui contribue à la stabihté en marche. L'essieu
moteur passe au-dessous de la porte du foyer, au-dessus
de la plate-forme du mécanicien : il est isolé par une en-
veloppe en tôle. Les machines Crampton ont fait preuve
d'excellentes qualités pour la traction des trains rapides à
faible charge, sur des profils faciles, avec de longs par-
cours sans arrêt. Mais elles ne sont aptes à développer ni
un grand effort de traction, ni une grande puissance en
marche soutenue. La faiblesse relative de l'effort de trac-
tion résulte de l'insuffisance du poids adhérent : non seu*
lement ce poids ne peut dépasser la charge normale d'un
essieu (d 2 à 14 tonnes), mais il est même difficile d'at-
teindre cette charge, en raison de la position de l'essieu,
trop éloigné du centre de gravité. L'effort disponible reste
sans doute plus que suffisant pour remorquer à de grandes
vitesses un train modérément chargé : mais il ne permet de
démarrer qu'avec une assez grande lenteur ; en outre, il
limite à un chiffre très faible la charge des trains pour les pro-
fils en rampe. Depuis une vingtaine d'années, les exigences
croissantes du trafic et la grande augmentation de charge des
trains express ont obligé à abandonner presque partout le
Machine Crampton.
type Crampton et généralement les machines à roues libres,
pour adopter la locomotive à deux essieux couplés, capable
de fournir les mêmes vitesses, avec un développement d'ef-
fort et de puissance bien supérieur. E. Desdouits.
CRAN. I. Botanique (V. Cochleariâ).
II. Typographie. — Petite entaille faite à la lettre pour
indiquer le sens dans lequel elle doit être placée dans le
composteur (V. Composition, t. Xll, p. 212)»
ni. Art militaire. — Cran de mire. Entaille prati-
quée sur la hausse d'une arme à feu ou quelquefois sur
Parme elle-même, et formant, avec le guidon, la ligne de
mire (V. Hausse).
CRANACH (Lucas) le Vieux, peintre-graveur allemand,
né à Cranach, près deBamberg (dans la Haute-Franconie),
le 4 oct. 1472, mort à Weimar le 16 oct. 1553. Son
nom de famille était Lukas MûUer (et non pas Siinder,
comme on l'a cru longtemps); mais c'est sous le nom
de son lieu de naissance qu'il est surtout connu et univer-
sellement désigné. Il fut le fondateur et reste la gloire
de l'école de Franconie. Les œuvres de sa façon et de son
259 —
CRANACH
atelier, véritable usine à tableaux qu'il établit à Witten-
berg et que son fils continua de diriger après sa mort,
sont innombrables. La présence du monogramme connu (le
serpent ou dragon ailé ou couronné) n'est pas du tout une
garantie que le tableau qui en est revêtu soit de la main
du maître. Dès 1504, Cranach est peintre de la cour de
l'électeur Frédéric le Sage, et établi dans la ville de Wit-
tenberg, oii il a ouvert son atelier, et qui devait l'élire
deux fois bourgmestre (en 1537 et 4540). En 1508,^ Fré-
déric lui accorde des lettres de noblesse et l'envoie en
1509 « pour faire briller son talent » dans les Pays-Bas
comme ambassadeur auprès de l'empereur Maximilien pour
assister aux fêles qui allaient se célébrer en l'honneur de
Charles V. Sous les successeurs de Frédéric, Cranach con-
serva son titre de peintre de la cour ; il fut surtout étroite-
ment attaché à Frédéric le Magnanime qu'il suivit en cap-
tivité après la bataille de Muhlberg, à Augsbourg d'abord,
puis, après sa déhvrance, à Weimar. C'est là que le fidèle
et loyal artiste mourut, à l'âge de quatre-vingts ans, l'année
suivante. Il fut un des premiers et des plus fervents adeptes
de Luther, qui l'avait mis dans la confidence de ses grands
desseins avant de partir pour Worms, et qui, dans toutes
les circonstances de sa vie, lui témoigna la même amitié et ^
la même confiance.
On ne connaît pas ses œuvres de jeunesse. Le premier
tableau de lui que l'on puisse citer est le Repos en Egypte,
daté de 1504, c.-à-d. de sa trente-deuxième année; c'est
une œuvre charmante pour la fraîcheur, la sincérité et la
bonhomie du sentiment (collection Friedlcr à Munich). On
peut suivre dans les gravures sur bois des années sui-
vantes le développement de son talent, empreint d'un pro-
fond et naïf naturalisme : Samt George^ Saint Michel^
Saint Antoine (1506), Vénus et V Amour ^ Jugement de
Paris (1508), Saint Jérôme, Abigaïl, etc., etc. Quel-
ques influences de Griinevald et de Diirer s'y font encore
sentir; mais sa personnalité se dégage énergiquement dans
le caractère des têtes et le modelé des nus d'une fermeté
et d'une vigueur singulières sans avoir encore la sécheresse
minutieuse et l'intraitable exactitude qui lui tiendront lieu
de beauté. Dans la Vénus et l'Amour^ tableau de 1509
(musée de l'Ermitage), qui pour la qualité de la couleur et
la vivacité du sentiment est tout près du Repos en Egypte,
on voit paraître le dragon, qui sera dès lors comme sa
marque de fabrique, et qu'il emprunta aux armoiries que
Frédéric venait de lui accorder. Jusque vers 1520 environ,
son style conserve un caractère assez différent de celui qu'il
devait adopter dans la suite. Son sentiment de la forme est
plus large ; il peint alors de grands tableaux d'autel ; son
exécution a plus de liberté et d'ampleur ; il n'a pas encore
adopté l'espèce de canon qu'il se fera plus tard, et sa
couleur est, dans cette première période, également plus
énergique et plus dorée ; il la modérera et la refroidira peu
à peu. Parmi les travaux de sa première manière, on peut
citer : un grand tableau d'autel à Notre-Dame de Torgau
(1505); une Descente de croix, dans l'église Notre-Dame
de Lubeck; Saint Wilibald, dans la galerie de Bamberg,
et la Couronne de roses, au Dôme; V Adoration des
rois, à Saint- Wenceslas de Naumbourg ; la Madone et le
Mariage de sainte Catherine (iM6), à FHôtel-Dieu de
WôrHtz; à Notre-Dame de Halle, un important tableau
d'autel, Marie entourée d'anges avec, en bas, le Cardi-
nal Albert de Brandebourg donateur (tout n'est pas de
la main de Cranach) ; au musée de Berlin, Sainte Anne et
Saint Jérôme au désert ; la Mise au tombeau, de l'Aca-
démie de Vienne; VEcce homo, des Uffizi; la Mise en
croix, du Stadel's Institut de Francfort; le portrait de
Cari Scheurl du Musée germanique à Nuremberg; deux
portraits à la galerie de Dresde, etc., etc.
Mais c'est surtout par les œuvres de sa dernière manière
et par les innombrables imitations que ses* élèves en ont
faites que Cranach est connu de la postérité : ce sont elles
qui ont déterminé l'idée qu'on se fait de son art. Son des-
sin y est d'une précision et d'une sincérité qui n'accordent
rien à la beauté ; mais la convention s'y glissera quelque-
fois et même dans certaines figures nues de femmes, Eves,
Vénus, Dianes, un maniérisme d'ailleurs plein de saveur
dans sa mièvrerie naïve et ses subtiles gaucheries. Par son
mélange de fortes qualités et de défauts, il est absolument
et, si l'on peut dire, délicieusement germanique : il reste, à
côté et au-dessous de Diirer dont il n'a pas les divinations
supérieures et la profondeur, un des artistes les plus repré-
sentatifs et les plus populaires de la vieille Allemagne.
Son œuvre est d'une extraordinaire variété : sujets
bibliques, mythologiques, il a tout abordé, et, comme il a
été le témoin ardent et convaincu d'une grande crise reli-
gieuse, ses tableaux inspirés de l'Ecriture sainte reflètent
les influences et les doctrines de son temps et de son milieu.
Ils sont d'abord conformes à l'esprit du culte catholique pour
les églises de qui ils sont faits. Aux tableaux déjà cités, il
convient d'ajouter la Madone aux raisins et la Vierge
avec V enfant, dans un cadre rond, de la Pinacothèque de
Munich ; celles de l'église Saint-Jacques à Innsbruck ; du
dôme de Kœnigsberg; la Madone sous le pommier, de
l'Ermitage de Saint-Pétersbourg, etc., etc.
Dans les sujets empruntés à l'Ancien et au Nouveau Tes-
tament, son naturalisme intransigeant se donne libre car-
rière ; parmi les plus caractéristiques, la Femme adultère
devant le Christ (les Pharisiens sont représentés sous les
espèces de gros bourgeois à besicles et à trognes caricatu-
rales) ; les Judith et Holopherne, de Gotha (1531), Vienne,
Dresde, Cassel, Stuttgart ; Samson et Dalila, de l'hôtel de
ville d'Augsbourg; les Laissez venir à moi les petits
eîifants, de Budapest, Naumbourg et Leipzig ; la suite de la
Passion, à Berlin.
Parmi les tableaux peints sous l'influence de Luther
(Luther ne condamnait pas absolument, comme Calvin,
l'usage de toute décoration picturale dans les églises), il en
est dont le titre seul révèle l'inspiration nouvelle; par
exemple la Loi et la Grâce ou la Chute et la Rédemp-
tion (tableaux de l'église paroissiale de Schneeberg, du
musée de Weimar, du Musée germanique de Nuremberg,
de l'église paroissiale de V^ittemberg, etc., etc.). Les por-
traits des principaux réformateurs et de leurs disciples se
retrouvent fréquemment dans les ouvrages de cette série.
Mais Cranach ne s'interdisait pas les sujets mythologiques et
païens. Il n'y a d'antique assurément que le nom dans les
Vénus et V Amour (Berlin) ; Apollon et Diane (Weimar,
Cassel et galerie Lichtenstein) ; Jugement de Paris
(Darmstadt, Gotha, Wôrlitz, Karlsruhe) ; Famille de faunes
(Donaueschingen) ; Hercule et Omphale, elles nombreuses
Lucrèces, que son aleher a répétées à satiété. Il a aussi
peint quelques scènes allégoriques, comme la Fontaine de
Jouvence, du musée de Berlin, et les Scènes de mort
(1518), du musée de Leipzig (répétition à Vienne et à
Prague). Enfin, des scènes de chasse, dont la plus impor-
tante a^ildi Chasse au cerf, dn château de Prague (1529).
Les portraits de sa main sont nombreux ; ce sont d'abord
ceux des trois électeurs dont il a été le peintre officiel, et
des membres de leur famille ; puis ceux de ses amis per-
sonnels, et, avant tous, ceux des réformateurs, Luther et
Catherine de Bora sa femme, Melanchthon, Bugenhagen.
Beaucoup sont de simples répétitions fabriquées dans son
atelier. — Les gravures sur cuivre de Cranach sont rares ;
en dehors de quelques portraits d'électeurs et des trois
portraits de Luther de 1519, 1520 et 1521, on ne connaît
que la Pénitence de saint Chrysostome (1509), pièce
d'une grande importance. En revanche, ses gravures sur
bois (et celles de son atelier) sont nombreuses : scènes de
l'Ancien et du Nouveau Testament, légendes de saints, scènes
mythologiques, épisodes de la vie réelle, sujets allégoriques,
portraits ; suites de la Passion, des Martyres des apôtres.
Passion du Christ et de l'Antéchrist (feuilles de polé-
miques religieuses qu'il répandait comme un journal de pro-
pagande et de combat aux jours de la Réforme ; V Antéchrist^
c'était le pape); scènes de chasse, de tournois, etc., etc.
Enfin, dans les différents cabinets européens, on trouve un
CRANACH — CRANE
— 260 —
assez grand nombre de dessins originaux du maître (études
pour ses tableaux ou ses gravures, ou même libres inven-
tions, souvent d'une grande saveur). André Michel.
BiBL. : ScHUCHARDT, Lucas Cranach d. œltere.Lebenund
Werke; Leipzig, 1851-1871, 3 vol. •— Lucas Cranach. Ein
Lebensbild ans dem Zeitalter der Reformation; Leipzig,
1883. — A. WoLTMANN et WoERMANN, GescMcMe der
Malerei; Leipzig, 1882, t. II, pp. ^Jl8-433, in-8. — D'- Hubert
Janitschek, Die Malerei, dans Geschichte der deuischen
Kunst; Bei^lin, 1889, pp. 489-505, in-4.
CRANACH (Lucas) le Jeune, peintre allemand, fds du
précédent, né en le^io, mort en 1586. Il succéda à son
père dans la direction de l'atelier comme dans sa charge de
bourgmestre de Wittenberg. Beaucoup, sinon la plupart
des portraits attribués à Cranach le Vieux, sont de sa
façon. Schuchardt avait cru découvrir que le monogramme
du fils différait quelque peu de celui du père (les ailes du
serpent élevées chez celui-ci, rabattues chez celui-là).
Scheibler a récemment soutenu que cette distinction n'était
que partiellement justifiée. La marque de l'atelier fut sou-
vent modifiée, mais elle fut employée indifféremment par
tous ceux qui y travaillèrent ou y furent employés. Pour
les dernières années de Cranach le Jeune, la marque carac-
téristique est un dragon à l'essor aux ailes éployées. Les
principales œuvres de Cranach le Jeune (postérieures à
4553) sont : une Adoration des Bergers (dans l'église
paroissiale de Wittenberg) ainsi qu'une Mise en croix;
la Vigne du seigîieur (1569), où l'on voit les catholiques
occupés à détruire les plants que les protestants protègent et
rétablissent; plusieurs tableaux à la galerie de Dresde {Ré-
surrection, Crucifiement, Résurrection de Lazare, etc.),
et au Belvédère de Vienne. On peut lui attribuer aussi la
Prédication de saint Jean-Baptiste, de Brunswick (1 549);
les Chasses, de Madrid et de Vienne (1544), et plusieurs
portraits, dont quelques-uns excellents, à Dresde, à Berlin
et à Nuremberg. Dans les dernières années de la vie de
son père, il fut d'ailleurs son collaborateur assidu. Son
dessin est moins caractéristique, et, d'une façon générale,
son exécution plus molle. A. M.
hiBiu. iK.WoF.KMAUN.Geschichteder Malerei, t. II, p. 432.
CRANAOS, héros et roi légendaire de l'Attique qui fut
détrôné par Amphictyon (V. ce nom).
GRANBROOK (Gathorne Gâthorne-Hârdy, vicomte),
homme d'Etat anglais, né à Bradford le 1^^ oct. 1814.
Inscrit au barreau de Londres en 1840, il pratiqua quelques
années. En 1847, il se présenta vainement, à Bradford,
aux élections pour la Chambre des communes ; mais, en
1856, il était élu par Leominster, et, en juil. 1865, il bat-
tait à Oxford M. Gladstone, succès qui eut un très grand
retentissement. Orateur puissant quoique un peu empha-
tique et trop bruyant, M. Gathorne Hardy avait déjà rempli
quelques hautes fonctions administratives. En 1858, il était
sous-secrétaire d'Etat à l'intérieur; en 1866, président de
la commission de la loi des pauvres; en 1867, secrétaire
d'Etat à l'intérieur. Lors de la formation du cabinet Dis-
raeh (févr. 1874), il obtint le portefeuille de la guerre.
Après avoir été élevé à la pairie (mai 1878) avec le titre de
vicomte Cranbrook, il succéda au marquis de Salisbury, à
l'administration des Indes. Dans le cabinet Salisbury de
1885 et dans celui de 1886, il fut élevé au poste de pré-
sident du conseil, qu'il occupe encore (1891). Comme mi-
nistre de la guerre, il s'est distingué par l'élaboration d'un
nouveau plan de mobihsation de
l'armée anglaise. R. S.
GRANCELIN (Blas.). Portion
de couronne à fleurons posée eu
bande et mouvante de l'angle
dextre à l'angle senestre. Le
crancelin se rencontre surtout sur
les écus d'Allemagne. Son nom
est dérivé do l'allemand Krantz
klein (petite couronne). Le bla-
son dont nous donnons ci-contre
le dessin, est burelé de sable et d'or de dix pièces et un
crancelin de sinople brochant sur le tout.
CRANCEY. Corn, du dép. de l'Aube, arr. de Nogent-
sur-Seine, cant. de Romilly-sur-Seine ; 476 hab.
CRANCHIA (Malac). Genre de Mollusques Céphalopodes
de l'ordre desAcétabulifères-Décapodes, étaWi par Leach en
1827 pour un animal à corps membraneux, ovale, rétréci
en avant, muni postérieurement de nageoires terminales
soudées entre elles et échancrées au milieu. Tête petite,
pourvue de gros yeux saillants, protégés par une mem-
brane transparente qui les recouvre ; bras sessiles, peu
développés, inégaux, dépourvus de crête natatoire, armés
de cupules pédiculées, disposés sur deux rangées et non
protégés par une membrane. Les bras tentaculaires, bien
développés, rétractiles, ont deux crêtes natatoires et quatre
rangées de cupules. Ces animaux sont, en outre, pourvus
d'un appareil constricteur formé de deux hgaments réunis-
sant le corps au tube locomoteur; ce dernier est pourvu
d'une valvule. Une plume, ou osselet, étroit et acuminé à
ses extrémités, occupe toute la longueur du corps. Les
Cranchies habitent l'océan Atlantique, sur les côtes de
l'Amérique et de l'Afrique. J. Mabille.
CRANÇOT. Com. du dép. du Jura, arr. de Lons-le-
Saunier, cant. de Conliège ; 496 hab.
CRAN DELA IN-et-Malval. Com. du dép. de l'Aisne,
arr. de Laon, cant. de Craonne; 162 hab.
CRAN DELIES. Com. du dép. du Cantal, arr. et cant.
d'Aurijlac; Q'd^ hab.
CRANE. I. Anâtomie comparée. — Depuis les travaux
d'Oken, on avait admis que le crâne se composait de ver-
tèbres modifiées, dont les différentes pièces correspondaient
aux parties constitutives de la vertèbre type (V. Ver-
tèbre). Les récentes recherches embryologiques pratiquées
sur les êtres placés très bas dans la série ont fait justice
de ce que la théorie vertébrale du crâne avait d'excessif
et de forcé, basée qu'elle était sur les données exclusives
de l'anatomie comparée. L'extrémité céphalique forme,
d'une part, une enveloppe protectrice (crâne) aux masses
nerveuses dont le développement est solidaii^e du sien ; elle
constitue, d'autre part, à la face inférieure ou ventrale,
une série d'arcs symétriquement disposés, métamères des
arcs branchiaux qui forment le squelette de la face. Il
existe entre le développement du crâne proprement, dit et
celui de la face une certaine indépendance, car si la con-
stitution du squelette crânien se fait par la combinaison
d'un certain nombre de somites, il est presque impossible
d'assigner une pareille origine aux arcs viscéraux de la
face, homologues des arcs costaux (V. Vertèbre). La mor-
phologie du crâne s'éclairera désormais des rapports de
cette région avec les organes connexes (encéphale, organes
des sens, nerfs, etc.). telle est la voie indirecte qui per-
mettra d'arriver à une con-
ception morphologique en-
tièrement satisfaisante. On
ne peut séparer l'étude du
crâne de celle de la face,
pour les premières étapes
du développement et au
point de vue de l'anatomie
comparée. En anâtomie hu-
maine, il en est autrement,
et il convient de réserver à
la description de la région
faciale un article spécial.
Les os du crâne peuvent
provenir d'origines diffé-
rentes : la formation des
uns est précédée de la for-
mation d'un cartilage ; l'os-
sification des autres se fait
aux dépens d'un tissu con-
jonctif préexistant. Certains
os du crâne des poissons
osseux et des ganoïdes sont d'origine dermique. C'est sur
l'embryon des sélaciens qu'il convient d'examiner la struc-
Fig. 1. — Crâne cartilagi-
neux rudimentaire; C, nb-
tocorde ; PE, masses para-
cordalcs; Tr, trabécules;
PR, fosse pituitaire ; N, A,
O, capsules olfactive, ocu-
laire et auditive.
261 —
CRÂNE
ture rudimentaire du crâne (fig.l). A une époque reculée du
développenfient de Tembryon, on voit de chaque côté de la
corde dorsale (G), terminée en fuseau, deux masses laté-
rales (masses paracordales PE), et en avant de celles-ci,
deux pièces allongées, symétriques, les trabécules^ dont
l'intervalle forme une cavité, fosse pituitaire primitive
(PR) . La fusion ultérieure de ces quatre pièces forme la
plaque basilaire. Tantôt les trabécules se fusionnent par
leurs bords médians, tantôt le tissu qui remplit leur inter-
valle s'ossifie, et il se forme ainsi un os parasphénoïde^
tantôt enfin ils disparaissent partiellement et sont rem-
placés par une cloison interorbitaire. Les organes rudimen-
taires de Folfaction, de la vision et de l'ouïe empruntent
alors à la charpente du crâ-
ne, qui continue à s'édifier
et à se compléter, leurs
moyens de protection et de
soutien ; de la sorte se cons-
tituent les régions olfactive,
orbitaire et auditive.
La région olfactive s'en-
croûte plus ou moins de
cartilage et tend à se con-
fondre avec le squelette crâ-
nien ; les bords de la pla-
que basilaire se relèvent en
même temps de chaque côté
et se recourbent l'un vers
l'autre jusqu'à englober to-
talement l'encéphale. Tel est
le crâne cartilagineux des
sélaciens, tout d'une pièce.
Chez les vertébrés, en géné-
ral, le tissu cartilagineux ne
se produit qu'à la base du
crâne et au pourtour des
organes des sens. Les au-
tres pièces passent directe-
ment de""
Fig. 2. — Deuxième stade du
développement du crâne
grimordial ; C, notocorde ;
, plaque basilaire; T, tra-
bécules réunies en avant
de la cloison (S) nasale;
CA, AF, prolongement de
cette cloison circonscri-
vant Forgane de Folfaction
(NK); Oi, orifices de pas-
sade du nerf olfactif ; P F,
AF, apophyses postorbi-
taire et autorbitaire des
trabécules; NK, A, O, les
• vésicules des sens.
l'état fibreux à l'état
osseux (par exemple os de la voûte du crâne des mammi-
fères). Les arcs viscéraux se forment par le dépôt de traînées
cartilagineuses dans l'épaisseur delà paroi du pharynx, au
nombre de sept chez les animaux à respiration branchiale,
en moindre quantité chez les
amniotes. Leurs connexions
avec la région de l'oreille se
modifient suivant leur adap-
tation à des fonctions diffé-
rentes, selon le genre de vie
de l'animal. Le premier arc
viscéral ou mandibule
innervé par le trijumeau for-
me le squelette labial. Puis
vient l'hyoïde auquel se rend
le nerf facial. Nous ne nous
occuperons pas ici des arcs
subséquents et de leur des-
tination ultérieure; encore
les transformations de
l'hyoïde ne jouent -elles
qu'un rôle restreint dans
l'histoire du développement
de l'extrémité céphalique.
Les deux arcs antérieurs
n'échappent pas à la seg-
mentation. Le premier se
différencie
Fig. 3. — Troisième stade du
développement du crâne
primordial ( coupe sché-
matique transversale et
verticale) ; C, notocorde ;
Tv, trabécules, dont la
concavité supérieure re-
çoit l'encéphale (G) ; 0,
vésicule auditive ; R H,
cavité pharyngienne cir-
conscrite par le squelette
viscéral ; 1-4, pièces cons-
tituant Faxe viscéral réuni
à son homologue par la
pièce médiane intermé-
diaire Cp.
en une pièce
courte, proximale, le carrée
et en une pièce distale, allongée, appelée cartilage de
MeckeL De l'os carré se détache en avant un prolonge-
ment palato-carré ou ptér y go-palatin^ qui se relie à la
base du crâne en formant un rudiment de maxillaire supé-
rieur. Le deuxième arc se divise également en deux seg-
ments, l'un proximal ou hyo-mandibulaire, l'autre distal,
hyoïde (fig. 5).
Cette figure met en relief les divers modes de différen-
ciation des deux premiers arcs viscéraux qui constituent
ce qu'on appelle Vappareil suspenseur des mâchoires.
L'os carré, à qui s'attache le maxillaire inférieur, tantôt
s'articule simplement avec la base du crâne, et tantôt se
soude à elle solidement. L'arc hyoïdien se segmente, notam-
ment chez les poissons, en un certain nombre de pièces :
le symplectique, Vhyoïde^ réuni à son congénère du côté
opposé par un basi-hyal qui peut se fixer dans l'épaisseur
de la langue et former un os lingual.
Poissons. Le crâne des cyclostomes jouit de la même
constitution primitive que celui des autres poissons, mais
il en diffère par
l'absence de ma- A Tr 0
choires propre-
ment dites, rem-
placées par un
appareil de suc-
cion. C'est le
crâne des séla-
ciens qui repré-
sente les dispo-
sitions à la fois
les plus simples
et les plus pro-
pres à faciliter
l'étude du crâne
des vertébrés en
général. Il est
formé d'une seu-
le capsule carti-
lagino-membra-
neuse parfois immobile et parfois mobile sur la colonne ver-
tébrale. Il n'y a pas d'os à proprement parler; la pièce pa-
lato-carrée et le maxillaire inférieur sont pourvus de dents.
La région nasale effilée en une extrémité rostrale est
séparée de la cavité crânienne par une lame criblée, ves-
tige de l'ethmoïde. En arrière d'elle se trouve de chaque
Fig. 4. — Schéma du développement
du squelette viscéral; N, A, 0, cap-
sules olfactive, oculaire, auriculaire;
Tî% trabécule dont la situation était
primitivement celle indiquée par la
ligne ponctuée et Fastérisque; M,
cartilage de Meckel; Qw, carré; iïy,
arc hyoïdien; BB, arcs branchiaux
séparés par les fentes branchiales;
cle; Co, pièces intermédiaires.
S,spiracl<
Fig. 5. — Schéma du cerveau des sélaciens ; N, A, O, cap-
sules des sens; Tr, trabécule; Q, P, Q, carré et palato-
carré, relié en X à la trabécule pdî" un ligament;
M, mandibule; L, L, cartilages labiaux; H, hyomandi-
bulaire ; K, arc hyoïdien ; a-e, arcs branchiaux ; I-V, fentes
branchiales; S, spiuacle; C, notocorde; W, W, corps
vertébraux; V, nerf trijumeau; 1, 2, 3, ses trois branches
principales; Hp', son rameau palatin; VII, nerf facial;
JRp', son rameau palatin; IX, glosso - pharyngien ;
X, pneumogastrique.
côté une fosse orbitaire à laquelle confine, postérieurement,
la sphère auditive, à travers les parois de laquelle se voient
par transparence les canaux semi-circulaires. Le palato-
carré n'est généralement appendu que par des liens liga-
menteux à la base du crâne par l'intermédiaire du hyo-
mandibulaire. En avant de ce dernier se dessine une fente
qui communique avec l'intérieur de la bouche (spiracle).
L'opercule qui recouvre la région branchiale s'enrichit, chez
les ganoïdes, de pièces préoperculaires, suboperculaires et
interoperculaires. Chez les poissons osseux (téléostéens) se
constitue, à la partie médiane du crâne, le parasphénoïde, en
forme d'attelle, os impair et médian, qui remplace ici le pré-
sphénoïde et le basisphénoïde. La voûte du crâne est recou-
crAne
262
-verte par les pariétaux, les frontaux et les post-frontaux,
tous pairs ; les derniers, situés sur les côtés, sont intéressés
dans l'articulation de la mandibule. Le crâne ne diffère pas
sensiblement de celui de certains ganoïdes, à part l'augmen-
tation considérable du nombre des pièces qui entrent dans
sa composition, nombre variable suivant les espèces. Le
crâne cartilagineux primordial persiste dans sa forme ; la
cavité crânienne représente une espèce de tube étendu jus-
qu'à la région ethmoïdienne en passant dans l'intervalle
des yeux, quelquefois même rétréci et étranglé entre ces
organes. On compte au crâne proprement dit de nombreux
os. Le pourtour des orbites et la région de l'opercule se
garnissent de pièces nouvelles formant l'anneau orbitaire
et les pièces operculaires. La pièce palato-carrée se seg-
mente en une série de plaques cartilagineuses (carrée mé-
taptérygoïde (tympanal), mésopté7''ygoïcle^ ptérygoïde,
palatin, A la région auditive se groupent des os dont la
fig. 6 donne une bonne idée. Tous les os qui environnent
la cavité buccale, tels que le vomer, le parasphénoïde, le
prémaxillaire, les maxillaires, etc., peuvent s'armer de
dents. La mandibule attient à une sorte de chaîne compo-
sée de Fhyo-mandibulaire, du symplectique et du carré.
Elle est constituée par le cartilage de Meckcl additionné de
plusieurs pièces osseuses, dental^ artimlaire, angiUaire
et coronoïde.
Chez la plupart des poissons, il existe deux pièces car-
tilagineuses situées en avant des deux premiers arcs vis-
céraux (cartilages labiaux), l'une antérieure, l'autre pos-
térieure, qui, chez les téléostéens, se transforment en os
prémaxillaire et maxillaire. Chez les dipnoïques, la
région ethmoïdale est munie d'une lame criblée cartilagi-
P Os Ep
Fig. 6. — Crâne de la truite ; Ep, êpiotique ; Pt, ptérotique ;
Sph, sphénotique -, Os^ occipital supérieur (supra-occipi-
tal); P, pariétal; F, frontal ; Sp. eth.^ supra-ethmoïde;
Can^ oritice de sortie du nerf olfactif; Nl^ nasal; Pm.T,
prémaxillaire; MM', maxillaire; Ig^ jugal; Ms^ méso-
ptérygoïde; Mfp, métaptérygoïde ; o^o^o^ rebord orbi-
taire; Hm, hyo-mandibulaire; S, symplectique; Qii,
carré; Pr, préoperculaire ; lop^ interoperculaire; Sop^
suboperculaire ; Op , opercule ; Bs , rayons branchio-
oUges; Av, articulaire; De, dental; A, œil.
neuse. Un os écailleux recouvre le cartilage carré, fusionné
avec le chondrocrâne, ainsi que la pièce palato-carrée, qui
s'unit en avant à sa congénère au-dessous de la base du
crâne. La cavité nasale s'ouvre en arrière et communique
par un isthme avec la cavité palatine ; cette disposition se
retrouvera dorénavant chez tous les vertébrés des classes
supérieures. Le segment occipital du crâne englobe les
premières vertèbres cervicales et reste soudé à la colonne
vertébrale. L'opercule est rudimentaire. La mandibule est
robuste et se différencie en articulaire^ dental et angu-
laire. Le cartilage de Meckel proémine en avant du dental.
Le squelette céphalique des amphibiens caudés ne diffère
de celui des poissons que par des caractères négatifs. Les
capsules auditives se touchent sur la ligne médiane ; cha-
cune d'elles est percée d'une ouverture regardant en bas et
en dehors {fenêtre ovale) ^ que bouche une pièce cartilagi-
neuse (étrier). A la région occipitale proéminent, chez
tous les amphibies, deux condyles qui s'articulent avec la
colonne vertébrale. Des capsules nasales aux vésicules
auditives, s'étendent les trabécules dont l'ossification con-
stitue de chaque côté un orbito et un alisphénoïde.
L'écart des trabécules est rempli en bas par un long para-
sphénoïde, sur lequel s'appuie en avant le vomer qui
s'étale et limite en arrière les fosses nasales, soudé avec le
palatin. Au vomer s'accole, en dehors, le maxillaire supé-
rieur et, plus en avant, l'intermaxiilaire. Celui-ci confine
en arrière au nasal, surmonté du préfrontal. L'os carré est
recouvert d'un os dermique, le squamosal. Les anoures
sont dotés d'une cavité tympanique membrano-cartilagi-
neuse, close en dehors par une membrane et communiquant
avec le pharynx par un conduit (trompe d'Eustache). Le
crâne des anoures présente de remarquable et de caracté-
ristique l'existence d'un os en ceinture (Cuvier) dans la
région ethmoïdale.
Reptiles. La boîte crânienne, plus développée, est plus
complètement ossifiée que celle des batraciens. Le para-
sphénoïde s'atrophie et se remplace à la base du crâne
par une série longitudinale d'os {basi-occipital , basi-
sphénoïde et présphénoïde). Il existe un condyle occipital
unique. L'existence de l'alisphénoïde, de l'orbitosphènoïde
n'est pas constante. Le pariétal est impair. Signalons l'exis-
tence d'un postorbitaire et d'un lacrymal, de la colu-
mella ou épiptérygoïde qui relie le ptérygoïde au parié-
tal, enfin de l'os transverse qui s'étend du maxillaire au
ptérygoïde. Chez les reptiles, l'oreille est perforée d'une
fenêtre ovale et aussi d'une fenêtre ronde ; ils possèdent
une trompe d'Eustache. Le suspensorium est réduit à l'os
carré. La mâchoire inférieure se compose de plusieurs
pièces (dental, angulaire, complémentaire et articu-
laire., etc.). Il y a beaucoup d'analogie entre le crâne des
reptiles et celui des oiseaux. Toutefois, la cavité crânienne
est plus spacieuse, les os se soudent jusqu'à effacement
des sutures. Le condyle occipital gagne la base du crâne.
L'os carré s'articule avec le crâne. Le vomer unique est
relié aux pièces ptérygo-palatines. Les fosses nasales sont
situées entre le vomer et le palatin. Une pièce jugale grêle
He le carré à la mâchoire supérieure. L'oreille est percée
d'une fenêtre ovale et d'une fenêtre ronde, et possède une
trompe d'Eustache. Chez les Mammifères, le squelette crâ-
nien et le squelette viscéral s'identifient davantage. Le
crâne empiète de plus en plus sur la face, dont le volume
relatif diminue. L'axe vertébral fait, avec le plan de la
base du crâne, un angle plus ou moins aigu. La base du
crâne, y compris la région ethmoïdale, est d'abord cartila-
gineuse; les parois de la voûte passent directement de
Fétat fibro-membraneux à l'état osseux. Plusieurs centres
d'ossification se distinguent dans la région occipitale, un
supra (os interpariétal ou épactal) et un basi-occipital et
deux occipitaux latéraux supportant deux condyles symé-
triques. En avant du basi-occipital, la base du crâne est
constituée par un basi et un présphénoïde, celui-ci sup-
portant de chaque côté une grande aile {alisphénoïde) et
une petite aile {orbitosphénoïde). Du sphénoïde part, de
chaque côté, une apophyse verticalement dirigée en bas et
qui s'accole au palatin en formant un ptéry go-palatin. Le
présphénoïde se soude en avant aux frontaux symétriques,
entre lesquels s'insinue la lame criblée de l'ethmoïde, dont
les trous laissent passer les nerfs olfactifs. La région de
l'oreille est constituée par plusieurs centres d'ossification
entrant dans la composition du crâne, un êpiotique {mas-
toïde), un opisthotigiie et un p?votique ; les deux der-
niers forment le rocher. En outre, deux os de recouvre-
ment, le squamosal et Vanneau tympanique (partie
osseuse du conduit auditif externe des mammifères supé-
rieurs), s'ajoutent aux précédents pour constituer le tem-
poral. Entre l'occipital et le bord postérieur du rocher se
voit le trou jugulaire ou déchiré postérieur, lieu de
passage des nerfs glossopharyngien, pneumogastrique et
spinal et de la veine jugulaire interne. L'artère carotide
interne y passe chez le cheval et chez quelques autres mam-
mifères, alors que chez l'homme il lui est affecté un canal
spécial. La voûte crânienne est constituée par le supra-
- 263
CRÂNE
occipital, l'interpariétal, le pariétal et le frontal, quelque-
fois symétrique et impair. Les nerfs acoustique et facial
sortent du rocher par le trou auditif interne., situé à la face
postérieure du rocher. On trouve dans certaines espèces, à
la face inférieure du rocher, une capsule osseuse (bulle
tympanique) , qui prend , chez les carnivores et cliez
les rongeurs, un développement considérable. Chez les
mammifères autres que l'homme, il existe à la zone de
réunion du pétreux, du mastoïdien et du tympanique,
une épine assez longue (apophyse styloïde du crâne hu-
main), formant l'os styloïde ou le stylo-hyal qui attient au
crâne par l'intermédiaire du cartilage arthro-hyal. Le
squamosal est creusé de la cavité glénoïde lui permettant
de s'articuler avec la mandibule ; il se détache de lui une
apophyse dite zygomatique, qui se rend à la rencontre de
l'os jugal en formant V arcade zygomatique. Le sphénoïde
unique, impair et médian, formé par la fusion des pré et
ba si-sphénoïdes, renferme la cavité du sinus sphénoïdal.
L'orbitosphénoïde est percé du trou optique pour le pas-
sage du nerf optique. La fente qui sépare l'orbitosphénoïde
de l'alisphénoïde est utilisée pour la sortie de la première
branche du trijumeau, dont la branche maxillaire supé-
rieure s'engage dans le trou grand rond, tandis que sa
branche maxillaire inférieure sort du crâne par le trou
ovale. Les frontaux se soudent en un os unique, creusé
de cavités ou sinus frontaux. Ils donnent passage au nerf
sus-orbitaire. Quant à l'ethmoïde, il est situé entre le
frontal et le sphénoïde antérieur, et constitué par la fusion
de ses deux moitiés latérales ou masses latérales (ethmoï-
daux latéraux des poissons) avec la lame perpendiculaire
qui représente l'ethmoïde médian. Limitées en haut par
une lame criblée qui est traversée par les filets du nerf
olfactif de chaque côté, et contribuant à former la base du
crâne, les masses latérales sont formées de nombreuses
lamelles osseuses roulées en petits cornets (volutes etk-
moïdales). Leur face externe appelée lame papyracée ou
os planum, contribue à fermer l'orbite en dedans et en
arrière chez l'homme et chez quelques autres mammifères.
Le bord supérieur de la lame perpendiculaire, crête eth-
moïdale terminée en avant par l'apophyse crista-galli,
donne insertion à la faux du cerveau. Suivant que le tem-
poral et l'occipital forment des os d'une seule pièce ou que
les divisions de leurs parties constitutives persistent, on
peut compter, en général, dix-huit os à la face, savoir :
deux maxillaires supérieurs, deux intermaxillaires, un
maxillaire inférieur unique (c'est sur ces trois os que s'im-
plantent les dents), deux os nasaux, deux lacrymaux, deux
jugaux, deux cornets, un vomer, deux palatins et deux
ptérygoïdiens. Les ptérygoïdiens et les intermaxillaires sont
soudés, les premiers avec le sphénoïde, les seconds avec
les maxillaires supérieurs, chez l'homme. Le cornet (infé-
rieur de l'homme) se fixe au maxillaire supérieur ; le
vomer est impair. Les os de la face sont groupés de ma-
nière à former deux mâchoires superposées.
La mâchoire supérieure est constituée par le maxillaire
supérieur qui s'articule en haut avec le frontal, en dehors
avec l'os malaire, en arrière et sur la ligne médiane avec
son congénère (pour former le palais osseux) et avec le
palatin.
Il est perforé par le nerf maxillaire supérieur qui
émerge de sa face antérieure. Un sinus très vaste est creusé
dans son épaisseur. Les nasaux s'intercalent entre les
apophyses montantes des maxillaires, ou bien entre les
branches montantes des intermaxillaires. Ces derniers (os
incisifs) sont interposés entre les deux maxillaires supé-
rieurs et limitent un canal médian. Les palatins s'ar-
ticulent avec les maxillaires, le sphénoïde, l'ethmoïde,
le vomer, le frontal et les ptérygoïdiens, et entre eux-
mêmes. Le lacrymal (os unguis) contribue à isoler l'or-
bite des fosses nasales.
Orbite. Les parois de cette cavité, plus ou moins con-
fondue en général avec la fosse zygomatique, sont com-
plétées chez l'homme et chez les singes de manière à ne
laisser persister de cette communication que les fentes
ptérygo-maxillaire et sphéno-maxillaire, assez étroites. Au
fond de l'orbite se trouve l'orbitosphénoïde, traversé par
le nerf optique. L'axe de l'orbite est dirigé latéralement
chez les mammifères, et en avant chez l'homme. Séparées
par la lame perpendiculaire de l'ethmoïde et par le vomer,
les fosses nasales sont limitées en haut par les nasaux, par
l'ethmoïde et par le sphénoïde, en bas par la voûte du
palais. De chaque côté leurs parois sont constituées par
les palatins, les maxillaires supérieurs et les intermaxil-
laires. Leur ouverture postérieure est bornée par les
ptérygoïdiens. Leur direction est verticale chez les cétacés,
l'ethmoïde formant leur paroi postérieure. A propos de
l'oreille, l'appareil suspenseur de la mandibule des pois-
sons sera mis en parallèle avec les pièces résultant de la
transformation des deux premiers arcs hyoïdiens. En
allant du simple au composé, nous constatons qu'à travers
les différences qui s'expliquent par les conditions variées
de l'adaptation au milieu et de l'évolution, le crâne reste
construit, dans toute la série, sur un plan fondamental
uniforme. D'abord très simplement composé, ses pièces
deviennent fort nombreuses, puis tendent de plus en plus à
la concentration. Les analogies des diverses pièces dans la
série se retrouvent, grâce à l'application du principe des
connexions. Il est également tenu grand compte des rap-
ports que les os aff'ectent avec les régions de l'encéphale,
avec les organes des sens, avec les nerfs crâniens. On peut
considérer le crâne comme composé de trois segments
(occipital, pariétal et frontal) ne représentant pas des seg-
ments vertébraux, mais pouvant être dus à la coalescence
de segments vertébraux primitivement nombreux. Le crâne
le plus simple, celui des sélaciens, serait déjà le résultat
d'une modification d'un type antérieur disparu. En ce qui
concerne spécialement le crâne de l'homme, nous ferons
remarquer qu'il se différencie par l'accroissement de
l'étendue des os du crâne en rapport avec le volume plus
considérable du cerveau, la face diminuant relativement de
volume et neproéminant plus en avant. Le crâne se trouve
placé en équilibre à Textrémité supérieure de la colonne
vertébrale et le regard est dirigé en avant, les axes des
orbites se dirigeant horizontalement en avant, résultat de
l'attitude bipède.
II. Anatomie descriptive. — Z)^ l'extrémité céphalique
de r homme. Nous n'en décrirons ici que la partie crânienne,
composée de huit os, dont quatre sont impairs et symé-
triques : l'occipital, le sphénoïde, l'ethmoïde et le frontal.
Deux pariétaux, deux temporaux pairs et symétriquement
placés complètent la capsule crânienne. Tous ces os sont
réunis les uns aux autres à l'âge adulte, mais les sutures
que nous décrirons plus loin restent libres jusqu'à un âge
en général assez avancé. La forme générale du crâne
humain est celle d'un ovoïde à grosso extrémité posté-
rieure, dont l'arc est dirigé d'avant en arrière et un peu
de haut en bas. Considérant le crâne dans son ensemble,
nous lui décrirons une surface externe et une surface
interne. La surface externe offre à l'étude une région
supérieure ou occipito- frontale, deux régions latérales
ou temporales, et une région inférieure ou basilaire. La
région occipito-frontale ou voûte a pour limites anté-
rieures la racine du nez et les arcades sourcilières, et
s'étend en arrière jusqu'à la protubérance occipitale ex-
terne et à la ligne courbe supérieure du temporal. Latéra-
ralement elle est bornée par la crête du temporal et par la
ligne supérieure du pariétal. Elle off're quatre saillies
arrondies,^ les deux bosses frontales, et en arrière les deux
bosses pariétales. Des premières aux secondes, la voûte du
crâne est arrondie et regarde en haut. On y remarque :
1« la suture coronale ou fronto-pariétale, dont la direc-
tion est transversale. En son miheu, en un point appelé
bregma, vient tomber la suture sagittale, selon laquelle
se touchent les deux os pariétaux, antéro-postérieurs par
conséquent, et tombant en arrière au sommet d'un A dont
les deux branches constituent la suture lambdoïde ou
crAne
— â64 --
pariéto-occipitale, et comprennent dans leur intervalle
l'angle supérieur de Toccipital. Le point de rencontre de
la suture sagittale et de la suture lambdoïde s'appelle le
lambda. Chacune des branches de la suture lambdoïde
Fig. 7. — Sutures extérieures, a, partie inférieure de la
suture coronale ; 6, suture ptéro-frontale ; c, suture écail-
leuse ou temporo-pariétale ; d, suture ptéro-temporaîe ;
e, suture ptéro-pariétale -, /f, suture interorbitaire, formée
en dedans par la suture nasale, en dehors par la suture
fronto-maxillaire ; g, suture nasale; h, suture naso-maxil-
laire; i, suture fronto-nialaire; h, suture malo-maxii-
laire; l, sutures incisives. — Sutures de Vorbite.m^ fente
sphénoïdale ; n , fente ptéro-maxillaire ; o, partie orbi-
taire de la suture ptéro-frontale ; p, suture ptéro-mo-
laire; Qf suture fronto-ethmoïdale; r, suture ethmoïdo-
maxillaire. — Points singuliers. 1, 1, ligne sus-orbitaire
donnant le diamètre frontal minimum et établissant
la séparation du crâne et de la face ; 2, Tophryon ;
8, glabelle; 4, point nasal ou racine du nez; 5, point
spinal ou épine nasale; 6, point alvéolaire; 7, sté-
plianion; 8, ptérion; 9, dacryon; 10, point malaire; 11,
point jugal.
aboutit à un point appelé astérion^ d'où rayonnent les
trois sutures lambdoïde, pariéto-mastoïdienne et mastoïdo-
oceipitale. Du bregma au lambda, la sagittale est dentelée
jusqu'en un point appelé obélion., situé entre les deux trous
pariétaux. Le point le plus élevé de la région fronto-occi-
pitale s'appelle le sinciput.
Quatre os concourent à former la région latérale, le
frontal et le pariétal en haut, la grande aile du sphénoïde
et le temporal en bas. Les limites sont constituées en
arrière par la suture lambdoïde ; en avant, par l'apophyse
orbitaire externe. En haut, elle est bornée par la ligne
latérale du crâne, étendue de l'apophyse orbitaire ex-
terne à Fastérion et circonscrivant les portions du frontal
et du pariétal qui appartiennent à la région. La partie
frontale de celte ligne (crête frontale) aboutit en haut et
en arrière à la suture coronale au point appelé stépha-
nion. Elle est continuée par la ligne temporale supé-
rieure du pariétal, du stéphanion à l'aster ion, qui marque
l'insertion de l'aponévrose du muscle temporal ; tandis que
l'insertion de ce muscle lui-même est limitée inférieure-
ment par la ligne temporale inférieure, concentrique à la
première, dont elle s'écarte en arrière. Aorès avoir con-
tourné l'écaillé du temporal, elle croise ooliquemeni la
suture pariéto-temporale et se recourbe en avant pour re-
joindre, au-dessus du conduit auditif, le bord supérieur de
la racine postérieure de l'apophyse zygomatique. L'ar-
cade zygomatique, horizontalement dirigée, limite en
dehors la fosse temporale^ remplie à l'état frais par le
muscle temporal. Au-dessus d'elle se voient plusieurs su-
tures, formées par la jonction du frontal, du temporal, la
grande aile du sphénoïde ou ptère et Fécaille du temporal.
Cette région s'appelle le ptérion. Suivant la manière va-
riable dont se rencontrent ces os, dont les bords corres-
pondants offrent plus ou moins d'étendue, le ptérion est
dit en H (c'est l'ordinaire) , ou en T couché {ptérion
retourné) , ou bien encore en K (reproduction de types
simiens). La suture pariéto-mastoïdienne aboutit en
arrière à l'astérion. La suture pariéto-temporale ou ccail-
leuse part du ptérion pour se continuer en arrière avec
la suture pariéto-mastoïdienne avec laquelle elle fait un
angle rentrant et qui finit à l'astérion. Au-dessous du
niveau de l'arcade zygomatique s'aperçoivent l'orifice
externe du méat auditif, en arrière de celui-ci la surface
mastoïdienne. Les limites adoptées pour la base du crâne
sont les suivantes : la racine du nez en avant ; la ligne
demi-circulaire supérieure de l'occipital en arrière, et de
chaque côté une ligne passant par l'apophyse mastoïde et
par l'articulation de l'os malaire avec le frontal. L'ouver-
ture postérieure des fosses nasales sépare la portion pos-
térieure de la base du crâne, qui est libre, d'avec sa
portion antérieure, j^ui se confond avec la face. A la
Fig. 8. — Os du crâne. A, écaille du frontal; B, face laté-
rale de cette écaille; C, lame orbitaire du frontal; D,
angle antérieur de pariétal ; E, écaille du temporal ; F,
apophyse mastoïde du temporal; G, apophyse styloïde
du temporal; H, face externe ou temporale de la ptère
ou sphénoïde; K, face orbitaire (os planum de Teth-
moïde. — Os de la face. L, os nasaux ; M, portion nasale
ou apophyse montante du maxillaire; N, portion orbito-
buccale du maxillaire; O, portion alvéolaire du maxil-
laire; P, face orbitaire du maxillaire; Q, os malaire;
R, lame orbitaire de Tos malaire ; S, os unguis ou la-
crymal; T, arcade dentaire. — Détails ostéologiques.
aa\ bosses frontales; 5t>', bosses sourcilières ; c,
apophyse orbitaire du frontal; d, échancrures tro-
chléennes du frontal; e, trou sus-orbitaire (manque
souvent); /", arcade sourcilière; g, apophyse orbitaire
externe du frontal ; /i^, crête temporale du frontal, sé-
parant la région du front de la région temporale ; i, épine
jugale (manque souvent); fe, gouttière lacrymale; ?, échan-
crure nasale ou maxillaire, limitant, avec les os nasaux,
l'ouverture des narines antérieures; m, trou sous-orbi-
taire; 72, fossette incisive du maxillaire; o, crête canine
soulevée par la racine de la dent canine ; p, fosse canine
du maxillaire; q, crête sous-molaire du maxillaire;
r, échancrure sous-molaire du maxillaire (n'est pas
constante); s, dents incisives; f, dent canine; it, dents
molaires et prémolaires.
postérieure, l'on voit d'arrière en avant : le trou occi-
pital. Opisthion est le nom donné au milieu de son bord
postérieur et le milieu de son bord antérieur s'appelle
basion. En avant du trou occipital, la surface basilaire est
limitée en avant par une rainure transversale qui marque
l'union de l'occipital et du sphénoïde. De chaque côté du
trou occipital, sont situés les condyles et en arrière d'eux
la surface externe de l'occipital. Tout à fait en dehors, et
séparée du condyle par la suture mastoïdo-oecipitale, se
trouve la saillie de l'apophyse mastoïde. En avant du
condyle, la rainure profonde, dirigée de dehors en dedans
et d'arrière en avant, due à l'articulation du rocher avec
le bord latéral de l'occipital, se termine en arrière par la
fosse jugulaire. Elle loge le golfe de la veine jugulaire
et donne accès à l'intérieur de la cavité crânienne par le
trou déchiré postérieur. La partie antérieure de ce trou
donne passage au nerf de la huitième paire et à son accès-
— 265 —
CRANE
soire ; sa partie postérieure est trayersée par la veine ju-
gulaire. Le trou déchiré antérieur^ à rextrémité anté-
6
Fig. 9. — Sutures. AA, coronale (fronto-pariétale) ;
É, ptéro-frontale-, CC, lambdoïde (pariéto-occipitale)*,
D, occipito-mastoïdienne ; E, pariéto-mastoïdienne ; F;
écaillure squamo-pariétale ; G, ptéro-temporale ; H, inter-
orbitaire (fronto-naso -maxillaire); I, ironto-malaire ;
J, malo-maxillaire;K, zygomatique (malo-temporale). —
Lignes anatomiques. aa^ crête temporale du frontal;
66, ligne temporale supérieure du pariétal, cc^ ligne
temporale inférieure ou pariétal ; d, crête sus-mastoï-
dienne du temporal; e, ligne occipitale; f, crête sous-
malaire du maxillaire. — Points singuliers. A, points
médiaux ; 1, point alvéolaire ; 2, point spiral ou épine
nasale; 3, point nasal ou racine du nez; 4, glabelle;
5, ophryon; 6, bregma; 7, lambda; 8, inion; 9, stépha-
nion ; l'O, ptérion ; 11, astérion ; 12, dacryon ; 13, point
malaire ; 14, point jugal.
rieure de la rainure, limité par le rocher, l'occipital et le
sphénoïde, est rempli par une substance cartilagineuse.
La surface intérieure ou endocrâne, concave, se divise,
comme l'intérieur, en voûte et base. La voùle, tapissée
Fiç. 10. — A, frontal ; aa, écaille frontale ; a', face latérale
de récaille; a'', portion orbitaire du frontal; a"\ apo-
Ehyse orbitaire externe ;B, pariétal; 6, bosse pariétale,
', angle antérieur et inférieur du pariétal ; 6", apgle pos-
térieur et inférieur de cet os; C, occipital (on n'aperçoit
que récaille de cet os) ; c, bosse cérébrale de l'occipital ;
c' bosse cérébelleuse; c", angle externe de Toccipital;
D, temporal; d, portion écaiileuse; d', apophyse zygo-
matique; d", portion mastoïdienne; d'" ^ apophyse mas-
- toïde; rfiv, apophyse styloïde du temporal; o, conduit
auditif; E, sphénoïde; e, ptcre ou portion ascendante
delà grande aile du sphénoïde; e', apophyse ptérigoide
du sphénoïde; F, maxillaire; /', portion alvéolaire ou
maxillaire; /", portion nasale ou apophyse montante;
f", portion orbito-buccale; f"', face orbitaire de cette
portion ; G, os mal aire ou jugal ; H, os nasal ; I, os unguis
ou lacrymal; J, ethmoïcie (face orbitaire de la masse
latérale de cet os).— Dents; L, les deux incisives; M, la
canine ; N, les deux prémolaires ; P, les trois molaires.
par la dure-mère, présente à considérer les mêmes sutures
que sa base, moins dentelées. Sur la ligne médiane, et
d'avant en arrière, on y remarque la crête coronale ; la
gouttière sagittale allant de cette crête à la protubérance
occipitale interne, le sinus longitudinal supérieur
(V. Encéphale) s'y trouve logé. On y voit se succéder la
ligne d'union des deux pièces du frontal, le côté interne
de la suture sagittale qui aboutit au milieu de la face
interne de l'occipital. De chaque côté, également d'avant
en arrière, se distinguent la face interne et supérieure du
frontal en rapport avec l'extrémité antérieure ou frontale
de l'hémisphère cérébral; puis la suture fronto-pariétale
ou coronale, la région du pariétal qui recouvre le lobe
pariétal du cerveau, une portion de la suture lambdoïde,
Fig, IL — Suhtres. a, suture lambdoïde; 6, suture pariéto-
mastoïdienne ; c, suture occipito-mastoïdienne ; da, suture
ptéro-occipitale; e, scissure de Glaser; A suture ptéro-
sphénoïdale; 5, suture basilaire ou sphéno-occipitale;
6? A Ç-) f'i 6'i scissure bi-auriculaire séparant le crâne
antérieur du crâne postérieur; h, suture sous-temporale
entre le temporal et le disque de la grande aile du sphé-
noïde; i, suture ptéro-temporale; fe, suture zygomatique;
Z, suture malo-maxillaire; mm,, suture medio-palatine
formée en avant par les deux maxillaires, en arrière
par les deux palatins ; n, suture maxillo-palMine formant
avec la précédente la suture cruciale. — Trous, o,
frand trou occipital; p, trou stylo-mastoïdien; q^ trou
échiré postérieur, renfermant la fossette de la veine
jugulaire; ?% trou carotidien- s, trou déchiré antérieur;
(, trou petit rond ou sphéno-épmeux ; u, trou ovale ; v, fente
et fosse ptérigo-maxillaire; X, trou palatin postérieur;
y, trou palatin antérieur ou incisif. — Points singuliers ,
Médians. 1, inion; 2, opisthion; 3, basion; 4, point palatin
ou épine palatine; 5, point alvéolaire. — Laiéraitx. 6, asté-
rion ; 7, ptérion.
enfin la fosse occipitale supérieure où s'abrite le lobe occi-
pital de l'hémisphère cérébral.
La surface interne de l'endocrâne est creusée de canaux
vasculaires plus ou moins profonds, destinés aux branches,
rameaux et ramuscules de l'artère méningée. C'est surtout
à la région médiane de la face interne du crâne, le long
du sinus longitudinal supérieur, que s'observent les dé-
pressions oti se logent les granulations de Pacchioni (V.
ce mot). Quant à certaines empreintes plus ou moins mar-
quées qui s'observent surtout à la face interne de la voûte
crânienne, et dont quelques-unes ressemblent à des dé-
pressions produites par la pression du doigt sur la cire,
elles sont en rapport avec des saillies correspondantes des
circonvolutions du cerveau, sur lesquelles les os crâniens
se moulent en quelque sorte. On décrit à la face interne
de la base trois étages dont l'antérieur, l'étage frontal,
est le plus élevé et supporte l'extrémité antérieure des
lobes frontaux. L'étage moyen est divisé sur la ligne mé-
diane par la saillie du corps du sphénoïde et se creuse
de chaque côté d'une cavité assez profonde où se loge
l'extrémité antéro-inférieure du lobe temporal. L'étage
inférieur ou occipital est également divisé en deux fosses
qui reçoivent chacune un des lobes latéraux du cervelet.
Sur la ligne médiane, et d'avant en arrière, nous rencon-
CRANE
— 266 —
trerons le trou borgne^ l'apophyse crista-galli et de chaque
côté d'elle les gouttières ethmoïdales semblables à des cribles
et dont les limites extérieures sont constituées par les
lignes d'union de l'ethmoïde et du frontal, sur lesquelles
s'aperçoivent les trous orbitaires internes, puis la suture
transversale suivant laquelle s'unissent le frontal et le sphé-
noïde. En arrière de cette suture une surface plane apparte-
nant au sphénoïde, sur laquelle passent les nerfs olfactifs,
puis la fosse pituitaire, où se loge l'hypophyse cérébrale,
former cette fosse, sont : en dehors, la suture temporo-parié-
tale, aboutissant en avantà la région interne du ptérion, dont
la conformation reproduit celle que possède la même région
à l'extérieur et dont une des branches est due à l'union
Fig. 12. — Os du crâne. A, écaille de l'occipital; B, portion
condylienne de l'occipital ; C, portion basilaire ou apo-
physe basilaire de 1 occipital; D, angle postérieur et
inférieur du pariétal; E, portion mastoïdienne du tem-
■ poral; E, portion écailleuse du temporal; G, rocher
ou portion pétrée du temporal; H, face inférieure ou
corps du spnénoïde; I, portion basilaire ou disque de la
grande aile du sphénoïde; J, ptère ou portion ascendante
de la grande aile du sphénoïde ; K, apophyse ptérygoïde
du spnénoïde. — Os de la face. L, arcade alvéolaire;
M, portion palatine ou lame palatine du maxillaire;
N, portion orbito-buccale du maxillaire; O, portion pala-
tine ou lame palatine du palatin; P, bord postérieur ou
vomer; Q, bord inférieur ou massétérin de l'os malaire,
— Détails ostéologiques. a, ligne occipitale; 5, ligne
demi-circulaire intérieure de l'occipital ; c, bosse céré-
brale de Foccipital; dd', bosses cérébelleuses; e, angle
externe de l'occipital ; ff, condyles de Foccipital ; gr, fos-
sette condylienne et trou condylien supérieur (ce trou
peut manquer]; h, apophyse mastoïde ; 2, rainure mas-
toïdienne ou digastrique ;'/i, apophyse styloïde du tem-
poral, et à sa base le trou stylo-mastoïdien; ?, méat
auditif ou ouverture du conduit auditif externe; m, ra-
cine postérieure de l'arcade zygomatique ; n, racine
transverse de l'arcade zygomatique ; o, cavité glénoïde
du temporal ; p, crête sous-temporale de la grande aile
du sphénoïde, séparant le disque de la ptère; q, fosse
ptérygoïde limitée par les deux ailes interne et externe
de l'apophyse ptérygoïde : î% épine du sphénoïde ; s, épine
palatine ; 't, partie postérieure de la voûte des fosses
nasales.
et limitée en arrière par la lame carrée du sphénoïde.
On remarque ensuite la ligne transversale qui indique la
Jonction du sphénoïde avec l'apophyse basilaire de l'occi-
pital; viennent enfin la gouttière basilaire de l'occipital,
qui supporte la moelle allongée, en arrière d'elle le grand
trou occipital, et derrière lui la crête occipitale interne
aboutissant à la protubérance occipitale interne (ewc^fm'on).
Latéralement, la base du crâne présente à considérer,
d'avant en arrière, une surface convexe, constituant le
plancher de l'étage supérieur, formée par les fosses orbi-
taires et par la partie supérieure des petites ailes du sphé-
noïde {apophyses dlngrassias) ; cette surface est limitée
en arrière par un bord mousse qui s'engage dans la scis-
sure de Sylvius, et qui constitue la lèvre supérieure et
antérieure de la fente sphénoïdale. Celle-ci sépare la sur-
face que nous venons de décrire de la fosse temporale,
creusée dans l'étage moyen et dont le bord supérieur est
formé par le bord supérieur du rocher. Les sutures qui
trahissent les lignes de jonction des os qui contribuent à
Fig. 13. —A, A, pariétaux; B, écaille de l'occipital; c, por-
tion mastoïdienne du temporal; aa, suture sagittale;
hb\ suture lambdoïde; cc\ suture occipito-mastoïdienne ;
dd\ suture pariéto-mastoïdienne; ee', trous pariétaux;
ff\ bosses pariétales ; qg\ ligne courbe occipitale supé-
rieure; hh,', ligne occipitale inférieure ; z, crête occi-
pitale superficielle ; k, bosse cérébrale de l'occipital ;
ll\ bosses cérébelleuses ; m, apophyse mastoïde ; n, apo-
physe styloïde; l, lambda; è, inion; 3, 3, astérions ;
4, ôbélion.
du temporal avec la grande aile du sphénoïde ; celle qui
joint le sphénoïde au temporal et qui se continue en
dedans avec une suture réunissant leur sphénoïde au bord
antérieur du rocher et aboutissant au trou déchiré anté-
Fig. 14. — A, écaille du frontal; B,B, pariétaux; C, écaille
de Toecipital; D, écaille du temporal; E, arcade zygo-
matique; F, os nasaux; G, portion alvéolaire des maxil-
laires; aa, suture sagittale; hb\ suture coronale; cc\ su-
ture lambdoïde;_d, suture écailleuse; ee', bosses frontales;
ff, bosses pariétales; gg\ trous pariétaux; hh' contour
antérieur formé sur la ligne médiane par la saillie de la
glabelle, sur les côtés par celle des bosses sourcilières;
i\ partie externe de l'arcade sourcilière; ft, apophyse
orbitaire externe ; ii, crête temporale du frontal ; mm,Iigne
courbe supérieure temporale supérieure du pariétal ;
Ij bregma: 2, lambda; 3, obélion; 4, stéphanion; 5, pté-
rion ; 6, ophryon,
rieur. On voit à la face interne du rocher, assez rapprochés
les uns des autres, des orifices de dimensions différentes,
trous grand rond^ passage du nerf maxillaire supérieur ;
ovale^ laissant passer le nerf maxillaire inférieur ; petit
rond ou sphéno-épineux ; enfin l'hiatus de Fallope. En
arrière de la crête du rocher existe une troisième fosse ou
fosse occipitale, que concourent à former la face posté-
rieure du rocher, une petite portion de la surface du parié-
tal, et enfin la face cérébrale de l'occipital. Cette fosse est
limitée en arrière par la gouttière latérale de l'occipital.
Fig. 15. — A, frontal (la coupe est pratiquée sur la base
de récaille de cet os); a, coupe des sinus frontaux;
b, bosses orbitaires, convexes, formées de chaque côté
par la lame orbitaire du frontal ; c, échancrure ethmoï-
dale du frontal; B, pariétal (la coupe est pratiquée
un peu au-dessus de la suture écailleuse); d, angle pté-
rique ou angle antérieur et inférieur du pariétal; e, angle
astérique ou angle postérieur et inférieur du pariétal;
C, occipital (la coupe est pratiquée un peu au-dessus
derinion); f, grand trou occipital; gr, gouttière basi-
laire ou face supérieure de l'apophyse basiîaire de Foc-
cipital ; hh', gouttières latérales de l'occipital ; i, crête
occipitale profonde ; j, terminaison de la gouttière sagit-
tale ; Âj protubérance occipitale profonde ou endinion ;
hh\i,j^ k^ croix de l'endocrâne; Z, fosses cérébrales
de l'occipital; m, fosses cérébelleuses; D, ethmoïde;
n, apophyse cristagalli ; o, lame criblée; E, sphénoïde;
p, surface olfactive du sphénoïde; ^, apophyse ensi-
forme de la petite aile; r, apophyse cimoïde antérieure ;
s, selle turcique ou fosse pituitaire; t, lame carrée du
sphénoïde supportant les deux apophyses clinoïdes
postérieures ; w, face endocranienne de la grande aile
du sphénoïde; F, temporal; v, face interne et l'écaillé
temporale; w, face supérieure du rocher; jc, face posté-
rieure du rocher ; y, portion mastoïdienne du temporal
creusée en arrière d'une gouttière qui fait suite à la gout-
tière latérale de l'occipital et qui aboutit au trou déchiré
postérieur. — Sutures de la base de l'endocrâne. 1, suture
fronto sphénoïdale; 2, suture ptéro-frontale; 3, suture
ptéro-pariétale ; 4, suture ptéro-temporale ; 5, suture
écailleuse; 6, suture parieto-mastoïdienne ; 7, suture
lambdoïde; 8, suture occipito-mastoïdienne ; 9, suture
Etéro-occîpitale ; 10, suture ptéro-sphénoïdale; 11, suture
asilaire ou sphéno-occipitale. —- Trous de la base de l'en-
docrâne. 12, trou borgne du frontal ; 13, trou optique, à
l'extrémité de la gouttière transversale des nerfs op-
tiques; 14, fente sphénoïdale entre la grande aile et la
petite aile du sphénoïde; 15, trou grand rond; 16, trou
ovale; 17, trou sphéno-épineux ou {)etit rond; 18, trou
déchiré antérieur entre le bord antérieur du rocher et la
grande aile du sphénoïde; 19, trou déchiré postérieur,
entre le bord postérieur du rocher et la portion con-
dylienne de l'occipital ; 20, conduit auditif interne, sur la
face ]C)Ostérieure du rocher; 21, trou condylien antérieur,
aboutissant d'autre part au trou déchiré supérieur.
On y voit les sutures occipito-mastoïdienne et pétro-occi-
pitale qui sont les deux aboutissants du ti^ou déchiré
postérieur,
La suture pétro-occipitale, résultant de l'union du
rocher avec le bord de l'apophyse basiîaire de l'occipital, est
située dans un petit enfoncement où se loge le sinus pétreux
inférieur. La gouttière latérale part de la protubérance
interne, se dirige horizontalement en avant, se creusant un
canal à la surface interne de l'occipital, arrive jusqu'au
rocher, se recourbe en dedans et en bas derrière la base
de cet os, et se relève légèrement pour finir à la fosse jugu-
laire non loin du trou condylien postérieur. Elle abrite le
sinus latéral. On remarque encore sur la face posté-
rieure du rocher le trou auditif interne et l'orifice de
^ 267 ^ CRANE
l'aqiieduc du limaçon en avant ; la fosse occipitale supé-
rieure et le trou condylien antérieur où passe le nerf grand
hypoglosse. Beaucoup de ces détails sont masqués plus ou
moins par la dure-mère qui tapisse les parois de l'endo-
crâne.
La face inférieure du rocher est ensuite formée par
l'articulation de son bord antérieur avec le sphénoïde, for-
mant une rainure qui se continue avec la scissure glénoï-
dale. Plus en dehors se voit la portion inférieure de la
face zygomato-temporale du sphénoïde, séparée du tem-
poral par une suture dirigée à angle droit sur la rainure
que nous venons de mentionner. En avant de la suture
occipito-sphénoïdale, on distingue l'union du sphénoïde
avec le vomer et avec la lame ethmoïdale, et l'articulation
de celle-ci avec l'épine nasale. De dedans en dehors se
voient la paroi supérieure des fosses nasales; plus en
dehors, la base des apophyses ptérygoïdes, l'union du pa-
latin au sphénoïde, le trou sphéno-palatin, la jonction du
sphénoïde et du palatin avec l'ethmoïde, l'articulation des
masses latérales de l'ethmoïde avec le frontal, et la réunion
de ce dernier avec l'unguis et l'os nasal. Tout à fait en
dehors et en avant, on remarque une surface concave qui
constitue la voûte de l'orbite, et qui se termine par la
ligne de jonction du frontal, du sphénoïde et du malaire ;
cette ligne aboutit à la fente sphénoïdale qui permet la
communication entre la surface interne et la surface
externe du crâne. Les diverses pièces qui constituent la
voûte crânienne sont articulées entre elles, do manière à
former un tout solide, capable de résister à des chocs assez
forts, se laissant plutôt fracturer que disjoindre. On a ex-
pliqué cette solidité en assimilant la structure et l'assem-
blage des os crâniens à celle des pièces d'une voûte archi-
tecturale. La plus grande épaisseur des os, selon certaines
directions ( crêtes ) , constitue des lignes de force qui
augmentent la résistance dans des sens déterminés. Les
détails qui sont restés en dehors de notre description se
trouveront suffisamment étudiés à propos de chacun des
os du crâne en particuHer, Nous renvoyons donc aux mots
Frontal, Occipital, Ethmoïde, Sphénoïde; les rapports
du crâne avec le cerveau seront décrits à Encéphale. La
constitution des os crâniens s'étudiera au mot Os. Quant
aux dimensions du crâne (diamètres, circonférences, angles),
Y. Craniolûgie, Angle. D"* G. Kuhff.
Développement du crâne. Le crâne prend naissance
aux dépens des lames protovertébrales de la tète ou lames
céphaliques qui se reploient en haut et en arrière de façon
à venir encapsuler l'extrémité céphalique de la moelle épi-
nière dont la dilatation en plusieurs ampoules donne lieu
aux vésicules cérébrales. A ce moment, le cerveau primitif
est environné d'une coque membraneuse constituée par l'ecto-
derme cutané et le mésoderme sous-jacent, et qui devient
l'origine de la capsule crânienne primitive ou crâne primor-
dial membraneux. Cette capsule est en partie traversée à sa
base par l'extrémité céphalique de la corde dorsale (por-
tion cordale du crâne), et ne tarde pas à subir un certain
nombre d'étranglements en rapport direct avec les étran-
glements de la portion céphalique du tube neural qui
donnent naissance aux vésicules cérébrales (V. Protover-
tèbre, Nerveux [Système] [Développement] et Râchis).
C'est ainsi que se développent ce que l'on a appelé les vési-
cules crâniennes. En même temps, le crâne membraneux qui
était resté jusque-là sous la forme d'un tube rectilignc,
s'incurve sur lui-même en avant et détermine la forma-
tion de deux inflexions, inflexion de la nuque et inflexion
du sommet de la tête. Ce mouvement, qui s'opère sur la base
du crâne comme point fixe, et que commande et ordonne
le développement du cerveau, reporte les yeux et les fosses
nasales en avant (V. Face). Bientôt des épaississements
localisés de ce crâne membraneux donnent lieu à des sortes
de piliers ou ailes qui déterminent la formation des fosses
crâniennes ou cérébrales.
Vers le deuxième mois dans l'espèce humaine, le crâne
membraneux se transforme en cartilage au niveau de sa
CRANE
ms
base, et de là dérive le crâne cartilagineux ou chondro-
crâne^ la voûte, au contraire, demeurant à l'état fibreux.
Chez les oiseaux et les mammifères, cette cartilaginification
apparaît d'une seule coulée ; chez les vertébrés inférieurs,
au contraire, elle se fait en plusieurs centres autonomes
qui donnent lieu à ce que l'on a appelé la plaque basilaire,
les plaques trabcculaires (cartilages paracordaux et pou-
trelles de Rathke), et les capsules cartilagineuses senso-
rielles. A la période chondro-membranetise, le crâne
possède à peu près la forme qu'il aura plus tard, et la
portion précordale ou ethmo-nasale apparue après la
portion cordale ou occipito-sphénoïdale est en actif accrois-
sement. Dans une période suivante qu'on peut appeler
période ostéo-membraneuse, le crâne membraneux subit
l'ossification. Les pièces de la base s'ossifient au sein du
chondrocrâne, les pièces de la voûte s'ossifient directement
dans le tissu fibreux. Mais pendant longtemps encore, pen-
dant toute la vie utérine dans l'espèce humaine, les os du
crâne restent séparés les uns des autres par du cartilage
intercalaire à la base, et par des membranes au niveau de
la voîite. Ces os présentent des petites dentelures qui se
rapprochent plus tard et donnent naissance aux sutures du
crâne. En certains endroits de la voûte, les os ne se rap-
prochent que tardivement et laissent persister en ces points
des espaces membraneux auxquels on a donné le nom de
fontanelles. Celles-ci sont au nombre de six sur le nou-
veau-né humain. Ce sont : la fontanelle antérieure qui
siège au niveau du bregma; la fontanelle postérieure
au niveau du lambda; la fontanelle antéro-latérale au
niveau de la ptère, et la fontanelle poster o-later aie qui
est placée au niveau de l'astérion (Y. ci-dessus et Cra-
niologie).
Dans une dernière période, enfin, à laquelle on a donné
le nom de période suturale ou synostosique, les divers
os du crâne se soudent entre eux. A la naissance, chez
l'homme, la voûte du crâne offre quatre sutures princi-
pales : 4° la suture médio-frontale ou métopique; 2° la
suture coronale ; 3" la suture sagittale ou interpariétale;
4*^ la suture lambdoïde. La synostose normale commence de
la première à la septième année par la médio-frontale qui
persiste exceptionnellement huit à dix fois sur cent ; puis
la suture sphéno-occipitale se soude (vers quinze ans), la
suture sagittale (vers quarante ans), les sutures coronale
et lambdoïde, et enfin, lorsque arrive la synostose de la
suture temporale, le sujet n'a guère moins de soixante-dix
ans. Le basi-occipital se soude avec le basi-sphénoïde de
seize à vingt ans, bien après la soudure, par conséquent, des
deux sphénoïdes. Avec la période suturale des os de la
voûte coïncide le commencement de la régression sénile du
cerveau. Les sutures de la base se ferment avant celles de
la voûte dans l'espèce humaine, tandis que chez les anthro-
poïdes, ce sont les sutures de la voûte qui se ferment les
premières. Chez les races humaines supérieures, les
sutures restent plus longtemps ouvertes dans les régions
frontales que les régions occipitales, tandis que c'est le con-
traire chez les nègres (Gratiolet) et chez les anthropoïdes
(Deniker). La synostose précoce que Ton observe parfois con-
duit à un arrêt de développement du cerveau. Ch. Debjerre.
IIL Pathologie. — Les affections du crâne et celles du
cuir chevelu sont si intimement liées les unes aux autres
que tous les auteurs classiques les réunissent dans le
même chapitre. Nous étudierons donc, à leur exemple :
i^ les affections des parties molles extérieures du crâne ;
2<^ celles des os. — Les affectio7is des parties molles sont
des lésions traumatiques, des inflammations et tumeurs
diverses. Les lésions traumatiques sont des contusions
et des plaies. Les contusions produisent des bosses san-
guines, de volume variable suivant l'étendue de la contu-
sion et les vaisseaux ouverts, pouvant se terminer par
suppuration, quand elles s'enflamment, ou par résolution. On
les traite par la compression modérée, Fapplication de
topiques émollients, les ponctions capillaires suivant la
méthode de Voillemier ; quand elles s'enflamment, on les
traite comme des abcès. Les plaies des téguments se dis-
tinguent en plaies par instruments piquants, par instru-
ments tranchants, par instruments contondants. Les bles-
sures par instruments piquants n'ont que peu de gravité,
car elles n'ont jamais beaucoup de profondeur, sauf quand
elles sont faites obliquement; elles peuvent alors perfo-
rer deux fois les téguments, faire une sorte de séton.
Elles peuvent être très douloureuses, se comphquer d'éry-
sipèle, etc. On les traite par des applications de compresses
d'eau phéniquée, après avoir rasé les cheveux autour. Les
plaies par instruments tranchants ont une profondeur va-
riable et peuvent mettre les os à nu ; les complications de
toutes les plaies peuvent s'y présenter. Le traitement con-
siste à raser les cheveux autour, à tenter la réunion par
des agglulinatifs, ou mieux la suture, recouverte d'un pan-
sement antiseptique. Les plaies par instruments conton-
dants sont très fréquentes ; elles ont des bords parfois très
nets, parfois comme mâchés, décollés. Lorsqu'elles succèdent
à des chutes sur le sol, on trouve dans les bords des corps
étrangers, cailloux, fragments de terre, etc., qu'il faut
enlever avec soin avant de tenter la réunion ; et encore ne
faut-il avoir recours à celle-ci que lorsque les bords de la
plaie sont nets. Dans les plaies à plusieurs lambeaux, en
étoile, on met un tube à drainage; ces plaies s'accom-
pagnent souvent d'une dénudation des os qui n'entraîne
pas la mortification du tissu osseux, lorsqu'on le recouvre
à temps, contrairement à ce qu'on croyait autrefois.
Les lésions traumatiques des os du crâne sont des contu-
sions, des plaies, des fractures. La contusion des os accom-
pagne souvent celle des parties molles, mais elle est très diffi-
cile à reconnaître au début ; c'est seulement lorsqu'il existe
une plaie des téguments, des douleurs vives, des phéno-
mènes fébriles, qu'on peut la diagnostiquer, d'après l'aspect
de l'os qui est dénudé, livide, déprimé. On peut alors tré-
paner et traiter la plaie antiseptiquement. Les plaies sont
divisées comme les précédentes en plaies par instruments
piquants, tranchants et contondants. Les plaies par instru-
ments piquants sont ou bornées à une partie de l'épaisseur
de l'os, ou traversent celui-ci en entier. Dans le premier
cas, elles ont à peine plus de gravité que les plaies des
téguments ; dans le second cas, elles peuvent léser les
méninges, le cerveau, surtout lorsqu'elles s'accompagnent
de fracture de la table interne, et produire des accidents
inflammatoires graves. On est souvent obligé de pratiquer
alors la trépanation. Les plaies par instruments tranchants
ont des formes très variables suivant la direction de l'ins-
trument qui les a produites. On leur a donné les noms
bizarres de hedra, blessure superficielle ; eccopé, section
perpendiculaire ; diaceopé, section plus ou moins obMque ;
aposképarnismos, séparation complète d'une portion d'os
restée encore adhérente aux parties molles. Le diagnostic
de la lésion est plus facile que dans les piqûres, mais les
complications peuvent rester ignorées jusqu'à l'apparition
des accidents consécutifs. Le traitement est comme celui
des plaies des parties molles, sauf lorsqu'il y a perte
de substance complète du crâne ; la substance cérébrale
peut alors faire hernie ; on peut l'éviter à l'aide de panse-
ments appropriés, d'une calotte en cuir bouilli, etc.
Fractures du crâne. Ces fractures ont lieu par cause
directe ou par contre-coup. Elles peuvent atteindre séparé-
ment la voûte ou la base du crâne, ou se propager de l'une
à l'autre. Les fractures de la voûte sont complètes ou in-
complètes. Les premières intéressent toute l'épaisseur des
os, les secondes la table externe ou la table interne seule-
ment. Celles-ci sont les plus rares et ont été rangées parmi
les fractures par contre-coup : le choc, agissant sur un
point de la voûte, tend à redresser la courbure ; la table
externe cède ; la table interne déprimée, mais plus mince et
plus cassante, se brise la première et peut se fracturer
seule (Duplay).
Dans les fractures complètes, tantôt les os sont sim-
plement fissurés, sans écartement, tantôt les fragments
sont déplacés et peuvent chevaucher l'un sur l'autre; ils
269 --
CRÂNE
peuvent aussi être déprimés , s'accompagner de fissures
qui s'étendent jusqu'à la base, etc. Notons que Duplay,
s'appuyant sur des expériences d'Aran et de Trélat, est
arrivé à nier les fractures par contre-coup. Cependant
Jamain et Terrier croient que sous l'influence d'un choc la
boîte crânienne, déprimée au point où a porté ce choc,
peut ne pas céder en ce point, mais un peu plus loin. Les
fractures de la base sont également par cause directe ou
indirecte. Les premières sont rares ; elles n'ont eu lieu
que par des projectiles ou des instruments pénétrant par
l'orbite. Les fractures indirectes sont consécutives à des
coups ou des chutes sur le menton, le nez, le maxillaire
supérieur, sur les pieds, les genoux ou les ischions, sur
la voûte, etc. Les fractures communes à la voûte et à
la base ou fractures par irradiation, sont les plus fré-
quentes ; elles sont causées par des coups, des chutes
sur le vertex; on les trouve le plus souvent à l'étage
moyen et intéressant alors le rocher. Les fractures du
rocher peuvent être parallèles, perpendiculaires ou obliques
à son axe. Les signes des fractures du crâne diffèrent sui-
vant qu'elles siègent à la voûte ou à la base. En cas de
simple fissure , le diagnostic est presque impossible, à
moins d'une plaie des téguments ; lorsqu'il n'y a pas de
plaie, on ne reconnaît la fracture que lorsqu'il y a dépla-
cement des fragments. Les circonstances dans lesquelles a
lieu l'accident, les conditions de la chute , le bruit de pot
fêlé entendu par les assistants, l'écoulement du liquide
céphalo-rachidien, sont des signes de fracture. Les frac-
tures de la base du crâne se reconnaissent aux commémo-
ratifs et aux signes suivants : ecchymoses à la région
occipitale, à la région mastoïdienne , aux paupières, sur
la conjonctive, au pharynx, à la luette (l'ecchymose orbi-
taire est la plus importante) ; écoulement de sang par l'oreille,
le nez ou la bouche ; écoulement de sérosité par le nez et
le plus souvent par l'oreille, constitué par du liquide cé-
phalo-rachidien ; écoulement de matière cérébrale ; phéno-
mènes dépendant du système nerveux, troubles de l'intelli-
gence, somnolence, coma, délire; troubles de la sensibilité,
hyperesthésie ou anesthésie ; troubles de la motilité, con-
vulsions, paralysie, divers nerfs passant par les trous de
la base du crâne pouvant être lésés ; ce sont, par ordre de
fréquence : l'olfactif, l'optique , le facial , l'auditif et les
nerfs moteurs de l'œil. De tous ces signes, l'issue de la
matière cérébrale est seul pathognomonique d'une fracture
de la base du crâne. Le pronostic est souvent très grave,
en raison des complications qui peuvent survenir du côté
de l'encéphale et des méninges. La consolidation des frac-
tures est possible, mais elle demande beaucoup de temps.
Le traitement est en général simple lorsqu'il n'y a pas de
complications ; la trépanation est indiquée en cas d'enfon-
cement des fragments, de phénomènes de compression
cérébrale. On préviendra les complications du côté du cer-
veau et des méninges au moyen des applications réfrigé-
rantes, dérivatifs sur le canal intestinal, émissions san-
guines, sangsues derrière les oreilles, etc.
Inflammations, On observe au cuir chevelu, comme
dans toutes les autres régions, le furoncle, l'anthrax et
l'érysipèle, qui n'ont ici rien de particulier. Il n'en est pas
de même du phlegmon diffus du cuir chevelu, qui com-
plique souvent l'érysipèle et qui survient à la suite des
plaies de cette région. Les phénomènes sont les mêmes que
partout ailleurs : frissons au début, état fébrile intense, ty-
phoïde même, douleur locale, gonflement œdémateux, rou-
geur. Au bout de trois ou quatre jours survient la résolution
ou la suppuration, qui donne Heu à des abcès multiples, à
la mortification du tissu cellulaire, parfois à une nécrose
superficielle des os du crâne. On peut confondre l'érysipèle
et le phlegmon diffus qui souvent coexistent ; cependant
l'engorgement des ganglions cervicaux appartient plus à
l'érysipèle qu'au phlegmon diffus. On peut aussi confondre
le phlegmon diffus avec la périostitephlegmoneuse diffuse;
on ne peut guère savoir à laquelle des deux affections on a
affaire avant d'avoir incisé les tissus enflammés et d'avoir vu
si l'mfiltration purulente siège au-dessous ou au-dessus du
périoste crânien. Le traitement consiste dans les incisions,
le drainage et les injections antiseptiques. Outre ces grands
abcès il survient aussi au cuir chevelu des collections plus
circonscrites, sous-cutanées ou sous-périostiques, succé-
dant à l'érysipèle, à des plaies, etc. Ils ne présentent ici
rien de particulier. Les os du crâne peuvent être atteints,
comme les autres os, d'ostéo-périostite (cranitë)^ de carie
et de nécrose. L'ostéo-périostite survient à la suite de plaies,
d'une altération générale de l'économie comme la scrofule
et la syphihs, d'une affection de l'oreille moyenne, ou elle
peut être aiguë ou chronique, circonscrite ou diffuse, se
limiter au périoste ou s'étendre aux veines du diploé et de là
aux méninges, se terminer par résolution ou par suppura-
tion et donner lieu à des exostoses. La carie succède le plus
souvent à la syphilis.' Elle siège surtout au frontal et aux
parties antérieures des pariétaux ; elle est superficielle ou
profonde, comme les gommes syphilitiques auxquelles on
les a assimilées. On traite cette carie par la cautérisation,
le raclage, la trépanation, etc. La nécrose succède aux
contusions, fractures, inflammations des os du crâne ; elle
peut comprendre tout ou partie de l'épaisseur des os,
marche très lentement, donne lieu à des abcès fétides et
se traite par l'ablation des séquestres et par la trépanation.
Tumeurs, On trouve dans les téguments du crâne des
productions cornées, des fibromes, lipomes, kystes séba-
cés ou glandulaires désignés sous le nom de loupes ; des
anévrysmes artériels, artério-veineux^ cirsoïdes, des an-
giomes ou tumeurs érectiles, le céphalématome, dont on
trouvera la description à ces différents mots. L'issue des
gaz contenus dans les cavités aériennes du crâne, sinus
frontaux et cellules mastoïdiennes, par suite d'une rupture
de leurs parois, donne lieu à des tumeurs appelées pneu-
matocèles. Au crâne, la tumeur siège d'ordinaire sur les
parties latérales, le plus souvent d'un côté, parfois des
deux ; limitée en bas par l'arcade sourcilière, l'apophyse
zygomatique, le conduit auditif externe, la base de l'apo-
physe mastoïde et la ligne courbe occipitale supérieure, la
tumeur peut s'étendre en haut jusqu'à la ligne médiane au
niveau des sutures des os du crâne. Elle est située entre
le péricrâne et la voûte osseuse, que l'air infiltré décolle
peu à peu. Elle est lisse, non fluctuante, sonore à la per-
cussion et indolente, parfois réductible en totalité ou en
partie, augmentant de volume pendant les efforts. Le dia-
gnostic est en général facile, le pronostic 'bénin. On a con-
seillé comme traitement la ponction, l'injection iodée et la
compression pour faciliter le recollement du péricrâne sur
le crâne. C'est le mode de traitement qui semble le plus
rationnel. On a signalé encore à la région occipitale un
véritable éléphantiasis du cuir chevelu (Bœckel), observé
plus souvent chez la femme que chez l'homme et qu'on a
traité par la compression et par l'excision.
Les tumeurs des os du crâne sont les exostoses, Fhyper-
ostose et diverses tumeurs malignes. Les exostoses et
l'hyperostose, dont la cause est le plus souvent la syphilis,
sauf celles qui succèdent à des ostéites ou des contusions,
des fractures, présentent une gravité considérable quand
elles siègent à la face interne des os, car alors elles peu-
vent léser les méninges et l'encéphale de diverses manières.
Le traitement n'a guère de puissance sur elles ; quand elles
sont limitées, on peut les attaquer par la trépanation. Les
tumeurs malignes appartiennent au cancer, à l'épithéliome,
au sarcome, qui est le plus commun, au carcinome, qui
est le plus rare. Elles sont, comme les précédentes,
d'autant plus graves qu'elles ont plus de tendance à
gagner la face interne de l'os et par suite les méninges et
l'encéphale. Le traitement est purement palliatif.
Difformités et vices de conformation. On étudie sous
ce titre : 1^ les déformations congénitales, dues le plus
souvent à la syphihs héréditaire ou au rachitisme; par
suite d'une suture prématurée des os, le crâne est plus
petit ou prend une forme asymétrique, ou un aspect auquel
Parrot a donné le nom de natiforme. L'ossification
CRANE - CRANIA
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incomplète des os du crâne, désignée sous le nom d'aplasie,
est un état dans lequel la boîte crânienne est formée d'os
minces, flexibles, dépressibles, séparés les uns des autres
par de larges parties membraneuses non envahies par l'os-
sification. Elle peut siéger d'un côté ou des deux côtés, se
terminer par la mort ou guérir par l'achèvement de l'ossi-
fication. Le traitement consiste à prescrire le phosphate de
chaux, une bonne alimentation et une calotte solide pour
préserver la tête. Les os du crâne peuvent encore être
séparés les uns des autres et former une tête volumineuse
par l'accumulation du liquide dans la cavité (V. Hydrocé-
phalie) ; 2° des déformations artificielles produites par
l'homme et qui sont du ressort de l'anthropologie; 3° des
déformations acquises. Ce sont l'atrophie et le ramollisse-
ment des os du crâne. L'atrophie survient chez les adultes
et les vieillards sans cause connue, commence par un ou
plusieurs points et s'étend peu à peu ; il peut en résulter
de véritables perforations, au pourtour desquelles l'os est
parfois plus épais. Le ramollissement des os du crâne,
appelé craniomalacie, craniotabes, est sous la dépen-
dance du rachitisme et peut-être de la syphilis constitu-
tionnelle (on l'observe surtout chez les enfants), amène des
déformations du crâne, est d'autant plus grave qu'il est plus
étendu, et se traite comme le rachitisme. D^' L.-H. Petit.
CRANE (Ralph), poète anglais du commencement du
XVII® siècle, né à Londres. Il a écrit un petit recueil de vers
médiocres, devenu très rare, quoiqu'il y en ait eu deux
éditions de son vivant, la première sous ce titre : The
Workes of Mercy, both Corporeall and Spirituall
(4621), l'autre appelée the Pilgrimes New Yeares
Gift (vers 4625). Crâne paraît avoir mené une vie assez
misérable; il avait fini par exécuter des copies de pièces de
théâtre ou de poésies à la mode, dont il faisait hommage
aux grands, dans l'espoir de quelque récompense.
CRAN E (Thomas), peintre anglais, né à Chester en 4808,
mort à Bayscoater en 4859. Il était fils d'un libraire dont
il conserva le fonds pendant longtemps. En dehors de por-
traits peints en miniature, et de vignettes lithographiées
par ses frères John et William, il a laissé quelques com-
positions dont les plus connues sont the Deserted Village,
the Old Romance, the Wicar of Wakefield, etc. Il a
dessiné des Vues du pays de Galles, et une suite de por-
traits pour le Liverpool Mercury, Crâne, nommé corres-
pondant de l'académie de Liverpool en 4835, en fut élu
membre en 4838.
GRANEQUIN (Armes). Appareil de tension pour les arba-
lètes, le même que le cric (V. ce mot). Il apparaît dans les
textes du xv*^ siècle sous les formes crennequin et grene-
qiiin ; on trouve aussi carnequin au xvi^ siècle. Dès le
XV® siècle, ce mot a désigné l'arbalète elle-même. Un acte de
4422 mentionne V« arbalestre nommée cranequin ». On lit
dans l'inventaire du roi René, en 4 474 : « un cranequin garny
de cricq ». Les armées des xv® etxvi® siècles comprenaient
des cranequiers à pied et à cheval. Le cranequinier était
l'un des hommes qui sous Charles VII composaient la lance
garnie des compagnies d'ordonnance. M. P.
CRANEVELD ou CRANEVELDIUS (François de, ou
Franciscus), jurisconsulte et philologue belge, né à Ni-
mègue en 4485, mort en 4564. Il étudia à Louvain sous
la direction de Despautère et fut le primus du collège du
Lys en 4505. En 1522, Charles-Quint l'appela au grand
conseil de Mahnes. Il ne se laissa pas absorber par les
occupations de sa charge et s'adonna avec succès au culte
des lettres. Il traduisit en latin trois homélies de saint
Basile : Basilii magni Eomiliœ très (Louvain, 4534, in-8);
le traité de Procope sur les constructions de l'empereur Jus-
tinien : De Justiniani imperatoris œdiflciis libri VI (Pa-
ris, 1537, in-4). Craneveld était en correspondance suivie
avec beaucoup de littérateurs et de savants, notamment avec
Erasme, Thomas Morus, Ruger Rescius et Louis Vives. E. H.
BiBL. : FoppENS, Bibliotheca belgica; Malines, 1839.-—
MoLANUs, Historise lovaniensium libri XIV ; Bruxelles,
1860, 2 vol. in-4. — De Reiffenberg, Quatrième Mé-
moire sur les deux pre^niers siècles de Vuniversité de
Louvain ; Bruxelles, 1831, dans le t. Vil des Nouveaux
Mémoires de V Académie royale.
CRAN FORD (James), théologien anglais, né vers 4592.
mort en 4657. Il appartenait à la secte des presbytériens.
On le trouve recteur de Saint-Christopher, à Londres, en
1643. On a de lui un grand nombre d'ouvrages de polé-
mique religieuse fort oubliés aujourd'hui. On lui attribue
souvent un livre remarquable sur les persécutions subies
par les protestants, en Irlande, en 1644, intitulé Tears
of Ireland (4642). Il est du moins certain qu'il en écrivit
la préface. B.-H. G.
CRANGANOR. Ville de l'Hindoustan, présidence de
Madras (ancienne prov. de Madras) ; 9,000 hab. Port de
commerce assez actif. Siège d'un évêché catholique.
CRAN GO N (ZooL). Ce genre, établi par Fabricius, com-
prend des Crustacés Macroures caractérisés par leur rostre
court, leurs mandibules grêles, simples, dépourvues de
palpes, leurs deux premières paires de pattes inégales, dont
la première est très épaisse et la seconde grêle avec une très
faible pince ; les autres paires de pattes sont monodac-
tyles. Les Crangons ont des représentants dans toutes les
mers. L'espèce la plus connue est le G. vulgaris^ h plus
souvent appelé crevette : c'est un animal excessivement
commun sur nos côtes et que [l'on prend en quantité à
l'aide de grands filets que les pêcheurs poussent devant
eux, en rasant légèrement le sable dans lequel les crevettes
se réfugient volontiers ; on en consomme d'énormes quan-
tités. Le Crangon, que l'on ne peut manquer d'apercevoir
si l'on examine un instant les flaques d'eau que la mer
laisse en se retirant, est normalement d'une couleur gris
verdâtre, taché de brun, transparent, mais il modifie ses
nuances avec la plus grande facilité, suivant la nature du
fond sur lequel il se trouve, par un effet de mimétisme
(V. ce mot et l'article Chromatophores). Par la cuisson, il
devient d'un gris rosé, tandis qu'une autre espèce (le
Palémon, vulg. bouquet) qui se voit beaucoup moins abon-
damment sur nos marchés, qui est beaucoup plus estimée
et que l'on confond quelquefois avec la crevette, devient
d'un beau rose par la cuisson. L'ingestion des Crangons a
quelquefois donné lieu à des accidents du côté des voies
digestives, sans que la lumière soit bien faite au sujet de
ces empoisonnements. Ce sont des faits extrêmement rares
et qui, du reste, n'ont jamais été mortels. R. Moniez.
CRAN I A. I. Malacologie. — Genre de la classe des Bra-
chiopodes, de l'ordre des Inarticulés, établi par Retzius en
4784 pour un animal muni de deux bras libres formant deux
spires pouvant compter jusqu'à neuf tours et dont les sommets
sont inclinés vers la valve dorsale, à manteau dépourvu de
soies marginales ; un foie très volumineux, séparé en deux
lobes latéraux portant chacun une ouverture sur le côté.
Six glandes génitales, disposées par deux dans chaque lobe
palléal et deux dans la cavité viscérale. Cet animal est con-
tenu dans une coquille de forme arrondie, parfois subqua-
drangulaire, ornée généralement de côtes rayonnantes, mais
parfois lisse, testacée, fixée par la valve ventrale ; le sommet
est subcentraL Pas de charnière ni de Hgament. L'intérieur
des valves porte, près du bord cardinal, deux impressions mus-
culaires ovales et distantes ; presque au centre, deux autres
impressions souvent réunies, parfois séparées par une sail-
he triangulaire, et autour le bord des valves se développe
en un large limbe, épaissi, couvert de granulations plus
ou moins accusées. Le type est le Crania ignabergensis
Retzius. Les Cranies habitent uniquement les mers d'Eu-
rope et en particulier la Méditerranée, les côtes des îles
Shetland et celles des Hébrides. J. Mâbille.
II. Paléontologie. — Les premiers représentants de
la famille des Granidœ apparaissent dans le silurien infé-
rieur d'Irlande {Spondylobolus craniolaris M'Coy), et
sont de petite taille. Le genre encore vivant Crania date
du dévonien (peut-être du silurien), et a son maximum
de développement dans la craie. Les sous-genres Pseudo-
crania (silurien, dévonien), Graniscus (jurassique) et
Ancistrocrania (crétacé), en sont des démembrements.
'lli —
CRANIA - CRANIOLOGIE
C'est à ce dernier genre qu'appartient Crania parisiensis
(Defr.), du crétacé supérieur du bassin de Pans. E. Trt.
CRANIECTOMIE (Chir.). Opération pratiquée récem-
ment par M. Lannelongue et qui consiste à enlever une
bande des os du crâne d'avant en arrière d'une longueur
de 10 à 12 centim. sur 2 ou 3 de large. Dans d'autres
procédés, on taille un véritable lambeau osseux quadri-
latère, semi-lunaire, etc. Cette opération a pour but de
permettre à la cavité crânienne, trop étroite par suite de
l'ossification précoce des sutures, de s'élargir. L'étroitesse
du crâne produit l'atrophie du cerveau ou du moins em-
pêche son développement, et par suite celui de l'intelli-
gence; en permettant au cerveau de se développer, la
craniectomie favoriserait en même temps le développe-
ment des facultés mentales. D'' L.-H. Petit.
CRANIENS (Nerfs). On désigne sous le nom de nerfs
crâniens les rameaux nerveux qui s'échappent par des
orifices spéciaux de la boîte crânienne et qui tirent leur
origine apparente soit de l'encéphale, soit de la région
bulbo-protubérantielle. Plusieurs classifications ont été pro-
posées. Willis, le premier, en avait composé une purement
anatomique les classant suivant la succession des orifices
crâniens eux-mêmes. Cette classification comprend dix paires
en y faisant entrer les nerfs sous-occipitaux. Depuis, Vie
d'Azyr, procédant à des dédoublements rendus nécessaires
par les nouvelles recherches anatomiques et surtout phy-
siologiques, a admis douze paires de nerfs crâniens et c'est
cette classification qui est actuellement adoptée. Il est im-
portant d'en connaître l'ordre, car les nerfs sont souvent
désignés par leur numéro d'ordre: l*"^ paire, nerfs olfactifs;
2« paire, nerfs optiques ; 3® paire, nerfs moteurs oculaires
communs ; 4^ paire, nerfs pathétiques ; 5^ paire, nerfs
trijumeaux ; 6® paire, nerfs moteurs oculaires externes ;
7^ paire, nerfs faciaux ; 8® paire, nerfs auditifs ou acousti-
ques; 9® paire, nerfs glosso-pharyngiens ; 10® paire, nerfs
pneumogastriques; li® paire, nerfs accessoires ou spinaux;
12^ paire, nerfs grands hypoglosses. Chacun de ces nerfs
est étudié spécialement à son nom ; néanmoins on peut les
considérer à un point de vue général ; ils peuvent ainsi,
suivant leurs fonctions, être divisés en trois groupes :
i^ les nerfs de sensibilité spéciale, se rendant aux organes
des sens, nerfs olfactifs, 1^® paire; nerfs optiques,
2® paire; nerfs acoustiques, 8® paire; ces trois nerfs éma-
nent de la substance même de l'encéphale, dont ils ne sont
qu'un prolongement, ainsi que l'indiquent l'embryogénie
et leur constitution : absence de périnèvre, mollesse
extrême, etc. ; 2** les nerfs moteurs : moteurs oculaires
communs, 3® paire ; pathétiques, 4-® paire, moteurs ocu-
laires externes, 6^ paire ; faciaux, 8® paire ; spinaux,
11^ paire, et hypoglosses, 12® paire ; ces nerfs ont une ori-
gine commune : la colonne centrale grise du bulbe, et
quittent le bulbe à la hauteur du quatrième ventricule ; ils
ne possèdent aucun ganglion sur leurs trajets et se ter-
minent exclusivement dans les muscles striés; 3° les
nerfs mixtes : trijumeaux, 5® paire; glosso-pharyngiens,
9® paire, et pneumogastriques, 10^ pan^e, ont une grande
analogie avec les branches rachidiennes ; ils naissent par
une double racine plus ou moins apparente dans la subs-
tance grise de la paroi inférieure du 5® ventricule et pos-
sèdent tous des ganglions comme la racine sensitive des
nerfs rachidiens. D"* P. Lânglois.
BiBL. : Sappey, Anatomie descriptive.
CRANIOLOGIE. On devrait comprendre sous le nom de
craniologie l'étude scientifique du crâne chez tous les ver-
tébrés ; mais l'usage s'est établi de n'appliquer ce terme
qu'à la partie de l'anthropologie qui traite du crâne ou mieux
de la tête osseuse de l'homme, cette dernière comprenant,
outre la boîte crânienne, les os de la face avec le maxillaire
inférieur. Il ne faut pas confondre la craniologie avec la
cranioscopie des phrénologistes, prétendue science fondée
par Gall et qui voulait établir des rapports entre certaines
bosses ou inégalités de la surface du crâne et les régions
du cerveau affectées soi-disant aux différentes fonctions
intellectuelles. Il est démontré aujourd'hui que les inéga-
lités de la table externe des parois crâniennes ne sont en
aucun rapport avec les inégalités de la table interne, et à
plus forte raison ne correspondent point au relief des di-»
verses régions du cerveau. Malgré cela, un intérêt de pre-
mier ordre restera toujours attaché au crâne comme à la
partie du squelette qui renferme l'organe le plus important
de l'homme et qui est nécessairement en certain rapport
avec lui. Le cerveau a pris un tel développement chez
l'homme, par rapport aux autres animaux, que l'étude de
tout ce qui y touche de près ou de loin (et dans notre cas,
il s'agit de son récipient) présente le plus grand intérêt.
Cet intérêt suffirait à lui seul pour expliquer la place pré-
pondérante assignée à la craniologie dans l'histoire naturelle
de l'homme. Mais il existe encore d'autres raisons pour les-
quelles l'étude du crâne est une des branches les plus
cultivées de l'anthropologie. Comme chez tous les mammi-
fères, le crâne chez l'homme est une des parties du
squelette, et même du corps entier, qui présente le plus
grand nombre de variations accentuées. Les différences
dans la forme et les dimensions du crâne, étroitement Hées
à celles du cerveau et des organes masticateurs, servent à
distinguer les races et les espèces, aussi bien chez l'homme
que chez les autres vertébrés. En outre, les dents qui
caractérisent non seulement les genres, mais mêmes les
familles et les ordres des mammifères, sont toujours atta-
chées au crâne, quoique ne faisant pas partie du système
osseux. Cette considération peu scientifique a une haute
portée pratique, car dans toutes les collections on laisse les
dents attachées, collées, s'il le faut, au crâne. Une autre
considération pratique n'a pas une moindre importance.
Le crâne, avec quelques ossements isolés, est la seule
partie du corps qui nous reste de l'homme préhistorique ;
ce n'est qu'en l'étudiant que nous* pouvons faire des rappro-
chements, des comparaisons entre les races existantes et
les races éteintes de l'humanité, en ce qui concerne leur
type physique. Les caractères que l'on peut observer sur
le crâne sont fort nombreux et peuvent se diviser en carac-
tère descriptifs, rendant compte de la conformation de la
tête osseuse et de ses parties, et en caractères craniomé-
triques, rendant compte des dimensions de ces parties par
des mesures exactes que l'on prend à l'aide des appareils
ou instruments spéciaux. Ces deux ordres de caractères se
complètent les uns les autres. On donne quelquefois le
nom de craniométrie à l'ensemble de méthodes de men-
suration du crâne. Les caractères crâniens varient suivant
les races ; mais, dans les limites de chaque race, il y a
encore des variations suivant l'âge et le sexe.
La forme générale du crâne, ainsi que le nombre, la
consistance et la structure de différentes parties qui le
composent, se modifie à mesure que l'individu se développe,
grandit, vieillit (V. Crâne [Développement]). Suivant le
nombre de pièces composant le crâne, et aussi suivant leur
état, leur struôture, leur conformation, suivant le degré
de l'oblitération des sutures qui se fait dans un certain
ordre, suivant les modifications dans la forme du front,
de l'angle de la mâchoire inférieure, etc., suivant le volume
et les dimensions du crâne, suivant enfin l'état de la den-
tition et plusieurs autres caractères, on peut aisément
reconnaître, dans le cycle du développement, l'âge à peu
près exact de l'individu auquel le crâne avait appartenu.
D'autres caractères, comme la forme du front, la capacité
crânienne, la forme des bords orbitaires, les empreintes
musculaires, le poids, etc., sont ceux qui servent à dis-
tinguer le sexe. Enfin les caractères de race sont nom-
breux et spéciaux. Nous allons en esquisser brièvement
quelques-uns. Les formes générales du crâne peuvent être
lourdes, massives, anguleuses ou légères, gracieuses,
émoussées; le poids, les dimensions absolues, l'épaisseur
des parois du crâne doivent être prises aussi en considé-
ration. Enfin la capacité crânienne ou le volume de la
boîte crânienne qui donne une idée du volume du cerveau
et, approximativement, de son poids, présente des diffé-
CRANIOLOGIE
— 27i2 —
rences suivant les races. La capacité crânienne peut varier
du simple au double (de 4,400 à 2,200 centim. c),
parmi les individus normaux dans le genre humain. La
capacité moyenne pour les races de l'Europe est de 1,500
à 4,600 centim. c. ; celle des races jaunes paraît être à
peu de choses près la même et celle des races nègres et
océaniennes un peu plus petite, peut-être de 4,400 à
i,500 en moyenne. Celle des Australiens, des Boschimans,
des Andamans, est encore moindre, de 4,250 à 4,350.
Mais il ne faut pas oublier que le volume, comme les autres
dimensions de la tête, est en certain rapport avec la taille
des individus et que précisément les AustraHens, les
Boschimans et les Andamans sont très petits de taille.
C'est aussi à cette disproportion de la taille qu'il faut pro-
bablement attribuer la différence entre le volume du crâne
. — Crâne très brachycéphale d'un Tatar,
d'après Huxley.
mément la première de ces mesures à 400, on obtient les
différents chiffres pour la largeur qui expriment la forme
crânienne. Ainsi les crânes très ronds ont 85, 90 et même
jusqu'à 99 (limite extrême) comme indice (fig. 4), tandis
que les crânes allongés peuvent avoir l'indice de 70, de
65^ et même de 58 (limite individuelle extrême) (fig. 2).
Suivant la nomenclature de Broca, les crânes ayant les
indices entre 77,7 et 80 sont mésocéphales ; ceux qui
ont l'indice au-dessous de ce chiffre sont sous-dolichocé-
phales (jusqu'à 75) ou dolichocéphales (moins de 75) ;
ceux qui ont l'indice au-dessus de 80 sont nommés sous-
brachycéphales (jusqu'à 83,3) ou brachycéphales (au delà
de 83,3). D'après la nomenclature quinaire adoptée dans
beaucoup de pays de l'Europe, les indices sont groupés
par séries de cinq : mésocéphales, de 75 à 79,9; sous-
brachycéphales, de 80 à 84,9 ; brachycéphales, de 85
à 89,9, etc. On pourrait combiner avantageusement les
deux systèmes, comme nous l'avons proposé, dans la nomen-
clature suivante : .
Indice céphalique : de 69,9 et au-dessous, hyperdolicho-
céphale; de 70 à 74,9, dolichocéphale; de 75 à 77,7,
sous-dolichocéphale; de 77,7 à 79,9, mésocéphale; de
80 à 83,2, sous-brachycéphale; de 83,3 à 84,9, bra-
chycéphale ; de 85 à 89,9, hyperbrachycéphale ; de 90 et
au-dessus, ultra-brachycéphale.
L'indice céphalique est un rapport qui paraît être très
constant duns les différentes races ; seulement il faut con-
sidérer ici, comme dans toutes les autres données de
l'anthropométrie , les moyennes , de même que la fré-
quence de certains chiffres et le nombre de cas entrant
dans chaque catégorie. Ici se pose une remarque générale.
Les peuples ou les groupes ethniques étant formés d'élé-
ments divers, il est le plus souvent impossible de dire d'après
l'examen d'un crâne isolé à quelle population il appartient ;
tout ce que l'on peut dire c'est qu'il est brachy ou dolicho- ,
chez l'homme et chez la femme. Suivant les races, cette
différence est de 400 à 200 centim. c, en faveur de
l'homme. La capacité crânienne de certains aliénés et
criminels et surtout celle des hommes célèbres paraît être
légèrement supérieure à la moyenne de leur race.
La forme générale de la boîte crânienne est un ovoïde ;
mais cet ovoïde peut être plus ou moins arrondi, globuleux
(fig. 4) ou bien plus ou moins allongé (fig. 2), de façon à
ressembler à un ellipsoïde dont le grand axe mesure
presque le double du petit. L'expression numérique de
cette forme générale du crâne est donnée par Vindice cé-
phalique, c.-à-d. par le rapport de la longueur du crâne
(ordinairement mesurée de la glabelle au point le plus
saillant de l'occiput) (fig. 4, 2 et 3, AB), à sa plus grande
largeur (fig. 4, 2, CD, et fig. 4, MN); en réduisant unifor-
Fi
lii'. 2. — Crâne très dolichocéphale d'un
Australien, d'après Miklonho-Maclay.
céphale, orthognathe ou prognathe, etc. Il faut avoir un
certain nombre d'« échantillons » de crânes (de dO à 30
au moins suivant l'homogénéité de la population), pour
pouvoir indiquer les éléments constitutifs d'une population
en tant qu'ils se manifestent dans les caractères crâniens,
On déduit donc d'après les mesures individuelles d'un nombre
donné de crânes les mesures moyennes en additionnant les
mesures individuelles et en les divisant par le nombre de
crânes examinés. Mais la moyenne d'une mesure ou d'un
rapport quelconque ne donne qu'une idée très générale et
un peu vague des dimensions réelles des crânes. Pour la
préciser, il faut faire la coordination et la sériation de
ces crânes, c.-à-d. les disposer par exemple dans l'ordre
croissant des chiffres exprimant leur indice céphalique. De
cette façon on peut découvrir un ou plusieurs indices au-
tour desquels les crânes se groupent en plus grand nombre.
C'est ainsi que l'on peut discerner souvent deux ou trois
éléments dans une même population. On peut aussi grouper
les crânes par sections (par exemple d'après la nomen-
clature quinaire de l'indice céphalique) pour voir quel est
la part proportionnelle (pour cent par exemple) de chacune
de ces sections. Si l'on applique ces méthodes à l'étude de
l'indice céphalique dans les différentes races, on voit que
généralement les crânes des nègres, des Mélanésiens, des
Esquimaux, des Aïnos, des Berbers, des races du nord de
l'Europe, etc., sont dolichocéphales ; tandis que ceux des
Turcs, des Mongols, des Malais, des Slaves, des Tyro-
hens, etc., sont brachycéphales; que les sous-brachycé-
phales dominent dans le nord-ouest de la France, tandis que
les brachycéphales sont groupés dans le sud-est ; que les
Corses sont sous-dolichocéphales, etc. Le rapport de la
hauteur (fig. 3, XC) à la largeur ou à la longueur du crâne
donnent également une idée de sa forme générale. C'est
ainsi que l'on reconnaît les crânes bas (platycéphales),
moyens (orthocéphales) ou hauts (hypsicéphales).
2t3 -
CRANIOLOGIE
Pour mieux décrire les différentes particularités du crâne,
de même que pour rapporter certaines mesures à des
coordonnées fixes, il faut placer tous les crânes que l'on
étudie suivant un seul et même plan horizontal. Malheu-
reusement l'entente est loin de régner entre les anthro-
pologistes, quant à ce plan initial. En France et dans
beaucoup d'autres pays, on adopte le plan alvéolo-condylien
de Broca qui passe par les condyles et le bord alvéolaire
du maxillaire supérieur (fig. 3, sa projection en KL) ;
tandis qu'en Allemagne on tient au plan passant par les
bords inférieurs des orbites et les sommets du contour des
trous auditifs (fig. 3, MN). Une fois le crâne convenable-
ment orienté suivant un plan horizontal, on en décrit les
différents aspects, vu d'en haut (norma verticale de Blu-
menbach) (fig. 1 et 2), d'en bas (norma basilaire), de
côté ou de profil (norma latérale )(fig. 3), de face (norma
faciale) (fig. 4) ou par derrière (norma occipitale). C'est
ainsi que l'on décrit les différentes courbes : antéro-posté-
rieure (fig. 3, ACB), bi-auriculaire, etc., les bosses (fron-
tales, pariétales, etc.); la forme de l'occiput (aplati,
allongé, etc.); le front, l'état des sutures, etc. En ce qui
concerne la face, différentes mesures expriment sa forme
générale ; ainsi le rapport de la largeur bizygomatique
(fig. 4,IG) àla hauteur totale (fig. 4, KL) ou partielle (de
Tophryon, fig. 4, R, au bord alvéolaire du maxillaire supé-
rieur) sert à distinguer les crânes en brachy ou dolicho-
faciaux, en chaméprosopes ou leptoprosopes ; d'autres
caractères, comme le développement excessif des arcades
sourcilières, donnent aussi une physionomie spéciale à la face
osseuse. Les orbites peuvent êtres rondes, carrées, ovales
ou quadrangulaires-allongées suivant que leur hauteur
(fig. 4, TZ) est plus ou moins grande par rapport à leur
largeur (fig. 4, XY) ; de là les termes de mésosèmes
(orbites moyennes), microsèmes (orbites basses) et méga-
sèmes (orbites grandes, hautes). Les os nasaux peuvent
être aplatis ou proéminents, droits, concaves ou convexes,
larges ou étroits, etc. La iorme de l'ouverture nasale est
donnée par Vindice nasale c.-à-d. le rapport entre la hau-
teur du nez (de la racine à l'épine nasale) (fig. 4, VB)
et sa largeur (fig. 4, ED). Suivant que cette ouverture est
large ou étroite, le crâne est lepto ou platyrhinien ;
si elle est moyenne, il est mésorhinien. Le prognathisme,
c.-à-d. le degré de saillie en avant de la partie maxil-
laire de la face, est également assez caractéristique, mais
ne parait pas être très constant suivant les races. On le
mesure à l'aide de différents angles faciaux dont celui de
Cloquet passant pay le front, le bord alvéolaire supérieur et
le trou auditif est un des meilleurs (fig. 3, FLG), mais il
peut amener à de fausses conclusions et il est mieux
de se tenir à la mesure du prognathisme alvéolaire
exprimé par le même angle, mais dont le point de départ
en haut est à l'épine nasale au lieu d'être sur le front.
Fig. 3. — Crâne vu de profil avec rindication
des principales mesures.
Outre les formes générales, plusieurs autres particularités
du crâne ont une certaine importance; notons les princi-
pales : la présence des os ivormiem^ petits os intercalés
entre les os principaux du crâne (ainsi un de ces os dans
la région occipitale a été appelé os des Incas à cause de
sa fréquence dans les crânes péruviens); Texistence des
trous pariétaux ; la forme de l'épine nasale et de Vinion
ou- protubérance occipitale externe; la présence d'une
suture dans l'os malaire, assez fréquente chez les Aïnos et
les Japonais ; la forme du point de rencontre des sutures
dans la région des tempes (ptérion) ; la forme des arcades
zygomatiques plus ou moins saillantes; la fosse canine
plus ou moins creusée, etc. Parmi les nombreuses mesures
qui donnent les indications pour certains caractères, il faut
citer, outre celles que nous avons déjà nommées : le dia-
mètre frontal minimum (fig. 4, SJ), le diamètre stépha-
nique (entre les points où la suture coronale rencontre les
crêtes temporales), le diamètre bizygomatique (largeur
maxima entre les arcades), bimalairc, orbitaire externe
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — Xlll.
Fig. 4..
- Crâne vu de face avec l'indication
des principales mesures.
(fig. 4, OP), interorbitaire (fig. 4, YQ) ; la hauteur ophryo-
alvéolaire, etc. La hauteur et la largeur du palais donnent
Vindice palatin. Parmi les mesures des courbes, il faut
noter la circonférence horizontale (fig. 4 et 2, BCAD) , la
courbe antéro-postérieure avec ses portions frontale, parié-
tale et occipitale ; la courbe biauriculaire passant par le
vertex ou le sommet du crâne, etc. Outre les angles faciaux,
on prend un grand nombre d'angles différents sur le crâne;
les plus importants sont l'angle sphénoïdal, les différents
angles occipitaux (de Daubenton, de Broca, etc.), qui
donnent le degré de l'inclinaison du trou occipital par rapport
à unplan fixe, l'angle mandibulaire (fig. 3, DU), etc. Les
mesures de ces angles donnent des indications précieuses
sur les caractères dits sériaires, quand on veut comparer
l'homme et les animaux qui s'en rapprochent le plus, etc.
Tout un arsenal d'instiuments divers a été inventé et est
utihsé pour placer le crâne en position, pour en mesurer
les lignes, les angles, les courbes; pour en dessiner les con-
tours en projection horizontale (appareil de Lucae) ou en
'18
ÇRANIOLOGIE -- CRANNOGS
— 274 --
projection verticale (stéréographe de Broca, diagraphe de
Gavard) ; pour en déterminer le volume à l'aide de plomb,
de mercure, de graines sèches, etc.
Dans la description d'un crâne, il faut aussi tenir
compte de toutes les altérations qu'il aurait subies par
suite d'un long séjour dans le sol ou pour d'autres causes
dont voici les principales : les malformations, les hyper-
trophies, les atrophies dues aux diverses maladies, les
déformations physiologiques comme l'asymétrie ou la pla-
giocéphalie et enfin les déformations ethniques provoquées
par l'habitude de serrer la tête de l'enfant dans des ban-
deaux ou par d'autres pratiques de compression de la
tête, etc. (V. Déformation ethnique). J. Deniker.
BiBL. : Broca, Instructions craniologiques, dans Mé-
moires de la Société d'anthropologie de Paris , 1875-85,
2« séné, t. II, pp. 1 à 204, av. planches. — Du même, Mé-
moiresf anthropologie; Paris, 1871-88, 5 vol. in-8, surtout
t. I, 1871, et IV, 1883. — Topinard, Eléments d'anthropo-
logie générale ; Paris, 1885, in-8, cliap. xvii à xxvii. — On
trouvera aussi des considérations générales dans r« in-
troduction » des Crama Ethnica de de Quatrefages et
Hamy ; Pans, 1873-82, in.4, avec atlas ; cet ouvrage contient
le plus grand nombre de descriptions raisonnées de crânes
que 1 on connaise. •
CRÂNIOMÉTRIE (V. Craniologie).
CRANI0PA6E(V. Monstre).
CRANIOSCHISIS (V. Anencéphalie).
. GRANIOTOMIE. La craniotomie est une opération à la-
quelle ont recours les accoucheurs, lorsque la tête de l'en-
fant ne peut sortir d'elle-même, soit cjue cette tête soit
d'un volume excessif, soit que le bassin do la mère soit
rétréci. Cette opération a pour but de ré-
duire le volume de la tête du fœtus en pra-
tiquant une perforation de la boîte du crâne.
La craniotomie s'effectue avec divers instru-
ments dont les plus commodes sont les ci-
seaux deNsegelé, ceux de Smelie et le perce-
crâne de Blot ; on peut cependant remplacer
ces appareils spéciaux par un long scalpel,
une paire de ciseaux ordinaires ou tout autre
instrument analogue. La figure ci-jointe re-
présente les ciseaux de Nacgelé dont le fonc-
tionnement se comprend sans peine. Les ci-
seaux de Smelie sont composés de deux la-
mes pointues qui, au lieu de couper par leur
tranchant interne comme les ciseaux que tout
le monde connaît, coupent au contraire par
leur tranchant externe. On s'en sert en les
ouvrant. Pour les introduire dans le vagin,
on les entoure d'une gaine qui se retire faci-
lement au moment voulu ; son but est d'évi-
ter de blesser les parties voisines. Le perce-
crâne de Blot rappelle par son mécanisme
les ciseaux de Nœgelé ; les deux lames pré-
sentent une disposition particulière qui en rend l'emploi
moins dangereux. — Pour pratiquer la craniotomie, on fait
coucher la femme sur le dos, comme pour une appHcation de
forceps (V. ce mot) c.-à-d., en travers du lit et les cuisses
écartées de façon que l'accoucheur puisse se placer com-
modément devant la vulve. L'opérateur introduit alors une
partie des doigts de la main gauche dans le vagin et c'est
dans le canal protecteur formé par ses doigts qu'il glisse le
craniotome quel qu'il soit jusqu'au niveau de la tête du
fœtus. La pointe de l'instrument est-elle au niveau d'une
fontanelle? un coup sec la fait pénétrer facilement dans le
crâne ; est-elle au contraire au niveau d'un os ? il est né-
cessaire de bien se placer perpendiculairement à la surface
de celui-ci pour éviter un ghssemeat dangereux : une
pression graduée associée à de petits mouvements de vrille
permet ensuite, quoique plus difficilement, la perforation.
Dans les deux cas, il faut avant de retirer le craniotome
l'ouvrir assez largement et pratiquer plusieurs mouvements
de circumduction pour diviser la substance cérébrale et en
facihter l'écoulement. Le craniotome enlevé, la conduite
de l'accoucheur varie suivant les cas. Si le bassin est
normal ou peu rétréci, il suffit en général de laisser l'ac-
couchement à lui-même, et la tête, dont les dimensions ont
été notablement amoindries par suite de l'opération, achève
de se dégager dans les conditions ordinaires. Le bassin est-il
moyennement rétréci ? le forceps peut encore suffire pour ter-
miner Faccouchement. Dans les rétrécissements extrêmes, il
faut enfin compléter la craniotomie par le broiement du
crâne à l'aide du céphalotribe (V. ce mot et Cépha-
lotripsie). La craniotomie est une opération relativement
facile dans les cas ordinaires. Il en est tout autrement
lorsque le tronc est sorti d'abord et que la tête fœtale se
trouve retenue dans le bassin. Ici il serait dangereux
d'aller percer le sommet du crâne, et d'autre part le tronc
du fœtus engagé dans le vagin gêne pour l'introduction du
perforateur. On peut encore recourir a uxcraniotomes précé-
dents qu'on fait pénétrer par l'œil ou la bouche de l'enfant,
mais il est souvent mieux de recourir à des instruments
spéciaux tels que le perforateur de Hubert, qui, agissant
sur la clef de voûte du crâne, donne une réduction bien
plus complète de la tête. Cet instrument paraît d'ailleurs
d'un maniement plus facile que les cranio tomes, tout en
étant moins dangereux pour les organes maternels. Il
est probable que son emploi se générahsera de plus en
plus. D^ Alphandéry.
CRAN MER (Thomas), réformateur anglais, archevêque
de Canterbury, né en 1489, mort en 4556. Nommé pro-
fesseiu' de théologie à Cambridge (1524), il proposa de ré-
soudre la question du divorce de Henri VIH avec Catherine
d'Aragon, en s'en référant non à l'autorité du saint-siège
mais à celle des Ecritures. Le roi, espérant toujours obtenir
le consentement du pape Clément YII à la rupture de son
mariage, envoya Cranmer en mission à Home et ensuite en
Allemagne, auprès de l'empereur Charles V. Dans ce
voyage, Cranmer rencontra le théologien luthérien Osian-
der, dont il épousa la nièce, trois ans plus tard. En 1533,
Cranmer, nommé archevêque de Canterbury, déclara la nul-
lité du mariage du roi et sanctionna son union avec Anne
Boleyn. Dans les années suivantes, il invalida les trois
mariages successifs de son maître avec Anne Boleyn (1536),
Anne de Clèves (1540) et Catherine Howard (1541).
Devenu le ministre favori de Henri VIII, il contribua puis-
samment à la propagation des Saintes Ecritures en langue
vulgaire et à la suppression des monastères (1538), mais,
quand l'année suivante, sous l'influence du parti conserva-
teur, la loi des six articles ou Statuts sanglants fut
votée et adoptée par le Parlement et l'assemblée du clergé,
Cranmer lui opposa une résistance énergique. Le mariage
des prêtres y était en effet déclaré illégal. La déclaration des
six articles ayant été rapportée, Cranmer fit reconnaître
son mariage et rappela sa femme d'Allemagne, où elle avait
vécu dans ces années de trouble, Cranmer, au milieu des
luttes et des difficultés de la vie pratique, trouva le temps
de se livrer aux spéculations de la théologie. A l'occasion
de sa Défense de la transsubstantiation^ il eut des con-
troverses fort vives avecGardiner, évêque de Winchester,
et avec le théologieu catholique Richard Smith. A la mort
de Henri VIII, il fut nommé l'un des régents du royaume
et couronna Edouard VI dans Fabbaye' de Westminster,
Quand Edouard VI mourut, il se déclara pour lady Jane
Grey. A l'avènement de Marie, en 1553, il fut renfermé
à la Tour de Londres, pour crime de haute trahison. Accusé
d'hérésie, il fut condamné au supphce du feu. G. (}.
BiBL. : Archdeacon Todd, Life of Cranmer^ 1831.
CRANNES-en-Champagne. Corn, du dép. de la Sarthe,
arr. du Mans, cant. de Loué, sur la Gée (affl. de dr. de la
Sarthe); 665 hab,
^ CRANNOGS (Ethn,). Ilots plus ou moins artificiels que
l'on trouve dans certains lacs d'Irlande (comtés de Lei-
trim, Roscommon, Limerick, Tipperary, etc.) et d'Ecosse
(comtés de Wigtown, d'Inverncss, d'Aberdeen, etc.). Ils
sont construits de madriers horizontaux portant des po-
teaux verticaux assemblés à mortaise et reliés par des
entretoises de chêne ; cette sorte d'enceinte maintient des
- 275 -
CRANNOGS - CRAPAUD
lits de pierre, de terre et de fascines qui supportent des
habitations. On y trouve des ossements et des objets en
pierre, en bronze et en fer. D'après les annales irlandaises
et plusieurs autres documents historiques, au xv® et au
xYi® siècle, ces îles servaient de retraites aux chefs de
dans et de refuges en cas d'attaque. En général, les cran-
nogs doivent être des constructions relativement récentes.
Elles diffèrent des habitations lacustres vraies, mais pré-
sentent quelques analogies avec les packwerkbauten des
lacs suisses (d'Inkwgl, par exemple) et avec le refuge
lacustre (de Tépoque carlovingienne) du lac Paladru signalé
par M. Chantre. J. D.
BiBL. : Ch. Lyell, l'Ancienneté de Vhomme, tx^ad. par
Chaper et Maney ; Paris, 1810, p. 35, in-8. — G. Lubbogk,
l'Homme préhistorique^ trad. fr. de Barbier ; Paris, 1876,
p. 163, in-8. — R. Munro, the Lake-Dx^ellings of Europe;
Londres et Paris, 1890, in-8, pp. 349 et suiv.
CRANÛRHINUS (Ornith.). Ce genre delà famille des
Bucérotidés, défini par MM. Cabanis et Heine en 4857,
comprend quatre espèces de Calaos (V. ce mot) qui habitent
les îles de Célèbes, de Sumatra, de Bornéo et l'archipel des
Philippines, et qui sont appelées Cranorhinus cassidix
Tem., C, corrugatus Tem., C, Waldeni et C, leucocepha-
lus V. Tous ces oiseaux ont, à l'âge adulte, le bec surmonté
d'un casque aussi long que la moitié de la mandibule supé-
rieure, très élevé en arrière et légèrement ondulé sur les
côtés, et la base du bec marquée de sillons obliques et pa-
rallèles. E. Oust.
BiBL. : Temminck, PI. col^p. 210.— Walden, A List of
theBirdskno'wto inhahit the island ofCelebes^Trans. Zool
Soc, 1872, t. VIII, part. 2, p. 47. — D.-G. Elliot, Monogr.
of the Bucerotidœ^ 1882, introd., p. xxix et pL
CRANS. Corn, du dép. de l'Ain, arr. de Trévoux, cant.
de Chalamont; 275 hab.
CRANS. Corn, du dép. du Jura, arr. de Poligny, cant.
de Planches ; 233 hab.
CRAN SAC. Corn, du dép. de FAveyron, arr. de Ville-
franche-de-Rouergue, cant. d'Aubin, sur le flanc gauche de
la petite vallée deFEnne; 4,773 hab. Stat. du chem. de
fer de Capdenac à Rodez. C'est sur le territoire de cette
commune que se trouvent les mines de houille de Campa-
gnac (V. ce mot). Cransac existait déjà au ix® siècle; il en
est question dans une charte du cartulaire de Conques
datée de 901 . De la colline située sur la rive droite du
ruisseau de l'Enne coulent les unes au pied, les autres à
mi-côte, plusieurs sources d'eaux minérales dont les pro-
priétés thérapeutiques sont connues et utilisées depuis long-
temps. Dans les flancs de la montagne brûlante qui domine
les sources, sont pratiquées des excavations qui constituent
des étuves naturelles. C. C.
BiBL. : D^" Ducoux, Notice sur les eaux minérales de
Cransac; Paris, 1847, in-S; on y trouvera, pp. 79-80, une
liste des travaux dont , ces eaux ont été l'objet. — Ch.
Blondeau, les Eaux minérales de Cransac, dans les Mé-
'inoires de la Société des lettres de VAveyron, 1850, t. VII,
pp. 313-347.
CRANTENOY. Corn, du dép. de Meurthe-et-Moselie ,
arr. de Nancy, cant. d'Haroué; 478 hab.
CRANTOR, philosophe de Fancienne Académie qui vivait
dans le m® siècle avant l'ère chrétienne. On ne connaît la
date ni de sa naissance, ni de sa mort. Originaire de la
Cilicie, il quitta Soles, sa ville natale, pour venir s'établir à
xithènes où il suivit avec Polémon les leçons de Xénocrate.
A la mort de ce dernier, Polémon lui ayant succédé, Cran-
tor ouvrit de son côté une école que fréquenta Arcésilas.
Il combattit la prétention des stoïciens à étouffer les senti-
ments les plus naturels. La vertu, la santé, le plaisir, et
enfin la richesse, tels étaient selon lui et dans leur ordre
les biens les plus désirables. Quelques fragments nous res-
tent seuls des nombreux ouvrages et commentaires que, au
dire de Diogène Laërce, il aurait composés, de ses poèmes
et de ses petits traités moraux. S'il faut en croire Proclus,
Crantor est le premier qui ait écrit des commentaires sur
les ouvrages de Platon. Son Tcspl :u£vGou$ était fort apprécié
des anciens, et Cicéron qui en dit grand bien (Ttisc, I,
48, 415 ; m, 6,42) s'en est inspiré dans sa Consolation
et ses lusculanes. Diogène Laërce (IV, 27) dit que Cran-
tor mourut avant Polémon et Cratès, laissant à Arcésilas
toute sa fortune, environ douze talents.
BiBL. : F. Schneider, De Crantoris solensis philosophi...
libro qui Tcspl tîevOouç inscribitur commentatio, dans Zeit-^
schr. fur die AUerthumswiss, 1836, n»» 104-105. — Meier,
Ueber die Schrift des Krantor 7ï£p\ :î£v6ouç; Halle, 1840.
— Frid. Kayser, De Krantore acaaemico dissert. ; Heidel-
berg, 1841.
CRANVES-Sales. Com. du dép. de la Haute-Savoie,
arr. de Saint-Julien, cant. d'Annemasse; 4,407 hab.
CRANWORTH (Lord) (V. Rolfe [Robert-Monsey]).
CRAON. Ch.-l. de cant. du dép. de la Mayenne, arr. de
Château-Gontier, sur FOudon (Mayenne, r. dr.) ; 4,532 hab.
Stat. de la ligne de Laval à Châteaubriant et tète de Fcm-
branchement de Craon à Chemazé (Ouest). Quoique l'ori-
gine de Craon remonte au ix^ siècle et que cette ville ait
joué un certain rôle dans l'histoire locale et même dans
l'histoire générale de la France, les principaux monuments
y sont modernes. L'importance de Craon consiste surtout
dans son commerce considérable de denrées agricoles,
récoltées dans la contrée, dans la vente des porcs de race
craonnaise, justement appréciés parles éleveurs de l'Ouest,
et dans celle des petits chevaux du pays qui ne manquent
pas de qualités.
CRAON. Com. du dép. de la Vienne, arr. de Loudun,
cant. de Mont contour ; 425 hab. Eglise gothique intéres-
sante dont la façade a conservé d'anciennes statues.
CRAON. Ancienne famille féodale, qui doit son nom à
la ville de Craon (Mayenne). Parmi ses membres les plus
illustres, nous citerons Amaury^ seigneur de Craon, fait
prisonnier à la bataille de Poitiers et mort le 30 mai 1373 ;
Pierre de Craon, qui fut Fassassin du connétable de Clis-
son le 44 juin 4392, s'enfuit en Rretagne, fut gracié en
4396 et mourut l'année suivante; Antoine de Craon, fils
du précédent, panetier de France, tué à Azincourt en 4445,
et qui ne laissa pas de descendance. De la maison de Craon
sont sojHis les seigneurs de la Suse, de Sablé, de La Ferté-*
Bernard et de Dommart. A la fm du xvi^ siècle, la sei-
gneurie de Craon passa dans la famille de La Trémoille.
CRAON NE. Chef-lieu de cant. du dép. de l'Aisne, arr.
de Laon ; 692 hab. Village de l'ancien Laonnois, bâti au
sommet d'une colline. On a beaucoup disserté sur l'origine
ou Fétymologie de cette localité. Ce qui est certain, c'est
qu'elle existait déjà au x® siècle, époque à laquelle Charles
le Simple en donna le domaine et l'église à sa femme
Fréderonne, en même temps que Corbeny. Cette dernière
laissa à sa mort la terre de Craonne à Saint-Remi de
Reims, qui la garda jusqu'en 4790. Au commencement du
XIII® siècle, les habitants reçurent des franchises commu-
nales. AuxxYi^ et XVII® siècles, le village eut fort à souffrir
des pillages successifs des ligueurs, des royalistes et des
Espagnols. Louis XI y établit en 4482 une foire franche
de trois jours. Craonne a donné son nom à la bataille qui
s'engagea sur son territoire, les 6 et 7 mars 4844, entre
Napoléon et les troupes alliées, dans laquelle ces der-
nières furent défaites, après une lutte acharnée. Ce succès
permit aux Français de rentrer dansSoissons. Craonne est
la patrie de Jean Cardon, dit de Craonne, canoniste de la
fin du XIV® siècle, du théologien Jean Lcmoine (xvi® siècle)
et du littérateur César-François de Flavigny.
CRAON N ELLE. Com. du dép. de FAisne, arr. de Laon,
cant. de Craonne; 286 hab.
CRAPAUD. I. Zoologie. — Nom vulgaire du genre
Biifo L., Batraciens Anoures^ de la famille des Bufonides
(V. ces mots). Les crapauds se reconnaissent à leurs formes
lourdes et trapues; ils portent de chaque côté du cou un
amas de grosses glandes, leur bouche largement fendue est
dépourvues de dents, leur langue est allongée, elliptique,
et leur pupille horizontale. On les rencontre dans toutes les
parties du monde, excepté en Océanie. La forme la plus
commune est le Crapaud vulgaire (Bufo vidgaris); sa
teinte générale est d'un brun verdâtre, plus ou moins
CRAPAUD — CRAPAUDINE
276 —
Bufo vulgaris L.
marbré de taches brunes, jaunes ou blanchâtres . C'est un
animal nocturne; caché pendant le jour, il se met en
chasse dès la nuit venue ; il se nourrit d'insectes, de mol-
lusques divers.
Vers le mois d'a-
vril, les Crapauds
se rendent à l'eau
pour frayer ; les
œufs sont pondus
en deux cordons
parallèles , sou-
vent d'une lon-
gueur de 3 m.,
disposés en éche-
veaux sur les
plantes aquati-
ques. Malgré sa
taille qui dépasse celle de tous les autres Anoures d'Eu-
rope, le Crapaud commun est celui dont les larves (têtards)
sont les plus petites ; elles sont d'un noir foncé en dessus
et grisâtres en dessous. Rocher.
IL Toxicologie. — Presque tous les batraciens sécrètent
par leurs glandes cutanées un produit visqueux qui jouit
do certaines propriétés toxiques. La croyance populaire
attribuait au venin du crapaud commun une action toxique
que les expériences des physiologistes sont venues confirmer.
Si l'on réussit à faire mordre un crapaud par un chien,
on voit ce dernier lâcher sa proie immédiatement avec dé-
goût ; il est bientôt pris d'accès de toux, sa gueule se remplit
d'une bave visqueuse dont il ne peut se débarrasser, et les
vomissements arrivent bientôt. Dans ce cas, les symp-
tômes ne vont pas plus loin, mais si, comme l'a fait Vulpian,
on injecte sous la peau le venin retiré des deux groupes
pustuleux parotidiens, on observe alors tous les symptômes
d'une intoxication grave pouvant aller jusqu'à la mort de
l'animaL II existe tout d'abord une période d'excitation; le
chien s'agite, manifeste une vive douleur, hurle, puis à cette
période d'excitation succède une période de stupeur, de
prostration avec vomissements. Brusquement l'animal se
raidit et l'on constate l'arrêt du cœur en diastole. Chez le
cobaye, le tableau est un peu modifié, il n'y a pas de vo-
missements, mais des convulsions quelquefois violentes et
qui précèdent la mort.
Sur la grenouille, on peut mieux encore étudier le méca-
nisme de mort. Cette dernière arrive par l'arrêt diastolique
du cœur, les muscles sont encore excitables au courant
électrique, le muscle cardiaque lui-même réagit encore aux
excitations directes, mais le système nervo- moteur du
cœur est paralysé. Vulpian avait cru voir que le crapaud
résistait à son propre venin, mais Cl. Bernard a montré
qu'il s'agissait uniquement d'une question de dose, qu'il
fallait en effet une dose plus forte pour tuer un crapaud
que pour tuer une grenouille, mais que le mécanisme de
mort était identique : arrêt cardiaque.
Appliqué sur une muqueuse, le venin du crapaud déter-
mine tout d'abord une vive douleur, puis une vésication
intense et persistante. Il n'existe pas d'exemple confirmé
d'accidents mortels survenus chez l'homme à la suite de
contact avec du venin de crapaud. P. Langlois.
m. Art vétérinaire. — Le crapaud est une maladie
du pied du cheval caractérisée essentiellement par une
altération de la fonction kératogène qui tapisse la lacune
médiane du corps pyramidal de la fourchette. Quel que
soit son heu d'origine, le crapaud gagne de proche en
proche, s'attaque à la lacune médiane de la fourchette,
soulève la corne qui en forme le revêtement, la sou-
lève sans qu'elle puisse se régénérer , les tissus sécré-
teurs de corne étant destitués désormais de la propriété
de sécréter une matière cornée concrcscible . Ces tissus
sont, par suite, modifiés dans leur structure ; leur mem-
brane kératogène devient lisse, blanchâtre, opaline, et
sécrète une matière demi-fluide, onctueuse, d'aspect caséeux
et d'une odeur fortement ammoniacale, que l'on détache
facilement par le grattage, car elle n'a pas contracté la
moindre adhérence avec le tissu dont elle émane. Cette dis-
parition de la sécrétion cornée normale a pour effet une
interruption dans la continuité de la boîte du sabot, la
cessation de la fonction kératogène créant un vide qui laisse
les tissus sous-jacents immédiatement exposés à Finjune
des choses extérieures. Le crapaud se caractérise par ces
trois faits successifs : modification de la structure du tissu
kératogène; substitution à la corne normale et concrète
d'une sécrétion pathologique dont le produit consiste dans
une matière caséeuse non concrescible et non adhérente ;
enfin brèche du plancher de la boîte cornée, dont l'étendue
est exactement celle de la surface où la sécrétion kérato-
gène a cessé de s'accomplir normalement. Mais, à mesure
que le mal vieillit, d'autres lésions apparaissent. Des fies
ou végétations surgissent à la surface plantaire, tantôt
coniques, tantôt sphéroïdes et mamelonnés à leur sur-
face. Puis le sabot se déforme ; il s'accroît en largeur et
en longueur ; les animaux, à ce moment, souffrent et
marchent péniblement. Très fréquent autrefois, le crapaud
tend de plus en plus à disparaître sous la double influence
de l'hygiène des écuries et des rues. Dans cette affection,
la fonction kératogène n'est point suspendue ; elle est, au
contraire, surexcitée, mais le produit qu'elle engendre, au
lieu d'être concrescible, reste diffluent. Il faut donc s'ap-
pliquer, dans le traitement du crapaud, non pas à détruire
radicalement les tissus malades, mais bien à leur restituer
leurs propriétés physiologiques par l'apphcation, à leur
surface, d'agents modificateurs qui exercent leur influence
sur les fonctions kératogènes, sans les intéresser dans leur
trame. On enlèvera les morceaux de corne décollée, dût-on
même empiéter sur les parties saines, puis on appliquera
un pansement au goudron rendu légèrement caustique par
l'addition d'un peu d'acide azotique. Si le mal progresse,
on recourra aux escharrotiques et aux caustiques, l'acide
azotique pur, par exemple, comme l'ont conseillé Delorme
et William Perciwall. L'acide sulfurique, l'eau de Rabel,
l'acide sulfurique mélangé à 4 parties d'essence (procédé
Mercier) ou à l'alun calciné, dans la proportion deiOO gr.
d'alun, contre une quantité d'acide suffisante pour former
avec l'alun une pâte de la consistance du miel (procédé
Plasse), ont été préconisés tour à tour contre le crapaud,
et leur emploi a été couronné de succès. On a eu recours
encore contre cette affection à la cautérisation par le
beurre d'antimoine, par les poudres de sulfate de cuivre,
de zinc et de fer (procédé Délavai), par le feu (procédé
Solleysel). Le crapaud, en somme, constitue une maladie
grave, souvent rebelle et incurable, susceptible de réci-
dive, mais qui, fort heureusement, tend à disparaître de
jour en jour. L. Garnier.
IV. Artillerie. Ancien nom donné au mortier lisse
monté sur son affût (V. Mortier).
V. Joaillerie. — Nom donné par les lapidaires aux
défauts du diamant (V. ce mot).
VL Tissage. — Défaut de fabrication dans les tissus
résultant de tenues ou de groupements de fils qui ne se
croisent pas dans l'ordre voulu.
VIL Coiffure (V. Coiffure, t. XI, pp. 862 et 867).
VIII. Ameublement (V. Fauteuil),
BiBL. : Zoologie. — Sauvage dans Breiim, Reptiles, éd.
franc. — Duméril et Bibron, Erpét. gén.
Toxicologie. — Vulpian, Sur le venin du crapaud
commun (Soc. de biologie), 1854, 1855, 1856, 1864, 1865). — Cl.
Bernard, Leçons depathologie expérim,entale. — Lacerta,
Recherches sur le venin du crapaud du Brésil^ 1886.
CRAPAUDINE. I. MÉCANiauE. — Le pivot qui supporte
les portes d'écluses est ordinairement une pièce en fonte en
forme de demi-sphère (fig. i) de 9 à d2 centim. de dia-
mètre, qui repose sur un disque d'environ 30 centim. de
diamètre et 5 d'épaisseur scellé dans le radier. Ce disque
n'est pas circulaire, mais présente un angle destiné à l'em-
pêcher de tourner. Quant à la crapaudine, elle est égale-
ment en fonte et porte, sur sa face inférieure, une cavité
en forme de segment d'une sphère d'un diamètre supérieur
— '111 —
CRAPAUDINE — CRAPELET
de quelques centimètres à celui de la demi-sphère formant
le pivot. Cette cavité est venue de fonte dans une pièce
qui embrasse la base du poteau-tourillon et dont la fig. 2
représente la disposition la plus simple : cette pièce est
simplement placée à l'extrémité du poteau qui s'y engage
de quelques centimètres après avoir été convenablement
entaillé ; mais il est préférable de donner à la crapaudine
des dimensions plus grandes permettant de la fixer par des
boulons ou des tirefonds à la charpente de la porte. Ordi-
nairement, on lui donne une forme telle qu'elle puisse
s[attacher à la fois sur le poteau et sur l'entretoise infé-
rieure, et elle assure ainsi l'invariabilité de l'angle d'as-
semblage de ces deux pièces, ce qui a une grande impor-
tance pour la conservation de la porte. Il convient de
placer le mamelon hémisphérique formant le pivot au
centre de figure de la portion circulaire du disque dont
il fait partie et de sceller ce disque le plus près possible
du centre de figure de la pierre destinée à le recevoir, qui
porte le nom (h bourdonnière. C'est à cette condition, en
effet, que le poids de la porte se répartira uniformément
sur le radier. Mais, dans la crapaudine, la cavité sphérique
ne doit pas être placée au milieu de la largeur de la porte ;
îl faut la placer plus près de la face d'amont de manière
que les rayons vecteurs joignant le centre de rotation 0 aux
différents points du contour du poteau-tourillon, aillent en
décroissant à partir de la face d'aval, c.-à-d. de A vers B,
le point A étant celui où le poteau s'appuie sur le char-
donnet. On évite de cette façon tout frottement contre la
maçonnerie dans le mouvement d'ouverture de la porte.
Cette excentricité du point d'appui est d'ailleurs favorable
à l'équilibre puisque la partie d'amont de la porte, où se
trouve le bordage, les passerelles de manœuvre, les ven-
telles, les crics, etc., est plus lourde que la partie d'aval.
La position rationnelle du point 0 serait dans le plan ver-
tical contenant le centre de gravité de la porte, mais on se
donne rarement la peine de calculer cette position. A. F.
IL Artillerie. — On donnait anciennement le nom de
crapaudine à une bouche à feu de petit calibre, qui se
chargeait par la culasse et lançait un boulet de pierre
d'un poids inférieur à 4, 500 gr. On disait aussi crapaudin
et crapaudeau. — La crapaudine désigne aujourd'hui une
partie de l'affût de campagne dans laquelle tourne l'extré-
mité non filetée de la vis de pointage ; elle est reliée à
l'affût par un support de crapaudine.
III. Architecture. — On appelle crapaudine, en serru-
rerie, une pièce de métal résistant, fer, acier, cuivre ou
bronze, portant un tourillon ou creusée pour recevoir ce
tourillon afin de servir à l'évolution d'un battant de porte.
Il y a diverses sortes de crapaudines qui sont dites à patte,
à pointe ou à scellement, suivant la façon dont elles relient
le battant mobile au chambranle fixe qui le reçoit et l'on
peut dire des crapaudines qu'elles sont aussi anciennes
que les portes ; car on trouve, dans les ruines des villes
primitives de l'Orient et de l'Egypte aussi bien qu'en Grèce
et à Pompéi, des crapaudines de métal et parfois, aux
époques les plus reculées, des crapaudines de pierre dure.
— En plomberie et dans l'hygiène de nos habitations, la
crapaudine est une plaque ile métal percée ou une sorte
de cloche ajourée fixée à l'entrée d'un tuyau de décharge
d'un évier ou d'un tuyau de conduite d'eau afin de laisser
passer les eaux ménagères ou pluviales en arrêtant les
ordures qu'elles pourraient entraîner. Les crapaudines
consistant en une plaque de métal percée sont souvent,
sur les éviers de cuisine, recouvertes d'une plaque fixe de
recouvrement à charnière permettant, en outre des siphons,
d'arrêter tout retour de mauvaise odeur provenant des des-
centes d'eau. Charles Lucas.
IV. Législation militaire (V. Discipline militaire et
Peine disciplinaire).
V. Minéralogie. — Dent fossile d'animaux aquatiques,
qui est utilisée par les joailliers. On croyait que cette
pierre provenait de la tête des crapauds. L. K.
VI. Art vétérinaire. — Encore appelée mal d'âne à
cause de sa fréquence sur cet animal, la crapaudine est
une maladie qui a son siège à la région antérieure de la
couronne sur les bourrelets kératogènes et qui se caracté-
rise par une altération de leur sécrétion. La crapaudine se
caractérise par l'aspect rugueux du sabot en pince, lequel
est creusé de sillons transversaux, profonds, rapprochés et
étages entre lesquels la corne forme de petits, reliefs iné-
gaux, fendillés perpendiculairement. Le mal ne se borne
pas à la paroi, le bourrelet est aplati et comme déprimé ;
il empiète sur la peau de la couronne, qui est comme revêtue
d'un plastron de matière cornée, rugueux et chagriné. La
crapaudine est de la même nature que le crapaud ; c'est une
inflammation chronique des bourrelets kératogènes, dont
elle pervertit et dénature la fonction sécrétoire. La crapau-
dine est difficile à guérir. Au moyen des cataplasmes, on
ramollit la corne de la pince, et on l'empêche d'exercer sur
les tissus vivants des pressions douloureuses ; puis, avec
la feuille de sauge on l'amincira et on en fera disparaître
les rugosités et les anfractuosités. On appliquera ensuite
des pansements à base de goudron pour maintenir la sou-
plesse et l'élasticité, on cautérisera légèrement la cutidure
pour en modifier la fonction sécrétoire ; de cette manière,
si on ne guérit pas le mal, on le palHe, ce qui permet aux
animaux atteints de continuer leur service. L. Garnier.
VIL Art culinaire. — On donne le nom de crapau-
di7ie à une manière d'accommoder les pigeons, qui con-
siste d'abord à les fendre dans le dos depuis le cou jus-
qu'au croupion, à les aplatir sans trop briser les os, de
telle sorte qu'ainsi déformés on a pu les comparer à des
crapauds. On les saupoudre de poivre et de sel et on les
fait cuire dans une casserole avec quelques oignons coupés
en tranches, du beurre et une feuille de laurier. Quand ils
sont à moitié cuits on les retire et on les met rôtir sur le
gril à un feu doux, après les avoir trempés dans un
mélange obtenu en délayant deux jaunes d'œufs dans le
beurre qui a servi à la première cuisson et les avoir panés
avec de la mie de pain mêlée à des échalottcs et du persil
finement hachés. On les sert avec une sauce claire à Pécha-
lotte à laquelle on peut ajouter le jus d'un citron.
CRAPEAUIVIESNIL. Com. du dép. de l'Oise, arr. de
Compiègne, cant. deLassigny; I69hab.
GRAPELET (Charles), imprimeur français, né à Bour-
mont (Haute-Marne) le 13 nov. 1762, mort à Paris le
10 oct. 1809, Il fut reçu imprimeur en 1789, en rem-
placement de Stoupe. Les nombreux livres sortis de ses
presses sont imprimés avec soin, et on peut citer, comme
étant d'une exécution magnifique, l'ouvrage d'Audebert et
de Vieillot, les Oiseaux dorés (1802, 2 vol. gr. in-foL),
dont il a été tiré treize exemplaires avec texte en lettres d'or.
— Georges- Adrien^ imprimeur et écrivain français, fils
du précédent, né à Paris le 13 juin 1789, mort à Nice
le 11 déc. 1842. Il surpassa son père dans l'art typo-
graphique et étudia la langue du moyen âge : il pubha,
CRAPELET - CRAQUELAGE
278 —
d'après des manuscrits, une Collection des anciens mo-
numents de la langue française ^ en treize volumes
imprimés avec luxe, mais très médiocres (4826-4830).
Il a publié plusieurs livres sur Fliisloire de la typogra-
phie : Des Progrès de Vimprimerie en France et en
Italie au xvi® siècle (4836, in-8) ; Etudes pratiques et
littéraires sur la typographie (4838, in-8) ; Pwbert
Estienne ; nouvelles recherches sur l'état des lettres et
de l'imprimerie au xvi^ siècle (4839, gr. in-8). Il a
aussi traduit le Voyage bibliographique en France de
Dibdin (1825, 4 vol. in-8), en y ajoutant une foule de
notes curieuses. — Son fils, Charles^ après avoir dirigé
pendant quelques années l'imprimerie paternelle, l'aban-
donna à son beau-frère Lahure. Il est l'auteur de deux
monographies sur le Cardinal de Richelieu (4839) et
sur Jeanne d'Arc (4840). G. P-i.
BiBL. : Mémoires de la. Soc. des Antiquaires de France^
nouv. série, t. VIIÏ, — Louandre et Bourquelot, la Lit-
térature française contemporaine^ t. IIÎ.
CRAPELET (Louis-Amable) , peintre et aquarelliste
français, né à Auxerre en 4823, mort à Marseille en 4867.
Elève de Corot, de Durand-Brager et de Séchan, cet ar-
tiste exécuta fort peu de tableaux à l'huile ; son genre de
prédilection fut l'aquarelle, qu'il traita avec le coloris étin-
celant, les tons vigoureux que commandaient ses sujets,
presque tous empruntés à l'Orient. Après avoir parcouru
l'Egypte, l'Asie Mineure, la Grèce et l'Italie, de 4832 à
4854, il repartit pour Tunis, appelé par le bey (4859);
ce dernier voyage a été raconté par lui dans le Tour du
monde, avec de nombreuses illustrations. Outre les dessins
qu'il fournit fréquemment au Monde illustré et à l'Illus-
tration^ il peignit quantité de décors pour les grands
théâtres de Lyon et de Marseille; l'un de ses derniers
travaux fut la décoration intérieure d'un navire construit
dans les chantiers de la Seyne, près Toulon, pour le khé-
dive Ismaïl. Parmi les aquarelles qu'il exposa, on peut
distinguer : Une Rue au Caire (S. 4857); Intérieur de
r église Saint-Jean a Pise (S. 4864); l'A7îcien Village
des Catalans, à Marseille (S. 4865). Le musée d'Auxerre
possède de Crapelet un Intérieur de forêt, et celui de
Marseille une Vue de la Thèbes antique, tableaux à l'huile.
CRAPONE (Canal de) (V. Crappone).
CRAPONNE. Corn, du dép. du Rhône, arr. de Lyon,
cant. deVaugneray; 4,944 hab.
CRAPONNE-sur-Aryon. Ch.-l. de cant. du dép. de la
Haute-Loire, arr. du Puy, près de l'Arzon ; 3,693 hab.
Fabrique de dentelles et de blondes. Station d'étalons;
hospice. Craponne était, au moyen âge, l'une des huit villes
principales du Velay. Durant les guerres de religion, elle
fut au pouvoir tantôt des protestants et tantôt des catho-
liques, puis des ligueurs ; cependant, elle ne tarda pas à
se soumettre à Henri IV. Des anciennes fortifications ne
s'est conservée que la tour carrée do l'une des portes.
CRAPPONNE (Adam de), et non Crapone, ingénieur
français, né à Salon (Bouches-du-Rhône) ou à Montpellier en
4525 (?), mort à Nantes en 4576. La date et surtout le lieu
de sa naissance ont donné lieu à de vives controverses
(V. Roux-Alphéran, ouvr. cité à la Bibl.) ; il s'intitule lui-
même dans divers actes « escuyer de la ville de Montpel-
lier, habitant de la ville de Sallon ». D'une famille noble
émigrée de Pise en 4495, il étudia les mathématiques et se
fit ingénieur. En 4554, il obtint de la cour des comptes
d'Aix la « permission » de prendre à Janson l'eau do la
Durance pour la conduire dans l'étang de Berre et creusa
à l'E, de la plaine de laCrau le canal qui porte son nom défi-
guré (4554-67) et qui fut après sa mort prolongé d'après ses
plans de Salon à Arles (4581-85). On lui doit également
le dessèchement des marais de Fréjus (4569), les fortifica-
tions du port de Nice et l'idée première, depuis réalisée,
des canaux de Briare, de Provence, du Languedoc. Appelé
à Nantes par Henri III pour la reconstruction des fortifica-
tions de cette ville, il y fut empoisonné dans un banquet
par des ingénieurs rivaux (4576). Il avait dû céder en
4574 à ses créanciers son canal, que le roi lui avait
donné en fief. La ville de Salon lui a élevé un monument
en 4854. L. Sagnet.
Canal de Craponne. — Canal d'irrigation du dép.
des Bouches-du-Rhône. L'idée de profiter 'des eaux de la
Durance pour arroser la région comprise entre elle, le Rhône
et la mer remonte au xii^ siècle. En 4467, Alphonse d'Ara-
gon concéda à Raymond de Bolène, archevêque d'Arles, un
privilège pour conduire jusqu'à Salon l'eau de la Durance,
Mais ce projet ne fut jamais mis à exécution. Il fut repris
au XVI® siècle par Adam de Crapponne. Une autorisation
lui fut accordée le 27 août 4554 pour prendre des eaux
à la Durance au terroir de Janson, et le canal fut ter-
mmé de la Durance à Salon en 4559. H fut complété en
4564 par une branche arrosant le faubourg de Salon, le
territoire de Grans, et se jetant dans la Touloubre près
de Berre; en 4567, par une branche arrosant les terri-
toires de Pélissanne, de Lançon, de Confoux, et aboutis-
sant à la Touloubre, en amont de la précédente ; et par
une branche arrosant Lamanon, Eyguières et le nord de
la Cran qui fut continuée en 4569 jusqu'à l'étang de
Berre près de Saint-Chamas ; en 4568, une branche fut
projetée pour l'alimentation de Martigues, mais ne fut pas
exécutée. Le 20 oct. 4571, après de longs procès qui rui-
nèrent Adam de Crapponne, fut fondé sous le nom à' Œuvre
de Crapponne un syndicat pour l'entretien du canal auquel
l'auteur céda, sauf quelques réserves, tous ses droits. De
4581 à 4585, les frères Ravel ou Ravau, de Salon, conti-
nuèrent le canal de Craponne à travers la Crau, de Lama-
non à Arles. La construction de l'aqueduc de Crau, destiné
à faire traverser au canal les marais d'Arles, et pour lequel
on utilisa un ancien aqueduc romain, dura trois ans (4582-
85). Dès le 4 e^ sept. 4584 avait été constituée F OEwir^
d'Arles. En 1583, il y eut une sorte de fusion entre les
deux œuvres, et, en 4584, une ordonnance de Henri UI assura
sa protection à VOEuvre. L'histoire du canal n'est au
xvn^ et au xviii^ siècle qu'une longue série de procès avec
les propriétaires. Les actes du 20 oct. 4574 et du 4^^ sept.
4584 furent jusqu'à l'Empire la charte constitutionnelle de
la compagnie du canal de Craponne. Elles sont restées le
fond de ses règlements, même après les arrêtés de 4804 et
1807. Le canal a sa prise dans la Durance à 450 m. au-
dessus du niveau de la mer au roc de Pic (ou Pie) Béraud,
entre Saint-Etienne-le-Janson et la Roque d'Anthéron. La
branche de Pic-Béraud-Lamanon-Arles est aujourd'hui la
plus importante. Le canal reçoit 24 m. c. d'eau à la
seconde, 8 sont réservés à l'œuvre d'Arles, 8 à la branche
de Salon, 8 partagés entre les autres. 44 seulement sont
utilisés, les 40 autres portés à la mer par la Rhône ou
l'étang de Ben^e. Le canal pourrait irriguer 50,000 hect. ;
il n'en arrose que 20,000 à peine. Le canal de Craponne
qui, dans la pensée de son fondateur, était destiné à fournir
la force motrice des moulins de Salon, plus encore qu'à la
culture, est aujourd'hui utilisé comme canal d'irrigation
des parties jadis incultes de la Crau, et comme canal de
dessèchement des marécages autrefois situés au N. de l'étang
de Berre, et à l'E. du Rhône. On l'utiHse aussi pour le
colmatage de la Crau. L.-G. Pélissier.
Bibl. : César Nostradamus, Histoire et chroniques de
Provence ; Lyon, 1614, in-fol.— Jessé-Charleval, Notice
historique sur Adam de Crapponne ; Marseille, 1849, in-8,
et dans la Gazette du Midi des 19 et 20 juill. 1849. — Roux-
Alphéran, Adam de Crapponne et le bailli de Suffren;
Aix, 1851, in-8. — J. Alphandéry, Adam de Crapponne ;
Aix, 1854, in-8. -- J.-B. Sardou, Notice biographique sur
Adam de Crapponne; Salon, 1854, in-8.
CRAQUELAGE (Céram.). Le craquelage est un défaut
de la couverte des poteries qui, n'étant pas douée d'une
élasticité assez sensible pour suivre les dilatations ou les
retraits de la terre qu'elle enduit, se couvre, sous l'in-
fluence d'un changement brusque de température, d'un
réseau de petites fêlures d'autant plus ténues que la diffé-
rence de résistance entre la terre et la giaçure est plus
considérable. Cet accident fut certainement, dans le prin-
cipe, le résultat des tâtonnements et de l'ignorance des
— 279 -.
CRAQUELAGE - CRASE
premiers ouvriers céramistes ; mais le craquelé, devenu
promptement un motif de décoration, finit par être un
des points spéciaux les plus savants de Fart du potier.
Etant donné que, pour éviter le craquelage, il faut connaître
la pâte intérieure et proportionner la dilatibilité de la cou-
verte à celle de l'argile qu'elle recouvre, le craquelage arti-
ficiel doit s'obtenir par le principe contraire. La brusque
transition d'une température élevée à une température plus
basse suffit alors à effectuer l'opération, mais elle doit être
assez habilement ménagée pour éviter que le retrait du
cœur de la pâte ne soit pas trop rapide, et qu'alors la fêlure,
au lieu de rester superficielle et limitée à la couverte, ne
devienne une cassure véritable. Le craquelage s'obtient
soit par un brusque arrêt dans la chauffe, soit par le pas-
sage d'un courant d'air froid dans le four, soit par la pro-
jection de minces gouttelettes d'eau froide sur la couverte
encore chaude (V. Craquelé). F. de Mély.
CRAQUELÉ (Céram.). On nomme craquelé les poteries
chinoises, cuites, émaillées ou vernissées, dont la couverte
est sillonnée par un réseau de petites fêlures très réguliè-
rement espacées. Comme l'artiste produit le craquelé de la
grandeur qu'il veut (V. Craquelage) , on le divise en trois
classes : le grand, le moyen, le petit. Ce dernier prend
aussi le nom de truite^ parce qu'en effet la ténuité de son
réseau le fait, en quelque sorte, ressembler à la peau de
la truite qui vient de sortir de l'eau. Mais le craquelage,
une fois déterminé, n'apparaîtrait souvent que longtemps
après la fabrication, alors que la poussière aurait rempli
et encore inégalement les fêlures de l'émail ; on les teint
alors à la sortie du four par l'infiltration d'un liquide colo-
rant, l'ouvrier lui donne donc la couleur qu'il désire,
généralement pourpre, rouge, chamois, café ou noir. Le cra-
quelé étant produit par un tour de main, les ouvriers sont
devenus assez habiles pour obtenir d'abord sur une pièce
un résilié de la grandeur qu'ils désiraient, puis, sur la
même pièce, des craquelés de différentes grandeurs; enfin,
à réserver, dans certains cas, des médaillons ou des bandes
non craquelées, ressortant sur un fond craquelé qui lui
sert d'encadrement. Les plus anciens craquelés chinois sont
les céladons gris. Vers le xv® siècle, on trouve le tse-
kin-yeou , c.-à-d. vernis d'or brun ou feuille morte :
le truite est souvent feuille de caméHa ; il y a aussi le
truite long-thsîouen, nom du pays où, sous les Song, on
fabriquait des porcelaines : depuis les Ming, il a été réservé
à des vases d'un vert olive foncé à fines craquelures
non remplies. Les Japonais ont aussi pratiqué cette déco-
ration, et ils ont semé leurs craquelés de q[uelques plantes
émaillées. A la différence des Chinois, qui réservent sur
le craquelé des espaces d'émail intacts, les Japonais
émaillent souvent leurs pièces sur le craquelé même ;
la terre de Satzouma ventre de biche, fabriquée à Nippon,
est couverte d'un craquelé si fin qu'on le prendrait pour
du truite. F. de Mély.
CRAQUELIN. L Marine. — On désigne sous ce nom
un canot ou un navire de faible échantillon, de construction
très légère. — Dans le style familier, marin d'une constitu-
tion débile et de chétive apparence.
II. Pêche. — Dans quelques ports de mer les pêcheurs
donnent le nom de craquelin ou craquelât aux crustacés
qui viennent de changer de test et qui sont dans un état
mou. Ils s'en servent avantageusement comme appât pour
la pêche des poissons de mer,
CRAQUEMENT (PathoL). On a donné le nom de craque-
ments à des bruits secs qui siègent au sommet des poumons
et qui ne sont perceptibles qu'à l'oreille ; par extension,
ce terme a été appliqué à d'autres bruits analogues, percep-
tibles non seulement à l'oreille, mais le plus souvent aussi
à la main, et qui ont pour siège la plèvre, le péricarde,
les os, les articulations, etc.
Craquement pulmonaire. C'est un râle crépitant fin
et sec qui à l'oreille rappelle le bruit que fait en se
cassant une fibre de bois ; il n'est guère perceptible qu'à
l'inspiration , rarement à l'expiration et souvent ne s'en-
tend que pendant les accès de toux violents; ce râle see
devient graduellement humide, avec les progrès de la lésion
dont il est le signe, et devient alors sous-crépitant ou
muqueux. Le craquement pulmonaire est en général le
résultat d'une sécrétion catarrhale encore peu abondante
des petites bronches dans le voisinage d'un loyer d'indura-
tion du poumon ou d'un foyer tuberculeux. Lorsque ce
foyer se liquéfie, le craquement est représenté par un
râle sous-crépitant humide, râle cavernuleux de Hirtz
(V. Râle).
Craquements pleuraux. L'irritation de voisinage dé-
terminée par un point tuberculeux du poumon peut, au
lieu de s'étendre aux petites bronches, gagner la plèvre et
produire une pleurite sèche limitée du sommet, qui se
traduit à l'oreille par un craquement sec, superficiel,
coïncidant le plus souvent avec les deux temps de la res-
piration. Les pleurites primitives, surtout localisées au
sommet, sont extl'êmement rares ; dès lors on peut affirmer
que, de même que le craquement catarrhal, h craquement
pleural circonscrit est en général l'indice d'une tuberculose
au début. — Après la résorption des épanchements pleu-
rétiques, on observe fréquemment des frottements qui pré-
sentent le caractère de craquements secs ou de ce qu'on
appelle le bruit de cuir neuf, succession de bruits iné-
gaux perçus tantôt à la fin de l'inspiration, tantôt pendant
les deux temps ; ces craquements sont dus à la collision
de fausses membranes dures et rugueuses.
Craquements péricardiques. Ils présentent les mêmes
caractères que ceux de la plèvre et sont dus au frottement
réciproque de fausses membranes. Ils sont l'indice d'une
péricardite sèche ancienne.
Craquements des os fracturés. Ces craquements qu'on
appelle crépitation sont le signe pathognomonique des
fractures (V. ce mot).
Craquements articulaires. Ils s'observent en particu-
lier dans V arthrite sèche (V. ce mot), la synovite ten-
dineuse (V, ce mot et Aï), etc.
Enfin on observe des craquements ou des crépita-
tions dans les tumeurs sanguines (colhsion des masses
granuleuses formées par les caillots sanguins), dans les
tumeurs séreuses (collision des grains riziformcs formés
de débris fibrineux), et dans l'emphysème cutané ; dans
ce dernier cas , la crépitation est due au passage
forcé de bulles aériennes à travers le tissu cellulaire dont
elles font vibrer les fibres lorsqu'on applique la main
avec pression. D'' L, Hn,
BiBL. : WiDAL, art. Craquement^ dans le Diot. enoycl.
se. méd.., et les Traités de diagnostic.
CRAS. Com. du dép. du Lot, arr. de Gahors, cant. de
Sauzès; 408 hab.
CRAS-sur-Reyssouze. Com. du dép. de l'Ain, arr. de
Bourg, cant. de Montrevel; ij'IBO hab.
CRASE. Terme emprunté aux grammairiens grecs, par
lequel on désigne la fusion qui s'opère dans certains cas
entre la voyelle ou diphtongue finale d'un mot et la voyelle
ou diphtongue initiale du mot suivant. La voyelle ou
diphtongue résultant de cette fusion est marquée en grec
d'un signe appelé coronis, semblable à l'esprit doux, et
qu'on omet seulement lorsque le premier terme est une des
formes de l'article ou du relatif marquées de l'esprit rude.
La crase n'est en réalité qu'un cas parlicuMer de la con-
traction ; elle aboutit toujours à une longue, et suit d'ail-
leurs les règles générales de la contraction (V. ce mot) :
laXXa (z=z Ta àXXa), àyoS {z=z « sytii), 7rpou'7C£{j(.(j;a
(=:upo£7w£p.ij;a), i&vOpwTts (= c5 avÔpwTte), etc. Il semble
toutefois que dans certains cas elle admette des règles
^particulières. Ainsi, à côté des formes ioniennes «bvrjp et
âXXot, l'attique, où elles seraient aussi réguhères et corres-
pondraient à la contraction normale de oa en w, dit àvrfp
(=b àvTip), à'vôpeç (nrolavBpsç), axspoç (rrrô axapo;),
6aT£pov (=: xo ocTspov), contractant ainsi o« en â comme
en dorien, ou peut-être supprimant simplement le premier
élément, comme permettent de le croire des formes nom-
CRASE — CRASSIER
— 'im
breuses telles que taySpi (= tw avBp{), xayaSw (= xw
ayaôàS), et toutes les crases avec xat, xccTa, x'^^o'i etc., où
le premier terme disparaît purement et simplement. La crase
n'existe pas en français, et c'est à tort que Littré dans son
Dictionnaire cite comme exemples les mots août, au et du.
Le premier présente un phénomène d'apocope ou de contrac-
tion analogue à celui qui a transformé éage en âge : les deux
éléments font partie du même mot. Quant à au et à du,
la vocalisation, et par suite la contraction, se sont pro-
duites après la réunion des deux termes en un seul mot :
on a dit al, del, puis devant les consonnes au et deu, du. Il
n'y a pas là contraction de la voyelle finale d'un mot avec
la voyelle initiale du mot suivant, ce qui constitue propre-
ment la crase. Paul Giqueaux.
BiBL. : Gustav Meyer, Grlechische Grammatik ; LaïU-
lehre, cap. ii; Leipzig, 1886.
CRASH AW (William), théologien anglais, né en 1572,
mort en 4626. Entré dans les ordres vers 1592, il se fit
remarquer par ses prédications parmi les puritains, et eut
à subir quelques persécutions à propos de sa traduction de
la vie du marquis Caraccioli. On a encore de lui, outre des
sermons renommés en leur temps : Ranish Forgeries
and Falsifications (1606, in-4) ; the Jésuites Gospel
(1610, in-4) ; the Complaint, or Dialogue betwen
the Soûle and the Bodie ofadamned man, poème latin
assez remarquable, publié sous le nom de Bernard (1616,
in-16); Fiscus Papalis, pamphlet sur les indulgences
(1617, in-4, etc.). B.-H. G.
CRASHAW (Richard), poète anglais, né vers 1613,
mort en 1649. Fils d'un ardent puritain, sa nature mys-
tique le tint longtemps flottant entre les différentes sectes
qui se partageaient l'Angleterre; mais, en 1643, il refusa
de signer le Covenant, et on le retrouve, trois ans après,
à Paris, dans la plus grande misère. Il s'était cependant
décidé à adhérer à l'EgUse catholique ; il s'assura ainsi la
protection du cardinal Palotta, qui lui donna un modeste
emploi dans sa suite, et plus tard à Notre-Dame-de-Loreto,
OÙ il mourut. Il avait publié, dès 1634, un volume de vers
latins anonymes, Epigrammatum Sacrorum Liber; on
a encore de lui Steps to the Temple publié avec les De-
light ot the Muses, en 1646, à Londres. La troisième édi-
tion, qui parut à Paris en 1632, est ornée de douze curieuses
vignettes d'après les dessins de l'auteur, et a pour titre :
Carmen Deo Nostro te Decet Hymims, Sacred Poems.
Milton et Pope n'ont pas dédaigné de chercher parfois leurs
inspirations dans les ouvrages de ce poète d'un talent iné-
gal, mais enthousiaste et élevé. Crashaw était un linguiste
distingué, sachant l'hébreu, le grec, le latin, l'italien et
l'espagnol. B.-H. G.
CRASPEDODISCUS (Ehrenberg, 1844) (Bot.). Genre
de Diatomacées, de la tribu des Coscinodiscées, à frustules
simples et à valves circulaires, plus ou moins bombées au
bord et déprimées au centre. La marge de la valve est
quelquefois formée par un disque de texture particulière.
Les espèces de ce genre sont peu nombreuses ; elles sont
fossiles et toutes très élégantes. P. Petit.
BiBL. : Ehremberg, Berrichi der Berlin. Ahad, 1814,
pp. 261 et 266. — KûTzma., Species Atgarum. — Greville,
Transact. of Micr. Soc, 1866, p. 79.
CRASPEDODON (Paléont.). DoUo désigne sous ce nom
un Reptile Dinosaurien trouvé dans les terrains crétacés
supérieurs de la Belgique. Ce Reptile est voisin de l'Igua-
nodon; les dents ont la couronne dentelée, avec des crêtes
lisses et denticulées ; l'animal était herbivore. E. Sauvage.
BiBL. : BulL Mus. hist. nat. de Belgique, 1883, t. II.
CRASPEDOPOMA (Malac). Genre de Mollusques-Gasté-
ropodes, de l'ordre, des Prosobranches-Pectinibranches, éta-
bU par L. Pfeiffer en 1847 pour une coquille subturbinéo,
à ombilic remplacé par une étroite fente ; spire conique
peu élevée ; dernier tour un peu resserré en avant. Ouver-
ture circulaire à péristome continu, simple, recevant le bord
interne de l'opercule ; ce dernier corné, solide, multispiré,
à nucleus central, formé par une larme externe-plane, par
une interne concave garnie d'un rebord circulaire à son
dernier tour. Type: Craspedopdma'lucidUm Lovve". Les
Craspedopoma sont de fort petits Mollusques d'une couleur
grise, parfois verdâtre. Ils vivent dans les détritus végé-
taux, au pied des arbres, et habitent les îles Canaries, Ma-
dère et les Açoï'es.
GRASPEDOPORUS (Greville, 1863) (Bot.). Genre de
Diatomacées, de la tribu des Eupodiscées, à frustules
simples et libres ; à valves discoïdes alvéolées, divisées en
segments rayonnants, qui sont alternativement dilatés dans
le voisinage du bord et portent des ocelli intra-marginaux
et saillants. On ne connaît jusqu'ici que deux espèces fos-
siles, appartenant à ce genre.
BiBL. : Greville, Transact. of Micr. Soc, 1863, p. 68.
CRASPEDOSOMA (Paléont.) (V. Chilognàthes [Pa-
léont.]).
CRASSATELLA.L Malacologie.-— Genre de Mollusques-
Lamellibranches, établi par Lamarck en 1799 pour une
coquille inéquilatérale, obtuse ou arrondie en avant, atténuée,
souvent épaisse, transverse ovale ou subtrigone, équivalve
un peu rostrée en arrière, mais non bâillante ; crochets petits
et rapprochés ; les bords des valves parfois denticulés à l'in-
térieur. Le plateau cardinal, très épais et large, de forme
triangulaire, porte sur la valve droite, une dent latérale
antérieure, une cardinale antérieure, une cardinale médiane
assez lorte, et en arrière à& celle-ci une fossette triangu-
laire, large mais peu profonde, pour l'insertion d'un liga-
ment interne, et ensuite, une dent latérale postérieure,
lamelliforme et peu développée ; sur la valve gauche : une
dent latérale antérieure, deux cardinales dont la postérieure
est la plus faible, immédiatement après la fossette liga-
mentaire et une dent latérale longue et forte : la lunule, pro-
fonde,est ovale-lancéolée ; les impressions musculaires sont
grandes et profondes ; l'antérieure ovalaire, la postérieure
arrondie ; l'impression palléale simple éloignée du bord.
L'animal est comprimé sur les côtés, de forme oblongue,
enveloppé d'un manteau ouvert dans toute son étendue ; les
siphons non distincts. Exemple : Crassatella Antillarum
Reeve. Les Crassatelles sont de très belles coquilles lisses
ou sillonnées transversalement, ordinairement revêtues
d'un épidémie brun, quelquefois tacheté ; à l'intérieur elles
sont blanches ou teintées de brun rouge. Elles habitent les
côtes de l'Australie, de la Nouvelle Zélande, celles des
Philippines et de l'Afrique; quelques espèces sont signa-
lées au Brésil. J. Mabille.
IL Paléontologie. — Le gmv^ Crassatella date du cré-
tacé inférieur ; il a son apogée dans le crétacé supérieur
et Téocène de l'Amérique du Nord, le nombre des espèces
fossiles étant près du double de celui des espèces vivantes.
Cf. tuniida est un des fossiles caractéristiques du calcaire
grossier (parisien) des environs de Paris. Les genres
Crassatellina, Ptychornya et Anthonia sont du crétacé
de l'Amérique du Nord, ainsi que Gouldia qui vit encore
dans les mers du même pays, E. Trt.
CRASSE. I. Métallurgie (V. Laitier et Scorie).
II. Peinture. — Couche d'un jaune noirâtre, plus ou
moins épaisse, qui se forme à la longue sur les tableaux,
par l'évaporation des huiles , la dégradation du vernis ,
l'humidité, la fumée, et surtout la poussière. La façon de
remédier à cet état de choses forme un art délicat et com-
plexe, celui du restaurateur des tableaux (V. Restau-
ration), qui exige, outre un sérieux talent de peintre, une
connaissance approfondie des procédés matériels employés
par les anciens artistes, des notions de chimie spéciale, etc.
III. Médecine. — Crasse parasitaire (V. Pityriasis).
CRASSIER (Métall.). Les quantités de laitiers, de
cendres et de scories qui se produisent dans les usines à
fer oti on emploie les combustibles minéraux, sont telle-
ment considérables qu'on est souvent embarrassé de trou-
ver un endroit convenable pour les déposer. S'il n'y a pas
dans les environs quelque ravin à combler, quelque route
à niveler ou quelque autre remblai important à faire, on
cherche à se procurer, le plus près possible de l'usine, un
terrain sur lequel on puisse amonceler les crasses sans trop
— 281 —
CRASSIER — CRAT^OMLS
de dépense. L'ancien crassier de Seraing peut être pris
pour exemple de la manière ingénieuse dont on parvient à
résoudre la difficulté dans les circonstances les plus défa-
vorables. Bien que ce crassier n'ait une étendue que de
2 hect. au plus, il a pu servir pendant de longues années
aux besoins de l'usine. Voici la méthode employée : on
monte le tas par gradins et à l'aide de chemins de fer en
hélice que l'on construit à mesure que l'on s'élève et
auxquels on donne une pente de 4 à 4 1/2 %. Un cheval
gravit cette pente avec une charge de 1,500 à2,000kilogr.
De distance en distance, le chemin de fer est pourvu de
gares d'évitements pour empêcher la rencontre des wagons
montants et des wagons descendants. Quand on a eu atteint
une hauteur de 60 pieds au-dessus, du sol d-e l'usine, le tas
à gradins hélicoïdaux a été achevé, mais on a pu travailler
longtemps encore en rétrogradant pour remplir les gradins
de manière à n'avoir qu'un monceau de forme tronconique.
Aujourd'hui les efforts des maîtres de forges tendent à
utiliser en partie les crasses si encombrantes et nous ver-
rons à l'art. Laitier, les solutions intéressantes susceptibles
d'être adoptées. L. Knâb.
CRASSIER (Guillaume-Joseph, baron de), historien et
administrateur belge, né à Liège en 1772, mort à Liège en
1851. En 179p, il devint directeur des domaines nationaux
du dép. de l'Ôurthe, et en 1810 conseiller de préfecture.
Quand le régime impérial eut fait place au royaume des
Pays-Bas, de Crassier fut nommé membre de la députation
permanente du conseil provincial. Il rentra dans la vie
privée en i 830 et consacra les vingt dernières années de
sa vie à des travaux historiques estimés. Il a publié :
Traité des arènes construites au pays de Liège pour
V écoulement et V épuisement des eaux dans les ou-
vrages souterrains des exploitations des mines de
houille (Liège, 1827, in-8) ; Mémoire historique
sur le lit, le cours et les branches de la rivière de
Meuse (Liège, 1838, in-8); Recherches et disser-
tations sur l'histoire de la principauté de Liège pen-
dant les x\^^ xvi^ et wn^ siècles (Liège, 1745, in-8).
Ce dernier ouvrage est le plus considérable et témoigne de
nombreuses recherches dans les archives, mais l'auteur
prend systématiquement le parti de tous les princes-
évêques contre leurs sujets. E. H.
. BiBL. : U. Capitaine, Nécrologe liégeois pour 1851 ;
Liège, 1852, in-8. — H. Helbig, Nolice sur J.-G. de Cras-
sier; Bruxelles, 1873.
^ CRASSIPES (V. TuLLiA [Gens]).
CRASSITHERIUM (V. Sirénien [Paléont.]).
CRASSO (Lorenzo), littérateur italien du xvii® siècle.
Sa vie est très mal connue ; on croit qu'il était Napohtain ;
Toppi lui donna les titres de baron et de docteur, Bernard
de Cristofano nous avertit qu'il avait la goutte et son
libraire Combi qu'il était une « aile entière du Zéphire».
Restent ses ouvrages qui ne sont pas sans utilité pour la
biographie italienne : Elogj d'huomini letterati (Venise,
16o6, 2 vol. in-4); Historia de' poeti greci e di que'
che'n greca lingua han poetato (Naples, 1678, in-fol.) ;
Elogj di capitani illustri (Venise, 1683, in-4) ; il avait
débuté par deshéroïdes : Epistole heroiche (Venise, 1655,
in-12).
BiBL. : Toppi, Bibliotheca napolitana; Naples, 1683, in-4.
CRASSO US (Aaron-Jean-François), homme politique
français, né à Montpellier le 7 aoiît 1746, mort dans la
même ville le 10 sept. 1801. Homme de loi, président du
directoire du dép. de l'Hérault, il fut élu par ce départe-
ment député au conseil des Cinq-Cents où il siégea à droite.
n y parla surtout dans des questions de finances. Après le
18 brumaire, il entra au Tribunat. Le 27 nivôse an IX
(18 janv. 1801), il fut nommé membre du Sénat conser-
vateur. . F.-A. A.
CRASSO US (Jéan-François-Paulin), littérateur français,
né à Montpellier le 22 juin 1768, mort à Paris en 1829,
neveu du conventionnel. Employé à la comptabilité natio-
nale, il devint, en 1807, référendaire à la cour des comptes,
où il eut, avec le président Barbé-Marbois^, des difficultés
qui nuisirent à son avancement. C'était d'ailleurs un esprit
chagrin et tracassier ; il s'attira force querelles politiques
et littéraires. Il a écrit : Du Rétablissement de l'ordre
dans les finances par une organisation nouvelle de la
trésorerie et de la comptabilité (1800, in-8) ; Apologie
des femmes, poème (Paris, 1806, in-12) ; Eloge funèbre
de Mich. Lepelletier et de Marat, à V occasion de la fête
de ces deux martyrs de la liberté (iS09, in-8). Il a
encore collaboré à la Décade philosophique, de 1794 à
1807, et traduit le Voyage sentimental de Sterne (1801).
CRASSOUS DE Medeuil (Jean- Augustin), homme poli-
tique français, né à La Rochelle en 1745, mort en 1829.
Député de la Martinique à la Convention nationale, il fut
un des membres les plus zélés du club des Jacobins, qu'il
défendit à plusieurs reprises à la tribune de la Convention.
Accusé d'avoir dit que les Jacobins devaient faire à Carrier
un rempart de leur corps, et, d'autre part, d'avoir dénoncé
son infortuné collègue Dechézeaux (V. ce nom), il fut
décrété d'arrestation le 16 germinal an Ilïet incarcéré au
Mont-Saint-Michel où il resta jusqu'à l'amnistie du 4 bru-
maire an IV. Nommé juge au tribunal civil du dép. de la
Dyle, par le Directoire, il ne conserva pas longtemps ces
fonctions et se fixa à Bruxelles, où il exerça la profession
d'avocat. F.-A. A.
CRASSULACÉES (Crassulaceœ DC; Sempervivœ A.
L. Juss. ; Sncculentœ Vent.) (Bot.). Famille de Végétaux
Dicotylédones, dont les représentants sont désignés sous le
nom vulgaire de Plantes grasses. Ce sont des herbes an-
nuelles, bisannuelles ou vivaces, parfois des sous-arbris-
seaux, de port très divers, à tiges et à feuilles épaisses,
charnues-succulentes, les dernières alternes ou opposées
et sans stipules. Les fleurs, tantôt solitaires, tantôt dis-
posées en cymes scorpioides, en grappes ou en épis, sont
régulières et hermaphrodites, rarement dioïques, avec un
calice hbre, persistant, ordinairement divisé plus ou moins
profondément en cinq segments, une corolle hypogyne, à
pétales libres ou soudés inférieurement en tube et des
étamines en même nombre ou en nombre double de celui
des pétales. Le gynécée est formé de carpelles dont le
nombre est égal à celui des sépales. Ces carpelles devien-
nent, à la maturité, des foUicules déhiscents et polyspermes,
accompagnés extérieurement et à leur base de glande^
hypogynes de formes très diverses. Les graines, nom-
breuses et très petites, contiennent sous leurs téguments
un embryon droit pourvu, ou nou, d'un albumen charnu peu
abondant. — Placée entre les Résédacées et les Saxifra-
gacées, la famille des Crassulacées renferme seulement
les sept genres: Sedum Tourn., Triactina HooL f. ,
Sempervivum L., Cotylédon L., Kalanchoe Adans.,
Bryophyllum Salisb. et Crassula L. (V, H. Bâillon,
Hist, des PL, IH, pp. 305, 322). Ed. Lef.
CRASSUS (V. LiciNius).
CRASSUS (Canidius) (V. Cànidïus).
CRASTES. Com. du dép. du Gers, arr. etcant.d'Auch;
529 hab.
CRASVILLE. Com. du dép. de l'Eure, arr. et cant. de
Louviers; 180 hab.
CRASVILLE. Com. du dép. de la Manche, arr. de Va-
lognes, cant. de Quettehou; 365 hab.
CRASVILLE-la-Mallet. Com. du dép. de la Seine-
Inférieure, arr. d'Yvetot, cant. de Cany; 331 hab.
CRASVILLE-LA-RocQUEFORT. Com. du dép. de la Seine-
Inférieure, arr. d'Yvetot, cant. de Fontaine- le -Dun;
525 hab.
CRAT. Nom vulgaire de VEsttirgeon (V. ce mot).
CRAT>E0IV1US (Paléont.). Sous ce nom Seeley a décrit
un Reptile Dinosaurien, dont le corpâ était protégé par des
plaques et par des épines osseuses, dont la forme est diffé-
rente suivant les régions; les vertèbres cervicales sont
remarquables par la grandeur de l'arc neural, par le large
vide qui existe entre les zygapophyses, par la brièveté de
la neurépine et la forme biconcave du centrum. Les dents
sont comprimées, triangulaires, en forme de fer de halle-
CRATiEOMUS — CRATEROPUS
282
barde; certaines sont légèrement crénelées. Les os des
membres indiquent un animal robuste à marche quadru-
pède. Les Cratœomus Pawloivitschii et Copidophorus
sont des couches crétacées moyennes de Gosau, en Au-
triche. E. Sauvage.
BiBL. : Seeley, Qieari. Joiirn. Geol. Soc; Londres, 1881,
p. 620.
CRATÉ6INE (Chim.). Substance neutre, amère, cristal-
lisable, retirée par Leroy de Fécorce du Crategus oxya-
cantha. Elle est soluble dans l'éther, et ne paraît suscep-
tible de se combiner ni aux acides, ni aux alcalis (Leroy,
Journ, de Chim., t. XYII, 3). Ed. B.
CRATEOSAURUS (Paléont.). Seeley a désigné sous le
nom de Crateosaurus fottonensis, un Reptile de l'époque
du Purbeck qui appartient sans doute au groupe des 13ino-
sauriens ; l'arrière-crâne présente des caractères qui se
voient chez les Crocodiliens et chez les Lacertiens,
BiBL. : Sexley, Quart. Journ. Geological Societii, 1874,
t. XXX. ,
CRATÈRE. L Archéologie. — Transcription d'un mot
grec qui désigne d'une manière générale toute espèce
de récipient propre à faire le mélange de Teau et du
vin. C'était un vaisseau de grandeur variable, mais le
plus ordinairement d'une assez grande capacité, dans
lequel on puisait le liquide soit avec une coupe ou un petit
vase à boire quel-
conque, soit avec
certains vases spé-
cialement affectés à
cet usage. Il est as-
sez difficile de déter-
miner exactement le
type du cratère, les
anciens se servant
de ce terme pour
désigner des vases
de formes différen-
tes, avec ou sans
anses, avec ou sans
support. Mais au-
jourd'hui, dans le
langage de l'archéologie, on est à peu près d'accord pour
attribuer ce nom à des récipients rebondis avec col étroit
et large embouchure ou bien plus ou moins évasés en
calice, munis de deux anses qui tantôt s'élèvent en volutes
au-dessus du bord, tantôt sont assez courtes et ont leur
point d'attache à la partie inférieure de la panse. Les cra-
tères communs étaient en
terre cuite avec des pein-
tures comme celles que pré-
sentent la plupart des vases
grecs. Les cratères de luxe
étaient en bronze ou en mé-
tal précieux. Plusieurs sanc-
tuaires helléniques en possé-
daient qui étaient des œu-
vres de grand prix tant en
raison de leur valeur métal-
lique intrinsèque qu'à cause
des appendices plastiques ou
des fines ciselures qui les
décoraient. C'étaient des of-
frandes de princes que les
temples montraient avec or-
gueil comme des merveilles.
Il y en avait dans le nombre
qui atteignaient des dimen-
sions énormes et qui rappe-
Serviteur puisant le vin clans
le cratère»
Cratère de bronze incrusté
d'argent et son support.
iaient les immenses réservoirs de marbre ou d'airain que pos-
sédaient certains sanctuaires asiatiques, entre autres le
temple de Salomon, et dont le cratère d'Amathonte au Louvre
peut nous donner une idée. Par sa forme, le cratère se
prêtait aisément à une destination décorative. Aussi en
plaçait-on quelquefois dans les jardins, sur de hauts pié-
destaux. On les faisait alors en marbre, et ils portaient
souvent sur la panse des figures sculptées en bas-relief.
Parmi les cratères décoratifs, on peut citer aussi un beau
vaisseau de bronze incrusté d'argent qui provient de
Pompéi et que nous reproduisons ci-dessus. J. Martha.
IL Géologie (V. Volcan).
BiBL. : Panofka, Recherches sur les véritables noms
des vases, pp. 10 et suiv. — Krause, Angéiologie^ pp. 288 et
suiv. — Daremberg et Saglio, Dictionn. des antiq.., art.
Cratère.
CRATÈRE, lieutenant d'Alexandre, mort en 321. Fils
d'Alexandre d'Orestide et frère d'Amphoterus, il commanda
d'abord l'infanterie de la garde (Trs^sxatpot), fut souvent
mis à la tête de corps considérables, notamment dans
l'Inde où il commanda une division de cavalerie. Il était
aimé d'Alexandre bien qu'il blâmât le roi d'adopter les
mœurs asiatiques. Il fut chargé de ramener en Macédoine
les vétérans et de succéder à Antipater (V. ce nom)
comme vice-roi. La mort d'Alexandre l'arrêta. Au partage
qui suivit, il reçut en commun avec Antipater le gouver-
nement de l'Europe (Macédoine, Illyrie, Epire, Grèce). Il
s'entendit avec Antipater dont il épousa la fille Phila après
avoir répudié sa première femme Amastris. Il prit part à
la grande expédition de 321 contre Perdiccas et fut
vaincu et tué par Eumène en Cappadoce (V, Alexandre et
Antipater).
Bibl. : Droysen, Histoire de l'hellénisme, t. ï et II
(trad. Bouché-Leclercq) ; Paris, 1883.
CRATÈRE. Ce nom a été porté par divers personnages
de l'antiquité ; outre le précédent, nous citerons : un autre
lieutenant d'Alexandre ; un frère d'Antigone Gonatas qui
s'occupa de rassembler des documents' historiques (sa
auvaywYr) t!^r]cpicy[jiaTtov comprenait neuf livres au moins) ;
un médecin célèbre du temps de Cicéron (if^. Att.^ XII,
13, 1 et 14, 4); un sculpteur du i®^ siècle ap. J.-C. qui
travailla au palatin avec Pythodore.
CRATERONYX {Crateronyx Dup.) (Entom.). Genre de
Lépidoptères- Hétérocères, du groupe des Bombycides
(V. Bombyx), caractérisé surtout par la spiritrompe nulle,
les antennes pectinées dans les deux sexes, les palpes courts
et obtus, le dernier article des tarses renflé. Les chenilles,
très peu velues et très lentes à cause de leur obésité, vivent
solitaires sur les Composées du groupe des Chicoracées.
Celles du C. taraxaci God., notamment, se rencontrent sur
le pissenht et la laitue. Le papillon est d'un jaune fauve
avec les ailes d'un jaune d'ocre, plus foncé chez le mâle.
CRATEROPUS (Ornith.). Les Crateropus (Swainson,
Faun. Bor. Amer., 1831, p. 487) que l'on rangeait autre-
fois parmi les Merles et que l'on classe aujourd'hui parmi les
Crateropus Reinwardtii.
Timéliidés (V. ce mot) sont des Passereaux de petite taille,
à peine aussi gros qu'une Grive et de formes élancées, qui
se trouvent en Afrique, dans l'Inde et à Ceylan. Ils ont le
bec droit ou très légèrement recourbé^ à peu près aussi
- 283 -
CRATEROPUS ~- CRATICULATION
long que la tête, fortement comprimé sur les côtés et garni
à la base de soies rigides, les ailes courtes et arrondies,
la queue ample, arrondie également à rextrémité et formée
de pennes peu résistantes, les pattes très robustes avec les
tarses garnis antérieurement d'écaillés divisées et le pouce
très développé et presque aussi long que le doigt médian.
Leur plumage de consistance molle, sauf sur le front où se
dressent des plumes rigides, offre des couleurs simples,
d'un brun grisâtre, du gris ou du fauve, parfois avec des
lisérés blancs au bord des plumes qui dessinent des sortes
d'écaillés. Ces oiseaux se tiennent dans les broussailles ou
dans les touffes de roseaux, au bord des rivières, et se
nourrissent d'insectes, particulièrement de larves d'Orthop-
tères et de Coléoptères coprophages. Ils vivent générale-
ment en troupes, et tout en cherchant leur nourriture, ils
ne cessent de pousser de petits sifflements. Leur vol est
lourd et peu soutenu. On connaît actuellement une quinzaine
d'espèces de ce genre, parmi lesquelles nous citerons seule-
ment le Crateropus Reinwardtii Sw., de la Sénégambie et
de la Côte d'Or, le C, melanops Hartl., du pays de Domara,
le C, Jardinei Smith et le C. bicolor Jard., de l'Afrique
australe et de la région du Zambèze, et le C. griseiis Gm,,
de l'Inde. Cette dernière espèce constituait le type du genre
Malacocircus àa Swainson, que M. Sharpe réunit probable-
ment avec raison au genre Crateropus. E. Oustalet.
BiBL. : Swainson, ZoqI. illusL^jol. 80 et 127. — Smith,
Jll. S. Afr. zool^ pi. 6. — G.-R. Gray et Mitchell, Gê-
nera of Birds, 1846, t. I, p. 224 et pi. 57, f. 1 et f. 7. — Jer-
DON, Birds of India, 1863, t. II, pp. 59 et 63, et III. Ind.
Orn., pi. 19. — R.-B. Sharpe, Cat. B. Brit. Mus., 1883,
t. VII, p. 469.
C RATES (Antiq.) (V. Claie).
CRATÈS, poète comique athénien, un des prédécesseurs
d'Aristophane. Il règne sur sa vie une grande obscurité.
Tout ce que nous savons, c'est qu'il joua comme acteur
dans les comédies de Cratinm (Y. ce nom) et qu'en 424
av. J.-C, époque de la représentation des Chevaliers
d'Aristophane, il était mort. Le théâtre de Cratès est au-
jourd'hui perdu. Il paraît s'être distingué des poètes comi-
ques ses contemporains par le choix des sujets : au lieu de
faire de la satire politique et personnelle, il mit sur la
scène des critiques plus générales ; il s'en prit aux moeurs,
plutôt qu'aux individus, suivant en cela l'exemple du Sici-
lien Epicharme. Nous connaissons les titres de quelques-
unes de ses comédies, les Voisins., les Bêtes, Lamia (sorte
de croquemitaine), les Jeux, etc. Aristophane, qui parle
de lui dans la parabase de ses Chevaliers (v. 537 et
suiv.), fait allusion à de nombreux échecs qu'il aurait
subis dans les concours, en même temps qu'à une grande
persévérance et à de louables efforts pour satisfaire l'exi-
geant public d'Athènes (V. les fragments de Cratès dans
Kock, Fragm, comic, grœcor., I, pp. 430 et suiv.).
BiBL.: Bergk, Griech. Literaturgeschichte, IV, p. 58.
CRATÈS (delhèbes), philosophe cynique, qui florissait,
d'après Diogène Laërce (hv. VI, ch. v), vers la 143^ Olym-
piade (328-324 av. J.-C). Il fut le plus important dis-
ciple de Diogène et le dernier grand représentant de son
école. Issu d'une opulente famille, il reçut une brillante
éducation; mais il abandonna tous les honneurs auxquels
il était en droit de prétendre pour venir pratiquer à Athènes
les maximes des cyniques. On assure que dans son enthou-
siasme il vendit son patrimoine et en distribua le prix, ou,
suivant Philostrate, qu'il jeta l'argent à l'eau. D'autre part,
il se pourrait que sa pauvreté soit venue de causes plus
ordinaires; qu'il ait tout perdu lors de l'invasion macédo-
nienne, et qu'il se soit réfugié à Athènes pour fuir le vain-
queur. Quoi qu'il en soit, Diogène n'eut pas de plus ardent
disciple, de plus enthousiaste imitateur. Convaincu que le
plaisir, loin d'être un bien, est le plus pernicieux des maux,
et que tout est indifférent pour nous, hors le vice et la
vertu, il s'attacha à mettre ses actions en conformité avec
ses principes. Difforme et repoussant, il se plaisait à se
dépouiller en public pour exciter les railleries, menant"
d'ailleurs la vie la plus austère, et, selon la tradition
cynique, cherchant à instruire et à éclairer les fous, c.-à-d«
les autres hommes. L'habitude qu'il avait d'entrer à l'im-
proviste dans les maisons pour adresser aux gens ses exhor-
tations ou ses réprimandes, l'avait fait surnommer ÔupsTta-
voixxriç. Une jeune Thrace de riche maison, Hipparchia,
de Maronée, séduite par les allures du philosophe, s'attacha
à lui, et Cratès impuissant à la rebuter finit par l'épouser
lorsqu'il la vit disposée à adopter son genre de vie. Les
deux époux consommèrent, paralt-il, le mariage devant de
nombreux spectateurs; d'autre part, il faut lire dans Dio-
gène la façon plus que singulière dont il maria plus tard ses
tils. En dépit de ses singularités, il avait gardé de son édu-
cation première une certaine délicatesse native qui le pré-
servait de la rudesse choquante et des exagérations d'An-
tistlïène. Chez lui le cynisme s'est en quelque sorte huma-
nisé ; de là son importance dans l'histoire : de lui part le
mouvement d'où sortira plus tard le stoïcisme; à travers
Stilpon, il rejoint Zenon. On ne sait pas la date exacte de
sa mort; toutefois, il est probable qu'il vécut jusqu'au
iii^ siècle. Il a très peu écrit : comme ses maîtres, il refu-
sait toute valeur aux recherches et aux spéculations dont
le but immédiat n'est pas de contribuer à l'amélioration
morale de l'homme. Quatorze lettres attribuées à Cratès
ont été publiées dans la collection aldine des lettres grec-
ques (4449, in-4), et Boissonnade en a édité trente-huit
dans Notices et extraits de manuscrits de la Biblio-^
thèque du roi (Paris, 1827); mais elles ne sont pas
authentiques. Il avait composé un petit poème dont nous
avons seulement le titre, IlaiYvia, et quelques tragédies
philosophiques, s'il faut en croire Diogène Laërce. Plu--
tarque avait écrit de Cratès une longue biographie dont il
ne reste rien. L. Bélugou*
BiBL. : PosTUMUS, De Crat.; Groning., 1823. ~ Delau-
NAY, De Cynismo ; Paris, 1831.
CRATÈS DE Mallos, grammairien grec, contemporain
et adversaire du grand critique alexandrin Aristarque. Il
vivait au ii® siècle av. J.-C. et enseignait à Pergame, ville
alors renommée pour ses professeurs et où les Attales
avaient réuni une bibliothèque presque aussi riche que
celle des Ptoléméesà Alexandrie. Cratès était célèbre dans
l'antiquité par différents ouvrages de grammaire. Il avait
fait, entre autres, un livre sur le dialecte attique. Mais il
est surtout connu comme excgète d'Homère. Les anciens
avaient de lui un commentaire de V Iliade et de V Odyssée
en neuf livres. Parmi tous les critiques d'Homère, il est
pour nous le principal représentant de l'exégèse allégori-
que. Il croyait qu'Homère avait exprimé sous la forme
d'images des vérités scientifiques ou philosophiques; il en
faisait un savant qui avait caché sa science sous les dehors
aimables de la poésie. Ce système, évidemment faux,
n'était, au fond, que la conséquence naturelle de la façon
dont les Grecs envisageaient la httérature, principalement
les œuvres des poètes, où ils étaient toujours portés à
apercevoir un enseignement et des règles de conduite.
BiBL. : G. Wachsmuth, De Cratete Mallota ; Leipzig,
1860.
CRATICULA (Antiq.) (V. Gril).
CRATICULARIA (V. Eponge [Paléont.]).
CRATICULATION. Lorsque l'on veut copier un dessin,
soit que l'on veuille le reproduire exactement, soit que
l'on veuille en obtenir une image semblable, on peut s'y
prendre de la manière suivante qui porte le nom de crati-
culation : On trace sur le dessin à copier une série de
lignes horizontales et verticales, de manière à le décom-
poser en une série de rectangles, ordinairement égaux; sur
la feuille de papier sur laquelle on désire copier le dessin,
on reproduit d'une façon analogue le réseau de rectangles
que l'on vient de tracer, exactement si l'on désire une
reproduction exacte, et en général à une échelle qui est
celle du dessin que l'on veut obtenir, il ne reste plus qu'à
copier les images inscrites dans chacun des rectangles pri-
mitifs, dans chaque rectangle homologue. C'est ce que
l'on appelle craticuler. On peut appliquer ce procédé aux
CRATIGULATION — CRAUK
- 284 —
objets en relief, à un paysage par exemple : à cet effet, le
dessinateur se place derrière un carreau de vitre sur lequel
on a tracé un réseau de rectangles, et il applique son œil
contre un petit cercle en fil de fer maintenu à une distance
fixe du carreau fixe lui-même, le paysage lui apparaît
alors comme une image dessinée sur le carreau, et qu'il
copie à l'aide du procédé que l'on vient de décrire, H. L.
CRATICULUM (Antiq.) (V. Chenet).
GRATIN US, poète comique grec du v^ siècle av. J.-C,
un des plus illustres représentants de V Ancienne comédie
attique. On connaît fort mal sa vie. Il fit jouer, serable-
t-il, sa première comédie vers 460 ; en 423, il vainquit
Aristophane au concours; en 421, celui-ci, dans une de
ses pièces qui nous est parvenue, la Paix (v. 700), fait
allusion à la mort de son rival. Cratinus mourut donc entre
423 et 421 av. J.-C. On ignore la date de sa naissance.
Il fit pour la comédie ce qu'Eschyle avait fait pour la tra-
gédie ; il y accrut le nombre des acteurs et par sa fan-
taisie, son invention, sa verve, rendit les représentations
comiques capables de rivaliser pour l'intérêt avec le spec-
tacle tragique. Le théâtre de Cratinus, comme celui d'Aris-
tophane, était plein de traits satiriques à l'adresse des
personnes et des institutions. La pièce des ChironSy dont
nous avons des bribes, visait d'un bout à l'autre la poli-
tique de Périclès. Cratinus passait, dans l'antiquité même,
pour n'avoir composé qu'un petit nombre de drames,
vingt et un seulement. Il travaillait avec lenteur, en appor-
tant beaucoup de soin au détail du style. De toutes ses
comédies, la plus célèbre est la Bouteille, qui remporta
le prix sur les Nuées d'Aristophane en 423. Il s'y mettait
lui-même en scène, entre la Comédie, son épouse légitime,
et la Bouteille, pour laquelle il n'avait que trop de pen-
chant. Les contemporains de Cratinus avaient pour lui une
grande admiration. Aristophane, dans ses Chevaliers
(v. 526 et suiv.), nous a laissé de lui un magnifique éloge.
On ne louait pas seulement ses comédies, mais ses poésies
lyriques, qui demeurèrent longtemps populaires et qu'on
chantait dans les festins (V. les nombreux fragments qui
nous restent de Cratinus, dans Rock, Fragm. com. gr., I,
pp. 11 et suiv.). P. Girard.
BiBL. : Bergk, Griech. Literaiurgeschichte, IV, pp. 49
et suiv.— J. Denys, la Comédie grecque, I,pp. 145 et suiv.
CRATINUS le Jeune, poète comique grec qui vivait à la
fin du iii^ siècle av. J.-C. Il appartient au groupe de
poètes connus sous le nom de poètes de la Comédie nou-
velle. Nous n'avons de lui que des fragments et les titres
de quelques pièces, Chiron, les Géants^ Omphale, Thé-
ramène, etc. (V. Meineke, Fragm. com, gr., I,p.411).
CRATINUS, jurisconsulte byzantin de la première moitié
du vi^ siècle. Il a été professeur de droit et cornes sacra-
Tum largitionum. Il fut au nombre des jurisconsultes
que Justinien chargea en 530 de composer le Digeste.
BiBL. : Prœfationes Digestorum, II, § 9, L. 2, § 9, C, Ve-
teri jure eintcL, I, 17.
CRATIPPE, un des derniers péripatéticiens, né à Mity-
lènCj dans l'île de Lesbos, florissait au i^^ siècle avant
notre ère. Il n'est pas facile de déterminer quel fut son
enseignement ; rien ne demeure de son traité sur la Divi-
nation par les songes qu'une brève analyse de Cicéron.
Tout ce que l'on peut dire, c'est que, à l'exemple des con-
tinuateurs d'Aristote, il délaissa de plus en plus les spécu-
lations métaphysiques pour se consacrer presque exclusi-
vement à l'éthique. Sa personne est plus connue. Sa répu-
tation était telle, au dire de Plutarque, que l'Aréopage le
pria de venir occuper à Athènes la chaire d'Andronicus de
Rhodes (44 av. J.-C). César lui accorda le titre de citoyen
romain, et Cicéron qui, à plusieurs reprises, parle de lui
comme du plus grand philosophe de ce temps, envoya son
fils Marcus suivre ses leçons. Plus tard Brutus, réfugié à
Athènes après le meurtre de César, fréquenta aussi son
école.
BiBL. : Cic, De Divin., I, 32, 50; II, 47, 52. — De Offic,
J, 1;III, 2; etc.
CRATO, Village du Portugal, prov. d'Alemtejo, ancien
grand prieuré de l'ordre °de Malte, aujourd'hui station prin-
cipale du ch. de fer de Badajoz à Lisbonne, à l'O. de
Portalègre.
CRATO. Ville du Brésil, État de Cearà, par 744/ de
lat. S. et 41° 26' de long. 0. de Paris, dans la vallée de
Cariri, sur des contreforts septentrionaux de la serra do
Araripe, et sur le ruisseau Granjeiro. R.-B.
C RATON, peintre grec de la fin du vii*^ siècle avant
J.-C. Son nom ne nous est connu que par une courte men-
tion de l'écrivain grec Athénagoras, qui lui donne Sicyone
pour patrie, et lui attribue l'invention de la peinture mo-
nochrome (Ypacpixri). Craton aurait le premier peint sur un
panneau revêtu d'un ton blanc des silhouettes d'hommes
et de femmes. Avec son compatriote Téléphanès, il repré-
sente la plus ancienne école de Sicyone, et serait ainsi
contemporain de Saurias de Samos et du Corinthien
Cléanthes. Quant à la portée de son invention, nous
sommes fort mal renseignés. Il s'agit sans doute d'une
peinture au trait, à contours larges, suivant le profil des
personnages, avec quelques teintes monochromes. L'idée de
dessiner les contours intérieurs par des lignes est formel-
lement attribuée par Pline à un contemporain de Craton,
Téléphanès.
BiBL. : Brunn, Gesch. der griech. Kûnstler, II> pp. 5-G.
— OvERBECK, Schriftquellen, n» 381. — Studniczka, Ja.hr-
buch des arch. Inst., Il, pp. 150 et suiv.
CRATYLE (d'Athènes), philosophe, fils de Smicrion,
vivait probablement à la fin du v® siècle av. J.-C. Attaché
aux opinions d'Heraclite, avec qui il admettait que les
choses sensibles sont dans un perpétuel écoulement, et
qu'il n'y a pas de science possible, il outra encore, nous
dit Aristote, la doctrine de son maître, le blâmant de n'avoir
pas exprimé assez fortement la mutabilité des choses, et il
avait fini par ne plus oser énoncer aucun jugement, se
bornant aux gestes, sous prétexte que toute proposition
contient une affirmation sur un être. Il esta croire, en dépit
de ces exagérations, que Cratyle n'était point un esprit
médiocre, sans quoi Platon n'aurait pas mis son nom en
tête de l'un de ses dialogues. Il est le premier vraisembla-
ment qui pensa à étudier l'étymologie. Dans la célèbre
question de l'origine du langage, ^iSasi xà 6yd(xaTa i]
Oiaei, il adopta la thèse pythagoricienne de l'union essen-
tielle du mot et du sens, les choses étant nommées en vertu
de lois naturelles (^uast). On sait que Platon avait appris
de lui les théories d'Heraclite.
BiBL. : Arist., Métaph., I, 6; IV, 5.
CRAU (La) (V. Bouches-du-Rhône [Dép.]).
CRAU-d'Hyères (La). Com. du dép. du Var, arr. de
Toulon, cant. d'Hyères, au pied du mont Fenouillet;
3,047 hab. Stat. du ch. de fer. P.-L.-M., ligne de Tou-
lon aux Salins-d'Hyères. La plaine est traversée par le
bel aqueduc à arcades gothiques, construit au xv*^ siècle
par Jean Natte, pour fertiliser le jardin d'Hyères.
CRAUFURD (Quintin) (V. Crawford).
CRAUK (Gustave-iVdolphe-Désiré), sculpteur français,
né à Valenciennes (Nord) le 16 juil. 1827. Elève de Pra-
dier, il remporta le grand prix de Rome, sur un bas-relief
représentant les Grecs et les Troyens se disputant le
corps de Patrocle. Il expose au Salon depuis 1853. Il
obtint une médaille de troisième classe en 1857, pour un
groupe en bronze. Bacchante et Satyre; une autre de
deuxième classe en 1859, pour un groupe en marbre. Bac-
chante et Satyre; une autre de première classe en 1861,
pour un Faune , statue bronze ; un rappel de médaille
de première classe à la suite du Salon de 1863 où il avait
exposé une statue en marbre de Saint Jean-Baptiste et
un buste en marbre de VImpératrice Eugénie. Une de
ses œuvres les plus remarquées fut la Victoire couron-
nant le drapeau français, qui parut au Salon de 1864 :
cette figure en bronze a été placée en 1866 dans le square
des Arts-et-Métiers à Paris. A l'Exposition universelle de
1867 , il obtint une médaille de première classe et un
rappel de cette médaille à l'Exposition universelle de 1878,
en même temps que la croix d'officier. Ses principales
— 28S —
CRAUK -. CRAVATE
œuvres sont : à Paris, Omphale, st. m. (coui* du Louvre) ;
Douai QtDunkçrque^ st. p. (ch. de fer du Nord); Vauban,
st. p, (cour du nouveau Louvre) ; Saint Jacques^ Saint
Mathieu^ Saint Barthélémy^ st. p. (Saint-Eustache) ;
la Prudence^ groupe p. (église de la Trinité) ; le Cré-
puscule^ groupe m. (avenue 'de l'Observatoire); Tritons,
groupe bronze (fotitaine de la place Médicis) ; la Force et
la Prospérité^ groupe p. (pavillon de Marsan, aux Tui-
leries) ; le fronton du musée du Luxembourg ; le monument
de V Amiral Coligny, placé au chevet du temple de l'Ora-
toire ; Robert de Sorbon^ st. p. (égl. de la Sorbonne) ; la
Vigne^ st. m. (Hôtel de ville); la Jeunesse et V Amour ^
gr. m. (musée du Luxembourg). Plusieurs de ses œuvres
figurent aux musées de Versailles, d'Amiens, de Grenoble,
de Maubeuge, de Valenciennes, de Lille, etc. Il a sculpté
aussi la statue en bronze du Maréchal Vallée^ placée à
Constantine ; la statue en bronze de Dupeyron, à Pierre-
Buffières ; la statue en bronze du Comte de Montalivet, à
Valence ; la statue en marbre de Vîntendant d'Etigny,
à Bagnères-de-Luchon ; la statue en marbre de la Comtesse
Marguerite de Flandres, à l'hospice de Séclin (Nord) ; la
statue en bronze du Maréchal Niel, à Muret ; la statue en
marbre de Claude Bourgelat, à l'Ecole vétérinaire d'Alfort;
la statue en bronze du Général Chanzy, au Mans ; la sta-
tue en marbre de Pierre Giraud, archevêque de Cambrai,
dans la cathédrale de Cambrai. Crauk a produit un grand
nombre de bustes en marbre et en bronze, dont quelques-
uns pour des monuments funéraires. M. D. S.
CRAVACHE. Sorte de fouet en forme de badine dont le
diamètre va en décroissant, de la pomme qui est plombée,
en sifflet ou autrement, jusqu'à l'autre bout, qui est garni
d'une mèche ; sa fabrication se prête à toutes les fantaisies
et la pomme peut avoir une forme artistique, mais la con-
dition essentielle d'une bonne cravache est d'être flexible.
On distingue l'âme et l'enveloppe : pour l'âme, on emploie
le rotin, l'acier, la baleine et le cuir; pour l'enveloppe, le
coton, le fil, les boyaux, la soie, etc. Le prix de la baleine
ayant subi, depuis 1876, des augmentations successives,
il en résulte une grande perturbation dans la fabrication
des cravaches et un amoindrissement dans leur écoule-
ment. L'âme est travaillée à la main, tandis que le tres-
sage de l'enveloppe s'exécute mécaniquement. — La cra-
vache, que le cavalier à cheval place habituellement dans
la main qui ne tient pas les rênes, le petit bout en bas
près de l'épaule du cheval, peut être employée, mais tou-
jours avec discernement et discrétion, pour ajouter à l'éner-
gie des aides, pour exciter et pour châtier le cheval. Toutes
les fois que l'on veut faire usage de la cravache, il faut
d'avance assurer son assiette en selle, ajuster les rênes et
rassembler le cheval ; on ne doit faire usage de la cravache
qu'en cas d'insuffisance des aides, très rarement, mais
franchement alors ; l'abus continuel que l'on ferait de la
cravache rendrait bientôt le cheval insensible et résistant
aux aides ; paresseux, il s'habituerait à la cravache; géné-
reux et irritable, il se révolterait. L'appui de la cravache
sur l'épaule ou sur le flanc ajoute à l'énergie des aides du
côté où l'on appuie; le sifflement léger de la cravache
excite le cheval ; les coups de la cravache châtient la déso-
béissance provenant de la paresse et de l'entêtement du
cheval ; ils doivent être frappés sur l'épaule ; sur la croupe
ils exciteraient la ruade et l'on doit s'en abstenir. L'inatten-
tion du cheval doit être prévenue par le jeu du mors ; son
impatience calmée par l'appui du mors alternant avec la
légèreté de la main ; sa timidité encouragée par la dou-
ceur et sa faiblesse soutenue ou secourue par l'énergie des
aides, sans qu'il soit besoin de le châtier par l'emploi de
la cravache. L. Knab.
. CRAVANCHE. Corn, du territoire de Belfort, cant. de
Belfort; 221 hab.
CRAVANS. Com. du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. de Saintes, cant. de Gémozac ; 681 hab.
GRAVANT. Com. du dép. d'Indre-et-Loire, arr. de
Chinon, cant. de l'Ile-Bouchard ; 919 hab. Au S.-O. du
camp du Ruchard. L'origine du bourg remonte à l'époque
mérovingienne et l'ancienne église (ix^etx^ siècles) a été con-
servée par les soins de la Société française d'archéologie.
GRAVANT. Com. du dép. du Loiret, arr. d'Orléans,
cant. deBeaugency; 1,235 hab.
GRAVANT (Crevennus). Com. du dép. de l'Yonne, arr.
d'Auxerre, cant. de Vermenton, sur l'Yonne; 1,250 hab.
Stat. de la compagnie P.-L.-M. (ligne d'Avallon et des
Laumes). Vignobles. Cravant appartenait très ancienne-
ment à Féglise d'Auxerre, puisque l'évêque Hérifrid en
obtint la restitution de Charles le Simple. L'évêque Guy
donna en 935 cette terre à son chapitre, à charge de célé-
brer son propre anniversaire et ceux du roi Raoul et de la
reine Emma. En 1220, cette ville fut pillée par un certain
Geoff'roy d'Arcy, qui avait des démêlés avec le chapitre
d'Auxerre. Les habitants obtinrent en 1280 leur affranchis-
sement moyennant le payement au chapitre de 2,200 livres
comptant et d'une rente annuelle de 420 livres. En 1300,
ils furent exempts par l'évêque d'Auxerre du droit qu'il
percevait sur la vente du sel. Au xiv^ siècle, Cravant tomba
aux mains des Anglais. Vers le 24 juin 1423, cette place
fut reprise par les Français qui furent, bientôt après, forcés
de la rendre aux Bourguignons. L'armée royale, commandée
par Jean Stuart, seigneur de Derneley, s'avança pour déli-
vrer Cravant. Une bataille fut livrée sous ses murs le 31 juil.
1423. Jean Stuart se défendit vaillamment; mais le maré-
chal de Sévcrac, Robert de Leire et quelques autres capi-
taines français ayant donné le signal de la retraite, le
désordre se mit dans l'armée royale qui fut complètement
battue par les Bourguignons. L'honneur de la journée resta
au maréchal de Chastellux. La ville fut rendue aux cha-
noines d'Auxerre qui donnèrent une prébende héréditaire
à l'aîné de la maison de Chastellux ; ils instituèrent en
outre une messe de la Victoire qui se chantait chaque année,
le 16 août, dans la cathédrale d'Auxerre. Un grand nombre
de chevaliers écossais et français périrent dans cette jour-
née parmi lesquels Guérin de Fontaine et Etienne de Cha-
bannes; les seigneurs de Joyeuse, de Gamaches, du Bellay,
et Saintrailles furent faits prisonniers. Le roi, dans une
lettre écrite aux habitants de Lyon, chercha à atténuer l'im-
portance de la défaite. Paris, qui était aux Bourguignons,
alluma des feux de joie. La l3ataille de Cravant a fourni à
Humbert de Montmoret le sujet, d'un poème latin, Bellum
Craventinnm (Paris, 1512, in-8), d'ailleurs sans aucune
valeur historique. Au xvi® siècle, Cravant devint une place
de refuge pour les calvinistes d'Auxerre ; mais ils y furent
massacrés le 4 juin 1564. La Ligue ne fut maîtresse de
Cravant que quelques mois ; cette ville se rendit à Henri IV
le 7 avr. 1594. Eglise paroissiale de Saint-Pierre et Saint-
Paul ; plan sur croix latine ; nefs du xv® siècle ; chœur et
sanctuaire du plus beau style de la Renaissance ; onze cha-
pelles rayonnantes; tour fondée en 1551. Restes de l'en-
ceinte du xiv« siècle; porte du pont construite en 1782.
Pont sur l'Yonne construit de 1758 à 1763. M. Prou.
BiBL. : Lebeuf, Mémoires concernant Vhistoire d'Au-
xerre, passim. — Courtépée, Description du duché de
Bourgogne, t. IV, p. 349, éd. 1848. — Vallet de Viriville,
Histoire de Charles VII, t. I, p. 380. — De Beaucourt,
Histoire de Charles VU, t. II, pp. 13 et 58.
CRAVATE. I. Histoire. — On admet assez généralement
que la partie du vêtement désignée par ce mot a pris son
nom des militaires croates ou cravates, qui servaient dans
les armées de Louis XIV ; mais M. Victor Gay {Glossaire
archéologique du moyen âge et de la Renaissance) cite
des textes des xiv^ et xvi® siècles où cravate est employé avec
la signification de bande d'étoffe ou de parchemin. Quoi qu'il
en soit, l'usage de la cravate est très ancien; le focal du
soldat romain était une longue cravate qui, après avoir en-
touré le cou, venait se fixer à la ceinture. Pendant le moyen
âge, la cravate disparut à peu près complètement; le cou
était très bien protégé par suite de la forme qu'affectaient
alors les vêtements qui couvraient le torse et la tête;
puis, à répojue de la Renaissance, vint la mode des fraises,
qui se put difficilement concilier avec l'usage de la cravate.
CRAVATE — CRAWFORD
Sous le règne de Louis XIV, qui vit apparaître ou plus
probablement réapparaître les cravates, elles étaient géné-
ralement en mousseline ou en laine et avaient une grande
importance. Sous Louis XVI, nous voyons les hommes
porter le col ou tour du col, ancêtre du col carcan, qui ne
disparut que vers 1840.
On donne aussi le nom de cravate à une sorte de petite
écharpe qui était nouée à l'extrémité antérieure des drapeaux
et des étendards ; ces cravates avaient autrefois une grande
importance, car les drapeaux étaient alors aux couleurs
particulières des régiments ou des chefs de corps, tandis
que les cravates étaient généralement couleur royale (blanche
au moins depuis 1661) ou à celles des divers partis pendant
les guerres civiles. Le 22 oct. 1790, l'Assemblée nationale
décréta le remplacement par des cravates tricolores des cra-
vates blanches qui avaient été emportées par les officiers,
lesquels en firent les enseignes des corps d'émigrés. Depuis,
les drapeaux étant devenus de couleurs uniformes pour toute
l'armée française, les cravates ont perdu leur signification
et n'ont plus été que de simples ornements. C. L.
IL Marine. — Nom donné à certains amarrages qui
embrassent une bigue, un mât, une ancre sans les serrer,
mais de manière à les soutenir. Prendre une ancre en cra-
vate, c'est la soutenir par un bout de filin qui passe autour
de la verge en dessous du jas. Le nœud de cravate est
formé par deux demi-clefs à capeler faites avec un bout de
la cravate sur Tautre bout. Les marins l'emploient souvent
pour nouer leur cravate. Jadis, on nommait cravate un
artifice analogue à la chemise à feu.
BiBL. : Histoire. — Quiciierat, Histoire du Costume en
France. — Victor Gay, Glossaire archéologique du moyen
âge. — Dictionnaire de la Conversation^ article Cravate. —
Comte L. de Creuillé, les Drapeaux français; Paris, 1855,
CRAVATES. Nom que Ton donne vulgairement aux
cavaliers croates, qui furent au service de la France depuis
le xvii^ siècle. Louis XIV en forma un régiment qui prit
le nom officiel de Royal-cravate.
GRAVE (Ornith.) (V. Corbeau).
CRAVEN (Elisabeth Berkeley, lady), écrivain anglais,
née en 1750, morte à Naples le 13 janv. 1828. Fille ca-
dette du comte Berkeley, elle épousa en 1767 le comte
W. Craven, en eut sept enfants, divorça en 1781 et vécut
dans plusieurs cours d'Europe ; à Ansbach elle devint la
maîtresse puis la femme (1791) du margrave Karl-
Alexander, fut créée par François II comtesse d'Empire,
emmena le margrave en AngleteiTe où il mourut (1806),
se retira à Naples. Elle a écrit des poésies, des pièces de
théâtre, un récit de voyage, Journey through the Cri-
meatoConstantinople (Londres, 1789; nouv. éd., 1814),
et laissé de curieux mémoires : Memoirs of the Margra-
vine of Ansbach (Londres, 1825, 2 vol.).
' CRAVEN (Pauline de La Ferronays, dame Augustus),
née à Paris en 1820, morte à Paris le 1^^ avr. 1891,
femme de lettres française, dont les romans ont obtenu un
grand succès dans le monde catholique. Nous citerons d'elle :
Récit d'une sœur^ Souvenirs de famille (Paris, 1866,
2 vol. in-8) ; Anne Severin (1868, in-8) ; Adélaïde
Capece Minutolo (1 869, in-12) ; Fleurange (1 871 , 2 vol.
in-12); le Comte de Montalembert (1873, in-12), étude
d'après Touvragede Mrs Oliphant: Memoir ofCount Mon-
talembert; le Mot de V énigme (1874, 2 vol. in-12); le
Pèlerinage de Paray-le-Monial (1873, in-12); Deiixlnci-
débits de la question catholique en Angleterre (1875,
in-12) ; la Sœur Natalie Narischkin, fille de la Charité
de Saint-Vincent-de-Paid (1876, in-8) : le T.r avait
d'une âme, étude dhme conversion (1877, in-12); la
Marquise de Mun (1877, in-8); la Jeunesse de Fanny
Kemble (1880, in-12) ; Une Année de méditations
(1881, in-8); Eliane (1882, 2 vol. in-12); Réminis-
cences (1879, in-8); le Valbriant (1886, in-18), etc.—
Son mari, Augustus Craven, petit-fils de la margravine
d'Anspach (V. ci-dessus) , mort à Lausanne le 4 oct. 1884,
a donné : Correspondance de lord Palmerston (1878,
in-8) ; le Prince Albert de Saxe-Cobourg , époux dé la
reine Victoria (Paris, 1883, 2 vol. in-8).
CRAVENCÈRES. Com. du dép. du Gers, arr. de Con-
dom, cant. de Nogaro ; 285 hab.
GRAVENT. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr, de
Mantes, cant. de Bonnières ; 229 hab.
CRAVETA ou CRAVETTA (Aymon), jurisconsulte ita-
lien,^ né à SavigHano (Piémont) en 1504, mort à Turin
en 1569. Après avoir enseigné le droit à Turin, puis à
Coni, il devint avocat au Sénat de Turin. En 1538, il se
retira à Grenoble où il resta sept ans, et y écrivit un traité
de droit. Il occupa pendant quelque temps une chaire à
Avignon, puis de là passa à Ferrare, dont le duc le prit
pour conseOler; rappelé par le duc de Savoie, il revint à
Turin, y professa cinq ans, et mourut en 1569. Il a laissé
plusieurs ouvrages : Consilia (Lyon, 1545); De Antiqui-
tatibus temporum (Francfort, 1572; Lyon, 1581) ; De
Indemnitatibus mulierum.
CRAWFORD (Wilham-Harris), homme d'Etat améri-
cain, né le 24févr. 1772 dans la Virginie, mort le 15 sept.
1834. Il siégea de 1806 à 1811 au Congrès où il prit un
sérieux.ascendant sur une fraction du parti démocratique.
En 1813, il fut nommé ministre plénipotentiaire à Paris et
devint en 1815 ministre de la guerre sous Madison, puis
ministre des finances sous le même président et avec son
successeur Monroe. En 1824, il posa sa candidature prési-
dentielle en concurrence avec Jackson, Adams et Clay.
Ayant échoué, il se retira de la politique fédérale pour
occuper un poste de juge en Géorgie. Aug. M.
CRAWFORD (Thomas), sculpteur américain, né à New-
York le 22 mars 1814, mort à Londres le 10 oct 1857. En
1834, il alla à Rome, où il fut reçu par le grand sculpteur
danois Thorwaldsen, qui Faccueillit dans son atelier. Vers
1839, il exécuta pour l'Athenseum de Boston une statue en
marbre à' Orphée, Dès lors sa réputation fut établie, et il ne
songea plus à quitter Rome. Il faut citer parmi ses œuvres
les plus importantes : Hérodiade, les Nouveau-Nés dans
la forêt., Flora ^ les Danseurs; la statue en bronze de
Beethowen placée à Boston ; la statue équestre de Wash-
ington sur la grande place de Richmond ; le fronton du
Capitole de Washington représentant les Progrès de la
civilisation en Amérique, Crawford a fait un grand
nombre de bustes de poètes grecs, italiens et anglais,
d'hommes d'Etat américains, etc. Dans le voyage qu'il fit
en Angleterre en 1857, pour consulter des célébrités médi-
cales, il mourut presque subitement. M. D. S.
CRAWFORD (William), peintre, né à Ayr (Ecosse) en
1825, mort à Edimbourg le 2 août 1869. Après avoir fait ses
études à Rome, il revint s'établir à Edimbourg, où son tra-
vail acharné et la protection de lord Meadowbank lui va-
lurent de rapides succès. En outre de ses portraits et de
ses tableaux d'histoire, il a laissé quelques compositions
dont les plus connues sont : May Queen; May Morning^
a Highland Keepefs Daughter, etc. Crawford avait été
nommé en 1862 membre de l'académie royale d'Edimbourg.
CRAWFORD ou CRAUFURD ((Juintin), littérateur an-
glais, né à Kilwinnock le 22 sept. 1843, mort à Paris le
23 nov. 1819. Entré jeune au service de la compagnie des
Indes, où il réalisa une grande fortune, il revint en 1780 en
Europe et s'établit à Paris. Il y vécut en grande faveur à
la cour, et auprès de la belle société. Il coopéra activement
à l'organisation de la fuite de Varennes, puis s'empressa
de passer en Belgique. Rentré à Paris en 1792, il s'occupa
avec les royalistes de préparer des plans d'évasion pour la
famille royale. Après le 10 août, il quitta la France où il
revint en 1802 et où il vécut de préférence jusqu'à sa
mort. On lui doit un certain nombre d'ouvrages assez inté-
ressants. Nous citerons : Sketches relating chiefly to the
History, Religion., Learning and Manners of the
Hindoos (Londres, 1790, 2 vol. in-8), trad. en franc, par
le comte de Montesquieu (Dresde, 1791, 2 vol, in-8);
Secret Ilistory of the King of France and his escade
from Paris in June 119 i (publ. pour la première fois
28T —
CRAWFORD — CRAYON
dans hs Bland'Burges Paper s, I880) ; Histoire de la
Bastille, avec un appendice contenant une discussion
sur le prisonnier au masque de fer (4798, iii-8) ; Essais
sur la littérature française (Paris, 1803, 2 vol. iii-4);
^ssai historique sur le docteur Swift (Paris, 4808,
iii-4) ; Notice sur Marie-Antoinette (1809) ; On Pericles
and the Arts in Greece preuious to and during the
time he flourished (Londres, 4845, in-12) ; Researches
concerning the laws, theology, learning and commerce
of ancient and modem India (Londres, 4847, 2 yoL
in-8) ; Notices sur M'^^^ de la Vallière, de Montespan,
de Fontanges et de Maintenon (Paris, 4848, in-8) ;
Notices sur Marie Stuart^ reine d'Ecosse, et sur Marie-
Antoinette^ reine de France (Paris, 4849, in-8) ; Mé-
langes d'histoire, de littérature^ etc, tirés d'un por--
te feuille (Paris, 4809, iû4), qui contiennent les Mé-
moires de Madame du Hausset, la femme de chambre de
M'^^ de Pompadour. R. S.
CRAWFORD AND Balcarres (Alexander- William Crâw-
FORD-LiNDSAY, comte), érudit anglais, né le 46 oct. 4812,
mort à Florence le 43 déc. 4880. Après de fortes études
à Cambridge, il voyagea beaucoup en Europe et en Orient,
recueillant force matériaux pour ses ouvrages et collec-
tionnant les livres et les manuscrits les plus précieux. En
4874, il fit les frais d'une expédition à Maurice pour l'ob-
servation du passage de Vénus. Il a laissé une bibliothèque
de plus de cinquante mille volumes dont un très grand
nombre sont rarissimes. Nous citerons de lui : Letters on
Egypt, Edom and the Holy Land (4838, 2 vol. in-8;
5^ éd., 4858) ; Letter to a friend on the évidence and
theory of Christianity (4844); Ballads, songs and
poems (4844, trad. de l'allemand); Progression by an-
tagonism, a theory involving considérations touching
the présent position, duties and destiny of Great Bri-
tain (4846); Sketches of the history of Christian art
(4847, 3 vol. in-8); Lives of the Linasays or a memoir
of the House of Crawford and Balcarras (4849, 3 vol.
in-8) ; Scepticism a retrogressive movement in theo^
logy and philosophy as contrasted with the Church
of England, catholîc and protestant, stable and pro-
gressive (4864); On the Theory of the English hexa-
meter (4862) ; Conservatisme ils principles, policy and
practice (4868); OEcumenicity in relation to the
Church of England (4870); Etruscan inscriptions
(4872) ; Argo or the quest of the golden Fleece
(4876), etc. » R. S.
CRAWFORD AND LiNDSAY (John) (V. Lindsay).
CRAWFORDSVILLE. Ville des Etats-Unis, Etat d'In-
diana, comté de Montgomery, à 70 kil. d'Indianopohs ;
5,254 hab. en 4880. Collège V^abash, fondé en 4835.
Commerce actif.
CRAWFURD (John), orientaliste anglais, né dans File
d'Islaj le 43 août 4783, mort à Londres le 44 mai 4868.
Médecin militaire aux Indes, il exerça, de 1844 à 1847,
les plus hauts emplois politiques dans l'île de Java, remplit
une mission auprès des cours de Siam et de Cochinchine
en 4 820, fut nommé en 4823 administrateur du district de
Singapour, fut chargé d'une mission diplomatique en Bir-
manie et revint en 4824 en Angleterre, où il consacra le
reste de sa vie à des publications relatives à l'Indo-Ghine.
Nous citerons de lui : History of the Indian Archipelago
(4820, 3 vol.); A Grammar and Dictionary of the
Malay Language (4852, 2 vol.); A Descriptive dictio-
nary of the Indian Islands and adjacent countries
(4856). lia aussi publié le journal de ses ambassades en
Siam, en Cochinchine (4828) et à la cour d'Ava (4829,
in-4;2^édit., 4834, 2 vol. in-8).
CRAXIREX (Ornith.) (V. Buse).
CRAYER ou CRAIER (Mar.).On dit aussi craïer; petit
navire de cabotage, muni de trois mâts à pible, ayant beau-
coup de ressemblance avec celui que nous avons décrit au
mot Chat.
CRAYER (Gaspard de), peintre flamand, né le 48 nov.
4584 à Anvers, mort à Gand le 27 janv. 4669. Fils d'un
maître d'école d'Anvers, il reçut probablement ses premiers
enseignements dans sa ville natale et à l'âge de vingt-deux
ans il fut élève de Raphaël Coxcie à Bruxelles. Il revint à
Anvers pour s'y marier. Il avait été en 4607 reçu membre
de la gilde de Saint-Luc de Bruxelles et il en devint doyen
en 4644-1645. Entouré de la considération générale, Crayer
servitd'intermédiaire dans les achats d'objets d'art laits par
la cour d'Espagne et il exécuta pour elle de nombreuses
commandes. Très fécond, très en vogue, et comblé d'hon-
neurs, il fut, de 4635 à 4644, peintre de l'archiduc Ferdi-
nand dont il fit le portrait équestre que nous avons au
Louvre. Après la mort de celui-ci, Crayer fut nommé
peintre du roi d'Espagne, mais il quitta Bruxelles pour
vivre à Gand. Malgré tous les travaux importants et chère-
ment payés qui lui furent confiés, on croit qu'il mourut
dans la gêne. Les compositions de Crayer ont de l'ampleur
et leur exécution ne manque ni d'habileté, ni de largeur :
elle reste cependant un peu molle et hâtive ; sa couleur
est égale et claire, mais sans grand éclat. On comprend
que la figure de l'artiste s'efface complètement devant
celle de son illustre contemporain Rubens, qui cependant
ne cessa pas de lui témoigner toujours beaucoup de défé-
rence. Les églises de Bruxelles et d'Anvers, les musées du
Louvre, de Lille, de Nancy, de Berlin, ceux de Gand et
du Belvédère possèdent quelques-uns des meilleurs ou-
vrages de G. de Crayer. Ses portraits offrent quelque ana-
logie avec ceux de Van Dyck, sans atteindre jamais cepen-
dant à l'élégance de ce maître. L. de Valder et, après la
mort de celui-ci, Lucas Achtschellink ont peint souvent
les fonds de paysage de ses tableaux,
C RAYER E (V. Craie).
CRAYON. I. Technologie. — Commerce et fahrica-*
tion. On donne ce nom à de petites baguettes de plom-
bagine ou graphite, que l'on renferme ordinairement dans
des cylindres en bois et qui servent à écrire et à des-
siner. De temps immémorial on s'est servi de poinçons de
métal pour régler le parchemin et obtenir une écriture ré-
gulière, mais c'est seulement dans la dernière période de
l'antiquité classique que les copistes commencèrent à se
servir du crayon. Soit que l'usage du crayon antique se
fût perdu, soit qu'on eût de la difficulté à se le procurer,
les copistes du xt^ siècle se servaient généralement d'un
stylet de fer ou pointe sèche pour la réglure des pages. A
partir du xii*^ siècle, on remplaça le stylet de fer par une
tige de plomb simple et taillée en pointe. Dans les pays qui
possèdent des gisements de graphite, on ne tarda pas à
découvrir la propriété que possède cette substance de
laisser sur le papier une teinte grise et luisante et l'idée
vint de l'appliquer au même usage que les stylets de
plomb, qui avaient le défaut d'inciser le papier. Seulement,
comme la mine est très fragile, on imagina de la rendre
plus sohde en l'enfermant dans de petits cylindres de
bois. Ainsi naquit en Angleterre ou en Allemape, peut-
être dans les deux pays à la fois, la fabrication des
crayons modernes ou crayons de mine de plomb, mais on
ignore à quelle époque précise. Ce qu'on peut affirmer,
c est qu'elle existait bien avant le xvi^ siècle. Comme la
plombagine la plus pure se trouve à Borrowdale, dans le
Cumberland, c'est en Angleterre que, depuis très long-
temps, on a pu faire des crayons de bonne qualité. Nos
crayons à régler ou à prendre des notes devinrent d'un
usage général à partir du xviii^ siècle ; il existait alors deux
espèces de crayons, toutes deux vendues à Paris par les
petits marchands installés sur les parapets du Pont-Neuf.
En il%, Conté (V. ce nom) inventa un procédé très ingé-
nieux pour fabriquer artificiellement des crayons de mine de
plomb d'excellente qualité. L'Angleterre fournissait alors
l'Europe de crayons fabriqués chez elle avec le graphite. Plus
ou moins chargée de carbone, cette substance donnait un
crayon plus ou moins tendre : on la faisait bouiUir dans
l'huile, après quoi on la sciait en petites baguettes fines qu'il
n'y avait qu'à introduire dans les rainures des cyhndres en
CRAYON — CREADION — ^HS
bois. Le conseil des mines de la République, lorsque la guerre
eut privé la France des crayons anglais, chargea Conté de
rechercher les moyens de fabriquer des crayons artificiels.
Conté, dès le 2 pluviôse de Fan III, avait résolu la ques-
tion et obtenu un brevet. L'invention consistait à mélanger
avec de l'argile parfaitement purifiée du graphite faisant
l'effet et jouant le rôle de plombagine, soit du noir de
fumée pour obtenir des crayons noirs, soit diverses subs-
tances pour obtenir des crayons diversement colorés. On
mélange le graphite pulvérisé ou toute autre matière colo-
rante convenable avec de l'argile très pure complètement
exempte de chaux et de sable ; puis on chauffe le tout en
vases clos à une chaleur rouge. L'argile a la propriété de
se durcir par l'action de la chaleur, en acquérant plus ou
moins de compacité suivant que la température a été pous-
sée plus ou moins loin, ce qui permet d'obtenir des crayons
offrant tous les degrés de dureté et de mollesse désirables.
On réduit le graphite en poudre ténue, puis on le tasse
dans un creuset que l'on porte à une température rouge
cerise. Cette calcination a pour but de donner au graphite
du brillant et de la mollesse. La calcination du mélange
doit s'opérer à une température d'autant plus basse qu'il
y a plus d'argile et que l'on veut obtenir des crayons plus
mous. Les proportions les plus employées pour les crayons
communs sont de deux ou trois parties de graphite pour
une partie d'argile. On forme une bouillie claire parfaite-
ment homogène que l'on coule dans des moules ou rai-
nures parallèles pratiquées dans des planches, préalable-
ment bouillies dans l'huile afin de détruire leur propriété
hygrométrique et que l'on recouvre ensuite avec d'autres
planches semblables que Ton serre contre les premières au
moyen de machines à vis. L'air pénétrant peu à peu par
Jes extrémités des rainures dessèche graduellement les
crayons, qui se détachent à mesure des rainures par suite
du retrait qu'ils éprouvent; on achève la dessiccation à
l'étuve, puis on sépare les planches et on secoue les
crayons sur une toile tendue sur un châssis. Dans d'autres
ateliers le mélange est coulé dans des moules métalliques.
Les crayons desséchés à l'étuve sont placés verticalement
dans des creusets dont on remplit les vides avec du char-
bon pulvérisé ; on lute les couvercles et on chauffe à une
température déterminée par le degré de dureté que l'on
veut obtenir.
Les crayons ne présentant pas eux-mêmes assez de con-
sistance, on les renferme dans des cylindres de bois, pré-
parés convenablement, tels que le peuplier ou le bois blanc,
quelquefois noircis au moyen de la noix de galle et d'un
sel de fer, particulièrement le nitrate. Mais comme le
bois blanc a l'inconvénient de présenter des fils qui de-
viennent une occasion fréquente de fracture du crayon,
quand on le taille, l'industrie lui a substitué certains bois
des lies, entre autres le bois de genévrier virginien, ou gené-
vrier rouge, dit aussi cèdre rouge, que sa solidité et la
facilité avec laquelle il se laisse tailler ont fait généralement
préférer. Le travail de l'insertion de la mine de plomb
dans le bois consiste à former le cylindre de deux parties
que Ton colle ensemble ; dans la plus épaisse de ces par-
ties se loge la mine de plomb, dans une rainure pratiquée
en son milieu. Les planches de cèdre sont refendues par des
scies à l'épaisseur voulue et d'une longueur correspondant
à celle de six crayons. Des fraises de forme convenable
enlèvent le bois sur toute la largeur de la planche, de ma-
nière à former des surfaces cylindriques. Une fraise placée
de l'autre côté enlève sur les deux planches la place que
doivent occuper les mines ; celles-ci, de forme circulaire,
fabriquées de la longueur d'un crayon, sont répandues sur
la planche au moyen d'une trémie et viennent se ranger
dans les entailles. Auparavant, les planches sont enduites
de colle forte destinée à les assembler, puis passent à tra-
vers une filière-presse qui les comprime. Au sortir de cette
presse, les planches réunies rencontrent des couteaux qui
divisent les crayons, ou refendent les petites épaisseurs de
bois qui les réunissent ; enfin une scie n'opérant qu'à
intervalles réguliers vient couper transversalement les
crayons terminés à la longueur voulue.
Pendant quelques années, la France a tiré d'Angleterre
la plombagine nécessaire pour la fabrication des crayons ;
vers 4833, Fischtenberg, de Paris, employa avec avan-
tage celle des environs de Briançon. Mais cette industrie
n'a pu continuer à prospérer dans notre pays et mainte-
nant elle lutte avec peine contre la concurrence étrangère.
Les fabricants français se trouvent, en effet, dans les con-
ditions les plus désavantageuses ; ils n'ont ni le bois, ni la
mine qu'ils sont obligés de tirer, l'un d'Amérique, l'autre
de Prusse et de Bohème. A part les crayons fabriqués
dans l'Ariège, la France n'exporte plus guère que les
crayons de l'ancienne maison Conté, qui possède le secret
d'un noir que les étrangers n'ont pu encore imiter. Après
les crayons Conté, les plus -renommés sont ceux de
Cacheux, de Faber, de Gilbert, de Walthier, etc.
Crayon voltaïque. Le mode de reproduction d'écri-
tures, dessins, etc., au moyen de l'étincelle de la bobine
d'induction, et qu'on a appelé le crayon voltaïque, a été
employé, dès d859, par M. Martin de Brettes. Voici la
marche qu'il suivait : le dessin à reproduire, préalablement
trempé dans une solution de cyanure jaune de potassium,
était appliqué sur une plaque de cuivre, communiquant avec
le pôle positif d'une bobine d'induction, et il promenait, à
1 millim. environ du papier, en suivant les traits, une
pointe de platine en communication avec l'autre pôle de la
bobine. Le papier était percé d'une infinité de petits trous,
de telle sorte qu'on obtenait une sorte de poncis, et il suf-
fisait de frotter par derrière le dessin ainsi troué avec de
l'encre d'imprimerie pour en obtenir la reproduction sur
un autre papier. Plus tard, on a donné le nom de crayon
voltaïque à un appareil reposant sur le même principe que
le précédent et combiné par M. Bellot, en 1879. La nou-
velle disposition diffère seulement de l'ancienne en ce que
le papier, au lieu d'être trempé dans le cyanure de potas-
sium, est imbibé tout simplement d'eau salée, et que la
pointe de platine est remplacée par un crayon de mine de
plomb. Ce dernier, étant peu conducteur, on peut l'appli-
quer directement sur le papier, et il peut servir directe-
ment à tracer les caractères à reproduire. La reproduction
se fait également à l'encre grasse, à l'aide d'une petite
presse construite spécialement à cet effet et qui permet de
tirer un grand nombre d'exemplaires. L. Knab.
IL Beâux-Arts. — On donne quelquefois le nom de
crayon à un dessin exécuté au crayon de mine de plomb, ou
au crayon Conté. Certains portraits à la mine de plomb,
de Ingres, par exemple, ont une telle science d'exécution
qu'ils valent autant qu'un portrait peint à l'huile ; c'est
en ce sens qu'on dit : un beau crayon. Les crayons de
Dumoustier, à la Renaissance, ont aussi contribué à faire
naître ce vocable. Ad. T.
CRAYWICH. Corn, du dép. du Nord, arr. de Dunkerque,
cant. de Gravelines; 479 hab.
CRAZ. Com. du dép. de l'Ain, arr. de Nantua, cant.
de Châtillon-de-Michailles ; 373 hab.
CRAZANNES. Com. du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. de Saintes, cant. de Saint-Porchaire ; 653 hab.
CRAZANNES (Chaudruc de) (V. Chaudruc).
CRE-suR-LE-Lom. Com. du dép. de la Sarthe, arr. et
cant. de La Flèche ; 902 hab.
CRÉACH-MEUR. Pointe limitant à l'O. l'anse deBer-
theaume (dép. du Finistère), limitée à l'E. par celle du
Minou. On y a établi des postes éiectro-sémaphoriques de
la côte. ^
CREADION (Ornith.). Le genre Creadion de Vieillot
{Analyse, 4816, p. S4^,MNouv. Dict. d'hist.nat., t. VIII^
p. 390) ne renferme qu'une seule espèce de Passereau delà
Nouvelle-Zélande, le Creadion carunculatus Gm., ainsi
nonimé à cause de deux petites pendeloques d'un jaune orangé
qui ornent la base de son bec. Cette espèce, qui est à peu près
de la taille d'un Étourneau (V. ce mot), est caractérisée
en outre par son bec comprimé latéralement avec l'arête
fortement déclive et les bords de la mandibule supérieure
d'abord ascendants, puis horizontaux, par ses narines ovales
placées dans des fossettes, sur les côtés du bec, et en par-
tie cachées sous les plumes frontales, par ses ailes courtes
Creadion carunculatus.
et arrondies, sa queue allongée, ses pattes assez élevées,
garnies d'écaillés sur la face antérieure du tarse et termi-
nées par des doigts robustes. Elle porte une livrée noire
avec une large plaque brune sur le dos, dessinant une sorte
de selle, ce qui lui a valu, de la part des colons anglais, le
nom de Saddle back.
Le Creadion carunculatus^ qui était jadis très com-
mun à la Nouvelle-Zélande, est devenu beaucoup plus
rare depuis que le pays a été largement défriché. Cet
oiseau, en effet, ne se plaît que dans les bois touffus,
sous le couvert desquels il peut trouver, au milieu des
feuilles mortes qui jonchent le sol, les insectes et les
larves qui constituent sa nourriture. Ses mouvements sont
brusques et décidés et tout en sautillant ou en voletant, il
fait entendre un cri particulier, une sorte de trille aux notes
aiguës et perçantes. Son nid, placé dans le creux d'un vieux
tronc d'arbre, renferme des œufs blancs, tachetés de brun
pourpré. La place du genre Creadion ne nous paraît pas
encore parfaitement fixée et nous serions, pour notre part,
assez disposé à retirer ce groupe des Corvidés, parmi les-
quels M. Sharpe a cru devoir le placer, pour le reporter
parmi les Sturnidés (V. Étourneau). E. Oustalet.
BiBL. : Lesson, Voy. de la Coquille^ Zool.^ t. I, p. 649
et pi. 23, fig. 1. — QuoY et Gaimard, Voy. de l'Astrolabe^
ZooL, t. I, p. 212 et pi. 12, fig. 4, — Buller, Birds N. Zea-
land^ p. 149 et pi. 15. — R.-B. Sharpe, Cat, B. Brit. Mus.,
1877, t. lïl, p. 144 (l'-e édit. Londres, 1838, 1 vol. in-ibl. et
2« édit. Londres, 1858, 2 vol.).
CRÉANCE. L Jurisprudence. — Ce mot, qui étymolo-
giquement est le même que croyance, exprime une idée de
confiance, de crédit. Il s'applique donc proprement lors-
qu'une personne a suivi la foi d'une autre et s'est contentée
d'une simple promesse de restitution ou de payement à
terme, au lieu d'exiger une livraison ou un versement
immédiat. Mais, dans la langue courante, on l'emploie d'une
manière beaucoup plus large pour désigner le droit d'exiger
l'accomplissement d'une obligation (V. Obligation). En ce
sens, le mot créance fait antithèse au mot dette., et à eux
deux ils décomposent la notion complexe d'obligation. Le
droit de créance s'oppose au droit réel(N, ce mot). Pour
l'analyse des effets juridiques de la créance, V. Créancier.
Cession de créance (Y. Cession, t. X, p. 145).
Transport de créance (V. Cession, t. X, p. 447).
IL Droit international. — Lettres de créance. Les
lettres de créance ou créditifs sont des pouvoirs écrits
et formels servant à accréditer auprès d'un Etat étranger le
ministre public qui en est muni. Ces lettres indiquent le
nom de l'agent, spécifient le caractère dont il est revêtu
ainsi que l'objet général de sa mission, et demandent qu'on
ajoute foi pleine et entière à ce qu'il pourra dire comme
GRANDE encyclopédie. — XIII.
- 289 — CREADION - CRÉANCE
représentant de son gouvernement. La forme et l'étendue
des lettres de créance varient selon la nature du poste pour
lequel les ministres sont désignés et selon les règles du pro-
tocole en vigueur dans cha(|ue pays. Ainsi, les lettres des-
tinées aux agents diplomatiques des trois premières classes
(ambassadeurs, ministres plénipotentiaires et ministres rési-
dents) sont signées par le chef de l'Etat et adressées au sou-
verain du pays où l'agent doit résider, mais elles ont tantôt
la forme d'une lettre de chancellerie, tantôt celle d'une lettre
de cabinet (V. Correspondance des souverains). Les lettres
dont sont munis les agents de la quatrième classe, c.-à-d.
les chargés d'affaires, portent seulement la signature du
ministre des affaires étrangères et sont adressées au mi-
nistre correspondant de l'autre pays. Les consuls, quels
que soient leur grade et l'importance de leur poste, sont
munis, non d'une lettre de créance, mais d'une commission,
lettre de provision ou patente, signée du chef de l'Etat, et
indiquant leur titre et leurs attributions ; ils n'ont une
lettre de créance que s'ils sont, en même temps, chargés
d'affaires. Les légats ou nonces des papes sont porteurs de
bulles, qui leur tiennent lieu de lettres de créance et de
pouvoir général ; ces bulles pouvant n'être pas toujours en
harmonie avec les lois de l'Etat et celles de l'Eglise galli-
cane, elles ont été constamment soumises en France à un
examen rigoureux ; tant que la vérification n'en a pas eu
lieu, les légats ne sont admis ni à rendre leurs hommages
au chef de l'Etat, ni à remplir aucune de leurs fonctions.
Les envoyés en Turquie doivent être porteurs, non seule-
ment d'une lettre de créance pour le sultan, mais encore
de deux autres lettres, l'une pour le grand vizir, l'autre
pour le reis-effendi (ministre des affaires étrangères) ; la
première est écrite le plus souvent, au nom du souverain,
par le ministre des affaires étrangères et présentée au des-
tinataire dans l'audience solennelle qu'il donne à l'envoyé
avant l'audience du sultan ; la seconde émane toujours du
ministère des affaires étrangères et est portée à son adresse
par l'un des secrétaires ou drogmans de la mission.
Dès avant la remise de sa lettre de créance, l'envoyé qui
justifie de sa qualité a droit à des égards spéciaux, en
vertu de son caractère représentatif^ Mais c'est seulement
après la remise et l'acceptation de la lettre qu'il acquiert
vis-à-vis de l'Etat auprès duquel il est accrédité tous les
droits inhérents à sa qualité et à son rang. Il est d'usage
qu'à son arrivée au lieu de sa destination, l'envoyé fasse
remettre au ministre des affaires étrangères une copie léga-
lisée de sa lettre ou la lui communique en original si elle
est expédiée sous cachet volant ; il est indispensable, en
effet, que le souverain auprès duquel il est accrédité en
connaisse d'avance le contenu, soit pour prononcer sur son
admission, soit pour régler le cérémonial qui doit être
observé vis-à-vis de l'envoyé, eu égard à sa quahté, et qui
varie suivant les pays. Quand deux ministres sont chargés
conjointement d'une même mission, une seule lettre suffit
pour les accréditer tous deux. Mais il se peut aussi qu'un
même ministre ait besoin de plusieurs lettres de créance,
soit quand il représente son pays auprès de plusieurs
gouvernements, soit quand il est investi d'une double
mission ou d'un double caractère officiel, l'un temporaire,
l'autre permanent, soit, enfin, lorsqu'il représente son
gouvernement dans un seul pays, mais sous des qualités
différentes.
Quelquefois, les lettres de créance accordent la faculté
d'ouvrir des négociations ; mais les pleins pouvoirs indis-
pensables pour conclure et signer des traités sont conférés
par des documents spéciaux , désignés sous le nom de
lettres patentes. Les ministres envoyés à un congrès ne
sont, le plus souvent, porteurs que de ces dernières lettres
dont ils échangent entre eux des copies ou qu'ils déposent
entre les mains d'une puissance médiatrice, quand ils ne
les remettent pas tout simplement au ministre chargé de
les présider. La valeur des pleins pouvoirs n'est jamais
absolue ; en matière de conventions internationales, les
gouvernements se réservent toujours le droit de ratifica-
19
CREANCE -. CREANCIER
— 290 —
tion. Il ne faut pas confondre, avec les lettres de créance
ou les lettres patentes, les lettres dites « de recommanda-
tion » qu'un agent diplomatique reçoit souvent de son sou-
verain pour des princes ou hauts fonctionnaires du gouver-
nement auprès duquel il est envoyé. Lorsque les pouvoirs
de l'agent prennent fin par la mort de son souverain, la
lettre par laquelle le successeur notifie son propre avène-
ment au gouvernement étranger contient, en général, le
nouveau créditif dont l'agent a besoin pour continuer sa
mission ; mais il peut aussi lui être expédié une lettre de
créance distincte, et Ton admet, d'autre part, que les pou-
voirs sont tacitement confirmés si le nouveau souverain,
en notifiant son avènement, ne rappelle pas l'agent. Si
c'est par la mort du souverain auprès duquel il réside
qu'expirent ses pouvoirs, l'envoi d'une nouvelle lettre de
créance est de rigueur, le défaut d'envoi pouvanf être in-
terprété comme un refus de reconnaître le gouvernement
qui succède ; cependant, il est d'usage que l'agent continue
ses fonctions jusqu'à la réception de ses nouveaux pou-
voirs. Ernest Lehr.
BiBL. : Droit international. — Bluntsciili, le Droit
international codifié, éd. Lardy, n°» 183 et suiv., 228 et
suiv. — Callières, De la Manière de négocier avec les
souverains^ 1716, p. 98. — Cli. de Martens, Guide diplo-
matique, t. I, § 18; t. II (modèles de lettres). — Wheaton,
Eléments du droit international, 3^ part., ch. i, §§ 7 et
suiv. — Heffter, le Droit international public de VEu-
rope, trad. Bergson, § 210. — Calvo, le Droit international
théorique et pratique^ t. I, §§ 417 et suiv. — Neumann,
Grundriss des heut. europ. Vôlkerrechts, § 57. — F. de
Martens, Traité de droit inte7mational^ t. II, trad. Léo,
§ 10. — Ernest Lehr, Manuel des agents diplomatiques
et consulaires, n»» 310, 320. — A. Rivier, Lehrbuch des
Vôlkerrechts^ ^ 36. — Pradier-Fodéré , Cours de droit
diplomatique, t. I, pp. 356-427. — Bulmerincq, Vôlher-
recht, §§ 71, 76.
CRÉANCES. Corn, du dép. de la Manche, arr. de Cou-
tances, cant. de Lessay, près de Fembouchure de l'Av ;
2,401 hab. Salines.
CRÉANGEY. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Beaune, cant. de Pouilly-en-Montagne ; 543 hab.
CRÉANGEY. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr. de
Chaumont, cant. de Qiâteauvillain ; 423 hab.
CRÉANCIER. Le créancier est celui qui aune créance
(V. ce mot) contre une autre personne. Les créanciers
sont donc des gens qui attendent leur payement, et ordi-
nairement ce qui leur est dû, c'est de l'argent. Nous rai-
sonnerons sur cette hypothèse, en renvoyant au mot Obli-
gation pour les règles spéciales au cas où Fobjet dû est
autre chose que de l'argent. Pour être payés, les créanciers
comptent sur l'actif de leur débiteur, sur les biens qu'il
possède actuellement et sur ceux qu'il pourra acquérir dans
la suite, principalement par son travail personnel ou par
succession. L'art. 2092 du G. civ. décide que « quiconque
s'est obligé personnellement est tenu sur tous ses biens,
mobiliers et immobiliers, présents et à venir », ce qu'on
exprime communément en disant que les créanciers ont
pour gage le patrimoine de leur débiteur. Bien entendu,
gage est pris ici dans son sens vulgaire de garantie, et non
dans son sens technique de nantissement mobilier défini
par l'art. 2073 du C. civ.
Tant que dure l'expectative des créanciers, ils subissent
toutes les fluctuations, tous les mouvements de hausse ou
de baisse qui modifient l'état de fortune de leur débiteur.
Tout ce qui sort de son patrimoine sort de leur gage ;
c'est autant de perdu pour eux. On les considère conime
les ayants cause du débiteur, ce qui veut dire qu'ils n'ont
pas de droits propres, distincts des siens, sur les biens qui
leur servent de garantie ; ils ne peuvent les atteindre que
par son intermédiaire. Tel est le principe. Mais il convient
d'y apporter une double restriction : 1° Certains créan-
ciers ont un droit de suite sur les biens ahénés par leur
débiteur. Ce sont ceux qui, outre leur qualité de créanciers,
ont obtenu par une convention additionnelle ou possèdent
de plein droit, en vertu d'une disposition spéciale de la loi,
une hypothèque ou un privilège sur tous ou quelques-uns
des biens du débiteur. Rappelons que, dans notre droit, le
droit de suite n'est accordé en principe aux créanciers que
sur les immeubles, et par exception, depuis 1874, sur les
navires (V. Hypothèque maritime). 2» Même en l'absence
de tout droit de suite, un créancier peut poursuivre les tiers
actuellement détenteurs de biens, meubles ou immeubles,
aliénés par son débiteur en fraude de ses droits. Il exerce
alors contre le tiers possesseur une action spéciale, dite
action Paulienne, qui sera expliquée plus loin.
Vienne le jour du payement : le créancier peut craindre
que son débiteur ne s'exécute pas volontairement. C'est là
une difficulté plutôt qu'un danger. La loi lui permet de
passer outre en exerçant les voies d'exécution qui dans notre
droit portent le nom de saisies. Les saisies, celles du moins
qui ont réellement le caractère de voies d'exécution, sont
destinées à transformer en argent les biens du débiteur
pour payer le créancier poursuivant et ceux qui se sont
associés aux poursuites. On verra toutefois au mot Saisie
que tous les biens du débiteur ne sont pas saisissables. H
en est qui échappent aux créanciers, notamment les rentes
sur l'Etat, de telle sorte qu'on peut être millionnaire et se
dispenser de payer ses dettes. En outre, pour procéder
aux saisies, il faut requérir les huissiers et mettre en mou-
vement la force publique, ce qui n'est possible qu'en vertu
d'un titre exécutoire. Les titres exécutoires ne sont qu'au
nombre de deux : les grosses des actes notariés et les
grosses des jugements. Si le créancier n'a pas traité avec
son débiteur par-devant notaire, il lui faudra donc enga-
ger une instance contre lui et le faire condamner avant de
pouvoir saisir ses biens. De là des retards et des frais. Les
ressources du débiteur récalcitrant ne sont pas toujours
apparentes. Beaucoup de gens de mauvaise foi les cachent :
ils font disparaître leur actif, ce qui est surtout facile
quand ils possèdent des valeurs mobilières, ou bien bravent
leurs créanciers derrière l'insaisissabilité des rentes fran-
çaises. Pour vaincre cette résistance, les créanciers avaient
autrefois une arme spéciale, la contrainte par corps
(Y, ce mot) qui leur a été enlevée en 4867.
La mauvaise volonté du débiteur n'attend pas toujours
le jour de l'échéance pour nuire aux créanciers ; elle peut
produire des effets funestes bien avant ce moment. H se
peut en effet que le débiteur compte dans son patrimoine
des droits soumis à prescription, qui vont se perdre dans
un bref délai, s'il ne les exerce pas. Or, il sera souvent
porté à l'inertie, en se disant que ce qu'il recueillerait en
agissant en temps utile ne serait pas pour lui, et qu'après
tout en laissant son droit s'éteindre il ne perdra rien lui-
même. Contre cette abstention mal intentionnée la loi a pré-
muni les créanciers en leur permettant d'exercer, du chef
de leur débiteur, ses droits et actions (art. 4466 C.civ.). Ce
court article donne lieu à de nombreuses difficultés qui ne
peuvent être exposées ici. Précisons seulement quelques
points essentiels. Il ne s'agit pas de permettre aux créan-
ciers de se substituer à leur débiteur pour l'administration
de ses biens, mais seulement d'exercer à sa place une
action sur le point de se perdre : une revendication contre
un tiers possesseur, une réclamation contre un débiteur
en retard, etc. Les droits qu'il leur est permis d'exercer
de la sorte sont exclusivement les droits pécuniaires, com-
pris dans le patrimoine. Ceci tient à ce que le droit d'agir
est pour eux un moyen de conserver leur gage. Ils ne pour-
raient pas exercer des actions ayant une autre nature, telle
qu'une réclamation de filiation, une demande en séparation
de corps ou en divorce, alors même qu'ils pourraient en
espérer un profit sérieux. De plus, parmi les droits pécu-
niaires eux-mêmes, tous ne peuvent pas être exercés par
eux. L'art. 4466 excepte ceux qui sont attachés à la per-
sonne, expression obscure et amphibologique, qu'on inter-
prète ainsi : toutes les fois que l'action à exercer suppo-
sera l'appréciation d'un intérêt moral, l'exercice en sera
refusé aux créanciers, parce qu'ils ne verraient que le côté
financier et sacrifieraient à leur désir d'être payés toute
autre considération. Telle est la demande en séparation de
— 291
CREANaER
biens, éminemment pécuniaire, puisqu'elle est destinée à
sauver la fortune de la femme au moment de la ruine du
mari. Mais la femme peut préférer sacrifier sa fortune
pour sauver son mari ou la bonne harmonie du ménage.
Telle est encore l'action en réparation d'une injure. — On
se demande si, pour exercer ainsi les actions de leur débi-
teur, les créanciers ont besoin de s'y faire subroger par la
justice. Dans le silence du texte on admet en général la
négative : ils tiennent leur droit de la loi directement. On
reconnaît toutefois que l'intervention de la justice pourrait
sauvegarder le débiteur contre des immixtions intempes-
tives dans ses affaires.
Enfin, la mauvaise volonté du débiteur peut revêtir une
forme plus grave. Au lieu de se borner à opposer à ses
créanciers une résistance purement passive, il peut se
rendre coupable de fraude contre eux. La fraude, très variée
dans ses formes et dans ses moyens, revient toujours au
fond à faire disparaître une partie de ses ressources pour
les soustraire aux poursuites du créancier. Les moyens
accordés aux créanciers pour la déjouer sont aussi variés
qu'elle. Souvent une simple saisie-arrêt suffira. La saisie-
arrêt est la défense faite à un tiers qui doit de l'argent au
débiteur de se libérer entre ses mains sans le consentement
du créancier. Quand il lui arrivera une succession, l'appo-
sition des scellés préservera le créancier contre les détour-
nements d'objets mobiliers et de valeurs. L'opposition à par-
tage, dont parle l'art. 882 du G. civ.,est encore un moyen
d'empêcher une composition frauduleuse des lots qui pour-
rait nuire au créancier en facilitant les dissimulations.
Le droit d'intervention protégera les créanciers contre les
connivences frauduleuses qui pourraient se produire au
cours d'une instance dans laquelle leur débiteur est inté-
ressé. Les art. 4446 et 4447 du G. civ. en font une appli-
cation intéressante aux demandes en séparations de biens.
On pourrait citer encore diverses espèces de saisies qui ont
un caractère conservatoire, comme la saisie-revendica-
tion et la saisie-gag erie. Voilà bien des moyens de pré-
venir la fraude avant qu'elle ne se commette. Maintenant
supposons-la commise. Il ne reste plus qu'à réparer dans
la mesure du possible le préjudice causé au créancier. Le
moyen d'y arriver est très ancien, il remonte à la procé-
dure romaine de la bonorum venditio en vigueur dans
les premiers siècles de l'Empire. Quand la vente des biens
ne produisait pas de quoi rembourser tous les créanciers,
le préteur donnait une action contre les tiers qui avaient
entre les mains des biens provenant du débiteur insol-
vable, toutes les fois qu'il y avait fraude de sa part. Gette
action porte traditionnellement le nom à' action PauUenne^
du nom du magistrat qui l'a accordée le premier. Notre
ancienne jurisprudence Fa toujours conservée, en se réfé-
rant aux règles romaines, car les coutumes et les ordon-
nances étaient à peu près muettes à son sujet. Pothier lui-
même en parle à peine. Aussi les rédacteurs du code, qui
le copiaient, se sont-ils bornés à formuler le principe dans
l'art. 4167, sans donner aucuu détail. C'est une lacune
importante, mais facile à combler. Nous suivons encore
les règles du Digeste, qui sont fort équitables. L'action est
donnée dans des conditions différentes contre les acqué-
reurs à titre onéreux et contre les acquéreurs à titre gra-
tuit. S'agit-il d'un acheteur, par exemple ? Comme il a
fourni l'équivalent de ce qu'il a reçu, il n'est tenu à resti-
tuer que s'il a été complice de la fraude. S'agit-il d'un do-
nataire ? Il est toujours soumis à l'action, qu'il ait été de
bonne foi ou non. Les créanciers fraudés lui sont toujours
préférés, parce qu'ils subiraient une perte tandis que lui
réaliserait un bénéfice : certat de lucro captando ; cer-
tant de damno vitando. On suit encore sur un autre
point les traditions romaines. L'action Paulienne n'était
donnée qu'à propos des actes qui avaient appauvri le débi-
teur, et non pas quand il avait simplement négligé de s'en-
richir. Faisant l'application de cette idée aux successions,
les Romains décidaient que l'héritier insolvable appelé à
recueillir une bonne hérédité, et qui la répudie, ne donne
pas ouverture à l'action Paulienne, parce que rien n'est
sorti de son patrimoine. L'art. 788 du G. civ. donne la
solution contraire. Ce n'est pas la théorie de Faction Pau-
lienne qui a changé, c'est celle de la transmission hérédi-
taire. En droit romain, l'hérédité non. encore acceptée n'ap-
partenait pas encore à l'héxitier ; elle ne devenait sienne
que par son acceptation, adjitio ; en attendant elle était res
nullius. En droit français, la succession passe de plein
droit à l'héritier au moment même du décès ; il en est im-
médiatement propriétaire, sauf à lui à répudier en vertu
de l'ancienne maxime : N'est héritier qui ne veut. Gelui qui
renonce à une succession pour frustrer ses créanciers se
dépouille donc en réalité d'un bien déjà acquis. C'est pour-
quoi il y a lieu à Faction Paulienne. — La nature de cette
action est du reste une sorte de problème. Est-ce une action
en nulhté? Non, puisque Facte frauduleux n'est rescindé
que dans la limite de l'intérêt des créanciers ; i) subsiste
pour le surplus, comme Fexpfique Fart. 788, Ne serait-ce
pas plutôt une action en réparation du dommage causé et
fondée tantôt sur un délit, quand le tiers est complice de
la fraude commise par le débiteur, tantôt sur un quasi-
délit (nul ne devant s'enrichir aux dépens d'autrui), quand
il en a seulement profité. Il est bon enfin d'observer que
l'on raisonne toujours sur Fhypothèse d'une aliénation
frauduleuse, parce que c'est la plus commode et la plus
fréquente, mais la règle a une portée beaucoup plus géné-
rale : tout acte frauduleux, quelle qu'en soit la nature, est
susceptible d'être attaqué par cette action. Il n'y a qu'une
seule exception. La fraude a pu être commise dans une
instance et consacrée, à Finsu des juges, par un jugement.
Or, une vieille maxime dit que les voies de nullité n'ont
lieu en France contre les jugements. Ce n'est donc pas par
l'action Paulienne qu'on obtiendra la réformation de ce
jugement. Les créanciers ont à leur disposition une voie
de recours spéciale, la tierce opposition, qui n'est pas autre
chose que la forme de Faction Paulienne dirigée contre les
jugements (V. Tierce opposition).
Ge n'est pas toujours l'indifférence, la mauvaise volonté
ou la fraude de leur débiteur qui empêche les créanciers
d'être payés. L'insolvabilité est peut être le pire de tous
les dangers qui les menacent, et celui-là a souvent des
causes fortuites. Les créanciers ont pu traiter avec un
homme de bonne foi, en pleine sécurité, en toute confiance,
et se trouver un beau matin en face d'un débiteur insol-
vable. La règle capitale qui s'applique alors est écrite dans
Fart. 2093 du G. civ. : l'actif, transformé en argent, est
distribué entre eux tous en proportion du chiffre de leurs
créances, ou suivant la formule d'usage, au marc le franc.
Par conséquent, en cas d'insuffisance, chacun d'eux n'ob-
tiendra qu'un dividende. C'est la loi du concours, loi redou-
table à laquelle est soumis en principe tout créancier. Mais
en fait beaucoup y sont soustraits en vertu d'un droit de
préférence qui les fait passer avant les autres. Ceux qui en
sont pourvus obtiennent ainsi leur payement intégral, dans
un ordre déterminé, jusqu'à ce que les fonds manquent,
tant qu'il reste un d'entre eux à payer. Ge droit de pré-
férence a plusieurs sources. Pour les uns, il vient d'un
privilège^ qui ordinairement est accordé par la loi ; pour
d'autres, il vient d'une hypothèque qui est tantôt con-
ventionnelle, tantôt légale ; pour d'autres enfin, il vient
d'un droit de rétention (V. ces trois mots). Une fois que
tous les créanciers munis du droit de préférence sont payés
suivant leurs rangs, le reste, s'il reste quelque chose, est
distribué au marc le franc à la masse chirographaire.
La position privilégiée des uns aggrave donc encore la
perte des autres, en diminuant leur portion. Et même il
n'est pas rare de voir les chirographaires ne rien obtenir
du tout.
Le règlement des créanciers d'un débiteur insolvable ne
suit pas toujours cette marche régulière. On s'y conforme
dans le monde commercial, où Fon procède suivant des
règles précises au cas de faillite et de liquidation judi-
ciaire. Mais, dans la vie civile, l'état de déconfiture du débi-
CRÉANCIER -- CRÉATININE
— 292 —
teur n'a pas été réglé par la loi. Tout est laissé au hasard.
Le payement est pour les créanciers le prix de la course ;
les plus diligents ou les plus rigoureux prennent tout et
gardent ce qu'ils ont pris. Dans un seul cas l'idée de ré-
partition proportionnelle et d'ordre des préférences repa-
raît : c'est lorsque le débiteur est mort et que sa succes-
sion a été acceptée sous bénéfice d'inventaire (C. civ., art.
808) . Et encore cela suppose que l'héritier bénéficiaire a
reçu au moins une opposition. Alors il ne peut payer, dit
Ja loi, que dans l'ordre et de la manière réglés par le juge.
A défaut d'opposition, il pa^c ceux qui se présentent, sans
ordre, créanciers et légataires indiÔéremment, tant qu'il
lui reste des fonds. Il est quitte quand il peut montrer aux
derniers venus que la caisse est vide. Une seule chose
survit alors comme un dernier débris du droit des créan-
ciers : s'il en reste qui ne soient pas payés, ils auront un
recours à exercer contre les légataires qui auraient déjà
reçu déhvrance de leur legs, ceci par application de la
maxime : Nemo liberalis nisi liberatus.
Il y a un cas d'insolvabilité soudaine contre lequel les
créanciers sont efficacement protégés : lorsque leur débi-
teur meurt laissant un héritier ruiné, les créanciers du
défunt, qui se trouvent du jour au lendemain menacés
d'avoir à subir le concours des créanciers personnels de
l'héritier, peuvent le refuser pour débiteur, et demander
contre ses créanciers personnels la séparation des 'patri-
moines (V. ce mot), qui leur assure à tout le moins,
comme gage exclusif, la fortune du défunt. M. Planiol.
CREAN6A (Jean), écrivain roumain, né à Humulesti
en 1837, mort en 4889. Aj)rès avoir été prêtre quelque
temps à Jassy, il y devint instituteur. Membre de la Société
littCTaire de la Jeunesse^ il publia, dans les Causeries lit-
téraires, ses Contes populaires, réunis depuis en un
volume (4890). Il écrivit encore de petites nouvelles de la
vie rustique et de remarquables Souvenirs. Creanga est un
conteur plein de verve et un véritable écrivain. N. Jorgâ.
CREASY (Sir Edouard-Shepherd), historien anglais, né
à Bexiey, dans le Kent, en 4842, mort le 27 janv. 4878.
Il était dans la première jeunesse lorsque son père s'établit
à Brighton comme commissaire-priseur et fonda la Brigh-
ton Gazette. Creasy fut reçu au barreau de Lincoln en
4837. Il fut pendant quelque temps juge assistant à la
cour d'assises de Westminster. En 4840, il fut nommé
professeur d'histoire ancienne et moderne à l'université de
Londres. En 4860, il fut appelé à Ceylan comme chef de
la justice et reçut la dignité de chevalier. Il revint dix ans
après en Angleterre pour cause de maladie. L'ouvrage le
plus célèbre de Creasy est : Fifteen décisive Battus of
the World (4852). ifa écrit aussi : Historical and Cri-
tical Account of the several Invasions of England
(4852) ; Biographies of Eminent Etonians (4850 ,
plusieurs édit.) ; Rise and Progress of the Ènglish
Constitution (4865) ; History of England (4869-70,
2 vol.) ; Old Love and the New, a novel (4870) ; Impé-
rial and Colonial histitutions of the British Empire^
including ïndian Institutions (4872) ; First Platform
of International Law (4877); the History of the
Ottoman Turks (dern. édit. en 4878).
BiBL. : The Aimual Register, 1878. — Leslie Stephen,
Dictionary of natiaual biography, 1888, vol. XIII, p. 64. —-
D^ Fr. VON HoLTZENDORFF, Rechtslexikou.
CRÉATIENS. On appelle ainsi les théologiens et les phi-
losophes qui croient que l'âme est créée par Dieu au moment
même de la conception. Cette opinion dérive naturellement
de la doctrine animiste (V. Animisme). Si l'âme est la forme
du corps, cette forme doit être coexistante au corps et naître
au moment même où le corps du nouvel être commence à
se former. Aussi saint Léon le Grand {Ep. XV, 44) pré-
sente-t-il cette doctrine comme faisant partie de la foi catho-
lique. Le créationisme s'oppose au iradutianisme ou géné-
rationisme (V. ces mots). On donne aussi parfois le nom
de créatiens à ceux qui admettent que le monde a été créé
de rien.
CRÉATlNE(Chim.).Formolesî J£;;; J.^HW^
Syn. : Méthylglycocyanine., Méthylguanidine acé-
tique. On donne le nom de créatines aux combinaisons
qui résultent de l'union du cyanamide avec les acides ami-
dés. La plus importante, comme la plus anciennement con-
nue, est la créatine ordinaire, dérivant du méthylglyco-
colle. Elle a été découverte en 4835, par Chevreul, en
épuisant par l'alcool le résidu de i'évaporation dans le vide
du bouillon de viande (xpsa;, chair). Liebig l'a retirée des
muscles des animaux. Elle est d'ailleurs très répandue dans
tout l'organisme: le sang de bœuf (Marcet), l'urine (Pet-
tenkofer), le cerveau de l'homme (Mûller), la chair de la
baleine (Price), les muscles des crustacés (Fremy), etc.
Pour la préparer, on épuise de la viande hachée menue avec
3 p. d'eau, qu'on porte lentement à l'ébuUition ; on pré-
cipite la liqueur filtrée par l'acétate de plomb, on enlh^Q
l'excès de réactif par l'hydrogène sulfuré, et on concentre
fortement : la liqueur sirupeuse laisse déposer des cristaux
incolores de créatine. Additionnées d'alcool, les eaux mères
en abandonnent encore une certaine quantité, qu'on lave à
l'alcool fort et qu'on purifie au besoin par une nouvelle
cristallisation (Neubauer). 4,080 ç. de viande de poulet ne
donnent guère que 3 p. de créatine (Liebig), tandis que
la chair des autres animaux en fournit beaucoup moins
encore (Neubauer). La créatine a été préparée synthétique-
ment par Strecker en ajoutant quelques gouttes d'ammo-
niaque dans un mélange aqueux de cyanamide et de sar-
cosine (méthylglycocolle) :
C^H^Az^ + C^H^ (C2H3) AzO^ =r CSff-^AzW.
Enfin, elle prend naissance dans l'hydratation de la créa-
tinine, C^H^Az^O^, sous l'influence des alcalis :
C^H'^Az^O^ + H202 ~ C^H^Az W.
La créatine est en prismes rhomboïdaux obliques, inco-
lores, transparents, très brillants, retenant alors une molé-
cule d'eau, qu'ils perdent à 400®. Au-dessus de cette tem-
pérature, elle fond, puis se décompose en dégageant plusieurs
produits, notamment de l'ammoniaque et des vapeurs jaunes ;
elle est neutre aux réactifs colorés, soluble dans 75 p. d'eau
à 48^, très soluble dans l'eau bouillante, qui l'abandonne
par le refroidissement en aiguilles brillantes et en lamelles
nacrées; elle exige 9,440 p. d'alcool absolu pour se dis-
soudre ; elle est insoluble dans l'éther. Sa solution aqueuse
possède une saveur légèrement amère; additionnée de baryte,
elle renferme à l'ébullition de l'urée et de la sarcosine :
C^1PA£04 _|_ JÏ202 =z C^H^Az^O^ -f- C^H^AzO^
créatine urée sarcosine
Chauffée avec de la chaux sodée, la créatine fournit de la
méthylamine et de l'ammoniaque; même réaction avec
l'acide azotique, tandis qu'une ébullition longtemps pro-
longée avec de l'eau pure, ou mieux de l'eau acidulée,
engendre de la créatinine. La créatine jouit de la curieuse
propriété de s'unir avec les chlorures métalliques pour
engendrer des composés cristallisés, inaltérables à l'air.
Ainsi, le chlorure de zinc fournit la combinaison :
C»H»Az304.2ZnCP.
La créatine, bien que neutre, s'unit également aux acides à la
manière des bases faibles. Lec/i/or%(^ra^^,C^H^Az^O*.HCl,
qui se prépare directement avec l'acide libre, est en beaux
prismes solubles dans l'eau, non déliquescents. Le 5 w//a^^,
2C^H^Az30'*.S2H20^, également cristallin, se prépare de
la même manière. Vawtate, C^H^Az^O^' .AzHO®, qu'on
forme directement, est en prismes courts, brillants, solubles
dans l'eau. Ed. Bourgoin.
BiBL. : Chevreul, Découverte de la créatine, Journ.
Pharm., 1835, t. XXI, 231. — Dessaignes, Sels, Compt.
rend., t. XXXVIII, 839. — Erlenmeyer, Constitution, Soc.
Ch., t. X, 411. — Liebig, Extraction, propriétés, An. ch. et
phys., t. XXIII, 129 (3). — Mulder, Préiparation, Soc. Ch.,
t. XII, 357. — Neubauer, Extraction, Zeitschr. An. Chem.,
t. II, 22. — Hadeler, id., Journ. fur prakt. Ch., t. LXXII,
256. — VoLHARD, Bid. Soc. Ch., t. XII, 264.
CRÉAT.NlNE(Chùn.).Fon„ulesj|tl::S£?:
— 293 —
CRÉATIMINE — CREATION
Elle a été obtenue, en 4848, par Liebig en traitant la
créatine (V. ce mot) par les acides minéraux. Elle existe
naturellement dans l'urine de l'homme (Pettenkofer) , ainsi
que dans celle du chien (Voit) ; dans les muscles des crus-
tacés (Fremy), dans l'extrait de viande et dans le bouil-
lon, en petites quantités. On la prépare en faisant évapo-
rer une dissolution de créatine dans l'acide clilorhydrique
concentré ; on chauffe au bain-marie, tant qu'il se dégage
de l'acide chlorhydrique. Pour l'extraire de l'urifte, on con-
centre fortement ce liquide, on y ajoute ensuite du chlo-
rure de zinc pur : il se dépose une combinaison cristalline,
qu'on décompose à l'ébullition par l'hydrate d'oxyde de
plomb, la base étant ensuite enlevée par l'alcool. La créa-
tinine cristallise en prismes rhomboïdaux obliques, sol ubles
dans 14 p. d'eau à 45^, beaucoup plus solubles dans l'eau
bouillante ; l'alcool absolu n'en prend guère que la cen-
tième partie de son poids à la température ordinaire. C'est
une base énergique, dont la solution aqueuse possède une
causticité analogue à celle de l'ammoniaque; elle déplace
même cette dernière de ses combinaisons, et donne avec les
sels de cuivre des composés bleus, cristallisables ; addition-
née d'une solution moyennement concentrée d'azotate d'ar-
gent, elle fournit de petits cristaux aiguillés, blancs, stables,
assez solubles dans l'eau. Avec le sublimé, elle donne un pré-
cipité blanc, caséeux, qui se transforme peu à peu en, fines
aiguilles transparentes ; elle s'unit également au protochlo-
rure d'étain, au chlorure de platine, à l'oxyde cuivreux, etc.
Chauffée à 400^ avec une solution concentrée de baryte caus-
tique, elle engendre des cristaux de ynéthylhydantoïne^
C^H^Az^O* (Neubauer). Ses sels ont été étudiés par Lie-
big, Heintz, Neubauer. Le chlorhydrate^ C^H'^Az^O^.HCl,
se dépose dans l'alcool en prismes courts, transparents,
incolores, très solubles dans l'eau. Traité par le chlo-
rure platinique, il donne un sel double formé de prismes
rouges, assez solubles dans l'eau. Le sel double de zinc,
C^fr Az^O^ZnCl, est en prismes rhomboïdaux obliques, peu
solubles dans l'eau, insolubles dans l'alcool et dans l'éther.
L'iodhydrate, C^H'^Az^O^.HÏ, est en gros cristaux inco-
lores, solubles dans l'eau et dans l'alcool. Le sel ar g en-
tique, C^H'^Az^O^.AzO^Ag, est en petites aiguilles, grou-
pées en mamelons. Ed. Bourgoin.
BiBL. : Dessaignes, Oxydation de la créatinine^ Compt.
rend., t. XLI, 258. — Heintz, Sels^ Ann. Poggend.^ t. LXIl,
602; t. LXXIII, 595; t. LXXIV, 125. — Liebig, An. ch. et
phys.^ t. XXIII, 146 (3). — Lœbe, Extraction de l'urine^
Rép. de Ch. pure., 1862, 25. — Marker, Action de l'acide
azoteux. Soc. Ch.. t. IV, 395. — Neubauer, Rép. Ch. pure,
1862, 25, 205; Soc. Ch., t. VII, 457.
CRÉATION. I. PmLOSOpmE. — On appelle création ex
nihilo ou simplement création un mode de production des
choses dans lequel Dieu aurait, par sa toute-puissance, fait
apparaître le monde sans l'emploi d'aucune matière préexis-
tante tout en donnant aux choses du monde une substance
distincte de la sienne propre : c'est ce que la théologie catho-
lique exprime en disant que Dieu a fait de rien le ciel et la
terre. L'idée de création absolue est une idée relativement
récente. Elle existe plus ou moins enveloppée dans les livres
hébreux, mais ce sont les théologiens chrétiens qui l'ont les
premiers expressément professée dès les premiers siècles.
Quelque étrange que puisse paraître, au premier abord, l'idée
de création, les philosophes spiritualistes, même les plus
dégagés de toute attache religieuse, l'ont cependant adoptée.
Cette hypothèse leur paraît plus plausible qu'aucune de
celles que l'on peut faire sur l'origine du monde. Voici
comment ils raisonnent : Le monde existe, c'est un fait.
Quelle est son origine ? Comment s'est-il formé ? La science
positive répond en partie à cette question par les théories
cosmogoniques, mais les plus récentes et les mieux étabhes
de ces théories, celle de Laplace comme celle de M. Paye,
laissent subsister une question à laquelle elles ne répondent
pas. Toutes supposent l'existence de la matière et l'exis-
tence du mouvement au sem de la matière. Or, il n'y a pas
de milieu : il faut ou que la matière soit éternelle et que
le mouvement lui soit aussi coéternel, ou que la matière
soit éternelle et que le mouvement lui ait été imprimé du
dehors, ou enfin que ni la matière, ni le mouvement ne
soient éternels. Dans cette dernière hypothèse, puisqu'ils
existent, il faut évidemment qu'ils aient été créés. Dans la
seconde, le mouvement a besoin d'un propulseur extérieur
à la matière: c'est le dualisme ; dans la première, enfin, la
matière et le mouvement sont éternels et suffisent à expli-
quer la formation de tous les êtres : c'est le monisme. Si
l'on examine attentivement ces hypothèses, voici les diffi-
cultés qu'on y trouve. Le monisme d'abord, quelle que soit
la faveur qu'il paraisse rencontrer dans le monde de
la science positive, peut être combattu au nom des lois
mêmes édictées par la science. On a beau nous répéter
avec Biichner : Pas de matière sans force, pas de force
sans matière, l'énergie est coexistante à là matière, les
traités de physique continuent d'inscrire l'inertie au nombre
des propriétés fondamentales de la matière, et la physique
mécanique formule cette proposition : tout système de corps
en mouvement tend à se mettre en équilibre et, par consé-
quent, arrivera au repos dans un temps plus ou moins long.
Ces lois posées, et si l'on suppose qu'il n'existe aucune action
contraire de nature à en compenser l'effet, il n'est pas diffi-
cile de montrer que le mouvement ne peut être éternel. Si,
en effet, le monde est un systènte limité de corps, il doit
tendre à l'équilibre et au repos. Or, il n'est pas encore arrivé
à s'y mettre, donc il n'a pas eu assez de temps pour s'y
mettre. Mais si le mouvement était éternel, le temps aurait
été assez long puisqu'il aurait dépassé en durée toute durée
donnée, le mouvement ne peut donc être éternel, ce qui se
résume en cet enthymème : le mouvement existe encore,
donc il a commencé. Puisque le mouvement a commencé,
il faut qu'il ait une cause. Cette cause ne peut pas être la
matière par les raisons déjà exposées. Il faut donc admettre
un moteur de la matière extérieur à la matière.
Nous voici arrivés au dualisme. Ce système, à son tour,
présente de sérieuses difficultés. Que peut être la matière
en dehors du mouvement et de la force qui l'anime ? Si
l'on essaye de s'en rendre compte, on verra les images qu'on
s'en fait s'évanouir les unes après les autres pour ne lais-
ser après elles que le vide et le néant. C'est, en effet, une
des propositions les plus solidement démontrées par l'idéa-
lisme que nous ne pouvons concevoir la matière que par
rapport à nos sensations. Or, nos sensations sont en nous
et non dans les corps. La chaleur est en nous et non dans
le feu, la douceur en nous et non dans le sucre, la couleur
en nous et non dans les fleurs, etc. Tout ce que nous sen-
tons est un état de notre conscience, et la conscience ne
peut nous donner autre chose qu'elle-même. Sans doute le
principe de causalité nous oblige à sortir de nous et à attri-
buer à nos sensations une cause extérieure à nous, mais
cette cause ne peut être la matière, puisque par elle-même
la matière est inerte, et que toute cause est active. Ad-
mettre que la matière est la cause de toutes les sensations,
c'est d'abord contredire l'idée même de cause, c'est de plus
ne rien expliquer, car on ne peut rien dire de la matière
qui nous reste totalement inconnue. Mais en dehors de la
matière, quelle pourrait être la cause de nos sensations ?
On répond : la cause même du mouvement. La physique
contemporaine ramène au mouvement, à ses rythmes et à
ses lois toutes les conditions extérieures de nos sensations.
Avec le mouvement, l'explication est complète et l'introduc-
tion de la matière ne sert de rien. Mais, dira-t-on, pour
que le mouvement existe, il faut quelque chose qui se meuve.
Ce qui se meut est la matière. Réponse : il n'est nullement
nécessaire d'admettre une matière inintelligible comme sujet
du mouvement. Le mouvement peut d'abord n'être qu'une
représentation de la conscience, et toute sa réalité ne con-
siste que dans la stabilité des lois selon lesquelles nous le
percevons et nous le représentons. Si on veut admettre un
sujet extérieur du mouvement, véritable objet de nos sensa-
tions, il faut, pour s'entendre, se le représenter, non comme
un point mort, mais comme un centre de lois, une cons-
cience, non comme un atome inerte, mais comme une monade
éRÉATION «=- CRÉBILLON
— 294 —
active et participant d'une façon plus ou moins obscure à
la conscience et à la pensée. La cause extérieure du mou-
vement suffit donc à nous expliquer la matière aussi bien
que le mouvement. Cette cause immatérielle du mouve-
ment ne peut être conçue que comme une pensée. Il y a
donc une pensée principe des choses, un Dieu. Nous voici
arrivés au point où la création va se proposer à notre adhé-
sion. Si Dieu, en effet, est l'auteur des choses, si c'est en
lui et par lui que tout vit, que tout se meut et que tout
est, selon une parole célèbre, il n'y a plus que deux hypo-
thèses possibles : ou ce Dieu est le fond substantiel des
choses que tous les événements du monde ne font que tra-
duire et exprimer, dont tous les êtres ne sont que des
modifications : c'est le panthéisme ; ou ce Dieu a vraiment
ëréé le monde, donnant aux êtres par un acte tout-puissant,
l'être, une substance distincte de la sienne propre et qui
cependant ne serait rien sans lui. Ici encore les difficultés
ne manquent pas. On demande d'abord au panthéisme com-
ment tout ce qui se passe dans le monde peut être donné
comme attribut à une seule substance ? Est-ce que ce n'est
pas se condamner à dire que la même substance peut avoir
à la fois dos attributs contradictoires ? Dieu, en effet, doit
être à la fois bon et mau.vais, puisque le bien et le mal
coexistent, vrai et faux, puisque l'erreur s'affirme en même
temps que la vérité. Or, admettre cela n'est-ce pas nier le
principe de contradiction ? Et nier le principe de contra-
diction, n'est-ce pas renoncer à la pensée ? On se ferait
illusion cependant si on croyait que l'opinion favorable
à la création n'offre pas à son tour de sérieuses difficultés.
Cette production absolue des choses ne nous est, en effet,
intelligible que d'une façon toute négative. Nous savons ce
qu'elle n'est pas bien plutôt que nous ne savons ce qu'elle
est. Aucune image ne peut la traduire à notre esprit. Elle
ne s'impose que par l'élimination de toutes les autres hypo-
thèses contraires. Il no faut donc pas s'étonner si beau-
coup d'esprits lui restent rebelles et refusent d'admettre ce
qu'ils sont impuissants à imaginer, G. Fonsegrive,
II. Histoire (V. Cosmogonie).
Livre de la Création (V, Cabbale juive).
m. Théâtre (V. Théâtre).
CRÉBILLON (Prosper Jolyot de), célèbre auteur dra-
matique français, né à Dijon le 43 janv. 1674, mort à
Paris le 17 juin 1762. Fils d'un notaire royal qui devint
ensuite greffier en chef de la chambre des comptes de
Dijon, il acheva ses études de droit dans sa ville natale et
fut placé par son père chez un procureur au Parlement de
Paris, nommé Prieur. Ce fut, dit-on, sur les conseils de
son patron même qu'il abandonna la chicane pour les
lettres. Quoi qu'il en soit de cette légende plus ou moins
véridique, Crébillon^ découragé par l'accueil que les comé-
diens firent à sa première tragédie : la Mort des enfants
de Brutus^ fut sur le point de renoncer à la carrière avant
même de s'y être engagé ; mais il reprit courage et donna
le 29 déc. 1705, la tragédie (Tldoménée dont le dernier
acte, mal accueilli du parterre, fut remanié par l'auteur
dans l'intervalle de vingt-quatre heures, tour de force qui
assura quelques représentations à la pièce. Elle lut suivie
à'Atrée et Thyeste (14 mars 1707), dont une scène sur-
tout, celle ofi l'aîné des deux frères présente au plus
jeune une coupe pleine de sang de son propre fils, est de-
meurée fameuse; à' Electre (14 déc. 1708), interrompue
après quatorze représentations dont deux eurent lieu dans
le foyer même du théâtre, à cause de la rigueur du froid ;
de Rhadamiste et ZénoMe (i^jam, 1711), considérée
comme le chef-d'œuvre de l'auteur, malgré les anathèmes
de Boileau mourant, et longtemps maintenue au répertoire.
Par contre, Xercès (7 févr. 1714), n'eut qu'une seule
représentation, et Sémiramis (10 avr. 1717) n'en obtint
que sept. Crébillon ne reparut au théâtre que neuf ans
plus tard, avec Pyrj^hus (29 avr. 1726), dont le succès
eut dû le consoler de ses précédents échecs, mais il con-
tinua de vivre dans la retraite bizarre où il s'était confiné
depuis la mort de sa femme (1711). Il habitait rue des
Douze-Portes, au Marais, un appartement à peine meublé
qu'il partageait avec une meute de chiens et où il passait
son temps à composer des romans qu'il n'écrivait pas, et à
fumer la pipe, ce qui était alors une véritable excentricité.
Bien qu'il semblât chercher ainsi à se faire oublier,
l'Académie française l'élut en 1731 au lieu et place de
Leriget de La Faye et, pour ne point démentir sa réputa-
tion d'originalité, le récipiendaire rima le remerciement
traditionnel au lieu de l'écrire en prose, mais sans réussir
à éviter les lieux communs non moins traditionnels en
pareil cas. Un seul vers fut vivement applaudi :
Aucun fiel n'a jamais empoisonné ma plume.
Ce qui était vrai, si l'on tient pour controuvée la part que
Crébillon aurait prise à la misérable querelle dite des « cou-
plets » attribués à J.-B, Rousseau (V. ce nom). Les jalousies
excitées par les succès réitérés de Voltaire au théâtre
ramenèrent l'attention sur le rival avec lequel il osait se
mesurer, et il fut de mode d'exalter les beautés de pièces
qui, sauf Rhadamiste^ ne voyaient plus depuis longtemps
le feu de la rampe. Nommé censeur pour les belles-lettres
et l'histoire en 1735, Crébillon bénéficia, dix ans plus tard,
des faveurs royales que Voltaire s'était aliénées. M"^^ de
Pompadour fit accorder au vieux tragique une pension de
cent louis sur la cassette du roi, le pressa de terminer sa
tragédie de Catilina et obtint pour lui l'autorisation de
faire imprimer à l'Imprimerie royale une édition de ses
OFAwres (1750, 2 vol. in-4). Catilina fut joué le 10 déc.
1 748 et ne dépassapas vingt représentations. Le Triumvirat
(25 déc. 1754), dans lequel l'auteur avait, paraît-il,
refondu et intercalé des fragments d'un Cromwell, inter-
rompu par ordre, ne trouva pas non plus auprès des spec-
tateurs l'accueil que la préface de l'auteur réclamait au
nom^ de ses quatre-vingt-un ans. Lorsqu'il s'éteignit, les
comédiens firent célébrer en son honneur un service funèbre
à Saint- Jean de Latran, et cet hommage provoqua des
mesures de rigueur contre le curé qui s'y était prêté. Le
roi, par contre, ordonna qu'on érigeât à Crébillon, dans
l'église Saint-Gervais , un mausolée dû au ciseau de
J,-B. Lemoyne, qui n'y fut jamais placé et qui, après
avoir fait partie du Musée des monuments français, appar-
tient aujourd'hui au musée de Dijon. Outre ce buste, exé-
cuté du vivant du modèle, et gravé par M. de Saint-Aubin,
on cite un portrait de Crébillon peint par Aved (Salon de
1746), gravé par Balechou, le représentant dans son ca-
binet, appuyé sur un fauteuil, ainsi qu'une pierre gravée
par Guay, que Mariette déclare « parlante ».
Le théâtre de Crébillon, qu'on ne lit plus guère, qu'on
joue encore moins et qu'on ne réimprime pas davantage,
tient néanmoins une place importante dans notre histoire
dramatique, d'abord en raison des dons indéniables de
l'auteur : la grandeur ou l'originalité de la conception,
l'énergie poussée jusqu'à la férocité, une langue âpre et
fruste, mais encore et surtout par l'émulation qu'il pro-
voqua chez Voltaire. Sémiraynis, Ofeste, Rome sauvée
sont nés de cette rivalité et la palme est restée, en fm de
compte, à celui qui, selon le mot de Marmontel, avait voulu se
venger en grand homme et attaquer son adversaire corps à
corps. La lutte fut, en apparence, courtoise, mais la rancune
de Voltaire se donna carrière, dès 1762, par un soi-disant
Eloge de Crébillon qu'il désavoua aussitôt, selon son ha-
bitude, sans faire prendre le change aux contemporains ; cet
Eloge a d'ailleurs été réimprimé dans l'édition de Kehl et
dans toutes les éditions subséquentes. MauriceJTouRNEux.
BiBL.: Eloge historique de M. Jolyot de Crébillon (ex-
trait du Mercure de juil. 1762, attribué à l'abbé de La
Garde, ou plutôt, selon une note de Jamet le Jeune, con-
firmée par un passage de Grimm, à Crébillon fils).—
Eloge de Crébillon par Voltaire,1762, in-8 (V. ci-dessus).
~ Eloge de Crébillon^ par d'ALEMBERT, 1777, réimp. dans
ses Œuvres, 1821, t. IIL ~ Marmontel, Mémoires d'un
père. — La Harpe, Cornas de littérature. — C.-N. Aman-
ton, Particularités sur les deux Crébillon, 1835, in-8, 46 p.,
extrait de la France littéraire. — Jal, Dictionnaire cri-
tique de biographie et d'histoire. — Grimai, Correspon-
dance littéraire. — Saint-Marc Girardin, Cours de litté^
rature dramatique.
-^ 295
CREBILLON -«= CRÉCEY
CRÉBILLON paude-Prosper JoLYOT de), fils du pré-
cédent, né à Paris le 14 févr. 4707, mort dans la même
ville le d2 avril 4777. Elève du collège Louis-le-Grand
dirigé par les jésuites, il résista aux sollicitations de ses
maîtres qui cherchaient à l'attirer dans leur compagnie, et
il fréquenta de bonne heure les sociétés joyeuses dont Caylus
et quelques autres étaient les chefs. Suivant une note de
Moncrif sur un exemplaire dés Etrennes de la Saint- Jean,
il fut l'un des auteurs de cette collection de facéties et tint
pendant de longues années son rang parmi les convives les
plus assidus du Caveau (V. ce mot). Les contemporains
s'accordent d'ailleurs à louer ses qualités personnelles, et
sa vie privée ne fut nullement celle que pourraient faire
supposer ses ouvrages. Crébillon fils n'a en effet écrit que
des romans, et des romans dont les titres et la donnée ne
sont rien moins qu'édifiants, mais il y a loin de ces dialo-
gues où la galanterie la plus alambiquée trahit un contem-
porain de Marivaux, aux conceptions malsaines d'un Andréa
de Nerciat ou d'un de Sade. Ces romans obtinrent, pour la
plupart, à leur apparition, une vogue qui ne se soutint pas,
et ils ne sont lus aujourd'hui que par de rares curieux.
En voici la liste dans l'ordre chronologique : le Sylphe ou
Songe de Mme de jR... (1736, in-12); Lettres de la
marquise de M... au comte de R, (4732, 2 vol. in-12) ;
rEcumoire, histoire japonaise^ intitulée depuis Janzaï
et Néadarné (4733, 2 vol. petit in-42), affabulation
bizarre, où l'on découvrit des allusions à la bulle Unige-
nitus, au cardinal de Rohan et à la duchesse du Maine,
qui valurent à l'auteur un internement de quelques se-
maines à Vincennes ; Atalzaïde (il 36, in-42) ; les Ega-
rements du cœur et de l'esprit [4736, in-42) ; le Sopha,
conte moral (4742, in-42), qui ne justifie pas rigoureu-
sement, tant s'en faut, son sous-titre, et qui a fourni le
nom et le personnage du sultan Shahabaham que Scribe et
Saintine ont mis en scène dans VOurs et le Pacha ; les
Amours de Zéokiniziil (Louis XV) ,• roi des Kofirans
(Français) « ouvrage traduit de l'arabe par le voyageur
Krinelbol » (Crébillon) (Amst. 4740, in-42), qu'il ne faut
pas confondre, comme il est arrivé souvent, avec V Asiati-
que tolérant, traité à l'usage du Zéokinizul.., traduit
de l'arabe du voyageur Bekrinoll (4748, in-42), qui est
de La Beaumelle ; la Nuit et le Moment ou les Matinées
deCythère, dialogue (4755, in-42); Ah! quel conte!
Conte politique et astronomique (4754, 4 vol. in-42);
les Heureux Orphelins, histoire imitée de Vanglais(il 54 ,
2 parties, in-42); le Hasard du coin du feu (4763,
in-42) ; Lettre de la duchesse de '^'^'^ au duc de ^^^^
(4768, 2 vol. in-12); Lettres athéniennes, extraites du
portefeuille d'Alcibiade (4774, 4 vol. in-8) ; tous ces
romans et surtout les Amours de Zéokinizul, Tanzaï, le
Sopha, ont été l'objet de nombreuses réimpressions contem-
poraines ou modernes et réunies sous le titre d'OEuvres com-
plètes (Londres [Paris], 4772, 7 vol. in-42) et contrefaites
à Francfort, sous la même rubrique, en i779. M. Octave
Uzanne a publié dans la collection des Petits Conteurs un
choix de Contes dialogues dçi Crébillon fils (4879, in-8).
Il est assez piquant de constater que la lecture de ces
affabulations frivoles ou Hcencieuses provoqua chez la des-
cendante d'une illustre famille d'Angleterre une vive passion
pour leur auteur et que cette passion partagée eut pour
conclusion un mariage destiné à légitimer le sort d'un
enfant né de ces amours. Henriette-Marie de Staff ord avait
épousé à Arcueil, en 4748, Crébillon, dont elle avait eu
deux ans auparavant un fils, mort en 4750. Ce mariage,
un exil de cinq ans infligé, paraît-il, à l'auteur du Sopha
et qu'il subit à Sens où sa présence ne semble pas avoir
laissé de grandes traces, une charge de censeur obtenue
précisément au retour de cet exil, sont d'ailleurs les seuls
événements notables de la vie de Crébillon fils, qui sur-
vécut de beaucoup à sa réputation et qui mourut à peu
près complètement oublié. M. Tx.
BiBL. : C.-N. Amanton, Particularités sur leè deux Cré-
billon, 1835, in-8. — A. Jal, Dictionnaire critique de Mo-
VI, u,itiiivuiic. — Grimm, Correspondance litté-
raire. ~ Collé, Journal. — 0. Uzanne, Notice, en tête
graphie et d'histoire,
raire. ~ Collé, Joun
des Contes dialogues.
GREC AS, rabbin espagnol de la fin du xii*' siècle (V. Has-
DÂï Crescas).
CRÉCELLE. L Archéologie. — Instrument dont on se
servait au moyen âge pour appeler les fidèles à l'éghsc du
jeudi au samedi saint, c.-à-d. pendant le temps où il est
interdit de sonneries cloches. Amalarius, abbé de Hornbach,
au diocèse de
Metz, qui écri-
vit au ix^ siècle
un traité des of-^
fices ecclésiasti-
ques, parle
d'instruments
en bois destinés
à annoncer les
offices. Au XVI®
siècle, Pas-
quier, dans ses
Recherches
(l. VIII), dit :
« Ce petit mou-
linet dont nous
usons le jeudy
et vendredy de
la sepmaine saincte, au lieu de cloches, que nous appelions
cresserelle, a emprunté ce nom du son qu'il produit. » Un
vers du Lutrin fait allusion au même usage : « Prenons
du jeudi saint la bruyante crécelle. » Dans quelques villages
de France, les enfants de chœur vont, encore de nos jours,
de porte en porte avec une crécelle pour chercher des œufs!
On donnait encore à cet instrument les noms de tartarelle,
simandre, routelle. Le type le plus simple consistait en
six planches disposées autour d'un axe et entre lesquelles
battaient librement des marteaux (fig. 4) qui venaient
frapper les planches quand on imprimait à l'axe un mou-
vement de rotation.
A la cathédrale de
Bourges, la crécelle
consistait en un cy-
lindre armé de pan-
netons qui soule-
vaient des marteaux
qui retombaient sur
une table de bois.
h2imatraca à^^^m-
gos (fig. 2) consis-
tait en quatre cais-
ses de bois doublées
de tôle disposées en
croix autour d'un
axe; à ces caisses
étaient attachés des
marteaux qui, mis
en mouvement, venaient frapper contre les parois des
boîtes. On voyait dans la colleclion Jubinal une crécelle du
xiv« siècle provenant du couvent de l'Escaladieu, près de
Bagnères, toute semblable à celle dont les enfants s'amu-
sent aujourd'hui ; elle ne pouvait servir, en raison de ses
petites dimensions, qu'à l'intérieur du monastère. M. P.
IL Musique. — Instrument en bois formé d'une petite plan-
chette garnie d'une languette flexible qui, en tournant,
glisse sur une roue dentée que supporte le manche, et rend
un son aigre et perçant. La crécelle n'est plus qu'un jouet
d'enfant. Elle a joué un rôle modeste en musique. Quel-
ques compositeurs, et parmi eux Haydn, ont écrit des sym-
phonies enfantines où la crécelle a sa partie.
Bibl. : Archéologie. — Lenoir, Architecture monas-
tique, t. I, p. 156. — Gay, Glossaire archéologique, p. 491.
— Magasin pittoresque, 1881, t. XLIX, p. 373.
CRECEY-suR-TiLLE. Com. du dép. de la Côte-d'Or,
arr. de Dijon, cant. d'Is-sur-Tille ; 489 hab.
CRÈCHE — CRÉCY
— 296
CRÈCH E. I. Assistance publique. — On désigne sous le
nom de crèches des établissements charitables, dans lesquels
on reçoit, pendant le jour, des enfants en bas âge que la
mère ne peut garder avec elle, par suite de son éloignement
du domicile. A côté de ces établissements, entretenus les uns
par les municipalités, les autres par la charité publique,
existent des garderies où l'enfant est reçu moyennant une
faible rétribution : 15 à 20 cent, par jour. Au point de vue
de l'hygiène sociale, ces établissements jouent tous le même
rôle utile et doivent être soumis aux mem.es conditions de
salubrité. En gardant pendant les heures de travail de
l'ouvrière le petit enfant de quinze jours ^à trois ans (cer-
taines crèches ne reçoivent pas d'enfant au-dessous de
deux mois), la crèche permet à la mère de gagner sa vie
par ses propres efforts, au lieu d'être réduite aux secours
publics et cela tout en conservant son enfant auprès d'elle.
Trop'souvent, malheureusement, les crèches dues à des fon-
dations religieuses repoussent les filles-mères et leurs
enfants, conduisant ses malheureuses à l'infanticide ou à
la prostitution. Les crèches doivent être multipliées dans
les villes et dans les centres ouvriers, parce qu'il est
important qu'elles n'aient qu'un nombre limité d'enfants,
quinze ou vingt au plus, et qu'elles ne soient pas très éloi-
gnées de l'endroit du travail de la mère. Il est utile, en
effet, surtout au point de vue moral, que la mère puisse
venir fréquemment à la crèche, y voir son enfant, le sur-
veiller même et quand la chose est possible lui donner le
sein. Quelques industriels intelligents et humanitaires ont
installé, dans le centre même de leur usine, des crèches
ouvrières qui permettent aux mères occupées à Fateher de
continuer à donner le sein à leur enfant. La direction de
la crèche doit être confiée à une femme dévouée ayant
quelques notions de l'hygiène infantile et comprenant les
soins rigoureux de propreté qui doivent être donnés dans
une agglomération de jeunes enfants. Cette femme, guidée
par un médecin inspecteur, peut donner aux mères avec qui
elle est en contact constant des conseils fort utiles. Des
crèches bien comprises, tant au point de vue de la
construction que de la direction, peuvent exercer une
influence considérable sur la mortalité infantile. La nour-
riture dans l'intervalle des tétées se compose de lait coupé,
de panade au pain blanc, au-dessous de sept à huit mois ;
de sonpe au bouillon gras, d'œuf au delà. Tarnier avait
proposé d'annexer une étable, soit de vaches, soit de pré-
férence d'ànesses aux crèches ; il existe des établissements
de ce genre à Genève et à Francfort. En 1875, il n'y avait
que 35 crèches dans la Seine et 75 dans le reste de la
France. En 1889, grâce au zèle de la société des crèches
et surtout de son organisateur Marbeau, ces chiffres
ont doublé dans la Seine et triplé dans les départements.
A Paris seulement, les journées de présence dépassent
200,000 annuellement. Sous le nom de crèches à domicile,
on a désigné une institution qui a pour but de procurer à
la mère des allocations en nature ou en argent qui lui
permettent d'allaiter elle-même son enfant, en restant au
logis. Cette mesure serait utilement appliquée dans l'inté-
rêt de la mère et de l'enfant au moins les deux pre-
miers mois, la crèche ordinaire moins lourde pour la cha-
rité publique ou privée pouvant alors recueilhr utilement
l'enfant. D*" P. Langlois.
IL ARcmTECTURE. — On conçoit que les établissements
destinés à recevoir les enfants encore à la mamelle et à en
faciliter l'allaitement par leur mère soient installés dans
des conditions un peu spéciales, tant au point de vue delà
distribution des locaux que de certaines données d'hygiène
et de salubrité. C'est ainsi que, autant que possible, une
crèche doit être élevée d'un rez-de-chaussée seulement et
que toutes les pièces la composant doivent se communiquer
de plain-pied, et l'une d'elles, la salle de jeux, ouvrir sur
un petit jardin. Les précautions les plus grandes doivent
être prises pour combattre l'humidité toujours à craindre
dans les rez-de-chaussée même élevés sur caves, et l'expo-
sition préférable est celle du midi avec une ventilation
assurée au nord. Le chauffage doit être obtenu à l'aide d'un
système à air chaud, à eau chaude ou à vapeur répandant
une température suffisante et régulière, et l'eau destinée à
la cuisine et à la toilette doit être de la plus grande pu-
reté. Une crèche doit comprendre : 1^ le dortoir où se
trouvent les berceaux dont le nombre ne doit pas excéder
le dixième du nombre total des mètres cubes d'air de la
pièce ; la salle de jeux ou pouponnière avec deux bancs
concentriques entre lesquels les enfants les plus âgés
peuvent essayer leurs premiers pas ; 3^ une pièce à usage
de cabinets d'aisance et de toilette ; 4** une salle de bains ;
5^ une cuisine ; 6^ une pièce pour la personne chargée de
la direction de la crèche et dans laquelle doivent se trouver
un bureau et une petite pharmacie ; 7"^ enfin une pièce
d'entrée servant de salle d'attente. — On appelle aussi
crèche l'ensemble du râtelier et de l'auget placé en dessous,
dans lequel on dispose les aliments des bœufs et des
moutons, ou l'auge spéciale servant de mangeoire aux
veaux. Ces crèches peuvent être fixes ou mobiles, simples
et adossées au mur, ou doubles et servir de séparation,
ou encore circulaires et fixées autour d'un poteau cen-
tral. Charles Lucas.
ni. Art décoratif. — Sorte de théâtre ou de déco-
ration que l'on fait pour la fête de Noël et qui représente
la Naissance de Jésus dans une étable, auprès de la
crèche des animaux. En Italie surtout, ces décorations
donnent lieu à des constructions provisoires dans lesquelles
l'architecture, la peinture et la sculpture sont employées
pour produire des tableaux, en même temps que la pers-
pective, les lumières et des mannequins habillés, y jouent
un rôle important. On donne généralement à ces théâtres
temporaires le nom de presepio.
IV. Astronomie. — Nom du losange formé parles quatre
étoiles y, rj, 0, S Ecrevisse.
BiBL. : Architecture. -- P. Ciiur.AT, Dict. des termes
de la construction ; Paris, 1881, 2« édit., in-8, fig.
CRÈCH ES-sur-Saône (Cropium). Corn, du dép. de
Saône-et-Loire, arr. de Mâcon, cant. de La Chapelle-de-
Guinchay ; 1,150 hab. Carrières. Four à chaux. Tui-
lerie. Moulins, distilleries, huilerie. Voie antique, dite
Chemin des Allemands. Trouvaille d'un collier d'or et
de monnaies romaines en 1853. Deux châteaux, celui
de Thoiriat, assiégé en, 1443 par une bande d'écorcheurs,
et celui des Tours, pris, en 1471, par les troupes du
dauphin d'Auvergne. Les seigneurs de la terre furent
successivement les de Feurs, de La Chambre, Barjot, Da-
mas, Duret et Charrier de La Roche. Quelques parties de
l'église, reconstruite il y a peu d'années, paraissent re-
monter au XVI® siècle. L-x.
CRECHY. Com. du dép. de l'Allier, arr. de La Palisse,
cant. de Varennes-sur-AUier ; 618 hab.
CRÈCLE (Cap) (V. Var [Dép.]).
CRÉCY (Art culin.) (V. Purée).
CRÉCY-Au-MoNT. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de
Laon, cant. de Coucy-le-Château ; 532 hab.
CRÉCY-CouvÉ. Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. et
cant. de Dreux ; 270 hab.
CRÉCY-en-Brie. Ch.-l. de cant. du dép. de Seine-et-
Marne, arr. de Meaux, sur le Grand-Morin; 913 hab.
Foires le vendredi saint, le 29 sept, et le dernier jeudi du
mois. Ce bourg, qui existe depuis fort longtemps, était
jadis fortifié et il a conservé quelques vestiges de ses rem-
parts doubles, et trois tours sur les cinquante-six dont il
était entouré.
CRÉCY-en-Ponthieu (Cariciacum, Crisciacum). Ch.-L
de cant. du dép, de la Somme, arr. d'Abbeville, sur la
Maye; 1,652 hab. Avant 1770, Crécy était le chef-lieu
d'un des cinq bailliages prévôtaux dépendant de la séné-
chaussée de Ponthieu. Une charte de commune avait été
octroyée à Crécy en 1194 par Guillaume Talvas, comte de
Ponthieu. Indépendamment de la funeste journée du 26 août
1346, Crécy fut souvent le théâtre d'escarmouches plus ou
moins importantes : en 1635, ses habitants opposèrent une
— 297 —
CRECY - GREDENCE
résistance héroïque à un parti espagnol qui brûla leur
ville. Les armes de Crécy sont: d'azur à trois croissants
entrelacés d'argent. Il y avait jadis un château. L'église
(xvi® s., gothique) n'offre guère de remarquable que quel-
ques tableaux provenant de l'abbaye de Dommartin. Les
archives communales, qui remontent au xvi® siècle, sont
assez importantes.
Bataille de Crécy. — A la suite de sa campagne en
Normandie pendant le mois de juil. 1346,1e roi d'Angle-
terre Edouard Ilï, manquant de vivres et redoutant l'armée
que venait de rassembler le roi de France, s'était mis en
retraite sur le Ponthieu ; acculé par des forces supérieures
entre la Seine, la Somme et la Manche, Edouard Ilï réussit
à forcer le gué de Blanchetaque et une fois passé sur la
rive droite de la Somme, prit d'excellentes positions et dis-
posa son armée pour la bataille. Philippe VI l'atteignit le
26 août 1346, avec une armée forte de 60,000 hommes,
mais fatiguée et mouillée par une pluie violente qui avait
détendu les arcs des archers génois. Ceux-ci, qui formaient
la première ligne de l'armée française, hors d'état de ré-
sister aux archers anglais, se débandèrent bientôt ; la
chevalerie s'élança pour atteindre les Anglais en passant
sur le corps de l'infanterie génoise, mais avant qu'elle fût
en état de combattre, les carreaux des archers anglais, les
décharges des bombardes qui apparaissaient pour la première
fois dans une bataille, avaient mis le désordre dans ses
rangs. Les rangs anglais furent à peine entamés par cette
charge qui n'arriva jusqu'à eux que rompue. Seul le comte
d'Alençon réussit à pénétrer jusqu'aux cavaliers commandés
par le prince de Galles. La plus grande partie de l'armée
française fut massacrée par les Anglais: les ducs de Bourbon
et de Savoie, le vieux roi Jean de Bohême qui servait dans
les rangs français, onze princes, deux archevêques, quatre-
vingts seigneurs bannerets, douze cents chevaliers et trente
mille soldats auraient, au dire des chroniqueurs, péri dans
cette bataille. Edouard III, libre désormais de ses mou-
vements, alla mettre le siège devant Calais. A. Giry.
BiBL. : Dom Grenier, Notice historique sur Crécy, pu-
bliée par M. de Cavrol, dans les Mémoires de la Soc*
d'émulat. d'Abbeville", 1836-1837, pp. 165 à 206. — E. Prarond,
Histoire de cinq villes et de trois cents villages, 1868,
4« part., in-12, pp. 286 à 360. — Darsy, Répertoire et appen-
dice des histoires locales de la Picardie; Amiens, 1877,
l"^ série, in-8, pp. 190 à 297. — Georges Durand, Ville de
Crécy-en-Pontfueu ^ Inventaire sommaire des Archives
communales antérieures à 1190; Amiens, 1888, in-4.
CRÉCY-sur-Serre. Ch.-l. decant.dudep.de l'Aisne,
arr. deLaon; 1,959 hab. Bourg de l'ancien Laonnois,
sur les deux rives de la Serre. Stat. de la ligne de ch.
de fer de Dercy-Mortiers à La Fère. Fabrique d'instru-
ments agricoles. Crécy appartint d'abord aux moines de
Saint-Rémy de Reims, puis aux rehgieux de l'abbaye
de Notre-Dame de Laon. Charles le Chauve s'y maria avec
la reine Ermentrude. Au xii® siècle, le fameux Thomas de
Marie, seigneur de Coucy, devenu l'avoué de l'abbaye de
Notre-Dame, par suite de son mariage avec Mélissende de
Crécy, y bâtit un château fort. Durant la lutte qu'il soutint
contre le roi de France, ce dernier vint assiéger la forte-
resse, s'en empara et en passa au fil de l'épée tous les
défenseurs, à l'exception des nobles. Vers la fin du
XII® siècle, l'abbé de Saint-Jean de Laon octroya aux habi-
tants une charte communale calquée en partie sur celle de
Laon avec un certain nombre de dispositions particulières.
Le village, quoique fortifié, eut beaucoup à souffrir pen-
dant la guerre de Cent ans. Pillé successivement, en 1339
par les soldats d'Edouard III, en 1358, en 1373, 1380, il
fut plus tard encore incendié par les calvinistes (1568),
ravagé par les ligueurs (1589) et les Espagnols (1648,
1652,1653, 1712, etc.). Crécy possédait un petit hôpital,
un hôtel-Dieu et une maladrerie.
BiBL. : Bulletin de la Soc. académique de Laon,
CRÉCY (Louis Verjus, sieur de), diplomate français,
né vers 1629, mort le 13 déc. 1709. Il était fils d'An-
toine Verjus, bailli de Joigny, et de Barbe Champrenault,
et frère du P. Verjus, jésuite, fort ami du P. La Chaise.
Il débuta probablement en Portugal comme secrétaire des
commandements de la reine Isabelle de Savoie-Nemours
vers 1665. De retour de ce pays en 1669, il fut chargé de
différentes missions en Allemagne, où il signa plusieurs
traités en 1672 et eut avec le célèbre Lisola des démêlés
qui nous ont valu plusieurs pamphlets politiques, entre
autres la Sauce au verjus par lequel Lisola répondit à
une de ses publications. Nommé ministre plénipotentiaire
près la diète de Ratisbonne en 1679, il y conclut, en 1684,
la trêve de vingt ans entre la France, l'empereur et l'Es-
pagne et y était encore en 1687. Il était recommandé à
nos ambassadeurs et ministres en Allemagne et à Vienne
d'entretenir avec lui une exacte correspondance. Il fut
cTifin plénipotentiaire au congrès de Ryswick avec Harlay
et Callières. Il était conseiller d'Etat, secrétaire de la
chambre et du cabinet du roi et avait été élu membre de
l'Académie française le 24 juil. 1679. « C'était, dit Saint-
Simon, un homme sage, mesuré et qui, sous un extérieur
et des manières peu agréables et qui sentaient bien plus
l'étranger, le nouveau débarqué, que le Français, à force
d'avoir séjourné dehors, et un langage de même, cachait
une adresse et une finesse peu communes, une prompte
connaissance, par le discernement, des gens avec qui il
avait à traiter et de leur but et qui, à force de n'entendre
que ce qu'il voulait bien entendre, de patience et de suite
infatigable et de fécondité à présenter sous toutes sortes de
faces différentes les mêmes choses qui avaient été rebutées,
arrivait souvent à son but. Personne ne savait plus à fond
que lui les usages, les lois et le droit de l'Empire et de
l'Allemagne et fort bien l'histoire. Il était estimé et consi-
déré dans les pays étrangers et y avait fort bien servi. »
Il avait épousé Marie-Marguerite de Ratabon, de laquelle
il eut un fils, Louis-Alexandre Verjus, comte de Crécy, qui
était maréchal de camp en 1719. Louis Farges.
BiBL. : Dict. de Moréri. — A. Sorel, Rec. des InstruC"
lions aux amb. et minist. de France en Autriche ; Paris,
1884, in-8. — D'Olivet, Hist. de VAcadémie française.
CRÉCY (Ferdinand-Denis, comte de), homme poHtique
français, né à Besançon le 6 juil. 1744, mort à Dôle le
30nov. 1810. Cornette
en 1759, il était, en
1779, lieutenant-colo-
nel de chevau-légers.
Le 25 mars 1789, il fut
élu député de la noblesse
de la sénéchaussée de
Ponthieu aux Etats gé-
néraux. Il se rallia au
Tiers. Le 26 vendémiai-
re an IV, il fut élu dé-
puté du dép. de la
Somme au conseil des
Anciens. — Un autre
comte de Crécy (Louis-
Théodore), né à Abbe-
ville le 11 juil. 1783,
mort à Dôle le 28 mai
1825, est l'auteur des
vers en vieux français
qui accompagnent le ro-
man d'Yseult de Dôle.
CRÉDENCE. L Ar-
chéologie. — Cré-
dence d'auteU Nom
donné depuis le xvii^ siè-
cle à la table, placée à
droite de l'autel, dans
les églises, et sur la-
quelle on pose les bu-
rettes, le bassin et l'es-
suie-main qui servent à
la célébration de la
messe. C'est uniquement dans un désir de symétrie que
Crédence (xv« siècle
CREDENCE -~ CREDIT — 298 —
certains autels sont^ccostés de deux crédences. Au moyen
âge, les objets que nous venons d'indiquer étaient ordinai-
rement posés dans une petite niche pratiquée dans le mur
à droite de l'autel. M. P.
IL Ameublement, — La vie civile du moyen âge em-
ployait aussi des crédences qui servaient à placer les
plats et les vases pendant l'essai des mets. C'était un petit
meuble en forme d'armoire basse que l'on plaçait auprès
de la table à manger et que l'on recouvrait d'une nappe.
Plus tard, ces meubles prirent plus d'importance et ils se
revêtirent de délicates sculptures. Alors on les éloigna de
la table et on les appuya sur la muraille, en étageant
sur leur surface des degrés destinés à recevoir les pièces
de la vaisselle massive qui étaient si nombreuses au
XV® siècle. Souvent un dais ajouré venait abriter ces petits
monuments dont quelques-uns figurent dans nos collec-
tions. Ainsi complétée, la crédence était devenue un dres-
soir et c'est à ce dernier mot que nous renverrons pour
cette pièce importante de notre ancien ameublement.
m. Jurisprudence (V. Témoin).
BiBL. : Ameublement. ~ E. Bonaffé, VaH du bois.
CREDI (Lorenzo di), peintre italien, né à Florence en
4459, mort à Florence le 42 janv. 4537. Il était fils
d'Andréa di Oderigo et petit-fils d'Andréa di Credi, orfèvre.
Rien ne confirme le nom de Sciarpelloni que lui prête Va-
sari; mais un document (les comptes de l'hôpital de Santa
Maria Nuova) le mentionne sous celui de Barducci. Il fut
élève d'Andréa Verrocchio, et, dans l'atelier du maître,
condisciple du Pérugin et de Léonard de Vinci. Vasari rap-
porte qu'il débuta par faire, d'après Verrocchio et Vinci,
deux tableaux, envoyés en p]spagne et si près des originaux,
le second surtout, qu'il était impossible de les distinguer.
L'influence de Vinci fut, en effet, très grande sur le jeune
artiste ; plusieurs de ses dessins sont comme des copies du
grand Léonard, et plusieurs critiques veulent aujourd'hui
attribuer à la jeunesse de celui-ci quelques tableaux jusqu'à
présent catalogués sous le nom de Lorenzo (par exemple
V Annonciation, du Louvre). Il semble que Lorenzo fut
également doué pour la sculpture, car son maître, dans
l'acte où il l'institue son exécuteur testamentaire, le dé-
signe en même temps pour mettre la dernière main à la
célèbre statue du Colleone, à Venise (Lorenzo confia ce
soin à Giovanni d'Andréa di Domenico, sculpteur florentin,
puis à Alessandro Leopardi de Venise). C'est à la peinture
qu'il se voua exclusivement. Il y apporta des qualités
charmantes, plus gracieuses que puissantes, et plus de dé-
licatesse et de tendresse que d'originalité. Il resta toute sa
vie comme un reflet de son maître et de son grand ami
Léonard. Il peignit avec un soin extrême, jusqu'à interdire,
rapporte Vasari, tout ce qui dans son atelier pourrait sou-
lever un grain de poussière pendant qu'il travaillait. On
Ta appelé assez justement, quoique un peu sévèrement
peut-être, le Carlo Dolci du xv® siècle. Parmi ses princi-
paux ouvrages, il faut citer : une Naissance du Christ,
primitivement à Santa Chiara de Florence, aujourd'hui à
l'Académie des beaux-arts, un de ses plus jolis tableaux
pour la grâce du sentiment. Ce motif de l'adoration de
l'enfant divin par Marie, entourée d'anges et de saint Jean-
Baptiste avec les bergers, est un de ses sujets préférés. On
en trouve aux Ufflzi, à la galerie grand-ducale de Carlsruhe,
à la National Gallerv de Londres (n^ 648), à Dresde
(no 13), à Munich (n^'lOI), à Berlin (n-^ 100), à Turin
(n<* 356 B). Un de ses plus anciens et plus importants ou-
vrages est la Madone trônant entre sainte Zéiiobie et
saint Jean-Baptiste^ au dôme de Pistoja ; l'exécution en
est excellente et fine, serrée et délicate; on y admire
quelques-unes des plus charmantes et des plus sérieuses
qualités du Quattrocento dans sa maturité, avec pourtant
quelque froideur. Mais celui de ses tableaux d'autel qui
passe à bon droit pour son chef-d'œuvre et oii il se surpasse
lui-même, au jugement de Vasari, est la Madone avec
V Enfant trônant entre saint Julien et saint Nicolas
qu'il peignit pour la chapelle de Castello et que le musée
du Louvre possède aujourd'hui {n^ 156 du Catalogue
Tauzia, et 1263 du Catalogue sommaire),
Vasari mentionne un certain nombre de portraits de lui
(celui de Verrocchio, excellent, n^ll63 delà galerie des
Uffizi, ceux d'un jeune homme, de Pérugin, de Girolamo
Benivieni, etc.). On peut citer encore au nombre de ses
tableaux d'autel et de ses tondi : le Baptême du Christ
(aux Uffizi) ; le Christ apparaissant à la Madeleine (au
Louvre) ; la Madeleine (au musée de Berlin) ; une Ado-
ration des bergers (à Naples) ; une Sainte Famille (au
palais Borghèse). André Michel.
BiBL.: Vasari, éd. Milanesi, IV, 573-576. — Burckhardt,
Der Cicérone^ pp. 585-586, 5« éd. — A. Woltmann et Karl
WoERMANN, Geschichte der Malevei; Leipzig, 1882, in-8,
II, 192-193. — Eug. MûNTz, Histoire de l'Art pendant la Re-
naissance; Paris, 1890, t. II, in-4.
CRÉDIT. I. Jurisprudence. — Le mot crédit vient
du latin credere, avoir confiance. Le crédit repose, en
effet, sur la confiance que les commerçants ont dans l'hon-
nêteté et la solvabilité de ceux avec lesquels ils traitent.
Le crédit permet à l'acheteur de retarder pendant un cer-
tain temps le payement qu'il doit faire à son vendeur. Pen-
dant ce délai, il revend à son tour la marchandise et se
procure, sous forme d'espèces monnayées ou d'effets de
commerce, les capitaux nécessaires à l'extinction de sa
dette. Pour offrir au vendeur les garanties de sécurité dési-
rables, le crédit doit être à court terme. Ce terme varie
avec les genres de commerce, mais rarement il dépasse
trois mois. Pour être utile à l'expansion du commerce, le
crédit ne doit être accordé que pour des opérations réelles
et sérieuses. La manifestation du crédit, qui n'est qu'un
acte de complaisance de la part de celui qui la fait à l'égard
de celui qui en est l'objet, est un acte répréhensible dont
les effets sont des plus fâcheux pour le commerce et qui
expose parfois son auteur à des poursuites judiciaires. Le
crédit se révèle sous diverses formes. Les principales sont
les effets de commerce (V. Lettre de change, Billet à
ordre). Au moyen de la négociation de ces effets qu'il crée
sur le débiteur ou qui lui sont souscrits par lui, le vendeur
peut, aussitôt l'opération faite, s'en procurer le prix sous
déduction de l'escompte, — c.-à-d. des intérêts de la somme
jusqu'à l'échéance du terme, — bien que l'acheteur ne soit
obhgé au payement qu'au jour indiqué sur l'effet. On peut
citer encore comme instruments de crédit les billets créés
par la Banque de France, lorsque l'émission dépasse le mon-
tant de son encaisse. Dans la comptabilité" commerciale, le
mot crédit, employé par opposition au mot débit, indique
l'ensemble des sommes ou valeurs composant l'actif du
compte d'un négociant. Lyonnel Didierjeân.
ÏI. Economie politique. — Le crédit a toujours
existé chez les peuples ayant la moindre civihsation, et
il doit être considéré comme contemporain à l'origine
de la société politique parmi les hommes. Le crédit main-
tiendra son rang; il existera aussi longtemps que le
genre humain maintiendra une civiUsation quelconque. On
a beau émettre les théories les plus séduisantes sur le cré-
dit, il est certain qu'il ne doit son origine qu'à l'impuis-
sance. 11 ne repose que sur l'insufTisance absolue d'efforts
tentés pour arriver à un but ; l'impuissance d'arriver à un
but est cachée par le crédit. Le crédit est donc une mutualité
dans le besoin, une assistance réciproque. Chez un être,
l'esprit d'entreprise et de convoitise est plus grand que ses
moyens ne le comportent, il ne pourra prendre son essor
avec ses propres forces ; chez un autre, ce sera le contraire,
il aura beaucoup de fortune et ne saura qu'en faire. Tous
deux doivent leur situation à l'état social qui, selon les ca-
prices changeants du sort, jette souvent la fortune entre
des mains qui n'ont ni la force, ni la volonté de l'exploiter,
et qui, d'autre part, remplit d'idées ingénieuses des cer-
velles qui commandent à des mains vides. Impuissance des
deux côtés, sans l'intervention d'un troisième facteur : le
crédit.
L'esprit d'entreprise, entre des mains vides, a besoin de
la fortune d'autrui pour ne pas rester à l'état d'étincelle
299
CREDIT
latente. La fortune qui se trouve entre des mains inertes
a besoin de l'esprit d'entreprise pour ne pas rester stérile.
Lorsque finalement l'intervention du crédit fait se joindre
ces deux éléments de l'activité sociale, il se produit un
phénomène qui n'est autre qu'une assistance mutuelle. Les
avantages que la société humaine retire du crédit sont jus-
tement appréciés lorsqu'on dit que sans le crédit il y aurait
beaucoup moins de transactions et par conséquent moins de
revenus et moins d'occupations fructueuses. Le même rai-
sonnement peut s'appliquer aux métaux précieux, consi-
dérés comme monnaie. Par conséquent le crédit, jusque
dans une certaine mesure, peut remplacer la monnaie,
et la limite que nous indiquons n'existe que par le
défaut d'entente entre tous les peuples du globe, car si
tous les peuples du globe voulaient bien s'entendre, on
n'aurait pas besoin de monnaie, grâce au crédit. C'est
cette limitation de pouvoir qui fait que les signes repré-
sentatifs du crédit ne peuvent être considérés que comme
constituant des titres de créance, c.-à-d. la reconnaissance
d'une dette.
Il faut bien se garder de croire que le crédit crée des
capitaux, mais le crédit aussi n'est possible que s'il existe
un capital. Or, grâce au crédit, ce capital unique peut
circuler entre plusieurs mains jusqu'à ce que la contre-
valeur naisse. Un propriétaire de mines extrait de sa mine
du minerai de fer : voici un capital. Ce minerai de fer
est vendu à crédit à un propriétaire de hauts fourneaux
qui transformera le minerai en fer : c'est la première opé-
ration du crédit. Ce fer est vendu à crédit à une usine
métallurgique : seconde opération du crédit. L'usine trans-
forme la tôle de fer en objets d'un usage journalier, tels
que seaux, brocs, etc., et vend sa production, toujours à
crédit, à des magasins de détail : c'est la troisième opéra-
tion de crédit. Ce magasin vend ses produits au public;
s'il vend au comptant, nous assistons à la naissance de la
contre-valeur du premier capital; si le magasin vend à
crédit, nous pouvons encore longuement suivre la filière
du crédit pour cet unique capital. Ainsi, par exemple,
l'acheteur de ces objets à crédit peut attendre pour payer
qu'il ait touché des coupons de rente, il a fait crédit à son
tour à l'Etat.
Nous voulons simplement démontrer que le crédit n'a
pas créé de capitaux, et nous voulons aussi montrer que
le crédit remplace la contre-valeur qu'il fallait posséder
lors du troc et remplace aussi la monnaie dans les échanges
commerciaux, alors qu'on n'usait pas du crédit. La tran-
saction que nous avons décrite se fera par l'intervention de
lettres de change que chaque vendeur tirera successive-
ment sur son acheteur ; ces lettres de change peuvent être
escomptées à une banque et donner lieu à une mise en cir-
culation de billets de banque. — On croit qu'on a créé
des capitaux nouveaux, ce sera une erreur. La lettre de
change et les billets de banque ne sont que les moyens de
circulation ou de transmission du crédit et ne représen-
tent que le premier et unique capital créé. La preuve est
facile à faire : en effet, le jour où le premier capital, repré-
senté en dernier lieu par des seaux et des brocs, est vendu
et payé, les lettres de change n'existeront plus et la ban-
que qui les détiendra aura été remboursée en ces mêmes
billets de banque qu'elle aura émis temporairement. Tout
aura disparu ; seul le premier capital transformé subsistera.
Sa contre-valeur fera retour au créateur du capital (le pro-
priétaire de la mine) , après que chacun de ceux par les
mains desquels ce capital successivement transformé aura
passé, se sera approprié sa part de bénéfice. Le crédit peut
être personnel, commercial, mobilier, immobilier. On a créé
des institutions spéciales pour le vulgariser, pour le distri-
buer, et aussi pour donner une garantie supplémentaire à celle
qu'offre le déliiteur (V. Institution de crédit, Crédit mobi-
lier, Crédit immobilier. Banque). Jacques de Reinâch.
Sociétés coopératives de crédit (V. Coopération).
III. Finances publiques. — Annulation des crédits
(V. Annulation) .
Crédits supplémentaires et extraordinaires. — Les
crédits supplémentaires sont ceux qui doivent pourvoir
à l'insuffisance, dûment justifiée, d'un service porté au
budget et qui ont pour objet l'exécution d'un service déjà
voté, sans modification dans la nature de ce service. Les
crédits extraordinaires sont ceux qui sont commandés par
des circonstances urgentes et imprévues et qui ont pour
objet ou la création d'un service ,nouveau ou l'extension
d'un service inscrit dans la loi de finances au delà des
bornes déterminées par cette loi. Ainsi les définit la loi du
d4 déc. d879 qui réglemente cette importante et délicate
prérogative laissée aux ministres, afin d'assurer les ser-
vices publics, sans néanmoins porter atteinte au droit des
Chambres, seules autorisées à disposer des ressources du
pays. Il y a lieu de remarquer en effet que la première loi
qui autorisa l'ouverture des crédits de cette nature (loi du
25 mars 1817) a été votée dans le but d'imposer une bar-
rière aux ministres en les obligeant, sous leur responsa-
bilité, à ne jamais dépasser le total des crédits ouverts à
chacun d'eux et en prescrivant au ministre des finances de
n'autoriser les payements excédants que dans des cas ex-
traordinaires et urgents en vertu d'ordonnances du roi
qui devaient être converties en lois à la plus prochaine
session des Chambres. Deux ans après, la loi de finances
du 27 juin 1819 (art. 21) disposait que les ordonnances
qui auraient autorisé des payements pour des dépenses
extraordinaires et urgentes seraient présentées en forme
de loi à la plus prochaine session des Chambres par chacun
des ministres dans le département duquel la dépense aura
été faite, pour être convertie en lois, avant le règlement
définitif des budgets antérieurs. C'était une nouvelle pré-
caution, mais bien insuffisante. On ne tarda pas en effet à
s'apercevoir que, si les ministres étaient renfermés dans
leurs budgets particuliers, ils n'en avaient pas moins la
liberté excessive d'en distribuer la somme à leur gré.
Aussi la discussion du budget donnait-elle heu à des
discussions assez vives sur ce point. Laffitte, Manuel, Ben-
jamin Constant, le général Foy, le comte Bourrienne
(1820-1821) critiquaient fort justement l'ordonnancement
de crédits entre deux sessions qui détruisait toutes les
combinaisons du budget. L'ordonn. du l^'^ sept. 1827
vint leur donner quelque satisfaction. Désormais les ser-
vices extraordinaires et urgents dont la dépense n'aurait
pas été comprise dans le montant des crédits spéciaux
ouverts à chaque ministère ne purent être entrepris
qu'après avoir été préalablement autorisés par ordonnances
pour être ensuite régularisés le plus tôt possible par des
crédits extraordinaires. Seulement les dépenses relatives à
des services ordinaires, votés par le budget, et qui par suite
de circonstances imprévues avaient excédé le montant des
sections spéciales, au lieu d'être régularisées dans la plus
prochaine session des Chambres, ne durent plus être justifiées
que dans les comptes définitifs de chaque exercice. La réforme
n'était donc point aussi avantageuse qu'elle le semblait. Peu
après son avènement, le gouvernement de Juillet étabht par
la loi du 29 janv. 1831 la spécialité par chapitres. Le budget
des dépenses de chaque ministère fut divisé en chapitres
spéciaux qui ne devaient contenir chacun que des services
corrélatifs et de même nature. La même division devait
être suivie dans la loi des comptes. Ce procédé apportait
certes de sérieux obstacles à l'ouverture des crédits sup-
plémentaires et extraordinaires dans l'intervalle des ses-
sions. Mais, par un scrupule fort honorable, le ministre
des finances, Humann, les trouva encore insuffisants et
demanda aux Chambres de tracer aux ministres des règles
claires et précises, ne laissant aucun doute sur les conditions
de leur responsabilité en matière d'excédents de dépenses et
de suppléments de crédits. Une commission fut donc nom-
mée. On releva une contradiction entre les prescriptions im-
pératives de la loi de 1817, non encore abrogée, et celle de
l'ordonnance de 1827. En effet, la loi voulait que le ministre
ne pût dépasser le crédit qui lui était ouvert que dans des
cas urgents pour lesquels il devait par surcroît réclamer la
CREDIT
— 300 -
sanction des Chambres, tandis que Fordonnance le dégageait
de cette obligation pour tousles excédents de dépenses se
rapportant à des services ordinaires votés par le budget.
D'autre part, aux termes de la loi de 4817, le ministre des
finances ne pouvait autoriser les payements au delà des
crédits primitifs que pour des cas extraordinaires et urgents
et en vertu d'ordonnances à convertir en lois à la plus
prochaine session des Chambres, tandis que, d'après la loi
de juin 4819, il restait étranger à l'examen et à l'accom-
plissement de toutes ces conditions qui n'étaient imposées
qu'aux ministres ordonnateurs de la dépense. La loi du
M avr. 4833, résultat de discussions approfondies, éta-
blit une distinction entre les crédits supplémentaires et les
crédits extraordinaires. Elle dispose que les crédits sup-
plémentaires se rattachant essentiellement à des services
et des besoins prévus et détaillés au budget, ne sont
qu'une conséquence de ce premier vote et qu'ils doivent être
soumis annuellement à la sanction législative dans la forme
et suivant les règles établies pour la présentation du
budget. Quant aux crédits extraordinaires, les ordonnances
d'ouverture doivent être délibéréesenconseil des ministres.
Malgré la bonne volonté générale et tout ce luxe de pré-
cautions, les crédits supplémentaires et extraordinaires ne
cessèrent de croître. Alors on s'attacha à déterminer d'une
manière plus précise les cas dans lesquels les crédits pour-
raient être ouverts par simple ordonnance. Il fut décidé (loi
du 23 mai 4834) que la faculté d'ouvrir par ordonnance
royale des crédits supplémentaires pour subvenir à l'insuffi-
sance dûment justifiée d'un service porté au budget ne serait
applicable qu'aux dépenses concernant un service voté et dont
la nomenclature devait figurer dans chaque loi de finances,
et que la faculté d'ouvrir des crédits pour des cas urgents
et extraordinaires ne serait applicable qu'à des services non
prévus et réglés par le budget à condition, bien entendu, de
se conformer aux dispositions de la loi du 24 avr. 4833.
Deux ans après, sur les observations de M . Gouin, la Chambre
inséra dans la loi de finances du 48 juil. 4836 (art. 5) la
disposition suivante : « A l'avenir, toute demande de crédits
faite en dehors de la loi annuelle des dépenses devra indiquer
les voies et moyens qui seront affectés aux crédits demandés. »
Le remède apporté à la plaie des crédits supplémentaires
n'était que théorique. Pratiquement, il se produisit le fait
suivant : Le nombre des services votés pour lesquels des
crédits supplémentaires pouvaient être ouverts par ordon-
nance et qui était primitivement de 36 augmenta d'année
en année; la loi de finances du 8 août 4847 le porta à
70. Il en résultait qu'en 4847 plus de 400 millions
avaient été demandés pour crédits supplémentaires et ex-
traordinaires sur les exercices 4846-4847. D'où nouvelles
mesures restrictives inventées par l'Assemblée constituante
de 4848. La loi du 43 nov. 4849 établit que tout projet
de loi portant ouverture de crédits supplémentaires et ex-
traordinaires devait être contresigné non seulement par
le ministre compétent, mais encore par le ministre des
finances ; que le tableau de tous les crédits imputés suc-
cessivement sur les ressources des deux budgets en cours
d'exécution serait dressé, tenu au courant d'après les do-
cuments transmis par le ministre des finances et affiché
dans la salle des conférences des commissions des finances
et des bureaux de l'assemblée. Mais il fallait bien mettre
en harmonie avec la constitution nouvelle et le principe
de la permanence de l'Assemblée législative les dispositions
des lois antérieures. La loi du 45 mai 4850 y pourvut.
Elle stipula qu'aucune dépense ne pouvait être ordonnée
ni liquidée sans qu'un crédit préalable eût été ouvert par
une loi, et même elle mit à la charge personnelle du mi-
nistre contrevenant toute dépense non créditée ou portion de
dépense en excédent de crédit. Pendant les prorogations de
l'assemblée, des crédits soit extraordinaires, soit supplé-
mentaires purent être ouverts par arrêté du président de
la République, mais il fallait une délibération du conseil
des ministres et le contre-seing du ministre des finances,
sans préjudice de l'insertion des arrêtés au Bulletin des
lois. Les crédits devaient être régularisés dans la forme
suivante : 4^ s'il s'agit de crédits extraordinaires, les arrêtés
seront soumis à l'approbation de l'assemblée dans les dix
jours qui suivront l'expiration de la prorogation, sous
forme de projets de loi spéciaux avec l'indication des voies
et moyens affectés au payement de la dépense; 2*^ s'il
s'agit de crédits supplémentaires, mais seulement en ce qui
concerne les services votés, les arrêtés devaient être soumis
à l'approbation de l'assemblée en un seul projet de loi, au
plus tard dans le mois de décembre et toujours avec l'in-
dication des voies et moyens. De plus, la nomenclature
des services votés dut être imprimée chaque année dans la
loi de finances. On ne se borna pas à ces précautions. La
loi du 46 mai 4854 spécifia que tout projet de loi portant
demande de crédit supplémentaire ou extraordinaire impu-
table sur un ou plusieurs exercices devait être contresigné
par le ministre compétent et par le ministre des finances,
et que la présentation en serait faite comme annexe du
budget par le ministre des finances. Au cas où il ne pou-
vait être pourvu au payement de la dépense sur les res-
sources effectives de l'exercice, le projet devait mentionner
que le crédit était mis au compte de la dette flottante.
Vint l'Empire ; il fallut de nouveau mettre d'accord le
régime des crédits avec la constitution. La permanence de
l'Assemblée n'existant plus, on en revint à la procédure
suivie sous le gouvernement de Juillet (loi du 8 juil. 4852).
Mais bientôt le sénatus-consulte du 25 déc. 4852 mo-
difia profondément la situation. A l'avenir, le budget pré-
senté avec ses subdivisions administratives devait être
voté par ministère, un décret rendu en conseil d'Etat
devant régler la répartition par chapitre du crédit accordé
à chaque ministère. Le gouvernement pouvait opérer par
décrets des virements de crédits d'un chapitre à un autre.
Par suite, il ne devait plus se produire de crédits supplé-
mentaires qu'en des cas extrêmement rares. Seulement il
se trouva que le remède était pire que le mal. La Chambre
demanda elle-même dès 4854 le rétablissement des crédits
supplémentaires. Il fut opéré par la loi du 5 mai 4855 qui
décida que lorsque les crédits n'auraient pu être couverts
par des virements de chapitres les décrets qui les auront
autorisés seraient soumis à la sanction législative, savoir :
ceux relatifs aux crédits extraordinaires dans les deux
premiers mois de la session qui suivra l'ouverture desdits
crédits, et ceux relatifs aux crédits supplémentaires dans
les deux premiers mois de la session qui suivra la clôture
de chacun des exercices sur lesquels les suppléments auront
été accordés. Les suppléments en question ne pouvaient
être employés avant leur régularisation législative aux
virements de chapitres, eff'ectués en exécution de l'art. 42
du sénatus-consulte du 25 déc. 4852. Et comme ces
mêmes suppléments se produisaient trop fréquemment, on
chercha de nouvelles entraves à cette déplorable facilité
(décr. du 40 nov. 4856). On en revint à l'indication des
voies et moyens pour le payement des crédits demandés ;
on prescrivit que les virements seraient réservés pour
couvrir, après la première année de l'exercice par des
excédents réellement disponibles, les insuffisances d'allo-
cations reconnues. De plus, tous les décrets portant ouver-
ture de crédits supplémentaires et extraordinaires durant
l'intervalle des sessions du Corps législatif durent être
rendus en conseil d'Etat et il fallut par surcroît que le
conseil d'Etat communiquât les décrets au ministre des
finances qui donnerait son avis en prenant en considération
les crédits déjà ouverts et la situation des impôts et reve-
nus de l'Etat, comparativement aux prévisions du budget.
Chaque décret, comme jadis, dut être contresigné par le mi-
nistre compétent et par le ministre des finances. Le décret de
nov. 4856 eut le sort de toutes les autres mesures légis-
latives déjà prises. Il échoua dans la pratique. La Chambre
se plaignit de l'extension volontaire donnée à certaines
dépenses dont le principe avait été voté, de la création de
dépenses nouvelles, faibles au début, mais pouvant acqué-
rir par la suite des développements considérables ; de
— 304 —
CREDIT
l'ouverture de crédits à une époque très rapprochée du
commencement ou de la fin des sessions législatives, sans
que Fimpossibilité de les demander pendant la session fût
toujours parfaitement justifiée. On sait que ces plaintes
aboutirent au fameux mémoire de M. Fould (V. Corps
législatif), et par suite au sénatus-consulte du 34 déc.
4864 gui eut pour but de substituer au vote de budget
par ministère le vote par grandes sections, de conserver
au gouvernement le droit de virement entre tous les cha-
pitres d'un ministère et de supprimer la faculté d'ouvrir
par décrets, en l'absence du Corps législatif, des crédits
supplémentaires et extraordinaires. Ces crédits devaient
désormais faire l'objet d'une loi ; mais, comme un tel sys-
tème manquait naturellement d'élasticité, on admit la for-
mation en cours d'exercice d'un budget rectificatif. On ne
tarda cas à s'apercevoir que le droit de virement sans
réstriction ne diflérait en rien du droit d^ouvrir des crédits
extraordinaires dans l'intervalle des sessions. Les plaintes
se reproduisirent avec une nouvelle intensité, mais le
gouvernement se refusa à toute modification jusqu'en
4869, date à laquelle le sénatus-consulte du 8 sept, rendit
enfin au Corps législatif le droit de voter le budget par
chapitre. Cette réforme fut complétée par la loi du 27
sept. 4870 qui interdit complètement les virements sur les
crédits de la dette publique, l'augmentation par cette voie
des crédits alloués pour les traitements de personnel et des
fonds secrets, et proscrivit l'augmentation des crédits du
budget ordinaire par prélèvement sur les crédits du bud-
get extraordinaire. L'Empire tombé, il fallut de nouveau
adopter un système en harmonie avec les institutions
nouvelles et la permanence de l'Assemblée nationale. La
loi du 46 sept. 4874, après avoir supprimé le droit de
virement, donna au gouvernement la faculté d'ouvrir pen-
dant la prorogation de l'Assemblée des crédits supplé-
mentaires et extraordinaires, crédits qui devaient être sanc-
tionnés par le pouvoir législatif dans les quinze premiers
jours de sa prochaine réunion. Les décrets durent être
délibérés en conseil des ministres, et l'intervention du
conseil d'Etat fut nécessaire pour la fixation des crédits.
En somme, on faisait revivre les lois des 24 avr. 4833, 23
mai 4834, les dispositions non abrogées de la loi du 45
mai 4850 et celles du décret du 40 nov. 4856. On reprit
encore, le 42 août 4876, l'obligation imposée au ministre
des finances par la loi du 46 mai 1854, de réunir en un
seul projet de loi toutes les demandes de crédits supplé-
mentaires ou extraordinaires dont le besoin se ferait sentir
dans les divers services pendant l'intervalle d'un mois au
moins. Mais lorsque le Sénat et la Chambre des députés
par leur constitution eurent mis fin à l'existence de
l'Assemblée nationale, ces dispositions devinrent caduques.
Du 20 févr. 4876 au 46 mai 4877, les ministres se bor-
nèrent à solliciter des crédits préalables dans la forme
ordinaire, de manière à éviter, en l'absence des Chambres,
l'ouverture de crédits par décrets. Le ministère du 47 mai
ouvrit des crédits par décrets, non seulement en l'absence
des Chambres, mais alors même que la Chambre des députés
était dissoute. Une réglementation précise était nécessaire.
Grâce à M. Léon Say, la loi du 44 déc. 4879, encore en
vigueur aujourd'hui, établit la procédure à suivre pour les
crédits supplémentaires et extraordinaires. Désormais, il ne
put être accordé de crédits de cette nature qu'en vertu
d'une loi. Tout crédit extraordinaire dut formerun chapitre
particulier du budget de l'exercice pour lequel il a été
ouvert, à moins, en ce qui concerne les départements de la
guerre et de la marine, que le service ne se rattache d'une
manière indivisible à un chapitre déjà existant. Dans les
cas de prorogation des Chambres, des crédits supplémen-
taires et extraordinaires peuvent être ouverts provisoi-
rement par des décrets rendus en conseil d'Etat, après
avoir été délibérés et approuvés en conseil des ministres ;
ils doivent indiquer les voies et moyens affectés aux crédits
demandés, et être soumis à la sanction des Chambres dans
là première quinzaine de leur plus prochaine réunion.
Peuvent seuls donner lieu à ouverture de crédits supplé-
mentaires les services votés dont la nomenclature est
annexée chaque année à la loi de finances. Les crédits
extraordinaires qui ont pour objet la création d'un service
nouveau ne peuvent être ouverts par décret.
Créwts de droits. — Les législateurs ont jugé utile,
pour faciliter les opérations commerciales, de laisser aux
négociants la latitude d'ajourner le payement de certains
droits, perçus par l'administration des douanes et par celle
des contributions indirectes. Il est ainsi accordé des crédits
sous la garantie d'obligations cautionnées, à quatre mois
d'échéance et à deux mois seulement pour les sucres bruts
placés sous le régime de l'admission temporaire. En douane,
ils sont appHcables, lorsqu'il est dû plus de 600 fr., aux
droits d'importation de toute espèce de marchandises et,
à partir de 300 fr., pour la taxe de consommation des
sels. Dans les contributions indirectes, ils sont également
applicables à cette taxe, dans les localités où la perception
en est confiée à ce service, et, de plus, pour tous les acquit-
tements de 300 fr. au moins : à ceux sur le sucre indi-
gène ; sur les bières ; sur le papier filigrane et de mou-
lage, mais à Paris seulement ; sur les tabacs achetés pour
l'exportation, lorsque les marchés particuliers passés par
l'administration le permettent ; et enfin sur les allumettes,
les bougies, le papier, la dynamite, les huiles de schiste
et toutes autres huiles minérales, propres à l'éclairage, de
fabrication française. Autrefois les crédits accordés aux
redevables étaient la contre-partie de l'escompte dont
jouissaient ceux qui payaient comptant. Depuis la suppres-
sion de l'escompte par la loi du 45 févr. 4875, les obli-
gations souscrites pour jouir du crédit donnent lieu à un
intérêt de retard fixé par arrêtés du ministre des finances,
en vertu de cette loi. Il est payé en outre une remise d'un
tiers de franc par cent francs, destinée à couvrir le comp-
table et le Trésor des risques que la concession des crédits
fait courir. Les receveurs étant responsables des obligations
qu'ils reçoivent, sont juges de la vahdité des cautions. Il a
été reconnu par un arrêt de la cour de cassation, en date du
49 mai 4806, que l'autorité militaire n'avait pas à appré-
cier les refus de crédit. A. Trescâze.
IV. Économie rurale. — Crédit agricole. — Dans
le langage économique, le mot crédit comprend toutes les
opérations qui ont pour objet le prêt des capitaux, c.-à-d.
de faire passer les capitaux agricoles ou instruments de
production de la main de celui qui les possède et qui n'en fait
pas usage, dans la main de celui qui ne les possède pas et
qui veut les consacrer à la production. Le crédit est utile à
tous les travailleurs; il serait utile aux travailleurs des
champs comme aux travailleurs des villes; aussi a-t-on
cherché depuis fort longtemps à le mettre à leur disposi-
tion dans des conditions appropriées aux besoins -de leur
industrie. C'est là la question du crédit agricole, dont on
s'est surtout occupé dans ces dernières années. Toutefois,
cette question est très complexe, et les économistes sont
loin d'être d'accord en ce qui la concerne. Les uns sont
manifestement pour l'affirmatife, leurs vues ne diffèrent
que sur les moyens pratiques d'organiser le crédit; les
autres croient à la négative et sont de cet avis : qu'il n'y
a aucun besoin de mettre des capitaux à la disposition
des agriculteurs. Quoi qu'il en soit, et comme le fait
remarquer avec juste raison M. Ad. Billette, le crédit et
V emprunt sont deux choses très différentes : on pourrait
presque dire opposées. Le crédit doit donner aux agri-
culteurs le moyen de se procurer, en temps utile, tout
ce qui leur est nécessaire pour tirer le meilleur parti pos-
sible de leur industrie, contre l'engagement pris par eux
de payer plus tard avec les produits de cette industrie ; il
serait donc un puissant auxiliaire pour obtenir de bons
résultats. L'emprunt au contraire ne fait qu'augmenter les
charges de l'emprunteur sans améhorer sa culture, parce
que l'argent emprunté ne va presque jamais à la terre ;
l'expérience le prouve si bien qu'elle a donné naissance à
ce dicton qui est aujourd'hui un axiome : « Tout agricul-
CtlEDiT
— 302
teur qui emprunte est un homme qui se ruine. » Donc il
faut bien se garder de confondre le crédit avec l'emprunt,
et cela est important parce que cette confusion est si géné-
ralement enracinée dans les esprits que partout où Ton a
essayé d'organiser le crédit agricole, on a cherché unique-
ment des moyens de faciliter aux agriculteurs des emprunts
d'argent, en créant au profit des prêteurs des privilèges
nouveaux, pouvant grever certains objets mobiliers. Ce qui
revient à dire, d'après Fauteur précédemment cité, que,
pour facihter aux agriculteurs l'accès du crédit, on a pris
des mesures qui ne peuvent que l'éloigner d'eux ; car les
privilèges, quels qu'ils soient, sont les ennemis-nés du
crédit. Cette erreur est la principale cause du peu de
succès que l'on a obtenu jusqu'ici dans les différentes ten-
tatives qui ont été faites dans le but de mettre le véritable
crédit à la disposition des agriculteurs. Partout on a cher-
ché à organiser V emprunt^ et non le crédit^ ou, si l'on y a
songé, on a fait tout le contraire de ce qu'il fallait faire
pour réussir. On s'est dit : la valeur du mobilier est con-
sidérable; il y a là une ressource importante qui justifierait
l'octroi d'un large crédit à ceux qui en sont propriétaires.
Cela est incontestable ; mais, pour utiliser cette ressource,
on a cru, suivant la remarque de M. Billette, qu'il fallait
autoriser les agriculteurs à engager leur actif mobilier par
privilège au profit de leurs créanciers; c'est là qu'est
l'erreur. Sans doute, la constitution d'un privilège peut
faciliter un emprunt, mais il est de notoriété publique que
les emprunts d'argent profitent rarement à la production
agricole. Nous n'en voulons comme preuve que les divers
essais qui ont été tentés dans ce sens à plusieurs reprises
pour facihter l'emprunt aux agriculteurs; ceux-ci ont
généralement dédaigné les prêts de capitaux, toutes les
Fois qu'on a proposé de leur en faire. C'est ainsi qu'on a
essayé de doter l'agriculture du crédit dont dispose la
Banque de France. La loi du 28 juil. 1860 accorda le
patro^ge et le concours financier de l'Etat à une société
dite de Crédit agricole qui avait pour objet de servir
d'intermédiaire entre la Banque de France et les cultiva-
teurs en leur facilitant l'escompte de leur papier. Cette
société devait aussi ouvrir directement des crédits aux
cultivateurs ou leur faire des prêts à longue échéance. Son
capital, fixé primitivement à 20 millions, fut porté plus
tard à 40 milHons. Fondé et administré par les fondateurs
et les administrateurs du Crédit foncier (Y. ce mot), le
Crédit agricole, malgré toutes les faveurs dont il fut entouré,
ne put réussir à utiliser son capital dans les opérations
qui lui étaient propres. « En ce qui concerne les prêts à
l'agriculture, les difficultés ont été grandes et les déceptions
nombreuses. » Ainsi s'exprime le directeur de la société
dans l'un de ses rapports sur la liquidation de cette affaire,
et il ajoute que, n'ayant pu triompher de ces difficultés, la
société du Crédit agricole « a été amenée à chercher ses
moyens d'existence, ses bénéfices et une certaine compen-
sation aux pertes que lui ont fait éprouver les opérations
agricoles, dans des opérations de banque et de participa-
tions financières, pour lesquelles elle a sollicité des crédits
que lui a ouverts le Crédit foncier». Ainsi engagée dans des
spéculations étrangères à son but, la société du Crédit
agricole ne tarda pas à sombrer et faillit même, en 1870,
fait remarquer M. P.-C. Dubost, entraîner le Crédit foncier
dans sa chute. On a fait grand bruit, il y a quelques années,
de quelques escomptes faits par la Banque de France, du
papier souscrit par les engraisseurs de la Nièvre. Il y a eu
là incontestablement des services rendus par la Banque de
France à un certain nombre d' engraisseurs, qui n'auraient
pu, sans cela, trouver les capitaux nécessaires pour faire
sur une grande échelle les opérations d'engraissement.
Une autre société s'était aussi formée, sous le nom de
Crédit rurale vers les dernières années de l'Empire, pour
faire aux cultivateurs des prêts sur nantissements de
récoltes, de bestiaux, ainsi que des différents objets mobi-
liers garnissant l'exploitation. Son capital était de 20 millions
entièrement fournis par des souscripteurs privés, et sans
aucune garantie de l'Etat; Cette société n*eut aussi qu^une
durée éphémère, et elle sombra par l'effet des mêmes
causes que le Crédit agricole. Faute d'opérations à faire
avec l'agriculture, elle s'était lancée dans la spéculation
pour chercher un emploi quelconque de son capital. Donc,
nous le répétons, l'emprunt n'a pas réussi, et quoique
nous soyons un peu de cet avis que l'agriculture n'a pas,
autant qu'on veut bien le dire, un besoin urgent de capi-
taux, nous croyons néanmoins qu'il y a quelque chose à
tenter en faveur du crédit proprement dit. Le crédit est
une affaire de confiance, et cette confiance, basée sur la
bonne renommée de celui gui demande crédit, est limitée,
quant à son étendue, à l'importance des ressources dont
paraît disposer le débiteur. Il est donc certain que lactif
mobilier d'un agriculteur doit contribuer pour beaucoup à
lui faire obtenir le crédit, mais c'est à la condition qu'il
reste le gage commun de tous ses créanciers. Autrement,
si le débiteur peut conférer un droit de préférence sur son
avoir mobilier à un ou plusieurs de ses créanciers, qui-
conque ne sera pas nanti de ce droit de préférence sera
mis en défiance. Voilà comment, suivant M. Billette, en
donnant aux agriculteurs la faculté de constituer des pri-
vilèges sur leur actif mobilier pour leur faciliter des
emprunts, qui leur sont presque toujours funestes, on
détruit la confiance sans laquelle ils ne peuvent obtenir le
crédit qui leur serait toujours utile. Donc, si l'on veut
utiliser, au point de vue du crédit, les ressources impor-
tantes que présente le mobilier agricole, il faut bien se
garder d'autoriser les constitutions de privilèges excep-
tionnels sur ce mobilier. Il n'y a qu'une chose à faire :
facihter aux fournisseurs Vescompte des billets à ordre
qu'ils recevront de leur clientèle rurale en règlement de
leurs factures. C'est par ce moyen que l'on pourra .mettre
le crédit à la portée des agriculteurs. Car, que l'on ne s'y
trompe pas, ce sont les fournisseurs et eux seuls qui sont
les dispensateurs du crédit nécessaire aux travailleurs. Les
escompteurs, depuis le plus petit jusqu'au plus gros, qui
est la Banque de France, ne font qu'acheter les' créances
des fournisseurs, en se faisant donner la garantie solidaire
de ceux-ci. Donc, le crédit, dans une certaine mesure,
serait évidemment utile aux agriculteurs si l'on parvenait à
leur en faciliter l'usage dans de bonnes conditions. Ce sont
ces bonnes conditions qu'on cherche depuis quelques
années, et la question est loin d'être aussi simple qu'elle
le paraît au premier abord, car il y a quatre objections,
plus ou moins valables, il est vrai, mais qui n'en constituent
pas moins un écueil. Ces objections, M. Léon Say les a
présentées au Congrès d'agriculture, sans toutefois con-
clure à la négative. Ce sont les suivantes : 1^ Les agricul-
teurs n'ont pas le culte de l'échéance; ils n'ont pas les
habitudes de régularité qui sont nécessaires pour faire un
bon usage du crédit, tel qu'il existe dans le commerce et
l'industrie. Ajoutons néanmoins que cette objection perd de
plus en plus de sa valeur, étant donnés les progrès de l'ins-
truction et surtout de renseignement agricole. 2** Il leur
serait difficile d'obtenir les trois signatures qui sont néces-
saires pour qu'un billet à ordre puisse entrer réguhèrement
dans la circulation commerciale, c.-à-d. soit banquable.
3» En admettant qu'ils puissent se procurer ces trois signa-
tures, pourraient-ils en tirer quelque profit? Remarquons
également que ces deux dernières objections s'appliquent
plutôt à l'emprunt qu'au véritable crédit. 4^ Enfin, il est
généralement admis que, pour être bien à la portée des
agriculteurs, le crédit devrait leur être accordé dans des con-
ditions différentes de celles qui sont faites au commerce et
à l'industrie, parce que l'agriculture ne récoltant qu'une
fois par an le produit de son travail ne peut pas se con-
tenter du terme de quatre-vingt-dix jours en usage dans le
commerce. Il faudrait donc, et cette objection est la plus
sérieuse, des institutions de crédit spéciales pour l'agri-
culture. Il y a là une difficulté réelle, et c'est surtout à
cause d'elle que la réahsation pratique du crédit agricole
n'a encore pu recevoir de solution jusqu'à ce jour ; lorsqu'on
- SOS -
CREDIT
sera parvenu à la surmonter, le crédit agricole ne sera
plus qu'une affaire assez simple à organiser; mais il ne
rendra pas des services d'une importance telle que certains
économistes le prétendent, cai' les cultivateurs placés dans
des conditions ordinaires (et nous ne parlons pas ici de
ceux qui ont une industrie annexe, telle que sucrerie, dis-
tillerie, fromagerie, etc.), ces cultivateurs, disons-nous,
ont mieux à faire que de chercher des avances d'argent.
C'est de borner leurs opérations au capital dont ils dis-
posent ; l'évolution de la culture dans l'ordre du colonage
partiaire, du métayage et du fermage, surtout provoquée
par la rareté ou l'abondance des capitaux, en est la meilleure
preuve.
Cependant, il est un mode de crédit agricole qui actuel-
lement est tout à fait pratique et qui fonctionne d'ailleurs
avec un plein succès dans les îles de la Manche, notam-
ment à Jersey. Ce système pourrait rendre de grands services.
C'est l'émission de petites coupures payables au porteur
et à vue, comme les billets de la Banque de France. Il
s'agirait d'imiter sur une petite échelle, et en vue de
travaux bien définis et nettement limités, le mode de fonc-
tionnement de la Banque de France, en ce qui concerne la
circulation de ses billets, ^oicï à ce sujet l'exemple que
cite M. P.-C. Dubost, professeur d'économie rurale à
l'Ecole d'agriculture de Grignon : Soit un syndicat d'irri-
gateurs ayant à faire des travaux pour 300,000 fr. Une
encaisse de 100,000 fr. suffirait pour faire face au rem-
boursement d'une émission égale au montant des travaux.
Les billets de cette émission seraient donnés en payement
aux entrepreneurs et aux fournisseurs. On en assurerait
facilement la circulation sous forme de petites coupures de
20 fr. Cette circulation ne s'étendrait jamais au loin, car, en
pareil cas, les membres de l'association syndicale auraient
tout intérêt à accepter et à placer ces coupures comme
monnaie; mais il suffirait qu'elle eût lieu dans un rayon
peu étendu pour constituer une forme de crédit des plus
avantageuses. L'intérêt de l'encaisse destinée à faire face
au remboursement des coupures se répartirait sur le
montant de l'émission; ce serait à peine 2 **/o. En y ajou-
tant quelques frais d'administration, on arriverait peut-être
à 3 <*/o. Avec les emprunts contractés à la Caisse des dépôts
et consignations, ou par voie de souscription locale, les
associations syndicales ne réussissent pas à se procurer
des capitaux à un taux inférieur à 5 %. Beaucoup d'en-
treprises qui sont difficiles dans l'état actuel des choses
deviendraient facilement réalisables si la charge de l'intérêt
se réduisait à une pareille proportion. Il y a quelques
années, la ville de Saint-Hélier avait mis plusieurs émis-
sions en cours, et elle ne payait pas au delà de 2 1/2 °/o
au banquier qui avait la charge d'assurer les rembourse-
ments. Ce mode de crédit ne porterait en rien atteinte au
privilège de la Banque de France, car il ne s'agirait ici
que d'émissions locales limitées à un petit rayon et n'ayant
qu'une importance minime ; d'ailleurs, rien ne serait plus
facile que de fixer un maximum. A Jersey, c'est surtout
pour les entreprises d'assainissement, de création de che-
mins, etc., que ce mode de crédit est appliqué. Mais il
faut ajouter que, pour organiser ce crédit en France, la loi
sur les associations syndicales devrait être remaniée, sur-
tout en ce qui concerne la responsabilité des intéressés et
les formantes de procédure à suivre pour arriver à l'expro-
priation immobilière en cas de faillite (V. Syndicat agri-
cole, Comptabilité agricole). Albert Larbalétrier.
BiBL. : Crédits de droits. — Traité pratique des
douanes et Dict. gén. des contrih. indir.
CRÉDIT FONCIER. L Historique. — Origines. —
Anciennes sociétés de crédit foncier en Allemagne.
C'est en Allemagne que les premières sociétés de crédit
foncier ont été fondées. C'était après la guerre de Sept
ans; dans certaines provinces, en Silésie particulièrement,
les propriétaires avaient été ruinés et se trouvaient dans
l'impossibilité de tenir leurs engagements; alors qu'ils
avaient le plus besoin de crédit, ils n'en pouvaient obtenir
faute d'un gage solide à ofi'rir aux capitalistes. Dans ces
circonstances, un négociant de Berlin du nom de Bûring,
imagina un mode d'association entre propriétaires qui
fut encouragé par Frédéric II et qui devait donner les plus
heureux résultais. Ces associés s'engageaient solidairement
les uns pour les autres, lorsque l'un d'eux empruntait. En
outre, la société poursuivait elle-même l'emprunteur en
retard, l'expropriait sommairement et payait au besoin le
découvert qui pouvait exister. Cet ensemble de garanties
donnait au créancier toute la sécurité désirable et per-
mettait d'obtenir de lui des conditions avantageuses. Pour
la réalisation du prêt, l'association délivrait à ses mem-
bres des engagements ou obligations souscrits par elle,
et obligeant dans une certaine mesure tous les associés sans
que le montant de ces engagements dépassât jamais la
moitié de la valeur des immeubles offerts en garantie. Ces
engagements divisés en petites sommes, et sous forme de
titres transmissibles au porteur, étaient négociés par l'em-
prunteur, qui obtenait ainsi l'argent dont il avait besoin.
Ces obligations prirent le nom de Pfandbriefe ou lettres
de gage. La première société d'emprunteurs fut constituée
en Silésie en 1770; elle reçut 300,000 écus de Prusse, ce
qui représentait une somme de 1,125,000 fr. D'autres
se formèrent sur le modèle de la précédente, ou avec
de légères modifications, dans toutes les provinces du
royaume, et même en Pologne. Il en résulta presque aus-
sitôt une révolution économique qu'il est bon de noter. En
Allemagne, les biens des paysans étaient grevés, au profit
des seigneurs, d'une foule de charges féodales, réelles et
personnelles. La faculté introduite par les sociétés de
crédit foncier de se libérer par annuités permit aux petits
propriétaires de racheter ces charges et de s'affranchir du
pouvoir du seigneur. Cette émancipation, produite par le
nouveau système financier mis à la portée de tous, n'a
pas peu contribué au progrès de l'agriculture allemande.
Le fonctionnement de ces institutions si utiles fixa l'atten-
tion de quelques publicistes.
Louis Wolowski, qui s'était déjà fait connaître par des
études de législation et d'économie politique, adressa, en
1838, à l'Académie des sciences morales un très intéres-
sant mémoire sur les associations de crédit foncier d'Alle-
. magne. Ce mémoire fut accueilli avec faveur. Il devint
l'objet de commentaires élogieux de la part d'hommes
comme Troplong et Rossi, et contribua à la vulgarisation
de ce mode de crédit dans le pubhc. Quelques années
après, en 1845, le gouvernement réunit un congrès agri-
cole, composé de grands propriétaires, d'agriculteurs et de
jurisconsultes. L'agriculture était dans le marasme; elle se
plaignait de manquer de capitaux et de payer des intérêts
trop élevés, elle demandait qu'on vînt à son aide. La ques-
tion du crédit à l'agriculture fut longuement débattue
dans ce congrès. M. Darblay, rapporteur, proposa à l'as-
semblée les résolutions suivantes, qui avaient été rédigées
par Wolowski, l'un des membres les plus actifs du con-
grès : « Le congrès émet le vœu quant au crédit foncier :
1<* qu'il soit procédé à la réforme de notre régime hypo-
thécaire, en vue de porter plus exactement à la connais-
sance des prêteurs sur hypothèque l'état véritable du gage
qui leur est offert et des charges de toute nature qui pour-
raient le grever ; 2° que cette réforme conduise à une
organisation qui fonctionne par la création d'un intermé-
diaire entre les prêteurs et les propriétaires, et que cet
intermédiaire soit ou l'Etat, ou une association de pro-
priétaires ou une banque agricole. Quant au crédit agricole :
1^ qu'une réforme du titre des privilèges (C. civ., art. 2102)
ait heu dans le but d'éviter que le gage du prêteur soit
compromis par la durée très prolongée du privilège du
propriétaire ; 2° que des modifications soient introduites sur
les conditions des baux qui garantissent au fermier, à l'ex-
piration de son bail, soit une indemnité pour les améliora-
tions foncières par lui introduites, soit la continuation de
ses jouissances, que des institutions de crédit agricole
soient organisées. »
CREDIT
— 304 —
Les rédacteurs de ces articles s'appliquèrent surtout à
démontrer ceci : au point de vue des emprunteurs, abaisser
autant que possible le taux de l'intérêt et faciliter le rem-
boursement du capital; au point de vue des prêteurs,
assurer la créance, lui donner une telle mobilité qu'elle
puisse se subdiviser en coupures pouvant être transmises
facilement et recouvrées sûrement sans risques et sans
frais. Le plan général de ce qui devait être plus tard le
Crédit foncier était trouvé ; il était contenu dans ces propo-
sitions que l'on vient de lire. Elles furent adoptées par le
congrès. Mais pour passer de la conception à la pratique
il fallut encore plusieurs années de discussions et de ten-
tatives de toutes sortes. M. Dupin lui-même ne disait-il
pas en plein congrès : « Quant au régime hypothécaire,
je doute qu'on parvienne à faire quelque chose de mieux
que ce qui existe » ? Et cependant, on a notablement mo-
difié ce régime et par la loi de 4855 sur les transcriptions,
ainsi qu'il a été dit plus haut, et par la législation parti-
culière du Crédit foncier, et personne ne s'en plaint. C'est
surtout pour trouver le moyen financier de créer les capi-
taux à prêter à l'agriculture que les esprits s'agitèrent le
plus. La proclamation de la République de i 848 fit croire un
instant qu'on allait résoudre tous les problèmes concernant
le travail. En matière de crédit foncier et de crédit agri-
cole, on vit se produire les projets les plus fantastiques.
Dans tout cela il y avait plus de sentiment que de froide
raison, et si nous croyons devoir rappeler quelques-unes
des combinaisons qui turent proposées, c'est pour montrer
ce qu'elles ont de chimérique à ceux qui essayent de les
recommander encore quelquefois aujourd'hui.
Projets de crédit fonder avec le papier-monnaie,
La plupart de ces projets reposaient sur la création du
papier-monnaie ; on se mettait à faire de la monnaie à
volonté. Ainsi, un auteur écrivait : « Il s'agirait d'établir,
sous les auspices de l'Etat, un grand étabhssement finan-
cier à l'instar de la Banque de France, lequel serait auto-
risé à émettre des billets garantis par des immeubles. Les
billets qu'il donnerait aux propriétaires fonciers qui
auraient recours à lui seraient représentés par la valeur
des immeubles sur lesquels il aurait hypothèque. Ces
billets ainsi garantis et représentés auraient cours-forcé et
seraient admis dans tous les payements comme les billets
de la Banque de France... Nul doute que les possesseurs'
du sol ne se présentassent en foule pour profiter des
avantages qui leur seraient offerts, si, comme je le propose,
l'intérêt était fixé à 3 1/4 ^o? dont 2 <>/o au profit du
Trésor, ^ /4 ^/o pour frais d'administration et 1 «/^ destiné
à l'amortissement. » On supposait gu'il était possible de
créer de cette manière pour 40 milliards de billets, qui
donneraient un revenu annuel de 200 millions au Trésor.
Dans le même ordre d'idées, un projet fut présenté, au
nom du comité d'agriculture, à l'Assemblée nationale, ten-
tant à la création immédiate de 2 milliards de billets hypo-
thécaires ayant cours forcé. Ces 2 milliards seraient
répartis entre tous les départements au prorata de leurs
contributions foncières. L'Etat, disait-on, qui jusqu'à
présent s'est créé des ressources en empruntant, c.-à-d. en
augmentant progressivement la dette publique, se ferait
désormais prêteur, et s'assurerait par ce moyen un revenu
qui ne coûterait rien puisqu'il ne serait que la représen-
tation de l'intérêt payé par les propriétaires qui auraient
recours au crédit hypothécaire ouvert sur le trésor public.
M. Goudchaux, ministre des finances de la jeune Répu-
blique, combattit, comme il fallait s'y attendre d'un finan-
cier aussi intelhgent, cette proposition, et la fit rejeter par
FAssemblée. C'est une chose surprenante comme les mêmes
erreurs s'emparent des esprits à des époques différentes.
On dirait d'une maladie chronique. Au commencement du
xvm^ siècle, Lavv avait grisé toute une génération avec ce
mirage du papier-monnaie, garanti par le sol, et multi-
pliant à l'infini la fortune publique et privée. Je ne parle
pas des assignats dont la création et la chute doivent être
attribuées à des causes multiples. En 4848, il semblait
également à beaucoup de personnes qu'il n'y avait qu'à
imprimer des billets dits hypothécaires pour enrichir l'Etat
et les particuliers. Evidemment, il y avait confusion entre
le capital acquis, échangeable, qui constitue exclusivement
la richesse d'une nation, et le signe de l'échange. Expli-
quons-nous bien sur ce point. Pour qu'un billet de banque
circule sans perte, il faut qu'il puisse être converti à tout
moment en argent.
_ La monnaie, or ou argent, est le signe de la richesse,
si l'on veut, mais un signe qui n'est pas trompeur, parce
que, comme l'a si bien dit Michel Chevalier, elle est en
même temps un équivalent et une mesure^ c.-à-d. que
cette monnaie emporte avec elle-même sa valeur. De toutes
les machandises, il n'y a que la monnaie d'or ou d'ar-
gent qui possède cette double quahté. Voilà pourquoi les
banques bien administrées, qui émettent des billets ont
adopté pour règle d'avoir toujours une encaisse métallique
s'élevant au moins à la moitié de la circulation fiduciaire.
On sait dans quelles limites étroites a été enfermée par
VAct de 4B44 la Banque d'Angleterre en ce qui concerne
la proportion de ses billets et de son encaisse. Les mêmes
traditions sont en vigueur à la Banque de France. Ces
traditions sont très anciennes, comme Findique le fait sui-
vant : quelque temps après sa fondation, la Banque ayant
accumulé dans ses caisses des obligations de receveurs
généraux, vit accourir à ses guichets les porteurs de ses
billets pour en demander le remboursement. Une panique
s'ensuivit ; la Banque demanda le cours forcé. Napoléon
écrivit d'Elchingen : « Il faut que la Banque échange ses
billets contre de l'argent à bureau ouvert ou qu'elle ferme
ses bureaux, si elle manque d'argent. Quant à moi, je ne
veux pas de papier-monnaie. »
L'erreur des réformateurs financiers agricoles qui pro-
posaient des billets hypothécaires était de croire qu'il
suffit de créer un billet, qui n'est qu'un signe, pour créer
de la richesse, ce billet fût-il représenté par des immeu-
bles. Cette représentation doit être en monnaie courante.
C'est cette monnaie que réclameront les porteurs à la
moindre crise, et le cours forcé ne serait d'aucune uti-
lité ; il ne ferait que précipiter la dépréciation du billet.
La faculté d'émettre ces billets hypothécaires pourrait
avoir d'autres conséquences : elle pourrait amener la
hausse des prix de toutes choses et cela sans augmenter
d'une once la quantité des produits utiles. Il doit exister
une proportion déterminée entre le numéraire d'un pays,
espèces ou billets, et les choses utiles en voie de circula-
tion par l'échange. Sans le secours d'un travail préexis-
tant, les écus, à plus forte raison les billets, sont inca-
pables de rien produire. Que l'on imagine, comme le
proposait Fauteur dont nous venons de parler, une cir-
culation de 40 milliards en billets, est-ce qu'il n'y aurait
pas dans la suite un renchérissement considérable sur
toutes choses, non seulement sur le prix des marchandises,
mais aussi sur les salaires ? La valeur de la monnaie dimi-
nuerait. « On peut multiplier la somme des unités monétaires
de tout un pays, a dit J.-B. Say dans une de ses leçons,
mais tous les engagements peuvent en être affectés, car ils
sont stipulés en monnaie. Ainsi, le numéraire d'un pays
tel que la France étant évalué à 2 milliards de francs,
si une ou plusieurs compagnies le doublent par leurs
billets, il sera porté à 4 milliards nominalement ; mais
comme les 4 milliards ne vaudront toujours en somme
que ce que valent aujourd'hui les 2 milliards, chaque
franc ne vaudra plus que dix sous, les loyers des maisons
et des terres ne rapporteront plus aux propriétaires le même
revenu qu'ils y trouvaient; si j'ai prêté une somme, Fin-
térêt qu'on me payera, bien que nominalement le mème^
sera loin d'avoir la même valeur ; le gouvernement qui
doit 200,000 millions de rente les acquittera avec la
valeur de 100 milhons; mais aussi, au lieu de toucher des
impôts pour une valeur de 900 millions, ce qu'il recevra
des contribuables ne vaudra plus que 450 millions. »
Les idées vagues et dangereuses des auteurs des pro-
- aos -
CRÉDIT
positions de 1848 retrouvent encore quelquefois des
adeptes. Dans ces dernières années, un député de l'Orne,
mort aujourd'hui, a présenté aux Chambres un projet de
loi ayant pour but de créer des espèces de cédules hypo-
thécaires garanties par TEtat et portant intérêt. Ce projet
ne fut pas pris en considération.
Projet de M, Wolowsfd, de M. J.-B. Dumas et de
M, Josseau. Ceux qui, avec Wolowski, poursuivaient scien-
tifiquement la réalisation d'un véritable crédit foncier com-
prenaient que l'obligation hypothécaire ne doit pas être un
signe d'échange, c.-à-d. un billet destiné à circuler comme
de la monnaie. L'obligation ne peut être que la promesse
d'une somme à payer à une échéance déterminée et avec
intérêt, tout comme un titre de placement ou un acte de
prêt. Rendre ce titre accessible aux plus petites bourses et
aussi facilement transmissible que possible, c'est ce qu'il y
avait uniquement à rechercher. Plusieurs groupes d'hommes
compétents s'étaient formés dans la Chambre et en dehors de
la Chambre pour faire aboutir un projet de ce genre depuis
si longtemps en élaboration. On rencontrait des résistances.
M. Thiers, qui avait été opposé en 1840 à l'établissement
des chemins de fer, combattit également l'idée d'un crédit
foncier en France, comme contraire à notre système
hypothécaire et à nos mœurs. Cet esprit, si clairvoyant
en politique, avait horreur de tout ce qui avait l'appa-
rence de la nouveauté dans les simples questions d'affaires.
Cependant, M. Dumas, ministre de l'agriculture et du
commerce, confia, en 1851, à M. J.-B. Josseau le soin de
réunir des documents officiels sur le fonctionnement des
sociétés allemandes et de faire un rapport. En même
temps, une commission parlementaire fut chargée d'exami-
ner les propositions qui avaient été soumises à l'Assemblée
législative par M. Wolowski et par plusieurs autres
députés ; la question avançait peu à peu. Le travail de
M. Josseau, remarquable par la quantité des matériaux
qu'il renferme et par les vues qu'il expose, est le tableau
le plus complet de l'état de la question à cette époque.
M. Josseau prit d'ailleurs une si large part au travail des
commissions et aux enquêtes qui eurent lieu, qu'on peut
le considérer comme l'un des fondateurs du crédit foncier.
La commission législative élabora, de son côté, un pro-
jet, et son rapporteur, M. Chégaray, le fit précéder d'une
étude qu'on lit encore 'avec beaucoup d'intérêt. Dans les
deux projets, le principe de l'association était admis comme
base de l'organisation du crédit foncier. Tous deux étaient
à peu près d'accord sur les règles auxquelles ils assujet-
tissaient les sociétés autorisées et sur les privilèges qu'ils
jugeaient indispensable de leur accorder. Mais ils différaient
en deux points essentiels : 1^ le projet du gouvernement,
pour favoriser la formation etassurer le crédit des sociétés,
plaçait les obligations par elles émises sous la garantie,
jusqu'à concurrence des deux tiers, de l'Etat et du dépar-
tement; la commission législative, comme le conseil d'Etat
lui-même, avait repoussé le principe de cette garantie;
2° le gouvernement n'avait pas limité le nombre des for-
mes sous lesquelles les sociétés pourraient se produire. Il
avait laissé à l'intérêt particulier une complète initiative;
il s'en était rapporté à lui du soin d'adapter aux diverses
localités les combinaisons les plus convenables à chacune
d'elles. Au contraire, la commission législative, saisie de
trois propositions, avait cru devoir borner à trois espèces
de sociétés les établissements susceptibles d'être autorisés.
« Les autorisations dont il vient d'être parlé, dit l'ar-
ticle I®^ de son projet, pourront s'appliquer : 1^ à des
agences de vérification et de garantie du crédit immobilier
(proposition Wolowski, société d'emprunteurs) ; 2° à des
caisses de garantie et de prêts immobiliers (proposition
Loyer, société de prêteurs) ; 3^ à des banques de crédit
immobiher (proposition Martin [du Loiret] , système fidu-
ciaire). »
Décret du 28 févr. i852 et fondation d'une banque
foncière. Mais avant que l'Assemblée nationale ait eu le
temps de se prononcer, le gouvernement autorisa par le
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
décret-loi du 28 févr. 1852 la création de sociétés de
crédit foncier. Ce décret n'institue pas une société en par-
ticulier, mais il facilite l'établissement de sociétés de crédit
foncier ayant pour but de fournir aux propriétaires d'im-
meubles, qui voudraient emprunter sur hypothèque, la
possibihté de se libérer au moyen d'annuités à long terme.
11 laissait à l'initiative privée le soin d'organiser ces
sociétés sous la surveillance de l'Etat sur les bases suivantes :
La société de crédit foncier devait servir d'intermédiaire
entre les propriétaires et les capitalistes. Aux propriétaires,
elle consentirait des prêts à long terme remboursables par
annuités ; aux capitalistes, elle offrirait ses lettres de gage
ou obligations, productives d'intérêt, transmissibles et
garanties par hypothèque. La fonction de cet intermédiaire
devait consister à vérifier la valeur de la propriété foncière
offerte en gage, à émettre les obligations, à recevoir l'an-
nuité due par les emprunteurs et à servir l'intérêt annuel
aux porteurs d'obligations. Quelques semaines après la
promulgation de ce décret, une grande société, à la tète de
laquelle se trouvaient les noms les plus considérables de
la finance et de l'administration, se fondait à Paris, au
capital de 25 millions, sur l'initiative de M. Wolowski,
qui en fut le premier directeur. Elle fut autorisée par le
décret du 28 mars 1852 et prit le titre de Banque fon-
cière de Paris. Son privilège avait une durée de vingt-
cinq ans et lui donnait le droit exclusif d'opérer dans le
ressort de la cour d'appel de Paris. On a dit que le but
exclusif du crédit foncier avait été de substituer ses prêts
à la dette hypothécaire qui était alors de 14 railhards. C'eût
été une chimère; l'objet principal de cette institution était
d'amener l'abaissement du taux de l'intérêt qui s'élevait
en moyenne à 9 ^/q, d'après le projet de loi de M. J.-B.
Dumas. Ce résultat a été certainement obtenu.
Fusion des différentes sociétés de crédit foncier.
Deux autres sociétés, celles de Marseille et de Nevers,
fondées sur les mêmes bases et comprenant chacune trois
départements, furent autorisées à peu près à la même
époque. On se préparait à étaWir des institutions du même
genre dans plusieurs grandes villes. Mais on ne tarda pas
à apercevoir le danger de la multiplicité de ces banques,
au point de vue de leur crédit et spécialement de l'émis-
sion de leurs lettres de gage. Le système de la pluralité
des banques a réussi dans certains pays ; il a réussi en
Ecosse et aux Etats-Unis, mais en France il n'a aucune
chance de succès. La Banque de France, avec son privilège,
son monopole et son incomparable crédit, a rendu à notre
pays, surtout pendant nos désastres, de si grands services
qu'on peut se demander s'il eût été possible d'obtenir les
mêmes résultats d'un système différent. Pareillement, en
matière de crédit foncier, une seule société émettant des
obligations placera bien plus facilement ses titres et ga-
gnera bien mieux la confiance du public que ne pour-
raient le faire plusieurs institutions se faisant concurrence
les unes aux autres. « Il faut, dit M. Victor Borie, ouvrir
un marché à ces obligations ; or la plurahté des titres émis
se nuisant les uns aux autres, troublant l'esprit des ache-
teurs, rend ce marché impossible. Que voulez-vous qu'on
fasse de sept obligations hypothécaires, provenant de
sept institutions diverses, ayant toutes une forme diffé-
rente et toutes d'une vente diflficile parce qu'elles n'offrent
pas un vaste marché aux transactions ? » L'illusion des
premiers jours ne dura pas longtemps ; on comprit qu'il
serait plus avantageux de réunir les diverses sociétés en
une seule. Une convention conclue entre le ministre de l'in-
térieur et la Banque foncière de Paris, approuvée par décret
du 10 déc. 1852, étendit le privilège de cette banque à tous
les départements où il n'existait pas de crédit foncier,
l'autorisa à s'incorporer celles de Nevers et de Marseille
et en fit, sous le titre du Crédit foncier de France, une
véritable banque nationale de la propriété immobilière. A
partir de ce moment, l'histoire du crédit foncier dans
notre pays se confond avec celle de cette grande institu-
tion. Le capital de la société fut porté à 60 milHons, dont
20
CREDIT
306
la moitié devait être immédiatement souscrite. En échange
de la haute situation qui était faite à la société, on lui
fit prendre l'engagement de prêter sur hypothèque jusqu'à
concurrence de 200 millions de francs, à raison d'une
annuité de 5 % comprenaut l'intérêt, l'amortissement, les
frais d'administration et éteignant la dette en cinquante
ans. Le gouvernement, en imposant cette obligation, mé-
connaissait une vérité élémentaire, c'est qu'il n'est au
pouvoir de personne de fixer le cours naturel du prix
des capitaux. Pour exécuter ses engagements, la société
émit un emprunt de 200 millions en obligations do
1,000 fr., remboursables avec lots et primes, mais les
événements politiques avaient modifié dans l'intervalle la
situation du marché ; l'emprunt n'eut qu'un succès incom-
plet et l'on fut amené à changer le taux des prêts à effec-
tuer. Au taux fixe de 5 °/o, amortissement et commission
compris, on substitua une échelle mobile calculée sur le
cours moyen de la rente 3 %.
n. Organisation et administration (décrets du 24 juin
et du 6 juil. 48S4'). — Au mois d'avril 1834, le montant
des prêts s'élevait déjà à 50 millions. L'importance qu'avait
prise l'établissement, le préjugé qui veut qu'en France
toute institution sérieuse soit placée sous la surveillance
de l'Etat, et ce préjugé dure toujours ; d'autres raisons
encore firent penser qu'il fallait renouveler l'organisation
du Crédit foncier dans le sens de la centralisation, sous la
surveillance de l'Etat. Cette transformation eut lieu par le
décret du 24 juin 1854. Un autre décret du 6 juih de la
même année, réorganisant la société sur les bases nou-
velles, en confia l'administration à un gouverneur et à
deux sous-gouverneurs, par analogie avec la Banque de
France. M. Wolowski, qui était directeur de la société
depuis l'origine, résigna ses fonctions à la suite de ces
changements. La date de ce décret est une date marquante
dans l'histoire du Crédit foncier ; elle ouvre une période
nouvelle. Le Crédit foncier devient une sorte de banque
nationale de la propriété immobilière. La société avait
été placée au début sous la surveillance du ministre de l'in-
térieur, de l'agriculture et du commerce ainsi que du mi-
nistre des finances ; elle se trouva, aux termes du décret
du 6 juil. 1834, sous l'autorité exclusive du ministre des
finances, tout comme la Banque de France. C'est le gou-
verneur, assisté des deux sous-gouverneurs, qui représente
l'Etat dans l'administration de la société.
En ce moment, cette administration est exercée par :
1° un gouverneur nommé par le chef de l'Etat et deux
sous-gouverneurs également nommés par le président de
la République ; les gouverneurs sont les représentants du
gouvernement; ils remplacent au Crédit foncier les com-
missaires qui, à l'origine de la société, étaient chargés de
surveiller ses opérations, alors que la gestion était confiée
à un directeur nommé par les actionnaires ; 2^ un conseil
d'administration nommé par l'assemblée générale des ac-
tionnaires ; 3^^ des censeurs également nommés par l'as-
semblée générale ; 4^ enfin, l'assemblée générale elle-même.
Le gouverneur nomme et révoque les agents et pourvoit
à l'organisation des services à Paris et dans les départe-^
ments. Il signe la correspondance, fait le recouvrement des
sommes dues à la société, signe toutes les quittances, avec
ou sans mainlevée, etc. Il fait tous actes conservatoires,
représente la société vis-à-vis des tiers et exerce les actions
judiciaires, tant en demandant qu'en défendant. Il signe
les titres d'action et vise les obligations ou lettres de gage.
îl a un droit de veto sur les délibérations du conseil d'ad-
ministration. Il a même ce droit de veto sur les délibé-
rations de l'assemblée générale (cous. d'Etat, arr. du
31 mars 1882). Les deux sous-gouverneurs remplissent
les fonctions qui leur sont déléguées par le gouverneur et
dans l'ordre de leur nomination, celles du gouverneur en
cas d'absence, vacance ou maladie. Avant d'entrer en fonc-
tions, le gouverneur doit justifier de la propriété de deux
cents actions du Crédit toncier de France, et chacun des
sous-gouverneurs de la propriété de cent actions. Ces
actions demeurent affectées par privilège à la garantie de
leur gestion. Elles sont inaliénables pendant la durée de
leurs fonctions. Le gouverneur reçoit de la société un
traitement annuel de 40,000 fr. ; les deux sous-gouver-
neurs reçoivent chacun un traitement de 20,000 fr.
Le conseil d'administration se compose du gouverneur,
qui le préside, des sous-gouverneurs, des administrateurs
et des censeurs. Les administrateurs sont au nombre de
vingt au moins et de vingt-trois au plus ; trois d'entre eux
doivent être pris parmi les trésoriers généraux des finances.
Ils se renouvellent par cinquième chaque année. Les mem-
bres sortants ont été désignés par le sort pour les quatre
premières années ; ils sont ensuite désignés par ordre d'an-
cienneté ; ils peuvent toujours être réélus. Chacun d'eux
dépose dans la caisse sociale cent actions, inaliénables
pendant la durée de ses fonctions. Le conseil délibère sur
les affaires de la société autres que celles réservées exclu-
sivement au gouverneur, notamment sur l'admission des
demandes de prêts, la création, l'émission, l'achat et la
vente des obligations de la société, les avances sur dépôt
d'obhgations, les emprunts à contracter avec ou sans hypo-
thèque. Il autorise l'acquisition par adjudication de biens
immobiliers, pour assurer le recouvrement des créances de
la société, la vente ou l'échange des mêmes biens, tous
traités, transactions, compromis, emplois de fonds, trans-
ferts de rentes sur l'Etat ou autres valeurs, etc. Il déli-
bère sur les comptes annuels à soumettre à l'assemblée
générale, ainsi que sur la fixation du dividende et sur toute
proposition à faire à cette assemblée. Nulle défibération ne
peut être exécutée si elle n'est approuvée par le gouver-
neur et revêtue de sa signature. Les membres du conseil
d'administration ne contractent, à raison de leurs fonctions,
aucune obligation personnelle. Ils ne répondent que de
l'exécution de leur mandat. Les censeurs sont chargés de
veiller à la stricte exécution des statuts. Ils sont au nombre
de trois ; ils sont nommés pour trois ans par l'assemblée
générale et sont rééligibles. Ils assistent au conseil d'ad-
ministration avec voix consultative. Ils examinent les inven-
taires et les comptes annuels et présentent, à ce sujets
leurs observations à l'assemblée générale, s'il y a lieu. Il,
peuvent, quand leur décision est prise à l'unanimité,
requérir une convocation extraordinaire de l'assemblée
générale. Cette faculté ne leur donne pas le droit de
convoquer directement l'assemblée générale, mais celui
d'obliger le conseil d'administration à défibérer sur l'utilité
d'une convocation. L'assemblée générale se compose des
deux cents plus forts actionnaires, dont la liste est arrêtée
par le conseil d'administration vingt jours avant la réunion
de l'assemblée. Les actionnaires inscrits sur les registres
de la société, par suite du dépôt de leurs actions effectué
dans la caisse sociale trois mois avant la confection de la
liste, peuvent seuls y figurer. En cas de concours pour
l'admission sur la liste entre deux actionnaires, possesseurs
du même nombre d'actions, la préférence est accordée au
plus anciennement inscrit. Tant que les actions demeure-
ront nominatives, le dépôt dont on vient de parler est
inutile, la hste se compose simplement des deux cents plus
forts actionnaires inscrits sur les registres, trois mois
avant la confection de cette liste. L'assemblée générale
régulièrement constituée représente l'universalité des ac-
tionnaires. Elle approuve les comptes annuels et délibère,
lorsque la proposition lui en est faite, sur l'augmentation
du fonds social ou sur des modifications à apporter aux
statuts.
lïl. Extension des attributions et des opérations. — -
Avec la nouvelle organisation, les opérations sociales sui-
virent leur progression normale. Les trésoriers généraux
étaient chargés de placer les obligations foncières dans les
départements et d'en payer les intérêts aux porteurs. Ces
titres étaient aussi recherchés que les rentes françaises et
que les obligations de chemins de fer par les capitaux de
placement. Le crédit de la société s'affermissait de plus
en plus. En 1838, le Crédit foncier fut substitué par une
- mi
CRÉDIT
loi au gouvernement, pour le prêt de 400 millions promis
aux propriétaires qui voudraient assainir leurs tefres par le
drainage. En 4860 , sur l'initiative du gouvernement, on lui
adjoignit quatre grands services que nous nous bornerons
à rappeler: 4° par un décret du 44 janv. 4860, son pri-
vilège est étendu au territoire de l'Algérie ; 2^ par une
loi en date du 49 mai 4860, il est substitué au Comptoir
national pour le contrôle des opérations du Sous-Comptoir
des entrepreneurs ; 3° par une loi du 6 juil. 4860, il est
autorisé à prêter, même sans aflectation hypothécaire, soit
à long terme, soit à court terme, aux départements, aux
communes et aux associations agricoles ; 4<* enfin, une loi
du 28 juil. 4860 l'autorise à fonder une société de crédit
agricole avec une subvention de l'Etat et une garantie
d'intérêts. Le capital social fut porté, en 4869, à 90 millions,
en exécution de Fart. 4 des statuts, qui exige que le capital-
actions soit toujours le vingtième au moins du montant
réalisé du capital-obligations. Les soixante mille actions
nouvelles furent libérées de 250 fr. chacune au moyen
d'un prélèvement de 4o millions, effectué sur les réserves
disponibles de la société, en dehors des réserves statutaires.
Lorsque éclatèrent les événements de 4870, la situation
financière de la société était prospère ; elle se résumait
ainsi : En France, les prêts hypothécaires s'élevaient à 4 mil-
liard 092,727,662 fr., produisant une annuité de 53 mil-
lions 891,467 fr. Les prêts communaux s'élevaient à
744,574,754 fr., produisant une annuitéde 29,822,943 fr.
En Algérie, les prêts hypothécaires formaient un total
de 40,758,889 fr., et les prêts communaux un total de
6,498,200 fr. Les obligations foncières en circulation
s'élevaient à 846,755,345 fr. et les obligations commu-
nales à 759,65'i ,007 fr. Il avait été avancé au Sous-Comp-
toir des entrepreneurs une somme de 260,654,809 fr. Le
dernier dividende payé avait été de 65 fr. par action an-
cienne et une réserve importante de 48,290,323 fr. avait
été constituée. Plus de la moitié des prêts réalisés depuis
l'origine avaient été faits sur des immeubles situés dans le
dép. de la Seine. On sait si ce département eut à souffrir
de la guerre et de la Commune. Cependant, les insufiîsances
de gage, qui pouvaient avoir pour cause la guerre et l'in-
surrection, ne dépassèrent pas 445,000 fr. L'institution
éprouva, dans ces circonstances extraordinaires, l'excel-
lence de son organisation et surtout l'utilité de ses dispo-
sitions statutaires, qui limitent le montant des prêts à la
moitié de la valeur des immeubles offerts en garantie. Le
dividende, pour l'exercice 4870, fut réduit à 42 fr. 50,
c.-à-d. à 5 ^/o du capital versé. Mais, pendant le second
semestre de 4874, les opérations de prêts reprirent leur
cours ordinaire et atteignirent même le chiffre des bonnes
années antérieures à la guerre. Les événements n'avaient
pas atteint le crédit de la société et sa prospérité se fût
encore développée si l'administration ne s'était laissé en-
traîner à cette époque à des opérations imprudentes qui
faillirent causer la ruine de l'institution. Si ces faits n'a-
vaient qu'un intérêt rétrospectif, il serait inutile de les
rappeler, mais ils constituent une opération financière d'un
caractère à part, intéressante à connaître et de laquelle il
peut se dégager une leçon pour la gestion des sociétés de
ce genre.
Participations et arrangements avec le Crédit agri-
cole. Affaire égyptienne. On vient de dire qu'une société
de Crédit agricole avait été instituée en 4860 à côté du
Crédit foncier. C'étaient le gouverneur et les sous-gouver-
neurs du Crédit foncier qui étaient chargés de l'adminis-
tration de la nouvelle société. Son organisation avait été
longuement étudiée et, à vrai dire, elle n'était pas trop
imparfaite ; c'est encore à cette organisation, complétée,
qu'il faudra revenir lorsque l'on voudra créer un Crédit
agricole en France. La société avait pour objet : de faire
ou de faciliter, par sa garantie, l'escompte ou la négocia-
tion d'effets ; d'ouvrir des crédits ou de prêter sur nantis-
sement ou autre garantie spéciale ; de créer et de négocier
des bons en représentation des prêts ou des crédits con-
sentis, etc. Son but général était de procurer du crédit ou
des capitaux aux agriculteurs. Pour cela, elle avait des
correspondants en province, soit des banquiers, soit des
sociétés locales, créées sous son patronage, qui devaient
ajouter leur signature à celle de l'emprunteur. Les crédits
ouverts aux emprunteurs pouvaient avoir lieu pour une
durée plus longue que celle des prêts commerciaux ordi-
naires ; cette durée pouvait être de trois années. Au terme
de leur exigibilité, ces crédits pouvaient être renouvelés
encore pour une période de trois années.
Plusieurs opérations malheureuses, dues à des corres-
pondants de province, épuisèrent les ressources de la
société. Pour réparer la brèche, l'administration se jeta
dans des participations financières à l'étranger, particuliè-
rement en Egypte, pour lesquelles elle demanda des fonds
au Crédit foncier. Le Crédit foncier fournit les sommes
nécessaires ; il les prit dans ses réserves, dans son capital
social, dans ses fonds disponibles. Le total de ses avances
s'éleva à 470 millions. En représentation de ses avances,
il reçut des valeurs égyptiennes pour une somme jugée
équivalente et qui consistaient en obligations égyptiennes
4873, en bons de la Daïra et en bons de la Daïra sur le
Mallieh. Malheureusement, la situation financière de l'Egypte
périclita à tel point que ses valeurs tombèrent à un prix déri-
soire. Que devenait dès lors le gage du Crédit foncier ? Il
fallut songer à la liquidation du Crédit agricole. Des com-
missaires, nommés par le ministre des finances, consta-
tèrent que l'excédent de son passif sur son actif était de
plus de 22 millions. La liquidation du Crédit agricole, par
le moyen de la combinaison ingénieuse à laquelle on s'ar-
rêta, ne fut pas autre chose que l'absorption de cette
société par le Crédit foncier et voici sur quelles bases :
Le capital social du Crédit agricole étant perdu, on de-
manda une somme de 46 millions à un syndicat composé
des trois gouverneurs. On devait, en outre, faire un appel
de 300 fr. restant dus sur chaque action aux actionnaires
du Crédit agricole, ce (|ui, pour 80,000 actions, donnait
24 millions. On obtenait ainsi une somme totale de 40 mil-
lions, qui était remise au Crédit foncier pour reformer ses
réserves et compenser les pertes du portefeuille égyptien
qu'il prenait à sa charge. Le Crédit agricole était dissous,
mais ses actionnaires, en échange des 300 fr, par eux
versés et de 50 fr. (4 millions) ajoutés pour établir la
parité, recevaient pour chaque action du Crédit agricole
une action nouvelle du Crédit foncier, libérée de 250 fr.
comme les anciennes. Le Crédit foncier devait, à cet effet,
émettre quatre-vingt mille actions nouvelles et porter son
capital de 90 millions à 430 millions. Ainsi, le Crédit fon-
cier recevait, à divers titres, 44 millions en espèces, l'actif
net du Crédit agricole, mais il s'engageait à rémunérer
quatre-vingt mille actions nouvelles et à parer, à ses risques
et profits, aux éventualités des affaires égyptiennes et à
celles de la liquidation du Crédit agricole dont il restait
chargé.
Modifications aux statuts h la suite de Vabsorption
du Crédit agricole. Cet arrangement fut approuvé par
les assemblées générales des actionnaires du Crédit agri-
cole et du Crédit foncier (29 et 30 nov. 4876) et, plus
tard, par un^ décret en date du 23 janv. 4877, qui ratifia
les modifications importantes introduites dans les statuts,
à la suite des circonstances que nous venons de faire con-
naître. Voici en peu de mots sur quoi portaient ces modi-
fications : Aucune disposition des lois et décrets qui régissent
la société du Crédit foncier ne réglait l'emploi des fonds
disponibles qui peuvent se trouver dans les caisses de la
société. C'est ce qui a été reconnu par un jugement du
tribunal de la Seine du 26 avr. 4878. C'est en l'absence
de toute réglementation à ce sujet que l'administration du
Crédit foncier avait pu faire les avances dont nous avons
parlé, même avec les fonds provenant des obligations.
Pour prévenir le retour de pareilles opérations, on décida
que l'art. 2 des statuts serait modifié et déterminerait
l'emploi provisoire des fonds disponibles. Il ne s'agissait
CRÉDIT
308
encore, avec la modification statutaire de 1876, gue de la
réglementation des excédents provenant d'obligations com-
munales. Mais, en 4877, la société a été amenée à procéder
pour les prêts hypothécaires comme elle avait toujours
procédé pour les prêts communaux, c.-à-d. à substituer le
prêt en espèces au prêt en obligations et, dès lors, on a
dû envisager aussi l'éventualité des excédents en matière
d'obligations foncières. Ce qui avait été décidé par la dis-
position additionnelle de Fart. 2, au sujet des oWigations
communales, le fut aussi au sujet des obligations foncières
par l'art. 76 introduit en 1882 dans les statuts sociaux.
Les excédents en circulation se trouvent ainsi réglés main-
tenant par les art. 2 et 76 des statuts.
Intervention du ministre des finances. Les dangers
que l'affaire égyptienne et la liquidation du Crédit agricole
faisaient courir à la société du Crédit foncier provoquèrent
l'intervention du gouvernement. Le ministre des finances,
M. Léon Say, avait déjà fait constater le passif énorme du
Crédit agricole et il crut devoir placer à la tête de l'admi-
nistration du Crédit foncier un nouveau gouverneur. Son
choix se porta sur M. Renouard, trésorier général. Dans
un rapport qu'il adressa au président de la République, le
ministre des finances expliqua le droit d'intervention de
l'Etat dans les termes suivants : « Dans quelques semaines,
le monopole du Crédit foncier expire. Le gouvernement
n'accordera, sans doute, à aucune autre société le privilège
des prêts dans les conditions spéciales déterminées par la
loi sur les crédits fonciers en général, mais on peut se
demander s'il convient ou non de prendre des engagements
à cet égard, comme en 4852. Cette question est à l'étude
et elle sera prochainement résolue. Quelles que soient les
mesures qui ont dû être prises ou qui pourront être ren-
dues nécessaires par l'usage qu'on a fait de la confiance
du gouvernement dans le passé, il n'abandonnera pas à
l'avenir le droit que lui reconnaissent les statuts, pour
toute la durée de la société, de nommer les gouverneurs.
Car, si l'Etat doit, autant que possible, s'abstenir de toute
ingérence dans la conduite des intérêts privés, il ne peut se
désintéresser de ces grandes institutions publiques, comme
la Banque de France et le Crédit foncier, sur lesquelles
repose la sécurité de la circulation financière et hypothé-
caire. Les billets de banque émis par la Banque de France,
les obligations foncières et communales émises par le Crédit
foncier sont des valeurs dont le crédit est intimement
lié au crédit de l'Etat. Le gouvernement ne saurait,
sans un grave péril, en abandonner la surveillance. »
La nouvelle administration fit l'emprunt de 250 millions
en obHgations foncières 1877. Elle avait exprimé la pensée,
en demandant l'autorisation de cet emprunt, d'en employer
les fonds à retirer de la circulation des obligations pourvues
d'un intérêt plus élevé. Mais le ministre des finances, en
accordant l'autorisation, y mit pour condition que ces fonds
seraient affectés, pour la majeure partie, à des prêts nou-
veaux qui seraient effectués en numéraire. La société revint
ainsi au mode de prêts pratiqué à son début. C'est à partir
du 48 juil. 4877 que les prêts fonciers ont été réalisés en
numéraire.
IV. Nouvelle administration de la société. — L'affaire
égyptienne et la liquidation du Crédit agricole pesaient tou-
jours sur le Crédit foncier. « Il était réservé, comme le dit
M. Josseau dans son Traité du crédit foncier^ à M. Albert
Christophle, député de l'Orne et ancien ministre des tra-
vaux publics, d'entreprendre l'œuvre réparatrice et de la
mener à bonne fin. » Appelé au gouvernement de la société
par décret du 42 févr. 4878, il imprima, dès son entrée
en fonctions, une impulsion énergique et toute personnelle
cà l'administration du Crédit foncier. M. Christophle conserva
le mode de prêts en numéraire ; il en expliqua les motifs
dans son rapport à l'assemblée générale du mois d'avril
4878 : « Sans doute, disait-il dans son rapport, le mode de
prêts en obligations est le seul qui permette de propor-
tionner l'intérêt au prix courant des capitaux et d'ouvrir
môme dans les circonstances critiques une source de prêts
aussi abondante que peuvent l'exiger les besoins de la pro-
priété foncière. Néanmoins, nos emprunteurs ont toujours
désiré les prêts en argent. La perte qu'ils ont subie par la
négociation des obligations s'est élevée en effet : en 4871,
à 5 et 8 <>/o ; en'4872, à 44 et 45 «/o ; en 4873, à
45 J/o ; en 4874, à 45, 44, 42 et 9 %; en 4875, à 7,
6, 5 et 4 *^/o ; en 4876, à 3 et 2 ^'/o ; dans les premiers
mois de l'année 4877, cette perte s'élevait encore à 2 et
3 ^/o. D'un autre côté, au moment où se signe l'acte condi-
tionnel, le Crédit foncier ne peut prendre aucun engage-
ment sur le taux de négociation des obligations. Il s'ensuit
que, pendant le temps de l'accomplissement des formalités
hypothécaires, une certaine incertitude pèse sur les condi-
tions auxquelles l'emprunt peut être, contracté et sur les
charges qu'il doit entraîner. Des plaintes se sont souvent
élevées à cette occasion, et votre administration avait la cer-
titude qu'elle répondrait aux plus vifs désirs du public, avec
lequel elle est en contact direct, si elle bannissait de ses
contrats cet élément de doute et d'incertitude et si elle pou-
vait donner l'assurance aux emprunteurs que l'opération
aurait pour conséquence de mettre entre leurs mains une
somme d'argeut certaine et nettement déterminée. »
Liquidation des anciennes affaires et retour aux opé-
rations statutaires. La pensée qui semble avoir inspiré
l'administration de M. Christophle, c'est de liquider les
deux affaires dont il a été question plus haut, l'affaire
égyptienne et le Crédit agricole, et de faire rentrer le Crédit
foncier dans le courant de ses opérations normales, pres-
crites par les statuts, tout en donnant à ces opérations
statutaires la plus grande extension possible. La liqui-
dation de l'affaire égyptienne fut poursuivie avec beaucoup
d'habileté et de persévérance. On obtint d'abord du gou-
vernement égyptien, par le traité du 9 nov. 4878, un sup-
plément de gage de vingt-neuf mille quatre-vingt-neuf
obligations, et le marché de ces valeurs s' étant considéra-
blement amélioré, surtout à la bourse de Londres, on en
profita pour les négocier. Des ventes successives furent
laites à Londres, à la fin de 4879 et en 4880. Au mois
d'avril 4881, les réahsations effectuées, loin de se solder
en pertes, laissaient dans la caisse un boni de 7,253,000 fr.
L'administration du Crédit foncier n'avait pas à se de-
mander si elle réaliserait un plus gros bénéfice en conser-
vant ces titres en portefeuille. Il y avait trop d'aléas. Son
devoir était de sauver l'ancienne créance et de ne pas
exposer la société aux risques d'une spéculation dont l'issue
était subordonnée aux événements politiques, c.-à-d. à ce
qu'il y a de plus incertain au monde. On conduisit avec la
même fermeté la liquidation du Crédit agricole. On a vu
plus haut sur quelles bases avait été arrêtée cette liquida-
tion. Mais comme il survenait fréquemment des désaccords
entre les liquidateurs, ce qui donna lieu même à un procès
qui eut un certain retentissement, le gouverneur se décida
à conclure un arrangement en vertu duquel le Crédit fon-
cier était déchargé de la liquidation du Crédit agricole et
sa perte dans l'alfaire réduite à 16 millions. Cette perte
était même réduite à 8 millions environ, si on tient compte
du reliquat de 7,253,000 fr. qu'avait laissé la réalisation
des valeurs égyptiennes.
Relèvement de la société. Emprunts de conversion.
Abaissement du taux de l'intérêt des prêts. Le Crédit
foncier n'eut qu'à se louer de la liquidation, si heureuse-
ment conduite, de ces deux affaires, qui, à un moment,
avaient inspiré de si vives inquiétudes aux actionnaires et
même au marché des capitaux. Son crédit se releva peu à
peu. L'action, hbérée seulement de^250 fr., qui était à
500 fr. au moment de la nomination de M. Christophle,
comme gouverneur, s'éleva insensiblement à 1,000 fr. et
atteignit même 1,700 fr. En même temps, les demandes
de prêts arrivaient plus nombreuses. Pendant l'année 1878,
le montant des prêts hypothécaires réalisés s'éleva à
63,039,413 fr. et le montant des prêts communaux à
4,691 ,000 fr. Mais un phénomène se produisait qui ne pou-
vait pas échapper à l'attention de l'administration. Le taux
de l'intérêt de l'argent ayant notablement baissé, beaucoup
d'emprunteurs en profitaient pour rembourser à la société
leurs prêts par anticipation. Le Crédit foncier ne pouvait
enrayer le mouvement qu'en prêtant lui-même à meilleur
marché et en réduisant les charges par une conversion de
ses obligations. La ville de Paris lui en fournit l'occa-
sion. La ville avait contracté au Crédit foncier un emprunt de
282,926,352 fr. remboursable au moyen de vingt-huit an-
nuités de 49 millions 061,570 fr. chacune. Elle vit la possi-
bilité de réduire sa dette en remboursant à cet étabHssement
cette somme au moyen de fonds que des sociétés financières
lui offraient à un taux bien inférieur. Mais le Crédit foncier
ne resta pas inactif. De son côté, il fit des propositions plus
avantageuses que celles des sociétés et elles furent accep-
tées. Le Crédit foncier profita de cette opération pour con-
vertir toutes ses obligations de 5 <*/o. Il mit en souscription,
le 5 août 1879, un emprunt de 500 millions en obligations
communales, qui fut couvert dix fois. Quelques mois après,
il fit un autre emprunt de 900 millions, en obligations
foncières, qui eut le même succès.
A la suite de ces emprunts, la société put abaisser le
taux d'intérêt de ses prêts et elle vit augmenter dans des
proportions considérables ses opérations de prêts hypothé-
caires et de prêts communaux. Pendant l'année 1882, le
chifire de ces opérations s'éleva à 394 millions, tandis qu'il
n'avait guère dépassé, en moyenne, 50 millions pendant
les années précédentes. On remarquait en même temps
l'augmentation des petits prêts ainsi que des prêts réalisés
en province. C'est en 1882 que le Crédit foncier fut chargé
de la liquidation de la Banque hypothécaire avec les pou-
voirs les plus étendus, et d'après une combinaison dont
voici les principales lignes : La Banque hypothécaire appor-
tait au Crédit foncier une somme de 52,500,000 fr. com-
posée de son capital social versé, de ses diverses réserves,
du compte de profits et pertes de l'exercice 1881 et enfin
du produit d'un appel de fonds adressé à ses actionnaires.
En représentation de cet apport, le Crédit foncier créait
cinquante mille actions nouvelles entièrement libérées qu'il
distribuait aux actionnaires de la Banque à raison de une
action du Crédit foncier pour quatre de la Banque hypothé-
caire. Le capital social du Crédit foncier se trouvait ainsi
porté à 155 millions. Les 96 millions de surplus furent
employés à libérer entièrement les actions anciennes du
Crédit foncier, sur lesquelles il ne restait que 100 fr. à
verser. Déjà, quelques mois auparavant, 26 millions avaient
été pris sur les réserves disponibles pour les porter au
capital social, de manière à libérer le titre de 400 fr.
Une nouvelle augmentation du capital social a été déci-
dée en 1888 en exécution de l'art. 4 des statuts. Ce capital
est actuellement de 170,500,000 fr., divisé en trois cent
quarante et un mille actions entièrement libérées.
Revenu des valeurs et actions depuis 1810.
309 — CRÉDIT
considérablement le taux de l'intérêt et supprimé entière-
ment la commission de 0,60 % perçue depuis l'origine sur
tous les prêts.
V. Des prêts hypothécaires. — Conditions des prêts.
Le Crédit foncier peut faire deux sortes de prêts hypo-
thécaires : les prêts à court terme, avec ou sans amortis-
sement, et les prêts à long terme, remboursables par
annuités. D'après l'art. 8 du décret de 1854, ils peuvent
être faits avec le capital social. Les prêts à court terme
sont remboursables dans un délai inférieur à dix ans. Us
peuvent, comme ceux des particuliers, être contractés rem-
boursables à jour fixe ; ils sont productifs d'un intérêt fixé
par l'administration du Crédit foncier, mais qui ne peut
dépasser le taux légal. Il est aujourd'hui de 4,50 % sans
commission ; l'emprunteur ne peut pas se libérer par anti-
cipation. Quelquefois, l'emprunteur, à l'expiration du terme
fixé, ordinairement de un à cinq ans, n'est pas en mesure
d'acquitter sa dette ; il peut, dans ce cas, demander que
le contrat primitif soit remplacé par un contrat de prêt
à long terme avec amortissement.
Prêts à long terme. Les contrats de prêts à long terme
sont de beaucoup les plus nombreux dans le portefeuille du
Crédit foncier. L'annuité, que l'emprunteur doit payer
chaque année pour se libérer, comprend l'intérêt et l'amor-
tissement ; elle varie suivant le loyer de l'argent et la durée
du prêt.
On voit, dans le tableau qui suit, l'amortissement d'un
prêt de 100 fr. en soixante-quinze ans :
Amortissement d'un emprunt hypothécaire de 100 fr,
en soixante-quinze ans.
Cours de ta
Bourse au
Années.
Revenu.
31 dée.
1870.
Pour 180.000 actions lib.
de 250 fr.
12.50
885
1871.
32.50
950
1872.
_
35
840
1873.
—
35
818.75
1874.
36.25
858.75
1875.
—
86.25
910
1876.
.
—
23.50
632.50
1877.
192.660 actions lib.
de 250 fr.
12.50
630
1878.
204.609
—
35
812.50
1879.
238.328
. — .
37.50
1098.75
1880.
257.472
—
42.50
1442.50
1881.
260.000
—
50
1777.50
1882.
310.000 actions ent
libérées
55
1340
1883.
310.000
—
60
1225
1884.
310.000
60
1334.37^3
1885.
310.000
60
1345
1886.
310.000
—
60
1422.50
1887.
310.000
—
62
1397.50
1888.
341.000
62
1362.50
1889.
341.000
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63
1332.50
Ce qui précède indique suflîsamment la prospérité de
cette grande institution et les progrès qu'elle a réalisés
sous l'administration actuelle, qui, cependant, a réduit
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19.36
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0.94
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44
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79.55
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1.13
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45
21.59
78.41
8
1.32
98.68
46
22.79
77.21
9
1.52
98.48
47
24.05
75.95
10
1.74
98.26
48
25.37
74.63
11
1.96
98.04
49
26.75
73.25
12
2.20
97.80
50
28.21
71.79
13
2.44
97.56
51
29.73
70.27
14
2.70
97.30
52
31.33
68.67
15
2.97
97.03
53
33. »
67. »
16
3.26
96.74
54
34.76
65.24
17
3.56
96.44
55
36.61
63.39
18
3.87
96.13
56
38.54
61.46
19
4.20
95.80
57
40.57
59.43
20
4.54
95.46
58
42.70
57.30
21
4.91
95.09
59
44.94
55.06
22
5.28
94.72
60
47 28
52.72
23
5.68
94.32
61
49.74
50.26
24
6.10
93.90
62
62.32
47.68
25
6.54
93.46
63
55.03
44.97
26
7. »
93. »
64
57.87
42.13
27
7.48
92.52
65
60.85
39.15
28
7.99
92.01
66
63.98
86.02
29
8.52
91.48
67
67.26
82.74
30
9.07
90.93
68
70.70
29.30
31
9.66
90.34
69
74.31
25.69
32
10.27
89.73
70
78.09
21.91
33
10.91
89.09
71
82.06
17.94
34
11.59
88.41
72
86.23
13.77
35
12.30
87.70
73
90.60
9.40
36
13.04
86.96
74
95.19
4.81
37
13.82
86.18
75
100. »
0.00
38
14.63
85.37
Les conditions générales des prêts faits par le Crédit
foncier sont énoncées dans les art. 52 à 56 des statuts,
dont voici le texte : Art. 52. La société ne prête aux pro-
priétaires d'immeubles que sur première hypothèque, excepté
dans les cas prévus par les statuts, les lois et les décrets
existants. Sont considérés comme faits sur première hypo-
CREDIT
— 310 —
thèque les prêts au moyen desquels sont remboursées les
créances déjà inscrites, lorsque, par l'effet de ce rembour-
sement ou de la subrogation opérée au profit de la société,
son hypothèque vient en première ligne et sans concur-
rence. — Dans ce cas, la société conserve entre ses mains
une valeur suffisante pour opérer ce remboursement. —
Art. 53. Lorsque la société juge qu'il y a lieu d'accom-
plir les formalités de la pui^ge, il y est procédé conformé-
ment à l'art. 4®^ de la loi du 10 juin 1853. — Art. 54.
Ne sont point admis au bénéfice des prêts faits par la so-
ciété : 1° les théâtres ; 2^ les mines et carrières ; 3^ les
immeubles indivis, si l'hypothèque n'est établie sur la tota-
lité de ces immeubles du consentement de tous les copro-
priétaires ; ¥ ceux dont l'usufruit et la nue propriété ne
sont pas réunis, à moins du consentement de tous les
ayants droit à FétabUssement de l'hypothèque. — Art. 55.
La société n'accepte pour gage que les propriétés d'un
revenu durable et certain. — Art. 56. Le montant du prêt ne
peut dépasser la moitié de la valeur de l'immeuble hypo-
théqué. — Il est au plus du tiers de la valeur pour les
vignes, les bois et autres propriétés dont le revenu pro-
vient de plantations. — Les bâtiments des usines et
fabriques ne sont estimés qu'en raison de leur valeur
indépendante de leur affectation industrielle.
Trois règles découlent de ces articles : 1^ le Crédit fon-
cier ne doit prêter que sur première hypothèque ; 2° le
prêt ne peut excéder la moitié de la valeur de l'immeuble
hypothéqué ; 3° le Crédit foncier ne prête que sur des
immeubles qui, soit par leur nature, soit par leur revenu,
offrent une complète sécurité. — Le sens de la première
règle n'est pas que le Crédit foncier ne doit prêter que sur
des biens libres de toute hypothèque. S'il en était ainsi, les
immeubles déjà grevés seraient dépourvus de tout crédit,
et l'un des objets de l'institution, la conversion de la dette
hypothécaire, ne pourrait pas être réalisé. Il suffit que la
société obtienne pour son prêt le premier rang, sans con-
currence, à l'égard des créanciers déjà inscrits. A cet
effet, les moyens à sa disposition sont: 1° le consen-
tement à antériorité d'hypothèque ou la cession de rang
hypothécaire par le créancier dont le privilège ou l'hypo-
thèque primerait le Crédit foncier ; 2° la subrogation qui
transmet à la société le privilégie et le rang hypothécaire
du premier créancier ; 3° la mainlevée donnée soit par la
femme non mariée sous le régime dotal, soit par le su-
brogé tuteur du mineur ou de l'interdit, en vertu d'une
délibération du conseil de famille, conformément à l'art. 9
du décret du 28 févr. 1852, dans le cas où ï'hypotlièque
légale aurait été inscrite ; 4° la purge des hypothèques
légales, autorisée par le décret du 28 févr. 1852 et par la
loi du 10 juin 1853. Lorsque le Crédit foncier prend la
place d'un créancier antérieur, il doit sur le prêt qu'il a
consenti prendre une somme suffisante pour rembourser lui-
même ce créancier.
La deuxième règle établit que le montant du prêt ne
peut dépasser la moitié de la valeur de l'immeuble hypo-
théqué, mais il ne faut pas perdre de vue que cette limite
est fixée au tiers s'il s'agit de vignes, bois et autres pro-
priétés dont le revenu provient de plantations. En ce qui
concerne la troisième condition contenue dans l'art, 57 qui
dit que le revenu doit être égal au montant de l'annuité,
il faut l'entendre dans ce sens : la société doit accepter
pour gage les immeubles susceptibles, soit par une loca-
tion, soit par l'exploitation directe du propriétaire, de pro-
duire un revenu régulier. Tels sont les terres ou terrains,
les bois, les maisons d'habitation. C'est ainsi que le Crédit
foncier a constamment apphqué cette règle, c'est ainsi que
l'interprète le savant M. Josseau dans son Traité. Si on
allait jusqu'à dire que le revenu de l'immeuble hypo-
théqué doit être toujours égal au montant de l'annuité,
on serait amené logiquement à décider que ce revenu doit
être assuré par un bail d'une durée égale à celle du prêt.
Imposer une semblable condition, ce serait exiger l'impos-
sible. Ce serait dire que, si une propriété est momentané-
ment sans locataire, elle ne pourrait devenir la base d'un
emprunt au Crédit foncier.
Le8 privilèges du Crédit foncier. Pour assurer le
bon fonctionnement des sociétés de crédit foncier en
France, il était indispensable de leur accorder la priorité
pour leur hypothèque et pour cela de leur fournir le moyen
de connaître tous les droits occultes qui pouvaient exister
sur les immeubles offerts en gage. Lors du décret de 1852,
le code ne prescrivait la publicité par voie de transcription
que pour les donations et les substitutions, mais il existait
une foule d'actions qui pouvaient rester inconnues jusqu'au
jour oti elles s'exerçaient. Dans un tel état de choses, com-
ment prêter avec une entière sécurité ? On y remédia en
accordant aux sociétés de crédit foncier le droit de purger
les immeubles offerts en garantie et en instituant à leur
profit un système de purge plus simple et plus expéditif,
spécifié dans le décret organique du 28 févr. 1852 et la loi
des 10-15 juin 1852. De même la législation spéciale des
sociétés de crédit foncier leur a assuré certains privilèges
pour le recouvrement de leurs prêts ; en voici Fénuméra-
tion : suppression du délai de grâce ; insaisissabilité de l'an-
nuité par voie d'opposition ; disposition qui fait courir de
plein droit les intérêts des annuités non payées à l'échéance ;
faculté de mettre le séquestre sur les biens hypothéqués ;
privilège sur leur revenu ; mode d'expropriation plus ra-
pide; droit d'être payé sans être assujetti aux délais et
aux formalités de l'ordre. Ce régime privilégié, organisé
au profit des sociétés de crédit foncier autorisées, con-
tinue à subsister en faveur du Crédit foncier de France,
malgré l'expiration du monopole dont jouissait cette der-
nière société. C'est sous cette législation que le Crédit fon-
cier a été autorisé et s'est constitué ; c'est à l'abri de cette
législation qu'il a consenti ses prêts et accepté tous les
contrats, il pourra donc in%^oquer le bénéfice de ces dispo-
sitions spéciales pendant toute sa durée.
Les prêts aux départements^ aux communes, etc.
A notre époque, un besoin d'améfioration et de progrès ma-
■ tériel se fait vivement sentir. Les populations réclament le
perfectionnement des routes et des chemins vicinaux, la
construction d'édifices pubHcs, tels que mairies, écoles,
l'assainissement des rues, l'endiguement des fleuves, etc.
C'est pour faciliter aux communes et aux départements
l'exécution de ces travaux que la loi de 1860 a autorisé
le. Crédit foncier à leur faire des prêts sans affectation
hypothécaire. Le prêt n'est consenti qu'après une autori-
sation administrative, qui n'est accordée que sur justifi-
cation de voies et moyens suffisants. Les contributions votées
chaque année assurent le payement des annuités dues au
Crédit foncier; elles sont au besoin imposées d'office par le
pouvoir qui a autorisé le prêt, et, dans ces conditions, on
a pensé que la garantie était aussi solide que celle établie
sur un gage immobilier. Les emprunts concernant les dé-
partements sont votés par les conseils généraux d'une ma-
nière définitive lorsqu'ils sont remboursables dans un délai
n'excédant pos quinze ans. Dans tout autre cas, les délibé-
rations des conseils généraux votant un emprunt doivent
être approuvées par une loi (loi du 10 août 1871, art. 41
et 42). Les emprunts des communes sont votés par les
conseils municipaux. Avant de s'adresser au Crédit foncier,
la commune doit avoir été autorisée à emprunter.
La loi du 24 juil. 1867 a divisé à cet égard les emprunts
en trois catégories, suivant la durée et suivant la nature
des ressources affectées au remboursement. Aux termes de
l'art. 3, une simple délibération du conseil municipal prise
avec l'assentiment du maire, ou, en -cas de désaccord,
approuvée par le préfet, suffit pour voter et régler les em-
prunts remboursables sur les revenus ordinaires dans un
délai qui ne dépasse pas douze ans, ou sur des contributions
extraordinaires établies pour cinq années et n'excédant pas
5 cent. S'il s'agit d'emprunts qui, sans dépasser le délai de
douze ans, sont remboursables au moyen de contributions
extraordinaires excédant 5 cent., mais comprises dans le
maximum fixé par le conseil général, ou encore s'il s'agit
^ 311
CREDIT
d'emprunts remboursables dans un délai dépassant douze
ans, à l'aide exclusivement des revenus ordinaires, il est
nécessaire et il suffit que la délibération du conseil munici-
pal soit approuvée par le préfet. Enfin, pour tout emprunt
remboursable sur ressources extraordinaires dans un délai
dépassant douze ans, Fautorisation doit être donnée par un
décret ou par une loi. Lorsqu'il s'agit d'une commune ayant
un revenu supérieur à 100,000 fr., le décret doit être
rendu en conseil d'Etat. Lorsque la somme à emprunter
dépasse 4 million, ou lorsque ladite somme, réunie au
chiffi'e d'autres emprunts non encore remboursés, dépasse
un million, une loi est nécessaire. L'autorisation d'em-
prunter une fois obtenue, la commune doit transmettre
au Crédit foncier : 1^ copie de la délibération par laquelle
l'emprunt a été voté ; 2° amplification de l'acte approbatif
de l'emprunt (loi, décret ou arrêté préfectoral); 3° le relevé
des recettes et des dépenses ordinaires de la commune
d'après le compte rendu des trois derniers exercices ; 4° un
état certifié des dettes; 5° le budget de l'exercice en cours.
Les associations syndicales, les hospices et les établisse-
ments publics sont également autorisés à emprunter au
Crédit foncier (lois du'6 juil. 1860 et du 26 févr. 1862).
On trouvera dans le tableau qui suit le nombre et le
montant des prêts hypothécaires et des prêts communaux
du Crédit foncier depuis son origine.
Prêts hypothécaires.
Nombre
des prêts. Montant.
1853 à 1859 2.076 139.959.630
1860 à 1864 6.785 406.325.781
1865 à 1869 8.714 482.788.725
1870 à 1874 3.867 166.079.922
1875 à 1879 4.954 250.897.464
1880 à 1884 28.318 1.304.302.199
1885 à 1889 19.774 652.946.042^
Totaux.... 74.488 3.400.301.763
Prêts communaux.
Nombre
des prêts. Montant.
1860 à 1864
1865 à 1869
1870 à 1874
1875 à 1879
1880 à 1884
1885 à 1889
Totaux .
853
413
175
354
2.409
10.781
151.628.221
541.384.811
76.438.044
190.002.593
514.986.105
416.241.214
14,985 1.890.680.988
VL Obligations du Crédit foncier. — Leur caractère^
leurs privilèges, leurs garanties. Le Crédit foncier,
comme on vient de le voir, a une double fonction : d'une
part, il vérifie la valeur des propriétés offertes en garantie,
réalise les prêts en obligations ou en argent et reçoit son
remboursement par annuités comprenant l'intérêt et l'amor-
tissement; d'autre part, il émet des obligations ou lettres
de gage (en allemand Pfand brief) pour se procurer des
fonds destinés aux prêts et pour une valeur égale au mon-
tant des prêts effectués. Il est bon de remarquer tout
d'abord que de ce que le Crédit foncier est obligé d'émettre
des obligations pour effectuer ses prêts il ne s'ensuit pas
qu'il ne puisse, suivant les circonstances, employer un autre
moyen de se créer des ressources. En effet, l'art. 1 des
statuts dit : « La société peut appliquer, avec l'autorisation
du gouvernement, tout autre système ayant pour objet de
faciliter les prêts sur immeubles, l'amélioration du sol, les
progrès de l'agriculture et l'extinction de la dette foncière. »
Le Crédit foncier a donc parfaitement le droit d'employer
en prêts d'autres fonds que ceux qui proviennent des émis-
sions d'obhgations.
Expliquons en quelques mots la théorie et le caractère
de l'obHgation. D'après le droit commun, le prêteur reçoit,
en échange de son argent, la gjvsse d'un acte constatant les
conditions de l'engagement pris par l'emprunteur. A l'aide
de cet acte, il se fait payer l'intérêt stipulé à chaque échéance,
puis le capital, lorsque la dette est devenue exigible. Mais il
est bien clair qu'il ne peut pas, en conservant la grosse,
émettre des titres distincts, garantis par la même hypothèque
et transmissibles par endossement ou par simple tradition. Il
a un moyen cependant de faire argent de son contrat, c'est
de céder ses droits à un ou à plusieurs capitalistes qui le
remboursent et prennent son lieu et place. Mais ce moyen
est long et coûteux et, dans tous les cas, impraticable pour
une société de crédit foncier. C'est ici que le décret orga-
nique du 28 févr. 1852 a apporté une innovation considé-
rable. Il a conféré aux sociétés de crédit foncier le privilège
d'émettre des titres, distincts de la grosse des actes de prêts,
et qui sont le dédoublement du contrat de prêt. Ces titres
sont la contre-valeur des prêts réalisés; ils détachent, pour
ainsi dire, le gage de la créance pour se constituer ce gage
à eux-mêmes, et sont garantis hypothécairement par l'en-
semble des biens et revenus grevés. On voit par là que les
obligations du Crédit foncier sont hypothécaires en ce sens
qu'elles ont pour gage non pas tel ou tel immeuble en par*
ticulier mais la masse des immeubles sur lesquels repose
la garantie des prêts effectués, et dont le montant doit
toujours équivaloir à celui des obligations émises ; elles
ont sur tous ces immeubles un privilège qui prime celui
de tous les autres créanciers.
Ces obligations, à la différence de celles des sociétés de
crédit foncier non autorisées, sont encore privilégiées en
ceci : qu'elles peuvent être émises, avec l'autorisation du
gouvernement, sous forme de valeurs à lots, sans que dans
ces conditions leur légalité et leur caractère général puis-
sent être contestés ; qu'elles sont partiellement transmis-
sibles par la simple tradition ou par voie d'endossement,
suivant qu'elles sont au porteur ou nominatives ; qu'elles
sont partiellement affranchies du droit de timbre ; qu'elles
ne peuvent être frappées d'opposition et sont, par consé-
quent, insaisissables ; qu'elles sont admises aux avances
faites par la Banque de France et peuvent servir d'emploi
aux fonds des mineurs et des incapables. Indépendamment
de la garantie spéciale qu'elles trouvent dans la valeur des
immeubles hypothéqués, les obhgations du Crédit foncier
sont garanties : 1^ par le fonds social qui est actuellement
de 175 millions; 2" par les réserves qui s'élèvent à
140 millions. Le législateur a entouré ces valeurs de toutes
les garanties afin d'encourager et de justifier la confiance
du public, qui, du reste, est arrivé à les considérer, et avec
raison, comme offrant autant de sécurité que des immeu-
bles. On fait remarquer quelquefois qu'il y a excédent
d'obligations en circulation et que cet excédent n'est pas
garanti. Répondons brièvement à cette objection. Lorsque
le Crédit foncier prêtait en obligations, c.-à-d. lorsqu'il
remettait à l'emprunteur des obligations que celui-ci était
obligé de négocier à la Bourse, les obhgations en circula-
tion devaient être, à la lettre, la représentation exacte
des prêts effectués, mais ce système primitif présentait
tant d'inconvénients et donnait lieu à tant de réclamations
que le Crédit foncier, sur l'injonction du gouvernement lui-
même, a dû se décider à faire tous ses prêts en numéraire.
Pour faire le prêt en numéraire il faut bien que la so-
ciété place au préalable ses obligations et choisisse, pour ce
placement, le moment où les capitaux sont au plus bas prix.
Il arrive donc, après une émission, que toutes les obli-
gations ne sont pas représentées par des créances hypothé-
caires ; mais le cas a été prévu par les statuts, et l'art. 76
prescrit que les fonds provenant de ces obligations seront
provisoirement, et jusqu'à leur emploi définitif en prêts,
employés en rentes. Il résulte de cette disposition que la
garantie ne fait jamais défaut, et qu'elle existe toujours
soit en prêts, soit en valeurs du Trésor.
Conditions d'émission des obligations. Il faut pre-
mièrement, sous la réserve cependant des observations que
nous venons de faire, que les obligations émises ne dépas-
sent pas le montant des prêts. En second lieu, les obliga-
tions doivent recevoir un visa spécial, qui est donné par le
gouverneur, représentant du gouvernement. C'est un moyen
employé par l'Etat pour surveiller les émissions de ces
titres. Troisièmement, aux termes de l'art. 14 du décret de
1852, les obligations doivent être enregistrées en même
temps que l'acte de prêt. Ce droit d'enregistrement est un
CRÉDIT
— 312 —
droit fixe de iO cent. On comprenait l'opportunité de cette
formalité lorsque le prêt se faisait en obligations et que la
création du titre avait lieu en même temps que l'on pas-
sait l'acte de prêt. La nécessité de mentionner ces obliga-
tions dans un acte public emportait, d'après la loi de fri-
maire an VII, celle de l'enregistrement. Mais aujourd'hui
les émissions se font en bloc par souscriptions publiques
et antérieurement aux prêts. Où est dès lors la raison
d'être de ce droit d'enregistrement ? Quelques personnes
prétendent que la disposition qui édictait l'enregistrement
a été abrogée virtuellement parles décrets du 6 juil. 18o4
qui confirme le visa des lettres de gage au gouverneur du
Crédit foncier, ou tout au moins par , ceux des 28 juin
4856 et 16 août 18o9. Les obligations sont, en outre, sou-
mises au timbre en vertu des lois des 5 juin 1850 et
3 juil. 1852. Une quatrième condition se trouve inscrite
dans l'art. 4 des statuts. Cet article exige que le montant
nommai des actions soit maintenu dans la proportion du
vingtième au moins du capital réalisé par l'émission des
obligations en circulation. Enfin, il ne peut pas être créé
d'obligations inférieures à d 00 fr.
Les obligations du Crédit toncier se divisent en deux
catégories : les foncières et les communales ; les unes et
autres se distinguent par leur date d'émission. Elles se
remboursent par voie de tirage au sort. Le payement des
intérêts a lieu au siège social, et, dans les départements,
aMx trésoreries générales et aux recettes particulières des
finances. Le 5 de chaque mois, il y a au Crédit foncier un
tirage de lots et d'amortissement, pour l'une ou pour l'autre
des nombreuses catégories d'obligations de la Société. Au
1®^ janv. 1889, le montant des obligations foncières et
communales en circulation, déduction faite des verse-
ments restant à recevoir et des primes à amortir, était de
3,121,000,000 fr. Cette circulation dépasse celle des
lettres de gages existant en Allemagne, bien que les socié-
tés de crédit foncier prêtent dans ce pays depuis plus d'un
siècle. On comprend que le Crédit foncier de France fasse
tous ses efforts pour maintenir son crédit et le marché d'une
somme si considérable de titres, qui représentent une partie
de l'épargne publique. H. Lâmane.
Crédit foncier d'Algérie. — Les opérations du Crédit
foncier de France avaient été étendues à l'Algérie par le
décret du 11 janv. 1860. Mais, en 1880, une société spé-
ciale s'est fondée, le Crédit foncier et agricole d'Algérie,
avec le patronage et le concours du Crédit foncier de
France. La nouvelle société fait des prêts amortissables en
soixante-quinze ans, tandis que le Crédit foncier de France
ne pouvait, jusqu'en 1880, consentir en Algérie que des
prêts de trente ans au maximum. L'intérêt peut s'élever à
8 ^/o, amortissement non compris. Le Crédit foncier d'Al-
gérie a reçu d'ailleurs le droit de faire certaines opérations
interdites au Crédit foncier de France, telles que les prêts
sur connaissements ou sur warrants et les prêts sur récoltes
pendantes; telles encore que l'établissement de magasins
généraux et la participation à toutes opérations ayant pour
but la mise en valeur des terres, constructions de chemins
de fer, routes, ports et canaux. La société a son siège social
à Paris et possède des succursales en Algérie et une à
Paris. Les fonds de ses prêts hypothécaires lui sont fournis
par le Crédit foncier de France, auquel le Crédit algérien
sert de garant. Les bénéfices de ces prêts se partagent par
moitié entre les deux sociétés.
Crédit foncier colonial. — Il existe à Paris une société
spéciale, complètement indépendante du Crédit foncier de
France, et destinée à rendre dans nos colonies les mêmes
services que lui. La société actuelle, dite du Crédit fon-
cier colonial, a été autorisée par décret du 31 août 1863 ;
elle a remplacé une société, dite du Crédit colonial, qui
avait été autorisée en 1860. Elle se livre aux mêmes opé-
rations que le Crédit foncier de France, notamment elle
consent des prêts hypothécaires aux propriétaires d'im-
meubles, à court ou à long terme, et des prêts aux colo-
nies et aux communes des colonies, avec ou sans hypo-
thèques. En outre, elle consent des prêts ayant une
destination spéciale, pour la construction des sucreries ou
pour l'amélioration et le renouvellement de l'outillage des
sucreries existantes ; mais ces prêts spéciaux ne peuvent
pas dépasser le cinquième du maximum fixé par ses statuts
pour l'ensemble des prêts (dix fois le capital social qui est
de 12 millions). Les obligations qu'elle émet ne sont pas,
comme celles du Crédit foncier de France, divisées en deux
catégories, lettres de gage et obligations communales :
elles représentent indistinctement l'ensemble de ses opéra-
tions. Malgré la prudence des règlements auxquels elle est
soumise et la sagesse de sa direction, cette société a eu à
subir des pertes considérables, principalement à la Réu-
nion, où une série de mauvaises récoltes l'ont contrainte
de procéder à de nombreuses expropriations, vingt-cinq
entre 1867 et 1873, et elle dut se porter adjudicataire
vingt-trois fois, faute d'enchérisseurs. Par surcroît, des
difficultés se sont élevées entre elle et le gouvernement
colonial, qui refusait d'inscrire à son budget la garantie
promise. Ces difficultés ont été aplanies en 1875 et depuis
lors la tâche qu'elle s'est imposée de faire circuler dans
les colonies, à un taux peu élevé, les capitaux de la métro-
pole, ne paraît plus rencontrer autant d'obstacles.
Institutions de crédit foncier dans les Etats
étrangers. — Ces institutions sont de plus en plus nom-
breuses, et beaucoup d'entre elles ont déjà fourni une longue
carrière. Les unes sont des sociétés d'emprunteurs. On les
rencontre en Prusse, dans les provinces baltiques, en Pologne,
en Autriche, dans divers Etats secondaires de l'Allemagne,
comme le Wurttemberg, la Saxe et le Hanovre, à Hambourg
et en Danemark. Les propriétaires associés offrent aux prê-
teurs plus de garanties pour le recouvrement des capitaux et
des intérêts, et plus de facilités pour le service des payements
et la circulation des lettres de gage. Beaucoup de ces asso-
ciations do propriétaires sont très anciennes. Dans d'autres
pays, en Belgique et en Bavière, par exemple, on a vu s'or-
ganiser des sociétés de prêteurs, formées entre capita-
listes, mais la plupart n'ont pas réussi. Enfin les Etats
étrangers possèdent de nombreux établissements publics
de crédit foncier. Les plus anciens sont ceux de la Russie,
qui ont été créés par Catherine II vers le milieu du
xviii^ siècle. On en a compté plus de cent, étabhs sur des
bases diverses. Des établissements moins importants ont
été fondés, entre 1840 et 1848, dans le Hanovre, la Saxe,
la liesse électorale, le duché de Nassau, etc. En Belgique,
une caisse de crédit foncier, dirigée par l'Etat, a été créée
en 1850 pour remplacer les établissements privés qui
s'étaient fondés antérieurement et qui n'avaient point donné
les résultats qu'on en attendait. Mais c'est surtout depuis
la fondation du Crédit foncier de France et à la suite des
études et des discussions remarquables qui ont précédé son
institution, que les gouvernements étrangers, suivant
l'exemple du gouvernement français, ont créé de grands
établissements du même genre. Citons, parmi les princi-
paux : le Crédit foncier d'Autriche, la Banque royale
hypothécaire de Suède, fondée en 1861 sous le patronage
de l'Etat ; la Banque hypothécaire d'Espagne, fondée en
1872 ; le Crédit foncier luxembourgeois (1879), le Cré-
dit foncier égyptien {i^%Çf) . En outre, de grandes socié-
tés ont été fondées dans beaucoup d'Etats par l'initiative
privée. Plusieurs d'entre elles, comme le Crédit foncier
franco-canadien (1880) et la société fondée à New-York
en 1871, rappellent de très près le type adopté en France.
En Allemagne même, plus de vingt sociétés du même genre
se sont élevées dans les trente dernières années, et ont
bénéficié de l'expérience faite en France. En Italie, il existe
huit sociétés privilégiées de crédit foncier, à Naples, à
Rome, à Sienne, à Bologne, à Milan, en Sardaigne et en
Sicile. Chacune d'elles dessert une région déterminée. En
outre, diverses sociétés de crédit font des prêts hypothé-
caires sans privilège et sans hmitation territoriale. A l'heure
actuelle (1890), un projet de création d'une société géné-
rale de crédit foncier est à l'étude dans les Chambres ita-
— 343
CRÉDIT — CREIL
hennés. On trouvera de nombreux renseignements sur
toutes les sociétés étrangères dans l'ouvrage de M. Josseau
(t. Il, pp. 489 à 360).' Marcel Plâniol.
BiBL. : ï. Origines, — L. Wolowski, Dô la Mobilisation
du Crédit foncier, dans Revue Wolowski, t. X, p. 241
(mémoire lu à TAcad. des sciences mor. et pol. le 13 juil.
1839). -*- RoYER, Des Institutions de crédit foncier en Al-
lemagne et en Belgique^ 1845. — L. Wolowski, De l'Or-
ganisation du Crédit foncier; Paris, 1848. — Rapport au
conseil général de l'agricidture^ mai 1850. — Enquête exé-
cutée par le conseil d'Etat sur le Crédit foncier, juin 1850.
— Josseau, Chonsky et Delanoy, Des Institutions de
crédit foncier et agricole dans les principaux Etats de
VEurope^ nouveaux documents recueillis par ordre du
ministre de l'agriculture et du commerce, 1851. — Chéga-
ray. Rapport à V Assemblée législative fait au nom de la
commission du Crédit foncier, avr. 1851.
II. Traités et études diverses. — Les renseignements
les plus abondants se trouvent dans J.-B. Josseau, T?'aiié
du Crédit foncier; Paris, 1885, 2 vol., 8« éd. — On peut voir
aussi : articles divers dans le Journal des Economistes
(V. la table générale de 1883, art. Crédit foncier). — Mon-
TAGNON, Traité sur les sociétés de crédit foncier, 1886.
— Rambaud de la Roque, Etude sur la société du Crédit
foncier, 1874. — Aug. Moireau, la Dernière Crise du Cré-
dit foncier (Revue des Deux-Mondes du l»"^ août 1890). —
Arthur Giratjlt, le Crédit foncier et ses privilèges ; Paris,
1889 (thèse soutenue devant la Faculté de droit de Poitiers
en 1888; compte rendu dans le Bulletin de la Société de
législation comparée, 1891, pp. 232-237).
CRtiDlT LYONNAIS (V. Société financière).
CRÉDIT MOBILIER (V. Société financière).
CREDNER (Karl-August), théologien allemand, né
à Waltershausen, près de Gotha, le 10 janv. 4797, mort à
Giessen le 16 juil. 1857. Il fut professeur de théologie à
léna, d'ahord, puis à Giessen, et occupa une place esti-
mable dans la critique biblique ; se rattachant à la tendance
rationaliste, il combattit l'orthodoxie dans de nombreux
écrits polémiques. Ses principaux ouvrages sont : Beitrdge^
%ur Einleitung in die biblischen Schriften (iSi^'^ASi^S,
2 vol.); Das Neue Testament nach seinem Zweck, Ur-
sprungund Inhalt (1841-43 2 vol.) ; Zur Geschichte des
Kanons (1847) ; Geschichte des neutestamentlichen
Kanons, publié par Volkmar en 1860.
CREDO. I. Théologie (V. Symbole).
IL Musique (V. Messe).
CREEKS. Nation indienne, de la famille des Appalaches,
qui, au temps de l'arrivée des premiers colons européens,
occupait un immense territoire sur la côte septentrionale
du golfe du Mexique, le bassin du Mississipi et la région
de l'Atlantique jusqu'aux limites actuelles de la Caroline
du Sud. Les Creecks étaient établis sur la partie de ces
territoires qui comprend aujourd'hui le nord de la Géorgie
et de FAlabama et l'est de l'Etat de Tennessee. Ils étaient
originaires de l'Ouest, poussés depuis le Mexique jusqu'aux
monts Alleghanies et près des rivages de l'Atlantique par
des mouvements obscurs de population. A leur arrivée,
ils avaient soumis les Uchees qui occupaient le pays avant
eux et dont quelques survivants se sont dispersés dans
leurs tribus. Ils se divisèrent bientôt en deux nations,
les Muskogees au N. et à l'O., et les Séminoles au S.
(Floride). Peu à peu, les tribus des Creeks furent repoussées
de la Géorgie et de TAlabama par la colonisation européenne
de ces régions. Vers le milieu du siècle actuel, le gouver-
nement des Etats-Unis les établit définitivement dans le
Territoire indien, à l'O. de l'Etat d'Arkansas. En 1840,
ils étaient encore 25,000. Leur nombre est tombé à 14,000
dans les dernières années. Ces Indiens ont fait quelques
progrès dans la civilisation. La plupart sont chrétiens, ils
possèdent des éghses et de nombreuses écoles pour leurs
enfants ; ils portent le costume européen, parlent la langue
anglaise, et s'adonnent à l'agriculture sur les 1,300,000
hectares composant leur réserve, voisine de celle des
Choctaws. Ils possèdent 110,000 bœufs, 40,000 porcs,
26,000 chevaux, etc. Ils ont une constitution écrite, élisent
leurs chefs et des représentants composant une assemblée
législative, le Grand Conseil. Leur soumission complète à
l'Union date de la défaite qu'infligea en 1813 le général
Jackson à leur chef Mac Gillivray. Aug. M.
CREEK TowN (Afrique occidentale). Ville de la Guinée,
côte de Calabar, possession anglaise, à 60 kil. de l'em-
bouchure du Vieux (Old) Calabar, près de l'un des mari-
gots latéraux, ce qui lui a valu son nom ; elle portait celui
de Ekouritinko. On y compte 6,000 hab. Elle s'étend sur
les pentes des collines qui se développent en demi-cercle
au-dessus du cours d'eau ; ses maisons basses bordent le
rivage, les rues sont droites et larges. C'est la ville royale,
résidence du roi et des princes de Calabar, pour lesquels
le protectorat anglais a fait bâtir, au centre et dans la
partie haute, des édifices de construction bizarre. A peu
de distance, en aval, est la ville de commerce (huile de
palme) beaucoup plus importante, Duke Town (V. Ca-
labar).
CREFELD ou Krefeld. Ville de l'empire d'Allemagne,
royaume de Prusse, prov. Rhénane, cercle de Dusseldorf, à
6 kil. à gauche du Hliin ; 90,236 hab. (en 1885). C'est
une ville riche, bien bâtie, avec de grandes places pu-
bliques ; un des centres industriels de l'Allemagne, le
principal pour la fabrication de la soie et du velours ; en
1885, les trente mille métiers employaient 400,000
kilogr. de soie grège, 300,000 kilogr. de chappe et
900,000 kilogr. de coton, produisant des soieries pour
100 millions de francs, dont 75 pour l'exportation ; le total
des salaires atteignait 30 millions de francs. La contre-
façon des soieries lyonnaises est assez générale. Crefeld
fabrique surtout des soieries légères et mélangées pour
l'Amérique ; on y conditionnait en 1885 près de 500,000
kilogr. de soie, mais une partie pour les villes voisines,
Dulken, Viersen,etc.; le mouvement d'affaires des banques
officielles atteignait 600 millions. Les autres industries
sont secondaires (machines, raffineries, brasseries, produits
chimiques, savonneries, imprimeries, etc.). Une école pro-
fessionnelle de tissage, de teinturerie, etc., a près de trois
cents élèves. Crefeld est au point de jonction de plusieurs
voies ferrées, Neuss-Zevenaar, Crefeld-Hochfeld,Gladbach-
Ruhrort, Viersen-Suchteln.
Histoire. — Crefeld appartenait à la principauté de
Meurs ou Mers, avec laquelle elle passa aux mains de la
Prusse en 1702 ; cette localité est mentionnée dès 1166,
et reçut en 1373 une charte urbaine; en 1677 le château
voisin de Krakau fut rasé ; sa prospérité date de la fin du
xvji^ siècle et du xviii®, lorsque les persécutions religieuses
opérées dans les duchés de Berg et de Juliers décidèrent
une foule de réformés, mennonites, etc., à s'y réfugier. Le
23 juin 1758, Ferdinand de Brunswick y battit l'armée
française de Clermont.
BiBL. : Keussen, Die Stadt und Herlichkeit Crefeld; Cre-
feld, 1859.
CRÉGOLS. Com. du dép. du Lot, arr. de Cahors, caiit.
de Saint-Géry; 331 hab.
CRÉ6UT (Lac de la) (V. Cantal [Dép.], t. IX, p. 102).
CRÉGY. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr. et
cant. de Meaux ; 368 hab.
CRÉHEN. Com. du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Dinan, cant. dePlancoët; 1,708 hab.
CREIL {Creil'Sur-Oise ; Credulium). Ch.-l. de cant.
du dép. de l'Oise, arr. de Senlis; 7,418 hab. Stat. du
chem. de fer du Nord, embranchements vers Paris, Pon-
toise, Beauvais, Amiens et Tergnier.
L'île que forme à Creil la rivière d'Oise fut l'origine de
la ville ; il y existait un château dès l'origine de la mo-
narchie et l'on prétend que Dagobert P^ y reçut la soumis-
sion de Judicail, duc des Bretons. Au ix® siècle, ce châ-
teau fut fortifié pour résister aux Normands, et une ville se
groupa alentour. C'est à Creil que se réunit, en 879,
l'assemblée qui offrit la couronne à Louis de Germanie, au
détriment des fils de Louis le Bègue. Au x^ siècle, Creil
appartenait aux comtes de Senlis, d'où il passa aux mains
des rois et saint Louis le donna avec Clermont à son fils
Robert. Philippe le Bel se trouvait, en 1297, au château
de Creil oii il reçut les légats de Boniface VÏIÏ lui appor-
CREIL — CREIZENACH
314 —
tant la fameuse bulle qui fut l'origine des démêlés de ce
prince avec le pape. En 4358, le roi de Navarre s'empara
de Creil et y mit une garnison de 4,500 hommes qui
dévasta tellement le pays d'alentour qu'elle fut obligée de
se retirer l'année suivante, faute d'y trouver à vivre. Creil
fut réuni au bailliage de Senlis en 4374 par Charles V,
qui fît reconstruire le château. Ce fut dans ce château que
fut amené et soigné Charles VI pendant sa démence. Creil
joua un rôle très important pendant les guerres du
XV® siècle. Le château se rendit aux Bourguignons après la
prise de Paris, en 4448. En 4429, les habitants chassèrent
la petite garnison anglaise qui l'occupait et firent leur sou-
mission à Charles VU. Talbot s'en empara de nouveau en
4434, après un siège de six semaines ; mais, dès l'année
suivante, Dunois et le connétable de Richement la reprirent
après une lutte sanglante. Creil retomba bientôt entre les
mains des Anglais, car Charles VII le reprit de nouveau
sur eux en 4444, après douze jours de résistance. Au
xvi*^ siècle, Creil appartint à Louise de Savoie, mère de
François P^ qui vint lui-même y résider plusieurs fois. En
4567, les huguenots s'emparèrent de Creil, pillèrent les
églises et détruisirent les reliques. Le château, tombé aux
mains des ligueurs en 4588, fut repris l'année suivante
par Henri IV qui y revint souvent, attiré par la proximité
du château de Verneuil. La forteresse fut vendue, en 4780,
à charge de démohtion ; il n'en subsiste plus maintenant
que quelques pans de murailles ; Androuet du Cerceau Fa
reproduite dans le premier volume de ses « plus excellents
bastiments de France ». La ville avait aussi une enceinte
fortifiée dont on voit encore quelques restes auprès de
l'église paroissiale. La collégiale Saint-Evremond de Creil
avait été fondée dans l'enceinte du château au x® siècle ;
Féghse (monum. hist.) du xii^ siècle, avec trois nefs, existe
encore en partie dans une propriété particulière ; la nef
était en plein cintre et le choeur gothique. Il y avait une
autre église dans le château sous le titre de Sainte-Made-
leine et dans la ville une maladrerie datant du xii^ siècle.
L'église Saint -Médart, adossée aux anciens remparts,
a beaucoup souffert des différents sièges supportés par la
ville ; elle présente aujourd'hui une forme très irrégulière
et un mélange de constructions gothiques de diverses
époques (xii®, xiv® et xv^ siècles). On y remarque un petit
caveau et une cheminée avec cuve, qui devaient servir aux
baptêmes par immersion, dont l'usage s'est prolongé jus-
qu'au XII® siècle. Le clocher date de l'année 4550 ; c'est
une haute tour carrée, ornée d'une balustrade et terminée
par une pyramide. Creil a deux hameaux : Le Plessis-Pom-
meraye et Vaux, avec une vieille chapelle en ruine.
La situation de cette petite ville, au confluent des vallées
de l'Oise, du Thérain et de la Bresche et de l'embranche-
ment de nombreuses routes et voies ferrées, en a fait un
centre commercial et industriel très important. Il nous
serait impossible de signaler toutes les industries qui y
sont établies ; nous citerons seulement la célèbre manu-
facture de faïence ou porcelaine opaque qui remonte à
l'année 4800; des carrières, des verreries, une fabrique
de boutons de faïence, des moulins, des fonderies, un ate-
lier de grosse chaudronnerie, etc. Le vieux pont en pierre,
qui gênait la navigation, vient d'être remplacé par un pont
en fer. V*® de Caix de Saint-Aymour.
BiBL. : Graves, Canton de Creil, 1834, in-8. — Mathon,
Histoire de Cveil^ 1866, in-8. — D»' Boursier, Hist. de la
ville et chastellenie de Creil, 1882, pi. et fig., m-8. —La
Rochefoucauld, Statistique industrielle du canton de
Creil, 1826, in-8.
CR El Ll N 8 (Jean-Conrad), mathématicien du xviii^ siècle,
d'origine anglaise, mort en 4744, dont les ouvrages ont
été imprimés à Tubingue et sur la vie duquel on n'a guère
de détails. On a de lui : Methodus de maximis et mi-
nimis (4704); Statera universalis (ilO'à) ;^ Antliœ
pneumaticœ phœnomena prima quitus vulgo machi-
nam hanc tentare soient (4705) ; Phœnomena laternœ
magicœ ad stateram expensœ per principium isody-
namicum explicata (ilO^', Problema Schickardianum,
sive tîigonocirculare, solutum (i 708) ; Compendium
physicarwm definitionum (4 743).
GRE ISS AN {Crexanum, Creissanum), Com. du dép.
de l'Hérault, arr. de Béziers, cant. de Capestang ; 473 hab.
Cette localité, située sur les premiers coteaux qui limitent
au N.-O. la plaine de Béziers et la vallée de l'Orb, est
citée dès l'an 952. Vendue à celte date au vicomte Mat-
fred, elle fut peu après cédée par ce seigneur et sa femme
Adélaïde à l'archevêque Aimeri (959). En 977, ce prélat
la lègue au chapitre de Saint- Just-et-Pasteur qui la pos-
séda jusqu'à la Révolution. En 4432, l'église Saint-Martin,
probablement nouvellement reconstruite, est consacrée par
l'archevêque Arnaud, légat du saint-siège, et plusieurs
autres prélats de la province, qui y établissent en même
temps un asile. Le lieu de Creissan, bien qu'aujourd'hui
dans l'Hérault, a toujours fait partie du diocèse de Nar-
bonne ; après avoir dépendu de la viguerie de Béziers, il
fut compris en 4349 dans la nouvelle viguerie de Nar-
bonne.
CREISSELS. Com. du dép. de l'Aveyron, arr. et cant.
de Milhau, sur la rive gauche du Tarn; 734 hab. Le bourg
est bâti au pied de rochers à pic du haut desquels tombe
une cascade de 23 m. Sur l'un de ces rochers sont de pit-
toresques ruines de l'ancien château de Creissels, détruit
par un incendie, dans la nuit du 4 sept. 4844. Il est déjà
question de Creissels, au xi*^ siècle, dans le cartulaire de
(iellone. Raymond d'Anduse-Iîoquefeuil, seigneur de Mey-
rueis, est le premier qu'on trouve, dans les textes, avec la
qualification de vicomte de Creissels. Cette vicomte passa
successivement dans la maison d'Armagnac et de Bourbon
et fut réunie à la couronne par Henri IV. Le château et la
ville qu'on avait fortifiés soutinrent, du 29 août au 8 sept.
4628, un « siège héroïque » contre le duc de Rohanet les
huguenots de Milhau. Les fortifications de Creissels furent
rasées en 4633. C. C.
BiBL. : H. DE Barrau, Documents historiques sur les
familles du Rouergue; Rodez, 1853, t. I, pp. 269-276. —
PouGENS, Relation du siège de Creissels transcrite par
Granler dudit bourg, en 166(t, dans les Mémoires de la
Société des lettres dh l'Aveyron, 1843, t. IV, pp. 79-98.
CREISSET. Com. du dép. des Basses- Alpes, arr. de
Digne, cant. de Mezel ; 444 hab.
CREIZENACH (Michael), mathématicien allemand, né à
Mayence le 46 mai 4789, mort à Francfort-sur-le-Main le
5 août 4842. Appartenant à une famille israéhte, il reçut
sa première instruction dans une école talmudique et ce fut
à l'insu de ses parents qu'il essaya d'atteindre à un niveau
plus élevé. Il finit par entrer comme élève au gymnase
français de Mayence, compléta ses études et devint profes-
seur. Il a publié deux ouvrages de géométrie : Versuch
neber die Pa?^a^/^^^/i^om (Mayence, 4822) ; Lehrbiich der
technischen Géométrie (Francfort, 4828). Mais il consacra
surtout son activité au professorat, notamment à l'école
Israélite de Francfort, à partir de 4825, et à l'amélioration
des moeurs et des habitudes de ses coreligionnaires. Il fonda
dans ce but une société réformatrice des Israélites, ayant
pour principal objet de les amener à l'agriculture et aux
études professionnelles. Un écrit de controverse talmu-
dique, Schidchan Aruch (Table de l'hospitalité) (Franc-
fort, 4833-40, 4 vol,) lui attira de vives et nombreuses
réponses.
CREIZENACH (Theodor), poète allemand, né à Mayence
le47avr. 4848, mort à Francfort-sur-le-Main le 6 déc. 4877,
fds du précédent. Membre actif de la société fondée par son
père, sémite militant, professeur au gymnase, il a publié
deux volumes de poésies : Dichtungen (Francfort, 4839) ;
Gedichte (Francfort, 4848 ; 2^^ édit. 4854) ; édité la cor-
respondance de Gœthe avec Marianne de Villemer (2^ édit.,
Stuttgart, 4878) ; rèèàiié Y Histoire universelle àe Schlos-
ser (4870 et suiv.). — Son fils Wilhelm, né à Francfort-
sur-le-Main le 4 juin 4854, professeur de littérature alle-
mande à l'université de Cracovie, a écrit : Legend und
Sagen von Pilatus (4874) ; Versuch einer Geschichte
345-
CREIZENAGH - CRÉMAILLÈRE
des Volksschauspîels Don Doctor Faust (Halle, 1878) ;
Bûhnengeschichte des Gcetheschen Faust (Francfort,
1881); Zur Enstehungsgeschichte des neuen deutschen
Lustspiels (Halle, 1879), etc.
CRELINGER (Augusta Durnig, femme), actrice alle-
mande, née à Berlin le 7 oct. 1795, morte le 11 avr. 1865.
Elle débuta en 1812, obtint de grands succès dans la tra-
gédie, se retira en 1862. — Ses filles Bertha Stieh
(1818-1876) et Klara Stich (1820-1862) brillèrent
comme elle au théâtre de la cour (Hoftheater),
CRELL (Nikolaus), né à Leipzig vers 1550, mort à
Dresde le 9 oct. i 601 . Il enseigna le droit à Funiversité
de Leipzig et devint, en 1589, conseiller intime et chan-
celier de l'électeur de Saxe, Christian. Il employa son
influence à substituer dans FElectorat le calvinisme au lu-
théranisme. Les ecclésiastiques luthériens furent remplacés
par des crypto-calvinistes ; on publia une Bible annotée et
un catéchisme dans le sens calviniste. Mais à la mort de
Christian, son protecteur, Crell fut emprisonné (1591) ; sous
la pression de la noblesse, dont il avait menacé les privilèges,
on lui fit son procès, et il subit la peine capitale.
BiBL. : Richard, Der kurfûrstliche Kanzler Nikolaus
Crelt^ 1859, 2 vol. — Henke, Kaspar Peucer und Nikolaus
Crell^ 1865. — Calinisch, Zwei seechsische Kanzler^ 1868.
— Brandes, Der Kanzler Crell^ ein Opfer des Ortho-
doxismuSf 1873.
CRELL ou CRELLIUS (Johann), socinien allemand, né
en 1590, mort en 1633. Il fut régent de l'évêché des uni-
taires à Cracovie, et combattit sans ménagements le dogme
de la Trinité. Principaux ouvrages : De Deo et attributis
ejus (Cracovie, 1630 ; Amsterdam, 1648); De Uno Deo
Pâtre libri duo^ in quibus milita etiam de Filii et Spi-
ritus sancti natura (1631 et 1639) ; Vindiciœpro reli-
gionis libertate (1637).
CRELLE (August-Leopold) , mathématicien allemand,
né à Eichwerder le 27 mars 1780, mort à Berlin le 6 oct.
1855. Architecte de profession, il se fit assez remar(juer
pour être nommé, par le gouvernement prussien, conseiller
supérieur d'architecture et membre de la direction des
bâtiments. Comme tel, il coopéra activement, de 1816
à 1826, à la construction des routes dans les Etats prus-
siens et fit le projet du chemin de fer de Berlin à Potsdam.
Le ministère de l'instruction publique de Prusse finit
cependant par le mettre à même de ne s'occuper que de
mathématiques. Il était membre de TAcadémie des sciences
de Berlin depuis 1828. Crelle est surtout connu par la
publication du célèbre journal de mathématiques qui a porté
son nom avant celui de Borchard et qu'il a dirigé de 1826
à 1851 {Journal fur reine und angewandte Mathe--
matik; Berlin). En même temps, il dirigeait également
un journal d'architecture (/oi^rwa^ der Baufmnst), Ses
autres publications sont : Versucfi ilber die Rechnung
mit ver ânder lichen Grôssen (Gœttingue,1811) ; Samm-
lung mathematischer Aufsatze und Bemerkungen
(Berlin, 1820 et 1822, 2 vol.); Versuch einer allge-
meinen Théorie der analytischen FacuUdten (1825);
Handbuch des Feldmessens und Nivellierens (1826) ;
Lehrbuch der Elemente der Géométrie (1826-1827,
2 YoL); Rechentafeln (1812); Erleichterungs tafeln
furjeden derzu rechnen hat. (1826) ; Encyclopddische
Darstellung der Théorie der Zahlen (1845). T.
CREMA. Ville d'Italie, prov. de Crémone (Lombardie),
à 43 kil. N.-O. de cette ville, sur le Serio, affluent de
l'Adda ; 8,741 hab. Elle fut bâtie au vi® siècle de notre
ère au milieu des forêts et des marécages par des Italiens
qui fuyaient les cruautés d'Alboïn, roi des Lombards (570).
Elle fut prise en 1159 par Frédéric Barberousse à la suite
d'un siège légendaire où les Allemands jouaient avec les
têtes coupées de leurs prisonniers- Crema ne fut rebâtie
qu'en 1185. La ville actuelle possède encore un vieux
château fort et une enceinte en brique. C'est une ville
industrielle prospère surtout par la fabrication des den-
telles et des soieries. Crema est un évêché.
CRÉMAGE (Techn.). Le crémage est l'opération qui
consiste à donner un demi-blanchiment aux fils de lin et
de chanvre. On lessive au carbonate de soude, on lave,
on passe au chlorure de chaux, puis à l'acide et on lave.
Dans cette opération, Félimination de la matière incrus-
tante n'est pas complète, et la fibre garde plus de poids
et de résistance, mais elle n'a pas perdu entièrement sa
nuance jaunâtre. Souvent même, pour donner au fil de hn
crémé une teinte jaune plus franche et pour imiter cer-
tains tissus écrus, on immerge la fibre dans un bain d'eau
tenant en suspension de Focre jaune en poudre. L. K.
CRÉMAILLÈRE, l. Mécanique (V. Engrenage et Chemin
DE FER DE MONTAGNE, t. X, p. 1048).
IL Serrurerie. — Tige en fer méplat, percée de plu-
sieurs trous ou crans et fixée à un châssis à tabatière.
La crémaillère sert à soulever le châssis et à le main-
tenir ouvert, tout en permettant de varier Fouverture;
pour cela, on fait entrer dans l'un des crans un arrêt en
forme de crochet fixé au bâti du châssis. L. K.
m. Ameublement. — Double tige de fer fixée par un
anneau de suspension dans l'intérieur de la cheminée des
cuisines et se terminant par un crampon destiné à suspendre
des récipients de métal au-dessus du foyer. Les deux
tiges de la crémaillère s'allongent et se raccourcissent au
moyen de crans évidés dans le fer et dans lesquels vient
mordre le crochet qui les réunit. Dans les cheminées
des anciens châteaux et des maisons conventuelles, les cré-
maillères atteignaient de grandes dimensions et elles étaient
pourvues de nombreux crochets qui portaient une série
de marmites et de chaudrons étages pendant la préparation
des mets. Leur fabrication était très soignée et Fon con-
serve au musée de l'hôtel de Cluny et chez divers ama-
teurs, des crémaillères qui sont des pièces importantes de
ferronnerie des xv® et xvi® siècles. De nos jours l'exiguïté
des appartements et l'usage des fourneaux de fonte a fait
renoncer à cet antique ustensile, que l'on ne rencontre
plus que dans les cheminées des fermes et des auberges.
IV. Ebénisterie. — On appelle crémaillère, en ébénisterie,
les tiges dentelées cjue l'on place sur les quatre côtés des
armoires ou des bibliothèques et qui soutiennent les tablettes
au moyen de tasseaux que Fon place à la hauteur voulue.
On a produit également au xviii® siècle un grand nombre
de tables et de bureaux dont on élevait ou on abaissait la
tablette, au moyen d'un mécanisme à crémaillère que Fon
mettait en mouvement à l'aide d'un manche.
V. Fortification. — Tracé de fortification composé
alternativement de faces longues toutes parallèles entre
elles et de flancs courts généralement perpendiculaires
Ligne à crémaillère traversant un ravin,
aux faces. Dans la fortification de champ de bataille, les
lignes à crémaillère servent à relier deux points d'appui
de la ligne de défense, dont l'un forme saillant et l'autre
se trouve dans un rentrant. On les emploie aussi avec
avantage pour la traversée d'un pli de terrain perpendicu-
laire au front de la position. Le tracé se compose alors de
deux crémaillères qui forment un angle rentrant et dont
les flancs sont tournés vers les hauteurs. Ces deux cré-
maillères sont reliées par un petit redan.
CRÉMAILLÈRE — CRÈME
— 316
BiBL. : Ameublement. — H. Hayard, Dictionnaire de
V ameublement, ~ Viollet-le-Duc, Dictionnaire du mo-
bilier.
CREMAREST. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr. de
Boulogne, cant. de Desvres, sur la Liane; 313 hab. Eglise
très ancienne, mais très remaniée, surtout à l'extérieur, au
xv^ siècle; au bas de la nef s'élève une haute tour massive
construite à cette époque et qui a remplacé celle dont on
voit les restes au-dessus du carré du transept.
CRÉMASTER (V. Scrotum).
CRÉMATION. L'inhumation était jusqu'ici le seul mode
de sépulture autorisé par la loi; mais, en 1887, dans la
loi sur la liberté des funérailles, le docteur Blatin fit
adopter un amendement qui consacrait la faculté légale
d'employer la crémation. Tout majeur ou mineur émancipé,
en état de tester, peut déterminer librement le mode de
sa sépulture, opter pour l'inhumation ou l'incinération.
La coutume de brtîler les morts est très ancienne; d'après
quelques auteurs elle apparaît dès la seconde période de
l'époque du bronze (Waldemar, Schmidt), et à la place
même où s'élevait le bûcher on dressait un tumulus. Les
poètes et les historiens nous ont laissé de nombreuses des-
criptions des incinérations faites par les Grecs et les Romains.
Le mort était placé sur un bûcher (V. ce mot), à ciel ouvert,
quelquefois enveloppé dans un suaire d'amiante; mais dans
ces conditions la combustion pour être complète devait être
fort longue. Les chrétiens, obéissant aux coutumes sémites
dont dérivait leur religion et pour se distinguer des païens,
rejetèrent l'incinération, et, sous l'influence de TEglise
bientôt dominante, ce mode de sépulture disparut de l'Eu-
rope. Notons cependant l'incinération, par le procédé an-
tique, du poète Shelley par son ami lord Byron, en 1 822, près
de Livourne. Mais ce n'est qu'en 1 872 qu'eurent lieu les pre-
mières expériences sérieuses de crémation faites par Brunetti
de Padoue. En 1874, lady Dylke était crémée à Dresde.
A dater de cette époque, les crémations deviennent
plus nombreuses, des sociétés pour la propagation de la
crémation se fondent à Zurich, Dresde, Gotha, Milan, Lon-
dres, Paris (1880), mais dès le début elles ont à lutter
contre les lois qui régissent le mode de sépulture. Succes-
sivement les lois allemande, itaMenne, puis française sont
modifiées et la crémation devient facultative. Mais l'Eglise,
hostile à toute innovation , s'est prononcée contre l'inci-
nération des corps. Il est difiicile de trouver une justi-
fication de cette défense. Les griefs invoqués contre la
crémation sont de plusieurs ordres. La question sentimen-
tale et surtout la question religieuse sont d'une importance
secondaire, il s'agit d'une routine. Nous sommes habitués
aux cérémonies ordinaires de l'inhumation, la destruction
des corps tout aussi réelle y est moins apparente, moins
brusque ; le culte des morts serait modifié. Il suffit de faire
valoir que la crémation étant essentiellement facultative, il
faut laisser au temps le soin d'habituer le peuple à ce
procédé. Une autre objection plus grave, àpremièrevue, serait
l'impossibilité oti se trouverait la justice de recourir à des
expertises médico-légales longtemps après le décès, comme le
permet rinhumation. Remarquons que ces exhumations sont
excessivement rares, qu'on pourrait à la rigueur soumettre
tous les corps destinés à être crèmes à une autopsie prélimi-
naire ; je me hâte d'ajouter que cette mesure, par elle-
même, par les ennuis et les complications qu'elle entraîne,
aurait pour effet de diminuer le nombre des crémations, et
d'autre part que, si malgré cet empêchement le nombre en
augmentait, elle deviendrait impossible.
Au point de vue de l'hygiène, l'utilité de la crémation est
incontestable. Au mot Cimetière, nous avons signalé les
difficultés que suscitaient aux municipalités l'édification et le
maintien de ces nécropoles. Avec la crémation, la place occu-
pée par les morts sera réduite comme il convient au minimum
et l'économie résultant des achats de terrains compensera
et au delà les frais de la crémation. Enfin à une époque où
la dispersion de la famille loin de son centre d'origine
augmente chaque jour, le transport des restes mortuaires
pourrait s'effectuer avec la plus grande facilité. Mais c'est
principalement en temps d'épidémie, de guerre, et pour les
cas de maladies contagieuses que la crémation présente sur
l'inhumation une supériorité incontestable.
La crémation étant admise en principe, il s'agit de déter-
miner quel est le meilleur mode opératoire. Au bûcher antique
oîi le corps se carbonisait lentement on a substitué des fours
spéciaux susceptibles de réduire en cendre aussi rapidement
et aussi décemment que possible les cadavres. Un grand
nombre de systèmes ont été préconisés. Le four régénératif
Siemens a été un des premiers employés. Le principe est le sui-
vant : l'air est chauffé avant d'arriver au brasier, où il doit
assurer la combustion des matériaux. Cet échaufîement de
l'air oxygéné s'obtient en dirigeant les gaz de la combustion
à travers une sorte de grille en terre réfractaire, avant de
les envoyer dans la cheminée. C'est à travers cette terre
échauffée que passe l'air avant d'arriver au foyer. C'est
l'air chaud passant autour du cadavre qui détermine la
vaporisation de l'eau tout d'abord, puis la calcination
ensuite. Les tissus riches en eau, comme le foie, résistent
souvent à la destruction complète. Depuis on a utilisé les
appareils de Polli-Ceretti, de Venini et de Gorini. Au four
crématoire élevé par la ville de Paris au Père-Lachaise,
on utihse simultanément les appareils Gorini et Toisoul.
On employait tout d'abord le bois comme combustible ; il
s'agissait en effet d'obtenir de longues flammes de façon
que le corps fût entouré complètement, sans être touché.
En Italie on employait des fagots ; en France on utilise des
plaques de hêtre et de sapin, le chêne ne donne que de
mauvais résultats. Et ilfautl,OOOkilogr. de cette dernière
essence pour obtenir les effets que donnent 650 kilogr. de
sapin. Le pyromètre indique une température maximum de
960°. Le tirage est activé par un foyer placé dans la che-
minée d'appel et qui sert encore à brûler complètement
tous les gaz qui résultent de la combustion des corps; l'opé-
ration est ainsi rendue totalement inodore. Les cercueils de
chêne offrent une grande résistance à la combustion, ceux
en sapin doivent être préférés. Pour la crémation des
cadavres de contagieux , on a déjà employé des cercueils
garnis en caoutchouc ou simplement en carton bitumé qui
assurentrétanchéiténécessairependantle transport et brûlent
sans difficulté. L'appareil d'introduction du corps dans le
four consiste en un chariot muni de deux longs bras for-
mant fourchette et glissant sur des rails encastrés dans le
sol. Au moment de l'ouverture du four, il se produit un
grand flamboiement regrettable en ce qu'il impressionne
désagréablement l'assistance. Un cendrier est déposé à
l'avant du four. L'opération dure environ une heure
vingt minutes. La substitution du coke au bois dans l'ap-
pareil de Toisoid et Fradet permet une économie notable, un
sac de coke de 19 fr. étant suffisant pour brûler un corps,
et cette dépense tomberait à 3 fr. si le four était utilisé
toute la journée. — La taxe des redevances à percevoir
à Paris est fixée uniformément à 50 fr. , y compris l'occu-
pation pendant cinq ans d'une case dans le colombarium
municipal, l'urne restant à la charge des familles, mais à
cette somme il faut ajouter la redevance variable avec la
classe due pour la décoration funèbre du monument créma-
toire, droit variant de 12 fr. à 200 fr. D^ P. Langlois.
BiBL. : PiETRA Santa, la Crémation, 1881. — Bulletin de
la Soc. pour la propagation de la crémation, 1882 et suiv.
— Congrès d'hygièneet de démographie.^ sect.VIII, 1889.
CRÉIVIE. I. Économie domestique. — Du lait étant aban-
donné à lui-même dans un endroit frais, on voit se produire
à sa surface une couche onctueuse jaunâtre, d'une saveur
douce et sucrée : c'est la crème qui renferme le beurre. On
évalue la richesse d'un lait en crème à l'aide d'un instru-
ment appelé crémomètre. C'est une éprouvette à pied de
15 centim. de hauteur sur 38 millim, de diamètre et divisée
en cent parties égales. L'éprouvette étant remplie de lait jus-
qu'à la division zéro, on laisse reposer dans un endroit frais ;
au bout de vingt-quatre heures la couche crémeuse est montée
et on lit le nombre de divisions; le bon lait donne 10 à
16 divisions. Toutefois, ce n'est là qu'une indication
approximative, car il reste encore un peu de crème dans
le lait. La crème est plus légère que le lait, sa densité est
en moyenne de 4, 020. Le prmcipal usage de la crème est la
fabrication du beurre (V. ce mot) mais on l'emploie aussi
en nature, surtout dans la pâtisserie et pour la confection
de divers fromages dits fromages à la crème (V. Fro-
mage). En Angleterre, on utilise la crème fraîche, sucrée
et vanillée, mêlée avec un peu de rhum, comme succédané
de l'huile de foie de morue. La crème vendue dans les villes
n'est pas toujours bien pure ; ainsi la plupart des produc-
teurs de Paris additionnent d'un peu d'eau le lait de la
veille et enlèvent la couche de crème le lendemain. Cette
crème n'a aucune consistance, on l'enlève à la cuiller, elle
ne renferme que 40 à 45 ''/oo de beurre, et présente
à peu près la composition suivante °/o : matière buty-
reuse, 4,5 ; caséine, 3,5 ; sérum, 92,0. A vrai dire,
il existe dans le commerce trois sortes de crèmes : P
jeune crème ou crème du matin, de douze heures, qui
passe au travers de l'écumoire : c'est le produit précédent,
encore appelé crème de café ; 2^ crème faite, ou crème
de vingt-quatre heures, pouvant s'enlever à l'écumoire ;
elle est plus riche que la précédente ; 3*> crème double
ou crème de quarante-huit heures, qui renferme 300 à
400 gr. **/oo de beurre ; une cuiller qu'on y plonge reste
droite.
La richesse du lait en crème est excessivement variable
(V.Lait), mais, quel que soit le lait mis en expérience, on
remarque toujours, d'après les observations de M. Tisse-
rand : 1** que la montée de la crème est d'autant plus
rapide que la température à laquelle a été exposé le lait
se rapproche plus de 0^ ; 2° que le volume de crème
obtenu est d'autant plus fort que le lait a été soumis à une
température plus proche du 0 thermométrique; 3^ que
cette crème est d'autant plus riche en beurre et que celui-
ci est de meilleure qualité.
Une crème pure, de bonne qualité, doit être douce,
onctueuse, consistante, jaunâtre, sans grumeaux, d'une
saveur douce, légèrement sucrée et non acide. Mais dans
les villes, cette substance est souvent falsifiée avec de la
farine, de la craie, du plâtre ou de l'axonge. Voici d'après
M. G. Husson le moyen de reconnaître ces fraudes. On
délaye 50 gr. de crème dans 250 gr. d'eau qu'on met
dans une longue éprouvette ; par le repos on voit se former
diverses couches. A la partie supérieure monte la matière
grasse, axonge ou autre ; au-dessous est le sérum trans-
parent. Au fond de l'éprouvette, plusieurs dépôts : celui
du fond est formé par la substance la plus lourde, craie
ou plâtre, au-dessus la farine ou la fécule, enfin au-dessus
la caséine du lait, c.-à-d. le principe constitutif du fromage.
Si la crème est pure, il n'y a pas de dépôt inférieur et le
sérum est surmonté parla crème. — Vulgairement, on donne
aussi le nom de crème à la couche légère qui se forme
lorsqu'on fait bouillir le lait, dépôt assez consistant qui,
en empêchant la sortie des gaz, se gonfle et fait que le lait
se sauve. Cette substance n'a aucun rapport avec la crème
proprement dite, c'est de la caséine et de l'albumine coa-
gulées dont le véritable nom est frangipane» Alb. L.
IL Pâtisserie. — On donne aussi le'nom de crèmes à
des préparations culinaires d'excellent goût et fort nutri-
tives que l'on obtient en mêlant des jaunes d'œufs et du
sucre en poudre avec du lait préalablement bouilli et aro-
matisé, et en faisant prendre au mélange, dans un bain-
marie d'eau bouillante, une consistance molle par une cuis-
son d'une heure environ. Les aromates employés sont :
la vanille, la cannelle, les zestes de citrons infusés dans
le lait, ou la fleur d'oranger, l'essence de café, le chocolat
dissous dans un peu d'eau, ajoutés aux jaunes d'œufs. La
crème prend le nom du parfum ou de l'essence qui entre
dans sa préparation. — La crème fouettée, ou crème de
Chantilly, s'obtient en prenant de la crème double, bien
fraîche, additionnée d'un peu de sucre en poudre et de
gomme adragante pulvérisée ; on la fait élever en mousse en
la fouettant avec de petits osiers dans une terrine reposant
— 317 — CRÈME — CREMER
sur de la glace. La mousse est enlevée au fur et à mesure
de sa production et déposée sur un tamis. On dresse cette
crème soit dans une croûte de vol-au-vent, soit dans un
plat garni de biscuits, après l'avoir aromatisée avec de l'eau
de fleurs d'oranger, de la vanille, du citron, du chocolat.
On peut aussi y ajouter, au moment de servir, du rhum, du
marasquin ou toute autre liqueur. — Les liquoristes décorent
du nom de crèmes, des liqueurs de consistance sirupeuse,
qui ne sont que des espèces de ratafias : crème de menthe,
crème de noyaux, etc. Les pharmaciens donnent aussi le
nom de crèmes à des décoctions, dans de l'eau ou du lait,
de semences farineuses passées et amenées à la consistance
de bouillie claire, édulcorées et aromatisées, qui sont pres-
crites souvent aux malades dans les convalescences. Les
préparations de ce genre le plus en usage sont la crème
de riz et la crème d'orge mondé.
III. Thérapeutique. — Crème de tartre (V. Tar-
trate) .
CREMEAUX (Aube) {V. Cormost).
C REM EAUX {Villa de Cromellis, Cromel, Cromeux),
Com. du dép. de la Loire, arr. de Roanne, cant. de Saint-
Just- en -Chevalet, sur un plateau élevé; 1,658 hab.
Avant la Révolution, Cremeaux possédait un prieuré uni
au prieuré de Montverdun aippartenant à l'abbé de La
Chaise-Dieu. Cremeaux a donné son nom à différentes mai-
sons. La première, qui ne s'éteignit qu'au xiv^ siècle, portait
ce nom parce qu'elle habitait ce village et y prélevait quel-
ques cens, mais elle devait hommage au seigneur du heu,
le seigneur de Mont-Saint- Jean. Au xiv® siècle, sa terre passa
dans la famille de Pierre Vernin, juge du Forez, qui
s'anoblit dans la suite. Cette famille fournit au chapitre
noble de Saint-Jean de Lyon quatre chanoines-comtes. Les
hommes les plus marquants furent Claude de Cremeaux,
député de la noblesse aux Etats de 1614, qui épousa en
4595 Isabeau d'Urfé, et Renaud de Cremeaux, seigneur de
Lagrange, mort en '1633, maréchal de France, qui défendit
Nôvi dans la campagne de Lesdiguières en Itahe. La famille
de Cremeaux s'éteignit au xviii^ siècle et en 47591a terre
passa aux d'Apchon, seigneurs de Montrond. Ils avaient
pour armes : de gueules à trois croix trefflées au pied
fiché d'or, au chef d'argent chargé d'une onde d'azur:
cimier : une tête de chien ; cri : Serrières, Au xv® siècle,
ils portaient écartelé 4 et 4 de Cremeaux, 2 et 3 de Ser-
rières. — Sur le territoire de Cremeaux, dans le bois
Duivon, source d'eau minérale ferrugineuse ; on y ren-
contre des gisements houillers. Maurice Dumoulin.
BiBL. : Arm.gén. du Lyonnais^ Forez, Beaujolais; Lyon,
1860, in-8. — Comtesse de Charpin-Feugerolles, Isabeau
de Cremeaux; Lyon, 1882, pet. in-8 (non mis en vente).
CREMER (Christoph-Joseph) , homme politique allemand
contemporain, né à Bonn le 45 juil. 4840. Use fit connaître
comme journaliste, fut élu député à Cologne en 4875,
siégea au centre, se rallia aux conservateurs en 4884 et
rentra au Landtag de Prusse en 4882.
CREMER (Camille), général français, né à Sarregue-
mines le 6 août 4840, mort à Paris le 2 avr. 4876. Sorti de
l'école d'application d'état-major en 4861 avec len^ 2, il fit
la campagne du Mexique avec le 2^ zouaves, fut nommé
capitaine en 4866 et attaché en 4870 à l'état-major du gé-
néral Clinchant qui faisait partie de l'armée de Metz. Il
s'évada après la capitulation et vint se mettre à la dispo-
sition du gouvernement de Tours. A la fin de novembre,
Gambetta le nomma général de division au titre auxiliaire
et lui confia le commandement d'une division composée
presque exclusivement de mobiles et de mobilisés. Il prit
position à la droite de Garibaldi entre Beaune et Dôle.
Après une tentative infructueuse sur Nuits, il dut se re-
tirer sur Beaune, bien qu'il eût infligé à l'ennemi des pertes
considérables (48 déc. 4870). Lorsque l'armée de l'Est
prononça son mouvement sur Belfort, Cremer fut placé à
l'aile gauche avec une forte division de 48,000 hommes.
Pendant que le gros de l'armée était arrêté devant les po-
sitions de la Lisaine, il remporta un avantage à Chénebier
CREMER — CRÉMIEUX
(15 janv.), mais il dut suivre le mouvement de retraite qui
commença le surlendemain. Il put s'échapper du côté de
Gex avec sa cavalerie, pendant que son infanterie entrait
en Suisse. Après avoir soutenu à Bordeaux la possibilité
de continuer la guerre, il se rendit à Paris où venait d'écla-
ter l'insurrection du 48 mars. Il refusa le commandement
des troupes de la Commune, mais ne quitta Paris qu'après
avoir fait élargir le général Clianz}^ qui avait été arrêté
par des gardes nationaux. La commission de la re vision
des grades remit Cremer chef d'escadrons, bien qu'il eût
commandé en chef devant l'ennemi. Il n'accepta pas cette
décision et donna sa démission en termes très vifs ; il fut
mis en réforme. En 1872, on lui reprocha d'avoirfait fusil-
ier pendant la campagne un nommé Arbinet, épicier de
Dijon, considéré comme espion prussien et qui paraît en
effet avoir été de connivence avec l'ennemi. 11 fut traduit
pour ce fait devant le 1®^ conseil de guerre de Lyon avec
M. de Serres, délégué du gouvernement près de l'armée de
l'Est. Ils furent condamnés tous deux à un mois de prison
pour homicide par imprudence. Ils avaient en effet, comme
beaucoup d'autres généraux, commis l'imprudence de faire
exécuter sommairement un homme dont la culpabilité leur
paraissait démontrée. Apvès slyoiv colhhorë kh Piépublique
française, Cremer posa sa candidature aux élections légis-
latives de 1876 dans le XIX® arrondissement de Paris qu'il
habitait depuis quatre ans. Il ne fut pas élu et mourut un
mois après les élections. Il a pubUé un ouvrage intéressant
.sur le Mexique : Quelques Hommes et quelques insti-
tutions militaires (Paris, 1872, in-18), et, avec le
concours de l'ex-colonel Poullet : la Campagne de l'Est
et r armée de Bourbaki (1874, in-4). E. F.
CREMERÂ. Riv. d'Étruric, qui se jette dans le Tibre à
un mille au-dessus de Rome, connu par la mort des trois
cents Fabiens (Tite-Live, II, 49).
CRÉMERY, Corn, du dép. de la Somme, arr. de Mont-
didier, cant. de Roye; 92 hab.
CRÉMIEU. Ch.-l. de cant. du dép. de l'Isère, arr. de
La Tour-du-Pin; 1,838 hab. Important commerce de din-
dons. Eaux minérales. Il est douteux qu'il faille, comme
l'ont prétendu certains antiquaires, identifier Crémieu avec
le Stramiacwm, où se tint en 835 une assemblée de Louis
le Pieux. Au xin^ siècle, Crémieu était le chef-heu d'un
mandement de la baronnie de La Tour-du-Pin ; c'était alors
une ville fortifiée protégée par un château. Jean II, dauphin
de Viennois, lui concéda, le 20 juil. 1315, une charte
de franchises ; la ville, à cette époque, atteignit un haut degré
de prospérité; elle s'étendit entre les deux colhnes de Saint-
Laurent et de Saint-Hippolyte ; son enceinte fut agrandie ;
des couvents s'y établirent et on y créa un atelier moné-
taire. L'expulsion des juifs porta un coup fatal au com-
merce, et au milieu du xv® siècle la ville était tombée dans
une complète décadence. Louis XI, en 1466, la donna en
dot à Jeanne, sa fille naturelle, lorsqu'elle épousa le bâtard
de Bourbon. Réunie à la couronne en 1498, elle fut de
nouveau engagée au xvi® siècle, à diverses personnes et
notamment à Lesdiguières en 1594. Prise parle baron des
Adrets, en 1562 et en 1569, elle embrassa chaudement
contre Henri IV le parti de la Ligue. — Crémieu a conservé,
avec une partie de son enceinte des xiv®, xv® et xvi« siècles,
ses portes crénelées, ses grosses tours demi-circulaires, les
ruines du château baronnial de Saint-Laurent et du prieuré
de Saint-Hippolyte, la physionomie d'une ville du moyen
âge.
BiBL.: R. Delaciienal, une Petite Ville du Dauphinê^
Histoire de Crémieu; Grenoble, 1889, in-8.
CRÉMIEUX (Isaac-Moïse , dit Adolphe)^ avocat et
homme politique français, né à Nîmes le 3u avr. 1796, mort
à Paris le 10 févr. 1880. Il appartenait au culte Israélite
et devait toute sa vie témoigner à ses coreligionnaires
un infatigable dévouement. Etabli comme avocat en 1817
dans sa ville natale, il y remporta, dès le début, les plus
éclatants succès.
Crémieux, dévoué sans réserve au parti libéral, plaida,
318 -
sous la Restauration, un grand nombre de procès poli-
tiques. Il était déjà en possession non seulement d'une
brillante réputation, mais aussi d'une belle fortune, lors-
qu'Odilon Barrot qui, par suite de la révolution de Juillet,
venait d'être appelé à la préfecture de la Seine, lui vendit
sa charge d'avocat à la cour de cassation. Peu après, un des
anciens ministres de Charles X, Guernon-Ran ville, le prit
pour défenseur et Crémieux ne déclina pas la tâche (déc.
1830). Il se fit, l'année suivante, un devoir de prononcer
l'éloge funèbre de l'ancien évêque Grégoire, qui avait tant
contribué, pendant la Révolution, à l'émancipation civile et
politique des juifs (1831). Mais quand Deutz, le renégat
et le traître, qui venait de livrer à prix d'or la duchesse
de Berry (nov. '1832), osa lui demander, à titre d'ancien
coreligionnaire, d'écrire un mémoire en sa faveur, c'est
avec indignation et avec mépris qu'il le repoussa. Crémieux
appartenait alors politiquement au parti de l'opposition
dynastique. Très consulté, très écouté, il attaquait, en
1832, dans un écrit qui eut beaucoup de retentissement,
le projet d'entourer Paris de forts détachés; il rédigeait,
la même année, un manifeste éloquent en faveur de la Po-
logne. Il répandait, aux applaudissements du public, des
Mémoires pour les condamnés politiques de la Restau-
ration; pour la réhabilitation politique du maréchal
Ney; pour obtenir une réparation pécuniaire à la
famille Lesurques, etc. Mais c'était surtout dans les
procès de presse, alors si nombreux et si bruyants, qu'il
dépensait sans compter sa verve intarissable. C'est ainsi
qu'il défendit, à maintes reprises, avec le plus grand éclat,
la' Tribune, la dévolution de iSSO, le Courrier fran-
çais, le Charivari, la Caricature,^ le National, la Ga-
%ette de France, etc. Les insurrections démocratiques, si
fréquentes pendant les premières années du règne de Louis-
Philippe, lui fournirent aussi de belles occasions d'exercer
son talent de parole et son dévouement à la cause popu-
laire. Le crédit personnel dont il jouissait auprès du nou-
veau roi lui permit d'arracher à î'échafaud le républicain
Cuny, condamné à mort pour sa participation aux troubles
de juin 1832.
Il joua quelque temps après un rôle important au pro«
ces des accusés d'avril (1835). Du reste, les luttes passion-
nantes de l'avocat ne lui faisaient pas néglier les travaux
calmes et austères des jurisconsultes. Car cette année
même il prenait une part considérable à la publication du
Code des Codes (Paris, 1835, in-8). H consacrait égale-
ment une bonne partie de son temps aux intérêts de ses
coreligionnaires. Il n'hésita pas, par exemple, en 1840, à se
rendre en Syrie pour défendre un rabbin qui avait, disait-on,
assassiné un moine chrétien afin de mêler son sang au pain
azyme dont les juifs se servent pour célébrer la Pâque. Il
ne fallut rien moins que son éloquence pour démontrer
l'absurdité de l'accusation qui pesait sur ce malheureux.
Envoyé à la Chambre des députés en 1842 par les élec-
teurs de Ghinon, il y exerça bientôt une influence notable
par sa profonde connaissance des affaires, son honnêteté
incontestée, son activité, sa verve et même la singularité
de son extérieur et de ses manières. Réélu en 1846, il
concourut à la campagne des banquets, de 1847 à 1848,
et contribua de tout son pouvoir à la chute de Guizot
(23 févr. 1848). C'est sur son conseil, dit-on, que, dans
la nuit du 23 au 24 févr., Louis-Philippe, après avoir
appelé successivement aux affaires le comte Mole et Thiers,
finit par confier à Odilon Barrot, chef de la gauche dynas-
tique, le soin de constituer un nouveau ministère. Mais
cette concession était déjà trop tardive. Le peuple de Paris
insurgé n'en tint pas compte. Au bout de quelques heures,
Crémieux apprit que le roi, débordé, perdant la tête,
venait de signer son abdication au profit de son petit-fils.
H se rendit aussitôt au Palais-Bourbon, où dans le même
temps la duchesse d'Orléans se présentait avec le comte
de Paris pour le faire reconnaître comme roi. S'il n'eût
dépendu que de lui, cette princesse eût réussi et eût été
proclamée régente. Ses efforts échouèrent. La royauté,
— 310
CRÉMIEUX
même telle qu'il la concevait, n'était plus possible. Cré-
mieux fut proclamé membre du gouvernement provisoire
et nul, à dater de ce jour, ne devait se montrer plus
fidèle à la cause républicaine. A l'Hôtel de Ville, il seconda
pendant plusieurs jours puissamment Lamartine dans ses
efforts pour contenir et calmer les passions populaires.
Dans le partage des ministères, il reçut celui de la justice.
Comme garde des sceaux, il eut à renouveler en grande
partie le personnel des parquets ; il se prononça en prin-
cipe contre l'inamovibilité de la magistrature ; mais en fait
il ne prononça que fort peu de destitutions de juges.
C'est sur sa proposition que fut décrétée l'abolition de la
peine de mort en matière politique. Il n'eut pas, du reste,
le temps de mener à bien les grandes réformes qu'il médi-
tait. La commission executive créée par l'Assemblée con-
stituante (mai 4848) le maintint, il est vrai, au ministère
de la justice; mais, opposé à la demande de poursuites
dont Louis Blanc fut l'objet après l'écliauffourée du 15 mai,
il ne tarda pas à donner sa démission (7 juin). Représen-
tant du dép. d'Indre-et-Loire à l'Assemblée constituante,
il prit part, avec éclat, aux débats les plus graves et con-
courut à l'élaboration de l'acte constitutionnel du 5 nov.
1848. Il n'avait que peu de sympathie pour le général
Cavaignac. Il était, en revanche, depuis longtemps en
rapports amicaux avec la famille Bonaparte. Aussi sou-
tint-il la candidature de Louis-Napoléon à la présidence
de la République et contribua-t-il à la faire triompher
(10 déc. 1848). Gomme beaucoup d'honnêtes gens, il
n'avait pas pressenti dans ce personnage énigmatique le
prétendant, le conspirateur qui devait renverser la cons-
titution. Les allures du prince ne tardèrent pas à lui deve-
nir suspectes. Il se détacha bientôt ouvertement et pour
toujours de lui. Réélu à l'Assemblée législative (1849), il
siégea sur les bancs de la Montagne et combattit de
toutes ses forces la politique de l'Elysée. Aussi fut-il au
nombre des représentants incarcérés le 2 déc. 1851 par
les auteurs du coup d'Etat. Sa détention dura vingt-trois
jours, (iuand il recouvra la liberté, la dictature présiden-
tielle (qui allait bientôt devenir l'Empire) le réduisit à
rentrer, pour longtemps, dans la vie privée. Pendant la
plus grande partie du règne de Napoléon IIÏ, Crémieux se
renferma dans l'exercice de sa profession d'avocat et put
s'abandonner librement à son goût éclairé pour les arts.
Il n'était pourtant pas insensible au réveil de l'esprit
républicain, qui ne tarda pas à se produire en France.
Aussi plaida-t-il dans le procès des Treize en 1864 et, à
partir de cette époque, se laissa- t-il peu à peu entraîner dans
les rangs de l'oppositioh militante à l'Empire. La liberté
de la presse et la liberté de réunion, que Napoléon IIÏ dut
rétablir en 1868 dans une certaine mesure, lui permirent
d'écrire et surtout de parler en faveur d'une cause qui
n'avait pas cessé de lui être chère. Après la publication
d'un recueil de ses plaidoyers qui parut sous le titre signi-
ficatif de Liberté (Paris, 1869, in-8), il se présenta comme
« irréconciliable » aux élections dans la 2^ circonscrip-
tion de la Drôme, où il échoua, et prit sa revanche à Paris
où il triompha, au mois de nov. 1869, dans une élection
complémentaire. Au Corps législatif, Crémieux, vieilli,
fatigué, sembla s'effacer derrière la gloire naissante de
Gambetta, qui avait été son secrétaire et qu'il était fier
d'avoir pour sa part formé à la vie politique. Sa fermeté
répubUcaine ne se démentit pas, du reste, un instant. Le
4 sept. 1870 il entra dans le gouvernement de la Dé-
fense nationale Q%^ dès le 5 sept., reprit possession du
ministère de la justice. Il fit aussitôt décréter une amnistie
générale pour les crimes et délits politiques, et l'abolition
du serment prescrit aux fonctionnaires depuis 1852. Peu
de jours après, Paris étant sur le point d'être investi, il
fut chargé, avec Glais-Bizoin et l'amiral Fourichon, d'al-
ler représenter le gouvernement en province (12 sept.).
La délégation s'établit à Tours et fit, pendant plusieurs
semaines, de louables mais trop infructueux efforts pour
constituer les deux armées des Vosges et de la Loire
et pour former un corps de réserve dans l'Ouest. Gam-^
betta, parti de Paris en ballon le 8 oct., vint bientôt les
rejoindre avec des pouvoirs qui équivalaient à une véri-
table dictature. A partir de ce moment, Crémieux, tout
en s'associant aux mesures de son jeune et vaillant col-
lègue, fut surtout et ne fut plus guère que le ministre de
la justice. C'est à ce titre qu'il fit rendre par la délégation,
à Tours d'abord, à Bordeaux ensuite (1870-1871), plu-
sieurs décrets importants, parini lesquels nous signalerons
celui qui conférait la qualité d'électeurs aux israélites
d'Algérie et celui qui^ excluait du corps judiciaire, comme
indignes, les magistrats ayant fait partie des commissions
mixtes en 1852. Après l'armistice du28 janv. 1871, quand
il s'agit de faire élire une assemblée nationale, il approuva
eelui par lequel Gambetta frappait d 'inéligibilité « tous
les individus qui, depuis le 2 déc. 1851 jusqu'au 4 sept.
1870, avaient accepté des fonctions politiques ou la candi-
dature officielle » (31 janv.). Crémieux remit ses pou-
voirs, en même temps que les autres membres du gouver-
nement de la Défense nationale, le 14 févr, à l'assemblée
qui venait d'être élue le 8, et dont, du reste, il ne faisait
pas partie. Peu après, par une lettre adressée à M. Grévy
le 1^^' mars, il proposait de faire appel k une souscription
patriotique pour couvrir la rançon de cinq milliards impo-
sée à la France par l'Allemagne, et il ofirait tout le pre-
mier, de ses deniers, une somme de 100,000 fr. C'était
une idée généreuse, mais en somme assez peu pratique.
Crémieux, qui était rentré, pour un temps, dans la vie
privée, ne tarda pas à pubUer un ouvrage considérable sur
les événements auxquels il venait de prendre part : Gou-
vernement de la Défense nationale; Actes de la délé-*
galion de Tours et de Bordeaux ; Ministère de la jus-
tice (Tours, 1871, 2 vol. in-8). Son éclipse politique fut,
du reste, très courte. Dès le 20 oct. 1871, il fut élu dé-
puté du dép. d'Alger. A l'Assemblée, qui siégeait mainte-
nant à Versailles, il se montra, sans faiblir un jour, par-
tisan d'une politique résolument républicaine, soutint de
toutes ses forces le gouvernement de Thiers jusqu'au
24 mai 1873 inclusivement, contribua ensuite à faire
échouer les tentatives de restauration des partis monar-
chiques, à consolider le suffrage universel, à assurer le
vote des lois constitutionnelles de 1875 et fut élu sénateur
inamovible le 15 déc. de cette année par 342 suffrages sur
680 votants. Il put encore défendre la République contre
la politique du 16 mai et il eut la satisfaction suprême de
la voir triompher (1877). A, Debidour.
BiBL. : Louis Blanc, Histoire de dix ans. — Du même,
Histoire de la Révolution de 18^8. — Biographie impar-
tiale des représentants dupeuple à VAssernblée nationale,
par deux ré|)ublicains. — Taxile Delord, Histoire du
second Empire. — Jules Favre, Gouvernement de la
Défense nationale. — De Freycinet, la Guerre en pro-
vince. — Garnier-Pagès, Histoire de la révolution de
ISdS. — Du même, Histoire de la commission exécu-
tive. — Du même, VOpposition et l'Empire. — Glais-Bi-
zoin, Dictature de cinq mois. — Hœfer, Nouvelle Biogra*
pliie générale. — Journal officiel. — Lamartine, Histoire
de la Révolution de Février. — Lesur, Annuaire historique.
— Moniteur universel. — Elias Regnault, Histoire de huit
ans. — Sarrut et Saint-Edme, Biographie des hommes
du jour. — Daniel Stern, Histoire de la révolution de
i8k8. — Thureau-Dangin, Histoire de la monarchie de
Juillet. — Ach. de Vaulabelle, Histoire des deux Res-
taurations. — L. DE Viel-Castel, Histoire de la Restau-
ration, etc.
CRÉMIEUX (Gaston), socialiste français, né à Nîmes
(Gard) le 22 juin 1836, mort fusillé à Marseille le l^^déc.
1871. Gaston Crémieux fit de brillantes études au lycée
de Nîmes. Après des commencements difficiles, il s'instal-
lait à Aix, y était reçu licencié en droit (1856) et s'éta-
blissait, comme avocat, à Nîmes en 18o8* Il avait alors
vingt-deux ans et avait reçu de ses confrères le surnom
d'Avocat des pauvres. En août 1862, il se fit inscrire au
barreau de Marseille et c'est de cette époque que date sa
carrière politique.
Vinrent la guerre de 1870 et les terribles revers que
l'on sait. Arrêté, à propos d'une tentative insurrection-
CRÉMIEUX — CRÉMONE
— 320 —
nelle (8 août 1870), Gaston Crémieux fut condamné à six
mois de prison. Délivré par la révolution du 4 septembre,
il fut nommé procureur de la République à Marseille. Au
moment de la Commune, il prit parti pour l'insurrection
parisienne. Le 23 mars, l'insurrection l'emportait dans le
chef-lieu des Bouches-du-Rhône et Gaston Crémieux était
nommé président de la commission chargée d'administrer
provisoirement le département. Le 28 mars, le dép. des
Bouches-du-Rhône était déclaré en état de guerre; la
Commune de Marseille faisait, de son côté, opérer nn cer-
tain nombre d'arrestations. Gaston. Crémieux s'opposait
vivement aux mesures de rigueur que voulaient prendre les
délégués parisiens et surtout M. Lendeck (V. le Times du
2 déc. 1871, où M. Lendeck va jusqu'à déclarer qu'il
a menacé Crémieux de le faire fusiller à cause de son
modérantisme). Le 4 avr., le général Espivent de la Ville-
boisnet attaqua Marseille, bombarda la préfecture et s'em-
para de la ville. Crémieux fut arrêté et traduit devant un
conseil de guerre, qui, le 28 juin 1871, le condamna à
mort. Toutes les démarches de ses amis et de sa jeune
femme (qu'il avait épousée au mois de sept. 1864 et de
laquelle il avait eu quatre enfants, dont l'un mourut en
août 1870, pendant la détention du père au fort Saint-Jean)
échouèrent contre l'implacabilité de la commission des
grâces et il fut passé par les armes.
CRÉMILLES (Louis-Hyacinthe Boyer de), stratégiste
français, né le 10 déc. 1700, mort en 1768. Il fut d'abord
cadet aux gardes, puis capitaine de dragons et maréchal
général des logis des camps et armées du roi. Il devint très
expert dans (îes dernières fonctions qui rentrent dans celles
d'un chef d'état-major d'aujourd'hui. Aussi dirigea~t-il
presque toutes les opérations des célèbres campagnes de
Flandre du maréchal Maurice de Saxe. Il fit seul, disent
ses biographes, toutes les dispositions pour l'investissement
de Maastricht en 1748. Ces travaux lui valurent le grade
de lieutenant général. Au début de la guerre de Sept ans,
il fut nommé grand-croix de l'ordre de Saint-Louis et en
1758 adjoint au ministre de la guerre, qui était alors le
maréchal de Belle-Isle. Il prit sa retraite en 1762.
CREIVINA (Géogr. anc). Ville de Pisidie, dans le
Taurus; bâtie sur un rocher escarpé, inabordable de trois
côtés, elle était presque imprenable. Auguste en fit une colo-
nie romaine ; Arundell a retrouvé ses ruines près de Germé.
CREMNl (Géog. anc). Port situé sur le Palus Méotide
et qui appartenait, au temps d'Hérodote, aux Scythes. On
le place près de Mariopol ou de Taganrog.
CREMNISCI (Géog. anc). Ville nommée par Pline
l'ancien, et située auN. de la Mésie Inférieure (Bessarabie).
CRÉIV10[VIÈTRE(Econ.rur.). (V.Lâctomètre et Crème).
CREMONA (Geremia da) (V. Cristoforo di Geremia).
CREMONA (Luigi), mathématicien italien contemporain,
né à Pavie le 7 déc 1830. Après de brillantes études à
l'université de Pavie, où il fut l'élève de Brioschi, il enseigna
les mathématiques élémentaires au gymnase de Crémone,
puis au lycée de Saint-Alexandre à Milan, et devint pro-
fesseur de géométrie supérieure, d'abord à l'université de
Bologne (1860), ensuite à l'Institut technique supérieur de
Milan (1866). Appelé en 1873 à réorganiser l'Ecole d'ap-
plication des ingénieurs de Rome, il est depuis cette époque
directeur de cet étabhssement et professeur de mathéma-
tiques supérieures à l'université de Rome. Il fait partie,
comme membre ou associé, de nombreuses sociétés sa-
vantes (Société italienne des sciences, institut Lombard,
Société royale de Londres, etc., etc.). Il est en outre séna-
teur. Il a pris une grande part à la réforme de l'enseigne-
ment des mathématiques dans les écoles secondaires et
supérieures de l'Italie et a fait inscrire sur leurs pro-
grammes la statique graphique et la géométrie projective.
Ses importants travaux sur les intégrales abéliennes, les
coniques, les cubiques gauches, les surfaces du troisième
ordre, etc., ont fait faire de grands progrès à la science et
sa théorie de l'affinité a marqué une ère nouvelle de l'étude
des courbes, en même temps qu'elle l'a placé au premier
rang parmi les géomètres (V. Affinité [Mathématiques]
et BiRATioNNELLE [Transformation]). Outre une centaine de
mémoires insérés dans les An7ialide Tortohni, il Politec-
nico, le Journal de Crelle, les Nouvelles Annales de
mathématiques, les Atti et les Rendiconti de l'Institut
lombard, les Memorie et les Rendiconti de l'Institut de
Bologne, les Comptes rendus de V Académie des sciences
de Paris, le Giornale di Matematiche de Baltaglini, le
Messenger of mathemàtics (Cambridge), les Mathema-
tische Annalen, etc., il a écrit : Introduzione ad una
teoria geometrica délie curve piane (Bologne, 1862;
trad. allem. par Curtze, Greifswald, 1865, et tchèque par
Weyr, Prague, 1873) ; Preliminari diuna teoria geo-
metrica délie superficie (Bologne, 1867 ; trad. aliém.
par Curtze, Berlin, 1870); le Figure reciproche nella
statica grafica (Milan, 1872; trad. franc, par L. Bossut,
Paris, 1885, in-8, avec atlas) ; Elementi di geometria
projettiva (Turin, 1873 ; trad. franc, par Ed. Dewulf,
Paris, 1875, in-8); Elementi di calcolo graflco (Turin,
1874; trad. allem. par Curtze, Leipzig, 1875). lia enfin
publié en collaboration avec E. Beltrami les Collectanea
matliematica (Mlm, 1881). Léon Sagnet.
BiDL. : V. les titres de ses mémoires antérieurs à 1873
dans le Catalogue ofscientific papers. de ia Société royale ;
Londres, 1868 et 1874, t. II et VII, in-4.
CREMONA (Tranquillo), peintre italien, né à Pavie en
1837, mort à Milan en 1878. Il fit ses études à l'Aca-
démie des beaux-arts de Venise. Cremona fut le peintre
peut-être le plus personnel de l'Italie contemporaine.
Dessinateur impeccable, il aimait le mouvement et la vie
qu'il chercha surtout dans la couleur. Ses tableaux, vus
les uns à côté des autres, donnent l'impression d'une
étrange inégalité. Son Fauconnier et son Marco Polo sont
deux chefs-d'œuvre dans un genre, et ia Lionne dans un
autre genre, dans lequel rentre un tableau assez connu :
le Baiser. Parmi les autres tableaux de Cremona, il faut
signaler les Deux Cousins, le Silence amoureux et
r Harmonie, ces doux derniers exposés à Paris, l'un en
1878, l'autre en 1889. Cremona a été un véritable poète
dans ses inspirations, mais, peintre par tempérament, il n'a
jamais cherché les applaudissements de la foule. Le plus
discuté parmi les artistes de l'Italie contemporaine, Cre-
mona — dont la haute influence sur la jeune école lom-
barde n'est plus à nier — s'est taillé une place très
considérable dans l'histoire de la peinture italienne de la
seconde moitié de notre siècle. Alfredo Melâni.
BiBL. : P. Lkvi, Tranquillo Cremona; Rome, 1878. — •
C. BoiTO, Scultura e Pittuva dCoggi ; Turin, 1880. —
Du même, Vite di un avtista; Mil^n, 1884.
CRÉMONE {Cremona). I. Ville. — Ville de l'Italie,
ch.-l. d'une des provinces de la Lombardie, sur la rive
gauche du Pô; 31,083 hab. (en 1881), y compris les
faubourgs {Cor pi Santi). Cette antique cité des Gaulois
Cénomans devint après la conquête de la Gaule Cisalpine
une colonie romaine (218 av. J.-C). C'était un des points
d'appui les plus solides de la domination romaine dans le
bassin du Pô. Elle prospéra rapidement et acquit une
grande importance commerciale. Deux fois en l'an 69 (ap.
J.-C.) les légions s'y livrèrent d'épouvantables batailles qui
décidèrent du sort de l'empire : la première fois en faveur
de Vitellius et la seconde en faveur de Vespasien. Les
vainqueurs saccagèrent la ville qui ne se releva jamais
complètement, du moins avant le moyen âge. Sa position
stratégique en faisait le point de mire de tous les con-
quérants de l'Italie du Nord. Elle fut dévastée à différentes
reprises par les Goths et les Lombards. Plus tard, elle fut
constamment mêlée aux querelles sanglantes des Guelfes
et des Gibelins à cause de son dévouement pour les empe-
reurs. Elle ne fut pacifiée qu'en devenant sujette successi-
vement des Visconti et des Sforza. En 1702, le maréchal
de Villeroy y fut surpris par le prince Eugène et fait pri-
sonnier. Crémone tomba entre les mains des Français en
1796. Redevenue autrichienne en 1799, après la défaite
de Magnano, elle fut reconquise par Bonaparte (1800) et
— 321
CREMONE — CRÉMONT
fit jusqu'en 1844 partie du royaume d'Italie comme ch.-l.
du dép. du Haut-P6. Crémone a une enceinte bastionnée
de forme ovales les ruines d'un vieux château fort, une
tour, le Torazzo, haute de 121 m., construite dans la
seconde moitié du xiii® siècle (1283-88) et qui est la plus
élevée de l'Italie du Nord. Elle s'élève à côté de la cathé-
drale qui est une des belles églises de l'Italie septen-
trionale. Construite de 1107 à 1190, remaniée (le chœur)
au XV® siècle; la voûte repose sur quarante colonnes de
marbre. Auprès est le Baptistère (commencé en 1167)
octogone de 19 m.; on cite encore le palais public de
style gothique, les églises San Pietro et San Agostino.
Fabrication de draps, soieries, cotonnades, de contitures
renommées ; commerce de soie et de lin. Crémone est la
patrie de luthiers célèbres: les deux i??m^i (1590-1620),
les deux Guarneri (1620-1680 et 1717-1740) et Stra-
divarius (1670-1728). C'est un évèché. Elle eut au
xvi*^ siècle une école de peinture, dont les œuvres imitées
de celles de Jules Romain et de Romanino sont très nom-
breuses dans les églises de la ville.
II. Province. — Fait partie de la Lombardie, touche aux
provinces de Milan, Bergame, Brescia, Mantoue, Parme et
Plaisance. Elle est arrosée par le Po, l'Adda et l'Ogiio qui
en forment respectivement les limites au S., à l'O. et a
l'E. Sa superficie est de 1,736 kil. q. et sa population de
302,138 hab. (1881). Elle comprend trois circondarii
ayant pour ch.-l. Crémone, Crema et Casalmaggiore. Son
territoire très fertile produit le lin le plus estimé de
l'Italie , le riz, le mûrier, les céréales.
CRÉMONE (Niccolè da), peintre italien du xvi® siècle,
originaire de la ville dont il porte le nom. Ses œuvres
rappellent la manière de Galeazzo Campi. On signale, dans
l'éghse Sainte-Marie-Madeleine de Rologne, une Descente
de croix^ peinte par Gremona en 1518.
CRÉMONE ou CREMONENSIS (Gérard de), écrivain
italien, né près de Crémone en 1114, mort à Crémone en
1187. S'étant adonné à l'étude de la philosophie, il voulut
compléter son savoir en se mettant à l'école des Arabes.
Il alla donc en Espagne, à Tolède, apprit la langue arabe
et s'occupa de traduire en latin un grand nombre d'ou-
vrages de ses maîtres, relatifs aux diverses sciences, les
mathématiques, l'astronomie et l'astrologie, la médecine, etc.
Il revint dans se patrie, où il finit ses jours. Il a été sou-
vent confondu avec Gérard de Sabbionnetta, de sorte qu'il
est assez difficile de faire la part exacte du travail de ces
deux écrivains, séparés par un intervalle d'un siècle. Nous
reproduisons l'exposé des travaux de Gérard de Crémone
d'après Roncompagni, qui a étudié également la biographie
et les œuvres de l'autre auteur. On peut lui attribuer la
traduction du fameux ouvrage de Ptoléméc, VAlmageste
(MaOr]{xaTtX7] auvtaÇt; ou l^lz-^oCkr\ auvraÇi?) ; elle a été
imprimée en 1515 à Venise (in-fol.), sans nom d'auteur.
Au contraire, Gérard de Crémone est formellement nommé
comme traducteur de V Astronomie (en neuf livres) de
Geber, fils d'Affla de Séville, qui fut imprimée à Nurem-
berg en 1583 (in-folio) avec VInstrumentum de P. Apia-
nus ; de même l'ouvrage suivant : Pétri Monii Salaciensis
de Crepusculis liber unus... Allacen (Alhazen) Arabis
vetustissimi de causis Crepusculorum liber unus (Lis-
bonne, 1541, in-4) a été traduit par notre auteur; on lui
attribue de même la traduction du traité d'Ojo^tf^ d' Alha-
zen (Bâle, 1572, in-fol.; Coïmbre, 1573, m-fol.), réim-
primé avec le livre des Crépuscules; celle d'un traité
d'algèbre, édité par Roncompagni, et du traité de géomé-
trie d'Abou-Rekr, qui jouent un rôle dans l'histoire du
progrès des études mathématiques au moyen âge (V.Chasles,
ouvrage cité) ; des traités d'arithmétique, des tables astro-
nomiques, un traité d'astrologie judiciaire, etc. ; telles sont
les principales des soixante-seize ou soixante-neuf traduc-
tions attribuées à l'écrivain de Crémone, lequel paraît avoir
été un des principaux parmi les savants qui transmirent à
la chrétienté d'Occident les connaissances scientifiques des
Arabes; lui-même construisit quelques tables aslronomi-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
ques, publiées à la suite du Liber omnium spherarum
cœli et compositionis tabularum translatus à Ma, G.
Cremone7îse, de arabico in latinum in Toleto ; il indique
le moyen de trouver les années de l'ère chrétienne, persane,
arabe, grecque ; les hauteurs des constellations pour Cré-
mone, Tolède, etc. ; la latitude de ces villes, etc.
BiBL. : Pipini Cronica^ au t. IX des Scriptores rerura
Ualicarum de Mûratori. — Libri, Histoire des sciences
mathématiques en Italie^ II. — Chasles, Aperçu histo-
rique sur l'origine et le développement des méthodes en
géométrie^ et Comptes rendus de V Académie des sciences,
t. XIII, p. 506. — BoNcoMPAGNi, Délia Vita e délie Opère
di Gherardo Cremonense e di Gherardo da Sabbionnetta,
CREMONESE (Le), peintre italien (V. Caletti [Giu-
seppe]).
CREMONINI (Cesare), philosophe italien, né en 1550
à Cento (duché de Modène), mort en 1631. Après avoir
fait de brillantes études à Ferrare, il fut nommé profes-
seur dans cette ville en 1571 ; il avait à peine vingt et un
ans. Pendant près de vingt années les élèves se pressèrent
à ses leçons, avides d'entendre sa parole séduisante. Appelé
à Padoue en 1592, il y enseigna avec le même succès la
médecine et la philosophie. La peste de 1631 l'emporta.
Durant sa longue carrière, il a écrit un certain nombre
d'ouvrages qui ne répondent guère à l'idée qu'on se ferait
de lui d'après l'enthousiasme qu'il a excité. Ce ne sont sans
doute, pour la plupart, que de simples notes, ou des résu-
més au moyen desquels ses anciens élèves pouvaient con-
server le souvenir de son enseignement. De ces ouvrages,
presque introuvables, voici les principaux : DePœdiaAris-
totelis; Diatyposis universœ naturalis philosophiœ;
Illustres contemplationes de anima; Tractatus très de
sensibus externis, de internis et de facultate appeti-
tiva; Explanatio proœmii librorum de physico auditu;
Apologia de calido innato et semine pro Aristotele
adversus Galenum; Dictorum Aristotelis de origine et
principatu membrorum; De Efflcacia in mundum sublu-
narem; De Cœlo, cum apologia dictorum Aristotelis de
Via Lactea et facie in orbe Lunœ ; De Formis quatuor
simplicium, quœ elementa vocantur. A cette liste il faut
ajouter un livre posthume sur la dialectique, et quatre
pastorales en italien : Aminta e Clori; il Ritorno di
Damone; Clorindo e V aller io ; il Nascimento di Venezia
(Ferrare, 1591, in--4). Sa doctrine est celle d'Aristote,
telle qu'il l'apercevait à travers les interprétations pan-
théistes d'Avcrroès, de Césalpini et de Zabarella. Sa méthode
est tout expérimentale ; il voudrait étendre aux mathéma-
tiques mêmes les procédés de l'induction. De là son indigna-
tion contre les alchimistes ; de là encore la nécessité qu'il
impose au philosophe d'être en même temps médecin; il
pense notamment que les passions ne pourront être bien
connues si Ton n'en a préalablement déterminé et étudié les
conditions physiologiques. Il admet trois sciences spécula-
tives: en premier lieu la physique, puis les mathématiques
et la métaphysique. La logique n'est qu'un instrument de
connaissance. L'harmonie des choses nous révèle un dieu ;
mais ce dieu, nous ne pouvons le connaître qu'imparfaite-
ment : notre esprit n'est pas plus fait pour le divin que les
yeux du hibou pour la lumière. Ce dieu est inactif, impro-
vident; il n'est pas la cause efficiente, mais la cause finale,
et comme la substance du monde. De telles doctrines s'ac-
cordaient mal avec les dogmes établis; Cremoninile recon-
naît; il emploie tout son talent à combattre les scolastiques
et leur tentative de concilier avec le christianisme la méta-
physique d'Aristote. Brucker a fait de lui un athée : métier
dangereux dans un temps où on les brûlait ; mais en homme
avisé, Cremonini sut esquiver les censures ecclésiastiques
par une soumission apparente et dépure forme aux dogmes
de l'Eglise. Sa maxime : « Dans ton for intime, comme il
te plaira; au dehors, conforme-toi aux usages reçus », le
préserva du sort de Vanini. Sa longue vie s'écoula heu-
reuse et calme. Bilugou.
BiBL. : Mabtlleau, Etude histor. sur la philos, de la
Renaissance en Italie; Paris, Î881.
CRÉMONT (Pierre), violoniste et chef d'orchestre fran-
21
CREMONT — CRENEAU
322
çais, né à Aurillac le 48 juin 4784, mort à Tours le
4 févr. 4846. Elève du Conservatoire de Paris, il en sortit
en 4803 et partit pour l'Allemagne et la Russie, où il fut
chef d'orchestre et directeur de différentes entreprises
théâtrales. Revenu en France en 4847, il devint en 4824
sous-chef d'orchestre à l'Opéra-Comique, puis en 4 824 pre-
mier chef à rOdéon ; en 4828, il succéda à Kreubé comme
premier chef à rOpéra-Comique, mais prit sa retraite en
4834 pour aller diriger l'orchestre du grand théâtre de
Lyon, puis à Tours celui de la Société philharmonique. Cré-
mont a publié quelques œuvres pour le violon, oubliées
aujourd'hui, M. Br.
CREMPIGNY. Com. du dép. de la Haute-Savoie, arr.
d'Annecy, cant. deRumilly; 494 hab.
CREMPS. Com. du dép. du Lot, arr, de Cahors, cant.
de Lalbenque ; 684 hab.
CREMUTIUS CoRDus, historien latin du temps d'Au-
guste et de Tibère, mort en 25 apr. J.-G. La Mberté de
son langage, les éloges qu'il ne craignit pas de donner à
Brutus et Cassius le firent mettre en accusation. Il n'évita
le supplice qu'en se laissant mourir de faim. Ses ouvrages,
condamnés à être brûlés, furent sauvés par sa fille Marcia,
à qui Sénèque adressa une Consolation. Il fut publié
ensuite, vraisemblablement, avec des suppressions, mais il
ne nous en est rien parvenu (V. Tac, Ann,^ IV, 34;
Quint., X, I; W. Teutfel, LitL rom,, § 277). A. W.
CRENANS.Com. du dép. du Jura, arr. de Saint-Claude,
cant. de Moirans; 215 hab.
CREN ATU LA(Malac.). Genre de Mollusques-Lamelhbran-
ches, de l'ordre des Lucinacées, édile par Lamarck en 4802,
pour une coquille subéquivalve, inéquilatérale, feuilletée,
quelque peu irréguUère, dépourvue d'ouverture pour le
byssus ; charnière linéaire, marginale, ornée de crénelures
sériales, creusées en fossettes peu profondes destinées à
recevoir le ligament. Impression musculaire rapprochée du
bord dorsal. Animal irrégulièrement oblong, muni d'un
pied portant une rainure en son milieu ; les branchies sont
libres, soudées seulement entre elles dans la partie posté-
rieure. Exemple : Crenatula mytiloidesLsim'drdi. Les Cré-
natules vivent en parasites dans les éponges : on les ren-
contre dans les mers d'Asie, de Chine, d'Australie et dans
la mer Rouge. J. Mâbille.
CRENAY-suR-SuizE. Com. du dép. de la Haute-Marne,
arr. et cant, de Chaumont; 287 hab.
CRÉNEAU. I. Archéologie. — On appelle créneaux les
vides pratiqués dans les parapets qui couronnent les murs
d'enceinte, et merlons les intervalles pleins qui séparent ces
vides. Par abus de langage le mot créneau a été appliqué
indifféremment aux vides et aux pleins. Chez les Assyriens,
la plate-forme des murailles et des tours était protégée
par un crénelage dont les merlons sont représentés sur
les bas-reliefs comme une série de dents, forme qui résulte
de la nature des matériaux employés à leur construction ;
ils consistaient en plusieurs couches de briques en retrait
les unes sur les autres. Les Romains, au moins depuis le
i®^ siècle, ont donné au couronnement des murs d'en-
ceinte, des tours et souvent des portes la forme d'un cré-
nelage. A Pompéi, derrière chaque merlon s'appuyait à
angle droit un petit mur destiné à garantir le tireur
contre les traits lancés obhquement (fig. 4). Ce système ne
paraît pas avoir été très répandu. Les architectes du moyen
âge continuèrent à découper le faîte des murs d'enceinte de
créneaux. Au xn^ siècle, les créneaux furent plus espacés ;
les merlons s'allongèrent ; on supprima les tablettes qui les
couronnaient, car toute saillie pouvait faciliter l'escalade.
Les plus anciens créneaux de ce genre sont ceux du château
de Carcassonne. A la même époque, on combina le créne-
lage avec le système des hourds en bois. En temps ^ de
guerre, le hourdage une fois posé, les créneaux n'étaient
généralement plus visibles ; car les trous oii s'enfonçaient
les poutres étaient pratiqués au-dessous des merlons et au
niveau du chemin de ronde. Au xiv<^ siècle, les hourds
mobiles furent abandonnés presque partout, sauf en
Allemagne et en Suisse, et remplacés par des construc-
tions en pierre, faisant saillie sur le mur, soutenues par
des consoles ou des arcs entre lesquels s'ouvraient les
mâchicouHs; dès lors, les créneaux furent supprimés et
Fig. 1, — Créneaux de Pompéi.
remplacés par de petites fenêtres, ou maintenus sur le
couronnement de ces hourds de pierre. Les merlons furent
percés de meurtrières, les créneaux largement ébrasés à
l'extérieur pour permettre le jet des projectiles ; les mou-
lures de l'ébrasement se poursuivaient autour des merlons;
dans les constructions du xv^ siècle, ces moulures n'exis-
tent souvent que sur l'appui des créneaux et le faîte des
merlons. L'usage des bouches à feu dans les sièges fit peu
à peu disparaître les créneaux ; le chemin de ronde fut
couvert d'un toit en appentis. M. P.
IL Fortification. — Echancrure pratiquée au sommet
d'un parapet en maçonnerie et permettant au défenseur de
lancer des projectiles sur l'assaillant en se découvrant le
moins possible. Aujourd'hui, ce terme sert à désigner plus
spécialement les ouvertures de petites dimensions percées
dans un mur de fortification pour la fusillade et appelées
anciennement des meurtrières. Les progrès accomplis par
l'artillerie ont fait peu à peu renoncer à l'emploi des pa-
rapets à créneaux et à mâchicoulis ; la fortification moderne
ne les emploie plus qu'à titre exceptionnel pour l'organi-
sation d'ouvrages non exposés au tir du canon, comme les
blockhaus d'Algérie, par exemple ; mais elle continue à
faire un fréquent usage des meurtrières.
Un créneau percé dans un mur est limité par quatre
faces : le ciel, la plongée et les joues. Le ciel est ordinai-
rement horizontal et la plongée incfinée vers l'extérieur.
Les joues sont évasées soit vers l'intérieur, soit vers l'exté-
rieur ; dans le premier cas, le défenseur est protégé le mieux
possible ; dans le deuxième cas, la surveillance est plus facile,
ce dernier n'ayant pas à se déplacer pour embrasser toute
retendue du champ de tir. Lorsque le mur est très épais,
l'évasement est donné des deux côtés à la fois. Pour éviter
que les projectiles
ne ricochent sur les ^'^^^
joues ou sur la plon-
gée, on taille par-
fois ces faces en
gradins. Les cré-
neaux peuvent être
verticaux ou hori-
zontaux ; les pre-
miers sont les plus
employés parce
qu'ils affaiblissent
moins le mur; les
seconds donnent un
plus grand champ
de tir et sont sur-
tout employés pour
le flanquement. Il
est de règle qu'un
créneau soit élevé à
2 m. 50 au moins
Fig. 2. — Mur défensif avec créneau
de pied et créneau vertical.
au-dessus du sol extérjeur afin que l'adversaire ne puisse
ni s'en servir, ni le masquer en appuyant contre son ou-
323
CRÉNEAU - GRÉODONTES
verture une planche ou une fascine. Pour remplir cette
condition on est conduit quelquefois, par exemple dans
l'organisation d'une ligne de palanques, à creuser en avant
du mur crénelé un petit fossé dont les terres servent à rem-
plir l'angle mort existant entre la partie inférieure du cré-
neau et le pied du mur. On peut aussi avoir recours, pour
supprimer cet angle mort, à des créneaux de pied pe'rcés
presque au niveau du sol et dont la plongée est tenue à
une inclinaison voisine de la verticale (fig. 2). Telle est la
disposition en usage dans la fortification permanente pour
flanquer les fossés des caponnières.
BiBL. : Archéologie. — Viollet-le-Duc, Dictionnaire
raisonné de l'architecture française, t. IV, p. 374.
G R EN ELLA (Malac). Genre de Mollusques-Lamellibran-
ches, de l'ordre des Lucinacés, créé par Brown en 4 827 pour
une coquille plus ou moins globuleuse, équivalve, inéquilaté-
rale, épidcrmée et ordinairement ornée de côtes longitudinales
et de stries transverses. Charnière dépourvue de dents,
lesquelles sont remplacées par des crénelures très fines,
sur toute l'étendue du bord cardinal : Fintérieur des valves
nacré. L'animal est muni d'un manteau à bords épais,
Irangés et saillants postérieurement dans toute l'étendue
de la région de l'orifice branchial, lisses vers l'orifice anal ;
pied vermiforme ; byssus réduit à un seul filament. Type :
Crenella decussata Montagu.
GRENEY (Creniacum, Cres$iniacum).Com.à}iàè^,àe
l'Aube, arr. et cant. (1^^) deTroyes; 415 hab. Eglise de
Saint- Aven tin, remarquable construction des xii®, xiii® et
XIV® siècles ; belles verrières de la Renaissance, dont l'une
datée de 4520; élégant panneau sculpté et tabernacle en
bois doré, cuve baptismale de la même époque ; statues de
la Vierge des xiii® et xiv® siècles. A. T.
BiBL. : FicHOT, statistique monumentale de VAube;
Troyes, 1884-1888, t. I, p. 3, in-8.
CRÉNIQUE (Acide) (Chim.).
■-"—SSi,:::: SK!
Substance ulmique qui a été extraite des eaux ferrugi-
neuses de Porta, en Suède, par Bcrzelius ; on la rencontre
à l'état de sous-sels dans les dépots ocreux, en môme
temps que l'acide apocrénique. On fait bouillir le dépôt
avec une lessive de potasse, on sursature la liqueur filtrée
par l'acide acétique, et on ajoute de l'acétate de cuivre
pour précipiter l'acide apocrénique; on sursature par le
cuivre d'ammoniaque, puis on ajoute de nouveau le sel cui-
vrique, tant qu'il se fait un précipité blanc verdâtre, pré-
cipité qu'on décompose par l'hydrogène sulfuré ; on reprend
par l'alcool, qui sépare les crénates terreux, et on évapore.
L'acide crénique est jaune pâle, amorphe, doué d'une
saveur acide, puis astringente. Les sels alcalins, qui sont
amorphes, solubles dans l'eau et non dans l'alcool, bru-
nissent peu à peu à l'air, et se transforment en apocré-
nates. Ed. Bourgoin.
BiBL. : Berzelius, Poggend. Ann., t. XIII, 81. — Mul-
i)ER,Ann. der Ch. und Pharm.^ t. XXXVl, 213.
C RENNE (Helisenne de), femme auteur française du
xvi^ siècle. On ne possède aucun détail sur sa vie. Le nom
d 'Helisenne de Crenne est probablement un pseudonyme.
Quelques critiques l'ont attribué à Dorât. Les ouvrages de
dame Helisenne, damoiselle picarde, sont fort rares. Nous
citerons : les Angoysses douloureuses qui procèdent
d'amours (Paris, 4538, in-8; Paris, 4544, in-8); les
Epistres familières et invectives de ma dame Heli-
senne (Paris, 4539, in-8); le Songe de ma dame Heli-
senne (Paris, 4540, in-8). Ces écrits ont été réunis sous
le titre de : les Œuvres de m,a dame Helisenne (Paris,
4543, 4550, 4553, 4560, in-46). On a encore de cet auteur
une traduction en prose des quatre premiers livres de
V Enéide de Virgile (Paris, 4544, in-foL).
CRENNES. Com. du dép. de la Mayenne, arr. de
Mayenne, cant. de Villaines-Ia-Juhel ; 448 hab.
CRENNEYILLE (François Folltot, comte), général
autrichien contemporain d'origine française, né eiî Hon-
grie en 4845. Entré au service en 4834, il devint général
en 4850. En 4855, il fut envoyé comme ambassadeur à
Paris. En 4854, il devint maréchal-lieutenant ; il se distin-
gua en 4859, pendant la campagne d'Itahe. Il a été aide
de camp et chambellan de l'empereur François-Joseph.
CRENO (Lac) (V. Corse [Géogr. physique]).
CRENOSOMA (ZooL). Genre de Nématodes créé par
Zeder, en 4803. Ces Vers appartiennent à la famille des
Strongylides et sont même réunis par Schneider aux véri-
tables Strongylus. Cr. striatum Zeder vit dans les
bronches du Hérisson ; le mâle mesure 7 millim. de lon-
gueur, la femelle 45 millim. Molin rattache à ce même
genre, sous le nom de Cr, semiarmatum, un Ver in-
diqué d'abord par Dujardin sous le nom de Liorhynchus
vulpis, trouvé dans la trachée et le poumon du Renard et
insuffisamment décrit. R. Bl.
CRENOTHRIX (Bot.). Genre d'Algues Bactériées (tribu
de la famille des Bactériacées) pour Van Tieghem, de Schi-
zomycètes leptothricées pour Zopf, de Schizophytes frag-
mentés, à conidies incolores, pour Cohn, rangées parfois
aussi dans les Oscillariées (V. ces mots). H. F.
GRÉODONTES (Creodonta) (Paléont.). Sous-ordre de
la classe des Mammifères créé par Cope comme subdivision
de l'ordre des Bunothères (V. ce mot), pour les Carnas-
siers du début de l'époque tertiaire, et dans lequel il fait en-
trer une partie des Insectivores vivants qui ne diffèrent que
par la taille des Carnivores primitifs (V. Carnivores),
constituant les véritables Créodontes (tous éteints) de la
plupart des auteurs. Ces Créodontes (les Hyœnodon^ par
exemple), peuvent être considérés comme des Insectivores
de grande taille, car ils ressemblent aux Insectivores par
tous leurs caractères : on sait, du reste, que chez les
Carnassiers le régime Carnivore ou insectivore n'est qu'une
question de taille, beaucoup d'Insectivores étant à l'occa-
sion carnivores et réciproquement les petites espèces de
Carnivores se nourrissant en grande partie d'insectes. Au
contraire, le rapprochement que l'on a essayé d'établir
entre les Créodontes et les Marsupiaux carnivores (les
Dasyures, par exemple), n'est fondé que sur une ressem-
blance éloignée qu'aucun caractère précis ne vient con-
firmer : les Marsupiaux ont l'angle de la mâchoire infé-
rieure généralement infléchi en dessous : aucun Créodonte
ne présente ce caractère ; les Marsupiaux Carnivores ont
généralement plus de six incisives : les Créodontes n'en
ont que six ou même moins ; les Marsupiaux ont généra-
lement le palais perforé : les Créodontes ne l'ont jamais.
Enfin on n'a pas de raison jusqu'ici de supposer que les
Créodontes fussent pourvus d'os marsupiaux. La séparation
du scaphoïde et du lunaire au carpe, etc., les distingue
des Carnivores modernes.
Les caractères que les Créodontes présentent, par
contre, en commun avec les Insectivores, sont les suivants :
Mammifères Onguiculés n'ayant jamais d'incisives ou de
canines à croissance continue ; pouce non opposable ; pas
d'os scapholunaire au carpe (le scaphoïde et le lunaire
restant séparés) ; astragale dépourvue de poulie ; cerveau
petit et lisse. — La seule différence c'est que les Créo-
dontes éocènes ont des molaires supérieures à trois tuber-
cules seulement ou même plus simples, ce qui permet de
dire que toutes leurs molaires sont des carnassières^
tandis que les Insectivores modernes ont quatre tubercules.
Mais on sait que le type à trois tubercules est le type
primitif de tous les Mammifères, type dont les dents à
quatre tubercules et plus spnt dérivées par une suite de
transformations plus récentes, chez les Carnassiers aussi
bien que chez les Herbivores. Enfin la première dentition
ou dentition de lait comprenait deux ou trois molaires
(tandis qu'il n'y en a qu'une seule chez les Marsupiaux).
— Tous les Créodontes éocènes étaient plantigrades comme
les Insectivores actuels : la plupart avaient cinq doigts à
tous les pieds ; ils avaient la tête grosse et une longue
queue avec des membres généralement plus courts que
ceux des Carnivores modernes. Dans la nature actuelle, le
CRÉODONTES — CRÉOSOL
— 324 —
Potamogale de l'Afrique occidentale, Insectivore aqua-
tique de grande taille, est le type qui peut le mieux nous
donner une idée des Créodontes éocènes. Plusieurs de ceux-
ci ont atteint une très grande taille comparable à celle des
Lions, des Tigres et des Ours de Fépoque actuelle;
un plus grand nombre avait une taille moyenne compa-
rable à celle des Chiens ; enfin les Créodontes de petite
taille, comparables aux Martes, aux Loutres et aux Insec-
tivores actuels, étaient encore plus abondants. — Ce type
est surtout abondant dans Féocène sur les deux continents ;
il devient plus rare à l'époque oligocène, et n'est plus
représenté, à partir du miocène, que par les ancêtres des
Insectivores actuels.
Tout en séparant, i)ar leurs caractères, les Créodontes des
Carnivores, Cope considèreles premiers comme appartenant
à la ligne ancestrale des seconds par le genre Miacis, —
Dans ses travaux les plus récents (1889) Cope, tout en
conservant Tordre des Bunotheria avec cinq sous-ordres
{Pantotheriay Creodonta, Insectivora^ Tœniodonta^
Tillodonta), ne conserve plus parmi les Créodontes que
les Centetidœ (ou Tanrecs, actuellement vivants à Mada-
gascar) et restitue les Talpidœ^ Chrysochloridce et Po-
tamogalidœ aux Insectivores proprement dits. Les Créo-
dontes se trouvent ainsi composés des familles suivantes :
Mesonycidœ, Esthonycidce^ Arctocyonidœ, Miacidœ,
Hyœnodontidœ, Leptictidœ, Ceyitetidœ (V. Amblyc-
TONus, Arctocyon, ctc). E. Trouessart.
BiBL. : E.-D. Cope, the Creodonta {the American NaLu-
ralist, 1884, pp. 255, 344, 353). — Du même, Synopsis of the
familles ofVertebrata {loc. cit., 1889, p. 876).
CRÉOLE. Terme venant du mot espagnol cnolle et qui
d'après l'étymologie, devrait désigner tout individu de race
étrangère né dans un pays donné. On ne l'applique cepen-
dant qu'aux Européens et aux nègres nés dans certaines
parties de TAmérique et aux descendants des colons espa-
gnols et portugais, sur la côte occidentale de l'Afrique et
dans l'Inde. Aux Antilles, tous ceux, nègres ou blancs,
qui sont nés dans les îles portent le nom de « créoles »
par opposition aux colons nés en Europe qui sont appelés
chapetones. De même au Mexique, les créoles mexicains
se disent être seuls de race pure {sangre azul), par oppo-
sition aux colons européens fraîchement arrivés auxquels
est réservé le terme assez méprisant de gachnpinos^
venant, dit-on, de l'altération d'un mot aztèque (gatsopin),
qui veut dire « cavalier » (littéralement « moitié homme,
moitié cheval »). Les créoles du Brésil s'intitulent Brasi-
leiros pour se distinguer des Portugais nés en Europe ou
Portuguesos legitimos. Les premiers sont filhos da teira,
les seconds filhos do reino. Malgré la prétention des
créoles d'être seuls de « sang bleu », c.-à-d. de race pure
de tout mélange, il est évident que tous ceux qui portent
aujourd'hui ce nom sont loin d'être exempts d'admixtion
de sang nègre ou indien. Il suffira de rappeler que beau-
coup d'auteurs donnent le nom de créoles indistinctement
à la progéniture issue des unions de blancs avec les mulâ-
tresses ou avec les autres blancs indiens. On sait d'ailleurs
qu'il est souvent difficile de distinguer les quarterons et les
quinterons des créoles. Les « Ladinos » de Guatemala et
de Nicaragua, vrais métis hispano-indiens, sont aussi
comptés parmi les créoles.
On a attribué à l'influence des milieux les différences
que l'on observe, au point de vue du type physique, entre
les créoles et les races européennes qui leur ont donné
naissance. M. Lévy a même proposé le terme de « créolisa-
tion », terme accepté par M. de Quatrefages, pour désigner
ce changement dû au miheu. Mais il est difficile de dire
jusqu'à quel point ce phénomène n'est pas dû plutôt aux
métissages inévitables avec les nègres et les Indiens. (On
n'a qu'à se rappeler la différence énorme entre le nombre
des immigrants européens de sexe masculin et ceux du
sexe féminin.) C'est plutôt au point de vue moral et social
que l'on pourrait plaider l'influence des milieux. Le « type
social » de créole s'est en effet créé sur place comme celui
de Yankee. Les créoles sont en général des gens vigoureux,
bien faits, souples, courageux, vifs, spirituels, pleins
d'imagination et de fantaisie, parfois aussi vaniteux, incons-
tants et 'futiles. Tous, malgré la différence de couleur et
d'origine, sonl animés d'un patriotisme local très prononcé.
Les nègres créoles ont pris le caractère moral de leurs an-
ciens maîtres et l'on constate le même contraste entre les
nègres hollandais, français, anglais et espagnols qu'entre
les peuples dont ils ont pris la langue et auxquels ils s'as-
socient de plus en plus parles traditions et le mode de penser.
Il existe plusieurs langues créoles parlées surtout par
les créoles noirs. Ce sont des idiomes artificiels, sortes de
jargons dans le genre de la lingua franca de la Méditer-
ranée. Le créole français employé dans les Antilles, aussi
bien qu'à Maurice, Bourbon, etc., se réduit dans sa forme
rudimentaire à quelques mots de notre langue juxtaposés
sans flexion et prononcés d'unefaçon câline et zézayante. Le
créole anglais est moins harmonieux, mais il est égale-
ment spirituel et concis. Lejargon le moins pur des Antilles
est le papanisento des côtes vénézolanes, dont les princi-
paux éléments sont le hollandais et l'espagnol avec quel-
ques mots caraïbes et goagires. Le créole portugais que
l'on parle au Brésil est assez voisin de celui que l'on en-
tend aux îles du Cap-Vert, San-Thomé et sur la côte de
Guinée. La même langue portugaise a donné naissance à
un créole spécial parlé à Singapour et à Macao et qui se
rapproche de V indo-portugais, langue des Eurasiens
(Y. ce mot) de l'Inde méridionale et de Ceylan. J. D.
BiBL. : A. CoELHo, Os Dialelos romanicos on neo latû
nos na Africa, Asia e America ; Boletin Soc. de Geogra-
phia de Lishoa, 1884-86, contenant une liste bibliographique.
CRÉON. Ch.-l. de cant. du dép. de la Gironde, arr. de
Bordeaux ; 4 ,145 hab. Stat. du ch. de fer de Bordeaux à la
Sauve; vignobles.
CRÉON. Corn, du dép. des Landes, arr. de Mont-de-
Marsan, cant. de Gabarret; 698 hab.
CRÉON (Myth.), fds de Ménécée, roi de Thèbes après
la mort de Laïus. C'est lui qui céda le pouvoir à (Edipe
et le reprit après le départ de ce dernier (Y. Œdipe et AxNti-
gone). —■ Le môme nom fut porté par un roi de Corinthe
qui^ maria sa fille Glaucé ou Creuse. Suivant Hygin, il
périt avec sa fille, brûlé par une couronne empoisonnée,
présent de Médée. A. W.
CREOSAURE (Palcont.). Genre de Reptile Dinosaurien
établi par Marsch (1877) pour des Reptiles trouvés dans
les couches jurassiques supérieures de F Amérique du Nord
connues sous le nom à' Atlantosauriis beds. Le Créosaure
est un Carnassier, faisant partie du sous-ordre des Thero-
poda et de la famille des Allosauridées ; il rappelle le
Megalosaure, dont il a presque la dentition, mais en diffère
par moins de vertèbres au sacrum et par ces vertèbres
plus allongées. Le type C. atrox avait environ 30 pieds
de long. E. Sauvage.
BiBL. : Marsch, Amer. Jour, of science, t. XV, XVII.
CRÉOSOL (Chim.). Formules ) J^; ; ; gW
Le créosol est un phénol-éther, l'éther méthylique de
l'homopyrocatéchine, C^'*j{8q4^ q^ j^ rencontre dans la
créosote, associé à son homologue inférieur, le glaïacol.
Pour le préparer, on ajoute à la portion de la créosote,
qui distille vers 220°, un volume d'éther et deux volumes
d'une solution alcoolique de potasse saturée à froid : il se
dépose un composé potassique, qu'on traite ensuite par
l'acide sulfurique étendu ou par l'acide oxalique. Le liquide
huileux qui se sépare est lavé à l'eau, desséché dans un
courant d'hydrogène, puis rectifié. Le créosol est un liquide
incolore, très réfringent, doué d'une odeur agréable, et
d'une saveur brûlante, aromatique. 11 bout à 219», en s'al-
térant légèrement au contact de l'air ; sa densité est de
1,0894 à 13^. Il est insoluble dans l'eau, miscible en
toutes proportions, à l'alcool, l'éther, l'acide acétique gla-
cial. En sa quahté de phénol monoatomique, il donne avec
les bases des dérivés métalliques, ayant pour formule
825 —
CRÉOSOL — CRÉOSOTIQIIES
C^^H^MO^. Les créosolates de potassium et de baryum sont
cristallisables. Ils se transforment en méthylcréosol^ éther
diméthylique de l'homopvrocatéchine, lorsqu'on les traite
par l'iodure de méthyle :
GA6H9M04 + CWI = IM + Ci^Hi^O^.
Attaquée à 480° par l'acide iodhydrique, le créosol re-
produit son générateur, l'homopyrocatéchine :
Ci6Hioo4 4- m =z C^H^I + C^'^EW.
Il donne avec les haloides des produits, de substitution.
C'est ainsi qu'un mélange de chlorate de potassium et d'acide
chlorhydrique l'attaque vivement, avec production de déri-
vés tri et tétrachlorés, C^m^œO\C^m^CW^ ; avec le
brome, on obtient directement des dérivés analogues.
Ed. BOURGOIN.
BiBL. : Barth et Hlasiwetz, Découverte du créosol^
Rép. Chim, pure^ 1858, 183. — Biechcle, Acide créosol
sulfonique, Soc. Ch., t. XII, 411. — Gorup-Besanez, Dé-
rivés chlorés, An. der Ch. und P/i., t. LXXVIII, 231;
LXXXVI, 223. — MÛLLER, Préparation, Zeitsch. Chem.
Pharm., 1864, 703. — Probst, id., t. III, 280 (nouv. série). —
TiEMANN et Mendelsohn, Constitution et dérivés du créo-
sol, Deuts. ch. Gesells., 1875, 1136; 1877, 57.
CRÉOSOTE. I. Chimie. — Reichembach a donné le nom
de créosote à la portion du goudron de bois qui passe au
voisinage de 200®, et qui est entièrement soluble dans la
potasse caustique. On distille le goudron de manière à ne
recueillir que les parties plus lourdes que l'eau ; on les
dissout dans une solution de potasse caustique, et on chauffe
cette solution pour résinifier quelques matières étrangères ;
une addition d'acide sulfurique étendu met en liberté la créo-
sote, qu'on soumet au besoin au même traitement, jusqu'à ce
qu'elle se dissolve sans résidu dans la lessive alcaline ; on sèche
et on rectifie pour recueillir ce qui passe vers WO^. Les pro-
priétés et la composition de la créosote sont nécessairement
variables suivant la nature du goudron végétal : celui qui pro-
vient du hêtre est seul employé en médecine. La créosote du
hêtre est un liquide incolore, huileux, d'une odeur forte et
désagréable, doué d'une saveur brûlante et caustique ; sa
densité est de 1,04 à 1,06 à 20^; elle bout vers 200% et
ne se solidifie pas encore à —15**. Elle est fort peu soluble
dans l'eau, très soluble dans l'alcool, l'éther, le sulfure de
carbone, l'acide et l'éther acétiques, les lessives alcalines ;
elle dissout un grand nombre de corps : le soufre, le phos-
phore, les corps gras et les acides gras, plusieurs acides
aromatiques, des sels minéraux et organiques, des matières
colorantes, notamment l'indigotine, etc. Elle se dissout
dans l'acide sulfurique concentré avec une coloration rouge,
qui vire au violet pourpre; agitée avec l'acide chlorliy-
drique fumant^ elle se colore en rouge brun, coloration que
l'air fait passer au brun foncé, puis au noir. Elle fournit
avec les halogènes des produits de substitution. Tandis que
le perchlorure de fer ne produit qu'une coloration brun
violet, le chlorure mercurique donne un précipité jaune
rougeâtre, le sulfate de cuivre un précipité vert pomme;
dissoute dans l'alcool, et traitée par une solution égale-
ment alcoolique de perchlorure de fer, elle fournit une
belle coloration vert émeraude. La créosote du hêtre est
un liquide complexe, dont on ne peut séparer les compo-
sants par simple distillation. Suivant Marasse, elle est sur-
tout constituée par les corps suivants :
Le phénol C^^HW, qui bout à 184^
Lecrésol C^WO^ — 203o
Lephlorol G^WW — 220«
Legaïacol C^mW — 200«
Le créosol Ç^m^^O^ — 220«
Ces deux derniers corps sont les éthers monométhy-
liques de la pyrocatéchine et de l'homopyrocatéchine
(V. Créosol). W. Hofmann a retiré des fractions les moins
volatiles de la créosote les éthers diméthyliques du pyro-
gallol, du méthylpyrogallol et du propylpyrogallol. La créo-
sote, qui est un antiseptique, a été préconisée dans ces
dernières années, comme un médicament efficace, soit seule,
soit associée à l'huile de foie de morue, sous forme de cap-
sules gélatineuses. Ed. Bourgoin.
IL Thérapeutique. — Comme usage externe, la créosote
n'est guère employée que dans le traitement des dents
cariées. Un tampon de ouate imbibé de créosote et placé
dans la dent creuse suffit souvent pour calmer les douleurs
les plus violentes; ce pansement a en outre l'avantage
d'être un antiseptique excellent qui ne peut qu'arrêter le
développement de la carie d'origine parasitaire. Employée
pure sur les muqueuses ou la peau, elle est très caustique
et son action mal localisée ne permet guère de l'utiliser
dans ce cas. C'est principalement dans la phtisie pulmo-
naire que l'emploi de la créosote a été préconisé. Reichen-
bach en fut le promoteur enthousiaste. On l'ordonnait
primitivement en inhalations, mais il suffit de songer que
la créosote n'est pas volatile à 100** pour juger de l'ineffi-
cacité de cette méthode. Prise à l'intérieur, à la dose de
40 à 60 centigr., sous forme de vin, de glycéride ou
d'huile de foie de morue créosotée ou de capsules, la
créosote paraît diminuer assez rapidement les principaux
symptômes des tuberculeux ; elle diminue surtout l'expec-
toration et c'est par son action spéciale sur la sécrétion
bronchique qu'elle modifierait indirectement la toux et la
température (Bouchard). La créosote pourrait être donnée
à toutes les périodes de la tuberculose ; indication par-
tout, disent Bouchard et Gimbert, et contre-indication
nulle part ; on admet cependant que dans les formes avec
exacerbations fébriles intenses, elle devrait être délaissée
(Bravet). La créosote, principe chimique complexe, ren-
ferme surtout deux corps, le gaïacol, bouillant à 205^, et
le créosol bouillant à 219**. Or, la première de ces deux
substances aurait seule, d'après des recherches de Sahls
et de Frœntzel, les propriétés thérapeutiques reconnues
à la créosote, tandis que le créosol serait surtout caustique
et irritant. La richesse variable en gaïacol des différentes
créosotes officinales (variation de 40 à 80 **/o) explique la dif-
férence des résultats obtenus. Depuis plusieurs années, on a
préconisé les injections hypodermiques de créosote ; la causti-
cité de cette substance rend cette méthode très douloureuse.
Les phénomènes d'intoxication de la créosote sont ceux de
l'acide phénique (V. Phénioue [Acide]). D*" P. Langlois.
BiBL. : Chimie. — Barth et Hlasiwetz, Répert. de ch.
pure, 1858, 184. — Deville, An. ch. et phys., t. XII, 228 (3).
— Gorup-Besanez, An. der Ch. und Ph., t. LXXVIII, 231 ;
t. LXXXVI, 223; Zeisc/i. fur Ch., t. 111,298.— Hofmann,
Soc. ch., t. XXII, 58; t. XXX, 463; t. XXXI, 422. — Ha-
rasse, id., t. XI, 165; t. XII, 410; t. XIIL363. — Reichem-
bach, Journ. fur Chem., svoeiqger, t. LXVI, 310, 345;
t. LXVII, 1 et 57; t. LXVIII, 352. — Vœlckel, An. der
Ch. und. Ph., t. LXXXVI, 93; t. LXXXVII, 306.
Thérapeutique. — Bouchard et Gimbekt, Sur V Emploi
de la créosote dans la phtisie, 1877. — Bravet, Etude sur
la créosote (thèse) ; Paris, 1878. — Frœntzel, Therapeu-
tische Monats., 1888.
CRÉOSOTIQUES (Acides) (Chimie).
p , S Equiv C^^HW.
Formules] ^^^^ ^shsos.
Kolbe et Lautemann ont donné autrefois le nom d'acide
créosotique au corps qu'on obtient synthétiquement en
projetant du sodium dans du crésylol chauffé et traversé
par un courant d'acide carbonique :
Ci4H802+C20*=r:C16HW.
Aujourd'hui, on connaît au moins six acides eréoso-
tiques ou oxtjtohdques, dérivant des crésolsoucrésylols;
cinq d'entre eux ont été préparés par Tiemann et Schotten
au moyen des aldéhydes créosotiques, corps qu'on prépare
synthétiquement en faisant réagir le chloroforme sur les
crésols, en présence des alcalis.
I. Acides créosotiques dérivés de l'o-crésol. —
Acide o-homosalicylique. Obtenu par fusion avec la
potasse et l'aldéhyde correspondant, ou encore en oxydant
par l'acide chromique le p-xylène-sulfamide et traitant par
la potasse l'acide ainsi formé (Jacobsen). Il fond à 464°;
Acide o-homO'p-oxybenzoïque. Se forme en oxydant
l'aldéhyde correspondant, ou par oxydation de l'a-xylène
sulfamide fusible à 137**. Il est en petites aiguilles fusibles
CRÉOSOTÏQUES -« CRÉPEY
— 326 —
à 172**, devenant anhydres à 100^ ; il est facilement soluble
dans Feau bouillante, l'alcool et l'éther; ses solutions
aqueuses ne sont pas colorées par le perchlorure de fer.
IL ACJDES CRÉOSOTIÛUES DÉBIYÉS DU M-CRÉSOL. — Aclde
m-homosalicylique. C'est l'acide y-créosotique fusible à
473**, dérivant par oxydation de l'aldéhyde correspondant;
on l'obtient encore en fondant l'hydrate de potassium avec
le p-xénol (Jacobscn).
Il cristallise dans l'eau bouillante en longues aiguilles,
dans le chloroforme en lamelles, que le perchlorure de fer
colore en violet. Chauffé avec de l'acide chlorhydrique, vers
170", il se dédouble en acide carbonique et cnmcrésol :
Ci6HW=:C204 + Ci4H802.
Acide m-homoparoxybenzoïqiie. Résulte de l'oxy-
dation de l'aldéhyde m-homo-paxybenzoïque. Il est en
petites aiguilles blanches, retenant un équivalent d'eau qui
se dégage à 400^; il est alors anhydre et fond à 477^-178°.
Il est peu soluble dans l'eau froide, encore moins dans le
chloroforme, facilement soluble dans l'eau bouillante, l'al-
cool et l'éther.
IIL Acides dérivés du p-crésol. — Acide p-homosali-
cylique. C'est l'acide a-créosotiqued'Engelhardt etLastchi-
noff, que Jacobsen a préparé en traitant le m-xénol par la
potasse caustique. Il fond à 454". Il cristalhse dans l'eau
et dans l'alcool dilué en aiguilles incolores, brillantes,
solubles dans l'eau bouillante, l'alcool, l'éther, le chlo-
roforme. Il se colore par le perchlorure de fer comme
l'acide salicylique.
IV. Acides Homo-m-oxybenzoïques. — La théorie en
indique au moins quatre : deux dérivés de l'o-crésol, et
deux du m et du p-crésol. On n'en connaît qu'un seul avec
certitude, l'acide obtenu par Flesch en partant du cymène
du camphre. Gerichten l'a obtenu en fondant avec la
potasse, les acides p-toluiques chloré et brbmé; Hall et
Remsen, avec l'acide sulfamine p-toluique. Il cristallise en
longues aiguilles soyeuses, fusibles à 203-204", très
solubles dans l'eau chaude, l'alcool et l'éther, insolubles
dans le chloroforme, volatiles avec la vapeur d'eau. L'acide
chlorhydrique concentré ne l'attaque pas, même à 240" ;
distillé avec de la potasse en excès, il fournit de l'o-crésol.
Les acides homosalicyliques, désignés d'abord sous le nom
d'acides créosotiques a, p, y, se forment synthétiqucment
par Faction de l'acide carbonique et du sodium sur les cré-
sols ; mais comme la réaction n'a guère lieu qu'à 480-200",
les produits obtenus ne sont pas purs. Il est préférable
d'attaquer à basse température les crésylols sodiques par
le tétrachlorure de carbone, d'après la méthode de Reimer
et Tiemann :
Ci4H%02 H-C^Cl^ + 5NaH02
=z 4NaCl + 3H202 + Ci^H^Na^O^
C'est à l'aide de cette méthode que Schall est parvenu à
transformer les trois crésols en acides créosotiques ; il a
obtenu cinq acides identiques avec ceux qui résultent de
l'oxydation des aldéhydes créosotiques. Ed. Bourgoin.
BiBL. : G. Flescii, Deuts. ch. Gesells., 1873, 641. — Ge-
richten et RosSLER, ici 1879, 1586. — Hall et Ira Rem-
sen, id., 1878, 1432, 1879, 829. — Jacobsen, id., 1529, 1878,
893. -— KoLBE et Lauttmann, An. Ch. et Phys., t. LX, 371
(8). — Tiemann et Schottenn, Soc. Ch.^ t. XXXI, 42G. —
Schall, Deutsch. ch. Gesellsch.^ 1879, 816.
CRÉOT. Com. dudép. de Saône-et-Loire, arr. d'Autun,
cant. d'Epinac ; 327 hab.
CRÊPAGE. Apprêt qui, donné à certains tissus, produit
à leur surface des plissements et des ondulations.
CRÉPAND.Com. dudép. de laCôte-d'Or, arr. de Semur,
cant. deMontbard; 486 hab.
CRÊPE. I. Archéologie. — La fabrication du crêpe a son
origine en Orient : l'usage en fut introduit en Occident au
-moins dès le ix® siècle ; car on trouve dans la bible de Théo-
dulfe, conservée au Puy, des débris de crêpes polychromes
ayant servi de gardes. A en juger par certaines statues du
portail de la cathédrale de Chartres, ce genre d'étoffe a
été employé dans le costume du xii*^ siècle. Rologne eut, au
moyen âge, le monopole de la fabrication des crêpes de
soie et le conserva jusqu'aux premières années duxvi^ siècle;
à cette époque apparaissent les crêpes de Navarre. Sous
Henri IV, une manufacture fut établie au château de
Mantes. Vers 4667, un certain P)Ourges obtint du roi pour
un temps déterminé le privilège exclusif d'en fabriquer à
Lyon. Les statuts des guimpiers de Lyon, rédigés en 4668,
portent (art. 14) qu'«il sera aussi permis aux maistres
dudit art de faire travailler toutes sortes de gros crêpes,
crêpes unis et lisses, en même façon et quahté que ceux
qui viennent de Boulogne (Bologne), après toutefois le
temps expiré du privilège accordé au sieur Bourges, en
cas qu'il satisfasse au privilège, sinon jouiront du présent
article ». Plus tard des fabriques furent établies à Paris
et à Tours. Dès la fin du xvi^ siècle l'étoffe de crêpe de-
vint une marque de deuil. On lit dans le. Cérémonial de
France qu'en 4584, lors de l'enterrement du duc d'Anjou,
« le roy... print son bonnet violet et carré, ayant de
chascun costé un grand crespe violet pendant jusques au-
dessoubs du genoil... Lieutenans et archers à pied, l'ar-
quebouze sous le bras, couverts de crespe noir... Les
Suisses avec leur enseigne à demy ployée et le tambour
couvert de crespe noir, » M. P.
II. Technologie. — Les crêpes sont des tissus légers on-
dulés et pUssés qui rentrent dans l'un des trois genres
suivants : crêpe français, crêpe anglais ou crêpe de Chine.
Les crêpes français sont faits avec une chaîne et une trame
très fortement tordues, de sorte qu'après tissage et teinture,
l'apprêt qui se fait à chaud, au moyen de rouleaux recou-
verts de peau, en tendant le tissu, amène ces fds à se
contracter et à gaufrer en quelque sorte l'étoffe dont les
plissements semblent former un dessin régulier, très per-
sistant malgré les frottements et les tractions qu'on peut
lui faire subir. Le même tissu rendu uni par un apprêt
très énergique forme le crêpe lisse dont on fait des plissés
ou ruches pour jupes, cols, formes de chapeaux, etc.
Le crêpe anglais est apprêté au moyen de rouleaux
gravés. Ces deux genres de tissus sont généralement teints
en noir et entrent dans la composition des costumes de
deuil. Le crêpe de Chine est un tissu plein et opaque qui
se tisse généralement en écru, au moyen d'une chaîne a
torsion ordinaire dans laquelle on tisse, en armure taffetas,
alternativement une duite en cordonnet tordu dans un sens,
et une autre duite semblable, mais dont la torsion est de
sens contraire. Ces cordonnets sont faits en fils grèges très
fortement tordus. L'étoffe est ensuite cuite, teinte en toutes
nuances et apprêtée à plat et donne un produit très souple
et très doux auquel les effets de torsions de la trame
donnent des ondulations légères.
III. Art culinaire. — Galette faite avec un mélange de
froment, de lait, d'œufs, de sel fin, auquel on peut ajouter
une petite quantité d'eau de fleurs d'oranger ou d'eau-de-
vie. La pâte ainsi obtenue à l'état de bouillie claire est
versée en couche mince dans une poêle graissée avec un
morceau de beurre ou de saindoux. Quand la crêpe est
cuite d'un côté on la fait sauter pour la retourner, et quand
elle est cuite de l'autre on la glisse sur un plat et on la
saupoudre de sucre. Les crêpes mangées chaudes sont
meilleures que froides. C'est un aliment commun dans
l'ouest de la France.
Bibl. : Archéologie. — Gay, Glossaire archéologique,
p. 493. "^ ^ '
CREPEREIUS, chevalier romain nommé par Cicéron
parmi les juges de Verres (Verr., Act. I, 40). ~ Tacite
nomme un Crepereius Gallus, favori d'Agrippine, qui périt
sur le navire dont on avait préparé pour elle le naufrage.
{Ann,., XIV, 5). — Diverses monnaies, ornées de figures
de Neptune et de Vénus, portent le nom deQu. Crepereius
M. F.^Rocus.
CREPEY (Crepiacum, 836; Crepicum, 884). Com.
du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr. de Tout, cant. de
Colombey ; 725 hab. Elle appartenait autrefois à l'abbé de
j Saint-Epvre de Toul, qui en était seigneur haut, moyen et
— 327
CRÉPET — CRÉPIS
bas justicier, et est déjà mentionnée dans différents di-
plômes , donnés en faveur de l'abbaye de Saint-Epvre par
Charles le Chauve (870), le roi Otton l^' (948), Conrad le
Salique (4033) et l'empereur Frédéric II (4218).
CRÉPI (Archit.)(V. Crépissage).
CREPIDIS (V. Chaussure, t. X, p. 974).
CREPI DU LA (Malac). Genre de Mollusques-Gastéro-
podes, de l'ordre des Prosobranches-Pectinibranches, établi
par Lamarck en 4 799 pour une coquille de forme ovale un peu
allongée ; à sommet postérieur ordinairement latéral, sub-
spiral ; ouverture allongée ; face interne brillante, d'un blanc
de porcelaine. Septum horizontal, peu épais, occupant à
peu près la moitié postérieure de l'ouverture ; bord libre
du septum sinueux, parfois presque droit. Type : Crepidula
fornicata Linné. Les Crépidules vivent fixées aux rochers,
sur les coquilles mortes ou vivantes, à une moyenne pro-
fondeur. Elles habitent la Méditerranée, les côtes de
l'Amérique, celles de l'Afrique et des îles de l'Océanie.
CRÉPINetCRÉPINlEN (Saints), martyrs, patrons des
cordonniers. Fête, le 25 oct. Ces saints, qu'on suppose être
deux frères, étaient nés à Rome, de noble famille; ils se
dépouillèrent de tous leurs biens, pour se plus librement
vouer au soin des âmes, et ils s'en vinrent à Soissons afin
de convertir les habitants, pour lors païens. Ils s'y firent
cordonniers, parce que ce métier se peut pratiquer sans bruit.
Comme ils ne prenaient que pour vivre, et fort pauvrement,
chacun venait à eux, tant pour le bon marché des souliers,
que pour l'intégrité de la marchandise. Leur boutique leur
servait d'église; ils y enseignaient, dit un pieux hagio-
graphe, de quoi revêtir et orner les pieds des affections
humaines; et plusieurs reçurent d'eux l'évangélique perle,
ne pensant acheter que simples chaussures. On les dénonça
à Maximicn-Hercule, qui se trouvait en ce temps-là dans
la Gaule. L'empereur ordonna au prévôt Rictiovare (Rictiiis
Varus) de les punir. Ce prévôt était ennemi forcené des
chrétiens ; il fit étendre Crépin et Crépinien sur une roue
et battre, dos et ventre, avec une barre de fer ; mais les
saints se moquaientdestourmentsetchantaient les louanges
de Dieu. On leur enfonça des alênes dans les ongles et on
leur tailla dans le dos de larges courroies ; mais les alênes re-
jaillirent avec violence contre les bourreaux et les blessèrent.
Rictiovare les fit attacher à des meules et jeter dans la
rivière ; mais les meules, devenues légères, élevèrent les
saints au-dessus de l'eau et les portèrent sur la rive. On
les reprit et on les mit dans une chaudière de plomb fondu ;
une goutte de ce plomb saillit à l'œil de Rictiovare et le
creva. On les plongea, tète en bas, dans une cuve remplie
de poix et d'huile bouillantes, mais un ange les en tira plus
vermeils et robustes qu'ils n'y étaient entrés. A cette vue,
Rictiovare, mû de fureur, par l'instinct du Malin Esprit,
se précipita dans le feu qu'il avait allumé et y acheva ses
jours impies. Crépin et Crépinien victorieux passèrent la
nuit en prières, pour remercier le Seigneur, qui envoya un
ange leur annoncer que le lendemain ils recevraient la cou-
ronne du martyre. En effet, le lendemain, Maximien leur
fit trancher la tète (287 ?). La nuit suivante, un vieillard
et sa sœur, divinement avertis, vinrent prendre leurs corps
et les trouvèrent si légers qu'ils les portèrent sans effort
au bord de l'eau, où les attendait, miraculeusement envoyée,
une barque, qui remonta le courant, avec cette précieuse
charge, sans aide de rames ni de force quelconque, jusqu'au
lieu où les saints furent honnêtement enterrés. Après la
persécution, les gens de Soissons y érigèrent une magni-
fique église. Mais, comme Crépin et Crépinien étaient nés
à Rome, leurs corps, au dire de Baronius, y furent plus
tard transportés ; ils y reposent encore en l'église Saint-
Laurent.
A Soissons, l'abbaye de Saint-Crépin-en-Chaye se pré-
tendait bâtie sur l'emplacement de la cave où les saints
avaient été emprisonnés ; Saint-Crépin-le-Petit, sur l'en-
droit où ils furent enterrés ; l'abbaye cistercienne de Saint-
Crépin-le-Grand, sur celui où leurs restes furent trans-
portés au VII® siècle. — Les actes les plus anciens de
ces martyrs ne remontent pas au delà du viii^ siècle,
composés cinq cents ans environ après les événements qu'ils
racontent . E . -H . Vollet .
CRÉPIN (Louis-Philippe), peintre français, né à Paris en
4 772, mort à Paris le 26 nov. 4 854 . Elève de Hubert Robert,
de Regnault et de Joseph Vernet, il peignit tour à tour le
paysage, l'histoire et les marines, mais c'est surtout dans
ce dernier genre qu'il montra une extrême fécondité.
Parmi les très nombreux tableaux qu'il produisit, on peut
citer : le Port de Brest, au momeîit de rembarquement
du général Hoche (S. 4798); la Nymphe lo (S. 4800);
Combat de la frégate française « la Bayonnaise »,
contre la frégate anglaise « l'Embuscade », i79S
(S. 4804; prix d'encourag. à Versailles); Combat naval
devant Boulogne, iSOi (S. 4806; à Versailles);
Louis XVI visitant le port de Cherbourg, il 86 (S.
4847, à Versailles). On voit encore de cet artiste, au
salon du Grand-Trianon, le Torrent, la Pêche, la Chasse
au vol; à Fontainebleau, Cascade et aqueduc entre des
rochers. Ad. T.
CRÉPINE. I. Ameublement. — Frange ajourée par en haut
se terminant en bas par de longs fils. Les crépines se clouent
sur les meubles et les sièges ou se cousent sur les rideaux
de façon que les franges tombent perpendiculairement.
Elles sont fabriquées indistinctement en or, en argent, en
faux, en laine et en soie. Leur usage remonte à une époque
très ancienne et les premiers passementiers portaient, dès
le xni^ siècle, le nom de crépiniers.
II. Hydraulique. — Le tuyau d'aspiration des pompes
élévatoires est souvent terminé par une crépine, sorte de
boîte, percée de trous, qui a pour objet, tout en laissant
passer l'eau, d'arrêter les corps en suspension susceptibles
d'engorger les pompes ou de nuire à leur fonctionnement.
Si l'eau est très chargée, les trous de la crépine ne tardent
pas à se boucher et il faut, dans certains cas, la nettoyer
fréquemment.
IIL Charcuterie (V. Charcuterie, t. X, p. 640).
BiBL. : Ameublement. — H. Havard, Dictionnaire de
Vameiiblement. — Bonnardot et de Lespinasse, le Livre
des métiers d'Etienne Boileau.
CRÉPI NET (Alphonse-Nicolas), architecte français, né
à Paris en 4827. Elève de Visconti et de l'Ecole nationale
des beaux-arts, M. Crépinet fut, en 4852, attaché comme
inspecteur aux grands travaux de réunion du Louvre et des
Tuileries; nommé, en 4859, architecte du tombeau de
Napoléon F"^ aux Invalides, puis, en 4862, de tout l'en-
semble de l'hôtel, dont il fit restaurer et dorer le dôme
avec lanternon et où il fit exécuter le tombeau du roi
Jérôme. En dehors d'importantes constructions privées à
Paris, M. Crépinet a fait élever l'hôtel des Roches-Noires,
à Trouville, et l'hôtel de la Société générale de crédit espa-
gnol, à Madrid. Il a obtenu un premier prix dans le con-
cours ouvert à Londres pour le projet de construction d'un
palais réunissant les divers services de tous les ministères,
et un deuxième prix dans le concours ouvert à Paris pour
la construction de l'Opéra. On lui doit encore, aux Salons
de 4870 et de 4872, un projet de transformation de l'hô-
tel national des Invalides et de ses abords et un projet de
réunion des deux Chambres et de leurs dépendances sur
l'emplacement du Trocadéro. Charles Lucas.
CRÉPINETTE (Art culin.). Sorte de saucisse plate ou
viande hachée entourée de crépine ou coiffe de porc
(V. Saucisse).
CREPIS. I. Bot AmQm. — {CrepisL.), Genre de plantes
de la famille des Composées et du groupe des Chicoracées.
Ce sont des herbes annuelles, bisannuelles ou vivaces, voi-
sines des Laiterons et des Laitues, dont elles diffèrent surtout
par les achaines non comprimés, presque cylindriques. Le
genre se divise en deux sections : les Crépis proprement
dits, qui ont les achaines dépourvus de bec, et les Bar-
khausia, chez lesquels les achaines sont atténués insensi-
blement, au moins ceux du centre, en un bec plus ou
moins allongé. C'est à cette dernière section qu'appartien-
CRÉPIS - CRÉPY
- 328 -
nent, d'une part, le C, fœtida L., espèce commune sur
le bord des chemins, des terrains calcaires et dont la
racine exhale une odeur de chlore très prononcée ; d'autre
part, le C. rubra L., espèce italienne que l'on cultive
fréquemment dans les jardins pour ses grandes fleurs
rose tendre. On cultive également comme ornemental, le
C. barbata L., à fleurs jaune soufre avec le centre brun
velouté.
II. Zoologie. — Genre de Bryozoaires-Cheilostomes delà
famille des Membraniporidœ. Il se trouve dans l'Atlan-
tique et a été décrit par J. Julien qui lui assigne les carac-
tères suivants : zoœcies ovales à ectocyste ne fermant pas
complètement l'area en avant, où une grande ouverture
persiste pendant toute la vie ; cette opésie semi-elliptique
a ses angles plus ou moins arrondis ; ectocyste chitineux
brillant quand il est sec, calcifié sur les parois latérales qui
s'élèvent en avant de l'opésie, et se prolonge en arrière de
la zoœcie en un long filet dont la pointe se soude avec
Fectocyste pariétal delà zoœcie précédente. Le C. longipes
vit par" des fonds de 1,000 à 2,000 m. L. C.
CRÉPISSAGE. L Technologie (V. Corroirie).
IL Construction. — Dans les travaux ordinaires, à l'in-
térieur des habitations, on applique sur les matériaux des
murs qui ne doivent pas rester nus un crépi en gros plâtre,
et ensuite un enduit en plâtre tamisé. Il faut préalablement
dégrader les joints des moellons, meulières ou briques, de
manière à facihter l'adhérence, puis mouiller largement avant
l'application. — Au commencement, quand le plâtre coude ^
comme disent les maçons, c.-à-d. lorsque la prise est sur
le point de se faire dans l'auge, on le jette à la truelle ;
c'est ce qu'on appelle le gobetage ; puis on étend le plâtre
devenu plus épais à la taloche, petit panneau en bois muni
d'un manche perpendiculaire. On achève de le dresser
avec le tranchant de la truelle, ou mieux avec le tranchant
denté de l'outil spécial appelé truelle brettelée. On forme
ainsi une série d'aspérités propres à augmenter l'adhérence
de la deuxième couche, ou enduit proprement dit. — 11 est
essentiel d'éviter un excès d'eau dans le gâchage, pour
n'avoir pas d'enduits poreux, se fendillant, et se détachant
facilement. Il faut que la truelle résonne sur l'enduit,
comme sur de la pierre, quand on la passe une demi-
heure après l'emploi. — Les crépis apparents sont faits
comme la première des deux couches dont il vient d'être
parlé ; ils doivent présenter de gros grains à leur surface.
On fait au plâtre ou à la chaux des crépis mouchetés, dits
crépis au bdlai^ la surface étant aspergée avec un balai
de bouleau qu'on trempe dans l'auge. Quand la chaux est
employée, c'est à l'état de mortier de chaux grasse. —
Cependant on emploie aussi les mortiers de chaux hydrau-
lique, notamment pour les soubassements de maisons, les
murs et voûtes de fosses, citernes, égouts et réservoirs,
après avoir nettoyé et lavé les surfaces et dégradé les
joints. Pour d'anciennes maçonneries, le nettoyage est
encore plus indispensable ; on commence par faire en pre-
mière couche un crépi fouetté fortement à la truelle, pour
augmenter son adhérence, et après la prise on étend en
seconde couche l'enduit proprement dit. Le mortier de
ciment à prise rapide s'emploie plus facilement, parce qu'il
n'y a pas besoin d'attendre la prise d'une première
couche : on opère en une seule fois et l'on dresse l'enduit
à mesure avec la truelle ; on achève à la truelle brettelée
si l'enduit doit être apparent à l'extérieur. On le lisse et
on le repasse à siccité lorsqu'on le fait dans un but d'étan-
chéité, pour un réservoir, une fosse, un égout. — Le
mortier de ciment à prise lente n'est pas à recommander,
au moins pour les enduits verticaux, parce que son poids le
fait se détacher avant que la prise ait pu avoir lieu ; ce-
pendant, avec des soins, en repassant plusieurs fois, on
finie par obtenir une adhérence convenable. Lorsqu'il
s'agit d'enduire de vieilles constructions mal dressées, ou
sur des murs neufs montés sans les soins nécessaires, on
procède d'abord à un renformis^ opération qui consiste à
remphr les creux avec une maçonnerie de petits matériaux
hourdés avec le mortier du crépi quand l'épaisseur à re-
gagner est de plus de 5 centim. ; autrement, il suffît d'ap-
pliquer préalablement une ou deux couches de crépi dans
les endroits maigres. Lorsque le mortier employé est
du plâtre, le renformis se fait d'ordinaire en plâtras et
plâtre. M.-C. L.
BiBL. : Co^strvctioi^. — Be^fer^ Architecture et cons-
tructions civiles ; Paris, 1891, 2 vol. gr. in-8, dans l'Eneyclo-
pêdiû des travaux publics.
CREPITACULUM (V. Hochet).
CRÉPITANT (Pathol.) (V. RAle).
CRÉPOL, com. du dép. de la Drôme, arr. de Valence,
cant. de Romans; 699 hab.
CRÉPON, Com. du dép. du Calvados, arr. de Rayeux,
cant. de Ryes, 339 hab. L'église, de diverses époques, a
quelques parties curieuses, la nef en partie romane, mais
mutilée, la tour centrale du style de transition avec un
couronnement du xv^ siècle ; le chœur aussi du style de
transition et qui a conservé un beau mobilier en chêne
sculpté du xviii'' siècle.
CRÉPON. Etoffe de laine fine produisant des effets
ondulés analogues à ceux du crêpe. Les crépons se tissent en
armure toile, écrus, et sont teints après tissage. On en fait
des fichus et dos ornements ecclésiastiques.
CRÉPU (Nicolas), peintre de fleurs de l'école flamande,
né en 4680. Il vécut d'abord à Anvers, puis il se fixa à
Rruxelles. Ses tableaux sont remarquables par le goût des
arrangements et la finesse d'exécution des détails.
CREPUNOIA. Jouet d'enfant (V. Jouet).
CRÉPUSCULE (Astron.). Lumière indécise, intermé-
diaire entre le jour et la nuit, qui suit le coucher du soleil
ou qui précède son lever. Le crépuscule est dû à la "
réflexion et à la réfraction qu'éprouvent les rayons lumi-
neux dans notre atmosphère, lorsque le soleil est au-
dessous de l'horizon d'un angle qui pour Paris est inférieur
à 18^. Il en résulte qu'au moment du solstice d'été,
comme la latitude de Paris est (en nombre rond) de 48<* 50^,
l'angle fait par notre horizon avec l'équateur ou la colati-
tude, est 90«— 48« 50' =W 10' ; l'obliquité de l'éclip-
tique étant, d'après la Connaissance des temps pour 4894 ,
de 23^ 27^ l'angle du parallèle du soleil avec l'horizon
est de 44«40' — 23o27'=47o43', quantité inférieure
à 48^. Il n'y a donc pas de nuit absolue à cette époque,
et le crépuscule du soir n'a pas encore pris fin quand
celui du matin, plus spécialement appelé aurore (V. ce
mot) a déjà commencé. Le cercle crépusculaire est un
petit cercle parallèle à l'horizon et qui en est distant de
18° : c'est le cercle qui limite la durée du crépuscule,
puisque cette lueur n'a lieu qu'au moment où le soleil reste
entre l'horizon et le cercle crépusculaire. L. R.
CRÉPY. Com. du dép. du Pas-de-Calais; arr. de Mon-
treuil-sur-Mer, cant. de Fruges; 397 hab.
CREPY-en-Lâonnois. Com. du dép. de l'Aisne, arr.
et cant. de Laon; 4,706 hab. Ce bourg est très ancien.
Il existait déjà à l'époque mérovingienne. Au xi*^ siècle,
il appartint successivement aux moines de Saint-Vincent
de Laon puis à ceux de Saint-Jean de la même ville, et
enfin aux rois de France qui le gardèrent. En 4484,
moyennant de très lourdes conditions, Philippe-Auguste
octroya aux habitants des franchises communales analogues
à celles de Laon. Dès le xn^ siècle, il s'y trouvait deux
paroisses, celles de Notre-Dame et de Saint-Pierre. La ville
fut fortifiée au xiv® siècle. Elle reçut une foire franche en
4360. Pillée en 4373 par les Anglais, en 4448 et 4420
successivement par les Armagnacs et les Rourguignons,
elle fut démantelée au cours du xv^ siècle. Un traité y fut
signé au xvi^ siècle (V. ci-dessous). Les calvinistes s'en
emparèrent en 4568 ; Mayenne et les hgueurs l'assiégè-
rent en 4590, puis après un premier échec réussiren't à
s'en emparer. Une partie des habitants furent massacrés.
Les habitants de Laon, toujours acharnés contre leurs voi-
sins, vinrent en raser les fortifications. Au xvii^ siècle,
359 —
CRKPY
elle fut encore très éprouvée. Il y exista un prêche détruit
en 4685. Crépy fut de toute ancienneté le siège d'une
prévôté royale. Le bourg possédait plusieurs établissements
publics de charité. On y remarque encore deux belles
églises : Saint-Pierre, du xiii® siècle, et Notre-Dame, des
XIV® et XVI® siècles.
Traité de Crépy. — Conclu les 17 et 48 sept. 4544
sur les bases de la trêve de Nice entre François P"^ et
Charles-Quint qui avait été forcé de reculer jusqu'à ce
bourg, après avoir envahi la Champagne et pillé Saint-
Dizier et Châlons. L'amiral d'Annebaut vint trouver l'empe-
reur et lui demanda la paix. Le roi abandonnait toute pré-
tention sur la Flandre et l'Artois, ainsi que sur les
royaumes de Naples et d'Aragon. En retour, l'empereur
renonçait aux villes de la Somme et au duché de Bour-
gogne. Le second fils de François P"^, le duc d'Orléans,
devait épouser ou la princesse Anne, fille du roi des
Romains ou l'infante Maria de Castille, au choix de
Charles-Quint. En vertu d'une convention secrète, le roi
s'engageait à protéger le catholicisme, à approuver un
concile général à Cambrai, à Metz ou à Trente, au choix de
l'empereur, à combattre le Grand Turc et à favoriser la pa-
cification de l'Allemagne. Antoine Perrenot, évêqued'Arras,
le futur cardinal Granvelle, vint peu après en France
pour assurer l'exécution des clauses de ce traité. A. L.
BiBL. : LÉONARD, Recueil des traités de paix^ t. II. —
DuMONT, Corps diplomatique. — Mémoire sur la paix de
Crépy^ dans le Bulletin de la Société archéologique de
Soissons, t. XXVII.
C R É P Y-EN- Valois (Cr^5;?!/, Crispesium, Crespiacum) .
Chef-lieu de cant. du dép. de l'Oise, arr. de Senlis;
3,625 hab. Stat. etembranch. du Nord vers Paris, Chantilly,
Mondidier et Soissons. Il est probable que l'origine de la
ville remonte à l'occupation romaine et qu'elle remplaça un
camp de légionnaires ; on croit qu'elle fut agrandie par
Dagobert P^, mais ce n'est qu'au ix® siècle qu'on voit avec
certitude le comté de Crépy, joint à celui d'Amiens, appar-
tenir à une puissante famille qui le posséda jusqu'en 4082.
A la mort de Saint-Simon de Crépy, dernier descendant
mâle de cette maison, qui se fit moine, il passa par
aUiance à Herbert, comte de Vermandois, puis à son gendre
Hugues le Grand, frère de Philippe l^^, Elisabeth, son
arrière-petite-fille, mariée à Philippe d'Alsace, comte de
Flandre, mourut sans enfants, et sa sœur Eléonore, sou-
tenue par Philippe- Auguste, recueillit le Valois et Crépy où
elle se signale par ses bienfaits. Cette princesse n'ayant pas
laissé d'enfants, le Valois fut réuni à lacouronneen42d4.
L'année suivante, Philippe- Auguste accorda aux habitants de
Crépy une charte de commune confirmée par Louis VIII
en 4223. En 4240, saint Louis donna la jouissance via-
gère de la seigneurie à la reine Blanche de Castille, sa
mère, après la mort de laquelle, en 4252, ce domaine fit
retour à la couronne. Philippe le Hardy réunit, en 4284,
les châtellenies de Crépy, de LaFerté-Milon,dePierrefonds
et de Béthisy-Verberie, et constitua ainsi le nouveau comté
de Valois qu'il donna à Charles, son second fils, dont le fils
Philippe monta sur le trône en 4328 et devint Fauteur de
la branche royale dite de Valois. Crépy eut beaucoup à
souffrir des guerres du xiv® siècle et surtout de celles du
XV®, pendant la rivalité des ducs de Bourgogne et d'Or-
léans, à qui cette ville appartenait, ainsi que le Valois,
érigé en duché. Charles Vil, au retour de son sacre à Reims,
en juil. 4429, se présenta avec la Pucelle devant Crépy
qui se soumit ; le roi y attendit les Anglais qui s'avançaient
à marches forcées sous le commandement du duc de Bed-
fort. Celui-ci n'attaqua pas la ville, mais s'établit sur les
hauteurs situées du côté de Senlis ; les deux armées res-
tèrent en présence pendant plusieurs jours, mais, après
quelques vaines escarmouches, Charles rentra dans Crépy
et Bedfort regagna Senlis. Deux ans après, les Anglais
revinrent devant Crépy et, après un siège assez long, ils
emportèrent la ville d'assaut et la ruinèrent presque com-
plètement. Au mois de mai 4433, Charles VII enleva de
nouveau la forteresse par une escalade nocturne. Le duc
Charles d'Orléans étant revenu d'Angleterre en 4440,
s'installa à Crépy, y fit construire un château pour son
habitation personnelle et y attira de nouveaux habitants.
Il mourut en 4465 et son fils et successeur étant monté sur
le trône en 4498 sous le nom de Louis XII, le Valois fut
de nouveau réuni au domaine de la couronne. Mais dès
l'année suivante, le roi donna ce duché à son cousin
François, alors comte d'Angoulême, qui lui succéda sur le
trône en 4545 et donna en 4546 à sa tante Jeanne d'Or-
léans, comtesse de Taillebourg, les titres et les revenus du
duché de Valois, tout en conservant l'administration
de ce domaine. Le Valois devint ensuite le douaire de
Catherine de Médicis, puis de la reine Marguerite de
Navarre. Prise par les ligueurs en 4588, Crépy fut
reprise deux ans après par La Noue et retomba en 4592
aux mains du duc de Mayenne qui ne put s'y maintenir.
Crépy appartint ensuite successivement à Gaston d'Orléans,
puis à Philippe, frère du roi Louis XIV, qui le transmit à
ses descendants. Le dernier fait à citer de l'histoire de
cette ville est le combat sanglant livré au mois de mars
4844, contre un corps prussien qui fut repoussé.
Crépy était le siège d'un important bailliage qui subsis-
tait déjà au XII® siècle, d'un présidial institué avec une
chancellerie en 4638, d'une maréchaussée établie en 4554,
d'une élection et d'un grenier à sel datant du xvi® siècle.
11 avait un gouverneur, un commandant du château et un
major. Les établissements ecclésiastiques comprenaient trois
collégiales (Saint-Arnould, Saint-Thomas et Saint-Aubin),
Église Saint-Thomas, à Crépy-en-Valois.
deux prieurés (Sainte-Agathe et Saint-Michel), deux cou-
vents (capucins et ursuhnes), trois paroisses et un collège
qui remontait au xvi^ siècle. — Crépy eut une commune
que l'historien Carlier fait remonter à Tannée 4447. Phi-
lippe-Auguste en concéda une autre au mois de juin 4245 ;
elle fut renouvelée et amplifiée par Louis VIII en 4223 et
fut supprimée en 4329 à la demande des habitants, par
Philippe de Valois qui la remplaça par une prévôté royale.
Les armes de la ville étaient d'or à un tigre de sable.
Lorsque Philippe le Hardi donna le Valois en apanage,
on ajouta un chef d'azur à trois fleurs de lis d'or. Crépy-
en-Valois est la patrie des poètes Albin et Philippe des
Avenelles, du jurisconsulte Laurent Bouchel, etc.
CRÉPY ^ CRÉQUY
— 830 —
L'église paroissiale de Saint-Denis appartient aux diffé-
rentes époques ; une partie de la nef est du xi^ siècle, les
latéraux du xiv®, le chœur, les transepts et le clocher du
xy'^ avec quelques détails du xvi® siècle ; il y a de beaux
vitraux dans la chapelle de la Vierge. — Les ruines de
Saint-Thomas sont le monument le plus intéressant de la
ville ; il en reste la façade et une partie do la première
travée ; les portions les plus anciennes sont du xni® siècle ;
la façade appartient aux xiv^ et xv® siècles ; le portail
gothique est flanqué de deux tours dont l'une seule est
achevée et couronnée d'une élégante pyramide de pierre.
— On voit encore quelques restes des églises de Saint-
Arnoult (xii® et xm® siècle), de Saint- Aubin (xii® et xiii®
siècle), ainsi que quelques murs de l'enceinte fortifiée du
Vieux Château du xi^ siècle, rétablie en 4434. Il y a
également de belles caves voûtées en ogive sous plusieurs
maisons de la ville, et certaines de ces habitations ont
conservé des traces intéressantes de leur architecture pri-
mitive des xv^ et xvi® siècles.
Carrières, moulins, râperiede betteraves, chaudronnerie,
boutons. V*^ DE Caix de Saint-Aymour.
BiBi.. : Carlier, Hist. du duché de Valois ; Paris, 1775.
in-4. — Graves, Canton de Crépy ; Beauvais, 1814, in-8. —
Comité archéotog. de Sentis^ passim.
CRÉPY ou. g R ESP y (Jean), dessinateur, graveur au
burin et marchand d'estampes, né vers 4650. Il travailla
à Paris de 4686 à 4730. Il paraît s'être surtout appliqué
à copier les pièces les plus remarquables des bons gra-
veurs ; il grava aussi un certain nombre de petites estampes
en forme de tabatières. On cite de lui : les Principes du
dessin tirés des caractères de M. Poussin (in- fol.) ; les
portraits du R. P. AlbizzU à' Antoine Houdart de la
Motte, de Marie- Adélaïde, princesse de Piémont, du duc
de Marlboroiigh, de l'ambassadeur Mehemet-Effendi, du
chancelier Daguesseau (en ovale in-4), etc.. G, Vinot.
BiBL. : Nagler, III, 198. ~ Le Blanc, Manuel de l'ama-
teur d'estampes^ t. IL
CRÉPY (Louis), fils du précédent, dessinateur, graveur
au burin et éditeur d'estampes, né vers 4680. irvécutà
Paris dans la première moitié du xviii^ siècle et travailla
avec son père. Parmi ses ouvrages, nous citerons : le
Iriomphe de Cérès, d'après Ant. Watteau ; Paravent
de six feuilles ; les Délassements de la guerre; Qu'en
dira-t'on? d'après le même artiste, ainsi que son portrait
d'après lui-même; la Famille de Darius devant Alexan-
dre, d'après Ch. Le Brun ; la Joye du theastre, d'après
Nie. Lancret.
CRÉQUI (Seigneurie de) (V. Créquy).
CRÉQUlER(Blas.).Figurena-
turelle représentant une sorte de
prunier sauvage, ayant à peu
près la forme d'un chandelier à
sept branches.
CRÉQUI LLON (Thomas), mu-
sicien du xvi« siècle, probable-
ment belge, mort en 4557. Il
était attaché à la chapelle de
Charles-Quint en 4544-1 553. Ses
oeuvres sont très nombreuses et
lui ont fait assigner un rang dis-
tingué dans l'histoire musicale de son 'temps. Le Tiers
Livre des chansons, pubMé à Anvers par Susato en 4544,
le premier livre des messes, publié à Louvain par Phalèse
en 4554, le Liber septimus cantionum sacrarum (ibid,^
4562), et le recueil intitulé Thomœ Crequilloni opus
sacrarum cantionum {ibid,^ 4576), sont formés exclusi-
vent d'oeuvres de ce musicien. En outre, quantité de
messes, motets et chansons de Créquillon sont répandus
dans un grand nombre de recueils imprimés en divers lieux
pendant le xvi^ siècle.
BiBL. : EiTNER, Bibliographie der MusiUsammelwerke.
1877, in-8.
CRÉQUY. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr. de
Montreuil-sur-Mer, cant. deFruges; 846 hab.
D'or au créquier de
gueules.
CRÉQUY (Famille de). Illustre maison française dont la
généalogie remonte à l'an 986. Ses armes sont : d'or au
créquier de gueules, avec la devise : Nid ne s'y frotte,
Baudouin de Créquy prit part au siège de Valenciennes en
4007 ; Henri fut tué à Da miette en 4240 ; Jean combattit
Robert d'Artois (1340) ; Eugène fut évèque de Cambrai et de
Thérouanne (4326) . La famille de Créquy a produit un grand
nombre d'hommes de guerre au xv® et au xvi^ siècles. Elle
s'est divisée en un grand nombre de branches (Heilly,
Langles, Probant, Bernieulles, Auffers, etc.). Citons les
principaux membres de cette famille : Jacques de Créquy,
dont le père avait pris les noms et les armes de la maison
d'tleilly par substitution, commanda en 4408 l'armée diri-
gée contre Liège par le duc de Bourgogne ; il fit une cam-
pagne en Poitou au nom du roi contre le duc de Berry
(4444), prit Poitiers et Niort. En 4442, il assiégea
Bourges. Il servit en Guyenne en 4443 contre les Anglais,
puis alla commander en Picardie. On l'appelait le maréchal
de Guyenne. Il fut tué à Azincourt, ainsi que ses cousins
Jean et Raoul de Créquy, et le beau-frère de ceux-ci, Robert
deWawrin. —Jean F de Créquy, chambellan de Philippe
le Beau, chevalier de la Toison d'or en 4434, défendit
Paris en 4429, prit part au siège de Calais en 4436, fut
ambassadeur en Aragon (1464), en France en 1464, et
mourut en 4474. Son fils François iut châmbellm et che-
valier de l'ordre de la Toison d'or; son fils cadet, Charles,
évèque de Thérouanne en 4518. — Antoine de Créquy,
petit-fils du précédent, chevalier de l'ordre de Saint-Michel,
commanda l'artillerie à Ravenne, prit une part glorieuse
à l'assaut delà Bicoque, défendit Thérouanne en 4543, et
fut tué en 4523 au siège de Hesdin. « Il ne trouva jamais
entreprise trop hasardeuse »,- dit Martin du Bellay.
Jean VIU, sire de Créquy, prince de Poix, seigneur de
Canaples, chevalier de l'Ordre du roi, capitaine de cent
gentilshommes de sa maison, fait prisonnier à Pavie,
envoyé en 4548 en Angleterre avec le maréchal d'An-
nebaut, mort en 4555, eut trois fils: le cardinal (V. plus
loin), Louis (tué à Saint-Quentin) et Jean IX, guidon des
gendarmes du duc de Guise au siège de Metz, capitaine
d'une compagnie de cinquante hommes d'armes en 1553,
tué aussi à Saint-()uentin en 1557. — Antoine àe Créquy,
le cardinal, né en 4534, mort le 5 juin 4574, se con-
sacra de bonne heure à l'état ecclésiastique. Il fut évèque
de Nantes en 4554 et abbé de Saint- Julien de Tours,
puis évoque d'Amiens en 4561, abbé de Valloires et de
Selincourt après ses oncles François et Antoine, et créé
cardinal du titre de Saint-Tryphon par le pape Pie IV, le
44 mars 4565. II fut aussi chancelier de l'ordre de Saint-
Michel. Ayant hérité des biens de sa maison à la mort de
ses frères, Jean et Louis, en 4557, il les laissa à son
neveu, Antoine de Blanche fort, seigneur de Saint-
Janvrin, fils de sa sœur Marie, et obtint du roi la per-
mission de lui faire porter le nom, les armes et le cri de
Créquy.
Cette nouvelle famille de Créquy était connue depuis
4150 sous son nom originaire de Blanchefort; elle avait
produit Guy, grand prieur d'Auvergne, élu grand maître
de Rhodes en 4540, mort peu après son élection.
Charles de J^lanchefort, sire de Créquy, prince de
Poix, maréchal de France, né en 4578, mort le 47 mars
4638, fils d'Antoine, fut un des plus grands hommes de
guerre de son temps ; il fit ses premières armes au siège
de Laon en 1 594 et fit ensuite la campagne contre le duc
de Savoie. En 4599, il tua en duel Philippe, frère bâtard
du duc de Savoie, auquel il avait laissé la vie dans un
premier combat singulier. Il prit Montmélian en 4600 et
en fut nommé gouverneur. Il accompagna en Angleterre
Biron, envoyé en 4604 comme ambassadeur; en Î606, il
fut nommé gouverneur du Dauphiné, en survivance du
connétable de Lesdiguières ; il fut fait colonel des gardes
françaises en 4605, maréchal de camp en 4649, gouver-
neur de Montdidier et de Péronne. Il prit Saint-Jean-
d'Angely en 4624, et reçut le bâton de maréchal la même
— 331 —
CRÉQUY
année. En 4626, il succéda au titre et à la pairie du duc
de Lesdiguières (V. ce nom), qui était de la maison de
Bonne. En 4629, il conduisit l'attaque au Pas de Suze;
en 4630, il prit Pignerol. Envoyé en 4633 à Rome comme
ambassadeur, il s'y distingua par sa magnificence, ayant
fait ferrer ses mules d'argent et n'ayant attaché le fer
qu'avec un seul clou pour qu'il se détachât. Il fut tout
aussi magnifique à Venise où il alla en 4636 comme
ambassadeur. Il fit campagne en Italie en 4635, 4636,
4637 ; il défit complètement les Espagnols le 22 juin 4637 ;
il fut tué en allant au secours de Crema. « Il avait, dit
Saint-Simon, encore plus de vertu et de talent que de bon-
heur. » Il avait épousé en 4595 la fille légitime et unique
du connétable de Lesdiguières ; devenu veuf, il fut forcé
par son beau-père d'épouser (4623) une de ses filles natu-
relles, épouse divorcée de M. deMontbrun; l'autre fille natu-
relle du connétable épousa le fils du maréchal, par consé-
quent son neveu, le comte de Sault. Chorier a écrit la Vie
du maréchal de Créqiiy(i6S^). Il eut deux filles, la mar-
quise de Rosny et la duchesse de Villeroy, et deux fils : Fra7i-
çois, comte de Sault , puis duc de Lesdiguières , substitué
aux noms et armes de Bonne, et dont le fils et le petit-fils
héritèrent le titre (le dernier mourut en 4703), et Charles,
seigneur de Canaples, mort fort jeune avant son père,
mestre de camp du régiment des gardes, grand louvetier,
blessé mortellement au siège de Chambéry en 4630. Il laissa
trois fils, dont deux illustrèrent le nom d^ la famille.
Charles III, sire de Blanchefort et prince de Poix, duc de
Créquy, l'alné, né vers 4623, mort à Paris le 43 févr. 4687.
A l'exemple de son grand-père, le maréchal, mort seulement
en 4638, il prit une part active, sous Louis XIII, à la
guerre de Trente ans, et fut son digne successeur. On le vit
toujours au premier rang, aux sièges d'Aire, de la Bassée,
de Bapaume, au combat d'Honnecourt (4642), à la bataille
de Rocroy, aux sièges de Thion ville et de Sierck (4643) ;
à la bataille de Fri bourg, aux sièges de Philippsbourg,
Mayence, Worms, Oppenheim (4644); à la bataille de
Nordlingen (1645). Sa valeur lui valut de devenir, en
4646, mestre de camp (colonel) d'un régiment de cava-
lerie. Il fit, en cette quahté, deux campagnes brillantes,
en 4648-1649, en Italie où il se distingua particulière-
ment au siège d'Orbitello ; il fut alors promu au grade
de maréchal de camp et reçut, à ce titre, le comman-
dement en chef de la cavalerie à l'armée de Catalogne ; la
manière dont il l'exerça lui valut, en 4651, une nouvelle
promotion, celle de lieutenant général. Les services qu'il
rendit à Louis XÏV, au temps où Turenne et Condé man-
quaient à la cour, furent des titres sérieux pour lui aux
bienfaits de Mazarin et d'Anne d'Autriche ; il fut, en
4653, créé duc et pair; et sa maison, qui n'était encore
qu'une seigneurie, devint ainsi une des premières du
royaume. Depuis ce moment, il reçut du gouvernement de
Louis XIV toutes sortes d'honneurs ; il fut chargé de por-
ter les présents du roi à la future reine de France en
4659, puis envoyé comme ambassadeur à Rome (4662), et
l'on sait comme il y soutint les droits de la France. Gou-
verneur de Paris en 4676, ambassadeur en Angleterre
avec Courtin en 4677, puis, enfin, chargé de porter les
présents du dauphin à la future dauphine de Bavière, en
4680, il était l'un des hommes que Louis XIV jugeait les
plus dignes par sa valeur et sa fidélité éprouvées de repré-
senter la France au dehors. Sa pairie s'éteignit avec lui ;
il n'avait eu qu'une fille, mariée au duc de la Trémoille,
à qui il avait cédé la grande louveterie rachetée par son
grand-père au père de Saint-Simon. Saint-Simon l'accuse
de n'avoir été occupé que de plaisirs, de bonne chère et de
gros jeu: cela n'est vrai que delà seconde partie de sa vie,
où le roi, familier avec lui depuis sa jeunesse, le retint
constamment à la cour. Ce qui est vrai, c'est qu'il était
brutal, fanfaron et très fier de la faveur du roi, que ses
mérites pendant la minorité lui avaient assurée, et qu'il
garda jusqu'à sa dernière heure.
François, chevalier de Créquy, marquis de Marines,
plus généralement connu sous le nom de maréchal de
■ Créquy, m m 1625, mort à Paris le 3 févr. 4687. Il était
le deuxième frère du précédent. Celui qui les séparait,
Canaples, dont Saint-Simon s'est beaucoup moqué, était
loin de les valoir; il leur survécut à tous deux, mais ils
n'avaient rien pu faire de lui. Le maréchal, à la différence
de son frère aîné, ne quitta jamais l'armée, dont il fut, après
Turenne, sous Louis XIV, le chef autorisé. 11 fit ses débuts
pendant la guerre de Trente ans, à quinze ans, au siège
d'Arras (4640). A la prise de Tortose, il se signalait déjà
par sa bravoure (4648), et se fit blesser à Rethel (4649).
Fidèle comme son frère à Mazarin, il devint, deux ans
après lui, maréchal de camp (4654), puis, comme lieu-
tenant général, fut un auxiliaire précieux de Turenne dans
ses campagnes de Flandre contre Condé et les Espagnols
(4655-4659). Il eut, comme son frère, l'honneur, en 1659,
d'aller au-devant de Marie-Thérèse, et toute espèce de
marques de la faveur royale, entre autres le commandement
des galères royales de 4664 à 1669. Mais il ne voulait
pas servir sur mer, ni, comme son aîné, seulement à la
cour. Il voulait avoir l'occasion de montrer, à la tête des
armées du roi, ce qu'il valait. Il reçut le commandement en
chef de l'armée du Rhin en 4667 et réussit à battie le
comte de Ligne qui venait, en 4668, au secours de Lille
assiégé par Louis XIV; la prise de Lille, qui flatta l'amour-
propre du roi, lui valut, en 4668, le bâton de maré-
chal. En 4670, il fut chargé d'enlever ses Etats au duc de
Lorraine, lui prit Epinal et Longwy, et le força à se reti-
rer à Cologne. Cette faveur constante et ses succès finirent
par tourner la tête au maréchal ; il refusa, en 467Î, de
servir sous les ordres de Turenne, son ancien chef et
presque son maître. Louvois le menaça de la perte de tous
ses étabhssements : il refusa et fut exilé; en 4674, il ne
voulut pas de nouveau conduire à Turenne le ban et l'ar-
rière-ban de la noblesse qu'il commandait sur la Sarre.
La mort de Turenne, en 4675, lui permit de reprendre
sa place à la tête des armées royales ; mais c'était une
lourde succession que celle de Turenne ; commandant de
l'armée d'entre Sambre-et-Meuse, Créquy fut complètement
battu à Consarbrùck (44 août 4675), et réduit à s'enfermer
dans Trêves, où il se défendit énergiquement, sans vou-
loir capituler. Après avoir été fait prisonnier, puis délivré,
il reprit le commandement de la même armée, et se porta
tantôt en Flandre, où il prit Condé et Bouchain, tantôt en
Allemagne où il délivra Deux-Ponts assiégé par Charles de
Lorraine. En face de cet adversaire redoutable, stratégiste
de premier ordre, Créquy fut tout à fait à la hauteur de sa
tâche. Il força les Impériaux à repasser le Rhin (4677),
prit Fribourg par un habile stratagème, remporta la vic-
toire de Rheinteld, passa la Kintzig et poursuivit le duc
de Lorraine, lui fermant toujours l'Alsace, prenant Kehl et
Lichtemberg (4678). Ces deux campagnes rappelèrent les
belles opérations de Turenne sur le même terrain , et
restent des modèles de stratégie et de décision. En contri-
buant à la paix de Nimègue, elles donnèrent au maréchal
de Créquy la réputation et la gloire qu'il cherchait , et ce
fut lui que Louis XIV chargea d'aller, à travers toute l'Al-
lemagne, contraindre l'électeur de Brandebourg à la paix.
Il battit deux fois le grand-électeur à Minden (4679), et
le traité de Saint-Germain fut la conséquence de ses
victoires. Toujours sur la brèche, trois ans avant sa mort
(4684) il dirigeait encore les opérations du siège de
Luxembourg, et prit la ville. Le maréchal de Créquy fut
l'auxiliaire utile de la politique de Louis XIV. Contemporain
de Turenne, il était digne de le remplacer; il forma la
transition entre lui et le héros de la guerre de la Ligue
d'Augsbourg, Luxembourg. Il fit l'éducation de Villars qui
fut, à la fin du règne, le sauveur de la France, menacée
jusque sur son territoire par les alliés. Il est le second en
date de cette série brillante de maréchaux.
François-Joseph, marquis de Créquy, né en 1 662, tué à
Luzzara le 43 août 4702, fils du précédent. Il avait les talents
militaires de son père, et de très bonne heure, car il mou-
CRÉQUY — CRESCENCIO
832
rut fort jeune, déjà lieutenant général : « il touchait au bâton
et l'aurait, dit Saint-Simon, porté aussi bien que son père ». .
Aussi bon officier que son père, il était aussi fin cour-
tisan que son oncle. Très galant, il eut des aventures
célèbres, celle avec W^^ de Heure qu'il enleva au grand
dauphin, pour laquelle il fut chassé du royaume. D'ail-
leurs , brutal, orgueilleux, comme c'était la tradition dans
la famille, et de nulle probité, sa seule préoccupation
était uniquement de parvenir.
Alphonse de Créquy, comte de Canaples, duc de Les-
diguières (4621-1711), oncle du précédent, recueillit,
après la mort de celui-ci et du dernier duc de Lesdi-
guières, mort à Modène en 1703, cette double succes-
sion qui le fit fort riche et très grand seigneur. C'était
un homme fort médiocre à qui le roi fut obligé de retirer
les charges qu'il lui avait données. Avec lui s'éteignit la
branche la plus célèbre de la maison de Créquy.
Louis-Marie^ marquis de Créquy, né en 1705, mort à
Paris le 26 févr. 1741, qui commença, après la mort du
précédent, une nouvelle maison de Créquy. Il était fils du
marquis d'Hémont, chef d'une branche issue, au xvi^ siècle,
de la principale maison de Créquy. Il devint général et
grand-croix de l'ordre de Saint-Louis. En 1779, on publia
de lui un ouvrage posthume, Principes philosophiques
des saints solitaiî^es d'Egypte^ extraits des conférences
de Saint-Cassien (Madrid [Paris]).
Renée-Caroline de Froullay, marquise de Créquy,
femme du précédent, née au château de Monfleaux
(Mayenne) le 19 oct. 1714, morte à Paris le 2 févr. 1803,
était fille de Ch.-Fr. de Froullay, lieutenant-général. Elle
fut mariée le 6 mars 1737. Devenue veuve, elle vint
demeurer à Paris pour surveiller l'éducation de son fils
unique Charles-Marie, placé au collège Louis-le-Grand,
dirigé par les jésuites. Vers 1755, M™® de Créquy, dont
la fortune avait été longtemps grevée de lourdes charges,
ouvrit un salon qui, sans avoir l'éclat de ceux de M"^® Du
DefiFand ou de M"*® Geofifrin, se vit fréquenté par quelques-
uns des hommes les plus illustres ou les plus distingués
du temps. Bien que d'une piété sévère et quelque peu
janséniste, elle y recevait d'Alembert, Sénac de Meilhan,
Pougens, Treneuil, etc., et fut l'une des correspon-
dantes et des confidentes de J.-J. Rousseau. Enfermée,
en 1793, au couvent des Oiseaux, rue de Sèvres, elle en
sortit après le 9 thermidor et acheva dans la retraite
sa longue existence. M'"^ de Créquy avait elle-même
détruit un grand nombre de papiers au début de la Révo-
lution, et son exécuteur testamentaire, M. Percheron père,
acheva, suivant sa volonté, ce qu'elle avait commencé. Il
n'existe donc que fort peu de pages ou de lettres qu'on
puisse lui attribuer avec certitude, telles que les Lettres
de la marquise de Créquy à Sénac de Meilhan^ publiées
par Ed. Fournier avec une introduction de Sainte-Beuve
(1856, in-12), ou celles que Streckeisen-Moultou a re-
cueillies dans la publication intitulée /.-/. Rousseau^ ses
amis y ses ennemis (1865, 2 vol. in-8). Le nom de M"^^ de
Créquy a néanmoins servi de pseudonyme à un mysti-
ficateur éhonté qui, en 1834, mit au jour de prétendus
Souvenirs (7 vol. in-8), lus avec avidité et réimprimés
en 1840 (10 vol. in-18), malgré les désaveux et les réfu-
tations péremptoires dont ils avaient été l'objet. Le véritable
auteur de cette compilation, où les anachronisriies les plus
choquants le disputaient aux anecdotes les plus suspectes,
était un nommé Causen, dit de Courchamps^ personnage
équivoque, originaire de Bretagne, mêlé, à raison de fonc-
tions subalternes, au monde des émigrés et qui fit un
moment figure parmi les viveurs de la Restauration. La
vogue des Souvenirs de la soi-disant marquise encou-
ragea la Pî^esse à traiter avec leur rédacteur en 1841 pour
la publication de Mémoires inédits de Cagliostro ; mais,
dès les premiers feuilletons, il fut avéré que Causen réim-
primait, sans y changer autre chose que les noms propres,
un roman oublié {les Dix Journées d' A lpho7ise van Wor-
den)^ que Paul Lacroix a depuis attribué à Charles No-
dier, en négligeant, il est vrai, d'alléguer la moindre
preuve à l'appui de son dire. Ce plagiat, dénoncé aussitôt
par le National, donna lieu à un procès retentissant qui
tourna légitimement à la confusion de la Presse et de son
fournisseur, mort peu de temps après chez les frères de
Saint-Jean-de-Dieu.
Charles-Marie, sire et marquis de Créquy, né le 18 déc.
1737, mort à Périgueux le 10 déc. 1801, fils aine de Louis-
Marie. Il servit dans les dragons du roi et se distingua
très jeune dans la guerre de Sept ans. En 1778, pendant
la guerre d'Amérique, il fit partie du corps d'observation
que commandait en Normandie le duc de Broglie. Il fut
nommé niestre de camp en 1778. Il avait les qualités mili-
taires des anciens Créquy, et un goiit très vif pour les
lettres et les Httérateurs que n'avaient point ceux-ci, et
qu'il tenait de son père et de son temps. C'est lui qu'on
regarde généralement con>me auteur d'une Vie de Nie.
Catinat (Amsterdam [Troyes], 1772, in-12), dont la se-
conde édition parut sous le titre de : Mémoires pour servir
à la vie de Catinat (Paris, 1775), ouvrage que certains
auteurs attribuent à son père. Il fut le dernier représen-
tant de la dernière branche de la maison de Créquy, et
préféra, en 1781, en prévoir l'extinction que d'y laisser
entrer des intrus. Il plaida au parlement contre la famille
Lcjeune de la Furjonière qui revendiquait le droit de
porter le nom de Créquy; il gagna, et, après lui, sa
maison disparut.
BiBL. : Adrian de la Morlière, les Antiquitez de la
ville d/Amie7is; Paris, 1642, l»-» part., p. 242, in-fol. —
P. Anselme, Hist. des Pairs de France et Grands Offi-
ciers de la Couronne^ t. IV. — De La Chesnaye-Desbois
et Radier, Dictionnaire de la noblesse, 1865, t. VI, p. 474.
— Archives du Dépôt de la guerre, dans Rousset, His-
toire de Louvois, 4 vol., passim. — Saint-Simon, Mé-
moires. — P. Griffet, Journal historique de Louis XIV.
— Voltaire, Siècle de Louis XIV. — P. Lelong, Bibl.
historique de la France, t. III, p. 13. — M""» de Sévigné,
Lettres.
(Marquise Renée-Caroline). — A. Percheron, No-
tice sur la marquise de Créquy, 1835, in-8, tirée à 25 ex. —
L'Ombre de la marquise de Créquy aux lecteurs des Sou-
venirs historiques publiés sous le nom de cette dame ;
Paris, 1836, in-8, 12 p. et un fac-similé. — Cayrol, Voltaire
étrangement défiguré par M""" de Crégiiy ; Compiègne,
1836, in-8, 81 p. (tiré à 150 ex). — - Quérard, les Super-
cheries littéraires. — Sainte-Beuve, Causeries du lundi.,
t. XÏI. — P.-L. Jacob, Enigmes et Découvertes bibliogra-
phiques, 1866, in-12. — Ch. Romey, Hommes et Choses de
divers temps, 1864, in-12.
CRÈS (Le). Com. du dép. de l'Hérault, arr. et cant. de
Montpellier; 269 liab.
CRÉSANCEY. Com. du dép. de la Haute-Saône, arr. et
cant. de Gray ; 283 hab.
CRESANT (Jakob-Matthâus), sculpteur hollandais, né
à Utrecht en 4732, mort à Amsterdam en 1794. Cet artiste
fit ses premières études de sculpture sous la direction de
son père, et apprit le dessin auprès de J. de Wit; après
un voyage à Paris, qui dura plusieurs années, il s'établit à
Oelft, où il travailla pour plusieurs églises. On considère
comme son chef-d'œuvre une Chaire à prêcher, décorée
de bas-reliefs et placée dans l'éghse d'Overveen, près de
Harlem (4760). Alkmaar, où il passa ensuite plusieurs
années, possède aussi de lui quelques œuvres excellentes
en pierre et en bois ; on doit encore lui attribuer la pater-
nité des célèbres statuettes en terre cuite du cabinet
Braamcamp. Les études sérieuses que fit cet artiste, au
début de sa carrière, dorment à ses œuvres, pour la vigueur
et la correction du dessin, une supériorité incontestable sur
. celles des sculpteurs hollandais de son époque. Ad. T.
CRÉSANTIGUES. Com. du dép. de l'Aube, arr. de
Troyes, cant. de Bouilly ; 280 hab.
CRESCAS (Hasdaî) (V.Hasdaï Crescas).
CRESCENCIO (Juan-Bautistâ), architecte espagnol du
xvii® siècle. D'origine romaine et frère du cardinal Cres-
centi, Juan-Bautista, que les Espagnols appellent Crescen-
j cio, vint, après avoir conduit quelques beaux travaux à
I Rome, en Espagne, en 4647, avec le cardinal Zapata qui
— 333
CRESCENGIO ~ CRESGIMBENI
le recommanda à Philippe III. Ce roi chargea Crescencio
de diriger la décoration du Panthéon et l'Escurial, grand
caveau situé sous la croisée de l'église de ce vaste édifice,
orné des matériaux les plus riches et destiné à servir de
sépulture à la famille royale d'Espagne. Crescencio acheva,
sous Philippe IV, les travaux de cette crypte grandiose
pour les embellissements de laquelle il eut à entreprendre
de nombreux voyages en Italie et en France et, en 1630,
il était chevaUer de Saint-Jacques, marquis de la Torre,
directeur de la junte des eaux et forêts , surintendant des
bâtiments de l'Alcazar de Madrid et des nombreux palais
royaux où, dit une cédule royale, rien ne devait être fait
sans son approbation. On doit de plus à Crescencio la
façade encore existante du tribunal de l'Audience provinciale
de Madrid, façade dépendante de l'ancienne prison delà
Cour, et il donna pour le chœur de l'église du Descalzas
Reaies, le dessin de l'urne qui servit de sépulture à l'impé-
ratrice Dofia Maria, fille de Charles-Quint. Ch. Lucas.
BiBL. Cean Bermudez, Noticias de los Arqiiitectos, etc.:
Madrid, 1820, in-8.
CRESCENDO (terme italien, en augmentant de force).
Un des effets les plus employés et des plus importants en
musique; l'abréviation s'indique par cr^5C. ou très souvent
aussi par le signe suivant <, quelquefois par les deux
réunis. Bien que Mozart l'ait déjà employé, on peut
dire que c'est Beethoven qui tira le premier un puissant
parti du crescendo ; depuis, Richard Wagner l'employa très
fréquemment, on sait avec quelle maîtrise, et il est peu
d'œuvres contemporaines où cet artifice ne trouve sa place.
Rappelons aussi le grand usage qu'en ont fait dans leurs
ouvertures Spontini, Rossini et leurs successeurs.
CR ESC EN S [Cressentius), philosophe cynique du
u® siècle de notre ère, né en Arcadie. Il avait écrit un
certain nombre d'ouvrages dans lesquels il prenait violem-
ment à partie les chrétiens, qu'il accusait d'athéisme. Sui-
vant Eusèbe, c'est même à lui que remonterait la responsa-
bilité de la persécution ordonnée ou tolérée par Marc-
Aurèle, et dans laquelle périt saint Justin. Il est difficile de
juger Crescens par ses doctrines, puisque aucun de ses ou-
vrages ne nous est parvenu ; d'autre part, il convient de
n'accepter qu'avec réserve les témoignages fournis sur lui
par les chrétiens, ses ennemis, qui nous le représentent
comme adonné aux plus tristes débauches ; il leur avait
fait trop de mal pour qu'ils pussent parler de lui avec
calme. C'est contre Crescens qu'a été écrite la deuxième
Apologie de saint Justin.
CRESCENT City. Ville des Etats-Unis, Etat de Califor-
nie, 500 kil. N. de San Francisco. Petit port sur l'océan
Pacifique. — Surnom donné à la Nouvelle-Orléans, à cause
de la forme de ses quais sur le Mississipi.
CRESCENTIA {Crescentia L.) (Bot.). Genre de Bigno-
niacées qui a donné son nom au petit groupe des Crescen-
tiées. Ses représentants sont des arbres et des arbustes des
régions tropicales de l'Amérique, caractérisés surtout par
la corolle dont le tube est muni, dans sa partie anté-
rieure, d'nn pli transversal qui le rend ventru, et par ses
fruits globuleux ou ovoïdes, remplis d'une masse pulpeuse
dans laquelle sont nichées de nombreuses graines non
ailées. L'espèce la plus importante est le C, Cujete L., qui
croît communément aux Antilles et au Brésil, où on l'ap-
pelle vulgairement Calebassier, Arbre aux calebasses. Ses
fruits volumineux, nommés Coui ou Couis, sont utilisés,
à cause de la dureté de leur péricarpe, pour faire des
vases, des bouteilles, des gourdes et autres ustensiles
domestiques que les naturels polissent et ornent de des-
sins et de couleurs variés. La pulpe aigrelette qu'ils ren-
ferment est très employée en cataplasmes contre les con-
tusions, les brûlures et les insolations. Elle sert également
à préparer un sirop pectoral, dit sirop de calebasse, pré-
conisé contre les diarrhées et la dysenterie. Ed. Lef .
CRESCENTIIS (Petrus de) (V. Crescenzi).
CRêSCENTINI (Girolamo), chanteurromain, né àUrba-
nia, près d'Urbin, en 4769, mort à Naples le 24 avr.
18i0. Elève de son père, puis de Gibelli, il fut castré et
débuta dans les rôles féminins comme soprano en 1785 ;
il eut un vif succès, surtout à Venise et à Turin, passa à
Londres (1786-87), à Lisbonne, vint en 1805 à Vienne
où il devint maître de chant de la famille impériale. Na-
poléon l'y trouva et l'attira à Paris où il eut aux Tui-
leries dans Romeo e Julia, de Zingarelli, un immense
succès, surtout dans le passage: Ombra adorata, aspetta.
Il quitta Paris en 1812, vécut à Bologne jusqu'en 1825,
puis vint diriger le collège musical de' Naples. Il a publié
un bon manuel de solfège, Baccolta di esercizj per il
canta (Paris, 1811), souvent réédité, et de nombreuses
compositions pour le piano.
CRESCENTINO. Ville d'Italie, delà province de Novare
(Piémont), située sur la rive gauche du Pô, à 4 kil. en
aval du confluent delaDoire Baltée; 6,584 hab. en 1881.
Jadis place fortifiée, elle fut prise et reprise plusieurs fois
par les Français et les Espagnols au xvi^ siècle.
CRESCENTIUS (Jean) Noment anus , homme politique
romain du x« siècle, tué le 26 avr. 998. C'était un riche
patricien de la famille des Crescentii, petit-fils de Theodora;
il gouverna Rome sous le nom du pape Jean XV (985-995)
et se fit donner le titre de patrice par l'impératrice Theo-
phano (989). Obligé de se soumettre à Ottôn III en 996,
quand celui-ci eut quitté Rome, il entra en lutte avec le
pape imposé par lui, Grégoire V (V. ce nom), l'expulsa,
fit éhre à la place Jean XVI (997). Otton lïl reparut,
bloqua Crescentius dans le château Saint- Ange et le fit
prisonnier ; il fut mis à mort. — Son fils, Jean Crescentius,
demeura un personnage important qui domina Rome et le
pape vers 4012.
CRESCENZI (Pietro), agronome italien, né à Bologne
en 1230, mort en 1310. Il fut podesta de sa ville natale,
puis banni ; après trente ans de voyage, il rentra à Bo-
logne où il fut élu sénateur. Il a publié un ouvrage capital
sur l'agronomie, qui eut au moyen âge et jusqu'au
xvu« siècle une grande réputation : Opus ruralium corn-
modorum libri X//(impr. à Augsbourg, 1468 ; trad. ital.
de Samovino à Florence, 1478-1605; Bologne, 1784 ;
trad. franc., exécutée en 1379 par ordre de Charles V,
impr. en 1486, in-foL; trad. ail. imprimée à Strasbourg
en 1494; éd. de Lorrain, la meilleure, 1474 ; inséré par
Gessner dans les Scriptores rei rusticce (Leipzig, 1735,
2 vol.). Crescenzi a beaucoup emprunté à Columelle, mais
beaucoup ajouté de son propre fonds.
CRESCENZI (Giovanni-Battista), marquis dellâ Torre,
savant et mécène italien, né à Rome vers 1595, mort à
Madrid avant 1665. Il organisa un cénacle artistique et littér
raire, fut très apprécié de Paul V et appelé en Espagne
par Philippe III pour exécuter le Panthéon de l'Escurial ;
ce roi le créa marquis.
CRESCIMBENl (Giovan-Maria), célèbre littérateur ita-
lien, né à Macerata, dans la marche d'Ancône, le 9 oct.
1663, mort à Rome le 8 mars 1728. Envoyé par son père
à Rome en 1681, il ne tarda pas à y acquérir la réputa-
tion d'un poète élégant et, ayant réuni quelques amis, il
fonda en 1690 la société de littérateurs qui devait devenir
si connue sous le nom d'Académie des Arcades : il choisit
en y entrant le nom d'Alfesibeo Cario. Peu à peu, grâce
à ses nombreux et importants travaux sur la littérature
italienne, plus qu'à ses propres vers et à son académie,
Crescimbeni acquit à Rome une très haute situation, fut
comblé de faveurs par les papes et les cardinaux. Il eut
en mourant la singulière dévotion, ditGinguené, de se faire
habdler en jésuite et de prononcer, avant d'expirer, les
vœux de l'ordre ; néanmoins son tombeau ne porta que la
mention d'un seul de ses titres : Pastorum Arcadium
custos. Son œuvre est très considérable et reste encore
aujourd'hui l'une des sources les plus abondantes et les
plus sûres pour l'étude de l'histoire littéraire de l'Italie.
Voici ses principaux ouvrages : Istoria délia volgarpoesia
(Rome, 1698, in-4); Jrattato délia belleim délia vol-
CRESCIMBENI — CRESPI
- 334 -
gar poesia (Rome, 4700, in-4); Commentarii intorno
alla volgar poesia storia (Rome, 4702-1741, 5 vol.
m-4) (Ces trois ouvrages ont été fondus et réédités par
Seghezzi à Venise, 1730-31, 6 vol. in-4) ; le Vite de'
più celebri poeti prouenzali (Rome, 1722); Istoria
d'Arcadia (Rome, 1709); VElvio, favola pastorale
(Rome, 1695, in-8); Rime (Rome, 1695); le Vite degli
Arcadi ilhistri (Rome, 1708-1727, 4 vol. in-4) ; le Rime
degli Arcadi (Rome, 1716-1722, 9 vol. in-8); Prose
degli Arcadi (Rome, 1718, 3 vol. in-8); etc. R. G.
BiBL. : GïNGUENi:, Crescimbeni , clans la Biographie
Michaud, éd. de 1813. — Zanella, la Letteratura italiana
neW ultimo secolo ; Rome, 1886, in-8. — Corniani, I Secoli
deila lettersitiiTa, italicina; Turin, 18S5, 8 vol. in-8. — Tipaldo,
BiografiSL degli uomini illustri; Venise, 183-1-1845, 10 vol.
in-8. — LoMBARDi^ Storia délia letteratura italiana nel secolo
XVIII ; Modène, 1827-1830, 4 vol. in-8.
CRESCONIUS ou CRISCO NI US, évêque d'Afrique vers
690. Auteur d'une collection systématique de canons,
Concordia canonum, formée avec des textes extraits des
deux recueils de Denys le Petit. Ces textes, répartis en trois
cents titres, sont disposés dans l'ordre suivant : 07'di-'
nations épiscopales^ moines, prêtres, discipline, hé-
résie et autres délits, canons pénitentiels, doctrine de
la grâce. Le traité est précédé d'une sorte de table des
matières, Breuiarium, résumant le contenu de chacun des
titres. Ce Breviarium a été souvent séparé de l'œuvre à
laquelle il se rapporte ; on le trouve copié isolément dans
un grand nombre de manuscrits. Il fut imprimé par Pithou
en 1588. G. Voel et H. Justel ont édité le Breviarium ai
la Concordia, dans le t. P^, de leur Bibliotheca juris ca-
nonici veteris (Paris, 1661, 2 vol. in-fol.); Migne, dans
ssiPatrologie (t. LXXXVIR). — Une épître de Cresconius,
mise au commencement du Breviarium, nous apprend
qu'il a écrit son ouvrage sur la demande d'un pontifex
nommé Liberius (ou Liberinus) qui trouvait insuffisante une
Breviatio canonum composée vers 547, par Fulgentius
Ferrandus, diacre de l'église de Carthage (Patrologie de
Migne, t. LXVII el LXXIVIH). Cet abrégé contient deux
cent trente-deux articles indiquant des canons des conciles
grecs et des conciles d'Afrique antérieurs à 427. La col-
lection de Cresconius a été remaniée en France au viii*^ ou
au ix^ siècle. E.-H. Vollet.
BiBL. : Maassen, Geschichte der Quellen und der Litte-
ratur des canon. Rechts im A bendland ; Gratz, 1870, in-8.
^ A. Tardif, Histoire des sources du droit canonique ;
Paris, 1887, in.8,
GRÉS EAU ou GARISET. Sorte de grosse étoffe de
laine, croisée dans le genre de la serge et velue des deux
côtés, que l'on employait autrefois pour la confection des
vêtements et des housses de lit. Les beaux créseaux se
tiraient d'Angleterre, mais on en fabriquait également en
France et en Hollande.
GRESEIS (lalac). Genre de Mollusques-Ptéropodes, de
l'ordre des Thécosomes, établi par Rang en 1828 pour un
animal de forme allongée, très effilé, muni d'un lobe inter-
médiaire, demi-circulaire, placé immédiatement au des-
sous des nageoires, à manteau non dilaté sur les côtés, à
nageoires généralement petites, excavées à leur bord in-
terne, non échancrées à leur bord externe. Une coquille en
forme de cornet ou de cône très allongé, effilé, mince et
transparente, ordinairement droite, quelquefois un peu
recourbée ; l'ouverture est simple et arrondie ; le type est
le Creseis acicula Rang. Ces animaux, de très petite taille,
essentiellement pélasgiens, habitent l'océan Atlantique et la
Méditerranée.
CRESNAYS (Les). Corn, du dép. de la Manche, arr.
d'Avranches, cant. de Rrécey ; 674 hab.
^CRESPET (Pierre), religieux célestin, né à Sens en
1534, mort en 1594. Il se fit remarquer comme un mem-
bre ardent de la Ligue et comme un adversaire passionné
de Henri IV. L'un de ses ouvrages qui traite de la virginité
eut plusieurs éditions ; c'est la Pom?ne de grenade mys-
tique {Pms, 1586, 1595, in-8; Rouen, 1605, in-12).
Un autre, intitulé : Deux Livres de la haine de Satan
et malins esprits contre Vhomme, etc. (Paris, 1590,
in~8) , offre un curieux tableau des superstitions de
l'époque.
CRESPHONTE (Myth. gr.). Chef héraclide qui reçut
la Messénie lors du partage du Peloponèse entre les
conquérants dorions ; il fut tué avec ses deux fils (V. IIéka-
CLiDES, Messénie, Doriens, Sparte).
CRESPI (Giovanni-Rattista), surnommé C^mno, peintre
né à Cerano (Novarais) en 1557, mort en 1633. Issu
d'une famille de peintres, il étudia à Rome, à Venise, et
vint se fixer à Milan où ses qualités d'artiste et de cavalier
élégant lui assurèrent une position influente ; il y a laissé
une grande quantité de tableaux bien peints, mais manié-
rés ; les principaux sont le Baptême de saint Augustin,
à Saint-Marc ; Saint Charles et Saint Ambroise, à Saint-
Paul; Notre-Dame du Rosaire, à Saint-Lazare, etc. Crespi
s'est occupé d'architecture et de modelage, et a formé plu-
sieurs élèves, dont le principal est son fils Daniele Crespi.
CRESPI (Daniele), peintre, né à Busto-Arsizio en 1592,
mort à Milan en 1630. Elève de son père et des Procac-
cini, il lut un des meilleurs peintres milanais de son
époque, au dire de Lanzi, qui vante l'agrément de ses com-
positions et la vigueur de son coloris. Ses deux œuvres
capitales sont : la Déposition de Croix, dans l'église de la
Passion à Milan, et une Vie de saint Bruno, à la char
treuse de Pavie.
BiBL. : Lanzi, Histoire de la peinture en Italie.
CRESPI (Antonio -Maria), peintre, vivait à Côme au
xvn® siècle. Il a peint quelques tableaux dans la manière
forte de son homonyme, Giuseppe-Maria Crespi, Ticozzi
lui attribue quelques eaux-lortes qu'il faut restituer à
l'œuvre de ce dernier, savoir : le Massacre des Inno-
cents, la Résurrection et un Pâtre endormi,
CRESPI (Giuseppe-Maria), surnommé lo Spagnuolo,
peintre bolonais, né en 1665, mort en 1747. Elève de
Canuti et de Cignani, G.-M. Crespi parcourut les princi-
pales villes de l'Italie pour compléter son éducation d'ar-
tiste; il séjourna successivement à Venise, Modène, Parme,
Urbin, Rome, et finit par se fixer à Bologne où il obtint,
malgré le maniérisme de ses tableaux, la réputation d'un
des premiers peintres de son époque. Il y a laissé une
grande quantité de tableaux de genre et de bambochades ;
parmi ses toiles plus importantes on cite un Saint Paul et
un Saint Antoine, ermites, peints pour les princes Albani
à Rome ; une Madeleine au palais Chigi ; une suite des
Sept Sacrements exécutés pour le cardinal Ottoboni, etc.
(j.-M. Crespi a gravé une cinquantaine d'eaux-iorles, sujets
de genre, portraits, etc.; les plus connues sont ti'ois suites
do facéties intitulées : les Bouffonneries de Bertoldo Ber-
toldino et de Cacasenno , F. Courboin.
BiBL. : Lanzi, Storia délia pittura italiana, t. III, p 1G7.
— Bartsch, le Peintre-Graveur^ t. XIX, p. 395.
CRESPI (Antonio et Luigi), fils du précédent, vivaient
à Bologne au xviii^ siècle. Antonio fut un peintre mé-
diocre; son frère Luigi, qui se fit chanoine, est plus
connu comme critique que comme artiste; il est l'auteur
d'un complément à la Felsina pittrice de Malvasia, intitulé:
Vite de pittori bolognesi non descritte nella Felsina
pittrice, da Luigi canonico Crespi (Rome, 1769, in-4).
Les opinions contenues dans ce volume soulevèrent à
Bologne une assez grande animosité contre son auteur, dont
un ami prit la défense dans un ouvrage intitulé :. Dialogi
di un amatore délia verità, scritti in diffesa del tej^zo
tomo délia Felsina pittrice (Bologne, 1770, in-4.). Les
autres ouvrages de Luigi Crespi sont : Vita di Silvestro
Ciannotti Lucchese (1770); la Certosa di Bologna
(Bologne, 1772); Discorso sopra i celebri due antiche
professori di pittura (Bologne, 1774); Descrizione
délie sculture, etc., délia città di Brescia (Bologne,
1772).
BiBL. : Lanzi, Storia délia pittura italiana, t. III, p. 169,
335
CRESPI — CRESSE^
GRES PI DE BoRJÂ (Luis), moraliste espagnol; il était
évèque d'Orihuela et fut plus tard ambassadeur de Phi-
ippe IV près la cour de Rome. Il est surtout connu parce
qu'après avoir montré beaucoup de tolérance à l'égard des
comédies, au carême de 4646 il prêcha violemment contre
le théâtre et le proscrivit au nom de la morale. Ce sermon,
très augmenté et comme refait, parut en 1649 à Valence
sous le titre : Respuesta d una consulta sobre si son lici-
tas las comedias que se usan en Espana (in-4) ; écrit
avec méthode et clarté, dans une langue très pure, il
causa une vive sensation dans le monde littéraire et fut
l'occasion d'une polémique assez vive entre les auteurs dra-
matiques et certams personnages ecclésiastiques. E. Cat.
CRESPI AN. Com. du dép, du Gard, arr. de Nimes,
cant. de Saint-Mamert; 172 liab.
CRESPIÈRES. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr. de
Versailles, cant. de Poissy; 690 hab.
CRESPIN. Com. du dép. de l'Aveyron, arr. de Rodez,
cant. de La Salvetat-Peyrales ; 1,188 hab.
CRESPIN. Com. du dép. du Nord, arr. de Valenciennes,
cant. de Condé, sur la Hayne de Quièvrechain ; 2,045 hab.
Mines de houille. Fabriques de sucre et de chicorée. Loca-
lité très ancienne ; saint Landelin y avait fondé au vu® siècle
une abbaye que Charles le Simple concéda, en 920, à l'église
de Cambrai. Les anciens bâtiments de l'abbaye ont été con-
vertis en usine. L'église, construction du xvni® siècle, a
conservé quelques anciens tableaux et un bel ostensoir en
vermeil du xv^ siècle.
CRESPIN (Jean) (Crispinus)^ imprimeur et historien
protestant, né à Arras dans les premières années du
XVI® siècle, mort à Genève en 1572. Déjà, comme étudiant
à Louvain, il fut attiré vers la Réforme. Plus tard, vers
1540, il fut reçu avocat à Paris, et, rentré à Arras, fut
impliqué dans le procès d'hérésie intenté à Pierre Brully
en 1544. Il réussit à fuir et mena une vie errante jusqu'à
ce qu'il se fixât à Genève en 1548. Il avait résolu, avec
Tliéod. de Bèze, de fonder une imprimerie en vue de pro-
pager les idées de la Réforme. Son ami ayant été appelé à
Lausanne, il se mit seul à l'œuvre et imprima, dès 1550,
une édition latine du Catéchisme de Calvin. Trois ans
plus tard, il édita un Nouveau Testament grec, très estimé
pour la beauté de ses caractères. En 1 554, il publia un
lexique gréco-latin d'après un manuscrit de Budé, et, en
1562, un autre composé par Rob. Constantin. La marque
typographique deCrespin est une ancre en pal, autour do
laquelle s'enroule un serpent, et tenue par deux mains
issant chacune d'un nuage à dextre et à senestre. Jean
Crespin ne se contenta pas d'exceller comme typographe,
il fit œuvre d'écrivain. On a de lui Estât de V Eglise avec
les discours des tems depuis les apostî^es jusqu'à pré-
sent (Genève, 1556, in-8), une vive attaque contre le
catholicisme; ce livre fut réimprimé plusieurs fois, notam-
ment à Berg-op-Zoom. en 1605, avec des additions de
J. Taffin, et traduit en anglais en 1602 ; une traduction
en vers français de huit syllabes de la plaisante tragédie
deTh.Naogeorgus, le Marchand converti (Genève, 1558,
in-8); mais l'œuvre capitale de Crespin, c'est son Histoire
des Èartyrs, Elle fut d'abord publiée sous le titre de le
Livre des Martyrs... depuis lean Uns iusques à cette
année présente (Gemye^ 1554, in-8). Les éditions sui-
vantes s'enrichirent au fur et à mesure de récits nou-
veaux, La seconde parut dès 1555; en 1556, une traduc-
tion latine par Ch. Baduel. La dernière édition, publiée
après la mort de Crespin, est intitulée : Histoire des
Martyrs... comprinse en douze livres... avec trois
indices, etc. (Genève, 1619, 2 vol. in-foL). Elle contient
trois fois plus de matières que la première édition. Elle a
été réimprimée et annotée par MM. Benoît et Lelièvre
(Toulouse, 1885-1889,3 vol. gr. in-8 à deux colonnes).
C'est une œuvre de compilation; mais comme les neuf
dixièmes environ de l'ouvrage rapportent des faits contem-
porains des auteurs et reposent, en grande partie, sur des
informations manuscrites tantôt incorporées telles quelles,
tantôt résumées, il y a là une riche mine de renseigne-
ments souvent confirmés, depuis la renaissance des études
historiques, par des documents conservés dans diverses
archives. En tout cas, on ne saurait exagérer l'influence
exercée sur les réformés français du xvi® et du xvn® siècle
par ce livre dont Michelet a dit : « Il met dans l'ombre
tous les livres du temps ; car celui-ci n'est pas une simple
parole, c'est un acte d'un bout à l'autre et un acte su-
blime. » F.-iï. K.
BiBL. : H. BoRDiER, dans la France protestante^ t. IV,
p. 885, 2« édit. — J. Bonnet, dans le Bulletin historique et
littéraire^ 1880, t. XXIX, p. 194. — Ch. Frossard, le Livre
des Martyrs de Jean Crespin; Paris, 1880.
CRESPIN (Elie- Adolphe), manufacturier français,
né à Libourne le 21 janv. 1815. Il fit comme chapelier
son apprentissage à Bordeaux et jeune encore devint
contremaître chez Laville et C^®, fabricants de chapeaux.
En 1851, il rentrait dans cette maison comme intéressé
après l'avoir quittée pour acquérir, dans les voyages, la
pratique des affaires. Collaborateur de Laville, ces deux
industriels révolutionnèrent la chapellerie française en sub-
stituant le travail mécanique aux procédés manuels. Ils
donnèrent une vigoureuse impulsion aux fouleuses et aux
bastisseuses. En 1854, Crespin fit subir au chapeau de
soie une transformation notable ; la galette se faisait alors
avec un feutre léger composé de poils de lièvre ou de
lapin, mélangés quelquefois avec une addition de coton et
trempés dans une dissolution de gomme laque ; Crespin
remplaça ce feutre par une garniture adhérente, composée
d'une mousseline de soie. On doit également à Crespin de
remarquables procédés de teinture des chapeaux (V. Cha-
pellerie).
CRESPINET. Com. du dép. du Tarn, arr. d'Albi, cant.
de Valderiès; 367 hab.
CRESPI NI (Maria de), peintre italien du xviii^ siècle,
né à Côme. Cet artiste, qui vivait à Rome vers 1720, fut
l'élève et l'émule du fameux peintre de fleurs Maderno.
Plusieurs de ses tableaux, peints avec infiniment de goût
et de talent, sont conservés à Milan et à Rome. Ad. T.
CRESPY. Com. du dép. de l'Aube, arr. de Bar-sur-
Seine, cant. de Soulaines ; 204 hab.
CRESPY (V.Crépy).
CRESSAC. Com. du dép. delà Charente, arr. d'Angou-
lème, cant. de Blanzac; 178 hab.
CRESSANGES. Com. du dép. de l'Allier, arr. de Mou-
lins, cant. de Montet; 1,648 hab.
CRESSAT. Com. du dép. de la Creuse, arr. de Guéret,
cant. d'Ahun; 1,693 hab. Stat. du ch. de fer de Mont-
luçon àSaint-Sulpice-Laurière. Eglise romane du xin® siècle.
CRESSE (La). Com. du dép. de l'Aveyron, arr. de
Millau, cant. de Peyreleau ; 379 hab.
CRESSÉ. Com. du dép. de la Charente-Inférieure, arr.
de Saint-Jean-d'Angely, cant. de Matha ; 587 hab.
CRESSENSÂC. Com. du dép. du Lot, arr. de Gourdon,
cant. de Martel; 1,229 hab.
CRESSENT (Anatole), avocat et amateur de musique, né
à Argenteuil (Seine-el-Oise) le 24 avr. 1824, mort à Paris
le 28 mai 1870.11 légua à l'Académie une somme de
100,000 francs destinée à fonder un concours triennal
pour la composition d'un ouvrage lyrique, boufïe, de demi-
caractère, ou dramatique, en un acte ou deux, avec chœurs
et ouverture. Le prix Cressent fut décerné pour la première
fois en 1875 à M. William Chaumet.
CRESSERONS. Com. dudép.du Calvados, arr. de Caen,
cant. de Douvres ; 500 hab. L'église a conservé une inté-
ressante façade romane du xn® siècle ; le chœur et le tran-
sept ont été reconstruits en 1836.
CRESSEVEUILLE. Com. du dép. du Calvados, arr. de
Pont-FEvêque, cant de Dozulé; 280 hab.
CRESSEY (High-Paulin de), historien et théologien
anglais (V. Cressy).
CRESSIA — CRESSY
— 336 —
CRESSIA. Com. du dép. du Jura, arr, de Lons-le-Sau-
nier, cant. d'Orgelet ; 683 hab. Minerai de fer ; carrières
de marbre. L'église a conservé une curieuse statue équestre
en chêne, de saint Maurice, datée de 1547. La seigneurie
de Cressia appartenait à la maison de Coligny, dont le
château, construit à la fin du xv® siècle, subsiste encore.
C'est un parallélogramme flanqué de tours et dominé par
un donjon. Bussy-Rabutin, qui y fut exilé chez sa fille, la
marquise de Coligny, en 4677, a daté du château de
Cressia plusieurs de ses lettres à M"^® de Sévigné. Curieuse
grotte de Jean Mercier.
CRESSlER-suR-MoRAT. Petit village du cant. de Fri-
bourg en Suisse ; 346 hab. C'est là que les confédérés se
réunirent le 22 juin 1476, pour marcher contre le duc
Charles de Bourgogne, le Téméraire, qui assiégeait Morat
et auquel ils infligèrent une défaite dont le puissant prince
ne put se relever. Une chapelle commémorative rappelle
cette circonstance,
CRESSIN-RocHEFORT. Com. du dép. de l'Ain, arr. et
cant. de Belley ; 432 hab.
CRESSON. L Botanique. — Nom vulgaire du ISastiir-
tium officiîiale R. Br. (Sisymhrium Nasturtium L. ;
Cardamine fontana Lamk), plante de la famille des Cru-
cifères, qu'on appelle également Cresson de fontaine, C.
d'eau. C'est une herbe vivace, dont la tige couchée-radi-
cante inférieurement , puis redressée et rameuse dans sa
partie supérieure, porte des feuilles pinnatiséquées, à seg-
ments oblongs, entiers, le terminal ordinairement plus
grand et ovalaire. Les fleurs sont petites, de couleur
blanche et disposées en grappes terminales ou oppositifoliées.
Les fruits sont des siliques linéaires, plus ou moins arquées,
renfermant des petites graines comprimées et non ailées.
— Le iV. officinale croît communément en Europe dans
les ruisseaux et en général dans les endroits inondés ou
très humides. Ses tiges et ses feuilles sont remphes d'un
suc aqueux d'une saveur piquante particulière. On le cul-
tive en grand dans les cressonnières. — Le nom de Cresson
est également donné, dans le langage vulgaire, à plusieurs
autres plantes à saveur piquante. Ainsi on appelle notam-
ment : Cresson alénois ou C. cultivé, le Lepidium sati-
vum L. ; C. amer, le Cardamine amarah, ; C. élégant,
C. des prés, le Cardamine pratensis L. ; C. de cheval,
C. de chien, le Veronica Beccabunga L. (Scrofularia-
cces) ; C. de jardin, C. de vignes, le Barbarea prœcox
R. Br. ; C. de l'Ile-de-France, le Spilanthus acmella L.
(Composées); C. de rivière, le JSasturtium sylvestre R.
Br. ; C. d'Inde, C. du Pérou ou du Mexique, le Tropœo-
lum majus L. (Géraniacées) ; C. doré, C. de roche, le
Chrysosflenimn alternifolium. L. (Saxifragacées) ; C. du
Para ou du Brésil, le Spilanthus oleracea L/(Composées) ;
C. sauvage, le Nasturtium sylvestî^e R. Br. et le Sium
angustifolium L. (OmbelHfères); C. vivace, C. de terre,
le Barbarea vulgarisDC, Ed. Lef.
IL Horticulture. — Cresson de fontaine. Le cresson
de fontaine (Nasturtium officinale R. Brown), qui se ren-
contre à l'état spontané dans les ruisseaux et au bord
des mares dans l'Europe tempérée et l'Asie, était récolté et
livré à la consommation, mais l'augmentation de la demande
n'a pas tardé à conduire vers une culture réglée qui de nos
jours a pris une très grande importance. Le cresson le
meilleur est celui qui vient dans les eaux vives; on doit donc
dans la culture se rapprocher de ces conditions et une cres-
sonnière ne doit être étabhe qu'à la condition d'avoir à sa
disposition une certaine quantité d'eau courante. Cette eau
doit provenir d'une source à température constante, car la
production présente le plus d'intérêt pendant l'hiver, il faut
donc pour cela que l'eau ne gèle pas et permette à la
plante de croître pendant la période des froids. La culture
se fait dans des fosses qui, dans la grande culture, ont 60 à
80 m. de long et 3 m. de large. L'on compte qu'il faut
vingt-cinq litres d'eau par minute pour un mètre de lar-
geur de fosses. On en peut donc étabhr un nombre variable
parallèlement, suivant le débit de la source que l'on a
à sa disposition. L'eau sortant d'une fosse ne peut servir
à de nouvelles cultures car l'hiver elle s'est refroidie au
contact de l'air. L'arrivée et le départ de l'eau sont réglés
au moyen de vannes. Les fosses sont creuses d'environ
0^^40. Le fond est labouré et fumé, on y sème le cresson
ou mieux on le repique par petites touffes placées à 0™10
les unes des autres. Puis on laisse arriver l'eau. Quand le
cresson est bien repris et que ses feuilles couvrent le sol,
on donne une première fumure qui consiste en fumier
d'étable que l'on répand en couche mince sur les plantes.
Celles-ci repoussent vigoureusement et quand elles sont suf-
fisamment développées on fait la récolte qui consiste à couper
à l'aide d'un couteau les rameaux au ras du sol. Après la
coupe on fume à nouveau. Ces récoltes se succèdent tous
les quinze jours ou tous les mois, suivant que la saison est
plus ou moins chaude. Le cresson est attaqué par une attise,
le Ihyamis suturalis Marsh. (T. nasturtii GylL), qui
perce sa feuille. On s'en débarrasse aisément en submer-
geant la plantation pendant une journée. Tous les ans les
fosses sont curées et plantées à neuf, J. D.
ÏII. Thérapeutique. — L'huile volatile sulfurée que ren-
ferme le cresson en fait un stimulant de la digestion et de
la nutrition : l'azote, l'iode et le fer qu'on y rencontre en
font un reconstituant et un altérant ; il est donc fort utile
comme antiscorbutique, de même que dans certains états
atoniques liés au lymphatisme et à la scrofule, et dans le
catarrhe chronique des bronches; mais il n'a jamais guéri
la phtisie. Ajoutons que le cresson augmente la diurèse.
Le cresson, employé comme médicament, doit être mangé
cru et en assez grande quantité (une ou plusieurs bottes
par jour). Les personnes qui ne supportent pas le cresson
en nature peuvent en prendre le jus ou suc. Mâché, il
raffermit les gencives. Le cresson entre dans h sirop et le
vin antiscorbutique, D'' L. Hn.
IV. Art culinaire. — Le cresson se mange en salade
et sert de garnitures aux rôtis de viande ou de volailles.
Dans ce dernier cas, au moment de servir, on le saupoudre
de sel et on le mouille de quelques gouttes de vinaigre. —
Il mérite la réputation dont il jouit comme aliment sain ;
moins difficile à digérer que les autres salades, il est plus
nourrissant. La cuisson et la dessiccation détruisent ses
propriétés bienfaisantes.
CRESSONNETTE (V. Barbarée).
CRESSONNIÈRE (V. Cresson).
CRESSONNIÈRE (La). Com. du dép. du Calvados, arr.
de Lisieux, cant. d'Orbec; 158 hab.
CRESSONSACQ. Com. du dép. de l'Oise, arr. deCler-
mont, cant. de Saint-Just ; 375 hab.
CRESSY. Com. du dép. de la Seine-Inférieure, arr. de
Dieppe, cant. de Bellencombre ; 331 hab.
CRESSY-Omencourt. Com. du dép. de la Somme, arr.
de Montdidier, cant. de Roye; 223 hab.
CRESSY-suR-SoMME. Com. du dép. de Saône-et-Loire,
arr. d'Autun, cant. d'Issy-l'Evêque ; 675 hab.
CRESSY (sieur de) (V. Boudât [Philippe]).
CRESSY (Hugh Paulinus ou Serenus), moine bénédic-
tin, théologien anglais, né en 1605, mort en 1674. Elevé
dans l'Eglise anglicane, où il fut revêtu de dignités impor-
tantes, il passa à l'Eglise cathofique, par peur du purita-
nisme envahissant, et fit sa rétractation à Rome en 1646.
Il vint ensuite à Paris oh il étudia la théologie sous Henry
Holden, docteur en Sorbonne, et fut protégé par la reine
Marie-IIenriette. Il prit les ordres, entra, sous le nom de
Serenus, chez les bénédictins de Douai, et après la Restau-
ration, revint en Angleterre où il fut nommé prieur de la
cathédrale à Rochester. Il a laissé une relation détaillée de
sa conversion, ?>o\\s,\q liivQ à' Exomologesis (Paris, 1647).
On peut encore citer parmi ses nombreux écrits : Roman
catholick Doctrines no Novelties (1663, in-8), et ihe
Church History of Binttany or England (Rouen, 1668,
in-foL), avec une suite manuscrite découverte à Douai en
1856. B.-H. G.
— 337 —
CREST — CRESYLOL
CREST. Ch.-l. de deux cantons du dép. de la Drôme,
arr. de Die, sur la Drôme; 5,669 hab. Stat. du ch. de
fer P.-L.-M., ligne de Livron à Die. C'est la ville la plus
importante de la vallée de la Drôme par son industrie
comme par sa population. L'industrie y est représentée
par des moulinages, filatures et ouvraisons de soies, des
fabriques de lainages, de draps, de couvertures, de limou-
sines, des corderies, des filatures de coton, des tanneries,
des mégisseries, etc. Commerce de fruits et de truffes. La
population est restée en partie protestante ; il s'y trouve
un consistoire, une église réformée, un collège et un or-
phelinat protestants. La ville, bâtie sur la rive droite de la
rivière, dans un site pittoresque, au pied d'un rocher au-
quel elle doit son nom, a un aspect élégant. Les comtes
de Valentinois dans le domaine desquels elle se trouvait
y construisirent dès le xi® siècle un énorme donjon (mon.
hist.) qui s'est conservé, et y ajoutèrent plus tard un châ-
teau fort qui fut deux fois assiégé vainement au xin® siècle
par Simon de Montfort et devint pendant les guerres du
xvi^ siècle l'un des principaux boulevards des catholiques.
Richelieu le fit détruire en 1627, mais le donjon résista à
la pioche des ^démolisseurs et servit dès lors et jusqu'à
nos jours de prison d'Etat. Longtemps on y renferma des
protestants; lors du coup d'Etat de 1851, il reçut plus de
trois cents détenus. Cette tour puissante à laquelle on
accède de la ville par un escalier de cent vingt marches
taillées dans le roc, est un édifice quadrangulaire de 32 m.
de côté, haut de 45 m. sur le devant et^de 49 m. sur le
derrière. La muraille du N. n'est réunie aux murailles
latérales qu'à la base et au sommet; partout ailleurs elle
en est isolée par un vide d'environ 15 centim. L'intérieur
a été très altéré par les adaptations qu'on lui a fait subir.
Dans la ville, plusieurs maisons de la Renaissance. Pont
de pierre de quatre arches sur la Drôme.
CREST (Le). Corn, du dép. du Puy-de-Dôme, arr. de
Clermont-Ferrand, cant. de Veyre-Monton ; 817 hab. La
maison du Crest possédait la seigneurie. Eglise du xiu^ siècle
remaniée aux xv® et xviii® siècles, et restes des fortifica-
tions.
CREST-VoLÂND. Corn, du dép. de la Savoie, arr. d'Al-
bertville, cant. d'Ugines; 81,7 hab.
CRESTE. Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr. d'Issoire,
cant. de Champeix ; 125 hab.
CRESTET (Le). Com. du dép. de l'Ardèche, arr. de
Tournon, cant. de Lamastre ; 725 hab.
CRESTET. Com. du dép. de Vaucluse, arr. d'Orange,
cant. de Vaison ; 437 hab.
CREST! (Domenico), surnommé il Passignano, peintre,
né à Passignano près de Florence en 1560, mort à Flo-
rence en 1638. Il était élève de Naldini et de Federigo
Zuccaro, mais ses œuvres se ressentent de l'influence des
maîtres vénitiens pour lesquels il avait une admiration pro-
fonde. Ses tableaux les plus importants sont : un Cruci-
fiement de saint Pierre, peint pour la basilique de Saint-
Pierre à Rome sous le pontificat de Paul V ; ce tableau a
noirci malheureusement et il en est de même de beaucoup
de tableaux du Passignano; un Christ mourant, dans
la chapelle Mondragone à Frascati ; une Descente de
croix^ dans le palais Rorghèse à Rome; une Gloire cé-
leste^ dans l'église des PP. de Vallombreuse à Passignano;
cette dernière peinture passe pour être le chef-d'œuvre
de D. Cresti.
BiBL. : Lânzi, Storia délia pitlura îtaliana, t. I, p, 200.
CRESTI N (Jean -François), homme politique français,
né à Vellexon (Haute-Saône) le 5 mars 1745, mort à Gray
le 26 août 1830. Avocat à Resançon, procureur du roi au
bailhage et au présidial de Gray, maire de Gray, prési-
dent du tribunal de district, il fut élu, le 27 août 1791,
député du dép. de la Haute-Saône à l'Assemblée législative,
dont il devint secrétaire. En l'an III, il fut nommé président de
i'admmistration du district de Gray; en l'an IV, président
de l'administration centrale de la Haute-Saône; en l'an VI,
président de l'administration municipale, et, enl'an VOÏ, sous-
GRÀNDE ENCYCLOPÉDIE. — Xllï.
préfet de Gray. Membre de l'académie de Besançon, Crestin
a publié : Recherches sur la ville de Gray (Besançon,
1787, in-8); Projet de constitution du gouvernement
représentatif {(^vdi^ ^ 1814, in-8); Réflexions historiques
sur la seconde usurpation du trône de France par
Bonaparte (Gray, 1814, in-8) ; la Vérité rétablie ou
mémoire sur la séance de V Assemblée législative du
10 août il 92 (Besançon, 1814, in-8); Dissertation sur
les libertés de l'Eglise gallicane (Dijon, 1819, in-8);
Moyen d'opérer une forte réduction de la contribution
sur les terres (Paris, 1819, in-8); Réfutation de V Abrégé
de l'histoire de Franche- Comté (Gray, 1827, in-8) ;
les Héroïdes d'Ovide, traduites en vers (Dôle, 1826,
in-8).
CRESTONIA. Partie de la Macédoine, habitée par un
peuple d'origine thrace. La ville principale, fondée par les
Pélasges, s'appelait Crestone ou Creston (V. Hérod., I, 57 ;
VII, 124; Thuc, IV, 109).
CRÉSUS (V.Crœsus).
CRESWELLl A (Greville, 1857) (Bot.). Genre de Diatoma-
cée5, de la tribu des Xanthiopyxidées, à frustules ovoïdes
ou sphériques , réunis en chaînes et adhérant les uns aux
autres au moyen de processus épineux, placés vers le som-
met ou sur le bord des valves, qui sont très bombées. Ces
dernières ont la surface alvéolée ou rarement ponctuée ;
leur zone est peu siliceuse et très étroite. Les Creswellia
vivent dans la mer ou dans les eaux saumâtres. P. Petit.
BiBL. : Gre VILLE, Edimburgh. Philos oph. TranssLct.,
1857, vol. XXI, p. 528; Transacl. of Microsc. Soc, 1861,
p. 68; 1866, p. 78; 1865, p. 2.
CRESWICK (Thomas), peintre, né àSheffield(Yorkshire)
en 1811, mort en 1869. Il fut élevé à Hazelwood près de
Birmingham, et eut pour premier maître de dessin J.~V.
Barber. A dix-sept ans il exposait pour la première fois à
la Royal Academy dont il était nommé associé en 1842 et
membre en 1851. Creswick a laissé surtout des illustra-
tions et des aquarelles dont le catalogue dressé par les
soins de J.-O. Barlow R.-A. a été publié à l'occasion de
l'exposition de Londres de 1873. F. Coukboin.
CRESYLOL (Chi.O. ^-». S a^;;. CW-
Syn. : Crésols -— Phénols crésy ligues — - Hydrates de
crésyle.
Les crésylols ou crésols sont des homologues du phénol
ordinaire; comme tous les dérivés bisubstituésdela benzine,
ils existent sous trois formes isomériques, l'ortho, le meta
et le paracrésol, qui sont les crésols a, p et y. Ils existent
dans le goudron de houille. Il ont été préparés synthéti-
quement par Griess en faisant bouillir avec de l'eau l'azo-
tate de diazotoluol ; par Wurtz, en fondant le toluène-sul-
fonate de potassium avec la potasse caustique. En présence
du sodium, ils fixent à chaud l'acide carbonique pour engen-
drer les acides créosotiques. Traités par la soude et le
chloroforme, ils se transforment en aldéhydes créosotiques
ou oxytoluiques.
I. Orthocrésol (j5-crésol). — Kékulc Ta obtenu le premier,
en décomposant par l'eau le sulfate de diazo-o-toluol, ou
encore le cymophénol par l'anhydride phosphorique. Il se
trouve dans le goudron de houille (Ihle), dans les matières
albuminoïdes putréfiées (Baumann), On le prépare en atta-
quant une solution aqueuse de sulfate d'o-toludine par
l'azotite de potassium, suivant la méthode de Griess. Il est
en grands prismes incolores, fusibles à 31*^, bouillant à
185-186^. Un mélange de chlorate de potassium et d'acide
chlorhydrique le transforme en dichloro et trichlorotolu-
quinon; l'acide sulfurique,en acide o-crésylsulfurique, etc.
IL Métâcrésol (Crésol-y). —Obtenu par Engelhardtet
Latschinoff, en chauffant le thymol avec l'anhydride phos-
phorique, par Oppenlieim et Plaff en soumettant à la distil-
lation sèche les sels de l'acide oxyuvitique. Liquide incolore
à odeur phénolique, bouillant à 201 *>. Sa solution aqueuse
se colore en bleu violet par le perchlorure de fer ; fondu
avec la potasse, il donne l'acide m~oxybenzoïque.
22
CRÉSYLOL - CRÈTE
- 338 -
IIL Paracrésol. — C'est le plus important et le mieux
comiu. Il a été préparé par Wurtz en fondant le p-toluène
sultbnate de potassium avec de la soude ; par Griess, en
décomposant par Feau le diazoparatoluol. On le rencontre
dans la créosote du goudron de hêtre ; dans la putréfaction
de la tyrosine (Weyl) ; dans les produits de la putréfaction
des matières albuminoïdes (Baumann). Il est en prismes
incolores, à odeur désagréable, fusibles à 36°, bouillant à
202<* ; il est peu soluble et sa solution aqueuse se colore
en bleu par le perchlorure de fer. Un excès de potasse
caustique le change en acide p-oxybenzoïque ; le perchlo-
rure de phosphore, en p-chlorotoluène ; il donne avec le
brome des dérivés bromes (Vogt et Henninger) ; avec Facide
sulfurique , de Facide p-crésolsulfonique ; avec Facide
nitrique, des dérivés nitrés, etc. Ed. Bourgoin.
BiBL. : Baumann etBRiEGER, Zeîtschr. Chem. phys.^ t. IIL
149. — Barth, Constitution des crésols, Soc. Ch.^ t. XIVi
416. — DucLOS, An. Ch. et Phys., t. LXV, 116 (3).— Friedel
et Crafïs, Synthèse, Compte rend., 1879, t. XIV, 826. —
Griess, Deuts. chem. Gesetls., 1875, 1074. — Kbkulé, id.,
1874, 1006. — Oppenheim et Plaff, id., 1875, 824.— Wurtz,
An. Ch. et P/iys., t. XXV, 112 (4).
CRÈT DE LA Neige. Point culminant du Jura, 1,723 m.
(V. Ain [Dep.], t. I, p. 98-1).
CRÉTACÉE (Série) (Géol.). La série crétacée, dernière
phase de l'ère secondaire, comprend un ensemble varié de
sédiments où dominent les formations calcaires et dans
lequel il convient de distinguer deux grandes divisions :
un système crétacé intérieur ou infracrétacé, presque
exclusivement arénacé et calcaire, un système crétacé
supérieur^ bien homogène, oii se présente à toutes les
hauteurs, dans l'Europe septentrionale, la craie, c.-à-d.
cette roche blanche, tendre et traçante, qui a donné son
nom à la série.
Divisions de la période crétacée ; distribution des
mers de ta craie. Alors que la période infracrétacée
se relie assez étroitement, en beaucoup de points, à celle
jurassique qui la précède, et se trouve marquée au début
dans toute l'Europe septentrionale par une phase négative,
c.-à-d. d'émersion (la mer se trouvant rejetée dans les
régions méditerranéennes); par contre, la période crétacée
correspond à une phase positive, pendant laquelle le mou-
vement d'affaissement des latitudes élevées de l'Europe,
déjà bien accusé à l'époque albienne, s'accentue à ce point
que les premiers dépôts de cet âge, franchement marins,
s'étendent presque partout, dans cette direction, sur des
terres depuis longtemps émergées. C'est dans de pareilles
conditions que se présentent les sédiments crayeux, sous
la forme de la craie verte cénomanienne qui, soit en Eu-
rope, soit en Amérique, viennent s'appuyer transgressive-
nient sur les terrains jurassiques ou primaires (V. Céno-
mânien) ; et cette invasion marine n'est que le prélude
d'une transgression plus importante bien accentuée par
l'extension de la craie marneuse turonienne qui suit et
surtout de celle tout à fait blanche, avec silex associés,
qui correspond à l'étage sénonien . Puis quand les puis-
santes assises de cette craie blanche à bélemnitelles se sont
déposées, dans les régions du Nord, on voit, comme au-
trefois à la fin du jurassique, le domaine maritime se
rétrécir considérablement. Les derniers sédiments cré-
tacés, très réduits à l'époque danienne, se disposent en
effet, nettement en retrait, dans cette direction, sur leur
substratum crayeux. Un fait également digne d'être mis en
évidence c'est gue les formations saumâtres et lacustres
avec intercalations de couches marines comme celles qui
avaient mis fin au jurassique, se montrent cantonnées
cette fois en Europe, dans le voisinage de la Méditerranée,
notamment en Provence (lignites de Fuveau, calcaires à
Lychniis de Rognac, bauxite, etc.) et sur la bordure des
Pyrénées dans la Haute-Garonne où depuis longtemps ces
assises ont été désignées, par Leymerie, sous le nom de
garumnien. Antérieurement, dans ces mêmes régions,
alors que la craie avec sa faune remarquablement uni-
forme d'oursins et de branchiopodes, tapissait le fond des
mers septentrionales, des mollusques voisins de la famille
des chamacées, les rudistes, associés à de nombreux po-
lypiers ou des spongiaires, et disposés par bancs lenticu-
laires puissants, contribuaient pour une large part à la
formation des calcaires. C'est ensuite dans l'Allemagne du
Nord, depuis la Westphalie jusqu'à la Galicie, qu'il faut
venir chercher le plus grand développement des ammonites
devenues si rares dans la craie blanche. Quant aux condi-
tions continentales qui terminent la période crétacée, elles
sont surtout bien accusées dans les prairies de l'Amérique
du Nord ou du Canada, au Texas et à FAlabama, où se
déposa, loin de la mer, une importante formation ligniti-
fère à grands reptiles {lignitic group) que les géologues
américains ont groupée sous le nom d'étage de laramie
et dans laquelle on peut voir le prélude des temps ter-
tiaires : cette puissante série de dépôts saumâtres et
lacustres présentant une faune intéressante de vertébrés
et de mollusques où l'on peut constater l'association de
types incontestablement crétacés, Moc^mmîw, Anchura^
Cyrodes^ Beryx^ Megalosatirus^ avec des gastropodes et
des végétaux tertiaires, ces derniers prédominant au som-
met où les plantes éocènes fournissent les lignites subor-
donnés. Ch. Vélâin.
CRÊTE. L Architecture.— Arête supérieure d'un toit
ou d'un chaperon de mur et décorée d'ornements découpés en
pierre, en terre cuite, en bois ou en métal. Les crêtes datent
de l'époque romane, lorsque, dans les édifices voûtés en
pierre, la couverture, laite de dalles ou de tuiles, était
posée directement sur l'extrados de la voûte et qu'un faî-
tage de pierre recouvrait la jonction des deux versants du
comble. Cet emploi de la pierre comme faîtage se conserva
même plus tard lorsque les édifices furent couverts à l'aide
de charpentes de bois composées de chevrons espacés
auxquels le poids du faîtage donnait une certaine résis-
tance contre les efî'orts du vent. A l'époque ogivale, les
crêtes furent faites de plomb, et leur décoration, comme
celle des édifices de cette époque, fut empruntée au règne
végétal ; ces crêtes de plomb , parfois d'une certaine
hauteur, terminées aux extrémités par des statues, des
épis ou les girouettes, furent en usage assez longtemps,
jusque sous le règne de Louis XIV. De nos jours, on fait
souvent appel à la terre cuite, témoin la crête en terre
cuite de l'église Saint-Pierre de Montrouge, ou aussi à la
fonte, et on peut citer comme exemple moderne de crête en
pierre ajourée, la crête de l'église du Sacré-Cœur à Mont-
martre. — On appelle crétiaus de petits repos ou sur-
faces horizontales que l'on remarque, dans les monuments
du moyen âge, sur les rampants des corniches, soit à Fen-
droit des joints pour les préserver des eaux des combles,
soit pour faciliter aux ouvriers de marcher sur ces cor-
niches. Charles Lucas.
IL Fortification. — La crête est la ligne qui marque la
partie supérieure d'un parapet de fortification ; géométri-
quement c'est l'intersection de la plongée avec le talus
intérieur. On Fappelle aussi ligne de feu, parce que c'est
de la crête que partent les coups de feu des défenseurs
installés sur les banquettes. Enfin, on la désigne plus
spécialement sous le nom de crête intérieure pour la dis-
tinguer de la crête extérieure qui est l'intersection de la
plongée et du talus extérieur. La crête intérieure est la
ligne la plus importante de la fortification, celle qui sert à
en établir le tracé.
IIL Botanique. — Crête de coq (V. Rhinanthe et
Célosie).
Crête de paon (V. Adén anthère)*
IV. Zoologie. -— Appendice charnu, comprimé, généra-
lement rouge, qui orne la tête des coqs, des poules et de
plusieurs autres oiseaux. Quelques reptiles, batraciens, etc*,
portent également le long de la partie supérieure du dos
ou seulement de la queue un repli cutané désigné soils le
nom de crête.
BiBL. ; ARCHITECTtlRE. — VlOLLET*LE-DUC, DIct dO t'aV-
chitecture française; Pads, 1868, t. IV, in-8, fig.
3BÔ -
CRÈTE — CRÉTIN
CRÈTE (La). Corn, du dép. de la Haute-Marne, arr.
de Ghaumont, cant. d'Andelot ; 43 hab. Cette localité
doit sa formation à une célèbre abbaye de bénédictins
de la réforme de Cîteaux, fondée en 1124 par Févêqucde
Langres, qui y établit des religieux venus de Morimond.
Ruinée et dévastée à diverses reprises pendant les guerres
des XV® et xvi® siècles, elle fut reconstruite en grande
partie dans les premières années du xviii® siècle. Les
forges et hauts fourneaux, qui constituent encore au-
jourd'hui la principale industrie de la population, furent
exploités par les moines jusqu'en 1791, date de la sup-
pression de Fabbaye. A. T.
BiBL. : Em. Jolibois, la, Haute-Marne ancienne et mo-
derne ; Ghaumont, 1858-1861, gr. in-8, avec carte et pi.
CRÈTE. L Géographie (V. Candie).
IL Histoire ancienne. — L'île de Crète fut un des pre-
miers berceaux de l'hellénisme ; sa situation au centre de
la Méditerranée, à portée de toutes les migrations, y favo-
risa le développement de la civilisation. Zeus, le grand dieu
grec, fut représenté comme ayant été élevé en Crète sur le
mont Ida (V. ce nom et Zeus) ; les Dactyles qui habitaient
cette région furent, d'après la tradition, les premiers ou-
vriers métallurgistes qui aient travaillé en Grèce le bronze
et le fer. Le premier Etat grec dont l'histoire fasse men-
tion fut le royaume de Minos (V. ce nom) en Crète ; au
témoignage de Thucydide, il purgea l'Archipel des pirates.
Le chef crétois Idoménée joue un grand rôle dans V Iliade
qui atteste l'importance de l'île aux cent cités. La Crète
subit une translormation complète par suite de l'invasion
dorienne, qui ajouta aux anciens éléments, comme les indi-
gènes Etéocrètes, une race nouvelle. C'est là que fut établie
d'abord, semble-t-il, l'organisation sociale si curieuse que
les Dorions instituèrent aussi dans le Péloponèse. De fait,
Aristote affirme que les institutions de S|)arte venaient de
Crète ; celles-ci comportaient le communisme dans la so-
ciété dorienne et la juxtaposition de cet organisme, para-
site, exclusivement voué à la vie militaire et à la défense de
l'Etat, à côté des autres classes sociales qui produisaient ;
ce qu'il y a de remarquable, c'est que la classe militaire
dorienne en Crète ne paraît pas avoir revendiqué la direc-
tion politique. L'histoire de la Crète nous est d'ailleurs
presque inconnue. Au temps de la guerre raédique, le terri-
toire de nie est partagé entre diverses cités autonomes
ayant chacune leur monnaie, leur sénat , leur assemblée
du peuple, se faisant la guerre les unes aux autres. Les
principales étaient Cnossus ou Gnosse qui revendiquait
l'hégémonie, Gortyne, Cydonie, puis Lyctus. On fait
mention d'une intervention de Philippe IV de Macédoine
pour calmer les dissensions intestines. Les mercenaires
crétois devinrent célèbres, servant indifféremment dans
toutes les armées. L'île devint un repaire de pirates, fut
conquise en 67 av. J.-C.,par les Romains que commandait
Metellus (V. ce nom). Au moment de la division en pro-
vinces, sous Auguste, l'île fut rattachée à Cyrène et forma
une province sénatoriale gouvernée par un propréteur avec
un légat et un ou deux questeurs. Sous Constantin, la
Crète forma une province à elle seule et fut confiée à un
consulaire. Les villes avaient été fédérées sous la domi-
nation romaine ; on a beaucoup de monnaies de cette com-
munauté.
La géographie de Fîle de Crète est un peu mieux connue
que son histoire ; le document essentiel pour commenter
les géographes anciens est la Descrhione deWlsola di
Candia rédigée au xvi^ siècle par un fonctionnaire vénitien.
Nous publions ici la liste des villes et localités, connues
de l'ancienne Crète : sur la côte nord, de l'O. à l'E. :
Agneum, Césamus, Methymna, Dictymna, Pergamum,
Cydonia, Minoa, Marathusa, Aptera, Cisamus, Amphima-
trium, Hydramum, Amphimalla, Rhitymna, Pantomatrium,
Astale, Panormus, Dium, Cytseum, Apollonia, Matium,
Heracleum, Amnisus, Chersonesus, Olus, Miletus, Camara,
Maxus, Minoa, Istron, Etea, Grammium. — Sur la côte
est : Itanus, Ampelos. — Sur la côte sud, de l'E. à l'O. :
Erythrœa, Hierapytna, Hippocronium, Histoë, Priansus,
Leben, Matalia, Sulia, Psychium, Apollonias, Phœnix,
Tarrha, Pœcilasium, Syia, Lissus, Calamyda. — Sur la côte
ouest : Inachorium, Rhamnus, Chersonesus, Phalasarna,
Corycus. — A l'intérieur, de l'O. à l'E. : Elœa, Polyr-
rhenia, Rocca, Achaea, Dulopolis, Cantanus, Hyrtacina,
Elyrus, Cseno, Cerea, Arden ou Anopolis, Polichna,
Mycense, Lappa ou Lampa, Cornim, Anlon, Osmida,
Sybritia, Eleutherna, Axus, Gortyn ou Gortyna, Phsestus,
Pylorus, Bœbe, Bene, Asterusia, Rhytium, Stelse, Inatus,
Biennus, Pyranthus, Rhaucus, Tylissus, Cnossus, Thense,
Omphalium, Pannona, Lyctus, Arcadia, Olerus, Allaria,
Prsesus.
III. Histoire du moyen âge (V. Candie).
BiBL. ; Hœgk, Kreta : ein Versuch ziir Aufhellung der
Mythologie und Geschichte, der Religion und Verfassung
dieser Insel; Gœttingue,1823-29, 3 vol. — Spratt, Travela
and researches in Crète; Londres, 1865, 2 vol. — Raulin,
Description de Vile de Crète; Paris, 1859-60, 8 vol.
CRÉTEIL {{^miozïwm). Corn, du dép. de la Seine, arr*
de Sceaux, cant. de Charenton ; sur la rive gauche de la
Marne; 4,045 hab. Une légende, nullement prouvée, veut
que, vers le v^ siècle, cette localité ait été le théâtre du
martyre de deux chrétiens, saint Agoard et saint Aglibert.
Quoi qu'il en soit, Créteil est mentionné depuis le ix^ siècle.
La seigneurie appartint de tout temps à la cathédrale de
Paris. L'église est en partie romane ; son curieux clocher
du xii® siècle attire de loin les regards.
BiBL. : L'abbé Lebeuf, HisL du diocèse de Paris, t. V,
pp. 10-22 de redit, de 1883.
CR ET ET (Emmanuel), comte de Champmol, homme poli-
tique français, né au Pont-de-Beau voisin (Savoie) le 40 tévr.
1747, mort à Auteuil le 28 nov. 4809. Né d'une famille
de négociants protestants, il voyagea en Amérique pour les
affaires de son commerce. Peu avant la Révolution, il habita
Paris et dirigea une compagnie d'assurances. Pendant la
Terreur, il se retira dans une terre du nom de Champmol
qu'il acheta près de Dijon. Député de la Côte-d'Or au con-
seil des Anciens, il y parla sur des questions d'octroi, de
finances, de postes. Un des fauteurs du coup du 48 bru-
maire, il fut nommé conseiller d'Etat chargé du départe-
ment des ponts et chaussées. Bientôt le premier consul le
désigna comme plénipotentiaire (avec Joseph Bonaparte et
l'abbé Bernier) pour la signature du concordat (40 sept.
4804). Gouverneur de la Banque de France (28 avr.
4806), il devint^ ministre de l'intérieur (9 août 4807) et
exerça ses fonctions pendant un peu moins de deux ans.
Le 29 juin 4809, il prit un congé pour raison de santé et
démissionna le 4^^ oct. suivant, il se retira à Auteuil, avec
le titre de ministre d'Etat, et y mourut quelques semaines
après. Il avait été fait comte de Champmol le 26 avril
4808. F.-A. A.
BiBL. : A. Rochas, Biographie du Dauphiné; Paris,
1856, 2 vol. in-8.
CRETHEUS (Myth. gr.). Fondateur mythique d'/o/co5
(V. ce nom), fils d'Ëole et d'Enarete, pèred'OËsno, Amythaon
et Phérès.
GRETI (Donato), peintre, né à Crémone en 4674, mort
à Bologne en 4749. Cet artiste, élève de Pasinelli, pous-
sait la conscience à ce point que des amateurs durent plu-
sieurs fois lui enlever de force des tableaux qu'ils lui
avaient commandés. Son œuvre capitale est un Saint Vin^
cent, qui se trouve dans l'église des FF. Prêcheurs à Bo-
logne.
CRÉTIN, CRÉTINISME. L Anthropologie. — On n'est
pas fixé sur l'origine de ce mot; il peut dériver du latin creta^
craie, à cause du teint crétacé des individus. On peut croire
encore qu'il est une corruption du mot chrétien (bienheu-
reux), cette dernière appellation servant à désigner les
crétins dans certaines contrées {christiania anciens ouvrages
latins) . Le crétin, être dégénéré physiquement et intellectuel-
lement, est trapu, osseux, souvent maigre et bouffi, difforme.
Son teint est d'un blanc livide, quelquefois terne et brun,
d'autres fois encore jaunâtre et taché ; la peau est ru-
CRETIN
340 —
gueuse, les rides précoces, l'aspect vieillot bien avant la
vieillesse. La tête est écrasée d'avant en arrière, large à la
base, rétrécie vers le sommet, le front bas et couvert,
fuyant en arrière ; souvent les deux moitiés de la tète sont
asymétriques. Les cheveux sont épais, très fournis, enche-
vêtrés, courts, couleur châtain, ne blanchissent pas. Les
crétins sont imberbes, leur corps est glabre comme celui
d'un enfant. Ils ont l'air stupide, leur face est développée
en largeur, les pommettes sont saillantes, tenez épaté, les
narines béantes, les lèvres épaisses, l'inférieure pendante ;
la langue, volumineuse, sort parfois de la bouche, d'où
s'échappe souvent une salive visqueuse. La mâchoire mfé-
rieure déborde la supérieure, est grosse et donne à la face
un caractère bestial ; les oreilles sont volumineuses, écar-
tées de la tête, les dents mal implantées, cariées. Les yeux
sont très écartés, sans expression, les paupières œdéma-
tiées, atteintes de blôpharite. Les cils, les sourcils sont
rares ; le regard est stupide. Le cou est gros et court, sans
concavité ; la tête penche sur l'épaule ou la poitrine. La
glande thyroïde est hypertrophiée ; cependant plus le cré-
tinisme est développé, moins cette hypertrophie est mani-
feste, car le goitre ne se développe qu'au moment de la
puberté , moment qui ne vient Jamais chez les crétins
achevés (V. le mot Ôoitiîe pour la description anatomique
et chirurgicale). — Le thorax est déformé et asymétrique,
souvent enfoncé d'un côté et saillant de l'autre. Les seins,
chez la crétine, sont petits, flasques, et les mamelons rudi-
mentaires ; chez la semi-crétine, les seins sont gros et pen-
dants. L'abdomen est ballonné, proéminent, l'ombihc très
rapproché du pubis. Le bassin est souvent déformé. Les
parties sexuelles sont rudimentaires chez les crétins ac-
complis , d'un volume énorme chez les crétineux ou semi-
crétins. Les membres sont disproportionnés, décharnés et
parfois enflés au niveau des articulations. Les membres
inférieurs sont très souvent déviés par le rachitisme, les
genoux gros et épais. Les mains sont larges avec des doigts
courts; les pieds volumineux et plats, avec les orteils
déformés et chevauchants. Les crétins sont inaptes à la
marche.
Fonctions, La dégradation intellectuelle est le carac-
tère le plus saillant du crétin ; le crétin complet possède à
peine la notion des besoins les plus naturels ; le semi-cré-
tin a l'instinct de ces besoins et les satisfait avec brutalité
quand il peut. Baillarger et Krishaber dénient toute res-
ponsabiUté au crétin et au semi-crétin. Les crétins sont
solitaires, s'évitent et ne s'aiment pas entre eux. Ils sont
muets, ou bien leur voix n'est qu'un grognement ou une
simple émission de quelques paroles proférées avec mono-
tonie et indifférence. Leur peau est peu sensible au froid
comme à la chaleur; le sens du tact est très obtus; le cré-
tin transpire peu. L'ouïe est obtuse, la vue le plus sou-
vent normale. Les fonctions digestives sont bien conser-
vées chez les crétineux, troublées chez le crétin. La
sécrétion de la salive et des larmes est abondante. Si les
crétins des deux sexes sont frappés de stérilité, les semi-
crétins sont portés à l'onanisme et montrent dans la satis-
faction du sens génésique une impétuosité, une impudeur
extraordinaires. Des autopsies qui, peut-être, visaient aussi
des idiots et des imbéciles ont montré le cerveau, le cer-
velet asymétriques, le cervelet très petit, ses lobes apla-
tis, la protubérance molle, les parois du crâne fort épaisses,
ses enveloppes épaisses et injectées. Les crétins atteignent
rarement la cinquantaine ; la grande majorité appartient
à l'enfance.
II. Médecine. — Le crétinisme est une forme parti-
culière de dégénérescence organique intellectuelle liée aux
conditions extérieures de certaines contrées dans les-
quelles elle constitue une maladie endémique (Baillarger
et Krishaber). Comme il a été constaté que l'endémie' de
crétinisme n'existe pas en dehors de l'endémie de goitre,
Fodéré, le premier, et après lui d'excellents esprits ont
pensé que ces deux manifestations morbides constituaient,
à des degrés divers, deux termes d'une même affection ; le
goitre est le degré initial d'une dégénérescence dont le cré-
tinisme complet constitue la dernière expression. Toutes
les races humaines sont sujettes au goitre et au créti-
nisme ; on les a observés sur tous les points du globe. Les
animaux peuvent aussi contracter le goitre dans les pays où
règne l'endémie de crétinisme ; chiens, porcs, boeufs,
agneaux, chevaux, antilope (Sibérie), mulet (19 mulets
goitreux sur 20, dans une écurie de Modane). D'après Ray-
mond, beaucoup d'animaux goitreux présentent un état
particulier de stupidité comparable à l'idiotisme. Le goitre
sera étudié dans un article spécial au point de vue anato-
mique et chirurgical (V. Goitre).
Hérédité, Les parents goitreux transmettent à leurs
enfants la prédisposition du goitre et du crétinisme, et des
parents atteints de goitre volumineux engendrent des en-
fants crétins à différents degrés. En réunissant les obser-
vations de 393 crétins cités par plusieurs auteurs, on
trouve que 315 sont nés dans des familles atteintes de
goitre, soit 80 <^/o, selon Baillarger et Krishaber, au lieu du
chiffre de 50 ^/o qui avait été donné par la commission du
Piémont.
Etiologie. Les auteurs se divisent ici en deux camps :
les partisans des causes multiples, invoquant tout ce qui,
autour de nous (pays, altitude, air, température, lumière,
électricité, végétation, eaux en général), ou en nous (ma-
nière de vivre, alimentation, vêtements, occupations, cons-
titution physique, mariages, etc.), peut contribuer à nous
laisser gagner par l'endémie. Parmi ces causes, quelques-
unes doivent, sans doute, jouer un rôle important, mais la
principale est invoquée par les partisans de l'existence
d'un agent toxique spécial, unique, partout le même, qui
affecte les organismes vivants, leur imprime un sceau de dégé-
nérescence toujours identique ; son véhicule serait l'eau de
certaines sources, les eaux de pluie ou de neige ne le renfer-
mant jamais. C'est l'eau jaillissant du sol qui contient le prin-
cipe goitrigène; c'est dans le sol qu'il faut le chercher.
Disons tout d'abord que ce principe n'a pas encore été
trouvé, que le prix Saint-Léger, destiné par le donateur au
savant qui produira expérimentalement le goitre, n'a pas
encore été décerné par l'Académie de médecine de Paris. Le
cardinal Billiet, Mac-Clelland, Grange, Garrigou qui se
sont beaucoup occupés de la question n'ont pu parvenir à
isoler ce principe. Disons toutefois que ce n'est pas par une
simple vue de l'esprit qu'on l'a incriminé ; les traditions
populaires ont eu de tout temps cette cause pour objectif ;
les historiens et poètes latins (Pline, Ovide, Yitruve),
l'avaient signalée, et de nombreux arguments à l'appui de
cette thèse ont été amassés. Mais, aujourd'hui, il faut à l'es-
prit, avide de savoir, des faits précis, des preuves expéri-
mentales, et c'est précisément ici le côté faible de l'his-
toire du crétinisme, admirablement connue d'autre part.
Les goitreux donnent plus souvent naissance à des enfants
goitreux qu'à des crétins ; la même observation s'apphque
à ceux-ci. Les unions entre crétins restent le plus souvent
stériles ; les enfants issus de parents semblables sont peu
viables, complètement dégénérés et ne sont guère aptes à
devenir nubiles : la dégénérescence s'arrête par son propre
excès (Baillarger et Krishaber). Les goitreux, au contraire,
sont féconds et capables d'engendrer des goitreux et des
crétins. Quant aux semi-crétins, s'ils se marient entre eux,
leurs produits ne vivent pas ou sont stériles. Au contraire,
lorsque des goitreux s'unissent à des semi-crétins, ou lors-
que les crétineux se marient avec des individus sains, les
produits sont souvent viables, mais presque toujours dégé-
nérés.
Pour que le crétinisme soit endémique dans un pays,
il faut qu'il y ait un cas de goitre par 100 habitants.
Communes de la Savoie renfermant au moins 1 7o cle
goitreux, crétins ou idiots 139
Population de ces communes. . 100.000
Goitreux 5 . 564 )
Crétins 4 .781 [ 7.921
Idiots.... 586 )
3 H
CRETIN — CRETTEVILLE
Proportion sur la population atteinte par Tendémie goi-
treuse :
Goitreux 50,55
Crétins 16,20
Idiots 5,30 (Baillager et Krishaber)
Généralement on trouve sept crétins pour six crétines.
Géographie médicale. C'est dans les Hautes-Alpes et la
Savoie que l'endémie de crétinisme sévit avec le plus d'in-
tensité : 22 pour 1,000 et 16 pour 4,000 (crétins et idiots);
114 pour 1,000 et 134 pour 1,000 (goitreux). Dans les
Basses- Alpes, la Haute-Savoie, l'Isère, l'Ardèche, la
Drôme, les Alpes-Maritimes, les Hautes-Pyrénées, l'Ariège,
la Haute-Garonne, on trouve 4 à 8 pour 4,000 idiots,
20 à 100 pour 1,000 goitreux. Dans quatorze autres
départements, l'endémie existe à un degré beaucoup
moindre. Le nombre de crétins et idiots en France est de
120,000.
Pathologie, La mortalité est très grande chez les
crétins, à tous les âges, surtout dans la première en-
fance. Bien peu de crétins complets parviennent à l'ado-
lescence. Ce sont les maladies de l'enfance auxquelles suc-
combent le plus souvent les crétins : scrofule, rachitisme,
dysenterie, hydrocéphale, convulsions, épilepsie. Plus tard,
ce sont les congestions, les apoplexies cérébrales, la tuber-
culose, les gastro-entérites, les maladies de cœur qui les
emportent. Leur agonie est lente ; il semble qu'ils souffrent
peu, plongés dans une profonde apathie au cours de la-
quelle ils s'éteignent doucement. Il n'en est pas de même
des imbéciles ou des idiots (V. ces mots), qui ne res-
semblent en rien aux crétins, au point de vue physique
comme au point de vue intellectuel.
Prophylaxie, Le domaine de la prophylaxie est vaste :
assainissement du sol et des eaux, amélioration du régime
alimentaire, des habitations, traitement direct des popu-
lations par des sels iodifères. Avant tout, aménagement de
réservoirs pour les eaux de pluies, installation de filtres.
Essayer de combattre les causes multiples, c'est combattre
les préjugés, l'ignorance, le paupérisme. Le moyen le plus
efficace est l'éloignement de la contrée d'infection. Les
sujets qui ont subi la dégénérescence complète sont réfrac-
taires à tout moyen curatif ou prophylactique ; ils ne re-
lèvent que de la charité. D*" A. Coustan.
BiBL. : Baillârger et Krishaber, Dictionn. encyclop.
des Se. méd.., art. Crétinisme.
CRÉTIN (Guillaume Dubois, surnommé Guillaume),
poète français, mort vers 1525. Il fut chantre de la Sainte-
Chapelle et chroniqueur du roi. Comme poète, il a joui en
son temps d'une renommée considérable. Il est fort oublié
aujourd'hui et l'obscurité de son style n'y a pas peu con-
tribué. Nous citerons : Chantz royaulx^ oraisons et
aultres petits traictez (Paris, 1525, in-8), édités par
François Charbonnier, secrétaire de François P*^ ; le Débat
de deux dames sur le passe temps de la chasse des
chiens et oyseaulx (Pans, 1526, in-8), réédité dans le
Cabinet de vénerie {Var'is, 1882, in-16) ; le Plaidoyé
de ramant douloureux et de la dame au cœur chan-
geant (s. 1. n. d., pet. in-8); Poésies de G. Crestin
(Paris, 1723, pet. in-8); Déploration de Guillaume
Crétin sur le trépas de Jean Okeghem (Paris, 1864,
in-8), publié et annoté par F. Thoinan. Il a laissé cinq
volumes mss. de Chroniques (à la Bibliothèque natio-
nale).
BiBL. : Victor Fournel, Crélin., dans Nouv. hiogr. gé-
nérale^ t. XII. — Lelong, Bibliothèque de la F?'ance, 1769,
t. II. — Parnasse français^ 1732, p. 109. — Du Verdier,
Bibliothèque française^ 1773, t. IV, p. 79. — PolybibUon de
1883, t. XXXÏX, p. 160. - E. de Cazenove, De l'Esprit gau-
lois dans la poésie française^ Ch. dVrléans., Villon.,
Crétin., dans le Correspondant de mars 1860.
CRÉTINEAU-JoLY (Jacques), littérateur français, né à
Fontenay-le-Comte (Vendée) le 23 sept. 1803, mort à
Vincennes le 1®^ janv. 1875. Il fit ses études au sémi-
naire de Saint-Sulpice, et publia d'abord plusieurs vo-
lumes de vers ; les Chants romains (1826, in-18) sont les
plus connus. Après la révolution de Juillet, il collabora à
plusieurs journaux tels que le Vendéen^ l'Europe monar-
chique. Il s'adonna ensuite aux études historiques et pu-
blia dans ce domaine un assez grand nombre de travaux.
Il publia en particuher plusieurs ouvrages intéressants sur
les guerres de Vendée, et les rapports de l'Eglise romaine
et du premier Empire. Enfin, de 1844 à 1846, il fit paraître
l'ouvrage qui a le plus attiré l'attention sur lui, V Histoire
religieuse^ politique et littéraire de la Compagnie de
Jésus, composée sur des documents inédits et authentiques
(6 vol, in-8), ornée de portraits et d'autographes. Cette
histoire est d'ailleurs très partiale.
BiBL.: L'abbé Maynard, Jacques Crétineau-Joly; Pa.ris^
1875, in-S. — PolybibUon, 2^ série, t. XIII, 1875 ; partie
littéraire, p. 174.
GRÉTIQUES (Vers) (Métr.). Les métriciens anciens
appelaient crétique un pied composé de une longue, une
brève et une longue - u -; il dérive du pœon, ou
plutôt n'est qu'un pœon dont les deux dernières brèves sont
fondues en une longue ; le bacchius u — et l'antibac-
chius — u ont une origine analogue. On trouve chez les
tragiques et plus encore chez Aristophane de nombreux
couplets sur le rythme crétique; par ex. : Acharniens^
V. 665-675 (692-703). Les comiques latins ont emprunté ces
vers sans les arranger en strophes ; comme la première
longue constitue la partie forte du pied, le rrétiquese com-
bine fréquemment avec le trochée; on distingue d'ail-
leurs des vers crétiques ou crético-trochaïques de différentes
longueurs. Comme exemple de dim êtres, V. Térence,
Andrienne, IV, I.
Tânta vécordia innâta cuiquam et siet,
Ut maiis gâudeant atque ex incommodis
Alteriûs sua ut comparent cômmoda ! at, etc.
A. W.
CRETIUS (Johann-Franz-Konstantin), peintre allemand
contemporain, né à Brieg en Silésie le 6 janv. 1814,
Elève de Kônig à Breslau, puis de l'académie de Berlin et
du professeur Wach, il okint en 1838 le prix de peinture
d'histoire, séjourna à Paris et à Rome; alla en 1846, par
ordre du roi, à Constantinople où le sultan lui commanda
plusieurs portraits, et se fixa ensuite à Berlin. Il devint en
1860 membre de l'Académie royale. Ses tableaux de genre
et d'histoire le rendirent très populaire ; ils sont d'ailleurs
bien composés, d'un dessin correct et d'un coloris agréable.
Signalons dans le nombre : I^ouis XIV et Mancini ;
Cromivell au milieu de ses partisans ; les Cavaliers
prisonniers devant Cromwell; Louis XIV au parlement
prononça?it le fameux « l'Etat c'est moi î »; trois pein-
tures dans la salle des Chevaliers de Saint-Jean à Sonnen-
bourg. G. P-i.
CRETOIS (Dialecte). Un des dialectes du groupe dorien,
connu par un assez grand nombre d'inscriptions, notam-
ment par des inscriptions écrites boustrophédon en carac-
tères archaïques. Les plus importantes sont deux inscrip-
tions de Gortyne; l'une fut publiée par M. Thenon en 1863,
et se trouve actuellement au Louvre ; l'autre, connue sous
le nom de loi de Gortyne^ découverte en 1884 par
MM, Halbherr et Fabricius, est un monument précieux
pour la connaissance de l'ancien droit grec. Un des prin-
cipaux caractères de ce dialecte est que les accusatifs plu-
riels des deux premières déclinaisons ont conservé les
formes primitives en vç (xov?, xàv; z=z toijç, tocç), étendues
par analogie aux accusatifs de la troisième déclinaison
(axaTyîpavç). M. B.
CRETON. Com. du dép. de l'Eure, arr. d'Evreux, can..
de Damville ; 287 hab.
CRETONNE. Etoffe de coton, à armure toile, tissée en
écru avec de gros fils de n^^ 8 à 20 pour la chaîne et 10
à 24 pour la trame. Blanchies après tissage, elles sont
employées en lingerie et pour la confection des chemises,
caleçons, etc. Imprimées suivant des couleurs et des dessins
variés, on en fait usage pour l'ameublement, rideaux, cou-
vertures ou housses de meubles, etc.
CRETTEVILLE. Com. du dép. de la Manche, arr. de
Coutances, cant. de La Haye-du-Puits ; 561 hab. Eghse du
CRETTEVILLE ^ CREUSE
— 342
XY® siècle avec un porche orné de sculptures. Restes d'une
ancienne commanderie de Malte transformée en ferme. Sur
le territoire de la commune on a mis au jour des vestiges
d'habitations romaines. Dolmen renversé au lieu dit le
Champ de la Pierre.
CRETZANU (Georges), poète roumain contemporain, né
en 4829, mort en 1887, ancien président de la cour de
cassation de Bucarest. Ses œuvres, réunies dans le volume
de Patrie et Liberté^ renferment des morceaux devenus
populaires. N. Jorgâ,
CREUË. Corn, du dép. de la Meuse, arr. de Commercy,
cant. de Vigneulles ; 543 hab.
CREUILLY (Comte de) (V. Colbebt).
CREULLY. Ch.-l. de cant. du dép. du Calvados, arr.
de Caen, sur une colline dominant la Seulle ; 777 hab.
Moulins ; fabriques de cierges, de chapeaux, de dentelles
et tulles ; serrurerie. Eglise de diverses époques, dont les
parties les plus anciennes, la nef, le chœur et les bas
côtés, sont romanes. La tour et les chapelles sont modernes.
Le château, construit par les seigneurs de CreuUy, appar-
tenait en 4108 à Robert de Kent, bâtard du roi Henri P^
d'Angleterre. Il fut, à diverses reprises, pris et repris par
les Français pendant la guerre de Cent ans et passa, au
commencement du xvi® siècle, dans la famille de Sillans. Il
fut acquis plus tard par le ministre Colbert et était encore
dans sa famille à la fin du xvin^ siècle. Dans l'état actuel,
il ne subsiste guère que des vestiges de la construction
primitive. Le donjon, qui en est la partie la plus ancienne,
a subi de nombreux remaniements destinés à le rendre
habitable au xv^ et au xvi® siècle. Les tours qui le flanquent
ne sont pas antérieures au xvi^ siècle. L'ensemble des
constructions présente un aspect très pittoresque. Creully
possède une halle hâtie par Antoine III de Sillans, mort
en 1641.
CRÉUS (Cap de). Cap au N.-E,de l'Espagne, à l'extré-
mité orientale des Pyrénées (V. ce mot), par 42^19^
lat. N., et 0^^9' long, E.; phare de 3« ordre; altitude
50 m.
CREUSE (Crosa), Rivière de France, affluent de droite
de la Vienne. La Creuse prend sa source dans le dép. de
la Creuse près de Féniers, au pied d'une montagne de
920 m. d'alt., dans le massif du mont Odouze. Elle se
dirige vers le N., infléchit à l'E. à Yillecrouseix , passe
au pied de la colline de Gioux, reprend la direction N.,
arrose Croze, Felletin, Aubusson, coule dans la direction
N.-N.-O., passe à Alleyrat,La Rochette, Saint-Martiai-le-
Mont, le Moutier d'Ahun, Busseau, où se trouve le beau via-
duc du chemin de fer de Montluçon à Saint-Sulpice-Laurière,
Glénic, Anzême, La Celle-Dunoise, Fresselines, Crozant,
entre dans le dép. de l'Indre après l'avoir séparé pendant
7 kil. du dép. de la Creuse et en coulant du S. au N.,
arrose Châteaubrun, Cuzion, Ceaulmont, Argenton, où elle
reprend la direction N.-O., Saint-Gaultier, où elle s'inflé-
chit fortement à l'C, Le Blanc, Tournon-Saint-Martin, entre
dans rindre-et-Loire et sépare bientôt ce département de la
Vienne, en arrosant La Roche-Posay, Lésigny, La Guerche,
La Haye-Descartes, jusqu'à son confluent avec la Vienne au
Bec-des-Eaux. Les principaux affluents de la Creuse sont, à
droite, la Roseillc, la Petite-Creuse, la Bouzanne, le Suin
et la Glaise ; à gauche, le Gourbillon,la Sédelle et la Gar-
tempe. Son cours est de 250 kil. ; on la regarde comme
flottable depuis son confluent avec la Petite-Creuse jusqu'au
port de l'Auvernière (132 kilom.), comme navigable depuis
î'Auvernière, c.-à-d. pendant 8 kil. (V. Creuse, Indre,
Indre-et-Loire [Dép.]).
CREUSE (La Petite-) (V. Creuse [Dép. de la]).
CREUSE. Situation, limites, superficie. — - Le
dép. de la Creuse tire son nom de la principale de ses
rivières, la Creuse, qui prend sa source sur son territoire,
et le divise en deux parties à peu près égales en le traver-
sant du S.-E. au N.-O, Il appartient à la région centrale
de la France. Il est compris entre 0^17'' de long. E. et
1« de long. 0., et entre le 45^40' et le 46° 27'' de lat. N.
Son chef-lieu, Guéret, est situé à 405 kil. au S. de Paris
par le chemin de fer et à 300 kil. seulement à vol d'oiseau.
Il a pour limites: au N.-E., le dép. du Cher; au N., celui
de l'Indre ; à FO., celui de la Haute-Vienne ; au S., celui
de la Corrèze; à FE., ceux du Puy-de-Dôme et de l'Allier,
La Creuse a peu de limites naturelles ; la plupart de ses
limites sont conventionnelles ; sur quelques points seule-
ment elles sont formées par le cours de quelques rivières,
le Cher, le Chavanon, le Taurion, la Creuse. La superficie
du département est de 556,830 hect. ; vingt-cinq dépar-
tements^ seulement sont plus petits. Le département a la
forme d'un ovale irrégulier ; sa plus grande longueur, prise
du N.-O. au S.-E., de la com. de Saint-Séhastien à celle
de Saint-Merd-la-Breuille, est de 110 kil. ; sa plus grande
largeur, prise du N.-E. au S.-O., est de 80 kfl. Son
pourtour est à peu près de 400 kil.
Relief du sol. — Le dép. de la Creuse est assez élevé
et accidenté. Le lit de la Creuse marque la direction géné-
rale du sol, du S.-E. au N.-O. ; la rivière quitte le dépar-
tement par une ait. de 175 m. au point le plus bas de
son territoire. Au N., se trouvent disposées en éventail
quatre chaînes principales de montagnes : l<^la chaîne de
hauteurs qui forme la ligne de partage des eaux entre le
bassin de l'Allier et celui du Cher ; elle se dirige vers le
N.-E. parles cant. de Crocq et d'Auzances; 2° la chaîne
qui s'élève sur la rive droite de la Creuse et se dirige vers
le N., à travers les cant. de Bellegarde, Chénérailles, Jar-
nages et Boussac ; elle projette à l'O. une ramification qui
embrasse le bassin de l'Indre ; 3^ la chaîne qui forme la
ligne de partage des eaux entre la Creuse, à droite, et les
bassins du Taurion et de la Gartempe, à gauche ; elle part
de Gentioux, se dirige vers le N.-O. en passant par les
cant. de Felletin, de Saint-Sulpice-les-Champs, d'Ahun, de
Guéret, de Saint- Vaury, du Grand-Bourg et de La Souter-
raine ; elle projette une ramification qui part du cant.
d'Ahun et traverse les cant. de Pontarion et de Bénévent
en séparant les bassins du Taurion et de la Gartempe ; 4° la
chaîne de hauteurs qui, vers l'O., sépare les bassins du
Taurion et de la Vienne.
Ces diverses chaînes se relient à un centre commun d'où
partent encore deux chaînes : l'une qui relie les monts de
la Marche aux montagnes de l'Auvergne et sépare, en pas-
sant par le cant. de Crocq, les eaux qui descendent vers la
Dordogne de celles qui vont se jeter dans l'AOier ; l'autre
se dirige vers le S., traversant les cant. de Gentioux et de
La Courtine et sépare les bassins de la Vienne et de la
Dordogne. Cette chaîne appuie tout le système orographique
du département sur les hautes montagnes qui forment le
plateau de Mille vaches, ramification occidentale des mon-
tagnes de l'Auvergne, qui s'étend sur les dép. de la Cor-
rèze et de la Haute-Vienne sous le nom de montagnes du
Limousin, et envoie quelques ramifications au N. sur la
Creuse.
Parmi ces diverses lignes de hauteurs, la plus élevée est
celle qui, entrée dans le département près de Crocq, forme
la ligne de faîte entre les bassins de la Loire et de la Dor-
dogne. On trouve entre les sources de la Tardes et celles
du Chavanon des sommets qui varient de 800 à 830 m.,
puis entre le Chavanon et la Diège une élévation à peu près
constante de 800 à 900 m. : les' principales hauteurs sont
Malieret (835 m.), le puy Chevrol (876 m.), le signal de
la Fagitière (895 m.), la montagne du Mas d'Artiges
(895 m.), le plateau de Feniers (920 m.), ce dernier situé
au-dessus de la source de la Creuse. C'est sur les hauteurs
qui séparent le cours du Cher de celui de la Creuse que se
trouve le point culminant du département (931 m.), dans
la forêt de Châteauvert, au S.-E. de la com. de Saint-
Oradoux-de-Chirouze, près de la limite du département avec
celui de la Corrèze. La chaîne qui passe par les cant.
d'Auzances et de Crocq possède quelques sommets assez
élevés, le signal des Farges (799 m.) et le signal de Las-
cDurt-Faucher (792 m.) : une ramification de cette chaîne
qui sépare le Cher de la Tardes a pour point le plus élevé
- 348
CREUSE
Sermur (724 m.) et se termine par des hauteurs de 451 m.
qui dominent la Tardes, Les hauteurs qui s'élèvent entre
la Creuse et la Tardes atteignent à peu près 600 m. près
de Crocq, puis s'abaissent jusqu'à 300 m. à l'embouchure
de la Petite-Creuse près de Fresselines; elles se relèvent
ensuite non loin de Toulx-Sainte-Croix avec trois sommets
qui ont de 600 à 650 m. La chaîne où Ton trouve les pla-
teaux de Genlioux et de Royère est plus élevée : elle ne
s'abaisse guère au-dessous de 700 m. (dans les environs de
Bourganeut) et possède des sommets assez élevés, le signal
de Groscher (906 m.), le Puy de Coudreau (874m.), le
puy de la Brause (859 m.). De ces montagnes se détache,
près de Pigerolles, une chaîne qui longe la Creuse de plus
ou moins près et possède des sommets assez élevés. Citons
le puy d'Hyverneresse (854 m.), au N. de Gioux, le mont
de Peyrabont (687 m.) qui domine la source de la Gartempe,
le puy Gaudy (651 m.), le Maupuy (686 m.), le mont des
Trois Cornes (636 m.) au delà de Guéret. Au S. des
sources de la Gartempe prend naissance une petite rami-
fication qui se dirige vers PO. entre la Gartempe et le
Taurion et atteint des hauteurs de près de 700 m. au S.
de La Chapelle-Taillefer et au puy Montjuvis (697 m.).
La plupart du temps l'arête culminante de ces montagnes
est formée de plateaux et de collines arrondies d'une faible
hauteur relative, qui ne laisse pas voir que Ton est à plus
de 900 m. au-dessus du niveau de la mer. Ces plateaux
sont mornes et stériles; on y voit d'innombrables ruisseaux
qui grondent dans leur lit de graviers et des terrains incultes;
vers le S. on trouve des landes immenses couvertes de
bruyères, d'ajoncs, de genêts, de pins, comme les plateaux ;
les forêts sont rares : celles de Châteauvert et de Magnat
méritent cependant d'être citées. Vers le N., les nom-
breuses chaînes qui viennent s'appuyer au massif méridional
du département s'abaissent et descendent environ à 200m.
dans les arr. de Guéret et de Boussac. Séparées par des
vallées profondes, elles laissent rarement entre elles la place
à des plaines un peu étendues : aussi les vallons étroits ne
produisent-ils guère de céréales, et les cultures sont-elles
beaucoup moins productives que dans les départements voi-
sins. Les parties les plus fertiles du département sont celles
qui, ^dans sa partie septentrionale, avoisinent l'Indre, et dans
sa partie occidentale touchent la Haute-Vienne, l^'aspect géné-
ral est assez sauvage ; mais les vallées étroites et sinueuses
forment souvent de véritables nids de verdure. Les pre-
mières pentes sont plantées en arbres fruitiers, puis vien-
nent les châtaigniers qui s'espacent et sont dominés par
des terrains arides et incultes où poussent quelques arbustes
misérables et des lichens ; enfin les roches nues, schisteuses
et granitiçïues, apparaissent.
Les principales vallées du département sont celles de la
Creuse, du Taurion, de la Gartempe, de la Petite-Creuse et
de la Tardes. La vallée de la Creuse commence par une
gorge pittoj'esque où elle coule sous des falaises granitiques
qui la dominent de 200 à 400 m. : celles-ci atteignent
leur plus grande hauteur au-dessus de Felletin ; près d'Au-
busson elles n'ont plus que 200 m. La vallée s'élargit
ensuite et montre de belles prairies ; tandis que la vallée
du Taurion est étroite et rocheuse, celle de la Gartempe est
large et fertile. Les vallées de la Petite-Creuse et de la
Tardes sont bordées de rocs granitiques et forment des
gorges pittoresques : celles de la Tardes, entre Ghambon et
le Cher, sont célèbres.
Géologie. — Le dép. de la Creuse appartient entièrement
à la partie occidentale du massif central, c.-à-d. à ce pla-
teau du Limousin qui constitue la région la plus granitique
de France. La Creuse est recouverte presque en totalité
par les granités et les micaschistes. Outre les granités, on
y trouve en maints endroits des roches éruptives acides
(granulites, microgranulites, porphyres pétrosiliceux, etc.)
et même intermédiaires (orthophyres) et basiques (diorites
et diabases). Quant aux terrains sédimentaires, ils ne sont
représentés que par quelques lambeaux de houille et
d'éocène.
Terbains cristallins, — La zone des terrains cristallins
qui occupe la plus vaste étendue dans le dép. de la Creuse
est celle des micaschistes.
La zone des gneiss et des leptynites, en effet, n'est
guère représentée que sur les lisières 0., N. et N.-E. du
département. Au voisinage de Bourganeuf, les gneiss for-
ment la pointe septentrionale extrême du vaste massif gneis-
siquedu N.-N.-O. au S.-S.-E., qui passe par Tulle et constitue
l'axe géologique du dép. de la Corrèze (V. ce mot). Ce
gneiss affecte souvent l'aspect granitoïde. Il existe encore,
auN. du département, un massif gneissique important, orienté
de rO. à l'E. et dont par conséquent la direction est absolu-
ment différente de celle du massif précédent. Ce massif est
situé au N. de la Souterraine et au S. de Dun ; on le voit
disparaître au S. de Bonnat où les micaschistes s'adossent
directement aux granités ; mais il reparaît en conservant sa
direction générale à Chatelus pour passer par Boussac et se
prolonger dans le dép. de l'AlHer. Enfin, plus au S., un
troisième massif gneissique, dirigé parallèlement au précé-
dent, passe un peu au N. de Chambon et se prolonge dans
l'AlHer et le "Puy-de-Dôme, Les pyroxénites^ amphibolites
et serpentines se montrent en divers points, au N. du
département notamment, entre Chatelus et Boussac.
La zone des schistes chloriteux et des micaschistes est,
après les roches granitiques, celle qui occupe la plus vaste
partie du département. Ces micaschistes sont feuilletés et
presque toujours riches en mica. Bien que recouverts par les
granités sur la majeure partie de la Creuse, ils occupent encore
toute la région N. du département où ils Forment une vaste
bande s'appuyant sur les gneiss suivant une ligne orientée de
rO. à l'E. et qui passe au S. de Dun, Bonnat, Chatelus, etc.
Outre cette grande bande septentrionale, ils couvrent encore
encore une grande portion du centre et du sud-est du dépar-
tement et forment une bande dirigée de l'O. à l'E., puis
du N. au S. et sur laquelle se trouvent Saint-Sulpice,
Aubusson, Felletin, La Courtine. On les trouve encore en
quelques points en massifs isolés au milieu des granités.
Terrains sédimentaires. — Carbonifère supérieur» Il
existe divers gisements de houille aux environs de Bourga-
neuf et d'Aubusson ; mais le seul bassin présentant quelque
importance est celui d'Ahun. Sa longueur est de 13 kil.
sur 2 à 3 kil. de largeur. Il a une forme eOiptique et l'on y
a reconnu les affleurements de sept couches concentriques
disposées en fond de bateau et de O^^oO à 4 m. de puissance.
La lisière nord a été comprimée par les soulèvements pos-
térieurs, en sorte que les couches y sont redressées et que
l'axe central est porté du côté du redressement. L'ensemble
du bassin est coupé par des failles transversales qui ont
divisé le faisceau des couches en huit fragments. La plus
importante de ces failles a déterminé un rejet de 500 m.
qui ramène à la surface les poudingues inférieurs. L'allure
des couches dans les divers champs d'exploitation déter-
minés par les failles est très régulière.
Eocène, On trouve en quelques pomts, notamment à
l'E. de Dun, au N. de Chatelus, au S.-O. de Boussac, à
l'O. de Chambon, des lambeaux de médiocre étendue appar-
tenant à Véocène.
Roches éruptives. — Les granités recouvrent le centre
et le sud-est de la Creuse où ils forment de puissants
massifs. On y distingue le granité ordinaire ou à grains
fins qui constitue toute la région des environs de Guéret et
donne de bons pavés, et le granité porphyroïde remar-
quable par l'abondance et la grandeur des cristaux d'or-
those. Tandis que le granité est intimement lié aux gneiss
et aux micaschistes dont il partage généralement les carac-
tères orographiques, la granulite^ ou granité à mica blanc,
forme des chaînes de dômes arrondis qui s'élèvent nota-
blement au-dessus des terrains environnants. Cette granulite
est antérieure aux couches carbonifères qui en contiennent
souvent des galets ; elle paraît avoir tait éruption à l'époque
dévonienne. Elle est moins compacte que le granité et se
résout facilement en une arène où l'on voit briller au soleil
des paillettes de mica argentées et des cristaux de quartz
CREUSE
bipyramidé. Les veines de pegmatite y sont fréquentes ;
plusieurs gîtes stannitères y sont liés. On a remis en exploi-
tation, il y aune vingtaine d'années, les minerais d'étain de
Montebras et l'on y a reconnu que l'oxyde d'étain en veines,
nœuds et cristaux disséminés se trouvent au voisinage d'un
elvan pétrosiliceux qui représente une variété compacte
et porphyrique de granulite ; ces gîtes stannifères sont
d'ailleurs assez pauvres.
Les rnicrogranulites ou porphyres quartzifères appa-
raissent à l'E. de la Creuse, au voisinage de Bellegarde et
d'Auzances, en filons orientés du N.-N.-E. au S.-S.-O. Leur
sortie correspond à la lacune qui sépare la formation des
couches anthracifères de celles des bassins houillers.
Elles ont été recoupées à l'époque du houiller supérieur
par les porphyres pétrosiliceux que l'on rencontre à l'O.,
près de Bourganeuf, à l'E., près de Brocq, et qui forment
des coulées à structure fluidale bien marquée. On place à
l'époque du culm les émissions à'orthophyres ou de por-
phyrites que l'on rencontre en divers points du centre du
département, à Chambon, auN.-O. de Jarnages, à mi-chemin
entre Jarnages et Guéret, etc.
Enfin l'on trouve sur la lisière occidentale de la Creuse,
près de Bourganeuf, un petit massif de diorites et de dia-
bases, roches éruptives basiques, antérieures au permien.
Régime des eaux. — Les eaux du département
appartiennent au bassin de la Loire, sauf pour une très
petite partie au S., qui est située dans le bassin de la
Dordogne et ne comprend que dix communes. La pente
générale est du S.-E. au N.-O. ; le territoire de la Creuse
est arrosé par un grand nombre de cours d'eau peu
considérables, qui tous y ont leur source.
Bassin de là Loire. — Les eaux du département
viennent se joindre à la Loire par le Cher, l'Allier (qui
recueille indirectement les eaux du département, dont il
passe à environ 60 kil. à vol d'oiseau), l'Indre et la Vienne.
— Le Cher naît dans le dép. de la Creuse, au hameau du
Cher, dans le cant. de Crocq; il se dirige vers le N.-N.-
E., passe à Chard, à l'E. d'Auzances, sépare la Creuse du
Puy-de-Dôme et de l'AHier pendant environ 20 kil.,
arrose dans ce trajet Chambouchard, puis^ entre dans le
dép. de l'Allier; il va se jeter dans la Loire après un
cours de 320 kil. : malgré l'étendue de son bassin, le
Cher roule peu d'eau. Un certain nombre d'aftluents du
Cher baignent le dép. de la Creuse auquel ils appar-
tiennent en totalité ou en partie. Ce sont : sur la rive
gauche, le ruisseau de l'Etang-Neuf qui passe à Auzances ;
sur la rive droite, la Pampeluze, qui naît dans le Puy-
de-Dôme et sert de limite au dép. de la Creuse pendant
9 kil. environ, et la Tardes : cette rivière naît à quelques
kilomètres de Basville, dans le cant. de Crocq, passe
près de Crocq, de Saint-Avit, se grossit du Rondeau
(lequel sort de trois étants au S.-O. de Sermen), baigne
la vallée de Bellegarde, ville qu'elle laisse à 3 kil., puis
les villes de Tardes, Chambon, oîi elle reçoit la Méouse et
la Vouise (cette dernière grossie des ruisseaux de l'étang
de Lepis et de l'étang de Pinaud, entre Saint-Julien-le-
Châtel et Gouzon, du ruisseau de Gouzougnat, de la Ver-
neigette et du ruisseau du vaste étang des Landes, se
jette dans la Tardes sur la rive gauche, après un cours de
50 kil.) . La Tardes reçoit encore le Charcot (rive droite) et
achève son cours de 62 kil. dans de belles gorges sinueuses
d'où elle débouche dans le Cher sur la limite du départe-
ment. — L'Allier recueille indirectement une partie des
eaux du cant. de Crocq par la Saunade et le ruisseau de
Condat, affluents de gauche du Sioulet qui se jette dans la
Sioule, tributaire de l'AHier. La Saunade sur 22 kil. de
cours n'en a que 9 dans le département : elle naît à l'E.
de Mérinchal, traverse deux étangs et sort de la Creuse à
l'Azereux pour entrer dans le Puy-de-Dôme. Le ruisseau
de Condat sur 46 kil. de cours en a 5 dans le département;
il prend sa source près de La Mazière-aux-Bons-Hommes et
entre dans le dép. du Puy-de-Dôme. L'Indre reçoit les
eaux d'une seule commune de la Creuse, celle de Bus-
sière-Saint-Georges, par son petit affluent, le ruisseau des
Pattes, qui y naît. — La Vienne limite le dép. de la
Creuse au S. sur un espace de 2 kil. Elle reçoit les eaux
du département par plusieurs de ses affluents, la Chan-
douille, la Maulde, le Taurion et la Creuse. La Chan-
douille a 13 kil. de long, dont 6 dans le dép. et 4
sur sa limite ; elle naît k l'E. de Gentioux, traverse
l'étang de Chandouille et entre dans la Corrèze où elle se
jette sur la rive droite de la Vienne. La Maulde a 70 kil.
de long dont 31 dans le département. Elle prend sa
source au pied du puy de Coudreau, près de Gentioux,
sort du département, mais y rentre presque aussitôt ; elle
baigne ensuite Saint-Martin-Château et forme une cascade
célèbre, celle des Jarreaux : elle sert de limite pendant
2 kil. entre la Haute-Vienne et la Creuse; son cours est
très sinueux et a une largeur moyenne de 24. m. Le Tau-
rion sur 96 kil. de long en a 83 dans la Creuse. Il prend
sa source à Paillier, au pied de la Brause, dans le cant.
de Gentioux ; il passe à Villemoneix, puis au N.-E. de
Monteil-au-Vicomte, se grossit, sur la rive droite, de la
Villeneuve (qui passe à Nouaille, VaUières et Banise), du
ruisseau de Vidaillat sur la rive gauche, baigne Pontarion,
Bosmoreau, reçoit la Gane-Molle au N. de Bourganeuf
Le Taurion coule plus loin le long des bois de Mérignat,
de Faye-Froide, reçoit la Leyrenne, baigne Chatelus-le-
Marcheix et sert de limite au département sur un parcours
de 10 kil. où il reçoit la Vigie et la Babilance sur la rive
gauche, et entre dans le dép. de la Haute-Vienne : il
roule une assez grande quantité d'eau et a 45 m. de lar-
geur moyenne, 60 centim. de profondeur. La Creuse, le
plus long affluent de la Vienne, a 121 kil. dans le dép. de
la Creuse, sur 250 kil. qu'il parcourt. Elle naît au S.-E.
de Féniers, dans le massif des montagnes qui sépare le
dép. de la Creuse de celui de la Corrèze. Elle baigne
Féniers, Villecrouseix , le pied de la colline de Gioux,
remonte au N., passe à Croze, à Aubusson; après cette
ville elle s'engage dans des défilés boisés fort pittoresques
où elle serpente le long du chemin de fer, passe à Alley-
rat et La Rochette, et après sa sortie du bassin houiller
d'Ahun entre dans une petite et jolie vallée. La Creuse
passe ensuite sous le viaduc du chemin de fer de Mont-
îuçon à Limoges, à 6 kil. à l'E. de Guéret, baigne Celle-
Dunoise, Fresselines, le pied des belles coUines de Crozant
sur la limite du département qu'elle borne pendant 7 kil.
environ : elle passe enfin dans le dép. de l'Indre. La
Creuse est fort large (96 m. dans la partie inférieure de
son cours) et ses crues varient de 4 à 9 m., selon l'étroi-
tesse de son lit; son cours est cependant peu abondant
et elle serait presque desséchée en été si les retenues
d'usines et les barrages naturels de gros cailloux et de
sable aggloméré (ou jards) ne conservaient pas ses eaux.
Elle n'est navigable que sur un très petit espace (8 kil.
environ avant de se jeter dans la Vienne). La Creuse
reçoit un certain nombre d'affluents qui ont une partie
de leur cours ou sa totahté dans le département. Ce
sont le ruisseau de Pigerolles, le ruisseau de Clairavaux,
la rivière de Poussanges , le Gourbillon , la Rozeille , le
ruisseau d'Epie, la Petite-Creuse, la Sedelle et la Gar-
tempe. Le ruisseau de Pigerolles, formé par les trois fon-
taines de Fonfrède, Sagnoles et Foncontiade, passe à
Pigerolles et se jette sur la rive gauche de la Creuse à
Villecrouseix, après 8 kil. de cours. Le ruisseau de Claira-
vaux naît à l'O. du Mas d'Artigues, passe à Clairavaux et
se jette sur la rive droite de la Creuse après un cours de
10 kil., près de Croze. La rivière de Poussanges sort de la
fontaine du Bournardeix et se jette sur la rive droite en
amont de Felletin après un cours de 1 1 kil. Le Gourbillon
a sa source près de celle du Taurion et son embouchure
presque en face de celle de la rivière de Poussanges ; il a
1 4 kil. de long. La Rozeille a sa source au pied du puy
de la Fagitière, baigne la forêt et la com. de Magnat,
Pont-Charaud, Saint"Feyre-la-Montagne et se jette après
un cours de 30 kil. sur la rive droite de la Creusç à 3 kiL
(k'aiide Encyclopédie _ TomeXIII
CREUSE
{ P ) jPrêfectu:r'& (S. R) Sotùp-J^^é/eclicre
Gr'œoé' où ^Irrao. T?ar' £/r7uir'(^-7SS2
SoEiloni.
H.LAMIRAULT et 0-r Editeurs
— 345
CREUSE
au-dessus d'Aubusson. Le ruisseau d'Epie vient de Chéné-
railles et après un cours de 12 kil. se jette à droite dans
la Creuse après le Moutier-d'Ahun. La Petite-Creuse a
65 kil. de long : elle naît à la Bussière, au pied du puy
Chevrier, traverse les profondes gorges de Boussac, après
avoir croisé le chemin de for de Limoges à Montluçon,
baigne Malleret, Genouillat, Mal val, Chéniers, et se jette
sur la rive droite de la Creuse à Fresselines. Elle reçoit
sur la rive droite le ruisseau de Leyrat qui sépare le dép.
de la Creuse de celui de l'Allier, le Béroux qui se jette à
Boussac, et le Verraux qui, sorti de l'Etang-Neuf, traverse
l'étang de Parsac et se jette à 3 kil. de Malleret dans la
Petite-Creuse. La Sedelle, affluent de la rive gauche de la
Crense, naît dans les collines de Saint-Priest-la-Feuille,
■passe à La Souterraine et Saint-Aignant-de-Versillac; il
recueille le déversoir de l'étang de Noth, la Brézentine, et
se jette après 36 kil. de cours dans la Creuse au pied du
château de Crozant. La Gartempe, sur 170 kil. de déve-
loppement, en a 52 dans le département et se jette sur la
rive gauche de la Creuse. Elle naît à Lépinas, dans le
cant. d'Ahun, passe à Saint-Christophe, La Chapelle-
Taillefer, sous le chemin de fer de Limoges à Montluçon,
au pied du château de Montaigut, à Gartempe, à Saint-
Pierre, à Saint-Etienne-de-Fursac ; à 2 kil. de cette ville
elle entre dans le dép. de la Haute- Vienne où sa largeur
moyenne atteint 48 m. et sa profondeur 80 cent, envi-
ron. Dans le dép. de la Creuse, la Gartempe reçoit, sur la
rive droite, le ruisseau des étangs de Saint- Vaury ; sur la
rive gauche, le Péroux, né au S.-E. de Grand-Bourg, qui,
après avoir traversé l'étang du Grand-Minat, se jette à
Saint-Etienne-de-Fursac ; et l'Ardour, dont 20 kil. sur
28 sont dans le département, qui, sorti de l'étang de Mont-
boucher, passe à Mouriaux et Marsac, puis entre dans la
Haute-Vienne. La Gartempe reçoit encore les eaux de la
partie occidentale du cant. de la Souterraine par la
Benaize et ses affluents, la Chaume (écoulement de l'étang
de la Chaume) et la Planche ; enfin par la Brame et la
Somme qui, venue de Saint-Priest-la-Feuille, traverse
l'étang qui porte son nom, passe sous le chemin de fer
de Limoges à Châteauroux et entre dans la Haute-
Vienne.
Bassin de la. Dordogne. — Les eaux du dép. de la
Creuse gagnent la Dordogne par deux de ses affluents :
le Chavanon etlaDiège, dont le cours supérieur appartient
au département. Le Chavanon naît dans le cant. de Crocq,
près de Monteil-le-Guillaume : il traverse l'étang de la
Ramade, sert de limite entre la Creuse et le Puy-de-Dôme,
et sort du département dans lequel il n'a que 9 kil. sur
les 52 de son cours total. La Diège appartient encore moins
que le Chavanon au dép. de la Creuse : il n'a que 2 kil. sur
son territoire (sur les 50 de son cours) ; il naît près de
Féniers et hors du département se grossit de la Courtine
dont 9 kil. appartiennent à la Creuse.
On trouve dans la Creuse un grand nombre d'étangs et
de retenues d'eau qui servent à l'irrigation des prairies.
Les principaux étangs sont ceux de la Ramade, de Mont-
boucher, de la Chapelle-Saint-Martial, de Saint-Vaulry,
de Noth, de Pinaud, de Malleret, des Landes, de Fragnes.
Il n'y a pas de canal dans le département, mais on a
conçu à plusieurs reprises le projet de faire communiquer
la Dordogne avec la Loire au moyen du Chavanon, de la
Tardes, du Cher et du canal du Berry.
Climat. — Le département appartient au climat
girondin. Il se trouve situé dans la zone tempérée, mais
l'élévation du sol, surtout au S., rend le climat assez
rigoureux ; il est sujet à de brusques et fréquents change-
ments de température. L'air est vif et pur, la température
généralement froide et humide, à cause de l'imperméabilité
du sol qui empêche la pluie d'être absorbée rapidement.
Le ciel est souvent chargé de nuages et obscurci de brouil-
lard ; les rosées sont abondantes même pendant l'été ; les
pluies et les orages sont fréquents. La moyenne annuelle
des jours déneige est de 15, celle des orages de 20, celle
des jours de pluie de 90 ; on compte environ 246 jours
sans pluie. L'eau tombée dans l'année sur le sol varie dans
une proportion considérable, si l'on se déplace du S. au
N., c.-à-d. des points élevés du département à ceux qui
sont plus bas : elle représente environ i m. à Gentioux et
Bourganeuf, 80 centim. à Aubusson, Guéret ou Boussac,
et 60 centim. à Evaux ou Chambon, dans le bassin du
Cher ; la moyenne générale est de 0'^80. Les vents do-
minants sont ceux du S.-O., du N.-E. et de l'O. On calcule
que le vent du S,-0. souffle en moyenne 92 jours par an;
celui du N.-E., 63 ; celui de l'O., 56 ; après ces vents, on
compte le vent du N. pour 38 jours; le vent du N.-O., 33 ;
celui du S., 31 ; celui de l'E., 28; et enfin celui du S.-E.
pour 13. Le vent du S. souffle avec impétuosité principale-
ment au moment des solstices ; le vent d'E. amène le
beau temps ; les vents d'O.et du N. accompagnent la pluie.
Les saisons sont fort inégales dans la Creuse : l'hiver est
précoce, long et assez rigoureux (pourtant la moyenne de
la température est de 10^,13, c.-à-d. à peu près celle de
Paris) ; le printemps est tardif; l'été assez court ; l'automne,
comme en général pour la France, est la plus agréable et
la plus belle saison de l'année.
Flore et faune naturelles. — Il n'y a pas beau-
coup de forêts importantes dans la Creuse : les essences
qui y dominent sont le chêne, le hêtre, l'orme, le peuplier, le
bouleau, l'aune, le châtaignier, le merisier. On y recueille en
quantité, dans les bois, des aprics, des lichens, des champi-
gnons comestibles. Les principales forêts sont celles de Châ-
teauvert, au S. de Saint-Oradoux-de-Chirouze, de Magnat, de
Mérignat ; cette dernière comprend les bois de Faye-Froide
et du Grès ; les forêts de Blessac, non loin d'Alleyrat, et
de Fayant, près de Verneiges ; enfin les bois de Châtres,
près d'Aubusso;}.
Le département abonde en animaux de tout genre ; la
faune sauvage est très variée ; on y trouve du gros gibier,
des sangliers, des loups, des renards, des lièvres. Les
rivières et les étangs sont très poissonneux et renferment
la plupart des espèces pêchées en France ; on y trouve en
particulier des lamproies, des saumons, des barbeaux et
des anguilles; dans le Taurion, on pêche une petite truite
fort délicate et appréciée, appelée ombre ; dans les étangs
voisins de La Souterraine, on trouve des sangsues que l'on
expédie à Paris.
Histoire depuis 1789. — Le dép. de la Creuse a été
formé en 1790 de la plus grande partie de l'ancienne prov.
de la Marche (317,140 hect.) et d'une faible partie du
Limousin (80,000 hect.), du Bourbonnais (57,206 hect.),
du Poitou (38,888 hect.) et du Berry (25,000 hect.). La
Marche, exemptée de l'impôt du sel avant la Révolution,
était infestée de faux sauniers qui faisaient entrer en
contrebande de grandes quantités de sel dans le Berry et le
Bourbonnais ; après 1789, l'abolition des douanes inté-
rieures fit disparaître ces contrebandiers Les réformes
introduites par la Révolution furent fort bien accueillies par
les habitants de la Creuse qui eurent peu à souffrir des
désordres de la politique et des violences de la Terreur. Le
département fournit sa part de volontaires contre les en-
nemis de laRépublique. Depuis cette époque, la tranquillité
du pays n'a pas été troublée : la situation de la Creuse,
son éloignementdes frontières l'ont préservée des invasions
dont la France a eu à souffrir pendant le premier et le
second Empire.
Divisions administratives actuelles. — Arron-
dissements. — Le dép. de la Creuse se compose aujour-
d'hui de quatre arrondissements : Aubusson, Bourganeuf,
Boussac, Guéret (chef-lieu). Voici leurs superficies respec-
tives : Aubusson, 203,903 hect.; Bourganeuf, 91,029
hect.; Boussac, 98,037 hect.; Guéret, 166,697 hect.
Cantons. — Les quatre arrondissements de la Creuse
sont divisés en vingt-cinq cantons dont six pour l'arr.
d'Aubusson, 4 pour l'arr. de Bourganeuf, 4 pour celui de
Boussac, et 7 pour celui de Guéret. La liste de ces can-
tons est la suivante : Arr. d/Aiihusson ; Aubusson, Au-
CREUSE
^ 346 —
zances, Chénérailles, La Courtine, Crocq, Evaux, Felletin,
Gentioux, Saint-Sulpice-les-Champs. — Jrr. de Bourga-
neuf : Bénévetit-l'Abbaye, Bourganeuf,Pontarion, Royère.
— Arr» de Boussac : Boussac, Chambon, Châtelus-Mal-
valeix, Jarnages. — Arr, de Giiéret : Ahun, Bonnat,
Dun, Grand-Bourg, Guéret, Saint-Vaury, la Souterraine.
Justice, Police. — - Le dép. de la Creuse ressortit à la
cour d'appel de Limoges. La ville de Guéret est le siège de
la cour d'assises. Il y a quatre tribunaux de première ins-
tance situés à Guéret, Aubusson, Bourganeuf et Chambon,
qui font en même temps l'office de tribunaux de commerce.
Le nombre des justices de paix est de vingt-cinq, une à
chaque chef-lieu de canton. Le nombre d'agents chargés de
constater les délits était au recensement de 1887 de :
gendarmes, 482; commissaires de police, 6; agents de
police, 6 ; gardes champêtres, 40 ; gardes particuliers
assermentés,' 246; gardes forestiers, 27; pohce de la
pêche, 38,
Finances. — Pour les contributions indirectes, il y a
un directeur, un inspecteur et un principal, tous trois à
Guéret.
Le service des contributions directes comporte un
directeur et un inspecteur. Il y a un trésorier-payeur
général à Guéret, faisant fonction de receveur particulier,
trois receveurs particuliers et un percepteur dans chaque
chef-lieu d'arrondissement. L'enregistrement, les do-
maines et le timbre ont un directeur, un inspecteur à
Guéret, trois sous-inspecteurs n'ayant pas de résidence fixe,
et quatre conservateurs des hypothèques.
Instruction publique. — Le département relève de l'aca-
démie de Clermont. Il y a un lycée à Guéret et un collège
à Aubusson, trois établissements hbres pour l'enseignement
secondaire (un laïque et deux ecclésiastiques). Il y a une
école normale d'instituteurs à Guéret et un cours normal
d'institutrices dans la même ville.
Cultes. — Le culte catholique a un évêché à Limoges,
suffragant de la métropole de Bourges. Le diocèse possède
2 cures de première classe, 68 de seconde classe, 403 suc-
cursales et 87 vicariats. Le culte réformé ne compte
qu'une centaine d'adhérents environ qui relèvent du con-
sistoire de Saint-Etienne (Loire).
Armée et divers. — Le dép. de la Creuse ressortit aux
4^^, 2^ et 3® subdivisions de la 42® région militaire; il
fait partie du 42® corps d'armée et de la 42® région de
l'armée territoriale dont l'état-major est à Limoges. Il
appartient à la 42® légion de gendarmerie (Limoges), à la
45® inspection des ponts etchaussées, à la 20® conservation
des forêts (Bourges), à l'arrondissement minéralogique de
Poitiers (division du Centre), à la 9® région agricole (Sud
central).
Démographie. — Mouvement de la population. Le
recensement de 4886 a constaté dans le dép. de la Creuse
une population totale de 284,942 hab. Voici depuis le
commencement du siècle les chiffres donnés par les recen-
sements précédents :
4804 248.044
4806 226.283
4821 248.785
4826 252.932
4834 265.384
4836 276.234
4844 278.029
4846 285.680
4854 287.075
4856 278.889
4864 270.055
4866 274.057
4872 274.663
4876 278.423
4884 278.782
Si l'on compare les dénombrements de 4804 et de 4886
de façon à voir la variation de la population au cours de
ce siècle, on constate que l'augmentation est de 66,904 hab.
La superficie du département étant de 556,830 hect., la
densité de la population qui était en 4804 de 39,3 était en
4886 de 54,3; l'augmentation du nombre des habitants
parkil. q. était donc de 12,0. Sous le rapport de la popu-
lation spécifique, la Creuse est le soixante-quatrième dépar-
tement de France.]
La population de la Creuse a augmenté d'une façon con-
tinue depuis 4804 jusqu'en 4854 où elle atteignait 287,075,
chiffre qu'elle n'a pu atteindre depuis. A partir de 1851,
la population tombe rapidement jusqu'en 1861, époque à
partir de laquelle elle se relève un peu. La guerre de 1871
ralentit le mouvement, mais sans l'arrêter tout à fait :
la population reste à peu près stationnaire et le recense-
ment de 1872 ne marque qu'une augmentation de quelques
centaines d'âmes. De 1876 à 1881, l'augmentation est de
nouveau suspendue, mais après cette époque elle reprend
et le dernier recensement marque sur le précédent une
augmentation de 6,160 hab.; l'accroissement de 1872 à
1886 n'avait été que de 10,279 hab. La période du siècle
où l'augmentation de la population a été le plus sensible
de beaucoup est celle comprise entre les recensements de
1806 à 1821 : d'un dénombrement à l'autre il y a accrois-
sement de près de 22,500 hab. La période où la diminu-
tion due surtout à l'émigration a été la plus rapide est celle
comprise entre 1851 et 1861 : le nombre des habitants a
diminué de 17,020.
Si l'on examine la période quinquennale qui sépare les
deux derniers dénombrements au point de vue de la varia-
tion par nature de population, on constate que la popula-
tion, au 31 déc. 1881, se divisait ainsi: urbaine, 28,764
hab.; rurale, 250,018 hab.; totale, 278,782 hab., et en
1886 : urbaine, 29,400 hab.; rurale, 255,542 hab.;
totale, 284,942 hab. Ainsi, tandis que la population ur-
baine augmentait de 636 hab., la population rurale s'ac-
croissait de 5,524 hab. De 1881 à 1886, les deux catégo-
ries de population ont augmenté simultanément. La Creuse
est un des vingt départements de France qui se sont trouvés
dans ce cas dans l'intervalle des deux derniers dénombre-
ments. L'augmentation beaucoup plus sensible de la popu-
lation rurale par rapport à la population urbaine est un
fait relativement exceptionnel, puisque, en général, le
mouvement de la population tend plutôt à se porter sur les
villes que sur les campagnes.
La population des chefs-lieux d'arrondissement se dé-
compose ainsi :
POPULATION
Aubusson
Bourganeuf
Boussac
Guéret
Totale
6.723
118
403
6.202
349
3.902
30
938
'2.934
181
1.327
))
))
1.327
872
7.065
1.084
952
5.029
276
Comptée à part
Eparse
Agglomérée
Densité par k. q
La Creuse est au nombre des départements dont la po-
pulation municipale agglomérée comptée nominativement
(76,092 habitants) est inférieure à la population éparse
(206,858 hab.). Le département compte parmi ceux, très
nombreux en France, où la population rurale (255,542 hab.)
l'emporte sur la population urbaine (29,400 hab.). La
population urbaine représente donc la neuvième à la dixième
partie de la population totale. Il faut remarquer en outre
que Guéret est un des chefs-lieux qui absorbent le moins
de la population du département (3,0 °/o) et Boussac un
des chefs-lieux d'arrondissement qui prennent la part la
plus faible de la population totale de l'arrondissement
(3,0 «/o).
De 1866 à 1886, le dép. de la Creuse a gagné 10,885
hab.; cette augmentation a porté respectivement sur chacun
des arrondissements; celui qui a le moins gagné est l'arr.
d'Aubusson (278 hab.). Cela tient à ce que les autres
arrondissements ont augmenté presque d'une manière uni-
forme tandis que celui d'Aubusson a diminué environ de
— 347 -
CREUSE
â,000 hab. de 4876 à 1881. Le rapport de la population
du chef-lieu à celle de Tarrondissement était, en 1886, de
6,7 °/o pour Aubusson, de 9,0 o/o pour Bourganeuf, de
3,0 °/o pour Boussac et de 7,«0 *^/o pour Guéret.
Voici les chiffres de la population par arrondissements
d'après les cinq derniers dénombrements :
ARRONDISSEMENTS
1866
1872
1876
4881
1886
Aubusson ......
Bourganeuf....
Boussac
Guéret
100.370
41.349
37 705
94.633
100.493
41.742
37.880
94.54S
101.641
42.054
38.774
95.954
99.724
42.294
39.689
97.076
100.648
43.471
40.974
99.849
Totaux
274.057
274.663
278.423
278.782
284.942
La répartition des communes, d'après l'importance de
la population, a donné en 1886 pour les ^66 communes
du département: 0 com. de 400 hab. et au-dessous;
5 com. de 104 à 200 hab. ; 12 com. de 204 à 300 hab.;
22 com. de 304 à 400 hab. ; 49 com. de 404 à 500 hab.;
405 com. de 504 à 4,000 hab. ; 46 com. de 4,004 à
4,500 hab.; 28 com. de 1,504 à 2,000 hab.; 47 com.
de 2,004 à 2,500 hab. ; 4 com. de 2,504 à 3,000 hab. ;
4 com. de 3,001 à 3,500 hab. ; 4 com. de 3,501 à
4,000 hab. ; 4 com. de 4,004 à 5,000 hab. ; 2 com. de
5,004 à 40,000 hab.; 0 com. de 40,004 à 20,000 hab.;
0 com. de 20,001 et au-dessus.
Voici par arrondissements et par cantons la liste des
communes dont la population totale en 4886 dépassait
4,000 hab. :
Arrondissement d'Audusson (40 cant. ; 403 com. ;
400,648 hab; 204,056 hect.). — Cant. d'Aubusso7î
(44 com.; 43,004 hab.) : Aubusson, 6,723 hab.; Néoux,
4,060 hab. Cant. d'Aiizances (4'J com.; 9,343 hab.) :
Auzances, 4,472 hab. ; Dontreix, 2,057 hab.; Rougnat,
2,063 hab. Cant. de Bellegarde (9 com.; 9,456 hab.) :
Champagnat, 4,620 hab.; Lupersat, 4,569 hab.; Main-
sat, 2,2'35 hab.; Mantes, 4,054 hab. Cant. de Chéné-
r ailles (44 com, ; 42,999 hab.) : Chénérailles, 4,204 hab.;
Issoudun, 4 ,060 hab. ; Lavaveix-les-Mines, 3,423 hab. ;
Peyrat-la-Monnière, 4,632 hab.; Saint-Chabrais, 4,442
hab. ; Saint-Médard, 4,489 hab.; Saint-Pardoux-les-Cards,
4,279 hab. Cant. de La Courtine {\ 0 com. ; 7,485 hab.) :
Magnat, 4,825 hab.; Saint-Merd-Ia-Breuille, 4,046 hab.
Cant. de Crocq (44 com.; 40,629 hab.) : Crocq, 4,074
hab.; Flayat, 4,036 hab.; Méninchal, 2,032 hab. ; Saint-
Agnant-près-Crocq, 4,424 hab. Cant. d'Evanx (9 com. ;
40,644 hab.) : Arfeuille-Châtain, 4,026 hab. ; Charron,
4,497 hab.; Evaux, 3,483 hab.; Reterre, 4,402 hab.
Cant. de Felletin (9 com.; 41,754 hab.): Felletin,
3,360 hab.; Moutier-Rozeille, 4,080 hab.; Saint-Quen-
tin, 4,465 hab.; Saint- Yrieix-Ia-Montagne, 4,425 hab.;
Vallières, 2,444 hab. Cant. de Gentioux (8 com. ;
7,477 hab.): Faux-la-Montagne, 4,924 hab.; La Nouaille,
i,39'dhâh. Cant.de Saint'Sulpice-les-Champs (44 com.;
7,798 hab.) : Ars, 4,006 hab.; Fransèches, 4,085 hab.;
Saint-Sulpice-les-Champs, 4,444 hab.
Arrondissement de Bourganeuf (4 cant. ; 44 com. ;
43,744 hab.; 90,594 hect.). — Cant. de Bénévent--
V Abbaye (40 com. ; 40,709 hab.) : Arrènes, 4,139 hab.;
Bénévent-l'Abbaye , 1,827 hab.; Châtelus-le-Marcheix,
4,862 hab. ; Marsac, 1,117 hab.; Mourioux, 1,369 hab.;
Saint-Goussand, 4 ,094 hab. Cant. de Boiir g aneuf(i3 com.;
14,479 hab.): Bourganeuf, 3,902 hab.; Saint-Dizier,
2,454 hab.; Saint-Martin-Sainte-Catherine, 4,448 hab.
Cant. de Pontarion (40 com.; 9,862 hab.) : Janaillat,
4,563 hab.; Saint-Georges-la-Pouge, 4,496 hab.; Sor-
dent, 2,404 hab. Cant. de Royère{S com. ; 8,724 hab.) :
Royère, 2,286 hab.; Saint-Martin-Chàteau, 4,250 hab.;
Saint-Moreil, 4,254 hab. ; Saint-Pierre-le-Bost, 4,404 hab.
Arrondissement de Boussac (4 cant. ; 46 com. ; 40,974
hab.; 95,485 hect.). — Cant. de BoUssac (43 com. ;
44,835 hab.) : Bord-Saint-Georges, 1,192 hab.; Boussac,
1,327 hab.; Boussac-Bourg, 1,398 hab.; Soumans,
1,376 hab.; Toulx-Sainte-Croix, 1,302 hab. Cant.de
Chambon (ii com.; 9,437 hab.): Chambon, 2,534 hab.;
Lussat, 1 ,212 hab. Cant. de Châtelus-Malvaleix (10 com.;
11,820 hab.): Bétète, 1,214 hab.; Châtelus-Malvaleix,
1,352 hab.; Clignât, 2,208 hab. ; Genouillat, 1,848 hab.;
Roches, 4,475 hab. Cant. de Jarnages (42 com.; 7,882
hab. : Domeyrot, 4,046 hab. ; Gouzon, 4,519 hab. ; Par-
sou, 4,644 hab.
Arrondissement de Guéret (7 cant. ; 76 com. ; 99,849
hab.; 466,695 hect.).— Cant. d'Ahun (44 com.;
40,975 hab.) : Ahun, 2,475 hab.; Cressat, 4,693 hab. ;
Pionnat, 2,463 hab. Cant. de Bonnat (43 com.; 44,525
hab.) : Bonnat, 2,790 hab.; La Forêt-du-Temple, 4,835
hab.; Lourdoueix-Saint-Pierre, 2,494 hab.; Méasnes,
4,568 hab.; Moutier-Malcard, 4,833 hab.; Cant.de
Dun (43 com.; 16,642 hab.): La Celle-Dunoise, 4,880
hab.; Crozant, 4,546 hab.; Dun, 1,786 hab.; Fresse-
lines, 4,988 hab.; Lafat, 4,044 hab, ; Naillat, 2,032 hab.;
Saint-Sébastien, 4,644 hab.; Saint-Sulpice-le-Dunois,
4 ,646 hab. Cant. du Grand-Bourg (7 com.; 1 0,344 hab.);
Le Grand-Bourg, 3,474 hab.; Saint-Etienne-de-Fursac,
2,380 hab. ; Saint-Pierre-de-Fursac, 4,644 hab. Cant. de
Guéret (iS com.; 48,954 hab.): Ajain, 4,940 hab.;
Glénic, 4,337 hab.; Guéret, 7,065 hab. ; Jouillat, 4,376
hab.; Ladapeyre, 4,540 hab.; Sainte-Feyre, 4,764 hab.
Cant. de Saint-Vaury (9 com.; 44,833 hab.): Anzême,
4,443 hab.; Bussière-Dunoise, 2,942 hab.; Saint-Sulpice-
le-Guérétois, 2,020 hab. ; Saint-Vaury, 2,708 h^h.Cant.
de La Souterraine (10 com. ; 46,609 hab.) : Azerables,
2,180 hab. ; Saint-Agnant-de-Versillat, 2,098 hab. ; Saint-
Maurice, 4,996 habi; Saint-Priest-la-Feuille, 4,546 hab.;
La Souterraine, 4,929 hab.
Etat des personnes. — D'après le lieu de nais-
sance : Sur les 260,625 hab. présents dans la Creuse lors
du dernier recensement, on comptait 477,699 hab. nés
dans la commune qu'ils habitent ; 65,252 hab. nés dans
une autre commune que celle du département qu'ils habi-
tent; 47,377 hab. nés dans un autre département ou dans
une colonie ; 497 hab. nés à l'étranger. Il ne s'y trouve
qu'un nombre très peu considérable de personnes de natio-
nalité étrangère, 201 seulement en majorité, Espagnols
(49); puis Allemands (43); Italiens (39); Austro-Hon-
grois (26); Belges (45), Suisses (47), etc.
D'après le sexe: 418,944 individus du sexe masculin
et 144,644 individus du sexe féminin. On comptait, au
recensement de 4886, 458,702 célibataires des deux
sexes ; 73,065 personnes mariées ; 28^753 veufs ou
veuves ; 5 divorcés des deux sexes.
D'après la profession : La population de la Creuse
se décompose par profession de la manière suivante :
458,877 personnes sont classées parmi les agriculteurs
ou travailleurs; 53,662 s'adonnent à l'industrie ; 24,755
au commerce ; 4,286 sont affectées au transport ; 4,244
sont représentants de la force publique; 2,429 appar-
tiennent à l'administration; 5,635 personnes s'adonnent
aux professions dites libérales ; 9,470 vivent exclusi-
vement de leurs revenus ; 3,467 sont classées sous la
dénomination : sans profession ou profession inconnue.
Etat économique du département. — Propriété.
— L'enquête spéciale faite par les contributions directes,
en 4884, a relevé 406,602 propriétés imposables dans le
dép. de la Creuse, savoir : 84,734 appartenant à la petite
propriété; 20,328 appartenant à la moyenne; et 4,543
appartenant à la grande.
Les biens qui dominent dans la petite propriété sont
ceux de 4 à 2 hect. (14,711); puis ceux de 50 ares à
1 hect. (14,047); puis ceux de 20 à 50 ares (13,855), et
de 0 à 10 ares (13,053) ; après viennent les biens de 2 à
3 hect. (8,403) et ceux de 10 à 20 ares (6,543). Dans la
propriété moyenne, les biens de 10 à 20 hect. sont les plus
CREUSE
348
nombreux (7,649) ; puis viennent ceux de 6 à 7 hect.
(2,884), ceux de 7 à 8 hect. (2,468), ceux de 20 à
30 hect. (2,079) et ceux de 8 à 9 hect. (2,016) ; enfin
ceux de 9 à 40 hect. (1,721). La grande propriété com-
prend 834 domaines de 50 à 75' hect. ; 346 de 75 à
100 hect. ; 298 de 100 à 200 hect. et 65 au-dessus de
200 hect. Au point de vue de la superficie, la petite pro-
priété couvre 119,262 hect. ; la moyenne propriété,
284,754 hect., et la grande propriété, 138,374 hect., soit
en tout 542,390 hect. La catégorie qui occupe la plus
grande superficie est la propriété moyenne de 10 à 20 hect.
(106,278 hect.) ; puis la grande propriété de 50 à 75 hect.
(51,521 hect.) ; puis vient la moyenne propriété de 20 à
30 hect. (50,280 hect.) ; puis la grande propriété de 100
;200 hect. (38,964 hect.) et la moyenne propriété de 30
à 40 hect. (31,913 hect.). On voit que l'étendue de la
grande propriété n'est guère que le quart de l'étendue de
la propriété totale.
Agriculture. — Le sol de la Creuse, formé de roches
granitiques et de terrains primitifs, n'est pas très favo-
rable à l'agriculture : il est pauvre, peu profond et peu
fertile ; en effet, le territoire est assez élevé et l'on n'y
trouve guère de terrains étendus ; les vallées sont en
général étroites, d'une profondeur de 300 ou 400 m.
En outre, au S. du département, on rencontre des landes
que l'on peut difficilement cultiver et dont le sol est stérile
et léger ; sur les 556,830 hect. que compte le dépar-
tement, 269,782 sont en terres labourables, 67,542 en
prés naturels, 67,089 en herbages pâturés permanents; les
prairies naturelles et ces pâturages favorisent l'élevage du
bétail ; aussi, tandis que la quantité d'hectoHtres de
froment produit par le département est insuffisante pour
la consommation de ses habitants, l'élevage du bétail
est-il la source de revenus principale des agriculteurs. Les
terres les plus fertiles de la Creuse se trouvent au N.
de son territoire, près du dép. de l'Indre, sur la limite du
dép. de la Haute-Vienne ; au N.-E., dans le cant. de
Chambon, on trouve encore des terres assez productives
arrosées par la Tardes et la Vouise. La vigne est peu cul-
tivée et n'existe pour ainsi dire pas. On compte les bois
et forêts pour 36,093 hect. dans le total général, les
landes et les terrains incultes occupent 95,861 et enfin
1,053 hect. sont couverts par des vergers et 304 par des
jardins de plaisance et des parcs.
On comptait dans le département, en 1888 : 6,662 che-
vaux, 7,128 ânes; 150 mulets, 186,336 bœufs, taureaux,
vaches, génisses et veaux, 778,154 moutons tant de
races du pays que de race perfectionnée, 61,952 porcs,
14,609 chèvres et 27,015 ruches d'abeilles. Les produits
de ces animaux s'élevaient à 10,910 quintaux de laine
et 970,614 hectol. de lait ; la cire d'abeilles donnait
16,302 kilogr. et leur miel 53,529 kilogr.
Les animaux domestiques du département sont peu re-
marquables : les chevaux de race limousine sont assez peu
nombreux; on les emploie volontiers pour la cavalerie
légère ; les ânes sont d'une race petite ainsi que les mulets
dont on compte un très petit nombre ; les bêtes à cornes
sont nombreuses ; on en compte environ 31 par kih q. ;
elles sont de taille moyenne et d'une race assez esti-
mée : elles servent en partie à l'aHmentation de Paris ;
le beurre que donnent les vaches de Guéret est très
apprécié. Les moutons sont fort nombreux : on en compte
environ 169 par kil. q., ce qui fait que la Creuse est le
dép, qui par rapport à l'étendue de son territoire possède
le plus de moutons. Ces moutons ont une chair assez dé-
licate ; leur laine est de qualité moyenne. Enfin les porcs,
engraissés dans toutes les fermes de la Creuse, donnent
lieu à un commerce d'exportation important.
La principale récolte du département est le seigle ; après
lui viennent l'avoine, le sarrasin et les pommes de terre.
On trouvera d'ailleurs dans le tableau suivant la superficie
occupée par les diverses cultures avec leurs rendements
pour l'année 1888,
CULTURES
SUPERFICIE
Froment
Seigle
Méteil
Orge
Sarrasin
Avoine
Colza
Pommes de terre...
Betteraves fou
ragéres
Ciianvre
Trèfle
Luzerne
Prés naturels
Cidre
Vignes
hectares
20.639
77.563
21
3.455
16.352
20.059
128
19.404
1.202
1.700
13-405
202
108.476
29
RENDEMENT
hectolitres
312,515
1.044.429
371
54.652
288.571
424.873
1.841
quintaux
2.023.592
177.706
9.289
764.813
9.345
2.945.929
hec'olitres
16.052
249
On sème les céréales sur les terrains en pente : le fro-
meat le plus apprécié est celui que l'on trouve à Boussac.
Il ne faut pas oublier non plus l'une des cultures les plus
répandues dans la Creuse : celle de la rabole^ sorte de
navet rond, qui est excellent, et sert principalement à la
nourriture des bestiaux. Les prairies sont de peu d'éten-
due, mais il en est de réputées aux environs de Guéret,
d'Ahun, de Felletin, d'Auzances, de Jarnage, dont les
prés sont ^excellents et contiennent de nombreux arbres
fruitiers : on trouve surtout des noyers, des châtaigniers,
ressource précieuse pour les habitants pendant l'hiver ;
des cerisiers nombreux ; les pêchers, les abricotiers, les
poiriers, les pommiers sont aussi cultivés, mais s'y trou-
vent en moins grand nombre : les fruits à pépin du cant.
de Sainte-Peyre sont réputés.
On peut s'étonner que dans le département les terres
cultivables occupent un espace hors de proportion avec la
richesse apparente du pays. Cela tient à une particularité
assez curieuse : le pays n'est pas assez riche pour nourrir
ses habitants ; ses céréales sont insufiîsantes pour la con-
sommation ; il n'a pas de vigne, partant pas de vin, et,
pour remplacer le vin, ni cidre, ni bière; un grand
nombre d'objets sont importés des départements voisins et
amènent une grande perte de numéraire pour les habi-
tants. Aussi, tous les ans, depuis un temps immémorial,
un certain nombre de Creusois émigrent ; on compte
actuellement environ 35,000 hab. qui s'éloignent pendant
huit à neuf mois de l'année et vont travailler soit à Paris
soit dans les grandes villes comme maçons, charpentiers,
tailleurs de pierre, tuiliers, couvreurs, peintres en bâti-
ments, peigneurs de chanvre, scieurs de long, etc. Les
ouvriers de l'arr. d'Aubusson se dirigent surtout vers les
dép. de la Seine, du Rhône, de la Loire, du Cher, de la
Nièvre, de l'Yonne, de la Côte-d'Or, de la Vendée, du
Puy-de-Dôme, de la Charente-Inférieure, de Saône-et-
Loire, de l'Allier, du Jura ; ceux de l'arr. de Bourganeuf
vers les dép. de la Seine, du Rhône, de Seine-et-Marne ;
ceux de Farr. de Boussac vers les dép. de la Seine, du
Cher, de la Nièvre, de l'Allier, du Loiret et de l'Indre ;
ceux de l'arr. de Guéret vers les dép. de la Seine, du
Loiret, de Seine-et-Marne, de l'Yonne, du Cher, de la
Côte-d'Or, du Rhône, delà Vendée, de la Nièvre, de l'Indre,
de l'Allier et du Loir-et-Cher. M. de Partouneaux, ancien
secrétaire général du département, a dressé la statistique de
ces voyages. Les ouvriers qui sont partis au mois de mars
reviennent aux premiers froids ; ils rapportent leurs éco-
nomies, évaluées à 4 ou 5 millions de francs qu'ils em-
ploient à l'achat de propriétés rurales. Il part des ouvriers
et des maîtres, environ un maître par vingt-trois ouvriers :
le bénéfice moyen rapporté par les maîtres est évalué à
300 fr., celui des ouvriers à 164 fr. Ils voyagent par groupe
de quatre à douze et restent autant que possible associés
pour leurs travaux.
— 349
CREUSE
Le dép. de là Creuse est encore" assez arriéré sous le
rapport de l'agriculture : cela tient à la maigreur du sol et
aux mauvaises pratiques agricoles ; les efforts du conseil
général et des chambres consultatives d'agriculture finiront
par triompher de la routine. Le département possède d'ail-
leurs une ferme modèle à Remirand, près d'Evaux, et une
ferme-école à La Villeneuve, près de Valiières.
Industrie. — Le département est encore moins indus-
triel qu'agricole, malgré quelques manufactures célèbres
telles que celles d'Aubusson et de Felletin. En 4887, il y
avait dans le dép. de la Creuse 421 établissements indus-
triels faisant usage d'appareils à vapeur. Ces appareils, au
nombre de 453 (non compris les appareils de chemins de
fer et ceux des bateaux), d'une force totale de 4,649 che-
vaux-vapeur, se divisent ainsi :
34 machines fixes d'une force de. 934 chevaux- vapeur.
3 — mi-fixes — 43 —
449 — locomobiles — 675 —
Cette force se répartissait de la manière suivante entre
les principaux groupes industriels :
Mines et carrières 847 chevaux- vapeur.
Usines métallurgiques 22 —
Agriculture 564 —
Industries alimentaires 54 —
Industries chimiques et tanneries. . 39 —
Tissus et vêtements 402 —
Papiers, objets mobiliers, instru-
ments 5 —
Bâtiments et travaux 22 —
La quantité de combustibles minéraux consommés a été
de 38,000 tonnes représentant une valeur de 701 ,900 fr.
en 4887.
Les richesses minérales de la Creuse consistent surtout
en gisements houillers exploités par des compagnies impor-
tantes. On compte cinq concessions qui occupent un espace
de 3,373 hect. toutes ensemble et emploient environ
4,460 ouvriers, La concession la plus importante est celle
d'Ahun-Sud; elle s'étend sur plusieurs communes : Ahun,
Saint-Martial-le-Mont, Saint-Pardoux-les-Cards, Saint-
Médard ; en seconde ligne vient la concession d'Ahun-Nord
qui occupe une partie des com. de Moutier-d'Ahun, Saint-
Martial-le-Mont, Saint-Pardoux-les-Cards et Lavaveix-les-
Mines ; après vient la concession de Bosmoreau qui s'étend
sur les com. de Bosmoreau, Thauron et Saint-Dizier ; la
quatrième concession, dite de Bouzogles, occupe en partie
les com. de Bourganeuf, Saint-Junien-la-Brègère et Faux-
Mazuras. A Roy ère, on trouve des tourbières. Les autres
produits minéraux de la Creuse sont peu nombreux. Ce sont
l'étain et le wolfram qui occupent 4,454 hect. sur le terri-
toire de Soumans, Boussac, Legrat, Lavaufranche, etc.; une
seule concession, celle de Bosmoreau, sur le territoire de
Bosmoreau, Thauron et Saint-Dizier, exploite du fer sur
une étendue de plus de 600 hect.; le plomb argentifère est
exploité dans la concession de Mornat qui étend ses 300
hect. sur les com. de Moutier-d'Ahun et de Saint-Pardoux-
les-Cards; enfin, on extrait à Janaillat du kaolin et l'on
trouve du plâtre à Gouzon. La Creuse renferme aussi une
espèce de mica qui sert à faire le sable doré dont on se sert
pour les bureaux.
Les seules eaux minérales exploitées dans la Creuse sont
les eaux thermales d'Evaux; elles sont azotées, ferrugi-
neuses, sulfatées et sodiques; on les recommande pour la
guérison des rhumatismes fibreux, des ulcères rebelles,
des tumeurs scrofuleuses, des gastrites, des maladies de
la peau, des chloroses. Leur température varie de + 56°, 7
au puits de César à -f- 29*^ à la source Triangulaire. On
compte dix-huit sources. On trouve à Chaumeix et près de
Felletin des eaux minérales froides.
Parmi les industries du département, les plus considé-
rables sont celles auxquelles la laine sert de matière pre-
mière. La laine est filée dans dix-sept étabhssements occupant
plus de 3,640 broches et réparties entre Aubusson, Felletin
et Rougnat. Il faut citer tout d'abord les manufactures de
tapisseries d'Aubusson, dont la renommée est européenne
et qui rivalisent avec les Gobehns et Beauvais ; les manu-
factures qui emploient environ 2,000 ouvriers sont au
nombre de quinze; elles fabriquent des tapisseries pour
meubles, des tapis ras, des moquettes et des carpettes.
Après Aubusson, la ville la plus mdustrielle de la Creuse
est sans contredit Felletin qui possède des fabriques de
tapisseries fines et cinq fabriques de tapis ras et veloutés
et de moquettes. Felletin a en outre des filatures de laine.
Aubusson en possède aussi, ainsi que des fabriques de drap
qui occupent 668 métiers dont 240 environ sont méca-
niques ; à Chamborand et à Saint-Dizier on trouve des dro-
guets ; Saint-Dizier a aussi des carderies de laine.
On trouve encore dans le dép. de la Creuse de nombreuses
industries, en général peu développées. Ce sont : un éta-
blissement de verrerie à Lavaveix-les-Mines qui rapporte
environ 250,000 fr.; des tuileries à Bourganeuf, Genouillat,
La Collette ; des vanneries à Guéret ; de nombreuses taillan-
deries à La Souterraine, Bourganeuf, Boussac, Châtelus ;
des tanneries à Chambon, Bénévent-FAbbaye, Auzances,
Aubusson, Felletin; des teintureries à Aubusson, Felletin,
Evaux, Bourganeuf, Crocq; des papeteries qui fabriquent
à Bourganeuf du papier pour plus de 400,000 fr. ; des
manufactures de porcelaine centralisées à Bourganeuf et
dont le produit est à peu près de 480,000 fr. par an ; des
minoteries à Aubusson, Chambon, La Rochette, Malleret,
Villard, Grand-Bourg, Moutier-d'Ahun, etc.; de nombreux
mouHns à Clugnat (six), à Genouillat, Felletin, Boussac,
Crocq, La Souterraine, Châtelus, Nouziers; des meules de
moulin à Boussac; des confiseries à Bourganeuf et Felletin ;
des distilleries à Boussac; des corroiries à Bénévent-
l'Abbaye, Guéret, Felletin; des tuileries à Evaux; des fon-
deries à la Souterraine et Saint-Morel; des imprimeries à
Aubusson, Guéret, Bourganeuf; des clous à Ahun, Crocq,
Boussac ; des chapeaux à Bourganeuf principalement ; des
bougies à Châtelus-Malvaleix ; des chandelles dans cette
même ville, à Bénévent-l'Abbaye et La Souterraine; des
carrosseries à Boussac, Bourganeuf, etc.
Les établissements industriels mus par des machines à
vapeur sont en petit nombre et l'industrie n'est pas très
florissante dans la Creuse.
Commerce et circulation. — L'exportation dans la
Creuse a pour objet principal les tapisseries pour ameu-
blements, les tapis, les moquettes, les carpettes, les dro-
guets, les draps, les couvertures, les chapeaux, la porce-
laine ; le département exporte encore, outre de la houille,
des bois de cerisiers, des peaux, des châtaignes, le miel et
la cire de ses abeilles, la laine de ses moutons, des mulets;
elle fournit à la consommation des grandes villes et surtout
de Paris des bœufs, des moutons et des porcs. L'importa-
tion dans le département est considérable : elle porte
d'abord sur la houille; en effet, on exportedans les dépar-
tements voisins une grande partie de la houille qui vient
des mines du pays, Ahun et Bourganeuf, et l'on importe
de la houille venue des bassins de Commentry et Saint-
Eloy. Un autre objet d'importation est le vin et les liqueurs,
puis les grains, les matières premières nécessaires aux
filatures et aux manufactures du pays, le froment, le sel ;
enfin de nombreux articles de librairie, d'ébénisterie,
d'horlogerie, d'épicerie, de denrées coloniales, de modes,
de nouveautés.
Le commerce intérieur du département consiste princi-
palement dans les objets de consommation locale, les cuirs,
les lainages, les grosses étoffes, les papiers, les articles de
ménage, etc. La Creuse est un des départements où se fait
le commerce des cheveux : les jeunes filles échangent
leurs cheveux contre des fichus et des étoffes que portent
les colporteurs. C'est surtout dans les foires qu'a lieu ce
commerce. Les foires du département sont au nombre de
275 : elles ont lieu dans 40 communes et leur durée est
de 280 journées ; le principal objet de ces foires est la
vente des bœufs, des vaches, des cochons gras, des mulets
et des articles de ménage.
CREUSE
mo -~
Les 4 5 bureaux de poste, le bureau télégraphique et les
42 bureaux mixtes depostes et télégraphes de la Creuse
ont produit, en 1887, 362,159 fr. 11 pour le mouvement
postal. Les 42 bureaux télégraphiques mixtes ont versé
au Trésor un produit net de 33,724 fr. 32 pour les dé-
pêches seules. Sur les 338 kil. de routes nationales il a
circulé quotidiennement 141 colliers ; les dépenses d'entre-
tien se sont élevées à 104,800 fr.
Les routes nationales sont au nombre de 5 : la route
noi40 de Figeac à Montargis (83^^16); celle n^ 141,
de Clermont à Saintes (83'^iM ) ; celle n« 142, de Gler-
mont à Poitiers (85^^^^); celle n*^ 145 de Limoges à
Moulins (47^^^^7) ; enfin la route n^ 151 bis d'Angoulême
à Nevers (36'^i^o). Celle des chemins vicinaux de grande
communication de 939^^^9; celle des chemins d'intérêt
commun de l,436^^i^2, et celle des chemins ordinaires
de 2,535^^^11.
Le reseau ferré de la Creuse se compose de sept chemins
de fer. Ce sont : 1° la ligne de Paris à Toulouse qui quitte
rindre pour entrer dans la Creuse entre Eguzon et Saint-
Sébastien ; elle passe à Saint-Sébastien, Forgevieille et La
Souterraine, puis passe dans la Haute- Vienne, après un
parcours de 28 kil. — 2^ La ligne de Saint-Sulpice-Laurière
à Montluçon qui s'embranche sur le chemin de fer de Paris
à Toulouse. Elle passe de la Haute- Vienne dans la Creuse
où, sur un parcours de 88 kil., elle dessert Marsac, Vieille-
ville, Montaigut, La Brionne, Guérot, Sainte-Feyre, Bus-
seau-d'Ahun, Cressat, Parsac, Chanon et Lavaufranche;
puis elle entre dans le dép. de l'Allier. — 3^ L'em-
branchement de Busseau-d'Ahun à Felletin qui parcourt
36 kil., et passe à La va veix-les-Mines, , Fourneaux, Au-
busson, Moutier-Roseille et Felletin. — 4** L'embranchement
de Vieilleville à Bourganeuf qui passe à Saint-Dizier, Bos-
moreau, Bourganeuf; son parcours est de 20 kil. —•5'' La
ligne de Montluçon à Eygurande qui passe à Budelière,
Evaux, Leterre, Auzanncs, les Mars, Mérinchal, Letrad et
Saint-Merd (94 kil.). -— 6*^ La ligne de Champilletà La-
vaufranche qui dessert les stations de Saint-Marien et de
Boussac, et a un parcours de 38 kil. — 1^ Le chemin de
fer de Paris à Guéret qui passe à Saint-Sébastien, La Cha-
pelle, Lafat, Dun-le-Paleteau, Saint-Sulpice, Bussière-
Dunoise, Saint-Sulpice-Anzème et Clavière.
Enfin les voitures de correspondance sont les suivantes :
Aubusson : Bellegarde; Boussac : Châtelus-Malvaleix, Ge-
nouillat ; Budelière : Chambon-sur-Voueize ; Cressat : Ché-
nérailles ; Felletin : La Courtine, Magnat, Ussel ; Parsac :
Gouzon ; La Souterraine : Saint-Sulpice-les-Feuilles ; Vieil-
leville : Bénévent.
Finances. — En 1887, le dép. de la Creuse a fourni
7,309,191 fr. au budget ordinaire et 1,684,594 fr. au
budget sur ressources spéciales. Ces chiffres se décom-
posent comme suit : impôts directs, 1,395,312 fr.; domaines
et forêts, 16,010 fr.; enregistrement, 1,813,166 fr.; tim-
bre, 378,929 fr. ; contributions indirectes, 1,335,227 fr.;
sucres, 1,235 fr.; monopoles et exploitations industrielles
de l'Etat, 2,169,752 fr. ; impôt de 3 <^/o sur le revenu
des valeurs mobilières, 4,289 fr. ; recettes d'ordre,
137,050 fr. ; produits divers du budget, ressources spé-
ciales, 58,180 fr. Les revenus départementaux ont été,
en 1887, de 1,224,448 fr. se décomposant ainsi : produits
des centimes départementaux, 631,465 fr.; subventions
de l'Etat, des communes, des particuliers, 490,631 fr. ;
revenus extraordinaires, produit des emprunts, ahénation
de propriétés, 100,455 fr. ; il y a eu 32 fr. QQ cent, por-
tant sur les quatre contributions, dont 12 ordinaires,
20,66 extraordinaires; la valeur du centime portant sur les
contributions foncières, la contribution personnelle-mobilière
et les bois de l'Etat était de 9,419 fr. ; le produit du
centime départemental était de 12,124 fr. Les 266 com-
munes du département avaient, en 1888, un revenu annuel
de 448,443 fr. ; le nombre de centimes pour dépenses,
tant ordinaires qu'extraordinaires, était de 7,429 fr. ; le
nombre moyen des centimes par commune est de 28. Il
y avait 62 communes imposées de moins de 15 cent. ; 102
de 15 à 30 cent. ; 89 de 31 à 50 cent. ; 13 de 51 à
100 cent. Le nombre des communes à octroi était de 7, le
produit des octrois montait à 131,926 fr. de taxes ordi-
naires et 24,000 fr. de taxes extraordinaires et surtaxes.
Etat intellectuel du département. — Au point de
vue de l'instruction, la Creuse est un peu au-dessous de
la moyenne des départements français. En 1888, sur
2,510 jeunes gens inscrits sur les listes du tirage et exa--
minés, 207 étaient tout à fait illettrés, ce qui place ce
département au 51<^ rang parmi les 90 départements fran-
çais (y compris les départements algériens). Le département
comptait, durant l'année scolaire 1889-1890, 5 écoles
maternelles publiques (2 laïques, 3 congréganistes), qui
recevaient 653 élèves (358 garçons et 295 filles), plus
6 écoles libres (toutes congréganistes) qui recevaient 669
élèves (300 garçons et 369 filles), soit un total général de
1,322 élèves (658 garçons et 664 filles). A la même époque,
il y avait 525 écoles primaires publiques (520 laïques et
5 congréganistes) qui recevaient 41,676 élèves (22,866
garçons et 18,810 filles), plus 104 écoles libres (12 laïques
et 92 congréganistes), soit un total général de 46,279 élèves.
L'école normale d'instituteurs du département comptait en
1889-1890, 40 élèves-maîtres, et celle d'institutrices 23
élèves-maîtresses. En outre, il y avait un cours d'adultes
hommes avec 17 auditeurs, mais il n'y avait pas de cours
d'adultes femmes. Enl889,ily eutl,732 candidats, tant gar-
çons que filles, au certificat d'études primaires élémentaires ;
1,237 certificats furent obtenus ; 17 candidats au certi-
ficat supérieur obtinrent 11 brevets. L'instruction élémen-
taire était facilitée par 270 bibhothèques populaires qui
contenaient 22,726 livres de lecture et qui firent, en 1889,
30,796 prêts ; 25 bibliothèques pédagogiques avec 5,703
volumes; 76 caisses d'épargne scolaires, avec 1,046 livrets,
représentant une somme totale de 20,527 fr. ; 22 caisses
des écoles fonctionnaient et avaient encaissé à la fin de
l'exercice annuel 931 fr. La société de secours mutuels des
instituteurs et institutrices du département comprenait 595
sociétaires; elle avait un actif de 24,267 fr. Le total des
ressources applicables aux traitements, indemnités et allo-
cations constituant des dépenses obligatoires de l'enseigne-
ment primaire monta, en 1888, à 837,971 fr. L ensei-
gnement secondaire se donnait en 1888-1889 dans un
lycée, comptant 253 élèves, et un collège communal, comp-
tant 60 élèves.
Etat moral du département. — La statistique judi-
ciaire de 1886 accuse 15 condamnations en cour d'assises,
dont 8 pour crimes contre les personnes. Les 4 tribunaux
correctionnels examinèrent 674 affaires et 823 prévenus,
dont 57 furent acquittés et 495 condamnés seulement à des
amendes. On a compté 5 récidivistes devant la cour d'as-
sises et 270 en police correctionnelle ; il y eut 677 con-
traventions de simple police. Le nombre des suicidés s'éleva
à 26. Les bureaux de bienfaisance, au nombre de 33 en
1887, secoururent 1,836 personnes; leurs recettes s'éle-
vèrent à la somme de 46,218 fr., dont 13,318 fr. prove-
naient de leurs revenus propres, 2,202 fr. des subventions
de la commune et 3,048 des subventions extraordinaires;
265 fr. des droits de pauvres ; 11 ,242 fr. des quêtes, troncs,
souscriptions, etc. ; 5,724 fr. des dons et legs, 8,419 fr.
des autres recettes. Les dépenses se sont élevées à la somme
de 42,339 fr. On comptait 9 hospices-hôpitaux avec 337
lits, 76,674 fr. de recettes et 70,609 fr. de dépenses, et
un personnel composé de 71 servants. Il y a eu un nombre
total de 17,200 journées de présence pour 224 hommes;
de 10,360 journées de présence pour 102 femmes et de
8,690 pour 94 enfants. Le service des enfants assistés a
secouru 202 garçons et 181 filles, soit à l'hospice, soit à
à la campagne, et 267 garçons et 210 filles à domicile.
Les 6 caisses d'épargne de la Creuse avaient délivré, au
l^^janv. 1887, 23,554 livrets et, au 1^^ janv. 1888,
23,537 livrets, valant en moyenne 510 fr. Les sociétés de
secours mutuels étaient au nombre de 9, dont 7 approuvées
et â autorisées, avec 4,^03 ^membres participants. Elles
avaient un avoir disponible de 40,528 fr. pour les sociétés
approuvées et 2,292 fr. pour les sociétés autorisées au
31 déc. 1887. Dans la même année, les libéralités ont atteint
107,440 fr. Ce chiffre se décompose comme suit : 2 dona-
tions aux établissements religieux, représentant une somme
de 7,2o0 fr. ; 11 donations aux établissements charitables
et hospitaliers, montant à 14,931 fr, ; 3 donations aux
communes et au département, montant à 85,239 fr. E. S.
BiBL. : Peuchet et Chanlaire, Statistique de la Creuse^
1811, in-4. — De Partouneaux, Dj l'Emigration des ou-
vriers de la Creuse, lb27, in-i2. — A. Hugo, la France pit-
toresque; Description du département de la Creuse, 1835,
t. I. — F. DiDOT, Guide pittoresque du voyageur; Des-
cription du département de la Creuse^ 1838, t. ÏV. — Gi-
RAULT DE Saint-Fargeau, Dictio7inaire géographique des
communes (V. art. Marche, Creuse^ Guéret^ Aubusson^
Bourganeuf, etc.), 184(5, 3 vol. in-4. -- Aristide Guilbert,
Histoire des villes de France; Description de la Marche^
Guéret^ Aubusson, Bourganeuf^ etc., 1848, t. IL— C. Pe-
RATHON, Notice sur lès manufactures de tapisseries d' Au-
busson, de Felletin et de Bellegarde^ 1852, in-8.-- Crosson,
Petite Géographie du dép. de la Creuse (coll. Levasseur),
1875,in-12. — A. Joa^ise, Géographie du dép. de la Creuse,
1886.— Mat AIGNE, Dictionnaire géographique de la France;
Annuaire du dép. de la Creuse, 1891, in-12. — M, de Cau-
MONT, Bulletin monumental. — Robert de Vaugondy,
Carte des gouvernements de laMarciie, du Limousin et de
l'Auvergne, 1753.—Cassini et CAPiTAiNE,Carte de la Marche
dans la Grande Carte. V. feuilles 144, 145, 155, 156, 164, 165
de la Grande Carte de France, dite de VEtat-major., pu-
bliée par le Dépôt de la guerre. — Dufour, Duvotenay,
JoANNE, cartes du dép. de la Creuse.— Consulter pour la
statistique : An7iuaire des départements de la France,
Almanach national. Annuaire statistique de la France de
1881, de 1885, de 1890. — Dénom^brement et annexe du dé-
nombrement de i886. — Statistique de l'Enseignement
primaire.
CREUSE (La). Corn, du dép. de la Haute-Saône, arr.
de Lure, çant. de Saulx ; 203 hab.
CREUSE. Corn, du dép. de la Somme, arr. d'Amiens,
cant. de Molliens-Vidame ; 144 hab.
CREUSE (Myth. gr.). !<> Fille d'Erechtée et de Praxi-
thea, amante d'Apollon, femme de Xuthus et mère d'Ion,
Dorus et Achseus. — ^^ Fille de Priam et d'Hécube,
femme d'Enée qui la perdit en fuyant Troie ; elle était
mère d'Ascanius.
CREUSEQUIN (Archéol.). Vase à boire, muni d'un cou-
vercle, d'une anse ou queue, et quelquefois d'un pied,
ayant la forme d'une sphère aplatie. Le creusequin est
originaire d'Allemagne. Il était le plus souvent en madré
façonné au tour, et monté en orfèvrerie. Mais les inven-
taires des XIV® et xv® siècles mentionnent des creu-
sequins en or, argent, jaspe, serpentine, cristal, verre et
mi — CREUSE — CREUSET
bagine, de fer, d'acier, etc., destiné à la fusion des corps.
Quelle que soit la matière qu'on y traite, les creusets
doivent remplir un certain nombre de conditions générales ;
il faut qu'un creuset puisse renfermer, sans perte, la ma-
tière qu'on y a introduite pour être soumise à une tem-
pérature plus ou moins élevée, par conséquent, qu'il
soit imperméable. On cherche également qu'un creuset
puisse servir le nombre de fois le plus considérable et à
l'établir au prix le plus faible, si on doit le sacrifier à
chaque opération. La résistance au feu des creusets peut
être considérée sous un double point de vue. Leur infusi-
bihté propre, c.-à-d. leur propriété de supporter, sans se
ramollir, des températures plus ou moins élevées, propriété
qui dépend uniquement de la matière qui entre dans leur
confection ; la résistance à réchauffement, c.-à-d. la pro^
priété de pouvoir être portés au moins à la chaleur rouge
sans se percer ni se casser ; cette dernière qualité dépend
surtout de la manière dont on les expose au feu. Cette mise
au teu doit toujours être lente et graduée. Les creusets
en terre réfractaire sont les plus employés en industrie
pour une foule d'opérations de laboratoires de chimie, dans
les verreries et cristalleries, dans la fonderie du, bronze,
dans la fabrication de l'acier au creuset, la métallurgie du
zinc, etc. Ils conservent, en général, la forme d'un dé,
quelquefois d'un boisseau cylindrique et peuvent présenter,
au lieu d'une section circulaire, un triangle curviligne, qui
facilite la coulée des matières en fusion. On en fabrique de
toutes les tailles, depuis les petits creusets de laboratoire
de 5 à 10 centim. de hauteur jusqu'aux grands modèles
atteignant quelquefois 1 m. de hauteur avec des diamètres
proportionnés, la hauteur devant excéder la largeur au
moins de moitié pour faciliter l'action de la chaleur. L'in-
fusibilité des creusets en terre réfractaire dépend de la
nature de l'argile employée, qui doit être essentiellement
pure, ne contenir ni calcaire, ni pyrite. Il faut que cette
argile soit mélangée de sable ou de ciment grossier dans
les proportions de 2 et même de 3 de ciment pour 1 d'ar-
gile crue. Certaines argiles jouissent de propriétés réputées
pour la fabrication des creusets, comme celles de Forges,
de Grosse-Almerode, de Hesse, de Garnkirk, etc. On em--
ploie rarement l'argile d'un seul gîte, mais plutôt un mé-
lange, dans des proportions convenables, d'argiles diverses;
le sable ou le ciment agissent comme dégraissants pour
diminuer la plasticité de l'argile pure et s'opposer à l'action
des cendres alcalines. Voici la composition élémentaire des
creusets les plus employés à Paris, résultant des analyses
de Berthier :
Creusequin de madré du xvo siècle.
terre. Il y avait des creusequins doubles. On lit dans
l'inventaire d'un évêque en 1403 : « un crusequin double
d'Alemaigne, d*argent doré à esmaulx de deux costez ».
M. Louandre a reproduit dans son livre sur les Arts
somptuaires un creusequin se composant de deux coupes
d'agate, réunies par une monture d'argent doré, et dont
l'une rabattue sur l'autre forme couvercle. M. P.
BiBL. : Gay, Glossaire archéologique, p. 495.
CREUSET (Métall.). Vase d'argile réfractaire, de plom-
ORIGINE
.1
È
71
65
72
71
65
67
68
1 (0
25
34
19
23
25
32
29
(V
Creusets dits de Hesse
4
10
4
4
7
1
2
traces
— de Paris (fabrication de Beaufay)
— - de Savignies (près Beauvais)'. .
— d'Angleterre (pour acier fondu).
— de Saint-Etienne
— de Nemours (Terrerie de Bagneux). . . .
— de Botiôme (verrerie)
Les creusets peuvent être fabriqués par divers procédés ;
on peut les tourner, les mouler ou les couler. Le procédé
du tournage^ le plus simple et le plus expéditif , ne donne
que de médiocres résultats et ne s'emploie guère que pour
de petites pièces, n'ayant à résister qu'à une température
relativement modérée. Le procédé de coulage consiste à
remplir avec de la pâte, à l'état de barbotine, un moule en
plâtre, à décanter la partie qui n'a pas adhéré au moule, à
laisser raffermir cette croûte et à répéter cette opération
jusqu'à ce que la matière ait atteint l'épaisseur voulue. Le
moulage, où l'on peut exercer sur la matière des pres-
sions énergiques, permet d'obtenir des creusets compacts,
homogènes et résistants.
Nous décrirons avec quelques détails la fabrication des
creusets employés pour la fusion de l'acier. Les dimensions
CREUSET — CREUSOT
352
sont très variables, la hauteur varie de 0^25 à 0*^80 avec
une largeur de 0^^20. La plus grande largeur se trouve
soit à la partie supérieure, de telle sorte que les parois
présentent une inclinaison faible, mais régulière, soit au
premier quart en partant de la partie supérieure, de ma-
nière à former une sorte de centre coïncidant avec le haut
du chargement. Les creusets sont fabriqués dans des moules
qui consistent en un vase circulaire en fonte, ouvert aux
deux bouts et dont l'intérieur a les dimensions que doit
présenter l'extérieur du pot. Il est muni de deux pièces
faisant saillie de chaque côté, afin de le soulever commo-
dément. Dans ce moule s'adapte un tampon en bois dur, tel
que le gaïac, dont les dimensions sont celles de l'intérieur
du pot ; au sommet se trouve une tète en fer destinée à
recevoir les coups de maillet et dans cette tête un trou
transversal sert à faire passer une broche de fer pour faire
tourner sur son axe le tampon ou mandrin au bas duquel
sort un pivot en fer. L'intérieur du moule possède un
disque de fer hbre, juste assez grand pour ne pas sortir
par le fond et percé d'un trou central pour le passage du
pivot. Le moule ayant été bien graissé à l'huile est placé
sur un billot peu élevé, sohdement fixé au sol et percé
d'un trou dans lequel pénètre le pivot du mandrin. On met
dans le moule la charge d'argile sous forme d'un cylindre
court et on l'y enfonce de 0""05 à O'^^OT, au moyen d'un
lourd maillet, le mandrin également bien huilé, qui est
maintenu d'aplomb par le pivot du fond ; on retire ensuite
le mandrin par un mouvement de vis, à l'aide de la broche
mobile qui traverse la tête, puis on le frotte d'huile une
seconde fois ; on l'introduit encore et on l'enfonce complè-
tement ; l'argile s'élève dans l'espace compris entre le
mandrin et l'intérieur du moule. On coupe avec un cou-
teau l'argile au sommet du moule et l'on retire le mandrin
du creuset ; on amincit ensuite un peu la paroi du creuset
en introduisant à la partie supérieure un couteau entre le
creuset et la partie correspondante du moule et en tenant
le couteau inchné vers le centre. On place alors le moule
sur un billot peu élevé, de manière à forcer le fond mobile
à remonter avec le creuset qui repose dessus. Le creuset
enlevé est porté au séchoir. Les couvercles sont façonnés
de* la même manière que les pots ; ils sont circulaires, d'un
diamètre un peu plus grand que l'orifice des pots, plats
au-dessous et légèrement convexes à la partie supérieure.
La pâte dont les creusets sont formés peut être de compo-
sition variée ; on emploie le plus souvent l'argile réfrac-
taire d'excellente qualité, mélangée avec une certaine pro-
portion de graphite et de poussière de coke.
On a imaginé, pour la fabrication des creusets, princi-
palement pour ceux destinés aux usines à zinc, qui font
une grande consommation de ces appareils, des machines à
fonctionnement simple ; celle due à M. Serizier se compose
d'un moule en coquille que l'on enduit de pâte et dans
lequel on fait entrer, avec une pression plus ou moins
grande, un noyau en fonte qui est porté à l'extrémité d'un
arbre tournant sur lui-même. Le tout est porté sur un banc
de tourneur. M. Dor a construit une machine à fabriquer
les creusets, dont l'usage s'est vite répandu ; il fait agir trois
presses hydrauliques, capables de produire une pression de
300 atmosphères, également répartie sur toutes les parties
du creuset. On a proposé, pour la fabrication des creusets,
de nombreuses matières se rapprochant comme classement
chimique des argiles : la magnésite ou silicate de magnésie,
qui ne peut servir que par l'exclusion absolue de la chaux ;
la bauxite ou hydrate d'alumine, exploitée dans les envi-
rons de Tarascon et d'Antibes ; la stéatite, etc. Leur em-
ploi est beaucoup plus restreint que celui de la plombagine
dont nous allons parler. Les creusets en plombagine
sont formés d'un mélange d'argile et de plombagine ou
graphite. Bien que plus coûteux que les creusets en terre,
ils leur sont souvent préférés par suite de leur propriété
de mieux i^ésister au feu, surtout au point de vue de la
cassure, et enfin de ne pas exiger, chaque fois qu'on les
porte au feu, d'échauffement préalable. Alors que dans les
fonderies de bronze, un creuset en terre réfractaire ne
peut faire que dix fontes environ, celui de plombagine
peut en fournir trente. Lorsqu'on destine le graphite à la
fabrication des creusets, il est nécessaire de le débarrasser
des diverses impuretés qui s'y trouvent mélangées et en
particulier du fer et de la chaux qui augmenteraient la
fusibilité de la matière. Le graphite broyé est porté dans
un four au rouge sombre pour transformer en oxyde ma-
gnétique les divers oxydes du fer, puis la matière est
versée par une trémie sur une toile sans fin qui se déroule
devant une autre chaîne sans fin, armée d'aimants qui
attirent les impuretés magnétiques. Une autre méthode
consiste à chauffer la plombagine granulée presque au
rouge et à faire passer à travers un courant de chlore
gazeux. Le chlorure de fer qui se forme est ensuite en-
traîné par une série de lavages ; le grillage du graphite a
transformé le sulfate de chaux en sulfure de calcium qu'on
enlève aisément avec l'eau chaude par une attaque préa-
lable à l'acide chlorhydrique et une série de lavages. Quant
à la fabrication de ces creusets, elle se fait soit par le
tournage, soit par le moulage.
La fabrication des creusets en métal, destinés à la
fusion des métaux précieux, a toujours été un travail très
délicat. Lorsqu'on emploie Vacier, les méthodes perfec-
tionnées de la fusion de l'acier ont facilité considérable-
ment la confection de ces creusets. Mais avec le fer, leur
établissement comporte un travail de foyer des plus com-
plexes ; aujourd'hui, on obtient ces creusets par voie d'éti-
rage et d'emboutissage au marteau-pilon. Pour un creuset
d'une hauteur de 0"'50, d'un diamètre de 0'^60 à l'entrée
et de 0'"50 au fond et de 0^^04 d'épaisseur, pesant
420 kilogr., on corroie une masse de fer de O'^^ôO q. sur
0*^48 d'épaisseur; on l'arrondit au diamètre de 0'^^50 et
on la forge sur champ et sur plat. Pour préparer l'embou-
tissage, on la forge et l'amincit sur le plat, mais sans tou-
cher au milieu. Quand cette opération est terminée, la
masse a 4 ^^'20 de diamètre, elle est plate d'un côté et pré-
sente de l'autre face la forme d'une bouteille convexe.
Pendant que la pièce est mise à réchauffer, on arme le
marteau d'un poinçon en fonte qui a la forme du creuset et
on remplace l'enclume par une matrice en forme de calotte
sphérique. On emploie trois jeux de matrices dont la der-
nière présente exactement en creux la forme du creuset. 11
ne reste plus qu'à forger à l'aide de ce matériel comme pour
tout travail de ce genre. Dans les fours à cuve, le creuset
est la partie inférieure du fourneau où se rassemblent les
matières traitées (V. Haut fourneau). L. Knad.
CREUSOT (Le). Ch.-l. de cant. du dép. de Saône-et-
Loire, arr. d'Autun; 27,304 hab., à 443 m. d'alt., sur
les lignes de partage des eaux du Mesvrin et de la Bour-
b!nce(V. SAôNE-ET-LoiBE[Dép.]). Stat. du chem.de fer de
Chagny à Nevers. Cette ville doit son existence et sa pros-
périté aux grands établissements métallurgiques qui ont
atteint un immense développement sous la direction de
MM.. Schneider. A mesure que l'usine se développait, la ville
du Creusot prenait de l'extension, et cette localité, qui n'était
d'abord, en 4836, qu'une petite bourgade de 2,700 hab.,
compte maintenant au nombre des principales villes du dé-
partement. En 4 847 elle n'avait encore que 4,000 hab. ; en
4864, 46,000 ; en 4866, 23,872 ; depuis, les progrès ont
été moins rapides, et, de 4884 à 4886, la population est
restée stationnaire et a même un peu diminué.
Usines. — On découvrait, vers le milieu du xni^ siècle,
un gisement de houille au lieu dit la Charbon7iière,
sis dans le massif montagneux, dont les crêtes dessinent la
hgne de partage des eaux de la Saône et de celles do la
Loire. Ce terrain houiller, qui fut l'objet d'une charte de
concession, en date de l'an 4253, n'est autre que celui du
Creusot. C'est à l'année 4774 que se rapporte la création
des premiers établissements industriels qui, sous le nom
ôhisine de Montcenis, furent organisés sur les lieux.
Telles sont les origines des usines du Creusot. dont le
renoîn est aujourd'hui universel. Il n'est personne au
— 353 —
CREUSOT
monde qui ne sache, au moins par ouï-dire, quelle est la
puissance de production de cet établissement célèbre ; mais
ce qu'on ignore généralement, ce qui sera sans doute un
sujet de surprise pour le lecteur, c'est que, depuis neuf
ans déjà, le Creusot est en droit de fêter son centenaire à
titre d'atelier de construction de matériel d'artillerie. Dès
4782, en effet, il s'organisait en fonderie de canons et
cette fonderie était placée sous le haut patronage de
Louis XVI qui en devint un des principaux actionnaires. A
quelque temps de là, William Wilkinson y construisait
quatre hauts fourneaux au coke et tirait la force motrice
dont il avait besoin du jeu de ces nouvelles machines,
dites à vapeur, que Watt venait de perfectionner. En 4784,
pour utiliser les sables du pays, une cristallerie avait été
créée au Creusot, sous les auspices de la reine Marie-
Antoinette ; elle fonctionna jusqu'en 4832, époque à
laquelle elle fut achetée par Baccarat qui l'éteignit. Le
Creusot avait, dès lors, acquis une importance considérable ;
cet établissement, qui a tant fait, dans la seconde moitié
de ce siècle, pour la gloire de l'industrie française, était
considéré, dès 4789, comme un élément important de notre
outillage national. Durant toute la période des guerres de
la Révolution et du premier Empire, le Creusot fabriqua
sans relâche du matériel d'artillerie : des bouches à feu de
bronze et de fonte, et quantité de projectiles dont nos
armées de terre et de mer avaient alors un besoin inces-
sant. La création du canal du Centre, ouvert à la naviga-
tion à la fin de 4793, dota le Creusot d'une voie de com-
munication très importante. A la paix (484o), les travaux
d'artillerie furent nécessairement suspendus. L'Etat, du
reste, crut devoir reprendre des attributions dont il s'était
un moment dessaisi et, de 4845 à 4870, la construction
des bouches à feu fut à peu près monopolisée par nos
grands étabhssements militaires.
L'intervalle de temps qui s'écoule de 4845 à 4836 fut,
pour le Creusot, une période pleine de difficultés et d'essais
infructueux. L'établissement futacheté en 4 848 par MM. Cha-
got, qui le cédèrent, en 4820, à la société Manby-Wilson
et C^®, et cette société, après avoir essayé d'appliquer les nou-
veaux procédés anglais relatifs à l'affinage et au soudage du
fer à la houille, aboutit à une iailhte le 25 juin 4833. Repris
par MM. Coste frères, Jules Chagot et autres, le Creusot
fut enfin cédé, au mois de déc. 4836, à MM. Schnei-
der frères et G^®. Pour remettre sur pied un établissement
dont la fortune était assez gravement compromise, les
acquéreurs arrivaient au moment favorable. C'était l'heure,
en effet, où la navigation à vapeur prenait une importance
inattendue, où l'occident de l'Europe commençait à se sil-
lonner de chemins de fer. C'étaient là pour l'industrie des
conditions nouvelles et de nature à exercer, en particulier,
une grande influence sur le développement de la métal-
lurgie. MM. Schneider comptaient immédiatement que,
pour répondre aux exigences d'une nouvelle situation, il
fallait tout d'abord donner à l'usine des développements
qui devenaient nécessaires. \}\\ atelier do constructions
mécaniques fut créé et, en 4838, la Erance vit sortir du
Creusot la première locomotive qui eût été fabriquée sur son
sol. Dès lors, plus do chômages ni de temps d'arrêt. Ani-
més d'un merveilleux esprit d'activité, ces ateliers vont
faire toutes les locomotives des lignes de Saint-Etienne,
de Saint-Germain, de Versailles, toutes les machines des
bateaux à vapeur qui commençaient à pratiquer les eaux
de la Saône et du Rhône (4839-4840). Tout ce matériel
avait été construit avec un outillage imparfait et, par suite,
insuffisant; c'est alors que M. Bourdon, ingénieur des
ateliers, inventa un engin nouveau, d'une grande puissance,
qui devait permettre de forger facilement de grosses pièces :
le 49 avr. 4842, MWI. Schneider prenaient un brevet pour
le marteau-pilon. Avec cet outil, le Creusot put construire
les appareils de frégates de 450 chevaux et les paquebots le
Labrador, le Canada, le Caraïbe, VOrénoque et F Alba-
tros, Dès lors, magistralement outillés, les ateliers se trou-
vaient en mesure d'entreprendre et de réussir des travaux
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — Xliï.
de haute volée, A la mort de M. Adolphe Schneider (3 août
4845), M. Eugène Schneider resta seul à la tête du
Creusot et c'est alors que fut adoptée la raison sociale
Schneider et C^®,
Le Creusot continua à se développer pour ainsi dire
d'année en année. En 4855, au moment de la guerre de
Crimée, il rendit les plus grands services en livrant très
rapidement un nombre considérable de machines pour
vaisseaux de guerre : en sept mois, il construisit dix-sept
machines de 450 chevaux (le cheval était alors pour la
marine de 225 kilogrammètres), pour canonnières et bat-
teries flottantes ; il acheva quatre machines de 650 che-
vaux pour vaisseaux de ligne et commença trois machines
de 800 chevaux pour frégates. Au cours de la guerre de
Crimée, le Creusot frappa le monde militaire d'admiration,
du fait de la construction des blindages de ces batteries
flottantes qui firent merveille à l'attaque de Kinburn. Mais
en 4860, les traités de commerce vinrent changer la face
des choses; l'abaissement des droits d'entrée ouvrait toutes
grandes les portes de la France à la concurrence étrangère.
MM. Schneider acceptèrent sans hésiter la lutte; aucun
sacrifice ne leur coûta ; désarmés devant l'étranger mieux
outillé et produisant dans de meilleures conditions, ils
modifièrent et complétèrent leur outillage : l'usine fut pour
ainsi dire renouvelée. Le nombre des hauts fourneaux
s'accrut successivement ; une nouvelle forge capable de
suffire à une production annuelle de 450,000 tonnes fut
construite ; les voies ferrées de l'usine augmentées et pro-
longées jusqu'aux mines de fer de Mazenay, une ligne
télégraphique fut établie pour mettre en communication
les divers services ; une briqueterie importante fut amé-
nagée au bord du canal du Centre. Tandis que la plupart
des autres maisons métallurgiques de France étaient griève-
ment atteintes, le Creusot prospérait rapidement ; en 4865,
il l'emportait à l'adjudication de 45 locomotives pour le
chem. de fer anglais du Great Eastern. En 4867, le Creusot
présenta au public, pour la première fois, une classification
méthodique et rationnelle de ses fers et tôles, par qualités
appropriées à toutes les applications. Cette classification est
aujourd'hui presque universellement adoptée. C'est vers
cette époque que l'industrie de l'acier fit son apparition au
Creusot qui employa d'abord le procédé Martin Siemens,
et ensuite et concurremment le procédé Ressemer. De ce
moment date la fabrication des rails d'acier, des tôles et
des barres en acier doux pour la construction des navires
de guerre, application nouvelle pour laquelle la l^rance a
devancé de plusieurs années l'Angleterre. Le Creusot était
donc bien préparé à faire du matériel de guerre quand
éclata la guerre de 4870.11 put Hvrer en cinq mois, à nos
armées de province : vingt-trois batteries de 7, système de
Reffye, en bronze ; deux batteries de môme calibre et système ,
en acier ; seize batteries de mitrailleuses, système de Reffye ;
au total, deux cent cinquante bouches à feu. Cette livraison
était accompagnée de celle des affûts, avant-trains, cais-
sons, etc., nécessaires; ensemble trois cent soixante-dix
voitures. Au lendemain de nos désastres, M. Thiers avait
conçu l'idée d'instituer une grande usine nationale qui eût
été appelée à tenir en France le rôle que la maison Krupp
tient en Allemagne, et il avait, à cet effet, jeté les yeux sur
les étabhssements du Creusot. Des négociations s'enta-
mèrent ; mais le principe d'un usinage à réserver aux
arsenaux de l'Etat ayant fini par prévaloir dans l'esprit du
gouvernement, il ne fut point donné suite au projet de
M; Thiers. Toutefois, c'est au Creusot que, à partir de
4872, furent faites les expériences prescrites par le gou-
vernement français à l'effet d'arrêter les bases du mode de
production des aciers à canons, de déterminer exactement
les conditions auxquelles devaient satisfaire ces aciers.
C'est du Creusot que sont sortis les premiers canons de 80
et 90 miilim., système de Range ; divers autres types de 90
et 95, types qui n'étaient pas' destinés à devenir réglemen-
taires ; des modèles de mortiers de 220 et 270 miilim., etc.
En 4873, on installa un atelier pour la fabrication des
23
CREUSOT — 354
bandages en acier, destinés aux roues de locomotives et de
wagons, et pour le forgeage des grosses pièces en acier.
En 1876, pour l'exécution des arbres des fortes machines
marines, des canons de gros calibre en une seule pièce,
on construisit un marteau-pilon de 100 tonnes. C'était un
appareil de frappe deux fois plus fort que le plus puissant
des appareils similaires connus ; c'était une merveille dont
le brusque avènement allait, on le pressentait, révolutionner
l'art de la métallurgie. Vers cette date, poursuivant les appli-
cations des propriétés spéciales de l'acier, ils obtinrent à la
Spezzia un succès éclatant dans des essais de plaques de
blindages de grande épaisseur, 55 centim., et désormais la
fabrication des blindages en acier et en nickel-acier, au
moyen du marteau-pilon de 100 tonnes et de l'outillage
accessoire de proportions colossales qu'il nécessita, forme
une des industries les plus importantes du Creuset.
Elle lui fournit des ressources nouvelles et lui permit
de résister plus aisément à la grande crise qui l'a éprouvée
dans la période de 1880-1890. La plupart des hauts
fourneaux ont été éteints, la fabrication des machines a
perdu de son importance, mais celle de l'acier et des blin-
dages se développe sans relâche, et la transformation
nouvelle accomplie au Creusot n'a en rien diminué la puis-
sante vitalité de l'usine.
lableau indiquant les principaux chiffres de production des usines du Creusot à différentes époques.
Houillps . 4 , . i i , i . . i
18374838
1847-1848
1857-1858
1867-1868
1877-1878
1880-1881
1890
tonnes
60.000
5.000
2 500
1.000
tonnes
100.000
18.000
16.000
4!500
tonnes
145.000
45.000
38.000
8.000
tonnes
230.000
133.000
99.000
16!oOO
tonnes
550.000
155.000
125.000
24.500
lonues
579.000
173.000
145.000
26.000
tonnes
8o!oOO
115.000
Fontes
Fers
Aciers
Ateliers de construction
La diminution que l'on constate dans la production des
fontes et des fers et aciers dans ces dernières années
provient uniquement de ce fait que le Creusot trouve plus
d'avantage à se fournir des fontes obtenues dans l'Est avec
des minerais à bas prix de revient et à faire fabriquer les
rails d'acier aux usines de Jœuf (Meurthe-et-Moselle), dont
MM. Schneider sont co-propriétaires.
Les établissements du Creusot se composent des usines
du Creusot proprement dites et d'annexés. Outre les usines,
dont il sera parlé plus loin, les annexes comprennent des
houillères à Monchanin et Longpendu (Saône-et-Loire), à
La Machine, près Decize (Nièvre), à Montaud-Saint-Etienne
(Loire) ; des usines de fer à Mazenay (Saône-et-Loire), à
Laissey (Doubs), à Allevard (Isère), à Saint-Georges (Sa-
voie) ; des chantiers de construction de charpentes, ponts,
bateaux, etc., à Chalon (Saône-et-Loire); d'une usine à
produits réfractaires à Perreuil (Saône-et-Loire). De plus,
la Société est copropriétaire de houillères à Beaubrun
(Loire) et à Brassac (Puy-de-Dôme) ; elle a d'importants
, intérêts dans les usines de Jœuf (Meurthe-et-Moselle) et
dans les ateliers et chantiers de constructions navales de
la Gironde, à Bordeaux. — Avantageusement situées au
centre de la France, étroitement rattachées aux lignes de
Bourgogne et du Bourbonnais, reliées par un chemin de
fer particulier au canal du Centre, dont elles sont distantes
de 10 kil. et qui leur donnent un facile accès à la Loire,
à la Saône et au Rhône, les usines proprement dites du
Creusot, par les voies ferrées ou fluviales, se trouvent en
communication rapide avec les côtes de l'Océan et de la
Méditerranée et avec les diverses régions de la France et
de l'étranger. La surface occupée actuellement par les
bâtiments, dépendances et annexes, est de 423 hectares
dont 24 occupés par les bâtiments et ateliers. Il existe pour
le service particulier des usines plus de 300 kil. de chem.
de fer, tant à voie normale qu'à petite distance. La force mo-
trice est donnée aux 1,100 machines, outils et engins de
toutes sortes par 300 machines à vapeur d'une force totale
de près de 16,000 chevaux. En outre, 30 marteaux-
pilons, actionnés directement, y fonctionnent actuellement.
Plus de 30,000 tonnes de ponts métalliques (fabriqués
au Petit-Creusot), des bateaux à vapeur pour la navigation
fluviale, des machines marines, des machines fixes, des
engins et machines, outils de grande dimension, plus de
2,500 locomotives, des rails de chem. de fer, des barres
ou tôles en fer ou en acier, absorbées par les besoins régu-
liers du commerce et de l'industrie, des plaques de blin-
dage, des canons et des aff'ûts, tel est l'ensemble formi-
dable de produits et de constructions, qui font du Creusot
un établissement d'ordre exceptionnel dans l'industrie fran-
çaise. L'effectif du personnel comprend 15,500 agents et
ouvriers répartis de la façon suivante entre les divers ser-
vices (en 1889) :
Mines de fer 2,000
Houillères 5,000
Hauts fourneaux 700
Aciéries 800
Forges 2,700
Ateliers de construction 2,800
Chemins de fer et ouvriers divers. . . . 1,500
Total "l5,500
On a dû se préoccuper de loger économiquement le
nombreux personnel ouvrier des usines. On y est arrivé
par le système des cités ouvrières, composées de maisons
isolées, entourées de jardins spacieux, bien préférables à
tous les points de vue aux anciennes casernes d'ouvriers,
si malsaines, dont quelques-unes existaient encore il y a
quelques années. Les loyers des maisons sont réduits à
un chiffre très faible et l'ouvrier économe peut, moyen-
nant le payement d'annuités, devenir, au bout de quelques
années, propriétaire de la maison et de ses dépendances.
L'usine intervient pour assurer des retraites sans retenue
de salaires ; l'administration du Creusot exerce vis-à-vis de
ses ouvriers une tutelle bienveillante; ce n'est pas ici le lieu
de discuter les avantages et les inconvénients de ce système.
Nous décrirons rapidement les principaux établissements
du Creusot et de ses annexes. Les houillères, qui ont été
l'origine de l'institution, ont perdu de leur importance.
Les produits extraits consistent en houilles maigres et an-
thraciteuses, dans la partie nord des exploitations, et en
houilles maréchales et demi-grasses, dans les galeries pro-
longées plus au sud, sous les grès bigarrés. Les couches
qui affleurent sur le pourtour du bassin s'enfoncent rapi-
dement à une grande profondeur. L'exploitation se fait par
puits et galeries à l'aide de la méthode dite en travers, el
l'attaque se poursuit par le système des remblais. Au
découvert de la Croix, on a continué les anciens travaux
d'extraction à ciel ouvert. Le nombre des hauts four-
neaux qui s'élevaient à 13 a été progressivement réduit
dans les dernières années (trois seulement de ces engins
sont en feu aujourd'hui [1891]) ; ils sont alimentés par
les cokes fabriqués au Creusot avec des houilles grasses du
bassin de la Loire, mélangées aux houilles demi-grasses
et anthraciteuscs de l'usine. Outre le minerai de Mazenay,
on y traite ceux de Mokta-el-Hadid, de Bilbao, de l'île
d'Elbe, de Saint -Georges (Savoie) et d'Allevard (Isère).
La grande forge a remplacé en 1862 l'ancienne forge,
qui, bien que considérable, ne pouvait plus suffire à l'exécu-
tion des commandes. Les nouveaux bâtiments couvrent une
superficie de 42 liect. ; ils s'étendent sur une longueur de
500 m. et comprennent six parties principales, savoir :
deux halles de puddlage, une halle de laminage, une halle
de finissage des rails, un atelier de réparations et un ma-
gasin à fers. Une cour centrale de 40 m. de largeur est
ménagée entre ces divers bâtiments que des voies ferrées
desservent dans tous les sens. Les tours à puddler, au
nombre de cent, sont disposés en forme de fer à cheval
dans chacune des deux halles ; dans l'espace resté libre,
sont installés deux groupes de cinq marteaux-pilons chacun,
où l'on travaille les loupes immédiatement après leur '
sortie des fours. Quatre trains ébaucheurs, actionnés par
quatre machines horizontales de 200 chevaux chacune,
complètent l'aménagement des halles de puddlage où l'on
utilise les chaleurs perdues au chauffage des chaudières
à vapeur verticales, annexées au massif des fours. Le
temps n'est pas loin où les fours à puddler disparaîtront
et où le fer puddlé sera entièrement remplacé par le fer
fondu. La halle de laminage est un immense bâtiment à
cinq travées, qui mesure 380 m. de longueur sur 100 m.
de largeur, A droite, est disposée une longue file de
fours à réverbère, où l'on soude les paquets de fer ou bien
où l'on réchauffe les lingots destinés au laminage. Au
centre de la halle sont établis vingt trains de laminoirs,
mus par quinze machines d'une force de 6,000 chevaux;
douze de ces trains sont destinés à la fabrication des fers
profilés et des rails; les huit autres sont des trains à
tôles. L'eau nécessaire à l'alimentation des forges est con-
tenue dans un étang d'une contenance de 300,000 m. c,
qui reçoit toutes les eaux de la ville, ainsi que le résultat
de la condensation des machines etdel'exhaure des mines.
Six pompes mues chacune par une machine de 50 chevaux
élèvent les eaux de cet étang dans trois réservoirs.
Les aciéries sont outillées pour la fabrication des aciers,
d'après les procédés Bessemer, Martin-Siemens et Thomas
Gilchrist. Les ateliers deforgeage comprennent le forgeage
à vapeur, créé en 1873 pour la fabrication des grosses pièces
en acier destinées aux chemins de fer, à l'artillerie et à la
marine. On y trouve un laminoir à bandage et plusieurs mar-
teaux-pilons permettant de fabriquer une moyenne annuelle
de 12,000 tonnes; les marteaux-pilons sont de 8, 10, 15,
20, 40 et enfin 100 tonnes. L'atelier de bandages possède
aussi des fours à réchauffer les pièces, système Siemens,
des chantiers de trempe et de recuit. Ces ateliers de
forgeage fabriquent des pièces d'acier pour machines, des
canons, bHndages et du matériel de chemins de fer. Voici
quelques détails sur le gigantesque marteau-pilon de 100
tonnes : le poids de la masse active est de 100 tonnes,
la hauteur de chute du marteau est de 5 m., ce qui
donne un travail utihsable de 500,000 kilogr. Le dia-
mètre du cylindre à vapeur dans lequel se meut le pis-
ton qui actionne le marteau est de l^^iO, d'où résulte une
surface de 27,345 centim. carrés, en déduisant la section
de la tige, qui est de 36 centim., ce qui pour une
pression de vapeur ae 5 atmosphères permet d'exercer
sur le piston un effort de 140 tonnes. La hauteur dis-
ponible sous l'arcade formée par les bâtis est de 3'"20,
et la largeur disponible est de 7^50. Deux énormes jam-
bages, réunis en forme d'A, supportent la masse active,
l'entablement et le cylindre à vapeur. La chabotte et
l'enclume pèsent ensemble 750,000 kilogr. Enfin le poids
total des parties métaUiques de l'outil, s'élève à 1,280
tonnes. Quatre fours, munis chacun d'une grue métallique,
servent à la préparation des pièces à forger. Des quatre
grues, trois ont une puissance de 100 tonnes et la force
de la quatrième va jusqu'à 160 tonnes. Le Creuset installe
une presse à forger de 2,000 tonnes, dont la puissance
équivaut à celle d'un marteau-pilon de 80 tonnes.
Les ateliers de construction mesurent . 500 mètres de
longueur sur 150 de largeur moyenne. Ils comprennent les
355 — CREUSOT
fonderies de fer et de bronze, les forges à main, la chau-
dronnerie, les ateliers de tournage, d'ajustage et de mon-
tage. Les ateliers ont été installés en vue de répondre plus
particulièrement à la fabrication des locomotives et des
machines à vapeur, ainsi qu'à celle des ponts et ouvrages
d'art, et par suite les différentes parties qui constituent
les ateliers ont tiré leurs désignations de la production à
laquelle ils sont affectés plus spécialement. Ainsi on dis-
tingue la tournerie, l'ajustage, le montage des chemins de
fer; la tournerie, l'ajustage, le montage de la marine, de
l'artillerie, etc. Toutes ces parties renferment un outillage
nombreux et puissant qui économise la main-d'œuvre, aug-
mente la production et permet de ne demander à l'ouvrier
que sa force intellectuelle. La chaudronnerie de fer, comme
les ateliers précédents, est divisée en deux parties distinctes :
celle des locomotives et celle des machines fixes et marines.
Le travail presque tout entier se fait à l'aide d'engins mus
mécaniquement. Une chaudronnerie de cuivre est annexée
à ces chaudronneries. Les ateliers d'ajustage des chemins
de fer et la chaudronnerie ont leurs outils entraînés par
des machines Corliss. — Les ateliers de construction
renferment les ateMers de l'artillerie auxquels est annexé un
petit polygone d'essai. De 1875 à 1890, le Creuset a livré
en France, à l'artillerie de terre : 336 canons, dont 12 de
240 millim. complètement usinés et les éléments d'acier cor-
respondant à l'usinage de 4,829 autres canons, ensemble
5,165 bouches à feu; à l'artillerie de la marine, les
éléments de 500 canons de gros calibre ; aux deux ser-
vices joints ensemble, 2,118 affûts métalliques. Le Creuset
a fourni d'autre part à l'Espagne, à l'Italie, aux Etats-Unis,
les éléments d'un certain nombre de canons ; de plus, des
quantités de tubes pour canons-revolvers et canons à tir
rapide Hotchkiss. Sans atteindre à l'immense développe-
ment de l'usine Krupp pour la fabrication des canons, le
Creuset fait bonne figure; en revanche les industriels
français ont prouvé leur supériorité pour les plaques de
blindage. On trouvera tous les détails à ce sujet dans les
art. Blindage, Coupole, Cuirasse et Tourelle. Admirable-
ment outillé en vue de la fabrication des plaques de blin-
dage, le Creuset s'est fait une spécialité des plaques en métal
Schneider. En présence d'une supériorité éclatante, plusieurs
puissances ont, à l'exclusion de tout autre système, adopté
l'acier Schneider pour le Windage de leurs navires. Jusqu'à
ce jour les usines ont exécuté d Importantes commandes de
blindages qui s'élèvent pour la France à 11,600 tonnes et
pour l'étranger à 16,000 tonnes. Des essais ont été faits
en sept. 1890 au polygone d'Annapolis (Etats-Unis) sur
trois plaques de blindage : l'une en nickel-acier (Creuset)
de 264 millim. d'épaisseur, l'autre tout acier (Creuset) de
268 miUim., et la troisième en métal compound fer et acier
(Cammell et C*^ de Sheflield) de 272 millim. La plaque de
nickel-acier a été classée la première : après quatre coups
d'un canon de 15 centim. tirant des projectiles en acier
chromé, elle ne montre pas de trace de faiblesse, deux
projectiles sont brisés, les deux autres restent encastrés
dans le métal; un cinquième coup d'un canon de 20 centim.
laisse la plaque intacte. L'acier chromé a donc trouvé
son maître. Rien jusqu'à ce jour n'est supérieur aux
cuirasses qu'on usine au Creuset. Nous renverrons à l'ar-
ticle Tourelle pour la description des tourelles cuirassées
que construit le Creuset. — Le service des chemins de
fer spéciaux présente un développement de 300 kil.
environ. Il se compose principalement d'une gare spéciale
située entre la grande forge et les aciéries. De cette
gare partent les voies qui rayonnent dans toutes les par-
ties de cet immense établissement, ainsi que les lignes
particulières qui unissent le Creuset au canal du Centre et
aux mines de Mazenay. Elle renferme un dépôt de locomo-
tives et un ateUer de réparations de wagons. Elle est
reliée à la gare de Creusot-ville (P.-L.-M.) par l'intermé-
diaire de nombreuses voies de garage qui constituent ce
qu'on appelle la gare mixte. Le service est assuré à l'aide de
dix-sept locomotives tenders de 25 à 30 tonnes et de sept
CREUSOT — CREUX
— 356 —
cents wagons de divers types, dont la limite de chargement
varie de'lO à 20, 40, 60 et 400 tonnes. Il est organisé
pour desservir tous les ateliers et pour réunir la gare de
l'usine à la plate-forme des hauts fourneaux, au port de Mont-
chanin et au canal du Centre, aux mines de Montchanin,
aux mines de Mazenay et à celles de Montceau. Le ser-
vice comprend cinquante à soixante trains réguliers, don-
nant un tonnage régulier de 7,000 tonnes transportées à une
distance moyenne de 10 kil. — Les services divers d'entre-
tien des usines comprennent plusieurs annexes où sont
occupés les ouvriers des divers corps d'état employés à l'en-
tretien et aux réparations des nombreuses constructions de
l'usine. C'est sous la direction des ingénieurs de ces ser-
vices qu'ont été édifiés les bâtiments principaux des usines,
l'hôpital, les églises, les écoles et encore d'autres construc-
tions affectées à divers services municipaux.
Usines et chantiers divers. L'usine de Chalon-sur-
Saône est une annexe importante du Creusot qui est dési-
gnée sous le nom de Petit-Creusot. On y coustruit les
ponts métalliques de toute portée, les caissons pour fon-
dations à l'air comprimé, les charpentes et planchers,
le matériel de navigation, docks flottants, coques de
bateaux, chalands, dragues, etc. ; le matériel de chemin
de fer ; le matériel d'artillerie ; les chaudières à vapeur.
Enfin ce chantier comprend un atelier de zingage pour
les pièces des plus grandes dimensions. Le viaduc de
Fribourg, le pont de Brest, les grands ponts sur le Da-
nube, à Vienne, à Linz, le pont tournant de Missiessy à
Toulon, le pont en arc d'Elcinca en Espagne et un grand
nombre de viaducs et de ponts en France et à l'étranger,
sont sortis du Petit-Creusot. La briqueterie de Perreuil
(Saône-et-Loire) permet au Creusot de fabriquer lui-même
les briques et les pièces céramiques spéciales dont il a be-
soin pour ses nombreux fours ; cet établissement peut four-
nir annuellement plus de 3 millions de briques de diverses
sortes. Enfin nous terminerons en constatant que le Creusot,
prévoyant l'immense avenir de l'électricité, vient de s'outiller
pour fournir à l'industrie tout le matériel électrique.
BiBL. ; Heninedert, les Industries du Creusot^ le Maté-
riel de guérite; Paris, 1890. — De Lapparent, l'Exposition
universelle et les constructions métalliques; Paris, 1889.
— BoBiLLiER, Expériences faites en 1813^ au Creusot, sur
l'acier à canons fabriqué dans ces usi7ies ; Paris, 1874. —
Brialmont, la Fortification du temps présent ; Bruxelles,
1885. — Weyl, les Industries du Creusot, la machine
marine; Paris, 1890. — Du même, les Industries du Creu-
sot, le Canon; Paris, 1889. — Du môme, les Industries du
Creusot^ la Cuirasse; Paris, 1889. — Du môme, les Essais
d'Annapolis^ les Cuirasses du Creusot; Paris, 1891. —Les
Machines Corliss construites par les usines du Creusot;
Paris, 1889. — Lami, Dictionnaire de Vindustrie et des
arts industriels; Paris, 1883. — Knab, Fabrication et em-
plois industriels de l'acier; Paris, 1889.
GREUTZ, famille suédoise de Finlande, issue de Lars
Markusson qui vivait en 4400 et dont un descendant à la
cinquième génération, Ernst Larsson, fut anobli en 1625.
Le fils de celui-ci, Lorens Creutz, né en 1615, mort le
1®^' juin 4676. fut fait baron en 4654. Après avoir été
gouverneur d'Âbo (4649) et de Dalékarlie (4655), com-
missaire du gouvernement dans la partie conquise de la
Norvège moyenne (4658), il fut nommé riksrâd (4660).
Ses capacités administratives firent croire qu'il était propre
à to-U : on le mit à la tète de la flotte comme amiral-gé-
néral (1675), mais dans sa première bataille, Hvrée près
de l'île d'OEland, son navire échoua, prit feu et sauta avec
ses 800 hommes. — Son petii-fils Johan Creutz (4654-
47^26), fait comte en 4749, fut gouverneur du Nyland
(4 703), maréchal de la diète (4 7 1 3-44) , riksrâd et président
de la cour d'Abo (4749),—" Le petit-lilsde celui-ci, le comte
Gustaf'Filip Creutz, poète, diplomate et ministre, naquit
en Finlande en 4734 (probablement le 4^^' mai) et mourut
le 30 oct. 4785 ^à Tivoli près Stockholm. Après avoir fait
à l'université d'Âbo de si sérieuses études qu'il était en
état de parler grec, il entra à la chancellerie (1754), puis
fut placé comme cavalier auprès du prince Fredrik-
Adolf (4756-63). Envoyé en Espagne comme ministre
de Suède (4763), il passa avec le même titre à la cour
de France (4766), devint ambassadeur en 4772, che-
valier de l'ordre des Séraphins (4780), entretint les meil-
leures relations non seulement avec les hommes politiques,
mais encore avec les beaux esprits, et conclut avec Fran-
klin un traité d'amitié et de commerce entre la Suède et les
Etats-Unis (3 avr. 4783). Il ne fut rappelé à Stockholm
(4783) que pour être nommé président de la chancellerie,
riksrâd, chancelier de l'université d'Upsala, et membre du
gouvernement intérimaire pendant l'absence du roi (4783-4) .
Mais ce sont surtout ses Œuvres littéraires qui l'ont
rendu célèbre. Elles parurent dans JSos Essais (4753-5,
3 vol. ; les deux premiers réédités avec retouches sous le
• titre de Travaux littéraires, 4759, 4762), recueil pu-
blié par une petite académie dont M^«« Nordenflycht était
l'âme. Elles ont été plusieurs fois réimprimées, soit avec
celles de Gyllenborg (Stockholm, 4795, 2^ édit. 4842),
soit seules (Helsingfors, 4862). Son chef-d'œuvre est
Atis et Camilla, où le manque d'action et d'invention est
racheté par la sincérité du sentiment, l'éclat et la pureté
du style, l'harmonie des vers et la beauté des descriptions,
qui font de Creutz le plus brillant représentant du goût
français dans la littérature suédoise. On cite encore :
Elégie (parodiée par Hallman), Daphné, chant d'été, et
une vive satire en pi ose : Apologie du mensonge (4759).
Quelques-unes de ses lettres en suédois et en français ont
été publiées dans divers recueils. -— Le chef actuel de la
branche finlandaise de cette famille est le comte Carl-
Magnus Creutz, né à Perno le 40 sept. 4824. Après
avoir pris tous ses grades à l'université de Helsingfors,
passé trois ans à Stockholm pour étudier l'agronomie et
taire des recherches dans les archives, et publié deux ou-
vrages pleins d'érudition : la Ligue d' Anjala (Stockholm,
4848, sous le pseudonyme Magnus Malmanen, c.-à-d.
Magnus de Malmgord) et De Initiis monasterii Vallis
prai^zû? ou Nâdendal (Helsingfors, 4849 ; en suédois, 4850),
il fit valoir son domaine de Malmgord et ne sortit de la
vie privée que lors de la première convocation de la diète
(4863) ; il y joua un rôle important, devint gouverneur
d'Abo et Bjœrneborg (J 863), président de la société d'agri-
culture de Finlande. Beauvois^
CREUTZBUR6 (Allemagne) (V. Kreuzburg).
CREUTZER ou KREUZER (V. Kreuzer).
CREUTZWALD {Silva Crucis, 4704 ; en allemand
Kreuzwald), Com. de la Lorraine allemande, arr. de
Thionville, cant. de Bouzonville ; 4,388 hab. Près de la
frontière de la Prusse rhénane ; stat. de chem. de fer
sur l'embranchement Hargarten-Beningen, qui se détache
de la ligne de Thionville à Sarrebriick. La commune se
compose de trois villages, fondés vers 4668, dans la grande
forêt de Varent, par le duc de Nassau : 4° CreiUzivakl-la-
Croix, sur la rive droite de la Bisten ou la Houve, autre-
fois domaine de la Lorraine par moitié avec le duc de
Nassau ; patrie du maréchal de camp Cochois qui, pendant
les guerres de la Bépublique et de l'Empire, se distingua
par ses charges de carabiniers ; 2« Creutzwald-la- Houve,
sur la rive gauche du ruisseau ; autrefois de la Lorraine.
Mmes de plomb qu'on exploitait jadis sous les noms de
Wildt, Petit-Zel et Gros-Zel ; 3*^ Creutzwald-WilhelmS'
bronn, ancien domaine du prince de Nassau-Sarrebrùck,
cédé à la France en 4766 et faisant dès lors communauté
inséparable avec Creutzwald-la-Houve; autrefois verrerie
nnportanteet fonderie de plomb; depuis 4735, fonderies
de fer, forges et usines considérables où l'on fabrique entre
autres des poêles dits économiques et des casseroles dites
cassions ; fabriques de tabatières en écorce et de pipes.
Dans la banlieue de Creutzwald, on a découvert beaucoup
d'antiquités romaines. L. W.
BiBL : Bulletin de la Société d'archéologie et d'histoire
de la Moselle X 156 176 ; XII, 11, 68. - Austrasie, Revue
de Metz, 1856, IX, 212. — Kraus, Kunst und Alterthum in
Elsass-Lothringen ; Strasbourg, 1889, III, p. 251.
CREUX. ï. Gravure (V. Gravure).
357
CREUX — CREVANT
IL Marine. — Distance du dessus de quille au milieu de
la face supérieure du maître-bau. C'est une des trois dimen-
sions principales du navire. Voici ses valeurs sur différents
types d'anciens bâtiments :
Vaisseaux de 4^^ rang 8™30
•— de 2^ rang 8^^^25
de 3« rang 8"M0
— de 4« rang 7^^^25
Frégates de 1®^' rang î^^OS
— de 2^^ rang 7™0r)
— de 3^ rang 6"^20
Corvettes de i^^ rang S'^^oS
— de 2*^' rang 5^M5
Grands bricks 4"^60
III. Droit ecclésiastique (V. Casuel).
CREUX-DU- Vent. Montagne du Jura suisse, à 6 kil. 0.
du lac de Neuchâtel ; i ,465 m. d'alt. En contrcrbas du
sommet est une sorte de cuve de 450 m. de profondeur et
^ kil. de tour, où s'amassent souvent des nuages; les
observations permettent de prévoir les changements de
temps.
CREUZ (Friedrich-Karl-Kasimir, baron de), écrivain
allemand, né à Hoïnbourg le 24 nov. i724, mort à
Hombourg le 6 sept. 4770. Il imita Haller dans ses poè-
sks.Oden and Lieder (Frsindovt, 4750, 4752, 4753),
Gottsched dans sa tragédie sur la mort de Sénèque, Der
sterbende Seneca (Francfort, 4754)-, et Young dans son
poème philosophique intitulé Die Grâber (Francfort, 4760).
11 essaya de réfuter Montesquieu dans son Uber den
wahren Geist der Gesetze (Francfort, 4766). Ses traités
de philosophie et de métaphysique sont sans portée. A. B.
CREUZADE (Métrol.). Monnaie portugaise, valait3 fr.;jO
autrefois ; vaut aujourd'hui 2 fr. 94.
CREUZÉ DE LA Touche (Jacques- Antoine), homme po-
litique français, né à Châtellerault le 48 sept. 4749,
mort à Vaux (Vienne) le 22 oct. 4800. Lieutenant géné-
ral de la sénéchaussée de Châtellerault, il fut élu par le
tiers état de cette sénéchaussée aux Etats généraux, oii il *
fit partie de la majorité constitutionnelle. En 4794, il devint
juge au tribunal de cassation. Elu à la Convention par le
dép. delà Vienne, après Thermidor, il fut membre du comité
de Salut public, puis de la commission qui prépara la cons-
titution de l'an III. Il fit partie de l'Institut, dès l'an IV,
pour la classe des sciences morales et pohtiques, section
d'économie politique. Il fit partie aussi du conseil des An-
ciens, puis de celui des Cinq-Cents. Le 3 nivôse an VIII
(25 déc. 4799), il fut nommé membre du Sénat conser-
vateur.
CREUZÉ DE Lesser (Le baron Augustin-François), litté-
rateur français, né à Paris le 2 oct. 4774, mort à Paris le
44 août 4839. Payeur de rentes jusqu'à la Révolution, il
fut ensuite secrétaire du consul Lebrun, secrétaire de
légation à Parme, sous-préfet d'Autun. Désigné le 29 ther-
midor an XII par le Sénat conservateur pour faire partie du
Corps législatif, commedéputé de Sâone-et-Loire, il y siégea
jusqu'en 4806, date à laquelle il rentra dans la vie privée,
ayant déplu à Napoléon par les appréciations qu'il avait
émises sur sa politique dans un de ses ouvrages. Sous la
Restauration, il fut préfet de la Charente (44 juil. 4845),
préfet de l'Hérault (6 août 4847), et créé baron le 28 mars
4848. Il ne voulut point se rallier au gouvernement de
Juillet. Ce fut un auteur fécond qui n'eut que le tort de
vouloir imposer ses pièces à ses administrés et causa grand
scandale en 4849 en faisant fermer le théâtre de Montpel-
lier parce que les étudiants avaient sifflé son opéra-comique
le Nouveau Seigneur du village. Nous citerons de lui :
le Seau enlevé^ poème (Paris, 4796, in-48), qui n'est à
proprement parler, ni une traduction, ni une imitation de
Tassoni, mais un poème nouveau où reparaissent un cer-
tain nombre de morceaux du poète italien ; Ninon de
l'Enclos ou rEpicuréisme (Paris, 4800, in-8), comédie-
vaudeville en un acte ; Voyage en Italie et en Sicile fait
en 1801-1802 (Paris, 4806, in-8) ; M. des Chalumeaux
(Paris, 4806), opéra-comique en trois actes ; le Secret du
ménage (4809, in-8), comédie en trois actes, en vers, repré-
sentée au Théâtre-Français le 25 mai 4809 ; la Revanche
(4809, in-8), comédie en trois actes, en collaboration avec
Roger, représentée au Théâtre-Français le 45 juil. 4809 ;
le Billet de loterie (Paris, 4844, in-8), comédie en un
acte, en collaboration avec Roger ; le Magicien sans
magie (4844, in-8), opéra-comique en deux actes, avec le
même; Mademoiselle de Launay à la Bastille (4843,
in-8), comédie en un acte, avec le même ; les Chevaliers
de la Table ronde (iSi% in-48), poème en vingt chants ;
Amadis de Gaule (4843, in-48), le Nouveau Seigneur
du village (4843, in-8), opéra-comique en un acte, avec
Roger ; le Cid^ romances espagnoles imitées en
romances françaises (Paris, 4844, in-8) ; le Déjeuner
de garçon (Paris, 4806, in-8), comédie en un acte ; Apo-
logues (Varis, 4825, in-42) ; le Dernier Homme (Paris,
4834, in-8), poème imité deGrainville ; De la Liberté ou
résumé de l'histoire des républiques (4832, in-8) ;
Annales secrètes d'une famille depuis 1800 ans (4834,
2 vol. in-8) ; le Romandes romans (4837, 2 vol. in-8) ;
le Naufrage et le Désert (4839, in-8), etc., etc. Il a
encore imité les Voleurs de Schiller, traduit les Satires
de Juvénal, etc. — Son fils Hippolyte a publié : Statis-
tique du département de r Hérault (Montpellier, 4824,
in-8). R. S.
CREUZER (Georg-Friedrich), érudit allemand, né à
Marbourg le 40 mars 4774, mort à Heidelberg le 46févr.
4858, un des principaux philologues du siècle. Il fut pri-
vat-docent à Marbourg (4799), puis professeur (4800),
passa à Heidelberg en 4804, et y professa jusqu'en 4845
(sauf une excursion à Leyde en 4809). Parmi ses écrits,
nous citerons : Die historische Kunst der Griechen (Leip-
zig, 4803, 2^ éd., Darmstadt, 4845) ; Dionysus (Heidel-
berg, 4808, 2 vol.) ; son grand ouvrage sur la symbolique
et la mythologie des peuples anciens : Symbolik und
Mythologie der alten Vôlker (Leipzig et Darmstadt,
4840-4842, 4 vol.; 4849-23, 6 vol. [dont 2 de Mone] ;
4837-44, 4 vol.), très utile pour l'histoire de la pensée
antique. La traduction française, par Guignant [Religions
de l'antiquité; Paris, 4825-54, 4 vol. en 40 part., in-8)
est très supérieure à l'original, en raison des corrections
et développements qu'elle contient. Les théories de Creuzer
seront examinées au mot Mythologie, où seront relatés
les débats auxquelles elles donnèrent bien entre l'auteur ,
Hermann, Voss, Lobeck, Pott, etc. Il faut citer encore la
grande édition de Plotin publiée en collaboration avec Moser
(Oxford, 4835, 3 vol.), un grand nombre d'études philo-
logiques et archéologiques ; on en a réuni un grand nombre
dans les Opuscula selecta (Leipzig, 4854) et les Deutsche
Schriften (Leipzig et Darmstadt, 4837-54, 5 parties).
BiBL. : Stark, Friedrich Creuzer; Heidelberg, 1875. Cf.
l'autobiographie placée dans les Deutsche Schriften.
CREUZIER-le-Neuf. Com. du dép. de l'Allier, arr. de
La Pahsse, cant. de Cusset; 656 hab.
CREUZIER-le- Vieux {Crusiacus vêtus ^^ xiii® siècle).
Com. du dép. de l'Allier, arr. de La Palisse, cant. de
Cusset; 4,454 hab.
CREUZIGER (Gaspard) (V. Cruciger).
CREUZY. Com. du dép. du Loiret, arr. d'Orléans, cant.
d'Arthenay; 248 hab.
CREVALCUORE (Pier-Maria da), peinfre itahen de la
dernière moitié du xvii® siècle. Né à Bologne où. il fut
élève de Denis Calvart, le Flamand, Crevalcuore essaya
vainement de modifier sa manière en voulant, dans ses der-
nières œuvres, s'inspirer des Carrache. Ch. Lucas.
BiBL. : Ticozzi^ Diz. degliarchitetti ; etc.. Milan, 1830,
t. J, in-8.
CR EVANS. Com. du dép. de la Haute-Saône, arr. de
Lure, cant. de Villersexel; 280 hab.
. CREVANT. Com. du dép. de l'Indre, arr. de La Châtre,
CREVANT -- CRÈVECOEUR
358
cant. d'Aigurande , entre la Vanvre et la Couarde;
1,756 hab. Exploitation de granit; sources minérales.
Eglise du xiii^ siècle. Sur la place, orme magnifique dit de
Sully. Ruines d'un château féodal. Dolmen.
GREVANT. Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr. de
Thiers, cant. de Lezoux; 1,216 hab.
CREVANT (Louis de), maréchal d'HuMiÈREs (V. Hu-
MIÈRES) .
CREVASSE. I. ARcmTECTURE. — Fente ou fissure qui
se produit dans une maçonnerie ou simplement sur un en-
duit de mur, de cloison ou de plafond, à la suite d'effets
de construction causés par une charge trop forte et mal
répartie ou par suite d'une insuffisance de fondations ou
d'un ébranlement quelconque. Dans les constructions en
matériaux appareillés et laissés apparents, un léger tasse-
ment peut amener Fouverture facilement réparable des
joints de la pierre, du moellon ou de la brique, de même
que des crevasses peu importantes sur un plafond peuvent
être bouchées au mastic ou recouvertes de bandes de ca-
licot ; mais lorsque des crevasses nombreuses et largement
ouvertes se décèlent dans des murs et indiquent, par leur
direction, les tassements qui se produisent sur divers points
des fondations, il y a lieu, non plus de boucher simplement
ces crevasses, mais encore d'étayer et de reprendre les
fondations elles-mêmes en sous-œuvre. Charles Lucas.
IL Médecine (V. Gerçure).
m. Art vétérinaire. — Maladie de la peau, siégeant dans
le pli du paturon du cheval et caractérisée à ses débuts par
une inflammation douloureuse de la peau du paturon, à
laquelle succède une plaie linéaire, transversale, qui attaque
le derme et le fend parfois dans toute sa profondeur. La
suppuration s'établit sur le bord des plaies, en même temps
que la chaleur des parties environnantes augmente ; l'en-
gorgement gagne de proche en proche et s'étend jusqu'aux
genoux et aux jarrets. Les crevasses ont pour causes la
malpropreté des écuries et le travail prolongé dans les
boues acres, fétides et corrosives, notamment des grandes
villes. Le traitement des crevasses est des plus simples :
repos absolu de l'animal, cataplasmes de son ou de farine
de lin, bains de pieds émollients, pansement des plaies au
moyen d'étoupes imbibées de teinture d'aloès ou de glycé-
rine. L. Garnier.
111. Géographie physique (Y. Glacier).
C REVAUX (Jules-Nicolas), explorateur français, né le
1®^ avr. 184T à Lorquin (Lorraine), tué sur lePilcomayo
(Rép. Argentine) le 24 avr. 1882. Docteur en médecine en
1870, il s'engagea pendant la guerre franco -allemande
et se distingua par sa bravoure. La guerre finie, comme
il n'avait pas la vocation de la médecine sédentaire, il
demanda à entrer dans la marine. Il fut nommé chirur-
gien de marine en 1871. Tenté par la gloire des grands
explorateurs, Crevaux visita d'abord la côte d'Afrique, puis
résolut de tourner ses efforts vers l'Amérique du Sud où
«e trouvaient de vastes territoires encore mal connus ou
môme complètement inconnus. En 1877, il explora la
Guyane ; c'est au cours de ce voyage qu'il rencontra chez
les Bouis de la Guyane hollandaise (population mélangée
de nègres et d'indigènes) son fidèle nègre Apatou qu'il
amena à Paris et qui fut acclamé àlaSorbonne. En 4878,
il visite la vallée de l'Oyapock, découvre le Kou, affluent
du Yari, et d'autres tributaires de l'Amazone. Dans un
troisième voyage en 1880, il part de Santa Fé de Bogota,
passe le rio Negro et arrive jusqu'au Guyabera, un affluent
de rOrénoque. Revenu en ÎFrance en 1881, il n'y reste
que quelques mois et revient à Buenos Aires d'où il devait
partir pour le voyage qui allait lui coûter la vie. Il vou-
lait accomplir une exploration encore plus grande que les
précédentes, passer de la vallée du rio de Paranâ dans celle
du fleuve des Amazones, reconnaître complètement les
sources du rio de Paraguay, puis explorer le rio Tapajos,
pendant que son compagnon, M. Billet, reconnaîtrait le
Tocantins. Il se détourna pour remonter le Pilcomayo et
visiter les tribus du grand Chaco. Les Tobas, excités par
une sortie récente de Caïza, le massacrèrent avec ses dix-
huit compagnons. Deux Boliviens de l'escorte qui avaient
été faits prisonniers parvinrent à s'échapper et racontèrent
les détails de la catastrophe. Le récit de ses explorations,
inséré d'abord dans le Jour du Monde, a été publié sous
le titre de Voyages dans V Amérique du Sud (Paris,
1883, in-4). La Société de géographie de Paris a tiré des
papiers du défunt la matière d'un ouvrage : Fleuves de
l'Amérique du Sud (1883). L. Hesse.
CRÈVE-VESSIE (Expérience du) (Y. Atmosphère, t. lY,
p. 466).
CRÉVÉGHAMPS. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle,
arr. de Nancy, cant. d'Haroué ; 249 hab.
CREVECŒUR. Com. du dép. du Calvados, arr. de
Lisieux, cant. de Mézidon, sur la Yie; 446 hab. Elève de
volailles. Château féodal des xiv*^ et xv^ siècles avec une
double enceinte entourée de fossés. Chapelle du xii« ou du
xiii*^ siècle.
CREVECŒUR. Com. du dép. du Nord, arr. de Cam-
brai, cant. de Marcoing; 2,408 hab. Moulins, tanneries;
carrières, tourbières. Les seigneurs de Crèvecœur sont
mentionnés dans l'histoire depuis le xn^ siècle. Yestiges de
très anciennes fortifications et ruines d'un château féodal
du xii^ siècle. Eglise du xvi® siècle ; église moderne en
brique, de style "roman. A 4 kil. au S. de Crèvecœur.
ruines de l'ancienne abbaye de Vaucelles fondée en 1131.
Cloître roman et fondations de l'église bâtie de 1191 à
1216 parles architectes Yillard de Honnecourt et Pierre
de Corbie.
CRÈVECŒUR. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr. de
Coulommiers, cant. de Rozov-en-Brie ; 99 hab.
CRÈVECŒUR-le-Grand (Crèvecœur4es-Lihus). Ch.-L
de cant. du dép. de l'Oise, arr, de Clermont ; 2,470 hab.
Stat. du ch. de fer du Nord. Ce village était le chef-Heu
d'une importante seigneurie qui donna d'abord son nom à
une illustre maison issue de celle de Breteuil, par Hugues
de Breteuil, qui eut Crèvecœur en partage vers 1157, Les
membres les plus connus de cette maisonlfurent Guillaume,
évêque de Coutances en 1390 ; Jacques, Antoine et surtout
le maréchal d'Esquerdes, Philippe de Crèvecœur (Y. les
articles suivants). La seigneurie vint par alhance, en 1517,
aux GouflPier de Bonnivet, puis par vente, en 1659, aux
Hanival, seigneurs de Mainevillette, d'où elle passa succes-
sivement aux Clermont-Tonnerre et aux LaKochefoucauld.
Le 23 mars 1590, le sieur de Gribeauval, chef figueur de
Beauvais, pilla l'église et le bourg qu'il ruina de fond en
comble et qui fut ravagé de nouveau par les Espagnols en
1595 et en 1636 et par un incendie en 1790. L'abbé de
Saint-Symphorien de Beauvais avait le patronage de la
cure ; il y avait une chapelle dans le château et une autre
au cimetière. Le château, construit en brique, a conservé
beaucoup de parties des xv« et xvi^ siècles ; Louis XIY y
passa en 1680. L'église a un clocher ogival et de beaux
restes duxvi® siècle. Hameaux : La Houssoye, La Borde.
Briqueterie, four à chaux, fabrique de lainages, peignes,
faïences, etc. Y*'^ de Caix de Saint-Aymour.
CRÈVECŒUR-le-Petit. Com. du dép. de l'Oise, arr.
de Clermont, cant. de Magnelay; 124 hab.
CRÈVECŒUR (Jacques de), de la maison des seigneurs
de Crèvecœur-en-Beauvaisis (V. ci-dessus Crèvecœur-le-
Grând), chambellan du roi de France et du duc de Bour-
gogne, mort vers l'année 1441. On le trouve capitaine de
Compiègne en 1418. En 1421, il commanda les troupes
bourguignonnes contre l'armée du Dauphin et eut en 1428
le gouvernement du comté de Clermont pour le roi d'An-
gleterre, auprès de qui le duc de Bourgogne l'envoya en
1433 pour traiter de la paix. Il reçut, la même année, le
colher de la Toison d'Or et assista à la conclusion àArras,
en 1435, du traité qui réconcilia Phihppe le Bon avec
Charles YII. Il suivit Philippe au siège de Calais et se trouva
à toutes les expéditions qui se firent contre les Anglais en vue
de reconquérir la Normandie et d'autres provinces. Il fut
~ 359
CRÈVECOEUR -^ CRÉVIER
choisi, en 1439, pour aller recevoir à Cambrai Catherine
de France, fille de Charles YII, fiancée au comte de Charo-
lais, Charles, fils de PhiHppe le Bon. — Son fils aîné, An-
toine, seigneur de Crèvecœur, fut conseiller etchamDellan
du duc de Bourgogne et bailli d'Amiens. Il fut chassé de
cette ville par les habitants qui se donnèrent à Louis XI,
en 4471 . Mais ayant fait sa soumission au roi, il fut réin-
tégré dans ses titres et places. C. St-A.
"crèvecœur (Philippe de), seigneur d'Esquerdes, du
chef de sa mère, Marguerite de la Trémoille, fils puîné du
précédent, maréchal de France, mort à l'Arbresle près
de Lyon en sept. 1494. Il servit d'abord, comme toute
sa famille, le duc de Bourgogne, devint le conseiller intime
de Charles le Téméraire et se signala en cette qualité à la
bataille de Montlhéry en 1465, aux campagnes de Luxem-
bourg et de Gueldre, à la prise de Liège en 1468 et au
siège de Beauvais en J472. En 1468, il avait reçu le
collier de la Toison d'or et le gouvernement d'Artois et de
Picardie. A la mort de Charles, tué en 1477 à la bataille
de Nancj, il abandonna la fille de son bienfaiteur et entra
au service de Louis XI, par l'entremise de Commines. Il
livra au roi les places dont il avait la garde, entre autres
Arras, puis fit une vaine tentative contre Saint-Omer.
Louis XI, voulant se l'attacher complètement, le nomma
gouverneur de La Rochelle avec une pension considérable.
Il commandait les Français à la défaite de Guinegate (1479).
Néanmoins, le roi lui conserva sa faveur. En 1481, le
duc Maximilien raya du livre des chevaliers de la Toison
d'or le sire d'Esquerdes qui n'en poursuivit qu'avec plus
d'ardeur ses conquêtes à la tête d'une armée à laquelle
il avait donné une discipline nouvelle. Il fut alors chargé
d'aller négocier à Gand le mariage du dauphin avec Mar-
guerite de Flandre, fille de Marie de Bourgogne et de
Maximilien, qui fui forcé de donner son consentement à ce
mariage. Crèvecœur fut ensuite plénipotentiaire au traité
d' Arras (1482), qui assurait au roi de France les deux
Bourgognes et l'Artois. Charles VIII lui continua la même
faveur que son frère, le nomma maréchal de France en
1483 et lui donna le gouvernement de Picardie. Il défendit
cette province contre les Bourguignons et Maximilien
d'Autriche en 1486 et combattit l'ennemi avec des succès
divers jusqu'en 1489. En 1492, à Etaples, Crèvecœur
signa la paix qui fut conclue entre la France, l'Angleterre
et l'archiduc. Après la réunion du Boulonnais à la cou-
ronne, il obtint le gouvernement de ce pays et fut nommé
en 1492 à la charge de grand chambellan de France.
Après avoir tent vainement de s'opposer aux projets de
Charles VIÏl sur le royaume de Naples, il rejoignait le roi
en Italie, lorsqu'il tomba malade et mourut. Son corps
fut transporté à Boulogne-sur-Mer et on lui rendit, par
ordre de Charles VIII, les mêmes honneurs qu'à un roi de
France. Jean Molinet composa son épitaphe.
V^® DE Caïx de Sâint-Aymour.
BiBL. : Philippe de Commines et Olivier de la
Marche, Mémoires. — P. Anselme, Hist. généal, — De
Barante, les Ducs de Bourgogne; -~ Manuscrits du cabi-
net des titres.
CRÈVECŒUR (Hector Saint-John de), écrivain franco-
américain, gentilhomme français, né à Caen en 1731 , mort
à Sarcelles près Paris en 1813. Envoyé par ses parents en
Angleterre, à seize ans, pour y compléter son éducation, il
y passa six ans, puis s'embarqua pour l'Amérique, s'établit
près de New-York, épousa la fille d'un marchand et ne
revint en France que vmgt ans plus tard, en 1781. Il avait
publié deux ouvrages sur l'Amérique à l'époque de la guerre
de l'Indépendance. Il publia en anglais, à Londres, en
1782, les Letters from an american (armer, by Hector
Saint-John^ (armer of Pennsylvania, Il traduisit lui-
même son livre en français : Lettres d'un cultivateur
américain (Paris, 1784, 2 vol. in-8) ; Lacretelle aîné en
donna une édition complétée (Paris, 1787, 3 vol.). Crève-
cœur retourna à New-York comme consul de France. De
retour en son pays en 1793, il publia son Voyage dans la
Haute-Pennsylvanie et dans l'Etat de New- York, par
un membre adopti( de la nation Odeida, Descrip-
tions indiennes, progrès agricoles, etc. (Paris, 1801,
2 vol.), Aug. M.
CRÈVECŒUR dePerthes (V. Boucher).
CREV EL (Alexandre), publiciste français, né à Rouen à la
fin du xyiii^ siècle, mort à une date inconnue. Il a publié
un certain nombre de pamphlets politiques, qui ont fait
grand bruit en leur temps et même valu à leur auteur des
poursuites judiciaires et une condamnation à la destruction
de ses oeuvres. Nous citerons : Adresse à la Chambre des
députés sur le pouvoir législatif et rinfluence du
budget sur le bonheur public (Paris, 1816, in-8); le
Cri des auteurs sur les abus de la liberté de la presse
(1817, in-8) ; le Cri des peuples (1817, in-8) ; Essai
philosophique sur le grand art de gouverner un Etat
(1816, in-8); la Médeci^ie politicjue (1817, in-8);
Pétition aux Chambres sur la législation de la presse
(1818, in-8); les Vœux du peuple (1818, in-8) ;
Jérôme Lerond{iSiS , in-8) ; Jérémiade d'un moraliste
(1818, in-8) ; De V Incompétence des tribunaux dans le
procès du cri des peuples (1818 , in-8) ; le Ministère
et les Elections (1820, in-8) ; Un Bon Français à ses
concitoyens (1820, in-fol.) ; le Cri de la nation sur la
politique et l'administration (1818, in-8).
CREVENEY. Com. du dép. de la Haute-Saône, arr. de
Lure, cant. de Saulx; 132 hab.
CREVENNA (Pietro-Antonio Bolongâro-) , célèbre biblio-
phile italien, né à Milan, mort à Rome le 8 oct. 1792.
Riche négociant établi à Amsterdam, il forma une admi-
rable bibliothèque de livres rares et précieux, dont il publia
un très curieux Catalogue raisonné (Amsterdam, 1775,
6 vol. gr. in-4), dont le t. V renferme des lettres inédites
d'hommes célèbres du xvi® et du xvii^ siècle. Un nouveau
catalogue, plus complet et enrichi de notes nouvelles, fut
publié (1789, 5 vol. in-8) en vue de la vente de cette
bibliothèque, qui eut lieu en 1790. Un troisième catalogue
comprend les livres vendus après le décès du propriétaire
(1793). G. P-i.
CREVETTE. L Zoologie. — Synonyme de Chevrette
(V. ce mot). Les naturalistes français ont employé aussi ce
nom dans un sens beaucoup plus restreint, pour traduire
le nom du genre Gammarus. R. Mz.
II; Paléontologie (V. Amphipodes et Acanthotelson).
III. Pêche. — La pêche de ce crustacé se fait tantôt
à pied, tantôt en bateau. La pêche à pied se pratique
avec le havereau et ses variétés, tels que grenadier, hon-
teux, bout de quièvre. La caudrette, espèce de balance ou
de petit truble sans manche, se tend du haut des rochers
à la marée descendante et se manoeuvre à l'aide d'une
barque. On pèche aussi la crevette sur les plages sablon-
neuses, avec le petit chalut. Dans le Zuiderzee on se sert
d'un filet de quatorze pieds de long, en forme de sac,
doublé dans sa partie supérieure, et dont la partie la plus
étroite se ferme au moyen d'une corde ; on place ce filet,
qui porte le nom de dowarskeuiU sur un des côtés du
bateau et on laisse traîner. E. Sauvage.
IV. Art culinaire. — La crevette, cuite au court-bouillon
ou simplement dans l'eau avec du sel, se mange au com-
niencement du repas ; elle excite alors l'estomac à la ma-
nière d'un apéritif véritable. Ses préparations culinaires
sont les mêmes que celles de la chevrette (V. ce mot).
CREVIC {Curvi, 1152). Com. du dép. de Meurthe-et-
Moselle, arr. et cant. (N.) de Luné ville, sur le Sanon,
affluent de la Meurthe, et le canal de la Marne au Rhin ;
1,056 hab. Salines. Autrefois, la seigneurie nommée le
ban de Crévic appartenait au chapitre de Remiremont.
CRÉVIER (Jean-Baptiste-Louis), historien français, né
en 1693 à Paris où il mourut le 1^^ déc. 1765. Il fut
l'élève de Rollin dont il continua V Histoire romaine qu'il
fit suivre d'une Histoire des empereurs jusqu'à Cons-
tantin (1750-1756, 6 vol. in-4). On lui doit de plus une
Histoire de r Université de Paris jusqu'en i 600 (Paris,
CREVIER — CRIBEI.LUM
— 360 —
il6i , 7 vol. in-i2) ; ce n'est guère qu'un abrégé de l'œuvre
latine de Du Boullay.
CREVILLENTE. Ville d'Espagne, prov. d'Alicante, entre
cette ville et Murcie ;" 8,683 hab. Sparterie.
CRÉVOUX. Corn, du dcp. des Hautes-Alpes, arr. et cant.
d'Embrun ; 446 hab.
GREW (Thomas), moraliste anglais qui florissait vers la
fin du xvi^ siècle. Il a laissé un petit traité intitulé A
Nosegay oj Moral Philosophy (Londres, 1580, in-'12),
composé de citations empruntées aux écrivains italiens. On
l'a confondu à tort avec sir Thomas Crew ou Crewe
(1565-1634), qui fut président de la chambre des com-
munes.
CREWE. Ville d'Angleterre, comté de Chester ; 24,732
hab. Un des grands centres de chem. de fer des Iles-Bri-
tanniques. Les grandes lignes de Manchester, Liverpool,
Chester vers le S.-E., Birmingham et Londres y convergent,
sans parler des lignes secondaires vers Shrewsbury, le
bassin voisin de Stoke-upon-Trent, etc. La compagnie du
London and North Western Railway y a établi d'immenses
ateliers pour la réparation et la construction de son maté-
riel ; toute la population vit du chemin de fer, auquel la
ville doit son existence ; fondée dans le bourg de Lord
Crewe, elle a grandi très vite.
CREWE (Sir Ranulphe), magistrat anglais, né en 1558,
mort à Westminster le 3 janv. 1646. Inscrit au barreau de
Londres en 1584, il fut en 1597 élu membre du Parle-
ment par Brackley (île de Northampton) et devint, le 7
avr. 1614, speaker do la Chambre des communes. Paral-
lèlement, il poursuivait sa carrière judiciaire, prenait le
degré de sergent de loi en 1615, et avait part aux affaires
les plus importantes du temps (procès de Peacham, de
Weston, du comte de Somerset, de Francis Mitchell, etc.).
Nommé lord chief justice du banc du roi le 26 janv. 1625,
il fut cassé l'an d'après pour avoir refusé de reconnaître
la légahté de l'emprunt forcé. Il rentra alors dans la vie
privée. — Son frère, sir Thomas Creiv^ né en 1565, mort
le l'^'^iév. 1634, fut membre du Parlement pour Lichfield
en 1603, pour Northampton en 1620, pour Aylesbury en
4623 et élu speaker de la Chambre des communes la
même année. Avocat comme son frère, il prit aussi le grade
de sergent de loi en 1623. Il fit encore partie du Parle-
ment de 1625 pour Gatton, fut de nouveau nommé prési-
dent cette année et fut membre de la commission ecclésias-
tique de 1633. R. S.
\ CREWKERNE. Ville d'Angleterre, au S.-O. du Somer-
set, près d'Yeovil; 8,148 hab. Toile à voile; bonneterie.
CREX (V. Râle).
C REVERS. Corn, du dép. de la Drôme, arr. de Die,
cant. de Chàtillon~en-Diois ; 194 hab.
CREYS-ET-PusiGNiEu. Com. du dép. de l'Isère, arr. de
La Tour-du-Pin, cant. de Morestel; 815 hab.
GREYSSAG. Com. du dép. de la Dordogne, arr. de
Ribérac, cant. de Montagrier, sur laDronne; 225 hab.
L'église a conservé certaines parties romanes ; dans un pré
voisin, abondante source jaillissante du Bouillidou.
GREYSSE. Com. du dcp. de la Dordogne, arr. et cant.
de Bergerac, sur la Dordogne ; 940 hab. Stat. du chem. de
fer d'Orléans, ligne de Libourne au Buisson. Papeteries.
Château de Tiregaut et de Piles.
GREYSSE. Com. du dép. du Lot, arr. de Gourdon,
cant. de Martel ; 729 hab.
GREYSSE! LLES. Com. du dép. de l'Ardèche, arr. et
cant. de Privas ; 477 hab.
GREYSSENSAG-ET-PissoT. Com. du dép. de la Dor-
dogne, arr. de Périgucux, cant. de Vergt ; 3i0 hab.
CRÉZANÇAY. Com. du dép. du Cher, arr. de Samt-
Amand- Mont -Rond, cant. de Châtcauneuf- sur -Cher;
154 hab.
GRÉZANGY. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Château-
Thierry, cant. de Condé-en-Brie ; 529 hab.
GRÉZANGY. Com. du dép. du Cher, arr. et cant. de
Sancerre; 1,709 hab.
GRÉZÎÈRES. Com. du dép. des Deux-Sèvres, arr, de
Melle, cant. de Brioux; 161 hab.
CRÉZILLES. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr.
et cant. (S.) de Toul ; 323 hab.
CRL I. Jurisprudence. —■ Cri de feu ou de meurtre
(V. Haro).
Cri de ban. Proclamation du ban (V. Ban).
II. Musique. — Le mot cri est empbyé en musique de
plusieurs façons. Tantôt il désigne ce défaut des chan-
teurs qui consiste, dans les passages de orce, à crier plutôt
qu'à chanter, tantôt il indique la traduc tion musicale d'un
cri réel que, dans une situation dramati (ue déterminée, un
personnage peut être amené à pousser. Lans la musique de
théâtre, on cite de nombreux cris de ce genre. Quelquefois
le compositeur précise les notes sur lesquelles les sons
doivent être articulés ; en d'autres circonstances, il laisse
toute liberté à l'interprète. Ce dernier cas est le plus rare.
Berlioz a souvent noté des cris, en particulier dans les
Tvoyens à Carthage (àms l'entr'acte descriptit). Wagner
a voulu quelques cris dramatiques dans les rôles de Sieg-
fried {Siegfried et la Gôtterddmmerung), de Kundry {Par-
sifal), et de Walther (les Maîtres chanteurs). Il a noté
aussi des cris ou appels de walkyries, de chasseurs, de
matelots, etc. En musique instrumentale, on a souvent
essayé de reproduire des cris d'êtres animés, depuis Bach
imitant le braiement de l'âne dans le Défi de Phœbus et
de Pa?^ (effet repris par Mendelssolm), jusqu'à Weber figu-
rant des aboiements de chiens et des cris aigus de
chouettes, jusqu'à Wagner et Berlioz faisant rugir des
monstres fantastiques dans leur orchestre. A. E.
m. Art HÉRALDIQUE. —- Phrase courte, particulière à
chaque famille, placée sur un liston ou banderolle toujours
indépendant de l'écu et qui le surmonte. Le cri se compose
même parfois d'un seul mot exprimant un vœu, une idée.
On distingue huit sortes de cris, la première c'est le cri
nominatif : Toulouse! Château briant ! la seconde, c'est
le cri d'invocation : Saint Léonard! Dieu aide! la troi-
sième comprend le cri de résolution : Dieu le veut ! le
quatrième cri est celui de l'exhortation : Place à la ban-
nière! Passavant le meilleur! le cinquième est le cri de
cWi: Bretagne oii es-tu? Vien ça je la te chalenge!
le sixième est le cri de terreur ou dé courage : Au feu!
au feu! Au vaillant duc! le septième espèce de cri est
le cri d'événement : Louvain au riche duc! Limbourg
à celui qui l'a conquis ! et enfin le huitième cri est le cri
de ralliement : Montjoie Saint-Denis! (c'était celui des
rois de France ; il signifiait : ralliez- vous à la bannière de
saint Denis); Flandre au lion! Le cri suit la bannière;
c'était jadis une formule consacrée, parce que nul n'était
reconnu gentilhomme de nom, d'armes et de cri que celui
qui avait droit de lever bannière, servant à mener les
troupes à la guerre et à rallier ces mêmes troupes par le
cri.
BiBL. : Art héraldique.— Du Cange, Du Cry d'armes
et De l'Usage du cry d'armes^ dans ses Dissertations sur
l'hist. de saint Louis ; dissert. XI et XII. — O. de Watte-
viLLE, le Cri de guerre chez les différents peuples; Paris,
1889, in-8.
CRI B ELLA (Zool.). Genre d'Echinodermes, de l'ordre
des Stellérides, famille des Solastérides, établi par Agassiz.
Le corps est nettement étoile, grêle; les bras sont arrondis,
couverts, aussi bien que le disque, de petits groupes de
piquants. L'espèce la plus connue est la C. oculata, qui
a reçu un graud nombre de dénominations et dont la syno-
nymie est très compliquée ; c'est une forme très variable,
commune sur nos côtes, dont la coloration est d'un rouge
brun et quelquefois vermillon en dessus et d'un jaune roii-
geàtre en dessous; elle mesure environ trois pouces do
diamètre.
CRIBELLUIVl (Anat.). Organe particulier à certaines
Araignées, particulièrement à celles des familles des Die-
iynideSf Erésides, Uloborides^ Filistatides^ etc., et con-
sistant en une plaque chitineuse transverse, située immé-
diatement au-dessous des filières inférieures. Cette plaque
est toujours garnie de petites épines lui donnant, sous
un grossissement suffisant, Faspect d'une râpe; elle est
presque toujours divisée par une carène li^se longitudinale.
Le cribellum existe conjointement avec le calamistrum, et
ces deux organes concourent à la fabrication de fils spé-
ciaux d'un aspect floconneux ou laineux. A leur sortie des
filières, les fils sont cardés sur le cribellum par le cala-
mistrum (V. ce mot). E. Simon.
CRIBLE. I. Agriculture. '— Les cribles sont des
instruments d'agriculture servant à séparer les grains en
catégories de grosseurs différentes, ces grains ayant été
préalablement passés au tarare (V. ce mot), pour les
débarrasser des impuretés qui pouvaient les souiller. Le
crible le plus simple dont on fait usage et qui sert encore
aujourd'hui dans quelques contrées, consiste en un large
corcle de bois sur lequel est tendue une peau de porc
percée d'une infinité de trous de formes diverses, destinés
à laisser échapper, les uns, la nielle et les autres graines
rondes, les autres, les bromes et les semences de forme
allongée. C'est donc un véritable tamis, qui exige néan-
moins, de la part de l'opérateur, une certaine habileté. Ce
crible, dont le diamètre est voisin de 0"H)0, est encore très
employé dans les Vosges où on le désigne sous le nom de
grand-rige. Aujourd'hui les constructeurs fabriquent des
cribles formés d'une grille en fils de fer ou en tôle per-
forée de trous de différents diamètres et sur laquelle passe
le grain. On peut classer ces différents modèles actuelle-
ment en usage en trois groupes :
Cribles fixes. Ces machines, plus connues sous le nom
de cribles allemands, se composent d'une trémie dans
laquelle on met le grain ; celui-ci sort par une vanne infé-
rieure dont on peut régler l'ouverture, et tombe sur le
crible qui est incliné. Dans le crible allemand, fait remar-
quer M, Ringelman, il n'y a qu'une seule grille en fils de
fer, placés en travers de la pente et suffisamment rap-
prochés pour ne laisser passer que la poussière. Le grain
tombeau bas.
Cribles à mouvements alternatifs. Ces machines sont
préférables aux précédentes, car celles-ci s'encrassent
facilement, et souvent certains grains parcourent le crible
sans passer au travers des mailles. Les cribles alternatifs
sont appelés aussi cribles Boby, du nom de leur cons-
tructeur. Une trémie contient le grain nettoyé, et le laisse
tomber en quantité régulière sur une ou plusieurs grilles ;
celles-ci sont suspendues par des tiges, ou roulent par des
galets sur des gUssières inclinées. Un mouvement alter-
natif est donné à ces grilles par un taquet et une roue à
cames, ou par une bielle et une manivelle. Dans le crible
Boby, les grilles font quatre oscillations par tour de ma-
nivelle; tourné à la main, cet instrument peut cribler
environ 5 hectol. à l'heure.
Cribles à mouvement rotatif. Dans ces appareils,
au lieu de faire tomber le grain sur des grilles de
différentes grosseurs et à mouvement saccadé, on le fait
passer par un cylindre rotatif à axe incliné. La surface
du cylindre est formée par des gjùlles en fil de fer ou par
des feuilles de zinc perforées de trous do différentes formes.
Le plus répandu de ces instruments est le crible-diviseur
PcrnoUet, qui date de 4855, représenté fig.4. Le grain est
placé dans une trémie, qui le déverse dans le cylindre, en
tête du premier compartiment. Celui-ci est percé de trous
longs suivant le sens des génératrices ; ces trous alternent
avec d'autres plus petits et ronds. Ce premier comparti-
ment laisse passer l'ivraie, la poussière, les petits grains
et les fragments. Le mélange qui reste dans le premier
compartiment passe directement dans le second ; celui-ci
est percé de trous ronds et petits par lesquels passent les
nielles, les graines rondes, etc. Le troisième compartiment
est à trous ronds, mais d'un diamètre plus grand que ceux
du précédent. Les gros grains étrangers y passent mêlés
— 361 — CRIBELLUM - CRIBLE
au blé que l'on appelle première, seconde qualité. Cette
catégorie doit être repassée à la fin de l'opération et don-
nera du grain propre à la mouture. Le quatrième compar-
timent est à trous larges, perpendiculaires aux génératrices
Fig. 1. — Crible-diviseur PernoUet.
du cylindre ; ces trous laissent passer le blé propre qui
constitue le quatrième lot. Enfin les grenailles, les mottes
de terre, les débris de toute nature qui n'ont pu sortir du
cyMndre tombent en avant, en dehors de l'appareil et cons-
tituent le cinquième lot. Cet appareil est mis en mouve-
ment par une manivelle ; il exige très peu de force ; un
enfant suffît pour surveiller l'instrument et pour tenir la
trémie toujours bien remplie (V. Tarare et Trieur).
Albert Larbalétrier.
II. Mines. — Le criblage, dans la préparation méca-
nique des minerais, peut avoir deux buts bien distincts :
4^ séparer les fragments de minerai pour les classer
suivant leurs dimensions ; 2^ préparer le minerai broyé de
manière à séparer les parties riches des parties pauvres.
Dans la première opération, on emploie des cribles ou
tamis ; ce sont des surfaces planes que l'on incline sur
l'horizon pour faciliter la descente des matières et que l'on
étage les unes au-dessus des autres, de manière à obtenir
des classements successifs en plusieurs sortes. Mais cette
combinaison peut être réglée suivant deux principes diffé-
rents. Dans le premier mode, le tout-venant s'engage
d'abord sur la tôle qui présente les trous les plus fins et
ensuite sur celles qui ont des orifices de plus en plus
grands. La première sorte qui traverse sera donc la plus
ténue et le refus sera formé du mélange de toutes les
autres. Le second crible sépare une nouvelle catégorie
moins fine que la première, et ainsi de suite. Le dernier
crible donne une avant-dernière sorte et son refus con-
stitue la dernière, qui est la plus grosse. On peut, inver-
sement, commencer par la tôle aux plus grands trous et
terminer par la plus fine. Alors, le premier refus est formé
de la plus grosse sorte et le mélange de toutes les autres
tombe, à travers les trous, sur le second tamis. Les choses
se passent ainsi successivement jusqu'au dernier crible,
qui retient l'avant-dernière catégorie et laisse enfin passer
la moindre de toutes. En principe, le second mode est pré-
férable au précédent, attendu que la tôle qui présente les
trous les plus fins, les plus délicats, par conséquent, ne
reçoit alors que les deux dernières sortes, les plus légères,
tandis que, dans la première combinaison, elle est inutile-
ment fatiguée par le passage du tout-venant et des plus
gros morceaux. En second lieu, la grande importance que
prennent, dans le premier cas, les premiers refus, donne
plus de chances de voir s'y égarer les fines, que la peti-
tesse de leur diamètre appelait à passer de suite, mais qui
auront trouvé, dans la période où elles auraient dû le faire,
tous les trous bouchés par les gros fragments en compagnie
desquels elles circulaient.
Le criblage, destiné à séparer les parties riches des
parties pauvres ou criblage à la cuve^ sert de base à un
grand nombre de procédés et repose essentiellement sur
l'antagonisme établi entre raccélération que la pesanteur
tend à imprimer au grain de minerai pendant sa chute
CRIBLE
— 362 —
à rintérieur d'un milieu résistant et la réaction que ce
liquide développe, dans une proportion qui croît avec la
vitesse. Le premier de ces agents nous présente une
force de masse ^ le second une action de surface. On
comprend donc que leurs effets arrivent à se contre-
balancer, d'une manière variable, avec la forme et la consti-
tution des grains et qu'il en puisse résulter un moyen de
classification, groupant ensemble les fragments qui pré-
senteront certaines similitudes, provisoirement inconnues,
et les séparant de ceux qui en diffèrent sous les mêmes
rapports. Les appareils employés pour le criblage varient
beaucoup suivant les ateliers de préparation, mais tous
reposent sur un même principe ; nous nous contenterons
de signaler les effets des caisses de criblage d'où dérivent
la plupart d^s cribles. On place les grenailles de minerai
au-dessus d'une tôle perforée par les trous de laquelle on
fait arriver un courant d'eau ascensionnel, qui soulève les
grenailles et principalement les plus fines et les plus
légères. Pendant que le courant d'eau achève de monter et
commence à descendre, les grenailles retombent par leur
poids, les plus lourdes avec la plus grande vitesse. Il en
résulte qu'après un certain nombre de secousses semblables,
elles se stratificnt dans des conditions intermédiaires entre
CoupQ trajisversale.
Coupe CD.
l'éguivalence et la densité. Les chocs, auxquels les gre-
nailles sont soumises, produisent une certaine quantité de
menu qui traverse la toile métallique et tombe en dessous.
Il faut passer dans cet appareil des grains dont les dimen-
sions soient assez rapprochées, en raison des densités des
matières à séparer ; il faut qu'ils ne soient pas trop petits
pour ne pas gêner le courant ascensionnel de l'eau et
qu'ils soient bien débourbés pour ne pas s'agglutiner par
l'argile. Il est nécessaire que la grandeur des trous de la
tôle soit un peu inférieure à celle des plus petites gre-
nailles traitées et que les secousses ne se reproduisent pas
trop rapidement. Il faut que l'eau arrive sous le minerai
brusquement et, pour cela, que son niveau lui soit un peu
inférieur, avant qu'elle ne soit soulevée ; de la sorte, elle
a le temps d'acquérir une certaine vitesse avant de cho-
quer le minerai. La vitesse de l'eau, l'amplitude et la
durée des secousses doivent être d'autant plus grandes
qu'on traite des grenailles plus grosses. On peut employer
des cribles mus à la main ou mécaniquement, à l'intérieur
de cuves pleines d'eau, ou des cribles fixes dans des cuves
dont l'eau est mise en mouvement par un piston. Ces
derniers cribles peuvent être discontinus si le charge-
ment se fait indistinctement sur toute la surface du tamis,
Coupe AB.
Fig. 2. — Crible à fond filtrant.
^fW/oy'' y. "S '3^
et si on retire les matières quand elles sont classées, ou
continus si le chargement se fait constamment à une extré-
mité et si les grenailles, en même temps qu'elles se
classent, cheminent, grâce à la pente du tamis, vers l'autre
extrémité où on les recueille.
L'appareil le plus universellement employé et qui a
donné naissance à toute une classe de séparateurs est le
crible à fond filtrant, souvent appelé crible du Eartz.
Imaginons que l'on veuille traiter une matière calibrée
avec soin et dont nous désignerons le diamètre par n mil-
limètres. On formera le fond du bac (fig. 2) d'une tôle
perforée, dont les trous présentent un diamètre un peu
plus grand, par exemple n-\-i milîim., pour fixer les
idées. Dans ces conditions, il est clair que la charge
entière filtrerait immédiatement, surtout en présence de
l'eau et sous l'influence do secousses. Mais on a soin de
transformer ces trous innombrables en autant de soupapes
d'évacuation. A cet effet, avant de verser la charge sur la
claie, on recouvre celle-ci d'une couche mince de gre-
nailles, trop grosses pour pouvoirja traverser et présen-
tant, par exemple, un diamètre minimum de 7^ -f- 2 milHm.,
ainsi qu'une densité légèrement supérieure à celle de la
sorte la plus lourde. Nous désignerons ces grains sous le
nom de clapets pour les distinguer de ceux qui constituent
le minerai. Cela posé, il est facile de concevoir comment
les choses se passeront. Lors des coups de fouet, imprimés
sous la claie par l'action du pistonnage, les clapets se sou-
lèvent pour livrer passage à l'eau. Avec eux se trouve
soulevée toute la charge. Cet ensemble retombe aussitôt,
pour se soulever de nouveau, de manière à produire le
classement. Les clapets, en raison de la supériorité de leur
diamètre et de leur densité, continueront à occuper le
fond. Seulement, la précision de la levée et de la chute de
ce rideau ne saurait être telle que les derniers grains de la
charge, formant en quelque sorte sa pellicule la plus infé-
rieure, ne se glissent au milieu des clapets, de manière à
aborder eux-mêmes les trous. Mais cela ne saurait arriver
en aucune façon, en raison de leur éloignement, pour les
éléments destinés aux couches supérieures qui sont versés
d'une manière continue dans cette région avec l'ensemble
des matières et ne peuvent, d'après leur équivalence, tra-
verser l'épaisseur de la charge, pour pénétrer dans ces
profondeurs. Dès qu'un grain de minerai a réussi à se
glisser jusqu'à la grille, il chavire à travers un des trous
et tombe dans le fond de la cuve. Il s'opère ainsi une fil-
tration continue, portant exclusivement sur la sorte la plus
riche et la plus concentrée. Cet effet est si nettement accusé
qu'il détermine la production d'une véritable force, d'une
succion, d'un appel, très légers sans doute, mais que l'on
ressent facilement en immergeant la main dans la charge
pendant le pistonnage. Au contraire, les stériles, qui se
réunissent à la surface, sont évacués, comme à l'ordinaire,
au déversoir. Lorsqu'une quantité suffisante de bons à
fondre se trouve accumulée dans la cuve inférieure, on
soulève, à l'aide d'une tige, la soupape de fond et l'on
donne une chasse pour la recueillir, après quoi l'on restitue
une quantité de liquide équivalente. Dans certains cas, cet
orifice reste ouvert en permanence et réglé avec précision,
de manière à expulser les matières d'une manière continue,
en perdant le moins d'eau possible. La consommation dé-
passe alors un tiers de mètre cube par minute. Tel est le
jeu de ce remarquable appareil, qui constitue un excellent
finisseur.
Portons maintenant notre attention sur les diverses
parties qui le composent. Le choix des clapets doit être
fait attentivement. Le plus simple est de prendre de grosses
— 363
CRIBLE - CRIC
grenailles de la substance riche elle-même, c,-à-d., par
exemple, de galène, pour le lavage d'un minerai de plomb.
On apporte ainsi, par l'identité des densités, le plus de
délicatesse possible pour permettre au minerai de se glisser
au milieu des clapets. En même temps, le diamètre exté-
rieur de ces derniers leur assure une équivalence suffi-
sante pour les maintenir sur la claie et les empêcher de
remonter. Le plomb de chasse convient bien aussi, par sa
forme rigoureusement sphérique, qui fournit un véritable
clapet en postillon et assure la fermeture des trous. Pour
le lavage de la houille, on a employé les matières les plus
diverses, de densité un peu supérieure à celle du schiste :
de petits galets de rivière, le basalte, la fluorine, le quartz,
la barytine, le feldspath. Cette dernière substance domine
exclusivement en Allemagne et est tirée d'un filon de Nor-
vège ; sa densité est de 1,54 à 2,62 ; elle a motivé, pour
ce genre d'appareils, la dénomination de lavoirs à feld-
spath. Leur jeu ne diffère de celui des cribles du Hartz
ordinaires que par cette circonstance que la matière utile
s'échappe au déversoir et le stérile pr r le fond, à l'inverse
de ce qui a lieu pour les minerais métalHques. Le feld-
spath se recommande par sa for ne cristalline, à arêtes
dures. Celles-ci servent de charnj^res pour permettre aux
clapets des mouvements de bas jule, qui découvrent les
ouvertures, sans qu'il soit porr cela nécessaire que ces
corps s'enlèvent entièrement » a-dessus de la claie. On a
même soin de renouveler les cristaux dès que leurs arêtes
s'arrondissent. Depuis l'introduction de cet artifice, on a
complètement renoncé à l'emploi des petits galets de rivière
dont la forme arrondie est tout l'opposé de la précédente.
Mais des essais faits en France semblent indiquer une réelle
supériorité en faveur de certains quartz, très communs, qui
se clivent en tables et s'usent moins encore que le feld-
spath. L'épaisseur de la couche de clapets est d'autant plus
grande que l'on cherche à gêner davantage et, par consé-
quent, à ralentir l'évacuation en prolongeant la durée du
traitement pour perfectionner l'enrichissement. Cependant,
elle ne dépasse jamais 2 centim. pour les grenailles métal-
liques et 8 centim. pour le feldspath. On la réglera, dans
chaque cas, par tâtonnements.
Un second point très essentiel consiste dans la fréquence
et la nature des secousses. Leur nombre varie depuis
soixante ou quatre-vingts coups par minute, pour de gros
sables de 2 millim., jusqu'à deux cents ou trois cents et
même, exceptionnellement, quatre cents coups pour des
schhchs voisins des schlamms. Un lavoir à feldspath peut,
à raison de cent ou cent cinquante coups, passer de six à
huit tonnes par jour, avec une consommation de 20 m. c.
d'eau. On arrive ainsi à des teneurs en cendres pour les
houilles de 10 et même parfois 5 °/o, mais ces chiffres
sont essentiellement relatifs. Il n'est évidemment pas au
pouvoir de l'appareil le plus perfectionné de réduire la
proportion de la matière terreuse finement disséminée, qui
est incorporée à la houille, si telle est la nature du com-
bustible. Quant à la partie stérile, qui est distincte du
charbon et peut, en principe, en être séparée, il y aura
lieu d'examiner si l'insistance qu'il sera, pour cela, néces-
saire d'apporter dans le traitement, n'est pas de nature à
entraîner des pertes de produits mixtes, dont la valeur
intrinsèque dépasse la plus-value ainsi réalisée pour la sorte
marchande. L'amplitude des oscillations varie, dans les
mêmes circonstances, de 10 à 5 milhm. et se réduit même,
pour les substances les plus fines, à un simple tremble-
ment. On peut faire varier cette excursion, sur un même
appareil, au moyen d'un artifice très simple, qui consiste
à commander le piston, non pas avec un excentrique ordi-
naire unique, monté directement sur l'arbre, mais à l'aide
d'un système de deux excentriques, dont l'un porte le
noyau de l'autre et que l'on peut caler dans des situations
arbitraires. L'excursion résultante peut être ainsi réglée à
volonté, entre un maximum et un minimum, qui sont la
somme et la différence des deux excentricités. L. Knab.
m. Art militaire. — Crible à balles. Crible ser- 1
vaut à vérifier le calibre des balles sphériques en plomb ;
les balles qui ne passent pas au travers du crible sont
refondues.
Crible à poudre (V. Poudre).
IV. Archéologie. — L'usage du crible paraît remonter
à une haute antiquité. Les Egyptiens avaient des tamis faits
avec des fibres de papyrus ou de jonc entrecroisés. Chez
les Grecs, les cribles, suivant l'usage auquel on les desti-
nait, étaient tantôt en vannerie, tantôt en laine ou en lin ;
ceux-ci étant plus fins servaient spécialement à la fabri-
cation de la farine. Les Romains avaient à peu près les
mêmes cribles que les Grecs, mais ils employaient aussi
quelquefois des cribles en crins de cheval, d'origine gau-
loise, et des cribles en métal percés de gros trous. J. M.
V. Mathématioues. — Crible d'Erathosthènes, Méthode
pour former une table des nombres premiers et qui con-
siste à supprimer successivement dans la suite naturelle
des nombres tous les nombres de deux en deux, de trois
en trois, etc. Cette méthode est exposée dans tous les
traités d'arithmétique théorique.
CRIBLÉ (Gravure en) (V. Gravure).
CRIBRILINA (ZooL). Genre de Bryozoaires-Cheilostomes
servant de type à la famille des Cribrilinidœ. Il a été
créé par Gray et présente les caractères suivants : Zoarium
incrusté. Zoœcies contigus dont la face antérieure est mar-
quée plus ou moins de sillons transversaux ou radiés,
ponctués. L'orifice de la zoœcie est semi-circulaire ou sub-
orbiculaire. L. C.
CRI BROS RIRA (V. Foraminifère et Rotalia).
CRIC. I. Mécanique. — Machine destinée â soulever à de
faibles hauteurs de lourds fardeaux. Le cric le plus simple
se compose d'une crémaillère engrenant avec un pignon ; sur
l'axe de ce pignon est fixée une roue dentée engrenant avec
un second pignon sur l'axe duquel est calée une manivelle
qui est le seul organe visible à l'extérieur. Sur l'axe de
cette manivelle se trouve un encliquetage qui empêche le
mouvement de la crémaillère en sens contraire. L'extré-
mité de la crémaillère se termine par un double crochet
qui donne plus de prise pour soulever le fardeau. L'extré-
mité inférieure porte une griffe faisant saillie à l'extérieur
et ghssant dans une fenêtre ménagée dans le corps du cric.
Cette griffe peut s'introduire sous les fardeaux reposant
sur le sol, simplement posés sur des cales. La pièce de
bois formant le corps du cric est simplement frettée pour
empêcher le bois d'éclater et porte un anneau qui facilite
le transport de l'appareil. Le rendement pour un cric bien
construit est 0,40 à 0,45. Soit P l'effort moteur agissant
sur une manivelle de rayon L, Q la résistance, R et r les
rayons de la première paire d'engrenages, r^ le rayon du
pignon commandant la crémaillère, on aura :
0,40 L R P rVi^
Dans la plupart des chantiers de levage, on a conservé le
type classique que nous venons de décrire. Dans la des-
cente de la charge, l'opérateur ne peut agir que d'une main
pour retenir la manivelle pendant qu'il maintient de l'autre
le cliquet soulevé. Or, il arrive trop fréquemment que
l'effort de l'homme est impuissant à modérer la descente du
fardeau et qu'il se trouve obhgé de lâcher prise. La mani-
velle retourne, dans ce cas, si brusquement en arrière
qu'elle peut frapper dangereusement l'opérateur et entraî-
ner des dégâts par la chute brusque de la charge. Dans
de nouvelles dispositions (fig. 1), le bâti est constitué
d'une tôle emboutie à la presse, renforcée par des cor-
nières et des entretoises; la crémaillère roule sur des
galets, ce qui diminue les résistances passives ; le méca-
nisme de sûreté consiste en un levier B articulé en D sur
le bras de la manivelle, et prolongé jusqu'au bas de cette
dernière, où il embrasse, au moyen de deux coquilles c c,
la poignée g à son origine. L'autre extrémité de ce levier
forme un cliquet qui tend constamment à engrener avec les
dents du rochet F, sous Faction de deux lames de ressorte e.
CRK^. — CRICKET
364
Le soulèvement des fardeaux au moyen de ce cric se fait
comme à l'ordinaire ; tandis que leur descente s'effectue
Fig. 1. — Cric de sûreté en acier.
en toute sécurité, à la volonté de l'opérateur, dont l'une
des mains vient serrer les deux coquilles c et les rappro-
cher de façon à dégager le cliquet B de son rochet sans
abandonner la manivelle. En tournant alors dans le sens
convenable et à l'aide des
deux mains, on peut obtenir
une descente plus ou moins
rapide de la charge; aus-
sitôt que la main cesse de
presser les coquilles, l'ap-
pareil s'arrête instantané-
ment. Dans le cas où la
descente peut se faire sans
inconvénient à toute vitesse,
on glisse l'anneau g sur les
coquilles et on lance la ma-
nivelle après avoir appuyé le
pied sur le patin de la cré-
maillère. Dans d'autres crics,
dits à vis, la crémaillère
est remplacée par une vis
mue par un pignon à dents
hélicoïdales (V. Vérin).
L. Knab.
IL Archéologie. — Ap-
pareil de tension employé
au moyen âge, pour bander
les arbalètes. Le cric se com-
posait, d'après Gay, d'un petit tambour ou barillet ren-
fermant un pignon avec roue d'engrenage pour mettre en
mouvement au moyen d'une manivelle la crémaillère dont les
griffes saisissaient la corde de l'arc et la mettaient en
place. Les arbalètes à cric ont été en usage du xiv® au
xvi® siècle. Le cric était plus souvent appelé cranequiyi
(V. ce mot). Nous donnons ici, d'après Gay, l'image d'un
cric d'une arbalète allemande, du xvi® siècle. M. P.
BiBL. : Archéologie. — Penguilly-l'Haridon, Cata-
logue des collect. composant le Musée d'artillerie^ p. 507.
— Gay, Glossaire archéologique^ p. 44.
Fi
2. ~ Cric d'une arba-
lète allemande.
CRICET,CRICETODONetCRlCETOIVIYS(V. Hamster).
CRICHTON-Stuart (John-Patrick) (V. Bute [Marquis
de]).
CRICKET. Ce jeu de plein air, qui, présente assez d'ana-
logies avec notre crosse (V. ce mot) est en quelque sorte le
jeu national anglais. Il dérive d'amusements sportiques du
moyen âge, mais le terme de mc/c^i n'apparaît qu'en 1550.
Au miheu du xvni*^ siècle ses règles sont déjà très précises
et très détaillées : elles se sont transmises jusqu'à nos
jours sans grandes modifications. Le cricket s'est répandu
avec une rapidité extraordinaire, non seulement dans toute
l'Angleterre, mais dans tous les pays où l'on parle anglais.
Les crickets clubs sont innombrables et il se joue des par-
ties école contre école, régiment contre régiment, comté
contre comté ; il n'est même pas rare qu'il s'engage des
matches internationaux. Longtemps les joueurs du Kent,
du Surrey et du Sussex ont joui d'une incontestable supré-
matie que York et Nottingham leur ont aujourd'hui arra-
chée. Le club le plus célèbre du monde entier est le
Marylebone Cricket Club, qui est formé des meilleurs
joueurs et qui est considéré comme une sorte de haut tri-
bunal dont les joueurs en cas de contestation invoquent et
observent les arrêts. C'est lui qui a élaboré en 1870 le
règlement du jeu qui ne comprend pas moins de quarante-
sept articles.
On joue le cricket à vingt-deux personnes divisées en
deux camps de onze, commandés chacun par un capitaine.
Sur un vaste terrain plat, on plante en face l'un de l'autre
deux guichets, distants de 20^11. Chaque guichet se
compose de trois pieux, élevés de 0^^^68 environ au-dessus
.6.
5, a
.3.
B ,
.12,
B JL
.10,
du sol, séparés l'un de l'autre par 0^^20, pour que la
balle ne puisse passer dans cet espace. Sur leur extrémité
supérieure une baguette est simplement posée de manière
que le plus léger choc la fasse tomber. Une ligne de
course (a, a) est tracée à l'^^l du guichet et parallè-
lement à lui ; sa longueur est illimitée, mais elle ne doit
pas être plus courte que la ligne de boule (6,6). Celle-
ci, longue de 2™02, est dans la direction des piquets; le
guichet doit se trouver en son milieu ; à chacune de ses
extrémités elle s'incurve à angle droit. Le match a lieu en
deux manches ; les capitaines tirent au sort la première
manche puis placent leurs hommes à la défense des gui-
chets et comme bon leur semble, mais d'une manière géné-
rale la position des joueurs est celle que donne la figure.
En B sont les batsmen, lesquels armés d'une forte batte
de 0"^81 environ sont chargés de recevoir la balle au
bond et de la renvoyer le plus loin possible. En 1 , le
bowler qui lance la balle sur le guichet ennemi; en 2, le
gardien du guichet chargé d'abattre les barres avec la balle
lorsqu'elle a échappé au striker ; en U, les arbitres qui
veillent à la stricte observation des règlements et jugent
toutes les contestations. Les autres joueurs sont répartis
aux places indiquées sur la figure et qui sont désignées par
des termes techniques qui ne se traduiraient pas clairement
(3, long stop; 4, slip ; 5, point; 6, long slip; 7, cover
point; 8 et 42, milieu; 9-10, long champ; 11, leg). Au
début de la partie le camp auquel le sort a assigné la
défensive envoie deux de ses membres chacun armé d'une
batte pour protéger le guichet contre les coups de Tad-
versaire. Les neuf autres sont placés de manière à se suc-
céder à tour de rôle comme batteurs et dans un ordre arrêté
à l'avance par le capitaine. L'autre camp va chercher à
déloger les ^a^sm^^z en renversant leurs guichets. Pour cela,
il désigne deux bowlers qui à tour de rôle lanceront la
balle sur le guichet ennemi. Lorsque le guichet tombe, le
stricker qui l'a mal défendu est hors jeu et remplacé par
un de ses compagnons et ainsi de suite jusqu'à ce que les
onze aient été délogés à tour de rôle . Mais si le batsman
rattrape la balle à propos et la relance de manière à
déjouer la vigilance de ses adversaires, il s'empresse de
courir d'une ligne de course à l'autre pendant que son par-
tenaire de l'autre guichet fait de même. A la fin du jeu le
parti qui a accompli le plus de ces courses est le gagnant.
On conçoit que les adversaires cherchent à frapper le gui-
chet pendant le court espace de temps nécessaire à ce chan-
gement de place, ce qui rend le cricket fort difficile à bien
jouer. Les règles en sont d'ailleurs extrêmement sévères ; par
exemple, le striker est hors jeu s'il renverse la baguette du
guichet avec sa batte, ou avec le pan de son habit, ou s'il
touche la balle avec la main; le bowler perd des points s'il
lance la balle par-dessus la tête du striker, ou trop loin
pour qu'il puisse l'atteindre, etc., etc. Comme la balle faite
de liège recouvert de peau ou de lanières de cuir fortement
serrées est extrêmement dure, les joueurs portent des jam-
bières et des gants pour amortir ses coups. On joue aussi,
mais plus rarement, le cricket à un guichet.
BiBL. : LiLLYWHiTE, Cvicket Scores and Biographies ;
Londres, 1862. — J. Pycroft, Cricket Tutor, 1862. — Du
même, Cricket field, 1862-1873. ~ Selkirk, Guide ta the
Cricket ground^ 1867. — C. Box, Theory and practice o
Cricket, 1868.— Du même, English Game of Cricket, 1877.
— Marylebone Cricket Club Scores and Biographies, 1876.
— The Badminton Lihrary of Sports and Parties, 1888.
CRICKLADE. Ville d'Angleterre, comté de Wilkts, sur
la Tamise ; 5,563 hab. Elle dut à sa position quelque
importance au temps des rois saxons.
CRICKS. Indiens des Etats-Unis (V. Creeks).
CRlCO-ÂRYTÉNOïDiENS ( Articulatiou et Muscles) (V.
LàRYNX).
CRlCO-PHARYNGiEN (MuSClc) (V. PhâRYNX).
CRI CD -THYROÏDIENS (Articulation,Membrane et Muscles)
(V. Larynx).
CRICOÏDE (Cartilage) (V. Larynx).
CRICOTUS (Paléont.). Cope a désigné sous ce nom des
Batraciens des terrains permiens du Texas et de Flllinois chez
lesquels la corde dorsale est persistante; le centre des ver-
tèbres et les intercentrum sont perforés ; par suite d'une
disposition unique chez les Stégocéphales (V. ce mot), deux
vertèbres supportent un seul arc vertébral ; les os en chevron
ne s'attachent qu'aux intercentrum ; le ventre est protégé par
des écailles disposées en chevrons ; la queue, qui est longue,
devait servir à la natation. Les Cricotus appartiennent
au groupe des Embolomeri; le type du genre est le
C. heteroclitus ; une seconde espèce, le C, Gibsoni, est
de plus petite taille et a les vertèbres caudales plus
allongées. E. Sauvage.
BïBL. : Proc. A)nerican Philosophicat Society, 1878. —
American Naturaliste 1884.
CRICQUEVILLE. Com. du dép. du Calvados, arr. de
Bayeux; cant. d'Isigny ; 418 hab.
CRICQUEVILLE. Com. du dép. du Calvados, arr. de
Pont-l'Evèque, cant. de Dozulc ; '203 hab.
CRI CL E (Vente à la) (V. Vente).
CRIÉES ET Subhastations (V. Expropriation forcée et
Vente judiciaire d'immeubles).
CRI EL. Com. du dép. de la Seine-Inférieure, arr. de
Dieppe, cant. d'Eu, sur l'Yères et à 2 kil. de son em-
bouchure; 1,054 hab. Ruines de l'ancien château du Baile.
— 365 — CRICKET — CRILLON
Hospice qui occupe l'ancien château de Briançon (xvi^ s.).
Eglise du xvi'^ siècle restaurée. L'embouchure de la rivière
est dominée par une haute falaise, le mont Criel ou
mont Jolibois, dont les effondrements ont fait à peu près
déserter la plage comme station de bains de mer.
CRI EUR PUBLIC. Cette profession de crieur public re-
monte aux temps les plus anciens. Chez les Grecs, il était
chargé de convoquer les assemblées et d'y faire les procla-
mations 9nx sons de la trompette; chez les Romains, il
exerçait,! ous le nom de prœco^ les mêmes attributions ;
il était chargé en outre d'appeler en justice le demandeur
et le défendeur et d'y proclamer les sentences, et aussi
de crier les objets perdus. Les crieurs publics subsis-
tèrent chez nous, au moyen âge. Les crieurs publics
étaient constitués en corporations et soumis aux règle-
ments de ces corporations ; ils avaient pour patron saint-
Martin le Bouillant. A mesure que la civilisation etl'indus-
trie firent des progrès, les crieurs perdirent de leur impor-
tance et furent petit à petit sinon remplacés, du moins
suppléés par d'autres organes de publicité. Aujourd'hui le
crieur public n'est plus guère employé que pour vendre et
annoncer sur la voie publique les écrits et surtout les jour-
naux, et c'est exclusivement à ce point de vue de la vente
et de l'annonce des écrits que la loi a réglementé l'exer-
cice de leur profession. Quant aux actes de l'autorité, ils
sont quelquefois portés à la connaissance du pubHc par
des annonces sur la voie publique faites par des agents com-
munaux appelés appariteurs (V. ce mot), mais ces fonc-
tionnaires ne sont pas soumis aux règles qui concernent
» l'exercice delà profession de crieur pubHc.
CRI6N0N (Pierre), poète français du commencement du
xvi^siècle, né à Dieppe. On sait peu de chose sur lui. Ami de
ses compatriotes les frères Jean et Raoul Parmentier, il partit
en leur compagnie en 1530 pour les Indes. On sait que Jean
Parmentier, à la fois poète, latiniste, mathématicien et na-
vigateur, voyagea pour le compte de Jean Ango.ll mourut,
ainsi que son frère, durant un voyage à Sumatra. Pierre
Crignon publia, à son retour dans sa ville natale, le poème
que Jean Parmentier avait composé durant la traversée sous
le titre : Traité en forme d'exhortation contenant les
merveilles de Dieu et la dignité de l'homme , avec
quelques autres poésies (4531, in-4'). Crignon fit paraître,
dix ans plus tard, des Plainctes sur les trespas de
Raoul et de Jean Pminentier (1544, in-4, rare). On
trouve encore de ses vers dans le recueil de l'Académie du
Puy de la Conception de Rouen. A. L.
BiBL. : GoujET, Bibl. franc., II, 238. — Discours de la na-
vigation de Jean-Raoul Parmentier, publ. par Ch. Schefer:
Paris, 1883, in-8.
CRILLAT. Com. du dép. du Jura, arr. de Saint-Claude,
cant. de Saint-Laurent; 472 hab.
CRILLON. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Beauvais,
cant. de Songeons; 402 hab. Ce lieu était connu dès le
X® siècle sous le nom de Caigny et passa, au xv®, de la
maison de Picquigny à celle' de Boufflers (V. ce nom) .
C'est pour Adrien II de Boufïlers que Caigny fut érigé en
comté en 4604, puis en 4695 en duché, au proht du
maréchal de Bouflflers. Le duché de Boufflers fut acheté
en 4757 par le comte de Saisseval dont le fds en obtint
l'érection en marquisat de Saisseval. Caigny passa ensuite,
par achat, en 4783, au comte de Crillon dont il prit
le nom qu'il a gardé définitivement. Eglise en partie du
XVI® siècle. C. St-A.
CRILLON. Com. du dép. de Vaucluse, arr. deCarpentras,
cant. de Mormoiron ; 484 hab.
CRILLON (Louis Balbis de Berïon de), homme de guerre
français, né à Murs on Provence le 5 mars 1543, mort à
Avignon le 2 déc. 4615. Cadet d'une famille originaire de
Quiers, en Piémont, dont le nom patronymique était Balbis,
francisé en Balbe depuis son établissement à Avignon,
il prit le nom de Grillon, d'une terre qui appartenait à
son père. Crillon fut reçu, tout enfant, chevalier de
Malte et s'attacha comme aide de camp au duc de Guise,
GRILLON
- 366 —
en 1557. Il contribua puissamment à la reprise de Calais
et de Guines, et se trouva successivement à la prise de
Rouen (1562), aux batailles de Dreux, de Saint-Denis,
de Jarnac et de Moncontour, aux sièges de Poitiers et
de Saint-Jean-d'Angely, et, dans presque tous ces com-
bats, il fut blessé, il la paix de Saint-Germain (1570),
il s'engagea comme simple chevalier de Malte, sous
les drapeaux de D. Juan d'Autriche contre les Turcs et
se couvrit de gloire à Lépante; chargé par son général
d'apporter à Pie V la nouvelle de cette victoire, il reçut
du pape, en récompense de sa conduite, le droit pour sa
maison de posséder à Avignon une chapelle jouissant des
mêmes privilèges que celle du souverain pontife. Revenu
à Paris, il désapprouva hautement la Saint-Barthélémy et
alla ensuite au siège de La Rochelle où il reçut une nouvelle
blessure. Il accompagna peu après le duc d'Anjou en
Pologne et continua à servir ce prince qui le nomma gou-
verneur du Boulonnais, quand il fut revenu en France pour
prendre la couronne sous le nom de Henri III. Blessé à la
prise de La Fère en 1580, Grillon devint mestre de camp,
chevalier du Saint-Esprit, puis lieutenant-colonel général
de l'infanterie, charge créée pour lui et abolie après sa
mort, et il reçut encore une blessure en 1586, à la prise
de La Réole. Henri III refusa de suivre ses conseils à la
journée des Barricades et fut obhgé de fuir devant l'émeute.
Grillon protégea sa retraite, avec une poignée d'hommes
fidèles, et le suivit à Blois où le roi lui offrit l'épée de con-
nétable en échange du service d'assassiner le duc de
Guise ; le brave soldat proposa de provoquer le chef de la
Ligue en combat singuher, mais se refusa à la lâche besogne
qu'on lui demandait; cependant, il jura de garder le
silence sur les projets de son maître. On raconte qu'ayant
défendu le pont de Tours contre Mayenne, qui essayait de
surprendre le roi dans cette ville, et y ayant été grièvement
blessé, selon son habitude, il fut visité par Henri IV, alors
roi de Navarre, ^ui lui dit : « Je n'ai jamais craint que
Grillon », et lui voua dès lors une inaltérable amitié. On
connaît le mot légendaire que le prince lui écrivit après la
bataille d'Arqués, à laquelle Grillon, empêché par ses bles-
sures, n'avait pas assisté : « Pends-toi, brave Grillon :
nous avons vaincu à Arques, et tu n'y étais pas. Adieu,
brave Grillon, je t'aime à tort et à travers. » A peine en
état de monter de nouveau à cheval, Grillon se battit à
Ivry, assista au siège de Paris, défendit Quillebeuf, se
trouva au siège de Laon et à la prise d'Amiens, commanda
avec Sully, en 1600, l'armée de Savoie et s'empara de
l'Ecluse, de Ghambéry et de Montmélian. G'est alors que
le roi lui donna le titre « de brave des braves » et le pro-
clama devant toute la cour le « premier capitaine du
monde ». « Vous en avez menti, sire, répondit brusque-
ment Grillon; je ne suis que le second, vous êtes le
premier. » Ges paroles flatteuses et son amitié furent du
reste la seule récompense des services que Grillon avait
rendus à son maître. « J'étais sûr du brave Grillon, disait
plus tard Henri IV, et j'avais à gagner tous ceux qui me
persécutaient. » Fatigué et souffrant de V« infinité de
blessures » qu'il avait reçues, suivant l'expression de
Brantôme, il se retira dans ses terres où il répandit les
bienfaits autour de lui et se hvra aux exercices d'une
piété qui revêtait parfois un caractère quelque peu solda-
tesque. On raconte qu'étant un jour à Avignon où on
lisait la Passion, il entra en fureur au récit des souf-
frances du Ghrist, et se levant tout à coup : « Où étais-tu,
Grillon ! » s'écria-t-il en pleine église, en brandissant son
épée nue. V*® de Gaix de Saint-Aymour.
BiBL, : De Thou, Histoire de mon temps. — De Lussan,
Vie de Crillon, 1757 et 1781, in-12. — L'abbé de Grillon,
Vie du brave Crillon, avec les notes du marquis Fortia
d'Urban ; Paris, 1825, in-8. — Serviez et Montrv ind^ Hîst.
du brave Crillon; 1844-1845, in-8.
CRILLON (Louis Berton des Balbes, duc àQ\ Uhon et
de), lieutenant général, né à Avignon le 22 févr 1717,
mort à Madrid en 1796. Il servit en Italie de i733 à
1736, fut nommé colonel du régiment d'infantCi ie de
Bretagne le 16 avr. 1738, fit la campagne de Bavière en
1742, servit à l'armée de la Moselle en 1744 et, devenu
colonel du régiment d mfanterie de Grillon le 1<^^ janv.
1745, se battit brillamment à Fontenoy. Brigadier d'infan-
terie la même année, il remporta la victoire de Mesle
(20 juil. 1745), figura à la prise de Gand, d'Ostende et de
Nieuport et fut créé maréchal de camp le 2 oct. 1746. De
nouveau il servit en Italie (1747-48), puis en Allemagne
(1757) où il se distingua à Weissenfels et à Rosbach. Le
1®^ mai 1758, il était nommé lieutenant général. Il con-
tinua à combattre en Allemagne et en Flandre, et, en
1762, passa au service de l'Espagne, qui lui confia le
commandement de l'expédition de Minorque. Débarqué
dans l'île le 23 août 1781, Grillon obligeait, le 5 févr.
1782, les Anglais à capituler à Saint-Philippe. Gréé grand
d'Espagne, il fut chargé de commander l'armée franco-
espagnole au siège de Gibraltar. En 1783, il reçut le
commandement général des royaumes de Valence et de
Murcie. On a de lui des Mémoires militaires (Paris,
1791, in-8). . r: s.
CRILLON (Louis-Alexandre-Pierre-Nolasque-Félix Ber-
ton des Balbes de Quiers, marquis puis duc de), général
français, né à Paris le 11 déc. 1742, mort le 29 avr.'
1806, Fiis aîné du précédent, il servit pendant la guerre
de Sept ans et la guerre d'Amérique, devint maréchal de
camp sous Louis XVI et fut élu député aux Etats généraux
par la noblesse du bailliage de Troyes en 1789. Il fut
des premiers de son ordre à se rallier au tiers état et
protesta maintes fois, même après la fuite du roi à
Varennes, de son attachement à l'Assemblée nationale. II
fut porté en 1793 sur la liste des émigrés, mais il s'en fit
rayer en 1795. Il mourut sans postérité. A. Debidour.
GRILLON (François-Félix-Dorothée Berton des Balbes
de Quiers, duc de), général français, frère du précé-
dent, né à Paris le 22 jùil. 1748, mort à Paris le
27 janv. 1820. Connu d'aboixl sous le nom de comte de
Berton, puis sous celui de comte de Grillon, il fit avec
distinction, sous Louis XVI, les campagnes deMahon et de
Gibraltar et fut nommé maréchal de camp un peu avant la
Révolution. Député de la noblesse du baiUiage de Beau-
vais aux Etats généraux, il se raUia sans liésilation au
tiers état et fut, en 1789, un des fondateurs de la société
des Amis do la Gonstitution, qui devint plus tard le club
des Jacobins. Mais s'il adopta les principes nouveaux, il
s'efforça, d'autre part, de préserver la monarchie d'une
entière destruction et soutint les prérogatives du souverain.
Il s'éleva contre l'indiscipline dont plusieurs régiments
avaient donné l'exemple, défendit Bouille après l'affaire de
Nancy (1790) et demanda pour le jeune Desilles les hon-
neurs du Panthéon. Elevé au grade de lieutenant général
le l^"^" fév. 1792, il servit sous Luckner à l'armée du
Nord, mais, devenu suspect, perdit son commandement
après le 1 0 août. Emprisonné sous la Terreur, il recouvra
la liberté après le 9 thermiidor et vécut dès lors, sous le
Directoire, le Gonsulat et l'Empire, très retiré dans ses
terres, en Espagne ou en France. Jusqu'à la Restauration il
ne s'occupa d'aflaires publiques que comme membre du conseil
général de l'Oise. Nommé pair de France par Louis XVIII
le 17 août 1815, il soutint constamment au Luxembourg
une politique d'apaisement conforme aux principes et à l'es-
prit de la charte constitutionnelle. — Son fils aîné, Marie-
Gérard-Louis-Félix-Dorothée-'Rodrigue^ dernier duc de
Grillon, né àParis le 15 déc. 1782, mort à Paris le 22 avr.
1870, entra dans l'armée de l'Empire et devint aide de
camp du général Dessole. A la Restauration, il servit dans
les mousquetaires du roi, fut nommé colonel de la légion
des Basses-Alpes et fit brillamment la campagne d'Espagne
de 1823. Entré à la Ghambre des pairs le 26 févr. 1820,
il siégea dans l'opposition constitutionnelle. Le 11 août
1823, il fut nommé maréchal de camp et lieutenant amènerai
BU 1824.
CRILLON (Louis- Antoine-François-de-Paule Berton des
Balbes de Quiers de), duc deMAuoN, général espagnol, né
367 —
GRILLON — CRIME
à Paris le 45 mai 1775, mort à Avignon le 5 janv.
4832. Frère des deux précédents, il était né d'un troisième
mariage que son père, le duc de Mahon, avait contracté
en Espagne. Tout jeune, il entra au service de cette
puissance. A neuf ans, il était cadet aux gardes wal-
lonnes. A dix -huit ans il était colonel. Il prit part
avec distinction aux campagnes de Roussillon en 4793
et 4794. Fait prisonnier avec son régiment (47 nov.
4794), il fut, malgré la rigueur de la loi contre les émigrés,
généreusement traité par les Français, à cause du nom
qu'il portait. Grâce à l'amitié du général Augereau, qui
l'avait connu avant la Révolution, il fut laissé libre sur
parole et mis en résidence à Montpellier. Bientôt même le
comité de Salut public le traita mieux encore. On avait
trouvé dans ses papiers une lettre de son père exprimant
le vœu que la France et l'Espagne pussent à bref délai se
réconcilier et s'unir pour combattre leurs véritables enne-
mis. Le gouvernement de la République, qui souhaitait
vivement la paix avec la cour de Madrid et qui était en
train de la négocier, jugea politique de relâcher le jeune
Grillon sans aucune condition. Par l'ordre de Cambacérès,
Carnot et Pelet, membres du comité (2 févr. 4795), il fut
reconduit avec honneur en Espagne, où, fort peu après,
il obtint le grade de maréchal de camp . La paix ayant
été conclue à Bâle (juil. 4795), les rapports les plus
amicaux s'établirent bientôt entre la France et l'Espagne.
En 4797, Grillon obtint la permission d'aller servir comme
volontaire dans l'armée du Rhin, sous Moreau. Mais il
n'en put guère profiter, cette armée ayant dû arrêter ses
opérations, par suite des préliminaires de Léoben et du
traité de Gampo-Formio. Il se rendit à Paris, oti il vit
Barras et Bonaparte, qui lui témoigna beaucoup d'estime.
Puis il retourna à Madrid. Enveloppé dans la disgrâce du
minist re Jovellanos, il fut quelque temps après (1798)
éloigné de la cour. Mais il ne tarda pas à y être rappelé,
exerça un commandement actif pendant la courte campagne
de Portugal (4804), fut nommé gouverneur de Tortose en
4803 et, en janv. 4808, appelé au poste beaucoup plus
important de gouverneur des provinces basques. Il ne
dépendit pas de lui que Ferdinand VII n'échappât aux
pièges que lui tendait la perfide ambition de Napoléon. Ge
lut seulement sur un ordre formel de ce prince qu'il con-
sentit, après maints refus, à ouvrir Saint-Sébastien aux
troupes de Murât. Pendant que Ferdinand se rendait à
Rayonne, il courut à Vittoria pour le dissuader de conti-
nuer son voyage, dont il lui remontrait tout le danger. Il
lui soumit un plan, grâce auquel il se faisait fort d'assurer
sa liberté. Mais il ne put le convaincre. Il alla un peu
plus tard le rejoindre à Bayonne et lui fit, de la part des
commerçants de Saint-Sébastien, des offres d'argent que le
roi déclina tout d'abord. Peu après, il est vrai, Ferdinand
se ravisa et tira sur Grillon une lettre de change de trois
cent mille réaux. Mais à ce moment il avait abdiqué, il était
prisonnier. Les commerçants basques ne voulaient plus
rien donner. Le gouverneur paya la somme de ses deniers.
Il crut sans doute avoir assez lait pour un prince qui avait
toujours fermé l'oreille à la vérité et qui avait semblé
prendre à tâche de se trahir lui-même. Aussi se rallia-t-il
au parti de Joseph Bonaparte, qui le fit lieutenant général
et lui conféra successivement la vice-royauté de Navarre,
le commandement de Tolède et celui de Cuença. Il subit
en 4844 le sort des personnages de marque qui s'étaient
prononcés en Espagne pour le roi français. Ferdinand Vil
restauré le proscrivit. Retiré en France , à Toulouse d'abord
et plus tard à Avignon, il recouvra une partie des biens de
sa famille, reçut en 4825 une somme importante sur le mil-
liard d'indemnité accordé aux émigrés et, la môme année,
sur la demande du gouvernement espagnol, fut reconnu par
Charles X comme lieutenant général honoraire au service
de la France. — Son fils Louis^ né en 4804, mourut le
46 sept. 4844, ne laissant qu'une fille. A. Debidour.
GRILLON (Louis-Marie-Féhx-Prosper, marquis de), frère
de Marie-Gérard-Louis Félix-Dorothée-Rodrigue, né à Paris
le 34 juil. 4784, mort à Paris le 4 mars 4869, entra dans
l'armée de l'empire, fit les campagnes de 4810 à 4844,
comme aide de camp d'Oudinot, puis capitaine d'état-major,
fut blessé en Russie et à Leipzig. A la Restauration, il entra
dans les chevau-légers delà maison du roi comme sous-lieu-
tenant, puis il devint, en 481 5, colonel des chasseurs de l'Oise
et maréchal de camp. Il entra à la Chambre des pairs le 44 juil,
4829 ; il y remplaça son beau-père, le marquis d'Herbou ville.
CR! M E. Le mot crime désigne aujourd'hui un acte prévu
et réprimé par la loi pénale. En droit romain, ce mot, qui
avait été également étendu au fait lui-même, ne s'appliquait
originairement qu'à l'accusation. C'était là son sens propre et
primitif. Cette législation distinguait les publica judicia
et les delicta vrivata. Dans notre ancien droit, au
contraire, les divisions des crimes étaient multiples.
Muyart de Vouglans {les Lois criminelles de France,
p. 4) estime que ces divisions peuvent être aussi nom-
breuses que les divers rapports sous lesquels une infrac-
tion peut être envisagée. Quant à sa nature, le crime
sera atroce ou léger, simple ou qualifié, direct ou indirect,
volontaire ou involontaire, matériel ou formel, personnel
ou réel. Quant à la peine, cet auteur distingue le crime
capital et le crime non capital. Quant à la compétence, il
le divise en cas royal, cas prévôtal, cas ordinaire, délit
commun, délit privilégié, délit ecclésiastique, délit mili-
taire. En ce qui concerne l'instruction, il rejette la dis-
tinction du droit romain entre les crimes publics et les
crimes privés et n'admet que celle du grand et du petit
criminel. Enfin, relativement à la preuve, les crimes pou-
vaient être notoires et manifestes ou bien occultes. Les
premiers, delicta facti par manentiSj èimant ceux qui lais-
saient après eux des traces ; les seconds, delicta facti Iran-
seuntis, étaient ceux dont, après la perpétration, il ne
restait aucun vestige. Notre législation actuelle distingue
les infractions à la loi pénale, d'abord au point de vue de
leur gravité, et ensuite au point de vue de leur nature.
Aux termes de l'art. 4®^' du G. pén., l'infraction que
les lois punissent de peines de police est une contravention,
l'infraction que les lois punissent de peines correctionnelles,
un délit; et l'infraction que les lois punissent d'une peine
afflictive et infamante, un crime. Cette division qui fait
dépendre le caractère de l'infraction du caractère de la peine
a été violemment critiquée. Le pouvoir fait-il couper la
tête à un homme, s'écrie M. Rossi, concluez-en que cet
homme est un grand scélérat ; et l'éminent publiciste ajoute
qu'il y a là un tel mépris de l'espèce humaine, une telle
prétention au despotisme qu'il suffirait pour juger de
l'esprit du code entier de jeter les yeux sur l'art. 4^^\
Nombre d'auteurs, notamment MM. Boitard, Franck et
StuartMill, ont souscrit à cette appréciation assurément
beaucoup trop sévère. N'est-il pas d'évidence que quand
le législateur se préoccupe de rechercher la peine qu'il y a
lieu d'appliquer à telle ou telle infraction, il commence
par considérer cette infraction en elle-même, par se rendre
compte aussi exactement que possible du degré de per-
versité qu'elle suppose chez le coupable, du mal qui peut
en résulter pour la société, et qu'il s'efforce de propor-
tionner à la gravité du fait la sévérité de la répression
qu'il édicté? Mais quand toutes les infractions ont été
ainsi examinées tour à tour et frappées chacune de la peine
qu'elle mérite, pourquoi cette peine ne deviendrait-elle pas
le signe distinctif de l'infraction ? N'est-ce pas là le pro-
cédé de classification à la fois la plus rationnel, le plus
simple et le plus pratique? Ainsi, deux opérations.
Première opération : distinctio pœnarum ex delicto,
deuxième opération : distinctio delictorum ex pœna. Telle
estl'opinion do M. Ortolan (loc. cit., p. 282) qui approuve
la méthode suivie par le code. Tel est également le sen-
timent de MM. Ghauveau et Hélie (Théorie du code pénal,
t. ï, p. 34) et de M. Bertauld (Cours de code pénal,
pp. 446 et 447). Tout crime se compose au moins de
deux éléments constitutifs : 4^ un fait matériel ; 2*^ une
intention coupable. Il en est de même des délits, à l'excep-
CRIME - CRIMEE
H68
tioîi toutefois de certains cas particuliers tels que riiomicide
et les blessures par imprudence. Quant aux contraventions,
l'élément matériel suffit. Elles sont punissables, alors
même que le dessein de nuire fait défaut. Les règles re-
latives à la complicité sont également communes aux
crimes et aux délits ; mais elles ne sont pas applicables
aux contraventions. Enfin, la tentative manifestée par un
commencement d'exécution, si elle n'a manqué son effet
que par des circonstances indépendantes de la volonté de
son auteur, ne sera punissable qu'en matière de crime. En
ce qui concerne les délits, elle ne pourra être atteinte que
dans les cas déterminés par une disposition spéciale de la
loi. Nous venons de faire connaître la division des infrac-
tions au point de vue de leur gravité. Mais quelle méthode
de classification faudra-t-il suivre relativement à leur na-
ture ? Sur ce point, grande controverse entre les crimina-
listcs. Certains jurisconsultes voient dans ce travail des
difficultés telles que, à leur sens, le parti le plus sage
serait de se passer purement et simplement de toute classi-
fication. M. Hans, dans ses observations sur le code pénal
de Belgique, trouve dans ce procédé le double avantage
de présenter les divers faits punissables dans un ordre tout
naturel et de permettre d'encadrer plus facilement dans le
code les lois spéciales postérieures. Ce système, ou plutôt
cette absence de système, aurait pour résultat une confusion
inévitable. Aussi la plupart des auteurs rejettent-ils cette
opinion. Un grand nombre de divisions ont été proposées.
De toutes, la plus simple peut-être et la plus rationnelle
est celle qui a été suivie par notre code pénal et que nous
nous bornerons à retracer dans ses grandes lignes. Le
■principe fondamental de cette classification est la distinc-
tion des crimes en deux grandes classes : crimes contre la
chose publique et crimes contre les particuliers. Les pre-
miers comprendront les crimes contre la sûreté extérieure
et intérieure de l'Etat, les crimes contre la constitution et
les crimes contre la paix publique, tels que la fausse
monnaie, la contrefaçon des sceaux de l'Etat, des billets de
banque et effets publics, le faux en écriture soit publique,
soit privée, les soustractions commises par les dépositaires
publics, les concussions des fonctionnaires,- les abus d'au-
torité, les faits de résistance, désobéissance ou autres
manquements à l'autorité publique. Les seconds se subdi-
visent en deux catégories : crimes contre les personnes et
crimes contre les particuHers. Sous la rubrique de crimes
contre les personnes viendront se ranger le meurtre, l'as-
sassinat, le parricide, l'infanticide, l'empoisonnement, les
attentats aux moeurs ; sous la rubrique de crimes contre
■les propriétés, le vol, la banqueroute, l'abus de confiance,
l'incendie. Le compte général de l'administration de la
justice criminelle en France et en Algérie nous apprend
que, depuis 4874, le nombre des crimes a constamment
décru. En 4874-4875, le chiffre des accusations s'est élevé
en moyenne à 3,853 ; en 4876-J880 à 3,446 et en 4880-
4885 à 3,342. En 4886, ce chiffre est descendu à 3,252
et en 4887 à 3,464. A l'égard des crimes contre les per-
sonnes, la réduction est de 44 '^/o (de 4,687 à 4,452),
et en ce qui concerne les crimes contre les propriétés, la
réduction est de 24 °/o (de 2,466 à 4,742). M. le garde
des sceaux constate, dans son rapport, que si ce résultat,
dû en partie à la correctionnalisation, ne correspond pas
exactement à la réalité, il n'en est pas moins vrai que,
depuis quinze ans, les crimes vraiment graves ont subi une
incontestable et incessante diminution. Jules Chancel.
Sociologie. — On trouvera aux mots HÉRÉurrÉ et
surtout Responsabilité l'étude des conditions physiques,
héréditaires, des criminels, et Eexamen des théories déve-
loppées à ce sujet par Lombroso et certains criminahstes ;
le point de vue moral y sera également abordé.
J3iBL. : MuYART DE VouGLANS, Lois crmiinelles., pp. 1
et suiv. — Bentham, Traité de législation., t. II, p. 240. —
llAUTER, Traité de droit criminel^ t. I, pp. 121, 169; t. II,
pp. 2, ICI. — DuvERGER, Manuel des juges d'instruction,
t. I, p. 130. — Ortoean, Eléments de droit pénal., t. 1,
p. 279. — Blanche, Etudes pratiques sur le code pénal, 1
t. I, p, 2. — Chauveau et HÉLIE, Théorie du code pénal,
t. I, p. 34; t. II, p. 5. — Faustin Uélie^ Pratique crinwielle
des cours et tribunaux, 2° partie, p. 1. — Rossi, Traité de
droit penal,t. II, p. 94. — Bkrtauld, Cours de code pénal,
p. 115. — Dalloz, Répertoire, art. Crimes et délits contre
la sûreté de VEtat^ et Crimes et délits contre les personnes,
art. Délit, n^^ 10 et suiv. — Henri Joly, ie Crime, étude
sociale; Paris, 1888.
CRllVIÉE (en russe 70^?/^). Province de l'empire de
Russie. Elle appartient au gouvernement de Tauride. Elle
forme entre la mer Noire et la mer d'Azov une péninsule
de 25,700 kil. q. Elle est rattachée au continent par
l'isthme de Pcrekop qui n'a pas plus de 5 à 7 kil. de lar-
geur. Ses côtes sont très découpées. Elles forment au N.-E.
la baie Karkinis ou mer Morte, au S.-O. la baie Kalamita,
à rO., entre la flèche d'Arabat et le littoral, s'étend un
long golfe dit mer Paresseuse. La Grimée est constituée
pour les trois quarts environ de sa superficie par un steppe
qui continue ceux de la Russie méridionale, pour un quart
environ par des montagnes de la Tauride, qu'on peut con-
sidérer comme une continuation du Caucase. Cette chaîne,
située au S. de la péninsule et qui a environ 470 kil. de
longueur, a pour principales cimes l'Ai Pétri (4,266 m.) et
le Tchatir Dagh (4,560) ; le Babougan laila (4,655 m.) et
FAi Vassilem (4,627 m.). On y rencontre des grottes à
stalactites et à stalagmites. Certaines de ces niontagnes
sont percées de cavernes artificielles qui constituent de
véritables cités souterraines. La chaîne est couverte de bois
et de verdure. Entre elle et la mer s'étend une bande de
terrain d'environ 5 kil. de largeur. Son climat délicieux,
sa riche végétation rappellent le littoral de la Provence ou
du golfe de Gênes. Les vignes, les bois d'olivier, les plan-
tations de lauriers et de figuiers y abondent. L'empereur
y possède le château de Livadia. La noblesse russe y a cons-
truit un grand nombre de villas, et l'industrie des hôtels
y est des plus florissantes.
^ Les principaux cours d'eau sont : sur la côte de la mer
d'Azov, le Sivach grossi du Solgir et le Kara-Sou; sur la
côte 0., la Tchernaïa (Rivière Noire) et l'Aima, célèbres
par les combats auxquels elles ont donné leur nom. Les
principaux produits de la Crimée sont les céréales, le tabac,
le vin, dont la culture a fait de grands progrès dans ces
dernière années, et les fruits du Midi. Le pays nourrit des
chevaux, des chameaux, du bétail, des vers à soie. Les
laines des moutons (baranki) sont particulièrement renom-
mées. On compte environ 400 lacs qui fournissent du sel
e?;cellcnt. On exploite des carrières de porphyre, de marbre
et de pierre à chaux. Les beautés naturelles de la (jîmée
ont été chantées par les poètes slaves, notamment par Pouch-
kine et Mickiewicz. Les principales villes sont Simferopol,
Sébastopol, Kertch, lalta, Eeodosia. Les Tatares forment
encore le fond delà population (V.TAmyDE, Tatares, etc.).
La Crimée s'appelait dans l'antiquité Chersonèse Tau-
rique. Elle paraît avoir été habitée d'abord par les Cim-
mériens. A dater du vii^ siècle avant l'ère chrétienne, les
Grecs y établirent de nombreuses colonies. Au v° siècle
av. J.-C, on forma un royaume du Bosphore dont l'his-
toire est mal connue. Il fit partie des possessions de
Mitîiridate. Les villes principales étaient Cherson, Theodo-
sia (auj. Kaffa), Panticapée (auj. Kertch), Zembaro (Su[x-
Solov des Grecs, mod. Balaklava), Eupatoria (fondée par
Mithridate Vil Eupator, roi du Pont). Elle fut soumise par
les Romains en l'an 47 av. l'ère chrétienne. Successivement
ravagée par les lïuns, les Alains, les Goths, elle fut ensuite
occupée par les Kosares ou Chazares. En 640, l'empereur
Hérachus la réunit à Lempire grec. En 988, les Russes
s'emparèrent de la ville de Cherson que leurs annales ap-
pellent Khorsoun. Leur prince Vladimir y reçut le baptême.
Elle fut détruite en 4363 par Olgord, grand prince de
Litimauie. En 4427, les Tatares, qui avaient déjà visité
la I^éninsule à diverses reprises, s'y établirent définitivement
et lui donnèrent le nom de Krym qui lui est resté. Leur
capitale était Bakhtchisarai ou Bagtché-Séraï. Les Vénitiens
s'efforcèrent d'y établir des comptoirs. Ils furent supplantés
l)ar les Génois qui s'établirent à Caff'a, à Soudak et à Bala-
— 369 —
CRIMÉE - CRIMEN
klava. Ils furent chassés au xv® siècle par les Turcs. En
d478, Mahomet II nomma Mengh Gheraï khan de la Crimée
et de la Petite-Tatarie. Les Tatares, vassaux de la Porte,
restèrent jusqu'au xvin® siècle paisibles possesseurs de la
péninsule ; en 4726, les Russes y pénétrèrent pour la pre-
mière fois. En 4777, Souvorov chassa le khan Devlet
Gherai'. En j 779, Châhiii Gheraï devint tributaire de Cathe-
rine IL En 4783, la Crimée fut annexée par la Russie ; la
Porte reconnut cette annexion en 4784. En 4854 et 4855,
elle a été le théâtre d'une lutte sanglante entre les Russes
d'un côté, les Turcs, les Français, les Anglais et les Pié-
montais de l'autre. Les dominateurs grecs, génois et
tatares ont laissé des monuments tort remarquables dans
la péninsule. C'est un pays très intéressant pour le tou-
riste et pour l'archéologue. L. Léger.
Numismatique. — Il existe des monnaies de l'ancienne
Chersonèse Taurique du vi® au ii® siècle av. J.-C, frappées
par les villes de Cercine, Chersonesos, Panticapée et Nym-
phaîum, avec les noms
des magistrats moné-
taires; le symbole était
le taureau. Sous la do-
mination romaine, Cher-
sonesos resta ville libre,
Eleutheras Chersone-
son^ sur ses monnaies.
Pour l'époque byzantine,
V. le mot Cherson. Voici
la liste des khans tatares,
d'après leurs monnaies et
d'après leshistoriens
turcs : Mengli Gheraï,
J 475; Mohammed, 4 54 5;
Ghazi et Saadet, 4522;
Islam, 4532; Saheb,
4532; Devlet, 1554;
Mohammed, 4578; Is-
lam, 4584; Ghazi, 4588;
Felh, 4588; Toktamich,
1596; Selamet, 4608;
Djanibek, 4640; Moham-
med, 4623 ; Djanibek,
4627;Enaïet, '1635;Be-
hader,4637; Mohammed,
4642; Islam, 4644; Adel, 4665; Selim, 4665; Mourad,
4677; Hadji, 4682; Selim, 4683; Saadet, 4694 ; Safa,
4692 ; SeHm, 4693; Devlet, 4698; Ghazi, 4704; Kaplan,
4707; Devlet, 4709; Cara Devlet, 4746; Saadet, 4746;
Mengli, 4724; Kaplan, 4726 (c'est sous son règne que les
Russes pénètrent pour la première fois en Crimée) ; Feth,
4 735, vaincu par Galitzin en 4 737 ; Mengh, 4 737 ; Selamet,
4739; Selim, 4743; Arslan,4748; Hakim, 4755; Krim,
4758; Maksoud, 4766; Devlet, 4768; Sahib, 4774;
Devlet, 4774-4775; Châhin, 1775-4783, dont une mon-
naie est ci-jointe (Piastre d'argent : A, le chiffre du khan
à l'imitation de la Togkrâ impériale, contenant en mono-
gramme les mots : Khan Châhin Gheraï ben Ahmed;
R, « frappé à Baghdji serai année 4494 (4777) », en
arabe). Tous ces princes avaient le nom de Gheraï et le
titre de khan ; ils étaient de race mongole comme les
khans du Kaptchak, descendants de Gengis-Khan. Leur
domination s'étendait sur la Crimée, les bords de la Volga,
de l'Oural, le Kouban et le Dnieper. E. Drouin.
Guerre de Crimée (V. Question d'Orient).
BiBL. : GÉOGRAPHIE. — Baron Korff, Catalogue des
Russica; Saint-Pétersbourg. —En dehors des ouvrages
indiqués àTart. Crimée du Dictionnaire de Géographie de
M. Vivien de Saint-Martin, consulter Buchan-Telfer,
the Crimeâ and Transcaucasia^ — Elisée Reclus, Géo-
graphie universelle^ t. V. •— Sonogorov, Guides en Cri-
mée (en russe) ; Odessa, 1880. — V. aussi les livres cités
au mot Tatares.
Numismatique. — Kazimirski, Précis de l'Histoire des
khans de Crimée, trad. du turc ; Paris, 1883. — VeliAminov,
Matériaux pour servir à l'histoire du hhanat de Crimée ;
1884 (en russe).
GRANDE encyclopédie. — XlII.
Piastre d'argent du khan
Châhin Gheraï.
CRIMÉENNE (Art milit.). Vêtement militaire mis en
usage dans les troupes françaises devant Sébastopol, dans
l'hiver de 1854 à 1855. La criméenne était en drap bleu
de roi, de la qualité dite draç de soldat. C'était une
longue capote sans patte ou martingale derrière, avec collet
rabattu. Sous ce premier collet se trouvaient : 1° une
pèlerine faisant tout le tour du vêtement et descendant à
5 centim. seulement au-dessous des épaules, de manière à
ne pas gêner le jeu des bras ; 2° un capuchon destiné à
couvrir la tète par-dessus le képi, et assez ample pour
pouvoir être avancé de manière à abriter parfaitement le
visage. Les manches, sans boutonnières, dépassaient de
15 centim. environ la longueur ordinaire, ce qui permettait,
pendant les temps froids et quand l'homme devait prendre
du repos, de s'en recouvrir les mains et de s'en servir
comme d'un manchon. En temps ordinaire, l'extrémité des
manches se rabattait sur l'avant-bras pour dégager la
main. En somme, la criméenne dérivait directement du
caban à capuchon que portaient alors les officiers et n'en
différait essentiellement que par la pèlerine et les man-
ches longues. Toutes les troupes du siège, officiers et
soldats, étaient pourvues de la criméenne. Les officiers
l'avaient reçue gratuitement comme la troupe. Au dire de
tous ceux qui l'ont porté, ce vêtement était très chaud et
très commode. Il n'a pas survécu à la campagne de Crimée.
CRIMEN. Les textes juridiques ou littéraires nous pré-
sentent plusieurs acceptions du mot crimen qui, d'ailleurs,
ne se trouve employé qu'en droit criminel. Dans un pre-
mier sens, notre expression désigne la cause, l'objet du
procès, souvent l'accusation elle-même (Paul, Sentences,
V, 12, § 4). Comme toute accusation a pour base une vio-
lation du droit, on avait été amené à appliquer la dénomi-
nation de crimen à cette violation, considérée en elle-
même et d'une manière générale. C'était là le second sens
de notre expression. Remarquons toutefois qu'elle était
restreinte aux infractions devant entraîner l'application
d'une peine publique. Celles qui ne donnaient lieu qu'à une
peine privée étaient plus spécialement qualifiées de delicta^
delicta privata. Dans ce dernier cas, on tenait peut-être
plus compte du fait matériel qui avait occasionné la lésion
d'un droit que de la culpabilité subjective de l'auteur de ce
fait, culpabilité qui était, au contraire, prise en grande
considération lorsqu'il s'agissait d'un crimen. Ces deux
espèces d'infractions se distinguaient, en outre, par ce fait
que, dans le cas d'un delictum privatum^ Y aciion n'appar-
tenait qu'à la partie lésée, tandis que, s'il s'agissait d'un
crimen j elle appartenait au magistrat et même, à partir
d'une certaine époque ^ à tout citoyen. Dans une troisième
acception, le mot crimen servait à désigner l'ensemble de
la procédure employée pour arriver à la répression de l'in-
fraction ou tout au moins le commencement de cette pro-
cédure, inscriptio in crimen. Nous n'aurons pas à nous
occuper ici des delicta privata ; nous nous bornerons à
esquisser rapidement les principales divisions des crimina :
crimina publica proprement dits, crimina extraordi-^
naria, crimina popularia,
Crimina publica. On entendait par là, d'une manière
générale, les lésions d'un droit public ou privé donnant
lieu à ce que nous appellerions aujourd'hui Vaction pu-
blique. Dans le principe, sous la période royale, la con-
naissance de ces infractions appartenait aux comices par
curies. Sous la République, on posa en principe que les
comices par centuries pourraient seuls rendre contre les
citoyens des sentences capitales ; la connaissance des autres
causes continua à appartenir aux curies conjointement avec
les tribus. Ces dernières s'arrogèrent même, en certaines
circonstances, le droit de prononcer la peine capitale. Corio-
lan en fit l'expérience. A cette époque, le droit de pour-
suite n'appartenait pas à toute personne, mais seulement
aux magistrats qui avaient pour mission de convoquer les
assemblées dont nous venons de parler, sauf aux citoyens
à s'adresser à eux pour leur dénoncer les faits délictueux.
Souvent, les comices par curies, par centuries ou par tri-
CRIMEN — CRIN
370 —
bm ne connaissaient pas eux-mêmes de tel ou tel crime,
mais déléguaient cette connaissance à des commissaires.
Ces commissaires furent d'abord désignés dans chaque
affaire déterminée,^ de sorte que leur mission finissait avec
la cause qu'ils avaient eu à juger ; dans la suite, la déléga-
tion s'appliqua à certaines catégories de délits. Ceux-ci se
trouvaient définis et réprimés par la loi qui organisait la
délégation, délégation qui devint aussi permanente, qiiœs-
tio perpétua. Devant ces nouveaux tribunaux, dans la
composition desquels nous n'avons pas à entrer (V. les
mots QujîSTio PERPETUA, Qu/ESTioNES PERPETU^), chaquc
citoyen pouvait se porter accusateur et devenir ainsi partie
au procès dont il était obligé d'établir le bien fondé. L'Etat
s'eflbrçait d'encourager la découverte et la poursuite
des crimes en promettant des récompenses à ceux qui
consentaient à accepter le rôle d'accusateur, in tantâ
multitudine accusatoriim, in santis prœmiis, s'écrie
Cicéron dans son Pro Cluentio. Sous l'empire de cette
organisation judiciaire, l'expression judicia publica était
détournée de son sens primitif parce que ce n'était plus le
peuple qui statuait. Elle subsista néanmoins. Signalons
parmi les crimina publica déterminés par des lois spé-
ciales : le meurtre, la violence, le faux (lex Cornelia),
l'offense faite à la majesté du peuple, perdiielleo ou ma-
j estas {lex Apuleia^ lex Cornelia, lex JiUia), la brigue,
ambitus {lex Calpiirnia, lex lullia, Licinia, Pompeia
Julia)^ le crime de concussion, repetundœ {lex Calpiir-
nia, lex Acilia repetundarum^ lex Servilia^ Cornelia,
Julia), le péculat {lex Julia), l'inceste, nefanda venus
(lex Scatinia), l'adultère {lex Julîa de adulteriis), la
vente d'un honune libre et le vol de l'esclave d'autrui,
plagium {lex Fabia, citée par Cicéron, De Servis alienis
contra legem Fabiam retentis, XLVIII, 15).
Crimina extraordinaria. On les opposait aux judicia
publica et leur caractère distinctif était l'absence de toute
règle précise déterminant le délit ou la peine. Ils étaient
déférés aux comices, au Sénat, aux consuls, aux préteurs
ou à des quœstores particuliers. Toutes ces juridictions
jouissaient, en ce qui touchait l'application de la peine, du
pouvoir le plus absolu. Dans le principe ne rentraient dans
les crimina extraordinaria que les infractions non pré-
vues par les lois anciennes, mais dont les mœurs nouvelles
autorisèrent la répression; dans la suite, on arriva à
juger extraordinairement même les infractions rentrant
dans la catégorie des judicia publica et, dans le dernier
état du droit, juger au criminel devint synonyme de sta-
tuer extra ordinem.
Crimina popularia. On donnait ce nom à certaines
infractions qui constituaient, en réalité, des delicta pri-
vata et qui, tout en atteignant plus spécialement certaines
personnes, lésaient néanmoins les droits légitimes de tous
les citoyens. L'action qu'elles engendraient était dite popu-
taris, c.-à-d. appartenait à tout le monde et non pas seu-
lement à la partie lésée. On comprenait dans cette classe
de crimina la violation d'un tombeau, le fait d'avoir causé
un dommage par une effusio ou une dejectio, la détention
d'un homme libre, l'ouverture d'un testament fait contrai-
rement à l'édit du préteur, etc. Paul Nachbaur.
BiBL.: Daremberg et Saglio, Dictionnaire des anti-
quités grecques et romaines, art. Crimen. — Ortolan,
Histoire de la législation romaine, Tp. 223, n*» 272. — Mad-
viG, L'Etat romain, t. III, pp. 296 et suiv.
CRIMINALITÉ. L Droit (V. Crime).
II. Médecine (V. Responsabilité et Aliénation).
CRIMINIL (Heinrich-Anna Le Merchier), comte de
Reventlow, homme politique danois, né le 6 mai 4798,
mort le 31 déc. 1869. Fils d'un émigré français et neveu
de Fred, Reventlow qui l'adopta, il entra dans l'adminis-
tration des duchés nordalbingiens, devint amtmand de
Flensborg, puis chef du département des affaires étrangères
(1842-48) et ministre du Holstein et du Lauenbourg (janv.
1852 à déc. 1854). Il était du nombre des Slesvig-Hols-
teinoîs qui voulaient tout à la fois l'union des duchés entre
eux et avec le Danemark. B-s.
CRIMOLOIS. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. et
cant. (E.) de Dijon ; 227 hab.
CRIN. I. Art vétérinaire. — Les crins sont les poils
longs et de fort diamètre qui recouvrent, chez le cheval,
le bord de l'encolure et les extrémités inférieures des
membres. On dit le cheval à tous crins quand il a le tronçon
de la queue entier ; il est écourté si on lui a coupé une partie
du tronçon ; il est courte-queue si les crins ont la même lon-
gueur que le tronçon lui-même ; la queue est en balai quand
les crins, de longueur inégale, sont taillés à la manière
d'un pinceau effilé; s'ils s'écartent en s'épanouissant, la
queue est dite en éventail ; elle est en brosse si les crins
sont taillés court ; elle est à queue de rat si les crins sont
clairseniés et laissent voir entre eux la peau du tronçon.
Les crins ont une origine et une structure identiques à
celles des poils. L. Garnier.
IL Commerce et industrie. — On distingue le crin
a7iimal et le crin végétal.
Crin animal. — Il y a les crins blancs, les crins noirs et
les crins mélangés. On distingue encore les crins longs, dits
aussi crins droits ou carrés, qui ont au moins 45 centim.
de long et qui viennent de la queue des animaux ; les crins
plats, de longueur et de force inégales, qui proviennent
surtout de la crinière et sont moins estimés. La récolte du
crin se fait sur les chevaux morts ou vivants, en tondant
les animaux domestiques ou ceux qui ont été pris au lasso
(La Plata), quelquefois en coupant la peau garnie de poils
sur les animaux abattus. Le crin de bœuf est enlevé, dans
les tanneries, au moyen d'un raclage, après une longue
macération de la peau dans l'eau de chaux. Les crins de
chèvre se coupent au ciseau sur la bête, vivante ou morte.
Le diamètre des crins est le suivant : pour le cheval,
0iîim,j25 à 0"i^^l40 à la queue et à la crinière, et 0'«^09
à 0'^^^115 au paturon; pour le bœuf, mêmes dimensions,
sauf que la corde médullaire est plus grosse ; pour les crins
de chèvre, le diamètre est de 0^^^^02'à 0^^^"08.
Usages. — Les crins blancs de grande dimension se
vendent fort cher ; ils servent à faire des archets pour les
instruments à cordes ; ils sont excellents pour la pêche à
la ligne, étant élastiques, résistants, invisibles dans l'eau
et imputrescibles ; il faut veiller seulement à ce que les
araignées ne les mangent pas. Les crins plus courts ser-
vent à fabriquer divers tissus, soit en crin pur, soit en
crin mélangé de fil (crinoline), à faire des perruques, des
plumets pour coiffures militaires, etc. (}uand ils sont tout
à fait courts, ils servent à faire des balais, et divers articles
de brosserie. Les tapissiers emploient le crin crépi, c.-à-d.
cordé et bouilh, à la fabrication des sommiers, des matelas,
des coussins, au rembourrage des chaises, fauteuils, ta-
bourets, banquettes, etc. Les bourreliers en font aussi
usage (V. Bourrellerie, t. VII, p. 814).
Travail du crin. On trie d'abord les crins, suivant
leur quahté et leur couleur. Ce travail, fait par des femmes,
expose à certaines maladies, comme la pustule maligne,
quand on manie certaines peaux, ou aux affections des
voies respiratoires par suite des poussières fines qui se
détachent du crin brut. Les crins mi-longs ou courts sont
ensuite soumis au filage, c.-à-d. qu'on en fait une corde
qui se façonne à peu près de la même manière que les
cordes de chanvre. Lorsque le crin a été tordu, on le fait
bouillir dans l'eau pour le dégraisser d'abord, puis pour
le faire friser.
Commerce du crin. Le commerce français tire le crin
de notre pays, de la Russie, de l'Amérique et un peu de
l'Irlande et de la Hollande. En France, le crin le plus
estimé vient de la Picardie, du Soissonnais et de la Cham-
pagne; celui de Lorraine et de Bretagne est bien inférieur.
Les crins d'Amérique, qui sont de diverses qualités, vien-
nent surtout de Rio Grande, de Montevideo et de Buenos
Aires. Us sont expédiés en surons de cuir ou en balles
de toiles, cerclées de fer. L'article venant de Russie se
compose de cinq sortes, dont la première est la qualité
supérieure frisée, formée de poils de 1 m. à l'^SO de
- 371 -
CRIN — CRINITÔ
longueur, et la dernière, la peignure^ est composée de
poils courte de toutes couleurs et de toutes sortes, souvent
mélangés de chardons et de poils non peignés, mêlés de
terre (ratons). L'Irlande nous envoyait, à la fin du siècle
dernier, des quantités assez considérables de crin assez
court, mais de bonne qualité, qu'on estimait moins cepen-
dant que le crin semblable de Rouen ou de Paris, parce
qu'il n'avait pas assez bouilli, ce qui rendait la frisure
trop grossière. Les crins frisés d'Allemagne sont en appa-
rence meilleurs que ceux de France ; dans le fond, ils
valent beaucoup moins, parce qu'ils sont extrêmement
courts, mêlés de soie ou de poils de porc, ce qui leur com-
munique une certaine dureté et ne leur permet pas de con-
server leur frisure.
Avant la Révolution, les maîtres cordiers avaient seuls
le droit de bouillir, crépir et friser le crin, comme aussi
de faire des licols de crin mêlé de chanvre. Par arrêt du
17 sept. 1743, le crin droit ou frisé payait 15 sous du
100 pesant, à l'entrée du royaume, et 30 sous de droit
de sortie. Un établissement pour la fabrication d'étoffes de
crin fut formé à Paris par Bardel, en l'année iBOl ; à
partir de ce moment, on étudia le moyen de tirer parti du
crin dans la confection des tissus. Les procédés de teinture
appliqués à la crinoline (V. ce mot) et d'une façon géné-
rale aux étoffes de crins ont parfaitement réussi, et l'on a
pu y appliquer les dessins damassés, les bouquets, les orne-
ments dont l'introduction dans le tissage du crm avait d'abord
paru impossible. Nos produits en ce genre ont même laissé
loin derrière eux ceux des Anglais et des Allemands.
Falsification, Le crin valant de 3 fr. 50 à 5 fr. le
kilogr., on s'explique qu'il soit souvent falsifié dans le
commerce. On se sert pour cela de substances végétales ou
animales. Ces dernières sont la corne et la baleine de rebut,
que l'on effiloche en brins plus ou moins fins. Mais on
reconnaît aisément le crin naturel aux caractères suivants :
il est cylindrique, légèrement effilé à son extrémité libre,
et plus renflé vers sa base ; sa surface est lisse dans toute
sa longneur ; il brûle lentement, avec bruit, en répandant
une odeur animale désagréable. Chauffé avec de la potasse,
il dégage des vapeurs d'ammoniaque, reconnaissàbles à
leur odeur. Enfin, l'examen au microscope peut lever les
derniers doutes.
Crin végétal. — On désigne sous ce nom diverses fibres
végétales qui remplacent le crin, et ont ce double avantage
d^ètre économiques et hygiéniques. Elles sont de diverses
sortes ; les principales sont le crin végétal d'Afrique, celui
d'Amérique, celui d'Asie. Le crin végétal d'Afrique est fait
avec les fibres du palmier nain ; c'est un colon français
d'Algérie qui eut le premier l'idée de cette fabrication,
dont les développements ont été très rapides. Le crin vé-
gétal d'Amérique provient des fibres de la tillandsie us-
neoïde^ plante parasite qui croît sur le tronc des arbres en
Yirginie, au Brésil, à la Jamaïque, etc., et que l'on désigne
tantôt sous le nom de barbe espagnole, tantôt sous ceux
de mousse espagnole ou de mousse de la Nouvelle-Orléans.
On fabrique aussi du crin végétal avec l'agave, plante de
la famille des Amaryllidées ; avec la zostère marine, herbe
qui croît, submergée, sur les côtes des mers ; avec le phor-
mium tenax, mais surtout avec le varech, très employé
pour la confection des matelas. M. C.
CRIN AN (Canal de). Canal de l'Ecosse, qui coupe la
presqu'île de Cantyre (comté d'Argyle), reliant le golfe de
Clyde (loch Fyne) et le détroit de Jura; il a 15 kil. de
long, quinze écluses, une largeur moyenne de 7"^30, une
profondeur de 3"»65. Pour les petits navires il abrège
beaucoup la route entre les ports de la Clyde (Glasgow)
et le canal Calédonien.
CRINIÈRE. I. Zoologie. — Assemblage de crins gar-
nissant chez le cheval tout le bord supérieur de l'enco-
lure, se continuant en ayant par le toupet et se terminant
en arrière sur le garrot. Chez le lion, cet ornement entoure
la tète entière et est seulement l'apanage du mâle (V. Che-
val et Lion).
IL Art militaire. — Crinière de casque. Appendice
qui a le double avantage d'être un ornement pour le casque
et une protection contre les coups portés à la nuque du
cavalier, a fait son apparition chez nous dans la légion du
maréchal de Saxe, vers le milieu du xvni® siècle. L'ordon-
nance de 1763 donna le casque à crinière aux dragons
qui l'ont toujours conservé depuis. Les cuirassiers et les cava-
liers de la garde républicaine portent également le casque
à crinière. Celle-ci est toujours teinte en noir pour les offi-
ciers, sous-ofiiciers, cavaliers et gardes, et en écarlate pour
les trompettes. La crinière est montée sur une semelle en
fort cuir de vache nourri, et percé, sur deux rangées, de
cinquante-huit trous dans lesquels le crin est assemblé par
des fils de laiton. Sur cet assemblage, une pièce de basane
est collée à la colle forte. Entre les deux rangées court une
natte partant du sommet, qui suit la courbe du cimier jus-
qu'à sa jonction avec la bombe du casque, où elle est
maintenue par un cordon en coton noir pris dans l'épais-
seur de la semelle de la crinière. Cette natte se continue
ensuite en forme de petite mèche destinée à réunir la cri-
nière en une seule touffe, pour l'empêcher de flotter sur le
visage du cavalier.
CRINIGER (Ornith.). Les Oiseaux pour lesquels Tem-
mlnck a établi successivement (Man. d'orn,^ 1820, t. I,
p. 60,etPL color., 1824, t.III, liv. XV) h genre Criniger
et le genre Jrichophorus appartiennent à la famille des
liméUidés (V. ce mot). Ils se distinguent par leur bec
robuste un peu plus court que la tête /légèrement denté et
garni à la base de soies raides, dirigées obliquement, par
leurs narines percées dans une fossette et couvertes en arrière
seulement par une membrane, par leurs tarses courts, leurâ
doigts faibles, leurs ailes plus courtes que la queue, leur
plumage mou, duveteux sur la région dorsale et parsemé
sur la nuque de quelques soies fines et allongées. Leur
livrée offre des couleurs largement distribuées, du brun
olivâtre et du gris sur les parties du corps et sur la tête,
du blanc et du jaune plus ou moins vif sur les parties
inférieures, et les plumes de leur tête sont le plus souvent
prolongées et soulevées en forme de huppe. On connaît
actuellement plus de vingt espèces de Criniger qui se
trouvent en Afrique, dans l'Asie méridionale, et parmi
lesquelles nous citerons les Criniger chloronotus tsiss,^
du Gabon, le C. flaveolus Gould, de l'Himalaya, le C. guU
turalis Bp., du Ténassérim, de Malacca, de Sumatra et
de Bornéo et le C. chloris Finsch, de Batchian et de Gilolo.
Les Criniger vivent dans les forêts, sur les collines et les
montagnes et se nourrissent de fruits et d'insectes. Ils vont
d'ordinaire en petites troupes et sautillent de branches
en branches en babillant incessamment. E. Oustâlet.
BiBL. : Cassin, Journ. Ac. Philad.^ 1862, pi. 22. — Jer-
DON, B. oflndia, 1862, t. I. — R.-B. Sharpe, Cat. B. BriL
Mus., 188i, t. VI, p. 70.
CRINITÈS Arotras, général byzantin du x® siècle, fut
chargé, comme protospathaire et stratège du Péloponèse,
de réprimer en 941 l'insurrection des Slaves du Taygète^
les Milin^es et les Ezérites. Pour récompense de ses ser-
vices, il fut promu à la stratégie d^Hellade, et on le trouve
à ce moment en rapport avec saint Luc le Jeune, à la
prière duquel il commença la construction d'une église à
l'endroit où s'élève aujourd'hui le monastère de Saint-Luc
en Phocide. Il semble avoir été plus tard transféré de nou*
veau dans le thème du Péloponèse. La famille à laquelle
il appartenait était d'origine arménienne, et l'un de seâ
membres avait au ix« siècle épousé une fille de l'empereur
Théophile. Ch. Diehl.
CRINITO ou RICCIO (Pietro), littérateur italien, né à
Florence vers 1465, mort dans les premières années du
xvi^ siècle. Son vrai nom était Riccio (le Frisé) ; il le lati-
nisa, suivant la mode de son temps, en fit Crinitus^ d'oîi
ses contemporains à leur tour firent Crinito. Elève de
Politien, il fut l'un des éditeurs des œuvres du célèbre
humaniste auquel il succéda dans la chaire d'éloquence
latine. On a de lui quelques poésies et deux traités en
CRINITO — CRINOÏDES
872 —
latin : Commentarii de honesta disciplina (Florence,
1504, gr. in-4) ; De Poetis latinis (Florence^ 4505, in-4) ;
ces ouvrages ont été republiés avec ses poésies à Paris
en 1508 et bien des fois depuis. R. G.
BiBL. : Valerianus, De Infelicitate litteratorum. —
A.-M. Bandini, Spécimen titteraturœ florentines sœculi xv;
Florence, 1747, 2 vol. in-8.
CRINOÏDES. I. Zoologie. — Classe de rembranchement
des Echinodermes (V. ce mot), renfermant les animaux
marins que l'on désigne vulgairement sous le nom de Lis
de mer ou à'Encrines. Ces animaux sont, pendant toute
leur vie, ou tout au moins pendant leur jeune âge, fixés
au moyen d'une tige ou immédiatement par la partie dor-
sale (inférieure) de leur corps. Un squelette dermique
sphérique ou caliciforme, formé de plaquettes, renferme
les viscères. Du côté supérieur (ventral) du calice, on
trouve généralement la bouche et l'anus ; autour de la
bouche ou sur le bord libre du calice sont disposés des
bras articulés au nombre de cinq à dix, plus rarement de
deux, quatre ou six ; ces bras portent des appendices laté-
raux appelés pinnules. Les organes de la génération sont si-
tués en dehors de la cavité du corps, dans les bras. — Les
Crinoïdes ont été beaucoup plus nombreux aux premières
époques géologiques que de nos jours : les survivants encore
fixés par un pédoncule de cette classe, qui ne se trouvent
que dans les grandes profondeurs des océans, étaient,
avant les explorations sous-morines les plus récentes, de
véritables raretés dans les collections. Au contraire, les
Comatules (V. ce mot) qui sont dépourvues de pédoncules
à l'âge adulte et vivent librement dans la mer, sont plus
nombreuses à l'époque actuelle, et représentent le type le
plus modifié et le
plus moderne de
cette classe. Le
squelette exté-
rieur du calice est
formé de plaques
calcaires polygo-
nales régulière-
ment assemblées,
tandis que la face
supérieure qui
porte la bouche
et Tanus est re-
vêtue d'une peau
résistante dans
laquelle sont en-
châssées de pe-
tites plaquettes.
Chez le Rhizo-
crinus^ontfome
en outre cinq
grosses plaques
interradiales
{oralia), autour
de la bouche. Les
bras simples, bi-
furques ou ra-
mifiés , partent
des bords du calice, et leur charpente se compose de pla-
quettes dorsales mues par des muscles : les pinnules que
ces bras portent alternativement à droite et à gauche sur
chaque article sont les dernières ramifications de ces
membres. La bouche est ordinairement au centre du
calice : de son pourtour partent les sillons ambulacraires,
qui se prolongent dans les bras et jusque dans les pin-
nules; ces sillons sont revêtus d'une peau molle et por-
tent des appendices ambulacraires tentaculiformes. L'anus,
quand il existe, est excentrique. La tige qui porte et fixe
le calice est formée de nombreux articles pentagonaux
réunis par une masse ligamentaire peu résistante et tra-
versée par un canal nutritif central. Elle porte des appen-
dices articulés également creux et disposés en verticilles.
Crinoïde à tige (Pentacrinus caput-
xnedusee).
Pentacrinus caput-medusœ, calice
vu par la face supérieure, mon-
trant la bouche, Tanus et l'origine
des bras.
Le canal central renferme des vaisseaux sanguins (un
central et cinq périphériques) qui naissent de l'organe cloi-
sonné (cœur) et se distribuent aux petits appendices. Dans
certaines formes fossiles, le canal est simple, circulaire,
quelquefois quadrangulaire ou triangulaire, probablement
suivant le nombre moindre (un, quatre ou trois) des vais-
seaux. La rupture de la tige ne paraît pas entraîner néces-
sairement la mort de l'animal, et certaines espèces peuvent
vivre librement ou se fixer de nouveau. La disposition des
pièces du calice sert à la détermination des genres et des
espèces : il convient de l'étudier sur la larve de h Coma-
tule(Y. ce mot), qui, sous sa forme de tonnelet, renferme
déjà l'ébauche de la tige et du calice dont les pièces cal-
caires rudimentaires se rapportent toujours au nombre cinq.
Nous avons précédemment figuré et décrit les métamor-
phoses de cette Comatule (V. ce mot) jusqu'à l'âge
adulte.
Les métamorphoses de tous les Crinoïdes sont semblables
à celles de ce type perfectionné, sauf la phase finale de
Comatule adulte,
hbre et sans tige.
En d'autres termes,
tous les Crinoïdes se
présentent d'abord
sous forme d'une
larve en tonnelet,
nageant au sortir de
l'œuf à l'aide de
couronnesde cils
disposées comme les
cercles d'un ton-
neau. Bientôt on
aperçoit par trans-
parence dans l'in-
térieur l'ébauche de
la tige et du calice, d'abord dépourvu de bras, mais
dont la forme s'accuse de plus en plus. D'après les re-
cherches les plus récentes, les plaques calcaires du calice
se constituent autour du sac stomacal. Bientôt cette larve
se fixe par son extrémité inférieure, c.-à-d. par le pédon-
cule, et l'enveloppe en forme de tonnelet est résorbée
et disparaît : l'animal se présente alors sous l'apparence
d'une Encrine encore dépourvue de bras (phase pentacri-
noïde). Les cinq plaques orales font saillie à l'extrémité
antérieure du calice et sont mobiles. Les cinq plaques ra-
diales situées au-dessous donnent bientôt naissance aux
bras sous forme de bourgeons qui se développent peu à
peu. Les plaques orales s'atrophient et disparaissent à
mesure que les brachiales prennent plus d'importance, et
la rosette calicinale finit par se constituer telle qu'on la
voit sur le Pentacrinus adulte et sur la Comatule avant
qu'elle se débarrasse de sa tige. L'organisation interne
ressemble dans ses points essentiels à celle des Echino-
dermes (V. ce mot) en général, et des Astéries en parti-
culier. L'anus, ^ situé comme nous l'avons dit près de la
bouche, est continuellement en action chez l'animal vivant,
s'ouvrant et se fermant alternativement (respiration
anale). L'organe cloisonné, désigné aussi sous le nom de
cœur, est l'organe essentiel du système vasculaire : situé
à la base du calice, sur la plaque centro-dorsale, il repré-
sente un sac divisé par cinq cloisons rayonnantes en cinq
chambres dans l'axe desquelles circulent des vaisseaux san-
guins allant aux divers organes. Les organes génitaux
sont situés dans les branches terminales des bras, c.-à-d.
dans les pinnules, qui renferment ainsi, suivant le sexe des
individus, les testicules ou les ovaires.
Les Crinoïdes se trouvent dans toutes les mers du
globe. Cependant les genres et les espèces sont assez net-
tement localisés dans certaines régions. Dans l'océan
Atlantique, Rhizocrimis se trouve sur les côtes de la Flo-
ride et en Norvège jusqu'aux îles Lofoden ; Pentacrinus
semble plus méridional et forme de vastes colonies, no-
tamment sur les côtes de Cuba. Les autres genres (Bathy-
— 373 ~
CRINOÏDES ^ CRINOLINE
crinus, Hyocrinus et Holopus) sont moins largement
répandus. Les Comatules elles-mêmes ont de nombreuses
espèces (cent onze recueillies dans la seule expédition du
Challenger)^ dont l'habitat est très restreint, ce qui prouve
que les facultés locomotrices de l'adulte, et surtout des
larves, influe relativement fort peu sur la distribution
géographique. Les espèces à tige sont fixées sur le fond à
de grandes profondeurs et vivent en sociétés nombreuses
formant de véritables champs ou des plates-bandes plus ou
moins serrées : des champs de ce genre ont été réceuMnent
découverts dans le golfe de Gas-
cogne, et les sondages sous-marins
ont fait connaître un grand nombre
de types nouveaux. Les Coma-
tules vivent également en société,
mais à des profondeurs variables
et, malgré l'absence de tige, ne se
déplacent guère que pour grimper,
à Taide des cirres dorsaux de la
base du calice, sur les plantes
marines. L'espèce de la Méditer-
ranée vit par dO et 20 brasses,
mais on en trouve aussi par 200
et, même i,000 à 2,900 brasses,
dans les grands océans. Elles
nagent rarement, et, tombées sur
un fond de vase, elles s'y laissent
mourir s'il ne se trouve à leur
portée aucun objet auquel elles
puissent s'accrocher. La face buc-
cale est habituellement dirigée de
côté ou en haut et les bras légère-
ment repliés prêts à saisir toute
proie qui passe à leur portée. Les
Crinoïdes se nourrissent des petits
.Encrinus liliiformis,
Crinoïde fossile du
trias, avec une par-
tie de la tige et un
article séparé vu
f)ar sa face articu-
aire.
animaux microscopiques qui nagent
dans la mer et dont l'extrême sensibilité des cils tactiles
que portent les pinnules leur permet de se saisir au
jnoyen de ces appendices repliés au-dessus de la gouttière
brachiale; puis le bras lui-même s'enroule en poussant
cette proie vers la bouche.
La classe des Crinoïdes se divise en trois ordres : 1° les
Encrinoïdes qui sont les Lis de mer, généralement à
longue tige (rarement sessiles, libres ou fixés par la base
du calice), à calice évasé, à bras mobiles bien développés ;
^•^ les Cystoïdes, à calice sphérique, à tige courte ou
sessile, rarement libres ; à bras faiblement développés ou
nuls, partant du voisinage de la bouche quand ils existent ;
3<> les Blastoïoes, à corps sessile ou brièvement pédon-
cule, ovoïde ou en -forme de bouton, à symétrie quinaire,
mais sans bras ; ces appendices remplacés par des champs
pseudo-ambulacraires avec pinnules. Ces deux derniers
ordres sont éteints (V. Blastoïdes, Cystoïdes et Encrines).
II. Paléontologie. — Les Crinoïdes sont au nombre des
animaux qui ont apparu les premiers à la surface du globe.
Ils se montrent déjà dans les couches cambriennes et sont
abondants dans tous les dépôts des mers de l'époque pa-
léozoïque. Les articles séparés de la tige sont en nombre
assez considérable pour jouer, comme calcaire à Cri-
noïdes, un rôle important dans la structure du globe. Ces
articles se trouvent presque toujours isolés, séparés du
calice, par suite du peu de résistance des parties molles
de la tige ; leur abondance provient de ce que la tige
avait une croissance presque illimitée : on en connaît qui
devaient atteindre plus de 50 pieds de long. — Ces ani- .
maux paraissent avoir affectionné les récifs coralhens, et
leur distribution géographique était beaucoup plus étroite-
ment localisée que celle des autres organismes marins de
la même époque, bien que la nature du fond (calcaire,
schiste, argile ou sable) n'ait qu'une influence secondaire
sur leur habitat : cependant ils ne sont abondants que
dans les couches calcaires. Il est rare qu'une même espèce
se trouve dans deux régions distinctes à la même époque
géologique, et les genres eux-mêmes ont une répartition
très limitée.
Les genres Cyathocrinus et Glyptocrinus sont les
premiers qui se montrent d'une façon précise dans le silu-
rien inférieur du pays de Galles. L'Amérique du Nord est
plus riche que l'Europe en types de cette époque. Les
Tesselata (sous-ordre éteint des Encrines) ont leur maxi-
mum de développement dans le silurien supérieur, et deux
genres seulement de ce groupe (Marsupites^ JJinta-^
crinus) dépassent le trias et vivent jusque dans le cré-
tacé supérieur. Les Articulata (sous-ordre encore vivant)
commencent dans le trias avec Encrinus et probablement
aussi Pentacrinus : ce dernier se montre mieux conservé
dans le lias, et Saccocoma dans les schistes lithogra-
phiques (jurassique) de Bavière. La faune crétacée diffère
peu de la faune jurassique, mais le tertiaire est très pauvre
en Crinoïdes. Comatula, Rhizocrinus {Conocrinns) et
Cyathidium sont les seules formes que l'on puisse citer
comme rattachant la faune mésozoïque à la faune actuelle,
qui présente un faciès remarquablement archaïque, indi-
quant combien les conditions de la vie ont peu changé,
depuis l'époque crétacée, dans les grandes profondeurs des
Océans.
Les Tesselés doivent être considérés comme représentant
la souche primitive des Crinoïdes, bien que les formes de
transition fassent défaut : mais les Tesselés ont la bouche
subtegminale comme la larve de la Comatule à l'âge où
elle présente un opercule buccal cutané sans plaquettes.
Ce caractère embryonnaire est un indice phylogénétique
important qui se montre surtout dans Coccocrinus et Ha-
plocrinus. Les Articulés à tige ont précédé les Comatulides
comme le prouve la phase de Pentacrinus que présente
la jeune Comatule, — Les Cystoïdes ont eu leur maximum
dans le silurien et disparaissent déjà dans le carbonifère :
on doit les considérer comme une branche collatérale des
Crinoïdes qui s'est séparée de bonne heure et s'est éteinte
prématurément, mais ne peut être la branche ancestrale
des Encrines, car celles-ci apparaissent en même temps
avec tous leurs caractères. — Les Blastoïdes (V. ce mot)
ont plus de rapports avec les Cystoïdes, mais, de tous les
Crinoïdes, c'est le type qui apparaît le plus tardive-
ment (silurien supérieur) : ils atteignent tout leur déve-
loppement puis s'éteignent dans le carbonifère. Certains
caractères permettent de rattacher les Blastoïdes à la
souche ancestrale des Astérides et des Echinides, et par
suite les Cystoïdes doivent être considérés comme formant
le passage des Encrines aux Blastoïdes (V. Echinodermes,
[Paléont.]). E. Trouessart.
BiBL. : A. d'Orbigny, Histoire naturelle des Crinoïdes
vivants et fossiles^ 1858. — Sars, Mémoires pour servir
à la connaissance des Crinoïdes vivants ; Christiania, 1868.
— - W. Thompson (traduit en français par Lortet), les
Abîmes de la mer; Paris, 1874. — Du môme. Voyage of
the Challenger ; Londres, 1877, vol. I et II. — Wachsmuth
et Springer, Revision of the Palœocrinoïdea^ dans Proc.
Acad. Nat. Se. of Philadelphia, 1879, 1880, 1881. — P.-H.
Carpenter, Geographical and Bathymétrie distribution
of the Crinoïdea^ dans Report of the British Association
for the advancement of Sciences^ 1885, p. 758. — Du même.
Report on the Crinoïdea collected during the Voyage of
H. M. S. Challenger, part. I et II, dans les Challenger
Reports, 1888. —V. aussi la bibliographie du mot Echino-
dermes.
CRINOLINE. On donna d'abord ce nom à une étoffe
dont la trame était en fil et la passe en crin, très propre
à donner de la rigidité à certaines pièces du costume. Sous
le règne de Louis XV, on remplaça par des cols en crin
les cravates des militaires ; tel fut le premier emploi de
l'étoffe de crinoline dont l'usage se répandit sous Louis XVI.
A cette époque, les cols de crinoline furent portés par la
bourgeoisie qui les abandonna à la Révolution pour les
reprendre après le Directoire. Ce ne fut qu'au commence-
ment du règne de Louis-Philippe que les cols rigides si
bien quahfiés de carcans par le peuple disparurent com-
plètement. Vers la même époque, la crinoline fut employée
pour faire bouffer les manches,dites à gigot, puis on en fit
CRINOLINE -«» CRIQUET
— 374 —
des jupons destinés à remplir les mêmes fonctions que les
anciens paniers. Au commencement de l'Empire, pour
donner plus d'ampleur et de rigidité aux crinolines, on
continua à les soutenir par des fils d'acier, puis on y
introduisit tout un système de ressorts qui les transfor-
mèrent en véritables cages tout à fait analogues, sauf
certaines différences de formes, aux paniers de nos aïeules.
Les crinolines furent abandonnées en 1868 pour être
reprises quelques années plus tard sous d'autres noms et
avec de nouvelles formes, et on trouvera aux mots Panier
et Vertugadin l'histoire d'une mode dont l'origine est fort
ancienne, si l'on en croit certains archéologues qui ont
constaté chez les femmes grecques l'emploi d'un artifice
de toilette que le goût si pur des anciens devait, semble-
t-il, leur faire repousser. Les crinolines étant universelle^
ment répandues ont donné lieu à des industries considéra-
bles. Dans le rapport du jury français à l'Exposition de
Londres (1854), la production annuelle des ressorts d'acier
pour les jupes est évaluée à un total de 4,200,000 kilogr.,
d'une valeur de 10,500,000 fr. La France seule fabri-
quait, chaque année, 2,400,000 kilogr. de cet article, et
l'Angleterre 1,200,000 kilogr. Comme les paniers et avant
eux les vertugadin s, les crinolines ont été l'objet des vitu-
pérations des prédicateurs et des moqueries des caricatu-
ristes ; mais les unes et les autres n'eurent aucune action
sur une mode qui cessa tout à coup après avoir résisté à
toutes les attaques. G. L.
CRIOCEPHALUS(CTOC^/?/i^teMuls.)(Entom.). Genre
de Coléoptères, de la famille des Cérsimhyddes{Lo7igicornes
de Latreille), caractérisé, dans le groupe des Gérambycites,
par les yeux larges, à peine échancrés, les antennes plus
courtes que le corps dans les deux sexes , le prothorax
arrondi et les cavités cotyloïdes des hanches antérieures
terminées extérieurement par une entaille anguleuse. Les
espèces, au nombre d'une dizaine, habitent l'Europe et
l'Amérique du Nord. La plus répandue en Europe est le
C. rusticus L., que Ton trouve communément dans le
Midi, notamment dans les Landes et qui remonte jusqu'aux
environs de Paris (forêt de Fontainebleau). La femelle
pond ses œufs sous Fécorce des souches et des troncs des
pins de vingt ans et au-dessus, récemment morts ou
abattus. Les larves qui en sortent vivent pendant quelque
temps entre Fécorce et l'aubier, puis pénètrent dans ce
dernier et y creusent en tous^ sens des galeries à section
elliptique. Les insectes- parfaits sortent en juin et juillet
(V. E. Perris, Ann. Soc, ent. de France, 1856, pp. 452
et suiv.). Ed. Lef.
CRIOCERAS (Paléont.). Genre d'Ammonites remar-
quable par sa spire déroulée et faisant partie de la famille
des Stephanoceratidœ (V, Stephanoceras et Ammonites).
G R 1 0 G È R E ( Crioceris Geoff. ) (Entom . ) . Genre de Coléop-
tères-Phytophages, qui a donné son nom au groupe des Crio-
cérides. Ce groupe est placé entre les Donacides (V. Dona-
cie), dont il diffère par le premier segment de l'abdomen
seulement un peu plus grand que chacun des suivants, et
les Mégalopides (V. Megalopus) qui ont le dernier seg-
ment abdominal très développé et les angles du premier
embrassant de chaque côté les épimères métathoraciques.
Il renferme plus de six cents espèces réparties dans neuf
genres seulement. Le genre Crioceris^ qui doit seul nous
occuper ici, est caractérisé surtout par les crochets des
tarses libres à la base. Ses représentants ont le corps
tantôt oblong et convexe, tantôt allongé et un peu déprimé,
la tête munie, en arrière des yeux, d'un cou plus ou moins
distinct, les yeux gros, les antennes robustes et le pro-
thorax toujours beaucoup plus étroit que les élytres à sa
base. Leurs larves, pourvues de six pattes écailleuses,
sont remarquables par la situation de l'ouverture anale
qui, au lieu d'être placée à Fextrémité ou en dessous du
dernier segment abdominal, F est en dessus et s'ouvre
de manière que les excréments, poussés successivement
en avant à mesure qu'ils sortent, forment une couche
humide qui revêt le corps de la larve sans y adhérer. On
connaît actuellement plus de quatr'e-vîngfs espèces de Cria-'
ceris disséminées dans toutes les régions du globe, l'Amé-
rique du Sud excepté, La France possède notamment les
C, merdigera L„ C. hrunnea Fab., C, aspamgi L. et
C. duodecimpunôtata L. — Le C. merdigera, bien connu
sous le nom de Cri-Cri, vit sur les Lis (Lilium candidum
L.), les Hémérocalles et la Couronne impériale [Fritilla-'
ria imperialis L.). C'est le Criocère rouge du Lis, de
Geoffroy. Il est long de 7 à 8 millim., d'un beau rouge co-
rail,-avec les pattes noires. ■— Le C, hrunnea est de même
couleur, mais avec les cuisses rouges. Il vit sur le Muguet ;
Crioceris asparagi L.
(Larve.)
Crioceris asparagi L.
(Insecte parfait.)
cependant on le rencontre aussi dans les jardins, oh il est
parfois nuisible aux plantations de Ciboule, d'Ail et d'Oignon.
— Le C. asparagi, que nous figurons, est d'un bleu d'acier
ou bronzé, avec le prothorax rouge et les élytres ornées
chacune de quatre taches d'un jaune clair, souvent con-
fluentes. C'est le Criocère porte-croix de l'Asperge, de
Geoffroy. Il vit sur les Asperges, de même que le C.
duodecim punctata L., qui est d'un roux ferrugineux
avec six points noirs sur chaque élytre. Ajoutons que
l'anatomie des C. merdigera L* et C. asparagi a été
étudiée ^2ivRmidohT{AbhandLuber d, Verdaungswerk,
d. Insekt,, p. 106, pi. 6, fig. 5) et par L. Dufour (Ann,
Sc.natur,, 1'^ série, IV, p. 116, pi. 7, fig. 3-6; V,
p. 28, et 2« série, ZooL, XIX, p. 157).— Le Criocère
bleu à corselet rouge et le C. tout bleu, de Geoffroy,
appartiennent au genre Lema (V. ce mot). Ed. Lef.
GRION. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr. et
cant. (S.) de Lunéville ; 247 hab.
GRIPTANA (Espagne) (V. Campo de Criptana).
GRIQUE (La). Com. du dép. de la Seine-Inférieure, arr,
de Dieppe, cant, de Bellencombre ; 369 hab.
GRIQUEBEUF. Com. du dép. du Calvados, arr. de
Pont-1'Evèque, cant. de Honfleur, sur des collines dominant
la Manche; 143 hab. Fabrique de poterie. L'église du
xn® siècle (mon. hist.) est construite en travertin du pays;
elle a conservé d'intéressants chapiteaux. Le marais de
Criquebeuf est bien connu des botanistes pour les plantes
intéressantes qui y croissent.
GRIQUEBEUF. Com. du dép. de la Seine-Inférieure,
arr. du Havre, cant. de Fécamp; 249 hab.
GRIQUEBEUF-la-Campagne. Com. du dép. de l'Eure,
arr. deLouviers, cant. du Neubourg; 324 hab.
GRIQUEBEUF-sur-Seine. Com. du dép. de l'Eure,
arr. de Louviers, cant. de Pont-de-1'Arche ; 1,136 hab.
GRIQUET. I. Zoologie.— Depuis Fantiquité la plus
reculée on a confondu, et l'on confond encore de nos jours,
sous le nom de Sauterelles, des Insectes-Orthoptères,
d'organisation très différente, ne possédant en commun
que la faculté de sauter et qui ont été partagés depuis
longtemps par les naturalistes en deux groupes bien dis-
tincts : l<*les Locustiens ou Sauterelles proprement dites,
qui ont pour type la Sauterelle verte (Locusta viridis--
sima L.), désignée à tort, dans le nord de la France,
sous le nom de Cigale; 2» les Acridiens ou Cri-
quets, dont le type est le Criquet pèlerin (Acridium pe^
regriniim L.) ou Sauterelle de la Bible. Les Locustiens
ont de très longues antennes filiformes et des tarses de
- 375 -
CRiaUET
quatre articles. Les mâles sent pourvus d'un aî)pareil mu-
sical, situé à la base des élytres dans une partie transpa-
rente appelée le miroir. Les femelles ont l'abdomen ter-
miné par un grand oviscapte en forme de sabre, qui leur
sert à pénétrer le sol pour y déposer librement leurs œufs.
Dans les Acridiens, au contraire, les antennes sont courtes
et rigides et les tarses formés seulement de trois articles.
Les femelles portent à l'extrémité de leur corps des pièces
cornées courtes et puissantes, qui leur servent à tarauder
le sol pour y enfouir leur abdomen lors de la ponte et
construire des coques ovigères. Enfin, les mâles font en-
tendre des stridulations plus ou moins fortes qu'ils pro-
duisent en frottant les cuisses des pattes postérieures contre
les élytres. Ils sont en quelque sorte violonistes, tandis
que les Sauterelles vraies ont l'air de jouer du tambour de
basque. Ces traits principaux de l'organisation extérieure
suffisent à démontrer combien les Criquets sont différents
des Sauterelles. Et pourtant on persiste, dans le langage
ordinaire, à leur donner le nom de Sauterelles. Aussi,
pour éviter toute confusion, n'emploierons-nous, au cours
de cet article, que les termes rigoureusement scientifiques,
d'autant plus que des esprits conciliants ont eu la malen-
contreuse idée d'appeler Criquets les jeunes Acridiens qui
n'ont point d'ailes et de réserver le nom de Sauterelles
aux individus ailés 1
Caractères généraux et classification* Le corps des
Acridiens est le plus souvent subcomprimé. Dans les espèces
d'Europe, la taille varie depuis 3 à 4 millim. [Tettix mâles)
jusqu'à 4 et même 7 centim.; mais, dans les espèces exo-
tiques, elle peut atteindre jusqu'à 17 centim. et demi;
tel est le cas, notamment, pour le Proscopia gigantea
Klug. du Brésil. La tète est verticale, mais le front
n'est pas toujours dirigé en avant, car il forme sou-
vent avec le vertex un prolongement en forme de cône ou
de pyramide. Le thorax, très aplati latéralement, paraît
plus haut que large. Les élytres et les ailes présentent
tous les degrés de développement, tant dans les genres que
dans les espèces et même dans les sexes et les individus
d'une même espèce ; ce qui rend souvent très difficiles les
distinctions spécifiques. Les ailes sont incolores, ou bien
variées de rouge, de bleu, de jaune avec des bandes noires.
Elles se plissent longitudinalement et leurs bords internes
se croisent pour s'abriter sous les élytres, qui sont sub-
membraneuses ou coriaces, mais en général plus opaques
à la base qu'à l'extrémité. Les pattes postérieures, tou-
Fig. 1. — Acridiura peregrinum L,
jours plus longues et plus robustes que les autres, ont les
cuisses plus ou moins renflées, à face interne aplatie et
lisse, à face externe garnie de carènes longitudinales et
creusée de sillons obliques. Quant à l'organisation interne,
elle est à peu près la même que celle de tous les Orthop-
tères sauteurs (V. Orthoptèbes), mais avec cette parti-
cularité qu'il existe des organes respiratoires exceptionnels
formés de nombreuses trachées membraneuses ou vésicu-
leuses, au nombre de trois paires dans le thorax, de huit
dans l'abdomen, et dont les anastomoses transversales sont
dilatées en larges vésicules aériennes.
Les Acridiens renferment de nombreuses espèces que
l'on s'accorde à partager en deux groupes : les Acridides
et les Tetticides. Ce dernier a pour type le genre Tettix
Fisch. (letrix Latr.); il est caractérisé par l'absence de
pelote entre les crochets des tarses et par le prosternum
dont le bord postérieur forme une sorte de mentonnière
recouvrant en partie les organes buccaux. Dans les Acri-
dides, au contraire, le prosternum, tronqué en avant,
laisse la bouche à découvert et une pelote plus ou moins
distincte existe entre les crochets des tarses. Les genres
principaux de ce groupe peuvent se répartir ainsi qu'il
suit :
Tête prolongée en forme de cône ou de pyramide.
Tête verticale non prolongée en forme de cône
ou de pyramide.
Antennes plus courtes que la tête,
formées seulement de huit articles..
Antennes multiarticulées, plus longues "
que la tête ,,.....
Proscopia Klug.
Tryxalîs Charp.
Acridium L.
Prosternum épineux, muni d'une pointe \ -^^^^'^^'^ i^-
en avant.... \ gaZopfentts Burm.
C Stenobothrus Fisch.
Prosternum inerme, dépourvu de pointe ) Œdipoda Latr.
en avant ) Stauronotus Fisch,
(. Pachytylus Fieb.
Biologie. — Les Acridiens sont des insectes essentielle-
ment herbivores et d'une grande voracité, qui se plaisent
dans les prairies, les champs, les terres labourées, les
lieux arides et pierreux plutôt que dans les bois. Ils
sautent vivement avec les ailes étalées en parachute. Les
mâles, seuls, produisent une stridulation au moyen de
leurs cuisses postérieures et de leurs élytres. Les cuisses
ont leur face interne entourée d'une crête, dont la partie
inférieure est la plus saillante; à leur base existe, dans
toute la région qui peut se mettre en contact avec les
élytres, une rangée de petites dents mousses, lancéolées,
implantées chacune dans une fossette. Sur les élytres, les
nervures longitudinales sont saillantes et l'une d'elles, plus
accentuée que les autres, constitue ce que Goureau (Ann.
Soc. ent, de France^ 4837, p» 51) appelle la chante-
relle. Un frottement plus ou moins rapide des cuisses
contre les élytres met ces dernières en vibration comme des
membranes minces et les fait résonner suivant les mêmes
lois qu'une corde tendue sur un arc. Les sons produits
sont bien plus variés que ceux des Locustiens. On peut
même saisir, dans beaucoup d'espèces, des rythmes assez
nets qui ont été notés en musique par Yersin {Bull, de
la Soc. Yaudoise des Se. natur., 4855) et par S. Scud-
der (Proceed.ofthe Boston Soc. ofnatur. ïïist.^ 4868).
Dans l'accouplement, le mâle est placé sur la femelle et
dans cette attitude, ses deux pattes postérieures sont rele-
vées en l'air. Le moment de la ponte arrivé, la femelle
creuse dans le sol une cavité, dans laquelle son abdomen
pénètre jusqu'à la naissance des pattes (fig. 2). Si la terre
est meuble, quelques minutes lui suffisent pour effectuer
cette opération, qu'elle répète souvent plusieurs fois avant
de se décider à pondre. Si la terre est résistante, elle sonde
le sol çà et là jusqu'à ce qu'elle ait trouvé un point
faible et se met patiemment à l'œuvre en prenant des
temps de repos. Les Arabes, qui n'ont que trop souvent
l'occasion d'observer les manœuvres des Acridiens effec-
tuant leur ponte, disent, dans leur langage pittoresque,
que les femelles plantent. Le trou foré, la femelle s'ar
rête et commence à pondre; à mesure qu'elle laisse échap-
per ses œufs, elle sécrète un liquide visqueux qui, en se
CRIQUET
— 376
desséchant rapidement, agglutine les grains de sable et les
parcelles de terre constituant la paroi de la coque ovigère
ou oothèqîte. La ponte achevée, elle recouvre ses œufs
d'une couche de matière spumeuse et ferme sa coque à
l'aide d'un cou-
vercle circulaire,
que des parcelles
de terre agglo-
mérée dissimu-
lent admirable-
ment. Les dimen-
sions de l'oo-
thèque, très va-
riables suivant
les espèces,
sont nécessaire-
ment en rapport
avec le nombre
d'œufs qu'elle
renferme. Chez
le Pachytylus
migratorius L.
ou Criquet voya-
J;eur, elle récèle
cridium père-
grinum L. ou Criquet pèlerin, elle en contient 80 à 90 ;
chez le Stauronotus maroccanus Thunb. (fig. 2 et 3) et
le Caloptenus spretus Uhl., elle n'en renferme qu'une
trentaine. La durée de l'incubation varie également. 11 est
des espèces, comme VAcridium peregvinum L., dont les
œufs éclosent vingt ou vingt-cinq jours, quelquefois trente
ou quarante jours après la ponte, suivant les conditions
climatériques. Il en est d'autres, au contraire, (Pachyty-
his migratorius L., Stauronotus maroccanus Thunb.,
Caloptenus spretus Uhl., etc.), chez lesquelles les œufs
ne se développent qu'au printemps suivant, c.-à-d. neuf
mois après qu'ils ont été pondus.
Quant au développement des Insectes, il comprend sept
stades distincts, caractérisés par six mues. Les jeunes
Fig. 2. — Stauronotus maroccanus
Thunb. (femelle pondant).
Fig. 3. — Stauronotus maroccanus Thunb.
(mâle, les ailes étendues).
sortent de Fœuf et de la coque ovigère sous une forme qu'on
peut dire larvaire, car ils ne peuvent se déplacer qu'à l'aide
de mouvements de relation et sont incapables de faire usage
de leurs membres. Ce n'est qu'après avoir subi une première
mue qu'ils apparaissent sous la forme que les naturalistes
ont à tort considérée et représentée comme le premier état
des Criquets, alors qu'ils ont la faculté de marcher, de
sauter et de manger. Cette forme larvaire présente
d'ailleurs un grand intérêt au point de vue biologique.
C'est, en effet, sous cette forme, que le jeune Acridien a
le pouvoir de rompre la coque de l'œuf, de soulever le
couvercle de l'oothèque, de passer à travers les fissures
du sol afin d'arriver à la lumière du jour. Pour cela, il
fait saillir de la région cervicale, c.-à-d. de la partie qui
sépare en dessus la tète du prothorax, une ampoule qu'il
emplit de sang à volonté à l'aide d'un artifice spécial
(V.Ann. Soc. ent. France, 1890, BWL, p. xxxvii). Cette
ampoule cervicale agit avec d'autant plus d'action que le
sang qui est refoulé dans la région cervico-céphalique la
gonfle davantage. Le troisième stade est caractérisé par l'appa-
rition de rudiments d'ailes. Le septième stade est l'état où
le jeune Acridien est pourvu d'ailes. Mais avant de pouvoir
se servir de ces dernières, il est nécessaire que l'animal se
débarrasse de la peau transparente qui le recouvre comme
un vêtement collant. Usant, à cet effet, de l'artifice qui lui
a déjà servi lors de l'éclosion, il met en action son ampoule
cervicale et la peau se déchire régulièrement sur le milieu
de la tête et du thorax entre les yeux et la base de l'abdo-
men. En l'espace de six à sept minutes, il dégage laborieu-
sement sa tête, son thorax et retire, de leur étui, ses
pattes, ses élytres et ses ailes encore recroquevillées. Il
rétracte alors son ampoule cervicale et, par la contraction
des muscles du thorax et de l'abdomen, chasse le sang
qu'elle contenait dans les élytres et les ailes, qui sont ins-
tantanément déplissées.
Invasions, Le point le plus important de la biologie
des Acridiens est la faculté de migration de quelques es-
pèces (notamment le Caloptenus spretus Uhl., aux Etats-
Unis; le C, italiens L., dans l'Europe australe et
moyenne; le Pachytylus migratorius L., dans la Russie
méridionale, les provinces danubiennes et la Hongrie;
VAcridium peregrinum L. et le Stauronotus maroc-
mnw5 Thunb., dans le nord de l'Afrique), dont les adultes
se plaisent à vivre en troupes composées souvent d'un
nombre considérable d'individus. C'est ainsi que ces insectes
forment ces vols immenses qui viennent fondre à l'impro-
viste sur certaines contrées. Ils couvrent alors des étendues
de territoire plus ou moins grandes, depuis 1,000 jusqu'à
5,000 m. q., soit, à raison de 200 à 300 individus par
m. q., 2,500,000 à 3 millions d'individus par hectare.
Mais il arrive souvent que des vols successifs s'abattent sur
une même contrée et se répartissent sur des espaces im-
menses, variant de 40 à 50 hect., jusqu'à 1,000 à
2,000 hect., quelquefois davantage; ce qui donne, dans
le premier cas, les chiffres énormes de 10 à 15 millions
d'individus, et dans le second cas, les chiffres fantastiques
de 2 milliards 500 millions, 3 milliards et même de 5
à 6 milliards d'individus. Ces bandes se déplacent seule-
ment pendant les heures les plus chaudes de la journée;
elles s'abattent pour passer la nuit et repartent le lende-
main, dévastant çà et là les récoltes ou la végétation, jus-
qu'à ce qu'elles aient trouvé un terrain favorable à l'accou-
plement et à la ponte. Elles volent à différentes hauteurs,
tantôt rasant le sol, tantôt se maintenant à 10 ou 20 m.,
tantôt enfin s'élevant à perte de vue.
Il n'est personne qui n'ait entendu parler de ces inva-
sions de Sauterelles (pour nous servir une dernière fois
de l'expression que la science rejette, mais que l'usage a
consacrée) et les souvenirs des jeunes années remettent
en mémoire le récit biblique de la dixième plaie d'Egypte.
Y a-t-il description plus exacte et plus vraie des misères
qui accompagnent l'apparition de ces terribles ravageurs?
D'ailleurs, si l'on consulte l'histoire ancienne comme l'his-
toire moderne, il n'est pas de siècle où les Acridiens
n'aient causé d'énormes ravages dans telle ou telle contrée.
Les historiens latins nous apprennent qu'en Afrique, sous
les consulats d'Hypsœnus et de M. P. Flaccus, ces insectes
envahirent la Cyrénaïque et y causèrent la peste. Léon
l'Africain parle des ravages qu'ils firent dans la Maurita-
nie ; d'autres auteurs mentionnent leur funeste apparition
en Abyssinie, en Ethiopie, au Maroc (1780) et signalent
souvent les terribles famines qui déciment ensuite les
populations. Le voyageur Shaw, en 1724 et 1725, voya-
geant en Barbarie "^(notre Algérie actuelle), fut témoin de
l'arrivée de vols d'Acridiens dans la plaine de la Mitidja.
Il a observé avec le plus grand soin leurs mœurs et a dé-
— S77 —
CRIQUET
peint fidèlement leurs déprédations. Aussi ses écrits sont-
ils des documents précieux à consulter. La chronique rap-
porte que les années 178Q, 1799, 4810, ont été funestes
pour l'Algérie. Mais, depuis la conquête, les années 1845,
1849, 1866, 1870, 1872, 1874, 1875, 1877 ont également
laissé de tristes souvenirs. Il faut lire les écrits du temps,
entendre les récits des témoins oculaires, pour se faire une
idée de retendue du désastre causé par les Acridiens en
1866. La misère à laquelle la famine avait réduit les po-
pulations arabes fut extrême et l'on estime que notre colonie
subit alors une perte d'environ 50 millions de francs. De-
puis 1884, ces terribles insectes ont reparu. Pendant les
années 1885, 1886 et 1887, ils se sont tellement multi-
pliés que l'invasion que Ton redoutait pour l'année 1888 a
Bté formidable. Depuis lors, ils n'ont cessé de pulluler.
L'Europe, elle aussi, a eu souvent à souffrir des dépré-
dations des Acridiens. L'Espagne a subi des pertes sé-
rieuses ; la Provence a eu parfois ses cultures dévastées ;
la Corse, la Sardaigne, l'Italie, la Grèce n'ont pas été
épargnées. Mais ce sont surtout les régions orientales qui
sont ravagées, particulièrement la Russie méridionale, les
Provinces danubiennes, la Hongrie et même l'Allemagne.
Rien ne peut donner une idée de l'innombrable quantité
d'individus, dont se composent parfois, dans ces contrées,
leurs vols immenses. Témoin ce fait historique : Charles XII,
roi de Suède, vient de perdre la bataille de Pultawa. Pour-
suivi par Pierre le Grand, il se jette dans la Bessarabie
avec les débris de son armée, lorsqu'une nuée d'Acridiens,
poussée par un vent violent, s'abat sur ses troupes.
Hommes "et chevaux, aveuglés par ces grêlons vivants,
refusent d'avancer ; la retraite se change en déroute ! — Le
continent asiatique n'est pas à l'abri de ces terribles dévas-
tations. Tous les voyageurs qui ont parcouru l'Arabie, la
Mésopotamie, la Palestine, la Syrie et en général toute l'Asie
Mineure, qui ont pénétré en Perse, en Tartarie, dans
l'Asie centrale, en Chine, au Japon, parlent des invasions
des Acridiens. — L'Amérique du Nord, enfin, comme
l'Amérique du Sud, sont également ravagées par certains de
ces Orthoptères. Les Etats-Unis, notamment les Etats situés
à l'O. du Mississipi, la Californie et le Mexique ont été ex-
trêmement éprouvés par des invasions réitérées. Les années
1873, 1874, 1875, 1876, 1877, 1878 et 1879 ont été
surtout funestes à l'agriculture, et dans ces districts, où la
colonisation ne fait, pour ainsi dire, que commencer, les
pertes ont été énormes. Estimées en 1874 à 45 millions de
dollars (225 millions de francs), elle s'élevèrent, de 1874 à
1877, à 1.00 millions de dollars et, si l'on tient compte
des préjudices causés indirectement, à 200 millions de
dollars, soit un milliard de francs !
Mais les dégâts causés par les Insectes ailés, quelque
terrifiants qu'ils soient, ne sont rien à côté de ceux que
causent les jeunes. On a calculé qu'ils étaient cinq fois
moins considérables. On conçoit, en effet, que ces milliers
d'Acridiens doivent déposer dans le sol une innombrable
progéniture. Dans le seul cercle de Tiaret (dép. d'Oran),
on évaluait en 1886 la surface couverte par les pontes à
8,400 hect. ; dans l'arr. de Batna, on avait constaté, en
1886-1887, que 150,000 hect. étaient infestés de coques
ovigères, et ces chiffres étaient bien inférieurs à la réalité,
car les montagnes recelaient d'immenses territoires de
ponte qui avaient échappé aux investigations. Mais, depuis
1888, on a institué des méthodes scientifiques de recherches
et d'indications des gisements (relevé à l'aide de cartes-
croquis, report sur les cartes communales, report sur la
carte générale de l'Algérie), qui ont permis d'atteindre à
une précision inconnue jusqu'alors. C'est ainsi que, d'après
les constatations officielles, la superficie des gisements,
qui dépassait en 1888-89, pour les dép. d'Alger et de
Constantine, 100,000 hect., était descendue pour les trois
dép. à 30,000 hect. en 1889-90 et s'élevait à 82,500
hect. pour 1890-91. Ces chiffres sont assez éloquents pour
permettre de mesurer l'étendue du fléau qui peut sévir sur
une contrée, étant donné que chaque femelle dépose, en
prenant l'espèce la moins féconde, une trentaine d'œufs
dans le sol et que chaque hectare de terrain renferme en
moyenne cinquante doubles décalitres de coques ovigères.
Les naturalistes américains, Ch. Riiey, A. S. Packard,
Cyrus Thomas, dans leurs belles études sur les Acridiens
migrateurs des Etats-Unis, ont établi qu'une des espèces
les plus nuisibles, le Caloptenus spretus Th., hôte des
Montagnes Rocheuses, quittait de temps en temps son
séjour de prédilection* pour envahir des étendues de terri-
tou^e encore plus grandes sur le versant de l'Atlantique.
En notant méthodiquement les étapes parcourues chaque
année, ils ont démontré que cette ésfièce occupait norma-
lement une région permanente, envahissait progressive-»
ment une région subpermanente pour se répandre, enfin,
dans une région temporaire où sa multiplieation s'arrê-
tait. A l'exemple des Américains, les naturalistes russes,
en s'attachant à suivre avec méthode les particularités que
présente le Pachytylus mt^ra^orm^ L. ou Criquet voya-
geur, un de leurs plus redoutables ennemis, se sont con-
vaincus que ses invasions, loin de venir des steppes, par
delà la mer Caspienne, avaient leur point de départ au
voisinage même des pays ravagés. Ils ont acquis la certi-
tude que les îles basses et les rives de l'embouchure du
Danube, que l'estuaire de Koubani étaient les foyers per-
manents d'où essaimaient ces redoutables Criquets qui, à
toutes les époques, ont dévasté la Russie méridionale, les
provinces danubiennes et la Hongrie. Des recherches ana-
logues ont été reprises en ce qui concerne VAcridium pe-
regrinum Oiiv. ou Criquet pèlerin et le Stauronotus
maroccanus Thunb., qui ravagent notre colonie algé-
rienne. Elles ont donné les résultats suivants : la région
permanente d'habitat de VAcridium peregrinum est ïe
centre africain, probablement la région des grands lacs;
la région subpermanente, où il s'étabht de proche en
proche, est l'immense contrée qui s'étend en arrière du
Sahara jusqu'au Sénégal; enfin, la région temporaire, où
il ne peut guère se maintenir plus de deux années, com-
prend toute la partie septentrionale du continent africain
(Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, etc.). Pour le Stauro-
notus maroccanus, au contraire, la région permanente
est toute la contrée montagneuse qui s'étend de l'Atlan-
tique au golfe de Gabès, en bordure du Sahara, à travers
le Maroc, l'Algérie, la Tunisie et la Tripolitaine ; les Hauts
Plateaux constituent la région subpermanente ; le Tell,
la région temporaire, où il se plaît à évoluer et à mul-
tiplier. Ce sont ces importantes constatations biologiques qui
ont permis de tracer un programme méthodique de défense
du territoire algérien.
Moyens DE DESTRucîTioN. — Les oiseaux occupent le pre-
mier rang comme destructeurs des Acridiens et, dès la plus
haute antiquité, on avaitreconnu les services qu'ils rendent
à cet égard. Ce sont d'abord les Merles roses ou Martins
roselins [Pastor roseus Temm.), de la famille des Stur-
nidés, qui habitent la plus grande partie de l'Asie centrale
et méridionale et émigrent assez régulièrement vers le sud-
est de l'Europe ; c'est ainsi qu'on les voit arriver chaque
année dans les steppes de la Russie, les provinces danu-
biennes, la Hongrie, et faire des apparitions plus ou moins
régulières en Grèce, en Italie, en France, en Espagne et
en Allemagne. Ce sont les plus grands ennemis du Criquet
voyageur {Pachytylus migratorius L.), dont ils font un
véritable carnage. Viennent ensuite les Martins tristes
(Acridotheres tristis Vieill.), originaires de l'Inde, que
Poivre a naturalisés à l'île de France et qu'on a tenté, mais
sans succès, d'acclimater en Algérie; puis les Etourneaux
et surtout les Alouettes, (|ui jouent un rôle important
comme indicatrices des gisements de coques ovigères et
comme destructrices des œufs et des jeunes Acridiens ;
enfin, au cap de Bonne-Espérance, le Glareola melanop-
ter a Nordm. et aux Etats-Unis VActiturus Bartramius
Bp. , les Tétras ou Gelinottes des Prairies (Cupidonia cU"
pido Gm.) et les Cailles de Virginie (Ortyx virginiqna
Gould). En un mot, chaque pays a ses oiseaux Acridio-
CRIQUET
— 378
phages, qu'il suffit de respecter pour qu'ils puissent rem-
plir le rôle que la nature leur a dévolu. C'est pourquoi,
la chasse des Etourneaux et des Alouettes est aujourd'hui
interdite dans notre colonie algérienne. On a ainsi mis fin
à des destructions intempestives, car il n'y a pas encore
deux ans, on expédiait ces oiseaux des Hauts Plateaux,
par la gare de Sétif, par wagons complets, pour Alger et
de là pour Marseille.
» D'une autre côté, les coques ovigères des Acridiens ren-
ferment une foule de larves d'Insectes qui s'attaquent aux
œufs. Ce sont notamment des larves de Diptères et de
Coléoptères. Parmi ces derniers, il importe de mentionner
surtout les Epicauta^ qui se développent, aux Etats-Unis,
dans les oothèques des Caloptenus spretus Uhler et C,
differentialis Burm.,le Trichodes Ammios Fabr. et les
Mylabres, dont les curieuses métamorphoses s'accom-
phssent en Algérie, dans les coques ovigères du Siaiiro-'
notus maroccanus Thunb. (Y. Ann, Soc. eut, France^
1890, BulL^ p. cLxxiv).
Enfin, on doit considérer, comme agents destructeurs des
plus importants, certains Champignons entomophytes, tels
que Vlsaria destnwtor Metsch.,l'/5«m ophioglossoides
Kr. , V Entomophthora grylli Kuhn et signaler à ce su-
jet les beaux travaux de M. Metchnikoff et de M. Kras-
silstchik, son collaborateur (V. Mém. de la Soc, des na-
turalistes de la Nouvelle Russie; Odessa, 4886, t. XI, et
Ann. Soc, ent, de France^ 1888, BulL^ pp. et et cxxix).
Mais quel que soit le rôle important que jouent les Oi-
seaux, les Insectes et les Cryptogames dans la destruction
des Acridiens, il arrive souvent, pour des raisons qui nous
échappent, qu'ils sont impuissants à arrêter la multiplica-
tion de ces Orthoptères. Aussi, l'homme a-t4l été obligé
d'intervenir pour entraver par tous les moyens possibles la
reproduction excessive des ennemis de ses cultures. On a
songé tout d'abord à imiter les Oiseaux et les Insectes en
s'attaquant aux œufs, c.-à-d. en ramassant et en détrui-
sant les coques ovigères. La coutume du ramassage est
fort ancienne, car elle est mentionnée dans Pline. Aux
siècles derniers, des lois ou des arrêtés imposaient la
récolte des œufs et contraignaient les habitants à apporter,
comme tribut, un certain nombre de mesures de coques
ovigères. De nos jours, le ramassage est pratiqué en Rus-
sie, à l'île de Chypre, en Sicile, en Sardaigne, en Italie,
en Espagne et en Algérie, Pendant Tannée 1852, on re-
cueillait, dans la Crimée seulement, 800,000 mesures de
coques ovigères ; en 1879, les Anglais en détruisirent
40,000 kilogr. dans l'île de Chypre; en Espagne, pendant
l'année 1876, on anéantit 39,982 kilogr. d'oothèques;
enfin, en Algérie, on détruisit, durant l'année 1886, dans
les seules provinces d'Alger et de Constantine, 150,000
kilogr. de coques ovigères. Il est donc indéniable que, fait
avec soin, le ramassage peut donner d'excellents résultats.
Mais si cette opération a l'avantage de permettre d'anéan-
tir une immense quantité d'œufs, elle a l'inconvénient non
seulement de ne pas épuiser les gisements, mais encore
d'entraver la propagation normale des parasites animaux
et végétaux. De plus, comme elle est très fatigante et
exige beaucoup de temps, elle nécessite l'emploi d'une
main-d'œuvre considérable et entraîne, par cela même,
des dépenses importantes. C'est pourquoi les esprits les
plus éclairés ont pensé qu'il était préférable de concentrer
tous les efforts en vue de la destruction des Criquets depuis
la sortie de l'œuf jusqu'au moment où ils prennent leur
vol. Nous ne pouvons ici énumérer tous les procédés ou
décrire tous les appareils qui ont été proposés à cet effet
auxEtats-Unis (Machines J.-A.Kinget J.-S.Flory,etc.), en
Russie (Appareil Potier, machine Wedel), à l'île de Chypre.
Nous nous bornerons à indiquer ceux d'entre eux qui, ayant
fait leurs preuves, sont employés en Algérie.
Pendant les cinq ou six jours qui suivent leur sortie des
oothèques, les jeunes Acridiens, encore faibles et décolo-
rés, ne quittent pas les lieux de leur naissance. Il est alors
facile de les détruire soit en les brûlant, soit en les écra-
sant à l'aide des pieds, de pelles, de battoirs d'alfa
tressé, etc. Mais le septième jour , s'il ne survient pas
d'intempérie, les jeunes Acridiens se mettent en mouvement
en se déployant sur un front plus ou moins étendu et de
faible épaisseur. Il s'agit alors de s'opposer à leur marche
en avant. Ici, on creuse sur la route qu'ils doivent parcou-
rir de longues tranchées peu profondes, où ils viennent se
précipiter et où on les écrase; là, on fait cerner les co-
lonnes par des Arabes qui, agitant lentement et régulier
rement leurs burnous, les obligent à se réfugier sur de
vastes bûchers préparés à l'avance et auxquels on met le
feu ; là, enfin, où le combustible fait défaut, où le trans-
port de l'alfa devient difficile et onéreux, on utilise avec
succès le procédé employé par les Arabes depuis les temps
les plus reculés et auquel ils donnent toutes les préfé-
rences. Ce procédé consiste à circonscrire les colonnes en
marche, de manière à forcer les Criquets à grimper sur de
longues bandes de toile de coton, nommées melhafas^
traînant à terre d'un côté, maintenues en l'air de l'autre.
Chaque toile, suffisamment remplie, est relevée sur tous
les côtés à la fois et un ou deux indigènes s'y précipitent
pour écraser les insectes qu'elle contient.
Lorsque les invasions prennent une extension considé-
rable et que les colonnes de Criquets surgissent de toutes
parts, les procédés que nous venons d'indiquer ne suffisent
plus. On est obligé d'opérer en grand. A cet effet, on em-
ploie un système de barrage mobile imaginé par un agro-
nome de rtle de Chypre, M. Richard Mattei, et au moyen
duquel M. l'ingénieur Samuel Brown est parvenu, dans
l'espace de six années, de 1882 à 1887, à débarrasser
l'île tout entière des ennemis qui la dévastaient. Ce sys-
tème consiste en une série d'appareils indépendants qu'on
appelle à juste titre appareils cypriotes. Chacun de ces
appareils se compose simplement d'une pièce de toile gros-
sière de 50 m. de longueur et de 75 à 90 centim. de hau-
teur, garnie sur une face, à la partie supérieure et dans
toute sa longueur, d'une bande de toile cirée de 10 centim.
de largeur. On associe le plus souvent un certain nombre
de ces appareils, de manière à former de longues lignes
de défense. (Juand la disposition des lieux le permet, il est
avantageux de les disposer en V plus ou moins ouvert, en
avant du front des colonnes de Criquets. Les toiles dres-
sées verticalement, la toile cirée en haut, sont fixées à
une série de pieux (19 par appareil), à l'aide d'attaches
(2 par pieux) et suspendues, dans l'intervalle qui sépare
les piquets, par une corde rehant les piquets entre eux
(fig. 4). Les pieux sont placés à l'extérieur. La toile
est tendue de façon qu'elle soit bien rigide, et ne fasse
pas voile ; enfin, on recouvre de pierres ou de terre une
portion de la pièce de toile (20 à 25 centim.), qu'on a
laissé traîner sur le sol, pour empêcher les Acridiens d6
s'évader en passant sous le barrage.
Au moment où l'on dispose les appareils, le plus souvent
même avant qu'ils soient placés, on creuse de distance en
distance, généralement tous les 25 m., ou tous les 15 ou
20 m. si les Acridiens sont très nombreux, des fossés ayant
généralement 1«»80 de longueur et 0"^80 de largeur. Sur les
bords de ces fosses, on adapte des feuilles de zinc de
1 m. de longueur et 0'^25 de largeur, qu'on assujettit à
l'aide de courts piquets passant par des trous faits d'avance.
Ces feuilles, dont les surfaces supérieures doivent être
bien nettoyées pour offrir des surfaces très lisses, sont
non seulement inclinées en dedans, dans le but de favori-
ser le glissement des Criquets, mais encore disposées de
manière à surplomber les fosses afin de présenter un obs-
tacle insurmontable. Ces préparatifs une fois terminés (ce
qui a lieu très rapidement), on dispose en cercle un groupe
d'indigènes, qui, au moyen de leurs burnous, font lever et
conduisent les Criquets vers les appareils. Plus les rabat-
teurs se rapprochent du barrage, plus le cercle qu'ils forment
se rétrécit naturellement et les Insectes, circonscrits entre
les barrières des appareils en forme de V, grimpent, pour
s'enfuir, le long des toiles tendues ; mais ne pouvant fran-
379
CHÏÛUET
chir la surfacô lisâô de la toile cirée, ils retombent sur
le sol et finissent par sauter en rangs pressés dans les
fosses, 0(1 plusieurs indigènes les écrasent sans merci.
Tels sont les procédés qui ont été employés, depuis
1888, en Algérie, pôttr combattre les invasions des Cri-
quets. Pour fa campagne de 1889-4890, que nous citerons
comme exemple, 6,000 appareils cypriotes en toile de cre-
tonne, de 50 m. chacun, ont été mis en adjudication, livrés
^£i:j^^^t
Fig. 4. — Destruction des criquets en Algérie au moyen des appareils cypriote^.
et répartis. Le service des forêts a fourni plus de 100,000
piquets pour la pose des barrages; l'industrie privée a livré
6,000 masses d'acier pour enfoncer les piquets, 400,000 m.
de corde pour relier les piquets et suspendre les toiles,
ainsi que 60,000 feuilles de zinc pour garnir le bord des
fosses, sans compter un nombre considérable de pièces de
melhafas et des approvisionnements de matières combus-
tibles, notamment d'alfa, qui ont été réunies au voisinage
des gisements.
D'un autre côté, les chiffres suivants vont démontrer
la grandeur de l'eôort qui a été fait au point de vue pécu-
niaire. Pendant la campagne de 1888-1889, le ramassage
des coques ovigères a entraîné une dépense dans le
dép. d'Alger de 110,655 fr. 77
dans celui de Constantine 600,722 M
soit pour les deux départements.. . 711,378 fr. 41
qui ont été versés entièrement entre les mains des indigènes.
La campagne contre les Criquets, depuis l'éclosion jus-
qu'au moment où ils sont pourvus d'ailes, a coûté pour le
dép. d'Alger 309,009 fr. 33
- de Constantine 1 ,633,61 0 09
soit pour les deux départements. 1,942,619 fr. 42
pour la main-d'œuvre indigène et militaire.
Si l'on ajoute à ces dépenses les sommes qui ont été
payées directement par le gouvernement général pour
l'acquisition du matériel (320,556 fr. 93), pour le trans-
port de troupes et de matériel (42,298 fr. 75), on peut esti-
mer que la lutte proprement dite a coûté 2,305,475 fr. 10.
Mais il faut tenir compte des dépenses indirectes,
c.-à-d. des secours qui ont été distribués aux sinistrés
(1,187,849 fr.lO), des dépenses diverses (10,890 fr.65),
enfin des sommes que le dép. de Constantine a avancées
aux communes pour prêts de semence (3,896,498 fr. 65).
Il en résulte que la campagne entreprise en 1889-90 pour
la destruction des Acridiens et les conséquences directes de
l'invasion ont entraîné à des sacrifices qui sechiffrent par
8,498,375 fr. 71, soit en nombre rond à 8,500,000 fr.
Il convient de remarquer, toutefois, que les prêts de semence
ont eu pour résultat de permettre l'ensemencement des terres,
que les sommes payées aux indigènes soit pour le ramassage
des coques ovigères, soit pour les travaux publics, soit à titre
de secours, les ont empêchés d'être en proie à la famine,
comme en 1868 ; enfin que les sommes allouées comme
main-d'œuvre leur ont permis d'attendre la moisson, qui
a été exceptionnellement fructueuse. De plus, les Acridiens
échappés à la destruction ont regagné leurs repaires habi-
tuels, c,-à-d. les régions reculées des Hauts Plateaux, et
s'ils n'ont pas abandonné complètement le dép. de Con-
stantine, il n'y ont commis en 1890 aucun dégât appré-
ciable. En un mot, ce département, si éprouvé jusqu'alors,
a récupéré ses pertes et par cela même la matière impo-
sable s'est trouvée en grande partie reconstituée.
Peuples acridiophages. Les Acridiens ont été de
tout temps utilisés pour la nourriture de l'homme et des
animaux; Moïse les rangeait parmi les animaux dont la
chair était permise aux Hébreux. Mathieu rEvan|éliste
rapporte que saint Jean-Baptiste, au désert, soutenait son
existence au moyen de sauterelles mêlées au miel sau-
vage des bois, et saint Jean FEvangéliste est également
indiqué comme s'étant nourri d'Acridiens dans l'île de
Pathmos. Beaucoup d'auteurs anciens ont, d'ailleurs, fait
mention des peuples acridiophages. C'étaient. : en Asie,
les Parthes, les Arabes, les Perses; en Afrique, les Ethio-
piens, les Lybiens et les Maures. D'après Diodore de
Sicile (trad. Hœfer, t. III, p. 28), ces peuples creusaient
de vastes fosses dans les endroits où passaient les nuées
de ces insectes et les y faisaient tomber par la fumée de
CRIQUET — CRISE
— 380 —
grands bûchers ; puis ils les desséchaient par le soleil ou
par le feu, ou bien les salaient et les conservaient en tas
pour l'alimentation d'une année. Cet usage de manger les
Acridiens existe encore de nos jours dans certaines parties
de l'Asie orientale et de l'Afrique, où on les vend sur les
marchés, soit rôtis sur des charbons et saupoudrés de sel,
soit bouillis ou cuits au beurre, soit conservés dans la
saumure, après qu'on leur a enlevé les ailes et les pattes.
C'est ce qui a lieu en Mauritanie, à Fez, à Maroc, et en
Algérie, à Tougourt, à Temacin et dans les villages voi-
sins (V. Ami. Soc. ent. France^ 1891, Bull.^ p. xxvi).
En Algérie, l'espèce mangée le plus ordinairement par les
Bédouins et les Kabyles est VAcridium peregrinum L.,
qu'ils appellent Djerad el arbi (la sauterelle arabe) ou
simplement £Z Djerad (la sauterelle). On estime à environ
soixante charges de chameau, soit environ 9,000 kilogr.,
les quantités de cet ahment qui entrent journellement dans les
ksours de l'Oued-Souf. Enfin, au dire du voyageur anglais
Sparrman, les Hottentots font une grande consommation
d'Acridiens et voient arriver avec bonheur l'époque de leur
apparition. J. Kunckel d'Herculais et Ed. Lefèvre.
II. Paléontologie. — Les Criquets proprement dits
ne sont pas encore connus à l'état fossile, mais des genres
assez voisins, appartenant aux Truxalinœ, OEdipodince
et Tettiginœ ont été signalés sous ce nom dans les couches
tertiaires. Acridium Barthelemyi (Hope), d'Aix, appar-
tient probablement aux Truxalinœ. Le type des Criquets
remonte au lias. Acridiites et Gomphocerites (Heer) qui
les représentent à cette époque ne sont connus que par des
débris trop incomplets pour être déterminés d une façon
précise (V. Orthoptères [Paléont.]). E. Trt.
BiBL. : Zoologie. — Moufett, Insectprum sive mini-
morum animalium theatrum; Londres, 1634, pp. 123 etsuiv.
— GouREAv^ Recherches sur les Insectes mentionnés dans
la Bible {Bull. soc. des Se. histor. et naiur. de l'Yonne^
1861, p. 3). — Maurice Girard, Traité élémentaire d'ento-
mologie, 1876, t. II, p. 194. — Hauvel, Sur les Sauterelles
et les Criquets, moyen d'en arrêter les invasions ; Paris,
1878. — Alex. Lauoulbène, art. Criquets, dans le Dict.
encycl. des Se. médicales de Decliambre, l»» série, t. XXIII,
p. 2B2. — J. KuNCKÈL d'Herculais, conférences faites au
congrès d'Oran, dans le Bull, de V Association française
pour l'avancement des sciences, mars 1888 ; les Acridiens
et leurs invasions en Algérie, premier rapport adressé au
gouverneur général ; Alger, mai 1888 ; Instructions sur
les mesures à. prendre en vue de la destruction des Acri-
Aiens, deuxième rapport ; Alger, août 1888 ; les Acridiens
en Algérie, dans le lournai la Nature^ n°^ des 30 juin et
13 oct. 1888.
CRIQUETOT-le-Mauconduit. Corn, dudép. de la Seine-
Inférieure, arr. d'Yvetot, cant. de Valmont ; 206 hab.
CRIQUETOT-l'Esnevâl. Ch.-l. de cant. du dép. de la
Seine-Inférieure, arr. du Havre; 4,407 hab. Eglise de
diverses époques; les parties les plus anciennes sont du
xii® siècle, les plus récentes du xviii^. Ancienne motte féodale.
CRIQUETOT-sur-Longueville. Com. du dép. de la
Seine-Inférieure, arr. de Dieppe, cant. de Longueville ;
217 hab.
CRlQUETOT-suR-OuviLLE. Com. du dép. de la Seine-
Inférieure, arr. d'Yvetot, cant. de Yerville; 740 hab.
CRIQUIERS. Com. du dép. de la Seine-Inférieure, arr.
de Neufchâtel-en-Bray, cant. d'Aumale ; 799 hab.
CRISCUOLO (Giovanni-Angelo), peintre et littérateur
italien, né à Cosenza en 1500, mort à Naples en 1573.
Elève de Marco de Sienne, Criscuolo peignit des tableaux
d'église, soit à Naples, soit dans les environs. Il composa
en outre une histoire des artistes napolitains, que la mort
l'empêcha de publier.— Son frère Giovanni- Filippo,
né à Gaëte en 1509, mort à Naples en 1584, étudia la pein-
ture sous la direction d'Andréa Sabbatini. Plus tard, pen-
dant son séjour à Rome, il se familiarisa avec la manière
de Perino del Vaga. De retour à Naples, il demeura auprès
d'Andréa de Salerne jusqu'à la mort de celui-ci. Les
meilleurs ouvrages de ce maître se trouvent dans les
églises de San Pietro Morone, Sant'Agostino, Santa Maria
del Rosario à Naples.
BiBL. : DoMiNici, Vite de Pittori... napoletani, éd. de
1846, t. II, pp. 250 et suiv.
CRISE. I. Politique. — Etat d'incertitude dans la
situation poUtique, qui amène un changement dans les
hommes ou dans les choses. Ce mot est d'un fréquent
usage dans la presse périodique. Lorsqu'on attend des
événements, dont le caractère n'est pas encore déterminé,
lorsqu'on prévoit de nouveaux incidents dans les luttes
politiques, on dit qu'une crise se prépare. Toutefois, le
mot crise a pris, depuis l'établissement du gouvernement
parlementaire en France, une signification plus restreinte
et par conséquent plus précise. Il sert à désigner plus
particulièrement les interrègnes ministériels. On l'emploie
également dans les pays républicains, pour indiquer les
interrègnes présidentiels. Ainsi, lorsqu'un chef d'Etat, dans
une répubhque, a donné sa démission, ou est décédé, et
que celui qui doit le remplacer n'est pas encore connu, on
dit qu'il y a une crise présidentielle. De même quand,
dans un gouvernement constitutionnel, des ministres ont
donné leur démission, et que ceux qui doivent les remplacer
n'ont pas encore été désignés, on dit qu'il y a une crise
ministérielle. Il est certain, en effet, que c'est un temps
d'épreuve pour les candidats à la présidence de la répu-
blique ou à un ministère, pour le pouvoir exécutif, pour
les chambres législatives, pour tous ceux, en un mot, qui
ont une action sur la marche de la politique. — Depuis le
rétabhssement de la troisième République, il y a eu en
France trois crises présidentielles : en 1873, en 1879,
en 1887. Quant aux crises ministérielles, elles ont été si
nombreuses en France depuis l'établissement du gouver-
nement parlementaire, et même depuis la fondation de la
troisième RépubMque, qu'il faut renoncer à en dresser la
nomenclature. Ajoutons qu'elles ont été non moins fré-
quentes dans les autres pays constitutionnels. Les princi-
pales ont leur place marquée dans l'histoire des Etats.
Nous ne pouvons que renvoyer le lecteur aux noms des
différentes nations, et à ceux des hommes politiques les
plus considérables de ces nations (V. Assemblée et Chambre,
t. X, p. 349 et suiv.).
II. Economie politique. — Les crises économiques
sont les troubles graves d'un système d'échange basé
sur le crédit. Aux époques ou dans les pays où le cré-
dit n'intervient pas comme moyen d'échange, les crises
sont inconnues. Elles ne sont devenues fréquentes et sé-
rieuses que depuis la fin du siècle dernier et elles ont eu
lieu surtout en Angleterre, aux Etats-Unis et dans le
nord-ouest du continent européen, c.-à-d. dans les pays oii
les instruments de crédit remplacent, dans une large me-
sure, la monnaie métaUique. Les crises sont parfois aiguës
mais de courte durée, comme celles de 1847 et de 1857,
parfois persistantes comme celles de 1874, 1888. Si on
veut comparer les maladies de la circulation à celles du
corps humain, on peut dire que les premières ont le carac-
tère d'une inflammation et les secondes celui d'une ané-
mie. On peut distinguer trois sortes de crises : 1^ les
crises commerciales et monétaires ; 2^ les crises indus-
trielles ; 3^ les crises de Bourse ou krachs. Quoiqu'elles
aient plusieurs traits communs, elles se distinguent cepen-
dant assez pour qu'il faille les étudier séparément.
Crises commerciales et monétaires. — Caractère des
crises. Depuis que les crises reviennent régulièrement,
on a constaté trois périodes dans leur développement : la
période de préparation, la période d'expansion ou d' « infla-
tion » et la période de contraction ou de révulsion.
Pendant la période de préparation, l'industrie est active,
le commerce est prospère et la production de la richesse
abondante et régulière. Des capitaux nouveaux sont for-
més par l'épargne. Ils servent d'abord à mettre en culture
de nouvelles terres ou à y introduire un mode d'exploita-
tion plus « intensif », à fournir aux industries des ma-
chines plus perfectionnées, à ouvrir de nouvelles voies de
communications : routes, ports, chemins de fer, bateaux
à vapeur, à construire de nouvelles maisons dans les villes
et les villages, etc. Le progrès économique s'accomplit avec
calme et sans secousse. Toutefois, dans les pays où la
— 381 —
CRISE
l
science, fécondant le travail, multiplie rapidement les ca-
pitaux, ceux-ci ne trouvant pas aussitôt un emploi rému-
nérateur, s'accumulent dans les banques sous forme de
dépôts ou s'offrent sur le marché monétaire en quête d'un
placement avantageux. L'offre dépassant la demande, le
taux de l'intérêt baisse. Quand on obtient l'argent à bon
marché, un grand nombre d'entreprises deviennent pos-
sibles qui ne l'étaient pas auparavant. Ainsi le capital sol-
licite l'esprit d'entreprise et celui-ci se met en mouvement
avec une activité croissante qui parfois devient fébrile.
C'est la période d'expansion qui commence. Ordinairement,
il est quelque genre d'opération qui paraît plus avantageux
que les autres et jui attire l'attention du public. C'est la colo-
nisation du Mississipi, comme au temps de Law en France,
des mines et des envois de marchandises vers les colonies
espagnoles récemment affranchies, comme en 1820-1825 en
Angleterre, ou la construction des chemins de fer comme en
1843-1849 en Angleterre et en Amérique avant 1857.
Le public est convaincu que cette sorte d'entreprise don-
nera de grands bénéfices et il se dispute à l'envi les titres
ui les représentent. Ces titres ne tardent pas à augmenter
e prix et ceux qui les possèdent gagnent beaucoup d'ar-
gent. Comme on voit que la hausse de ces valeurs se
poursuit, on a conclu qu'il suffit d'en acheter pour avoir sa
part du bénéfice. Et c'est ce qui a lieu en effet. Les capi-
taux disponibles sont employés à l'achat des fonds qui
jouissent de la faveur générale. Plus sont abondants les ca-
pitaux qui recherchent ces titres, plus la hausse se prononce ;
quiconque achète aujourd'hui est assuré de pouvoir vendre
demain avec profit. Le cercle des acheteurs augmente
sans cesse ; parfois, comme à l'époque de Law, il entraîne
toutes les classes de la population. Dans ce cas, la spécula-
tion devient un vertige. Les titres recherchés atteignent
des prix insensés. Mais l'effet produit ne s'arrête point là.
Ceux qui ont fait des bénéfices veulent les placer : ils
achètent ainsi d'autres valeurs qui montent à leur tour.
Alors les nouveaux enrichis veulent jouir de leur richesse
nouvellement acquise. Ils commandent de beaux meubles,
des vêtements élégants ; ils se livrent à toutes les dépenses
de luxe. Les marchandises plus demandées montent de prix.
Les marchands et les importateurs gagnent à leur tour
beaucoup d'argent et en dépensent aussi davantage. Les
nouvelles entreprises, créées de toutes parts commandent
des produits de toute espèce : machines, vaisseaux, rails,
voitures, outils. Les prix de tous ces objets montent : les
industriels, à leur tour, réalisent de gros profits. Pour
exécuter les nombreuses commandes qui leur arrivent, il
leur faut employer plus d'ouvriers que d'habitude. Cette
demande de bras produit une hausse des salaires. Les ou-
vriers, mieux payés, consomment davantage. Les denrées, les
objets manufacturés qu'ils demandent montent aussi de
prix et ceux qui les fabriquent et les vendent gagnent éga-
lement davantage et par suite vivent mieux et dépensent
plus. En somme, il se produit une « inflation » générale
des prix, un accroissement correspondant des bénéfices et
une activité économique surexcitée dans toutes les direc-
tions. Ce qui favorise singulièrement cette expansion et
cette surexcitation, c'est l'emploi du crédit. On achète plus
et à des prix plus élevés ; les échanges sont plus nombreux
et les objets échangés ont plus de valeur; il faut donc
plus de moyens d'échange et on les demande au crédit, ce
qui est dangereux, car il s'appuie sur un sentiment très
^mobile, la confiance. Les émissions d'actions et d'obliga-
tions se font en stipulant des versements successifs, ce qui
constitue sur la place une nouvelle série d'engagements à
'terme. Les spéculateurs qui achètent des titres, les mar-
chands qui achètent des marchandises, les industriels qui
achètent des matières premières ou qui agrandissent leurs
établissements opèrent non seulement avec leurs capitaux
disponibles, mais avec ceux que leur prêtent les banquiers.
En outre, ils s'acquittent avec des promesses de payer aux-
quelles ils espèrent faire face par la revente avec bé-
néfice de ce qu'ils ont acheté. On leur livre à crédit parce
qu'on les croit et parce qu'ils sont, en effet, ordinairement
solvables. Seulement, par ces promesses, ils mobilisent et
emploient comme moyens d'achat des richesses immobi-
lisées, terres, maisons, fabriques, etc., qui représentent
sans doute une valeur supérieure à leurs engagements,
mais au moyen desquels ils ne pourraient payer immédia-
tement au moment de l'échéance. Tant que la confiance
soutient les promesses et qu'on peut les renouveler, le
mouvement économique accéléré peut continuer. Cepen-
dant, au fond, il y a disproportion entre les engagements
pris et les moyens d'y faire face.
La hausse des principaux titres ne peut toutefois conti-
nuer indéfiniment. Il arrive un moment où le public com-
mence à réfléchir et à se demander : ce que j'achète vaut-il
bien le prix que je donne? C'est de cette réflexion que vont
naître les embarras et les désastres. Souvent c'est quelque
événement fâcheux, comme une mauvaise récolte, qui en-
raye le mouvement d'expansion et qiii occasionne le mou-
vement en sens inverse ou bien tout simplement un chan-
gement dans les allures habituelles du commerce. Tant
ju'on croit à la hausse, sans limite appréciable, la valeur
intrinsèque des titres achetés importe peu : nul ne s'en
inquiète, car on est convaincu qu'on peut les revendre
avec bénéfice. Mais quand le doute arrive, quand l'hésita-
tion se manifeste, on cherche à se mettre à couvert en
réalisant. Dès lors le nombre des vendeurs l'emporte sur
celui des acheteurs et par suite la baisse commence.
D'abord quelques efforts sont faits pour l'arrêter ; mais ils
sont vains, parce que la confiance fait défaut. Bientôt on
veut vendre à tout prix. Dès lors la baisse se précipite et
souvent avec plus de violence encore que la hausse. Par-
fois c'est comme un écroulement. Soudain nul ne veut
acheter, parce qu'il est impossible de prévoir où s'arrêtera
la chute. Achète-t-on aujourd'hui, on s'aperçoit le lende-
main qu'on a eu tort et que la chose acquise vaut moins
que la veille. Cependant ceux qui ont des engagements
doivent les remplir et à cet effet ils vendent pour ce qu'ils
peuvent obtenir. Alors les faillites éclatent et se multi-
plient. Elles atteignent d'abord les maisons les plus enga-
gées dans la spéculation ou celles dont la situation était
déjà compromise auparavant. Mais bientôt les firmes les plus
solides sont menacées ou même contraintes de suspendre
leurs payements parce que leurs créditeurs ne peuvent les
payer. Le monde commercial constitue aujourd'hui une
immense chaîne. Si l'un des chaînons est ébranlé ou se
brise, tous les autres reçoivent le contre-coup de la secousse.
Le crédit était le moyen d'échange et de payement dont
chacun se servait, mais dans ces moments de crise la dé-
fiance est communicative, et avec raison, car on ne peut
savoir qui résistera à la tempête et restera debout. Il s'en-
suit que le crédit se resserre, se dérobe ou même se refuse
absolument. Les promesses dépassaient déjà avant la crise
la totalité des moyens de payement disponibles. Mais main-
tenant ceux-ci deviennent absolument insuffisants parce
qu'une partie cesse d'exister. Les dépôts sont retirés, les
lettres de change sont refusées à l'escompte, et ainsi non
seulement la monnaie métallique et les billets de banque
sont thésaurises pour faire face aux besoins urgents, mais
beaucoup de titres de crédit qui servent d'instruments
de circulation ne sont point renouvelés. La demande des
capitaux est violente, exaspérée ; on veut de l'argent à tout
prix parce qu'il en faut pour remplir les engagements et
échapper à la faillite. Les banques régulatrices, pour
défendre leur réserve, haussent brusquement le taux de
l'escompte qui monte à 4 et 5 et à 9 ou 10 <>/o sur le marché
libre. On demande 20, 30, parfois, en certains jours de
désespoir, 40 ou 50 <^/o. Alors la panique arrive au comble.
Les suspensions se comptent par centaines, par milliers.
La vie économique est pour ainsi dire suspendue parce
que l'échange, qui en est le rouage essentiel, est arrêté.
Cette période aiguë de la crise n'est pas de longue durée.
La panique cesse. Bientôt le capital, attiré par l'extrême
bon marché de tous les titres et des marchandises, reparaît
CHÏSE
— dm —
sur le marché, U vient de l'étranger également. Les ache-
teurs se montrent et ainsi peu à peu les prix se relèvent.
Les demandes d'avances diminuent et ainsi les banques
peuvent abaisser le taux de l'escompte. Le mouvement
économique au bout de quelques mois reprend son allure
habituelle. Cependant l'industrie, qui a été fortement
atteinte, souffre plus longtemps. Elle a été obligée de ren-
voyer des ouvriers et de réduire les salaires de ceux qu'elle
a continué à occuper. Ceux-ci consomment moins et il faut
secourir les autres. La plupart des industries souffrent
aussi par contre-coup. Il faut quelque temps pour que cet
état de gêne et de dépression cesse. C'est la période de ré-
paration ; suivent alors deux ou trois années de calme et
de prospérité paisible pendant lesquelles s'accumulent les
éléments d'une crise nouvelle.
HisTomE DES CRISES. — Un coup d'oeil rapide jeté sur
l'histoire des crises confirmera nos théories. Ici encore
nous suivrons la division que nous avons adoptée.
Crises commewiales et monétaires. Elles ont eu lieu
d'abord uniquement en Angleterre. — Crise de il6S. La
fm de la guerre en 4763 amène un brusque changement
dans la situation du commerce;^ Trente maisons impor-
tantes à Amsterdam et seize à Hambourg font faillite. La
défiance devient générale dans toute l'Angleterre. On ne
vend plus qu'au comptant. Les affaires sont suspendues
faute de moyens d'échange. Adam Smith parle de cette
crise et dit que la Banque d'Angleterre en diminua l'inten-
sité « en avançant un million sterling aux négociants ».
Crise de i783, La fin de la guerre avec les colonies
affranchies devenues les Etats-Unis suscite en Angleterre
une activité commerciale extraordinaire. La Banque aug-
mente ses émissions de £ 6,000,000 en 4780, à
£ 9,600,000 en mars 4782. Le drainage de l'or com-
mence et continue jusqu'en octobre et l'encaisse est ré-
duite à £ 493,000. Suivant le conseil de Bosanguet, l'un
des directeurs, la Banque a recours à une contraction vio-
lente du crédit. Il s'ensuit une crise, mais l'or est rappelé
et l'équilibre se rétablit.
Crise de il 93. Bientôt une période de grande prospé-
rité s'ouvre. Le traité d'Eden avec la France (1783) éta-
blit la liberté de navigation et presque le libre-échange.
Un accroissement rapide du commerce en résulte.
Importation. Exportation.
478^ £ 40.344.628 43.009.438
4792 -^ 49.659.358 24.905.200
Les banques privées (County Banks) se multiplient. On
estime qu'il y en avait cinquante en 4750 et plus de quatre
cents en 4792. Au milieu de cet essor des affaires survien-
nent les querelles avec la France et la déclaration de
guerre (n93). La panique est au comble. Des faillites
éclatent de toutes parts. L'or se cache et se refuse. Un
comité de la Chambre des communes déclare qu'il faut
un remède à la situation, attendu que le discrédit des
County Banks a amené la thésaurisation de l'or et un
tel manque des moyens d'échange qu'une suspension
ténérale est à craindre. Un acte du Parlement crée
' 5,000,000 en Eœchequer Bills pour les avancer au
commerce. Les auteurs contemporains affirment que l'effet
de la mesure fut extraordinaire. La confiance revint, l'or
reparut. Les transactions reprirent. C'est un cas d'absorp-
tion de l'or à l'intérieur.
Crises de i795 et 1191. En 4794, la situation est fa-
vorable, mais Pitt commence à payer des subsides aux
armées du continent pour soutenir la guerre contre la
France. L'or s'écoule rapidement à partir de mai 4795. En
outre, les County Banks, dont les billets circulent diflîcile-
ments, prennent de l'or à la Banque d'Angleterre. En déc.
4796, son encaisse est réduite à £ 2,508,000. Le
drainage de l'or prend des proportions alarmantes, surtout
en février. Le 25, l'encaisse n'est plus que de £1,272,000.
Le crédit est mort. Pour se faire des ressources, on vend
à tout prix. Le 3 °/o tombe à 54. Un ordre du conseil
suspend les payements. Il en résulte un soulagement géné-
ral. La Banque augmente ses avances de £ 2,000,000 en
une semaine. Quatre mille maisons de la Cité se réunissent
pour soutenir le billet. On émet des billets de une ou deux
livres et on donne même cours légal à des piastres espa- -
gnôles au prix de 4 s. 9 p. La crise s'apaise. Le mouvement
des affaires reprend sous l'empire du billet à cours forcé.
C^nse de iSiO. Après 4806, malgré la guerre, com-
mence une période d'expansion. De nombreuses sociétés se
créent pour des brasseries, des canaux, des fabriques cle
toute espèce; sept cent vingt County Banks émettent
£ 30,000,000 de banknotes, et la Banque d'Angleterre
élève ses avances de 3 miUions en 4808, à 20 millions en
4840. L'or qui restait fuit vers le continent. J.-B. Say
estime que la contrebande en porte 9 millions sterling en
Belgique, en très peu de temps. Le souverain-papier
(20 shellings au pair) se déprécie rapidement : en 4843,
il ne vaut plus que 44 shellings 2 deniers. En 4845, il y
eut de nouveau une crise produite par un excès de spécula-
tion, dont les County Banks furent surtout victimes; deux
cent quarante d'entre elles suspendirent leurs payements.
En nov. 4846, la Banque d'Angleterre annonce qu'elle
remboursera ses billets à vue ; mais, durant toute l'année
4848, il se fait de grandes importations de céréales et de
marchandises à des prix élevés. Le change devient défavo-
rable ; l'or s'écoule. L'encaisse de la Banque tombe à 5 mil-
Hons de livres en novembre. De la « pression » monétaire
résulte une contraction du crédit, une baisse des valeurs et
des pertes considérables sur les marchandises importées.
D'od faillites et crise. Le remboursement des billets est de
nouveau suspendu.
Crise de i825. Cette crise fut beaucoup plus forte que
les précédentes. Le souvenir de cette grande convulsion
économique s'est conservé en Angleterre comme celui du
tremblement de terre de Lisbonne en Portugal. L'incendie
de Londres ne laissa pas une plus profonde impression.
A partir de 4822 s'ouvrit une période de prospérité sans
exemple. Le money-market regorgeait de fonds. L'encaisse
de la banque montait à 42 millions de livres. En nov. 4824,
les consolidés (consols) atteignirent le taux inouï alors de
96. L'attention se dirigea vers les nouveaux Etats qui
s'étaient formés en Amérique, des provinces, des colonies
espagnoles et portugaises récemment émancipées. On sous-
crit largement tous leurs emprunts ; on y envoie des quan-
tités énormes de marchandises et on y immobilise des ca-
pitaux considérables dans des mines dont les actions attei-
gnirent des prix fabuleux. En même temps se fondent en
Angleterre même d'innombrables sociétés industrielles
dont les titres sont également très recherchés. Toutes les
classes de la société se Jettent dans des spéculations qui
semblent enrichir tout le monde. Le prix de toutes les
principales marchandises s'élève aussi notablement ; et on
en fait venir beaucoup de l'étranger. Les importations aug-
mentent en proportion. Il en résulte un change défavo-
rable. Le drainage de l'or commence vers la fin de 4824
et continue pendant toute l'année 4825. Au mois de dé-
cembre l'encaisse de la Banque est réduit à un million de
livres et malgré cela elle n'élève le taux de l'escompte de 4
à 5 que le 4 7 déc, alors que la crise sévit déjà. Le crédit se
resserre brusquement. Tout le monde veut vendre pour se
créer des ressources. Le prix des marchandises baisse de
30 à 40 °/o. Il se produit alors un run, un assaut sur les
banques, dont plus de quatre-vingts succombent. La dé-
fiance devient générale. Les fabriques se ferment. Les ou-
vriers sans ouvrage saccagent les machines. Le désespoir
est général. Ce qui manque ce sont les moyens de paye-
ment, ceux que crée le crédit ayant en grande partie dis-
paru. La Banque lança dans la circulation tous les billets
disponibles. Le banquier Baring, lord Ashburton, rapporte
dans son livre Financial and Commercial Crises consi-
dered, ^ qu'un paquet d'un million et demi de banknotes
d'une livre, retrouvé par hasard, et employé immédiate-
ment en escompte, amena aussitôt un grand soulagement.
Le mois de janv, 4826 fut encore très dur et, en somme,
- 383
CRISE
les pertes furent considérables. New-York subît, la même
année, une crise semblable. Au printemps, argent abon-
dant; crédit illimité; création d'entreprises nouvelles;
achat de marchandises ; spéculations principalement sur le
coton. Au mois de juillet, le métal disparaît des banques ;
l'instrument des échanges se raréfie et le crédit se con-
tracte. L'escompte s'élève à 20 et 30 °/o. Tous les prix
baissent au mois d'août, les faillites commencent. La crise
sévit dans toute sa vigueur dans le mois suivant.
Crises de iSSÔ-iSSI et i839. Au printemps de 4836,
la période d'expansion arrive à son apogée. En Angleterre,
on lance des compagnies de chemins de fer et des banques
privées, dont le total monte à six cent soixante-dix. Mais,
en Amérique, le président Jackson détermine la réduction
de la circulation des petits billets, et ainsi l'or émigré d'An-
gleterre, le crédit se resserre, et il s'ensuit de nombreuses
faillites en 4836. En 4837, l'Angleterre parvient à rap-
peler l'or, et alors en mai éclate aux Etats-Unis une crise
formidable qui dure jusqu'en janv. 4838. Presque toutes
les banques au nombre d'environ sept cents suspendent
leurs payements. Le numéraire disparaît complètement. « La
détresse et la panique, dit un auteur contemporain, étaient
aussi grandes qu'au temps de la guerre de l'émancipation. »
Vers le printemps de 4838, l'or revient d'Angleterre et
la crise s'apaise. Ces deux grands pays commerciaux se
disputaient un instrument d'échange insuffisant, par des
hausses de l'escompte désastreuses. En 4838, une crise
très forte sévit en France et en Belgique. Toutes les va-
leurs industrielles nouvellement créées subirent une dépré-
ciation ruineuse. Il s'ensuivit un retrait d'or d'Angleterre
qui dura depuis le milieu de 4838 jusqu'en nov. 4839. Le
2 sept, l'encaisse à la Banque d'Angleterre était tombé à
£ 2,406,000. On était à la veille de suspendre les paye-
ments. Les banquiers, Baring en tète, la sauvèrent en tirant
sur Paris et sur Hambourg pour 3 miUions de livres. A la
fm de l'année, l'encaisse était remontée à £ 4,532,000.
La crise fut bien plus terrible encore aux Etats-Unis. Le
numéraire disparut et la faillite des banques commença en
mars dans les Etats du Sud, puis dans l'Ouest. Celles de la
Nouvelle- Angleterre résistèrent beaucoup mieux. Dans l'Etat
de New-York, quatre banques seulement sur cent quatre-
vingt-dix-huit suspendirent. La catastrophe finale arriva le
40 oct, La banque des Etats-Unis, après avoir essayé de
tous les moyens pour se sauver, suspendit à son tour. La
statistique constata en 4839 la suspension de neuf cent cin-
quante-neuf banquiers, trente-trois mille faillites avec une
perte de 440 millions de dollars.
Crise de i847, La période d'expansion recommença, en
Angleterre, vers 4843. En 4844, le capital afflue et cherche
un emploi. L'encaisse de la Banque d'Angleterre dépasse
45 millions et le taux de l'escompte tombe à 2 et même à
4 ^/g. La fièvre des entreprises nouvelles, surtout des che-
mins de fer, commence. VEconomist calcule que les nou-
velles lignes ferrées concédées alors exigeaient 200 millions
de liv]*es. La maladie des pommes de terre et la mauvaise
récolte des blés, en 4 846, nécessitent des exportations con-
sidérables de numéraire, au printemps de 4847. Un vio-
lent renversement du crédit se produit en janvier, mais
pendant l'été l'or revient, on croit le danger passé. Vers
l'automne, le drainage de l'or reprend. La Banque d'An-
gleterre est obligée d'élever brusquement l'escompte. La
panique se déclare. Les faillites commencent par celles
des marchands de blé, le quarter étant tombé de 102 schel-
ling en janvier à 49 en septembre. En octobre, la crise est
à l'apogée. L'escompte est à 8 7o ; les consolidés à 79.
Les usines se ferment, les entrepreneurs de chemins de
fer renvoient leurs ouvriers. La misère, le désespoir est
partout. Vact de Robert Peel de 4844 réglant les émissions
de la Banque est suspendu. Bientôt l'or revient ; mais les
désastres furent considérables. La France, Hambourg et
toute l'Allemagne furent également atteints.
Crise de if857. Celle-ci eut son point de départ en
Amérique. La période d'expansion commence aux Etats-
Unis et en Angleterre à partir de 4852. Elle se manifeste
aussi sur le continent. Partout on crée des sociétés nou-
velles dont les actions montent à l'envi. Aux Etats-Unis,
l'épanouissement de la richesse présentait un spectacle mer-
veilleux. Mais il en résulta une importation inusitée de
marchandises européennes, qu'il fallut payer en numéraire
en 4859. Les banques, ayant employé leurs dépôts en
avances aux sociétés, ne purent résister à la contraction
monétaire. Le 24 août, la suspension des banques com-
mença et continua jusqu'au 43 oct., où le cyclone finan-
cier atteignit son apogée. La suspension des payements fut «
générale dans toute l'Union, L'escompte affolé montait à
50 à 60 o/o. Les meilleures valeurs étaient invendables.
Tout moyen de payement avait disparu. Le mécanisme de
l'échange ne fonctionnait plus. On compta, en définitive,
cinq mille cent vingt-trois faillites avec un passif de 293
millions de dollars. Mais la baisse énorme de toutes les
valeurs rappela bientôt l'or de l'étranger. Au 4^^ janv. 4 858 ,'
les banques avaient repris leurs payements, sauf celles de la'
Pennsylvanie, à qui on accorda un délai jusqu'au 4°^ avril.
Le contre-coup de la crise atteignit l'Angleterre dès le'
mois d'octobre. Mais la convulsion financière ne se déchaîna
dans toute sa force qu'en novembre. L'encaisse de la
Banque tomba à 7 millions de livres. Le 40 et le 44 nov., le
money-market était à l'agonie. Partout faillites sur fail-
Utes. Les maisons les plus'soHdes désespéraient quand la
suspension de Vact de 4844 rendit quelque aisance au
marché, ^ mais les conséquences furent désastreuses pour
l'industrie. Des centaines de mille ouvriers étaient sans
travail. De là, coalitions, émeutes, extension effrayante du
paupérisme. La crise atteignit ensuite successivement la
France, Hambourg et les Etats Scandinaves ; très cruelle-
ment, l'Allemagne, l'Autriche, le nord de l'Italie, Batavia,
Singapour, Buenos Aires, Valparaiso et toute l'Amérique
du Sud. Le cyclone financier avait fait le tour du monde
semant partout des ruines. Ce phénomène remarquable
prouve clairement combien est intime aujourd'hui la soli-
darité économique de tous les peuples.
Crises de iÉ6f à i864, La crise de 4864, qui affecta
le marché anglais en janvier et le marché français en au-
tomne, fut amenée par la nécessité de solder une balance
aux Etats-Unis qui enleva For à la Banque d'Angleterre. Il
fallut élever l'escompte à 8 <*/o en févr. pour rappeler le
numéraire. En 4863-4864, ce sont les achats de coton aux
Indes qui jettent la perturbation sur le marché européen.
La guerre de la Sécession aux Etats-Unis, empêchant le coton
américain d'arriver, ilfallutre courir à l'Egypte et à l'Inde,
et comme ces pays ne prenaient pas de marchandises en
retour, il fallut les payer en argent. L'Angleterre ache-
tait l'argent en France et le payait en or. Mais il y eut une
lutte constante entre les deux pays à coups de hausse de
l'escompte pour rejeter sur le voisin le soin de payer la
balance passive de l'Europe. De là des perturbations inces-
santes, des i^éductions dans l'encaisse des banques et des
variations constantes dans les taux de l'intérêt à 6, 7 et
8 Wq. II s'ensuivit des embarras sérieux, de nombreuses
faillites, puis une stagnation des affaires, mais point de
convulsion semblable à celles de 4825, 4847 et 4857. Ce
n'était qu'une lutte pour l'or, mais qui n'en fut pas moins
très désastreuse.
Crises de contraction monétaire. Elles se manifestent
par une baisse lente et continue des prix et elles sont de
longue durée. On peut en signaler deux dont les carac-
tères sont très semblables, celle de 4820 à 4830 et celle de
4874 à 4889. Après la chute de Napoléon en 4845 et le
rétablissement de la paix en Europe, on s'attendait à une
période de grande prospérité : il n'en fut rien. Le prix do
tous les produits tomba dans une telle proportion que la
gêne devint générale et intense. M. Atwood dit dans la
Chambre des communes le 40juil. 4822 : « Les prix des
quarante marchandises sur lesquelles Pexamen a porté
ont baissé de 40 «/o, c.-à-d. autant que les denrées agri-*
coles. » Sismondi,en 4827, parlé de cette grande «calamité
CRISE
- 384
européenne» : « Un cri de détresse s'élève de toutes les villes
manufacturières du vieux monde et toutes les campagnes
du nouveau monde lui répondent. Partout le commerce est
frappé d'une même langueur, partout il rencontre la même
impossibilité de vendre. Il y a cinq ans au moins que la
souffrance a commencé, et loin de se calmer elle semble
s'accroître par la durée. C'est aussi un symptôme funeste
de cette souffrance universelle que ces associations patrio-
tiques que l'on voit se former en Belgique, en Allemagne,
pour repousser les marchandises étrangères. Le système
, protecteur qui prévaut aujourd'hui dans l'opinion c'est la
détresse qu'on a partout sous les yeux qui l'a fait adopter. »
Après avoir parlé de la misère des ouvriers de l'industrie,
Sismondi ajoute : « En même temps, fermiers et proprié-
taire se plaignent de leur ruine ; ils demandent a grands
cris des lois protectrices du monopole ; ils déclarent ne
pouvoir soutenir la concurrence étrangère, et en effet beau-
coup de fermiers font faillite, beaucoup de propriétaires
abandonnent le quart ou le tiers de leurs fermages. Enfin,
de fréquents incendies de récoltes et de maisons rurales
annoncent l'irritation et la fermentation sourde des journa-
liers de l'agriculture et l'état précaire de toute la société
(Etud, d'Ec. poL, t. II, p. 226.) » On attribua cette crise
à l'excès de production et à l'encombrement, au g lut qui en
résultait. J,-B. Say prouva que telle ne pouvait en être la
véritable cause. Le fait est que les moyens d'échange étaient
insuffisants, au moment où la paix amenait une plus grande
activité du commerce et de l'industrie. Le total de l'or et
de l'argent produit annuellement était tombé de 265 mil-
lions pendant la période 4801-1810 à 153 millions en
1821-1830, et, en même temps, l'Angleterre, qui venait
d'adopter l'étalon d'or et de reprendre les payements en
numéraire, soutira à la circulation du monde plus de
500,000,000 fr., somme énorme à cette époque. De 1874
à 1888, on a vu se produire une crise du même genre :
baisse générale des prix, difficulté de vendre, réduction des
bénéfices, détresse de l'agriculture, retour au système
protecteur. On en trouvera les détails dans les rapports
des deux commissions parlementaires anglaises : Commis-
sion on Trade dépression (1886) et Gold and Silver
Comm^ission (1888). Certains économistes ont attribué
cette crise, ainsi qu'on l'a fait en 1820-1830, à l'excès de
production. Je l'attribue principalement à l'insuffisance du
numéraire relativement au .prodigieux accroissement de
l'activité économique. Depuis 1874,1a frappe libre de l'ar-
gent, jusque-là le métal monétaire principal, a été sus-
pendue et en même temps la production de l'or est tombée
de 700 millions par an (1852-1856) au-dessous de
500 millions. (V. De Laveleye, la Monnaie et le Bimé-
tallisme international^ 1891).
Crises industrielles. — Je n'ajouterai rien à ce que j'en
ai dit plus haut. Il serait trop long de faire connaître en
détail les crises qui frappent tantôt l'une, tantôt l'autre
industrie.
Crises de la spéculation ou krachs. — Parmi les crises
de ce genre, on peut citer au siècle dernier celle des tuli-
pes en Hollande, des South-Sea-Biibbles en Angleterre, du
système de Law en France, et, à notre époque, le krach de
1874 à la Bourse de Vienne et celui de 1882 à la Bourse
de Paris. Je ne dirai rien du « système » de Law (V. ce
nom) qui est trop connu. Je parlerai seulement des krachs
des tulipes et des Bubbles qui le sont moins. En 1634, la
mode des tulipes fit fureur en Hollande et la spéculation se
porta sur les bulbes de cette fleur que Busbeck avait apportés
d'Andrinople en 1554. Chacun voulut en avoir et il s'établit
ainsi un marché régulier où l'on cotait les prix comme pour
les fonds publics et où l'on en achetait beaucoup à terme.
La valeur de ces oignons monta rapidement. Tous ceux qui
en achetaient gagnant de l'argent, la passion de l'agiotage
s'empara de toutes les classes de la population. Les paysans
vendaient leurs terres pour acheter des tulipes. Certaines
variétés, comme le Semper augustus^ se cotaient 3,000
et 4,000 florins. Chose extraordinaire, la spéculation se
maintint pendant quatre ans. Quand la baisse se déclara,
ce fut une débâcle. Il y eut des procès et des ruines sans
nombre et un grand déplacement des fortunes.
Le b^ach des Souih-Sea-Bubbles, qui eut lieu en même
temps que celui de Lav^, présenta les mêmes caractères. En
1711, le Parlement autorise, en faveur des créanciers de
l'Etat, la fondation d'une société à qui était attribué le pri-
vilège du commerce dans les mers du sud de l'Amérique.
Comme Law^, elle entreprit de rembourser et de convertir
une partie de la dette publique, et pour cette opération
elle émet des actions sur lesquelles se jette la fièvre de la
spéculation. Ces actions montant à trois et quatre fois
leur valeur^ nominale, un grand nombre de personnes
gagnèrent vite et beaucoup. De toutes parts surgirent alors
des sociétés en quantité innombrable pour les objets les
plus divers et souvent les plus insensés. Les lanceurs
d'affaires ne réclamaient qu'une livre, ou même parfois un
shelling par action ; ainsi avec une petite somme on pou-
vait spéculer sur beaucoup de titres. A Londres comme à
Paris toutes les classes furent entraînées dans le tourbil-
lon. Le Change alley où était la bourse présentait le même
spectacle que la rue Quincampoix à Paris. Malgré un bill
du Parlement, qui défendait la création des sociétés nou-
velles et malgré la chute du système de Law qui venait de
se produire (1720), la fureur de l'agiotage se transforma
en une sorte de folie. Ainsi, par exemple, les journaux
annoncèrent une société qui demandait 2 millions de livres
« pour une entreprise très fructueuse dont on ferait connaître
l'objet plus tard ». Les souscripteurs accoururent en foule.
Les ^actions de la mer du Sud atteignirent le cours de
1,050 et toutes, même celles qui ne représentaient rien,
firent prime.
Pour concentrer toutes les ressources de la spéculation
sur ses titres, la South-Sea-Company fit interdire plus
sévèrement, par décision de la Chambre des communes,
toute création nouvelle de sociétés. La mesure eut un
effet désastreux. Elle donna le signal des réalisations.
La baisse se déclara plus rapide, plus furieuse encore que
la hausse. De toutes les sociétés il ne resta presque rien.
Une enquête ordonnée par la Chambre des communes
révéla les falsifications sans nombre commises par les di-
recteurs de la South-Sea-Company , Les conséquences
de ce krach inouï fut une longue et pénible dépression
des affaires.
Remèdes pour prévenir les crises. — Comme il y a trois
causes principales produisant les crises, il y a trois remèdes
qui s'indiquent, chacun s'appliquant à l'une de ces causes.
1** Ne pas réduire à l'excès la base métallique de la cir-
culation. Les financiers anglais les plus éminents et les
présidents des Etats-Unis qui se sont spécialement occupés
de cette question ont unanimement recommandé d'augmenter
la quantité du numéraire c{ui sert de base au crédit. Et en
effet, la France, dont la circulation métallique est relative-
ment plus considérable que celle de l'Angleterre, a beau-
coup moins souffert des crises. Les pertes qu'imposent ces
crises et même les dépressions monétaires si fréquentes à
Londres coûtent au commerce beaucoup plus que l'économie
faite sur l'emploi du numéraire. L'application de ce remède
dépend des gouvernements qui peuvent interdire les trop
petits billets de banque. 2*^ Dans les moments d'expansion,
ne pas s'associer au mouvement, en achetant à crédit
beaucoup de titres et de marchandises. Ce remède dépend
de la prudence des particuliers. 3^ Elever en temps utile
le taux de l'escompte. L'oubli de cette règle a augmenté
notablement la violence des crises de 1825 et de 1847, et
son application les a prévenues dans ces derniers temps.
Ce remède n'est pas agréable au commerce, mais ses incon-
vénients ne sont rien auprès des désastres qu'il prévient.
La science, en étudiant les causes des phénomènes, et la
sagesse, en appliquant les remèdes qu'elle indique, peuvent
beaucoup pour prévenir ou pour atténuer les maux écono-
miques dont souffrent les nations. Emile de Laveleye.
IL Pathologie. — La crise, telle que la comprenaient les
— 385 —
CRISE — CRISPI
anciens, désignait la solution de la maladie ou simplement
une mutation importante de celle-ci. Le plus souvent il
s'agissait d'une modification favorable delà maladie, Tefifort
critique de la nature s' exerçant toujours dans ce sens.
Dans la crise dite fatale, c.-à-d. avec issue malheureuse,
la maladie elle-même était incriminée, et non la crise qui
a été ou n'a pu être qu.H7npar faite, vu la puissance du
mal. C'est à peu près la doctrine hippocratique des crises,
qui a subi bien des variations même dans l'antiquité grecque,
et qui se liait intimement à la conception des maladies et à
leur évolution ; il y avait des jours critiques^ particulière-
ment dans les fièvres, dont l'évolution, suivant la doctrine
hippocratique, se faisait par septénaires, la vraie crise favo-
rable arrivant toujours le dernier jour de chaque période,
le jour dit indicateur ; les jours non critiques s'appelaient
intercalaires et étaient favorables ou défavorables, selon
qu'ils étaient impairs ou pairs. Naturellement la crise se
manifestait par un amendement ou une modification des
symptômes, l'effort critique de la nature déterminait, par
les émonctoires naturels, l'évacuation des humeurs arrivées
à coction. On appelait lyse une variété de crise (kûaiq,
délivrance, solution) qui s'opérait lentement et graduelle-
ment ; cette dernière forme a été admise par Galien, qui a
du reste fort embrouillé la doctrine des crises. — On peut
se demander ce qui est resté aujourd'hui de cette doctrine.
Certes, un grand nombre de phénomènes considérés comme
critiques par les anciens se rattachent à l'évolution na-
turelle de la maladie et en constituent des symptômes
constants et en quelque sorte nécessaires, mais il n'en est
pas moins vrai que, particulièrement dans les maladies
aiguës, il peut se présenter soudainement des symptômes
qui indiquent une modification réelle de la maladie et font
prévoir une issue prochaine favorable ; telles sont l'hémor-
ragie nasale qui termine subitement une fièvre catarrhale,
la sueur qui indique la fin d'un grand nombre de maladies
fébriles, les urines sédimenteuses qui annoncent la fin
d'un accès de goutte, etc. Signalons encore les caractères
du pouls, qui souvent permettent de pressentir une modifi-
cation favorable d'une maladie aiguë. Au point de vue
pratique, la connaissance des phénomènes dits critiques
peut donc rendre des services réels, mais on conçoit qu'avec
les progrès de la physiologie pathologique, le domaine de
la crise se réduise de plus en plus ; les phénomènes qui la
constituent n'offrent plus rien de mj^stérieux et trouvent
leur interprétation physiologique rationnelle. Quant à la
conception des jours critiques, la science moderne n'en a
rien laissé subsister. D^' L. Hn.
BiBL. : Economie POLITIQUE. — Marx Wirth, Handel-
skvisen. — Juglar, les Crises. — C. Maccleod, Dict. of
PoL Ec.^ v" Commercial crises. — Emile de Laveleye, le
Marché monétaire depuis cinquante ans. — Du môme, la
Monnaie et le Bimétallisme international.
C RIS EN OY. Corn, du dép. de Seine-et-Marne, arr. de
Melun, cant. de Mormant ; 369 hab.
CRISENOY (Jules-Etienne Gigault de), publiciste et
administrateur français, né à Crisenoy (Seine-et-Marne)
le l*^^ avr. 4831. Après avoir publié sous rEmj)ire d'im-
portantes études sur la marine, où il avait servi dans sa
jeunesse, il prit part avec distinction à la défense de Paris
(1870-1871), se rallia, à la République, fut préfet de
l'Indre (nov. 1871), de l'Aisne (1872), de Seine-et-Oise
(13 avr. 1876), et, destitué par M. de Fourtou (19 mai
1877), rentra dans l'administration sous le second cabinet
Dufaure (18 déc. 1877), comme directeur des affaires dé-
partementales et communales au ministère de l'intérieur.
Nommé conseiller d'Etat en service extraordinaire, il passa
en 1880 à la direction du personnel et prit part à la
Chambre des députés à d'importantes discussions d'affaires.
Parmi les nombreux ouvrages de M. de Crisenoy, nous cite-
rons : Etudes sur la situation économique des Antilles
françaises (1860, in-8) ; la Société de Saint-Vincent-
de-Paul dévoilée (iS6i,m-S); Etudes sur T organi-
sation du crédit agricole en France (1861, in-8);
les Ordonnances de Colbert et l'inscription înaritime
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — Xlll,
(1862, in-8); V Ecole navale et les officiers de vaisseau
depuis Richelieu {i^U, in-8); la Marine française au
Corps législatif en i864 (1864, in-8) ; le Personnel
de la marine militaire et les Classes maritimes sous
Colbert et Seignelay (1864, in-8) ; la Campagne ma-
ritime de 1692 (1865, in-8) ; la Liberté deVindustrie
maritime et la puissance navale de la France (1866,
in-8) ',le Sauvetage des naufragés (Exposition de 1867,
1868, in-8, avec 6 pi.) ; Mémoire sur V inscription ma-
ritime (1870, in-8) ; la Situation financière des com-
mwies en i878 et en i879 (1878 et 1879, 2 vol. in-4) ;
l'Enseignement agricole dans les écoles primaii^es
(1879, in-8) ; les Réformes de la législation vicinale
(1880, in-8); la Loi concernant les aliénés {\%%% in-8);
les Aliénés en Angleterre (iSS'd, in-8); Scènes de la
vie maritime: de Roche fort à Cayenne (1883, in-8);
les Petites Communes en France et en Italie (1886,
in-8); les Résultats de V application de la loi dit
20 août i88i sur les chemins ruraux (1886, in-8) ;
Statistique des biens communaux et des sections de
communes (1887, in-8) ; etc. A. Debidour.
CRIS I A (Paléont.). Les premiers représentants de la
famille des Crisiidœ datent du crétacé, et sont plus com-
muns dans le tertiaire {Crisia eburnea de l'oligocène su-
périeur). Les ampoules ovales que l'on trouve souvent sur
les Bryozoaires de ce genre et que l'on a décrit sous le
nom de Cceloma sont des ovicelles ou cellules ovariennes.
CRISINA(V. Idmonea).
GRISOLLES. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Compiègne,
cant. de Guiscard; 474 hab.
CRISPALT. Massif des Alpes, contrefort des Alpes de
Glaris, aux confins des Grisons; les pics principaux sont
le Crispait (3,080 m.) et le Piz Giuf (3,098 m.) ; on
y rattache la pyramide du Bristenstock (3,075 m.) qui
domine la vallée de la Reuss. Le massif de Crispait est
limité au S. par le col d'Oberalp qui le sépare du Saint-
Gothard.
CRISPI (Francesco),hommepolitiqueitalien,né à Ribera
(en Sicile) le 4 oct. 1819. Il étudia le droit à Païenne.
Avocat dans cette ville en 1846, il se rendit à Naples pour
y défendre les intérêts de l'Eglise grecque. C'est là que,
lié avec des révolutionnaires, il commença à conspirer. Il
retourna àPalerme après la révolution du 12 janv. 1848
et fut attaché au ministère de la guerre. Député au Parle-
ment sicilien, il y soutint les idées les plus radicales.
VApostolato^ fondé par lui, professait les doctrines de
Mazzini, qui, du reste, ne comptait que de rares adeptes en
Sicile. Après le retour de Païenne sous le joug du roi de
Naples (15 mai 1849), M. Crispi, exclu de l'amnistie, se
réfugia à Turin, où il collabora obscurément à des journaux
d'opposition contre la politique libérale de Cavour. Conspi-
rant avec Mazzini, il fut renvoyé du Piémont lors de
Féchauffourée milanaise du 6 févr. 1853. Il alla d'abord à
Malte, qu'il fut obligé de quitter aussi deux ans après, puis
à Paris, d'où il fut expulsé le 3 août 1858, et rejoignit à
Londres Mazzini. En 1859, hostile ainsi que son maître à
l'agrandissement du Piémont, regardant l'unité italienne
comme le seul but à poursuivre, il partit de Londres, le 16
juil., pour faire un voyage de reconnaissance et de propa-
gande occulte. Sous divers déguisements et muni de faux
passeports, il parcourut une partie de l'Italie, séjourna
surtout en Sicile, où il s'entendit avec ses amis en vue
d'une prochaine insurrection, revint à Londres le 22 sept,
pour faire son rapport à Mazzini, repartit le 6 oct., des-
cendit à Messine, mais, averti que la police était sur ses
gardes, se rembarqua aussitôt pour la Grèce. Il visita ce
pays, d'où il tire son origine. En 1860, venu à Gênes, il
fut, avec Bertani et Bixio, un des organisateurs de l'expé-
dition des Mille et contribua beaucoup à vaincre les hési- "
tations de Garibaldi. Débarqué avec lui à Marsala (11 mai),
M. Crispi, à qui l'illustre chef avait conféré le grade de
colonel, prit part au combat de Calatafimi. Maître de
Païenne, le dictateur le mit à la tête du gouvernement
^25
CRISPI
— 386
sicilien comme secrétaire d'Etat, ministre de l'intérieur et
des finances (30 mai). Sa personnalité envaliissante, sou
administration aventureuse, son opposition opiniâtre à
l'annexion immédiate de la Sicile au royaume de Victor-
Emmanuel, déterminée par l'intention de ne proclamer
l'unité que dans Rome, soulevèrent de nombreuses protes-
tations. Le 27 juin, une manifestation populaire l'obligea à
sortir du ministère. Mais, resté secrétaire particulier de
Garibaldi, et fort de son appui, il conserva en réalité le
pouvoir. Au mois d'août, il le reprit officiellement comme
ministre ds l'intérieur et de la sécurité publique. Le Pr^-
cursore lai servait d'organe. Il traita plus que jamais en
ennemis ceux qui voulaient agir de concert avec Cavour.
Le prodictateur Depretis, qui., cédant aux vœux des popu-
lations, s'était prononcé pour l'annexion, fut remplacé par
M. Mordini. Plus tard, Garibaldi appela M. Crispi à Naples
pour lui confier le ministère des afïaires étrangères (l^'^ oct.).
Là, il suivit les mêmes errements. D'accord avec Mazzini
etCattaneo, venus à Naples, il continua de s'opposer de
toutes ses forces au plébiscite. Le prodictateur Giorgio Pal-
lavicino se trouvait réduit à l'impuissance. Mais, à la suite
de démonstrations annexionnistes, M. Crispi dut enfin se
retirer (14 oct.). Quand il arriva à Turin comme député
de Castelvetrano, après l'annexion des provinces méri-
dionales, c'était peut-être l'homme politique le plus mal
vu de toute l'Italie.
En 1865, après avoir siégé pendant plusieurs années à
l'extrême gauche, M. Crispi fit une évolution importante.
Dans un opuscule intitulé Repubblica e Monarchia, il
déclara que la république divisait et que la monarchie unis-
sait. C'était se séparer du parti mazzinien. Il devint dès
lors un des chefs du parti radical constitutionnel. Il fonda
la informa avec cette devise : Instauratio ab imis fun-
damentis. Au Parlement, sa parole dure, lente et mono-
tone, produisait peu d'effet, mais, à force d'obstination, il
finit par s'imposer. En 1867, on lui sut gré des efforts
qu'il fit pour arrêter Garibaldi sur le chemin de Mentana.
Il parvint à entrer comme vice-président dans le bureau de
la Chambre. Après les élections générales de nov. 1876, il
en fut le président. En sept. 1877, il fit dans différentes
capitales de l'Europe une tournée qui causa quelque sur-
prise. Le 27 déc, Depretis se l'associa dans son ministère
et lui donna le portefeuille de l'intérieur. Au moment où M.
Ciispi tenait enfin le pouvoir si longtemps ambitionné, il
faillit être arrêté pour toujours dans sa carrière politique
par un grave incident d'ordre privé. On apprit qu'il était
bigame. En déc. 1834, pendant son exil à Malte, il avait
épousé rehgieusement une Savoisienne, celle qui devait le
suivre dans l'expédition des Mille (V. Câlatafimi), et, en
janv. 1855, il avait fait enregistrer ce mariage au consulat
sarde, dont relevait W^^ Crispi, mais non au consulat
napolitain dont il relevait lui-même. Il demeura avec sa
femme jusqu'en 1874, époque à laquelle eut lieu une sépa-
ration de fait. Il vécut ensuite avec une Sicilienne, dont
il eut une fille. Croyant gue le défaut d'enregistrement au
consulat napolitain suffisait à invalider le mariage contracté
à Malte, il avait épousé sa seconde femme à Naples, le 26
janv. 1878, du vivant de la première. Le scandale fut tel,
qu'il dut donner sa démission de ministre (7 mars). Il a
obtenu, depuis, un jugement en sa faveur. M. Crispi ne
se découragea point. Il avait une presse à lui, sérieuse ou
satirique (lo Spillo). Profitant de ce qu'il n'y avait plus
de majorité compacte à la Chambre, il réunit autour de lui
un groupe de dissidents qui, si peu nombreux qu'il fût,
lui conserva une certaine importance. En déc. 1879, il
lut élu président de la commission du budget. De concert
avec M. Nicotera, il appuya la droite dans son opposition
au ministère Cairoli-Depretis, qui fut obligé de dissoudre
la Chambre (2 mai 1880). M. Crispi continua d'entre-
tenir l'agitation, donnant sa démission de député (17 juin),
la retirant le lendemain, sur les instances de ses collègues,
sortant avec ses amis de la salle des séances quand le vote
devait le mettre en minorité dérisoire. C'est son journal,
la Riforma^ qui excita le plus les esprits lors de l'affaire
tunisienne. Cairoli se retira (14 mai 1881), et MM. Zanar-
delh et Baccarini, introduits par Depretis dans le ministère,
en sortirent bientôt à leur tour. Alors, MM. Crispi et Nico-
tera, fusionnant leurs forces avec celles de ces trois chefs
de la gauche, formèrent ainsi une coalition qu'on appela la
Pentarchie, Depretis, avec qui l'ancienne gauche était
arrivée au pouvoir en 1876, voulut transformer les partis,
et, se tournant vers le centre et vers la droite, il les désor-
ganisa peu à peu pour mieux les assujettir. Il gouverna dans
ces conditions pendant plusieurs années, mais un jour vint,
après le douloureux épisode de Dogah en Afrique, où, pour
se soutenir, il eut besoin de désarmer la Pentarchie.
M. Crispi, qui avait pris avec ses aUiés l'engagement de ne
point prêter son concours à Depretis, accepta de lui le
portefeuille de l'intérieur (4 avr. 1887). Depretis mourait
le 29 juil., et M. Crispi, conservant l'intérieur, prenait,
avec l'intérim des affaires étrangères, qu'il ne quitta plus, la
présidence du conseil (7 août). La longue prépotence de
Depretis avait dissous les anciens partis parlementaires, et,
vers la fin, son affaiblissement sénile avait lassé l'esprit
public (V. Depretis). La nation réclamait une direction
énergique. Autoritaire, expéditif et laborieux, M. Crispi
trouvait la situation qui convenait le mieux à son tempéra-
ment. Il fut accepté de tous sans résistance.
Tout vétéran qu'il était, M. Crispi avait l'heur d'être
réputé en quelque sorte un homme nouveau. Son arrivée à
la présidence du conseil déplaçait l'action gouvernementale
en Italie et la transférait du nord au midi. Le Piémont,
combattu par lui autrefois avec tant d'âpreté, n'en soutint
pas moins le ministre sicifien, qui s'empressa, du reste,
de faire les premières avances. Au fond, cependant,
M. Crispi n'a pris aucune grande initiative. L'accession de
l'Italie à l'alliance austro-allemande, la politique coloniale
inaugurée par l'occupation de Massaouah, la dénonciation
du traité de commerce avec la France, sont antérieures à
son avènement au pouvoir. Il n'a fait qu'en suivre les con-
séquences avec plus de décision que ses prédécesseurs. Peu
habitué aux formes diplomatiques, visiblement enorgueilli
de ses relations avec le puissant chancelier de l'empire
d'Allemagne, il a paru d'abord ne négliger aucune occasion
de se montrer provocant et cassant. Ses voyages à Fried-
richsruhe (3 oct. 1887, 21 août 1888), rappelant ses
anciens voyages à Londres, ont fait supposer qu'il recevait
le mot d'ordre de M. de Bismarck, comme jadis de Mazzini,
Aucuns ont pensé qu'il en recevait surtout des conseils de
prudence. Quoi qu'il en soit, ce révolutionnaire, devenu le
ministre dirigeant d'une monarchie, chevalier de la Très-
Sainte Annonciade (10 sept. 1888), décoré des ordres de
Saint-Etienne de Hongrie (30 sept.) et de TAiglc-Noir de
Prusse, est un oirieux exemple de fortune politique. Jus-
qu'aux derniers jours, sa haute situation ne semblait pas
menacée. L'émeute des ouvriers sans travail (8 févr. 1889)
tenait à des causes purement économiques. La confiance
du roi Humbert ne faisait pas plus défaut à M. Crispi
qu'autrefois celle de Garibaldi. S'il donna sa démission le
28 févr., ce ne fut que pour reconstituer son ministère à son
gré le 9 mars, selon la tradition que lui avait léguée Depre-
tis. Le criminel attentat d'Emifio Caporah, commis à Naples
contre le président du conseil (13 sept. 1889) était l'acte
d'un égaré. Le patriotisme exclusif de M. Crispi lui permet-
tait de braver l'opposition naissante. Quand il prononçait à
l'antique le Civis romanus sum (14 oct.), l'amour-propre
national ne pouvait manquer de se sentir flatté. Son attitude
vis-à-vis du Vatican rassurait ceux qui craignaient des
concessions au parti clérical. Le protectorat do l'Abyssmie
semblait devoir couronner les premiers essais d'expan-
sion coloniale. Les finances, obérées par les dépenses mili-
taires et par le régime douanier, étaient sans doute un grave
sujet d'inquiétude. L'industrie et l'agriculture traversaient
une crise très pénible. Mais la suppression des tarifs diffé-
rentiels avecla France (20-23 déc.) faisait espérer des ten-
dances plus favorables à la paix et au progrès intérieur. La
— 387 —
CRISPI — CRISPUS
chute du prince de Bismarck (20 mars 4890), qui devait por-
ter un irréparable préjudice à M. Crispi, tournait presque
d'abord à son avantage. Si le brusque renvoi de M. Seismit-
Doda, ministre des finances, sacrifié aux susceptibilités de
l'Autriche (44 sept.), produisit une fâcheuse impression, la
visite courtoise faite à Milan au chef du gouvernement ita-
lien par le général de Caprivi, successeur du hautain chan-
celier d'Allemagne (6 nov.) , parut mettre enfin l'Italie
sur un pied d'égaUté avec les deux autres Etats dans la
triple alliance. En terminant son apologie au banquet de
Turin (48 nov.), M. Crispi, après avoir affirmé sa ferme
volonté de donner l'essor à la prospérité publique , fît un
chaleureux appel au concours de la nation. Celle-ci, aux
élections générales du 23 nov., lui répondit en envoyant
au Parlement une immense majorité ministérielle. Mais
la démission de M. Giolitti, ministre du trésor, partisan
convaincu des économies, survenue quelques jours après
(9 déc), sembla contredire aux engagements du président
du conseil. Dès le lendemain, à l'ouverture des Chambres
(40 déc), une sourde défiance se fit sentir. Le 34 janv.
4891, un projet de loi sur l'application provisoire de cer-
tains droits douaniers donna lieu à une violente discussion.
Une insulte, lancée gratuitement par M. Crispi aux hommes
de l'ancienne droite (^ui avaient tant fait pour lltalie,
décida du sort du ministère. L'ordre du jour, accepté par
lui, fut rejeté par 486 voix contre 423. M. di Rudinl
forma un nouveau cabinet (9 févr.). Le 24 mars, M. Crispi,
reprenant la tête de l'opposition, sans condamner au tond
le programme de ses successeurs, prononça contre eux un
véritable réquisitoire. La Chambre, par 256 voix contre
96 et 46 abstentions, exprima sa confiance dans le gou-
vernement. Pendant près de quatre ans que M. Crispi est
resté aux affaires, et qu'il a pu en acquérir l'expérience,
on a attendu vainement qu'il donnât sa mesure. Dans le
discours qu'il prononça à Palerme,le 44 oct. 4889, pour
glorifier sa poUtique, évoquant les souvenirs de Mazzini,
de Victor-Emmanuel, de Garibaldi, voire le souvenir de
Cavour, hommage précieux dans la bouche de l'ancien con-
seiller du dictateur des provinces méridionales, qui deman-
dait au roi le renvoi du grand homme d'Etat, M. Crispi
lui-même s'est déclaré mégalomane, FéUx Henneguy.
CRISPIN ou CREPIN (Robert), aventurier normand
qui, vers le milieu du xi® siècle, vint d'Italie méridionale
à Byzance avec une troupe de ses compatriotes et se mit
au service de l'empereur. Cantonné en Asie sur la frontière
d'Arménie, il s'illustra dans les guerres entre les Turcs ;
mais sa turbulence et l'audace avec laquelle il pillait les
propres terres de l'empire obhgèrent Romain Diogène à agir
contre lui. Crispin, après avoir battu les troupes impériales,
fit pourtant sa soumission, et, rentré en grâce, il rejoignit
le quartier de l'empereur ; mais bientôt dénoncé à Romain
par les généraux byzantins, jaloux de sa gloire, il fut des-
titué de son commandement et exilé àAbydos. Il se vengea
cruellement de cet affront. Après la défaite de Romain à
Mantzikiert (4074), il se déclara pour Michel VIL Rappelé
à Constantinople, remis en possession de ses honneurs, il
fut, avec Andronic Ducas, chargé de combattre l'empereur
déchu, et il contribua fort à la défaite de Romain Diogène.
Peu après (avant 4073), Crispin mourut victime, dit-on, de
la jalousie des Grecs qui le firent empoisonner. Ch. Diehl.
BiBL. : ScYLiTzÈs , Michel Attaliote , Nicéphore
Bryenne, avec la note de Ducange, p. 214.
CRISPIN (Gilbert), historien ecclésiastique anglais,
mort abbé de Westminster vers 4447. Il descendait d'une
noble famille normande et avait été élevé à Rec par Her-
luin. Il joua un rôle politique dont les détails sont restés
obscurs et controversés. On lui attribue plusieurs écrits
théologiques dont l'authenticité n'est nullement prouvée ;
mais il est bien l'auteur de l'intéressante biographie de
Herluin, Yita Herluini^ que l'on a sous son nom, et qui
figure dans la collection de Migne. B,-H. G.
CRISPIN (Jean) (V. Crespin [Jean]).
CRISPIN A, fille de Bruttius Prsesens qui fut consul
sous Antonin le Pieux ou Marc-Aurèle, femme de l'em-
pereur Commode. Soupçonnée d'adultère, elle fut tuée par
l'ordre de son mari (Dion, LXXII, 4).
toutes sortes de déprédations. Tacite prétend qu'étant
passée en Afrique, elle avait excité Macer à la révolte et
avait essayé ouvertement d'affamer le peuple romain. Othon
la sauva ; un mariage consulaire lui valut la faveur de la
ville entière. « Tranquille sous Galba, Othon, Vitellius,
elle eut après eux toute la puissance d'une personne riche
et sans héritiers. » (Tac, Hist.^ I, 73.) A. W.
CRISPINUS (L. Bruttius Quintius C), consul en 224
apr. J.-C, fut envoyé en 238 par le sénat vers Aquilée
pour défendre cette ville, avec Ménophilus, contre les
attaques de Maximin. Il sauva la ville, sous les murs de
laquelle l'empereur périt de la main de ses propres soldats.
CRISPO ou CRISPUS, surnom d'Andréa Riccio ou
Briosco, sculpteur padouan du xv^-xvi® siècle (V. Briosco).
CRISPO (Giovan-Battista), poète et savant italien, né
à Gallipoli dans le royaume de Naples, mort en 4595. On
lui doit les ouvrages suivants : De Ethnicis philosophis
cantè legendis, traité contre la philosophie ancienne (Rome,
4594, in-foL); Due Orazioni sulla guerra contra i
Turchi (Rome, 4594, in-4); De Medici laudibus (Rome,
4594, in-4); Vita di Sannazaro^ très curieuse compi-
lation d'histoire littéraire, souvent imprimée en tête des
œuvres du célèbre poète (Rome, 4583, in-8); il Piano
délia città di Gallipoli^ histoire de sa ville natale. Crispo
fut lié d'amitié avec deux savants français qui ont fait son
éloge, le P. Mersenne et Possevin.
BiBL. : CiiioccARELLi, De Illustribus Scrîptoribus nea-
poletanis; Naples, 1640, in-4. — - Toppi, Bibliotheca neapo-
litaaa; Naples, 1683, in-é.
CRISPUS, nom porté à Rome par différents person-
nages. Citons entre autres l'historien Salluste; Julius
Crispus, chef des gardes de l'empereur Sévère qui le fit
périr ; un frère de l'empereur Claude II, bisaïeul de Cons-
tantin le Grand ; un fils de ce dernier, etc.
CRISPUS, personnage des premiers temps du christia-
nisme. Crispus, chef de la synagogue juive de Corinthe,
fut converti ainsi que nombre de juifs de son entourage
par la prédication de saint Paul (Actes des Apôtres, xviii,
8 ; i Corinthiens^ i, 44). La tradition fait de lui un
évoque d'Egine.
CRISPUS (C. Passienus), consul en 44 ap. J.-C. Epoux
de Domitia, fille de Cn. Domitius Ahcnobarbus, il divorça
avec elle pour épouser Agrippine la Jeune qui était veuve
elle-même de Cn. Domitius Ahenobarbus, frère de sa pre-
mière femme ; par conséquent, il était devenu par son
second mariage le beau-père du futur empereur Néron,
après avoir été pendant sa première union le mari de sa
tante. Il était morl en 49, date du troisième mariage
d'Agrippine. Il était connu comme orateur. Il faut le dis-
tinguer du personnage suivant.
CRISPUS (ViBius), de Verceil, orateur du i®"^ siècle de
notre ère, dont Quintilien et Tacite ont parlé avec éloges,
mais de qui il ne reste que quelques fragments insignifiants.
Il mourut à quatre-vingts ans, sous le règne de Domitien,
vers 90 ap. J.-C. G. L.-G.
BiBL. : Meyer-Dûbner, Oratorum romanorum frag-*
menta, CVI. — Teuffel, Hist. de la littéral, rom., § 268, 5;
I 297, 2.— TissoT, Fastes de la province romaine d'Af'riquef
LXXI.
CRISPUS, général byzantin du vi^ siècle, patrice et
comte des excubiteurs sous le règne de Phocas, épousa peu
après Domentia, la fille de l'usurpateur. Mais bientôt,
effrayé des excès de Phocas, désireux aussi de venger une
injure personnelle, il se mit en relations avec Héraclius
(609), et comme préfet de la ville contribua fort au succès
de la révolution qui renversa le tyran. Dédaignant l'empire
qu'on lui offrait, il reçut d'Héraclius l'important gouver-
nement de Cappadoce, et bientôt, par ses hauteurs à l'égard
CRISPUS — CRISTAL
-388
du nouveau prince, par l'indépendance de son attitude, il
se rendit suspect à l'empereur. Mandé à Byzance, il fut
enfermé au monastère de Chora, où il mourut l'année sui-
vante. L'Anthologie renferme plusieurs épigrammes rela-
tives à ses libéralités. — Théophane identifie Crispus avec
Priscus, l'un des plus illustres généraux du règne de l'em-
pereur Maurice. Placé en 588 à la tête de l'armée d'Orient,
il souleva par ses hauteurs une sédition militaire, et tut
rappelé à la suite de cet incident. Chargé en 592 du com-
mandement des troupes destinées à repousser les Avares,
il fut d'abord battu à Périnthe et bloqué dans la forteresse
do Tzouroulon. Mais bientôt il prit l'offensive contre les
Avares et les Slaves, et dans plusieurs campagnes heureuses
(593-o9o) il franchit le Danube et pénétra jusqu'en Va-
lachie. Rappelé en 595 pour faire place au frère de l'em-
pereur, il fut en 598 remis à la tête de l'armée, et cette
fois encore il rejetâtes Avares jusqu'au Danube, reprit sur
eux la forte place de Singidunum, et après avoir nettoyé la
Mœsie, poussa victorieusement jusqu'à la Theiss. De nou-
veau destitué après ces succès, il passa vraisemblablement
au parti de Phocas dans la révolution de 602, et mérita
ainsi de devenir le gendre de l'usurpateur. Ch. Diehl.
BiBL. : Théopïiylacte Simocatta ; Leipzig, 1887, éd. de
Bo(3r. — NîGEPHORE le Patriarche ; Leipzig, 1880, éd. de
Boor.
CRISS, KRIS ou KRICH. Arme nationale des Malais,
très répandue dans l'archipel Asiatique, dans la presqu'île
malaise , en un mot partout où s'est portée la race
malaise. Les Malais non civilisés, en partie de race indo-
nésienne, comme les Dayaks de Bornéo ou les Battas de
Sumatra, Font adoptée également. L^e criss est une sorte
de poignard long de 40 à 60 centimètres, qui présente plu-
sieurs particularités. D'abord sa poignée a la forme plus
ou moins recourbée ; on la tient avec le pouce et les trois
derniers doigts
de la main, le
doigt indicateur
étant appuyé
contre la lame
pour diriger le
coup. La fusée,
en bois, en os
ou en métal, est
le plus souvent
garnie de riches
sculptures; le
pommeau est
toujours plus ou
moins allongé et
rejeté de côté.
La lame est on-
dulée et présente
le plus souvent
la forme flam-
boyante ; elle est
couverte de stries
onduleuses ou de
dessins fantai-
sistes auxqueli
Criss malais et son fourreau.
on attache une signification superstitieuse. On prétend qu'on
obtient l'effet fibreux de la lame en la forgeant d'une mul-
titude de fils de fer et en la plongeant ensuite dans de la
chaux ou dans un acide; les aiguilles anglaises sont surtout
employées aujourd'hui pour confectionner ces lames. Vers
le talon, la lame s'élargit et forme une espèce de garde.
Le fourreau se termine du côté de cette garde par une
espèce de traverse en forme de bateau dans laquelle s'ajuste
la partie élargie du talon do la lame. Le criss se porte
ordinairement derrière le dos, enfoncé dans la ceinture. Il
est presque toujours couvert de différents amulettes ou
fétiches auxquels on attribue un pouvoir surnaturel, comme
en général aux criss eux-mêmes ; souvent ces armes sont des
objets sacrés et en tout cas très estimés; parfois leur poignée
et leur fourreau sont en or et couverts de pierres précieuses.
Le criss présente des analogies avec certaines armes du
Tibet et de la Birmanie. J. D.
BiBL. : CoL Lane-Fox, Catalogue of anihropolog. col-
leclion; Londres, 1877, pp. 1 et 2,in-8. — J.-E. Wood, Mciî2
and fils handswork ; Londres, 1886, in-8.
CRISSA (Géogr. anc). Ville de Phocide, au S.-O. de
Delphes (Y. ce nom), près du champ de courses des jeux
Pythiques. Homère la quahfie de « très sainte ». Enrichie
par son péage sur le commerce de la Grande-Grèce et les
pèlerins qui allaient à Delphes, elle entra en conflit avec
l'oracle ; les Amphictyons la détruisirent et consacrèrent
le sol au dieu. Elle fut rebâtie par les gens d'Amphissa et
rasée de nouveau. Une bourgade a étérétabhe sur l'ancien
site de Crissa.
CRISSA Y. Corn, du dép. d'Indre-et-Loire, arr. de
Ghinon, cant. de l'Ile-Bouchard ; 289 hab.
CRISSÉ. Corn, du dép. de la Sarthe, arr. du Mans,
cant. de Sillé-le-Guillaume ; 4,063 hab.
CRISS EY. Corn, du dép. du Jura, arr. et cant. de
Dole; 281 hab,
CRISSEY. Corn, du dép. de Saône-et-Loire, arr. et
cant. (N.) de Chalon-sur-Saône; 571 hab.
CRISTA-Galli (Apophyse) (V. Cmâne).
CRISTAL. I. Minéralogie. — Cristal de roche. Nom
donné aux cristaux de quartz incolores et transparents
(V. Cristallographie et Quartz).
_ IL Industrie. — Le nom de cristal était autrefois exclu-
sivement réservé aux objets taillés ou gravés en cristal de
roche ou quartz hyalin. Ce n'est que vers le xv^ siècle que
cette dénomination fut étendue aux produits les plus parfaits
de l'art du verrier. C'est ainsi que les produits des célèbres
verreries de Murano étaient connus sous le nom de cristal
de Venise ou de verre cristaUin ; aujourd'hui encore, cer-
tains verres de Bohème sont improprement appelés cris-
taux de Bohême. Le nom de cristal doit être exclusivement
réservé au verre à base de plomb et de potasse que
les Anglais commencèrent à fabriquer dans la seconde
moitié du dernier siècle et qu'ils désignèrent sous le nom
de fliîU glass (verre de silex). Comme nous le verrons
dans la suite de cette étude, on a essayé de substituer au
plomb certains métaux, comme le zinc ou le bismuth, et
par extension on a donné à ces nouveaux verres le nom
de cristal. Le verre à base de plomb est principalement
employé à la fabrication de la gobeleterie fine, des vases
d'ornement, des verres d'optique, des imitations de pierres
précieuses (V. Strass), et des couleurs vitrifîables, em-
ployées à la décoration du verre, de la terre cuite et
des métaux (V. Emaux), La question de savoir si les
anciens connaissaient le cristal est une de celles qui ont
soulevé le plus de controverses. Il est hors de doute, et
l'analyse de nombreux échantillons trouvés par les archéo-
logues l'a démontré, que l'oxyde de plomb entrait dans
la composition des anciens émaux, mais on n'a pas encore
trouvé de spécimen de cristal à base de plomb et de
potasse antérieur au xviii« siècle.. Le verre hématin, que
les Gaulois employaient pour émailler leurs armes, et
les imitations de pierres précieuses que l'on fabriquait déjà
du temps de Pline, étaient à base de plomb. Fougeroux
de Bondaroy, membre de l'Académie royale des sciences
(1787), a reconnu que le « miroir de Virgile », disque de
verre conservé dans le trésor de la basilique de Saint-
Denis, renfermait 50 ^/o de son poids de plomb. Girardin
(1843 et 1849) a également constaté la présence de
rox};de de plomb dans un petit vase de verre blanc à
parois épaisses et dans des fragments de verre trouvés dans
des cimetières gallo-romains. Chevreul (Mém. de VAc,
des se., t. XXII), en a également trouvé dans un échan-
tillon provenant du tombeau de Saint-Médard des Prés.
Dans son traité : De Coloribus et Àrtibus Romanormn,
Héraclius, qui vivait vers le viii^ siècle, donne la recette
d'un verre à base de plomb, que l'on obtiendrait en fon-
dant dans un creuset « éprouvé » de la poudre de plomb
— 389 —
CRISTAL
et du sable dans la proportion de deux du premier, pour
un du second. Dans ses Essais sur divers arts^ le moine
Théophile, qui vivait au x^ ou au xi® siècle, cite les recettes
précédemment données par Héraclius. Dans ces conditions,
on ne pouvait obtenir que des silicates de plomb qui devaient
être lourds, fragiles et extrêmement altérables comme le
sont du reste tous les échantillons qui sont parvenus jus-
qu'à nous. Dans les notes qu'il a ajoutées à VArt de la
verrerie de Néri (1752), Merret écrivait : « Le verre de
plomb n'est pas en usage dans nos verreries d'Angleterre,
à cause de sa trop grande fragilité. » Comme preuve du
peu de résistance de ce cristal aux agents extérieurs, on
cite habituellement ce passage du traité de Néri (p. '153) :
« Quercetanus assure avoir vu un anneau fait de verre de
plomb qui, trempé pendant une nuit dans du vin, lui don-
nait une qualité purgative, sans jamais perdre cette pro-
priété. » Dans le même ouvrage, on trouve cependant la
recette suivante : plomb calciné, 45 livres; fritte de cristal
12 livres, qui devait donner un verre à base de plomb
se rapprochant déjà plus du cristal moderne que ceux que
l'on pouvait obtenir avec les recettes d'Héraclius. C'est aux
Anglais qu'il faut attribuer la découverte du cristal à base
de plomb et de potasse. Bontemps admet qu'à la suite de
la substitution de la houille au bois pour le chauffage
des fours, les verriers anglais ont été conduits à augmenter
la fusibilité de la composition, qu'ils devaient fondre dans
des creusets fermés, et que, dans ce but, ils essayèrent de
l'additionner d'oxyde de plomb. Peligot admet que c'est
plutôt aux progrès de la chimie et au soin apporté dans le
choix des matières premières que sont dus d'abord les
perfectionnements introduits par les Anglais dans la com-
position du verre ordinaire, puis la découverte du cristal à
base de plomb et de potasse. La fabrication de la gobeleterie
de cristal était déjà courante vers 1750, époque à laquelle
Dollond faisait ses premières expériences sur l'achroma-
tisme. C'est à Lambert que l'on doit l'introduction en
France des procédés anglais de fabrication du cristal, vers
1784. La verrerie de Meudon, dans laquelle il fit ses
premiers essais, fut ensuite transportée à Montcenis, puis
au Creuset. Vers la même époque, de Beaufort, directeur
de la verrerie de Saint-Louis, entreprenait la fabrication
du cristal fondu au bois et à pots découverts (1787).
En 1810, d'Artigue qui était déjà le fondateur de la cris-
tallerie de Vonèche (1800) achetait la petite verrerie de
Sainte-Anne à Baccarat, pour la transformer en cristallerie.
Cette usine, tout d'abord d'une importance tout à fait
secondaire, est devenue, sous le nom de cristallerie de
Baccarat, le premier de nos établissements français. Depuis
cinquante ans, le nombre des cristalleries s'est considéra-
blement accru en France, principalement autour des
grandes villes, à Lyon, à Bordeaux, et surtout à Paris où
des établissements comme ceux de Clichy, de Pantin et de
Sèvres ont pris de nos jours une importance considérable.
Le cristal peut être considéré comme un silicate alcalino-
métallique et le verre comme un silicate alcalino-terreux ;
mais, pas plus que le verre, il n'est possible de considérer
le cristal comme une combinaison définie. Cependant on
remarque qu'il doit exister certains rapports, d'une
part, entre les proportions de potasse et de silice, et d'autre
part entre les poids d'oxyde de plomb et de silice. Plus la
proportion de silice est élevée, moins le cristal est fusible,
mais plus il est résistant aux agents physiques et chimi-
ques ; au contraire, en augmentant la proportion des élé-
ments basiques, on abaisse le point de fusion, mais on
rend en même temps le cristal plus altérable. Benrath
considère les verres comme ayant la composition de tri si-
licates et admet pour le cristal les formules limites et
moyennes suivantes :
(K0,3Si02), (PbO,3Si02) (SiW)2,K,Pb
5(K0,3Si02), 6(PbO,3Si02) (Si30^)ii,K5,Pb«
5(KO,3SiO"i, 7(PbO,3Si02) (Si307)i2^K%Pb^
La formule moyenne correspond à : silice, 52 ; potasse,
i2,8 et oxyde de plomb, 35,2. MM. Macs et Clémandot
ont cherché à remplacer une partie de l'oxyde de plomb
par de l'oxyde de zinc ; en additionnant le cristal d'acide
borique et d'oxyde de zinc, ils ont obtenu des borisilicates
de zinc, de plomb et de soude ou de potasse, possédant
des qualités intermédiaires entre celles du verre et celles
du cristal. En remplaçant la potasse par le thallium qu'il a
découvert, Lamy a pu obtenir un cristal très dense, peu
altérable, extrêmement réfringent et dispersif. On doit
également à Feil un cristal remarquable par ses propriétés
optiques et dans la composition duquel entre le didyme.
Le bismuth est également employé dans la préparation de
certains verres d'optique.
Le cristal d'une composition moyenne est peu altérable ;
cependant, si on le réduit en poudre fine et qu'on l'agite
dansTeau pendant quelques minutes, une petite quantité
de plomb entre en dissolution et peut être retrouvée par
les procédés ordinaires de l'analyse chimique. A part l'acide
fluorhydrique qui le dissout, les acides minéraux ou orga-
niques ont peu d'action sur le cristal. Au point de vue
physique, le cristal se distingue du verre par son éclat,
sa blancheur, sa densité, sa sonorité, ses pouvoirs dispersif
et réfringent. Plus fusible que le verre, le cristal fond vers
920°, il est meilleur conducteur de la chaleur et reste
plus longtemps que lui à l'état pâteux. Au moment de sa
solidification provoquée par le refroidissement des couches
superficielles, la masse intérieure du cristal est encore à
l'état demi-fluide, il en résulte un état d'équihbre instable
qui se rompt soit accidentellement, soit sous l'influence
d'une action mécanique, telle qu'un choc, une vibration, etc.
La lumière n'a pas d'action sensible sur le cristal. Sa
densité varie avec la proportion d'oxyde de plomb; elle est
toujours supérieure à celle du verre ordinaire et n'est
limitée que par la trop grande altérabilité des produits trop
riches en plomb. Son pouvoir réfringent est notablement
supérieur à celui du verre et augmente avec la densité ; le
pouvoir dispersif du flint-glass est double de celui du
crown, celui du verre de thallium est encore plus élevé.
Indice
Densité de réfraction
raie D.
Verre à glace 2,48 à 2,53 1,130
Cristal ordinaire 3,25 1,600
Cristal de Guinand. . . . 3,417 1,778
Verre de thallium 4,1 80 1 ,673
Le coefficient de dilatation linéaire est pour le cristal
ordinaire de 0,00000757 et le coefficient de dilatation
cubique de 0,00002271. La proportion des éléments qui
entrent dans la composition du cristal est assez variable ;
elle dépend de la nature des produits que l'on veut obtenir;
cependant on peut admettre comme composition moyenne
les nombres suivants : sable, 3 parties ; minium, 2 parties ;
carbonate de potasse, 1 partie; le plus souvent on addi-
tionne ces matières d'une certaine proportion de groisils ou
débris de cristal déjà fondu. Même en employant des pro-
duits d'une grande pureté, et nous verrons dans la suite
le soin que doit comporter leur choix, on obtiendrait un
cristal légèrement coloré en vert. On parvient à une déco-
loration complète en ajoutant à la composition certains
oxydes qui, comme le manganèse, le nickel, colorent le
verre en violet ; cette nuance complémentaire de la couleur
verte l'annule complètement.
D'après Henrivaux on peut admettre comme composition
moyenne du cristal les proportions suivantes, en y com-
prenant le décolorantet legroisil: sable, 100; minium, 67;
potasse pure, 30 ; nitrate de potasse, 3 à 4 ; peroxyde de
manganèse, 0,025; débris de cristal, 160. Le cristal étant
principalement destiné à la fabrication d'objets de prix, il
importe de n'employer que des matières premières d'une
grande pureté et d'éviter avec le plus grand soin la pré-
sence de l'oxyde de fer, qui, même en très petite propor-
tion, donne une coloration verte, et par suite déprécie les
produits fabriqués. — Silice. En France, on emploie de
préférence les sables blancs de Fontainebleau, d'Etampes,
CRISTAL
»- 390
de Senlis, de Nemours et d'Epernay. Quelques cristalleries
emploient le quartz ou ie grès qui sont d'abord étonnés,
puis pulvérisés sous des meules. En Angleterre, les sables
de Fîie de Wight sont avec ceux de France ou d'Amérique
les plus estimés. — Potasse. Le carbonate de potasse
doit être choisi aussi pur que possible, bien exempt de
matières organiques, de sulfates, de chlorures et de sels de
soude ou de fer. En Angleterre, on emploie de préférence la
potasse perlasse d'Amérique, que l'on purifie avant de la livrer
aux cristalleries. En France, on emploie concurremment avec
les potasses d'Amérique, de Hongrie, de Toscane on d'Alle-
magne, les potasses mdigènes provenant de la calcination
des résidus de sucreries. Le carbonate de soude, que l'on a
essayé de substituer au sel de potasse, donne toujours une
coloration verte, mais le nitrate de potasse peut avec avan-
tage remplacer une certaine proportion du carbonate
employé. — Minium, Le minium est choisi de préférence
à la litharge qui est en général moins pure et renferme
souvent du plomb métallique. Quelques cristalleries pré-
parent elles-mêmes leur minium à l'aide de plombs bien
exempts de cuivre ou de fer ; ceux d'Espagne sont les
plus estimés . — Groisils, Les groisils comprennent les
rognures faites par les verriers à l'aide de leurs ciseaux,
les débris provenant de la casse dos objets fabriqués, et
le cristal adhérant aux cannes, cordelines ou pontils (mors
de canne ). Ces débris sont soigneusement épluchés pour
les débarrasser des parties souillées par l'oxyde de fer,
ils sont ensuite traités par l'acide chlorhydrique ou sulfu-
rique étendu pour achever leur purification.
Creusets et fours. Le choix des argiles destinées à la
fabrication des creusets ou des briques qui entrent dans
îa construction des fours est de la plus grande importance ;
elles doivent être très réfractaires et par suite autant que
possible exemptes de fer, de chaux, de magnésie ou d'alca-
lis. Les plus estimées proviennent de Forges-les-Eaux et
de Guy de Saint-Fiacre (Seine-Tnférieure), du pays de
Bray, de Champagne, de Montereau, de Provins en France;
d' Anciennes en Belgique ; de Stourbridge en Angleterre ; de
Klingenberg-sur-le-Main, de Bonn, de Poméranie et du
Palatinat, en Allemagne. Afin de diminuer le retrait
qu'elles subissent à la dessiccation et qui peut provoquer
des fissures à la cuisson, il est nécessaire de les mélanger
d'une certaine proportion de ciment d'argile déjà cuite ou
d'une petite quantité à' écailles de pots, c.-à-d. de débris
de creusets soigneusement débarrassés du cristal qui y était
adhérent. Un mélange d'argile grasse de Forges et de
ciment d'argile cuite d'Andennes peut supporter les plus
hautes températures sans se fendre ou se déformer. Ce
mélange est habituellement fait dans les proportions sui-
vantes : 450 terre d'Andennes crue, 450 terre de Nor-
mandie crue, 200 terre d'Andennes calcinée, 200 débris
de pots. Suivant le mode de chauffage employé, les creusets
sont ouverts ou fermés ; les premiers sont utilisés dans
les fours au bois et dans les fours à gaz (système Siemens),
les seconds sont employés dans les fours chauffés à la
houille et dans les fours mixtes (système Boétius). Avant
de procéder au façonnage des creusets, la terre est aban-
donnée au pourrissage (V. Céramique), puis soigneusement
marchéepour la rendre aussi homogène que possible. Les
creusets sont faits avec ou sans formes, c.-à-d. avec ou
sans moules ; les premiers sont d'une exécution plus facile
et de forme plus régulière, mais les seconds sont habituel-
lement de plus de durée. La fabrication se fait à l'aide de
colombins de terre que l'on superpose les uns au-dessus
des autres en les battant fortement à l'aide de maillets de
bois. Les creusets ouverts ont une forme légèrement tron-
conique, la base est un peu moins large que l'ouverture;
les creusets fermés ont la même forme, mais sont recou-
verts d'un dôme présentant une ouverture latérale qui
vient s'emboîter dans l'ouvreau du four. Les dimensions
sont assez variables ; elles varient de 50 centim. à 4 m.
avec une hauteur moyenne de 65 centim. ; leur capacité
est d'environ 200 lit. correspondant à une charge de 500
à 600 kilogr. de cristal fondu ; pour supporter la pression
d'une pareille masse, il est nécessaire de leur donner une
épaisseur d'environ 40 centhn. au fond et de 7 centim.
aux parois. On a imaginé des creusets divisés par des cloi-
sons de terre en trois compartiments communiquant les
uns avec les autres par des ouvertures ménagées dans les
parois ; dans le premier, on enfourne les matières premières,
dans le second, se fait l'affinage du cristal que l'ouvrier
puise dans le troisième; ces creusets, d'une construction
compliquée, sont en somme peu employés. Généralement
pour avoir à la surface du cristal un espace débarrassé de
fiel de verre j on se contente d'introduire, pendant la fabri-
cation du creuset, un anneau de terre réfractaire qui vient
flotter sur la masse en fusion. Avant d'être placés dans
les fours, les creusets doivent subir une dessiccation lente
et progressive dont la durée dépend de l'épaisseur des
parois; ils sont ensuite portés dans Varche, four spécial
Fig, 1, — Coupe verticale du four de fusion Siemens.
destiné à la cuisson des creusets, dont on élève graduelle-*
ment la température jusqu'au rouge ; au bout de deux ou
trois jours ils sont enfin portés dans le four de fusion. Le
bois n'est pour ainsi dire plus employé pour le chauffage
des fours ; la houille est à l'heare actuelle le seul com-
bustible en usage. Ces fours peuvent se rattacher à trois
types : 4° les fours à chauffage direct; 2^ les fours à gaz
avec générateur indépendant et récupérateur ; 3^ les fours
mixtes. Les fours à chauffage direct sont rectangulaires ou
ovales; ils renferment de quatre à huit creusets, disposés
sur deux banquettes placées de chaque côté du four et
Fig. 2. — Coupe verticale du générateur à gaz Siemens.
séparées par la grille sur laquelle se fait la combustion de
la houille. Les flammes résultant delà combustion circulent
autour des pots et viennent s'échapper par des conduits
ménagés dans l'épaisseur de la maçonnerie, pour déboucher
ensuite dans une cheminée centrale. Dans les fours à gaz
(système Siemens), les gaz du générateur et l'air arrivent
dans le four à une température très élevée par suite de leur
passage à travers les récupérateurs avant de s'échapper
dans la cheminée ; les produits de la combustion traversent
une seconde batterie de récupérateurs à travers lesquels les
gaz et l'air viendront s'échauffer après inversion des cou-
— 391 —
CRISTAL
rants gazeux. L'installation de ces appareils est coûteuse,
mais les avantages considérables que Ton retire de leur
emploi procurent une économie de combustible qui peut
s'élever à 50 % de la dépense d'un appareil à chauffage
direct, et l'absence de cendres et de parcelles de charbon
qui peuvent être projetées dans les pots permet d'employer des
creusets ouverts. Les fours mixtes, système Boétius, dont la
construction est beaucoup moins coûteuse, ont été substi-
tués aux fours à chauffage direct dans la plupart des cris-
talleries dont Fimportance ne comportait pas l'installation
des appareils Siemens. La houille est chargée par deux
ouvertures latérales et vient tomber sur deux foyers placés
à la partie inférieure du four. Les gaz résultant de la
combustion incomplète et de la distillation de la houille
s'enflamment sur la sole du four au contact de l'air qui a
pénétré par des ouvertures disposées de chaque côté des
générateurs et qui s'est échauffé en traversant le massif de
maçonnerie. Les gaz enflammés circulent autour des creu-
sets et viennent s'échapper dans une cheminée centrale.
Les fours Boétius ont été perfectionnés en Angleterre par
MM. Pellat et Rickman, et en France par MM. Appert
frères. L'économie qui résulte de leur emploi à la place
des fours à chauffage direct peut être évaluée à 30 «>/o.
Pour éviter la ré-
^;^^^^^^ duction du plomb
pendant la fusion
du cristal, il im-
porte de main-
tenir constam-
_^^^^._ ment dans l'inté-
Fig. 8. - Creusets pour la fonte du cristal, ^^^^^ ^^ ^^"^ ""®
atmosphère oxy-
dante, en laissant pénétrer une quantité d'air supérieure à
celle qui est théoriquement nécessaire à la combustion des gaz
inflammables. On opère la fusion et l'affinage du cristal en
trente-six heures et on épuise le pot en douze heures ; toutes
les quarante-huit heures, on renouvelle donc la charge et
chaque équipe de verriers ou place, ayant toujours deux
creusets en service, épuise le premier pendant la fusion
et l'aflSnage du second. En Angleterre, chaque place pos-
sède un plus grand nombre de pots ; l'enfournement se
fait le jeudi soir, la fonte et l'aflinage durent jusqu'au
lundi matin, et le travail du cristal est conduit de façon à
épuiser le creuset en quatre jours. Pour obtenir une fonte
régulière et une masse de cristal bien homogène, il importe
Fig. 4. -
■ Coupe verticale du four à cristal^ Boétius
" à lE creusets.
de mélanger les matières premières le plus intimement
possible. Le sable et la potasse, tous deux exactement
pesés, sont versés dans une caisse de bois ou de métal et
soigneusement mêlés ; le minium est ensuite ajouté et la
masse de nouveau mélangée avec des pelles de bois ou à
l'aide de malaxeurs ; la composition est portée dans le
hall de fusion et projetée dans les creusets par petites por-
tions, pour ne pas les refroidir trop brusquement, ce qui
pourrait entraîner leur rupture.
Défauts du mstaL Une fusion mal conduite, des
matières premières impures ou certains phénomènes de
dévitrification peuvent amener la production de défauts
dans le cristal en fusion. La coloration verte de la masse
est le plus souvent produite par la présence d'oxyde de
fer ou de sels de soude ; les autres défauts, tels que les
bouillons, les stries, les nœuds, les nodules, les grains,
les cordes, les filandres, les gouttes, les larmes proviennent
soit de l'impureté des matières premières, soit d'un afli-
nage insuffisant : l'aspect nébuleux que prend quelquefois
le cristal est causé par la présence du phosphate de chaux
dans la potasse employée. Aussi est-il nécessaire, avant
de commencer le travail, de prélever à l'aide d'une tige de
fer (cordeline) de 'petites masses de cristal ou montres
pour s'assurer du degré d'affmage de la potée.
Travail du cristal. Les outils employés pour le tra-
%
Fig. 5. — A, préparation de la paraison sur le marbre ;
B, paraison; U. D, pose et fabrication de la jambe; E,
F, G, pose et fabrication du pied ; H, empontiliage ; I,
décalottage ; K, découpage ; L, dressage des bords ; M,
verre à pied terminé.
vail du cristal sont simples et peu nombreux; par contre,
pour arriver à une production économique, la collaboration
d'un certain nombre d'ouvriers est nécessaire. Prenons
par exemple la fabrication d'un verre à pied : le cueilleur
plongeant dans le creuset l'extrémité de sa canne y fait
CRISTAL
392
adhérer une certaine quantité de cristal, puis la passe au
carreur qui tout en soufflant dans la masse pâteuse, la roule
sur une plaque de fonte polie ou marbre pour faire la
paraison. Le souffleur s'empare ensuite de la canne et
présente la paraison à un gamin qui y laisse tomber un
filet de cristal fondu ; à l'aide de pinces et enroulant la
canne sur les bardelles ou bras du banc de verrier, le
souffleur fait la jambe du verre et avec des ciseaux la
coupe à la longueur voulue. La canne passe ensuite entre
les mains d'un autre souffleur qui, toujours aidé d'un
gamin, pose le pied du verre. La pièce est alors empon-
tillée; un gamin vient souder le pied du verre à une
petite goutte de cristal fondu qu'il a cueillie à l'extrémité
d'une tige de fer ou pontil ; à l'aide d'une pince froide on
détermine une fente sur la paraison et d'un coup sec on la
détache de la canne. La pièce n'ayant plus la malléabilité
nécessaire pour être travaillée est portée devant un ouvreau
spécial où elle se réchauffe ; elle est ensuite remise au chef
de place qui avec ses ciseaux la coupe à la hauteur voulue,
l'évasé avec une palette de bois et vérifie au compas si
ses dimensions sont bien celles du modèle. Une place ou
atelier comprend habituellement un chef, deux souffleurs,
un carreur et plusieurs gamins. Les objets de forme régu-
lière comme les bouteilles, les gobelets, etc., ou ceux qui
sont ornées de reliefs, de creux, de cannelures ou de tor-
sades, sont soufflés dans des moules. Les moules sont en
bois pour un petit nombre d'exemplaires d'un même objet,
mais pour une fabrication un peu importante on prend de
préférence des moules en fonte douce. Pour les cristaux qui
ne sont pas de dépouille, on emploie des moules à pièces,
qui au moyen de charnières peuvent s'ouvrir pour y intro-
duire la paraison et en retirer la pièce moulée. On doit à
un ancien ouvrier de Baccarat (Robinet, 4824) un ingé-
nieux appareil qui permet de suppléer à l'insuffisance du
souffle de l'ouvrier. La pompe Robinet consiste en im
cylindre de cuivre ou de fer, muni d'un piston à ressort
qui peut s'appliquer exactement à l'embouchure d'une
canne; en appuyant brusquement la pompe contre la
canne, l'ouvrier détermine une compression d'air et une
puissante insufflation dans la paraison. Depuis quelques
années, on tend à employer dans les grandes usines les
procédés imaginés par MM. Appert frères pour le soufflage
du verre par l'air comprimé. Certains objets comme les
plateaux, les coupes, les bols, etc., ne pourraient pas être
obtenus par les procédés ordinaires de moulage et d'insuf-
flation ; ils sont fabriqués à l'aide d'appareils spéciaux dits
moules à presse. Dans une coquille de fonte formée d'une
ou de plusieurs pièces, le verrier introduit une certaine
quantité de cristal fondu et lui fait épouser les contours
du moule en abaissant un noyau de fonte à l'aide d'une
vis ou d'un levier. La surface des pièces moulées est habi-
tuellement rugueuse et terne ; on peut lui donner un assez
beau poli en la rebrûlant devant un ouvreau à réchauffer.
Les pièces soufflées ou moulées, principalement celles qui
comportent des parties rapportées comme les pieds, les
anses, etc., seraient exposées à se briser spontanément si
l'on n'avait le soin de les recuire. Cette opération se fait
dans un four spécial ou arche à recuire, qui consiste en
un long tunnel muni d'un foyer à l'une de ses extrémités.
Les objets fabriqués sont placés dans des caisses de tôle
montées sur galets, et parcourent le four dans toute sa
longueur; ils sont d'abord progressivement réchauffés,
puis peu à peu ramenés à la température ordinaire.
Décalottage. Pour couper exactement à la même hau-
teur les pièces d'un même modèle, on emploie, de préférence
au diamant, un procédé de décalottage, autrefois propriété
des cristalleries de Baccarat, mais aujourd'hui tombé dans
le domaine public. On présente l'objet à découper, au jet
très aplati d'un chalumeau à gaz, et, par l'application d'une
lame d'acier froide, on détermine au point chauffé une
section de la plus grande netteté, dont les bords sont en-
suite rebrùlés à la flamme.
Taille et gravure. La taille, déjà nécessaire pour en-
lever la trace du pontil, est surtout employée comme pro-
cédé de décoration, en déterminant à la surface des objets
des plans qui font valoir le brillant du cristal et produisent
des jeux de lumière. La taille se fait à l'aide de meules
montées sur des tours animés d'une grande vitesse et
habituellement actionnés mécaniquement. On ébauche la
pièce avec une meule de fer imbibée de sable mouillé, et
on égalise le travail à l'aide de meules de grès rouge ; on
doucit les facettes avec un disque de bois couvert de
pierre ponce et on achève le poli à la roue de liège et à la
brosse en se servant pour la première de potée d'étain et
de rouge anglais ou colcotar pour la seconde. La gravure
est également très employée pour la décoration du cristal ;
elle se fait à la roue, à l'acide ou au sable. La gravure à
la roue est de beaucoup la plus fine, c'est la seule employée
pour les cristaux de prix. A l'aide de petits disques de
cuivre rouge, dont l'épaisseur et le diamètre varient avec
la finesse du travail, on mord le cristal en suivant le con-
tour d'un dessin que l'on a préalablement tracé au crayon
gras. Certaines parties de la gravure peuvent être polies à
l'aide d'une roue de plomb et de potée d'étain ; on obtient
ainsi des traits mats ou transparents qui forment les élé-
ments d'une décoration très artistique. La gravure ,à
l'acide se fait en recouvrant d'un vernis au bitume de
Judée les parties que l'on veut réserver et en soumettant
le cristal à l'action de l'acide fluorhydrique pour obtenir
une gravure transparente ou à celle des bifluorures pour
la morsure en mat. Depuis quelques années, on emploie le
procédé américain de Tilghman pour dépolir les cristaux
destinés à l'éclairage, et pour graver économiquement les
cristaux de bas prix, A l'aide d'un injecteur Giffard,
alimenté par de la vapeur à haute pression, on projette
sur le cristal un puissant jet de sable qui en moins d'une
seconde en dépolit la surface. Une plaque de cuivre ajourée
et recouverte d'une couche de vernis à la gutta-percha,
protège contre l'action du sable les parties qui doivent être
réservées. On peut dorer, argenter ou platiner le cristal en
employant ces métaux réduits en poudre fine et en les
fixant au feu de moufle à l'aide d'un fondant très fusible.
Cristaux de couleur. On colore le cristal à l'aide des
oxydes métaUiques. En général, une petite quantité d'oxyde
suffit pour obtenir une coloration intense ; les plus employés
sont les suivants : l'oxyde de cobalt pour les bleus ; le
bioxyde de cuivre pour le vert ; le protoxyde de cuivre pour
le rouge sang; l'oxyde de chrome pour le jaune rou-
geâtre ; l'oxyde d'uranium pour le jaune topaze ; l'oxyde
de manganèse pour le violet rougeâtre ; l'oxyde de nickel
pour le violet bleuté; le peroxyde de fer pour le jaune
verdâtre ; l'oxyde d'or pour les roses et les rouges ; ï'anti-
moniate de plomb pour l'orangé opaque. Le carbone et le
soufre colorent le cristal en noir (hyalite). L'oxyde d'ura-
nium, introduit dans la composition des verres à base de
chaux et de potasse, produit un dichroïsme très prononcé;
son action est à peu près nulle sur les verres à base alca-
lino-métallique qui sont seulement colorés en jaune. On
obtient le cristal doublé en plongeant la paraison de cris-
tal blanc dans un pot contenant la composition colorée en
fusion, ou bien en étendant à sa surface, à l'aide de pinces
et de spatules, une petite quantité de cristal coloré préala-
blement ramolli à l'ouvreau d'un four. Les cristaux dou-
blés sont fréquemment taillés ou gravés de façon à laisser
apparaître par place les couches profondes incolores qui se
détachent sur un fond coloré. Les oxydes métalliques
servent également à préparer des émaux très fusibles,
qui appliqués au pinceau, puis fixés au feu de moufle, sont
souvent employés à la décoration du cristal.
Cristal trempé. Nous avons vu que le cristal, brusque-
ment refroidi à la température ordinaire, est exposé à se
briser spontanément ; mais si ce refroidissement brusque
est limité à une certaine température, on obtient un dur-
cissement de la matière qui peut donner lieu à d'intéres-
santes applications. On doit à M. de la Bastie un procédé
de trempe du cristal et du verre, qui permet d'obtenir des
B93 -
CRISTAL
produits présentant une grande résistance aux chocs et |
aux changements brusques de température. Cependant
nous devons reconnaître que jusqu'ici la fabrication du
cristal trempé n'a pas encore pris un grand développement.
La trempe du cristal est influencée : 4^ par la composi-
tion ; 2" par la forme et surtout l'épaisseur des pièces ;
3^ par la température de la pièce au moment de la trempe.
Plongé dans un bain très froid, le cristal se brise; si la
température du bain est trop élevée, la trempe est insi-
gnifiante ; un cristal trop plombiféré se trempe mal. La
composition suivante : plomb 50, potasse 100, sable 300,
donne d'assez bons résultats et nécessite pour la trempe
un bain de graisse fondue à 60**. La graisse fondue est
préférée à l'huile pour tremper le cristal, seulement il
faut avoir soin de la priver de toute trace d'humidité en
la maintenant pendant plusieurs heures en fusion. Les
pièces à tremper sont d'abord réchauffées à l'ouvreau du
four jusqu'à commencement de ramollissement du cristal ;
elles sont alors brusquement plongées dans le bain de
graisse, dont on laisse la température s'abaisser graduelle-
ment à 40o. Le cristal trempé est ensuite égoutté dans
des chambres chaudes, puis débarrassé delà graisse par une
série de lavages dans des solutions alcahnes. Ch. GmARD.
Cristal pour f optique (V. Flint-Glass).
IIL Commerce (V. Verre).
IV. Archéologie. — Cristal de roche» Le cristal de
roche est une des pierres sur lesquelles les Ghaldéens
ont laissé des témoignages de leur habileté dans l'art de la
glyptique. Les cylindres en cristal de roche sont cependant
assez rares; le Cabinet des médailles de la Bibliothèque
nationale à Paris en possède quelques-uns : le n'* 747 où
sont gravés Bélus, assis, tenant la coupe, et un Chaldéen
suivi de sa femme en adoration, et encore le n<* 862, avec
un personnage adorant un sceptre surmonté d'un astre à
huit rayons. Hérodote rapporte (lïl, 24) que les Ethio-
piens avaient l'habitude de recouvrir leurs morts d'une ma-
tière transparente appelée uaXo; ; certains archéologues ont
pensé qu'il s'agissait là du cristal de roche ; d'autres y
voient une sorte de verre, un cristal factice. Les Romains
recherchaient le cristal de roche dont ils fabriquaient des
vases. Ils le tiraient de l'Asie et particulièrement de l'Inde ;
le cristal d'Alabanda et d'Orthosia en Carie, était, au
dire de Pline, peu estimé. Il en était tout autrement de
celui qu'on recueillait dans les Alpes. Un des plus gros
blocs de cristal dont on ait gardé le souvenir est celui que
Livie dédia dans le temple du Capitole et qui pesait cent
cinquante livres. Xénocrate avait vu en Orient une amphore
de cristal contenant quatre setiers. L'un des joyaux de la
Le roi Chosroès (Cabinet des médailles).
collection de Lucius Verus était un vase qui tenait plus de
liquide qu'un homme pouvait en boire. Ces vases étaient
ornés de dessins et de figures sculptés en relief ou gravés
en creux. On y retraçait par exemple des scènes tirées des
œuvres d'Homère. Les anciens en faisaient une estime si
grande que Vedius Pollion n'hésita pas à faire jeter dans
un vivier plein de lamproies un esclave qui avait brisé un
vase de cristal; Auguste, indigné de cet acte de barbarie,
ordonna qu'on brisât tous les autres vases de son ami et
qu'on en jetât les débris dans le vivier. En 1547, on dé-
couvrit dans les fouilles de Saint-Pierre, à Rome, un sar-
cophage, qu'on crut être celui de Marie, la fiancée de
l'empereur Honorius, et qui contenait dans une boîte d'ar-
gent, trente vases de cristal, parmi lesquels une coupe
gravée et une lampe en forme de coquille. On se servait
aussi de cette pierre pour faire des chatons de bague ; sous
le Bas-Empire, on fabriqua même des bagues dont le
chaton et l'anneau, d'une seule pièce, étaient taillés dans
un morceau de cristal de roche. Il ne nous est parvenu
toutefois qu'un très petit nombre d'œuvres antiques en
cristal de roche. Citons les plus célèbres : au Musée
britannique, une belle tête d'un Ptolémée, en haut relief;
au Cabinet des médailles, à Paris, une tête de femme
diadémée (n® 171), une autre tête de femme avec les
cheveux noués sur la nuque (n<* 172), la partie antérieure
du corps d'un cheval (n<* 286). Parmi les intailles, il faut
mentionner une plaque de cristal du cabinet Marlborough,
où est gravée la délivrance d'Ariane par Bacchus ; au
Musée britannique (n^ 122), un scarabéoïde de style ar-
chaïque, avec un taureau ; au Cabinet des médailles, une
petite plaque carrée où sont gravés deux corbeaux (n^ 1 991) ,
une intaille représentant Valentinien P^ {i\^ 2107), une
autre représentant le sacrifice de Mithra (n^ 2032), un
bloc de cristal où est gravé un poisson (n° 2165). On
peut encore ranger, parmi les monuments antiques en cris-
tal de roche, le médaillon central de la coupe de Chosroès,
conservée avant la Révolution au trésor de Saint-Denis,
sous le nom de tasse de Salomon, aujourd'hui au Cabinet
des médailles, à Paris; le roi Chosroès, assis sur son trône
y est sculpté en relief (fig. 6).
L'art de travailler le cristal de roche survécut à la civi-
lisation romaine aussi bien en Occident qu'en Orient. Le
Fig. 7.
Buire arabe en cristal de roche (x" siècle)
(Musée du Louvre).
Musée britannique possède une plaque circulaire de cristal
de roche de six pouces de diamètre, où un artiste du ix^ siècle
a gravé en plusieurs petites scènes l'histoire de Suzanne et
des vieillards. Autour du médaillon central, se développe
l'inscription : Lotharius rex Francorum me fieri fecit.
Ce précieux monument provient de l'abbaye de Vézor-sur-
Meuse où il était monté en agrafe de chape. Une autre
CRISTAL — CRISTALLISATION
- 394 «-
Fig. 8, — Bassin en cristal de roche du temps de Henri II (Musée du Louvre).
plaque carolingienne, au même musée, représente la
crucifixion. Le cristal de roche a été employé au moyen
âge pour faire des vases, des reliquaires, des crosses,
des manches de couteau, des pommeaux d'épée. Les
Arabes avaient une habileté particulière pour tailler des vases
dans cette matière. Nous donnons ici l'image d'une buire du
x*^ siècle, qui porte autour du ool une inscription en caractères
coufiques signifiant : Bénédiction et bonheur à son posses-
seur (fig. 7). Ce vase est aujourd'hui au Louvre, dans la
galerie d'Apollon. Dans le même musée, le vase donné par
Eléonore d'Aquitaine à Saint-Denis, que Suger avait fait
monter, paraît être antique. Citons encore, au Louvre, un
calice de cristal, avec
des rinceaux gravés
en creux, et des ani-
maux en relief à la
base du pied ; la mon-
ture est en argent
doré. Parmi les reli-
quaires en cristal de
roche, l'un des plus
célèbres est la fleur
de lis, renfermant des
cheveux de la Vierge,
et que tient une vierge
d'argent doré faite
pour Jeanne d'E-
vreux, veuve du roi
de France, Charles IV
(musée du Louvre,
galerie d'Apollon).
On conserve à Qued-
lim bourg un reh-
quaire en cristal de
roche, en forme de
cœur, monté en argent doré. Il y avait à Paris, au
Xïv^ siècle, une corporation de cristalliers. On lit dans un
registre de la Chambre des comptes : « Des cristalliers et
des pierriers des pierres naturelz. Il peut estre cristallier à
Paris qui veult, c'est assavoir ouvrier de pierres de cristal
et de toutes autres manières de pierres natureux. »
Au xvi*^ siècle, le travail du cristal de roche prit un
développement extraordinaire. On peut voir au musée du
Louvre dans la galerie d'Apollon, toute une série de vases,
aiguières, coupes, drageoirs et verres à boire, en cristal
de roche sculpté et gravé, exécutés pour les rois et les
princes, sous les règnes de François l'^' et de Henri IL
Plusieurs ont la forme d'animaux fantastiques, d'oiseaux
et de poissons. Ils ont été gravés par Jacquemart dans l'ou-
vrage de Barbet de Jouy, intitulé les Gemmes et joyaux
de la couronne (Paris, 1865, in-fol.).Nous donnons fig. 8
l'image d'un bassin de cristal de roche, du temps de
Henri II. Le cristal de roche est la matière sur laquelle
certains artistes italiens du xvi® siècle ont préféré traduire
leur pensée. Valerio Vicentino, mort à un âge avancé en 1 545,
acquit une grande réputation dans la gravure du cristal.
Vasari cite une cassette offerte par Clément VH à François I«^,
quand ce prince alla à Marseille pour marier sa nièce au
duc d'Orléans, et où Valerio avait gravé la passion du
Christ. Il fit une multitude de vases en cristal pour Clé-
ment VII et Laurent de Médicis. Les chandeliers en cristal
qu'il avait sculptés pour Paul III étaient célèbres. Non
moins fécond et non moins illustre fut Giovanni Bernardi
de Castel Bolognese, qui grava les sujets les plus divers,
empruntés à la mythologie, aux saintes écritures et à
l'histoire contemporaine sur des plaques de cristal de roche
destinées à orner des boites, des croix et autres objets
d'orfèvrerie. Il mourut en 1555. Citons, enfin, Matteo dal
Nassaro, de Vérone, que François P^ appela en France. — Le
cristal de roche a été employé dans l'antiquité pour cau-
tériser. On s'en servait aussi pour allumer le feu des sacri-
fices. Cette coutume persista au moyen âge, car dans
l'Eglise catholique on fit usage du cristal pour allumer le
feu nouveau le samedi saint et aussi le jour de la Purifica-
tion de la Vierge. M, Prou.
BiBL. : Archéologie. — King, the Nakiral History of
gems; Londres, 1870, p. 104, in-8. — Du même, Antique
gems and rings; Londres, 1872, t. I, p. 195, in-8.~ Gay,
Glossaire archéologique^ p. 49§.
CRISTALL (Joshua), peintre anglais, né à Cambourne
(Cornwall) en 1767, mort à Londres le 18 oct. 1847. H
commença par faire des dessins pour la céramique, puis se
voua plus spécialement à l'aquarelle, et il figure parmi les
fondateurs de la Société des aquarelhstes andais en 1805.
CRISTALLERIE (V. Cristal).
CRISTALLIN. L Anâtomie, — Le cristallin est une len-
tille biconvexe située
entre l'humeur
aqueuse et le corps
vitré auquel il est
intimement uni par
la zone de Zinn. Il
est, suivant l'heureu-
se expression de Pe-
tit, enchâssé dans cet
organe comme un dia-
mant dans le chaton
d'une bague. L'axe
de la lentïlle mesure
de 4 à 5 millim. ; sa
courbure est plus
prononcée en arrière
qu'en avant ; sa ré-
fringence totale est
d'environ deux diop-
tries. Elle est en rap-
port par sa circonfé-
rence avec un canal
prismatique et trian-
gulaire, le canal godronné, résultat de la séparation des fibres
delà zone de Zinn qui se portent en avant et de la mem-
brane hyaloïde qui se porte en arrière. En dehors de la zone
de Zinn, on trouve le muscle ciliaire (muscle de l'accommoda-
tion) et le corps ciliaire qui ont été décrits ailleurs (V. Cho-
roïde). Rappelons que, sous l'influence de ce muscle, le
cristallin subit dans son axe des modifications qui étendent
ou restreignent sa réfringence de deux à trois dioptries. Le
cristallin est formé par la lentille proprement dite et la
capsule. Celle-ci est mince, transparente, douée d'élasti-
cité : on a donné le nom de cristalloïde antérieure à sa
face antérieure et celui de cristalloïde postérieure à sa
face postérieure. La lentille présente à sa partie centrale
un point dur ou noyau ; les parties périphériques plus molles
sont imbibées par un liquide qui paraît être l'humeur aqueuse
ayant pénétré à travers la cristalloïde antérieure par voie
endosmotique. Les auteurs ne s'accordent guère sur la struc-
ture intime du cristallin ; néanmoins le lecteur peut ad-<
mettre, comme opinion moyenne, celle qui a été indiquée
à Fart. Cataracte, car c'est celle qui répond le mieux à
l'évolution pathologique de cet organe. Le cristaUin est
nourri par imbibition.
IL Physiologie. ~ Le cristallin est la partie principale de
l'appareil dioptrique de l'œil ; grâce à son élasticité, il est
également apte à la vision de près et à la vision de loin:
c'est une lentille vivante qui 5^ met au point,
D^ Ad. PlÉCHAUD.
BiBL. : Marc Sée, De VAccommodation et du muscle
ciliaire. — Sappey, Anâtomie, — Mathias Duval, Physio-
logie.
CRISTALLISATION. Quand un corps passe d'une
manière suffisamment lente de l'état liquide ou gazeux à
l'état solide, il revêt en général des formes géométriques
régulières, terminées par des faces planes et des arêtes
vives, que l'on désigne sous le nom de cristaux. Cet état
cristallin de la matière est intéressant, car il peut être
considéré en un sens comme l'état normal, puisqu'elle ne
le prend que lorsque elle est libre d'obéir aux plus déli-
395 —
CRISTALLISATION
cates de ses actions internes. Toutefois, il existe des corps
qui ne cristallisent jamais, même quand ils passent à l'état
solide dans des conditions qui semblent permettre aux
molécules de céder à leurs tendances naturelles. Ces corps
sont des matières organiques telles que l'albumine, les
gommes, les résines ou même des substances minérales,
comme la silice hydratée. On les désigne sous le nom de
corps amorphes. Les corps qui cristallisent facilement
par refroidissement lent peuvent ne pas cristalliser immé-
diatement si le refroidissement est très rapide; ils se pré-
sentent alors sous le même aspect que les corps amorphes.
Mais cet état amorphe est toujours instable. Lors de la
solidiftcation, les molécules gênées par la viscosité du
liquide, saisies par le refroidissement brusque (trempe), ne
peuvent s'orienter comme le voudraient leurs actions réci-
proques. La matière refroidie reste donc isotrope comme
l'était le fluide incandescent ; mais les forces intérieures
agissant avec le temps amènent peu à peu les molécules à
l'état d'équilibre stable qui caractérise un cristal, et le
corps reprend avec le temps, en perdant lentement de la
chaleur, une structure géométrique. C'est ainsi que le
verre et les corps analogues perdent graduellement leur
transparence et se dévitrifient. Le sucre de pomme,
amorphe dans les premiers moments, devient cristallin en
quelques jours ; l'acide arsénieux finit par ressembler à de
la porcelaine ; le fer prend de même une texture cristal-
line, etc.
Les corps peuvent cristalliser soit en passant de l'état
gazeux à l'état solide, soit en passant de l'état de fusion
ignée à l'état solide, soit en passant de l'état de dissolu-
tion à l'état solide.
Cristallisation par passage de fêtât gazeux ci l'état
solide. Si l'on sublime de l'iode dans une fiole à fond
plat, les vapeurs se condensent sur le col et les parois
froides sous forme de cristaux. On peut faire cristalliser
de même le phosphore en le volatilisant dans le vide à
basse température, l'arsenic en le distillant au rouge
sombre, etc. Il en est de même du camphre. Ce procédé
permet de séparer les corps volatils des matières terreuses
avec lesquelles ils sont mélangés dans la nature. On obtient
également des cristaux en faisant réagir les uns sur les
autres des corps à l'état gazeux. M. Hautefeuille a montré
que la réaction de la vapeur d'eau sur le fluorure de titane
donne naissance à l'acide titanique, sous les trois formes
qu'il présente dans la nature : l'anatase se produit quand
la température de la réaction est inférieure à celle de la
volatilisation du cadmium ; la brookite, quand la tempé-
rature est intermédiaire entre celle de la volatilisation du
cadmium et celle de la volatilisation du zinc; le rutile,
quand la température est supérieure à celle de la volatili-
sation du zinc.
Cristallisation par passage de l'état de fusion
ignée à Vétat solide. On fond du soufre, par exemple,
dans un creuset, on le laisse refroidir lentement jusqu'à
ce que la soHdification ait commencé à l'air libre et sur
les parois; on perce alors la surface et on verse le soufre
liquide. On trouve adhérentes aux parois du creuset de
longues aiguilles appartenant au système clinorhombique.
Ce procédé réussit également pour le bismuth et la plupart
des métaux. Mais on n'obtient souvent ainsi qu'une cris-
taUisation confuse. Un des procédés de désargentation
du plomb, le pattinsonage, est fondé sur ce phénomène :
on remarque, en effet, que quand la masse fondue contient
des impuretés, les cristaux qui se forment sont presque
purs. Les scories et les laitiers qu'on obtient d4ns les
opérations métallurgiques fournissent souvent do beaux
cristaux.
Cristallisation par passage de Vétat de dissolu-
tion à Vetat solide. Ce procédé est le plus fréquemment
employé dans les laboratoires. Pour les substances telles
que l'alun, le nitre, etc., qui sont beaucoup plus solubles
à chaud qu'à froid, on opère par dissolution et refroidis-
sement ; on dissout dans l'eau chaude une quantité de sel
supérieure à celle qui peut rester en dissolution à la tem-
pérature ordinaire et on laisse refroidir le liquide ; la cris-
tallisation est d'autant plus belle que le refroidissement
est plus lent. Toutefois, il est difficile d'obtenir ainsi de
gros cristaux. On y arrive en prenant un des cristaux les
plus nets, formés dans le pêle-mêle de la première cristal-
lisation et en le portant dans une autre dissolution sursa-
turée. Ce cristal devient alors le centre de la nouvelle
cristallisation ; il se nourrit et s'accroît rapidement et
régulièrement. Le même phénomène se produit si l'on
substitue à ce cristal un de ses isomorphes.
Cette observation donne la clef du fait très curieux que
lorsqu'on a dans un flacon bouché à l'émeri un précipité
pulvérulent dont la structure cristalline ne peut être
reconnue qu'au microscope, on le voit peu à peu, par suite
des alternatives de la température ambiante, se transformer
en un gros cristal unique. On constate en examinant la
chose de près que le noyau autour duquel la matière est
venue se condenser, est le cristal le plus gros parmi ceux
qui s'étaient d'abord formés. Le gros cristal semble avoir
mangé les petits. Il suffit pour s'expliquer cette apparence
de remarquer que, quand la température s'élève, les cris-
taux se redissolvent en partie, et cette dissolution se pro-
duisant par la surface, est plus sensible sur les petits
cristaux que sur les grands. Les premiers disparaissent
complètement et c'est sur le plus volumineux de tous que
se porte l'activité cristalline, quand l'abaissement de tem-
pérature amène une nouvelle cristallisation.
^ MM. Sainte -Claire Deville et Debray ont reproduit
ainsi en beaux cristaux un grand nombre d'espèces miné-
raies ; ils remplissaient à moitié avec le précipité et le
liquide des tubes de verre qu'ils fermaient à la lampe, ils
les chauffaient à 400^, puis les laissaient refroidir lente-
ment jusqu'au lendemain, et répétaient un grand nombre
de fois ces variations de température.
Au lieu d'opérer la cristallisation par refroidissement,
on peut avoir recours à l'évaporation. Ce procédé s'applique
aux sels à peu près aussi solubles à froid qu'à chaud. C'est
ainsi que dans les marais salants on obtient le chlorure
de sodium par évaporation d'une couche peu épaisse d'eau
de mer sous l'influence de la chaleur solaire.
Parmi les particularités les plus curieuses de la cristal-
lisation figure l'ensemble de phénomènes désignés sous le
nom de cicatrisation des cristaux ; on appelle ainsi le
travail de réparation qui se produit dans l'eau mère sur un
cristal brisé artificiellement et replongé dans sa dissolution.
De curieuses observations de M. Levalle et de M. Pasteur
montrent que la cicatrisation se concentre sur la blessure
et gue ce n'est qu'après son entier achèvement que l'ac-
croissement régulier reprend son cours. Lorsque le bima-
late d'ammoniaque cristallise dans l'eau pure, il ne présente
jamais de faces hémiédriques ; lorsqu'il cristallise dans une
eau mère renfermant une petite quantité des produits
d'altération du bimalate par la chaleur, il en présente tou-
jours. Si l'on fait agrandir des cristaux hémiédriques dans
l'eau pure, les faces hémiédriques qui ne se produisent
pas dans ce milieu se comportent comme des blessures
artificielles et disparaissent rapidement. Un phénomène
analogue s'observe sur l'azotate de plomb : ce sel cristal-
lise en cubo-octaèdres transparents dans une liqueur acide
et en octaèdres opaques dans une liqueur neutre. Si l'on
prend un octaèdre transparent dont les angles sont sup-
primés par les faces du cube et si on le porte dans une
liqueur neutre, les faces du cube seront dans la nouvelle
dissolution de véritables irrégularités appelées à dispa-
raître. On voit en effet tout l'effort de la cristallisation se
porter sur ses faces, qui sont bientôt surmontées de pyra-
mides opaques complétant l'octaèdre. Ce n'est qu'une fois
ce travail achevé que le cristal grossit en se couvrant de
couches opaques.
M. Pasteur a montré que ces faits si curieux de blessure
et de cicatrisation des cristaux sont en relation avec l'iné-
gale rapidité de leur accroissement suivant les différentes
CRISTALLISATION
— 396 —
directions. Si le bimalate d'ammoniaque cristallisant dans
l'eau pure ne présente pas de faces hémiédriques, tandis
qu'il en offre lorsqu'il cristallise dans ses eaux mères, c'est
que les matières impures qui souillent ces dernières
t'ont varier les rapports des vitesses d'accroissement du
cristal suivant les divers axes.
Diverses circonstances influent sur la cristallisation;
les plus importantes sont la nature des eaux mères et la
température.
On a vu plus haut quelques exemples de l'influence de
la nature des eaux mères. On en connaît un grand
nombre d'autres. L'alun se présente, après plusieurs
cristallisations, sous forme d'octaèdres avec les faces peu
développées du dodécaèdre rhomboidal. Si on ajoute à la
dissolution du nitrate de soude, il ne se produit plus que
des octaèdres ; si on ajoute du nitrate de cuivre ou de l'acide
nitrique on obtient des cubo-octaèdres, etc. Le sel marin
cristallise en cubes ; mais dans l'urine ou dans une solu-
tion d'urée il cristallise en octaèdres. Par contre, le chlo-
rhydrate d'ammoniaque qui donne des octaèdres dans l'eau
pure est cubique dans l'eau chargée d'urée. Quand les
matières solides au lieu d'être dissoutes dans l'eau y sont
simplement à l'état de suspension, elles ne jouent aucun
rôle sur la formation du cristal ; mais celui-ci peut en en-
glober une plus ou moins grande quantité. Les macles que
l'on trouve en Bretagne sont des cristaux d'andalousite
ayant ainsi englobé des matières boueuses.
L'influence de la température est la plus importante de
celles qui peuvent s'exercer sur la cristallisation. Elle
peut en effet changer jusqu'à la forme primitive du cristal.
On a vu plus haut que suivant la température de la réac-
tion l'acide titanique peut être produit sous les trois formes
qu'il a dans la nature. Les expériences classiques sur le
soufre donnent un exemple analogue très probant. Si l'on
abandonne à froid à l'évaporation spontanée une dissolution
de soufre dans du sulfure de carbone, de benzine, de
toluène, ou bien si on laisse refroidir en vase clos ces
dissolutions saturées à 45^, on obtient des cristaux octaé-
driques appartenant au système ortorhombique semblables
à ceux qu'on trouve dans la nature. Au contraire, si on
laisse le soufre fondu dans un creuset se refroidir et cris-
talliser lentement, on obtient des aiguilles appartenant au
système clinorhombique. Ces aiguilles abandonnées à elles-
mêmes se transforment au bout de quelques jours en cha-
pelets d'octaèdres avec dégagement d'une faible quantité
de chaleur. Réciproquement, les cristaux octaédriques
chauffés à 440^ se transforment en un agrégat de cristaux
prismatiques en absorbant un peu de chaleur. Il résulte de
là que la forme octaédrique est seule stable à la tempéra-
ture ordinaire, et la forme prismatique au-dessus de 100°.
La température modifie souvent en même temps que la
forme du cristal la quantité A'eau de cristallisation
qu'il contient. On a observé que les dissolutions saturées
donnent la plupart du temps des cristaux contenant une
certaine quantité d'eau qui ne paraît pas intervenir dans la
constitution chimique de la molécule, mais simplement dans
la structure de l'édifice cristallin. A 40^, le sulfate de
soude se dépose anhydre sous la forme ortorhombique ; à
la température ordinaire sous la forme clinorhombique
avec dix équivalents d'eau pour un équivalent de sulfate.
La température joue également un rôle important dans
un des groupes de phénomènes les plus curieux parmi ceux
qui se rattachent à la cristallisation : ce sont ceux que l'on
désigne sous le nom de sursaturation. On sait depuis
longtemps que des liqueurs saturées à chaud puis refroidies
lentement peuvent rester liquides à la température ordi-
naire en retenant une quantité de sel très supérieure à
celle qu'elles pourraient dissoudre à la même température.
Cette dissolution sursaturée abandonne rapidement le sel
en excès dès qu'on la touclie avec certains corps ou qu'on
la met en contact brusque avec l'air atmosphérique. M. Ger-
nez a fait connaître les conditions dans lesquelles ce
phénomène se produit. Pour déterminer la cristallisation
du sel en excès, il suffit de mettre en contaèt avec le liquide
sursaturé un fragment, si petit qu'il soit, de la substance
cristalline en dissolution ou d'un cristal isomorphe. On dit
qu'il suffit d'un germe cristallin pour provoquer la cristal-
lisation. Si la substance sursaturée est dimorphe, c.-à-d.
capable de cristalliser sous deux formes différentes, en
portant dans la solution un germe cristallin appartenant
à l'une ou l'autre de ces formes, on fait naître exclusivement
des cristaux du premier ou du second système. Si on laisse
refroidir une dissolution de soufre saturé au-dessus de 80^
et qu'on y introduise un cristal octaédrique, il se produit des
cristaux octaédriques ; si l'on y introduit un cristal pris-
matique, il se forme des cristaux prismatiques. Mais si l'on
touche ceux-ci avec un cristal prismatique, il se produit
une transformation progressive des cristaux prismatiques en
chapelets d'octaèdres. Si l'on touche deux points différents
d'une même dissolution, l'un avec du soufre octaédrique,
l'autre avec du soufre prismatique, chaque cristal devient l'o-
rigine d'une chaîne de cristaux ; mais dès que les deux chaînes
se rencontrent, la chaîne prismatique se transforme. Quand
la substance sursaturée sans être dimorphe forme des cris-
taux dont la proportion d'eau de cristallisation et la forme
cristalline varient avec la température, on provoque à une
température donnée l'une quelconque des formes possibles
en touchant la dissolution avec un germe emprunté au
cristal à reproduire ou à l'un de ses isomorphes. Soit une
dissolution de sulfate de fer qui donne par évapora tion
spontanée des cristaux clinorhombiqu es à 7 équivalents d'eau;
on obtient des cristaux clinorhombiques à 5 équivalents en
touchant la dissolution avec des cristaux clinorliombiques
de sulfate de cuivre à 5 équivalents ; des cristaux orto-
rhombiques à 7 équivalents avec des cristaux ortorhom-
biques de sulfate de zinc, de magnésie ou de cobalt à
7 équivalents ; des cristaux clinorhombiques à 6 équiva-
lents avec des cristaux ortorhom biques de cobalt à 6 équi-
valents. La stabihté de ces diverses formes n'est pas la
même, les cristaux de la forme la plus stable détruisant
ceux de la moins stable comme il a été exphqué pour le
soufre.
Les modes de cristallisation examinés plus haut supposent
que les cristaux se développent d'une manière régulière : il
n'en est pas toujours ainsi : ils se développent parfois
d'abord suivant certaines directions passant par le centre,
en sorte que les arêtes seules sont bien constituées. Sur les
faces, la cristallisation a marché moins vite et il en résulte
des dépressions en forme d'entonnoirs donnant naissance à
des squelettes de cristaux. Les octaèdres de cuprite sont
souvent réduits à leurs arêtes et plans principaux, les faces
étant restées creuses. Souvent aussi la matière se porte à
la périphérie et forme un cristal aussi gros que possible
dont rintérieur est vide ou rempli de matières étrangères.
Les dodécaèdres de grenat dans les chloritoschistes con-
sistent souvent en simples enveloppes dont l'intérieur est
rempli de chlorite. Parfois plusieurs individus séparés sont
englobés sous une même enveloppe. On voit des prismes de
quartz dont l'une des extrémités est formée par un cristal
unique et l'autre par une foule de prismes pyramides dis-
tincts orientés de même.
Pour achever la description de ces particularités de la
structure cristalline, il faut mentionner la présence des
faces courbes ; le fait est général pour certaines espèces
telles que le diamant ; il se présente également sur des
rhomboèdres de dolomie, sur les faces verticales des prismes
de tourmaline, du béryl, de topaze, de gypse. Ce phéno-
mène paraît souvent tenir à la juxtaposition d'un grand
nombre de facettes faisant partie de la môme zone : ainsi
la surface des octaèdres courbes de diamant montre un
grand nombre de stries parallèles.
Ajoutons enfin que le microscope permet de constater
souvent au sein des cristaux des matières étrangères à
l'état àHnclusio7is gazeuses Hquides ou solides (V. Inclu-
sion, Microuthe) qui peuvent donner des renseignements
précieux sur les circonstances de température et de
397
CRISTALLISATION -- CRISTALLOGRAPHIE
pression 'dans lesquelles s'est effectuée dans la nature la
cristallisation des minéraux. D. B.
BiBL. : V. Cristallographie.
CRISTALLOGRAPHIE. Les cristaux sont des solides
limités par des surfaces planes, soumises dans leur arran-
gement à certaines lois dont la connaissance constitue la
cristallographie. La forme extérieure des cristaux est une
conséquence de leur structure interne, et celle-ci, telle que
nous la révèlent les propriétés physiques, est toujours liée à
la symétrie extérieure.
Un certain nombre de minéraux se trouvent ainsi dans la
nature à l'état de polyèdres plus ou moins réguliers dont
les arêtes vives et les faces planes et parfois miroitantes
ont attiré depuis longtemps l'attention. Mais les anciens
naturalistes n'avaient pas cherché si ces formes géomé-
triques étaient régies par des lois simples, et ce n'est que
vers la fin du xviii® siècle que furent jetées les bases de la
cristallographie.
Rome de l'Isle, dans sa Cristallographie dont la première
édition parut en 1772, décrivit exactement un grand nombre
de cristaux la plupart inconnus ou mal déterminés; il
mesura mécaniquement leurs angles et établit que ces angles
ont toujours une valeur constante dans une même
espèce miner alogique. Rome de l'Isle montrait ainsi qu'il
n'y a pas à s'occuper du plus ou moins d'étendue des faces
d'un cristal, mais uniquement de l'inclinaison de ces faces
les unes sur les autres. Cette loi de la constance des angles
établissait la cristallographie sur son vrai terrain. Mais
Rome de l'Isle ne vit dans les cristaux que des corps isolés :
c'est à Haûy qu'il était réservé de découvrir les lois géné-
rales qui régissent les systèmes cristallins, et d'élever
ainsi du premier coup la cristallographie à Fétat de science
presque parfaite.
Haûy remarqua que beaucoup de minéraux se cassent
suivant des lames dont le sens est constant pour chaque
substance, en sorte que pour un même minéral le polyèdre
engendré par cassure présente toujours les mêmes angles ;
jl appela ce polyèdre solide de clivage^ et reconnut qu'il
existe une relation simple entre la forme ainsi produite par
clivage et les autres polyèdres appartenant à la même sub-
stance et se trouvant dans la nature ; il vit que tous ces
polyèdres peuvent se déduire les uns des autres par des
lois constantes en sorte que les diverses formes sous les-
quelles un minéral se présente sont toutes des modifica-
tions d'une même forme qu'il appela forme primitive. Ces
modifications sont soumises aux deux lois suivantes décou-
vertes par Haiiy : 1^ Tous les éléments semblables d'un
cristal sont toujours semblablement et simultanément
modifiés (loi de symétrie) ; 2° toute facette modifiante
intercepte sur les arêtes de la figure primitive des
longueurs proportionnelles à des multiples simples de
la longueur de ces arêtes (loi de dérivation),
La première de ces lois résume toutes les observations
faites par Haûy sur les cristaux naturels ; il a été conduit
à la seconde par un ensemble de considérations théoriques
extrêmement ingénieuses sur la structure des corps cristal-
lisés. Il observa que l'opération du clivage était possible
quelle que fût la taille du cristal, qu'un rhomboèdre de
calcite par exemple pouvait être graduellement diminué
par le choc tout en restant semblable à lui-même. Dès lors
comme l'esprit n'aperçoit pas de limite à cette diminution,
on est amené à admettre que la plus petite parcelle de* cal-
cite qu'on puisse conserver a encore la forme d'un rhom-
boèdre. C'est ce que Haûy nomma la molécule intégrante.
En empilant suivant un ordre régulier un nombre infini de
ces petites particules, on peut expliquer d'après la manière
dont se fait cet empilement toutes les formes cristallines
d'une espèce minérale. Soit par exemple un noyau cubique,
formé d'un nombre infini de petits cubes placés régulière-
ment les uns sur les autres ; posons sur chacune de ses
faces des lamelles d'une molécule d'épaisseur, et diminuées
successivement à chaque assise d'un certain nombre de ran-
gée sur chaque bord, en sorte que chaque assise se trouve
en retrait sur la précédente à la manière des marches
d'un escalier, nous obtiendrons ainsi sur chaque face une
sorte de pyramide en gradins dont les faces pourront être
considérées comme planes si les molécules intégrantes sont
assez petites. Si le décroissement sur les faces du cube est
d'une rangée par assise, le sohde obtenu sera un cube modi-
fié par des faces tangentes à chacune denses arêtes, c.-à-d.
un dodécaèdre rhomboïdal. Si le décroissement est de deux
rangées de molécules par assise, le solide produit sera un
hexatétraèdre ou cube pyramide. Au lieu de faire le décrois-
sement sur les faces, on peut le faire sur les angles : on
soustrait par exemple à l'angle de la première lamelle élé-
mentaire du noyau cubique une molécule; puis à chaque
lamelle suivante on soustrait en plus qu'à la précédente
une rangée diagonale de molécules : on obtient l'octaèdre
régulier a^ provenant du remplacement de chaque angle du
cube par une modification tangente. Si l'on prend des
lamelles de deux molécules d'épaisseur, et si l'on retranche
à chaque angle une double rangée de molécules de façon
que chaque assise soit en retrait de une molécule sur la pré-
cédente, on obtient le trioctaèdre a^. Plus généralement, on
peut retrancher un parallélipipède ayant un nombre différent
de molécules dans les tlois directions. On aura un mode de
décroissement général dont les exemples précédents abou-
tissant à l'octaèdre a^ et au trioctaèdre a^ ne sont que des
cas particuliers. Il est clair d'ailleurs que l'octaèdre a^
peut être produit en prenant à partir de l'angle solide a du
cube, sur les trois arêtes, trois longueurs égales aux arêtes
de la molécule intégrante et en tronquant l'angle a par
un plan passant par ces trois points. La modification a^
sera produite d'une manière analogue sur le même angle,
mais deux seulement des longueurs auxquelles le plan de
troncature coupera les arêtes seront égales à celles de la
molécule intégrante, la troisième étant double.
Les exemples précédents sont empruntés au système
cubique dont la molécule intégrante est le cube ; nous
avons cité plus haut la calcite dont la molécule intégrante
est le rhomboèdre. Ces molécules intégrantes affecteront
quelquefois d'autres formes, mais elles seront toujours des
parallélipipèdes d'une forme donnée. Haûy a montré ainsi
avec une sagacité merveilleuse que la forme de ce parallé-
lipipède servait de lien caché entre toutes les formes cris-
tallines de la substance et que réciproquement l'étude de
ces formes cristallines permettait de fixer la forme de
la molécule intégrante. La science cristallographique a été
ainsi créée tout entière par Haûy, et ses successeurs n'ont
guère eu qu'à perfectionner les détails de son œuvre.
Bien que les lois fondamentales découvertes par Haûy
fussent ainsi reliées par lui au moyen d'une hypothèse
physique très simple, cette hypothèse parut un peu hasar-
deuse ; d'une part, en effet, elle fait appel, au moins en
apparence, aune propriété spéciale, le clivage, qui n'appar-
tient pas à tous les cristaux. De plus Haûy considère comme
l'élément cristallin primitif le cristal de clivage élémentaire.
Or ce solide doit être lui-même formé de molécules dont
l'existence est indépendante de celle du cristal, puisque la
molécule formée elle-même par un certain groupement
d'atomes simples est, selon l'avis de beaucoup de physiciens,
la seule chose commune à tous les états solides, Mquides et
gazeux d'une même substance. Nous verrons plus loin com-
ment le raisonnement de Haûy peut être rectifié et complété
au moyen des conceptions de Bravais ; mais il est certain
que, sous sa forme primitive, il prête le flanc à la critique
et ne permet pas l'interprétation de phénomènes cristallo-
graphiques importants, tels que celui de l'hémiédrie. C'est
ce qui a conduit l'école allemande à rejeter comme hypo-
thétiques les idées de Haûy et à se borner à l'étude pure-
ment géométrique de la forme des cristaux. La loi des
troncatures rationnelles dont l'hypothèse de Haûy n'est que
l'interprétation physique peut s'exprimer analytiquement
d'une manière très simple. Prenons trois lignes parallèles
CRISTALLOGRAPHIE
— 398 —
aux trois arêtes qui se réunissent à un sommet de la
forme primitive et appelons les axes cristallographiques ;
prolongeons-les à Finfini et comptons sur ces trois axes
des longueurs au moyen d'unités que nous désignerons sous
le nom de paramètres et qui ne sont autres que les lon-
gueurs des arêtes moléculaires de Hauy. Toute face cris-
talline coupera c§s axes à des longueurs qui exprimées
en paramètres auront entre elles des rapports simples.
Ces axes ne représentent qu'une direction, ils n'ont pas
de position définie dans le cristal ; si on les place
d'habitude à l'intérieur de celui-ci, c'est pour pouvoir dis-
tinguer par un signe les faces parallèles. La conception
des axes et des paramètres ne nous apprend donc rien de
nouveau. Ce n'est qu'un moyen de présenter les faits
découverts par Haiiy indépendamment de toute interpré-
tation physique. Ce n'est pas de Fintroduction de ces
données dans la science que date le calcul des angles par
les procédés de la géométrie analytique ; Haiiy calculait
déjà tous les angles des cristaux qu'il étudiait et dans ses
calculs Fidée de molécule intégrante et de noyau dispa-
raissait comme inutile pour ne reparaître que dans le
résultat. La cristallographie ainsi entendue n'est donc plus
qu'un simple chapitre de la géométrie.
Cette^ innovation a eu quelques résultats heureux; la
géométrie a apporté dans les problèmes cristallographiques
ses théories et ses procédés ; les calculs un peu longs
de Hauy ont été remplacés par d'autres plus rapides ; les
méthodes ingénieuses des zones et des projections stéréo-
graphique et gnomonique sont venues soulager l'esprit
dans l'étude difficile des cristaux complexes. Tels ont été
les avantages de la conception géométrique adoptée
par l'école allemande à la tête de laquelle se trouvaient
Weiss, Rose et Naumann.
En revanche, cette école est tombée dans le grave tra-
vers de considérer les cristaux comme des êtres purement
géométriques destinés à exercer le talent des mathémati-
ciens ; c'est ainsi que l'on a fait de la cristallographie la
plus stérile des branches du savoir.
Mais les cristaux ne sont pas des êtres géométriques ;
leur forme n'est que l'expression des propriétés de la
matière qui les compose, et le but de nos recherches dans
ce domaine doit être de relier les unes aux autres toutes
les manifestations de la matière à l'état cristallin, d'abou-
tir à une conception physique qui permette d'interpréter
aussi simplement que possible les phénomènes optiques,
thermiques, magnétiques, etc., que présentent les cris-
taux. On ne voit guère le but que poursuit le savant qui
se borne à étudier la forme cristalline en soi et pour soi
en s'inlerdisant de chercher la signification physique
qu'elle comporte.
Cette conception n'ajamais été celle des cristallographes
français. Un élève de Haiiy, Delafosse, sans abandonnerla
théorie féconde de celui-ci, sut la compléter heureusement
en donnant ia véritable interprétation de Fhémiédrie.
Mais c'est surtout à un savant mort prématurément, à
Bravais, que Fon doit une théorie d'ensemble, grâce à
laquelle, sans rien abandonner des procédés élégants de la
géométrie, on peut pénétrer plus avant dans la connais-
sance intérieure de la structure des corps simples. Bravais
a exposé la théorie des réseaux réticulaires dans divers
mémoires parus de 1848 à 1851, dans le Journal de
Liouville ou le Journal de V Ecole 'polytechnique ; ces
mémoires ont été recueilHs et publiés en 1866 sous le
titre d'Etudes cristallographiques par EHe de Beau-
mont. L'appareil mathématique dont cette théorie était
entourée l'a fait laisser de côté par la plupart des cris-
tallographes et elle n'a été remise en honneur que par
M. Mallard qui a su en faire l'application la plus heu-
reuse à l'ensemble des propriétés des cristaux.
La théorie de Bravais, qui n'est d'ailleurs que le déve-
loppement et l'achèvement de celle de Haiiy, permet de
déduire les lois cristallographiques de la simple notion
d'homogénéité. Un corps est dit homogène lorsque, dans
toutes les parties extrêmement petites mais finies dont
l'ensemble constitue le corps, il présente les mêmes pro-
priétés. Si cette identité de propriétés se manifeste dans
toutes les directions que Fon peut envisager dans l'inté-
rieur de la substance ainsi que cela arrive pour les gaz,
les liquides, les solides analogues au verre, le corps est
dit isotrope. H peut arriver que le corps homogène ait
des propriétés différentes suivant les diverses directions :
ainsi dans un cristal de quartz la résistance à la déforma-
tion, la dilatation par la chaleur, la conductibiHté électrique,
Faction sur la lumière ne sont pas les mêmes suivant Faxe
ou perpendiculairement à Faxe. Pour qu'un corps soit
isotrope, il faut que, si d'un point quelconque on mène dans
une direction quelconque une droite de longueur d très
grande par rapport à la distance moyenne de deux molé-
cules, on rencontre toujours sur cette droite le même
nombre de molécules orientées de toutes les manières
possibles. Les molécules doivent être réparties dans le
corps de manière à ne présenter, ni quant au nombre, ni
quant à l'orientation, aucune prédominance, quelle que soit
la direction qu'on envisage. Une irrégularité absolue
répond à ces conditions.
Dans un cristal, au contraire, la disposition des molé-
cules offre une certaine régularité. H est facile de le voir
en partant de la seule notion de l'homogénéité, c.-à-d. de
cette donnée qu'un corps homogène peut être découpé en
un nombre très grand de parties très petites jouissant des
mêmes propriétés. Cela revient à dire qu'il y a dans l'inté-
rieur du corps un grand nombre de points très rapprochés
autour desquels la distribution de la matière est la même.
Soit à Fintérieur d'un corps soHde un point A^ ; il y a
dans le corps un nombre infini de points ayant les mêmes
propriétés que Aq, c.-à-d. autour desquels la matière est
répartie de la même façon ; on les appelle points analogues,
soit A^ un point analogue de Aq tel qu'il n'y ait entre ces
deux points, sur la droite qui les joint, aucun autre point
analogue. Prolongeons la droite Ag A^ d'une longueur A^ A^
égale à la distance de ces deux points ; le point A^ est ana-
logue de Aq, sinon la matière ne serait pas distribuée à
partir de A^^ comme elle l'est à partir de Aq, Il existe donc
sur la droite Ao A^ une infinité de points équidistants, qui
sont tous des points analogues. Soit maintenant un second
point Bq analogue à Aq en dehors de la droite Aq A^ et tel
qu'il n'y ait entre ces deux points aucun autre point ana-
logue ; sur cette droite, nous aurons comme précédemment
une infinité de points éguidistants A^, Bq, Cq, etc. Par ces
points, menons des droites parallèles à Aq A^, en prenant
sur chacune d'elles, à partir de A^, Bq, Cq, des longueurs
égales à Aq A^, nous obtenons un nombre infini de ^points
analogues équidistants. Nous avons ainsi dans le plan
Aq k^ Bo un nombre infini de points analogues qui sont les
sommets ou les nœuds d'un réseau formé par la juxtaposi-
tion de parallélogrammes tous égaux à Aq A^ Bq Bj^. Le
plan Ao A^ Bo est appelé plan réticulaire ; chaque ligne
telle que Aq A^, Aq Bq est une rangée du réseau. Les dis-
tances Ao A^, Ao Bo, qui séparent sur une même rangée
deux nœuds consécutifs, sont les paramètres du réseau.
Soit maintenant un point analogue A^o situé en dehors
du plan considéré Aq A^ Bq ; faisons mouvoir ce plan paral-
lèlement à lui-même jusqu'à ce qu'il passe par ce point ;
le plan mené par A'q possède les mêmes propriétés que le
premier plan considéré ; il renferme un réseau de points
analogues. L'espace est tout entier occupé par un ensemble
de parallélipipèdes égaux juxtaposés; cet ensemble con-
stitue un système réticulaire dont la maille est un paral-
lélipipède. Ainsi, la constitution d'un corps solide cristalHsé,
homogène, ne dépend que de deux éléments entre lesquels
il n'y a, d'ailleurs, aucune relation a priori^ savoir: l^le
système réticulaire dont les points forment les nœuds ; ce
système est défini par la forme du parallélipipède élé-
mentaire qni est la maille solide du réseau ; 2<* la loi de
répartition de la matière autour de chacun des points ana-
logues qui forment les nœuds du système.
- 399 ^
CRISTALLOGRAPHIE
Cette conclusion est indépendante de toute hypothèse
faite sur la constitution de la matière ; elle se déduit de la
notion de l'homogénéité et peut, par conséquent, servir à
édifier une science qui sera rationnelle au même degré que
la mécanique, déduite de la notion de masse.
Ces résultats peuvent être traduits facilement dans l'hy-
pothèse où les corps sont composés de molécules ayant une
certaine forme ; il suffit de prendre pour points analogues
les centres de gravité des molécules et de regarder les
polyèdres moléculaires comme représentant géométrique-
ment autour de chacun de ces points ce que nous avons
appelé la loi de répartition de la matière.
Cette conception — il est utile de le remarquer — ne
contredit pas celle de Haiiy, mais la complète. La maille
parallélipipédrique du réseau de Bravais n'est, en effet,
autre chose que la molécule intégrante de Haiiy. Mais ce
dernier regardait cette molécule intégrante comme l'élé-
ment dernier et irréductible du cristal en laissant de côté
la forme même du polyèdre moléculaire. Delaiosse montra
que cette molécule polyédrique devait elle-même être regardée
comme un système complexe de molécules cristallines, et
la théorie de Bravais fait ressortir qu'il n'existe a priori
aucun lien entre le volume de la maille du réseau et la
forme de la molécule polyédrique cristalline.
Il résulte de là qu'il y a à considérer : 4** la symétrie du
réseau ; 2« la symétrie du polyèdre moléculaire cristallin.
Il y a dès lors deux cas bien distincts ; le polyèdre cris-
tallin peut posséder tous les éléments de symétrie du réseau.
On se figurera, par exemple, un cube comme formé d'une
série de mailles cubiques, à chacun des sommets desquels
se trouve une petite molécule ayant elle-même la forme
d'un cube orienté de la même manière que les mailles du
réseau. La symétrie delà molécule étant la même que celle
de la maille, toute forme simple affecte cette même symé-
trie ; cette forme possède toutes les faces exigées par la loi
de symétrie de Haûy ; on l'appelle holoédriqiie.
Si, au contraire, le polyèdre moléculaire ne possède
qu'une partie des éléments de symétrie du réseau, une
partie seulement des faces qu'exigerait la symétrie du réseau
est nécessaire. A une forme donnée correspond une forme
simple ne contenant qu'une partie des faces de la forme
holoédrique. L'observation montre que le nombre des faces
est ainsi réduit à la moitié (hémiédrié) ou au quart {tétar-
toédrie), ce dernier cas étant extrêmement rare.
Pour comprendre comment le tétraèdre peut dériver du
cube, on se figurera avec Delafosse un réseau de mailles
cubiques aux sommets desquelles seront placés non plus des
cubes, mais des tétraèdres ; l'édifice cristallin ainsi formé
aura une symétrie moins parfaite que celle du réseau,
l'existence d'une troncature symétrique sur un angle n'en-
traînera plus l'apparition des huit faces de l'octaèdre ;
quatre angles seulement sont semblables et seront néces-
sairement modifiés en même temps.
On voit par là quelle importance a l'étude de la symétrie
des cristaux. C'est, en effet, la seule voie par laquelle on
puisse se faire une idée non seulement de la manière dont
les molécules sont distribuées dans le cristal, mais de la
structure même de la molécule cristalline. Il faut remarquer
toutefois que cette molécule n'est pas nécessairement iden-
tique à la molécule chimique et que la symétrie de l'une
peut différer de celle de l'autre.
Il résulte de ce qui précède que la théorie de Haiiy, qui
no s'occupait que de la symétrie du réseau, ne rendait
compte que de l'holoédrie. C'est d'ailleurs le cas le plus
fréquent ; c'est celui dont nous allons nous occuper d'abord.
La discussion approfondie des divers modes de symétrie
qui peuvent appartenir à un réseau montre que les seuls
modes de symétrie possibles sont au nombre de sept.
L'observation confirme entièrement cette conclusion. Ces
sept types ou systèmes cristallins sont :
1° Système cubique, La maille du réseau ou, ce qui
revient au même, la forme primitive finie, semblable à la
maille, est un cube. Il y a, passant par le centre : trois axes
de symétrie quaternaire parallèles aux arêtes du cube ;
quatre axes ternaires qui sont les diagonales du cube ; six
axes binaires qui sont les droites joignant deux à deux les
milieux des arêtes opposées ; trois plans de symétrie perpen-
diculaires respectivement aux axes quaternaires, c.-à-d.
parallèles aux faces ; six plans de symétrie respectivement
perpendiculaires aux six axes binaires et qui sont les plans
diagonaux. On peut représenter en abrégé les divers modes
de symétrie en désignant un axe d'ordre n par L'^, un
centre de symétrie par C, un plan de symétrie perpendicu-
laire à un axe L'^ par P", La symétrie du système cubique
sera alors représentée par le symbole :
3L^ 4L3, 6L\ C, 3P^ 6P^
Le cube possède douze arêtes égales rectangulaires b, huit
angles droits égaux a. Les principales modifications qu'on
peut lui faire subir sont les suivantes : modification tan-
gente sur les arêtes b : elle conduit au dodécaèdre rhom-
boïdal b^ ; — modification inclinée sur les arêtes b : hexa-
m
tétraèdre ou cube pyramide b^ ; — modification tangente
sur les angles a : octaèdre régulier a^ ; modification
sur les angles a : deux des arêtes étant coupées à une dis-
tance égale, la troisième à une distance moindre (icosité-
traèdre) ou plus grande (trioctaèdre) ; modification sur les
angles a, les trois arêtes étant coupées à des distances
inégales (hexoctaèdre ou soHde à quarante-huit faces).
Exemples de substances cristallisant dans le système cubique :
le sel marin, le sel ammoniac, les aluns, les grenats, la
blende, la pyrite, l'oxyde de fer magnétique, le diamant,
le spath-fluor, le fer, l'argent.
2° Système hexagonal ou sénaire. La maille ou la
forme primitive est un prisme dont la base est un rhombe
de 420^. Trois prismes semblables assemblés suivant
l'arête du prisme qui aboutit à un angle obtus du rhombe
forment un prisme hexagonal régulier dont l'axe est un
axe de symétrie sénaire. Il y a six autres axes de symétrie
binaires parallèles aux rayons et aux apothèmes de la sec-
tion droite du prisme ; ces axes ne sont pas identiques
entre eux : nous désignerons ceux qui sont parallèles aux
rayons par L, les autres par 1/ ; il y a sept plans de symé-
trie, l'un (dit plan principal) perpendiculaire à l'axe
sénaire, les six autres aux six axes binaires. Le symbole
de la symétrie est
L^3L^ 3L'^G,p^ 3P^3F^
Si l'on adopte comme forme primitive le prisme hexagonal
régulier, tous les angles sont égaux ; on les désigne par la
lettre a ; les arêtes horizontales de la base sont identiques
entre elles et nommées b ; les arêtes verticales sont nom-
mées h.
Les principales modifications sont les suivantes : modifica-
tion tangente sur les arêtes h (prisme hexagonal de deuxième
espèce /i); modification inclinée sur les arêtes /i, produisant un
p
biseau vertical (prisme à douze faces /i*ï) ; modification sur les
arêtes horizontales b (isoscéloèdre ou dihexaèdre ou double
s
pyramide à six faces ^p; modification tangente sur les
s
angles a ( isoscéloèdre ai") ; modification quelconque sur les
angles a (didodécaèdre ou double pyramide à douze faces
^i" ]fL 1}S), Exemples des substances cristallisant dans le
système hexagonal : émeraude, phosphate de chaux, chlo-
rophosphate ou chloroarséniate de plomb.
3^ Système rhomboédrique ou ternaire, La maille ou
forme primitive est un rhomboèdre, c.-à-d. un parallé»
lipipède dont toutes les faces sont des rhombcs égaux et
dont tous les angles dièdres sont égaux ou supplémen-
taires.
Il y a un axe de symétrie ternaire (axe du rhomboèdre) :
c'est la droite qui joint les sommets des deux angles triè-
dres formés chacun de trois angles plans de même espèce,
c.-à-d. tous les trois aigus ou tous les trois obtus ; trois
CRISTALLOGRAPHIE
-- 400
axes binaires joignant les milieux dés côtés de l'hexagone
en zigzag, formé par les arêtes que ne rencontrent pas
l'axe ternaire; trois plans de symétrie passant par l'axe et
les arêtes culminantes et perpendiculaires aux axes binaires.
Le symbole de symétrie sera le suivant :
L3, 3L2, C, 3P^
Les faces du rhomboèdre primitif sont notées;? ; les angles
culminants situés sur Taxe ternaire a ; les angles latéraux
e ; les arêtes culminantes qui partent d'un angle a sont
notées b ; celles qui vont d'un angle e à un angle e sont
dites latérales ou en zigzag et notées d.
Les principales modifications sont : modification tangente
sur les arêtes culminantes (rhomboèdre b^) ; modifications
m
inclinées sur b (scalénoèdres surbaissés b"^) ; modification
tangente sur les arêtes latérales d (prisme hexagonal non
terminé d^) ; modifications inclinées sur d (scalénoèdres
m
allongés d") ; modification tangente sur les sommets a
(couple de faces a^) ; modifications sur a parallèles aux
m
diagonales horizontales des faces (rhomboèdres aP) ; modi-
fications inchnées sur a (scalénoèdres surbaissés b^b'^b'^) ;
modification tangente sur les angles latéraux e (rhom-
boèdre inverse e^) ; modifications sur e parallèles à la dia-
m
gonalc horizontale des faces : rhomboèdres e"^) : la modi-
fication é^ est un second prisme hexagonal tangent au
premier ; modifications inclinées sur ^ (scalénoèdres ZjPc^'Tc^'^).
Exemples de substances cristaUisant dans le système
rhomboédrique : spath d'Islande, tourmafine, cinabre,
sesquioxyde de fer, alumine, bismuth, antimoine.
Remarque. On réunit souvent en un seul les deux sys-
tèmes ternaire et sénaire. Le système ternaire en effet peut
être considéré comme une hemiédrie du système hexagonal
conservant ainsi les axes et le caractère propre de ce sys-
tème ; mais les rhomboèdres se distinguent nettement des
formes hexagonales non seulement par les propriétés phy-
siques telles que le clivage, mais encore par une symétrie
propre puisque leur axe vertical est un axe ternaire et non
sénaire. Aussi, d'autres minéralogistes préfèrent-ils les
considérer comme les formes holoèdres particulières consti-
tuant un système cristallographique à part et leur donner
une notation propre.
4*^ Système quadratique, La forme primitive est un
prisme droit à base carrée. L'axe de ce prisme est un axe
de symétrie quaternaire ; il y a quatre axes de symétrie
binaire qui sont les rayons et les apothèmes de la section
droite ; un plan de symétrie principal perpendiculaire à
l'axe principal. Le symbole de la symétrie du système est :
L4, 2L2, 2L^2, C, P^ 2P2, 2P''^
Les huit arêtes basques sont- notées b ; les quatre arêtes
verticales h ; les huit angles solides a ; les deux bases p ;
les quatre pans m. Les principales modifications sont :
modification tangente sur h (deuxième prisme carré h^) ;
modification inclinée sur h (prisme à base d'octogone symé-
m
trique h^) ; modifications tangentes ou inchnées sur b
va.
(octaèdres à base carrée b^ ou b"^) ; modifications sur a
tangentes ou seulement parallèles à la diagonale de base
m
(octaèdres a^ et a^) ; modifications sur a non parallèles à
la diagonale de la base (doubles pyramides à base d'octo-
gone symétrique ^P/^i/i^).
Exemples de corps cristallisés dans ce système : zircon,
anatase, rutile, cassitérite, idocrase.
5<^ Système orthorhombique. On prend pour forme
primitive soit le prisme droit à base rectangle, soit
le prisme droit à base rhombe, dont les arêtes sont paral-
lèles aux diagonales du premier. Si l'on prend le prisme
à base rectangle, l'axe du prisme et les deux droites pa-
rallèles aux côtés de la base sont des axes binaires ; les
plans parallèles aux faces sont des plans de symétrie. Si
l'on prend le prisme droit à base rhombe, il y a encore
trois axes binaires rectangulaires entre eux, mais ils sont
dirigés, l'un suivant l'axe du prisme, les deux autres pa-
rallèlement aux diagonales de la base rhombe. Les deux
plans de symétrie sont toujours perpendiculaires aux axes
binaires; l'un est parallèle à la base, les deux autres coïn-
cident avec les plans diagonaux du prisme menés par l'axe.
Chacun des trois axes de symétrie joue un rôle différent.
Le symbole de la symétrie est :
L% V\ V'^ C, P^ P'2^ W'\
Les angles du prisme droit à base rhombe sont de deux
espèces : ceux qui sont placés aux angles obtus du rhombe
qu'on appelle a, et ceux qui sont placés aux angles aigus
qu'on appelle e. On place le prisme verticalement, de façon
que les angles a soient en avant et les angles e latérale-
ment. Les huit arêtes horizontales sont nommées b ; les
deux arêtes verticales obtuses h ; les deux verticales aiguës
g ; la base du prisme est appelée p ; les faces verticales m.
Les principales modifications sont : modification tangente
sur h (deux faces parallèles h^) ; modifications inclinées
m
(prismes à base rhombe non terminés h^) ; modification
tangente sur g (couple de faces g^^); modifications inclinées
m
sur g (prismes à base rhombe non terminés g"^) ; modifi-
cations tangente ou inclinées sur b (octaèdres à base
m
rhombe b^ ou Z?") ; modifications sur a tangente ou paral-
lèles à la diagonale de la base (prismes horizontaux à base
m
rhombe non terminés a^ ou a^) ; modifications sur a non
parallèles à la diagonale de la base (octaèdres à base
rhombe b'^b'^h'') ; modifications sur les angles e, analogues
à celles signalées ci-dessus pour les angles a, donnant
des prismes horizontaux e^ ou e", placés en croix par
m
rapport aux prismes a^ ou â^^, ou des octaèdres à base
rhombe b'^b'^g^.
Exemples de corps cristallisant dans ce système : ara-
gonite, nitre, barytine, anglésite, célestine, topaze, stau-
rotide, péridot, stilbite, bournonite, soufre natif.
6° Système clinorhombiqiie. La forme primitive est
un prisme droit à base parallélogramme ou un prisme
oblique à base rhombe, dans lequel' une des diagonales du
rhombe est perpendiculaire sur les deux arêtes parallèles
du prisme auxquelles elle aboutit. Dans le premier cas, il
y a un axe binaire qui est l'axe du prisme et un plan de
symétrie parallèle à la base. Dans le second cas, si on
place les arêtes du prisme verticales, il y a une diagonale
du rhombe de la base qui est horizontale, et une autre
qui est inclinée. La parallèle à la première, menée par le
centre, est un axe binaire ; le plan diagonal, passant par
la seconde, est un plan de symétrie. Le symbole de la symé-
trie est :
L\ C, P2.
On convient de placer le prisme rhomboïdal oblique de
façon que les arêtes prismatiques soient verticales et que
la base supérieure soit inclinée vers l'observateur. Ce
prisme présente deux arêtes verticales /i, adjacentes à la
diagonale inclinée des bases ; deux autres g adjacentes à
la diagonale horizontale ; quatre arêtes basâtes obtuses d ;
quatre autres aiguës b ; quatre angles e adjacents aux
arêtes g ; deux angles o obtus et opposés, adjacents aux
arêtes h; deux angles a aigus, adjacents aux mêmes
arêtes.
Les principales modifications sont les suivantes : modi-
fication tangente sur h (couple des faces h^) ; modifications
inclinées sur h (prismes clinorhombiques non terminés
m m
h^) ; modifications analogues sur g {g^ ou g^) ; modifica-
tions tangentes ou inclinées sur des arêtes obtuses d (prismes
— 401 —
CRISTALLOGRAPHIE
cllnorhombiques non terminés, inclinés par rapport au pri-
mitif d^ ou d^) ; modifications analogues sur b (b^ ou
m
/;") ; modifications sur les angles e, tangente ou parallèles
à la diagonale inclinée (prismes cllnorhombiques non ter-
ni
minés e^ ou e^) ; modifications sur e, non parallèles à la
diagonale inclinée (prismes cllnorhombiques non terminés
d^b'^ff^) ; modifications sur o, tangente ou parallèles à la
m
diagonale (couple de faces o^ ou o^) ; modifications sur o,
non parallèles à la diagonale horizontale (prismes cllno-
rhombiques non terminés dH^^h^^) ; modifications analogues
sur a.
Exemples de corps cristallisés dans ce système : gypse,
sultate de fer, pyroxène, amphibole, épidote, sphène, soufre
prismatique, sucre, acide tartrique et tartrates.
7° Système asymétrique ou anorthique ou tricli-
nique. La forme primitive est un parallélipipède oblique
quelconque, qui n'a plus d'autre élément de symétrie que
son centre.
Les angles et les arêtes sont égaux deux par deux,
comme dans tout parallélipipède, et les modifications sur
les uns comme sur les autres se font par couples de faces
parallèles. Les angles solides sont notés a, ^, t, o; les
arêtes de base Z>, ^, d, f; les arêtes verticales g et h; les
bases p ; les pans m et t.
Exemple de substances cristallisées dans ce système :
sulfate de cuivre, axinite, albite.
Toutes les formes cristallines que nous venons d'énu-
mérer obéissent d'une manière complète à la loi de symé-
trie : on les appelle solides holoèdres ; mais il existe
d'autres formes dans lesquelles, comme Ta montré Weiss,
la loi de symétrie n'est vérifiée que pour la moitié des
éléments géométriquement semblables ; on les appelle
hémièdres. On connaît même quelques corps qui n'ont
que le quart des facettes exigées par la loi de symétrie :
on les nomme tétartoèdres.
L'hémiédrie se manifeste de plusieurs manières diffé-
rentes :
. 1° La moitié seulement des éléments semblables d'une
forme primitive est modifiée de la même manière ; les élé-
ments inégalement modifiés étant toujours aux extrémités
d'une diagonale de la forme primitive. Deux faces paral-
lèles holoèdres ne sauraient donc exister dans ce mode
d'hémiédrie que l'on appelle hémiédrie à faces inclinées ;
on la nomme aussi hémiédrie tétraédrique^ le tétraèdre
dérivant du cube par modification de la moitié des angles
de celui-ci.
2^ Tous les éléments semblables sont semblablement
et simultanément modifiés, mais chacun d'eux ne porte que
la moitié des facettes qu'exigerait la loi de symétrie, ces
faces se trouvant alternativement conservées et suppri-
mées autour de leur arête commune d'intersection. Cette
suppression se fait d'ailleurs sur les groupes de faces op-
posées en diagonale suivant deux modes difTérents : les
faces qui subsistent aux extrémités de la diagonale peuvent
être parallèles deux à deux et alors l'hémiédrie est dite à
faces parallèles; ou bien les faces qui subsistent à l'une
des extrémités de la diagonale sont précisément parallèles
à celles qui se trouvent supprimées à l'autre extrémité :
l'hémiédrie est alors dite hémiédrie plagièdre.
L'hémiédrie qui est, en définitive, une dérogation régu-
lière à la loi de symétrie, semble indiquer que certains élé-
ments, bien que géométriquement semblables, sont différents
en raison do la structure intérieure du cristal. C'est ce
que vérifie en un grand nombre de cas l'étude des pro-
priétés physiques. Les cristaux affectés d'hémiédrie à faces
inclinées se distinguent des cristaux holoèdres par la pyro-
électricité : les axes d'hémiédrie se confondant avec les
axes de pyro-électricité. L'hémiédrie à faces parallèles ne
r correspond à aucune particularité physique connue jusqu'ici.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
Quant aux cristaux affectés d'hémiédrie plagièdre, on remar-
quera qu'ils ne sont pas superposables à leur image vue dans
un miroir, ce qui a lieu, en général, dans les cas précédents.
Cette circonstance est accompagnée, en général, de l'exis-
tence du pouvoir rotatoire soit dans les cristaux, soit dans
les dissolutions. A une opposition dans la symétrie des faces
correspond pour une même substance une opposition dans le
sens du pouvoir rotatoire. On remarquera d'ailleurs que
rhémiédrie plagièdre peut résulter soit de l'existence de
formes simples hémièdres (ciuartz),ou bien de la combinai-
son de rhémiédrie à faces inclinées et de l'hémiédrie à faces
parallèles (chlorate de soude).
Parmi les formes hémièdres les plus importantes des
divers systèmes cristallins, on peut citer :
i^ Système cubique. Hémiédrie à faces parallèles:
dodécaèdre pentagonal dérivé del'hexatétraèdre. Hémiédrie
à faces inclinées, tétraèdre dérivé de l'octaèdre. Hémitrioc-
taèdre dérivé du trioctaèdre, hémiicositétraèdre dérivé de
l'icositétraèdre. Hémiédrie plagièdre : elle résulte dans les
cas observés de la combinaison du tétraèdre avec le dodé-
caèdre pentagonal.
2° Système hexagonal. Sur les divers modes d'hémié-
drie que la théorie permet de prévoir, on n'en a jamais ren-
contré qu'un seul, l'hémiédrie à faces parallèles présentée
par l'apatite.
3^ Système rhomboédrique. Hémiédrie à faces paral-
lèles : les scalénoèdres et les isocéloèdres se transforment
en rhomboèdres; les prismes dodécagonaux en prismes
hexagonaux. Hémiédrie à faces inclinées : les scalénoèdres
et les isocéloèdres se transforment en pyramides à six
faces ; les rhomboèdres en pyramides à trois faces ; les
prismes dodécagonaux en prismes hexagonaux non régu-
liers. Hémiédrie plagièdre : les scalénoèdres se transforment
en solides à six faces formés par deux pyramides à trois
faces non accolées par la base.
Remarque. Si l'on regarde les formes rhomboédriques
comme dérivées par hémiédrie du type hexagonal, les
formes qui viennent d'être décrites comme hémièdres de
scalénoèdre et de l'isocéloèdre, deviennent des formes hé-
mièdres de second ordre ou tétartoédriques.
4° Système quadratique. Hémiédrie à faces parallèles,
octaèdres à base carrée placés dissymétriquement sur le
pi'isme primitif dérivés des dioctaèdres ; prismes à base
carrée placés également dans une position dissymétrique
dérivés des prismes octogonaux. Hémiédrie à faces incli-
nées : tétraèdres dérivés des octaèdres.
^^ Système orthorhombique. Hémiédrie à faces incli-
nées : hémiprismes dérivés des prismes orthorhombiques.
Hémiédrie plagièdre : tétraèdre dérivé de l'octaèdre à base
rhombe.
6^ Système clinorhombique. Le seul mode d'hémiédrie
observé est l'hémiédrie plagièdre.
7^ Système asymétrique. On ne connaît pas d'hémié-
drie de ce système, bien qu'il puisse théoriquement en exis-
ter un mode qui serait caractérisé par la suppression d'une
des deux faces parallèles d'un couple.
Nous indiquerons maintenant en quelques mots les prin-
cipales notations employées en cristallographie. La loi de
la constance des angles et celle de troncatures rationnelles
ont naturellement donné naissance à une écriture symbo-
lique destinée à représenter les faces des cristaux à peu
près comme les lois des proportions définies et des propor-
tions multiples ont donné naissance aux formules chimi-
ques. Haiiy inventa un système de notation qui est, à très
peu de chose près, celui qui a été employé dans l'exposé
précédent. Il reposait sur sa théorie des décroissements :
toute modification produite par un dccroissement sur un
élément est représentée par la même lettre que cet élénient,
mais avec un exposant qui indique de combien de rangées
de molécules intégrantes chaque assise est en retrait sur la
précédente. Ainsi b^ représente une face naissant sur
l'arête b par la superposition sur la base d'assises d'une
molécule d'épaisseur et en retrait les unes sur les autres
26
CRISTALLOGRAPHIE
mî —
d'une rangée de molécules; bs représente une face nais-
sant de la superposition sur la base d'assises de trois mo-
lécules d'épaisseur en retrait les unes sur les autres de
2
deux rangées de molécules, ce qui donne un retrait de ^ de
molécule pour chaque assise d'une molécule d'épaisseur.
Quant aux choix des lettres, on représente les trois
faces du solide fondamental par les lettres p, m, t qui
rappellent le mot primitif; les consonnes b^ c^ d, /, g
représentent les arêtes, les voyelles a, e, i, o, u les
angles solides ; les éléments égaux sont représentés par la
même lettre. Le. nombre des arêtes et des angles dissem-
blables diminuant à mesure *que la symétrie augmente,
quelques-unes des lettres deviennent inutiles ; on supprime
les dernières par ordre alphabétique. La notation de Haiiy
a été adoptée et perfectionnée par Lévy ; elle est simple et
expressive ; elle indique fort bien la position de la forme
simple sur la forme primitive ; elle est excellente soit au
point de vue de l'image fournie à l'esprit, soit au point de
vue de la commodité de l'écriture, du langage ou des
figures.
Mais elle n'a pas un caractère assez mathématique pour
pouvoir servir directement au calcul cristallographique.
Aussi l'école allemande lui a-t-elle substitué des symbo-
lisations complexes qui rapprochent la cristallographie de la
géométrie analytique. Parmi ces notations, il en est une qui
est commode : c'est celle de Millet. Elle a l'inconvénient
grave de ne guère désigner que des faces isolées : or dans
les cristaux il existe toujours un ensemble de faces analo-
gues ayant même longueur de paramètres et constituant
des formes déter»îimées. Elle emploie des caractéristiques
compliquées de signes algébriques qui ne présentent pas
d'image nette à l'esprit et exigent un certain effort d'at-
tention pour être comprises. Aussi est-elle incommode au
point de vue descriptif; on ne peut guère employer dans
le langage parlé des symboles comme (010), (014), etc.,
surtout s'ils sont affectés des signes négatifs ; il est égale-
ment difficile de placer ces symboles à trois chiffres sur les
dessins des cristaux : on est obligé, comme le faisait Miller,
de désigner les faces par des lettres arbitraires de
l'alphabet. Mais cette notation a une incontestable utilité
pour le calcul.
Malheureusement ce système n'est pas le seul qu'ait
inventé l'imagination trop fertile des cristallographes alle-
mands : Weiss, Rose, Naumann, etc., ont cru devoir
apporter chacun un iangafije nouveau sous prétexte que
l'ancien était imparfait, et il en est résulté une telle con-
fusion que la lecture des travaux cristallographiques est
souvent pénible, même pour les cristallographes de pro-
fession. Certaines de ces notations, du reste comme celles
de Naumann et de Dana sont aussi incommodes au point
de vue du langage qu'à celui du calcul. Aussi indiquerons-
nous seulement là le principe de la notation de Miller. Nous
avons vu qu'il y a toujours dans un cristal trois droites
auxquelles correspondent trois paramètres telles que le pa-
rallélipipède construit sur ces paramètres, est la maille du
système élémentaire . Toute face cristalline intercepte sur
ces trois droites qu'on transporte au centre du cristal et
qu'on prend pour axes cristallographiques des longueurs
numériques qui sont entre elles, d'après la loi de dérivation,
comme des nombres entiers. Dès lors on formera le sym-
bole d'une face en écrivant entre parenthèses trois carac-
téristiques qui sont les trois coefficients par lesquels il faut
multiplier les paramètres de la face pour avoir le paramètre
de la forme primitive.
Le calcul cristallographique a constamment recours pour
la détermination des faces à une loi dite loi des zones.
Ilaûy avait déjà remarqué que les facettes d'un cristal
composé ont le plus souvent leurs arêtes opposées paral-
lèles. Il avait signalé le parti qu'on pouvait tirer pour le
calcul de cette observation qui fournit, par exemple, dans
le cas de variété de calcaire dite paradoxale « des données
à l'aide desquelles on arrive sans aucun tâtonnement à la
détermination du décroîssement intermédiaire qu'elle pré-
sente ». Cette observation généralisée est devenue le fon-
dement de la loi des zones. Des faces sont dites en %one^
quand elles sont parallèles à une même droite appelée l'axe
de la zone. Quand plusieurs faces en zone se coupent, leurs
intersections sont parallèles entre elles. Une face qui
appartient à deux zones connues est donc définie cristal-
lographiquement.
On se sert avec avantage pour faciliter ces calculs de la
l'eprésentation des faces des cristaux par leurs pôles, c-à-d.
par les points où une normale à la face perce une sphère
décrite autour du cristal avec son centre comme centre.
Puisque dans le cristal le moins symétrique, il existe au
moins deux faces identiques, parallèles entre elles, on peut
ne considérer que la moitié de la sphère et la projeter sur
un certain plan comme on le fait pour les cartes géogra-
phiques. Si ce plan est celui du grand cercle passant par
les pôles de deux des faces parallèles aux plans coordonnés,
la projection est dite stéréographique ; si ce plan est le
plan tangent au pôle, etc., la demi- sphère est parallèle à
sa base : cette projection est dite gnomonique, La pro-
jection stéréographique est la plus commode et la plus em-
ployée; la projection gnomonique offre parfois certains
avantages. Enfin un troisième mode de projection dite
linéaire est peu commode et peu répandu malgré les
efforts de quelques cristallographes allemands.
Telles sont les lois fondamentales de la cristallographie
et les calculs auxquels elles conduisent. Pour achever
l'étude des propriétés qui se rattachent à la forme des cris-
taux, il est nécessaire d'indiquer maintenant les phéno-
mènes de l'hémitropie et des groupements cristallins, du
dimorphisme et de Fisomorphisme.
Il arrive que deux individus cristallins d'une même subs-
tance s'assemblent et s'accroissent simultanément, bien que
l'orientation relative de leurs axes soit différente. Ces as-
sociations connues sous le nom de groupements cristallins,
se partagent en deux classes : les macles et les groupe-
ments par pénétration.
Les macles ont été déjà étudiées par Rome de l'Isle.
Dans une macle les cristaux sont groupés de manière à
avoir une face cristalline commune et de façon que par
rapport à cette face l'un des systèmes réticulaires est sy-
métrique de l'autre ; une macle peut se répéter un très
grand nombre de fois, et chaque fois un nouveau plan de
symétrie se produit; si le nombre des macles devient très
grand, les divers cristaux qui y participent se rapproche-
ront, les gouttières qui les séparent se réduiront de plus
en plus, en sorte que leur ensemble finira par figurer un
plan cristallin accidenté seulement par des stries. Le cristal
semblera avoir acquis un élément de symétrie nouveau.
Les feldspaths tricliniques présentent précisément ce mode
de structure.
Le second mode de groupement, le groupement par pé»
nétration, n'est pas aussi général que la macle ; il ne s'ap-
plique qu'aux cristaux dans lesquels la symétrie de la maille
est supérieure à celle de la molécule, et qu'on appelle pour
ce motif pseudosymétriques. Un cristal, par exemple, sera
dit pseudoquadratique si sa maille ayant la forme d'un
prisme droit à base carrée, la molécule a seulement une
symétrie rhombique. L'observation montre que l'équilibre
moléculaire du cristal subsiste pourvu que les mailles
restent parallèles entre elles, les molécules pouvant pos-
séder des orientations variées. Ces cristaux ne sont plus
homogènes et n'obéissent plus à la théorie générale de
Bravais ; ils constituent des groupements par pénétration.
M. Mallard a montré que la fréquence de ces groupe-
ments ne permet pas de les regarder comme de simples
accidents et qu'ils nous montrent la matière s'efforçant de
réaliser, dans sa structure intime, l'arrangement le plus
symétrique possible. Il a expliqué ainsi un grand nombre
d'anomalies observées dans les phénomènes optiques en
admettant que la symétrie réelle du cristal est différente
de la symétrie apparente indiquée parla forme extérieure :
- 403 -
CRISTALLOGRAPHIE - CRISTIERNIN
Tempilement d'une série de lames cristallines d'un système
quelconque pouvant produire Fâpparenee extérieure d'un
cristal appartenant à un système plus symétrique.
Outre les phénomènes optiques d'ailleurs, il est certains
phénomènes physiques tels que celui des figures de cor-
rosion qui amènent à la même conclusion. Quand on
attaque la surface d'un cristal par un agent chimique, il
se produit de petites cavités qui sont de véritables polyèdres
cristallins ayant la symétrie du cristal. Si un cristal cu-
bique est formé de la juxtaposition de plusieurs cristaux
rhombiques, les figures de corrosion n'auront que la symé-
trie rhombique et décèleront le travail de marqueterie na-
turelle qui a donné sa structure au cristal.
Cette théorie des groupements jette un jour sur les pro-
blèmes difficiles de la polarisation rotatoire et du polymor-
phisme. Si Ton superpose des lamelles de mica de manière
que la trace du plan des axes optiques de chaque lamelle
fasse un angle de 60° avec celle de la lamelle inférieure,
on constate qu'une pile de lames ainsi constituée reproduit
tous les caractères optiques de la polarisation rotatoire du
quartz.
Le polymorphisme, c.-à-d. la faculté qu'ont certaines
substances de cristalliser sous des formes incompatibles (ne
possédant pas le même système réticulaire) peut également
être rattaché aux phénomènes des groupements cristallins.
M, Pasteur a indiqué que les formes incompatibles sont
cependant peu différentes les unes des autres, étant toujours
à la limite de deux systèmes voisins. Or, lorsqu'on
chauffe une des formes cristaUines d'une substance poly-
morphe, on constate fréquemment que, dès qu'on a atteint
une certaine température, la forme passe brusquement et
sans transition à la seconde forme cristalline. Ce change-
ment consiste, selon M. Maillard, en un groupement entre
les particules, analogues aux groupements cristallins entre
portions finies de la matière qui ont été décrits plus haut.
Il nous a paru nécessaire d'indiquer ces ingénieuses con-
sidérations, malgré leur caractère encore hypothétique,
car les phénomènes cristallographiques sont peut-être, dans
l'état actuel de la science, ceux qui nous permettent de
pénétrer le plus profondément dans la connaissance de la
matière.
Rappelons enfin que certaines substances peuvent cris-
talliser suivant deux ou même trois formes primitives incom-
patibles. Elles sont dites dimorphes (soufre, carbonate
de chaux) ou polymorphes (acide titanique).
Par contre, des corps différents présentent souvent, à
quelques minutes près dans la valeur des angles, la même
forme cristalline et donnent, lorsqu'ils se solidifient dans
une même solution, des cristaux où ils entrent en propor-
tions quelconques. On dit qu'ils sont isomorphes (Mit-
scherlich) ce qui est l'indice d'une similitude de composition
chimique.
Nous terminerons ici cette étude sur la forme extérieure
des cristaux. Le mode de production de ceux-ci et les
principales particularités qu'il présente ont été étudiés au
mot Cristallisation. — Quant aux propriétés physiques
des cristaux (propriétés mécaniques, thermiques, élec-
triques, optiques, etc.), elles sont étudiées aux mots Cli-
vage, Elasticité, Dilatation, Pyroélectricité, Réfraction
(Double), Polarisation. D. B.
BiBL. : Haûy, Traité de minéralogie^ 1823, 4 vol. in-8,
20 éd. — Delafosse, Nouveau Cours de minéralogie^ 1856-
62, 3 vol. in-8. — Dufrénoy, Traité de minéralogie, 1856-
59, 4 vol. in-8, 2« éd. — Des Cloizeaux, Leçons de cristal-
lographie professées à VEcole normale^ 1861, in-4. —
Bravais, JB^Mdes cristallographiques^ 1866, in-4.— Miller,
Traité de cristallographie, traduit en français par Senar-
mont, 1842, in-8. — Naumann, Elemente der Minéralogie,
1855, in-8,49 éd. — B AN A^ System ofMineralogy, 1858,2 vol.
in-8, 4« éd. — Groth, Physihalische Krystallographie,
1876. — TsoHERMAK, Lchrbuch der Minéralogie^ ISSl-Sd.
— Mallard, Traité de cristallographie, 1879-84, 2 vol. in-8.
CRISTALLOÏDE(Bot.). Nom donné par Nœgelé à des
masses protoplasmiques qui affectent des formes géomé-
triques régulières, ce qui les avait fait désigner par Trécul
sous le nom de cristaux organiques; les cristalloïdes ne
sont pas autre chose que des masses albuminoïdes à forme
cristalline, incolores ou teintées, se laissant imbiber par
certaines substances, d'oti un gonflement souvent énorme.
Ils se rencontrent le plus fréquemment dans les matières
nutritives accumulées dans les tubercules, les graines, etc.
Ils sont recouverts d'une croûte albuminoïde que l'eau
dissout aisément. Les grains à'aleurone (V. ce mot) ren-
ferment souvent des cristalloïdes ; dans certaines familles,
les Euphorbiacées entre autres, c'est la règle ; dans d'au-
tres, comme les OmbeUifères, c'est l'exception. Pendant la
germination les cristalloïdes disparaissent souvent et
servent à nourrir la jeune plante. D»^ L. Hn.
CRISTATELLA (ZooL). Genre de Bryozoaires-Ph^lacto-
lœmes, habitant les eaux douces comme tous les animaux
de cet ordre, observé et décrit sous ce nom par G. Cuvier.
Il forme la famille des Cristatellidce dont le type est le
C, mucedo. Les colonies sont mobiles sur un disque
pédieux contractile ; les individus sont disposés en séries
marginales ou suivant des cercles concentriques allongés,
ils émergent d'un zoarium gélatineux et de forme aplatie.
Les statoblastes circulaires ont un cadre annulaire et une
couronne marginale d'épines. Le C» mucedo rampe à la
surface des pierres immergées et des plantes aquatiques.
CRISTELLARIA (Malac). Genre de Foraminifères de la
famille des Lagénides, établi par Lamarck; la coquille élégante
de ces animaux est de nature calcaire, composée de huit à
neuf chambres très réguHères, plus larges d'un côté et
formant ainsi une spirale aplatie, hérissée sur la tranche
de très forts aiguillons, les pseudopodes sortent par les
pores de la dernière ou de l'avant-dernière loge. Il existe
une vingtaine d'espèces vivantes de ces animaux qui sont
fort communs dans la Méditerranée. On les trouve à l'état
fossile depuis le trias. R. Moniez.
CRISTIANI (Beltrame, comte), homme d'Etat italien,
né à Gênes en 4702, mort en 1758. Il fut successivement
ministre des finances du duché de Plaisance (1734), gou-
verneur de Plaisance (1735), gouverneur du duché de
Modène (1742), enfin grand chancelier du Milanais (1753),
avec les pouvoirs les plus étendus. Tous les historiens van-
tent son désintéressement, son intelligence et son amour
de la justice. Marie-Thérèse l'estimait particulièrement et
disait : « Il n'y a que trois hommes en Italie : Benoît XIV,
le marquis Tannucci et le comte Cristiani. » Il publia
quelques opuscules : une Lettre d'un ami à un ami,
sur la guerre de 1757, en français et en latin ; un mémoire
sur II Fondo di Malgrate, étude historique ; un traité
Sopra VAsilio Sacro (Milan, 1758). R. G.
BiBL. : Ritratti ed elogii di Liguri illustri; Gênes, 1827,
in-4.
CRISTIANI m Bàrtolommeo (Giovanni), dit aussi Gio--
vanni da Pistoja, peintre italien de la seconde moitié
du XIV® siècle, né à Pistoja et élève de Pietro CavaHini.
Il travaillait, selon toute vraisemblance, en 1382, au
Campo Santo de Pise ; en 1390, il peignit à Montemurlo,
dans r « Oratorio dei Nerli » une Madone avec Venfarit
Jésus entre saint Jean-Baptiste et saint Nicolas. Il
est l'auteur de quelques tableaux dans l'église Saint-Antoine
de Pistoja et dos dessins pour l'autel d'argent de l'église
Saint-Jacques dans la même ville. Un ouvrage authen-
tique de ce maître nous est conservé : c'est le retable de
l'église San Giovanni Evangelista à Pistoja (1370). En se
fondant sur leurs analogies avec cet ouvrage, MM. Caval-
caselle et Crowe lui attribuent les fresques de la chapelle
Lodovico à San Francesco à Pistoja. Sa dernière œuvre fut
la décoration d'une éghse de la même ville avec des Scènes
de la Vie du Christ.
BiBL. : Vasari, t. I, p. 542, éd. Milanesi. — Crowe et
Cavalcaselle, Histoire de la Peinture en. Italie, t. II,
pp. 390-391, éd. allem.
CRISTIERNIN (Haraldaf), marin suédois, né le 24 déc.
1751, mort le 1^*^ mai 1799. Embarqué comme mousse,
il devint Meutenant dans la marine anglaise (1778) et contre*
amiral dans la marine suédoise (1795). A la bataille de
Hogland (17 juil. 1788), il prit un vaisseau de ligne russe,
CRISTIERNIN — CRISTUS
404
mais quelques mois après il perdit son navire sur un récif et
resta prisonnier des Russes jusqu'en 1790. R-s.
CRISTINACCE. Gom. du dép. de la Corse, arr. d'Ajaccio,
cant. d'Evisa; 4,089 hab.
CRISTOFANI (Ruonamico), peintre italien (V. Ruffal-
MACO) .
CRISTOFANO (Francesco di), peintre italien (V. Rigio
[Marco- Antonio] ).
CRISTOFANO, peintre italien de Rologne, qui exécuta
avec Jacopo et Simone les fresques de la Madonna délia
Mex>%araUa (fin du xiv^ siècle et début du xv® siècle) .
GRISTOFARI. Nom de deux mosaïstes romains du
XVII® et du xviii® siècle, Fabius et Pietro-Paolo ; celui-ci
dirigea à partir de 4727 l'atelier pontifical reproduisant en
mosaïque des tableaux de maîtres renommés et travaillant
à la décoration de la mosaïque de Saint-Pierre ; sa mo-
saïque des Funérailles de sainte Pétronille^ d'après
Guerchin, est la meilleure de ce groupe.
BiBL.: Gerspach, la. Mosaïque^ pp. 186 et suiv.
^ CRISTOFORI (Rartolomeo), célèbre facteur de clave-
cins, né à Padoue le 4 mai 4658, mort à Florence le
il mars 4 734. Il avait acquis à Padoue une telle renom-
mée de facteur de clavecins, que Ferdinand de Médicis
l'invita à venir à Florence et à entrer à son service comme
facteur et gardien de sa collection d'instruments. Cristo-
fori occupa ces fonctions jusqu'à sa mort. En 4744, Maffei,
dans le Giornale dei letterati d'Italia^ décrivit un cla-
vecin avec piano et forte, inventé par Gristofori, dans
lequel le son variait d'intensité selon le degré de force
déployé dans l'attaque de la touche ; cette transformation
était obtenue par la substitution de marteaux aux becs de
plume employés jusque-là. Marius et Schrœter inventèrent
presque en même temps, l'un en France et l'autre en ilUe-
magne, des mécanismes analogues. En mai 4876, ont eu
lieu à Florence des fêtes musicales en l'honneur do Gris-
tofori, terminées par l'érection d'un monument à sa mé-
moire, dans le cloître de Santa Croce (V. Glavecin,
Marius, Piano, Schroeter). M. Rr.
BiBL. : Atti delV Accademia del real Isliluto musicale
di FirenzeA. XIÏ. — Ponsicghi, Il P'mnoforle ; Florence,
1876, in-8.
CRISTOFORI (Giambattista de), littérateur italien, né
à Milan le 44 nov. 4783, mort le 20 juin 4838. On con-
naît de lui un drame historique : Sergiami Caracciolo,
un Compendio délia storia Milanese^ des Prose e poésie
morali ; enfin des contes plusieurs fois réimprimés : Rac-
conti morali (Milan, 4844, in-8). R. G.
BiBL.: G. Passano, I NoveUieri lialmni inproso; Turin,
1878, in-8. — Bibliografîa mllanese; Milan, 1884, in-8.
CRISTOFORI DA Verona, architecte italien du xvii^ siè-
cle. Elevé dans le sentiment artistique du fameux Rorro-
mini, Gristofori suivit les errements de cet artiste dans les
travaux qu'il fit exécuter dans de nombreux palais de sa
ville natale. Ch. L.
BiBL. : Ticozzr, Diz. degli avchitelli^ etc. -, Milan, 1830,
in-8, t. ï.
CRÎSTOFORO (Gian), sculpteur italien (V. Romano
[Gian-Gristoforo]) .
CRISTOFORO, dit V Altissimo, ])ohlQ italien du xvi« siè-
cle. Il versifia le premier livre des Reali di Francia,
vaste compilation en prose extraite des chansons de geste
françaises du cycle de Gharlemagne, qui avait été impri-
mée à Modènc en 4494. Le poème de Gristoforo a pour
titre : Il Primo Libro de'Reali de M. Gristoforo Fioren-
tino detto Altissimo, poeta laureato : cantato da lui
alVimproviso^ etc. (Venise, 4534, in-4). Gomme il se
qualifie lui-même, c'était, paraît-il, un improvisateur et
c'est à ce talent populaire plutôt qu'à sa réelle valeur de
poète qu'il dut- son prétentieux surnom. Ses œuvres,
moins les Reali^ ont pour titre : Opère deW Altissimo,
nelle quali descrive : le bellezze d'una donna; le bel-
lezz'e d'un uomo : la descrix,. di primavera, sonetti,
capitoli, strambotti, etc. (Florence, 4572, in-8). On a
publié récemment : Sirambotti e sonetti deW Altissimo ,
per cura di Rodolfo Renier (Turin, 4886). R. G.
BiBL. : Pio Rajiva, i Reali di Francia^ dans Collezione
di opère inédite o rare.
CRISTOFORO DA Ferrara, sculpteur italien. R tra-
vaillait à Venise en 4444. On lui doit d'excellentes sculp-
tures sur bois, entre autres deux corniches qui se trouvent
à Venise dans les égUsos Saint-Gosme et Saint-Pantaléon;
cette dernière est au-dessus d'un tableau d'Antonio et de
Giovanni Vivarini, elle porte cette mention: Gristoforo
da Ferrara intaya^ Juane e Antonio da Mui^an di-
pense (4444).
CRISTOFORO BE Parme (V. Gasellî).
CRISTOT. Gom. du dép. du Galvados, arr. de Caen,
cant. de Tilly-sur-SeuUes ; 250 hab.
CRISTUS ou CHRISTUS (Pierre), appelé aussi parfois
à tort Ghristophsen, c.-à-d. fils de Ghristophe, peintre fla-
mand, né probablement au début du xv^ siècle, mort après
4472. n est cité en passant par Vasari et Guichardin, qui
le nomment Pietro Grista ou Ghrista. Rien que l'histoire de
sa vie soit encore pleine d'incertitudes, on a quelques
jalons précieux, grâce surtout aux recherches de M. Weale
dans les archives de Rruges. Voici comment l'artiste figure
dans le plus ancien document trouvé sur lui : « Pierre
Gristus, fils de Pierre, né à Raerle, achète son droit de
bourgeoisie à Rruges, le sixième jour de juil. 4444, pour
être peintre. » Le Raerle dont il s'agit paraît être un ha-
meau de la commune de Tronchiennes près Gand. Il est
probable que Gristus vint de bonne heure étudier à Rruges,
qui était un centre important. Peut-être même y a-t-il
connu Jean Van Eyck, mort en 4440. En tout cas, s'il ne
fut pas l'élève direct du maître, il a fortement subi l'in-
fluence de ses œuvres et suivi tout à fait docilement le sil-
lon tracé par lui. On a de Gristus un certain nombre de
tableaux authentiques, en général soigneusement signés
PETRUS XPI ME FEGIT et datés. En 4446, par exemple,
il exécute le portrait à' Edouard Grimston^ ambassadeur
d'Angleterre (aujourd'hui chez lord Verulam), dont la pré
tendue Lady Talbot du musée de Rerlin, autrefois signée
sur le cadre et sans doute après coup : Opus Pétri Ghrîsto-
phori, sérail la femme et le pendant, d'après M. Rode
{Gazette des beaux-arts, mars 4887). De 4447, ou 4457
au plus tard, est l'intéressante Madone entre saint Jé-
rôme et saint Fra7içois, de l'institut Staedel à Francfort,
dont la date de 4447 est refaite. Les souvenirs de Van
Eyck y abondent : on y retrouve jusqu'à des copies de
l'Adam et Eve parmi les statuettes du siège de la Vierge, et
jusqu'au tapis même de la Madone de Lucques. Le SaiJit
Eloi vendant un anneau à un jeune couple j de la col-
lection Albert Oppenheim, à Gologne, un des plus anciens
tableaux de genre de l'école, et qui paraît avoir ouvert la
voie aux Ranquiers ou aux Changeurs de Metsys, signé et
daté 4449, avait été peint pour la corporation des orfèvres
d'Anvers. G'est peut-être le chef-d'œuvre de Gristus, ou
au moins sa composition la plus personnelle et la plus
neuve. Enfin, de 4452, on trouve au musée de Rerlin
deux volets d'un tableau d'autel, autrefois dans la cathé-
drale de Rurgos, représentant sur un des panneaux ï Annon-
ciation et la Naissance du Gfirist^ sur l'autre le Juge-
ment dernier. Après cette date, on ne peut plus suivre
l'histoire du peintre que sur des documents d'archives. En
4454, il se rend de Rruges à Gambrai, à la demande du
comte d'Etampes, pour y faire trois copies d'une Madone
de Saint-Luc, conservée dans la cathédrale, et dont l'une
se voit encore aujourd'hui dans l'hôpital de cette ville (De
Laborde, Ducs de Bourgogne^ I, p. cxxvi). En 4462, Gris-
tus et sa femme, dont on ignore le nom, sont inscrits
comme membres de la conlrérie de Notre-Dame de l'Arbre-
Sec, à Rruges. En 4463, le peintre reçoit la commande
d'un grand arbre de Jessé et d'un Enfant Jésus destinés
aux célèbres processions du Saint-Sang, et qu'il restaure
dès 4467. R figure pour la dernière fois parmi les notables
peintres de Rruges en 4469 et 4472, et mourut certaine-
405 —
CRISTUS ^ CRITIAS
.ment avant nov. 1473: Il paraît n'avoir quitté que rare-
ment sa ville d'adoption. Les conjectures sur ses voyages à
Cologne ou en Espagne ne sont rien moins que prouvées,
il importe de ne pas le confondre avec le maître Cliristo-
pliorus, un Colonais sans doute, qui, d'après la chronique
deMôrkens, exécutait en 4471 un tableau pour l'autel des
Saints Anges en la Chartreuse de Cologne. — Cristus eut
un fils, Sébastien, et un petit-fils, PieiTe^ qui furent
également peintres à Bruges.
A la liste de ses tableaux authentiques on peut joindre
par comparaison : d'après Waagen, un Crucifiement et
un Jugement dernier^ deux volets de retable venus d'Es-
pagne, à l'Ermitage de Saint-Pétersbourg ; d'après le Cicé-
rone de Burckhardt, une petite Madone à la Pinacothèque
de Turin (n^359), et deux volets avec portraits d'homme
et de femme aux Offices de Florence (n° 749) . On lui attri-
bue également quatre panneaux formant un même ensemble
au musée de Madrid : Annonciation^ Visitation, Nati-
vité et Adoration des Mages, mais qui sont contestés,
ainsi que le Saint Jérôme du musée d'Anvers. Dans les
collections des Médicis, dont l'inventaire a été publié par
M. Mimtz (Paris, 1888, in-foL), figure un portrait de
dame française, à l'huile, par Pierre Cristus (Pietro Cresti
da Bruggia), estimé même assez cher, plus qu'un Van
Eyck, un Squarcione et la plupart des Fra Angelico (40
florins). Cristus est un imitateur habile de Van Eyck plu-
tôt qu'un inventeur. En général, il manque un peu d'élan,
de spontanéité et d'accent personnel. Sa gloire est d'avoir
été le bon élève d'un maître admirable. Paul LEPRiEmu
BiBL. : Crowe et Cavalcaselle, les Anciens Peintres
flamands^ traduct. Delepierre ; Bruxelles, 1862-1865, 3 vol.
in-8. — Journal des beaux-arts de Siret (années 1860,
1863). — James Weale, dans le Beffroi ; Bruges, 1863-1864,
t. 1 et II. '— Biographie nationale ; Bruxelles, 1873, t. IV,
in-8 (art. d'Ad. Siret). — A.-J. Wauters, la Peinture fla-
mande, in-8. — Taurel, VArt chrétien en Hollande et en
Flandre ; Amsterdam, 1881, in-fol. (art. de James Weale,
avec grav.).— Woltmann et Wœrmann, Geschichte der
Malerei ; Leipzig, 1882, t. II, in-4 (grav.).
CRITALLÂ. Ville de Capadoce, où Xerxès rassembla une
armée avant d'envahir la Grèce (iïérod., VIÏI, 26),
CRITÉRIUM (Philos.). On appelle critérium ou critère la
marque à laquelle on reconnaît la certitude d'une proposition
(V. Certitude) . Bien que le grand débat soulevé entre les aca^
démiciens et les stoïciens et les dicussions de Pyrrhon rap-
portées par JEnésidème et Sextus Empiriciis (V. ces noms
et Cicéron, Academica; Brochard, les Sceptiques grecs;
Paris, 1887, in-8) eussent déjà dans l'antiquité porté l'atten-
tion sur la question du caractère auquel on peut reconnaître
une vérité certaine, on peut dire que c'est surtout depuis Des-
cartes que la question du critérium a été approfondie et éluci-
dée. Avant Descartes, l'évidence était le caractère auquel se
reconnaissaient les propositions certaines, et on ne songeait
nullement à distinguer entre la certitude et la vérité. Est
certain tout ce dont il est raisonnablement impossible de
douter, et tout ce qui est certain est aussi vrai. Descartes
voulut déterminer non seulement les conditions subjectives
de l'évidence, mais aussi ses conditions objectives qu'il trouva
dans la clarté et la distinction des idées. Mais il ne cher-
chait plus dès lors le critère de la certitude, mais celui de
la vérité. De là est sortie pour la philosophie moderne la
position de ce problème : Quelle pourra être la marque de
la vérité objective, le critérium véritable de la certitude
correspondant à la vérité ? Il n'est pas difficile de montrer
que le problème ainsi posé ne comporte pas de solution.
On commence, en effet, par supposer que l'esprit est exté-
rieur à la vérité et que la vérité est extérieure à l'esprit,
c.-à-d. à la pensée, puis après avoir ainsi séparé la pensée
et la vérité, on cherche un pont entre les deux. Mais il
est bien clair que le critère, quel qu'il soit, ne peut être
situé hors de la pensée, comment alors la pensée pourrait-
elle s'en servir ? ni dans la pensée, comment ne serait-il
pas suspect ? Il est, en outre, contradictoire à l'hypothèse
de la séparation de la vérité et de la pensée qu'il puisse y
avoir un critérium mixte, à la fois dans la vérité objective
et dans la pensée subjective, car la pensée ne peut juger
que ce qu'elle connaît, et elle ne peut rien connaître qui
soit en dehors d'elle-même. Il ne peut donc y avoir qu'un
critérium de la certitude et non un critérium de la vérité.
C'est ce dont on s'aperçoit bien vite quand on examine les
divers principes auxquels divers philosophes ont voulu
attribuer le rôle de critères. De Bonald, Lamennais
(V. ces noms) ont voulu admettre pour critérium de la
vérité le consentement unanime de l'humanité, mais qui est
juge de la bonté et de l'existence de ce caractère? N'est-ce
pas l'esprit ? Et dès lors n'est-ce pas la certitude intime qui
devient la preuve de la vérité ? Ce qui nous assure encore
que tout ce qui est contradictoire est faux et que le con-
tradictoire du faux est vrai (Leibnitz, Monadologie), c'est
simplement l'évidence intérieure. On voit donc le principe
qui a donné lieu à cette recherche sans issue, c'est que
la vérité est extérieure à la pensée. Il faut, au contraire,
retourner la proposition et dire : Il n'y a de vérité que par
la pensée et pour la pensée. L'esprit n'est pas hors de la
vérité, ni la vérité hors de l'esprit, il y a seulement des
états particuliers de l'esprit qui méritent le nom de vrais.
Le critère de l'impossibilité raisonnable du doute est suffi-
sant pour reconnaître ces états et les distinguer des autres
qui peuvent aussi exister, mais ne portent pas avec eux
cette force parfois invincible comme il arrive en mathé-
matiques, qui est la véritable marque, le seul vrai critérium
de la certitude, et ne se distingue pas de l'évidence telle
que l'entendaient, en général, les philosophes antérieurs à
Descartes. G. Fonsegrive.
CRITEUIL-Magdeleine. Com. du dép. de la Charente,
arr. de Cognac, cant. de Segonzac; 720 hab.
CRITHMUWl (Crithmum Tourn.). I. Botanique. —
Genre de plantes de la famille des Ombellifères et du
groupe des Peucédanées. L'unique espèce, C, mariti-
mum L., est une herbe vivace, odorante, dont la tige
dressée ou ascendante porte des feuilles charnues, bi-tri-
pinnatiséquées, à segments linéaires-lancéolés, d'un vert
glauque. Les fleurs, de couleur jaune verdâtre, sont dis-
posées en ombelles composées, à involucre et involucelles
polyphylles. Le C, maritimumh. croît abondamment dans
les fentes des rochers maritimes des côtes de l'Océan et
delà Méditerranée. On l'appelle vulgairement Bacile, Passe-
pierre, Perce -pierre, Fenouil marin, Christe marine,
Herbe de Saint-Pierre. Ses feuilles, à saveur aromatique,
piquante et salée, sont réputées apéritives et diurétiques.
On les confit au vinaigre et elles servent d'assaisonne-
ment pour les sauces et les salades. Lavini {Mém, de
VAcad. de Turin, 1882, t. XXV, p. 13) a extrait de la
plante une huile essentielle qui serait douée de propriétés
anthelmintiques. Ed. Lef.
II. EcoNOxMiE DOMESTiauE. — Outre son emploi comme
assaisonnement, la christe marine peut se prêter à toutes
les préparations culinaires que* reçoivent les légumes frais.
Préparée à l'huile, à la maître d'hôtel ou au jus, elle
constitue un aliment agréable, digne de figurer sur les
meilleures tables. Les feuilles et les tiges charnues de cette
plante entrent dans la confection des achards (V. ce mot).
On en fait aussi des conserves. La christe marine la plus
estimée est celle que l'on recueille sur les bords (le la mer.
CRITHOMANCIE (Antiq.) (V. Divination).
CRITIAS, homme d'Etat et philosophe grec, né vers le
milieu du iv® siècle avant J.-C, mort en 404, parent de
Platon qui a inscrit son nom en tête de l'un de ses dia-
logues. Comme Alcibiade, il mit au service d'une élégante
corruption les qualités les plus brillantes de l'esprit.
Socrate, dont il fut l'élève, essaya en vain de contenir sort
ambition sans scrupules. Pour des raisons demeurées in-
connues ses concitoyens l'exilèrent ; rentré dans sa patrie
à la suite de Lysandre, et l'un des Trente, il ensanglanta
l'Attique et fit adopter les mesures les plus violentes. Il
périt dans une rencontre avec les troupes de Thrasybule.
Le souvenir de ses cruautés fut si odieux que l'un des
principaux griefs invoqués contre Socrate fut de l'avoir eii
CRITIAS -«• CRITICÏSME
406
pour disciple. Plein de mépris pour les hommes, cette mi-
santhropie avait conduit Critias à un amer athéisme ; il ne
Yoyait dans la religion qu'une machine de gouvernement,
dans la croyance à' la providence et à l'immortalité, qu'une
invention de quelque législateur. Poète, orateur, historien,
il est loué par Cicéron et Denys d'Halicarnasse; Platon
(Lois.X) et Sextus Empiricus {Adv. Math., IX, 54),
vantent de même son mérite comme philosophe. Selon Aris-
tote (De Anima, I, 2), il assignait pour siège et substra-
tum à l'àme le sang. Les rares fragments qui nous restent
de lui ont été réunis et publiés par Bach en 4827 sous le
titre : Critiœ tyranni carminum alionimque ingenii
monumeniorum quœ supersunt (Leipzig, in-8).
BiBL. : Léonh. Spengel, De Crifia, dans Suva^coY^ xsy-
v65v; Stuttgart, 1828, pp. 120 et suiv.
CRITICÏSME. Nom donné au système de Kant et aux
doctrines d'inspiration kantienne. Kant est le père du cri-
ticisme. On peut s'attacher aux principes d'une doctrine
sans s'attacher également aux conséquences que son fon-
dateur en a déduites; de là vient que le criticisme est un
genre dont le kantisme est une espèce. Quelles sont les
thèses auxquelles tout criticiste doit nécessairement
adhérer ? Il est malaisé de le dire : tout disciple qui n'est
pas simplement l'écho de son maître est à certains égards
hétérodoxe, et l'hétérodoxie confine à l'hérésie. Or si, en
matière religieuse, il peut se trouver des juges pour décider
de ce qui est ou n'est pas hérésie, en matière philoso-
phique, de tels juges ne se rencontrent pas. Et même, le
père d'une doctrine, celui qu'au premier abord on serait
tenté de reconnaître compétent pour séparer ses vrais
disciples de ses disciples égarés, est ordinairement trop
disposé à abonder dans son propre sens ; il tient ses opi-
nions accessoires pour tellement liées à ses principes, qu'à
ses yeux, ne le point répéter en tout équivaut à le déna-
turer. Séparer les pensées fondamentales d'un philosophe
de celles qui lui sont venues comme par surcroît, cela ne
se fait qu'avec le temps, quand déjà la doctrine a com-
mencé de porter ses fruits. Mais il y a plus de cent ans
qu'a paru la Critique de la raison pure, le premier et
peut-être le plus durable monument de la philosophie de
Kant, et, depuis cent ans, les adeptes n'ont pas manqué à
cette philosophie. Il n'est donc pas impossible d'en fixer ^
les thèses essentielles.
Le criticisme a déplacé l'évidence et a transféré le cri-
térium delà vérité, des choses à l'esprit. Il a donné tort^
aux sceptiques, puisque ceux-ci contestaient la possibilité
de démêler le vrai d'avec le faux dans la connaissance
humaine ; il a également donné tort aux dogmatiques,
puisque, tout en admettant un critère du vrai, il rejetait
leur critère. Les sceptiques disaient : « Les objets de la
connaissance au lieu de se réfléchir dans l'esprit pourraient
bien s'y réfracter : dans ce cas, point de connaissance vraie ;
et alors à quoi bon affirmer ou nier ? » Les dogmatiques
répondaient : « Sans doute si cette réfraction avait lieu,
les sceptiques auraient gain de cause, mais cette réfraction
n'a point lieu. » Et cela ils l'affirmaient avec d'autant
plus d'énergie qu'ils manquaient de preuves. Kant dit à
son tour : « La réfraction a lieu, mais le scepticisme
succombe, car cette réfraction est soumise à des lois et ces
lois gouvernent tous les esprits. Par suite, toute connais-
sance est vraie quand elle résulte de l'application correcte
des lois de la pensée. Il est donc des vérjités accessibles à
l'homme. Amsi le problème posé par lès sceptiques n'est
pas insoluble et nos facultés intellectuelles comportent un
usage légitime. » Cette manière de résoudre le problème
« de la valeur générale de la connaissance » se distingue
donc des deux solutions entre lesquelles, antérieurement à
Kant, se partageaient les philosophes. Elle s'oppose égale-
ment au scepticisme et au dogmatisme, bien loin de les
concilier, comme on a pu parfois être tenté de le croire.
En effet, est-ce concilier deux théories antagonistes que de
rejeter de chacune d'elles ce qui la caractérise ? Or,
qu'est-ce qui caractérise le dogmatisme, sinon la thèse de
l'évidence objective ? Et le scepticisme ne consîste-t-il pas
essentiellement dans la défense intimée à l'esprit de for-
muler des jugements autres que problématiques ? Le cri-
ticisme s'oppose donc au scepticisme et au dogmatisme.
De même, le criticisme résout à sa manière le problème de
l'origine de nos connaissances. Après avoir statué sur ce
que vaut, prise en bloc, la connaissance humaine, il se
demande quelles fonctions de l'esprit interviennent dans la
constitution du savoir, A ce point de vue la solution criti-
ciste est encore nettement originale. Antérieurement à
Kant, le problème « de l'origine des idées » ne compor-
tait que deux solutions : les empiristes sans doute recon-
naissaient l'existence des notions universelles de temps,
d'espace, de cause, etc., mais ils les attribuaient à une
combinaison d'éléments d'origine sensible ; de là vient que
l'empirisme porte assez souvent dans l'histoire le nom de
sensualisme. Les adversaires de l'empirisme, sans mécon-
naître le grand nombre d'idées que la sensation nous
procure, estimaient que les notions universelles n'en dé-
rivaient pas, et qu'il fallait leur assigner une origine
suprasensible. Ils superposaient, dès lors, au monde sen-
sible, non un monde d'idées séparées, flottant pour ainsi
dire à distance les unes des autres dans l'espace céleste,
comme l'avait imaginé Platon, mais un monde de notions
distinctes et convergentes, ayantDieu pour foyer. Ces notions
étaient dites innée|, c.-à-d. contemporaines de l'éclosionde
l'âme ; mais l'âme restait étrangère à leur production.
Pour rendre compte de la solution criticiste, il suffit d'at-
tribuer à l'entendement la capacité de- produire ces notions,
en vertu d'une prérogative à lui propre, de telle sorte
qu'il ne les doive, ni à une sorte d'inspiration surnaturelle,
ni à un mélange d'éléments de provenance empirique.
N'est-ce point là une solution sui generis ? Elle diffère
essentiellement de l'empirisme, puisque l'esprit, selon
l'empirisme, ne tire rien de lui-même. Elle ne diffère pas
moins de la théorie dite « des idées innées », oti l'esprit,
s'il reçoit d'ailleurs que de l'expérience, ne fait non plus
que recevoir sans produire. Dans la doctrine de Kant,
la notion universelle ou concept est une création de l'en-
tendement humain.
A cette différence s'en ajoute une autre, et capitale. Les
idées innées, au dire de leurs partisans, se suffisent à
elles-mêmes. Elles ont leur cause, non dans l'esprit,
mais hors l'esprit, dans un monde suprasensible dont
l'esprit se trouve, on n'est jamais parvenu à expli-
quer comment, avoir l'intuition. Au fond, toute idée innée
est l'idée de Dieu ou d'un attribut de Dieu, en sorte que
prendre conscience de l'une d'elles c'est avoir vue sur le divin.
Rien n'est plus opposé à l'esprit du criticisme. D'abord si
la vérité ne provient plus d'une évidence localisée hors de
l'esprit, si les choses en arrivant jusqu'à l'esprit s'y ré-
fractent, on ne peut plus dire que nous les connaissions
telles qu'elles sont. Nous les connaissons telles qu'elles
nous apparaissent : dès lors toute vérité n'est telle que
par rapport à nous et ce que nous connaissons est toujours
non une chose, mais un phénomène. Quelle est donc la
fonction du concept ? Le concept, au dire de certains inter-
prètes fourvoyés de Kant, serait le substitut de l'idée innée.
Cela est si peu exact, que le concept nous retient dans le
monde de l'expérience et que toute intuition du monde intel-
Mgible, soit de l'esprit divin, nous est formellement refusée.
Toute connaissance ayant des phénomènes pour objet, le con-
cept ne peut servir qu'à l'établissement entre ces phéno-
mènes de relations universelles et nécessaires. Chez les par- ^
tisans des idées innées, celles-ci donnent bien lieu à des
jugements prétendus univex'sels et nécessaires, mais l'analogie
des termes recouvre une extrême différence d'interpréta*-
tîon. Du moment où les idées innées sont des intuitions, ^
leur universalité et leur nécessité prennent source dans .
leur constance : or, cette constance, rien ne la garantit
si ce n'est l'immutabilité de l'être divin, laquelle, en tout
état de cause, ne saurait être çfu'une immutabilité pré-
sumée. Dans la doctrine criticiste, il en est tout autre-
— 407 —
CRITICISME
ment, car l'universalité des concepts et leur nécessité ré-
sultent de ce que la supposition d'une limite à la durée de
leur application entraînerait celle d'une limite à la durée
de l'esprit humain. Est-il besoin de rappeler qu'on ne
saurait, en aucun cas, prendre conscience d'un concept
sans le détacher par abstraction des phénomènes qu'il sert
à unir ? Un concept à l'état pur, sans matière, est une
forme vide, où l'intuition ne trouverait point de quoi
s'exercer. Par suite, c'est dans leur exercice même, dans
leur acte, que l'esprit aperçoit les concepts. Cette théorie
du concept descend en droite ligne de la thèse fondamen-
tale. Si l'objet de la connaissance se règle sur l'esprit, la
science est possible. Mais savoir c'est connaître à priori.
Or, dans l'hypothèse empiriste, rien ne peut être connu à
priori, puisque l'expérience est extérieure à l'esprit et que
les lois de l'esprit ne sont que le reflet de ses lois ; et il
en est de même dans la théorie de l'innéité; du moment
où les idées innées sont dues à l'action d'un être dont
notre esprit se distingue, notre esprit le perçoit; mais
percevoir à priori implique contradiction. Même si,
comme le voulait Leibnitz, l'esprit contribue en quelque
chose à la connaissance des principes, cette connaissance
n'est pas son œuvre unique; elle lui est communiquée et,
en dernière analyse, elle n'est ni plus ni moins à poste-
riori que les notions d'origine empirique. D'où il suit,
et la conséquence est inévitable, itju'on ne peut être dit
criticiste, quand on est, soit empiriste ou associationiste,
soit rationaliste à la manière de Platon, de Descartes, de
Malebranche ou même de Leibnitz. Le criticiste ne pourra
davantage, sous peine d'inconséquence, assigner à la mé-
taphysique un rang parmi les sciences; car si la métaphy-
sique parvenait à se constituer, comme elle a pour objet
l'absolu, il faudrait soutenir que l'absolu n'est pas incon-
naissable. Et cela est impossible, car la possibilité d'at-
teindre l'absolu impliquerait un retour à la doctrine des
idées innées. D'ailleurs, si rien ne peut entrer dans l'en-
tendement, que, par sa vertu propre, l'entendement ne
transforme en phénomène, c'est que rien d'absolu n'y peut
entrer sans se travestir aussitôt en conditionné, ou relatif.
De là résulte qu'aux yeux de tout criticiste, l'objet de la
philosophie, s'il est la métaphysique, sera hors de notre
atteinte, ou ne différera point de la Critique générale.
Ainsi, toute doctrine de philosophie ne pourra se pré-
tendre criticiste, qu'à la condition d'accepter ces trois
thèses : 4** la vérité est accessible à l'entendement; mais
au lieu de naître d'une prétendue conformité du jugement
à un objet externe, elle naît de l'accord de nos représen-
tations entre elles et de l'apphcation possible des concepts
aux phénomènes, unique objet de l'intuition empirique ;
2*^ toute connaissance suppose Tintervention d'une matière
de provenance empirique, et d'une forme ou concept
fourni par l'entendement ; S*» la recherche de l'absolu est
inabordable. Ces trois thèses, Kant les a défendues sans
doute, et comme il fut le premier à les défendre, il est et
sera toujours le chef incontesté de l'école criticiste. Mais
le kantisme proprement dit implique d'autres thèses ; de
plus, dans l'exposition des thèses fondamentales, il est
nombre de points accessoires dont la discussion et par
suite l'abandon n'entraînerait point celui des principes.
Nous ne pouvons les indiquer ici.
Reste à savoir si le criticisme peut se constituer uni-
quement à titre de théorie de la connaissance.
Kant est devenu populaire, non grâce à ses théories spé-
culatives, mais grâce à sa morale. Or sa morale, elle
aussi, inaugura une ère nouvelle dans la position et dans
la solution des problèmes de philosophie pratique. Elle
ne se rapproche, en effet, ni des systèmes utilitaires ou
empiriques, ni des systèmes dits rationnels qui, au heu
de placer le bien dans la recherche du plaisir, soit d'une
sensation, le placent dans la réahsation d'un idéal de per-
fection, que la raison est censée percevoir, comme elle
perçoit les idées innées. La doctrine de Kant est une
doctrine d'autonomie de la raison pratique, parallèle à sa
théorie de la connaissance, qui est une véritable doctrine
d'autonomie de l'entendement. Dans ces conditions, il
paraît bien difficile de traiter cette philosophie pratique
comme si on pouvait indifféremment l'adopter ou la rejeter.
D'autre part, celui qui tiendrait ferme pour les trois
thèses dont on vient de résumer les formules, serait-il lo-
giquement contraint d'assigner à la raison un usage pra-
tique et de penser que, ainsi que l'entendement, la volonté
doit se conduire d'après les règles à priori? Plus d'un, parmi
les néû'Criticistes allemands de ce siècle, entre autres
l'auteur de VHistoire du matérialisme, Lange, a pensé
que deux parts pouvaient être faites dans l'œuvre de Kant
au point de vue de ce qu'elle offre de durable. A son avis,
l'essentiel de la Critique de la raison pure est à con-
server. L'essentiel de la Critique de laraison pratique,
où Kant a essayé de fonder la morale, ne peut être main-
tenu. Le devoir, l'impératif catégorique que Kant a crus
réels ne le sont point. Le monde des phénomènes est le
seul où nous sommes, et le monde intelligible d'où il fait
descendre le devoir est un monde fictif. La lecture de la
morale de Kant est féconde, car elle donne un libre cours à
nos aspirations les plus élevées ; elle nous fait vivre dans
un monde meilleur imaginaire. — C'est une question do
savoir si cette façon de se dire néo-criticiste, marque une
dissidence ou une abjuration. Les historiens futurs du
criticisme ne s'entendront vraisemblablement pas tous sur
ce point, et il y aura de bonnes raisons pour qu'ils ne s'ac-
cordent point, les uns feront observer que le criticisme n'est
rien s'il n'inscrit en tête de ses thèses fondamentales les
principes de la raison pratique (le devoir, la loi mo-
J'aie, etc.) ; les autres répliqueront que les thèses du cri-
ticisme spéculatif se suffisent et que c'est sur le terrain do
la raison théorétique que s'aperçoivent l'originalité et la
fécondité de la discipline criticiste. — Si en Allemagne les
néo-criticistes réduisent l'essentiel du kantisme aux conclu-
sions de la Critique de la raison pure, tout autre est
l'attitude des néo-criticistes français, de ceux qui chez nous
s'intitulent simplement criticistes. Ils s'attachent principa-
lement aux thèses pratiques, et la croyance à l'obligation
morale est la clef de voûte de ce kantisme l'éformé. Vers
la seconde moitié de ce siècle, un penseur longtemps ignoré,
aujourd'hui connu de tous ceux (|ui pensent, Charles Re-^
nouvier (Y. ce nom), entreprit de défendre les thèses
originales de Kant, non sans les remanier profondément.
Il est le fondateur incontesté et aussi le parrain du criti-
cisme français, si bien qu'en France, être criticiste c'est
être, toujours à quelque degré, « renouviériste ». Mais être
renouviériste ce n'est pas être kantiste, car on ne peut vrai-
ment dire gue M. Renouvier répète Kant. Il marche à sa
remorque, il le suit ; mais nulle part il n'est satisfait de ce
que Kant lui propose. Pas une formule du maître qui ne
soit corrigée par le disciple. Corrigée ou altérée ? On ne
peut décider lequel des deux il faut dire, ou du moins, pour
le décider, on érige forcément des motifs personnels de
juger ainsi en raisons péremptoires, objectivement et néces-
sairement incontestables, ce qui est abuser. Quoi qu'on
puisse penser sur ce point, nous estimons la lecture des
œuvres de Charles Renouvier singuHèrement propre à faire
ressortir la différence entre le kantisme proprement dit et
ce qui est essentiel à tout criticisme, non qu'on ne puisse
être criticiste autrement que M. Renouvier sans retourner
au kantisme orthodoxe. Mais ce qui, chez Kant, est fonda-
mental, l'est aussi chez M. Renouvier, à commencer, bien
entendu, par les trois thèses qu'on sait être les conditions
sine quibus nonàe toute philosophie criticiste. M. Renou-
vier fait rentrer la certitude dans la croyance, et s'il rejette
l'évidence objective, il rejette avec non moins d'énergie l'évi-
dence imposée, nécessitée; il en vient donc, au grand
scandale de nos dogmatiques, à faire la part de la volonté
dans l'organisation de laconnaissance. En cela, loin d'en être
atteinte, l'autonomie du sujet pensant ne peut que croître,
et il est permis de penser (|ue, dans la direction subjccti-
viste tracée par Kant, le disciple français va plus loin que
CRITIGISME
— 408 —
le maître. Certains penseront peut-être que c'est aller trop
loin, et se demanderont ce que devient la nécessité des
principes directeurs de la connaissance dans une doctrine
où Ton conteste la nécessité, non objective, ce qui serait fran-
chement anticriticiste — mais subjective — de la certitude.
Car chez M. Renouvier la croyance est libre ; or c'est une
question de savoir si, dans la mesure où le concept devient
l'objet d'une position volontaire, il ne perd pas ce qui le
constitue essentiellement. Toutefois, s'il diffère ainsi de ce que
Kant aurait voulu vraisemblablement qu'il ne cessât jamais
d'être, et si la nécessité des jugements où le concept trouve
place fléchit quelque peu, c'est toujours de l'activité du
sujet pensant et voulant que ces jugements émanent et
l'origine à priori leur reste, ce qui est l'essentiel.
Où le criticisme originel et le criticisme français se sé-
parent encore, c'est sur la question do la « chose en soi ».
Kant affirme sa réalité : M, Renouvier l'infirme. Kant dit :
« On ne connaît que des phénomènes ». Renouvier va
jusqu'à dire : « Il n'y a que des phénomènes ». La pro-
position de Kant aboutit à l'impossibilité de la métaphy-
sique, mais à son impossibihté relativement à nous. Celle
de M. Renouvier implique son impossibilité en soi, de
telle sorte que Dieu, au cas où il serait, ne serait point
l'absolu. M. Renouvier estime, et beaucoup pensent comme
lui, que si le phénomène seul est objet de connaissance, le
noumène^ c.-à-d. l'Etre dont, selon Kant, il est censé
provenir, n'est rien moins qu'assuré. Tout phénomène, en
effet, ne peut être connu qu'à la condition d'être un phé-
nomène de notre conscience ; s'il est autre chose que cela,
M. Renouvier l'ignore, et il se comporte comme s'il n'était
rien que cela. Le criticisme français ne va pourtant pas
jusqu'à nier la réalité des êtres, et le solipsisme lui
répugne incontestablement. Mais c'est par un acte de
foi qu'il y échappe, et par un acte de foi pratique d'une
singulière fécondité spéculative. Car une fois la réalité des
êtres posée hors la conscience, le philosophe entreprend de
la construire et de la construire à l'image de la conscience
qui vient de la poser. Il débute par la libre affirmation
d'un non-moi hors la conscience, qu'il convertit bientôt en
un autre-moU et le monde se trouve peuplé de consciences,
on serait tenté de dire : de monades. Le criticisme français
paraît bien en effet rejoindre la philosophie leibnitienne et
rien n'est plus déhcat que d'indiquer les points où il s'en
sépare. Cependant, comme la négation de l'existence des
choses en soi implique celle de la réalité des substances,
attendu qu'aux yeux de Leibnitz, toute monade est subs-
tance, le monadisme criticiste ne pourrait être, en tout
état de cause, qu'un monadisme phénoméniste, autant dire
un monadisme sans monades. Toujours est-il que, dans le
criticisme français, puisque tout est phénomène, la méta-
physique est deux fois impossible : une première fois, car
s'il y avait des noumènes, ils nous seraient inaccessibles :
une seconde fois, car l'impossibilité où nous sommes de
les connaître est une garantie de leur non-existence.
Les thèses fondamentales du criticisme se trouvent donc
respectées, ce n'est pas assez dire, accentuées. Par la
manière dont il les défend et les développe, le chef du cri-
ticisme français contemporain assure à sa doctrine un ca-
ractère incontestable d'originalité. Cette doctrine est plus
nettement phénoméniste que celle de Kant, car elle l'est
aussi franchement qu'il se peut. A ce point de vue, M. Re-
nouvier tend vers David Hume ; car si l'on objecte que dans
sa philosophie les phénomènes sont gouvernés par des lois,
soumis à des rapports constants, il ne faut pas oublier que
c'est mal prendre la pensée de Hume que de lui attribuer
un phénoménisme où les lois n'aient point de place. C'est un
phénoménisme sans catégories (V. ce mot) il est vrai, ce
n'est pas un phénoménisme entièrement anome. On a déjà
remarqué que le phénoménisme criticiste en vertu duquel
rien n'est en dehors des phénomènes et de leurs lois, n'est
pas sans analogie avec le phénoménisme positiviste : la
remarque est en partie juste, elle ne l'est que dans la me-
sure où le criticisme français se rapproche de la doctrine
de Hume : mais il s'en faut qu'il la rejoigne, car la rejoindre
serait déserter le kantisme ; or c'est à réformer le kan-
tisme et non à le combattre que M. Renouvier entend
s'appliquer. — Cette réforme dans un sens phénoméniste se
comprendrait chez un philosophe indifférent aux problèmes
de morale. Or l'attitude des criticistes français est tout le
contraire de l'indifférence.
M. F. Pillon, dont la pensée se rapproche singulière-
ment de celle de M. Renouvier, a débuté dans le criticisme
par l'étude de la morale, et la philosophie pratique de Kant
lui a toujours été plus familière que sa philosophie spécu-
lative. Lui aussi adhère fermement à la théorie de la
croyance volontaire et l'avantage de cette théorie lui
paraît être d'affranchir l'obligation morale de toute con-
trainte, puisque, outre la liberté de nous y conformer, il veut
que nous ayons celle de la reconnaître. Et là-dessus M. Re-
nouvier ne transigerait pas. Aussi bien ramener la certi-
tude à la croyance et faire de celle-ci un acte de liberté,
non sans doute de liberté pure, mais de Hberté se guidant
d'après les clartés fournies par l'intelligence, c'est tenter
de rapprocher la raison pure de la raison pratique et faire
cesser le divorce que Kant a prononcé entre elles. Il n'y a
plus d'un côté les axiomes de la raison spéculative et, de
l'autre, les croyances de la raison pratique, il y a de part et
d'autre des croyances qui sont en même temps des certi-
tudes. Par suite, il n'y a plus, comme chez Kant, deux et
même trois critiques ayant chacune sa portée et son genre de
valeur ; il n'y a qu'une « critique générale » dont la Science
de la morale fait nécessairement partie. Ce n'est pas assez
dire; car le propre du criticisme français est de proclamer
la prépondérance, de poser en principe la « primauté» de la
morale. Kant ne pensait pas autrement, mais ici encore
son disciple français le confirme en accentuant davantage.
Là où il cesse de le confirmer, c'est quand, désireux de
reconnaître le libre arbitre impliqué dans la reconnaissance
de la loi morale, il ouvre à ce libre arbitre le monde des
phénomènes gue Kant lui avait fermé. S'il faut que la
liberté soit, si rien n'est plus douteux que l'existence d'un
monde de noumènes, c'est dans le monde des phénomènes
que la hberté se fera sa place : aussi, au rebours du cri-
ticisme kantien, le criticisme français combattra le déter-
minisme. La nécessité, j'entends l'universelle nécessité,
s'exilera du monde, et un principe de contingence devra
être invoqué pour l'explication, non de tous, mais d'un
grand nombre de phénomènes. Certains adversaires du
criticisme pensent que cette rupture avec la tradition dé-
terministe, marque bien plus qu'une dissidence, et qu'elle
dénote à l'endroit des exigences de la science, une atti-
tude dédaigneuse contraire à l'attitude de Kant. Cette
théorie du libre arbitre a soulevé mainte protestation, et
de la part des évolutionnistes, ce qui va sans dire, et de la
part de maints philosophes kantiens peu orthodoxes, et
qui semblaient protester au nom des principes de l'Ecole.
H est certain, d'ailleurs, que le renoncement au libre arbitre
obligerait les représentants du criticisme français à une
refonte générale du système ; ou il leur faudrait mettre
en péril l'existence même de la loi morale, c.-à-d. aban-
donner la thèse qu'ils ont le plus à cœur de défendre, ou
il leur faudrait rétabHr le noumène, ce qu'ils se croiraient
interdit, à moins de ne plus le déclarer inconnaissable :
dans ce cas, la métaphysique reconquerrait ses anciens
privilèges, sur les ruines mêmes du criticisme. A l'article
Renouvier, on exposera plus amplement la doctrine déve-
loppée dans les Essais de Critique générale^ l'œuvre
capitale du philosophe français avec la Science de la mo-
rale. Mais de même que le kantisme, le renouviérisme
est une espèce d'un genre et nous nous sommes principa-
lement attaché aux modifications subies par les caractères
du genre criticiste dans la doctrine de son représentant
français le plus éminent. Au rebours du criticisme alle-
mand, le criticisme français est phénoméniste et indéter-
ministe : voilà ce qui, pour nous, le différencie essentielle-
ment du kantisme primitif.
- 409
CRITICISME — CRITIQUE
, La philosophie critieiste s'est propagée depuis 1871,
époque à laquelle fut fondée la Critique philosophique,
journal hebdomadaire de 1871 à 1884 inclusivement, puis
revue mensuelle de 1885 à 1889. Les rédacteurs princi-
paux furent M. Renouvier, son fondateur, M. F. Pillon
auxquels s'est adjoint dans les premiers temps, mais d'une
façon intermittente, M. Louis Ménard, bien connu par ses
travaux sur l'art et la religion des Grecs. La Critique
s'occupait principalement du mouvement philosophique
contemporain : toutefois, ses rédacteurs ayant annoncé
leur dessein d'apprécier « le mouvement des idées géné-
rales », ils consacrèrent aux questions religieuses, politi-
ques et littéraires des articles qui firent peu de bruit, mais
produisirent de fortes impressions. Des études de M. Re-
.nouvier, sur les problèmes de politique extérieure, sur la
question de TAlsace-Lorraine, veulent être signalées au
.premier rang. Il va sans dire que l'auteur cherche à ces
problèmes, quels qu'ils soient, une solution juridique étran-
gère à tout égoïsme individuel ou national : partout il
s'efforce de faire entendre le langage de la raison pra-
tique et, par là même, de démontrer la vitalité de sa doc-
trine par la richesse et la fécondité de ses applications. Les
applications des principes du criticisme à la solution du
problème religieux ont fixé, à mainte reprise, l'attention
des lecteurs de la Critique philosophique. Les rédacteurs
de cette revue, fidèles aux doctrines politiques issues du
mouvement de 1789, attachés à la forme répubhcaine,
aux principes du gouvernement parlementaire, mais par-
dessus tout aux principes de ce qu'ils appellent « l'Etat
français », abstraction faite de telle ou telle forme de
pouvoir exécutif, ont pensé que l'Etat français, c.-à-d.
l'Etat laïque, ne pouvait s'accommoder du cathohcisme
actuel, car ce catholicisme n'est autre que le « papisme »
,dans l'acception la plus étroite du mot. Ils en ont conclu
à l'opportunité, pour tout Français non catholique, de
s'avouer tel, et de rompre ouvertement, publiquement
toute attache avec le cathoHcisme : ils ont fait observer
que le protestantisme, n'exigeant aucune profession de foi
stricte d'une part, et, d'autre part, présentant tous les ca-
ractères d'une religion laïque, tout citoyen français anti-
pathique au catholicisme, et, cela va sans dire, sympa-
thique aux croyances philosophiques sur lesquelles repose
la foi chrétienne pourrait « changer d'inscription reli-
gieuse » et se faire immatriculer protestant. En vue de
déterminer un mouvement de l'esprit public dans cette
direction, les rédacteurs de la Critique ont fondé sous le
nom de Critique religieuse (de 1878 à 1885) un recueil
trimestriel, où écrivirent un certain nombre de collabora-
teurs plus ou moins improvisés, plus ou moins criticistes,
il faut bien le dire, curieux de théologie plus encore que
de philosophie et qui employèrent leur talent à démontrer
tout autre chose que ce dont M. Renouvier eût souhaité
la démonstration. Autant qu'il est permis d'en juger, le
public ne comprit pas cet intérêt d'un philosophe pour les
questions religieuses, et Ton en vint à penser que la doc-
trine critieiste conduisait nécessairement au protestan-
tisme; que c'était une philosophie où la métaphysique était
remplacée par un symbole assez voisin du symbole des
apôtres. Il est certain qu'une philosophie où la croyance
joue un rôle prépondérant ne peut interdire de croire
tout ce qui n'est pas combattu par ses principes : mais ce
qu'elle ne défend pas de croire à ceux qui allèguent, pour
y croire, des motifs dont le sentiment individuel est seul
juge, invite-t-elle à le croire au nom de ses principes ? Il
y a là une confusion à ne point faire ; et peut-être les
lecteurs de la Critique philosophique ne se sont-ils pas
toujours suffisamment préoccupés de l'éviter.
Il n'en faut pas moins reconnaître que les vaillantes
campagnes conduites pendant plus de dix-huit années par
MM. Renouvier et Pillon, si elles n'ont pas produit tout
ce qu'ils en attendaient, ont contribué à faire connaître
ces deux hardis penseurs et à les faire estimer hautement.
La polémique ardente, infatigable de M, Alfred Fouillée
contre le criticisme prouve assez quelle place M. Renou-
vier a su conquérir parmi les philosophes de ce temps.
Elle prouve aussi que ses doctrines se sont répandues
dans une bonne partie du personnel enseignant. Beaucoup
de jeunes professeurs enseignent dans nos lycées des doc-
trines d'inspiration critieiste : sont-ils tous phénoménistes ?
croient-ils tous au libre arbitre à la façon de M. Renou-
vier ? Ce sont là des questions incidentes. Aujourd'hui,
parmi les jeunes, quiconque n'est pas évolutionniste est
critieiste, et les exceptions à cette règle sont assez rares
pour être négligées. Ajoutons que nulle part, à notre con-
naissance, les théories évolutionnistes contemporaines n'ont
été combattues aussi vigoureusement que par les rédacteurs
de la Critique philosophique L'adversaire le plus consi-
dérable de M. Herbert Spencer, au temps où nous sommes,
est assurément M. Renouvier.
La dernière livraison de la Critique philosophique a
paru le 31 déc. 1889. Son fondateur, après quarante ans
d'une carrière passée à rédiger des livres et des articles,
avait droit au repos. Son collaborateur M. Pillon a promis
de faire renaître l'ancienne Année philosophique dont
deux volumes avaient été publiés antérieurement à la
Critique (Paris, 1868 et 1869, 2 vol. in-12), et d'y
juger du point de vue critieiste les ouvrages de philosophie
publiés en France et à l'étranger.
Il y a aussi des criticistes en Angleterre ; par exemple,
M. Shadvvorth Hodgson (V. ce nom), l'un des rédacteurs
du Mind les plus actifs et les plus goûtés, procède ouver-
tement de Kant et essaye de ramener la philosophie dans
une direction voisine de celle de Hume. Il s'intitule phéno-
méniste, ou du moins il accepte cette épithète : mais
entre ses vues et celles de M. Renouvier, il est des diffé-
rences notables sur lesquelles nous regrettons de ne
pouvoir insister ici. M. Renouvier, par exemple, croit fer-
mement au libre arbitre. M. Hodgson, lui, est résolument
déterministe. Il ne paraît pas que ce philosophe ait
suscité un mouvement d'idées comparable à celui dont la
publication des œuvres de Charles Renouvier a été, chez
nous, l'origine. On peut donc aller jusqu'à dire qu'il n'y
a pas de criticisme anglais. Y a-t-il des criticistes dans le
nouveau monde ? Le professeur de l'université Harvard en
Massachusetts, bien connu en France, M. William James,
a repris plusieurs des thèses favorites de M, Renouvier
et les a défendues avec une originalité singulière. La
Critique philosophique a inséré quelques-unes de ses
études traduites en français et ses rédacteurs les ont
laissées passer sans observations critiques, ce qui indique
à quel point les idées de M. James sont conformes* à celles
de MM. Renouvier et Pillon. Il ne faudrait pas cependant
en conclure que M. James est un critieiste du type fran-
çais. Les disciples français de Kant, en cela conformistes,
admettent l'origine à priori des concepts. Or à en juger
par les analyses de deux études de M. James sur les
perceptions de temps et d'espace (V. Revue philoso^
phique, t. XXIV) , on serait tenté d'attribuer à ce philo-
sophe une théorie empirique de la connaissance, assez peu
compatible avec les thèses essentielles à toute doctrine
critieiste. L. Dâuriac.
BiBL. : La Revue philosophique, passim (V. la table
analytique de 1876 à 1887), et particulièrement, t. III,
pp. 321,470, 576; articles sur la Philosophie de M. RenoU'
vier, par A. Beurier. — L. Dauriac, Croyance et Réalité ;
Paris, 1889, m-12.
CRITIQU E. I. Philosophie. -— Ce nom convient à toute
recherche philosophique ayant pour objet de contrôler la
valeur d'une observation ou d'une analyse. — A ce point de
vue, le philosophe ressemble à l'historien qui, après avoir
recueilli, classé des témoignages ou des documents, en
éprouve la valeur. D'une manière générale, tout ce qui est
objet d'analj^se ou simplement d'observation peut devenir
objet de critique, d'où il suit que le nombre des problèmes
de critique philosophique est égal au nombre des pro-
blèmes de philosophie. Mais la possibihté d'un contrôle
consécutif à la constatation n'implique pas que ce con-
CRITIQUE
- 440 -
trôle soit partout jugé nécessaire et il s'en faut gue cette
nécessité soit partout également reconnue. On doit remar-
quer, toutefois, que le fait d'enregistrer un témoignage
sans s'inquiéter de sa valeur, est la marque d'une crédulité
dont le degré donne précisément la mesure du défaut
d'esprit critique, et pouvons-nous ajouter, d'esprit philo-
sophique; car l'un ne va pas sans l'autre et il ne s'est
rencontré aucun philosophe, digne de ce nom, pour s'in-
cliner naïvement devant tous les témoignages fournis soit
par l'observation soit par la réflexion. L'un des plus con-
fiants en la capacité départie à l'esprit d'arriver au vrai,
Descartes, est aussi Fun des plus profonds parmi les pen-
seurs ; or que signifie la profondeur de l'esprit et qu'im-
plique-t-elle sinon l'aptitude à continuer de douter là où
les autres ont depuis longtemps commencé d'être con-
vaincus ? L'entreprise mémorable qui a reçu le nom de
doute méthodique est, au premier chef, une entreprise
critique, et il faut en dire autant des Méditations tou-
chant la philosophie première où Descartes soumet
l'idée de Dieu à un contrôle des plus sévères. Mais autre
chose est contrôler une suite de connaissances, et, les pre-
nant une à une, remonter jusqu'à leur origine pour s'as-
surer qu'elles sont dignes de notre créance, autre chose
est faire porter l'examen non plus sur tel ou tel objet de
connaissance mais sur « la connaissance en général ».
Autre chose est faire subir à un jugement quelconque
l'épreuve du doute pour savoir s'il est vrai ou faux, autre
chose est tenter la même épreuve sur la fonction même de
juger prise en bloc. A négliger ce problème de critique
générale, on compromet les résultats d'examens critiques
dont la valeur se trouverait être forcément nulle, en dépit
des apparences, si la valeur générale de la faculté de con-
naître pouvait être mise en doute. Les sceptiques l'ont
mise en doute : les dogmatiques ont tenu cette suspicion
pour illégitime et sacrilège. Ceux-ci, sous prétexte que
cette valeur était invérifiable, la tenaient pour indiscu-
table ; ceux-là, tout en la reconnaissant invérifiable,
tenaient ferme pour la nécessité d'un contrôle et, devant
l'impossibilité avouée de l'entreprendre, ils déclaraient
nul et non avenu tout usage théorique des fonctions de
l'intellis^ence. Ce sera l'honneur des sceptiques (V. ce
mot) d^avoir les premiers conçu l'idée et compris la
nécessité d'une critique générale de la connaissance ; ce
sera l'honneur de Kant {V. ce nom) de l'avoir entreprise
avec succès, d'être parti d'où étaient partis les sceptiques
sans conclure, comme eux, que le scepticisme est invin-
cible.
Depuis Kant, le terme critique est entré dans le voca-
bulaire de la philosophie et l'on s'explique qu'il n'y soit
pas entré plus tôt, attendu que Kant a entrepris de ré-
soudre un problème jugé insoluble par les sceptiques et
par les dogmatiques. En quoi cette solution consiste, nous
l'avons dit au mot Criticisme, et l'on s'est peut-être per-
suadé que cette solution est une innovation comme il ne
s'en est pas produit de plus originale ni de plus féconde dans
l'histoire de la pensée. Avant Kant, il fallait choisir entre
le dogmatisme ou le scepticisme ; depuis Kant on peut
opter en faveur d'une attitude très différente des deux
autres. Kant en a-t-il démontré la légitimité? les avis
différeront sur ce point. En a-t-il découvert la possibilité ?
voilà qui n'est guère contestable. Aussi ce n'est pas
seulement un problème nouveau dont il a enrichi la philo-
sophie, mais si l'on peut dire une partie nouvelle, aussi
importante par son étendue qu'aucune des autres, et qui
ne peut se confondre ni avec la psychologie, ni avec la
logique formelle, encore moins avec la métaphysique,
puisque, pour savoir si la métaphysique est possible, il
faut avoir fait préalablement la critique de la connaissance.
Dans l'article Criticisme, on a sommairement indiqué
les résultats de la critique tels qu'ils apparurent au fon-
dateur du criticisme. On peut contester ces résultats et
la métaphysique pourrait bien, dans l'opinion de certains
philosophes, reconquérir le crédit que les disciples ortho-
doxes de Kant assurent qu'elle a perdu pour toujours.
Mais une telle contestation veut être appuyée de preuves,
et ces preuves ne peuvent être obtenues que par une
contre-critique. — De deux choses l'une : ou cette contre-
critique est vouée à un échec fatal, et, alors, la métaphy-
sique n'ayant plus aucun droit à se présenter comme
science, la critique la remplace, et le nom de « critique
générale » peut devenir l'un des noms de la philosophie ;
ou cette critique à rebours relève ce que la critique kan-
tienne prétend avoir abattu ; alors la critique générale
n'est plus qu'une propédeutique, c.-à-d. une préparation
à la métaphysique ; elle ne se confond plus avec la philo-
sophie, prise dans son ensemble, mais elle n'en demeure
pas moins une partie essentielle de toute entreprise philo-
sophique. L. Dauriac.
II. Philologie. — Critique de textes. — Toutes les
fois que l'on publie un ouvrage d'après un manuscrit impar-
fait ou d'après plusieurs manuscrits qui ne sont pas d'ac-
cord entre eux, ou bien d'après des sources quelconques
qui exigent ou un choix entre plusieurs leçons, ou l'élimi-
nation d'éléments étrangers, ou des modifications quel-
conques, ce travail doit être nécessairement soumis à des
règles dont l'ensemble constitue la critique des textes, ou,
pour employer une expression plus précise récemment mise
en circulation, Vecdotique, c.-à-d. l'art d'éditer. Pour
s'en acquitter convenablement, il faut naturellement des
connaissances étendues en histoire, en archéologie, en
philologie, etc.; et, de plus un certain don naturel, une
sorte de génie particulier ; mais il est nécessaire de pos-
séder aussi une science spéciale qui ne s'est guère déve-
loppée que dans les temps modernes, et qui n'est pas
encore achevée, si tant est qu'elle puisse l'être jamais.
La critique des textes trouve souvent son application
dans la revision d'ouvrages récents publiés dans des con-
ditions particulières, telles que Pascal, Bossuet, André
Chénier, mais, elle est indispensable quand il s'agit d'éditer
les auteurs latins et grecs. On peut dire qu'elle naquit en
Grèce, le jour où l'on reconnut la nécessité de ramener à
l'unité les différentes rédactions des poèmes d'Homère.
Les grammairiens d'Alexandrie, entre autres Zéno-
dote et Aristarque (Y. ces noms et Homère) s'y illus-
trèrent. Chez les Romains, les comédies de Plante don-
nèrent lieu aux travaux critiques d'iElius Stilon et de
Varron. Sous l'empire et au moyen âge , tous les
ouvrages littéraires étant parvenus avec des défectuosités
de toutes sortes, les grammairiens durent s'occuper forcé-
ment de la constitution des textes ; elle prit surtout un
développement considérable à partir du xv^ siècle. Dès
qu'on publia des textes anciens, on reconnut la néces-
sité de choisir parmi les leçons des manuscrits et même
de les corriger. Scaliger est le chef de l'école de critique
que l'on peut appeler subjective ; Bentley en donna la for-
mule et l'appliqua dans ses remarquables travaux. Leur
principe est d'écarter ce qui pèche, suivant eux, contre
l'ensemble du sens, le goût ; la règle suprême est la
convenance dont leur jugement personnel décide. De cette
école est sortie, de notre temps, l'école esthétique de
Peerlcamp, qui ne craignit pas de supprimer dans Horace
tout ce qui lui paraissait être indigne du poète et ne pas
concorder avec l'idée qu'il se faisait de son talent ; Lehrs,
Nauck et leurs disciples surtout sont allés aussi loin que
possible dans cette voie, et Horace, dont les œuvres se prê-
taient plus aisément à ce genre de mutilation, a été leur
victime la plus illustre. Leurs excès sont plus dangereux
évidemment que ceux de l'école conservatrice qui ne veut
rien changer aux manuscrits adoptés comme les meilleurs,
quitte à interpréter, à admirer, à tout prix, des plati-
tudes ou des non-sens qui ne doivent leur existence qu'à
l'ignorance ou à l'étourderie des copistes. La méthode critique
moderne propagée surtout par Bekker et Dindorf et que se
flattent d'appliquer aujourd'hui les éditeurs de toutes les
nations, consiste à prendre pour point de départ l'étude
minutieuse et approfondie des manuscrits. La tâche de
l'éditeur, en effet, comprend trois parties : le classement
des manuscrits, le choix des leçons, la restitution conjec-
turale des passages altérés.
La classification des manuscrits peut seule donner une
base solide aux autres parties du travail de l'éditeur. Il
doit donc être versé dans la paléographie, de manière à
pouvoir établir, avec le plus de sûreté possible, l'âge
relatif des textes. Mais cette première classification ne
suffit pas; il faut découvrir également la parenté, la
filiation des manuscrits. L'examen des variantes, des
erreurs, des lacunes permet de conclure, avec plus ou
moins de certitude, que tel texte n'est qu'une reproduction
servile d'un autre, auquel cas il peut être négligé, sauf
pour les passages où son original aurait été altéré ou
mutilé après la copie faite ; ou bien que tel manuscrit,
quoique plus moderne que tel autre, est la copie d'un ori-
ginal plus ancien que celui-ci, et son autorité doit donc
l'emporter.
Tous ces problèmes sont infiniment variés et complexes.
En supposant même que l'âge des manuscrits puisse
toujours être déterminé avec certitude (ce qui malheureu-
sement n'est point), l'éditeur n'en aura pas moins à choisir
parmi les leçons diverses ; les plus anciens manuscrits
étant relativement très modernes, il s'en faut qu'ils
puissent être suivis aveuglément, et souvent la meilleure
leçon peut se trouver dans un manuscrit d'autre part
moins estimé. Une fois les textes déchiffrés et classés,
suivant leur âge et leur valeur, commencera la deuxième
partie de la tâche d'un éditeur : choisir les meilleures
leçons. Les raisons qui détermineront ce choix sont de
natures diverses : l'autorité du manuscrit qui donne telle
ou telle leçon devra^ peser beaucoup dans la balance ;
la variante la plus facile doit être d'ordinaire écartée, car
les copistes ont évidemment une tendance à modifier ce
qu'ils ne comprennent pas. Le sens, l'orthographe, la syn-
taxe, la versification, les rapprochements avec d'autres
passades fourniront souvent des arguments décisifs ; mais
un éditeur consciencieux devra faire sur les leçons mêmes
un travail de classement qui lui permette de remonter au
point de départ ; car les variations du texte ont évidemment
leur origine dans des modifications arbitraires ou fortuites.
Le choix devra donc dépendre d'un examen minutieux et
en quelque sorte scientifique, en même temps qu'il sera
une affaire de bon sens, de savoir grammatical et de goût
littéraire. Il en de même^ lorsqu'il s'agit non de choisir
parmi les textes donnés, mais de les corriger par conjecture.
Les meilleurs manuscrits renferment ' des erreurs; les
textes classiques seraient souvent inintelligibles si l'on
s'en tenait rigoureusement à la lettre de la tradition. Le
devoir de l'éditeur est de reconnaître les passages altérés,
de les signaler au lecteur et d'essayer de les rétablir,
lorsque cela semble faisable. Il est impossible de sou-
mettre ce travail à des règles rigoureuses ; il est cepen-
dant quelques considérations générales qu'il ne faut pas
perdre de vue, comme de s'éloigner le moins possible des
lettres que l'on trouve dans les manuscrits et surtout se
rendre compte de quelle manière le texte a dû être altéré,
afin de trouver le remède dans la connaissance exacte du
mal. Si par exemple on reconnaît que souvent telle lettre
a pris dans un manuscrit la place de telle autre, à cause
de leur ressemblance, il faudra d'abord essayer de corriger
par une simple substitution de caractères. Il est donc
utile de grouper méthodiquement les genres d'erreurs
auxquelles sont sujets les manuscrits ; car on admet comme
principe que les « erreurs reconnues des manuscrits sont
les règles de la critique conjecturale ». Ces erreurs, on en a
dressé la liste. Les unes sont volontaires ; ce sont des alté-
rations arbitraires dues à la fraude. Celles-là on peut les
soupçonner souvent, les démontrer quelquefois, les corriger
jamais. Quant aux autres, dues à l'ignorance ou à l'étour-
derie, elles sont très diverses, et leur nomenclature ne sera
jamais complète. Les principales sont les confusions de
sons, qui feraient supposer que le manuscrit original a été
— 411 — CRITIQUE
dicté; les confusions de lettres, qui résultent de la
ressemblance de certains caractères dans les différents sys-
tèmes d'écritures adoptés ; les confusions de mots à peu
près semblables ; des mots mal coupés, des mots oubliés,
transposés ou répétés ; les altérations de noms propres
ou de mots appartenant à une langue étrangère; les
lignes omises ou interverties; les interpolations; les gloses
introduites dans le texte. Quelquefois plusieurs de ces
causes ont concouru ensemble à la corruption d'un pas-
sage. Quand la nature de la maladie est reconnue, pour
employer une métaphore usitée, on sait où chercher le
remède. Est-ce à dire qu'on le trouvera sûrement, qu'on le
trouvera même dans le plus grand nombre des cas? Sans
doute un certain nombre de corrections sont certaines et
d'heureux hasards ont permis d'en vérifier quelques-
unes. On en cite de merveilleusement ingénieuses.
Mais la plupart sont des conjectures qui ne sont que
plus ou moins vraisemblables, pour ne pas parler des cas
innombrables où l'impuissance de la critique conjecturale
est manifeste. La critique de textes, en effet, malgré
les progrès incontestables qu'elle a faits depuis quatre
cents ans, malgré l'appui de plus en plus considérable
fourni par la science au goût et à l'imagination des
éditeurs , n'est pas elle-même une science, mais un art
auquel un savoir étendu et solide est indispensable, et qui
ne peut se promettre des résultats sérieux que par le
concours incessant de la science et l'usage de procédés
rigoureux. A. Waltz.
III. Littérature. *— Précisément parce que la cri-
tique littéraire n'est pas un genre, à proprement parler,
rien de semblable ni d'analogue au drame ou au roman,
mais plutôt la contre-partie de tous les autres genres,
leur conscience esthétique, si l'on peut ainsi dire, et
leur juge, c'est pour cela que pas un genre, n'étant plus
indéterminé, ne semble avoir traversé plus de vicissitudes
ni subi de transformations plus profondes. Quelque dif-
férence, en effet, qu'il puisse y avoir entre une tragédie
d'Eschyle, son Âgamemnon, par exemple, et un drame
de Shakespeare, son Hamlet ou son Roi Lear, entre un
drame de Lope de Vega, tel que Mûfiarra le Bâtard et
une tragédie de Racine, son Bajazeh^^n son Iphigénie^
non seulement on peut, mais encore il n'est pas malaisé de
ramener et de réduire toutes les fof^es du .drame à
une seule, comme on fait, en botanique ou en zoologie,
plusieurs variétés au type d'une même espèce. Mais qu'il
y ait quelque rapport entre xm traité Sur l'Arrangement
des mots, de Denys d'Halicarnasse, eiV Année littéraire,
de Fréron ; ou bien entre V Institution oratoire de Quinti-
lien et le Port-Royal de Sainte-Beuve ; ou encore entre les
feuilletons dramatiques de Geoffroy, V Histoire comparée
des langues sémitiques, de M. Ernest Renan, et les
Maîtres d'autrefois, d'Eugène Fromentin, c'est ce que
l'on ne voit pas d'abord, ni même en y réfléchissant. Tout
ici semble différer, non plus seulement les écrivains,
les sujets et les temps, mais l'objet de leurs recherches et
celui de leurs préoccupations, mais les méthodes, mais les
principes, et on ne discerne enfin de commun que l'ap-
plication d'une même faculté de l'esprit aux choses d'ail-
leurs les plus dissemblables. Ou encore, et tandis que tous
les autres genres se développent entre les bornes de leur
définition, dont ils ne s'écartent que pour commencer, en
quelque manière, à cesser d'être eux-mêmes : — l'épopée
pour devenir le roman; la poésie lyrique pour devenir
l'éloquence, comme en Grèce ; ou, réciproquement, l'élo-
quence, comme chez nous, pour devenir la poésie lyrique ;
— la critique, elle, au contraire, ne se pose qu'en s'op^
posant, déborde d'âge en âge les limites qu'on lui avait
assignées, et, pour continuer à parler comme les philo-
sophes, ne s'objective qu'en se dépassant. Si cependant on
l'appelle toujours du même nom, est-ce un signe de la con-
fusion des idées ? ou de la pauvreté de la langue? En aucune
façon, mais c'est que, sous la diversité des apparences, elle
n'a pas changé de nature en son fonds. Elle n'a que l'air
CRITIQUE ~ 412 -
d^être autre, mais elle va toujours au même objet, et elle
remplit toujours la même fonction. Sa méthode s'étend
ou se resserre, selon les époques, plutôt qu'elle ne serenou-
Yelle ; elle se diversifie plutôt qu'elle ne se transforme.
C'est ce que l'on ne peut \oir qu'en s'éclairant de l'iiis-
loire. Non seulement sans l'histoire on ne peut rien entendre
à la critique, mais elle est tout entière dans l'histoire, dans
son histoire, à elle, et dans l'histoire des autres genres,
qui ne prennent qu'en elle conscience d'eux-mêmes. C'est
ce qui rend naturellement l'une et l'autre histoire indis-
pensable à sa définition. Nous commencerons donc dans
cet article par esquisser l'histoire de la critique; nous
essayerons alors d'en déterminer l'objet et la méthode ;
et nous Unirons en montrant, d'après les services qu'elle
a déjà rendus, ceux que l'on est en droit d'en attendre
encore et toujours.
Aperçu de l'histoire de la critique. — La critique
dans r antiquité. On ne sait ni qui introduisit le premier
dans l'usage ni qui s'attribua ce nom même de critique^
si ce fut le grammairien Apollodore ou le géographe
Eratosthène, Mais, qui que ce soit des deux, il faut dire
que la critique existait avant d'avoir un nom, puisque, sans
en faire remonter la naissance jusqu'à Pisistrate, pour l'idée
qu'il eut de fixer par l'écriture et de rassembler en un corps
les poèmes dispersés des Homérides, comme aussi sans
vouloir transformer en « critiques » les juges des concours
lyriques ou tragiques d'Athènes, c'est au moins Arîstote que
l'on retrouve à l'origine de la critique. Socrate et Platon
avaient bien avant lui disserté sur le Beau, mais So-
crate en moraliste, Platon en poète, et tous les deux avec
plus àliumour ou d'éloquence que de précision. Aristote
le premier s'avisa que, comme les œuvres de la nature
elle-même, ainsi celles de l'esprit humain devaient être
sujettes à des lois, et ces lois, le premier, pour arriver à
les découvrir, il s'astreignit à tout ce que les recherches
de l'histoire littéraire ont de plus fastidieux, mais non
pas de moins essentiel, en composant des ouvrages tels que
ses Didascalies. « C'était, nous dit Egger, dans son
Histoire de la critique chez les Grecs^ ce qu'on pour-
rait appeler les procès- verbaux des concours, soit drama-
tiques, soit lyriques qui avaient lieu dans les fêtes de Bac-
chus ; les vainqueurs y figuraient avec les titres de leurs
ouvrages, souvent avec quelques renseignements accessoires
sur leur biographie et l'origine des fables qu'ils avaient
traitées. » Par malheur, ni les Didascalies, ni le Traité
des inventions, où l'on conjecture qu'entre autres ques-
tions le philosophe avait traité celle de l'origine des genres
littéraires, ni ses trois livres sur les Poètes ne sont par-
venus jusqu'à nous ; et sa Uhétorique, sa Poétique, ses
Problèmes, — quelques-uns de ses Pro^/^m^<s, pour mieux
dire, — sont tout ce que le temps nous a conservé des débris
de son œuvre critique. C'en est assez pour ne pas
s'y méprendre, et nous y pouvons reconnaître, avec cette
ardeur d'universelle curiosité, ce goût du détail précis,
cette subtihté d'analyse, et cette audace de généralisation
qui caractérisent en tout le génie d'Aristote. Encore aujour-
d'hui, nous le verrons plus loin, le problème de la criti-
que est essentiellement pour nous ce qu'il était pour Aris-
tote, et les termes en ont changé sans doute, mais non pas
pour cela le fonds, ni même une partie de la solution.
On ne saurait en dire autant ni de ses disciples ni de
leurs successeurs. Si les Caractères de Théophraste, assez
connus par l'imitation qu'en a donnée La Bruyère, n'étaient
peut-être, comme on l'a supposé, qu'un chapitre de sa
poétique, il en faudrait conclure qu'en définissant et qu'en
limitant de la sorte, à l'usage du poète, la diversité des
caractères des hommes, Théophraste aurait rétréci l'objet de
la critique et comme entravé pour sa part l'évolution de
l'art même. C'est aussi bien ce que semblent indiquer les titres
de quelques-uns de ses ouvrages : Sur le Ridicule, Sur
r Enthousiasme, Sur les Mètres, — dont il faut d'ailleurs
déplorer la perte, — comme encore les titres des ouvrages
d'Aristoxène : Sur h Danse tragique, ou d'Hermippe'de
Smyrne, tous les denx aussi péripatéticiens : Sur les Esclaves
qui s'étaient distingués dans les Lettres. Nul doute que
l'anecdote, la particularité, la singularité même y dussent
tenir beaucoup plus de place que la critique. Lorsque
les Crées ne sont pas très grands, de la taille d'Aristote
ou de Démosfhène, on sait assez qu'ils ressemblent à des
enfants très subtils, ou, si Ton veut encore, que la sophis-
tique et l'amour de la virtuosité font alors le fond de leur
génie. Ils ne savent penser ni simplement ni largement ;
ils s'attardent aux petites choses ; ils cherchent en tout ce
que nous avons depuis appelé te fin du fin ; et, nous
pouvons dès à présent le dire, c'est une disposition d'es-
prit qui n'est presque pas plus pernicieuse en morale même
qu'en critique. On trouvera dans le Hvre déjà cité d'Egger
quelques renseignements sur la critique dans l'école de
Zenon et dans celle d'Epicure.
Pour l'école d'Alexandrie, le même auteur nous dit qu'elle
a plus brillé « par l'érudition que par l'originalité des idées ».
Mais elle n'en a pas moins sa place, et une place considérable
dans l'histoire de la critique : d'abord, parce que c'est au
milieu d'elle, dans l'Alexandrie des Ptolémées, qu'est née
la critique philologique, et puis parce que les noms
d'Aristarque et de Zoile ont longtemps symbolisé, symbo-
lisent môme encore, dans l'usage de la langue, le premier
la critique polie, courtoise et hbérale, et l'autre la critique
haineuse, contentieuse, injurieuse.
Ingenium magni livor dstrectat Homeri :
Quisquis es ex illo, Zoïle, nomen habes.
On discute à la vérité s'il n'y aurait pas eu deux Zoïles,
(V. sur Zoïle, Hardion, dans les Mémoires de r Académie
des Inscriptions, t. VIII; et sur Aristarque, Egger,
Revue des Deux Mondes, 1846).
Un ou deux traits suffiront pour donner une idée de la
critique de Zoïle. Au V^^ chant de Vlliade, Diomède, l'un
des guerriers aimés de Pallas, revêt son armure pour mar-
cher au combat, et de son casque, dit le poète, on croirait
voir jaillir des étincelles :
Aaie 01 £■/. xopuOo; tI xal àa:i;too^ axa^xatov Tuup.
Zoïle observait sur ce vers qu'Homère n'y avait point
pensé, de mettre ainsi du feu sur les épaules de Diomède,
et qu'il était à craindre que le héros n'en fût consumé.
Dans le même chant, un peu plus loin, le Troyen Phégée
tombe mort sous les coups de Diomède, et son frère Idée,
pris de peur, saute à bas de son char pour se sauver plus
vite. « Voilà, disait Zoïle, une plaisante invention, comme
si les chevaux d'Idée ne l'eussent pas bien mieux assuré
de sa fuite que la vitesse de ses pieds. » Le secret de ce
genre de critique ne s'est malheureusement pas perdu depuis
Zoïle ; — et l'on en trouvera plus d'exemples que l'on n'en
voudrait (pour eux) dans le Commentaire sur Corneille,
de Voltaire, ou dans le Cours de littérature de son dis-
ciple La Harpe. Les Grecs, plus déhcats, ne pardonnèrent
pas à Zoile, et, dans l'histoire de leur littérature entière,
il n'y a guère de nom plus honni que le sien. Voyez à cet
égard une belle page de Boileau, dans sa F^ Réflexion
sur Longin,
La critique d'Aristarque est bien différente, si c'est à
lui qu'il faut faire honneur d'avoir compris le premier que
l'épopée d'Homère, et généralement une œuvre littéraire
quelconque, devait être jugée d'abord, et ne devait même
l'être que relativement aux mœurs, aux coutumes, et aux
préjugés de son temps. Il n'était pas d'ailleurs toujours
fidèle à son principe, ou plutôt, il y manquait lui-même
ouvertement quand, par exemple, au V^ chant de V Odys-
sée, notant d'inconvenance les propos d'Ulysse et de Nau-
sicaa, il en retranchait de son autorité ces deux vers de la
jeune fille :
Plût or à Dieu qu'un tel mari me vînt
Et volontiers avec moi qu'il se tînt...
A un autre point de vue, s'il faisait œuvre assurément de
critique intelligente et utile quand il dégageait la simplicité
d'Homère du miheu des interprétations allégoriques dont
on l'avait surchargée, c'était pourtant trop de rationaUsme
413 —
CRITIQUE
aussi q[ue de ne vouloir voir dans tant de légendes, sou-
vent si profondes, ombre seulement d'allégorie, d'intention
morale et, comme nous le dirions aujourd'hui, de symbo-
lisme. Mais ces observations mêmes prouvent sans doute
assez quel était l'esprit de la critique d'Aristarque, et
nous n'enavonspas autre chose à retenir ici. Les conditions
les plus générales de l'interprétation des textes étaient
désormais posées, et il semble bien que les nombreux dis-
ciples d'Aristarque n'aient fait que les développer. Un
autre service dont la critique leur est également redevable,
c'est d'avoir en quelque manière fixé le Canon delà litté-
rature grecque. L'école ou la tradition d'Alexandrie a
subsisté jusqu'au temps d'Auguste, et l'on en peut consi-
dérer Denys d'Halicarnasse comme le dernier représentant.
Nos savants du xvii® siècle faisaient encore un cas sin-
gulier de Denys d'Halicarnasse, et Baillet l'appelle quelque
part « la règle de tous ceux qui ont embrassé son genre
d'écrire » (Jugement des savants^ etc., t. Il, pp. 4, 5).
On connaît l'influence de la littérature grecque, et de
l'alexandrinisme en particulier sur la littérature latine:
elle commença presque par la critique, et vers le milieu du
ii*^ siècle avant notre ère, un chevalier romain, Lucius
iElius Stilo, nourri des Alexandrins, attira le premier
Fattention de ses compatriotes sur les antiquités de leur
langue et de leur littérature. On citait de lui, entre autres
écrits, de savantes recherches sur la comédie de Plante
(V. Mommsen, Histoire romaine^ trad. française, VI, Ti
et 414). Varron vint ensuite, avec son grand ouvrage sur
la Langue latine^ dont il ne nous est parvenu que les
cinq premiers livres, et César lui-même, si l'on veut, avec
ses deux livres sur l'Analogie, également perdus. Il s'y
était proposé, dit Mommsen, « de ramener une langue
jusque-là sans frein sous la puissance de la loi » ; et on
retrouve là, dans ce dessein du plus grand des Romains,
le caractère utihtaire et pratique de la critique latine.
D'une manière générale, en efiet, ce que la critique s'est
proposé à Rome, c'a été, en perfectionnant la langue, de
former des orateurs pour les combats du Forum, et, après
que le Forum fût devenu silencieux, ce n'a pas moins tou-
jours été l'éloquence dont elle a continué de s'occuper.
Horace fait exception avec ses Satires^ avec ses Epîtres^
avec son Art poétique. Mais dans le Brutus ou dans le
De Oratore de Cicéron, comme dans le Dialogue des
orateurs^ communément attribué à Tacite, comme encore
dans Vlnstitution oratoire, de Quintilien, les titres seuls
sont assez significatifs ; et il n'est question d'autre chose,
art ou poésie, philosophie ou morale, qu'à l'occasion de
l'éloquence, et pour autant que l'orateur en est censé
pouvoir tirer quelque parti. Nous ne disons rien des sati-
riques, de Perse ou de Juvénal. Ceux-ci ne font guère
qu'épancher leur bile, et c'est en vain que dans leurs
vers on chercherait trace d'une doctrine. Peut-être pour
l'esprit pratique, nullement spéculatif, et un peu lourd aussi
des Romains, la critique littéraire proprement dite avait-
elle quelque chose de trop désintéressé, de trop détaché de
l'usage de la vie, de trop exclusivement littéraire en un
mot. Aussi s'en détournèrent-ils assez promptement, ou
du moins la réduisirent-ils à la grammaire et à la rhéto-
rique, et laissèrent-ils aux Grecs, s'il s'en trouvait encore
pour des travaux d'un autre genre, le soin de la continuer
et de la promouvoir.
Il s'en trouva, comme on le sait : Plutarque avec son
Traité sur la manière d'entendre les poètes, son Essai
sur Homère, sa Comparaison d'Aristophane et de
Ménandre ; Dion Chrysostome avec son Discours olym-
pique^ le premier essai de la « critique d'art », où Phidias
explique à la Grèce assemblée ce qu'il a voulu faire en
sculptant son Jupiter Olympien ; Aristide le rhéteur, Her-
mogène, Lucien, dont il faut au moins citer les opuscules
sur la Manière d'écrire l'histoire^ sur les Portraits et
le Zeuxis, Ce Grec de Samosate, ce contemporain de Marc-
Aurèle a déjà quelque chose, comme on l'a souvent dit,
d'Erasme, 'de Bayle, de Voltaire, ou plutôt tous les quatre,
à des degrés différents, ils sont l'esprit critique lui-même,
en ce qu'il a de plus brillant, de plus agile, de plus mali-
cieux, et d'ailleurs de moins profond. N'oublions pas, enfin,
Longin, l'auteur de ce Traité du sublime que le docte
Casaubon appelait « un Uvre d'or » ; qu'entre tant d'autres
écrits, Boileau a été choisir pour le traduire; et qu'enfin
Fénelon, dans ses Dialogues sur f Eloquence, ne craignait
pas de mettre au-dessus de la Rhétorique d'Aristote. Le
nom de Longin a cela pour lui d'être lié, dans l'histoire,
au souvenir de Zénobie, reine de Palmyre. Quant à son
Traité du sublime, nous nous bornerons à dire que si la
Poétique d'Aristote est le premier effort de la critique
dans l'antiquité, l'ouvrage de Longin, lui, en est le der-
nier et non pas le moins significatif. Ce qui le caractérise,
en effet, c'est la confiance du rhéteur dans ses règles, et
cette conviction que pour atteindre soi-même au sublime,
c'est beaucoup, si même ce n'est assez, de connaître par
quels moyens les Homère et les Eschyle, les Platon et les
Démosthène s'y sont eux-mêmes jadis élevés. L'objet de la
critique n'y est plus de déterminer les lois des genres ou
d'en étudier l'évolution à travers l'histoire, mais de pro-
curer au poète des moyens topiques et suffisants d'égaler
ses modèles. On verra dans un instant les conséquences de
cette fâcheuse erreur et qu'aussi bien c'est à peine si, dans
le siècle même où nous sommes, la critique a enfin réussi
à s'affranchir de cette illusion.
La critique au moyen âge. Il n'y aurait pas lieu de
parler de la critique au moyen âge,' s'il n'était utile et
indispensable même d'assigner à leur vraie cause une indif-
férence apparente et une stérilité réelle qui n'ont pas,
comme l'on sait, duré moins de six ou huit siècles. Ni les
poètes, en effet, ni non plus les grammairiens n'ont man-
qué au moyen âge, ni les artistes, ni les philosophes, parmi
lesquels il y en a, quand ce ne serait que saint Thomas, qui
peuvent, je crois, soutenir la comparaison avec les plus
grands. Comment donc se fait-il que, toutes les conditions
ordinaires de la critique paraissant réunies, on ne puisse
pourtant citer, même au xiii® siècle, le grand siècle du
moyen âge, aucun critique vraiment digne de ce nom ? Car
j'ai peu de confiance aux critiques arabes, et pour quelques
ouvrages tels que l'Art de dictier et faire chansons,
ballades, virelais et rondeaux, d'Eustache Deschamps,
ou celui d'Henri de Croy, /'iri et Science de rhétorique
pour faire runes et ballades, ce ne sont guère que des
recueils de recettes ou des manuels de versification. Nous
ne parlerons pas non plus de la Rhétorique de Raymond
Lulle (V. Hist, litt, de la France, t. XXIX, p. 251).
C'est que l'homme du moyen âge, avant de s'appartenir
à lui-même, faisant une partie de sa caste ou de sa corpo-
ration, noble, clerc ou vilain, n'étant pas même toujours
maître de sa personne et l'étant moins encore de ses actions
ou de ses pensées, la littérature du moyen âge a pour
caractère essentiel, par-dessous tous les autres, d'être uni-
verselle, impersonnelle, et anonyme. Je dis: universelle et
vraiment catholique, au sens originel du mot, semblable
ou plutôt identique à elle-même d'un bout de l'Europe à
l'autre bout, dans la Chanson de Roland et dans le
Romancero du Cid, dans un Mystère italien et dans un
Mystère allemand. J'ajoute: impersonnelle, et j'entends par
là que l'œuvre littéraire, soumise aux préjugés de la caste
ou de la corporation, roulant sur un très petit nombre de
sentiments ou d'idées, astreinte enfin à des formes fixes,
n'a rien en elle qui trahisse, non pas même son auteur,
mais seulement sa nationalité. Et c'est pourquoi je l'appelle
anonyme : parce qu'on serait tenté de croire que, bien loin de
chercher à mettre leur personne dans leurs écrits, trou-
vères et troubadours — en général, et sauf les exceptions
qu'il faut toujours qu'on réserve — semblent chercher plutôt
à la dissimuler sous le costume commun et sous l'allure de
leur condition sociale. Le mot célèbre de Buffon sur le
style, qui n'a jamais été qu'à moitié vrai, ne l'a jamais été
moins que des écrivains du moyen âge; et, jusque dans le
genre lyrique, c'est une affaire que de distinguer une
CRITIQUE
— 4U —
chanson de Thibaut de Champagne d'avec une chanson de
Quesne de Béthune ou du châtelain de Couci.
Cependant, comme on Fa si bien montré (V. Jacob
Burckhardt, la Civilisation en Italie au temps de la
Renaissance, part. II), il ne saurait d'abord y avoir de
critique que des œuvres individuelles. C'est le nom qu'il
donne et que nous donnons avec lui aux oeuvres dont l'au-
teur, animé de ce que Boccace appelait l'ambition de l'im-
mortalité, perpetuandi nominis desiderium, et Dante la
passion d'exceller, lo gran disio delV eccellenza, s'expose
de sa personne à l'envie même de ceux dont il sollicite
l'admiration. Ce désir ou cette soif de gloire, qui n'avait
pas agité les Homérides, et encore bien moins les auteurs
de nos Chansons de geste, a été le principe d'action des
Pindare et des Thucydide, comme aussi, chez les Romains,
des Cicéron et des Virgile. Mais, pour gu'il réapparût dans
le monde moderne, il fallait que la Httérature du moyen
âge, ayant accompli sa journée, changeât de nature en
même temps que de principe, ou plutôt qu'elle cédât la
place à une littérature nouvelle dont l'objet fût précisé-
ment de traduire ou d'exprimer cet individuahsme. Telle
est la littérature de la Renaissance, qui n'a pas seulement
émancipé l'esprit de la servitude théologique, mais l'homme
aussi, l'homme surtout, de la contrainte à laquelle il avait
soumis si longtemps sa personnalité. L'acte de naissance de
la littérature moderne se trouve être ainsi l'acte d'éman-
cipation de la critique. Et, à cet égard, on remarquera que
les seuls critiques du moyen âge, Dante pour son De Vul-
gari Eloquio et Pétrarque pour ses travaux philologiques,
sont aussi, dans la littérature du moyen âge, les premiers
des modernes.
La critique dans les temps modernes» Maïs avant
de pouvoir se développer librement, il fallait que la cri-
tique eût renoué la chaîne des traditions interrompues, et
de là, dans l'Italie du xv^ siècle, comme au siècle suivant,
dans l'Europe entière, la renaissance et l'importance de la
critique philologique. Il fallait qu'on se fût reconnu parmi
les richesses confuses de l'antiquité retrouvée. C'était
reprendre le problème au point où Pavait jadis laissé
l'Ecole d'Alexandrie. Il était seulement plus difiQcile ou
plus obscur de tout ce que la négligence du moyen âge
avait accumulé d'épaisseur d'ombre autour des textes latins
et grecs. Aussi Ronsard lui-même, on le sait, dans la
seconde moitié du xvi® siècle, fera-t-il un cas presque égal
dTïomère et de Lycophron ; et nous, depuis combien d'an-
nées avons-nous cessé d'admirer dans le Taureau Farnèse
ou dans Y Apollon du Belvédère les chefs-d'œuvre de la
sculpture grecque? On trouvera dans l'ouvrage de Baillet,
que nous avons déjà cité (V. Jugement des savants,
t. Il), la Uste infinie, pour ainsi^ dire, de ces critiques
grammairiens qu'on a trop loués jadis, mais qu'en revanche
et depuis on a traités trop dédaigneusement. Est-ce pour
cela, pour les punir d'avoir été trop célébrés, ou par ingra-
titude, que personne encore ne nous a donné cette Histoire
de rhumanisme^ sans laquelle pourtant il y aura toujours
quelque chose de précaire dans tout ce que nous dirons des
origines du classicisme^ Ni le bel ouvrage de Burckhardt,
que nous citions tout à l'heure, ni celui de M. Georges
Voigt sur le Premier Siècle de l'humanisme, ni celui
d'Eggersur V Hellénisme en France^ ni des monographies,
que ce soient d'ailleurs les Annales de l'imprimerie des
Alde^ ou une biographie d'Erasme ou de Budé , n'en sau-
raient tenir lieu. Cependant, comme le prouvent ces indi-
cations, qu'il serait trop aisé de multiplier, les matériaux
de cette Histoire sont épars un peu partout. Mais si l'on
pouvait douter de son utilité, nous ajouterions qu'indépen-
damment de son intérêt propre, voilà tantôt quatre ou
cinq cents ans que, dans l'Europe entière, la conception
même de la littérature est toujours dominée par les idées
des philologues de la Renaissance, Ne serait-il pas temps
enfin de savoir ce que c'étaient au juste que ces idées
mêmes, — car on ne le sait qu'en gros, — et dans quelle
mesure il est de notre intérêt de les subir encore ?
Cette part est surtout celle de l'Italie dans le renouvel-
lement de la critique moderne. Un auteur espagnol,
M. Menendez y Pelayo, dans son Historia de las ideas
esteticas en Espana (Madrid, 1883) a fait celle de l'Es-
pagne. Un écrivain français, M. Emile Grucker, dans le
premier volume de son Histoire des doctrines littéraires
et esthétiques en Allemagne (Paris, 1883) a tracé le
tableau de la critique allemande depuis Opitz, qui vivait
dans la première moitié du xvii^ siècle, jusqu'à Lessing.
Enfin, pour ce gui est de la critique anglaise, à défaut
d'une histoire suivie, on trouvera de bons renseignements
dans l'ouvrage un peu vieux, mais encore intéressant
d'Hallam : Histoire de la littérature de l'Europe mo-
derne de i450 à il 00 ; et pour la période qui a suivi,
sans parler des histoires générales de la littérature anglaise,
dans le premier volume de Pouvrage d'Hettner : Literatur-
geschichte des achtzehnten Jahrhunderts (Brunswick,
1872). Rappelons aussi, parmi beaucoup d'autres, les
Essais de Macaulay sur Addison et sur Johnson. Pour
nous, on nous pardonnera de nous attacher à peu près
uniquement à l'histoire de la critique en France. Aussi
i3ien, si les critiques italiens ou anglais ne sont pas des
isolés dans l'histoire de leur littérature, on peut dire qu'ils
y font en quelque manière exception, et gue nulle part
ailleurs qu'en France la critique depuis trois cents ans n'a
eu ce qu'on appelle une histoire suivie. Ai-je besoin
d'ajouter qu'elle a été vraiment l'âme de la littérature
française? Depuis Ronsard jusqu'à Victor Hugo, jusqu'à
nos symbolistes eux-mêmes, si Pon osait les mettre en
si noble compagnie, je ne vois pas du moins une révolu-
tion du goût ou de la littérature qui n'ait eu chez nous
une évolution de la critique pour origine et pour guide.
Ronsard et Du Bellay, Malherbe et Boileau, Voltaire, Cha-
teaubriand et Hugo, c'est l'assentiment de l'opinion à leurs
doctrines qui a préparé le succès de leurs œuvres ; et c'est
la critique, en leur prêtant l'appui de son désintéresse-
ment, qui a comme assuré au delà d'eux la durée de leurs
œuvres et de leur réputation. Voyez plutôt, comme contre-
épreuve, ce que Malherbe et Boileau tout seuls ont pu
jadis contre Ronsard, et demandez-vous, si la critique n'y
veillait depuis un demi-siècle, ce qu'on lirait encore de
Chateaubriand?
C'est de 1550 et du manifeste de la Pléiade, rédigé par
Du Bellay sous l'inspiration de Ronsard : Défense et illus-
tration de la langue française, qu'on peut dater les
commencements de la critique en France. Enflée de l'or-
gueil de l'antiquité retrouvée, pour ainsi dire, et stimulée
par l'exemple des grandsitaliens, Dante, Boccace, Pétrarque,
Arioste et Bembo, que l'on ne craignait pas démettre alors
sur le même rang, la critique, pendant cette première
période de son histoire, s'efforce de se reconnaître parmi
tant de chefs-d'œuvre, et non plus seulement de les dater,
d'en épurer ou d'en fixer le texte, mais déjà de les classer
entre eux. Elle fait mieux encore, ou davantage, et très
vivement touchée, très sincèrement émue dés beautés qu'elle
admire, elle tâche, comme autrefois la critique de Longin,
à retrouver dans les œuvres même les qualités définies,^ les
causes précises, les raisons suflQsantes de l'impression que
ces œuvres produisent. La Poétique de Scaliger (1561)
est particulièrement intéressante à consulter sous ce
rapport.
On fait alors un pas de plus. Et, effectivement, si ce sont
des qualités connues et définies, comme nous le disions,
qui font l'agrément de Térence ou le charme pénétrant de
Virgile, pourquoi n'essayerait-on pas de rivaliser avec eux
dans l'emploi des moyens dont leurs œuvres nous ont légué
la recette avec l'exemple ? Tout ce que l'on admire et que
l'on aime dans VAndrienne et dans V Enéide, pourquoi ne
le détacherait-on pas en quelque sorte de leurs auteurs,
et l'appliquant soi-même à un autre sujet, celui de la Pu-
celle ou celui de h Place Royale, pourquoi n'égalerait-on
pas son modèle ? Telle est l'ambition de Balzac, telle est
aussi celle de Chapelain; Scudéri la partage; et. il ne
- 415 -
CRITIQUE
semble pas que Corneille en soît très éloigné. C'est ainsi
que, sous leur influence, il s'établit un système de confiance
absolue dans le pouvoir des règles ; et l'objet de la cri-
tique, après les avoir tirées des œuvres des anciens, se
réduit à surveiller l'observation des règles* Même l'Aca-
démie française, dans la pensée de son fondateur, comme le
prouve la brochure des Sentiments de l'Académie sur le
Cid (1636-i 638) n'a pas à ses débuts de fonction ou de mis-
sion plus spéciale. Et assez justifiées par leur haute origine,
les règles, devenues souveraines, s'imposent tyrannique-
ment à ceux mêmes qui les eussent volontiers secouées, s'ils
n'avaient craint, en les secouant, de se mettre en révolte,
non pas du tout contre le bel air, et encore moins contre
quelques pédants, tels qu'un abbé d'Aubignac ou qu'un père
Le Moyne, mais contre l'antiquité même, et tout ce qu'il
semblait que ce nom portât avec lui de grandeur, de mys-
tère et d'autorité.
Cependant, comme le siècle de Chapelain est aussi le
siècle de Descartes et de Pascal, deux des hommes du monde
qui ont eu le moins de respect de l'antiquité, il était inévi-
table qu'on se demandât tôt ou tard quelle était la valeur
des règles, si leur seul titre était d'avoir été jadis obser-
vées par les anciens, et, voulant les conserver, si l'on ne
pouvait pas leur donner un fondement plus solide qu'elles-
mêmes. C'est ce que fit Boileau, dont l'originalité consiste
justement à s'être posé la question, et dans la manière
dont il Fa résolue. Si les règles, dit-il, sont règles, sans
doute c'est qu'elles sont conformes à l'usage de Pindare ou
d'Homère, mais elles le sont bien plus encore à la Nature,
telle que l'observation nous la révèle, et à la Raison, en
tant qu'elle est le partage de tout homme qui pense. On
remarquera que la théorie est celle de Molière, dans sa
Critique de l'Ecole des femmes, comme encore celle de
Racine, dans la plupart de ses Préfaces, Entre plusieurs
moyens qu'il pouvait y avoir de s'assurer le plaisir qu'on
demande aux œuvres de la littérature et de l'art. Racine,
Molière, Boileau, et La Fontaine avec eux, estiment que les
anciens, étant plus près de la nature, ont d'abord trouvé
les plus efficaces, pour ne pas dire les seules infaillibles.
C'est que « le bon sens et la raison sont les mêmes dans
tous les siècles » : la phrase est de Racine, dans la préface
de son Iphigénie. Et bien loin d'être arbitraire, comme
elle pouvait le paraître, l'autorité des règles, ainsi fondée
sur ce qu'il y a de plus universel et de plus permanent
dans l'homme, change un peu de nature, mais, au total
s'accroît encore, et, pour ainsi parler, contracte quelque
chose de l'éternité d'une loi de l'esprit humain.
C'est au xvii® siècle aussi qu'il faut placer en France les
commencements de la critique d'art, en tant qu'application
des principes généraux de la critique littéraire au jugement
des œuvres de la peinture ou de la sculpture. On fait souvent
honneur à Diderot d'avoir inauguré chez nous la critique d'art
par ses Salons et on oublie que le xviii® siècle ni même les
salonniers du commencement du nôtre n'ont pu lire ces
Salons, qui n'ont paru qu'en 4840. On oublie aussi qu'un
article des Statuts et Règlements de l'Académie royale
de peinture et de sculpture — c'est notre Académie des
beaux-arts — avait disposé que «l'Académie s'assemblerait
tous les premiers et derniers samedis du mois pour s'en--
tretenir et exercer en des conférences sur le sujet de
la peinture et de la sculpture et de leurs dépen-
dances ». La première de ces Conférences eut lieu le
7 mai 4667 (V. Henry Jouin, Conférences de V Académie
royale, etc.; Paris, 4883). C'était Félibien qui les rédi-
geait et qui lui-même en a publié quelques-unes. Watelet,
au xviii^ siècle, en a donné quelques autres, dans son
Dictionnaire des Arts. Je signalerai celle d'Oudry —
d'après son maître Largillière, — et j'y relèverai ces deux
phrases, qui sont toute une esthétique : « La nature bien vue
nous peut seule donner ces lumières originales qui dis-
tinguent l'homme supérieur d'avec l'homme commun... »
et « les règles, ou les principes ne sont faits que pour nous
apprendre à nous mettre vis-à-vis de la nature ». Dans
une autre conférence, du peintre Testelin, je note le pre-
mier emploi que je connaisse du mot de naturalisme,
dans le sens oti nous le prenons encore aujourd'hui :
« L'opinion qu'on appelle naturaliste, dit expressément
Testelin, estime nécessaire l'zmzita^îOTi exacte du naturel
en toutes choses* » Voilà les vrais commencements de la
critique d'art. Les ai'tistes eux-mêmes deviennent curieux
de justifier par de bonnes raisons les principes qu'ils sui-
vent. Ils commencent à comprendre que ce n'est pas tout
de plaire, et qu'encore faut-il savoir par quels moyens on
a plu. Peintres et sculpteurs, ils ont d'ailleurs une compé-
tence que de longtemps les amateurs de l'espèce de Diderot
n'auront point. Et quant à leur influence, nous allons en
voir la preuve dans les écrits eux-mêmes des critiques de
leurs contemporains.
Par exemple, il n'y a rien qui distingue davantage Per-
rault d'avec Boileau, — le Parallèle des anciens et des
modernes d'avec VArt poétique ou d'avec les Réflexions
critiques sur Longin, — que d'y voir Perrault débuter dans
la critique générale par la critique d'art, et, avant de
parler d'éloquence ou de poésie, traiter d'architecture, de
peinture, de sculpture. L'horizon de la critique s'est visi-
blement élargi. Mais surtout il s'est reculé ou il s'est
approfondi, si l'on peut ainsi dire, et là même est le grand
intérêt de la querelle des anciens et des modernes . Long-
temps informe, et encore confuse dans les Dialogues de
Perrault, une idée cependant s'y fait jour : c'est l'idée de
progrès, avec et par le moyen de laquelle s'insinue dans
la critique l'idée de mouvement. Ni La Bruyère ni Fénelon
n'y répugnent. Mais c'est le « discret » Fontenelle, avec
son air de n'y toucher pas, qui achève d'en faire la fortune.
Un autre homme l'y aide, grand ami des anciens, il est
vrai, mais de plus d'érudition que de goût, et d'ailleurs
plus sceptique encore qu'érudit. C'est Bayle que je veux
dire, Tun de ceux qui sans doute ont le plus fait en aucun
temps pour déshabituer l'humanité de voir ou de chercher
son âge d'or dans le passé. Bien qu'il ait rédigé lui tout
seul pendant trois ans (4684-4687) l'un des plus anciens
journaux qu'il y ait, les Nouvelles de la République des
Lettres, à peine peut-on dire que Bayle appartienne à
l'histoire de la critique littéraire. Il n'en a pas moins con-
tribué plus que personne, avec son fameux Dictionnaire,
et beaucoup plus efficacement que les « Libres Penseurs »
anglais, que Collins ou Toland, à préparer le nouvel idéal
en dissociant l'ancien, et en répandant cette idée qu'en
littérature comme en art, aussi bien qu'en métaphysique
et en théologie, c.-à-d. partout, il n'y a rien que de chan-
geant, de transitoire et de relatif. Idée féconde, idée hardie,
qui ne devait point triompher sans combat, et idée dont la
lutte contre le respect subsistant de la tradition fait le fond
de l'histoire de la critique du xviii^ siècle.
Rien de plus embrouillé que cette histoire, tout d'a-
bord, mais rien de plus clair si l'on se place au point
de vue que nous venons d'indiquer. Deux partis ou deux
tendances. D'un côté les classiques. Desfontaines ; Prévost
avec son Pour et Contre; Fréron et son Année litté-
raire; Voltaire lui-même dont le goût est plus sûr, plus
déhcat aussi, mais non moins timide que celui de Fréron ;
Marmontel, à qui l'on ne peut refuser d'avoir eu des
idées, La Harpe, dont le Cours de littérature, outre qu'il
est le premier de son espèce, n'est pas aussi méprisable
qu'on le dit encore quelquefois ; et après eux les Hofîmann,
les Geoffroy, les Feletz, qui continueront jusque dans
notre siècle l'esprit du précédent. Ils pensent tous, avec La
Bruyère, qu'on a tout dit, depuis six mille ans ; ou avec
Voltaire, que « les sujets et les embellissements propres
aux sujets ont des bornes bien plus resserrées qu'on ne
pense ». De l'autre côté sont les novateurs, l'abbé Dubos,
avec ses Réflexions sur la poésie et sur la peinture,
où l'on trouve, avant V Esprit des lois et les Lettres per-
sanes, une première esquisse de la « théorie des milieux » ;
Marivaux, avec ses feuilles, le Spectateur français ou le
Cabinet du Philosophe ; Montesquieu, Diderot, Mercier,
CRITIQUE
416
avec son Essai sur l'art dramatique; enfin et surtout
Rousseau, qui n'a pas fait, à la vérité, profession de
critique, mais dont on sait assez quelle a été, dans la cri-
tique aussi bien qu'ailleurs, la prodigieuse influence. Je
ne parle point de Grimm, ni de son continuateur Meister,
dont la Correspondance littéraire n'a pas été connue de
leurs contemporains. Mais ce que ces deux noms nous
avertissent de noter, avant que d'arriver à la critique con-
temporaine, c'est qu'en même temps que Rousseau rend
en critique au sens individuel l'autorité qu'on lui avait
jusqu'alors disputée, les littératures étrangères, l'anglaise
et l'allemande, commençant à pénétrer la nôtre, nous
donnent l'idée de « beautés » que nous ne connaissions
point.
Je crains un peu de paraître inutilement multiplier les
époques, mais j'espère aussi que l'on voit que l'intérêt de
l'histoire de la critique est précisément là, dans la conti-
nuité de ce développement dont j'essaye dénoter les temps
de progrès ou d'arrêt. Avec M"^® de Staël et avec Chateau-
briand, avec le Génie du christianisme (1802), et avec
V Allemagne (1810), la connaissance encore bien vague
des littératures étrangères — j'entends la connaissance rai-
sonnée — et la connaissance à peine plus précise d'un passé
plus reculé que le xvi^ siècle, en convainquant la critique
classique d'étroitesse, l'obhgent une fois de plus à contrôler
le titre et la valeur de ses règles. Jusqu'alors on n'avait
raisonné que sur le grec et le latin, sur l'italien et sur
l'espagnol , et le français surtout. Maintenant il faut
compter avec les littératures et les arts du Nord. Si le
temple grec est une belle chose, la cathédrale gothique
n'en est-elle pas une autre ? Et si Raphaël est un grand
maître, Durer et Rembrandt en sont-ils de moindres? Mais
si la préférence nationale que nous continuerons d'accorder
à la tragédie de Corneille ou de Racine ne saurait plus
nous empêcher d'admirer Macbeth ou Faust^ qu'est-ce
à dire, sinon qu'il faut bien re viser des admirations et des
définitions fondées sur ce qu'on appelle en logique « un
dénombrement imparfait » ?
Faisons un pas encore. « La littérature est l'expression
de la société. » Indépendamment et en plus de leur valeur
esthétique, une Iliade ou une Jérusalem, un Hamlet ou
un Polyeucte^ ont encore une valeurhistorique. Les œuvres
soutiennent des rapports avec toutes les parties d'une
même civilisation. Elles sont des signes, et elles sont des
documents. Mais, réciproquement, ce qu'elles expriment
les éclaire elles-mêmes, nous le fait mieux entendre, et il
n'est pas indifférent, il est même indispensable à l'intelli-
gence entière de la Nouvelle Héloïse ou de VHistoire
des variations de connaître la forme et la structure de la
société pour laquelle Bossuet et Jean-Jacques ont écrit.
C'est ici la part des Guizot, des Cousin, des Viliemain. Sans
oublier qu'un drame est fait pour être joué, comme un ro-
man pour être lu, et qu'en conséquence nous devons les
juger par rapport à leur objet, ils ont vu que pour les
bien connaître il fallait cependant pousser plus loin et
plus profondément. En d'autres termes, ils ont essayé de
replacer l'œuvre dans les conditions mêmes de sa produc-
tion, au lieu de commencer par l'en détacher, comme on
avait fait jusqu'alors, et ils ont ainsi fait de la critique une
auxiliaire de l'histoire. De morte qu'elle était, dirai-je
qu'ils l'ont rendue vivante, ou concrète d'abstraite? Mais,
j'aimerais encore mieux dire, si je n'avais peur de cette
sorte de mots en un pareil sujet, que, de statique^ ils Font
rendue véritablement dynamique. Cousin a d'ailleurs
rendu un autre service encore, d'un autre genre, en habi-
tuant la critique moderne à traiter les textes classiques,
la prose de Pascal ou les vers de Racine, avec le scrupule
philologique dont on avait réservé jusqu'alors l'honneur
aux textes des anciens.
Puis, Sainte-Beuve est alors venu, dont le rôle a été
double. Il a cherché l'exphcation de l'œuvre plus loin et
plus profondément encore, non plus seulement dans les
entours ou dans le milieu, mais dans l'homme lui-même,
dans le secret de son tempérament, et jusque dans le mys-
tère de son idiosyncrasie. Par là, d'un moyen auxiliaire de
l'histoire, la critique s'est transformée en un véritable
instrument d'analyse, d'investigation, de découverte psycho-
logique. Les aveux qu'on ne se fait pas toujours volontiers à
soi-même, il nous a enseigné l'art de les Hre là même où
l'écrivain ne croyait certes pas les avoir déposés. La con-
naissance de l'homme s'en est accrue, et il a pu lui-même
eïïtrevoir le plan d'une classification future des esprits en
« familles naturelles » : ici les doux et là les forts ; d'un
côté les épicuriens et de l'autre les hypocondriaques ; ailleurs
les sensitifs, et plus loin les Imaginatifs, les visuels et les
auditifs, ceux qui voient leur phrase et ceux qui l'enten-
dent, les coloristes et les musiciens, que sais-je encore ;
et, en attendant, il nous a laissé dans ses Limdis une col-
lection de mojiographies qui n'a d'égale, je crois, ou
d'analogue dans aucune langue ni dans aucune littérature.
Mais, en même temps, contre l'entraînement de sa propre
méthode, il a maintenu les drohs de l'œuvre httéraire à
être considérée comme telle, traitée comme telle, et finale-
ment appréciée ou jugée comme telle.
C'est ce que n'ont fait toujours ni M. Renan, ni
M.Taine, dont ce n'est pas d'ailleurs ici le heu de discuter
les idées ni même de les exposer, mais seulement de les
indiquer et de dire en quelques mots ce que leur doit la
critique. On connaît leurs ouvrages: les Etudes d'histoire
religieuse, les Essais de morale et de critique, VHis-
toire comparée des langîies sémitiçiues Qi VHistoire des
origines du christianisme àw^vmmv, et les Essais de
critique et d'histoire, VHistoire de la littérature
anglaise, la Philosophie de l'art, V Ancien Régime du
second. Ni chez nous, ni hors de chez nous — quelque estime
que nous fassions de l'œuvre d'un Lessing ou d'un Strauss,
de celle d'un Carlyle ou d'un Macaulay, — la critique n'a
rien produit qui, tout en demeurant plus conforme à sa
définition, donne une plus grande idée d'elle-même, de la
fécondité de ses ressources, de l'étendue presque illi-
mitée de sa compétence et de l'importance de son rôle.
Tout ce qu'elle a voulu ou rêvé en d'autres temps, M. Renan
et M. Taine l'ont en effet réalisé; et elle est devenue entre
leurs mains ce qu'aucun philologue ni aucun savant n'au-
rait jadis osé prévoir. Sans parler en effet de leur talent
d'écrivain, ils lui ont apporté, M. Taine sa science, et, avec
son goût de la psychologie, ce que j'appellerai la puissance
de son imagination constructive ; M. Renan, son érudition
spéciale d'hébraïsant ou d'orientahste, sa curiosité de phi-
lologue, et sa subtilité d'historien des religions. Par là, des
idées nouvelles, que Sainte-Beuve lui-même n'avait pu
qu'effleurer, en exprimant son regret de ne pas faire davan-
tage, et, par exemple, les dernières conclusions de la lin-
guistique et de l'ethnographie, de l'exégèse et de l'histoire
naturelle, sont entrées dans le plan ou plutôt dans la
notion de la critique, et n'en sortiront plus. Mais ce qu'ils
ont surtout fait, c'a été, tout en élargissant ainsi l'objet de
la critique, de le préciser en même temps et non pas, à la
vérité,^ de la transformer elle-même en une science, mais
au moins de lui donner quelque chose du désintéressement,
à ses méthodes quelque chose de la rigueur, et à sa magis-
trature, enfin, quelque chose de l'autorité de la science.
Il resterait maintenant à montrer que si nous avons omis,
dans cette revue rapide, plus d'un titre et plus d'un nom
sans doute, l'omission s'explique ou se justifie par plus
d'un motif. L'histoire d'un genre n'est pas tenue d'enre-
gistrer avec une piété superstitieuse les œuvres ni les
noms même de tous ceux qui s'y sont exercés. Qu'importe
un Tristan à l'histoire de la tragédie française ? un abbé
Poulie à celle de l'éloquence ? un Ducray-Duminil à l'his-
toire du roman, [gnolis periere mortibus illi... Pareille-
ment, dans cette esquisse, nous aurions ménagé une place
à Saint-Evremond ou à un père Bouhours, à 'Rollin ou à
Suard, à un Saint-Marc Girardin ou à un Cuvilher-FIeury,
qu'il n'en serait rien de plus ni de moins. Quiconque n'a
pas fait avancer d'un seul pas les idées de son temps, ni
— 417
perfectionné les moyens de son art, celui-là peut bien avoir
été utile en son vivant, et il a d'ailleurs son nom écrit sur
une pierre dans les catacombes de l'histoire littéraire : il
ne l'a pas dans l'histoire de son genre. En ce qui regarde
la critique, c'est l'histoire du genre que nous avons uni-
quement essayé de mettre en lumière ; ce sont les diffé-
rents temps de son évolution que nous avons essayé de
marquer ; et c'est enfin comment, par quelle série de trans-
formations successives, la critique, dans le siècle où nous
sommes, est devenue, sans cesser d'être elle-même, autre
chose pourtant, et presque le contraire de ce qu'elle était
il y a deux cent cinquante ou trois cents ans.
Une autre omission pourrait paraître plus grave ; et on
s'étonnera peut-être qu'ayant rencontré l'occasion de
nommer Lessing ou Carlyle, nous n'ayons pas cru devoir
donner de leur œuvre quelque idée plus précise. Car il n'est pas
douteux que le Laocoon ou le Culte des héros soient des
œuvres capitales dans l'histoire de la critique ; et, au nom
de leurs auteurs, combien de noms encore n'aurions-nous
pas pu joindre, ceux de Macaulay, par exemple, de Francis
Jeffrey, de Sydney Smith, de Charles Lamb, d'Hazlitt en
Angleterre ; ou en Allemagne, sans rien dire d'Herder
ni de Gœthe, ceux de Hegel, pour son Esthétique^ et de Ger-
vinus, et de Rosenkranz, et de Julian Schmidt, et d'Hett-
ner? Un Francesco de Sanctis en Italie, et un don
Juan Valera en Espagne ne sont ■ pas non plus de ceux
qu'il semble qu'on ait droit de passer sous silence. Mais les
critiques anglais, Charles Lamb ou Hazlitt, sont plutôt des
essayists, quand ce ne sont pas des humorists ; et les
critiques allemands, eux, sont plutôt des historiens , comme
Gervinus, ou des théoriciens de l'art. Si d'ailleurs il est
vrai, comme disent les savants, qu'un seul phénomène con-
tienne en soi, pour quiconque sait l'y voir, tout ce qu'il faut
pour son explication, nous pouvons dire, nous, qu'en raison
de la solidarité des littératures modernes, depuis cent ans
surtout, l'histoire de la critique en Angleterre ou en Alle-
magne a dû ressembler et ressemble en effet à l'histoire de
la critique en France. Les mêmes causes ont produit partout
les mêmes effets ; des besoins analogues se sont à eux-mêmes
créé les mêmes moyens de se satisfaire ; et, un peu plus tôt,
un peu plus tard, à quelques années de distance, la même
évolution a traversé les mêmes phases. On regardera donc
l'histoire de la critique en France comme étant, en quelque
manière, h ûgnre schématique d'une histoire de la critique
européenne, et puisqu'il s'agissait surtout pour nous de
fonder la définition et l'objet de la critique sur les données
de son histoire, nous pouvons maintenant aborder cette
partie de notre tâche.
L'objet et les méthodes de la critique. — Ce qui
me semble résulter tout d'abord de l'histoire même de la
critique, c'est la réalité de son objet, ou en d'autres termes
encore, c'est l'existence d'une critique objective. « Il y a
un bon et un mauvais goût, et c'est avec fondement qu'on
dispute des goûts » : il y a surtout une vérité Mttéraire.
Cependant, si de certains sceptiques en étaient crus, d'ai-
mables et dangereux dilettantes, qui se réclament de Kant,
sans faire attention que le criticisme kantien a pour consé-
quence logique, ce que l'on appellerait assez bien le posi-
tivisme transcendantal de Hegel, « nous ne pourrions
jamais sortir de nous-mêmes » ; et ainsi, dans les œuvres
de la httérature ou de l'art, nous ne trouverions jamais,
après bien des efforts, que ce que nous y aurions mis nous-
mêmes de notre fond. Mais c'est un pur sophisme, à moins
encore que ce ne soit une manière de se moquer du monde.
Les uns aiment Racine, et les autres ne l'aiment pas, ou ils
l'aiment moins ; et en ce sens, il est bien vrai que ceux
qui l'aiment voient plus de choses dans Andromaque ou
dans Iphigénie^ qu'ils y voient même, si l'on veut, des
choses auxquelles Racine n'avait point songé; mais ces choses
y sont pourtant ; et la preuve, c'est que personne au monde
ne s'est jamais avisé de les voir ni ne le pourrait, quand il
y tâcherait, dans VAndronicus de Campistron ou dans
V Hypermnestre de Lemierre. Est-il nécessaire de mul-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
CRITIQUE
tiplier les exemples ? Tout est relatifs si l'on entend par là
qu'étant faits d'une autre manière, nos impressions, nos
sensations, nos idées seraient autres, et par exemple, si nous
avions, comme on l'a dit, «l'œil à facettes d'une mouche »
ou le cerveau « rude et simple d'un orang-outang ». Mais pré-
cisément, nous ne les avons point, ce « cerveau » ni cet « œil à
facettes », et nous ne sommes point faits de cette «autre»
manière. Aussi, quoi qu'il en soit de la « relativité de la con-
naissance», en ce qui touche le fond des choses, l'intimité de
leur substance, et la raison de leur être, notre géométrie,
notre physique, notre chimie n'en sont pas moins ce qu'elles
sont : des systèmes liés, dont les rapports ne dépendent point
de nous. A plus forte raison en est-il ainsi de l'objet, ou pour
mieux dire, de la matière delà critique, et, s'il y a quelque
correspondance entre la nature et l'homme, il y en a sans
doute une plus étroite entre l'homme et l'homme. Non seu-
lement il n'est pas vrai que nous ne puissions sortir de
nous-mêmes pour entrer dans l'esprit d'une œuvre litté-
raire, mais toute littérature est fondée sur cette présomption
que nous n'avons qu'à le vouloir, ou même à nous laisser
faire, pour prendre d'autres idées et d'autres sentiments
que les nôtres. On prédicateur dans sa chaire n'en est pas
moins assuré qu'un savant dans son laboratoire. S'il parle,
c'est pour qu'on l'écoute, et s'il veut qu'on l'écoute, c'est
qu'il veut nous faire changer nos idées pour les siennes ;
et nous le voulons bien, aussi nous ; et la mesure où il y
réussit devient la mesure même de son talent. Pareillement
un poète, un dramaturge, un romancier.
L'argument que l'on tire des contradictions de la critique
n'a pas plus de solidité. Car d'abord les contradictions ne
sont point aussi nombreuses que l'on se plaît quelquefois à le
prétendre, ni surtout ne sont, à les bien prendre, de vérita-
bles contradictions. Que l'on examine, par exemple, depuis
deux siècles maintenant passés, tout ce que la critique amie
ou hostile a porté de jugements sur la comédie de Mohère,
sur VEcole des femmes ou sur Tartufe, Si nous mettons
à part ceux des contemporains, je n'en sache presque pas
un dont le dispositif ne soit constamment le même, si d'ail-
leurs les considérants en diffèrent. Allons plus loin : il
n'y en a pas un qui n'établisse la supériorité de Molière
sur Lesage, par exemple, ou sur Beaumarchais, ni qui ne
l'établisse par des raisons analogues. Ajouterons-nous là-
dessus que, quand les contradictions de la critique seraient
plus graves ou plus nombreuses, il faudrait voir qui sont
les critiques eux-mêmes, et, notamment, si leur ignorance
ne les disqualifie pas peut-être avant qu'ils aient parlé?
Si l'on ne sait pas le grec, il est bien évident qu'on ne
parlera pas d'Aristophane comme si l'on le savait, mais
a-t-on qualité, en ce cas, pour parler d'Aristophane ? et
dirons-nous, en vérité, qu'il y ait là contradiction? Nous
renverrons tout simplement le critique à l'école. Les con-
tradictions de la critique ne prouvent pas plus contre
l'existence et la réalité d'une critique objective que les
contradictions des savants ne prouvent contre la vérité de la
science ni ne l'empêchent d'être.
Quel sera donc l'objet de la critique ? L'histoire, encore
ici, nous a déjà répondu: l'objet delà critique est de /w^^r,
de classer^ d'expliquer les œuvres de la littérature et de
l'art. Je commence par le dernier, dont il a pu quelquefois
sembler qu'on aurait fait dans notre siècle le tout de la
critique, mais auquel, dans ce siècle même, si l'on a bien
subordonné, cependant on n'a pas encore sacrifié les deux
autres. Ou plutôt, et en tout temps, comme on l'a vu,
expliquer^ classer^ eX juger ne sont qu'un. Il est donc assez
indifférent en soi de commencer par le jugement, la classifi-
cation, ou l'explication. En chaque cas particulier, ce n'est
qu'une question de méthode ou de disposition du sujet; et
ce qui importe uniquement, c'est de bien voir qu'on ne peut
« critiquer» une Iliade ou un Paradis perdu sans trouver
le moyen de les juger, de les classer, et de les expliquer,
V explication. Lorsque les naturalistes veulent expri-"
mer d'un mot le progrès accompli par leur science depuis un
siècle à peu près, ils disent donc que, de contemplative ou
!27
CRITIQUE — 4d8 —
de descriptive^ l'histoire naturelle est devenue explica-
tive, ou encore historique. Tel est précisément le cas de la
critique. Expliquer une œuvre littéraire, ce n'était guère
autrefois cjue la décrire, l'analyser, ou la commenter; et,
encore aujourd'hui, n'omettons pas de le dire en passant,
c'est bien par là qu'il faut que l'on débute. La critique
purement descriptive, bibliographique ou grammaticale,
philologique ou analytique, a perdu de sa dignité, sinon de
son ancienne morgue : elle n'a rien perdu de son intérêt, ni
surtout de sa nécessité. Peu de gens, même parmi nous,
savent lire un texte, et, de sa lecture, moins de gens encore
en savent tirer ce qu'elle contient. Mais, de plus, on exige
maintenant de la critique -— et on a raison — qu'elle dé-
termine les rapports d'une œuvre avec l'histoire générale
de la littérature, avec les lois propres de son genre, avec
le milieu dans lequel elle a paru, et enfin avec son auteur.
C'est ce que l'on appelle proprement l'expliquer.
Je dis d'abord avec son auteur, dont il n'est pas d'ail-
leurs prouvé que le caractère soit toujours analogue à celui
de son œuvre. On sait peut-être que l'auteur des Aver-
tissements aux protestants fut le plus doux des hommes,
et qu'au contraire Fauteur de Télémaque en fut l'uji des
plus cassants. Mais cela même est instructif ou indispen-
sable à savoir, et pour le savoir il faut bien l'un et l'autre
qu'on les anatomise. Où donc sont-ils nés? sous quels
cieux ? au Nord ou au Midi ? en quel temps ont-ils vécu ?
quel tempérament apportaient-ils en naissant ? malingre ou
robuste, nerveux ou sanguin? quelle fut leur famille? de
quelle condition ? de quelle origine ? de quelle race ? quels
exemples ont-ils reçus ? quelle éducation ? quelle instruc-
tion? la vie leur a-t-elle été douce, facile et indulgente, ou
au contraire pénible, laborieuse et dure? comment encore
ont-ils pensé, comment se sont-ils comportés sur l'article
de l'amour, ou sur celui de la religion, ou sur celui de la
mort? comment ont-ils traité les plaisirs ordinaires des
hommes ? comment la table, le jeu, les voyages ? ou com-
ment ont-ils conçu leur art ? qu'y ont-ils mis d'eux-mêmes ?
qu'en ont-ils réservé ? Physiologiques ou psychologiques,
tous ces traits, qui concourent à former la physionomie
d'un homme, sont évidemment nécessaires à l'intelligence
et à l'explication de son œuvre. Et pas plus que la littéra-
ture ou l'art ne sont toujours « l'expression delà société »,
pas plus le style n'est l'homme même, ni son œuvre le
signe, le témoignage, ou l'image fidèle de ce qu'il fut en
réalité. Rien encore ne ressemble moins à Bernardin de
Saint-Pierre que Paul et Virginie, Mais justement alors,
d'autant que le cas est plus singulier, il n'en est que plus
remarquable, et bien loin que ce soit une raison de négli-
ger ce genre de recherches, au contraire, c'est justement
alors, pour établir la singularité du cas, qu'il nous en faut
épuiser le questionnaire.
Après l'auteur le milieu; — car, en vain nous révolte-
rions-nous, il n'entre jamais dans notre œuvre qu'une par-
tie de nous-mêmes, et nos contemporains en sont toujours
les collaborateurs anonymes et obscurs. La part de Cor-
neille est grande assurément dans son Cid ou dans son
Polyeucte; mais, l'oserons-nous dire? celle de Richelieu,
de Chapelain, de Mairet y est presque aussi grande que la
sienne; et plus grande encore y est la part de l'opinion,
reine du monde, à laquelle tous ensemble ils se sont efforcés
de donner ce qu'elle leur demandait. Nous pensons avec
notre temps, et notre temps écrit avec nous. Pour expliquer
les œuvres, et vraiment les comprendre, il nous faut donc,
autant que nous le pouvons, les étudier d'aussi près qu'en
elles-mêmes, dans leurs relations avec l'esprit de leur temps.
Comment un contemporain de Corneille, un Français du
XVII® siècle, un Parisien de 4637, un grand seigneur, une
belle dame, comment un docteur de Sorbonue, un bour-
geois, un courtaud de boutique, un laquais avaient-ils l'es-
prit fait ? D'où leur venait cette nature d'esprit ? Pour com-
bien y entrait la race ? et la condition sociale ? et la manière
de vivre ? et les événements historiques récents ? Ou encore
qu'ont-ils aimé, qu'ont-ils admiré dans le Cid ? la couleur
étrangère ? ou l'héroïsme des sentiments ? à moins que ce
n'en soient les défauts mêmes, et qu'ils n'aient peut-être
applaudi le génie de Corneille à la faveur de ce qui s'y
mêlait d'emphase et de préciosité ? Pou/"'éclairer toutes ces
questions, et celles qu'elles traînent à leur suite, ce n'est
pas trop de toute la littérature, de tous les Mémoires, de
toutes les Correspondances, de toutes les histoires du temps.
Il nous faut en effet nous faire une âme du xvii*^ siècle ; ou
plutôt, et en généralisant, il nous faut nous faire une àme
assez agile, une âme assez changeante^ une âme assez plas-
tique, enfin, si je puis dire, pour prendre alternativement
toutes les formes, et se retrouver contemporaine de toutes
les œuvres qu'il s'agit d'expliquer tour-à tour>.
Mais ce n'est pas seulement avec leur auteur ou avec leur
temps que les œuvres de la littérature ou de l'art soutiennent
des rapports, c'est encore avec toutes les œuvres du même
genre qui les ont elles-mêmes précédées. Une comédie de
Dancourt ou de Destouches, par exemple, est déterminée
dans son caractère essentiel par le poids, pour ainsi par-
ler, dont le souvenir de Molière a pesé sur l'imagination de
Destouches et de Dancourt. Plus ou moins consciemment,
dans la mesure où ils ont l'un et l'autre essayé de faire
œuvre littéraire, avant de faire œuvre personnelle, ils ont
voulu rivaliser avec leur illustre prédécesseur ; et, en s'exer-
çant dans le même genre que lui, leur intention de « der-
rière la tête » a été de faire autre chose, et sinon mieux,
mais plus que lui. En d'autres termes, l'œuvre littéraire
n'est pas seulement l'expression de son auteur ou celle de
la société de son temps. Elle est encore nnmoment, comme
l'on dit, ou une phase de l'évolution de son genre. Et c'est
ici, selon le mot célèbre, qu'il est impossible de « con-
naître le tout sans connaître les parties, ni les parties sans
connaître le tout». Toute une part de l'explication consistera
donc, en critique, à situer les œuvres dans le temps. Si
l'on peut, — je ne dis pas avec apparence de raison, mais avec
utilité, -— comparer la vie des genres dans l'histoire de la lit-
térature à celle des espèces dans la nature, il faudra que,
comme dans les monographies de nos naturalistes on lit
en raccourci l'histoire d'une espèce entière, ainsi, dans la
biographie d'un Dancourt ou d'un Destouches, l'explication
se réfère constamment à l'histoire entière de la comédie en
France. Autant que par elle-même et par ses entours, une
œuvre littéraire s'explique par celles qui l'ont elle-même
précédée et suivie.
Et il faut enfin que l'on passe les frontières de la litté-
rature nationale pour sérier l'œuvre, en quelque manière,
dans l'histoire de la littérature générale. L'origine de Rous-
seau, par exemple, son éducation vagabonde, sa sentimen-
talité passionnée, Thumilité de sa condition, son amour
pour M"^® d'iïoudetot, sa manière de mêler la morale à la
volupté, tout cela sans doute explique une partie de la
Nouvelle Héloïse, Les idées ambiantes en expKquent une
autre. Le roman de Jean- Jacques est bien un roman du
xviii® siècle. Et il serait enfin un peu long, mais aisé de
montrer ce qu'il doit aux romans de Prévost et de Mari-
vaux, qui l'ont précédé de quelque vingt ans, à Marianne
et à Cléveland, Mais il doit bien plus encore à ceux de
Richardson, à Paméla et à Clarisse Earlovoe, à tel point
qu'on peut se demander s'il existerait sans eux, et, en tout
cas, si la forme ou le fond même n'en seraient pas tout
autres? A cette partie de l'expHcation, trop souvent négli-
gée, ne serait-il pas temps que l'on rendît enfin son impor-
tance ? Du moins n'y en a-t-il pas qui fût plus utile à la
détermination des lois des genres, ou, si l'on préférait cette
autre manière de dire, à l'intelligence des conditions del'œuvre
littéraire et de la diversité de ses formes. C'est aussi bien
/ce que l'on va voir en passant maintenant à la classification.
^ La classification en critique. C'est une chose assez
étrange qu'encore aujourd'hui même, dans un siècle comme
le nôtre, où c'est à qui célébrera le plus éloquemment les
découvertes et les conquêtes quotidiennes de VAnatomie
comparée, de la Philologie comparée, de la Mythologie
comparée, la critique seule ne puisse comparer le drame de
419 -
CRITIQUE
Shakespeafe avec la tragédie de Racine, ou le lyrisme de
Musset avec celui de Heine, sans s'exposer aux plaisanteries
de tous ces grands comparateurs. Disons-le donc nettement
ici que, comme la philologie même et comme l'anatomie, la
critique n'a pas d'instrument d'analyse ou d'investigation
plus utile, parce qu'elle n'en a pas de plus sûr, que la com-
paraison ; et que, du moment qu'elle devenait l'histoire na-
turelle des esprits, si par hasard elle n'eût pas connu jus-
que-là l'emploi de la comparaison, c'est précisément
alors qu'il eût fallu qu'elle l'inventât.
Personne peut-être n'a mieux parlé des classifications
qu'Auguste Comte, en son Cours de philosophie positive
(40®, 44® et 42® leçons), ni ne les a mieux disculpées du
vain reproche qu'on leur adresse parfois encore de servir
uniquement à soulager la mémoire et de confondre, en les
substituant perpétuellement l'une à l'autre, la connais-
sance inutile des mots avec la science réelle des choses. Il
est vrai que pour leur adresser ce reproche, il faut non
seulement n'avoir jamais jeté les yeux sur les classifica-
tions de la botanique ou de la zoologie, mais encore ne
s'être soi-même jamais interrogé sur les raisons des pro-
grès de l'histoire naturelle générale. Nul non plus n'a
mieux vu que ce géomètre ou cet analyste ce qui fait l'es-
sentiel ou le propre de toute classification vraiment digne
de ce nom : la distribution des objets ou des êtres en
groupes naturels, et la succession hiérarchique de ces
groupes entre eux. S'il y a donc en littérature et en art
des groupes naturels, des genres ou des espèces, nous
pouvons, nous aussi, comme les naturalistes, nous proposer
de les reconnaître. Or, des espèces, des genres ou des
familles, le langage même ne fait-il pas foi qu'il y en a?
Confondons-nous ensemble le lyrique et le dramatique?
Ne convenons-nous pas que la sculpture a ses lois, qui ne
sont pas celles de la peinture ? Même la sculpture en bronze
a les siennes, qui diffèrent de celles de la sculpture en
marbre. Et pour descendre au dernier détail, ne distin-
guons-nous pas dans le dramatique le tragique d'avec le
comique, dans le comique à son tour le vaudeville d'avec la
farce, et jusque dans la farce la farce elle-même d'avec la
parade ? Mais d'un autre côté, par cette seule énuméra-
tion, qui ne voit suffisamment qu'il y a des genres infé-
rieurs ou supérieurs à d'autres, (ju'on peut donc essayer
d'en dresser une distribution hiérarchique, et qu'après
V explication^ cette classification «st l'objet même de
la critique ? Après les avoir expliquées^ il faut classer les
œuvres, et selon ce que l'on a reconnu entre elles d'ana-
logue ou de dissemblable, d'inférieur ou de supérieur, les
ordonner dans une classification qui soit l'image ou l'abrégé
de Fhistoire et de l'expérience mêmes.
L'essayer ici ce serait évidemment sortir des bornes
de cet article, mais ce qiie nous pouvons faire, c'est d'in-
diquer en quelques mots la nature des principes qui devront
présider à cette classification.
/ Il y en aura d'abord de scientifiques^ analogues à ceux
de l'histoire naturelle, tels que sont en zoologie le prin-
cipe de la différenciation progressive et de la complexité '
croissante. En vertu de ce principe, et indépendamment
de toute considération sur la nature ou l'objet de l'art,
si donc la poésie est capable d'exprimer plus de choses,
de plus profondes et de plus précises que la peinture, par
exemple, ou que la musique, nous mettrons, dans la hié-
rarchie des arts, la poésie au-dessus de la peinture et de
la musique. De même encore, tandis que la poésie purement
descriptive se borne à rivaliser d'éclat et de coloris avec
la nature, si la poésie lyrique, ajoutant l'homme à la nature,
mêle ainsi l'expression du sentiment à la description des
choses, mais si la poésie symbolique exprime encore en outre
quelqu'une de ces affinités secrètes ou de ces correspon-
dances mystérieuses qui relient la nature et l'homme à
quelque chose qui les dépasse tous les deux, il faudra mettre
la poésie symbolique au-dessus de la poésie lyrique et la
poésie lyrique au-dessus de la descriptive. Pour des raisons
analogues, l'éloquence de la chaire sera supérieure à celle
delà tribune, qui sera supérieure elle-même à celle du bar-
reau. Et dans un même genre, sans rien dire encore de la
force de son imagination ou de la beauté de sa langue, si
Bossuet a touché plus d'idées et de plus grandes idées que
Bourdaloue, comme encore si l'on sent dans les Sermons
du second une expérience plus réellement étendue et plus
paiiiculière de la vie que dans ceux de Massillon, Massillon
sera le troisième en son genre, Bourdaloue le second, et
Bossuet le premier.
Il y a en second lieu des principes moraux^ s'il est vrai /
que l'art ayant été fait, comme nous le croyons, par l'homme
et pour l'homme, on ne saurait jamais séparer entière-
ment ce que l'on en dit d'une certaine idée de son objet,
de sa destination, et de sa fonction. Quel est l'objet de l'art ?
N'est-il que l'expression de la personnalité de l'artiste ou
du poète ? Ou veut-on peut-être qu'il soit à lui-même sa fin ?
Ou admet-on que son objet soit placé comme en dehors et plus
haut que lui-même ? Selon que l'on répond à ces questions
et que l'on se range à l'une ou l'autre de ces trois théories,
on en pourra tirer des principes de classification différents.
La question de la destination de l'art est la même au fond
que celle de son objet, mais elle ne se pose pas tout à fait
dans les mêmes termes. Il s'agit de savoir si l'art tend
peut-être au même but que la science, dont on a prétendu
quelquefois qu'il ne serait qu'une anticipation. Ou bien
encore sa destination est-elle analogue à celle de la morale ?
C'est ce qu'on a aussi plus d'une fois soutenu. Ou bien
enfin serait-il investi par nature d'une sorte de mission
sociale ? Nous serions tentés de le croire. Il est clair en ce
cas que les oeuvres de haine seront très inférieures aux
œuvres d'amour, si l'on peut ainsi dire, et que, par exemple,
il n'y aura rien en prose au-dessous du pamphlet, ni d'infé-
rieur en poésie à la satire. Et en quoi consiste enfin cette
mission sociale de l'art? Par quels moyens peut-il et par quels
moyens ne peut-il pas nous émouvoir ? Autant de questions
que nous n'avons point à résoudre ici, que nous posons
seulement, afin que l'envoie bien que, s'il ne faut pas con-
fondre l'art avec la morale, cependant on ne peut pas l'en sé-
parer entièrement, et qu'en essayant d'établir une hiérarchie
des genres la critique devra trouver le moyen d'«n faire con-
corder les principes moraux avec les principes scientifiques.
Et il y a enfin des principes esthétiques^ dont le plus ,/
important est celui-ci peut-être qu'en raison de la solida-
rité de la forme et du fond, la valeur d'une œuvre littéraire
se mesure à la quantité d'absolu qu'elle exprime et qu'elle
manifeste. Pourquoi, par exemple, le Tartufe àQ Molière, ou
la Phèdre de Racine, ou le Polyeucte de Corneille sont-ils
placés si haut dans l'histoire du théâtre français, et dans la
hiérarchie des œuvres dramatiques ? C'est que jamais ni l'hy-
pocrisie religieuse, ni l'amour criminel, ni la soif du mar-
tyre n'ont été représentés sous des traits à la fois plus
individuels et plus généraux. C'est que jamais moyens n'ont
été mieux appropriés à leur fin, la nature du style au ca-
ractère des passions, ou le caractère de l'action à la nature
du sujet. C'est que jamais œuvres, enfin, n'ont mieux ni plus
complètement et en tout rempli la définition de leur genre,
si du moins on ne la va pas chercher dans les écrits des
théoriciens, mais dans l'histoire même du genre dont elles
ont marqué le point de perfection. De même encore, dans
Manon Lescaut^ dont le style cursif est si vrai dans sa
néghgence, nous admirons la peinture achevée de l'amour
absolu. Nous admirons celle de l'avarice absolue dans VEu-
génie Grandet de Balzac. Et si nous voulions emprunter
un exemple à l'histoire d'un autre art, quel meilleur ou
quel plus caractéristique en pourrions-nous donner que celui
de la peinture hollandaise, où la seule convenance de la
forme et du fond, réahsant à la fois l'absolu de l'art de
peindre et l'absolu de la poésie domestique, a suflîî pour
balancer tout ce que les grands ïtahens de la Renaissance
ont eu de plus que les petits Hollandais ?
Sur ces principes, dont nous n'avons pu donner qu'une
trop courte idée, dirons-nous qu'il soit possible à la cri-
tique, dès à présent, de fonder une classification ou une
CRITIQUE
420
hiérarchie des genres? Je le pense, et, qu'en tout cas, y dùt-
elîe échouer, il faudrait cependant qu'elle l'essayât encore.
Si les naturalistes, pour classer leurs espèces, avaient
attendu de les connaître toutes, on peut dire avec assu-
rance que l'histoire naturelle générale en serait toujours au
point où l'avait jadis laissée Buffon. Mais ils ont compris,
comme l'observe encore Auguste Comte, qu'une classification
méthodique constituait en tout temps « le résumé le plus
exact et le plus concis du système actuel de nos connais-
sances... en même temps que le principal instrument logique
de leur perfectionnement », et c'est grâce à la classification
qu'en eÔet l'histoire naturelle, de vague et de confuse en
devenant systématique, de systématique en devenant
naturelle, de naturelle hiérarchique, et à' hiérarchique
enfin généalogique, a bouleversé depuis cent ans les
sciences de la nature et de la vie. La critique peut et doit
se flatter de la même espérance.
Non pas d'ailleurs que nous acceptions l'assimilation
entière de la critique et de l'histoire naturelle, et on
vient d'en voir les raisons. Si d'ailleurs l'histoire naturelle
est à peine encore une science, comment la critique en
serait-elle une, elle, dont l'objet est plus contingent encore,
plus mobile et plus changeant, que celui de l'histoire natu-
relle? Quelles que soient les causes qui font varier les
espèces naturelles, que ce soit l'influence du milieu comme
le voulait déjà Lamarck, ou l'ensemble des forces que Darwin
a groupées sous le nom de sélection, toujours est-il que
l'action n'en est pas immédiatement saisissable. Mais, au
contraire, dans l'histoire de la littérature et de l'art, c'est
d'une génération à l'autre que les transformations ou les
révolutions s'opèrent ; et il semble, en vérité, qu'à chaque
moment de son histoire, la fortune d'un genre soit à la
merci d'un accident ou d'une perturbation. Est-ce la part
de la liberté dans la conduite des affaires humaines ? C'est
en tout cas celle de l'individu, qui n'a pas même besoin
d'être libre pour modifier, rien qu'en s'y mêlant, le miheu
dans lequel il paraît.
Une autre différence, non moins profonde, est celle-ci :
que le désintéressement, qui nous est encore assez facile
dans les sciences de la nature, non seulement nous est
difficile en critique, mais nous est interdit. Nous ne pou-
vons pas faire qu'étant eux-mêmes des choses humaines,
la littérature et l'art n'aient des réactions humaines, dont
nous avons beau ne pas vouloir, il faut pourtant que nous
subissions le contre-coup. Et enfin, du jugement que nous
portons sur les œuvres de l'art ou de la littérature, nous
ne pouvons pas éliminer tout à fait l'élément subjectif, si
la capacité qu'elles ont de produire en nous des impres-
sions fait une partie de leur définition. Il n'en est pas ainsi
des œuvres de la nature ; et ce n'est pas sans doute pour
être odorée ou mangés par nous que l'arbre produit ses
fruits ou que la fleur exhale son odeur. On ne peut donc assi-
miler entièrement ni les productions de l'art aux œuvres de
la nature, ni la critique à l'histoire naturelle. Mais puis-
qu'elles ont d'ailleurs, parmi beaucoup de différences,
quelque chose aussi de commun, la connaissance de l'his-
toire naturelle peut rendre de grands services à la critique,
dans la mesure ofi la connaissance de la nature peut éclairer
les conditions de la production de l'œuvre d'art. Ou,
si l'on veut encore, la critique est à l'histoire natu-
relle ce que Fhistoire naturelle est à la physique, ce que
les sciences de la vie sont aux sciences de l'inorganique.
Elle part comme de sa base des conclusions ultimes de l'his-
toire naturelle ; elle en imite les méthodes aussi longtemps
qu'elle peut ; et quand elles viennent à lui manquer, alors
elle y ajoute quelque chose de son fonds. C'est ce qu'il
reste à montrer maintenant, et que telle est l'origine ou
le fondement de l'obligation de juger, la première que la
critique ait reconnu comme sienne, et le terme nécessaire
où doivent aboutir ses classifications et ses explications.
L'obligation de juger. Il n'y en a pas à laquelle, dans
notre siècle de science, la critique ait plus souvent tenté
de se soustraire, par des moyens plus ingénieux ou parfois
plus sophistiques, et il n'y en a pas à laquelle il soit aujour-
d'hui plus urgent de la ramener aujourd'hui. La rappelle-
rons-nous, pour cela, tout d'abord, àl'étymologie même de
son nom? Nous le pourrions si, depuis deux mille ans qu'on
en use, ce mot même de critique n'a pas tellement changé
de sens qu'il ne retienne toujours quelque chose de sa signi-
fication primitive. Quelque différence qu'il y ait, ou que le
temps ait mise entre une Pythique de Pindare et une Orien-
tale de Hugo, ce sont toujours des Odes, et c'est toujours
du lyrisme. Pareillement, critiquer, c'est toujours juger; et
bien loin que la science et l'histoire aient déchargé la critique
de l'obligation déjuger, au contraire il faut dire qu'elles Font
plutôt légitimée. Ce qui n'était avant elles que l'expression
du caprice ou de la mauvaise humeur du critique, et en tout
cas de la confiance qu'il avait dans la distinction ou dans la
sûreté de son goût, est effectivement devenu, grâce à elles,
l'expression d'une vérité antérieure, supérieure et ulté-
rieure à la personnalité du critique. Mais, d'un autre côté,
si la critique est née dans le monde moderne, comme on
l'a vu, de la nécessité de faire contrepoids à l'excès
/c^^oissant de l'individuahsme, ne pourrait-elle pas, dans
le temps où nous sommes, faire encore d'assez bonne
besogne, et, se souvenant de son origine, troubler parmi
nous le contentement de plus d'un moi? « Il faut remar-
quer, disait quelqu'un à cet égard, que les particuliers
qui composent les sociétés ne veulent point qu'on les
regarde comme la dernière partie du corps dont ils sont. »
Si depuis deux cent cinquante ou trois cents ai|fe la critique
n'a pas failh à la tâche de rabattre les fumées de l'orgueil
ou de la vanité littéraires, et si toute une partie de son
histoire n'est, pour ainsi parler, que le recueil de ses arrêts,
on ne voit pas pour quelles raisons elle se ferait aujour-
d'hui plus clémente, et plutôt, sans les chercher bien loin,
elle n'en trouverait que trop de se montrer plus sévère.
Mais le vrai fondement de l'obligation déjuger, c'est que
la critique, en ne jugeant pas, se méconnaîtrait elle-même,
et qu'avec son objet elle ferait, pour ainsi parler, évanouir en
même temps celui de la littérature. C'est un point qu'il
importe ici d'éclaircir.
Le zoologiste ou le botaniste se font gloire aujourd'hui
d'une impartialité scientifique dont le premier caractère
serait, disent-ils, de ne pas juger les êtres ou les objets
qu'ils décrivent. Le crapaud ou l'araignée, par exemple,
ne sont aux yeux du naturaliste qui les étudie ni ce qu'on
appelle beaux, ni ce qu'on appelle laids, ni ce qu'on
appelle bons, ni ce qu'on appelle mauvais: ils sont ce
qu'ils sont, ou plutôt encore ils sont ce qu'ils doivent
être. On rirait aujourd'hui d'un savant qui, comme Buffon,
au siècle dernier, classerait ou rangerait les animaux en
raison des rapports qu'ils ont avec nous, de l'utiHté que
nous en tirons, comme du cheval ou du bœuf, ou des
dangers dont ils nous menacent, comme le tigre ou
comme le crocodile. Ce point de vue peut être pratique,
il peut être esthétique, il n'est pas scientifique. Mais
à plus forte raison s'égayerait-on de sa naïveté s'il repro-
cliait à la nature d'avoir créé le serpent à sonnettes ou
le datura stramonium. Pourquoi donc la critique, à son
tour, n'imiterait-elle pas la prudence de l'histoire natu-
relle? Et pourquoi ne se contenterait-elle pas, elle aussi,
comme la botanique et la zoologie, de décrire, de classer,
d'expliquer? L'œuvre d'art n'est-elle pas, avant tout,
un document de l'histoire de l'esprit humain, de même
que l'animal est une pièce, pour ainsi parler, des archives
de la nature? Ce qui nous intéresse en elle, c'est elle-
même, sans doute, mais c'est bien plus encore le ren-
seignement qu'elle est, c'est ce qu'elle nous apprend de
son auteur, de son temps, de l'histoire de l'humanité.
Quelle est cotte manie ou cotte rage de juger ? Et, s'il
est vrai qu'elle ait si longtemps retardé les progrès de
l'histoire naturelle, comment ne voit-on pas qu'elle seule
empêche aujourd'hui la critique de devenir scientifique ? En
renonçant à juger, la critique ne renoncerait qu'à la partie ,
la plus ingrate de sa tâche, en même temps que la plus con-
— An
CRITIQUE
testable, et, libre enfin du dernier préjugé dont elle s'en-
tête encore, elle achèverait lentement, mais sûrement, son
évolution commencée.
A ce bel argument, à ce discours profond,
on peut répondre, en premier lieu, que Ton se trompe si l'on
croit que le botaniste et le zoologiste se passent ou s'abs-
tiennent de juger. A bien y regarder, ils n'ont que déplacé
le critérium de leurs jugements ; mais ils jugent, puisqu'ils
classent, et qu'il n'y a pas de classification sans une hié-
rarchie des objets qu'elle enveloppe. Le crapaud ou l'arai-
gnée ne sont ni beaux ni laids, ni mauvais ni bons, cela
est vrai ; mais les vertébrés sont supérieurs aux mollusques,
et, pas un naturaliste ne doute qu'entre les vertébrés, les
poissons, par exemple, ne soient inférieurs aux quadru-
pèdes. Non seulement il n'en doute pas, mais il fait plus,
puisqu'il le prouve. Et depuis qu'enfin la classification
est devenue généalogique, ces mots mêmes d'inférieur
ou de supérieur se sont enrichis d'un nouvel accroisse-
ment de sens. On ne peut donc pas dire, sans pervertir
le sens des mots, que l'histoire naturelle ne juge pas.
Pour quiconque en connaît la langue, ses descriptions les
plus techniques sont autant de jugements quantitatifs et
gualificalifs. Et encore, je ne parle pas de ce qu'elle y
introduit si fréquemment d'intentionnel, et par conséquent
d'esthétique ou de moral, quand elle y fait entrer l'expres-
sion de son admiration pour la fécondité, l'ingéniosité, la
subtilité des moyens de la nature. Darwin, dans son
Origine des espèces, Hœckel, dans son Histoire natii-
relle de la Création, et vingt autres sont pleins de consi-
dérations de cette sorte.
Admettons cependant, si on le veut, que l'histoire natu-
relle ne juge pas. Mais qui donc a décrété que la critique
imiterait en tout l'histoire naturelle, et pourquoi ? C'est ici
le cas de le rappeler. Oh peut bien comparer les œuvres de
la littérature et de l'art aux œuvres de la nature, mais
comme on fait les langues, par exemple, ou les sociétés à des
organismes, je veux dire en se souvenant que ce ne sont
toujours que des comparaisons ou des métaphores. En réalité,
si les œuvres de la littérature et de l'art, si la Vénus de
Milo, si le Jugement dernier, si VOdyssée ou la Divine
Comédie sont des œ.uvres humaines, faites par l'homme et
pour l'homme, sur le modèle de l'homme, à la mesure de
l'homme, il serait trop étrange que le seul point de vue
d'où Ton ne pût les envisager fût le point de vue pure-
ment humain. Ne fussent-eîles d'ailleurs que des signes
ou des documents, n'est-il pas vrai que ces documents
seraient plus ou moins expressifs, plus ou moins riches de
sens, et ces signes plus ou moins clairs ? Ils nous révéle-
raient toujours « un état d'âme » ou de civilisation plus ou
moins curieux; nous y trouverions toujours un rapport
plus ou moins étroit entre l'intention et l'exécution ; nous
y reconnaîtrions toujours la pensée et la main d'un artiste
plus ou mo^s*heureusementdoué.
A moins qu'on ne prétende que, pas plus qu'à la nature
il ne faut prêter de fins à l'homme, ni de sens à ses
œuvres ; que l'intention d'être compris est absente d'un
tableau de Michel-Ange et d'une statue de Phidias; et
que l'art ou la littérature enfin ne sont que des sécré-
tions de l'humanité î Mais quoi, cela même n'avancerait
pas les choses, et toujours écartée, cependant, et quoi
qu'on en eût, la nécessité de juger reparaîtrait toujours.
Car il y aurait toujours des ressemblances ou des ana-
logies des œuvres entre elles et avec leurs modèles. De
deux portraits d'un même original, de deux imitations de
la vie commune, il y en aurait toujours une qui serait plus
conforme, et cela seul sufiirait à étabfir entre elles une
inégalité de mérite. La constater, ce serait encore juger.
Racine et Campistron ont peint les passions de l'amour ;
qui nous refusera le droit de juger de la vérité de la pein-
ture ? C'est qu'en efîet les œuvres de la littérature et de
l'art peuvent bien être des signes, mais elles sont d'abord
des œuvres de littérature ou d'art, qui doivent donc être
considérées comme telles, et non pas comme autres, sur ce
qu'elles sont au fond et non sur ce qu'elles sont de sur-
croît. Je veux qu'on cherche dans Andromaque et dans
Iphigénie des renseignements sur l'âme de Racine, mais
je demande qu'on se souvienne que son âme ne nous inté-
resserait pas s'il n'était l'auteur dlphigénie et à' Andro-
maque. Qui est curieux de l'âme de Pradon ? En même
temps qu'un témoignage de l'âme du poète, un poème est
un poème, et si c'est ce que la critique oublie quand elle
prétend -s'abstenir de juger, elle n'est plus la critique, mais
l'histoire ou la psychologie.
Qu'arriverait-il en effet de là ? Ceci, tout simplement,
qu'on expulserait de l'art la notion de l'art même. On ne
demanderait plus à une tragédie ou à un tableau ce qu'ils
prouvent, ni à quoi ils peuvent servir, mais on leur deman-
derait ce qu'ils nous apprennent sur la structure des
Transtéverines du xv® siècle, ou sur l'étiquette de la cour
de Louis XIV. C'est ce que l'on a fait plus d'une fois en
notre temps, quand on a par exemple reproché à l'auteur
du Jeu de l'Amour et du Hasard, ou à celui des Liaisons
dangereuses, qu'on ne trouvait point dans leur œuvre de
renseignements assez précis, assez nombreux, assez parti-
culiers sur la répartition de la taille ou sur la situation de
l'agriculture au xvin^ siècle. D'ailleurs, on n'en a pas moins
continué de juger leurs œuvres, mais on les a mal jugées,
sur des principes qui n'étaient pas les leurs. On a dît au
tailleur d'habits : Eh mais ! je croyais que vous auriez pu
fabriquer une paire de bottes. On a dit à l'architecte :
Se peut-il que vous ne connaissiez pas les règles de la
stratégie? On a dit au romancier: Ce qu'il vous manque
décidément, c'est d'avoir étudié l'économie politique. Mais
la dernière chose, ou plutôt la seule chose qu'on ait négligé
de leur demander, comme étant sans doute indifférente et
vaine, c'est comment ils avaient réussi dans leur art. J'en
pourrais produire, si c'en était ici le lieu, de nombreux et
d'amusants exemples.On y verrait aussi que ceux-là peut-être
ont le plus jugé qui protestent encore et qui de tout temps
ont le plus protesté contre l'obhgation même de juger.Tant il
est vrai qu'un genre ne saurait changer tellement de nature
qu'il échappe à la loi intérieure de son développement !
Que si maintenant on v^ut dire qu'en jugeant nous cou-
rons un risque perpétuel de mêler dans nos jugements
l'expression de nos goûts ou de nos préjugés, et quelque-
fois celle de nos rancunes, on aura sans doute raison,
mais il n'en résultera qu'une conséquence, qui est que la
critique, en toute occasion, saura qu'elle doit compter
avec son erreur personnelle. Les savants ne le savent-ils
point, et les astronomes, par exemple, n'ont-ils pas cha-
cun son « équation»? Elle exprime, comme on le sait, la
quantité d'erreur constante qui se glisse dans leurs observa-
tions et dont il faut, avant de les enregistrer, qu'ils purgent
ces observations mêmes. D'autant quel'observation littéraire
est plus complexe, et non pas plus difficile, mais compo-
sée de plus de parties, que l'observation scientifique, il s'y
insinuera donc d'autant plus de chances d'erreur. Mais qu'il
soit impossible de les calculer et de les éliminer de nos con-
clusions, c'est ce qu'il est difficile d'admettre, et c'est
aussi bien ce qu'on n'a jamais admis. Ne nous trompons-
nous pas tous les jours aussi dans nos classifications, ou
dans nos explications ? ce qui pourtant ne les empêche
d'être, et par leur moyen même la science d'avancer.
D'une manière générale, étant donnée l'identité fonda-
mentale de l'esprit humain, et qu'en tout temps son ave-
nir est contenu, ou pour mieux dire, posé dans son passé, le
problème de la critique est justement et avant tout de bien
connaître et d'apprécier correctement ce passé. Comment
voudrait-on que la critique y réussît sans juger, et comment
voudrait-on que sans juger elle pût accomplir sa fonction, —
dont il nous reste à dire, en terminant, quelques mots ?
Fonction de la critique. — Est-il permis de distin- x/
guer dans la critique, sans se faire accuser d'un peu de
subtilité, sa fo^iction d'avec son objet ? Oui, comme on dis-
tingue en tout la théorie d'avec la pratique, ou si l'on veut
encore, comme on distingue en logique l'analyse des lois
CRITIQUE
422
de l'esprit d'avec l'application de ces lois à la direction de
l'esprit. On distingue également, dans la réalité de la poli-
tique, le pouvoir législatif, qui fait les lois, d'avec le pou-
Yoir judiciaire qui les applique. La critique étant l'un et
l'autre à la fois, il y a donc lieu de distinguer sa fonction
d'avec son objefc. La fonction de la critique est d'agir sur
l'opinion, sur les auteurs eux-mêmes, et sur la direction
générale de la littérature et de l'art.
La critique a son rôle dans la production même de
l'œuvre d'art, si, comme nous l'avons dit, en quelque
genre que ce soit, une œuvre d'art est relative aux œuvres
du môme genre qui l'ont précédée dans l'histoire. Une
tragédie de Racine, son Andromaque, par exemple, avant
d'être quoi que ce soit autre, est l'expression de ce qu'il,
pensait, lui, Jean Racine,- de la tragédie de Corneille, de
Rodogune ou à'Héraclius; — et il n'en pensait rien qui
lui parût convenir à la nature de son propre génie. Un
drame romantique, VHernani, d'Hugo, le Heîiri III, de
Dumas, ont également commencé par être, je ne dis pas
dans l'esprit, mais dans l'intention déclarée de leurs auteurs,
des actes voulus d'hostilité littéraire contre la tragédie de
Népomucènc Lemercier ou do M. de Jouy. Pareillement en
peinture, pareillement en musique. Si l'on excepte les
épopées primitives ou plutôt leur matière première, à la
base do toute œuvre d'art, nous trouvons une opinion, nous
trouvons un jugement critique sur les œuvres dont elle
\ient en quelque manière continuer ou renouveler sa fécon-
dité. Les exemples généraux, nous l'avons déjà dit, ne sont
pas moins éloquents que les particuliers. Au xvn® siècle,
c'est Boileau dont les Satires, les Epîtres, V Art poétique
ont substitué le nouvel idéal, celui de Racine et de Molière,
à l'ancien, à celui de Scarron ou de Corneille; et de nos
jours même ce sont les travaux ou les théories de
M. Taine, ce sont les Essais de critique ou d'histoire^
c'est Vllistoire de la littérature anglaise qui ont déter-
miné, en ce qu'elle a de plus général, la direction du cou-
rant naturaliste. Mais il y a mieux encore, et dans l'his-
toire universelle de la littérature, il n'y a rien de plus
évident que ce pouvoir de la critique.
On en revient toujours, sur ce propos, à l'histoire de la
littérature allemande contemporaine, issue en effet presque
tout entière de la critique de Lessing, de celle d'Herder et
de celle de Gœthe, mais elle n'est pas la seule dans ce cas,
et il n'en est pas autrement de l'histoire de la littérature
latine, et d'une grande partie de l'histoire de la nôtre. La
littérature latine a son origine dans la grecque ; et ce sont
des critiques, si ce sont les Catulle et les Cicéron, formés
eux-mêmes aux leçons des rhéteurs grecs, qui lui ont
indiqué, procuré, enseigné les moyens, si l'on peut ainsi dire,
de naître et de se développer. 11 n'y aurait peut-être pas de
littérature latine, si les critiques ou la critique n'en avaient
pas pris en mains les destinées. Mais sans la critique, il
est également certain que notre littérature nationale aurait
pris, elle aussi, des directions sensiblement différentes, et
classique ou romantique, rien n'est plus facile que de dé-
mêler la part de la critique dans sa formation. Ronsard au
xvi^ siècle, et ses disciples avec lui; Malherbe au commen-
cement du XVII® siècle, et Boileau cinquante ou soixante
ans plus tard ; Voltaire au xviii® ; et Rousseau depuis eux,
M^® de Staël, Chateaubriand, Sainte-Beuve ont prononcé
d'abord, au nom de la critique, des jugements ou des arrêts
dont leurs œuvres ne sont elles-mêmes que l'exécution.
VOde au chancelier de l'Hôpital n'a pas d'abord été
composée pour aucune raison que pût avoir Ronsard, si ce
n'est de joindre l'exemple à la leçon, de montrer ce qu'on
pouvait faire de la langue et du vers français, et d'opposer
la poésie selon la Pléiade aux « épisseries » de l'école de
Marot et de Melin de Saint-Gelais. De même, Boileau,
cent ans plus tard, n'a composé ses Satires que pour réagir
contre ce qui survivait encore de la tradition de Ronsard,
aux environs de 4660, et achever ainsi la déroute com-
mencée du lyrisme de la Renaissance. Semblablement,
encore, dans notre siècle, les Martyrs ou Atala même;
qui ne sait que Chateaubriand ne les a composés que pour
servir à la démonstration de la thèse qu'il avait établie dans
le Génie du christianisme , sur la valeur esthétique du
merveilleux chrétien et de la religion même? Et si nous di-
sions enfin que, comme avant les siennes plusieurs tragédies
de Voltaire, mais dans une tout autre intention, Hugo n'a
écrit son Cromivell que pour la fameuse Préface dont il
n'est que l'illustration, nous ne dirions sans doute rien
que d'assez connu, ou même d'assez banal... Autorisés par
ces grands exemples, auxquels on voit combien on en
pourrait joindre encore d'analogues et de non moins carac-
téristiques, nous^ dirons qu'en tout temps la première
fonction de la critique est de donner conscience aux genres
de ce qu'ils peuvent,
... Quid valeant humeri, quid ferre récusent,
et, en les renseignant sur les besoins actuels de l'art, de
leur indiquer les moyens de s y conformer.
C'est ce qu'elle seule peut faire, elle seule, parmi les
courants contraires ou opposés de la littérature ou de l'art
d'un temps, ayant ce qu'il faut pour démêler celui qui
porte l'avenir. Car elle seule d'abord, et bien plus que
l'histoire, elle seule, en tout temps, représente la tradition ;
elle seule, par les moyens qu'on a vus, peut, en tout
temps, se rendre compte à quel point précis de son déve-
loppement en est l'évolution d'un genre ; elle seule peut
dire à quelles conditions devra répondre l'art nouveau,
pour être vraiment nouveau d'une part, et de l'autre vrai-
ment de l'arte
Elle dispose pour cela de plusieurs inoyens, et quoi que
l'on ait dit quelquefois de son inutihté, nous voyons qu'elle
peut agir et qu'elle agit effectivement sur les auteurs. Si,
par exemple, il y a du métier dans tout art, et si ce métier
s'apprend, c'est à la- critique de l'enseigner, et Boileau ne
se vantait pas de son moindre titre de gloire quand il se
vantait d'avoir « appris à Racine à faire difficilement des
vers faciles ». Fontanes encore, plus près de nous, n'a
certes pas été inutile à Chateaubriand; et, de nos jours
même, ce n'est pas en tant que poète, c'est en tant
que maître de rhétorique que Gautier a exercé sur l'école
parnassienne l'influence que l'on sait. Mais ce n'est pas
seulement les secrets de son métier, c'est encore celui de
son talent ou de son génie que la critique peut quelque-
fois révéler à un auteur. Ce qu'il y a peut-être de moins
connu pour chacun de nous, c'est lui-même, et, dans
une occasion donnée, l'expérience nous le prouve, nous
sommes des pronostiqueurs bien plus sûrs des sentiments
ou des actions des autres que des nôtres. L'histoire de la
littérature et celle de l'art sont pleines d'écrivains qui se
sont mal connus : la critique, en les aidant à se mieux
connaître, peut réussir à les diriger dans le sens de leurs
qualités. Et pourquoi ne dirions-nous pas que la critique
elle-même des défauts peut ne pas être aussi vaine qu'on
Fabien voulu dire quelquefois? J'oserais soutenir que Vol-
taire même, en son temps, ne laisse pas d'avoir dû quelque
chose à ce Fréron qu'il a tant maltraité !
Supposé cependant que les auteurs y fussent rebelles,
la critique ne serait pas inutilisée pour' cela, et ce qu'elle
ne saurait obtenir d'eux, elle peut, et on l'a vue souvent
l'obtenir de leur public. Ne pouvant modifier les habitudes ou
les tendances des auteurs, elle peut encore modifier l'état de
l'opinion et la faire déserter ses idoles. C'est ce que Boileau
a fait au xvii^ siècle,^ et Molière après lui quand ils ont
« diffamé » les précieuses, dépossédé les Ménage et les
Chapelain de l'admiration dont ils étaient entourés, et
d'espagnole ou d'italienne qu'elle était encore, infectée de
gongorisme et de marinisme, rendu ainsi notre littérature
purement française. Lessing, au xvm® siècle, a fait la même
chose en Allemagne, La dictature intellectuelle que nos
grands écrivains exerçaient depuis plus de cent ans alors,
et dont un esprit d'ailleurs aussi libre que celui de Fré-
déric n'avait pas pu s'émanciper, la critique de l'auteur de
la dramaturgie de Hambourg en a délivré la génération
de Gœthe et de Schiller, et comme nous le disions plus
— 4â3 -"
CRITIQUE
haut, toute une littérature en est sortie. Mais au xix® siècle,
c'est encore ce qu'ont fait M"^^ de Staël et Chateaubriand,
quand ils ont attaqué le classicisme dans son principe,
remis en honneur le moyen âge et Fidée chrétienne, réin-
tégré la sensibilité dans ses droits, et frayé ainsi les voies
au romantisme. La critique peut toujours désafFectionner
l'opinion de ses- auteurs fa\'oris, et en ce cas, pour n'être
pas toujours immédiate, son action n'en est que plus sûre.
A la vérité, c'est là même un des graves reproches qu'on
lui fasse. Nous ne parlons pas, bien entendu, de ce genre de
critique dont l'objet n'a jamais été que de satisfaire de basses
rancunes, et bien moins encore de celle qui s'est fait
trop souvent un succès de mêler les personnes aux ques-
tions de principes. « On n'a rien fait contre les doc-
trines, disait Joseph de Maistre, tant qu'on n'a pas été
jusqu'aux personnes », et avant lui, comme depuis lui,
dans son écol^ et dans les autres, il n'a jamais manqué
de fort honnêtes gens pour se Hvrer à cette besogne.
L'homme en veut t^lement à l'homme, et surtout à qui-
conque s'élève au-dessus des autres hommes, qu'une cer-
taine critique, prétendument psychologique, sera toujours
bienvenue de ridiculiser la personne de ceux dont elle res-
pecte les œuvres, et à plus forte raison, de noter dans
leurs œuvres tout ce qui peut servir à diminuer ce qu'elles
inspirent d'admiration... Mais, sans insister, la critique
la plus impartiale a-t-elle toujours bien dirigé l'opinion ?
n'a-t-elle pas quelquefois mésusé de son pouvoir ? et
capable qu'elle est de modifier l'esprit public, a-t-elle
toujours eu le sentiment de sa responsabilité? Non, sans
doute ; et elle est humaine, elle aussi ! Mais le mal qu'elle
a pu faire, elle a fait assez de bien pour le compenser.
Elle a empêché le monde, comme on l'a si bien dit,
d'être « dévoré par le charlatanisme » , et ce service,
qu'elle a si souvent rendu, qu'elle continue toujours do
rendre, pourrait suffire lui tout seul à lui garantir quelque
reconnaissance. Entre autres fonctions qui lui incombent,
celle-ci n'est pas en effet la moindre qui consiste à défendre
l'art, non plus contre lui-même, mais contre la tentation
de Findustriahsme. Depuis que Fart et la littérature, qui
ne menaient jadis l'écrivain ou l'artiste qu'à la considéra-
tion, le mènent à la fortune, et que les lettres ou la peinture
sont devenues des « carrières » comme le commerce ou
l'administration, nombre de gens s'y sont jetés qui n'y
voient -que des affaires à brasser et de Fargent à gagner.
Il importe qu'on les connaisse, et c'est à la critique qu'il
appartient de les dénoncer. Ai-je besoin de montrer où
nous irions si elle reculait devant cette partie de sa tâche?
comment dans cette mêlée d'intérêts contradictoires, les
moins scrupuleux, les plus charlatans triompheraient tou-
jours ? et comment sans la critique, dans une démocratie
surtout, en laissant ainsi se ravaler la dignité de l'esprit,
on laisserait insensiblement périr le seul pouvoir qui con-
tre-balance encore celui du nombre et celui de Fargent ?
C'est ce que les écrivains devraient savoir.
Ils devraient savoir également qu'il est de leur intérêt
que le talent ne soit pas confondu avec sa contrefaçon, et
c'est encore un discernement qu'il n'appartient qu'à la
critique de faire. Le talent est souvent modeste, il ignore
souvent Fart de se faire valoir, et s'il le connaissait, il
répugnerait encore à le pratiquer. Un vrai poète publie ses
vers et il attend alors d'en avoir fait assez pour composer
un second volume ; un vrai peintre expose son tableau,
quand il ne le retourne pas contre le mur de son atelier,
et il en commence un autre. C'est affaire à la critique de
dénoncer le mérite obscur, ce qui lui est encore assez
facile et même assez glorieux ; c'est affaire à elle aussi de
le célébrer au-dessus de la vulgarité triomphante, et ceci
est plus difficile, ingrat même, dangereux quelquefois. Otez
donc la critique ; destituez-la, pour ainsi dire, de cette
partie de ses fonctions, ce n'est pas elle qui en souffrira,
et l'on a vu que sa tâche était d'ailleurs assez laborieuse,
mais ce sont les auteurs, c'est l'artiste et c'est l'écrivain
qui ne demandent si souvent qu'un peu de fumée pour
encouragement ou pour récompense, et à qui, si l'opinion
le leur donne, ils n'ont en tout temps qu'à regarder autour
d'eux pour voir que c'est presque toujours au hasard, sans
discernement et sans choix.
Et enfin, n'est-ce pas la critique, en maintenante tradi-
tion, qui rend, non plus aux auteurs ou à l'opinion, ni même
aux lettres, mais à la race, mais à la nation, ce dernier
service d'entretenir et de perpétuer d'âge en âge l'identité
de la conscience nationale. Car, en quelque temps que ce
soit de l'histoire, la génération présente, enivrée d'une
espèce d'orgueil de vivre, oubhe trop aisément que « l'hu-
manité, selon le mot d'Auguste Comte, est toujours com-
posé de plus de morts que de vivants » ou, comme on Fa
dit encore, « que ce qu'il y a de plus vivant dans le pré-^
sent, c'est habituellement le passé ». Nous, qui vivons
aujourd'hui, nous ne savons'pas ce qui survivra de nous,
ni de tout ce qui nous entoure, quand nous n'y serons plus,
ou plutôt, et si nous voulons nous en rapporter à l'histoire,
c'est sur les plus bruyants d'entre nous qu'il se fera peut-
être le plus prompt et le plus profond silence. Mais ceux
qui vécurent autrefois, il y a longtemps, et dont le souvenir
est venu jusqu'à nous, c'est que, dans leurs œuvres et dans
leurs exemples, retrouvant et reconnaissant quelque chose
de nous, ils vivent donc encore, ils vivent toujours, ils
vivent de la seule vie qui soit digne d'être vécue. La critique
en entretient le commerce, la mémoire et le culte. Si quelque
étranger, si quelque Allemand comme Mommsen était tenté
de réduire la littérature du xix® siècle aux pamphlets de
P.-L. Courier et aux chansons de Béranger, c'est à la cri-
tique de lui apprendre ce que nous aimons aussi dans La-
martine et dans Victor Hugo ou dans George Sand et dans
Chateaubriand. Si peut-être Fentrahiement de la mode, ou
plutôt si la bassesse de leur caractère et les vilenies dont
leur histoire est pleine risquaient jamais de nous faire ou-
blier ce que nous devons à l'auteur de la Nouvelle Héloïse
et à celui de V Essai sur les mœurs, il appartient encore
à la critique de nous le rappeler, et que les hommes plus
qu'ordinaires ont droit à une mesure plus qu'ordinaire
d'indulgence. Et si l'on nous demandait enfin, par une
affectation d'impartialité qui ressemblerait trop à de Fin-
différence, do sacrifier Corneille et Racine à la gloire de
Shakespeare, c'est toujours à la critique, en jugeant le
procès, qu'il appartiendrait de nous rappeler ce qu'il y eut
en Fauteur à' Andromaque et en celui de Polyeucte d'ex-
cellemment, d'essentiellement français, que les Français
peuvent seuls comprendre, et encore pas tous les Français,
si l'on ne prend soin de le leur rappeler. Mais ce qui est
surtout de son devoir et ce qui fait son honneur, c'est de
nous montrer dans l'histoire de la littérature française,
pour user d'une expression maintenant en faveur, le déve-
loppement de l'âme française, c.-à-d. ne rien laisser perdre
ni tomber des acquisitions du passé, du patrimoine commun
dont chaque génération est comptable, comme d'un dépôt,
à celle qui la suit, et c'est aider enfin à l'enrichir encore :
Sic alid ex alio nunquam desistet oriri.
On dira peut-être qu'en définissant ainsi le rôle ou la
fonction de la critique, nous la confondons elle-même avec
l'histoire littéraire, de même qu'en essayant plus haut de
déterminer son objet, il a pu paraître que nous ne la dis-
tinguions pas assez de l'esthétique. Mais c'est précisément
ce que nous avons voulu faire, et nous avons tâché de
montrer que l'histoire nous y autorisait. Toute « critique »,
en effet, qui n'est pas l'application d'une « esthétique »
n'est pas de la critique ; et, d'un autre côté, toute « esthé-
tique » est en l'air, pour ainsi parler, qui n'a pas F« his-
toire littéraire » pour fondement à la fois et pour fin. Je
veux dire que les lois du drame, s'il y en a, comme nous le
croyons, n'existent pas en soi ni surtout ne sont indépen-
dantes de l'histoire du drame, puisque la vérité, c'est
qu'elles en sont la synthèse; et j'ajoute qu'il n'y a pas de
jugement critique, sur la Tour de Nesle ou sur le Plus
Heureux des trois^ qui ne soit une application ou une
suite, si l'on veut, de la généralité de ces lois. Pourquoi
CRITIQUE
— 424 —
donc séparerions-nous ee que la nature des choses, ce que la
logique, ce que la pratique même ont de tout temps uni?
Pour le mieux analyser? C'est ce qui va sans dire. Mais ce
que l'analyse a dissocié, ne faut-il pas qu'à son tour la syn-
thèse le reconstitue? En fait, la critique, l'esthétique, etl'his-
toire littéraire n'ont d'objet ou d'existence réelle que dans
leur confusion même. Faire la critique d'une œuvre, c'est la
juger, la classer, l'expliquer. Eliminer de sa définition l'im
quelconque de ces trois termes, c'est donc la mutiler ou plu-
tôt c'est la dénaturer ; comme si, par exemple, de la défini-
tion d'une espèce animale, on éliminait ce que les logiciens
appellent le genre commun ^i^oiir n'en retenir que la diffé-
rence propre. C'est ce que nous avons essayé de montrer et
nous sommes persuadé que, si l'on pouvait ou si l'on voulait
le bien voir, la critique, enfin débarrassée ou épurée de tout
ce que la vanité, l'envie, la rancune, le désir de briller, y
mêlent encore de vulgaire alliage, n'en aurait que plus de
facilité pour remplir sa mission, pour approcher de son
X^bjet, et pour continuer son histoire. F. Bruneïjère.
IV. Musique. — Peut-être surprendrons-nous un peu
le lecteur en lui disant que si le mot de critique musicale
existe, la chose est encore à peine née. Si l'on comprend le
mot critique tel que l'entendait Boileau, c.-à-d. le compte
rendu plus ou moins bienveillant d'une œuvre, et son juge-
ment plus ou moins équitable, la définition de l'impression
produite par un opéra ou une symphonie, la critique existe
et beaucoup d'hommes de talent ont écrit et écrivent bien
sur la musique ; mais c'est là la critique de sentimemt,
d'impression, de passion le plus souvent. La critique, telle
que la comprend la science moderne n'existe pas, dis-je,
et ne peut pas exister encore. Je m'explique. Pour être vrai-
ment scientifique ou philosophique, elle ne devrait avoir
pour bases que l'esthétique et l'histoire ; et ces deux élé-
ments n'ont pas encore été assez étudiés pour servir de
point de départ à la critique (V. Esthétjque et Histoire).
Quoi d'étonnant que la sensation seule serve de base à
la critique musicale, et je parle de la plus sincère, de celle
qui a pour point de départ une connaissance approfondie,
et un sens délicat de Fart ; quoi d'étonnant aussi que la
critique musicale soit le plus souvent synonyme de polé-
mique, chaque écrivain ayant sa sensation particulière
qu'il croit nécessairement la meilleure.
C'est en effet le caractère de la littérature musicale.
Perne, Fétis, Coussemaker ont découvert, commenté et
traduit des textes et par là fait faire un grand pas à la
critique historique, mais la plupart des écrivains musicaux
n'ont su qu'avec plus ou moins de talent, plus ou moins
de bonne ioi, traduire leurs impressions personnelles. Au
moyen âge, point de critique du tout, mais une sorte de
symbolisme assez curieux; au xvi® siècle, en Italie, on
revient aux classiques grecs, et voilà les musiciens faisant
leurs efforts pour rapprocher leur art de ce qu'ils supposent
avoir été l'art des anciens ; de là, nombre d'écrivains plus
ardents à l'injure que sensés dans leurs jugements, et
cependant cette première polémique eut pour résultat la
création de l'opéra déclamé et d'une partie de notre har-
monie ; à la fin du xvii^ siècle, l'opéra était né en France,
et déjà l'antagonisme entre la musique italienne et la
musique française donnait naissance à des discussions de
toutes sortes, à des ouvrages de toute espèce dont les plus
célèbres furent le Parallèle entre la m,usique française
et l'italienne de Raguenet (1702) ; Idi Réponse au paral-
lèle de Raguenet, de Lecerf de Viéville. Ce serait abuser
étrangement des mots que d'appeler critiques ces deux
dissertations ; pendant ce temps on trouvait dans le Mer-
cure de France des comptes rendus des opéras, soit de
Paris, soit de Venise, mais il y était plus question des
poèmes et des décors que de la musique. L'arrivée de
Rameau et surtout son traité d'harmonie firent naître une
nouvelle polémique qui fut moins stérile, pour la critique
scientifique de l'art ; en revanche, si grand bruit qu'aient
mené la querelle des boulions, la guerre des coins ^
celle des Gluckistes et des Piccinistes (V. ces mots), |
la critique n'eut rien à voir dans ces innombrables pam-
phlets dont quelques-uns, ceux de Rousseau surtout, furent
des chefs-d'œuvre d'esprit. On discuta beaucoup sur les
compositions de musique religieuse de Lesueur, mais sans
exprimer autre chose que des impressions personnelles ;
enfin il faut lire des articles de Suard, dans le Moniteur^
de Geffroy dans les Z)é?'<^a^5, l'étonnante Vie dePiossinide
Stendhal, au commencement de ce siècle, pour savoir jusqu'à
quel point peuvent aller la suffisance, la niaiserie et l'igno-
rance humaine en musique.
La création de la Revue musicale de Fétis fit faire un
pas à la critique musicale en France ; au moins les œuvres
furent-elles discutées, et sérieusement, au point de vue
artistique. Malgré les amusants ouvrages de Castil-Blaze,
il ne nous faut compter que deux critiques sérieux dans
cette période : l'un un peu lourd, mais consciencieux,
d'Ortigue; l'autre, Berlioz, qui, dans ses études sur les
symphonies de Beethoven, a laissé un vrai chef-d'œuvre de
critique élevée et artistique. Les grandes œuvres de Rossini
et de Meyerbeer firent couler beaucoup d'encre, et le
pauvre Berton tenta de lutter contre le cygne de Pesaro,
mais ces articles et ces brochures rentrent encore dans le
domaine de la polémique. Nous ne parlons pas du temps
présent, époque de transition où l'on aurait mauvaise grâce
à demander à l'écrivain, au critique musical, un jugement
définitif et sans passion.
En Allemagne, la création de VAllgemeines musika-
lisches Zeitung, à la fin du xvnie siècle, avait fait naître
une littérature musicale qui a précédé la nôtre; mais
bientôt la passion s'en est mêlée aussi : on a vu Weber
entrer ouvertement en lutte et s'armer contre Rossini;
si intéressants que fussent les articles de Schumann,
-c'étaient plutôt des pièces de combat que des études cri-
tiques ; enfin aujourd'hui, dans la bataille v^agnérienne, on
s'est servi de tout l'arsenal de la critique T chronologie,
discussion de textes, dissertations philosophiques, mais ce
sont des plaidoiries, où il entre souvent plus de pédan-
tisme que de véritable critique.
C'est notre siècle qui a vu naître la critique des textes
en musique. Pour les textes écrits, relatifs à l'antiquité,
Burette avait savamment discuté les traités de Plutarque,
puis nous avons eu en Allemagne les beaux livres de
Westphall (V. ce nom) ; en Belgique, les deux volumes
de Gevaert ; en France, les travaux de Perne, de Vincent,
de M. Ch.-E. Ruelle. Pour l'art du moyen âge musi-
cal, nous comptons Perne, Fétis et surtout Coussemaker,
digne continuateur de Gerbert (V. ce nom), qui avait pu-
blié sa collection des Scriptores à Saint-Biaise, en 1784.
Ces divers auteurs se sont occupés à la fois des théoriciens
et des compositeurs. Il faut compter aussi les travaux de
critique scientifique, très bien faits en Allemagne, en An-
gleterre et en Belgique. Sur les musiciens madrigalesques
des xv^ et xvi*' siècles, V. Madrigal. Pour les composi-
teurs plus récents, nous avons en France peu d'éditions
critiques ; cependant, il faut donner ce nom à la belle pu-
blication à'Alceste et à'Iphigénie en Tauride, de Gluck,
faite sous l'impulsion de M^i« Pelletan. En Allemagne, des
sociétés sont fondées pour publier les œuvres complètes des
grands maîtres, particulièrement de Bach, de Hœndel, etc.
(V. ces mots). Dans ces magnifiques éditions, il ne s'agit
plus de sentiment, de sensations; des textes seuls sont en
jeu et l'on peut considérer ces magnifiques publications
comme de véritables monuments de critique dans le sens
réellement scientifique du mot. H. Lavoix.
V. Histoire. — En histoire, la critique est la partie
de la méthode historique qui a pour objet de déterminer les
rapports des matériaux ou sources historiques dont dispose
l'historien avec les faits dont ils peuvent procurer la con-
naissance. Les procédés de la critique historique varient
naturellement avec les matériaux sur lesquels elle s'exerce,
mais elle a toujours une double fonction : 1« déterminer
l'autorité des sources; 2" les interpréter. On trouvera
ailleurs (V. Histoire) l'analyse de la manière dont s'ac-
— 425
CRITIQUE
quiert la connaissance historique : il suffira de rappeler ici
qu'elle résulte en somme des traces que les faits ont
laissées. Les vestiges matériels, débris d'ossements, outils,
armes, monuments, œuvres de l'art et de l'industrie; les
vestiges moraux, tels que le langage, les croyances, les
usages, les traditions orales ; les documents écrits de toute
sorte, littérature, inscriptions, actes authentiques, annales,
chroniques, récits, mémoires, correspondances, etc., sont
ou peuvent devenir à des degrés divers des sources histo-
riques. La critique, avec des procédés variés, s'empare
de chacune d'elles, en détermine aussi exactement que
possible l'origine, les localise dans le temps et dans l'es-
pace, reconstitue au besoin l'état primitif de celles qui ont
subi des altérations, en mesure l'autorité, les classe
d'après leur valeur respective, les contrôle les unes par
les autres, les combine et arrive enfin, par une série d'opé-
rations successives ou concomitantes, à déterminer les
rapports qui existent entre les matériaux et les faits de
l'histoire.
Les diverses opérations de la critique n'aboutissent que
rarement, il est à peine besoin de le remarquer, à discer-
ner d'une manière absolue le vrai du faux; ou du moins
elles ne conduisent à la certitude complète que pour des
faits simples et élémentaires : aussitôt que l'historien veut
pénétrer dans les détails, et surtout rechercher l'enchaîne-
ment des faits, en discerner les causes, saisir les mobiles
des actes, la probabihté, la vraisemblance, la possibilité se
substituent à la certitude et les jugements de la critique ne
sont plus que des conjectures. Aussi le critique le plus
scrupuleux ne saurait-il s'astreindre à ne retenir que les
faits certains et s'interdire les conjectures qui ne sont pas
susceptibles de vérification, sous peine de négliger tout ce
qui fait le prix de l'histoire et de n'aboutir qu'à des résul-
tats médiocres et à des constatations dépourvues d'intérêt.
La rigueur et la probité de la critique consistent non
à repousser les hypothèses, mais à peser scrupuleusement
les témoignages, à les discuter avec impartialité, à rai-
sonner correctement, et, dans les inductions qu'elle en
tire, à se garder de prendre ou de donner le change en
confondant les probabilités avec l'évidence.
Il n'existe pas, à proprement parler, de règles générales
de la critique historique : celles que Ton donne ordinaire-
ment comme telles ne sont pas autres que les règles de la
critique philosophique, mais il existe des procédés particu-
liers de critique qui varient avec les diverses catégories de
sources sur lesquelles la critique historique est appelée à
s'exercer. Cette étude critique des divers vestiges du passé
qui constituent les matériaux de l'histoire a formé toute
une série de sciences auxiliaires de l'histoire qui s'ac-
croissent et se subdivisent de plus en plus à mesure que
se développent les moyens d'investigation, que se multi-
plient les observations, que se perfectionnent les procédés
et que s'élargit le champ de l'histoire. C'est ainsi que la
critique appliquée aux monuments a sa place dans Var-
chéologie ; lorsqu'elle s'exerce sur les plus anciens ves-
tiges de l'homme, antérieurs à toute histoire et contem-
porains des temps géologiques, c'est V archéologie préhis-
torique, qui emprunte aux sciences naturelles la plupart
de ses procédés et constitue pour cette époque reculée
l'unique moyen d'acquérir la connaissance historique.
Pour des époques plus voisines de nous, l'archéologie se
subdivise différemment suivant les peuples et les époques
dont elle étudie les monuments et aussi suivant la nature
des monuments eux-mêmes. L'étude des monnaies et des
sceaux par exemple a donné naissance à deux sciences
spéciales : la riumismatique et la sphragistique ou
sigillographie. Appliquée au langage, la critique histo-
rique a son rôle dans la linguistique qui étudie la for-
mation et le développement des langues ; elle s'exerce sur
les croyances avec la mythologie ou science des religions
et sur toutes les traditions populaires avec une science
nouvellement constituée et mal délimitée encore à laquelle
on a donné le nom anglais de folk-lore. Les documents
écrits ont donné lieu à des subdivisions plus nombreuses
encore : la paléographie étudie les anciennes écritures ;
la philologie^ les littératures ; Vépigraphie, les inscrip-
tions; V historiographie^ les sources narratives, annales,
chroniques, mémoires et récits de tous genres ; la diplo-
matique^ les actes authentiques, diplômes, chartes, con-
trats, etc. Nous renvoyons à ces articles pour connaître
quelle est dans chacune de ces sciences la place de la cri-
tique historique et quels sont les divers procédés qu'elle
emploie.
Lorsqu'elle a opéré séparément sur les divers matériaux
de l'histoire et qu'elle en a dégagé ce que l'on est convenu
d'appeler les témoignages historiques, la critique n'a pas
encore épuisé son action. Il lui faut encore les comparer
entre eux, en déterminer la valeur respective, et les com-
biner pour porter un jugement sur le fait historique qu'ils
concernent. Certains historiens se sont appliqués à établir
des règles à cet égard ; mais, à part quelques indications
générales, celles qu'ils ont tracées ont été souvent mises en
défaut par les circonstances. La pénurie de matériaux
peut en effet donner au témoignage de certains documents
une prédominance qu'ils ne conserveraient pas si il'autres
sources ne faisaient pas défaut. Les moindres vestiges
humains ont pour l'époque préhistorique une importance
qu'ils perdent peu à peu à mesure que se multiplient les
produits de l'industrie ; ceux-ci, à leur tour, ont un intérêt
moins général lorsque apparaissent les documents et parmi
les documents eux-mêmes, les inscriptions qui donnent lieu
pour l'antiquité à tant de restitutions ingénieuses et sûres ;
les diplômes et les chartes qui permettent de reconstituer
à la fois le droit, les institutions, la topographie et l'his-
toire même du haut moyen âge, ne conservent plus guère
-qu'une valeur de contrôle lorsque la profusion des docu-
ments divers donne sur toutes choses des renseignements
circonstanciés entre lesquels l'historien doit choisu\
On peut dire en un certain sens que la critique histo-
rique est aussi ancienne que l'histoire. Les historiens de
l'antiquité la plus reculée ont discuté les témoignages,
choisi entre les différentes versions d'un même fait, com-
biné les différents récits d'un même événement, comparé,
contrôlé et interprété les sources. On pourrait citer de
nombreux passages attestant que les plus crédules, depuis
l'antiquité jusqu'au moyen âge, ont parfois fait oeuvre de
critique. Longtemps néanmoins les historiens se sont géné-
ralement contentés de répéter dans leurs récits, avec plus
ou moins d'originalité, les versions convenues de l'histoire,
exprimées parles sources écrites ou orales dont ils se ser-
vaient. Ce n'est guère qu'à l'époque de la Renaissance que
la critique a commencé à prendre conscience d'elle-même
et à pénétrer peu à peu dans l'histoire. Les controverses
théologiques, conséquence de la Réforme, Font introduite
dans le domaine de l'histoire religieuse ; l'humanisme et la
recherche des œuvres et des monuments de l'antiquité ont
conduit d'abord à la critique des textes, et de là au com-
mentaire, au contrôle et à l'interprétation des textes par
les monuments et les documents. Les études juridiques,
les travaux des publicistes sur le droit et les institutions
politiques ont à leur tour élargi le domaine de l'histoire
et amené le grand développement d'érudition historique qui
a signalé le xvii® et le xviii® siècles. Mais c'est de nos jours
seulement que la modification qui s'est faite peu à peu
dans la conception même de l'histoire a singulièrement
accru la portée et le rôle de la critique. Aux historiens
politiques et moralistes, qui demandaient avant tout à
l'histoire des leçons et des exemples, comme aux histo-
riens orthodoxes qui ne voyaient dans les événements que
des manifestations de la providence, il importait assez peu
de réunir toutes les sources, d'embrasser tous les faits, et
d'arriver à l'approximation la plus complète possible de la
vérité. Il en va tout autrement des historiens qui, recher-
chant dans l'histoire la connaissance des lois de l'évolution
de l'humanité, des races, des sociétés et des nations, étu-
diant l'esprit humain et ses manifestations à travers le
CRITIQUE
426
temps et Tespace, ont besoin d'accumuler la plus grande
somme possible d'observations, et pour cela de rechercher
toutes les sources, de recueillir jusqu'aux moindres indices
et n'ont plus en somme d'autre objectif que la recherche
de la vérité. C'est depuis lors aussi qu'on a reconnu comme
matériaux historiques tous les vestiges du passé et même
les moindres débris, qu'on y a ajouté les langues, les
croyances, les superstitions, les traditions et qu'on a com-
mencé à en tirer parti méthodiquement. En môme temps,
la curiosité historique s'est étendue à tout ce qui constitue
le développement de la civilisation : aux idées, aux langues,
aux mœurs, aux usages, aux sciences, à toutes les mani-
festations de la vie, aussi bien qu'aux grands événements ;
aux races et aux classes inférieures, à la foule anonyme
aussi bien qu'aux nations civilisées, aux conquérants, aux
conducteurs de peuples et aux dynasties. Cet élargissement
des perspectives de l'histoire a naturellement ouvert à la
critique de nouveaux domaines d'activité et multiplié
encore les matériaux sur lesquels elle est appelée à s'exer-
cer (V. Histoire et Méthode). A. Giry.
VI. Histoire religieuse. — Critique sacrée et biblio-
graphie DE LA Bible. — La critique sacrée ou biblique est
une branche d'études dont l'objet est d'élucider toutes les
questions relatives à l'origine, à la composition et au sens
des livres sacrés, autrement dit de la Bible. « Ces livres,
dit en fort bons termes M. A. Sabatier, nous sont par-
venus de la même manière que les autres documents de
l'antiquité et ont été exposés aux mêmes périls et aux mêmes
vicissitudes que faisaient courir à tous la fragilité des par-
chemins, l'ininteHigence ou la témérité des copistes, les
scrupules ou les incertitudes de la tradition. Le travail de
recherches, de comparaison et de discussion compris sous
le nom de critique^ pour arriver à rétablir dans leur
intégrité primitive les anciens écrits et les replacer histo-
riquement dans le milieu qui les a vu naître, a dû néces-
sairement s'appliquer aux écrits bibliques. Il y a donc eu
une critique sacrée, une critique, non pas différente par
ses procédés et sa méthode de la critique ordinaire, mais
apphquant les procédés et la méthode de celle-ci aux écrits
de la Bible qui font autorité dans l'Eglise. Loin d'être en
hostilité avec la foi, comme on le dit souvent aujourd'hui,
ce travail critique a été amené et engendré par elle. Plus
on accorde d'autorité religieuse et morale aux écrits sacrés,
plus il importe, en effet, d'en établir avec soin et piété le
texte authentique et le vrai caractère. Aussi l'œuvre cri-
tique sur les documents bibliques n'a-t-elle pas été faite
du dehors par des mains étrangères ; elle s'est faite et
développée dans l'enceinte de l'Eglise par les théologiens,
et, comme les protestants plaçaient encore plus haut que
les catholiques l'autorité de l'Ecriture sainte, c'est chez
eux et par eux principalement que s'est faite l'œuvre déli-
cate et laborieuse de la critique sacrée. » (V. A. Sabatier,
Critique sacrée et Herméneutique^ dans V Encyclopédie
des sciences religieuses de Lichtenberger.) En langage
théologique, la théorie de l'interprétation des Ecritures
s'appelle proprement herméneutique ; enfin, l'usage pré-
sent tend à réserver le nom à' Exégèse aux études de
critique sacrée, bien que ce mot signifie simplement expli-
cation d'un texte. — Quand on jette un coup d'œil sur l'his-
toire des Hvres sacrés dans l'Eglise chrétienne, on s'aper-
çoit bientôt que, jusqu'à une époque assez rapprochée de
nous, les questions touchant l'explication et l'interprétation
des textes- ont pris le pas sur la recherche des origines lit-
téraires, tandis que notre temps, sans néghger les pre-
mières, accorde une importance (considérable à la seconde.
Voici quelques indications sur ce qu'on peut appeler
Vhistoire de P hennéneutique ou do l'exégèse depuis la
formation du recueil de l'Ancien Testament. Les premières
théories de l'expUcation de la Bible ont été formulées et
appliquées dans les écoles théologiques du judaïsme peu
avant l'ère chrétienne. On recherchait, en particulier, dans
le texte même des Livres de Moïse la justification des
prescriptions rehgieuses établies pour le temps présent. On
cite entre autres docteurs le célèbre Hillel pour avoir
réduit en un corps organique les règles d'interprétation
qu'il convient d'appliquer à un texte sacré ; le résultat de
ce travail prolongé pendant des siècles devait aboutir à la
constitution du Talmud. On s'efforçait également de déga-
ger et de grouper les textes concernant le Messie et le règne
messianique. Dans les cercles où avait pénétré la culture
grecque, on se préoccupait de concilier les textes bibliques
avec une philosophie tout imprégnée de platonisme ; les
écrits de Philon restent le monument de ces efforts. Dans
le Nouveau Testament, nous saisissons très nettement la
double influence de l'interprétation messianique qui tend à
faire cortège à Jésus-Christ d'un nombre toujours croissant
de prophéties bibliques et de l'interprétation allégorique
qui étaye la nouvelle doctrine sur l'Ancien Testament. Il est
visible que les docteurs qui pratiquaient ce mode d'exégèse
tenaient déjà pour secondaire le sens naturel et historique
des écrits, ce que nous en appellerions volontiers la lettre^
pour s'attacher au sens, à l'intention, à la direction des
idées, à ce que nous en appellerions V esprit ; il n'est pas
moins visible qu'ils pratiquaient ce procédé avec un singu-
lier arbitraire et que leurs arguments auraient été souvent
sans valeur pour tout autre que des gens convaincus à
l'avance. Cependant l'époque suivante ne crut pas devoir
réagir contre les abus d'une interprétation dominée par les
préoccupations du dogme et de la polémique. Origène dis-
tingue un triple sens dans l'Ecriture : le sens littéral ou
corporel, c.-à-d. matériel, dont il faut partir et auquel on
peut se tenir tant qu'il ne renferme rien d'incompatible
avec le christianisme; le sens psychique et enfin le sens
spirituel ou pneumatique (procédés de l'allégorie, de l'ana-
gogie), qui seul révèle la portée profonde delà Bible. Cepen-
dant les pères latins se préoccupèrent de mettre un frein
à la licence des interprétations individuelles en les soumet-
tant au contrôle de l'Eglise. On peut également signaler
l'essai fait par l'école d'Antioche pour revendiquer les
droits de l'interprétation grammaticale et historique. Cela
n'empêche pas que de la théorie du triple sens, on passe à
celle du quadruple sens, exprimée dans le distique bien
connu :
Littera gesta docet; quid credas, allegoria;
Moralîs, quid agas ; qiio tendas, anagogia.
Ainsi le même livre donnera un aUment, d'une part , à
l'historien désireux de connaître les faits du passé, en
second lieu au dogmatiste dans son travail pour établir la
foi de son Eglise, en troisième lieu à celui qui cherche les
règles pratiques de la conduite, enfin à celui qui s'apphque
à percer les mystères de la destinée future de l'individu et
de l'avenir de l'EgHse. A partir du v^ siècle, les travaux
d'exégèse de quelque originalité se font de plus en plus
rares et les commentateurs de la Bible se bornent à recueillir
et à juxtaposer à propos de chaque texte les avis des inter-
prètes les plus autorisés du passé. — Le renouvellement des
études classiques à la Renaissance et la réformation qui
éclate tôt après ouvrent à l'exégèse biblique de nouvelles
voies. L'étude des textes originaux, hébreu et grec, est
remise en honneur, en même temps que l'on proclame les
droits de l'interprétation grammaticale et historique. Cepen-
dant l'explication des livres bibliques continue d'être dominée
par le dogme et les théologiens protestants sont résolus à
trouver dans l'Ecriture la justification de la croyance ex-
primée dans les confessions de foi. L'on en revient donc,
après un semblant d'émancipation, aux procédés mêmes du
moyen âge et de l'Eghse catholique. On a pu dire sans
exagération qu'entre les mains de certains exégètes la Bible
n'était plus qu'une collection de dicta probantia à l'usage
de la dogmatique officielle ; celle-ci s'enseignait selon des
divisions consacrées, et ce qu'on appelait la démonstration
de chaque dogme en particulier, par exemple, existence de
Dieu, expiation, etc., était fournie par une longue série de
passages empruntés indistinctement à tous les livres de la
Bible, depuis celui de la Genèse qui l'ouvre jusqu'à V Apo-
calypse de saint Jean qui la clôt. Parmi les contradic-
— 427 ~
CRITIQUE
tions que rencontra Texégèse officielle, il convient de citer
le mouvement piétiste de Spener,, qui prétend retrouver
dans la Bible une religion débarrassée des subtilités du dogme
officiel et réduite à quelques thèses beaucoup plus simples.
Cependant, àlebienprendre/ce n'était point là l'affirmation
d'un nouveau principe d'exégèse, et le dogme, un peu plus
compliqué selon les uns, simplifié d'après les autres, demeu-
rait la norme indiscutable de l'interprétation. Ernesti et
Semler, dans la seconde moitié du xviii^ siècle, reven-
diquent enfin avec autorité les droits d'une interprétation
qui soit, avsînt tout, la mise en valeur des éléments du
texte. « Pour la première fois, dit M. Sabatier, nous ren-
controns dans les écrits d'Ernesti, élevée à la hauteur d'un
principe, l'assertion que les écrits bibliques, bien qu'inspirés
de Dieu, doivent être interprétés d'après la même méthode
et avec les mêmes moyens que les ouvrages de littérature
ancienne. » Mais, « en pratique, l'exégèse est loin de
répondre encore à cet idéal ». D'un côté, le rationalisme
élimine de la Bible tout élément dogmatique pour y subs-
tituer une morale pure et se débarrasse des miracles par
les ridicules interprétations d'un Paulus; de l'autre, les
exégètes conservateurs, sans oser ni nier ni affirmer nette-
ment les droits de l'interprétation grammaticale, s'appliquent
avant tout à esquiver les difficultés au moyen d'adroites
réticences ou d'explications forcées. Cependant, le progrès
général de la philologie et des sciences historiques devait
faire sentir son action sur le domaine des études bibliques
et l'ensemble des commentaires des livres sacrés livrés à
l'impression depuis le commencement de ce siècle, particu-
lièrement depuis 4850, trahit un souci d'exactitude inconnu
aux âges précédents; quelle que soit la tendance propre à
leurs auteurs, catholicisme traditionnel, orthodoxie protes-
tante ou juive, rationalisme à différents degrés, tous dis-
cutent soit la composition du texte, soit ses interprétations
avec le sentiment très net que le public, famifiarisé avec
les procédés généraux de la critique historique, se trouverait
dépaysé et, sans doute, s'éloignerait si on afiectait de les
tenir pour nuls et non avenus.
En pénétrant un peu plus au fond des choses, nous divi-
serions volontiers l'histoire de la critique biblique en quatre
périodes : l*» la période traditmmelle ou ecclésiastique;
â"" la période dogmatique ; S*' la période rationaliste ;
4<* la période historique. Il est à peine besoin de dire que
ces divisions n'ont point un caractère absolu (se reportera
l'article Bible).— La période traditionnelle s' éienà depuis
la formation d'un premier canon des écrits sacrés au sein
du judaïsme (environ deux cents ans avant notre ère) jus-
qu'à l'époque de la Renaissance et de la Réforme. Ce qui
caractérise l'interprétation des livres bibliques , c'est que,
sur la question d'origine et décomposition, c.-à-d. d'authen-
ticité des livres, on accepte purement et simplement les
propositions de la synagogue et de la primitive Eglise ; que,
sur la question d'interprétation, on attache une importance
très secondaire au sens naturel et primitif des écrits et on
les considère avant tout comme un trésor pour le dogme,
la vie pratique et les spéculations relatives aux choses der-
nières. — Avec la Renaissance et la Réforme on revient aux
textes et à voir la liberté avec laquelle Luther et même
Calvin traitent certains points touchant l'origine et le sens
des livres bibliques, on peut se faire illusion ; quelques-uns
ont traduit ce sentiment en parlant de l'application du
« libre examen » aux écrits sacrés et Ton a résumé la pra-
tique protestante dans ce vers à la fois plat et prétentieux :
« Tout protestant est pape, une Bible à la main. » Rien
n'est plus faux ; si le protestantisme s'est brisé en diffé-
rentes églises, chacune de celles-ci a édicté pour ses fidèles
des règles d'interprétation, dont la première est la confor-
mité avec la foi reçue, telle qu'elle se trouve énoncée dans
des confessions, tantôt plus brèves, tantôt plus détaillées.
L'interprétation de l'Ecriture « a pour point de départ la
foi selon le mot de Melanchthon, Interpretatio donum
piorum est^ ou celui de Flacius Illyricus, Sanctus Spiri-
tus auctor et explicator S, S,, et pour règle l'analogie
générale de l'Ecriture : Om7iîs intellectus et expositio
S, S. sit analogia fidei. » (Sabatier.) La seconde phase
de l'histoire de l'herméneutique est donc essentiellement
dogmatique ; le dogme se fonde sur la Bible et la Bible
doit s'expliquer conformément au dogme. L'autorité de
l'Eglise ayant été réduite à peu de chose dans les commu-
nions issues de la Réforme, la Bible prend une importance
unique et la critique tend à devenir la servante de la théolo-
gie, ancillatheologiœ, — Toutefois l'émancipation qui s'était
produite sur le terrain philosophique et dans l'enceinte des
littératures profanes ne pouvait pas manquer d'avoir son
contre-coup en matière de critique sacrée ; ainsi se pro-
nonce à partir de 4750 environ la phase rationaliste qui,
à certains égards, dure encore aujourd'hui. Il ne faut point
prendre ici le mot rationalisme dans l'acception étroite
usitée chez les polémistes, d'après lesquels il signifie néga-
tion du miracle, de toute révélation et, en général, de tout
fait qui ne rentre pas dans les conditions de l'expérience
quotidienne, ce qui fait de rationalisme le synonyme de
déisme ou de libre pensée. Le rationalisme théologique n'est,
en aucune façon, la négation de la Bible, de sa doctrine
ou des histoires qu'elle rapporte, mais une tentative pour
les accommoder au goût du siècle en écartant tout élément
choquant de doctrine ou d'histoire. Ainsi, le théologien du
juste milieu glissera sur les passages qui affirment la per-
sonnalité du diable, l'éternité des peines et l'expiation par
le sang de Jésus-Christ ; le symboliste découvrira des idées
profondes sous des mythes ou des faits d'apparence naïve
ou grossière ; l'exégète élevé à l'école de Schleiermacher,
à son tour, passera légèrement sur les miracles dits d'os-
tentation pour mettre en lumière ceux-là seulement qui im-
pliquent une application morale ; il opposera le quatrième
Evangile considéré comme « Evangile de l'Esprit », aux
Synoptiques, considérés comme « Evangiles de la lettre » ;
en revanche, le disciple de, Baur s'attachera à faire voir
que la pure et simple morale de Jésus-Christ a été voilée
par des additions dogmatiques, dont il convient de la débar-
rasser et qui~ sont le fait de ses successeurs. La doctrine
de Jésus se ramène à un spiritualisme éclairé ; tout ce qui
n'y rentre pas est le fait de ses disciples. Enfin, des théo-
logiens tels que Scholtenet Colani prétendent distinguer le
christianisme primitif, simple affirmation de la paternité
divine et de la fraternité humaine, du bagage de l'eschato-
logie dont l'ont affublé des disciples inintelligents et assu-
rent qu'ils ont des moyens certains de distinguer ce qui
appartient au maître et ce qui est le fait des apôtres. De
la sorte, on nous a donné dix portraits de Jésus, depuis
le thaumaturge effrayant, incarnation de la toute-puissance
divine, jusqu'au professeur de morale Mque et civique en
passant parle socialiste, le piétiste, etc. — Les personnes
qui savent se placer au-dessus des intérêts de leur groupe
et de leur opinion, reconnaissent de plus en plus la néces-
sité de réagir contre les procédés du rationalisme de toute
nuance, qui aboutit à la critique purement subjective et à
l'arbitraire le plus inquiétant; ainsi naîtra la phase pro-
prement historique de la critique sacrée, dont les symp-
tômes apparaissent de plus en plus clairement. Mettant à
profit les connaissances grammaticales et historiques qui
jettent la lumière sur la constitution des textes, sur leur
sens et sur leur origine, la critique se proposera pour objet
de restituer chaque écrit dans les circonstances mêmes où
il a vu le jour ; vouée à l'élucidation des problèmes qui
touchent à l'origine et à la composition des livres saints,
elle n'empiétera pas sur le droit que revendiquent bien
légitimement les différentes Eglises de tirer de ces livres tout
ce qui leur est nécessaire pour construire leur dogme, leur
morale et leur culte. La critique littéraire et historique
appliquée aux livres de la Bible dans les mêmes condi-
tions dont on use pour les littératures profanes,^ ne cons-
titue donc pour nous, à aucun titre, une entreprise contre
les Eglises et nous estimons qu'il y a là, au contraire, un
terrain commun sur lequel des gens venus de divers points
de l'horizon peuvent s'associer pour le profit de tous. Nous
CHITIQUE
— 428 —
prétendons, au moins sur le domaine de la théorie, que
des savants résolus à faire plier leurs sympathies ou leurs
antipathies devant l'évidence des textes, s'accorderont sans
trop de peine à définir, par exemple, le caractère des livres
historiques de l'Ancien Testament, les traits essentiels de
la doctrine de saint Paul, les tendances de la théologie
johannique. La cause de désaccord la plus apparente entre
les théologiens placés au point de vue confessionnel, d'une
part, et ceux des exégètes qui font proiession de s'en
tenir aux règles de la critique profane, est dans l'affirma-
tion que font les premiers, que contestent les seconds, de
la Révélation et du Miracle. Eh bien! sur ces points
mêmes, nous ne croyons pas à un divorce nécessaire. En
effet, la révélation peut être conçue comme une assistance
divine qui ne méconnaît pas les conditions naturelles de
tout développement littéraire, et les faits dits surnaturels,
loin de servir de garants à la vérité de l'histoire comme on
le prétendait autrefois, ne sont plus guère allégués que
comme une conséquence de l'authenticité que, pour d'autres
raisons, l'on est amené à reconnaître à certains écrits. Les
faits dits surnaturels, tels que les prophéties messianiques,
la naissance, la résurrection et l'ascension de Jésus-Christ,
sont de plus en plus considérés comme des aspirations,
des espérances, comme le vêtement qui a permis de donner
à certaines idées dogmatiques et morales une forme concrète
et aisément assimilable. Sans nous leurrer de l'espoir de
voir les conflits entre la science laïque et la science ecclé-
siastique disparaître du jour au lendemain, nous avons
confiance qu'il s'établira entre les deux groupes de travail-
leurs des relations de plus en plus intimes, qui seront à
l'avantage des uns comme des autres, au profit des laïques,
trop portés vers une libre pensée étroite et sans horizons,
au profit des ecclésiastiques, qui inclinent à vivre en dehors
du cercle de la vie du monde.
Nous croyons que notre tâche serait incomplètement
remplie si nous ne faisions pas voir comment la critique
sacrée qui est, avant tout, une explication de textes, aboutit
de notre temps à être une histoire au sens le plus large du
mot, une histoire des idées, des faits et des personnes ;
c'est le moment de montrer aussi quels sont les principaux
points sur lesquels se porte l'attention des cercles où l'on
cultive les sciences exégétiques et le degré d'avancement
de certaines questions. 1^ Origines religieuses du ju-
daïsme. On en dispute fort sans être arrivé à rien de décisif.
Aujourd'hui, l'on repousse volontiers l'hypothèse d'un mono-
théisme primitif, lequel remonterait à l'époque patriarcale,
et l'on préfère considérer que la religion juive s'est dégagée
graduellement des pratiques et des doctrines, aussi gros-
sières que confuses, que l'on prête aux différents peuples
dits sémitiques. — Cette supposition se heurte à de grosses
objections, notamment à la doctrine constante des livres
bibliques, qui ne fournissent pas les preuves de l'évolution
prétendue. 2*^ Phases de la littérature hébraïque. Cette
littérature, dont la Bible est le monument, aurait débuté
par des poésies d'un caractère profane et héroïque, aux-
quelles auraient succédé des œuvres d'histoire, de légis-
lation, de prophétie, de morale distribuées sur une longue
série de siècles, depuis le douzième avant notre ère jus-
qu'aux environs du christianisme. — De telles vues semblent
appeler les plus sérieuses corrections : l'on a exagéré au
delà de toute idée les différences des points de vue entre
les diverses éditions de la législation, entre les écrits pro-
phétiques, législatifs, moraux, etc., en sorte que l'unité de
la Bible se trouve sacrifiée à la diversité des éléments entrés
dans sa composition. Les procédés de dislocation, on pour-
rait presque dire de pulvérisation, qui sont devenus à la
mode depuis quelques années, nous semblent de nature à
donner de la Bible l'idée la plus inexacte ; la simphcité de
doctrine qui la caractérise sous l'incontestable variété des
formes, est absolument compromise ; elle cesse d'être l'ex-
pression d'un état d'esprit un et conscient de lui-même, pour
n'être plus qu'un miroir, où se reflètent successivement, et
avec une égale indifférence, les images d'époques et de civi-
lisations profondément séparées par les siècles comme paï*
les tendances. Ce qui nous paraît surtout de nature à
engager la critique biblique dans une voie fausse et sans
issue, c'est la prétention, aujourd'hui à la mode, d'exphquer
la littérature hébraïque par la vie nomade et les mœurs
primitives des populations arabes anciennes et modernes ;
c'est nier le caractère religieux, qui est le trait distinctif de
la Bible et doit lui faire assigner une place à part entre
toutes les littératures de l'antiquité. Cette rehgion de
la Bible n'a pas non plus le cachet de naïveté d'un peuple
enfant, mais celui des œuvres mûres et fortes qui marquent
le point d'arrivée de longues méditations, servies dans leur
expression par une haute culture littéraire. — 3*^ Origine
des écrits législatifs^ historiques ^prophétiques et auhrs.
On a vu au mot Bible quelques indications sur les solu-
tions proposées. Nous ne rentrerons pas ici dans leur exa-
men, nous bornant à insister de nouveau sur l'insuffisance
de toute solution qui aboutit au morcellement des textes et
à la contradiction des idées. II faut, de toute nécessité,
sous une forme ou sous une autre, pour une date plus ou
moins reculée, restituer à la Bible et à ses principales
parties leur unité. — 4:^ La littérature juive aux environs
du christianisme. L'ancienne exégèse, — et le reproche
vise particulièrement l'exégèse protestante, — laissait sub-
.sister une grande lacune entre le judaïsme et le christia-
nisme, entre lesli^Tes sacrés du premier et ceux du second.
Depuis le commencement de ce siècle, on s'est appliqué à
mettre en lumière les livres tant canoniques que deutéro-
canoniques, apocryphes et pseudépigraphes dont on peut
rapporter l'origine aux deux siècles qui précèdent 1 ère
chrétienne et aux temps qui la suivent immédiatement ;
on a contribué ainsi à rétablir tant le cadre des faits que
l'histoire des idées et l'on est en mesure d'aborder dans des
conditions beaucoup plus satisfaisantes l'étude du Nouveau
Testament. — 5<* Jésus-Christ et les Evangiles. C'est là
sans doute le sujet où continueront de se produire les opinions
les plus divergentes. Quelle est l'origine, quel est le rapport
littéraire, quelle est la valeur historique respective des
évangiles? Dans quelle mesure peut-on reconstituer au
moyen d'eux la physionomie et l'action du fondateur du
christianisme? Il est essentiel ici de réagir contre les théories
du rationahsme protestant, qui a ramené le personnage de
Jésus à la figure d'un moraliste et d'un philanthrope du
temps présent. — 6° Les écrits des apôtres et l'évolution
de la théologie chrétienne dans le cours du premier
siècle. Sujet du plus haut intérêt et qui comporte un nom-
bre, pour ainsi dire infini, de problèmes littéraires, histo-
riques et théologiques ! L'école de Tubingue, en mettant
vigoureusement en lumière le sens des oppositions rencon-
trées par saint Paul, a renouvelé l'aspect des questions,
mais les solutions proposées ont besoin d'être remises sur
le métier et l'on est encore bien loin de s'entendre sur nom-
bre de problèmes de premier ordre ; cependant il est des
points, — et non des moins essentiels, — où les critiques
s'accordent volontiers, notamment sur les bases de la doc-
trine de saint Paul, laquelle contient les éléments primor-
diaux du développement ultérieur de la dogmatique chré-
tienne.
On voit par ce qui précède à quel point est variée, à
quel point est riche la tâche de celui qui s'adonne à l'étude
critique des Mvres sacrés, à l'examen méthodique des faits
et des idées que ces écrits lui font connaître. S'il veut lire
les textes d'une façon suivie en les éclairant des données
de la philologie et en y joignant les renseignements de
toute nature propres à les faire comprendre, il prendra un
Commentaire des livres bibliques. S'il se propose d'élu-
cider les questions relatives à la composition et à l'origine
des livres, il étudiera une Introduction ou Manuel de
l'Ecriture sainte. S'il veut dégager les idées religieuses,
leur marche, leurs différents aspects, il ouvrira une
Théologie de l'Ancien ou du Nouveau Testament. S'il
s'attache, avant tout, à la succession des faits et au cadre
des événements, il s'adressera à une Histoire juive ou
429
CRITIQUE
Histoire du peuple d'Israël. S'il préfère trouver réunis
dans un seul ouvrage l'explication raisonnée du texte,
l'histoire de la littérature, des idées et des faits, il les
rencontrera, selon un ordre méthodique, dans les Bibles
annotées et commentées, telles que la Bible de Reuss, ou
dispersés selon l'ordre alphabétique dans les Dictionnaires
de la Bible. A quoi il faudra jomdre les textes originaux
et les traductions anciennes et modernes de la Bible. Une
bibliothèque de critique sacrée pourra donc comprendre,
comme divisions essentielles, les articles suivants : 1^ Textes
bibliques, leur histoire, leur constitution ; 2° Traductions
anciennes et modernes de la Bible ; 3° Commentaires sur
les livres saints ; 4** Introductions aux livres de l'Ancien
et du Nouveau Testament ; 5<* Théologies bibliques;
6° Histoires juives ; 7° Œuvres d'ensemble, telles que
Bibles, comportant une traduction et des éclaircissements
divers, dictionnaires et encyclopédies bibliques. — Ces
divisions peuvent être adoptées pour fixer les cadres
d'une bibliographie de la Bible ; on pourrait également les
multiplier dans de grandes proportions en introduisant
des catégories de détail et en faisant place à ce qu'on peut
appeler les sciences auxiliaires de la critique sacrée. Voici,
à titre d'exemple, les titres adoptés dans le fascicule de
l'excellent Annuaire de théologie de Lipsius (en alle-
mand), consacré à l'exégèse de l'Ancien Testament :
i^ sciences orientales auxiliaires de la Bible (généralités,
égyptologie, assyriologie, arabe-éthiopien, dialectes ara-
méens, paléographie sémitique) ; ^^ le texte de l'Ancien
Testament (traductions, critique du texte) ; 3<* lexico-
graphie hébraïque; 4^ grammaire hébraïque; 5*^ science
de l'introduction ; 6<* critique littéraire ; 7^ explication
de l'Ancien Testament ; 8<^ histoire du peuple d'Israël ;
9^ sciences historiques auxiUaires de la Bible (géographie
de la Terre sainte, archéologie) ; 10° le judaïsme (litté-
rature talmudique et post-talmudique) ; H° histoire de la
religion des Hébreux ; IS^ la théologie de l'Ancien Testa-
ment.
Les indications bibliographiques pour la seule année 4 888
dépassent de beaucoup les Hmites de l'article que nous devons
assigner à notre étude d'ensemble.Nous devons donc renvoyer
aux ouvrages généraux de bibliographie théologique, tels
({ue la Bibliotheca sacra de Lelong (Paris, 4723, 2 vol.
in-fol.J; le Handbuch fur die Literatur der biblischen
Kritik und Exégèse de Rosenmiiller (Gœttinguc, 4797-
4800, 4 vol. in-8);la Geschichte der Schrifterklœrung
seitder Widerherstellung der Wissenschaften de G.-W.
Meyer (Gœttingue, 4802-4809, 5 vol. in.8); la Biblio-
thèque sacrée de Calmet (en tète de son dictionnaire de
la Bible; Paris, 1722, in-fol.); le Manual of biblical
bibliography de Horne (Londres, 4839). On trouvera les
principaux renseignements sur la bibliographie biblique
distribués selon les matières dans les Introductions à
l'Ancien et au Nouveau lestament, par exemple,
celles de De Wette et de Bleek, mais notamment dans
les précieux ouvrages de Reuss, soit sa Bible, dont il
sera reparlé, soit surtout Die Geschichte der heili-
gen Schriften Alten Testaments, Brunswick, 4884, et
Die Geschichte der h. S. Neuen Testaments, '1874,
5^ édit. Nous citerons encore un ouvrage très utile de
Diestel, Geschichte des A. T. in der christlichen
Kirche. Enfin, les personnes qui veulent se tenir au
courant du travail contemporain de la critique sacrée,
devront consulter les périodiques de France et de l'étran-
ger qui citent et apprécient tous les ouvrages parais-
sant sur la matière et tout particulièrement V Annuaire
de Lipsius {Theologischer Jahresbericht, 4^^ section,
la théologie exégétique), qui parait à Fribourg en Bris-
gau.
Nous trouvant dans l'impossibilité matérielle de tenter,
même en des proportions très restreintes, une biblio-
graphie delà Bible, nous nous bornerons à indiquer d'une
façon sommaire quelques ouvrages, récemment parus, qui
peuvent servir de guides. — En matière dUsagogiqiie ou
d'introductions aux livres saints, il faut mettre en
premier lieu les Geschichte der heiligen Schriften
Alten Testaments et les Geschichte der heiligen Schrif-
ten Neuen Testaments de Reuss, en y joignant V His-
toire du ca7ion des Ecritures saintes dans V Eglise
chrétienne, par le même. Au point de vue de l'ortho-
doxie juive, V. Wogue, Histoire de la Bible et de
l'exégèse biblique ; au point de vue de l'orthodoxie
catholique, Bacuez et Vigoureux, Manuel biblique ou
Cours d'écriture sainte. Pour la position des questions,
V. Vernes, les Résultats de l'exégèse biblique. En
fait de Commentaires, nous nous bornerons à indiquer le
Kurzgefasstes exegetisches Handbuch zum A. T. (Hirzel),
le Exegetisches Handbuch %u den Apokryphen des
A. r. de Fritzsche etGrimm, le Iland-Commentar zum
N. T. de Holtzmann, Lipsius, etc. L'essentiel sur ces
matières se trouve dans le grand ouvrage de Reuss, la
Bible, traduction nouvelle avec introductions et commen-
taires. Comme Théologies bibliques, V. en français
Piepenbring, Théologie de l'Ancien Testament; Reuss,
Histoire de la théologie chrétienne au siècle aposto-
lique; Kuenen, De Godsdienst van Israël; Vernes, Du
Prétendu Polythéisme des Hébreux, essai critique sur
la religion du peuple d'Israël. — V Histoire juive est
traitée par Munk, la Palestine; Renan, Histoire du
peuple d'Israël; Vernes, Précis d'histoire juive. Pour
la période avoisinant le christianisme, consultez Schiirer,
Geschichte des judischen Volkes im Zeitalter J. C.
Comme ouvrages d'ensemble, V. Renan, Histoire des
origines du christianisme, et Havet, le Christianisme
et ses origines. — Les meilleurs dictionnaires de la Bible
sont le Biblisches Bealwœrterbnch, de Winer ; le Dictio-
nary of the Bible de Smith; le Bibel-Lexicon, de
Schenkel. Parmi les ouvrages dénature à éclairer la Bible
par la comparaison avec les peuples voisins, à citer : Le-
normant, les Origines de l'Histoire d'après la Bible et
les traditions des peuples orientaux, et Schrader, Die
Keilinschriften und das A.T, — En fait de textes de la
Bible, V. l'édition critique du texte hébreu entreprise
par Baer et Delitzsch ; Davidson, the Hebrew Text of the
OUI Testament revised from critical sources, et Fritz-
sche, Libri V. T. pseudepigraphi selecti ; les éditions
critiques du Nouveau Testament sont nombreuses : V.
celles dues à Tischendorf, Tregelles, Westcott et Hort ;
consultez Reuss, Bibliotheca N. T. grœci. Pour la tra-
duction des Septante, V. the Greek Old Testament
according ta the Septuagint (Cambridge) ; pour les
anciennes traductions en langue latine, Pentateuchi
versio latina antiquissima e codice lugdunensi. Comme
traductions modernes en français : la Bible, par Cahen,
le Pentateuque, par Wogue ; Job, VEcclésiaste, le Car^^z-
git^, par Renan; V Ancien fetom^w^,parSegond, Ledrain;
le Nouveau Testament, par Rilliet, Oltramare, Stapfer.
Comme essai de traductions modernes avec distinction des
documents primitifs, V. la Genèse, par Lenormant et
Die Genesis, par Kautzsch et Socin. On trouvera d'utiles
renseignements dans plusieurs articles de VEncyclopédie
des sciences religieuses de Lichtenberger, dont voici les
titres : Théologie de l'A. T., par Bruston; Théologie du
N. T., par Sabatier; Texte de l'A. T., par Bruston;
Texte du N. T., par Sabatier; Versions anciennes de la
Bible, par Bruston ; Versions modérâtes de la Bible, par
Douen. Maurice Vernes.
VIL Mathématiques.— Points critiques. — On ap-
pelle points critiques d'une fonction ceux où cette fonction
cesse d'être ou finie, ou continue, ou monodrome, ou mono-
gène. Les points critiques des fonctions monodromes et mono-
gènes sont : 4<^ des infinis ou pôles, où la fonction cesse
d'être finie, mais où son inverse est nulle et bien détermi-
née ; 2° des points essentiels où la fonction cesse d'être bien
déterminée; 0 est un point essentiel pour la fonction e^
(V. Essentiel). — Les points de ramification sont des
CRITtQtJE
- 430 -
points critiques autour desquels la fonction cesse d'être
monodrome; zéro est un point de ramification pour la
fonction \/x, pour la fonction log x. Un point de ramifica-
tion peut très bien être en même temps un infini ou un
point essentiel.
VÏIÏ. Physique. — Point, Pression et Volume cri-
tiques. — Lorsqu'on étudie la compressibilité des gaz à
diverses températures, on observe des résultats différents.
Prenons comme exemple l'acide carbonique étudié par An-
drews, et représentant les résultats obtenus à l'aide d'une
courbe rapportée à deux axes de coordonnées en prenant
pour abscisses les volumes et pour ordonnées les pressions
d'une même masse de gaz. En opérant à O'^ nous trouverons
une ligne telle que A pour représenter le phénomène.
Cette ligne se compose d'une portion asymptote à l'axe des
volumes ; ce serait une portion d'hyperbole équilatère si la
loi de Mariette était rigoureusement vraie. Cette partie
correspond à la compression du gaz ; puis une droite
parallèle à l'axe des abscisses fait suite à cette première
courbe, cela indique que lorsqu'on atteint la pression P,
celle-ci reste constante bien que l'on fasse décroître le
volume; pendant cette période, le gaz se liquéfie. Une
nouvelle portion de la courbe représente ensuite le phéno-
mène, c'est alors la courbe de compressibilité de l'acide
carboniq^ue liquide. Cette portion se confond presque avec
une droite parallèle à l'axe des pressions. Si l'on fait la
même expérience à une autre température, 10® par
ABCO
1^0 /urnes
exemple, une ligne analogue B représentera le phénomène,
mais la portion de droite qu'elle renfermera sera moins
longue. Si l'on répète ces mesures à iOO^, on obtiendra un
résultat tout différent, on aura une courbe ne comprenant
pas ces diverses portions et se rapprochant beaucoup
d'une hyperbole équilatère (courbe E). Si l'on étudie le
phénomène pour des températures intermédiaires, on trouve
Te
CALCULÉ
Acide carbonique. , H- 32,0 H-
Ethylène ■+■ 1,5
Formène — 75,7 —
Oxygène — 105,4 —
Oxyde de carbone. ...•..,... »
Azote — 123,8 —
Hydrogène — 174,2
On voit que l'écart entre l'observation et le calcul n'est
pas trop considérable, eu égard à la difficulté des me-
sures.
Si Ton chauffe un tube de verre scellé résistant conte-
nant de l'acide carbonique liquide, ce que l'on peut faire
en le tenant à la main, on constate que le ménisque qui
sépare l'acide Hquide du gaz qui est au-dessus, perd de
plus en plus de sa netteté et qu il arrive un moment où il
disparaît ; si on agite alors le tube, on voit des stries vagues
onduler à la place qu'il occupait, mais bientôt la tempéra-
la courbe C pour la température 31 ''l et la courbe D pour îa
température 35<*0. De telle sorte que si l'on passe des
premières courbes A, B à la dernière E, on voit le palier
horizontal, nettement marqué dans les premières, dispa-
raître peu à peu d'une courbe à l'autre. Voyons main-
tenant par quelles formules représenter ces courbes.
Thomson, pour le faire, remarque que dans la courbe A,
par exemple, on doit pouvoir représenter pai^ une même
fonction continue l'état d'équilibre des molécules soit à
l'état de gaz comprimé, soit à l'état de liquide comprimé ;
mais il faut pour cela que les deux parties de la courbe
qui représentent la compressibilité à ces deux états soient
réunies par une courbe telle que celle qui est figurée en
points. Cette portion représente aussi, d'après Thomson,
un état d'équilibre différent de l'état gazeux et de l'état
liquide, mais instable, de telle sorte que dans cette région
le corps se divise en partie Mquide et partie gazeuse. Il
faut, de plus, que la fonction obtenue se confonde sensi-
blement avec une hyperbole équilatère pour les tempéra-
tures suffisamment élevées. La formule
adoptée par Glausius, jouit de cette propriété. Dans cette
formule, T représente la température absolue, P la pres-
sion, V le volume. A, p et c des constantes; cette dernière
est le covolume du gaz. Cherchons à l'aide de cette for-
mule le point précis où cesse le paUer horizontal. Clausius
a démontré que les aires comprises entre les deux portions
pointillées de la courbe et la droite de liquéfaction sont
égales. La partie ponctuée présente un point d'inflexion ;
la tangente, en ce point, devient horizontale au moment
où la liquéfaction ne peut plus être observée. On appelle
point, volume et pression critique la température, le
volume et la pression qui correspondent à ce point d'in-
flexion à tangente parallèle aux abscisses. Ces quantités
sont obtenues à l'aide de l'équation précédente et de
_^Oetde^^ = 0.
De ces trois équations, on tire Te, Yc et Pc, l'indice c dési-
gnant la valeur prise par ces quantités lorsque ces trois
équations sont vérifiées. On trouve
Voici les valeurs de ces quantités calculées pour divers gaz :
Pc
30,9
»
73,5
113
139,5
146
Yc
0,004496
0,006739
0,004953
0,004042
»
0,004603
0,001801
CALCULE
atm.
OBSERVL
77,0
76
43,5
»
46,8
56,8
48,7
50
»
35,5
42,1
35,39
98,9
»
ture continuant à monter, ces stries même disparaissent et
le tube semble remph uniquement de gaz. En se refroidis-
sant, le tube présente des phénomènes inverses ; des stries
peu visibles se forment, comme cela se fait, quand on
remue une solution inégalement concentrée dans toutes ses
parties ; puis un ménisque peu visible apparaît ; il devient
ensuite de plus en plus net. Cette expérience réussit avec
la simple chaleur de la main, parce qu'elle est supérieure à la
température du point critique. Il n'y a pas que les gaz qui
aient un point critique, les liquides en possèdent aussi.
m -
CRITIQUE -- GRITTENDEN
Voici la température critique des vapeurs de quelques
liquides :
TEMPÉRATURE PRESSION
LIQUIDES
critique.
critique.
Eau
+ 332^
134,1
Ether
490
36,9
Sulfure de carbone. .
272
75,0
Alcool
23o
66,7
Benzine
291
60,5
A. JOÂNNIS.
BiBL. : Philologie. — Cobet, De Arte interpretandi,
1847. — TouRNiER, Exercices critiques, préface, 1875. —
V.-S. Reinach, Manuel de philologie, 1880, t. I, 1. III. ■—
J. Gow, Minerve^ trad. française de S. Reinach, 1890,
1"^^ partie.
Histoire. — Daunou, Cours d'études historig^ues, 1842,
t. I, in-8. — Herbert B. Adam, Methods ofhistorical study;
Baltimore, 1884, in-8. — Ch. de Smedt s. j., Principes de
kl critique historique; Liè^e, 1883, in-8. --- A. Tardif,
Notions élémentaires de critique historique; Paris, 1883,
in-8 . — Ed. Freemann, the Methods of hist or ical study ;
Londres, 1886, in-8. — J.-G. Droysen, Précis de la science
de l'histoire, tvàd. de la 3^ éd. allemande par P. -A. Dor-
moy; Paris, 1887, in-8. — Seignobos, les Conditions psy-
chologiques de la connaissance en histoire , dans la Revue
philosophique, t. II, 1887, pp. 1 et 168. — E. Bernhkim,
Lehrhuch der hisiorischen Méthode ; Leipzig, 1889, in-8.
Physique. — Andrews, Phil. Trans., 1876. — ThomsoNî
Proc, of the Roy. Soc. of London, nov. 1871. — Hirn,
Théorie mécanique de la chaleur, II, p. 211. — Clausius,
Ann. de Wiedemann, IX, p. 337. — Sarrau, Comptes
rendus de VAcad. des sciences, XCIV, 639, 718 et 815.
CRITIUS, poète latin polonais (V.Krzycki).
CRITOBULE, historien grec du xv® siècle, né à Imbros,
probablement mort à Constantinople. Après la prise de
Byzance par Mahomet II (1453), il prit une grande part
aux négociations qui amenèrent la soumission de Lemnos
et d'Imbros; en 1456, il fut même chargé par le vainqueur
du gouvernement d'Imbros et sut par son habileté conserver
l'île aux Ottomans. En 1459, il réussit à reprendre
Lemnos aux Latins qui l'occupaient et obtint de Mahomet II
l'abandon des deux îles à Démétrius Paléologue, dernier
despote du Péloponèse ; il continua pour le compte de ce
prince vassal à gouverner Imbros, jusqu'au moment où
les Vénitiens occupèrent l'Ile (1466). A ce moment, il vint
sans doute à Constantinople, et y acheva, probablement
avant 1470, son histoire de Mahomet IL Dans cet ouvrage
dédié au sultan et consacré à sa gloire, Gritobule raconta
en cinq livres les événements du règne de 1450 à 1467 ;
et malgré ses erreurs, malgré la partialité visible qui lui
fait dissimuler les fautes et les échecs de Mahomet, son
livre fournit de précieuses informations. Malgré le tour
monotone de ses descriptions, malgré son style verbeux,
il est, par le mérite littéraire, fort supérieur à ses contem-
porains Phrantzès, Ducas, Chalcocondyle ; fort différent, au
reste, de ces historiens par les sentiments qui l'animent, il
offre le curieux spectacle d'un Grec rallié au vainqueur et
célébrant ses exploits. Son histoire a été publiée dans les
Fragmenta historicorum grœcovum de Millier (Paris,
1870, t. V, coll. Didot). Il avait formé le projet de raconter
également l'histoire des Turcs avant 1450 ; mais il ne
semble pas l'avoir mis à exécution. Ch. Diehl.
BiBL. : Critobule d'Imbros, dans Ann. de l'Association
des études grecques, 1871.
G R ITO LAU S DE Phasélis, philosophe péripatéticien, né en
Lycie, qui florissait au n® siècle avant J.-C. Sa vie est peu
connue ; il semble qu'il vint à Athènes de bonne heure et
qu'il y écouta les leçons d'Ariston de Julis; plus tard, il
devint à son tour scolarque de l'école péripatéticienne.
Clément d'Alexandrie le donne comme successeur immédiat
de Lycon, hypothèse bien invraisemblable, Lycon étant
mort avant 224 ; d'autre part la Vie anonyme de Ménage
le place après Phormion ; enfin Plutarque, dont M. Zeller
adopte la manière de voir, le fait venir après Ariston.
Quoi qu'il en soit, il faisait partie, avec Carnéade et Dio-
gène le Babylonien, de la fameuse ambassade envoyée à
Rome en 155 à l'occasion de la destruction d'Orope par les
Athéniens. Ceux-ci, condamnés à l'amende, en appelèrent
au sénat, et pour éblouir les barbares latins, envoyèrent
des philosophes plaider leur cause. On sait le succès qu'ob-
tinrent les délégués, et, comment leur mission se termina
par le décret de Caton qui les fit expulser de Rome. Crito-
laûs pour sa part justifia pleinement la confiance d'Athènes ;
il excita à Rome un véritable engouement ; les citoyens les
plus considérables et les plus illustres, Lelius et Scipion
tous les premiers, se pressèrent à ses éloquentes leçons. —
Quoi qu'en dise Stobée, il demeura fidèle, malgré de légères
divergences, à l'esprit du péripatétisme : comme Aristote,
il place le souverain bien dans la perfection d'une vie con-
forme à la nature, et, comme lui, croit à l'éternité du
monde gouverné par d'immuables lois. Il eut pour succes-
seur son disciple Diodore de Tyr.
BiBL. : CiiAiGi^ET, Histoire de la psychologie des Grecs ,
G R ITO N, disciple et ami de Socrate, se porta caution pour
lui à l'époque de son procès , et lui offrit ensuite de le
soustraire par l'évasion à l'application de la peine. Socrate
s'y étant refusé, il n'eut que la consolation de lui fermer
les yeux. A cela seulement se réduisent les renseignements
positifs que nous possédons sur Criton, dont Platon a
donné le nom pour titre à un de ses dialogues. On ne sait
si, comme le veut Aristoxène, Socrate eut jamais recours à
la bourse de son opulent ami ; il n'est pas sûr non plus que
les dix-sept dialogues attribués par Diogène Laërce à Cri-
ton aient existé, qu'il ait écrit un :wcpl tcoitjtix^, ou en-
core, comme l'affirme Suidas, une apologie de Socrate;
cela est possible, mais ces ouvrages, s'ils ont été composés;
sont complètement perdus. Le nom de Criton n'a été sauvé
de l'oubli que par son dévouement pour son maître.
BiBL. -.Platon, Criton, Phédon, EuthydAme, passira:
Diogène, II, 20, 121.
GRITONIUS (Lucius), un des édiles céréales de l'an 44 ;
il empêcha Octave d'exposer publiquement aux jeux édili-
ciens le siège et la couronne d'or de César tué deux ou
trois mois avant.
GRITOT. Com. du dép. de la Seine-Inférieure, arr. de
Neufchâtel-en-Bray, cant. de Saint-Saëns; 276 hab.
GRITTENDEN (John-Jordon), homme d'Etat américain,
né dans le Kentucky (Etats-Unis) le 10 sept. 1787, mort
le 26 juil. 1863. Fils du major Crittenden, d'origine galloise,
il exerça la profession d'avocat à Francfort (Kentucky) jus-
qu'en 1835. De 1816 à 1819, il avait été membre de la
législature de l'Etat et sénateur à Washington, et en
1827, attorney do district, poste que lui enleva le pré-
sident Jackson. Il s'acquit une grande réputation de crimi-
naliste. De 1835 à 1841, il fut de nouveau sénateur au
Congrès, puis entra comme attorney général dans le cabinet
du président Harrison. Rentré au Sénat lorsque Tyler arriva
à la présidence, il en sortit en 1848 pour occuper le poste
de gouverneur du Kentucky. Attaché au parti whig, il fut
de nouveau attorney général sous le président Fillmore. On
le retrouve au Sénat fédéral en 1855, prenant une part
active aux événements qui précédèrent la guerre civile.
Opposé au rappel du compromis du Missouri, il combattit
la politique des présidents Pierce et Buchanan, et favorisa
en 1860 la candidature de M. Bell à la présidence. Après
l'élection de Lincoln, il intervint dans les efforts du parti
modéré pour sauver l'Union par la conciliation. Il proposa
pour cet objet une série d'amendements constitutionnels
tendant à rétablir le compromis du Missouri et à interdire
toute immixtion du Congrès dans la question de l'esclavage
partout où cette institution était légalement étabhe. Cette
tentative de conciliation ayant échoué, Crittenden quitta le
Sénat le 4 mars 1861, s'efforça de retenir le Kentucky dans
l'Union, rentra bientôt au Congrès comme membre de la
Chambre des représentants, et, tout en défendant la cause
de l'Union, fit une opposition constante aux mesures ex-
trêmes comme l'enrôlement des esclaves et la conscription.
— La Vie de Crittenden a été écrite par sa fille, Mrs.
Chapman Coleman (Philadelphie, 1871,2 vol.). Un de ses
fils fut général dans l'armée confédérée, un autre servit
brillamment l'Union, et fut fait brigadier général en 1867.
CRIU — CROATIE
432 —
CRIU Metopon. Nom d'un promontoire élevé à Fexlré-
mité S. de la Chersonèse taurique, en face du promontoire
de Carambie en Paphlagonie. Les géographes donnaient le
même nom à un promontoire situé au S.-O. de la Crète,
aujourd'hui Capo Crio.
CRIVELLARl (Bartolomeo) , sculpteur et graveur à
Teau-forte et au burin, né à Venise en 1725, mort dans
la même ville en 1777. Après avoir étudié la sculpture,
il se fit graveur, et c'est à ce dernier titre qu'il est le plus
connu ; ses planches principales sont : trois compositions
originales sur la Vie de saint Pétrone; le Repos en
Egypte, d'après Tiepolo; Sainte Françoise Romai7ie,
d'après Tiarini ; il a collaboré au recueil intitulé le Pit-
ture da Pellegrino Tibaldi e di Niceold delV Abbate,
esistenti net Instituto di Bologna,
CRIVELLI (Carlo), peintre italien (Ecole vénitienne). On
ignore les dates de sa naissance et de sa mort. Ses tableaux
signés et datés vont des années 1468 à 1493. Il paraît
avoir habité surtout Ascoli, et la plupart de ses œuvres
furent destinées à la Marche d'Ancone. Il sort de l'école de
Murano ; il en a d'abord, et il en conserve longtemps la
manière anguleuse et raide (Madone de la Pinacothèque de
Vérone) ; mais il a aussi subi de bonne heure l'influence
du Squarcione et de l'école padouane, et on le voit, à
l'exemple de ces modèles, s'appliquer tour à tour à l'expres-
sion des sentiments pathétiques, tendres ou violents, à la
recherche des formes énergiques ou ascétiques, et même
(chez certaines figures de saints barbus et d'évèques) bour-
rues. En même temps (et il semble qu'il ait trouvé là sur-
tout le véritable emploi de son génie), il prête à la figure de
la Vierge, et d'une manière générale à ses types de femmes,
une douceur, une tendresse et une modestie charmantes;
il se plaît à les vêtir d'habits somptueux, à les entourer
d'un luxe raffiné. Ses principaux tableaux sont : à Massa
(marche d'Ancone, dans la sacristie de San Silvestro, un
tableau d'autel daté 1468); à la cathédrale d'AscoH,
Vierge glorieuse; Pieta (1473) à San Francesco d'An-
cone, « un petitjoyaude couleur », dit Burckhardt; au musée
de Berlin, une Madeleine (récemment acquise); au musée
de Lateran, deux grandes Madones (1482); au Vatican,
une Pietà dramatique ; et dans la galerie Panciatichi à Flo-
rence, une autre Pietà encore plus pathétique. C'est à
Milan et à Londres qu'il faut surtout voir le maître : au
musée Brevâj Mado7ie entourée de saints (1482), avec
un Crucifiement très caractéristique pour l'expression
naïve et violente de la douleur ; Saint Jérôme et Saint
Augustin ; Marie avec V Enfant ; un Couronnement de
la Vierge (signé et daté de 1493) et une Mise au tombeau^
où il ne manque pas d'ajouter à son nom le titre de Miles ^ et
même d'Eques laureatus, (En 1490, Ferdinand d'Aragon
lui avait octroyé la chevalerie.) A la National Gallery
de Londres, on trouve aussi une réunion importante
d'œuvres de sa main : ce sont une Pietà signée Carolus
Crivellus Venetus pinsit; le riche tableau d'autel de
San Domenico d'Ascoli (Opus Karoli Crivelli Veneti,
1476), représentant i!/<2n> trônant entourée de saints;
et surtout une délicieuse et splendide Annonciation,
provenant du couvent de la Santissima Annunziata d'As-
coli (1486), un des meilleurs exemplaires de la tendresse,
de l'élégance et de la somptuosité du vieux maître. Enfin,
la Vierge et l'Enfant entre saint Jérôme et saint
Sébastien [Carolus Crivellus Venetus miles pinsit) ;
la Madone sur un trône (Opus Caroli Crivelli miles,
1491); la Madone en extase (Karoli Chrivelli Veneti
Militis pinsit, 1492), autrefois dans la chapelle des
Malatesta à l'église Saint-François de Ri mini.
André Michel.
BiBL. : Ricci, Memorie slorlche délie a,rli... délia, Marca
dlAncona, 1834. — Cabboni, Memorie intornoi Letterati
ed gli artlsti Ascoloni; Asco\i,lSdO. ~ Descriptive and his-
torical Catalogue of the pictures in the National Gallery;
Londres, 1889, in-8. — Burckhardt, Der Cicérone, pp. 630
et siiiv., 5« éd. — K. Woermann, Geschichte der Malerei,
II, PI). 279-80. — E. MuNTZ, Histoire de l'Art pendant la
Renaissance, t. JI.
CRIVELLI (Giovanni), mathématicien italien, né à
Venise le 20 sept. 1691, mort le 14 févr. 1743. Il appar-
tenait à un ordre religieux de Venise (les somasques) ;
après avoir professé la rhétorique et la philosophie, il de-
vint recteur du séminaire de Murano, s'adonna alors plus
particulièrement aux sciences, puis, dépouillé de ses
dignités, finit ses jours comme simple moine au couvent
délia Sainte. Il a publié des dissertations sur les forces
motrices, insérées dans le Gran' Giornale delVEuropa
(1726) et divers volumes imprimés à Venise ; Elementi
di Aritmetica niimerica e letterale (1728); Nuova
elementare Geometria (1729); Algorismo (1739);
Elementi di Fisica (1731 et 1744). T.
CRIVELLI (Angelo-Maria), peintre italien, mort à Milan
en 1750. C'est à Milan qu'il a travaillé. Il était probable-
ment élève d'Alessandro Magnasco, et a peint surtout des
tableaux d'architecture et des ruines. On en voit, entre
autres collections, quelques-uns à la galerie royale de
Dresde.
CRIVELLI (Antonio), physicien italien, né à Milan le
2 févr. 1783, mort à Milan le \^ août 1829. Il fit ses
études à Pavie, se fit recevoir ingénieur, enseigna la phy-
sique à Milan et à Trente, les mathématiques à Bergame
et à Milan, et entreprit en 1817 un voyage en Orient,
d'où il importa en Italie l'art de fabriquer les lames de
Damas. On lui doit aussi d'intéressantes expériences sur
la fusion de l'acier et sur la compressibilité de l'air.
Outre plusieurs mémoires insérés dans divers recueils
scientifiques, il a écrit: Nuovo Meccanismo per otte-
nere la piû vantaggiosa combustione deW idrogenio
mediante Vossigenio (Milan, 1818, in-8) ; Descrizione
diuna ?iuova toppa sicura (Milan, 1818, in-8) ; UArte
di fabbricare lo sciabole di Damasco (Milan, 1821,
in-8) ; Lampada idrobarometro-statica (Milan, 1827,
ia-8),etc. L. s.
CRNOJEVIC(V. Tsernosevitch).
CROATIE (en croate Hrvatska, en hongrois Horvdt-
orszdg,en allemand Kroatien). Royaume qui fait partie des
Etats de la couronne de Hongrie. C'est l'un des éléments
du royaume dit triunitaire (trojjedina kraljevina) qui
comprend en théorie la Dalmatie,"la Croatie et la Slavonie.
La Dalmatie étant actuellement rattachée à la Cisleithanie,
la Croatie et la Slavonie forment seules un groupe poli-
tique; c'est ce groupe qu'on étudie ici. Il est bomé au N.-O.
par la Styrie ou par la Dalmatie, la Bosnie et la Serbie,
à l'E. et au N. par la Hongrie. La superficie totale est de
42,516 kil. q. Les montagnes de la Croatie se rattachent
au système des Alpes orientales et du Karst (V. ce mot).
Au premier appartiennent les monts Macelj (1,200 m.),
sur la frontière de Styrie, le mont Ivancica (1 ,061 m.) et
les monts Kalnik ; au N. de Zagreb (Agram) se dresse le
mont Slemen (1,035 m.). En Slavonie, les montagnes ne
dépassent pas 900 à \ ,000 m. : la Frouchka Gora (mon-
tagne des Francs) a une hauteur moyenne de 500 m.
Parmi les monts du Karst, qui se dressent le long de la
mer et qui se prolongent en Dalmatie, les principaux sont
la chaîne des monts Kapela, le Velebit (1,653 m.) et le
Sveto Brdo (1,753 m.). Les principaux cours d'eau sont la
Drave et la Save, affluents du Danube, qui baignent les
h'ontières de la Slavonie. La Save reçoit le Kulpa et TUnna
qui sépare la Croatie de la Bosnie. Des montagnes de
Croatie jaillissent les sources minérales de Daruvar, Lipik,
Krapina, Topusko et Varazdin. La Croatie a deux petits
ports sur l'Adriatique, Bakar (Buccari) et Kraljevica
(Porto Rè). Le climat est sain et relativement chaud; sa
température moyenne à Zagreb est de M"" centigrades.
La population de la Croatie, y compris celle des 'Confins
militaires rattachés, est de 1,892,000 hab. La moyenne
est de 45 hab. par kil. q. La majorité des habitants
appartient à la race slave : on considère comme Croates
les catholiques, comme Serbes les orthodoxes. Environ
10,000 Serbes appartiennent à l'Eglise grecque unie. Ils
433 —
CROATIE
ont un évêque à Krize^ac (Kreuz). On compte en outre
80,000 Allemands, 40,000 Magyars et un certain nombre
de Grecs, d'Italiens et d'israélites. Les Croates et les Serbes
représentent un des beaux types de la race slave. Ils ont
généralement le teint mat, la barbe et les cheveux noirs ;
leur costume consiste en un grand chapeau, une veste
plus ou moins brodée, un pantalon blanc : Vopanka est
la chaussure nationale. Les femmes sont belles et ont
des costumes fort pittoresques. La langue parlée en Croatie
est le serbo-croate ou croato-serbe. On l'a quelquefois ap-
pelée illyrienne. Elle appartient à la famille slave. Les
Serbes se servent de l'alphabet cyrillique et les autres
de l'alphabet latin (V. Serbie). Le sol productif occupe
environ 90 °/o de la surface totale du pays; les princi-
paux produits sont : les céréales, surtout le maïs, le raisin
(dans la Slavonie), le tabac ; les prunes fournissent l'eau-
de-vie appelée slivovica ; les chênes de Slavonie don-
nent un bois excellent dont l'exportation est considérable.
L'élève du bétail est florissante, celle des porcs notam-
ment (plus de 450,000 têtes). Les produits des mines sont
peu importants. L'industrie domestique suffît aux besoins
des campagnes ; elle produit notamment des tapis fort re-
marquables ; la grande industrie est encore peu développée ;
les céréales, le vin, le blé, le bétail sont les principaux
objets d'exportation. Il existe des chambres de commerce
à Zagreb, à Sisak, et à Osiek (Essek). La Drave est navi-
gable à partir de Barcs, la Save à partir de Sisak (Sissek),
Zagreb est le centre d'un réseau de chemins de fer qui
réunissent cette ville à Fiume, à Sisak-Brod, à la ligne
Vienne-Trieste, à Budapest, à Varazdin, à Osiek (Esseg) ;
cette dernière ville est réunie par un railway à Brod et
à la Bosnie. Au point de vue de la culture intellectuelle, la
Croatie a réalisé de grands progrès depuis un demi-siècle,
mais elle a encore beaucoup à faire. Le nombre des
illettrés est encore très grand. Le principal centre est la ca-
pitale Zagreb qui possède une académie des sciences dont
les travaux sont estimés, une université fréquentée par
environ trois cents étudiants, un musée et de nombreuses
sociétés littéraires dont la plus importante est la Matica
(V. ce mot). La Croatie possède en outre onze gymnases,
six écoles réaies, six séminaires ou collèges ecclésiastiques,
une école commerciale, une école nautique (à Bakar) et trois
écoles de commerce. Au point de vue administratif, la
Croatie constitue vis-à-vis de la Hongrie un Etat autonome
pour tout ce qui concerne l'administration intérieure de la
justice, des cultes et de l'instruction publique. Cette auto-
nomie est représentée par un fonctionnaire suprême, le
ban (V. ce mot). D'autre part, il y a à Budapest un ministre
spécial pour la Croatie-Slavonie. La Croatie a un certain
nombre de représentants à la Chambre des magnats (les
évêques, le curé de la cathédrale d'Agram, deux députés
nommés par la Diète). La Diète compte cent douze membres
élus pour trois ans, plus un certain nombre de membres
de droit (les évêques, les grands joupans, etc.). Elle dé-
signe quarante membres à la Chambre des députés de Bu-
dapest; ils ont le droit de se servir de leur langue natio-
nale. Cette Diète s'appelle Sabor, le ban est responsable
devant elle. L'organe central de la justice est la Table
royale des Septemvirs qui joue le rôle de cour de cassation ;
vient ensuite la cour d'appel ou la Table banale dont dé-
pendent treize tribunaux de première instance et soixante-
treize tribunaux de canton. Il y a deux directions des
finances, l'une à Zagreb, l'autre à Sisak (Sissek). La
Croatie a pour armes un écusson où alternent, comme sur
un damier, des carrés d'argent et des carrés de gueules.
Le pays est divisé en sept joupanies ou préfectures :
Zagreb, Varazdin, Krizevac, Rieka ou Fiume (sauf la ville
qui appartient à la Hongrie), Verovitica, Pozega et la
Syrmie (ces trois dernières appartiennent à la Slavonie).
Il y a un archevêché catholique à Zagreb, un évêché à
Diakovo, un évêque grec uni à Krizevac , des évêques non
unis à Karlovac et à Pakrac.
Histoire. — La Croatie doit son nom à une tribu slave
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIIL
(les Chrobates ou Chorbates, actuellement Hrvati) qui s'y
établit au vu® siècle. Ces Croates ont laissé leur nom à la
grande Croalie au Chrobatie qui est mentionnée dans les
chroniques russes et qui faisait partie de la Hongrie
actuelle et de certains districts de la Bohême, Avant leur
arrivée, la Croatie faisait partie de la Pannonie; elle fut
occupée au v^ siècle par les Ostrogoths, au vi® par les
Avares. Pour tenir les Avares en échec, l'empereur Héra-
clius aurait appelé les Croates congénères des Serbes qui
habitaient probablement la région des Karpates (634-638).
Après avoir été pendant quelque temps soumis aux empe-
reurs byzantins, les Croates devinrent indépendants sous
une dynastie nationale, dont les principaux représentants
furent le grand joupan Mutimir (892-900), le roi Tomislav
(914-940), Drzislav (970-4461), Pierre Kresimir (4058-.
4073), Zvonimir (4076-1089). Le royaume de Croatie com-
prenait à la fin du xi^ siècle toute la Dalmatie jusqu'à Raguse..
Certains rois portèrent aussi le titre de roi de Dalmatie.
L'Etat était divisé en joupanies. En 4097, par la suite de
l'extinction de la dynastie nationale, la Croatie fut rattachée
à la Hongrie par le lien de l'union personnelle. Elle garda
d'ailleurs son autonomie pour toutes les choses de l'inté-
rieur. En 4527, la Croatie reconnut la dynastie des Habs-
bourg ; elle fut mutilée par les Turcs au xvi® siècle ; une
partie du royaume prit le nom de Croatie turque ; le traité
de Carlowitz (4699) lui donna les frontières qu'elle pos-
sède encore aujourd'hui. Au xv® siècle, Venise s'était
emparée d'une partie de la Dalmatie. En revanche, à dater
du xv^ siècle, la Slavonie fut rattachée aux pays croates ;
elle forma avec la Croatie et ce qui restait de la Dalmatie
le royaume dit triunitaire. La portion du littoral qui
avoisine Rieka (Fiume) fut considérée comme faisant tour
à tour partie du domaine propre de la couronne (4474-4746),
du royaume de Croatie (4776-4779) et enfin de la Hongrie
(V. Fiume). A dater du xvi^ siècle, certains districts consti-
tuèrent les confins militaires. De 4767 à 4777 les trois
royaumes formèrent un groupe appelé Illyrie. Quand Na-
poléon, en 4809, créa un royaume de ce nom, il y incorpora
toute la rive gauche de la Save sous le nom de Croatie
civile et de Croatie militaire. Les Croates ont gardé un
bon souvenir de la domination française qui ne se pro-
longea pas au delà de 4813. Associés pendant de longs
siècles aux destinées des Magyars, les Croates avaient en
général de bonnes relations avec leurs voisins : ils leur
avaient fourni de vaillants généraux qui se distinguèrent
contre les Turcs, notamment au xvn® siècle les frères
Zrinski. La langue latine qui dominait dans la vie publique
rendait les relations faciles entre deux peuples qui tous
deux avaient à lutter contre l'absolutisme autrichien. Au
commencement du xix^ siècle, les Magyars voulurent imposer
leur langue aux Croates et provoquèrent chez ceux-ci un
mouvement de réaction qui se fait sentir encore aujourd'hui.
Sous l'influence des patriotes, comme le comte Draskovic,
le littérateur Gaj, les Croates réclamèrent l'usage de leur
idiome national et l'introduisirent dans la vie politique. En
même temps ils commencèrent à tourner les yeux vers les
autres Slaves de la monarchie pour leur demander un
concours d'ailleurs purement moral. Ce mouvement politique
et littéraire est connu sous le nom ù'illyrisme. En 4848,
ce fut un journal croate qui suggéra l'idée du congrès slave
de Prague: les Croates refusèrent d'adhérer à la révo-
lution hongroise et leur chef, le ban Jellacic passa la
Drave pour combattre les Magyars ; l'insurrection magj^are
une fois étouffée, les Croates furent, conime leurs voisins,
soumis à un régime centraliste et germanisateur. Lorsqu'en
4867 le régime dualiste fut institué, les Croates réclamèrent
aux Hongrois le maintien de leur autonomie séculaire. Pour
vaincre leur résistance le ministère hongrois fit modifier le
régime électoral de la Croatie ; la Diète issue de ce nouveau
régime conclut avec le Parlement hongrois un accord
(nagodba) qui a été revisé en 4873 et qui régit encore
aujourd'hui les relations des deux parties. Cet accord
{V. plus haut ce qui a été dit des institutions) laisse à la
28
CROATIE - CROCCHIA
434
Croatie une autonomie restreinte et lui assure Tusage de
sa langue nationale. La Croatie est actuellement le seul
pays de TEtat hongrois qui ait une situation privilégiée ;
mais certains patriotes réclament une autonomie plus com-
plète et la réannexion de la Dalmatie qui fait actuellement
partie de la Cisleithanie. — Il serait intéressant d'étudier
ici le mouvement littéraire dont les pays croates , notam-
ment la Dalmatie, ont été le théâtre ; mais il est difficile
de séparer la littérature croate de la littérature serbe
(V.Serbe). L. Léger.
BiBL. : Klaic, Géographie physique de la Croatie; Za-
greb, 1886. — Smiciklas, Histoire de Croatie (en croate) ;
Zagreb, 1879, 2 vol. in-8. — Klaic, Atlas pour l'histoire
croate; Zagreb, 1888.— Les histoires générales de l'Autriche-
Hongrie ou de la Hongrie, notamment Krones, Sayous,
L. Léger. ~ Léouzon-le-Duc> la Croatie et la Confédé-
ration italienne ; Paris, 1858. — Matkovich, la Croatie
et la Slavonie (en fr.) ; Zagreb, 1874. — BeRezine, la
Croatie... etc. (en russe), 2 vol. in-8. — L. Léger, le Monde
slave. Etudes slaves, passim. ~- Du même, la Save^ le
ï>anube et le Balhan; Paris, 1889, 2» édit. — Pypine et
Spasowicz, Histoire des littératures slaves^ éd. française;
Paris, 1881.-- Mémoires de l'Académie sud slave d'Agram.
CROBYLE (Antiq.) (V. Coiffure).
CROC. L Archéologie. — Crochet attaché à la ceinture
des arbalétriers et qui servait à tirer la corde de l'arbalète
pour la tendre. Les arbalètes à croc ont été employées encore
au xv^ siècle, après l'invention de l'arbalète à cric. Les
arquebuses à croc furent au xvi® siècle de très petites pièces
d'artillerie dont le canon portait un crochet destiné à faire
basculer l'arme au moment du tir et à la maintenir sur le
chevalet.
Croâ à éléphant. L'usage du croc pour conduire les
éléphants remonte à l'antiquité. C'était un barreau de fer
arrondi par un bout, pointu de l'autre et muni d'un cro-
chet; le conducteur, monté sur le cou de l'animal, s'en
Croc à éléphant (Collection de la baronne de Rothschild).
servait pour lui piquer le cou et les oreilles. Les Hindous
emploient encore cet instrument que, d'après Foucher
d'Opsonville , ils appellent ankoche. Les crocs ont été
ciselés, damasquinés, ornés de rinceaux et d'arabesques.
Nous reproduisons ici, d'après Bosc, un croc à éléphant
de la collection de M^« S. de Rothschild. M. P.
IL Marine. — Tige de fer recourbée servant à fixer les
appareils auxquels ils appartiennent. Exemple, le croc d'un
palan sert à accrocher ce palan à un point fixe. Le croc
à émerillon offre une disposition particulière qui lui permet
de tourner sans décrocher le palan de l'appareil dont il fait
partie. On appelait autrefois crocs de braque^ deux parties
saillantes à la partie extérieure de la culasse d'une bouche
à feu, servant à maintenir la brague de la pièce. Un des
crocs les plus importants est le croc de la poulie de capon,
destiné à épouser la cigale de l'ancre. Etant donné son
poids auquel vient s'ajouter d'ailleurs celui de la poulie
de capon estrapée en fer, à trois réas de bronze, on le ma-
nœuvre à l'aide d'un bout de filin. Mais on a soin aupa-
ravant d'affaler un homme sur le jas de l'ancre, pour aider
à la manœuvre. Le garant de capon doit se passer de ma-
nière que le croc de la pouHe soit tourné en dedans. On
munit également de crocs les poulies destinées à hisser les
embarcations sur les porte-manteaux. Ce dispositif acquiert
une importance toute particulière dans les cas pressés,
lorsque, par exemple, il s'agit de sauver un homme tombé
à la mer. Il est inutile d'insister sur l'intérêt qu'il y a,
dans cette circonstance, à mettre à la mer le plus vite
possible une embarcation de sauvetage. Or, le système
actuel de pattes et de poulies ne permet pas une manœuvre
assez rapide et, depuis fort longtemps, les marins recher-
chent un appareil simple et capable de remplir le deside-
ratum énoncé ci-dessus. Il faut que l'embarcation puisse
Croc à échappement du capitaine Kynaston.
être mise très rapidement à la mer et que le dispositif
employé permette de la rehisser sans trop de difficultés, à
la fin de sa mission de sauvetage. Divers systèmes ont été
proposés dans ce but. Nous en citerons deux à titre
d'exemples : l'appareil du capitaine de vaisseau Kynaston,
de la marine royale anglaise, dont on comprend le fonction-
nement à la seule inspection de la figure. Dès que l'em-
barcation n'est plus qu'à une petite distance de l'eau, il
suflit de larguer le garant tourné sur l'un des taquets : les
crocs s'ouvrent d'eux-mêmes et le canot se dégage. Ce
système a été expérimenté avec succès sur les bâtiments
de commerce et les bâtiments de guerre anglais. Les rap-
ports sont très favorables.
Le dispositif, dit de Brest, parait plus simple encore
sinon plus pratique. On l'employait depuis longtemps en
marine pour servir d'échappement aux chaînes de suspente
de basses vergues et aux braguets de bout-dehors de grand
foc, quand on eut l'idée de l'adapter aux canots de sau-
vetage. L'embarcation étant sur ses palans, de petites cla-
vettes maintiennent les leviers d'échappement. Il suflit de
retirer ces clavettes dès que l'embarcation est à l'eau, pour
dégager instantanément les palans. Ce système, essayé à
Brest, a donné de bons résultats. Néanmoins, aucun dis-
positif de ce genre n'a été rendu réglementaire sur les
bâtiments de l'Etat. Il n'en est point de même à l'étran-
ger, notamment en Angleterre où, dès 1858, un appareil
dû à l'invention de M. Chfford fut installé sur les navires
de la flotte.
BiBL. : Archéologie. — Gay, Glossaire archéologique^
p. 449. — Armandi, Histoire des éléphants, p. 168.-— Bosc,
Dictionnaire du bibelot., p. 241.
CROCCHIA, peintre italien du xvi® siècle, élève de Ra-
^ 43B-
CROCCHIA - CROCEINE
phaël, dont il s'inspira avec succès dans ses peintures de
l'église des Capucins à Urbin.
BiBL. : Baldinucgi, Notizie dei Professori del Disegno.
CROCE. Gom. du dép. de la Corse, arr. de Bastia,
eant. de La Porta; 520 hab.
CROCE (Baldassare), peintre, né en 4453 à Bologne,
mort en 4528. Il a vécu longtemps à Rome et y a peint la
coupole du Gesù et V Histoire de la chaste Suzanne ; il
a travaillé également au palais public de Viterbe. Malvasia
le range parmi les élèves d'Annibal Carrache dont il au-
rait reçu les leçons à un âge assez avancé déjà.
CROCE (Francesco Rizzo da Santa), peintre de Ber-
game ; il travaillait de 1507 à 4542. On trouve dans
l'église paroissiale de Serina un tableau de ce peintre
signé Francesco Rizo da Santa Croce dépense (4548);
un autre tableau d'église à Endine porte la mention :
Franciscus Mzus Bergomensls, habitator Venetiis
(1529); le dernier est daté de 4544 et se voit dans
l'église de Chirignano. Lanzi pense avec raison qu'on a
tort de considérer ce peintre comme fils de Girolamo da
Santa Croce, auteur d'ouvrages beaucoup moins archaïques,
sur l'un desquels on relève la date de 1549.
CROCE (Girolamo da Santa), sculpteur napolitain, né
en 4502, mort en 4537. Il était élève de Matteo da Siena,
et a laissé d'excellents bas -reliefs et une statue de la
Madone qui se voit dans l'église de Monte Oliveto à
Naples.
CROCE (Pietro-Paolo da Santa), peintre de Bergame ;
il travaillait en 4594. Selon le Guida ai Padova, ce
peintre appartiendrait à la même famille que Francesco et
Girolamo (V. ci-dessus). On voit de lui une Madone à
i'Arena de Padoue et quelques autres tableaux de sainteté
dans les églises de cette ville.
CROCE (Giulio-Cesare délia), littérateur italien, né à
Perficeto, près de Bologne, en 4550, mort en 4620. C'est
l'auteur d'un assez grand nombre de pièces facétieuses des
plus recherchées et des plus rares. Les suivantes sont
mentionnées dans le catalogue de la bibliothèque de M. Libri
(4847) : Il Pulice^ canzone ridicolosa e bella sopra
una vecchia et una giovane che si spiiligavano una
sera (Milan, 1593) ; Notte sollazzevole di cento enimmi,
ovvero indovinelli piacevoli (Bologne, 4594); Canzone
di Madonna Disdignosa, sorella di Madonna Tenerina
(Bologne, 4594); VArte délia forfantaria (Bologne,
vers 4600); VUccelliera (Bologne, 4606) ; Salazzo fan-
tastico e bizzaroper dare ricetto a tutti i miseri afjlitti
(Bologne, 4607) ; VEccellenza e trionfo del porco (Fer-
rare, 4594); Chiacchiaramenti , viluppi^ intrichi,
travagli et cridalesmi fatti net sbagagliamento (Bolo-
gne, 4592), etc. Il donna sous le nom de VAccademico
Friisto une comédie intitulée : Banchetto de' malcibati
(Ferrare, 4596). On lui attribue l'histoire si populaire en
Italie de Bertoldo et Bertoldino ; il est probable qu'il n'a
fait que rédiger et amplifier des facéties qui avaient
cours depuis longtemps dans le peuple. Ce récit de
Croce est en deux parties : Astutie sottilissime di Ber-
toldo dove si scorge un villano aecorto e sagace^ etc.
(Ronciglione, 4620); le Piacevoli e ridicolose sim-
plicità di Bertoldino figliulo del già astuto e aecorto
Bertoldo (Ronciglione, 4620) ; Bertoldo est l'homme rusé
et mdin; Bertoldino, le Jocrisse. Cette histoire a été plu-
sieurs fois mise en français : Histoire de Bertholde, etc.
(La Haye, 4750) ; le Roi et le Paysan^ par Emile Moreau
(Paris, 4888), etc. En Italie, elle s'est réimprimée sans
interruption jusqu'à nos jours en de petites plaquettes sur
papier à chandelles analogues aux impressions si connues
de Troyes, généralement illustrées d'images bizarres et
portant parmi ses sous-titres cette mention : Opéra piena
di moralità e di spasso. L'exemplaire en ce genre que
nous avons sous les yeux est un in-46 carré de 64 pages,
imprimé à Colle en 4829. R. G.
BiBL. : Brunet, Manuel du Libraire^ aux mots Croce
et Bertoldo. — Bibliothèque des Romans, septembre 1871.
— Catalogue de la bibliothèque de M. Libri ; Paris, 1847.
— G. Passano, / Novellieri italiani in prosa; Turin, 1878,
2 vol. in-8.
CROCE (Vincent Alsario délia), médecin italien (V.
Alsario).
CROCE (Clément de La), peintre d'histoire et de por-
traits, né à Burghausen en 4783, mort en 4823. Il était
fils du peintre Jean-Népomucène de La Croce, et a peint
en Autriche et en Bavière une quantité d'excellents por-
traits et de tableaux d'histoire et de sainteté qui se voient
à Adelkofen, Eyberg, Pleiskirchen, Wasserburg, etc. —
Il eut pour frère Antoine de La Croce qui fut également
un peintre estimable.
CROCÉ-Spinelli (Joseph-Eustache), aéronaute français,
né à Montbazillac (Dordogne) le 40 juil. 4845, mort en
ballon le 45 avr. 4875. Ancien élève de l'Ecole centrale
des arts et manufactures, il écrivit quelques articles de
critique dans la Bépublique française, puis s'adonna à
l'aérostation et fut l'un des premiers membres de la société
française de navigation aérienne, qui l'élut vice-président.
En 4874, il fit avec Sivel (V. ce nom), quelques ascen-
sions à de très grandes hauteurs. Le 23 mars 4875, ces
deux aéronautes, accompagnés de Jobert et des frères Tis-
sandier, exécutèrent avec le ballon /^ Z^/ii^/i (3,000 m. c.)
le plus long voyage aérien qui ait été encore accompli (22
heures 40 m.), le 45 avr. suivant, avec M. Gaston Tis-
sandier seulement, ils s'élevèrent à onze heures et demie
du matin, dans le même aérostat, de l'usine à gaz de La Vil-
lette, à Paris. A une heure et demie, ils avaient atteint
l'ait, de 8,600 m.; tous trois s'étaient évanouis à 8,000 m.
Le ballon, ramené de lui-même par sa perte de gaz à des
régions inférieures, descendit lentement. Vers 7,000 m.,
M. Tissandier se réveilla; ses deux malheureux compa-
gons gisaient au fond de la nacelle. Ils avaient probable-
ment succombé à la privation d'air résultant delà dépres-
sion atmosphérique. A 8,600 m., la hauteur de mercure
n'est en elfet que de 0*^26. L'atterrissement eut lieu vers
quatre heures à Ciron (Indre), dans les propriétés du
comte de Bondy ; un monument commémoratif y a été
élevé. L. S.
BiBL. : G. Tissandier, Histoire de mes ascensions; Pa-
ris, 1878, pp. 259-314, in-8.
CROC EFISSI (Simone de'), ou Simone d'AvANZi, peintre,
qui florissait à Bologne dans- le dernier du quart du
XIV® siècle. On le croit élève de Vitale de Bologne, et son
surnom lui vient du talent spécial avec lequel il a peint
des Crucifix qui se voient dans difi'érentes églises de Bo-
logne, notamment à San Stefano ; le meilleur est celui de
San Giacomo Maggiore, daté 4370. On connaît encore
de ce peintre un Couronnement de la Vierge et des
Madones dont l'une se voit à San Michèle in Bosco.
CROCEINE (Teint.). Les stigmates du safran {crocus
sativus), contiennent une matière colorante nommée cro--
céine ou crocine, safranine, etc., étudiée par BouiUon-
Lagrange, Vogel, Henry, Quadrat, et sur laquelle nous
n'avons que peu de renseignements, vu que ces chimistes
ne sont pas arrivés à des résultats concordants ; cependant
les travaux de W^eiss, publiés en 4868, paraissent jeter
un jour nouveau sur la question ; d'après ce savant, la
matière colorante du safran est un glucoside, qu'il appelle
polychroïte. Pour l'obtenir, on épuise le safran séché à
400°, par de Téther, afin de le débarrasser des matières
grasses et résineuses ; on le traite ensuite par l'eau, les
principes pectiques, les gommes, le sucre, les matières
minérales se dissolvent ; on les précipite par addition d'alcool,
on filtre la solution alcoolique, et on ajoute de l'éther ; la
polychroïte se dépose sous forme d'un précipité rouge
orangé, ayant la consistance du miel, donnant car la des-
sication une masse rouge, à cassure vitreuse, déliquescente,
soluble dans l'eau etPalcool étendu, peu soluble dans l'alcool
fort. La polychroïte chaufi'ée avec de l'acide sulfurique
étendu se décompose en crocéine ou crocine, en une huile
essentielle et en sucre. La crocéine a pour formule C^^ H^^ 0^^;
elle se présente sous forme d'une poudre rouge peu soluble
dans l'eau, soluble dans l'alcool d'où elle est précipitée par
CROCÉINE — CROCHET
- 436
Féther ; les alcalis étendus la dissolvent. La crocéine colore
l'acide siilfurique concentré en bleu; par addition d'eau,
la solution devient lilas, puis jaune orangé ; l'acide azotique
la dissout en vert. La matière colorante du safran, jadis
fort en usage en teinture, n'est plus employée aujourd'hui
qu'en confiserie pour la coloration des sucreries et liqueurs
et en pharmacie.
Sous le nom de crocéines, on désigne aussi une nouvelle
classe de matières colorantes tétrazoïques, jaunes et rouges,
dérivées de la naphtaline ; ces couleurs ont été brevetées
par Fr, Bayer en 1884. On obtient les écartâtes par l'ac-
tion du dérivé diazoïque des acides amidobenzolsulfoniques
ouamidotoluolsulfoniques, sur un dérivé monosulfonique du
p-naphtol. Voici les quantités généralement employées : on
dissout 50 kilogr. d'acide amidobenzolsulfonique dans
500 litres d'eau ; on ajoute de Tammoniaque en quantité
suffisante, on refroidit à 5*^ et on traite par 13 kilogr. d'azo-
tite de soude et 80 kilogr. d'acide chlorhydrique, on laisse
agir quelque temps, puis on verse dans le mélange une solu-
tion de 75 kilogr. d'acide naphtolmonosulfonique dans
500 litres d'eau et 140 kilogr. d'ammoniaque aqueuse. On
obtient aussi des rouges ponceau par l'action du dérivé
diazoïque de l'amidoazobenzol sur les différents acides sul-
foconjugués de l'a et du p-naphtol. Signalons aussi dans ce
groupe le jaune de crocéine breveté par Bayer en 1881 ;
ce colorant ne se trouve plus dans le commerce. C'est un
sel alcalin de l'acide nitro p-naphtolmonosulfonique B. de
Bayer. On l'obtient industriellement en dissolvant 10 kilogr.
d'acide naphtolsulfonique de Bayer, dans 20 litres d'eau,
on verse ensuite 15 kilogr. d'acide azotique à 50 ^/^ en évi-
tant que la température s'élève au-dessus de 40 à 50^ ; on
laisse l'action se faire pendant quelques jours, puis on
neutralise avec du carbonate de potasse, la matière colo-
rante se dépose cristalHsée sous forme de sel de potasse.
Les crocéines teignent la laine et la soie en bain acide, le
mordant employé est l'alun ou le sulfate d'alumine; la
teinture demande , comme du reste pour tous les rouges
azoïques, des précautions pour avoir une teinte uniforme
et éviter les marbrures, c.-à-d. obtenir ce que l'on appelle
en teinture l'unisson. Les crocéines s'emploient aussi sur
coton; on mordance au préalable la fibre dans un des
mélanges suivants pendant quatre ou cinq heures. Pour
10 kilogr. de coton : 500 gr. de stannate de soude,
500 gr. d'alun, 100 gr. de cristaux de soude; ou encore:
200 litres d'eau, 1 kilogr. d'alun, ^ 00 gr. de cristaux de
soude. On tord et on met sécher sans rincer, puis on teint dans
un bain neutre à 40 à 50^ C. En impression, les crocéines
se comportent comme les ponccaux. Ch. Girard.
CROCHE (Mus.) (V. Notation).
CROCHET. I. Technologie. — Patte coudée et dentée,
affectant diverses formes et qui, dans un atelier de menui-
serie, sert à retenir le bois pendant qu'on le travaille. Le
crochet est pris dans une pièce de bois dur et de forme
carrée appelée boîte, qui glisse à frottement dans un trou
carré de l'établi. On peut, à coups de maillet, hausser ou
baisser la boîte, de telle sorte que le crochet puisse, à
volonté, être plus élevé que la surface de la table de plu-
sieurs centimètres, ou l'effleurer tout à fait. C'est contre
ce crochet que l'on fixe, d'un coup de marteau, les planches
qu'on se dispose à corroyer ou à polir. Les dents pénètrent
dans l'épaisseur, le mouvement de la varlope les fait
enfoncer davantage et aucune saiUie ne gêne l'outil dans
son action, puisque le crochet, faisant le sommet de la
boîte, est toujours au-dessous de la face supérieure de la
planche. — Les serruriers donnent le nom de crochet à
la fausse clef, formant un fer recourbé dont ils se servent
pour ouvrir les serrures dont on n'a pas les clefs ; c'est le
rossignol des voleurs. — Il a été parlé à l'article Bro-
derie du crochet employé dans ce métier. L. Knab.
IL Archéologie. — On conserve au musée de Vendôme un
crochet, trouvé en 1866 dans les démolitions du château du
Bouillis (cant. de Morée, Loir-et-Cher), qui paraît remonter
à l'époque mérovingienne. Cet engin, en fonte de bronze, se
compose d'un^ crochet façonné en tête d'oiseau, dont la
hampe est reliée à un nœud sphéroïdal auquel aboutissent
deux branches obliques réunies à la base par une traverse,
de façon à former un triangle ; la décoration consiste en
stries et pointillés. Il est probable que cet ustensile ser-
vait à bander la corde d'une arbalète. Un autre crochet
en fer de même forme, trouvé dans la Seine, est aujour-
d'hui déposé au musée de Rouen. — Le moyen âge a connu
l'usage des crochets pour suspendre les objets soit à la
ceinture, soit le long d'un mur. Ces ustensiles étaient
fabriqués par des crochetiers ou, lorsqu'ils étaient ornés,
par des orfèvres émailleurs. — Dès lexiv® siècle on appelait
crochets les petits instruments dont les dames se servent
pour exécuter un genre particulier d'ouvrage en fil. M. P.
m. Chirurgie. — On appelle crochet toute tige métal-
lique recourbée soit aux extrémités, soit à une seule ;
ces extrémités sont mousses ou pointues. Le crochet
mousse sert à écarter les bords d'une plaie, à soulever ou
isoler un vaisseau ou un organe délicat; parfois les cro-
chets sont plats et destinés à écarter les parties sur une
large surface (écarteurs, abaisseurs ou releveurs, selon
l'usage) ; Vophtalmostat (V. ce mot) rentre dans cette
catégorie. Le crochet mousse sert encore dans les dissec-
tions, ainsi que le crochet aigu de grande dimension et
les crochets aigus de petite dimension (érignes). Le te-
naculum (V.ce mot) est également un crochet aigu. Enfin
il existe des crochets aigus et surtout mousses, de formes
très variées, destinés à l'extraction du fœtus (V. Dys-
tocie et Embryotomie). D'^ L. Hn.
IV. Marine. — Forme que les charpentiers donnent aux
virures, à leurs extrémités, afin de ne pas trop les effiler.
— Le crochet des voihers, fixé au bout du banc de ces
ouvriers par un bout de ligne, sert à maintenir la toile
pendant le travail du voilier.
V. Chemin de fer. — Crochet de traction (V. Atte-
lage).
VI. Architecture. — On appelle crochet ou feuille à
crosse ou encore crosse végétale un ornement très sou-
vent employé dans l'architecture du moyen âge, surtout
depuis le xii^ siècle,
et qui consiste en feuil-
lages dont la tête est
recourbée ou en bour-
geons enroulés. On
sculptait des crochets,
toujours pris à l'origine,
dans la même assise de
pierre, aussi bien dans
les chapiteaux et sur-
tout aux angles où ils
rappelaient les petites
volutes des chapiteaux
corinthiens romains ,
que dans les gorges des
archivoltes ou entre des
colonnettes et dans les
frises dont ils rom-
paient la monotonie, ou
sur les rampants des
gables ou pignons. Les
crochets sont surtout
l'ornement caractéris-
tique de ces derniers pendant toute l'ère ogivale et ils y
forment une décoration analogue à celle des antéfixes sur
les rampants des larmiers des frontons grecs. Nous don-
nons ci -dessus un exemple de crochets consistant en
feuilles phées et inclinées, mais relevées de place en place
pour former une ligne dentelée sur le gable de la porte
Rouge de la cathédrale de Paris. Les crochets ornaient
aussi les flèches qui s'élançaient sur les tours de toutes
les églises, et, de nos jours, lorsque ces flèches ont été
faites ou recouvertes de métal, on a parfois disposé des
crochets de façon à produire, en se rabattant, une marché
Crochets (porte Rouge de la
cathédrale de Paris).
— 437
CROCHET — CROCODILIENS
permettant de poser le pied et ainsi d'atteindre le sommet
de la flèche. Charles Lucas.
VIL Art militaire. — Crochet de sape (V. Sape).
VIII. Mathématiques. — On se sert de crochets [ ] pour
enfermer les quantités soumises à une même opération
lorsque Fexpression de ces quantités renferme déjà des
parenthèses.
Crochets de Lagrânge. — On appelle ainsi des expres-
sions de la forme [a^, a^] que l'on rencontre en mécanique
et qui sont définies par l'identité
«i, a^j, ... oc^i^ sont des fonctions de;?^, p.^^,,, p^^ (/iî^2:
... g^^ et par suite, 2?^, ^2, ... g^, ç^v peuvent aussi
être regardés comme fonctions de a^, «3, ..., a^^. Si les a
sont les constantes qui entrent dans les intégrales des équa-
tions canoniques
dpi ^H dq^ __ (iH
dt dq^ dt dp^
Les parenthèses [aj, a^] sont indépendantes de t. Ce théo-
rème est de Lagrânge.
BiBL. : Archéologie. — Crochet mérovingien^ dans Ma-
gasin pittoresque^ 1877, p. 256. — Gay^ Glossaire archéolo-
gique, au mot Crochet.
Architecture. — Violi.et-le-Duc, Dict. de l'architec-
ture française; Paris, 1868, t. IV, in-8, fig.
Mathématiques. — Lagrânge, Mécanique analytique.
— Cauchy, Résumé d'un mémoire sur la mécanique ce'
leste; Turin, oct. 1831.
CROCHETAGE (V. Bonneterie, t. VIÏ, p. 336).
CROCHON (Alexandre-Romain), homme politique fran-
çais, né à Pont-Audemer le 22 oct. 1759, mort à Pont-
Audemer le 24 nov. 1842. Tour à tour capitaine de dragons,
avocat, administrateur de district, il fut élu député de l'Eure
au conseil des Cinq-Cents en mars 1798. Il y soutint la
politique du Directoire, Membre du Corps législatif après
le 18 brumaire, il en sortit en 1803 et se retira à Rouen,
où il exerça la profession d'avocat. Membre de la Chambre
des représentants des Cent- Jours, il y joua un rôle actif
parmi les libéraux. F. -A. A.
CROCHTE. Com. du dép. du Nord^ arr. de Dunkerque,
cant. de Bergues; 659 hab.
CROGICCHIA. Com. du dép. de la Corse, arr. de Bastia,
cant. de Campile; 512 hab.
CROCIDISME (V. Carphologie).
CROCIDURE (V. Musaraigne).
CROCIFISSAIO (Girolamo Macchïetti, surnommé Giro-
lamo di Francesco deï)^ peintre italien, né à Florence
vers 1535; il vivait encore en 1564. Il fut élève de Mi-
chèle di Rodolfo, travailla quelque temps à Rome avec
Vasari et revint s'établir à Florence 0(1 il a laissé quelques
tableaux très soignés, entre autres un Martyre de saint
Laurent ., à Santa Maria Novella. On trouve trace de son
passage en Espagne, à Naples, à Bénévent, mais on ignore
la date exacte de sa mort.
CROCIUS (Jean), théologien allemand, né à Laasphe le
.28 juil. 1590, mort à Marbourg le 1^' juil. 1659. Il de-
vint à vingt-deux ans prédicateur de cour du landgrave
Maurice de Hesse, à Cassel, et l'année suivante docteur en
théologie. L'électeur Jean Sigismond l'ayant appelé à Ber-
lin, pour y introduire la doctrine réformée, Maurice le lui
prêta pendant deux ans (1616-17). De retour en Hesse, il
devint, à vingt-sept ans, premier professeur de théologie
et membre du consistoire, à Marbourg. En 1624, il dut
quitter cette ville, pendant la guerre de Trente ans, et
demeurer à Cassel, où il publia la plupart de ses écrits de
polémique ; il prit part à plusieurs colloques et conférences
avec luthériens ou catholiques. En 1653, il revint à Mar-
bourg, où l'miiversité réformée avait été rétablie, et en
xedevint le recteur. Prédicateur distingué, d'une stature
imposante, il travailla à l'union des deux Eglises luthé-
rienne et réformée de Félectorat de Hesse. Il publia dans
ce but une agende {Kii'chenordmmg) pouvant servir aux
deux.
CROCODILE. I. Zoologie.— Genre de Sauriens Hydro-
sauriens, de la famille des Crocodilida^, dont les princi-
paux caractères sont les suivants : dents antérieures de la
mâchoire inférieure reçues dans des fossettes correspon-
dantes aux intermaxillaires ; dents canines (4® dent du
maxillaire inférieur) reçues dans une échancrure du bord de
la mâchoire supérieure. Pattes postérieures à membrane na-
tatoire entière ; les plaques dorsales seules existent. La forme
la plus commune de ce genre est le Crocodilus vulgaris
Cuv. ou Crocodile du Nil ; il se différencie de ses con-
génères surtout par la disposition des écussons. Sur la
nuque on remarque quatre petits écussons carénés, dis-
posés par paires ; le nombre des plaques de la région dor-
Crocodilus vulgaris Cuv.
sale est de quinze ou seize ; on trouve sur la queue dix-
sept à dix-huit écussons disposés par paires, et dix-huit à
vingt impairs ; la teinte générale est d'un vert plus ou
moins foncé, parsemé de taches noirâtres ; le ventre est
d'un jaune sale. Cette forme, connue depuis la plus haute
antiquité se trouve dans tous les fleuves d'Afrique ; c'est elle
dont le culte était en honneur en Egypte, ainsi que le té-
moignent les momies sacrées recueillies notamment dans
les caveaux de Moabites, et dont la figure se retrouve sur
les monuments égyptiens les plus anciens. l\ peut atteindre
une taille considérable, et sa férocité le fait redouter de
tous les animaux et de l'homme lui-même. Nous l'avons
observé en Sénégambie ; nous ne pouvons ici donner les
renseignements et les observations que nous avons re-
cueillis sur ses moeurs et ses habitudes, l'espace nous
faisant défaut. Nous insisterons cependant sur un fait
rapporté par Hérodote au sujet des Bdelles dont le palais
de ces animaux est couvert, et du Trochilus venant se
repaître de ces Bdelles, tandis que le Crocodile tient com-
plaisamment la gueule ouverte pour lui faciliter sa cap-
ture. La nature de ces Bdelles a été longtemps un sujet
de discussion. Nous avons été assez heureux pour les
observer et en rapporter de nombreux spécimens que
nous avons étudiés avec M. le D^ Poirier, et nous avons
pu établir qu'elles constituent un genre nouveau d'Hiru-
dinées auquel nous avons donné le nom de Lophobdella
Quatrefagesi, Rochbr.
IL Paléontologie (V. Crocodiliens).
III. Métallurgie (V. Cinglage).
BiBL. : Sauvage, dans Breiim, Reptiles^ éd. franc. — Du-
MÉRïL et BiBRON, Erpét. génér. — De Rochebrune, Faune
de la Sénégambie., Reptiles. — Du même et Poirier,
Comptes rendus Ac. des sciences.
CROCODILIENS. I. Zoologie. — Ordre des Sauriens-
Hydrosauriens, à plaques dermiques osseuses, à dents implan-
tées dans les alvéoles et n'existant que sur les maxillaires ;
munis de quatre pattes en partie garnies de griffes et d'une
longue queue carénée. Tous les Crocodiliens actuels sont
Procéliens, c.-à-d. que la face antérieure du corps de la
vertèbre est concave et la face postérieure présente une
convexité ou tête assez développée. Une particularité
propre aux Crocodiliens consiste dans la présence de carti-
lages ventraux se prolongeant Jusqu'au bassin; ils forment
en quelque sorte la continuation du sternum ou plutôt de
CROGODILIENS •- CROCQ ^ 438
Fappareil sternal. Les vraies côtes en effet ou côtes dor-
sales se réunissent au sternum par l'intermédiaire de pro-
longements recourbés et plies à angle aigu ; ce sternum
reste cartilagineux à l'exception d'une seule pièce, plate,
dont la partie antérieure se porte sous le cou ; c'est en
arrière que se voient les cartilages ventraux dont il vient
d'être parlé. Par une exception unique dans tout le groupe
des vertébrés à sang froid, dit Sauvage, il existe chez les
Crocodiliens un rudiment d'oreille externe. Il consiste en
des replis de la peau du crâne circonscrivant une étroite
fente transversale, au fond de laquelle s'ouvre la mem-
brane du tympan. Par leur cœur, les Crocodiliens pré-
sentent, dit encore Sauvage, la réalisation d'une séparation
complète non pas des deux sangs (artériel et veineux),
mais des deux cavités du ventricule. Tout en conservant
encore des caractères éminemment reptiliens, ce cœur n'en
commence pas moins à représenter le type que l'on voit
chez les oiseaux et les mammifères. Les Crocodiliens se
rencontrent dans toutes les parties du monde excepté
l'Europe. Ce sont des animaux aquatiques et essentielle-
ment carnassiers; ils sont plutôt nocturnes que diurnes,
chassant la nuit et restant le jour cachés sur les berges
des cours d'eau au milieu des joncs et des roseaux. Les
Crocodiliens peuvent être divisées en trois familles parfaite-
ment caractérisées : les Crocodiliàœ^ les Gavialidœ et
les Alligatondœ, Rochbr.
Distribution géographique, A l'époque actuelle les
Crocodiles proprement dits sont confinés dans les régions
chaudes des deux hémisphères, c.-à-d. dans les régions
orientale, éthiopienne et néotropicale ; on en trouve éga-
lement à Madagascar, à la Nouvelle-Guinée et dans le nord
de l'Australie. Les Alligators ou Caïmans ont longtemps
été considérés comme propres à l'Amérique intertropicale,
une espèce de ce genre remontant jusqu'au Mississipi :
tout récemment, ce genre a été retrouvé en Chine, dans le
Yang-tse-kiang ou fleuve Bleu, sur la limite des régions
orientale et mantchourienne (A. sinensis). Enfin les Ga-
vials ne se trouvent que dans la région orientale et la
Nouvelle-Guinée.
II. Paléontologie. — La distribution géographique
actuelle des Crocodiliens (V. ci-dessus), est la conséquence
de ce fait que les trois types modernes {Crocodilus^ Alli-
gator^ Gavialis) descendent d'une souche commune et ont
coexisté, à l'époque tertiaire, sur tous les points du globe.
Les premiers Crocodiliens devaient avoir des mœurs beau-
coup plus franchement marine's que celles des Crocodiles
actuels qui s'écartent peu des estuaires et vivent par con-
séquent dans l'eau saumâtre ou dans l'eau douce. Le genre
Belodon (V. ce mot), du trias d'Allemagne, avait les narines
rejetées vers le sommet du crâne, en forme d'évents, ce qui
devait faciliter la natation, comme chez les Cétacés actuels.
Les genres Palœosaurus^Stoganolepis, Parasuchus, etc.,
présentent la même conformation, — Les genres Aeto-
saurus^ Dyoplax et Typothorax sont de la même époque
et prennent place dans un second groupe éteint où les
narines sont latérales. — Les Crocodiliens à narines ter-
minales, c.-à-d. réunies à l'extrémité du museau, sont les
seuls qui aient survécu. Les Teleosauridœ^ kmme3iu long
et étroit comme celui des Gavials, sont du lias et du
jurassique supérieur : les genres Teleosaurus, Metrio-
rhy fichus y Steneosaurus, Mlodon^ Pholidosaurus^ Jho-
racosaurus^ lomistoma, se rattachent à ce groupe. Les
Gavials se montrent dans le crétacé d'Europe {Rham-
fhostoma), et se continuent dans le tertiaire du même
pays, émigrant en Asie à l'époque pliocène.
Les Crocodiles à museau gros et court ont eu pour pré-
curseurs, dans les mers jurassiques, les genres Atopo-
saurus et Alligatorellus qui sont représentés en Europe.
TheriosuchuSy genre du Purbeckien d'Angleterre, était de
petite taille (40 centim. de long), et Nanosuchus était
seulement un peu plus grand. Goniopholis atteignait
2 m. de long. A l'époque tertiaire, les deux genres Cro-
codilus et Alligator sont déjà nettement séparés. Au pre-
mier appartient le Crocodilus toliapicus de Fargile de
Londres, et le Cdepressifronsàn Soissonnais; aux seconds
VAIL parisiensis du gypse de Montmartre. Ces crocodi-
liens avaient les mœurs actuelles de la famille, c.-à-d.
habitaient les eaux douces : ils n'atteignaient pas une
grande taille.
Les divisions anciennement établies par Owen dans
l'ordre des Crocodiliens d'après la forme des vertèbres
(en Procœliens, Amphicœliens et Opisthocœliens), sont
peu naturelles et d'une application difficile, la forme des
vertèbres étant variable, souvent dans la même espèce,
suivant qu'il s'agit d'une vertèbre cervicale, dorsale, lom-
baire ou caudale. Huxley a proposé, plus récemment, de
subdiviser cet ordre, d'après la disposition des os qui for-
ment la voûte du palais et les fosses nasales, en Parasu-
chia, qui sont les Crocodiliens primitifs {Belodontidœ),
Mesosuchia pour les Teleosauridce ou Crocodiliens secon-
daires, et Eusuchia pour les formes tertiaires et actuelles.
Enfin Zittel, dans son Handbuch der Palœontologie,
t. 111(4890), divise les Crocodiliens en trois sous-ordres:
'P Parasuchia pour les Belodontidœ, 2^ Pseudosuchia
pour les Aetosauridœ, et 3° Eusuchia pour tous les
autres. Ces derniers se subdivisent en Longirostres avec
les familles des Teleosauridce ^ Metriorhynchidœ, Macro-
rhynchidœ (Pholidosaurus), Rhynchosuchidœ (Thora-
cosaurus) et Gavialidœ. Les Brévirostres comprennent
les Atoposauridœ, Goniopholidœ^ Bernissartidœ, Alli-
gatoridœ et Crocodilidœ. E. Trouessart.
BiBL. : Zoologie.— Sauvage, dansBREHM, édit. franc.,
Reptiles. — Duméril et Bibron, Erpét. génér. ~ Claus,
Traité de zoologie, édit. franc, de Moquin-Tandon.
Paléontologie. -— A. Gaudry, Eiichaînements du
monde animal {Fossiles secondaires)., 1890, p. 255. —
Huxley, Manual of Anatomy of Veriebrated Animais^
1872. — NiCHOLSON, Manual o[Pal3eontology., 1889, 2^ édit.
— Owen, Monograph of Fossil Reptilia {Palœontographi-
cal Society), 1850-1877. — K.-A. Zittel, Handbuch der
PaldBontologie, lïl, 1890, pp. 633-689.
CROCODILOPOLIS (Géogr. anc). Nom de plusieurs
villes anciennes situées l'une'sur la côte de Samarie ; une
autre en Thébaïde à l'O. du Nil ; la plus célèbre est celle
qui était au bord du lac Mœris, le ch.-l. d'un nome de la
moyenne Egypte, et prit le nom à'Arsinoé (V. ce mot).
On y vénérait des crocodiles. Dans le voisinage était le
fameux Labyrinthe (V. ce mot). Elle eut un évêché à
l'époque chrétienne et fit partie de la prov. d'Arcadie, On
voit ses ruines près de Medinet-el-Fayoum.
CROCOTA. Transcription latine d'un terme grec dont
les antiquaires se servent quelquefois pour désigner une
espèce particulière de robe couleur de safran que por-
taient certaines élégantes en Grèce et à Rome et qu'affec-
taient de porter aussi les raffinés aux mœurs efféminées.
On n'a point de notions précises sur la forme exacte de ce
vêtement. J. M.
BiBL. : Daremberg et Saglio, Dictionnaire des anti-
quités., art. Crocota,
CROCQ. Ch.-l. de cant. du dép. de la Creuse, arr. d'An-
busson; 1,074 hab. Foires et marchés importants, men-
tionnés dès 4261. Crocq est situé sur un monticule (ait.
768 m.), qui domine la Tarde, affluent du Cher, et l'on
aperçoit d'une grande distance les deux tours subsistantes
de son ancien château. Autrefois pays de franc-alleu, dio-
cèse de Clermont, archiprêtré d'Herment. La commune
actuelle englobe l'ancienne paroisse de Monteil-Guillaume.
Histoire. — Crocq n'est mentionné dans les documents
qu'au xni® siècle, mais il est vraisemblable que son château
féodal fut bâti à la fin du xn^ par Robert, dauphin d'Au-
vergne, en même temps que celui de Montrognon, près de
Clermont-Ferrand. La seigneurie s'étendait sur plusieurs
paroisses voisines; elle a successivement appartenu aux
dauphins d'Auvergne, puis aux familles de Châlus, de
Chauvigny, de Beaujeu, du Peschin, de la Tour d'Auvergne,
de La Porte, d'EflSat, du Ligondès, de Bertin et d'Ussel.
L'église de Crocq fut donnée"^ en 1249 au chapitre d'Her-
ment par l'évêque de Clermont. La ville fut ravagée par
«- 439 --=
CROCQ ^ CBOFTON
les Anglais qui occupèrent le château, probablement en
4357 ; la charte de commune fut perdue à cette occasion
et nous ne la connaissons que par quelques mentions qui
n*en fixent pas la date primitive. Les consuls subsistèrent
jusqu'en 1789. En 4426, Charles VU accorda à la ville une
exemption complète d'impôts pendant huit ans pour lui per-
mettre d'achever la construction de ses remparts, com-
mencée par Jacques du Peschin. Delphine de Montlaur,
dame de Crocq, fonda un chapitre collégial dans cette petite
ville en 4444; on attribue aussi à cette dame la donation
d'un très curieux triptyque, encore aujourd'hui conservé
dans l'église de Crocq, jui représente, en sept panneaux sur
bois, la vie de saint Eloi, patron de la paroisse. On dit géné-
ralement que c'est de la ville de Crocq que le nom de Cro-
quants (V. ce mot) fut donné aux paysans révoltés en 4592 :
c'est une erreur, résultant d'une simple simihtude de nom.
De 4774 à 4774, Clément de Feuillette, membre du par-
lement de Paris exilé par Maupeou, habita Crocq et dépensa
une partie de sa fortune pour Tembellissement de la ville.
On cite comme né à Crocq le comte Joseph Cornudet des
Chaumettes. Il est probable que l'évêque et philosophe du
moyen âge Pierre d'Auvergne était originaire de cette petite
ville (V. Auvergne [Pierre d']). Ant. T.
BiBL. : Tardieu et Boyer, Histoire illustrée des villes
d'Auzances et de Crocq; Limoges, 1888.
CROCQ (Le). Com. du dép. de l'Oise, arr. de Clermont,
cant. de Crèvecœur ; 263 hab.
CROCUS (Crocus Tourn.) (Bot.). Genre de plantes de
la famille des Iridacées, composé d'herbes à bulbe solide, à
feuilles longuement linéaires,
à fleurs hermaphrodites, assez
grandes, d'un violet pâle, plus
rarement jaunes ou blanches,
paraissant naître directement
du bulbe (la tige étant réduite
à un axe très court) et renfer-
mées dans des spathes avant
leur épanouissement. Le pé-
rianthe est infundibuliforme,
à tube très allongé, soudé avec
l'ovaire, à limbe partagé en
cinq lobes pétaloïdes, disposés
sur deux rangs. Le fruit, cap-
sulaire, renferme de nom-
breuses graines globuleuses,
pourvues d'un albumen corné.
— Les Crocus croissent prin-
cipalement dans la régon mé-
diterranéenne et dans l'Asie
orientale. On en connaît une
quarantaine d'espèces, dont
plusieurs sont cultivées com-
munément comme plantes
d'agrément. Tels sont notam-
ment le C. vernus AIL, des ré-
gions un peu élevées des Alpes,
des Pyrénées, du Puy-de-Dôme et du Jura, le C. luteus
Lamk, d'Orient, le C. versicolor Ker., le C. speciosiis
Bieb., etc. — Le C. sativiis L., que l'on croit origmaire de
l'Orient, est depuis fort longtemps cultivé en grand dans
plusieurs contrées de l'Europe, notamment en Espagne, en
Italie, en Grèce, en Allemagne et en France, surtout aux
environs de Vaucluse, d'Avignon et de Pithiviers. Ses
styles, très développés et d'un jaune foncé, constituent le
Safran du commerce (V. Safran). Ed. Lef.
CROCUS (Corneille), théologien et littérateur hollan-
dais, né à Amsterdam vers la fin du xv® siècle, mort à
Rome en 4550. Nommé recteur des écoles latines d'Ams-
terdam, il montra un grand zèle pour l'instruction de la
jeunesse. A cinquante ans il entra dans l'ordre des jésuites.
On a de lui différents ouvrages sur des sujets de théologie
et de grammaire et une comédie intitulée Josephus Castus
(Anvers, 4548, in-8).
Crocus sativus L.
CROC Y. Com. du dép. du Calvados, arr. de Falaise, cant,
de Morteaux-Coulibœuf ; 543 hab. Eglise du xv® siècle.
Ruines du prieuré de Moinerie (xni® siècle).
CRODEGANG, évêque de Metz (V. Chrodegang [Saint]).
CROESER DE Berges ( Charles-Enée , baron, puis
vicomte), généalogiste belge, né à Bruges le 44 juil. 4746,
mort à Bruges le 24 janv, 1828. Maire de sa ville natale;
membre des Etats provinciaux, président du corps équestre
de la Flandre occidentale, il est auteur de plusieurs ouvrages
sur la noblesse : Abrégé généalogique de la parenté
de Michel Drieuco (Bruges, 4785, in-8) ; Généalogie
de la famille d'Audejans (4789); Histoire généalo--
gique de la famille de Croeser (Bruges, 4790, in-foL);
Généalogie de la très noble et ancienne famille de
Stochove (Bruges, 4790,in-fol.); Généalogie, épitaphes^
Mémoires et inscriptions sépulchrales (Bruges, 4790),
CRŒSUS, roi de Lydie de 563 à 548, le dernier
prince de la dynastie des Mermnades et le dernier roi de
Lydie. Fils d'Alyatte et d'une femme carienne, il fut
d'abord gouverneur de Lydie, pendant une douzaine d'an-
nées, puis succéda à son père. Il fut un roi puissant,
étendit beaucoup sa domination; à l'O., il soumit les
Grecs de l'Ionie, et conclut une alliance avec ceux des îlesj
qu'il ne pouvait atteindre n'ayant pas de flotte ; àl'E,, il
recula sa frontière jusqu'à l'Halys. Hérodote nous a
transmis au sujet de ce roi, dont la splendeur et la des-
tinée tragique frappèrent fort l'imagination hellénique,
des récits légendaires d'un réel intérêt. Les trésors amon-
celés par Crœsus dans- sa capitale sont demeurés prover-*
biaux ; ses rapports avec l'oracle de Delphes sont certains ;
il n'en est pas de même du récit de la visite que Solon aurait
faite au roi de Lydie ; on conte que Crœsus se croyant le
plus heureux des hommes, le sage émit une opinion con-
traire, déclarant que nul ne pouvait être dit heureux avant
sa mort. Bientôt la mort du fils de Crœsus, Atys, vint con^
firmer ce jugement. Puis le roi de Lydie fut mis aux prises
avec Cyrus après la ruine de son beau-frère Astyage. Il
consulta l'oracle de Delphes qui lui répondit qu'en passant
l'Halys il détruirait un grand royaume. Il le franchit donc
et livra bataille aux Perses près de Pteria (549) ; l'issue
fut indécise. Crœsus rentra chez lui et licencia son armée.
Il fut surpris après la campagne, pendant l'hiver, par une
brusque offensive de Cyrus qui parut devant sa capitale ;
la cavalerie lydienne fut battue et quatorze jours après
Sardes prise d'assaut. Crœsus prisonnier fut bien traité par
le vainqueur (grâce à la protection d'Apollon, affirmèrent
les Grecs). Il figura ensuite à la cour de Cyrus et de Cam-
byse dont il fut un conseiller apprécié. Sa fin est ignorée.
CROFT (William), musicien anglais, né dans le comté
de Warwick en 4677, mort à Londres en 4727. Il fut
chanteur et organiste de la chapelle royale d'Angleterre,
et docteur en musique. Son principal ouvrage, Musica sa-
cra, or sélect Anthems in score for 2-8 voices (Londres,
4724, 2 vol. in-foL), passe pour le plus ancien essai de
musique gravée en partition en Angleterre. Croft a publié
aussi trois recueils de pièces instrumentales.
CROFT (Sir Herbert), littérateur anglais, né à Londres
en 4751, mort à Paris en 4846. H étudia le droit à Oxford
et entra dans le barreau à Londres. En 4782, il renonça à
cette profession pour suivre la carrière ecclésiastique. Il
cultiva les lettres avec succès . On cite parmi ses publica-
tions notamment son roman Love and Madness. Dans la
Vie des poètes, par Johnson, la biographie de Young est
de Croft. Il collabora, en outre, au dictionnaire anglais de
Johnson. G. Q.
CROFTON (Sir Walter-Frederick), administrateur an-
glais, né à Courtrai en 4845. Fils d'un capitaine tué à
Waterloo, il entra à l'école de Woolwich, fut nommé dans
l'artillerie royale (4833), devint capitaine en 4845 et dé-
missionna quelque temps après. De 1854 à 4862, il fut
président du conseil des directeurs des prisons d'Irlande
et, en cette qualité, eut à appliquer la fameuse loi sur la
libération conditionnelle de 4853. H s'acquitta brillamment
CROFTON — CROISADE
— 440 —
de ses fonctions, fut nommé commissaire des prisons en
1866 et' demeura en ce poste jusqu'en 4868. En 1869, il
entra au conseil privé d'Irlande et présida le bureau des
prisons d'Irlande de 4877 à 4878. Il fut encore magistrat
du Wiltshire. R. S.
CROFTS (Ernest), peintre anglais contemporain, né à
Leeds le 45 sept. 4847, élève de Clay et de Hunten (de
Dusseldorf). Il exposa : Retraite d'un corps français
en •/^70(1874); Bataille de Ligny{iSlo); le \latin
de Waterloo (4876) ; Cromwell à Marston-Moor (4877);
Wellington aux Quatre-Bras (4878) ; George II à Det-
tingen (4884), etc.
CROÏA ou KROÏA. Ville de la Turquie d'Europe. Elle est
située dans la Haute-Albanie. Sa pop. est de 5,000 hab.
Elle s'élève sur un rocher presque inaccessible. Elle est la
patrie de Scanderbeg. L. L.
CROIGNON. Corn, du dép. de la Gironde, arr. de Bor-
deaux, cant. de Créon ; 225 hab.
CROISADE. On donne ce nom aux expéditions entre-
prises du xi^ au xm^ siècle, à l'instigation de la papauté,
pour la déhvrance des lieux saints occupés par les mu-
sulmans. On compte généralement huit croisades, dont
quatre ont eu pour objectif la Palestine même, deux
l'Egypte, une Constantinople, une enfin l'Afrique du Nord.
Avant de raconter la première de ces expéditions, il con-
vient d'exposer brièvement comment l'idée même de croisade
a pris naissance.
Préliminaires . — La découverte des reliques de la Passion
par sainte Hélène, mère de Constantin, en 326, avait créé
un grand courant de pèlerinage vers la Terre sainte. Au
IV® siècle, au v® encore, ce pays est un centre puissant
d'activité religieuse ; saint Jérôme vient y vivre et y mourir,
et son exemple est suivi par une foule de prêtres et de
femmes. L'occupation momentanée de Jérusalem par Chos-
roès (644), la conquête de la Palestine par Omar (638)
apportent quelques entraves à ces pèlerinages. Toutefois, la
domination des premiers kalifes n'était pas assez tyran-
nique pour arrêter les hommes pieux que n'effrayait point
la longueur de la route. Au vu® siècle Arculfe, au viii®
Willibald, pour ne citer que les plus célèbres, parcourent
librement la Judée et la Syrie. Charlemagne profite de ses
relations amicales avec Haroun-al-Raschid pour rendre
moins précaire la situation des églises de Jérusalem ; ses
successeurs suivent cet exemple : dès le ix® siècle, les
princes francs exercent sur les lieux saints une sorte de
protectorat qui plus tard ne fera que se consolider et dont
a hérité la France moderne.
Au IX® siècle donc, au x® encore il n'est point question
de croisade. L'accès des lieux saints est toujours ouvert
aux fidèles. Mais la situation change au xi®. Un kalife en
démence, Hakem, fait en 4040 détruire le temple du Saint-
Sépulcre ; l'église est bientôt reconstruite, mais le coup
était porté, l'impression produite. Vers le même temps,
les invasions musulmanes, arrêtées au viii® siècle devant
Constantinople par Léon l'Isaurien (747-748), devant Poi-
tiers par Charles-Martel (732), redeviennent un danger
pour l'Europe chrétienne. En Espagne, les Almoravides
d'Afrique viennent fortifier l'empire arabe en décadence ;
la plupart des îles de la Méditerranée sont au pouvoir des
ennemis de la foi ; enfin un nouveau peuple entre en scène,
les Turcomans. Descendues des confins de la mer d'Aral et de
la Caspienne, ces hordes mongoliques se présentent d'abord
comme auxiliaires des derniers kalifes de Bagdad, et une
de leurs tribus, les Seldjoukides, règne sous le nom de ces
princes. La guerre sainte reprend. Les Grecs qui ont réoc-
cupé la Syrie septentrionale, les Arméniens devenus indé-
pendants ,'^sont vigoureusement pressés par les envahisseurs.
L'empereur Romain Diogène est battu à Mansikert par Alp-
Arslan (4 07 4), l'Asie Mineure tombeaux mains des Turcs qui
se la partagent et le sultanat des Seldjoukides ou d'ïconium
devient pour la capitale de l'empire une menace perma-
nente. Alexis Comnène, vainqueur des Petchénègues sur
le Danube et en Thrace, doit ensuite défendre ses pro-
vinces occidentales contre les attaques de Robert Guiscard,
et, à la mort de celui-ci (1085), l'empire est trop affaibli
pour profiter de cette rémission. Les Turcs cependant ont
enlevé la Syrie et Jérusalem au kahfe fatimite d'Egypte,
et leurs insultes, leurs cruautés, racontées par les rares
pèlerins qui ont pu pénétrer jusqu'au tombeau du Christ,
sèment en Occident la terreur et l'indignation.
L'Europe chrétienne, profondément affaiblie par l'anar-
chie féodale, était incapable d'une coalition politique. Seul
le sentiment religieux pouvait déterminer les princes et
les barons à une action commune. Aussi l'idée de croisade
naquit-elle dans l'esprit des papes, chefs reconnus du
monde catholique. Sans tenir compte des projets fausse-
ment attribués par quelques érudits à Sylvestre II et à
Sergius IV (4044), on peut admettre que Grégoire VII
le premier conçut le projet d'une expédition armée desti-
née à refouler l'invasion musulmane. En 4074 et 4075, il
fait appel aux princes chrétiens, à tous les fidèles ; il parle
d'une expédition à tenter pour secourir les chrétiens
d'Orient et avant tout l'empire grec, menacé par les infi-
dèles. Les querelles de la cour de Rome avec le roi de Ger-
manie et avec les Normands de Calabre font avorter ces vastes
projets. Cependant les récits des pèlerins, les exhortations
des moines et des prédicateurs vagabonds excitent le senti-
ment chrétien. L'Europe à ce moment est pleine d'hommes
entreprenants que les aventures lointaines séduisent; une
opinion théologique déjà ancienne, répandue partout par
les missionnaires, affirme que les combattants tombés sous
les coups des infidèles obtiennent par là seul les joies du
paradis ; les républiques italiennes, menacées dans leur
existence, entravées dans leur commerce par les Sarrasin s,
s'associent à ce mouvement complexe. L'empire grec enfin
a plus d'une fois réclamé les secours de l'Occident. L'idée
d'une expédition armée se forme, TEurope entière est prête
à se soulever au premier signal du souverain pontife.
Première croisade. — Si Grégoire VII conçut le premier
l'idée d'une expédition armée en faveur des chrétiens
d'Orient, c'est à Urbain II que revient l'honneur d'avoir
donné à ce projet une forme et un objectif bien définis.
Sans nous arrêter aux légendes qui se formèrent dès la
fin du XI® siècle, prétendue lettre d'Alexis Comnène au
comte de Flandre, pèlerinage et vision de Pierre l'Ermite,
nous allons exposer le peu de faits certains que l'on con-
naisse. Soit dans le désir d'affirmer ses droits à la tiare
que lui disputait l'antipape Guibert, archevêque de Ra-
venne, soit pour créer une diversion favorable aux chré-
tiens d'Espagne, accablés par les Almoravides (on savait
si peu de chose alors de l'état politique du monde musul-
man que cette dernière hypothèse n'est pas absolument
invraisemblable), le pape Urbain II se résolut à prêcher et
à faire prêcher la guerre sainte. Peut-être fut-il question
de cette grave affaire au concile de Plaisance (mars 4095),
mais ce fut certainement au concile de Clermont tenu au
mois d'août suivant que la première croisade fut décidée.
Urbain, dans un discours ardent, dont la substance nous
a été conservée, invitait tous les fidèles à s'armer pour
secourir leurs frères captifs, pour arracher les lieux saints
à la tyrannie et aux insultes des mécréants ; il invoquait le
témoignage des chrétiens d'Occident, victimes des cruautés
des Turcs, promettait la vie éternelle à ceux qui suc-
comberaient pour cette sainte cause. Cette parole enflam-
mée souleva l'Europe entière; la ferveur religieuse, le
goût des aventures et de la vie active, le besoin instinctif
de fuir les misères de l'existence, telles sont les causes
principales de la première croisade.
Des prédicateurs populaires se chargèrent de propager
la bonne parole. Le plus célèbre fut Pierre l'Ermite ; il
n'avait jamais pu, quoi qu'en dise la légende, visiter Jérusa-
lem et il n'avait certainement rien fait pour décider
Urbain II à prêcher la croisade. Mais, une fois l'expédition
résolue, on le voit parcourir la France, la Flandre et l'Alle-
magne et déterminer des milliers de chrétiens à le suivre.
Après un hiver entier consacré à ces prédications, il
^ 444 —
CROISADE
arrive à Cologne (avr. 4096) et quitte bientôt cette ville,
suivi de quelques chevaliers et d'une foule de pauvres
gens, multitude sans discipline et sans prévoyance ; un peu
avant lui, une troupe de Français était partie, guidée par
un chevalier du Parisis, Gauthier sans Avoir ; elle atteignit
Constantinople dès le mois de juillet. La marche de Pierre
devait être plus lente et plus difficile. Après avoir débuté
par massacrer les juifs de Cologne, de Spire et de Mayence,
ses bandes traversent paisiblement l'Allemagne entière,
la Hongrie dont le roi Coloman leur fournit des vivres, et
passe le Danube à Semlin. Plus loin, en Bulgarie, les dif-
ficultés commencent. Une partie des croisés périt sous les
murs de Nisch, et les survivants n'atteignent Constanti-
nople que le 30 juil. Alexis, qui juge qu'il n'a rien à
gagner avec de pareils auxiliaires, se hâte de les faire pas-
ser en Asie, en leur donnant l'avis charitable d'éviter les
Turcs. Vain conseil : les pèlerins allemands provoquent les
Sarrasins et s'avancent au delà de Nicée. Battus une pre-
mière fois le 29 sept. , enfermés dans la forteresse de Xérigor-
don, ils sont forcés de se rendre et massacrés. Le reste
de l'armée tombe dans une embuscade près de Nicomédie et
à Civitot ; des vaisseaux envoyés par Alexis ramènent
les débris de l'armée en Europe ; la plupart des survivants
n'ont plus qu'un désir, regagner leur patrie (oct. 4096).
D'autres bandes commandées par Gottschalk, Volkmar,
Emich, comte de Leiningen, avaient de même succombé ;
mais la chevalerie européenne approchait et allait chan-
ger la face des affaires. Les innoml3rables guerriers, nobles
et autres, qui avaient pris la croix, avaient formé dès le
début trois ou quatre armées. La première, composée de
Lorrains et d'Allemands, prend pour chef Godefroy de
Bouillon, duc de Basse-Lorraine, et ses frères Eustache et
Baudouin de Boulogne ; elle traverse l'Allemagne, la Hon-
grie, la Bulgarie et la Thrace en bon ordre et atteint Cons-
tantinople le 23 déc. 4096. La deuxième, composée de
Flamands et de Frisons, sous Robert de Flandre, y arrive
en avr. 4097. La troisième, les Provençaux et les gens du
centre de la France, sous Raimond de Saint-Gilles, comte
de Toulouse et marquis de Provence, arrivent vers le même
temps après avoir passé par l'Itahe du Nord, la Dalmatie
et l'Epire. Bohémond et son neveu Tancrède amènent par
mer, de Brindisi à Durazzo, puis par terre, à travers
l'Epire et la Thrace, les contingents italiens et les Nor-
mands du sud de l'Italie, Enfin, en mai 4097, Robert de
Normandie et Etienne, comte de Blois, passent le Bosphore
à leur tour. Chaque corps au début agit isolément ; rare-
ment les soldats ou les chefs arrivent à s'entendre ; il n'y
a qu'un chef nominal, le légat, Adhémar de Monteil,
évêque du Puy. Le véritable chef de la croisade, jusqu'à
la prise d'Antioche, sera Bohémond; plus tard, la direction
suprême passera plutôt à Raimond de Saint-Gilles ; à aucun
moment Godefroi ne joue dans toute cette longue cam-
pagne le rôle prépondérant que la tradition lui a prêté.
Pendant tout l'hiver de 4096-4097, les négociations
sont incessantes entre Alexis, qui veut s'assurer la posses-
sion exclusive des futures conquêtes des croisés et les
princes occidentaux, qui comptent bien se créer des éta-
blissements aux dépens des Turcs, sans trop se soucier des
droits de l'empereur de Byzance. Bohémond décide la plu-
part de ses alliés à prêter à Alexis un hommage tout pla-
tonique ; l'empereur leur fournit des vaisseaux et des
vivres, et cette immense multitude, aussi nombreuse que
les sables de la mer et les étoiles du ciel, disent les chro-
niqueurs, est bientôt transportée en Asie (avr.-mai 4097).
La première ville à réduire était Nicée, capitale du sultan
Kilidj-Arslan. Ce prince, rassuré par la défaite des com-
pagnons de Pierre l'Ermite, était alors absent ; la place
attaquée à la fois par terre et par eau (les vaisseaux grecs
occupaient le lac Ascanique) est forcée de se rendre après
un mois de résistance (45 mai-49 juin). Alexis en prend
possession et l'armée des croisés se met en marche vers
l'est (27 juin). Trois jours plus tard (4^"^ juiL)> ^^^ se
heurte contre l'armée de secours, commandée par l'émir
Soliman à Dorylée ; la bataille, grâce à la prudence de
Bohémond, est décisive, les Turcs écrasés et les chrétiens
continuent leur marche. Ils pouvaient compter sur l'appui
des populations chrétiennes, indignement foulées par les
musulmans, et sur l'alliance du royaume chrétien d'Armé-
nie, qui s'était depuis peu constitué au N.-E. du Taurus.
Aussi pendant plusieurs mois la marche en avant est-elle
ralentie ; tandis que le gros de l'armée gagne Césarée de
Cappadoce, Tancrède et Baudouin poussent une pointe en
Cilicie ; ce dernier devait un peu plus tard aller conquérir
Edesse sur le prince arménien Thoros, et y fonder la prin-
cipauté de ce nom. Enfin, le 24 oct. 4097, l'armée atteint
Antioche. Cette ville était encore Tune des plus impor-
tantes de la Syrie et la clef du pays. Elle avait pour
maître l'émir Yaghi-Sijan, l'un des chefs turcs qui se
partageaient la Syrie, les uns favorables aux Fatimites
d'Egypte, les autres alliés du khalife de Bagdad, comme
le sultan seldjoukide Bark-Jarok, comme Doukâk, prince de
Damas ; Yaghi-Sijan comptait sur leur concours et sur celui
de la plupart des autres princes musulmans.
Le siège commença immédiatement, mais sans suite, sans
ardeur. Les croisés quittaient journellement le camp pour
aller battre le pays et se procurer des vivres ; beaucoup
périssaient dans ces escarmouches, et le pays ravagé et
ruiné fut bientôt hors d'état de nourrir l'armée de la croix.
La misère devient alors effroyable, au dire des chroni-
queurs; on en arrive à* se disputer les nourritures les plus
immondes ; les provisions apportées au milieu de l'hiver
par la flotte de la Méditerranée raniment un peu les forces,
mais la maladie, le typhus succèdent à la famine ; l'expé-
dition semble bien compromise.
Cependant Doukâk , seigneur de Damas, se disposait à
secourir la place. Une première armée envoyée par lui est
détruite après un rude combat par Bohémond et Robert de
Flandre (34 déc. 4097); une autre, commandée par Rid-
wan d'Alep et ses alliés, subit le même sort le 9 févr. 4 098 ;
mais bientôt le bruit se répand que des forces considé-
rables s'approchent sous la conduite de Kerbogha, sei-
gneur de Mossoul. Quelques-uns des princes chrétiens
comprennent que l'armée est perdue, si Antioche n'est
pas prise avant l'arrivée de Kerbogha. Bohémond, qui
convoite cette place et qui a déjà noué des intelligences
avec les assiégés, s'en fait garantir la possession par ses
confédérés, et le 2 juin 4098 les troupes chrétiennes en-
trent dans la ville grâce à la trahison d'un renégat armé-
nien nommé Firouz. Le massacre est horrible comme tou-
jours, Yaghi-Sijan est tué; son fils, avec quelques fidèles,
parvient à gagner la citadelle.
La prise d'Antioche arrivait à point. Le 5 juin, Kerbogha
paraissait avec une armée considérable que les chroni-
queurs estiment à cinq cent mille ou même six cent mille
hommes ; l'émir avait perdu inutilement trois semaines
devant Edesse énergiquement défendue par Baudouin. A
peine arrivé, il bloque la ville, et se dispose à la réduire
par la famine. La situation était critique ; point de vivres,
la peste, aucun espoir de secours. Dès janvier, un certain
nombre de croisés de distinction, dont Pierre l'Ermite lui-
même, avaient fui Antioche ; ces désertions se multiplient,
beaucoup de croisés cherchent à percer la ligne de blocus,
et ceux qui y réussissent, tel Etienne, comte de Blois, ne
se laissent pas ramener au camp comme Pierre l'Ermite.
Chez ceux qui restent, les privations, les misères accrues
par les souffrances de l'été syrien surexcitent le sentiment
religieux ; les visions se multiplient; enfin, le 44 juin, sur
les indications d'un illuminé, un prêtre provençal nommé
Pierre Barthélémy, le comte de Toulouse découvre dans
l'église de Saint-Pierre la lance qui, disait-on, avait percé
le flanc du Christ en croix. Cette découverte relève les
esprits, le courage se ranime; on nomme Bohémond chef
suprême de l'armée pour quatorze jours. Des députés
envoyés à Kerbogha pour demander la levée du siège,
n'obtiennent qu'une réponse méprisante, le choix pour les
chrétiens entre la mort ou la conversion à l'islamisme. Il
CROISADE
442 ■
devenait urgent de combattre ; le 28 juin, les princes con-
duisent contre les hordes de Kerbogha une armée de misé-
rables amaigris et faméliques. Mais le fanatisme religieux
leur donne des forces ; en quelques heures, ils dispersent
la multitude ennemie, et, dans leur naïveté, ils attribuent
leur triomphe à des cavaliers célestes que tous ont cru
voir de leurs yeux d'hallucinés.
La partie était gagnée et les Turcs vaincus pour long-
temps. Pendant tout l'été, l'armée reste à Antioche, en
proie à la peste ; le légat Adhémar de Monteil périt le
i^^ août 1098. En même temps, de violentes querelles
éclatent entre Raimond de Saint-Gilles et Bohémond pour
la possession de la ville, et cependant Alexis, qui ne cache
plus son hostilité contre les croisés, reconquiert la majeure
partie de F Asie Mineure. L'expédition risquait d'avorter
misérablement; les chefs, y compris Godefroi de Bouillon,
paraissaient disposés à reprendre la route de l'Europe ; la
masse des pèlerins, moins soucieuse de politique que
ses chefs, se décide à marcher vers le sud, à accomplir
entièrement le vœu fait. Elle entraîne avec elle Raimond
lui-même, qui doit les commander ou plutôt les suivre, et
se dispose à conquérir place après place toutes les villes
qu'il rencontre sur la route (fin nov. 1098). Il dépense
trois mois à ces sièges inutiles ; l'hostilité entre lui et
Bohémond devient de plus en plus violente, si bien que
le comte de Toulouse, seul des princes croisés, rentre
en négociations avec Alexis. Enfin la foule l'emporte, et
l'armée quittant l'intérieur se rapproche de la côte pour res-
ter en communication avec la flotte chrétienne (mai 1099).
Les villes ouvrent leurs portes sans résistance, tant les
victoires sous Antioche ont frappé de terreur les émirs
musulmans, et, le 7 juin, les derniers survivants de la
grande armée, vingt mille, dit-on, arrivent devant la ville
sainte. Là les dissensions recommencent, et beaucoup de
barons quittent l'armée pour aller à la hâte s'assurer des
villes du Jourdain et de la mer Morte en y plantant leurs
bannières. Faible est le nombre des pèlerins qui, fidèles à
leurs vœux, approchent delà ville sainte en pénitents et
les pieds nus.
Depuis quelques mois, Jérusalem avait changé de
maîtres. Les Fatimites d'Egypte avaient dès le début résolu
de profiter de l'arrivée des croisés pour rentrer en posses-
sion de la Palestine, conquise par les Turcs vingt ans plus
tôt. Les chrétiens avaient, de leur côté, noué avec le Caire
des négociations, envoyé dans cette ville une ambassade;
soins inutiles, les intrigues d'Alexis, toujours hostile aux
Occidentaux, la maladresse des ambassadeurs, la perfidie
des Egyptiens rendent ces efforts infructueux, mais ces
derniers en profitent pour rentrer dans Jérusalem (aoùt-
sept. 1098), en faisant croire aux Turcs, défenseurs de la
ville, qu'ils arrivent comme aUiés des croisés. Le siège de
Jérusalem traîne en longueur; enfin, après de longues
discussions, les chefs croisés estiment qu'il faut en finir.
Ils font avec l'aide des ingénieurs de la flotte chrétienne
élever de puissantes machines, ravitaillent le camp par
Joppé, et, le 15 juil. 1099, une brèche est pratiquée dans
l'enceinte, à trois heures, à l'heure précise de la mort de
Jésus sur le Golgotha. Le massacre est terrible ; tout ce
que la ville renferme de musulmans est passé au fil de
répée ; le sang, dans l'église du Saint-Sépulcre, atteignait
le jarret des chevaux. Godefroi de Bouillon, appuyé par
ses frères, le comte d'Edesse et Eustache, est proclamé
baron du Saint-Sépulcre. L'Egypte, au surplus, allait tenter
un nouvel effort ; au mois d'août Godefroi apprend que le
vizir du Caire, Al-Afdhal, arrive avec vingt mille Ethiopiens
et des hordes bédouines ; il rassemble à la hâte tous les
hommes valides restés en Terre sainte, marche à l'ennemi
et le met en fuite près d'Ascalon, Le royaume latin de
Jérusalem était fondé.
Cependant les prédications pour la croisade continuaient
en Europe: Urbain II, mort le 29 juil. 1099, son succes-
seur Pascal n'avait rien négligé pour exciter les chré-
tiens à voler au secours de leurs frères. Moines et jon-
gleurs parcouraient l'Occident, racontant mille merveilles
de la Terre sainte ; on lisait avec admiration et envie les
lettres des croisés, bulletins naïfs dont quelques-uns sont
parvenus jusqu'à nous. Dès 1099, des flottes pisanes,
génoises et vénitiennes sont venues ravitailler l'armée de
la croix; le mouvement s'accentue en 1100, et une im-
mense multitude, conduite autant par le goût des aventures
que par l'enthousiasme religieux, se met en marche. Les
Lombards et quelques Allemands sont prêts les premiers et
atteignent Constantinople en mars 1101 ; on estime à près
de trois cent mille guerriers la force de ce contingent.
Alexis, qui ne perd aucune occasion de profiter de la croi-
sade, séduit les chefs et leur donne des guides qui doivent
les mener à Siwas, dans l'ancienne Cappadoce, où Bohé-
mond est prisonnier depuis un an. Mal conduits, sans pro-
visions, sans vivres, les malheureux pèlerins, après quel-
ques légers succès, sont rejoints sur les bords de l'Halys,
près d'Amasie, par les Seldjoukides. L'armée presque entière
périt (1101) ; quelques princes, échappés au carnage,
gagnent péniblement Sinope et retournent à grand'peine
à Byzance. Là ils trouvent une seconde armée, composée
d'Allemands et de Français, sous les ordres du duc d'x4qui-
taine, Guillaume de Poitiers, et de Welf , duc de Bavière. Après
beaucoup d'hésitations, cette armée s'enfonce à son tour
en Asie Mineure. Elle atteint heureusement Héracléa, sur
les frontières d'Arménie, mais pour essuyer près de cette
ville une défaite décisive. La plupart des chefs de marque
périssent; quelques autres, dont Guillaume de Poitiers,
échappent à grand'peine et par la Cilicie gagnent An-
tioche. Ces désastres répétés découragent les chrétiens
d'Occident, et il faudra les prédications de saint Bernard
pour les entraîner de nouveau en Terre sainte.
Deuxième croisade. — Pendant plus de quarante ans, en
effet, il n'est plus question de croisade. La situation de
l'Europe, qui s'est lentement modifiée, donne de tels soucis
à la papauté que les successeurs d'Urbain II en oublient
la Terre sainte. La société laïque s'est développée et elle
est devenue moins accessible aux idées enthousiastes qui
avaient donné naissance au mouvement de 1095. Pour
ranimer le zèle un peu attiédi, il faudra un grand désastre.
Cependant le royaume latin de Jérusalem s'est peu à peu
affermi, mais la situation des Latins reste difiîcile ; d'une
part les musulmans n'ont point désarmé et continuent la
lutte au N., à l'E. et au S., et d'autre part les empereurs
grecs qui n'ont point renoncé à l'espoir de recouvrer les
anciennes possessions asiatiques do Byzance, se montrent
hostiles aux nouveaux venus, et les princes d' Antioche
sont sans cesse en guerre avec eux. L'émir de Mossoul,
Imad-eddin-Zengui, profite de ces divisions et redouble
ses attaques contre le comté d'Edesse, poste avancé de
la domination chrétienne vers l'Euphrate et l'ancienne
Mésopotamie. Le comte Joscelin défend vigoureusement sa
capitale, mais le prince d'x\ntioche, engagé dans une cam-
pagne contre le nouvel empereur Manuel Comnène, ne peut
rien pour lui. La reine de Jérusalem, MéMssende, est éga-
lement impuissante. La place succombe (nov. 1144) et
avec elle tout le comté qu'Imad-eddin soumet en quelques
mois. La situation paraît tellement menaçante que les
barons francs se résolvent à réclamer le secours de leurs
frères d'Europe et députent à Eugène III (nov. 1145).
La France semblait la plus intéressée à secourir les
Latins; tout l'y conviait: relations de famille, souvenirs
de 1095. Aussi est-ce à la chevalerie française que le pré-
dicateur de la nouvelle croisade, saint Bernard, s'adresse
tout d'abord. Le roi Louis VII, qui désire expier l'épouvan-
table massacre de Vitry et accomplir le pèlerinage que son
frère aîné, Philippe, mort trop jeune, avait promis de faire,
donne l'exemple à sa noblesse, qui, animée d'un saint zèle,
prend la croix à la voix de l'abbé de Clairvaux (assemblées
de Bourges, Noël 1145, et de Vézelay, Pâques 1146).
Le pape Eugène III s'est dans l'intervalle résolu à faire
directement appel au monde chrétien et à lancer une
encyclique décrétant une nouvelle croisade. La même
443 —
CROISADE
exaltation a gagné TAllemagne, où elle s'est traduite sui-
vant Tusage par le massacre des juifs. Saint Bernard,
appelé sur les bords du Rhin, recommence ses prédications
avec le même succès qu'en France et décide sans peine
Terapereur Conrad de Souabe à prendre lui-même la croix
(Noël 4146, diète de Spire) ; avec l'empereur se croisent
les principaux barons du rojjaume germanique et parmi
eux Frédéric Barberousse. Pris du même zèle, les Saxons
décident de se lever en masse contre les païens slaves de
l'Elbe, contre les Wendes. Enfin le mouvement gagne la
Frise, la Néerlande et l'Angleterre.
L'armée de la croisade se divise en trois corps. Le pre-
mier, composé des Allemands, sous Conrad, se rassemble
dans la Marche de l'Est (Autriche) dès juin 4447, traverse
la Hongrie sans peine, éprouve de longs retards en Thrace
et en Macédoine et atteint la mer d'Orient le 7 sept.
Après un orage épouvantable, qui éprouve fort les pèle-
rins, les croisés gagnent Constantinople et passent en Asie
dans le même mois. L'empereur Manuel, pourtant allié
fidèle de Conrad, n'était pas fâché d'éloigner le plus tôt
possible de sa capitale ces dangereux auxiliaires. Les diffi-
cultés commencent bientôt. Attaquée par la cavalerie légère
des Seldjoukides, la lourde chevalerie allemande met huit
jours à faire la route entre Nicée et Dorylée. Le manque
de vivres, la difficulté des chemins obligent Conrad à une
retraite désastreuse ; il se réfugie à Nicée, puis à Constan-
tinople, comptant gagner la Syrie par mer. Une troupe de
45,000 Allemands sous le duc de Carinthie, Bernard, et
révêque historien Otton de Freisingen, avait quitté l'armée
dès Nicée ; elle parvient en côtoyant la mer Egée à gagner
Laodicée, puis les côtes de Pamphylie, où Févêque et les
derniers survivants s'embarquent pour la Syrie. La prin-
cipale armée de la croisade est détruite. Restaient les
Français.
Ceux-ci, partis de Metz en juil. 4447, avaient pénible-
ment traversé la Germanie, la Hongrie et la Thrace ; Ma-
nuel Comnène, qui redoutait en eux les alliés de son
ennemi mortel, Roger de Sicile, veut leur faire traverser
l'Hellespont et non le Bosphore. Louis Vil persiste à gagner
Constantinople, qu'il atteint le 4 oct. Les Français, auxquels
les Grecs ont fait de faux rapports de prétendus succès
des Allemands, demandent à grands cris à passer la
mer. Manuel ne les retient que le temps d'arracher aux
barons un serment de vasselage pour leurs futures conquêtes
et les transporte en Asie Mineure (26 oct.). Quelques jours
plus tard, Louis VII rencontre Conrad et ses barons et
apprend de leur bouche le désastre de Dorylée. Devenu
plus prudent, le roi de France se décide à longer la côte.
A Ephèse, par malheur, il tombe malade et l'armée n'atteint
le Méandre qu'au commencement de décembre. De là on
gagne à travers mille difficultés Antioche de Lycie, puis
Laodicée, où les attaques des Seldjoukides toujours renou-
velées décident les Français à descendre vers la côte. Les
templiers, qui guident l'armée, y rétablissent l'ordre tant
bien que mal, et conduisent les pèlerins à Attalia. Là
nouveau mécompte ; ni vivres pour les hommes, ni foin
pour les chevaux. Désespéré, Louis VII se décide à cingler
vers la côte syrienne avec quelques barons fidèles. Des
guides grecs s'engagent à conduire vers la Cilicie les
débris de l'armée. Bien peu des pèlerins ainsi abandonnés
atteindront la Palestine (févr. 4448).
Le désastre était complet. Les faibles secours arrivés
d'Occident ne permettaient plus de songer à un siège
d'Edesse. Les princes chrétiens se décident à entreprendre
le siège de Damas. C'était une imprudence. Moïn-eddin-
Anaz , ministre des princes de Damas et y exerçant
l'autorité sous leurs noms, s'était montré l'ami des
chrétiens; on allait le forcer à s'allier à Nour-eddin,
fils et successeur de Imad-eddin. Les croisés , conduits
par le roi Louis et l'empereur Conrad, qui vient d'aborder
en Syrie, et renforcés par les contingents de Jérusalem,
marchent sur Damas (juil. 4448). La place vigoureusement
défendue et couverte par des jardins et des plantations que
Moïn-eddin a transformés en ouvrages avancés, résiste, et
l'approche de Nour-eddin oblige les princes chrétiens à lever
le siège (28 juil.). Les croisés ne pensent plus dès lors
qu'au retour. Dès le 8 sept., Conrad part ; Louis VU sé-
journe à Jérusalem jusqu'à Pâques 4449, puis regagne péni-
blement la France, en passant par la Sicile et par l'Italie.
L'incapacité militaire des chefs avait fait échouer la seconde
croisade. Saint Bernard et Suger, abbé de Saint-Denis,
rêvaient d'entreprendre une nouvelle expédition. La mort
de ce dernier, l'opposition du pape épargnèrent à la chré-
tienté un nouveau désastre. Le seul résultat effectif de
cette grande prise d'armes était en somme la conquête de
Lisbonne, enlevée aux Arabes d'Espagne par la troisième
armée de la croisade. Composée d'Anglais, de Frisons et de
Néerlandais, cette armée avait pris le chemin le plus long,
mais le plus sûr, et longé les côtes de l'Europe depuis
Dartmouth. Après avoir aidé le roi de Portugal, Alphonse,
à occuper sa future capitale (28 nov. 4447), les pèlerins
atteignirent heureusement la Syrie vers le milieu de
l'année suivante. En somme, l'Europe n'avait pu sauver
le royaume de Jérusalem qui va de 4449 à 4487 subir
une longue agonie.
Troisième croisade. — Le grand ennemi des chrétiens
de Syrie était Nour-eddin, musulman fanatique, politique
habile et bon chef de guerre. A peine les croisés de retour
en Europe, il attaque le prince d' Antioche, Raimond, qui
est défait et périt dans le combat (29 juin 4449). La prise
d'Ascalon par les Latins (4452) répare en partie cet échec,
mais Nour-eddin, par contre, occupe définitivement Damas.
Il est encore battu près du lac de Tibériade en 4458,
mais sur un nouveau champ d'action il triomphe des
chrétiens, L'Egypte, aux mains des Fatimites, était alors
en pleine décadence et agitée par des troubles civils.
Nour-eddin et les chrétiens de Syrie conçoivent la même
pensée, s'emparer de ce riche pays. Les musulmans l'em-
portent, le fameux Salah-eddin détrône le dernier kahfe
fatimite, et l'union de la Syrie et de l'Egypte sous un seul
maître se trouve consommée. La chute de Jérusalem parait
dès lors imminente, et dès 4469 le roi de Jérusalem,
Amauri, se voit réduit à implorer de nouveau les secours
de l'Occident.
Fort heureusement la brouille se met entre Nour-eddin
et son lieutenant. Salah-eddin, après avoir sans peine
repoussé une tentative des Grecs sur Damiette (1469), pro-
fite de la mort du sultan de Syrie (4474) pour conquérir
les Etats de son ancien chef. Une fois maître du pays, il
reprend la guerre sainte contre les Latins ; la défaite de
Ramlah (25 nov, 4477) l'arrête pour quelques années,
mais dix ans plus tard, il reparaît sur la frontière. Le
nouveau roi de Jérusalem, Guide Lusignan, marche contre
lui; les deux armées se rencontrent à Hattin, près du lac
de Tibériade (juil. 4487). L'impéritie du roi assure la
victoire aux musulmans ; le roi Gui et une foule de che-
valiers tombent avec la sainte croix aux mains du vain-
queur. Salah-eddin profite de sa victoire ; il soumet toute
la côte, d'Ascalon à Beyrouth, puis paraît le 49 sept,
devant Jérusalem; le 2 oct., la ville se rend et les habi-
tants se rachètent à prix d'argent de l'esclavage. Cette
perte cruelle n'est point compensée par l'échec que le
sultan éprouve devant Tyr, défendu par le marquis Conrad
de Montferrat ; à la fin de 4487, les chrétiens ne possèdent
plus en Syrie que la principauté d'Antioche, celle de Tri-
poli, Tyr, Sidon et quelques places sans importance.
La situation de l'Europe chrétienne paraissait peu favo-
rable à une nouvelle croisade ; le pape et l'empereur, le
roi de France et celui d'Angleterre se faisaient une guerre
acharnée ; l'autorité de l'Eglise semblait bien ébranlée, et
déjà des sectaires la rejetaient ouvertement. Toutefois, l'in-
différence religieuse n'existait pas encore au xii® siècle, et
la nouvelle de la prise de Jérusalem réchauffa cette foi un
peu tiède, qui sommeillait. On put se croire revenu au
temps d'Urbain II ; à la voix du souverain pontife. Clé-
ment m, l'Europe entière se lève, les querelles particuMères
CROISADE
— 444
s'apaisent, il semble que la chrétienté tout entière va mar-
cher au secours de la Terre sainte. Les premiers prêts sont
les Italiens, Toscans, Lombards, Génois et Pisans, et les
Scandinaves. Durant les années 1188-1489, des bandes de
pèlerins armés gagnent sans cesse les ports de Syrie et
vont grossir la petite armée de Gui de Lusignan et de
Conrad de Montf errât. En même temps, les trois plus puis-
sants princes de l'Europe, Frédéric Barberousse, Henri
Plantagenet et Philippe-Auguste, se préparent à aller porter
à leurs frères de Syrie un secours plus effectif.
L'empereur est prêt le premier ; tout d'abord il termine,
avec l'appui du légat, Henri, évèque d'Albano, la guerre
qu'il avait contre Philippe, archevêque de Cologne, exile
pour trois ans d'Allemagne son plus redoutable adversaire,
Henri le Lion, et remet le pouvoir à son fils, Henri de
Souabe. Il prend la croix solennellement à la diète de
Mayence le 27 mars 1188 et fixe le départ au 23 avr. de
l'année suivante. Dans l'armée qu'il forme, il n'admet que
des guerriers éprouvés, chevaliers ou piétons, règle à
l'avance la marche des troupes, veille aux approvi-
sionnements ; il se montre en un mot chef prudent et avisé.
Après quelques hésitations, il se décide pour la route de
terre, comptant sur l'amitié de Kilidj-Arslan H, sultan
d'Iconium, fidèle allié des chrétiens, et rejette les propo-
sitions de Salah-eddin qui offre la liberté du culte à Jéru-
salem et le libre accès pour les pèlerins, moyennant la
reddition des dernières places de Syrie. L'armée quitte
Ratisbonne le jour fixé, 23 avr. 1189 ; le roi de Hongrie,
Bêla, auquel on a acheté le droit de passage, ouvre ses
Etats aux Allemands, qui dès juillet ont atteint la vallée de
la Morawa. La traversée de l'empire grec est plus longue
et plus périlleuse. L'empereur Isaac essaye de retarder la
marche des croisés en négociant, et ce n'est qu'après de
sanglants combats que Frédéric peut atteindre Andrinople;
il y reste jusqu'au 14 févr. 1190. Isaac, qui a enfin com-
pris sa faiblesse, s'engage à faire traverser l'Hellespont aux
Occidentaux ; ceux-ci promettent de payer les vivres dans
les pays de domination grecque; dès mars 1190, ils sont
tous sur la côte asiatique.
La marche en Asie présentait de grandes difficultés ; le
pays était accidenté, les vivres rares et chers ; à force
d'énergie et en veillant avec soin à la discipline, Frédéric
triomphe de tous les obstacles; le 21 avr., il est déjà à
Philadelphie, de là il se dirige à l'E., vers Laodicée;
l'armée rencontre bientôt les bandes turques. Elle les dis-
perse, mais au prix d'efforts surhumains ; les chevaux
périssent par milliers, les hommes eux-mêmes souffrent de
la disette. L'empereur comptait sur l'appui du sultan
d'Iconium ; mais le vieux sultan, ami des chrétiens, venait de
se démettre et ses fils, alliés fidèles de Salah-eddin, se mon-
traient absolument hostiles. Frédéric prend rapidement son
parti; le 7 mai, il atteint Philomeiium, brûle la ville et
marche à grandes journées sur Iconium. L'armée le suit
avec entrain ; elle est toujours animée du même enthou-
siasme, les soldats croient voir à leur tête saint Georges
qui les mène au combat. Le 17 mai, après dix jours de
marche forcée, on campe devant Iconium ; la ville est prise
d'assaut dès le lendemain, la paix imposée aux Turcs et
les chrétiens se ravitaillent et se refont une cavalerie. Le
Taurus est franchi à grand'peine (26 mai-9 juin), et
l'armée atteint la rive du Salef (Cydnus) ; là un grand
malheur l'attendait. L'empereur, impatient, entre dans le
torrent glacé, trop tôt après son repas ; il est entraîné par
le courant. Avec lui disparaissait l'espoir des chrétiens
d'Orient ; il avait su conserver intacte sa belle armée ;
un repos de quelques jours dans les plaines d'Antioche
lui eût permis de tenter quelque grande entreprise ;
seul d'ailleurs il eût pu, grâce à son âge, à sa valeur,,
à son expérience militaire, servir de chef à la croisade,
apaiser les querelles mesquines qui devaient en compro-
mettre le succès. Privée de son chef bien-aimé, l'armée
des Allemands se remet péniblement en marche, sous les
ordres du neveu du défunt, le duc de Souabe ; elle est
décimée par les Sarrasins, et les débris atteignent Antioche
à grand'peine (21 juin 1190).
Les rois de France et d'Angleterre s'étaient cependant
mis en marche. Richard Cœur de Lion, qui vient de succéder
à son père Henri II, amène ses troupes à Yézelay, y trouve
Philippe-Auguste, et les deux rois descendent ensemble
jusqu'à Lyon. Là ils se séparent ; Phihppe va s'embarquer
à Gênes et se fait conduire à Messine, qu'il atteint le 16
sept. 1190 ; Richard se met en mer à MarseiHe et arrive en
Sicile le 23 ; il y retrouve sa flotte qui a cependant fait la
longue traversée d'Angleterre en longeant les côtes d'Es-
pagne. Richard s'attarde en Sicile, prend parti dans les
querelles intestines de ce royaume et semble oublier son
vœu de croisade. PhiHppe, outré de ses retards, part seul le
30 mars 1191 ; Richard le suit le 10 avr. ; mais il s'arrête
encore à l'île de Chypre qu'il conquiert sur un prince grec,
Isaac Comnène; il n'atteint Acre que le 8 juin.
Depuis le mois d'août 1189, Gui de Lusignan, renforcé
de temps à autre par des pèlerins d'Occident, assiégeait
cette forte place, et était lui-même comme assiégé par
l'armée de Salah-eddin, qui tenait à ne pas laisser les chré-
tiens s'emparer de ce port, le plus important de la Pales-
tine. Les mois d'hivernage surtout furent terribles pour les
chrétiens, ravitaillés d'une façon assez irréguHère par les
vaisseaux italiens; n'oublions pas les querelles entre les
chefs ou plutôt l'absence de chefs. Mais l'hiver ne durerait
pas toujours, et avec le printemps revenait l'espérance.
On comptait sur Frédéric Barberousse, dont on ne sut la
mort qu'assez tard, et pendant les mois d'été, sans trop
s'occuper du siège, les chrétiens donnaient cours à leur
humeur aventureuse, à leur amour des plaisirs. De son
côté Salah-eddin ne maintenait que difficilement son armée
dans l'obéissance et n'obtenait qu'à grand'peine des secours
de ses voisins, jaloux de sa puissance. L'arrivée de Philippe
et de Richard, puis de Frédéric d'Autriche (été 1191) ranime
les querelles entre les croisés ; Conrad de Montferrat et
Gui de Lusignan se disputent les débris du royaume de
Jérusalem. En juillet, on commence à parler de la reddition
de la place ; Salah-eddin consent à faire la paix sur les bases
suivantes : cession d'Acre, délivrance de la sainte croix
et des chrétiens captifs moyennant 200,000 besants d'or.
Mais le 12, Acre ouvre ses portes et le traité est rompu.
Le roi de France, écœuré de toutes ces intrigues, malade
d'ailleurs, se dispose à partir ; il prend part au conseil des
princes qui partage le royaume de Jérusalem entre Gui et
Conrad, laisse à Richard un corps de troupes sous les
ordres du duc de Bourgogne, Hugues, et du comte de
Champagne, Henri, et met à la voile le 31 juil. Richard
devenait le véritable chef de la croisade; on vit alors
combien ce vaillant chevalier manquait d'esprit de suite.
Il commence par rompre les négociations avec Salah-ed-
din et faire massacrer les prisonniers sarrasins, au nombre
de deuxmille(20 août), puis il semet en marche, d'abord vers
Jérusalem, puis vers Ascalon. Après une grande victoire
sur les troupes sarrazines, il s'attarde au siège de Joppé,
puis, fatigué de ces relards, rentre en relations avec le
sultan. En janv. 1192, il reprend sa marche vers Jéru-
salem ; les nouvelles qu'il reçoit d'Angleterre, où son frère
Jean conspire contre lui, l'arrêtent ; il décide alors Cui à
abdiquer en faveur de Conrad (avr. 1192), qui tombe peu
après sous le poignard de deux fanatiques de la secte des
Assassins; on le remplace par Henri de Champagne, et
Gui reçoit l'île de Chypre. Après de nouveaux atter-
moiements, l'armée chrétienne commence à se disperser ;
Hugues de Bourgogne emmène le contingent français et va
mourir à Tyr. Richard se multiplie, eifraye les Sarrasins
par sa bravoure aventureuse ; il n'en est pas moins réduit
à signer une paix désastreuse (sept. 1192); Jérusalem
reste aux musulmans qui garantissent la libre entrée de la
cité sainte aux pèlerins sans armes ; les captifs chrétiens
devront se racheter à leurs frais ; la côte de Syrie reste aux
chrétiens de Joppé à Tyr ; il n'est plus question de la sainte
croix. Dégoûté de la croisade, Richard, que cette paix
445
CROISADE
honteuse a déshonoré, s*embarque le 9 oc t. ; il* s'est fait
tant d'ennemis qu'il ne sait où aborder. Son vaisseau le
conduit en Frioul ; de là il tente de gagner la Flandre par
l'Allemagne méridionale ; arrêté près de Vienne, le 21 déc.
4192, il ne recouvre la liberté que le 4 févr. 1194, après
avoir payé une énorme rançon à l'empereur Henri IV,
trait d'avarice qui n'est point à l'honneur du fils de Fré-
déric Barberousse. La croisade avait échoué une fois de
plus.
Quatrième CROISADE. — Richard Cœur de Lion, Philippe-
Auguste ne pouvaient plus servir de chefs à la future
expédition, à laquelle les papes comptaient bien décider
encore l'Europe. Le jeune empereur Henri VI semblait
désigné pour ce rôle. Dès 1194, ce prince commence à
s'occuper d'une nouvelle croisade ; maître de l'Italie mé-
ridionale et de la Sicile, premier souverain de l'Europe, il
rêve de délivrer Jérusalem et de soumettre à son influence
l'empire d'Orient en pleine décadence et déchiré par des
révolutions intérieures. Le moment semble propice ; Salah-
eddin est mort à Damas le 3 mars 1193, et son empire a
été partagé entre ses fils. Leur oncle, El Almelik-Aladil, va,
il est vrai, reconstituer à son profit Fempire des Eyoubites,
mais il est tout occupé à déposséder ses neveux et par
suite impuissant. D'autre part, Henri de Champagne dé-
fend avec succès les restes du royaume de Jérusalem contre
les infidèles ; les principautés de Tripoli et d'Antioche sont
désormais unies, et le royaume d'Arménie s'accroît tous
les jours. Le 31 mai 1195, Henri VI prend la croix à Bari,
envoie en Terre sainte des premiers secours, entre en re-
lation avec les princes d'Orient, tout prêts à reconnaître
sa suzeraineté et va demander leur concours à ses fidèles
de Germanie. Mal secondé par le pape, qui voit d'un œil
jaloux grandir chaque jour la puissance de la maison des
Hohenstaufen, il réussit pourtant à soulever encore une
fois l'Allemagne. De nombreux croisés quittent chaque jour
es côtes de Fouille, et le 22 sept. 1197 une grande flotte
met à la voile de Messine. L'hostiUté des Francs de Syrie
rend d'ailleurs l'expédition inutile ; elle n'a pu prévenir la
prise de Joppé par Almelik (août 1197), et la seule con-
quête importante des Allemands est celle de Beyrouth.
Vainqueurs des troupes égyptiennes, ils vont pourtant
marcher sur Jérusalem, quand ils apprennent la mort
de l'empereur (28 sept. 1197). Le découragement se met
parmi eux et la plupart retournent en Europe. Une trêve
avec AlmeHk assure la paix pour un an.
La mort de Henri VI changeait complètement la situa-
tion ; son frère le remplace en Allemagne, son fils, le jeune
Frédéric, à Palerme, et la direction de la guerre sainte
revient tout naturellement à la papauté. Vers le même
temps. Innocent III succède à Célestin (1198). Le nouveau
pontife allait se vouer à la restauration de la domination
chrétienne en Orient et au rétablissement de l'unité catho-
lique en Europe. A la requête du roi d'Arménie, Léon,
qui travaille à l'union de son Eglise avec celle de Rome, il
se décide à taire prêcher une nouvelle croisade. En Alle-
magne, Martin, abbé de Pairis ; en France, le célèbre
Foulques de Neuilly, se mettent à gourmander les fidèles.
Ce dernier paraît au tournoi d'Ecry (automne 1199) et
décide par sa parole ardente Thibaud de Champagne, Louis
de Blois, et nombre de chevaliers français à prendre la
croix. Parmi les nouveaux pèlerins, on compte bientôt :
Simon deMontfort, le futur comte de Toulouse; Baudouin,
comte de Flandre, et ses frères Eustache et Henri. Les uns
ont pris la croix par zèle ; les autres pour se mettre à
couvert du ressentiment de leur souverain, Philippe-Au-
guste, contre lequel ils se sont alliés avec feu Richard
Cœur de Lion. L'année suivante, on élit pour chef le
comte de Champagne, qui s'est dévoué corps et âme à la
future croisade, et on projette d'envoyer aux Vénitiens
une ambassade pour leur demander leur concours.
Quel allait être l'objectif de la nouvelle croisade? Les
renseignements fournis au saint-siège par les chrétiens
d'Orient désignaient l'Egypte comme le centre de la
puissance des Eyoubites ; c'était donc là qu'il fallait frap-
per pour délivrer Jérusalem et la Syrie. On a attribué à
Innocent III l'honneur d'avoir trouvé ce plan de campagne ;
le fait a été contesté, peut-être à tort. Quoi qu'il en soit,
pour aller en Egypte, il fallait des vaisseaux, et^ de toutes
les républiques italiennes, Venise était la seule capable
d'en fournir une quantité suffisante. Le choix de celte
république, il est vrai, ne plaisait guère au pape. Les
Vénitiens, grands commerçants, préféraient à tout leurs
intérêts de commerce ; ils avaient protesté quand, en 1198,
le pape avait de nouveau interdit aux chrétiens toutes
relations avec les infidèles, et le pape avait dû se rendre à
leurs remontrances et n'interdire que le trafic des armes
et des munitions de guerre. Leur demander de conduire
les croisés en Egypte, c'était leur demander de ruiner leur
propre commerce dans la Méditerranée orientale, d'expo-
ser au pillage leurs comptoirs, à la mort leurs correspon-
dants et leursamis. Mais les Vénitiens étaient trop prudents
pour répondre par un refus précis et motivé aux sollici-
tations des ambassadeurs de l'armée de la croix ; le doge,
Henri Dandolo, politique fin et sagace, reçut magnifique-
ment ces envoyés, parmi lesquels figurait Viilehardouin,
et leur promit le concours de la République. Moyennant
une somme assez considérable, 85,000 marcs d'argent,
elle s'engage à transporter en Orient 4,500 chevaliers,
9,000 écuyers et 20,000 piétons, avec vivres, chevaux et
bagages. Le payement devait se faire en quatre termes,
échelonnés jusqu'à la fin d'avr. 1202. Venise devait en
outre ajouter elle-même à l'expédition 50 vaisseaux de
guerre (févr. 1201). Il était convenu, dit Viilehardouin,
que l'expédition aurait le Caire pour objectif, mais que
seuls les chefs seraient dans le secret ; au vulgaire, on
parlerait de l'Orient en termes vagues. Le traité fut
approuvé par les croisésà l'assembléedeCorbie (mai 1201),
et le départ fixé à l'année suivante. Le 24 du même mois,
Thibaut de Champagne meurt et l'expédition se trouve sans
chef.
Beaucoup de gens ont cru et écrit dès le xni® siècle
(Ernoul par exemple), quelques érudits ont soutenu de nos
jours, que les Vénitiens n'avaient jamais eu l'intention
d'exécuter le pacte de mai i 201 et de conduire les croisés
en Egypte. Ernoul affirme même qu' Almelik aurait signé
à cet effet un traité avec la puissante république, et plu-
sieurs savants ont de nos jours cru retrouver ce traité. Mais
sur ce dernier point on s'est trompé ; le traité allégué est
postérieur à la croisade et pourrait tout au plus passer
pour le prix des services rendus. Toutefois, il faut bien
l'avouer, il paraît difficile d'adopter la version de Viilehar-
douin sur les causes du changement de direction de la
croisade, et il semble qu'en cette affaire le maréchal de
Champagne fut ou dupe ou complice ; la première alterna-
tive est loin d'être la plus vraisemjjlable. Si, entreprise
pour combattre l'Egypte , l'expédition aboutit à la prise de
Constantinople et à la destruction de l'empire grec, il
faut voir, semble-t-il, dans ce changement de route, le
résultat des intrigues de Philippe de Souabe et de la répu-
gnance de Venise à se mettre en hostilité avec le sultan
du Caire. Philippe, en effet, adversaire du pape Innocent III,
avait à lutter contre Otton IV, que ce pontife avait suscité
contre lui, et cherchait tout naturellement à lui susciter des
embarras; de plus, ennemi héréditaire des Byzantins, il
voulait faire payer cher aux Grecs toutes les misères que
les empereurs de Constantinople avaient infligées aux
pèlerins allemands depuis le début des croisades! Sur ce
point, il pouvait s'entendre avec Venise, qui avait à se
plaindre des entraves apportées à son commerce par
Alexis m et qui voyait dans une expédition contre Cons-
tantinople un moyen d'étendre ses relations. Que, dès
l'origine, Dandolo ait prévu la suite des événements , ce
serait faire trop d'honneur à la perspicacité de cet excellent
politique ; mais, à notre avis, il compta toujours sur l'im-
prévu pour se dégager des stipulations de mai 1201, et
l'événement justifia son calcul. Dans ce sens, et dans ce
CROISADE
446 -
sens seulement, les Vénitiens ont, en 1202, trahi la chré-
tienté.
Philippe de Souabe commença, de concert avec son
allié Philippe-Auguste, par imposer à la croisade un chef
étranger, Boniface de Montferrat, frère du feu roi de
Jérusalem, Conrad, C'était s'assurer une certaine influence
dans les conseils de la croisade. Peu après arrive en Europe
un prince byzantin, Alexis Angelos, qui vient demander
l'appui de l'Europe contre son oncle Alexis lïï, qui a
usurpé le trône impérial et jeté en prison son propre
frère Isaac. Accueilli avec empressement par Philippe de
Souabe, il va fournir le prétexte d'une attaque contre
Const-antinople, et Philippe entre dès lors en relations avec
Dandolo. Cependant les pèlerins affluaient à Venise, et la
République les cantonnait dans les îles des lagunes, où ils
manquaient de tout ; mais, par contre, l'argent n'arrivait pas.
Les termes fixés pour le payement étaient passés, les princes
croisés ne trouvaient pas à emprunter un denier dans les
banques vénitiennes, que peut-être la Seigneurie leur avait
fermées. C'est alors qu'apparaissent les effets des intrigues
de Philippe de Souabe. Dandolo propose aux princes croi-
sés de leur accorder un nouveau délai à condition d'aller
faire, au compte de Venise, une expédition contre Zara,
nid de corsaires qui gênait fort le commerce de la Répu-
blique. Ils acceptent et la plupart des pèlerins suivent leurs
chefs, heureux de quitter les îles du Lido et dé Murano.
Innocent III excommunie l'armée et la République; on
ne tient pas compte de sa sentence, et le 10 nov. 1202
l'armée et la flotte sont devant Zara, qui capitule qua-
torze jours après. Alexis Angelos arrive alors dans le camp
et propose aux chefs de les conduire à Constantinople ; il
leur fait les promesses les plus brillantes. Pour prévenir
toute résistance de la part du pape, Boniface et le jeune
prince ont été trouver Innocent III à Rome, lui ont fait espérer
l'union des deux EgHses grecque et latine, l'ont en somme
compromis. Il n'a pas autorisé l'expédition contre Cons-
tantinople, il l'a même interdite, mais en réservant sa dé-
cision définitive. Boniface, qui cependant a obtenu l'adhé-
sion de Dandolo, entraîne celle des évêques et des chefs
militaires de l'expédition. Le pacte de Zara est conclu
(avr. 1203); un certain nombre de croisés de distinction,
dont Simon de Montfort et Tabbé Gui des Vaux de Cernay,
quittent, il est vrai, l'armée, écœurés de toutes ces in-
trigues ; la masse, plus désireuse de courir les aventures
que d'accomplir son vœu, suit l'impulsion donnée. Pour
sauver les apparences, on envoie demander à Rome la
levée de l'excommunication et une approbation qui, on le
sait d'avance, sera refusée. La suite des événements est
connue et ne rentre pas dans le cadre de cet article. En
mai 1203, Dandolo conduit la flotte à Dyrrachium, puis
de là devant Constantinople. Alexis III, qui a prévu le
péril, mais qui n'a rien fait pour le prévenir, s'enfuit hon-
teusement (17-18 juil.) ; les croisés entrent dans la ville,
rétaMissent le misérable Isaac, lui donnent pour collègue
son fils Alexis et réclament à celui-ci les sommes promises.
L'armée pouvaitencorerepartirpourla Terre sainte.AlexisïV
tergiverse, il perd le temps en négociations, ne sachant
comment se délivrer de ses redoutables auxiliaires ; il ne
peut ni tenir ses promesses, ni se passer d'eux. En janv.
1204, il est renversé par Alexis Ducas Murzuphle. Les
Latins reprennent alors la guerre pour leur propre compte;
Constantinople est prise et pillée le 25 avr., et l'empire
grec partagé entre les confédérés.
Cette fois, les intrigues politiques avaient été assez
fortes pour faire échouer la croisade; Innocent lïl dut
accepter les faits accomphs; il ne pouvait refuser son
approbation à l'union des deux Eglises, qui comblait l'un
de ses vœux les plus chers. Il eut le tort, et ce tort fut
partagé par ses successeurs, de ne pas comprendre que le
temps des grandes expéditions religieuses était passé. La
papauté pourra encore décider un prince, tel que saint
Louis, à passer en Orient ; les chevaliers et le peuple ne
suivront qu'avec répugnance l'impulsion donnée. La société
civile, ^uî cependant s'est organisée, est trop préoccupée
de ses intérêts temporels pour songer à la délivrance de
la Terre sainte.
CiNûuiÈME CROISADE. — En dépit de l'hostilité latente
qui existait entre les chrétiens de Syrie et leurs frères
d'Europe, la déception avait été grande en Palestine.
L'obligation de ménager les ennemis s'imposait de plus en
plus, et plutôt cjue de rompre le traité avec Almelik, le roi
Amauri de Lusignan refusa aux croisés, fugitifs du camp
de Zara, l'autorisation de combattre. Les guerres entre
les princes d'Europe, la nécessité de fortifier le nouvel
empire latin, obligent le pape Innocent III à renoncer
pour quelques années à tout nouveau projet de croisade.
Les chrétiens d'Orient s'attachent à observer la trêve qu'ils
ont conclue avec les infidèles , et c'est probablement vers
ce temps que Venise entre - définitivement en relations
amicales avec l'Egypte.
En 1213, Innocent III, qui a définitivement triomphé
en Allemagne et en France, se décide à faire de nouveau
prêcher la croisade. En France, Robert de Courçon, en
Allemagne, Olivier de Xanten, dit le Scolastique, dirigent
ces prédications ; leur parole trouve encore une fois un
certain écho ; un grand nombre de Français, d'Allemands,
d'Anglais, d'Italiens prennent la croix. Frédéric II lui-
même fait vœu de pèlerinage à Aix-la-Chapelle, le 5 juil.
1215, et le pape Innocent III croit pouvoir, lors du concile
de Latran (nov. 1215), fixer au i^"^ juin 1217 le départ
de la prochaine expédition et désigner les lieux d'embar-
quement : Messine et Brindisi. Les tournois et les guerres
entre chrétiens sont interdites pour trois ans, le clergé est
frappé d'une contribution d'un vingtième et on exhorte à
contribuer pécuniairement les chrétiens que leur âge, leurs
infirmités ou leurs fonctions retiennent en Europe. Inno-
cent III croit pouvoir dès lors réclamer d'Almelik la déli-
vrance des captifs chrétiens et la restitution de Jérusalem ;
la mort le prend le 16 juil. 1216, au moment même oh il
espère réaliser l'un de ses projets les plus chers.
Son successeur, Honorius III, n'abandonne pas la partie
et Jacques [de Vitry commence vers le même temps ses
prédications ; to\itefois les circonstances ont un peu changé.
Frédéric II remet de jour en jour son départ; le roi d'An-
gleterre est mineur; enfin la noblesse française montre de
moins en moins d'enthousiasme. Les Allemands ont pour-
tant continué leurs préparatifs, et, au printemps de 1217,
deux armées sont prêtes à fjartir ; la première prend par
l'Adriatique avec André, roi de Hongrie ; la seconde, com-
posée d'habitants de la vallée du Rhin, s'embarque à
Dartmouth (29 mai). André, qu'accompagnent les ducs
d'Autriche et de Méranie, met à la voile à Spalato et cingle
vers Acre, où le joignent les troupes de Chypre et de
Jérusalem (oct. 1217). On comptait d'abord se diriger
vers l'Egypte et reprendre le plan qui avait si piteusement
échoué en -1202. Mais la saison n'était guère favorable et
malgré le manque de vivres, malgré l'hostilité entre les
croisés et les barons syriens, on se décide à tenter quelque
chose en Palestine. Trois fois l'armée se met en route ;
trois fois le manque de provisions, la difficulté des routes
l'obligent à regagner la côte. Le roi de Hongrie découragé
reprend la mer (janv. 1218), sans se soucier des défenses
du patriarche de Jérusalem. Le duc d'Autriche reste avec
ses Allemands. Au printemps de 1218, les Frisons arrivent»
Ils ont dans l'intervalle fait campagne en Portugal contre
les infidèles et attaqué Cadix ; les vents contraires les ont
retenus longtemps dans les ports d'Italie ; ils n'atteignent
la côte syrienne qu'en avr. et mai 1218.
Ranimés par l'arrivée de ces renforts, les chrétiens
reprennent leurs anciens projets. Dès le 27 mai, une par-
tie de la flotte mouille sous Damiette, clef de la vallée du
Nil. Tous les chefs sont là ; les maîtres des ordres mili-
taires, le duc d'Autriche, les comtes de Hollande et de
Wied, Jean de Brienne, roi de Jérusalem depuis 1210,
enfin le patriarche. La ville était entourée de fortes mu-
railles et la position presque inexpugnable ; des travaux
^ m -
CROISADE
avancés défendaient le Nil que fermaient encore de fortes
chaînes. Aussi les premières attaques des chrétiens restent-
elles infructueuses (juillet), et ce n'est que le 14 août que
ces défenses avancées tombent en leur pouvoir. Sur ces
entrefaites, Almelik meurt (31 août) ; ses enfants se par-
tagent ses Etats, et Alkamil lui succède en Egypte. Le
nouveau sultan cherche avant tout à expulser d Egypte
les envahisseurs ; mais ses premiers efforts sont peu heu-
reux. Les croisés ne pressent guère le siège do la place ;
beaucoup quittent le pays, et les autres sont durement
éprouvés, durant Fhiver suivant, par une inondation du
Nil et par le manque de vivres. Ils n'en battent pas moins
les musulmans en plusieurs rencontres, et une révolution
militaire, qui oblige Alkamil à se réfugier dans la haute
Egypte, leur laisse le loisir d'investir complètement Da-
miette. Le sultan à peine rétabli sur son trône fait tout le
possible pour se mettre en relations avec les assiégés et
pour ravitailler la place ; après quelques mois d'attente,
voyant que les chrétiens ne se découragent pas et reçoivent
chaque jour de nouveaux renforts, il leur offre la paix. Les
conditions étaient honorables ; moyennant la levée du siège
de Damiette, il promettait de rétablir le royaume de Jéru-
salem dans ses limites de 1187, de restituer la sainte
croix et de payer une forte somme d'argent. Le légat Pelage
et quelques-uns des chefs rejettent ces propositions, et la
guerre continue.
Damiette succombe définitivement le 5nov. 1^19; les
chrétiens s'y fortifient et s'emparent encore de la forte
place de Tanis, sur le lac Menzaleh. L'échec était grave pour
les musulmans, qui se hâtent de démanteler les places
fortes de Syrie, s'attendant à une attaque prochaine et irré-
sistible. Les chrétiens se voient déjà maîtres de l'Egypte.
Terreur et joie également prématurées. Les chefs croisés
se disputent la ville ; beaucoup de chevaliers quittent le
camp, et l'armée devient à peu près incapable d'un grand
effort. Pendant toute l'année 1220, elle reste inactive.
Enfin au printemps de 1221, le légat Pelage décide les
croisés à se mettre en marche et à profiter de l'arrivée
d'une forte troupe d'Allemands envoyée par Frédéric II.
Après de longs préparatifs, on se dirige vers Mansourah
(juil. 1221) ; mais on n'avait pas prévu l'inondation du
Nil, dont les eaux bloquent les envahisseurs dès la pre-
mière étape. La situation était périlleuse; le légat n'en
rejette pas moins de nouvelles propositions de paix
d'Alkamil, qui offre encore une fois la restitution du
royaume de Jérusalem contre celle de Damiette. Réduit à
combattre, le sultan bloque l'armée chrétienne et lui
coupe la retraite. Ne pouvant ni avancer, ni reculer, les
croisés se décident enfin le 26 août à revenir à Damiette,
mais une nuit et un jour passés au milieu des canaux du
Nil, que couvrent les barques ennemies, abattent leur
courage, et ce sont eux alors qui demandent la paix. Les
chefs égyptiens voulaient détruire l'armée chrétienne;
plus politique, le sultan consent à lui livrer passage, moyen-
nant la reddition de Damiette (30 août). Le 7 sept., la
place est évacuée, les croisés regagnent les ports de Syrie
et d'Europe. La croisade avait échoué une fois de plus,
grâce surtout à l'obstination du légat pontifical, et le projet
de diversion en Egypte semblait définitivement condamné.
Croisade de Frédéric IL — Tout l'espoir de la future
croisade, car ce serait mal connaître la papauté que de la
supposer découragée par le désastre de Damiette, reposait
sur le jeune empereur Frédéric IL Peut-être si les deux
pouvoirs, l'empire et la papauté, avaient su s'entendre et
combiner leurs efforts, eût-on pu obtenir le succès tant
cherché. Cet accord par malheur était chose impossible,
l'une des deux parties eût dû se soumettre à l'autre, et
il était impossible d'exiger pareille humiliation du suc-
cesseur de Grégoire Vil ou du petit-fils de Frédéric Bar-
berousse.
Frédéric II avait pris la croix en 1215, mais avait remis
son départ d'année en année. Très ambitieux, la ferveur lui
manquait, et il ne voyait dans cette expédition qu'un
moyen d'asseoir sa domination dans la Méditerranée orien-
tale. On comptait sur son arrivée au camp de Damiette ;
on l'attendit inutilement. Aussi, dès 1221, le pape Hono-
rius le menace déjà d'excommunication, s'il tarde plus
longtemps à partir. L'empereur ne s'en hâte pas davantage ;
remettant son expédition de mois en mois, d'année en
année, il atteint l'année 1227. Mais alors il montre plus
d'activité ; devenu gendre du roi de Jérusalem, Jean de
Brienne, héritier des droits de ce prince, il est tout disposé
à défendre ses nouveaux domaines. Il envoie une petite
armée en Terre sainte, fournit de l'argent à son beau-
père et s'engage à partir lui-même dans les deux ans. Sur
ces entrefaites Honorius III meurt (1227); il est remplacé
par Grégoire IX, vieillard colérique et autoritaire, qui va
tout brouiller par ses exigences impolitiques. De nombreux
pèlerins sont réunis àBrindisi, mais ils manquent de vivres ;
la peste se met parmi eux et décime la future armée de
la croisade, qui finit par se disperser, Frédéric II, qui
dès sept. 1227 a envoyé uno grande flotte en Syrie sous
Henri de Limbourg, va lui-même mettre à la voile, quand
il tombe malade. C'est le moment que choisit le pape pour
l'excommunier (sept. 1227). A peme rétabli, Frédéric II
n'en continue pas moins ses préparatifs ; en avr. 1228, il
tient l'assemblée deBarlettaet part au mois de juin suivant.
L'empereur avait un double but : rendre la sécurité à
la Terre sainte par des traités solides, et rétablir la tran-
quillité dans le royaume latin. Il commence par s'arrêter
à Chypre, puis arrive à Acre (sept. 1228) ; mal accueilli
par le clergé latin et par les barons francs, il cherche à
tirer parti de l'inimitié entre les sultans d'Egypte et de
Syrie, entre en rapport avec Alkamil, envoie une ambas-
sade au Caire et demande la restitution de Jérusalem.
Premier refus du sultan ; Frédéric II fait alors mine de
recourir aux armes, et, en févr. 1229, le traité est signé.
Jérusalem est rendue aux chrétiens; seule la mosquée
d'Omar avec son enceinte reste aux musulmans, qui pour-
ront y pénétrer en tout temps à condition d'être sans
armes. On ajoute à la ville une bande de territoire jus-
qu'à la mer, avec Bethléem et Nazareth ; les captifs chrétiens
sont délivrés ; enfin on stipule une trêve de dix ans et dix
mois. Ce traité était excellent, mais ni la papauté, ni le clergé
latin, ni même les chrétiens d'Orient ne surent aucun gré
de ce succès à Frédéric II ; le pape cependant fait occuper,
par Jean de Brienne, une partie du ropume de Naples ;
et le lendemain même du jour où l'empereur s'est fait
couronner roi de Jérusalem (17 mars 1229), Gérold,
archevêque de Césarée, frappe la ville d'interdit ; la même
sentence frappe Acre où Frédéric s'est réfugié ; l'empereur
se hâte de regagner l'Italie après avoir garni de troupes
allemandes les principales places de son nouveau royaume.
Croisade de 1239 et 1240. — Dès l'année suivante,
Grégoire était obligé de signer la paix à San Germano,
d'absoudre l'empereur et d'approuver le traité passé avec
Alkamil (1230), mais les légats pontificaux en Syrie
ne s'en montrent pas moins hostiles à l'autorité impé-
riale et prennent toujours, dans les guerres qui désolent
le royaume latin et l'île de Chypre durant les années
suivantes, le parti des templiers et des barons, ennemis
de Frédéric II. Le traité de 1229, mal respecté par les
musulmans, qui ne se gênent point pour massacrer les
pèlerins et pour dévaster les environs de Jérusalem, reste
donc sans effet et la situation du royaume latin n'en est
pas sensiblement améliorée. Le pape avait reconnu pour
valable la trêve de 1229, laquelle expirait en 1240 ; dès
1231, il pense à une nouvelle croisade, envoie dans toute
l'Europe des prédicateurs et des légats, chargés de recueil-
lir de l'argent et de lever des troupes. Chaque printemps
voit dès lors partir de petites troupes de pèlerins armés,
qui vont gagner les lieux saints. En 1^39, une armée
plus forte se rassemble à Lyon ; elle compte les plus grands
seigneurs de France ; Thibaut, roi de Navarre ; Hugues,
duc de Bourgogne ; Pierre, comte de Bretagne ; Amauri de
Montfort; Jean, comte de Bar, etc. Des croisés, les uns
CROISADE
— 448 —
vont s'embarquer à Marseille, les autres à Brindisi ; ils
arrivent à Acre au cours de l'automne. Ces renforts
auraient sans doute permis aux chrétiens de Syrie de re-
prendre l'offensive et de profiter des discordes entre les fils
d'Alkamil. Mais la direction suprême manquait ; après une
course heureuse vers Damas, on se dirige sur l'Egypte ;
une partie de l'armée est battue près de Gaza par les troupes
égyptiennes (nov. 1239); le reste se replie sur Acre, et
la plupart des croisés se décident à repartir.
En 4240, arrive un nouveau contingent, anglais cette
fois, et commandé par Richard de Cornouailles, frère
de Henri III, roi d'Angleterre (oct. 1240). Plus politique
que les chefs qui l'ont précédé, il se décide à conclure la
paix avec l'Egypte (févr. 1241) ; les captifs sont rendus
moyennant rançon, et après avoir muni Ascalon de fortes
défenses, Richard revient en Europe (mai 1241). La
Syrie était alors en pleine guerre civile ; tandis que les
chrétiens se liguent pour effacer les dernières traces de
l'autorité royale et résister aux officiers de Frédéric II, les
princes musulmans se font une guerre acharnée. Le sultan
d'Egypte, Eyoub, pour rétabhr son autorité, appelle à son
secours une horde de Turcs, les Kharismiens. Chassée de
ses campements par les Mongols, cette tribu était venue
se mettre au service des Turcs Seldjoukides et s'était fait
redouter de tous par sa valeur indomptée et sa barbarie. A
l'appel du sultan d'Egypte, elle inonde la Syrie et se dirige
sur Jérusalem (sept. 1244). Le patriarche et la majeure
partie des habitants ont abandonné la ville ; les ennemis
tuent tous ceux qu'ils trouvent, pillent et souillent les
églises, vont faire la même besogne à Bethléem, puis
joignent l'armée égyptienne à Gaza. Le sultan Eyoub rompt
alors le traité et marche sur Acre ; le 18 oct. 1244, il
détruit l'armée chrétienne près de Gaza même ; la majeure
partie des chevaliers de Syrie sont tués ou faits prisonniers.
Puis il se retourne contre les sultans de Syrie, alliés dé-
clarés ou secrets des Latins, prend Damas (1245) et recon-
stitue ainsi l'empire de Salah-eddin à son profit ; enfin,
après s'être déljarrassé des Kharismiens, trop puissants
auxiliaires, il prend Ascalon en 1247. La chute de Saint-
Jean-d'Acre parait, dès lors, imminente, la principauté
d'Antioche est sérieusement menacée par les Turcs et les
Mongols. C'est à ce moment que se place la première croi-
sade de saint Louis.
Septième croisade. — Le véritable successeur de Gré-
goire IX (f 1241) fut non pas Célestin IV, mais Inno-
cent IV (élu en 1243). Ce pontife, ardent et actif, tout en
continuant la lutte contre Frédéric II, n'oublie pas la Terre
sainte; au concile de Lyon, en 1245, il impose aux princes
de l'Europe une trêve de quatre ans, frappe le clergé d'une
taxe d'un vingtième de ses revenus, contribue lui-même pour
une forte somme ; enfin, il noue des négociations avec les
musulmans d'Egypte, dans le but de rendre moins précaire la
situation des chrétiens d'Orient, et entre en relations avec les
Mongols, qui, ennemis mortels du khahfat de Bagdad,
jouent, en Asie, le rôle d'auxiliaires des princes latins.
Mais l'Europe se montre indifférente ; les princes conti-
nuent à guerroyer les uns contre les autres ; enfin le pape
lui-même, entraîné par sa lutte contre l'empereur, en arrive
à détourner au profit de cette croisade d'une nouvelle espèce
les ressources qu'il a su réunir pour l'expédition d'outre-
mer. Une nouvelle croisade semblait donc chose bien dou-
teuse ; pour tenter pareille aventure dans cet âge déjà
tiède, il fallait un prince encore imbu de l'esprit du
xi^ siècle. Louis IX se trouva à point nommé ; si la France
y gagna indirectement en renom et en éclat, on doit regret-
ter le zèle intempestif qui, après avoir conduit le roi sur
les bords du Nil, le fera mourir plus tard sur les côtes
d'Afrique, qui, enfin, fit périr la fleur de la noblesse et décima
les forces mihtaires du pays. On était à la fin de 1244, et
on venait d'apprendre avec consternation la destruction de
Jérusalem par les Kharismiens ; saint Louis, sur ces entre-
faites, tombe malade et, pendant plusieurs jours, on le
croit condamné. Déjà on a perdu tout espoir, quand il
revient subitement à lui, se dit guéri et demande la croix.
On traite cette demande de fantaisie de malade ; on finit,
après quelque résistance, par lui imposer le signe fatal pour
ne point le contrarier. Mais sa résolution était immuable,
rien ne peut l'en détourner et, à peine guéri, il prend toutes
ses mesures pour exécuter ce désastreux projet. Au sur-
plus, il doit bientôt reconnaître qu'il est seul animé de
pareils sentiments ; si les chevaliers de France imitent son
exemple, c'est plutôt par point d'honneur, par affection
pour leur roi. Les souverains étrangers restent insensibles
à son appel ; Haquin, roi de Norvège, promet de partir,
puis renonce à accompagner le souverain français ; le roi
d'Angleterre ne voit dans la croisade qu'un moyen de rem-
plir ses coffres ; le roi de Castille mourra avant d'avoir pu
accomplir son vœu. Frédéric II, enfin, fait, il est vrai, des
promesses magnifiques, mais, avant tout, il veut que saint
Louis l'aide à fléchir le courroux du pape, et le roi de
France échoue dans cette œuvre impossible ; tout ce que
l'empereur peut faire pour lui, c'est lui faciliter la traver-
sée. Aussi l'armée qui, après de longs retards, s'embarque
à Aigues-Mortes et à Marseille (août 1248), était-elle assez
faible et composée presque uniquement de Français ou de
mercenaires à la solde de la France. Elle eût été sufilsante,
toutefois, si saint Louis avait été un grand général ; mais,
chevalier éprouvé, esprit éminent, il n'avait point les qua-
lités d'un chef d'armée. Les croisades précédentes avaient
échoué faute de discipline; celle de 1248 allait échouer
faute d'un général.
^ L'objectif de l'expédition était l'Egypte. La flotte atteint
d'abord Chypre, où l'on avait, depuis deux ans, accumulé
des provisions. Saint Louis comptait n'y séjourner que
quelques jours ; la nécessité de rallier ses vaisseaux, dis-
persés par une tempête, d'y attendre les retardataires,
l'oblige à hiverner ; puis, au printemps, il lui faut noli-
ser de nouveaux vaisseaux : il ne peut mettre à la voile
pour l'Egypte que le 30 mai 1249. Il avait cent vingt gros
vaisseaux, seize à dix-sept cents voiles, deux mille huit
cents chevaliers, cinq mille arbalétriers, et une nombreuse
infanterie, en tout cinquante mille combattants au plus.
Le vieux sultan d'Egypte, Eyoub, malade et affaibli, avait
pris ses précautions et garni Damiette, la plus exposée des
villes du pays, mais il avait compté sans la furie française ;
la flotte force le passage, les chevaliers se jettent à terre,
l'arniée ennemie est dispersée et le roi entre à Damiette
(6 juin). S'il avait marché immédiatement sur le Caire,
peut-être la campagne eût-elle eu une issue toute diffé-
rente ; mais l'esprit de décision lui manquait : il commence
par attendre son frère Alfonse de Poitiers, qui ne le joint
que le 24 oct., puis il perd encore un mois à délibérer s'il
marchera vers le sud ou sur Alexandrie ; enfin, le 20 nov.
1249, l'armée se met en route vers le Caire. La marche
dans ce pays coupé de canaux était forcément difficile,
ralentie encore par les attaques des Sarrasins. Eyoub était
mort, mais Fakhr-eddin et les émirs, ainsi que la favorite
Chedjer-eddor, avaient caché sa mort et dirigeaient les
opérations jusqu'à l'arrivée du fils du défunt, Touran-Chàh,
alors en Syrie. En décembre, les chrétiens assiègent Man-
sourah, mais, arrêtés par un canal qu'ils ne peuvent détour-
ner, ils perdent deux mois à chercher un gué qu'un
Bédouin leur indique enfin en févr. 1250. L'armée franchit
alors le canal (8 févr.) ; on sait la suite : le comte d'Artois,
frère de saint Louis, entraîné par son ardeur, fond sur les
Turcs, les disperse et va se faire tuer à Mansourah même
avec une foule de chevaliers ; saint Louis rétablit le com-
bat, éloigne les Turcs, mais la marche en avant est deve-
nue par le fait impossible ; la disette et la maladie se
mettent dans le camp et, à la fin de mars, saint Louis se
décide à regagner Damiette : il repasse le canal avec
grand'peine (5 avr.) ; dès le lendemain, il était obligé de
se rendre, la majeure partie de l'armée massacrée, le
camp pris. Bien peu de chrétiens regagnent Damiette, gage
précieux que la fermeté de la reine Marguerite de Provence
sut conserver.
449 —
CROISADE
Saint Louis, par sa fermeté d'âme, étonnait ses gardiens ;
le jeune sultan, après quelques attermoieraents, se décide
à lui accorder la liberté contre 400,000 besants et Da-
miette ; le roi et les principaux seigneurs reprennent le
chemin de la côte (28 avr. 4250). Mais alors nouvelle péri-
pétie : Touran-Chûh est massacré par les émirs (2 mai) ; le
traité est, par le fait, rompu et les captifs courent un ins-
tant les plus grands dangers. Enfin, le tumulte s'apaise;
Chedjer-eddor est investie de l'autorité suprême, le traité
est confirmé de nouveau, et, le 6 mai, les chrétiens sont
• mis en liberté. Les jours suivants, on verse aux Sarrasins
' la première moitié de la somme promise, on leur livre
Damiette, et la petite troupe de saint Louis met à la voile
pour Acre, qu'elle atteint le 42 mai 4250.
Saint Louis avait accompli son vœu, il pouvait regagner
l'Europe ; plein de pitié pour la Terre sainte, il va y rester
encore trois longues années. Il commence par se refaire
une petite armée et veut racheter les prisonniers restés en
Egypte. Il réussit à délivrer les survivants à peu près sans
bourse délier, les musulmans d'Egypte craignant une alliance
de leurs ennemis de Syrie et des chrétiens, et on attend
les secours de l'Occident. C'est en vain ; rien n'arrive, les
principaux barons abandonnent le roi les uns après les autres.
Lui, cependant, négocie avec le nouveau sultan d'Egypte,
Almelik-Alachraf, avec celui de Damas, Nacer-Yousouf,
fortifie les villes du littoral, Bidon, Césarée, Acre, Joppé.
Les Egyptiens se décident par crainte à rendre les captifs
survivants, donnent à saint Louis quittance du reste de sa
rançon, et ce prince reste spectateur attentif de la lutte
entre les musulmans (oct. 4250-janv. 4251). Les princes
d'Europe ne font d'ailleurs rien pour lui ; le peuple seul
répond à son appel ; une masse confuse, les Pastoureaux,
se met en marche, en 425'!, pour aller secourir la Terre
sainte, mais cette troupe, sans chefs, sans but bien déter-
miné, commet de tels excès que tout le monde doit s'ar-
mer contre elle et elle se disperse après avoir encore
davantage découragé les derniers partisans de la croisade.
En 1252, saint Louis s'allie définitivement aux musul-
mans d'Egypte contre ceux de Syrie, et obtient d'eux la
restitution éventuelle du royaume de Jérusalem, mais cette
alliance reste infructueuse et, en 4253, le calife de Bagdad
parvient à réconcilier les sultans de Syrie et d'Egypte et
les décide à réunir toutes leurs forces contre les chrétiens.
Saint Louis cependant a appris la mort de sa mère Blanche
de Gastille (déc. 4252) ; il comprend enfin que sa présence
est nécessaire en Europe ; il sent que les chrétiens de Syrie
eux-mêmes désirent son éloignement pour éviter une rup-
ture ouverte avec leurs ennemis. Il se décide à partir et
met à la voile le 24 avr. 4254. Il rentrait en France ap-
pauvri et malade, mais célèbre entre tous et déjà consacré
bienheureux par tous les contemporains.
Huitième croisade. — Tandis que ce grand prince, sans
perdre de vue la terre d'Orient, s'applique à administrer
son royaume, l'état de la Syrie va chaque jour en empi-
rant. Les guerres intestines entre les princes latins conti-
nuent comme par le passé ; les colonies commerciales de
Venise, de Gènes et de Pise se font une guerre ouverte,
qui, commencée en 4258, se prolonge jusqu'en 4270, pour
reprendre avec une nouvelle fureur en 1282. Gênes, vain-
cue par sa rivale, en arrive à s'allier avec l'empereur grec,
Michel Paléologue, contre les Latins de Byzance (4264) et
contribue ainsi pour sa part à la chute de la domination
occidentale sur le Bosphore (4264). Longtemps ces dis-
cordes, tout en affaiblissant le royaume de Jérusalem,
n'ont pas de conséquences trop funestes. Les musulmans
d'Egypte et de Syrie se font eux-mêmes la guerre et ont à
repousser les attaques des Mongols. Ceux-ci, sous Iloula-
gou, détruisent le califat de Bagdad (1258), s'emparent
d'Alep et de Damas (4259). Les princes chrétiens s'allient
à eux, mais cette alliance allait se transformer en une
guerre ouverte, quand Houlagou est rappelé dans l'Asie
centrale par la mort du grand khan. C'est alors que les
musulmans rentrent en scène ; après une longue série de
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIll.
révolutions, un émir, Qothoz, s'installe en Egypte, envahit
la Syrie, bat les Mongols à Emesse près de l'Oronte; il est
tué par Bibars, mais celui-ci, prince astucieux et cruel,
musulman fanatique, soumet toute la Syrie musulmane,
et nouveau Salah-eddin, se donne pour tâche la destruc-
tion des anciens établissements chrétiens.
Les progrès des infidèles n'excitaient plus en Europe
aucune indignation. La papauté elle-même, tout occupée à
poursuivre l'extermination de la race des Hohenstaufen, se
montre indifférente. Seul, saint Louis, qui n'a jamais perdu
l'espoir de tenter une nouvelle croisade, s'efforce par des
envois d'argent et de soldats de soutenir le courage des
chrétiens d'Orient. Dès 1264, il invite sa noblesse à prendre
la croix; il la prend lui-même en 4267, avec ses fils et
bon nombre de grands barons ; mais beaucoup de seigneurs,
et parmi eux le fidèle Joinville, refusent de suivre cet
exemple. Le roi et son frère Alfonse de Poitiers rassem-
blent tout l'argent qu'ils peuvent et négocient avec Venise
et Gênes pour avoir des vaisseaux. Dès févr. 4268, saint
Louis fixe son départ au printemps de 4270.
A vrai dire la Syrie avait grand besoin de secours.
Après une première campagne de reconnaissance en 4263,
Bibars en 1 264 avait battu les Mongols et leurs alliés les
Arméniens, puis, dès4265, il s'attaque aux villes chrétiennes
de la côte : Césarée succombe, puis Arsouf défendue par les
hospitaliers ; en 4266 il prend Safed, forteresse des tem-
pliers, et détruit près de Tibériade une petite armée de
Cypriotes. En 1267 et 1268, il attaque Joppé, prend Beau-
fort, place du Temple, enfin le 27 mai 1268, Antioche suc-
combe et la Syrie du Nord est à tout jamais perdue pour
les chrétiens. Saint Louis cependant se dispose au départ.
Il compte sur l'appui de Jacques d'Aragon, mais la flotte
de ce prince est dispersée par une tempête (sept. 4269) ; lui-
même revient à Barcelone et seuls quelques Espagnols
peuvent atteindre la Syrie. Il compte aussi sur Edouard,
prince d'Angleterre, mais celui-ci arrivera trop tard ; en
somme, il ne trouve de secours en dehors de la France
qu'en Frise, d'où quelques milliers de braves gens vien-
dront joindre la flotte française sous Tunis. Car c'est à
Tunis que saint Louis veut aller. Il s'est laissé séduire
par son frère l'artificieux Charles d'Anjou, qui veut punir
l'émir de cette ville, allié de Manfred, et l'obliger à payer
tribut ; on fait croire à saint Louis qu'il ne rencontrera
aucune résistance, que l'émir désire se faire chrétien.
La flotte met à la voile le 1^^ juil. 4270; le 8, on atteint
Cagliari en Sardaigne; le 46, on jette l'ancre devant
Tunis ; le port était sans défense, mais on ne sait pas
l'occuper à temps, l'armée s'installe définitivement sur
les ruines de Carthage. Une attaque un peu hardie eût livré
Tunis ; mais saint Louis voulait attendre Charles d'Anjou.
Cependant l'épidémie s'est mise dans l'armée ; l'une des
premières victimes est un fils du roi, Jean Tristan, comte
de Ne vers, qui né en Afrique en 4249 revenait y mourir à
l'âge de vingt ans. Quelques jours après le roi tombe malade
à son tour et expire le 25 août. L'expédition était dès lors
bien compromise. Charles d'Anjou, qui arrive le jour même
de la mort de son frère, ne cherche qu'à la faire tourner à
son profit ; il défait les Sarrasins en plusieurs rencontres et
impose à l'émir de Tunis un traité avantageux pour le
royaume de Sicile (oct.-nov. 1270). Le bruit courut qu'il
avait été acheté ; ce n'était qu'un bruit sans consistance,
mais, à vrai dire seul le comte d'Anjou retirait de la croi-
sade un avantage quelconque. Les Français regagnent enfin
la Sicile ; là les Frisons les quittent et se dirigent vers
rOrient. Philippe le Hardi et son oncle se mettent en route
pour la France.
Au début d'octobre, Edouard , prince d'Angleterre, avait
rejoint l'armée française devant Tunis ; il avait pris la croix
dès 4266 et reçu de saint Louis de fortes avances pour
subvenir aux frais de l'expédition. L'honneur lui comman-
dait de tenter quelque chose. Après avoir passé l'hiver à
la cour de Naples, il met à la voile au printemps de 1 271 et
atteint Acre au mois de mai ; mais tous ses exploits se
29
CROISADE
450 -
bornent à quelques razzias sur les troupeaux des bergers
turcs, et il ne peut empêcher les chrétiens de Syrie de
conclure en 4272 une paix de onze ans avec Bibars, heu-
reux de s'assurer ainsi les moyens de vaincre les Mongols.
Quelques semaines plus tard Edouard repartait pour l'Eu-
rope. L'échec de la croisade avait rendu toute son activité au
sultan Bibars, Au commencement de l'an 1271, il assiège
et prend la fameuse citadelle des hospitaliers, le Krak, dont
les ruines subsistent encore aujourd'hui ; un peu après il
attaque Montfort, place des chevaliers teutoniques ; mais il
échoue dans une expédition navale contre Chypre et accorde
à ses ennemis la trêve plus haut mentionnée. Cette
trêve est du reste rompue dès Fan 1275 par Bibars lui-
même, qui profite de la minorité du prince Bohémond VU
pour soumettre la principauté de Tripoli à un tribut
annuel de 20,000 besants, La nécessité de combattre les
Mongols l'oblige à remettre à plus tard ses projets contre
les derniers établissements chrétiens, et il meurt à Damas
le 19 juin 1277. Depuis Salah-eddin, aucun prince musul-
man n'avait porté de coups plus terribles à la puissance
franque en Syrie.
Cependant la papauté n'a pas renoncé à ses projets. Au
concile de Lyon, réuni en 1274 j)ar Grégoire X, on s'oc-
cupe de la réunion des deux Eglises et du secours de la
Terre sainte ; le pape fait alliance avec les princes mongols,
ordonne de prêcher la croisade et décide la plupart des
souverains d'Europe à prendre la croix. Mais aucun ne se
résout à partir ; à Grégoire X succèdent des papes moins
ardents, dont plusieurs ne régnent que quelques mois, et
les meilleurs consacrent toute leur influence à venger les
Vêpres siciliennes et à combattre la maison d'Aragon. Aussi
les chrétiens d'Orient, laissés sans secours, ne peuvent-ils
profiter des guerres civiles entre musulmans qui suivent la
mort de Bibars, et un émir, Qelaoun, peut établir sa domi-
nation tant en Egypte qu'en Syrie, sans avoir à refouler
leurs attaques (1270-'! 280). L'année suivante, il écrase
entièrement les Mongols à Hims, et reprend la guerre sainte
contre ses ennemis de l'Ouest. Ceux-ci, toujours incorri-
gibles, usent leurs dernières forces dans des luttes crimi-
nelles ; on se dispute ardemment les malheureux débris de
l'ancien royaume de Jérusalem, et ce n'est qu'après de
longues années de résistance qu'Acre reconnaît enfin l'auto-
rité du roi de Chypre, Henri II (1286). Les musulmans,
cependant, ont accordé des trêves aux différents partis, mais
en 1285, ils rentrent en campagne, et Qelaoun entreprend
la réduction des dernières places chrétiennes. Markab et
Laodicée succombent; en mars 1289, il paraît devant
Tripoli ; la ville est prise après un mois de résistance et les
habitants sont massacrés. La chute d'Acre semblait immi-
nente ; une trêve de deux ans, mal observée d'ailleurs des
deux côtés, la retarde encore un instant. Enfin, en 1290,
le sultan se décide à en finir et prépare tout pour une
action décisive; mais il meurt le 10 nov., sans avoir vu
sa victoire. Son fils, Almelik-Alachraf, prend le comman-
dement de l'armée et marche contre Acre. Les chrétiens ont
réuni leurs dernières forces, au plus 20,000 combattants,
et ils ont résolu de défendre jusqu'à la mort ce dernier bou-
levard de leur puissance (mars 1291). Mais si beaucoup
font leur devoir jusqu'à la fin et périssent les armes à la
main, d'autres donnent le signal de la fuite; le chef du
contingent français, Jean de Gresly et le roi de Chypre
quittent la Palestine ; on envoie à Chypre la majeure partie
des bouches inutiles, mais les vaisseaux manquaient, et
quand le 18 mai l'ennemi, qu'excitent les prédications des
derviches, pénètre dans la place, quantité de femmes et
d'enfants restent encore exposés à la fureur des hordes
égyptiennes. Le sac d'Acre, à en croire les témoins ocu-
laires, dépassa en horreur tout ce qu'on avait vu jusqu'alors,
et les Turcs y donnèrent librement carrière à tous leurs ins-
tincts brutaux. La domination chrétienne était à jamais
ruinée en Syrie, et ce malheureux pays perdait pour tou-
jours la prospérité dont il avait joui pendant de longues
années. Les dernières places tenues par les Occidentaux,
Tortose, Beyrouth, Tyr, sont évacuées salis résistance.
Encore quelques mots sur les expéditions tentées plus
tard par les princes d'Occident pour recouvrer la Terre
sainte, et nous en aurons fini avec l'histoire des croisades.
Arrière-Croisades. — La prise de Saint- Jean-d' Acre avait
ému l'Europe chrétienne, et le pape Nicolas IV put croire
un instant que les temps de Godefroi de Bouillon allaient
renaître. Mais lui et ses successeurs durent bientôt revenir
de cette illusion et reconnaître que le zèle rehgieux n'était
pas assez fort pour décider le clergé à de nouveaux sacri-
fices d'argent et les princes chrétiens à l'oubli de leurs riva-
lités politiques. En attendant , les faiseurs de projets com-
posent maint traité sur les moyens de reconquérir la Terre
sainte, les uns préconisent la voie de terre , d'autres celle
de mer : on discute les moyens de ruiner le commerce de
l'Egypte, d'interdire aux Génois la traite des esclaves qui
fournit aux musulmans leur meilleurs soldats. Les auteurs
de ces traités, dont la plupart paraissent assez bien au cou-
rant des affaires orientales, supputent les forces de l'ennemi,
calculent ce qu'il faudrait de chevaliers et de galères pour
l'exterminer, indiquent les ports d'attache de chaque es-
cadre, les points à choisir pour le débarquement. D'autres
rêvent la réunion de tous les ordres militaires en un seul,
dont ils détaillent avec complaisance la future organisation.
Tous ces projets sont soumis aux délibérations d^s papes
et des rois chrétiens, qui dissertent gravement sur les
avantages et les inconvénients de chacun d'eux. A inter-
valles réguliers, on lève de fortes sommes, des décimes sur
le clergé chrétien ; cet argent se fond, sert à payer les dé-
penses les plus diverses , et cependant les Turcs continuent
leurs progrès, et les expéditions de la chevalerie occiden-
tale ne réussissent pas à retarder d'un seul jour leur marche
en avant.
De ces expéditions, en effet, les unes sont de simples
coups de main, dont le succès ou l'insuccès reste forcément
sans influence sur la suite des événements ; les autres mal
conduites , échouent et aboutissent à d'abominables mas-
sacres, comme celui de Nicopolis. La première en date est
celle de Charles de Valois, frère de Philippe le Bel. Elle a
pour objectif l'empire de Constantinople, que ce prince
réclame du chef de sa femme, Catherine de Courtenay ; il a
pour lui l'aUiance effective de Venise, la promesse d'une
flottille sicilienne ; elle aboutit à quelques courses dans
l'Archipel (1308-1309). Philippe le Bel reprend les projets
de croisade ; ses ministres , Pierre Du Bois et Philippe de
Nogaret rédigent de curieux mémoires sur la marche à
suivre ; mais ce prince meurt sans avoir tenté rien d'effectif,
et ses fils ne sont pas plus heureux ; l'un d'eux, Charles IV
le Bel, essaye, sans y réussir, d'entrer en relations avec le
Caire. Philippe de Valois déploie le même zèle ; il s'entend
avec Venise et prend la croix (1332); Gui de Vigevano,
médecin de la reine, et le dominicain Brocard rédigent à
l'intention de ce prince de longs et curieux mémoires ; en
1335, la croisade semble sur le point d'aboutir. L'ouver-
ture des hostilités entre la France et l'Angleterre remet
tout en question.
Le saint-siège a cependant formé une ligue entre Venise,
les chevaliers de Rhodes et Gênes. La flotte alliée occupe
Smyrne en Asie Mineure (1343); le dauphin de Viennois,
Humbert, est nommé en 1345 chef suprême de l'expédition ;
il obtient quelques petits succès dans l'Archipel, mais battu
par les Génois, qui ont fait défection, il revient piteusement
en Europe, ruiné et dégoûté. La ligue est dissoute, et tout
cet effort n'aboutit qu'à la conquête de Smyrne sur les
Turcs et de quelques îles de la mer Egée sur les Grecs.
Pierre I®% roi de Chypre, entre alors en scèae. Il s'allie
avec le royaume d'Arménie, réduit aux dernières extré-
mités par les Turcs, et de 1361 à 1367, renforcé par des
contingents d'Europe qu'il est allé solliciter lui-même, il
fait des incursions sur les côtes de Syrie et d'Egypte ; il
croit pouvoir compter sur l'appui de Jean le Bon, qui a
pris la croix, du roi de Danemark et de la noblesse fran-
çaise, mais, pour brillantes qu'elles soient, ces expéditions
ne sont que des coups de maîn ; m 1365, il enlève Alexan-
drie, mais ne peut s'y maintenir plus d'un jour, et par-
tout il obtient les mêmes succès, sans plus de résultat.
En 4368, il est réduit à conclure une trêve avec l'Egypte.
Amédée VI, comte de Savoie, le remplace. Il trouve de
l'argent en engageant ses revenus et en se faisant concé-
céder par la papauté le produit des décimes ecclésiastiques
(4366), et va attaquer Gallipoli, car il s'agit pour lui de
secourir l'empire d'Orient ; le plus grand ennemi des Pa-
léologues n'est pas à ce moment le Turc, mais le roi des
Bulgares, Sisman, qui a fait prisonnier l'empereur grec.
Une rude campagne sur les bords de la mer Noire, du côté
de Varna, oblige Sisman à accepter la paix et à relâcher
son prisonnier. Amédée, qui n'a plus d'argent, revient en-
suite en Occident (juin 4367).
Pendant plus de vingt ans, il n'est plus question de croi-
sade en France ; la guerre contre les Anglais absorbe
toutes les forces du pays. Les plus zélés, ne pouvant
prendre les armes contre l'infidèle, s'imposent de longs pè-
lerinages vers les lieux saints ; nombre de pèlerins illustres
vont alors, au prix de mille dangers, de fatigues inouïes,
visiter Jérusalem. Citons seulement le comte d'Eu, Phi-
lippe d'Artois, et le célèbre Jean le Meingre, dit Boucicaut
(4388-4 38li). Conclure une nouvelle ligue contre l'ennemi
commun serait impossible ; chacun. Grecs, Génois, Véni-
tiens, cherche à traiter avec lui, et la papauté, affaiblie par le
grand schisme, est impuissante à entraver ces négociations.
L'expédition de Barbarie, tentée en 4390 à la demande
des Génois, dont le commerce souffre des attaqiies des cor-
saires musulmans, peut à peine être appelée croisade;
c'est plutôt une expédition chevaleresque, destinée à occu-
per les nobles français que ne réclame plus la guerre
contre les Anglais. Charles VI donne pour chef à l'expédi-
tion le «bon» duc Louis de Bourbon, son oncle maternel.
Elle aborde en Barbarie, près de la ville d'Africa (juil.
4390), assiège la place par mer et par terre, livre à l'ar-
mée de secours de brillants combats, mais doit remettre
à la voile à la fin de septembre sans avoir obtenu aucun
résultat décisif. Il fallait au surplus bien mal connaître
rétat du monde musulman pour croire que la défaite d'un
émir de Barbarie porterait un coup funeste à la puis-
sance des sultans d'Egypte ou de^ Turcs Ottomans.
C'est contre ces derniers que quelques années plus tard
toute l'Europe chrétienne part en guerre, vers la plaine du
Danube. Les avis des gens expérimentés ne lui ont pas
manqué; Philippe de Mézières, ancien chancelier de Chypre,
a montré combien sont vaines et dangereuses toutes ces
expéditions mal préparées, mal conduites ; il a expliqué la
nécessité de créer une milice spéciale dont il a exposé la
future organisation, l'ordre de la Passion. Mais il n'est
point compris, et ses exhortations n'aboutissent qu'à aug-
menter le nombre des jeunes nobles qui vont se faire mas-
sacrer à Nicopolis. Cette fois c'est contre Bajazet, sultan
des Turcs Ottomans, qui, maître de la Macédoine, bloque
Constantinople et menace la Hongrie d'une invasion, que
l'expédition est dirigée. A l'appel de Sigismond, roi de
Hongrie, des chevaliers français partent dès 1392, d'autres
les suivent bientôt et parmi eux la fleur de la noblesse
bourguignonne, avec le fils aîné du duc, Jean sans Peur,
Boucicaut et une foule de princes et de seigneurs de haut
lignage. L'armée chrétienne et l'armée turque ont à peu
près le même effectif, cent à cent vingt mille hommes. Le
choc a lieu près de Nicopolis, le 25 sept. 4396 ; on sait
quel en fut le résultat ; par sa témérité, la chevalerie
française s'attira, en dépit de prodiges de courage, un
affreux désastre, suivi d'un massacre épouvantable. La
plupart des grandes familles françaises y perdirent quel-
ques-uns des leurs ; un petit nombre, dont le comte de
Nevers, Jean sans Peur et Boucicaut, furent épargnés et
rachetés à prix d'argent. Philippe de Mézières essaye en-
core une fois de consoler les vaincus, les invite à de
nouveaux efforts, mais sa voix n'est guère écoutée, et sans
la défaite d'Ancyre, infligée six ans plus tard aux vainqueurs
454 - iCRÔISADE
de Nicopolis par les Mongols de Tamerlan, l'Italie et la
Hongrie voyaient peut-être une nouvelle invasion de bar-
bares. En 4397, Boucicaut avait, il est vrai, occupé un
instant Constantinople, un instant débloqué cette ville et
pillé les côtes de la mer Noire et de la mer Egée ; mais ce
n'étaient là (|Ue coups de main heureux ; la défaite d'An-
cyre, en affaiblissant l'empire turc, fut plus efficace; l'em-
pire grec y gagna cinquante ans d'existence.
Les expéditions de Boucicaut, devenu gouverneur de
Gênes en 4404, en Syrie et dans la mer Egée, n'étaient
pas de nature à retarder les progrès des musulmans. Elles
sont d'ailleurs rendues vaines par la rivalité des Génois et
des Vénitiens : Boucicaut est obligé de combattre ces der-
niers en bataille rangée et la paix n'est rétablie entre les deux
républiques (4406) qu'après de longues et laborieuses négo-
ciations. L'idée de croisade était morte à Nicopolis, et
l'Europe, tout occupée de guerres et d'intrigues politiques,
n'a plus de ^oût pour ces expéditions lointaines. De 4453,
date delà prise de Constantinople par Mahomet II, à 4683,
date du siège de Vienne par les Turcs, ceux-ci ne cessent
de faire des progrès incessants. Ils chassent les Vénitiens
et les Génois de leurs derniers comptoirs, prennent Rhodes,
malgré la vaillance des chevaliers de Saint-Jean, couvrent
la Méditerranée de corsaires, envahissent périodiquement
la Hongrie. La dernière croisade est prêchée contre eux par
le saint-siège en 4683, date de l'arrêt définitif des progrès
de ces barbares. Depuis lors, l'Europe n'a cessé de faire re-
culer la puissance mahométane, jusqu'au jour peut-être
prochain oh les Turcs, campés depuis cinq cents ans en
Europe, l'abandonneront sans retour. Mais depuis le
XVI® siècle la religion n'est plus en jeu ; du jour où Fran-
çois ¥' a fait alliance avec les maîtres de Stamboul, la
question d'Orient est devenue question politique, et la
Turquie est entrée dans le concert européen.
L'armée de la première croisade renfermait des combat-
tants de tous les pays de l'Europe, de la Scandinavie à
l'Espagne, mais la grande majorité étaient Français, Alle-
mand ou Italiens. La deuxième est faite principalement
par des Français et des Allemands, la troisième par des
Allemands, des Anglais et des Français ; les quatrième,
sixième, se{)tième et huitième par des barons de notre
pays. En fait, c'est la France qui a certainement fourni à
ces expéditions le plus de soldats, c'est elle aussi qui en
a recueifli le plus d'avantages ; la plupart des seigneuries
fondées en Palestine au xii® siècle, dans l'empire grec au
xîii®, se trouvèrent aux mains de barons français, leur
langue fut la seule admise dans les tribunaux d'Orient et
elle servit seule pour la rédaction des textes législatifs.
A l'origine, sauf peut-être nn petit nombre de servi-
teurs plus spécialement attachés à la personne de tel ou
tel prince, les pèlerins ne reçoivent aucune solde, ils
partent par enthousiasme religieux ou par goût des aven-
tures. Aussi dans ces premières bandes devait-on trouver,
à côté d'exaltés et de fanatiques, beaucoup d'aventuriers
et de pillards, sans doute aussi beaucoup de criminels.
Mais les grands désastres du xii® siècle refroidissent sen-
siblement le zèle religieux ; le premier, Frédéric Barbe-
rousse, essaya de créer une armée de la croisade. Il n'y
admit que des soudoyers à pied et à cheval, payés régu-
lièrement et bien encadrés ; sans la mort de son chef,
cette armée régulière, à laquelle l'enthousiasme religieux
ne faisait pas défaut, eût sans doute porté un rude coup
à la puissance de Salah-eddin. Cet exemple fut suivi au
xiii^ siècle ; et dans la plupart des expéditions en Orient
figurent à côté des simples pèlerins des guerriers nobles
ou autres, payés par les princes de l'Europe. Beaucoup
de ces derniers rachètent ainsi un vœu téméraire et entre-
tiennent en Palestine une petite troupe d'hommes d'armes.
Ajoutons à ces contingents réguliers et irréguhers les che-
valiers du Temple, de l'Hôpital et de l'ordre teutonique, les
flottes italiennes, les troupes grecques, les auxiliaires sar-
rasins, et nous aurons un aperçu des forces que purent
mettre en ligne les chrétiens d'Orient, forces dont au sur-
CROISADE
^ 452 ^
plus il est à peu près impossible de déterminer exactement
l'efFectif.
Les princes laïques n'étaient pas assez riches pour en-
tretenir ces armées ; il fallait de l'argent pour payer les
soudoyers, pour noliser les vaisseaux pisans, génois ou vé-
nitiens qui les transportaient en Orient ; prenait-on la route
de terre, il fallait encore acheter le passage au roi de Hongrie
et payer les vivres en pays ami. Aussi, à la fin du xii^ siècle,
les papes se décident-ils à lever sur le clergé séculier et régu-
lier des impôts spéciaux qu'on appela décimes^ et, une fois
cet expédient inventé, on employa l'argent ainsi obtenu aux
objets les plus divers ; croisades contre les Albigeois, contre
les Hohenstaufen ou contre F Aragon, guerres entre princes
d'Europe, etc. Le clergé protesta plus d'une fois et avec
énergie, mais il dut se soumettre et contribuer de ses
deniers aux nouvelles charges que ses prédications avaient
imposées à la société laïque. Au xiii^ siècle, on affecte
encore d'autres recettes aux frais de la croisade : rachat
des vœux de pèlerinage, restitution des usures, argent pro-
venant de legs faits aux églises et restés sans emploi, etc.
Saint Louis et Alfonse de Poitiers perçurent de ce chef des
sommes importantes, qui couvrirent en partie les frais des
croisades de 1242 et de 1270.
Enfin les papes attachèrent au titre de croisé des privi-
lèges judiciaires assez importants. Les croisés furent pla-
cés avec leurs biens sous la protection directe du saint-
§iège, soustraits à la juridiction ordinaire, sauf pour les
actions criminelles, exemptés des tailles et collectes ; des
répits leur furent accordés pour le payement de leurs
dettes, etc. Tous ces privilèges étaient excessifs et furent
invoqués surtout par les débiteurs de mauvaise foi. Aussi
les actes privés du xiu^ et du xiv® siècle contiennent-ils
presque toujours une renonciation spéciale au privilège de
croix prise ou à prendre. Les croisés, en effet, du fait
même de leur exemption, trouvaient peu de crédit chez les
banquiers, et la plupart étaient obligés pour s'équiper de
recourir à l'emprunt. Cette législation des croisades n'en
est pas moins fort curieuse et mériterait une étude parti-
culière.
L'organisation militaire des premières armées de pèle-
rins devait être aussi rudimentaire que possible ; chaque
bande marchait au hasard et ne reconnaissait que les chefs
choisis par elle ; de là les premiers désastres. Plus tard,
on adopte un système plus rationnel ; on tâche de grouper
chaque effectif, mais à la cohue des pèlerins succède la
cohue féodale, et jamais les chrétiens ne paraissent avoir
mieux en Orient qu'en Occident observé les règles les plus
élémentaires de la tactique. Seuls les ordres militaires,
soumis à une discipline exacte, avec une hiérarchie savante
de hauts et de bas officiers, surent faire une guerre vrai-
ment savante. Aussi étaient-ils d'ordinaire placés à l'avant-
garde et servaient-ils de guides et d'éclaireurs, rôle diffi-
cile, étant donné la bouillante ardeur et l'outrecuidance de
la chevalerie féodale. Rarement leurs conseils furent écoutés.
Par contre, les aptitudes militaires des chevaliers du moyen
âge étaient telles que rarement, une fois atteints par eux,
les Turcs pouvaient résister à leur choc invincible ; Bibars
lui-même, le plus redoutable ennemi des chrétiens, était
obligé de le reconnaître : ces vaillants hommes de guerre
n'avaient jamais succombé qu'au nombre et à la fatigue.
Il ne semble pas au surplus que les croisés aient em-
prunté grand'chose à leurs adversaires en matière de
guerre et de tactique. Les belles fortifications dont les
restes couvrent la Palestine sont conçues d'après le sys-
tème occidental, et les Turcs, une fois maîtres du Krak et
des autres places fortes, n'ont même pas su les entretenir.
Enfin c'est par erreur qu'on a souvent attribué aux Orien-
taux l'invention de l'arbalète, cette arme terrible que les
Sarrasins eux-mêmes redoutaient. Employée dès l'époque
romaine, elle était encore connue au x*^ siècle, et fut re-
mise en honneur à la fin du xii®. L'Eglise l'avait proscrite
dans les guerres entre chrétiens, comme trop meurtrière,
défense toute platonique, car, dès le xiii^ siècle, les rois de
France ont des corps d'arbalétriers, d'ordinaire des mer-
cenaires génois. En revanche, les chrétiens apprirent des
Turcs à mieux manier l'arc, à en rendre la portée plus
grande et le tir plus sûr (Quicherat, ifis^oir^ du costume,
p. 218).
Conclusions. — Les croisades ont avorté, on ne sau-
rait le nier ; entreprises pour chasser les infidèles de la
Terre sainte, elles se terminent par d'effroyables désastres,
et quand elles prennent fin au xiv« siècle, la puissance
musulmane est de plus en plus menaçante pour la civilisa-
tion. Est-ce à dire que ces grandes expéditions n'aient
produit aucun résultat? Le cas serait unique en histoire.
Les résultats matériels n'ont pas été les plus notables. Le
luxe et le bien-être, personne n'en saurait douter, se sont
développés en Occident à la suite des croisades ; on prit
le fout des étoffes, des formes de l'Orient et beaucoup de
mots devenus aujourd'hui européens rappellent des usages
empruntés à la Syrie par nos ancêtres. Mais à vrai dire,
il ne faut pas trop grossir la liste des emprunts faits à
l'Orient. Beaucoup de savants ont cru, par exemple, et
quelques-uns soutiennent encore, que l'architecture go-
thique procède de l'imitation de l'art arabe ; théorie sédui-
sante, mais aujourd'hui justement abandonnée. D'autre
part, on a fait dater des croisades l'acclimatation en Eu-
rope de plantes et de fruits d'Orient ; mais l'histoire des
végétaux est encore peu certaine, et une céréale tout au
moins, le maïs, doit être effacée de la liste, l'acte qui le
nomme en 1204 étant certainement supposé. Ces résultats
matériels sont donc à tout prendre assez faibles ; un peuple
peut être grand et civilisé sans connaître les prunes de
Damas ou la culture du safran.
Les résultats moraux ont été autrement importants. Le
chevalier européen, le petit noble, à plus forte raison le
bourgeois et l'ouvrier croupissaient au xi® siècle dans une
ignorance grossière du monde extérieur. Si quelques-uns,
en petit nombre, avaient le goût des voyages et des aven-
tures, la plupart restaient attachés à leur village natal,
sans jamais souhaiter s'en éloigner. Le mouvement des
croisades arracha le monde à cette stagnation, et dès lors
ce mouvement n'a plus cessé. Nos ancêtres n'étaient pas
plus sots que nous, et le pèlerin qui revenait de la pre-
mière croisade n'était certainement plus le même qu'au
départ. Il avait vu de nouveaux pays, parcouru de vastes
contrées, dont jusqu'alors il avait ignoré l'existence, il avait
appris à connaître les mœurs, la façon de combattre des
Turcs, admiré de riches monuments. Sans doute il lui
eût été difficile d'exprimer ses sentiments nouveaux, mais
ils sommeillaient en lui et devaient donner bientôt leurs
fruits.
Le premier résultat devait être l'affaiblissement de la
cause même des croisades, de la foi religieuse. Parti avec
la conviction naïve qu'il allait combattre d'affreux démons,
le chrétien se trouvait en face d'hommes comme lui, plus
riches et plus ingénieux pour les choses de la vie, vivant
sous un ciel déhcieux, aussi valeureux et souvent aussi
généreux, aussi chevaleresques que lui. Il apprenait ainsi
peu à peu à estimer ses ennemis, à reconnaître qu'un
musulman lui-même, un chien d'infidèle, peut être hon-
nête homme et vaillant chevalier. De là un attiédissement
de la foi encore peu apparent chez les simples pèlerins qui
ne font que passer en Orient, mais bien plus sensible
chez les chrétiens de Syrie, chez les marchands italiens,
qui font le trafic en Palestine, Les chroniqueurs, les papes
se plaignent continuellement de l'indifférence religieuse
des uns et des autres et il semble certain que beaucoup
avaient adopté le mode d'existence des Orientaux. Rappe-
lons encore les accusations d'hérésie portées contre les
templiers et les hospitaliers, les reproches adressés à Fré-
déric II pour ses relations avec les Arabes.
Développement du commerce et du bien-être en Occi-
dent, affaiblissement du fanatisme, voilà déjà des résultats
importants, achetés, il est vrai, un peu cher. Au point de
vue politique, les conséquences des croisades n'ont pas été
— 453
CROISADE
moins sensibles. Les principautés et les royaumes fondés
en Orient par les Latins n'ont eu qu'une durée éphémère,
mais le souvenir n'en a pas disparu. Sous les Francs de
Syrie, les ports de la côte avaient joui d'une prospérité
qu'ils n'ont plus retrouvée ; partout on voit les restes des
villes, des châteaux construits par eux. Aussi pendant
longtemps la France a-t-elle été la seule protectrice des
chrétiens d'Orient contre les exactions musulmanes, et c'est
aux croisades que notre pays doit son influence dans le
Levant. A. Molinier.
Bulle de la Croisade. — En 1099, Urbain II avait
accordé un grand nombre d'avantages à ceux qui partiraient
pour la croisade ou qui y contribueraient par leurs dons.
Ces privilèges furent renouvelés en 1207 par Innocent III,
pour la croisade contre les Albigeois. Les Espagnols étant
tous en hostilité permanente avec les mahométans, il est
vraisemblable qu'ils s'habituèrent tous à prendre perpétuel-
lement leur part de tous les bénéfices de croisade. En 4457,
Calixte Ilï les leur octroya formellement. Après la défaite
définitive des Maures, Isabelle la Catholique obtint de Jules II
que ces grâces fussent conservées à ses sujets, pour les
engager à poursuivre la guerre contre les infidèles. Après la
victoire de Lépante, Grégoire XIÏÏ les résuma et les prorogea
pour douze ans. Depuis 1573, la bulle de Grégoire XIIÏ a
été renouvelée sans interruption tous les douze ans, et plu-
sieurs papes y ont ajouté d'importants induits. — Les
aumônes auxquelles sont taxés ceux qui veulent profiter
des grâces, faveurs et privilèges concédés par la bulle de
la sainte Croisade produisent un revenu considérable. Ce
revenu était autrefois destiné à la guerre contre les maho-
métans ; il le fut ensuite au rachat des captifs, et enfin à
des œuvres pies. Des Lettres apostoliques de Pie IX (4 déc.
1877) les appHquent aux frais du culte divin et aux secours
des églises d'Espagne qui, pendant les dernières calamités,
ont reçu de gjaves dommages dans leurs revenus. — La
bulle de la sainte Croisade se compose de cinq parties ou
plutôt de cinq bulles distinctes : Bulle des vivants,
Bulle de la chair, Bulle des œufs et du laitage, Bulle
des défunts et Bulle de composition. On peut les
acquérir séparément, mais toutes se payent : ce prix s'ap-
pelle aumône. Elles permettent aux Espagnols de se pro-
curer, à des prix fort doux et sans formalités, des avan-
tages que les théologiens des autres nations paraissent
jalouser et que quelques-uns même se sont permis de cri-
tiquer , comme compromettant la discipline catholique,
en matière d'abstinence : deux indulgences plénières à
celui qui achète la bulle; une pour lui personnellement
et, par voie de suffrage, une autre pour un défunt ;
exemption des effets de l'interdit ; permission d'user d'ali-
ments gras, d'œufs et de laitage, tous les jours de l'année,
même en carême : ceux qui en profitent jouissent néan-
moins des bénéfices du jeûne et de l'abstinence, le fait
étant remplacé pour eux par la bulle et l'intention ; faculté
à tout confesseur choisi par l'acquéreur de la bulle de lui
donner l'absolution de toutes les censures et de tous les
péchés réservés à quelque ordinaire que ce soit ; en
outre, quantité d'indulgences et grâces précieuses.
E.-H. VOLLET.
BiBL. : Sources générales, réunies par Bongars, Gesta
Dei per Francos; Hanovre, 1611, 2 vol. in-foL, et par l'Aca-
démie des inscriptions et belles - lettres , Pans, 1841 et
suiv. (Ont paru : Historiens occidentaux, 4 vol. et le
vol. V, 1; arméniens, 2 vol.; grecs, 2 vol.; orientaux
(arabes), 3 vol.; Assises de Jérusalem, 2 vol.). Y ajouter la
plupart des historiens des xi«, xii« et xni« siècles. — Ar-
chives de l'Orient latin, publiées par la Société de l'Orient
Iatin;Paris,1881etl884,2vol. in-8. La seule source géné-
rale ancienne un peu importante est Guillaume de Tyr,
avec ses continuateurs, Ernoul, Bernard le Trésorier et
anonymes (V. ces noms) ; elle n'est originale qu'en partie.
M. R. Rôhricht vient de faire paraître une bibliographie
générale de la Palestine.
Travaux de seconde main. — Le P. de Maimbourg,
Histoire des croisades; Paris, 1675, 2 vol. in~4. — Wilken,
Geschichte der Kreuzzuge; Leipzig, 1807-1832, 7 vol. in-8.
— B. KuGLER, Geschichte der Kreuzzuge ; Berlin, 1880,
in-8 (collection d'Oncken) ; cet excellent ouvrage nous a
beaucoup servi. Nous ne citerons que pour mémoire l'His-
toire des Croisades de Michaud, composition démodée,
trop lue encore aujourd'hui. La Bibliothèque des Croisades
du même (Paris, 1829, 4 vol. in-8) est plus utile; le der-
nier volume, renfermant des extraits d'auteurs arabes, est
de Reinaud. — Comte Rjant, Expéditions et pèlerinages
des Scandinaves en Terre sainte au temps des croisades ;
Paris, 1865-1869, in-8, avec table. — Rôhricht, Quellenbei-
trage zur Geschichte der Kreuzzuge ; Berlin, 1876, in-4.
— • Du môme, Beitràge zur Geschichte der Kreuzzuge ; Ber-
lin, 1876, 2 vol. in-8.— E. REY^Rechei^ch es géographiques
et historiques sur la domination des Latins en Orient;
Paris, 1877, in-8. — Du même, les Colonies franques de
Syrie aux xii» et xiii'» siècles ; Paris, 1884, in-8. — Du
Gange, les Familles d'outre-mer, publiées par E. Rey;
Paris, 1869, in-4 (Collection des documents inédits). — Rey,
l'Architecture militaire des croisés en Syrie; Paris, in-4
(Id.). — De Mas-Latrie, Histoire de l'île de Chypre sous
les princes de la maison de Lusignan ; Paris, 1852-1861,
3 vol. in-8. — W. Heyd , Geschichte des Levantehandels
im Mittelalter ; Stuttgart, 1S19, in-8 (trad. de Furcy-Ray-
naud , 1885-1886). — Prutz, Kultur geschichte der 'Kreuz-
zuge; Berlin, 1883, in-8. ~ Hartwig Derenbourg, Oitsâma
Ibn Mounkidh. Un Emir syrien au premier siècle des croi-
sades fl095-1188) ; 1« Texte arabe de l'Autobiographie
d'Owsâma; Paris, 1886, in-8; 2» Vie d'Ousâma, chapitres
I-V ; Paris, 1889, in-8. — L. von Ranke, Weltgeschichte,
8" vol.; Leipzig, 1887, in-8.
Origine des croisades. — T. Tobler, A. Molinier et
Ch. KoHLER, Itinera Hierosolymitana et descriptiones
terrse sanctse bellis sacris anteriora; Genève, 1877-1885,
2 vol. in-8 (Société de l'Orient latin). — Comte Riant,
Inventaire critique des lettres historiques des croisades
(Archives de V Orient latin, I, pp. 1-224). — Hagenmeyer,
Peter der Eremite. Ein kritischer Beitrag zur Geschichte
des erstenKreuzzuges;Lemz\Qy 1879, in-8 (trad. franc, de
Furcy-Raynaud ; Paris, 1883, in-8.)
Première croisade.— Sources dans Bongars et dans
\e^ Historiens des croisades. — A y joindre : Prutz, Quel-
leinbeitrage zur Geschichte der Kreuzzuge, Danzig, 1876,
in-8. — Ekkehard VON Aura, Hierosolymita', Tubingue,
1877, in-8. — Ouvrages à consulter: Sybel, Geschichte
des ersten Kreuzzuges ; Berlin, 1881, in-8. — Peyré, His-
toire de la première croisade ; Paris, 1859, 2 vol. in-8. —
Pigeonneau , le Cycle de la croisade et la famille de
Bouillon ; Paris, 1877, in-8.
Deuxiè.me croisade. — B. Kugler, Studien zur Ge-
schichte des zweiten Kreuzzuges ; Stuttgart, 1866, in-8. —
Odon de Deuil, Guillaume de Tyr, les sources de l'histoire
de Louis VII, de Conrad III et de saint Bernard et les tra-
vaux de seconde main sur ces trois personnages.
Troisième croisade. — Haymari monachi liber Tétras-
tichus (éd. Riant); Lyon, 1866, in-8, et les sources de l'his-
toire de Frédéric Barberousse, de Philippe-Auguste et de
Richard Cœur de Lion. Y joindre les continuateurs de
Guillaume de Tyr.
Quatrième croisade. — Villehardouin, Robert de
Clary, Lettres d'Innocent III. — Riant, Innocent IH,
Philippe de Souabe et Boniface de Montferrat (Revue
des questions historiques, 1875). — L. Streit, Venedig und
die Wendung Kreuzzuges gegen Konstantinopel ; Anklam,
1874, in-4. — G. Hanotaux, les Vénitiens ont-ils trahi la
chrétienté en 1202 ? (Revue hi^storique t. IV). — Klimke,
Die Quellen der Geschichte des vierten Kreuzzuges ;
Breslau, 1875, in-8. — Riant, le Changement de direction
de la quatrième croisade d'après quelques travaux récents
( Revue desqueëtions his torique s, janv. 1878). — J. Tessier,
Quatrième Croisade. La diversion sur Z ara et Constanti-
nople ; Paris, 1884, in-8. — A consulter également, du comte
Riant : Exuviœ sacrse Constant inopolitanœ ; Genève, 1877-
1878, 2 vol. in-8.
Cinquième croisade. — Quinti Belli sacri scriptores
minores et Testimonia minora de quinto bello sacro,
éd. Rôhricht ; Genève, 1879 et 1882 (Société de l'Orient
latin).
Croisade de Frédéric IL — Régeste de Grégoire IX,
et les sources de l'histoire de l'empereur.
Sixième croisade. — Rôhricht, Die Kreuzzuge des
Grafen Theobald von Navarra und Richard von Corn-
wallis (Forsehungen zur deutsche Geschichte, XXVI, pp.
67-102).
Croisades de saint Louis. — Sources de l'histoire de ce
prince et en première ligne Joinville. Pour la croisade
d'Egypte, V. le Mémorial de §ainte- Hélène. — De Mas-
La trie. Traités de paix et documents divers concernant les
relations des chrétiens avec l'Afrique septentrionale au
moyen âge ; Paris, 1865, in-4. ~ Rôhricht, la Croisade du
prince Edouard d'Angleterre (Archives de l'Orient latin,
I, 617).
Chute d'Acre. — Thaddeus Neapolitanus, Historia de
desolacione et conculcacione civitatis Acronensis (éd.
Riant) ; Genève, 1873, in-8. — Rôhricht, Etudes sur les der-
niers temps du royaume de Jérusalem {Archives de l'Orient
latin, I et II).— Article de V. Leclerc, dans Histoire lit-
téraire de la France, XX, 51-64 et 79-98.
Arrière-croisades. — J. DELAviLLE-LE-Roux,;a France
en Orient. Expéditions du maréchal Boucicaut ; Paris,
1885, in-8. . - .
CROISADE --» CROISÉE - 454 -~-
CROISADE DES ENFANTS. Le fait date de l'an 4212 ; il
est rapporté avec grands détails par Albéric de Trois-Fon-
taines, mais il paraît tellement singulier que quelques histo-
riens Font révoqué en doute. Au mois de juin de Tannée
1242, un jeune berger du village de Cloyes, près Vendôme,
nommé Etienne, se mit à parcourir le pays, en appelant à
lui les enfants. Il se disait envoyé de Dieu pour la délivrance
de la Terre sainte ; nouveau Moïse, il n'aurait qu'à paraître
avec sa troupe enfantine, les flots s'ouvriraient pour leur
livrer passage et les Sarrasins s'enfuiraient devant eux.
Les missionnaires qui depuis bien des années parcouraient
la France avaient tellement échauffé les esprits, tellement
surexcité le sentiment religieux qu'une foule d'enfants des
deux sexes quittent alors leurs parents pour s'attacher aux
pas de ce pauvre illuminé, et le suivent en désordre, vivant
d'aumônes sur la route. Loin de les arrêter, chacun les
laisse passer et les encourage. Innocent III lui-même loue
leur résolution, signe de l'état des esprits au début du
XIII® siècle. La troupe, grossie ds prêtres vagabonds, de
simples ouvriers et surtout de mauvais sujets et d'aventu-
riers, traverse ainsi toute la France et atteint Marseille ;
elle était, dit-on, forte de plus de trente mille têtes. Mais
la mer ne s'ouvrant pas et le miracle se faisant attendre,
il fallut recourir à des moyens plus humains. Les jeunes
pèlerins s'adressent à deux armateurs de Marseille, Hugues
Ferri et Guillem Porc, notables commerçants du grand
port, que nomment d'autres textes du temps. Ces honnêtes
armateurs s'engagent à les transporter gratuitemeut en
Orient ; on remplit sept vaisseaux de ces malheureux
enfants ; deux coulent sur un îlot des côtes de Sardaigne,
où plus tard- le pape Grégoire IX élèvera une église aux
Saints Innocents ; les cinq autres arrivent heureusement à
destination, c.-à~d. à Bougie et à Alexandrie, où nos bons
Marseillais vendent leur cargaison humaine aux marchands
d'esclaves, fabricants d'eunuques et pourvoyeurs de harems.
Combien durent périr dans la traversée et dans l'esclavage,
on se le figure aisément. Un petit nombre recouvra la
liberté dix-sept ans plus tard après la paix entre Fré-
déric Il et le sultan Alkamil. Le gouverneur d'Alexandrie
en mit du coup en liberté environ sept c^nts. On voit quelle
foule avait dû en 1212 suivre le berger Etienne.
La même folie s'était manifestée en Allemagne vers le
même temps. Un jeune enfant, nommé Nicolas, réunit près
de vingt mille enfants, filles et garçons, franchit les Alpes,
malgré les brigands et les frimas ; beaucoup périssent en
route ; le reste arrive à Gênes le 25 août 1242, comptant
s'y embarquer. Le podestat veut les forcer à gagner Brin-
disi ; l'archevêque, plus humain, s'emploie à les rapatrier.
Mais la plupart meurent de fatigue et de besoin, d'autres
entrent en condition pour gagner leur vie. Le pape, auquel
ils ont envoyé une ambassade, leur conseille de renoncer à
leur projet et d'attendre pour partir en croisade d'avoir
atteint un âge plus avancé. Le chef, Nicolas, suivit plus
tard ce conseil et prit part en 1219 au siège de Damiette,
d'où il revint sain et sauf à Cologne. Cette singulière expé-
dition, fruit des idées mystiques du xiii® siècle, ne laissa
pas de surprendre quelques contemporains , et plusieurs
essayèrent de lui trouver une cause naturelle. Au rapport
de Vincent de Beau vais, le Vieux de la Montagne aurait par
ses émissaires déterminé ce mouvement dans l'espoir de
diminuer le contingent de la future croisade. Roger Bacon
lui donne pour instigateur le khan des Tatares ; enfin
d'autres, encore moins raisonnables, l'attribuent au diable
lui-même, dont tout bon chrétien au xiii^ siècle, surtout en
Allemagne, voyait l'influence partout. A. Molinier.
BiBL. : Albéric de Trois-Fontaines, Monumenta Ger-
manise, Scriptores, t. XXIV. ~ Lenain de Tillemont,
Saint Loitis, t. I, p. 263. — Winckelmann, Geschichte
Kaiser Friedrichs^ II, pp. 221-222. — Rôhricht, Der Kin-
der-Kreuzzug^ dans le Historische Zeitschrif^ de Sybel,
1876, t. XXXVl, pp. 1-8.— KuGLER, Geschichte der Kreuz-
2:%e,pp. 306-308.
CROJSANCE. Com. du dép. de la Haute-Loire, arr. du
Puy, cant. de Saugues ; 321 hab.
CROISÉ. I. Histoire (V. Croisade).
II. Tissage, — - Armure fondamentale servant de base à
un grand nombre de tissus, et qui consiste à faire passer
chaque duite sous deux fils et sur les deux suivants, les
duites successives étant chacune reculées d'un fil par
rapport à la précédente. Les tissus ainsi construits présen-
tent de petites côtes allant obliquement d'un bord à l'autre
de la pièce. On donne d'une manière générale le nom de
croisés aux tissus de coton exécutés d'après cette armure.
III. Escrime (V. Escrime).
CROISÉE. I. Technologie. — Ouvrage de menuiserie
destiné à clore une baie, une ouverture pratiquée dans un
mur pour laisser pénétrer le jour à l'intérieur d'un édifice ou
d'une habitation. Ce nom de croisée vient de la forme en croix
qu'affectaient les meneaux en pierre placés au milieu . des
baies dans les constructions du moyen âge. Pendant la période
romane, les baies des croisées n'étaient souvent fermées
qu'avec des volets pendant la nuit et, pour obtenir du jour
à l'intérieur des pièces, on laissait entrer l'air avec la lumière
dans les appartements. Ces volets furent d'abord percés de
petits ajours dans lesquels on tendait un parchemin ou un
canevas, ou encore on incrustait des morceaux de verre.
Cet usage se conserva longtemps parmi les populations du
centre et du midi de la France ; mais, dans le nord, l'insuf-
fisance de la lumière et la rigueur du climat obligèrent les
habitants des villes et des châteaux à faire de véritables
châssis propres à recevoir une surface étendue de vitraux
ou de parchemin. Au xii^ siècle, ces châssis n'étaient encore
que de véritables volets composés de montants et de tra-
verses, mais dont les panneaux de bois étaient remplacés
par des vitres ou par des vélins huilés. Au xiii® siècle on
ne se contentait plus déjà d'ajours aussi étroits, les fenêtres
devenaient hautes et larges, leurs meneaux étaient dimi-
nués d'épaisseur et, par suite, les châssis de croisées s'allé-
gissaient pour mieux faire pénétrer la lumière dans les
salles. Les châssis ne portaient pas de jet d'eau, l'eau de
pluie qui glissait le long de leur parement extérieur était
recueillie dans une petite rigole aménagée dans l'appui et
s'écoulant au dehors ; des volets étaient maintenus fermés
au moyen de targettes entrant dans des gâches ménagées
sur les renforts intérieurs du morceau de pierre et, au
besoin par des barres. Pour poser les châssis, il n'y avait
aucune entaille ou scellement à faire après coup dans les
tableaux et feuillures ou ébrasements ; l'objet arrivait à sa
place complet, achevé à l'atelier, sans qu'il fût nécessaire,
comme cela se pratique aujourd'hui dans nos constructions,
d'envoyer successivement des ouvriers de deux ou trois
états pour terminer la pose et la ferrure d'une croisée. La
maçonnerie, la charpente, la menuiserie et la serrurerie
étaient achevées simultanément et, les toits couverts, il n'y
avait plus qu'à peindre et à tapisser. Quand les châssis de
croisée ne roulaient pas comme ceux-ci au moyen de tou-
rillons, quand ils étaient attachés après coup, les gonds
qui les suspendaient se scellaient dans les lits d'assises
pendant la construction, afin d'éviter les entailles et les
trous de scellement qui déshonorent les ravalements de nos
maisons. Les châssis de croisée dans les maisons du
xiv^ siècle étaient souvent plus simples que ceux-ci et se
composaient seulement de montants, de battants et de tra-
verses. Les petits bois n'avaient pas d'utilité quand on
employait les panneaux de vitraux mis en plomb, et ils
commencèrent à garnir les châssis quand on substitua aux
panneaux mis en plomb des morceaux de verre taillés en
assez grands fragments dans des boudinés, c.-à-d. dans des
plaques de verre circulaires ayant au centre un renflement.
Les châssis de croisée au moyen âge ne présentaient donc
pas le réseau de petit bois qui garnit les châssis du
XVII® siècle, et qui produit un effet si déplaisant à cause de
la monotonie de ces compartiments égaux coupant le vide
de la baie en quantité de petits parallélogrammes. Les pan-
neaux des vitraux étaient fixés dans les feuillures des châssis
au moyen d'un mastic recouvert d'une lanière en par-
chemin faisant corps avec ce mastic, ou simplement, pour
455
CROISEE
les intérieurs où il n'importait pas d'obtenir un calfeutrage
parfait, par des tourniquets. Alors, entre les tourniquets,
les panneaux étant ouverts, on introduisait une bande de
feutre épais à la jonction de ces panneaux, bande de feutre
fendue au droit de chaque tour-
niquet ; puis on fermait ceux-
ci qui alors exerçaient une
pression sur ce feutre et empê-
chaient le ballottement des vi-
traux. Cet usage s'est conservé
assez longtemps dans les pro-
vinces du centre. Les châssis
de croisée du xv^ siècle, dans
les hôtels et châteaux, compo-
sèrent parfois une œuvre de
menuiserie passablement com-
pliquée ; l'hôtel de la Tré-
moille, à Paris, possédait en-
core dans l'étage au-dessus du
portique donnant sur la cour,
des châssis de croisée dépen-
dant de la construction primi-
tive datant de la fin du xv® siè-
cle. Ces châssis (fig. i ) garnis-
saient des fenêtres composées
d'un meneau central avec une
traverse en pierre ; ils consis-
taient donc en quatre comparti-
ments : deux grands oblongs inférieurs et deux carrés ;
nous donnons l'un des châssis inférieurs. Ces châssis pos-
sédaient des dormants fixés dans la feuillure de pierre par
des pattes, ainsi que cela se pratique encore aujourd'hui. Ces
croisées en bois de chêne étaient
tracées et façonnées avec grand
soin, leurs vitraux étaient,
comme nos vitres, posés en
feuillure et mastiqués. Nous
donnons (fig. 2) le jet d'eau
inférieur ; ces détails font voir
Fig. 2. avec quelle attention les me-
nuisiers de cette époque éta-
blissaient leurs épures, comme ils donnaient aux moulures
une forme convenable en raison de leur place et de leur
destination. Il faut reconnaître que depuis ce temps nous
n'avons pas fait de progrès sensibles dans l'art de la menui-
serie de bâtiment. Les châssis de croisée n'étaient point
ferrés alors comme ils le sont aujourd'hui au moyen
d'équerres entaillées; les ferrures des paumelles, qui cjuel-
quefois formaient équerres, étaient posées sur le bois au
moyen de clous et d'attaches, mais non entaillées. Il fallait
donc que les assemblages de ces châssis fussent très bien
faits pour éviter les déformations et les dislocations. Les
ferrures entaillées sont une bonne chose, mais les menuisiers
s'y fient trop pour maintenir les assemblages; puis elles
contribuent singulièrement à l'extérieur à hâter la pourri-
ture des bois précisément au droit de ces assemblages.
Nous parlerons maintenant des croisées telles qu'on les
construit actuellement pour les besoins courants ; tout
ouvrage de ce genre se compose de deux parties distinctes :
d'un bâti ou dormant qui est fixé à demeure dans la maçon-
nerie et de vantaux mobiles ou châssis vitrés qui sont joints
au dormant sur un côté de leur élévation au moyen de fer-
rures qui leur permettent de se mouvoir librement. Les
croisées varient beaucoup de hauteur ; il y en a qui ont
quatre et cinq mètres d'élévation ; dans ce cas on y fait des
impostes afin que les châssis soient moins pesants et qu'on
puisse les mouvoir avec moins de peine. Ces impostes sont
construites comme celles des portes cochères, ou bien elles
sont en châssis et destinées à recevoh» des vitres. Les croi-
sées sont presque toujours en forme de parallélogrammes,
ayant pour base un des petits côtés ; parfois elles sont cin-
trées par le haut : dans ce cas on est toujours obligé de faire
des impostes. Dans un petit nombre de cas la baie a une
forme circulaire, elliptique ou en ogive, il faut que le châssis
qui la bouche ait une forme pareille et le plus souvent ce
châssis est fixe. Enfin les croisées sont tantôt à un, tantôt
à deux battants ou vantaux. La construction des croisées
exige l'emploi de matériaux spéciaux qu'on nomme d'une
manière générale outils de croisée et que nous décrirons à
leur place ; ce sont des outils à moulures qu'on appelle,
suivant la forme de leurs fers, gouttes d'eau, congés, noix,
jets d'eau, tarabiscots, gueule de loup, etc. Pour établir une
croisée ordinaire, il faut commencer par fixer le dormant ;
on donne ce nom à un encadrement en menuiserie composé
de deux montants et de deux traverses assemblés carrément
à tenon et à mortaise et fixés d'une manière invariable dans
la baie de la fenêtre à 0^^055 ou à 0"^080 au moins de la paroi
intérieure de la muraille. Ces dormants portent les feuillures
dans lesquelles s'emboîtent et s'appliquent les châssis vitrés ;
ils reçoivent aussi les ferrures qui contiennent ces derniers,
de telle sorte que le châssis dormant porte et soutient les
châssis vitrés mobiles. Les formes et les dimensions des
diverses pièces qui composent le dormant ne sont pas fixées
d'une manière arbitraire ; les montants doivent avoir environ
0^054 d'épaisseur et 0^081 à O'^IOS de largeur. Comme
les pierres de taille qui forment la baie de la croisée portent
ordinairement une feuillure dans laquelle sont placés les
montants et que, par conséquent, la baie est plus petite à
l'intérieur, mesurée entre les deux tableaux, qu'à l'exté-
rieur, mesurée entre les deux saillies de la ferrure, il suffit
que les montants et la traverse supérieure dépassent la
pierre de taille d'environ 0"*044. S'ils paraissent extérieu-
rement plus larges, leur pourtour est orné d'une moulure,
A l'intérieur, leur largeur serait réglée uniquement par
cette considération, qu'on doit les tenir assez larges pour
qu'ils aient assez de force ; mais si l'on doit, comme cela
arrive souvent, y fixer à l'intérieur des volets brisés, il faut
que la largeur des montants soit telle que l'épaisseur de
ces volets, lorsqu'ils sont repliés, n'empêche pas d'ouvrir les
fenêtres.
Telles sont les dimensions des montants du dormant;
examinons leur forme, ce qui est encore plus important.
Supposons le cas le plus compliqué, celui où le montant
doit porter à la fois un volet extérieur et deux châssis
mobiles. On commence par pousser une feuillure, profonde
de 0«^04'l à 0«»014, large de O^'OUà 0'»0i6 sur la face
de ce montant qui est tournée vers l'intérieur de la maison.
Alors, indépendamment des deux arêtes de la tranche, par
laquelle ce montant touche à la muraille, il y a encore trois
autres arêtes : celle que la feuillure vient de former sur sa
surface, l'arête interne de la tranche qui doit porter le
châssis mobile, l'arête de cette même tranche qui est la plus
rapprochée du dehors et que nous pouvons appeler arête
externe. C'est sur l'arête de la feuillure, ou plutôt sur la
face de cette feuillure, qui est perpendiculaire aux grandes
faces du montant, qu'on fixe les gonds destinés à supporter
les volets. Sur l'arête interne on pousse un congé de mou-
lure ayant la forme d'un quart de cylindre creux. C'est
dans ce congé qu'on fixe les fiches sur lesquelles tournera le
châssis mobile ; ce châssis aura, comme le châssis fixe, des
montants, et l'arête interne de celui des montants qui devra
tenir la fiche sera de même creusée en congé. La réunion
de ces deux moulures formera un demi-cylindre, une gorge
dans laquelle la fiche sera logée à moitié, et les vives ai'ètes
ainsi emportées ne gêneront pas l'ouverture de la fenêtre,
ce qui serait arrivé sans cela. Enfin, on creuse, enti^e
l'arête interne et l'arête externe du montant dormant, une
noix ou rainure de forme demi-cyhndrique ; la tranche
correspondante du montant du châssis mobile porte en
saiUie une languette de même forme qui viendra s'emboîter
dans cette rainure. Il en résultera que l'air pénétrera plus
difficilement à travers ce joint recourbé; que les eaux plu-
viales ne pourront s'y introduire, même quand elles seront
chassées par le vent. Pour faciliter l'ouverture de la croisée,
on recule la tranche du montant d'environ 0">002 depuis la
noix jusqu'au congé.
CROISÉE
456 —
La traverse supérieure du dormant ne donne lieu à aucune
observation importante ; elle porte une feuillure creusée au
bas de la face interne et dans laquelle s'engage une feuil-
lure creusée dans le haut de la face externe de la traverse
supérieure du châssis mobile. La traverse inférieure à
laquelle on donne le nom de pièce d'appui est beaucoup
plus épaisse que les autres pièces du châssis dormant ; elle
porte à l'intérieur une feuillure et, à l'extérieur, elle aune
forme donnée par un quart de cylindre sur lequel l'eau ne
peut pas séjourner. Une bandelette ou listel s'élève en
dehors au-dessus de cette portion de cylindre et forme en
dedans la face verticale de la feuillure. La traverse infé-
rieure du châssis mobile se nomme jet d'eau; elle a une
disposition à peu près semblable. En effet, elle est saillante
comme la première, et arrondie extérieurement; mais la
feuillure, au lieu d'être tournée vers le dedans de la maison,
est tournée vers le dehors et la surface verticale de l'une
s'applique contre la surface verticale de l'autre. Ce système
a été imaginé pour prévenir l'introduction de la pluie; tou-
tefois, cette précaution, qui [n'est pas suffisante, le serait
encore moins si l'on ne cherchait à empêcher l'eau de
glisser entre la baie de la croisée et de la pièce d'appui.
Plusieurs moyens ont été employés pour cela ; le plus sou-
vent on se contente de recouvrir le joint de la pierre et du
bois extérieurement avec une couche de bon ciment. D'autres
procédés sont du ressort du menuisier ; le premier consiste
à laisser saillir la pierre de la baie d'une épaisseur d'environ
0^048 à 0°i020 enferme de feuillure et de faire à la pièce
d'appui une feuillure d'une largeur et d'une hauteur égales
à l'excédent de la pierre. Le second moyen consiste à faire,
à Tappui en pierre , une feuillure sur l'arête de laquelle se
réserve un listel qui entre dans la pièce d'appui, dont la
tranche inférieure porte à cet effet une rainure. Au reste,
si la pièce d'appui est saillante en dehors, en dedans elle
est de niveau avec les autres parties du châssis. Chaque
châssis mobile se compose de deux montants et de deux
traverses, l'une en haut, l'autre en bas ; les deux montants
portent sur leur tranche extrême celle qui joint les mon-
tants fixes du dormant, une saillie appelée languette circu-
laire qui entre dans le vide également circulaire qui est
creusé dans ces montants et qu'on nomme noix. L'arête
interne est aussi creusée en congé ; la traverse supérieure
porte sur sa surface externe une feuillure. Enfin la tra-
verse inférieure est taillée comme la barre d'appui, n'en
diffère que par la position de sa feuillure, s'appuie sur
elle par sa face de dessous, et forme une saillie ou espèce
de toit en avant du listel. — Il nous reste à parler du mode
de fermeture des deux châssis mobiles et de celles de leurs
parties qui sont destinées à supporter les carreaux de vitres.
La fermeture est facile à concevoir ; la tranche libre de
i'un des châssis mobiles est creusée en noix, la tranche de
l'autre châssis a ses arêtes arrondies et forme un demi-
cylindre dont la division est en tout semblable à celle de la
noix. Ces deux pièces entrent donc l'une dans l'autre et
s'emboîtent réciproquement ; il en résulte qu'il faut toujours
donner au montant dans lequel est creusé la noix plus de
largeur et d'épaisseur qu'à l'autre ; plus de largeur, afin
qu'indépendamment de la noix, il reste assez de place pour
assembler les traverses avec ce montant; plus d'épaisseur,
puisque ce montant doit contenir l'autre. Dans ce cas, on en
est quitte pour diminuer l'épaisseur de ce montant à partir
du point où est creusée la noix , de telle sorte que les
deux tranches internes des deux montants aient la même
dimension. Les traverses et les montants de chaque châssis
mobile sont unis entre eux à enfourchement; il en résulte
un parallélogramme à jour, dans lequel doivent être placées
les vitres ; mais généralement on ne pose pas de vitres de
cette grandeur et on divise ce parallélogramme en plusieurs
autres, de telle sorte que chacune de ces subdivisions soit
toujours plus haute que large. Si les châssis ne sont pas
très grands, il suffira de les diviser avec de simples tra-
verses, mais quelquefois on est forcé de placer entre les
deux montants un autre montant plus étroit et qui divise
le châssis en deux longs parallélogrammes. Chacun d'eux
est divisé transversalement en plusieurs autres par des tra-
verses qui, de chaque côté du montant de division, sont
placés à une égale hauteur et semblent faire une croix avec
lui. Ces traverses qui servent à diviser ainsi les châssis
mobiles se nomment petits bois ; elles sont ornées de mou-
lures tant sur une face que sur l'autre. Il en est de même
du montant de division quand il existe ; en outre, il ne doit
pas être plus large que les petits bois. Des moulures pareilles
régnent des deux côtés de la tranche interne des montants
et des traverses qui forment le grand parallélogramme,
et toutes ces pièces s'assemblent entre elles d'onglet. Les
petits bois pénètrent à tenon dans les montants et le mon-
tant de division entre dans deux mortaises croisées dans
les traverses.
Indépendamment de ces moulures d'ornement, on en trace
d'autres au pourtour intérieur de chacun des petits paral-
lélogrammes; sur les quatre côtés, on creuse des feuillures
aussi profondes l'une que l'autre et dans lesquelles les
vitres sont fixées avec des pointes de fer et du mastic de
vitrier ; ces feuillures sont toujours creusées sur la surface
de la croisée exposée à la pluie. Actuellement on fabrique
des carreaux de grande dimension et même des glaces, ce
qui permet de ne placer qu'un seul petit bois.
Nous savons que les croisées sont à deux battants ou à
un seul battant. Les croisées à deux battants sont des
plus compliquées; quelquefois au heu d'yne fermeture à
noix, on se contente d'une simple fermeture à feuillures,
comme celle des portes à deux battants. L'emploi de cette
fermeture est bien moins efficace, mais il est indispensable
quand la croisée n'a qu'un battant et que la tranche du
châssis mobile vient s'appliquer contre la tranche de l'un
des montants dormants. Les croisées à un battant n'exigent
aucune mention spéciale, ce qui précède suffit pour en faire
comprendre la construction. Nous dirons quelques mots des
croisées éventail, des croisées entresol, des portes-croisées
et des doubles croisées. Les croisées éventait^ dont l'extré-
mité supérieure se termine en demi-cercle, n'étaient guère
usitées autrefois que dans les églises et quelques vieux
édifices ; mais aujourd'hui on les emploie assez fréquemment
pour les magasins, les ateliers et les cabinets élégants
ornés de vitraux peints. Les croisées entresol sont celles
que l'on destine à éclairer deux pièces, dont l'une , placée
au-dessus de l'autre, est plus basse et prend le nom d'en-
tresol ou de soupente ; ces croisées ont quatre châssis
mobiles, deux pour la pièce supérieure, deux pour la pièce
inférieure. Le châssis dormant est divisé en deux parties,
dont l'une descend depuis le haut de la baie jusqu'au plan-
cher et dont l'autre commence à 0^^054 au-dessous du plan-
cher et finit au bas de la baie. Cette division est formée
par une traverse de bois dont la largeur est égale à l'épais-
seur du plancher qui sépare les deux pièces, plus 0"^108 ;
des saillies sont nécessaires pour le jeu de l'espagnolette,
ferrure qu'on emploie pour tenir fermées les croisées à deux
battants. Souvent, on fait descendre encore davantage la
traverse au-dessous du plancher , et l'on y pousse des
moulures qui lui donnent l'apparence d'une frise. Quelque-
fois, la croisée n'a qu'un seul battant et il n'y a que deux
châssis mobiles, l'un en haut, l'autre en bas. Les portes-
croisées^ destinées à faire les fonctions d'imposte à deux
vantaux, donnent souvent sur des balcons et ne diffèrent le
plus ordinairement d'une croisée à deux battants que par
une plus grande hauteur. Dans ce cas, cependant, il est bon
de remarquer que la fermeture est toujours à feuillure,
quelquefois elles ont des panneaux dans le bas et ces pan-
neaux sont ornés de moulures que fréquemment on fait
semblables à celles qui ornent les petits bois. La hauteur
de ces panneaux pleins varie, quelquefois on la fait égale à
l'élévation des traverses d'appui des autres croisées de la
même façade et du même rang; d'autres fois on se règle sur
la hauteur des lambris d'appui de l'appartement. Dans tous
les cas, les châssis mobiles de ces croisées reposent sur
des pièces d'appui exactement semblables à celles des croi-
457 —
CROISEE
sées ordinaires. Quand il y a dans le bas des panneaux
pleins et qu'on veut poser à Fintérieur des volets brisés, il
faut faire régner des cimaises peu saillantes qui supportent
ces volets quand on les ferme. Si, dans ce cas, il n'y a pas
de panneaux pleins, on a soin que la pièce d'appui soit
saillante en dedans d'environ 0"^0'14; en cette occasion
elle remplit le même office que la cimaise. Les doubles
croisées sont celles que l'on place extérieurement, en outre
des croisées ordinaires, pour mieux fermer les appartements ;
elles se posent de diverses manières : ou bien, on fait
entrer à vif le châssis dormant dans les tableaux des croi-
sées et on l'arrête avec des crochets ; ou bien on creuse
une feuillure dans le tableau de son arête, et on y fait
entrer le châssis ; ou bien encore on creuse une feuillure
sur tout le pourtour de la face interne du châssis, de telle
sorte qu'une moitié seulement de son épaisseur entre dans
la baie et que la partie excédente qui reste en dehors soit,
sur son arête, ornée d'une moulure. Ces croisées peuvent
s'ouvrir en dehors ou en dedans ; dans ce dernier cas il
faut que leurs châssis soient moins élevés que les châssis
intérieurs, afin qu'ils puissent passer aisément entre la tra-
verse supérieure et la traverse d'appui ; il faut aussi qu'ils
soient moins longs, ce qui obhge à réserver une plus grande
largeur aux montants du châssis dormant intérieur qu'aux
montants du châssis dormant extérieur. Quand elles ouvrent
en dehors, ce qui est le cas le plus fréquent, la fermeture
est à feuillure.
Les impostes, que l'on emploie pour diminuer la hau-
teur des châssis mobiles et les rendre plus faciles à ouvrir
et à fermer, sont formées par une traverse qui s'assemble à
tenon et à mortaise dans les montants des châssis dormants,
et fait dans le haut de la baie un encadrement fixe, divisé
en plusieurs parties par de petits bois. On y met des car-
reaux de vitres comme aux châssis mobiles. Les pièces de
bois de l'imposte doivent être de même dimension que celles
du reste de la croisée, les moulures sont semblables. Quand
la baie est cintrée, on remplit ordinairement toute la partie
cintrée par l'imposte, afin que les battants mobiles aient
toujours la forme d'un parallélogramme, ce qui les rend
plus aisés à construire et plus solides. Les croisées circu-
laires sont tout à fait circulaires, ou demi-circulaires, ou
simplement en quart de cercle. Examinons d'abord les
châssis circulaires ; on forme à l'aide de pièces de bois
courbées convenablement, un cercle qui tient lieu des mon-
tants et des traverses. On tourne ensuite un plateau en bois
circulaire ayant 0^^054 de diamètre au plus et une épais-
seur égale à celle du châssis circulaire. Les arêtes internes
du châssis et celle du plateau sont ornées de moulures ; on
place le plateau au centre du châssis et on les unit ensemble
par des petits bois qui sont disposés en rayons et vont de
la circonférence interne du cercle à la circonférence du
plateau. Si l'intervalle de ces rayons est trop grand pour
qu'on puisse le remplir par un seul carreau, on le coupe en
plusieurs parties par d'autres petits bois assemblés trans-
versalement avec les premiers. Les châssis demi-circu-
laires sont formés d'abord d'une ou de plusieurs pièces de
bois cintrées, disposées en demi-cercle et assemblées par les
deux bouts dans une traverse qui forme le diamètre. Sur
la tranche supérieure de cette pièce de bois s'élève en saillie
un demi-plateau circulaire dans la tranche duquel viennent
s'implanter des petits bois disposés encore en forme de rayon,
et fixés par leur autre extrémité dans une tranche de demi-
cercle à intervalles égaux. Les châssis en quart de cercle
sont toujours construits d'après le même système ; deux
pièces de bois droites sont assemblées à angle droit. Leurs
extrémités libres sont unies par une autre pièce de bois cin-
trée en quart de cercle, des petits bois divisent en plusieurs
parties cet intervalle. Quelquefois, cependant, les petits bois,
au lieu d'être placés en rayons, sont assemblés dans une
autre direction, par exemple, dans un châssis demi-circu-
laire ; on partage le demi-cercle en deux par un petit bois
perpendiculaire au diamètre et tous les autres petits bois
sont placés parallèlement à celui-ci. On emploie^ce système,
même pour les châssis circulaires, mais cette disposition est
moins élégante. Les assemblages se font toujours d'onglet,
à tenon et à mortaise, et les vitres sont toujours fixées dans
les feuillures. L. Knab.
IL Architecture. — Croisée d'ogives. La croisée
d'ogives est l'organe caractéristique du système d'archi-
tecture communément appelé ogival ou gothique ; elle en
constitue le principe fondamental. Sa découverte doit être
tenue pour une des innovations les plus ingénieuses et les
plus fécondes qu'enregistre l'histoire des arts. Le mot ogive
a été peu à peu détourné du sens qu'il avait au moyen âge,
où il servait à désigner, non l'axe aigu ou en tiers-point,
mais la nervure entre-croisée d'une voûte. L'ogive ou
augive était un support et non une base, c.-à-d. la
nervure qui renforce la voûte. Il convient donc de
Fig. 3. >_ Déambulatoire de Morienval, spécimen de croi-
sée d'ogives du gothique rudimentaire (courant du
XII» siècle).
définir la croisée d'ogives : l'intersection de deux ner-
vures sur lesquelles reposent les quatre compartiments
d'une travée de voûte d'arêtes ou appareillée. La voûte
nervée est précisément celle que les théoriciens du moyen
âge avaient dénommée voûte sur croisée d'ogives. La
présence de ce genre de voûte est le signe qui permet de
distinguer un édifice gothique de tout autre; il a eu
pour corollaires immédiats l'arc-boutant et le tiers-point.
L'emploi simultané de ces trois éléments — voûtes à ner-
vures, contreforts à longue portée contre-butante ou
arcs-boutants, arcs brisés ou en tiers-point vulgairement
appelé ogives, — caractérise l'édifice gothique complet. Mais
toute construction où se montre d'une façon systématique
la voûte d'arêtes appareillée sur nervures appartient par
son essence à la famille gothique. Cet artifice de structure
est le facteur unique de tous les progrès, de toutes les
transformations. Tout en dérive avec une logique merveil-
leuse : la forme des baies, des arcs et des points d'appui.
Sans l'admirable découverte de la croisée d'ogives, l'ar-
chitecture du moyen âge n'aurait trouvé ni ses lois, ni
contracté sa physionomie, ni atteint à l'originalité que
nous lui voyons. Bien plus, il n'est pas un des caractères
accessoires de l'architecture gothique, comme les claires-
voies de pierre, les absides polygonales, la forme et le
dispositif des moulures, la prédominance des vides sur les
pleins, etc., qui;ie soit la conséquence directe de l'emploi
CROISEE
~ 458
de la Voûte sur nervures. On comprendra qu'un artifice de
construction qui a produit de tels résultats, mérite un
examen attentif. Il convient, d'abord, de définir la fonction
mécanique de cette membrure architectonique.
Les constructeurs romans étaient restés aux prises avec
la voûte en berceau et la voûte d'arêtes en blocage que
leur avait léguées les Romains. Ceux-ci avaient en quelque
sorte éludé les points vifs du problème des voûtes par l'em-
ploi d'un ciment qui donnait à leurs voûtes Fliomogénéité
d'une concrétion métallique et noyait l'efîort des pous-
sées dans l'épaisseur des piles de soutien. Malgré les mo-
difications ingénieuses qu'ils y avaient apportées, tels qu'ad-
jonction des contreforts à l'extérieur, des arcs doubleaux
à l'intérieur, emploi des moellons taillés et appareillés pour
les voûtes d'arêtes, etc., les architectes de l'époque romane
n'avaient pu remédier au vice intrinsèque de cette forme de
construction : à l'effort diôus et continu des poussées. Les
voûtes romanes s'étaient presque toutes effondrées ; tout au
moins se fendaient-elles et se gauchissaient-elles sous l'ac-
tion des poussées obliques. Quant aux plafonds de bois, les
risques d'incendie les avaient fait depuis longtemps abandon-
ner. C'est alors que, pour remédier à cet état de choses désas-
treux, quelques constructeurs avisés eurent l'idée d'appuyer
leurs voûtes d'arêtes appareillées, d'une épure si difficile,
surtout lorsqu'il s'agissait des voûtes tournantes, sur plan
irrégulier, d'un rond-point absidal, d'appuyer, dis-je, ces
voûtes sur une armature de pierre indépendante, une
croisée de nervures, en un mot, sur laquelle les segments
de voûte vinrent s'appliquer résolument en ramenant sur
ces nervures toute la charge et, par suite, toute l'action
des poussées. Cet expédient, en apparence naïf, avait en
lui-même une valeur immense ; il devait acquérir rapide-
ment l'efficacité d'une formule scientifique et permettre de
résoudre sans difficulté les problèmes les plus complexes
du système d'équilibre. Grâce à ce fractionnement des
voûtes et grâce à l'adjonction des nervures, l'architecte
devint entièrement maître de ses poussées, conséquemment
maître de l'ennemi contre lequel les constructeurs romans
avaient en vain lutté. En effet, les arcs diagonaux, combinés
avec les arcs doubleaux et plus tard avec les arcs for-
merets (V. Arc), leur fournirent une ossature de pierre
solide, élastique, facile à dresser ; les interstices étaient cou-
verts par des sections de berceau qu'on n'avait plus besoin
de faire pénétrer l'une dans l'autre, enfin l'effort de la voûte,
comme poids et comme poussée, était tout entier reporté
sur les sommiers des quatre piles de la travée. Il ne res-
tait alors au constructeur qu'à saisir ces poussées au point
de charge, devenu le point vif, et à les neutraliser par
l'adjonction d'un étai de soutien ou arc-boutant. Cet admi-
rable artifice permit désormais de couvrir sans danger de
larges espaces, de jeter dans les airs des voûtes hardies,
de diminuer progressivement l'épaisseur des piles, de
résoudre avec aisance le problème, jusque-là insoluble, des
déambulatoires, de s'adapter avec une liberté parfaite aux
plans les plus mouvementés et au développement magni-
fique des ronds-points à doubles collatéraux. La découverte
de la croisée d'ogives émancipa l'architecture religieuse et
fit sortir du sombre et lourd vaisseau roman la svelte
construction gothique. Elle associa définitivement le plan
basilical au principe des poussées obliques et devint l'ex-
pression suprême du système d'équilibre. Tout l'art
gothique est là.
Ceci posé, on doit aborder la question si délicate et si
controversée des origines de la croisée d'ogives. Deux
points sont à élucider. La croisée d'ogives fut-elle connue
et pratiquée des anciens? A quel moment et dans quelle
région apparaît-elle dans la structure des églises ? Sur le
premier point les opinions ont beaucoup varié. Quicherat,
qui penchait à lui attribuer une origine orientale et même
antique, émit l'opinion que les fameux cancri^ sur lesquels
reposait le phare d'Alexandrie, l'œuvre colossale de Sos-
tratès de Cnide, qui subsista jusqu'au xiii° siècle, étaient
.de véritables branches d'ogives à la façon des nervures
gothiques. Mais, si habilement groupés que soient les ar-
guments mis en cause par le savant professeur, l'expHca-
tion des documents reste hypothétique. Il suffit de faire
remarquer qu'il serait, en vérité, bien étonnant que
les Grecs, s'ils eussent connu et pratiqué sur une telle
échelle un artifice de construction aussi remarquable
que la voûte sur une croisée d'ogives, ne l'eussent pas
appliqué à d'autres édifices, et surtout que les Byzan-
tins, si habiles en l'art de bâtir et incessamment préoc-
cupés d'augmenter les ressources du système d'équilibre,
ne s'en soient pas emparés. Les croisés, de leur côté, pas
plus que les rares pèlerins qui avaient gagné la Terre
sainte par l'Egypte, le fait est maintenant prouvé, n'ont
rien rapporté des croisades, pas plus la forme des arcs
que celle des voûtes.
Au contraire, tout tend à prouver que la croisée d'ogives
est née en Occident, au nord de la Loire, dans la région
la plus française de toutes, au cœur même du domaine
royal ; et elle y est née des patients efforts, des recherches
coordonnées, des déductions pratiques de nos vieux et
subtils constructeurs. C'est, on n'en peut plus douter,
dans l'Ile-de-France que s'est produit cet événement de
premier ordre ; c'est là qu'il faut chercher les témoignages
de sa préparation et de son éclosion ; c'est là qu'est née
la voûte gothique. Aujourd'hui le terrain archéologique
est assez bien exploré pour que la multiplicité des exemples,
leur groupement, leur simultanéité, leur enchaînement
dans une même région, et uniquement dans cette région,
ne laissent plus de place à l'hésitation. Les hmites de
cette région, d'une étendue restreinte, peuvent être fixées
d'une manière assez rigoureuse. Il suffira d'en représenter
la configuration par le tracé d'un polygone irrégulier dont
le centre serait à peu près Sentis, et les points extrêmes,
Paris, Mantes, Beauvais, Noyon, Soissons, Château-
Thierry, et qui embrasserait une partie des bassins do
l'Oise et de l'Aisne, en s'appuyant au sud sur la Seine et
la Marne; en d'autres termes, la région formée par le
Valois, le Beauvaisis, le Vexin, le Parisis et un grand mor-
ceau du Soissonnais. Ce n'est point un hasard qui valut au
domaine de la monarchie, à ce petit territoire qui, sous
Philippe P^, représentait encore le duché de France, la
gloire de la découverte. Au xi^ siècle, cette antique terre
française, berceau de la race capétienne, se trouvait dans
des conditions éminemment favorables à l'esprit d'entre-
prise. L'architecture romane y avait eu des débuts mo-
destes, presque pauvres, mais dégagés de toute influence
étrangère. L'école d'architecture qui s'y était fondée devait
tout à son propre fonds ; elle avait cette dose de liberté
nécessaire au développement de l'initiative. L'étude atten-
tive de cette école, pendant le cours du xi® siècle, met en
évidence ses qualités individuelles, qui sont les qualités
mêmes du génie national : l'amour du progrès^ un goût
naturel pour la nouveauté, la fertilité d'invention, le
besoin de logique et de méthode, un sentiment très délicat
de la mesure de l'harmonie, un mélange singulier de pru-
dence et de hardiesse. On doit tenir compte aussi de l'essor
de prospérité, qui entraîna comme une fièvre de construc-
tion, dans ce petit pays de France, au début du xn"^ siècle,
et qui coïncida avec un grand mouvement religieux. Dans
cette région, les changements caractéristiques de la struc-
ture des voûtes y suivent un développement régulier, syn-
chronique et d'une rigueur presque mathématique. Le
classement et le groupement compai^atif des églises rurales,
théâtre d'élaboration du nouveau système, devaient jeter
une lumière décisive sur une question demeurée jusque-là
fort obscure. VioUet-le-Duc en était resté à Saint-Denis
et au chœur bâti par Suger, de 4 i 44-4 4 50; M. de Ver-
neilh, à Saint-Louis de Poissy, édifice antérieur de quel-
ques années au chœur de Saint-Denis. Il faudra désormais
remonter de cinquante ans en arrière et montrer les pre-
miers essais rudimentaires de la croisée d'ogives, faisant
son apparition, à la fin du xi^ siècle, dans le déambula-
toire du chœur de Morienval, dans les bas côtés de JBéthisy-
_ 459 —
CROISÉE - CROISEUR
Saint-Pierre, de Saint-Etienne de Beauvaîs, se dévelop-
pant et se perfectionnant à Beliefontaine , dont une
charte des archives de l'Oise fixe la fondation à 1425, à
Cambronne, àBury, à Saint-Evremond de Creil, à la crypte
de Cormeilles~en-Parisis, au porche de Saint-Leu d'Esse-
A flRnlÇUi PU se.
Fig. 4. — Abside de l'église^abbatiale de Saint-Denis, spé-
cimen d'une croisée d'ogives du style gothique primaire
(milieu du xii^ siècle).
rent, puis à Saint-Martin-des-Champs de Paris, à Saint-
Maclou de Pontoise et enfin à la basilique de Saint-Denis,
où elle se montre dégagée des lisières de la période tran-
sitionnelle et armée des moyens d'action qui allaient lui
assurer la conquête du monde. Louis Gonse.
BiBL, : Architecture. — - Viollet-le-Duc, Dictionnaire
raisonné de V Architecture française du xi« au xvi« siècle.
— QuicHERAT, Mélanges d'Archéologie et d'Histoire. '—
Louis Gonse, l'Art gothique.
^ CROISEMENT, h Chemin de fer. — Les files inté-
rieures des rails d'un changement de voie se rencontrent
sous un certain angle et à une distance de Torigine qui
dépendent du rayon de la courbe de raccordement. C'est
la rencontre de ces deux files de rails qui constitue le
croisement ; il est formé essentiellement d'une pointe de
cœur D et de deux rails coudés ou pattes de lièvre P.
L'appareil est complété par deux contre-rails, placés le long
des rails extérieurs, au droit du croisement. Il est facile de
se rendre compte de l'utilité de ces dispositions, L'inter-
ruption^ des rails bb et cck leur point de rencontre est
nécessaire pour permettre le passage des boudins des
roues. Si ces deux rails étaient simplement coupés, ils se
trouveraient terminés en biseau, disposition peu favorable
à la soHdité et incommode pour le passage du boudin, quand
il se présente dans le sens de la pointe ; au lieu de couper
le rail, il est préférable de le retourner en coude, de ma-
nière à faire une entrée évasée au boudin des roues. C'est
ce qu'on réalise au moyen des pattes de lièvre. Quant aux
contre-rails, ils sont nécessaires pour guider les roues au
passage de la solution de continuité qui existe entre les
rails coudés et la pointe de cœur. Les différentes pièces
des croisements se font en acier comme les rails ; tout
le système repose sur de longues traverses, ayant des
dimensions plus fortes que les traverses ordinaires et plus
rapprochées que dans la voie courante; on obtient ainsi
une pose très solide et très précise, qui donne de bons
résultats. G. H.
II. Zoologie, Anthropologie et Médecine (V. Consangui-
nité, Climat, Colonisation, Hérédité, Race, etc.).
CROIS ET (Marie-Joseph- Alfred), professeur français, né
à Paris en 4844. Elève de l'Ecole normale supérieure (pro-
motion de 1864), il est devenu professeur d'éloquence
grecque à la faculté des lettres de Paris, professeur de
composition française à l'école normale supérieure de Fon-
tenay- aux -Roses (institutrices) et a été élu, en 4886,
membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres.
Outre ses thèses : DePersonis apud Aristophanem (4875)
et Xénopho7iy son caractère et son talent (4875), on
lui doit : la Poésie de Pindare et les lois du lyrisme
grec (Paris, 4880, in-8); Histoire littéraire (^avis., 4883,
in-4^), en collaboration avec MM. R. Lallier et Petit de
Julleville, d'excellentes éditions et traductions de Démo-
sthène, de Denys d'Halicarnasse, de Thucydide, de So-
phocle, etc., etc.
CROISET (Maurice), professeur français, né à Paris le
20 nov. 4846, fière du précédent. Elève de l'Ecole nor-
male supérieure (promotion de 4865), professeur de rhé-
torique au lycée de Moulins (4868)^ puis à Montpellier
(4872), il est devenu professeur de langue et de littérature
grecques à la faculté des lettres de Montpellier. Outre ses
thèses : De Publicœ eloquentice principiis apud Grœcos
(1874) et Des Idées morales dans r éloquence politique
de Démosthène (4874), il a publié : Essai sur la vie et
les œuvres de Lucien (Paris, 4882, in-8); Histoire de
la littérature grecque (Paris, 4887, in-8); des éditions
classiques de César (De Bello civili) , de Quinte-Curce
(Histoire d'Alexandre), etc., etc.
CROISETTE. L Botanique. — Nom vulgaire du Gen-
tiana cruciata L. (V. Gentiane). — La C. velue est le
Galium cruciata Scop., herbe vivace de la famille des Ru-
biacées, commune dans les haies et les buissons d'une grande
partie dé la France et qu'on a employée pendant longtemps
comme astringente et vulnéraire. Ed. Lef.
II. Art héraldique. — La croisette est le diminutif
d'une croix alaisée; ce qui la
distingue de la croix, c'est
qu'elle est beaucoup plus pe-
tite et que le plus souvent elle
est en nombre et sert à accom-
pagner une pièce principale.
Un écu ou une pièce, bande,
pal, etc., chargé de croisette,
est dit croiseté. La figure ci-
contre est : d'argent à trois
croisettes de gueules posées
en bande,
CROISETTE (Cap) (V. Bouches-du-Rhône [Dép.]).
CROISETTE. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. et
cant. de Saint-Pol-sur-Ternoise ; 485 hab.
CROISETTES (François Blondel des) (V. Blondel
[François]).
CROISEUR. L Marine. — Appellation toute moderne
que l'on applique à un navire doué d'une grande vitesse et
destiné à ruiner le commerce ennemi. Les croiseurs sont la
cavalerie qui pousse les reconnaissances et protège les
flancs des grands cuirassés. Dès 4865, on songea à doter
la flotte française de croiseurs rapides ; aussi a-t-on con-
struit déjà un certain nombre de navires de cette caté-
gorie. Le grand croiseur tend à se rapprocher de plus en
plus du cuirassé. D'abord bâtiment en bois, puis croiseur
protégé, croiseur à ceinture cuirassée, enfin croiseur entiè-
CROISEUR — 460 —
renient blindé (110 millim.) d'acier, presque l'épaisseur de
la cuirasse de la Gloire en 1860. C'est la nécessité d'éviter
l'éclatement des obus à la mélinite dans l'intérieur des
navires qui a conduit les ingénieurs à revenir à la cuirasse
verticale. La Liste de la flotte donne encore comme croi-
seurs d'anciens yachts impériaux comme VHironclelle et
le Desaix^ de vieilles frégates comme la Magicienne et la
Minerve^ des avisos comme le Latouche-Tréville. Or, ces
navires man(juent, soit de vitesse, soit de valeur militaire,
et quelquefois des deux. On condamne peu à peu ces anciens
bâtiments, on les relègue dans les arsenaux, et de véritables
croiseurs, des navires vraiment dignes de ce nom, com-
mencent à remplir les colonnes de la Liste de la flotte,
La déclaration solennelle du congrès de Paris (16 avril
1856) modifiait singulièrement les conditions des futures
guerres navales, et, quelques années plus tard, la guerre
de Sécession montra les services que pouvaient rendre les
navires que l'on envoyait en croisière. Les frégates et cor-
vettes constituaient les bâtiments de croisière ou les croi-
seurs, si l'on veut, de l'ancienne marine à voiles. C'est
avec elles que Jean Bart et Duguay-Trouin exécutèrent les
coups d'audace qui portèrent si haut leur réputation. A la
vérité, ces bâtiments appartenaient à la marine de guerre,
et l'initiative privée appuyait de son mieux l'action de ces
grands bâtiments. Pendant les guerres du xviii*^ siècle, les
corsaires, sortis de tous les ports de l'Océan, capturèrent
au commerce ennemi de nombreux navires.
La guerre de course changea d'aspect à l'apparition de
la vapeur, ou, du moins, à l'apparition de l'hélice, les bâti-
ments à roues consommant beaucoup trop de charbon pour
pouvoir exécuter de longues croisières. En 1855, l'ingé-
nieur de la marine Silvestre du Perron proposa un plan de
croiseur rapide, destiné à commander les stations en temps
de paix et à faire la course pendant la guerre. Ce croiseur
devait avoir huit jours de charbon à grande vitesse et filer
13 nœuds. Ce projet ne fut pas admis. La guerre de Séces-
sion donna un nouvel essor à l'idée des bâtiments de croi-
sière. Qui ne se rappelle les exploits du Siimtei\ de la Flo-
rida^ de VAlabama^ du Kearsagel Un peu plus tard, les
Américains construisirent d'autres croiseurs de 4,000 ton-
neaux et d'une longueur de plus de 100 m. ; ces navires
pouvaient franchir près de 6,000 milles à la vitesse de
10 nœuds. A l'annonce de cette nouvelle, les Anglais se
préoccupèrent de construire des types capables de tenir
tête, sous tous les rapports, aux croiseurs américains.
L'Inconstant, premier grand croiseur anglais répondant à
ces conditions, fut lancé le 1^"^ nov. 1868. Il avait un
déplacement de 5,330 tonneaux; sa vitesse d'essais atteignit
16^5. Il pouvait iranchir 4,300 milles, à 15 nœuds.
La construction des croiseurs à batterie fut décidée à la
suite de l'adoption par l'amirauté anglaise des types Shafi
et Inconstant^ que caractérisent un déplacement considé-
rable, une grande vitesse, une artillerie puissante et une
faible mature. Le Duquesne et le Tourville, construits
dans cet ordre d'idées, datent de 1876. Le Tourville^
construit en fer, mesure 101 m. de long sur 15 de large;
son déplacement est de 5,743 tonneaux ; la force de sa
machine atteint 7,467 chevaux; sa vitesse, 16'^9 et son
approvisionnement de charbon, 800 tonnes. Son armement
comprend: 14 canons de 14 millim. dans la batterie,
7 de 16 centim. sur les gaillards et 8 canons-revolvers.
Plus tard, on construisit, à l'usage des stations lointaines,
des croiseurs à batterie analogue à nos anciennes frégates :
la Naïade, Vlphigénie, VAréthuse, le Dubourdieii. Ces
nouveaux types, pourvus de vastes logements, sont bien
appropriés au service des pays intertropicaux,mais leur vitesse
laisse tellement à désirer, qu'on ne les range qu'à regret,
pour ainsi dire, dans la catégorie des croiseurs. Ainsi, la
Naïade ne donne que 13° 6 et le Dubourdieu 13^9.
Voici les caractéristiques de la Naïade. Genre de construc-
tion, bois et fer ; 75 m. sur 14 ; tirant d'eau, 7^19; dé-
placement, 3, 525 tonnes; machine, 2,700 chevaux ; vitesse,
13^6 ; approvisionnement de charbon, 400 tonnes. Son
armement comprend: 2 canons de 16 centim., iS de
14 centim., et 10 canons-revolvers. En même temps que ces
croiseurs spéciaux (1884), on lançait le S fax et le Tage.
En thèse générale, la nécessité d'obtenir de grandes
vitesses oblige à augmenter considérablement la longueur
des croiseurs par rapport à leur largeur. De 6, ce rap-
port est passé à 7,2. On donne à presque tous les croi-
seurs un tirant d'eau assez élevé, puisque ces bâtiments
doivent agir au large des côtes. Au lieu d'une étrave droite,
quelques-uns de nos croiseurs ont reçu une sorte de nez
ou d'éperon. Cette disposition a le grave inconvénient de
restreindre la surface du pont des gaillards ; mais leurs qua-
Htés nautiques sont supérieures et ils conservent leur
vitesse pendant un temps beaucoup plus long quand la mer
est grosse. Un croiseur étant destiné à poursuivre non
seulement les navires de commerce ordinaire, mais aussi
les grands paquebots, doit posséder une grande vitesse. Il
ne faut pas oublier que les grands paquebots transatlan-
tiques conservent des moyennes de plus de 17 nœuds par
des mers dures et des vents violents. Les croiseurs doivent
faire davantage; tout au moins, on doit posséder un
certain nombre de ces navires capables de capturer les
grands paquebots, et, par suite, de jeter un trouble profond
dans le commerce de l'ennemi.
La distance franchissable est un élément sérieux pour
les navires de croisière. Elle dépend à la fois de l'appro-
visionnement total de combustible et de la consommation
par cheval développé. Il ne s'agit ici, bien entendu, que de
la distance franchissable à vitesse moyenne, la grande
vitesse ne devant jamais être employée que rarement, soit
pour une mission urgente, soit pour poursuivre pendant
quelques heures un navire à grande marche. Pour le
Duquesne et le Tourville, cette distance à la vitesse de
10 nœuds est de 5,000 milles. Les nouveaux types se
divisent en plusieurs classes : croiseurs cuirassés, croiseurs
à batterie, croiseurs de l*"^ classe, de 2® classe, de 3^ classe,
et croiseurs-torpilleurs. Toutefois, on observe de notables
différences, non seulement entre les croiseurs de chaque
classe, mais entre les types de chaque catégorie.
Le S fax, mis en chantier en 1882, sur les plans
de M. l'ingénieur Bertin, paraît répondre mieux qu'aucun
autre au titre de croiseur. Son déplacement, porté à
4,502 tonneaux, est supérieur à celui du type Naïade, Il a
une grande finesse de formes, est pourvu d'un pont cui-
rassé et d'une ceinture de cofferdam ; sa vitesse atteint
16^7; son armement comprend: 6 pièces de 16 centim.,
sur les gaillards, 10 de 14 centim. dans la batterie,
12 canons-revolvers, 4 canons de 47 millim. à tir rapide
et 5 tubes lance-torpilles. Il peut franchir 4,200 milles et
même 5,600, en prenant 200 tonnes de charbon en plus
de son approvisionnement réglementaire. Enfin, les types
Tage et Cécille sont caractérisés par une longueur beau-
coup plus grande, un déplacement plus considérable et une
vitesse de 19 nœuds. En ce qui concerne les croiseurs à
barbette de 1^^ classe, on tend également, dans les types
Alger, Jean Bart et Isly, à accroître la longueur, le dé-
placement et la vitesse. Il en est de même pour les croi-
seurs de 2® et de 3^ classe.
Parmi les croiseurs cuirassés nous avons le type
Dupuy-de-Lôme et le type Bruix, Voici les caractéristiques
du Dupuy-de-Lôme: 114 m. de long sur 16 de large;
déplacement : 6,300 tonneaux; machine : 14,000 chevaux ;
vitesse : 20 nœuds ; 3 hélices; une cuirasse de 110 miiïim.
à la ceinture et de 55 millim. sur le pont. Armement :
2 pièces de 19 centim. ; 6 de 16 centim. ; 8 canons à tir
rapide ; 8 canons-revolvers ; 5 tubes de lancement.
Le type Bruix est un peu moins important: 106 m.
de long sur 14 de large. Déplacement, 4,700 tonneaux ;
machines, 9,370 chevaux; vitesse prévue: 19 nœuds;
2 hélices. Cuirasse, à la ceinture et aux tourelles, 95millm.;
pont cuirassé, 65 millim. Armement, 2 canons de 19,
7 de 14, 4 de 65 millim., 4 de 47 millim. à tir rapide,
6 canons-revolvers, 5 tubes lance-torpilles.
On désigne sous le nom de croiseurs-torpilleurs des
types spéciaux, principalement armés de torpilles. Nous
avons en France 4 de ces bâtiments, construits sur un
modèle unique. Ils ont 68 m. de long, i,240 tonnes de
déplacement, une vitesse de 17 nœuds, 150 tonnes de
charbon; et, comme armement, 5 pièces de 40 centim.,
4 de 65 millim., 6 canons-revolvers et 5 tubes lance-
torpilles. Depuis quelques années, les diverses puissances
maritimes ont considérablement accru le nombre de leurs
croiseurs. L'Angleterre surtout, dont l'empire colonial est
si vaste, a dû se préoccuper de protéger son commerce,
le cas échéant, dans tontes les mers du monde. Voici, au
point de vue des croiseurs, l'état des différentes marines,
en 4890, sans tenir compte des paquebots désignés sous
le nom de croiseurs auxiliaires :
^//^wa^w^. Croiseurs-frégates, 8; croiseurs-corvettes, 40
(plus 5 en chantier) ; croiseurs, 5 (plus 2 en chantier).
Angleterre, Croiseurs à redoute, 3; croiseurs à tou-
relles barbette, 2 ; croiseurs à ceinture cuirassée, 7 ;
croiseurs de 4"^® classe, 4 (plus 7 en chantier) ; id. de
2"^ classe, 24 (plus 27 en chantier) : id. de 3^ classe , 30
(plus 4 en chantier) ; croiseur s- torpilleurs, 40. Il convient
d'ajouter que l'Australie possède déjà en propre 6 croi-
seurs, dont 5 protégés par un pont métallique de 54 millim,
Autriche. Croiseurs protégés, 4 (plus 2 en chantier) ;
frégates et corvettes, 40 ; croiseurs-torpilleurs, 7.
France, Croiseurs cuirassés, 5 en chantier; croiseurs
à batterie, 9; croiseurs à barbette de i^^ classe, 44 (plus
4 en chantier) ; id. de 2® classe, 45 (plus 4 en chantier);
id. de 3 classe, 46; croiseurs-torpilleurs, 4 (plus 4 en
chantier).
Italie, Béliers-torpilleurs, 8 (plus 5 en chantier) ;
corvettes à barbette, 5 ; croiseurs-torpilleurs, 5 (plus 8 en
chantier).
Russie. Croiseurs, 44 (plus 2 en chantier); croiseur-
torpilleur, 4 (plus 4 en chantier) ; croiseurs-canonnières, 7.
II. Mines (V. Faille et Filon).
CROISEY (P.), dessinateur, graveur au burin et éditeur
français, de la seconde moitié du xvin® siècle. Il a gravé
des plans, des vues, etc., et son nom figure sur un grand
nombre de cartes géographiques, mais il ne se recommande
à l'attention des iconophiles que par un charmant portrait
(in-folio) de Marie- Antoinette, encore dauphine, por-
trait qui forme le pendant de celui du dauphin gravé par
Gaucher. G. P-i.
' C ROI SIC (Le). Ch.-l. de canton du dép. de la Loire-
Inférieure, arr. de Saint-Nazaire, à l'extrémité d'une
pointe qui s'avance dans l'Océan au S. d'une baie qui pro-
cure un bon abri à la navigation ; 2,459 hab. Stat.
du chem. de fer d'Orléans, ligne de Savenay au Croisic.
Port de commerce et de pêche, protégé par les îlots
des Jonchères, comprenant le petit bassin appelé la
chambre des Vases et le bassin du Trait, compris entre la
ville et les marais salants, et fermé du côté de la mer par
la chaussée de Pembron construite au commencement du
xvm® siècle pour préserver les marais salants de l'enva-
hissement des sables ; la chaussée du Tréhic à l'O. de
la précédente, longue d'un kil. dans la direction du S.
auN., a été reconstruite en granit en 4840 ; elle supporte
à son extrémité une tour haute de 40 m. avec un feu
fixe blanc à secteur rouge d'une portée de 40 milles. La
principale industrie comme le principal commerce du Croi-
sic est le sel ; il s'y trouve en effet plus de 20 hect.
de marais salants et plusieurs raflîneries ; l'exportation
annuelle est de 42 millions de kilogr., non compris le sel
employé aux conserves de poissons. La pêche de la sardine
alimente plusieurs usines. Le Croisic, qui est le ch.-l. d'un
quartier maritime du sous-arr. de Nantes, possède un syn-
dicat maritime, une école d'hydrographie et des consulats
de Danemark, d'Angleterre, de Suède et Norvège.
Il est question du Croisic dans l'histoire pour la pre-
mière fois lors des guerres entre Jean de Montfort et
Charles de Blois. Pris en 4442 par Louis d'Espagne, partisan
— 461 — CROISEUR — CROISIÈRE
de Charles de Blois, il avait bientôt secoué le joug du vain-
queur. Ce fut alors que, pour résister à une nouvelle
attaque, Nicolas Bouchard, capitaine de Batz et du Croisic,
fit élever un château fort dont l'hôtel de ville actuel occupe
l'emplacement, et couper la presqu'île par une muraille et
un fossé dont subsistent quelques vestiges. Durant la Ligue,
le château du Croisic, occupé depuis 4590 par une garni-
son espagnole aux ordres de Mercœur, fut pris en 4597
par La Tremblaye, l'un des capitaines de Henri IV, qui
imposa à la ville une rançon de 30,000 écus. Le château
fut ensuite démoli par ordre du roi. Au xvn® siècle, l'ex-
portation du sel et la grande pêche donnèrent au port du
Croisic une prospérité à laquelle mirent un terme les
guerres de la fin du règne de Louis XIV et la révocation
de l'éditde Nantes. En 4759, la ville fut bombardée par la
flotte anglaise à la suite d'une défaite éprouvée par le ma-
réchal de Conflans.
Les principaux monuments du Croisic sont : l'église
Notre-Dame-de-Pitié, édifice de l'extrême fin du xv® siècle
surmonté d'un clocher de 56 m. de hauteur terminé seu-
lement à la fin du xvu*^ siècle, et la chapelle de Saint-
Goustan (mon. hist.) à l'O. de la jetée, petit oratoire en
partie du xi® siècle élevé en l'honneur d'un moine de
8aint-Gildas-de-Rhuis. Plusieurs maisons remontent au
XVI® siècle, La halle aux poissons a été construite en 4878.
Le Croisic est une des stations de bains de mer les plus
fréquentées de la Bretagne ; le principal établissement de
bains est en même temps un hôtel et un casino. Au-des-
sous de la terrasse s'étend la baie du Port-Lain ou petite
plage ; elle a l'inconvénient d'être envahie par le goémon
et de n'être guère accessible aux baigneurs qu'à marée
haute. Une autre plage plus belle, mais où la mer est sou-
vent dure, se trouve à 2 kil. au S.-E., au pied de dunes,
sur lesquelles s'élève l'établissement Valentin ; une troi-
sième plage, mais peu fréquentée, celles des Bonnes-Fon-
taines, est située entre les deux. Outre la place de Dinan,
plantée d'arbres. Le Croisic possède deux promenades : le
Mont-Saint-Esprit, butte artificielle plantée d'arbres, et
le Mont-Lenigo, colline sur laquelle se trouve le séma-
phore et un feu fixe.
CROISIER (Marie-Anne), dessinateur et graveur fran-
çais, née à Paris en 1765, morte vers 4810. Elève de Saint-
Aubin. Elle débuta par deux estampes d'après Rubens et
Coypel, et laissa ensuite aller son burin ou sa pointe au
gré des événements politiques. Après trois petits portraits
en médaillons du Du^ d'Orléans et du Duc et de la Du-
chesse de Chartres, elle grava des estampes politiques
sur Necker, puis sur les Etats généraux, ensuite en l'hon-
neur des fêtes révolutionnaires, pour finir par les vignettes
des deux volumes de Prudhomme : les Crimes des Rois et
les Crimes des Reines (1791). G. P-i.
CROISIÈRE. I. Marine. — Paragedans lequel un bâti-
ment est tenu de naviguer pendant un temps déterminé, avec
mission de chercher à surprendre l'ennemi et d'amariner
les navires de commerce qui passent à portée. Autrefois,
ces navires, que l'on choisissait parmi les meilleurs mar-
cheurs, employaient des ruses de guerre, pour n'être re-
connus qu'à petite distance. Ils affectaient un certain
désordre dans leur voilure ou remorquaient des séries de
bailles ou des chapelets de barriques. Aujourd'hui, ces
stratagèmes ne sont plus de mise ; on cherche à lutter de
vitesse avec un ennemi doué lui-même presque toujours
d'une grande rapidité. Le plus généralement, la croisière a
lieu dans des limites très étendues ; elle est exercée par une
escadre, une division navale ou même par un navire isolé.
On considère donc la croisière comme un acte de guerre
indéterminé, à l'inverse du blocus, généralement limité à
un port ou à une certaine portion du littoral ennemi.
II. Art militaire. — Croisière de baïonnette. Partie
de la monture de la baïonnette comprenant la douille et le
quillon. Lorsque la baïonnette est fixée sur le fusil, la
douille embrasse le bout du canon ; le quillon sert pour
former les faisceaux.
CROISIERS -^ CROISSANCE
462 — .
CROISIERS, Ordre religieux (V. Croix [Applications du
nom de la]).
CROIS! LIE (La).Com. dudép.doTEure, arr. d'Evreux,,
cant. de Couches; 423 hab.
CROIS! LLE (La). Corn, du dép. de la Haute-Vienne,
arr. de Limoges, cant. de Châteauneuf-la-Forêt ; 2,269 hab.
CROIS! LIES. Com. du dép. du Calvados, arr. de Fa-
laise, cant. de Thury-Harcourt ; 582 hab.
GROISILLES. Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. de
Dreux, cant. de Nogent-le~Roi ; 262 hab.
CROISILLES. Com. du dép. de l'Orne, arr. d'Argentan,
cant. de Gacé ; 330 hab.
CROISILLES. Ch.-l. de cant. du dép. du Pas-de-Calais,
arr. d'Arras, sur la Sensée; 1,508 hab. Stat. du chem.
de fer départemental de Boileux à Marquion. Fabrique de
sucre.
GROISILLES (Jean-Baptiste, de), abbé de La Couture,
littérateur français, né à Béziers, mort à Paris en d651-
Famiher de l'hôtel de Rambouillet, pourvu de plusieurs
bénéfices, grâce à la protection du comte de Guiche et
du comte de Soissons, il fut, en 1644, accusé de s'être
marié secrètement avec la veuve d'un procureur au par-
lement, manqua d'être pendu et se trouva fort heureux
d'être condamné à la détention perpétuelle dans un cou-
vent. Il réussit, en 1649, à sortir de prison sous caution.
On a de lui : Héroïdes ou Efistres amoureuses à Vimi-
tation des epistres héroïques d'Ovide (1619, in-8);
Chasteté invincible (Paris, 4633, in-8) rééd. sous les
titres de lyrcis et Uranie (1633, in-8) et de la B^r-
gej-ie du sieur de Croisilles (1634, in-8); Apologie
(4644, in-4). Tallemant des Reaux lui a consacré une
historiette : Croisilles et ses sœurs (éd. Monmerqué et
Paris, 4854, t. III, p. 27, in-8).
CROISILLON (Serrur.). Les croisillons sont des mor-
ceaux de fer disposés diagonalement pour maintenir Fécar-
tement des deux solives qui composent un poitrail en fer
ou des tôles qui forment une poutre armée ; tels sont cer-
tains arbalétriers dans les combles en fer à grande portée,
dans les tabliers de ponts, etc. On se sert aussi de croisil-
lons, comme remplissages, dans divers ouvrages de serru-
rerie, tels que des grilles, des balustrades, etc. L. K.
CROISIVIÂRE. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle,
arr. et cant. de Lunéville ; 4,263 hab.
CROISSANCE. I. Botanique. — La croissance est la
première manifestation vitale de la plante. Elle est soumise
à l'action de différents agents extérieurs tels que la pesan-
teur, la radiation, l'humidité. La tige se dirige verticale-
ment vers le haut, la racine vers le bas, de telle sorte que
Vaxe d'accroissement (V. Axe) prolongé passerait par le
contre de la terre supposée sphérique. Si on place horizon-
talement un jeune plant de pois, les parties déjà dévelop-
pées conservent leur position, mais les extrémités de la
tige et de la racine se courbent pour reprendre leur direc-
tion verticale primitive en sens inverse l'une de l'autre.
Ce phénomène a reçu le nom de géotropisme ; il est dit
positif pour la racine, négatif pour la tige. On peut
expliquer le géotropisme par une croissance inégale de la
face supérieure et de la face inférieure de la tige d'une
part, et en sens inverse de deux faces de la racine d'autre
part, à l'extrémité même de ces organes. On a démontré
expérimentalement que c'est la pesanteur qui produit ces
effets dans les parties en voie d'accroissement. Lorsqu'il
s'agit d'une plante mobile, la pesanteur agit de telle sorte
que cette plante arrive à tourner toutes les faces de son
corps vers le centre de la terre. L'action de la pesanteur
ne se manifeste par les courbures géotropiques que si la
plante est fixée. L^influence du géotropisme est moindre
sur les rameaux ; elle incline ceux-ci d'un certain angle
sur la tige, et diminue de plus en plus jusqu'à devenir
nulle s'il s'agit de rameaux de deuxième, de troisième, de
quatrième ordre ; dans le sapin, le géotropisme est nul dès
les rameaux de deuxième ordre ; il est aussi intense sur
les rameaux que sur l'axe dans le peupher.
Deux sortes de radiations agissent sur la croissance des
plantes, les radiations thermiques et les radiations lumi-
neuses. Les radiations thermiques déterminent dans la
plante cet état particulier qui est la température de son
corps. La température la plus favorable ou optimum pour
chaque plante correspond, en général, à la température
moyenne de son habitat. Pour le pois, par exemple, elle
est 26^,6, pour le maïs 27<>,2, pour le cresson 27*^,4,
Des écarts trop considérables au-dessus ou au-dessous font
périr les plantes. La quantité d'eau qu'elles renferment
influe sur leur force de résistance ; ainsi les graines sèches
supportent une température plus élevée ou plus basse que
les graines fraîches. Les graines de pois fraîches périssent
à 54 ou 55^, sèches elles résistent à une température de
70^". Ce sont les différences périodiques de température
qui déterminent l'accroissement périodique des plantes
viyaces de nos climats : très rapide au printemps, elle di-
minue graduellement en été et en automne, et s'arrête en
hiver ; de là la formation des couches annuelles des tiges.
Si l'on fait agir sur les deux côtés d'une plante, d'une tige
par exemple, des températures inégales, l'accroissement
sera différent des deux côtés et il y aura une courbure
en sens contraire de la température la plus voisine de la
température optimum, c.-à-d. que la courbure semblera la
fuir. Ce phénomène a reçu le nom de thermotropisme.
Quant aux radiations lumineuses, leur influence n lest pas
moindre ; si l'éclairage est le même sur toutes les faces de
la plante, en d'autres termes est équilatéral, la croissance
est moindre ; la plante s'accroît moins à la lumière qu'à
l'obscurité, témoin l'allongement des tiges de plantes
placées dans un lieu obscur. L'effet retardateur est le plus
faible dans le jaune qui correspond donc au maximum de
croissance ; l'effet retardateur est maximum et la crois-
sance minimum pour deux points du spectre, Fun vers le
rouge peu élevé, l'autre vers le violet très élevé. Si un
côté de la plante seulement est éclairé, celui-ci va s'ac-
croître moins que l'autre, et la tige s'inclinera du côté de
la source lumineuse, et en général du côté oîi aura lieu
l'éclairage optimum. Ce phénomène a reçu le nom d'hélio'
tropisrne ; il ne se manifeste que dans les parties en voie
d'accroissement. La plupart des tiges sont héliotropiques ;
elles le sont positivement tandis que les racines le sont
7iégativement. Si l'on place déjeunes plantes devant une
fenêtre, on voit les tiges s'incliner peu à peu vers la
lumière, en s'accroissant.
Reste à étudier l'influence de Vhumidité sur la crois-
sance ; si elle agit inégalement, il y a hydrotropisme.
Les racines par exemple se dirigent toujours vers les
portions les plus humides du sol, et cette influence l'em-
porte sur le géotropisme. L'hydrotropisme est positif pour
la racine, négatif pour la tige. D^ L. Hn.
II. Physiologie. — Le corps des êtres organisés est en
perpétuelle transformation; les processus d'assimilation et
de désassimilation agissent constamment, mais pendant un
temps FéquiHbre n'existe pas et il y a prédominance des
premiers : c'est cette période qui constitue la période de crois-
sance. Tandis que les corps organiques n'augmentent que
par une formation additionnelle extérieure, la croissance
chez les êtres vivants se produit dans l'intimité de notre
organisme. Chaque élément est un facteur de cet accrois-
sement général, mais l'ensemble de ces développements par-
tiels peut quelquefois être rompu dans son équilibre ; tel
tissu, tel organe se développe plus rapidement que tel
autre et il en résulte des désordres qui retentissent d'une
façon plus ou moins durable sur l'être lui-même. La crois-
sance est d'autant plus rapide que la durée moyenne de
l'existence est moindre ; chez les animaux dont le cycle vital
est court, la période d'augment est très abrégée ; chez les
animaux à sang froid, chez certains d'entre eux au moins,
cette même période d'accroissement est pour ainsi dire
illimitée. La croissance de l'homme a surtout attiré Fat-
tention et a été l'objet d'un certain nombre de travaux
intéressants. On peut établir que la croissance date du mo-
- 463 -
CROISSANCE - CROISSANT
ment même de la fécondation de l'ovule, qu'il existe par
suite une première période intra-utérine, puis une seconde
période, commençant avec la naissance et se terminant au
moment où l'individu cesse de s'accroître. Ainsi définie
comme durée, cette période serait essentiellement variable,
l'individu pouvant augmenter de poids pendant toute la
durée de son existence normale ; mais on a généralement
fixé la durée de la croissance avec la période d'augmenta-
tion de la taille. Cette dernière correspond en effet à un
fait anatomo-physiologique précis : l'ossification des der-
niers cartilages de conjugaison. Les os s'accroissent en
longueur par la formation de nouvelles couches osseuses
au niveau des cartilages qui réunissent le corps aux deux
extrémités, peu à peu et suivant une règle déterminée, ces
cartilages s'ossifient, dès lors le squelette ne saurait plus
s'allonger. Les derniers cartilages épiphysaires dispa-
raissent chez la femme à vingt et un ans, chez l'homme à
vingt-cinq. Envisagée du jour de la naissance jusqu'à l'âge
de complète formation, la croissance suit une marche d'ac-
tivité décroissante. Au début, les forces assimilatrices et
formatrices l'emportent énergiquement sur celles de la
désassimilation, puis elles diminuent peu à peu, tendant
ainsi à s'équilibrer avec les dernières. C'est ainsi que, pour
la taille, l'accroissement est de 20 centim. dans la première
année, de 10 la seconde, de 5 vers la cinquième année.
L'accroissement en poids ne suit nullement celui de la
taille. Quételet a établi, d'après des observations multiples,
la loi suivante : le poids d'un enfant vers sa naissance croît
comme le cube de sa hauteur ; après la première année
cette croissance diminue; vers la cinquième année, elle
n'a plus qu'une valeur entre la seconde et la troisième
puissance de sa hauteur, mais elle reprend ensuite et passe
par un maximum vers la seizième année. Au point de vue
clinique, il y a lieu de diviser la croissance en trois périodes
correspondant : à la première dentition ; à la seconde den-
tition, c.-à-d. jusqu'à sept ans, enfin la dernière période
ou de puberté allant jusqu'à onze ou quinze ans, suivantles
sexes. Nous ne pouvons nous occuper ici des accidents de
la dentition, étudiée plus spécialement à ce point. Signalons
simplement les troubles pathologiques qui peuvent surve-
nir dans la croissance quand sous une influence quelconque
l'équilibre est rompu dans l'accroissement de tel ou tel
organe. La nutrition active ^ui se produit dans les carti-
lages des os détermine parfois l'ostéite juxta-épîphysaire,
qui peut prendre les allures d'une fièvre muqueuse et
même d'une fièvre typhoïde. Mais c'est principalement du
côté du cœur qu'il faut chercher la cause première des
troubles constatés chez l'enfant pendant son développement.
De quinze à vingt ans, la croissance du cœur est très
rapide et on peut dire que le cœur d'un jeune homme est
hypertrophié normalement pendant cette période (Germain
Sée). Cette hypertrophie, sous l'influence de causes diverses,
entraîne des troubles fonctionnels à forme multiple : les maux
de tête continuels décrits sous lé nom de céphalée des ado-
lescents ou de croissance (Gharcot) , la gêne respiratoire ou
les palpitations après un exercice un peu violent. Toutes ces
affections, dues à la croissance, doivent être traitées beau-
coup plus par une hygiène intelligente : nourriture forti-
fiante, mais non en excès, exercices corporels n'allant pas
jusqu'à la fatigue, etc., que par une thérapeutique active.
Toutefois, quand les troubles cardiaques acquièrent une
certaine gravité, l'iodure de potassium et la spartéine
(G. Sée) donnent d'excellents résultats. D"* P. Langlois.
BiBL. : Botanique. — Behrens et Hérail, Traité élé-
mentaire de botanique^ 1889, et les divers Traités de bota-
nique.
Physiologie. — Saint- Yves Ménard, la Croissance
chez Vhomme et les animaux, 1885. — Springer, Etude
sur la croissance et son rôle en pathologie^ 1890.
CROISSANT. L Astronomie. -— Nom donné à la figure
de la lune, soit entre la nouvelle lune et le premier quartier,
soit entre le dernier quartier et la nouvelle lune. Les deux
pointes qui terminent cette figure s'appelle les cornes,
et l'on voit que la ligne des cornes est toujours opposée
au soleil ; elle traverse la concavité de l'astre et se trouve à
l'orient de la lune, de la nouvelle lune au premier quartier,
et au contraire à l'occident de notre satellite, du dernier
quartier à la nouvelle lune. Dans les jours qui avoisinent
la nouvelle lune, nous voyons imparfaitement la partie de
notre satellite non éclairée par le soleil en raison de la
lumière que réfléchit notre globe : on donne à ce faible
éclairement le nom de lumière cendrée à cause de sa
couleur grisâtre. Les planètes inférieures, Mercure et
Vénus, ont les mêmes phases (V. ce mot) ou apparences
que notre satellite, mais ce phénomène n'est pas visible à
l'œil nu ; c'est ce qui fait qu'on a restreint l'appellation
croissant à la figure qu'offre notre satellite au voisinage
de la nouvelle lune. L. B.
IL Histoire. — Sorte d'emblème dont le nom est
tiré de la première phase de la lune. On le voit déjà chez
les anciens Grecs au front de Vénus et d'Artémis; puis il
servit d'ornement à la coiffure des dames romaines. Com-
ment est-il devenu l'emblème de l'empire ottoman? De
toute antiquité, il avait été le symbole de Byzance, ainsi
que l'attestent de nombreuses médailles. Maîtres de Cons-
tantinople, les Turcs le conservèrent ; est-ce comme em-
blème d'un empire naissant et destiné à s'accroître, est-ce
parce qu'ils le trouvèrent dans l'horoscope de leur empe-
reur Osman? Peut-être pour les deux raisons. Quoi qu'il
en soit, le croissant devint le signe distinctif de l'empire
ottoman; il orna les coupoles et les minarets des mos-
quées,, et servit même d'enseigne au corps des janissaires.
Cette enseigne consiste en un croissant fixé à une longue
hampe et auquel étaient suspendues des clochettes d'ar-
.gent ; aux extrémités, deux queues de cheval, Tune blanche
et l'autre rouge, et au-dessus du croissant l'étendard de
Mahomet. Lorsqu'on secoue la hampe, un bruit éclatant
se fait entendre. Les Allemands ont conservé le croissant
pour leurs régiments d'infanterie. L. Hesse.
III. Boulangerie (V. Boulangerie, t. VIÏ, p. 672).
IV. Art héraldique. — Pièce héraldique représentant un
croissant dont les pointes sont ordinairement tournées vers
la partie supérieure de l'écu. C'est sa position naturelle;
lorsqu'elle est autre, il faut le spécifier ; ainsi, lorsque les
pointes sont tournées vers le bas, le croissant est dit ren-
versé ; il est tourné, quand les pointes regardent le côté
dextre; contourné, lorsqu'elles regardent à senestre.
Cette figure est très employée en armoiries et les anciens
héraldistes la considéraient comme un symbole de très
bonne noblesse ; les croisés la placèrent souvent sur leur
écu. Il peut être seul ou en nombre, et on l'emploie beau-
coup comme figure accessoire accompagnant la pièce prin-
cipale. Ainsi le chevron, l'étoile, la bande sont très fré-
quemment accompagnés de trois croissants, l'écu est même
parfois semé de croissants.
V. Ordres. — Ordre du Croissant» Institué à Angers,
en 1448, par René d'Anjou, duc de Lorraine, comte de Pro-
vence et roi de Naples, en l'honneur de saint Maurice. Il le
plaça sous la protection de l'Eglise; les chevaliers, nobles,
portaient un croissant, mais avec la devise los m crois-*
sant^ pour signifier que les nobles cœurs doivent tou-
jours croître en vertu. L'ordre disparut avec la maison d'An-
jou. — Un autre ordre du Croissant fut fondé en Turquie
par Selim III, en 1799, qui le destina à récompenser les
services rendus à la Subhme Porte par les étrangers. Il
n'était pas accordé aux nationaux et se conférait ordinai-
rement aux ministres, aux ambassadeurs des cours étran-»
gères et aux personnes distinguées de leur suite. Il fut
supprimé en 1831, par Mahmoud II, qui le remplaça par
l'ordre du Nichan Jftikar (V. ce mot). G. de G.
VI. Mathématiques. — Une fonction f{x) de x est dite
croissante (ou décroissante) pour xz=za quand il existe un
nombre positif h tel que l'on ait, quel que soit 6, compris
entre ~ 1 et + 1
/■(a-hO/i) —/'(a) >0 (ou <0)
une fonction /it^) est croissante (ou décroissante) à partir
de a, ou comme l'on dit quelquefois à droite de a, quand
CROISSANT - CROIX
— 464
il existe un nombre positif h tel que l'on ait, quel que soit
6, compris entre 0 et 1
f(a + e/i) — f{a) :> 0 (ou < 0) .
Elle serait croissante (ou décroissante) jusqu'à a ou à
gauche de a^ si l'inégalité précédente avait lieu pour 0
compris entre — 1 et 0. On dit qu'une fonction f(x) est
croissante (ou décroissante) entre a et b, a<Cb, quand
elle l'est pour toutes les valeurs comprises entre a et /?, à
partir de a et jusqu'à b. Une fonction continue pour toutes
les valeurs de x comprises entre a et b n'est pas néces-
sairement croissante, décroissante ou constante dans cet
intervalle, contrairement à ce qui est enseigné dans les
lycées. Une fonction qui possède une dérivée est croissante
quand sa dérivée est positive, décroissante quand sa déri-
vée est négative. H. Laurent.
CRGISSAN VILLE. Corn, du dép. du Calvados, aiT. de
Lisieux, cant. de Mézidon ; 320 hab.
CROISSY. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Clermont,
cant. de Crèvecœur ; 381 hab.
CROISSY (Crociacum), Com. du dép. de Seine-et-Oise,
arr. de Versailles, cant. de Saint-Germain, sur la rive
droite de la Seine ; 4 ,954 hab. Cette localité est mentionnée
depuis l'an 4214, époque où l'évêque de Paris donna son
église au prieuré de Saint-Léonard deNoblaten Limousin.
Depuis le xvii^ siècle, mais surtout à notre époque, de nom-
breuses villas y ont été construites. Une école et un hôpital
.y ont été fondés par le marquis d'Aligre qui y possédait un
château,
BiBL. : L'abbé Lebeuf, HisL du diocèse de Paris, t. II,
pp. 25-28.
CROISSY (Les Marquis de) (V. Colbert).
CROISSY-Beaubourg. Com. du dép. de Seine-et-
Marne, arr. de Meaux, cant. de Lagny ; 244 hab.
GROISURE. I. Technologie. — Nom donné aux côtes
des tissus croisés. La qualité des mérinos et cachemires de
laine ou des croisés en coton s'indique généralement en don-
nant leur réduction en chaîne en même temps que le nombre
de croisures contenues dans une unité de longueur, centi-
mètre, pouce ou quart de pouce, mesurée perpendiculaire-
ment à leur direction. En désignant par n le nombre de fils
du rapport chaîne, par / le nombre de fils et par d le nombre
de duites contenues dans une unité de longueur, le nombre k
des croisures qui correspondent à la même longueur est
donné par la formule n^k'^ =zp -\- d^.
II. Marine. — Longueur des vergues. La distance du mât
de misaine au grand mât déterminait autrefois la grandeur
de cette quantité. Des envergures trop longues pouvaient
amener des difficultés de manœuvres ou produire des ren-
vois de vent nuisibles, surtout dans les évolutions, quand
il s'agissait de bâtiments à voiles. En outre, elles nuisaient
aussi au bon établissement de la voilure. Les vergues des
Anglais étaient, en général, beaucoup plus petites que les
nôtres, ainsi que le montre l'examen du tableau suivant :
GRAND MÂT
g
<
■A
PS
B
o
OBSERVATIONS
Basse vergue
Hunier
0,551
0,425
0,277
0,543
0,396
0,251
Ces rapports sont
exprimés en fonc-
tion de la lon-
gueur du bâtiment.
Perroquet
CROISY. Com. du dép. du Cher, arr. de Saint-Amand-
Mont-Rond, cant. de Nérondes ; 542 hab.
CROISY. Com. du dép. de l'Eure, arr. d'Evreux, cant.
de Pacy-sur-Eure ; 478 hab.
, CROISY-sur-Andelle. Com. du dép. de la Seine-
înférieure, arr. de Neufchâtel-en-Bray, cant. d'Argueil;
397 hab.
CROISY (Aristide), sculpteur français, né à Fagnon près
Mézières (Ardennes) le 31 mars d840. A l'âge de seize
ans, il vint à Paris et entra dans l'atelier d'Armand Tous-
saint, l'année suivante; en 4857, il passa dans celui de
A. Dumont, à l'Ecole des beaux-arts. En 1862, il travailla
pour Gumery. Il obtint deux fois le premier second grand
prix au concours de Rome, en 1863, sur un bas-relief
représentant Nisus et Euryale ; en 1865, sur un bas-relief
représentant la Fondation de Marseille, Cette dernière
œuvre lui fut commandée en marbre, pour le musée de la
ville de Marseille. Croisy expose au Salon depuis 1867;
nous citerons parmi ses principales œuvres : la Prière
d'Abel, st. bronze, au palais de la Légion d'honneur ; Psyché
abandonnée^ Françoise de Rimini, au musée de Char-
leville ; le Nid, groupe en marbre au musée du Luxem-
bourg ; les statues en bronze de Ernest Bradfer à Bar-le-
Duc, de Méhul à Givet ; le groupe de la Défense des
Ardennes à Charle ville ; trois statues différentes en bronze
du Général Chanzy, l'une àNouart (Ardennes), les deux
autres à Buzancy ; la dernière représente Chanzy sur son
lit de mort et est placée sur son tombeau. L'œuvre la plus
importante de Croisy est le remarquable groupe en bronze de
r Armée de la Loire, formant soubassement au monument
de Chanzy, au Mans, dont le modèle lui valut une 1^^ mé-
daille en 1885. Cet artiste est aussi l'auteur des grandes
figures décoratives, la Paix et la Concorde, ornant le fron-
ton du Dôme central de l'Exposition universelle de 1889 ; des
figures allégoriques de la Ville de Paris, du Commerce,
de V Industrie, des Arts et de V Agriculture ornant le fron-
ton de la nouvelle Bourse du commerce à Paris. On lui
doit un grand nombre de médaillons et de bustes, parmi
lesquels nous citerons les bustes en marbre de Vomirai
Jauréguiberry , au Sénat, et de Niedermeyer, à l'Opéra.
CROIX. I. Histoire religieuse et liturgie. — Nous
réunissons ici toutes les pratiques, dévotions, cérémonies
et fêtes ayant pour objet l'image et le culte de la croix.
— Parmi ces pratiques, celles dont l'antiquité est la moins
contestable, c'est le Signe de la croix. Les témoignages
abondent sur ce fait. Il suffit de citer ici celui de Tertulllen
(208?) : « En cheminant, en entrant, en sortant, en nous
habillant, en nous chaussant, en entrant au bain, en nous
mettant à table, en allumant les lumières, en nous couchant
au lit, en toutes nos actions et mouvements, nous nous im-
primons au front le signe de la croix. Que si tu réclames
obstinément une loi tirée de l'Ecriture pour ces disciplines
et usages ou autres du même genre, ru n'en trouveras
aucune ; mais on t'indiquera la tradition, qui en est l'auteur ;
la coutume, qui les confirme ; la foi, qui les observe (De
Corona militis, III). » Bien que Tertullien reconnaisse que
l'institution du signe de la croix ne se trouve point dans
l'Ecriture, on le prétend recommandé par certains textes
fort élastiquement interprétés, notamment par ces paroles
d'Ezéchiel (IX, 4) : « Fais une marque sur le ifront de
ceux qui gémissent à cause des abominations qui se com-
mettent au dedans de Jérusalem, » ; et par diverses indi-
cations de l'Apocalypse (VIII, 3; IX, 4; XIV, 1). — Il
semble que primitivement le signe de la croix était fait
avec le pouce de la main droite, ordinairement sur le
front, accidentellement sur d'autres objets. Mais la signi-
fication symbolique attachée à ce signe et certaines ressem-
blances naturelles devaient peu à peu le faire appliquer à
d'autres parties du corps : « Nous avons le signe de la croix
sur notre front, sur notre cœur et sur nos bras : sur notre
front, parce que nous devons toujours confesser Jésus-
Christ ; sur notre cœur, parce que nous devons toujours
l'aimer ; sur nos bras, parce que nous devons toujours tra-
vailler pour lui (Ambroise, Vie dlsaac), » On finit par
toucher ces diverses parties en une figuration unique du
signe. Pour l'exécuter, la main droite est élevée au front,
puis abaissée sur la poitrine, de là ramenée sur l'épaule
gauche et enfin sur l'épaule droite (Eglise d'Occident) ou
ramenée sur l'épaule droite et enfin sur l'épaule gauche
(Eglise d'Orient). Cette différence a été une des causes du
schisme des deux Eglises. Dans la liturgie des consécra-
tions et des bénédictions, le signe se fait en l'air, au-dessus
— 465 —
CROIX
des personnes ou des objets. La manière dont les doigts
sont tenus en cette opération n'est point indifférente : les
cinq doigts étendus représentent les cinq plaies de Jésus-
Christ; trois, les personnes de la divine trinité; un, Tunité
de Dieu. Pour la bénédiction du calice et des oblations,
Léon IV ordonna d'étendre deux doigts et de porter le
pouce au-dessous : c'est le seul vrai signe de croix trini-
taire. Ce pape recommandait aux clercs de s'appliquer à le
bien faire ; sinon, ils seraient incapables de rien bénir. Le
geste est ordinairement accompagné de la prononciation de
cette formule : Au nom du Père, du Fils et du Saint-
Esprit. — Il est vraisemblable que les anciens chrétiens
se servaient du signe de la croix pour se reconnaître parmi
les païens ; mais l'histoire ne fournit que peu, sinon point,
d'indications sur ce fait. Elle contient, au contraire, de
nombreux témoignages attestant que les chrétiens em-
ployaient surtout cette pratique en vue des effets qui lui
sont attribués. Elle chasse les démons; elle sanctifie la
chair et fortifie l'âme ; elle soutient dans les épreuves et
elle sauve dans les dangers, tant spirituels que corporels ;
elle guérit les maladies et déjoue les maléfices ; elle décèle
ou neutralise les poisons ; contre la tentation à certains
péchés, elle est un secours toujours efficace ; elle purifie
les lieux et les objets souillés par les hommes ou par les
malins esprits qui sont dans les éléments. — Par bref du
28 juil. 1863, Pie IX a accordé cinquante jours d'indul-
gence à tous les fidèles, chaque fois que, d'un cœur con-
trit, ils font le signe de la croix, en prononçant la formule
trinitaire : Au nom du père^ etc. Un autre bref du
23 mars 1866 élève l'indulgence à cent jours, lorsque le
signe est fait avec de l'eau bénite. — Certains passages
des Apologistes et des Pères indiquent que le signe de la
croix devint, dès les premiers temps, un trait caractéris-
tique du culte chrétien. Luther l'avait conservé; mais la
plupart des Eglises luthériennes ont fini par l'abandonner,
à cause des effets que partout et en tout temps la supers-
tition est disposée à lui prêter. Les Eglises réformées ne
l'ont jamais toléré.
Adoration de la croix. — L'usage si fréquent chez les
chrétiens de faire le signe et de prononcer le nom de la
croix les fit appeler par les païens adorateurs de la
croix. Ces adversaires se plaisaient à ajouter que les chré-
tiens adoraient ce qu'ils méritaient : Id colunt quod me-
rentur. Les réponses de Tertullien (Apologia, XVI; Ad
Nationes, XII), et de Minutius Félix (Octavius^ IX, XII,
XXVIII) ne contestent pas péremptoirement le fait d'un
culte rendu à la croix. Ces deux écrivains se défendent en
prétendant que les païens eux-mêmes honorent des objets
qui ont la forme de la croix. Il est vraisemblable que, dès
les premiers siècles, les chrétiens avaient fait un objet de
religion de la croix représentée sous des formes qui la
dissimulaient aux regards des païens et qui offraient, en
outre, l'avantage de donner à cette révérence l'attrait du
mystère. Tout l'effort des Apologistes et des Pères tend à
distinguer cette adoration des chrétiens devant la croix du
culte des païens envers leurs idoles : « Ce n'est pas la
croix que les chrétiens adorent, mais le Christ mort sur la
croix; Regem,.., Christum qui pepeiidit in ligno.,,
non lignum» (Ambroise, In obitum Theodosii, XLVI). Ce
qu'ils vénèrent, ce n'est pas le bois, mais la rédemption
accomplie sur ce bois. — Il est peu probable que les
païens n'aient pas établi une pareille distinction entre leurs
idoles et les divinités qu'elles représentaient. S'ils attri-
buaient à ces images une puissance propre, les chrétiens,
eux aussi, crurent bientôt à une vertu surnaturelle de la
croix, produisant des effets que la seule invocation du
Christ n'aurait pas produits : les récits de ces miracles
abondent chez les écrivains ecclésiastiques. Naturellement
on adore ce qui accomplit des miracles ; peu importe le
nom donné à ce culte. Dès le commencement du iv^ siècle,
les poètes chrétiens l'appelaient adoration :
Flecte genu lignumque Crucis venerabile adora.
L'Eglise d'ailleurs a consacré le mot, en Occident comme
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
en Orient : adoratio, jrpoaxtJvparts. L'Eglise occidentale a
longtemps célébré cette adoration le Vendredi saint. Pour
la liturgie qui la concerne, on lit dans le Sacramentaire
Grégorien ; Venit Pontifex, adoratam deosculatur
crucem. En l'Eglise d'Orient, ce culte a lieu le troisième
dimanche de Carême et pendant toute la semaine suivante
(V. Iconoclaste et Image).
Invention de la Sainte Croix. — L'Eglise catholique
fête sous ce nom la découverte du bois sur lequel Jésus-
Christ a été supplicié. En 326, Hélène, mère de Cons-
tantin, âgée déjà de quatre-vingts ans, étant allée à Jéru-
salem, entreprit de dégager le Saint Sépulcre des
amoncellements de terre superposés sur les lieux où il avait
été creusé, et de détruire les édifications païennes qui le
profanaient. Des révélations surnaturelles lui avaient mis
au cœur la certitude qu'elle trouverait l'emplacement exact
de la sépulture de Jésus et même la croix sur laquelle il
avait expiré. De concert avec saint Macaire, évêque de la
ville, elle fit conduire avec grande diligence les travaux
nécessaires. Pour dérober la croix à la vénération des
chrétiens, les Juifs l'avaient autrefois jetée dans une fosse
ou dans un puits, qu'ils avaient comblé avec des pierres.
Il eut été plus simple et plus sûr de la détruire ; mais
l'impiété est toujours aveuglée en ses desseins ; d'ailleurs,
le bois de la vraie croix est incombustible, ainsi qu'il appert
d'un miracle illustré, au xvii*^ siècle, par la fondation de
l'ordre de la Vraie Croix (V, ci-après Chevaliers de la
Vraie Croix). La fosse, ignorée des chrétiens, n'était plus
connue que de quelques juifs, qui se transmettaient ce secret
de père en fils. L'un d'eux nommé Judas, indiqua l'endroit
à ceux qui dirigeaient les fouilles. Judas fut loué et récom-
pensé par Hélène, il se fit chrétien et devint un saint, que
l'Eglise honore sous le nom de Quiriace. On creusa et on
découvrit trois croix. Mais comme l'inscription énonçant la
cause de la condamnation de Jésus se trouvait détachée,
il était impossible de distinguer parmi ces croix celle de
Jésus. Macaire, divinement inspiré, les fit appliquer, l'une
après l'autre, sur le corps d'une dame de qualité, que tous
les médecins avaient condamnée et qui était mourante. Les
deux premières ne produisirent aucun effet; mais dès
qu'elle fut touchée par la troisième, la mourante se releva
pleine de santé et de force. Aucun doute n'était plus
permis. Une lettre de saint Paulin à Sévère insérée dans
le Bréviaire de Paris (3 mai) raconte autrement le fait :
ce ne serait pas Macaire, mais Hélène qui aurait demandé
à un miracle l'indication de la croix divine. La princesse
fit apporter un mort déjà enseveli. Au contact de la troi-
sième croix, le mort ressuscita. Les interprètes bien pen-
sants suppriment la difficulté résultant de cette différence,
en admettant ensemble la guérison et la résurrection.
D'après une autre tradition, rapportée par saint Ambroise,
l'inscription était restée attachée à la croix : ce qui rendait
les deux miracles inutiles, au moins comme signes révé-
lateurs. — Hélène et Constantin firent construire une église
magnifique au-dessus du sépulcre. Une partie de la croix
fut laissée à Jérusalem, enchâssée dans un reliquaire
d'argent ; l'autre fut envoyée à Constantin avec les clous
qui avaient percé les pieds et les mains de Jésus. L'em-
pereur fit placer la portion qu'il avait reçue dans sa propre
statue, laquelle fut élevée sur une colonne de porphyre,
dans le forum de Constantinople. L'historien Socrate
affirme que cette précieuse relique devait rendre la ville
imprenable. Un des clous fut attaché au casque de l'empe-
reur, un autre à la bride de son cheval ; et ainsi fut réa-
lisée, suivant divers Pères, cette prophétie de Zacharie :
« En ce temps-là, il y aura sur les sonnettes des chevaux :
la Sainteté à V Eternel (XIV, 20). » Un autre clou servit
plus tard à façonner la couronne de fer de Lombardie. —
Emèhe (Vita Coîistantini, IIÏ et suiv.), racontant l'explora- -
tion du sépulcre et les mesures ordonnées par Constantin
pour en dégager et en purifierl'emplacement et pour y cons-
truire un sanctuaire, ne fait aucune mention de la vraie
croix. La relation d'un voyage fait à Jérusalem en 333
30
CROIX
-^ -m --
(Itinerarium Burdegalense) indique la crypte où le
eorps de Jésus avait été déposé, et la basilique élevée par
Constantin ; mais elle ne parle pas non plus de la croix.
Les premières mentions qui en soient faites se retrouvent
dans les Catéchèses de Cyrille de Jérusalem (IV, 10;
1X5 49 ; XUIî 4), composées vingt ans au moins après la
prétendue découverte. Il y est dit que des parcelles ont
été détachées de la Sainte Croix et qu'elles sont répandues
dans tout l'univers, mais il n'y est point fait allusion aux
faits contenus dans la légende que nous avons résumée.
Des le commencement du v® siècle, cette légende semble
acceptée par tous les écrivains ecclésiastiques comme au-
thentique, quoique avec diverses variantes. — De tous les
miracles de la Sainte Croix, le plus grand est peut-être la
mystérieuse puissance de reproduction dont elle est douée.
Dans sa lettre à Sévère, saint Paulin affirme qu'on peut
en retirer indéfiniment des parcelles sans la diminuer. On
a comparé cela à la multiplication des pains au désert.
Tous ces fragments, s'ils étaient réunis, formeraient la
charge de plus de dix ânes. — Il est vraisemblable qu'une
fête a été instituée très anciennement à Jérusalem pour
commémorer l'invention de la Sainte Croix, et qu'elle a été
introduite successivement dans d'autres églises. Papebroch
(Acta sanctorum, III) affirme qu'elle n'a été célébrée
d'une manière générale que vers 720. Dans l'Eglise latine,
elle a lieu le 3 mai. L'Eglise grecque la joint à la fête de
l'Exaltation de la Sainte Croix.
Exaltation de la Sainte Croix (Fête de F). — Célébrée
le 14 sept. ; elle est fort ancienne. On suppose qu'elle a
été originairement instituée à Jérusalem pour commé-
morer la dédicace de Fcgliso du Saint-Sépulcre conâ^
traite par Constantin (33l>). A ce souvenir on ajoutait,
vraisemblablement celui de l'apparition de la croix à Cons-
tantin, peut-être aussi celui d'une autre apparition aperçue
à Jérusalem en 346. Mais la principale illustration de cette
fête est la restitution à l'église de Jérusalem de la Sainte
Croix, que Chosroès II lui avait enlevée. Ce roi des Perses,
vainqueur de l'empereur Phocas, avait pris Jérusalem, dé-
vasté l'église du Saint-Sépulcre et massacré une partie
des habitants. Il en emmena beaucoup d'autres en capti-
vité et il fit emporter la Sainte Croix. Vaincu à son tour
par Héraclius, il fut assassiné par son fils Siroès (628).
Celui-ci, pour conclure la paix avec l'empereur, consentit
à rendre la Croix. Elle fut triomphalement conduite à
Constantinople et, au printemps suivant, ramenée fort
solennellement à Jérusalem. Héraclius voulut la prendre
sur ses épaules, en entrant dans la ville ; mais, comme il
était revêtu de son costume impérial, la croix se fit un
fardeau qui l'empêcha de marcher. Sur le conseil du pa-
triarche Zacharie, il quitta ses vêtements précieux, sa
couronne et sa chaussure. Aussitôt la croix devint légère,
et l'empereur put la porter jusqu'à l'égHse. L'année sui-
vante, Héraclius était vaincu par les mahométans, et en
647, sous son règne, Jérusalem était prise par eux. —
Pour cette fête, le Bréviaire parisien {Lectio VI) associe à
la mémoire de F empereur lièrâcliu& celle du roi saint Louis,
au 14 sept. 1241, dépouillé de ses habits royaux, nu-
pieds et portant la portion de la vraie croix à lui remise
par les templiers, qui l'avaient reçue en gage de l'empereur
Baudouin. Merveilleusement sauvée, pendant la Révolution,
elle se trouve encore à Paris, ainsi que la croix incombus-
tible léguée à Fabbaye de Saint-Germain-des-Prés par Anne
de Gonzague, princesse palatine, et deux fragments des
clous divins.
Chemin de la Croix ou Chemin du Calvaire. — L'ins-
titution communément désignée sous ce nom est récente.
C'est pourquoi on s'est oflorcé d'en faire remonter l'origine
aux premiers chrétiens. Elle a pour objet de mettre à la
portée des fidèles, dans tous les pays, les moyens de satis-
faire la dévotion qui menait autrefois tant de pèlerins à
Jérusalem et d'obtenir les grâces espérées de la visite aux
Lieux saints. La première invention en semble due au
bienheureux Alvaro, de l'ordre des frères prêcheurs. Ce
religieux, revenant de Palestine, fit construire dans son
couvent de Saint-Dominique, à Cordoue, divers oratoires,
formant des stations où se trouvaient représentés les prin-
cipaux faits de la passion de Jésu^-Christ. La chose ayant
eu un commencement de succès chez les dominicains, les
frères mineurs de l'Observance de Saint-François s'empa-
rèrent de l'idée et la développèrent. Ils établirent dans
toutes leurs églises un chemin de la Croix avec quatorze
stations distinctes. Il paraît cependant que la propagation
de cette dévotion se fit lentement ; car ce ne fut qu'à la
fin du xvii^ siècle que les papes l'approuvèrent ofiicielle-
ment (Innocent XI, Innocent XII, Benoît XIII, Benoît XIV,
Clément XII). Ils ont attribué aux fidèles qui suivent dé-
votement le chemin de la Croix toutes les indulgences qui
sont accordées à ceux qui visitent en personne les lieux
saints de Jérusalem ; mais un avis de la sacrée Congréga-
tion des Indulgences défend aux prédicateurs et aux caté-
chistes de spécifier quelles sont ces indulgences. — Chacune
des quatorze stations est aflectée à un souvenir de la passion.
Parmi ces souvenirs il y en a plusieurs que l'Evangile
ignore. L'un d'eux surtout, celui qui se rapporte à Véro-
nique, provient d'une source plus que suspecte. Toutes les
stations doivent être marquées par des croix bénites, mais
les tableaux ne sont point indispensables. Les croix seules
procurent les indulgences. Les chemins de la Croix peuvent
être établis dans les églises ou en dehors. Le privilège de
les ériger et de les bénir appartient en propre aux frères
mineurs de l'Observance et, par extension, aux capucins,
qui sont un rameau de l'ordre franciscain. Néanmoins, des
rescrits pontificaux permettent personnellement à des
évêqnes n'appartenant pas à l'ordre de Saint-François et
même à do simples prêtres dûment autorisés de ForcliMifô,
d'ériger et de bénir des chemins de la Croix. L'érection
faite par eux n'est point valide, si elle a lieu en dehors des
églises.
Croix pectorale. — Insigne de la dignité épiscopale ou
abbatiale. Elle est ordinairement formée d'or ou d'argent et
de pierres précieuses ; elle pend sur la poitrine, comme l'in-
dique son nom. Les évêques, les abbés et les abbesses la
portent suspendue au cou, attachée pour les uns à une chaîne
d'or ou à un cordon de soie vert et or et pour les autres à
un cordon de soie violette. Le pape ne la prend que lorsqu'il
chante la messe pontificalement. Il semble que cette croix
n'est devenue un ornement pontifical, d'un usage général, que
depuis le xiii® siècle. Benoît XIV dit que cet ornement n'est
point un signe de juridiction. Mais ce qui en est un au su-
prême degré, c'est le privilège réservé au pape, à ses légats et
aux archevêques de faire porter devant eux une croix
stationale ou processionnelle. Dans les processions, le
Christ attaché à cette croix est tourné en avant et il
semble guider les fidèles qui suivent. Lorsque la croix fait
cortège au pape et aux dignitaires, le Christ est retourné
de leur côté, comme s'il devait aller à reculons devant eux.
Bulle de la Croix (V. Croisade [Bulle de la Sainte]).
Applications du mot Croix k des dénominations d'ordres
m DE coNGRÉGàïioNi. «^ Rddgieux cls Sainte-Croix» Cm
religieux, ainsi que ceux des congrégations qui se pré-
tendent dérivés de leur ordre, sont communément appelés
Croisiers. Après les carmes, qui réclament le prophète Elie
comme fondateur, les croisiers revendiquent la plus haute
antiquité : institués par le pape saint Clet (78-91 ?) , réformés
par saint Quiriace, ce juif qui indiqua à sainte Hélène le lieu
où la croix de Jésus-Christ était enfouie (V. Invention de
la Sainte Croix), ils se trouvaient, dit-on, en Palestine,
bien longtemps avant les croisades, — En 1169, Alexan-
dre III donna aux croisiers d'Italie une règle et des consti-
tutions. En 4656, Alexandre VU les supprima pour cause
de relâchement et attribua leurs biens à la république de
Venise, afin de soutenir la guerre contre les Turcs.
En 1211, Théodore de Celles, chanoine de Liège, fonda
sur la colline de Clair-Lieu, près de Huy, en Belgique,
une congrégation de Chanoines réguliers de la Sainte-
Croix, en imitation des croisiers de Palestine. Cette con-
— 467 -
CROIX
grégation fut approuvée en 1246 par Honoré III et confirmée
en 4248 par Innocent IV. Saint Louis appela à Paris
quelques-uns de ces chanoines et les établit rue de la Bre-
tonnerie. Avant la Révolution, ces croisiers possédaient
plusieurs maisons en France et sur les bords du Rhin, où
on les appelait pères hospitaliers^ à cause des soins qu'ils
donnaient aux pauvres et aux malades. Leur général rési-
dait au couvent de Clair-Lieu. Leur patronne est sainte
Odile, une des onze mille vierges martyrisées à Cologne
avec sainte Ursule. Sainte Odile avait révélé au croisier
Jean Novélan le lieu où son corps était enterré. Depuis la
Révolution, les chanoines réguliers de la Sainte-Croix se
sont relevés à Sainte -Agathe, près Cuyk, et àUden, en
Hollande, à Diest et à Maeseyk, en Belgique. — Pour la
connaissance des choses du catholicisme, il est intéressant
d'indiquer les privilèges conférés à cet ordre en matière
d'indulgences. Un induit de Léon X (20 avril 4546) avait
accorde au général et à ses successeurs la faculté d'appli-
quer aux chapelets de cinq, dix ou quinze dizaines une
indulgence de cinq cents jours pour chaque Pater et chaque
Ave^ sans qu'il fût nécessaire de dire tout le chapelet.
Le 13 juil. 4845, Grégoire XVI a rendu l'indulgence appli-
cable aux âmes du purgatoire. Le 9 janv. 4848, Pie IX
a concédé au général le pouvoir de communiquer cette
faculté à tous les prêtres de son ordre; Léon XIII l'a
déclarée exclusivement propre à l'ordre de la Sainte-
Croix. — Une congrégation de Chanoines réguliers de
Sainte-Croix fut aussi instituée en Bohême, par un croisé
qui avait connu les religieux de Sainte-Croix en Palestine.
Elle fut confirmée par Grégoire IX (44 avr. 4238). Clé-
ment X et Innocent XI, approuvant les statuts de cette
congrégation, l'appellent un ordre militaire. Les empe-
reur donnaient à ces croisiers le nom de Chevaliers de la
Croix. On leur confia un grand nombre d'hôpitaux en
Bohême, en Pologne et en Lithuanie. Ils en desservent
encore quelques-uns aujourd'hui.
Chevaliers de la Vraie Croix. — Nom donné aux
membres d'un ordre institué en 4668, pour les dames, par
Eléonore de Gonzague, veuve de l'empereur Ferdinand III.
Cette institution avait pour objet de perpétuer le souvenir
d'un miracle auquel nous avons fait allusion aux §§ Inven-
tion de la Sainte Croix et Exaltation de la Sainte
Croix : en un incendie du palais impérial, une croix appar-
tenant à l'impératrice et composée de deux morceaux de la
vraie croix subit l'atteinte des flammes sans être endomma-
gée. Par suite d'un legs fait aux religieux de Saint-Germain-
des-Prés, cette croix se trouve à Paris. Des savants scep-
tiques, qui l'ont examinée, affirment que le bois dont on
la prétend faite est une substance minérale, (juoi qu'il en
soit, pour qu'une dame fût admise dans V ordre de la Vraie
Croix, il fallait qu'elle fût noble et de famille illustre,
tant du côté du père et de la mèi^e que du côté du mari
et en réputation d'avoir beaucoup de grandeur d'âme.
La congrégation des Clercs déchaussés de la Sainte-
Croix, appelés aussi Passionistes^ instituée par saint Paul
de la Croix, pour prêcher la pénitence en exposant les
souffrances de Jésus, a été approuvée en 4725 et en 4744
par Benoît XIII et Benoît XIV. Maison mère à Rome. En
4864, elle avait en France deux maisons et dix-huit pères.
— Il y avait à la même époque cent trente et un Frères
de la Croix de Jésus répartis en trente-quatre maisons. —
Une congrégation de Sainte-Croix (du Mans) a été organisée
en 1835 par le père Moreau. Elle comprend les pères Sal-
vatorïstes (deux maisons en France, vingt-huit clercs
réguliers), voués aux missions, à l'instruction de la jeu-
nesse et au ministère paroissial; les Frères Joséphites
(cinquante-trois maisons en France, deux cent soixante-
trois frères), qui doivent leur origine (4806) à Jacques
Dujarié, curé de Ruilly-sur-Loire : instruction secondaire
et instruction primaire; les Soeurs Mariânistes, chargées
des soins de lingerie et d'infirmerie dans les séminaires et
les collèges de la congrégation et qui s'occupent aussi de
l'instruction des jeunes ^filles dans des maisons particu-
lières. Cette congrégation complexe, dont le supérieur
général réside à Rome, possède de nombreux établissements
en Europe, aux Etats-Unis, au Canada, au Bengale, en
Australie.
En 4625, Guérin, curé de Roye, forma nne maison de
Filles de la Croix, pour l'instruction des jeunes filles.
]^me ^Q Villeneuve les établit à Brie -Comte -Robert et à
Paris; elle fit prononcer par une partie de ces filles les
trois vœux simples de pauvreté, de chasteté et d'obéissance.
Les autres voulurent conserver leur liberté : ce qui les
obligea à se séparer. Avant la Révolution, chacune des
deux congrégations avait son supérieur général, — Le
recensement spécial de 4864 indique pour la France :
trente-quatre Dominicaines de la Croix (une maison);
trente-quatre Religieuses de la Croix de Jésus (neuf mai-
sons) ; huit cent quatre Soeurs de la Croix (sept maisons
mères, quatre-vingt-trois maisons); quatre -vingt -une
Sœurs de la Sainte-Croix (vingt-deux maisons).
E.-H. Vollet.
II. Archéologie. — Archéologie préhistorique. —
La croix et la diffusion de son usage ont une réelle
importance ethnographique. Bien que formée de lignes
qui, croisées à angle droit diversement et enjolivées,
sont très décoratives et se prêtent à des groupements
agréables, elle ne se montre pas à l'origine comme simple
Swastika ou Croix gammée.
motif ou objet d'ornement. Elle a eu tout d'abord le
rôle d'un symbole religieux. Sa forme primitive paraît
être celle de la croix gammée ou swastika. Le (ou la)
Sîoastika (V. ce mot) sacré dans l'Inde, est très ancien
et très répandu dans tout l'Orient. Et l'on admet assez
généralement que , figurant l'appareil qui servait jadis
à allumer le feu, il était le symbole du feu lui-même, de
la flamme vivante, du soleiL On le donne encore comme
une représentation mythique de la foudre, et comme une
image du dieu de l'orage. On y a vu enfin l'emblème du
panthéon aryen et de la civilisation aryenne. En Europe, la
croix s'est répandue avec l'usage du bronze. Elle est clai-
rement en rapport avec un ensemble nouveau de mœurs et
de croyances, de même origine peut être que le bronze.
Elle est reproduite sous diverses formes sur un très grand
nombre d'objets, sur des fibules, sur des poignées, sur
des ceintures, mais surtout sur des pièces d'argile et en
particulier des poteries. Les poteries qui en sont ornées
appartiennent généralement à des mobiliers funéraires.
Dans le cimetière proto-étrusque de Golasecca, chaque
sépulture contient un vase portant une croix formée de
deux barres lustrées. Et on a remarqué (G. de Mortillet)
que la présence de ces croix, non dans un endroit appa-
rent, mais en dessous, sur le fond, prouve qu'elles n'étaient
pas employées en ce cas comme motif d'ornement, mais
comme signe de consécration. Les formes préhistoriques
de la croix sont aussi nombreuses que les formes chré-
tiennes et du même genre. Il faut remarquer parmi elles
celles où le centre est occupé par un point, un cercle, ou
plusieurs cercles concentriques. Le cercle avec ou sans
point central s'est répandu en Europe, en même temps
que la croix avec un caractère symbolique semblable
(V. Cromlech); Zaborowski.
Archéologie chrétienne. — Dès l'origine de FEghse,
les chrétiens professèrent pour la croix une grande vénération
et ils la représentèrent sous des formes plus ou moins dissi"
CROIX
— 468 —
mulées dans les monuments des catacombes : Tune des
plus ordinaires parmi ces formes était celle de la croix
anséfij de rancre ou du monogramme du Christ. C'est à
partir du iv^ siècle seulement que la croix fait son appari-
lion sur les monuments publicSj surtout dans les pays oût
comme en Afrique, le christianisme avait fait de plus rapides
progrès. Le texte le plus ancien qui fasse mention d'une
croix sculptée est postérieur à Tannée 362, Saint Zenon de
Vérone, qui fut à cette date évêque de cette ville, rapporte
qu'il fit placer une croix en forme de tau sur le sommet
d'une basilique. Vers cette époque, la croix apparaît fré-
quemment sur les monuments. On la rencontre sur le sar-
cophage de Probus, qui date de la fin du iv® siècle, et sur
les monnaies impériales mêmes. Dès le v® siècle, la croix
était représentée dans les peintures des églises, comme
l'attestent les descriptions de saint Paulin de Noie pour les
basiliques de Noie et de Fondi, et les mosaïques du Bap-
tistère de Ravenne ou du monument de Galla Placidia : dès
ce moment aussi, les croix portatives étaient en usage.
Pour le VI® siècle, il ne
peut y avoir aucun dou-
te : dans les mosaïques
de Saint-Vital à Raven-
ne comme au-dessus du
ciborium de Sainte-So-
phie, sur les diptyques
d*ivoire comme sur les
sarcophages, la croix
figure, rappelant à la
fois la mort et la gloire
du Sauveur. On la por-
tait dans les proces-
sions, on la plaçait au-
dessus du ciborium qui
surmontait l'autel, on
la suspendait au cou en
y enfermant parfois des
reliques.
Quant à la forme, on
distingue différentes es-
pèces de croix : la croix
decussata, en forme
de X, vulgairement
nommée croix de Saint-André ; la croix commissa, en
Croix gemmée.
Croix de Justin II, au Vatican,
forme de T grec (tau) ; la croix immissa, qui est la forme
la plus commune, et dont la branche inférieure est plus
longue que les trois autres (croix latine) ; la croix à
branches égales qu'on appelle la croix grecque. De bonne
heure, ces croix furent exécutées en matières précieuses et
sorfent rehaussées de pierreries ; iou¥ent ces eroix gem>^
méûs porlenl a ieurs deux bras les lettres A et eu stïspeisdaês à
Faide de chaînettes ; sur la traverse sont posés aeux flam-
beaux, et du pied de la croix partent, dans les j)eintures,
des rameaux verdoyants. Bientôt ces croix furent décorées
avec une grande magnificence : des médaillons représen-
tant Fagneau, le Christ ou des saints furent placés à la
croisée ou à l'extrémité des branches. C'est ce que l'on voit
dans la croix donnée par l'empereur Justin II à Saint-Pierre
de Rome (vi^ siècle), dans la croix d'argent d'Agnellus,
conservée à Ravenne, dans la riche croix gemmée repré-
sentée en mosaïque dans l'abside de Sainte-Apollinaire in
Classe (vi® siècle) et où la croix n'est autre chose que la
représentation symbolique du Christ lui-même. On s'ache-
minait de cette sorte à l'idée de placer sur la croix l'image
même du Sauveur crucifié (V. Crucifix). Ch. Diehl.
Supplice de la Croix. — Le supplice de la croix, men-
tionné exceptionnellement chez les Grecs, où il était réservé
aux esclaves et aux voleurs de grand chemin, était consi-
déré à Rome comme le genre de peine le plus cruel.
Sous la répubhque on ne l'appliqua qu'aux esclaves, aux
transfuges , aux provinciaux coupables d'assassinat , de
piraterie, de brigandage ou d'excitation à la révolte. Il
n'était pas permis de mettre en croix un citoyen romain.
Sous l'empire, l'usage se maintint de ne pas punir de la
croix les citoyens, sauf ceux de la dernière classe {humi-
les) et cette peine était réservée aux crimes les plus
graves ; ordinairement les condamnés, préalablement bat-
tus de verges, devaient porter la furca ou le patibulum
jusqu'au lieu de l'exécution, exposés aux injures de la
populace. On hissait le patient sur la croix dont alors le
patibulum formait la traverse, et on l'y fixait par les pieds
et les mains, à Faide de longs clous; un écriteau, placé
au-dessus de lui, indiquait la nature de son crime. Si on
ne l'achevait en lui brisant les membres, il vivait ainsi
plusieurs jours, et mourait enfin de laim et de soif. Le
cadavre ne devait être enseveli que si la sentence le per-
mettait. L'empereur Constantin aboHt le supplice de la
croix en l'honneur de Jésus-Christ et il ne fut plus appliqué
que très exceptionnellement. V. dans le Dictminaire des
Antiquités, de Saglio, les art. de E. Caillemer, G. Hum-
bcrt, E. Saglio, avec les notes bibliographiques. A.^Y.
IIL Paléographie. — Des croix ont été figurées dans
les chartes particuHèrement à l'époque du haut moyen
âge. Au début d'un acte, la croix avait la même valeur
que le chrisme, celle d'une invocation. Ces croix sont
tantôt simples et tantôt ornées, pattées, cantonnées de
points, etc. On les trouve aussi fréquemment au début de
certaines souscriptions. Souvent aussi les croix ont cons^
titué elles-mème des souscriptions ou signatures. Dès le
x^ siècle^ on voit figurer, au bas de certains contrats, des
croix qu'à la grossièreté et la maladresse avec laquelle
elles ont été tracées on reconnaît pour autographes. Les
rois de la troisième race, Hugues Capet, Robert, Henri I^^
et Philippe P^, souscrivaient ou plutôt signaient ainsi leurs
diplômes. Ce mode de souscription par la croix, tombé
en désuétude au xii® siècle, a reparu avec les signatures
au XY^ siècle et est demeuré jusqu'à nos jours la signature
des personnes illettrées. La croix était aussi caractéris-
tique de la souscription des notaires apostoliques; elle
entrait toujours dans la composition de leur seing ma-
nuel (V. ce mot), mais c'était une croix dessinée et non
plus rapidement tracée (V. Signature et Souscription).
IV. Art héraldique. — Pièce honorable, formée par la
réunion du pal et de la fasce ; elle occupe en largeur deux
parties des sept de la largeur de l'écu et ses branches s'éten-
dent jusqu'aux bords. La croix se rencontre sur une grande
quantité d'armoiries. Les croisés la peignirent sur leurs écus
et sur leurs cottes d'armes et naturellement ils les variè-
rent non seulement de couleurs, mais ils lui donnèrent des
^ 469
CROIX
formes particulières pour se distinguer les uns des autres.
Les héraldistes comptent soixante-douze sortes de croix ;
notons seulement celles qui sont le plus en usage : d'abord
la croix simple; puis la croix alaisée dont les branches
ne touchent pas les bords de Fécu ; ancrée^ lorsque les
branches sont terminées en forme d'ancre ; aiguisée^ lors-
qu'elles finissent en pointe ; dentelée, lorsqu'elles sont décou-
pées en dents de scie ; engoulée^ lorsqu'elles entrent dans
des gueules d'animaux ; fleurdelisée, lorsqu'elles se ter-
D'argent à la croix
d'azur.
De »ueules à la croix
de Lorraine d'argent
minent en fleur de lis ; pattée^ lorsqu'elles vont en s'élar-
gissant aux extrémités ; pommelée, lorsqu'elles se terminent
en boules ; ;?o^^nc6'^, lorsqu'elles se terminent en potence, etc.
La croix est bretessée lorsqu'elle est munie de créneaux sur
tous ses bords ; haitle ou latine, lorsqu'elle représente la
croix de la passion, herminée lorsqu'elle est formée par
quatre mouchetures d'hermine, etc. La croix, comme les
autres pièces honorables, peut être chargée, accompagnée,
échiquetée, vairée, palée, besantée, cantonnée, etc. La
croix de Lorraine est une croix patriarcale, G. de G.
V. Ordres. — Croix blanche (Ordre de la). — Appelé
aussi ordre de la Fidélité, créé en Toscane, en 1814, par
le grand-duc Ferdinand III., qui le destina à récompenser
les services militaires et les actions d'éclat. La décoration
était blanche. Depuis l'unification de l'Italie l'ordre a
disparu.
Croix de Bourgogne (Ordre de la). — Créé en 1533, le
jour de la Madeleine, par l'empereur Charles -Quint, dans
le dessein de récompenser les oflîciers de son armée, de la
valeur qu'ils avaient montrée lors de la bataille livrée pour
le rétablissement de Muley Hassan sur le trône de Tunis,
et ce fut afin de perpétuer le souvenir de cet événement
que l'ordre reçut aussi le nom d'ordre de Tunis ; il a com-
plètement disparu.
Croix de Caracas (Ordre de la). — Fondé dans la répu-
blique de Venezuela par un décret du pouvoir exécutif du
3 avr. 1877, il est destiné aux membres de l'Institut
national des beaux-arts de Venezuela ; il n'y a qu'une
classe de membres portant la décoration à un ruban blanc
liséré de vert sur chaque bord.
Croix de distinction pour services militaires (Ordre de
la). — Créé par le grand-duc de Saxe-Weimar, pour
récompenser le service miUtaire ; dix années donnent droit
à la croix de seconde classe suspendue à un ruban noir,
ayant une bande jaune et une verte sur chaque bord. Vingt
années de fidèles et irréprochables services donnent droit
à la croix de première classe en argent, émaillée de noir
rebordée d'argent.
Croix d'Eckernforde (Ordre de la). — Fondé en 1851
par le grand-duc Ernest de Saxe-Cobourg-Gotha pour récom-
penser ceux qui avaient pris part à la campagne de Slesvig-
Holstein en 1849. La croix en argent ou en bronze, selon
le grade, est suspendue à un ruban noir liséré orange et
chargé de deux bandes composées chacune d'une raie orange
et d'une verte.
Croix de fer (Ordre civil et militaire de la). — Créé en
Prusse, le 10 mars 1813, par le roi Frédéric-Guillaume III,
qui le destina à récompenser les personnes qui se distin-
gueraient car des actions éclatantes, par leur courage, ou,
dans l'administration civile, par des actes méritoires ou
des services rendus à l'Etat. Les statuts furent revisés en
Croix de fer.
1841 par Frédéric-Guillaume IV, qui divisa les membres
en trois classes de décorés. L'insigne consiste en une croix
de fer fondu à branches bordées
d'argent, suspendue à un ruban
noir liséré de blanc pour les dé-
corés militaires et blanc liséré de
noir pour les décorés civils. —
Un autre ordre du même nom fut
créé en Belgique pour récompenser
les citoyens qui s'étaient le plus
distingués pendant la révolution
de 1830. Cette décoration consiste
en une étoile d'or à quatre bran-
ches, terminées par huit pointes
émaillées de noir; elle est sus-
pendue à un ruban rouge bordé
de filets noirs et jaunes.
Croix de Juillet. — Fondée en France, par une loi du
30 août 1830, pour reconnaître les services patriotiques
rendus par les citoyens pendant les trois journées des 27,
28 et 29 juil. 1830, que dura la révolution qui renversa
le roi Charles X. La croix était formée de trois branches
émaillées de blanc, pommetées d'argent ; elle reposait sur
une couronne de chêne et était surmontée d'une couronne
murale d'argent ; elle était suspendue à un ruban moiré de
bleu avec un filet rouge de chaque côté. Il ne faut pas
la confondre avec la médaille de
Juillet instituée vers le même
temps.
Croix de Mentana. — Créée
par le pape Pie IX en faveur
des troupes qui firent la cam-
pagne de 1867. Elle a quatre
branches ; au centre est un mé-
daillon d'argent portant le chiffre
du pape. Elle se porte suspendue
à un ruban rayé bleu et blanc.
Un décret de l'empereur Napo-
léon III autorisa le port de cette
décoration en faveur des soldats
français et des marins qui
avaient fait partie du corps ex-
péditionnaire.
Croix de Mérite (Ordre de
la). — Créé en Bavière le 12
mai 1871 ; il se compose d'une seule classe de mem-
bres et se confère aux deux sexes. Le ruban est bleu clair.
Croix de Victoria (Ordre de la). — Créé en Angle-
terre par la reine Victoria le 29 janv. 1856. Les statuts
furent revisés le 13 déc. 1858. Les marins qui en sont dé-
corés portent la croix suspendue à un ruban bleu, les
soldats la suspendent à un ruban rouge, les titulaires ont
droit à une pension.
Croix d'honneur du Guatemala (Ordre de la). — Fondé
en 1858, afin de récompenser les services militaires dans
l'Etat de Guatemala. Les membres de l'ordre sont divisés
en deux classes, chevaliers et commandeurs. Les nomina-
tions appartiennent exclusivement au président du Gua-
temala.
Croix d'honneur de Lippe (Ordre de la). — Créé le
25 oct. 1769, dans les principautés de Lippe et Schaum-
bourg-Lippe. Les membres sont divisés en trois classes,
les deux premières portent la croix en sautoir, suspendue
à un ruban rouge liséré d'or, le troisième à la boutonnière.
Croix d'honneur de Reuss (Ordre de la). — Institué
dans la principauté de Reuss le 1^^ janv. 1858, il récom-
pense les services administratifs et les membres sont di-
visés en deux classes, croix d'or et d'argent ; elles se portent
sur la poitrine, suspendus à un ruban rouge.
Croix d'honneur de Reuss, civile (Ordre de la). —
Institué dans la même principauté le 15 sept. 1858 pour
récompenser le mérite civil; il comprend aussi deux classes de
membres; le ruban est bleu outremer bordé d'amaranthe.
Croix de Mentana.
CROIX
^ 470 —
Croix du Mérite civil.
Croix d'honneur de Schwarzbourg-Rudolstadt et Son-
DERSHÂUSEN (Ordre de la). — Fondé dans les principautés
de ce nom, le 20 mai 4853, les statuts furent modifiés les
28 mai et 9 juin 1857. Il y a trois classes de décorés sans
compter ceux qui le sont d'une médaille annexée à la croix.
Le ruban est à trois raies Weues alternées de larges bandes
jaunes.
Croix du Mérite civil (Ordre de la). — Créé en Au-
triche, le 26 févr. i 850, par l'em-
pereur François - Joseph , pour
remplacer la médaille d'honneur ;
il est destiné à récompenser le
dévouement et la fidélité envers
l'empereur et la patrie et les
longs services dans les emplois
publics. Les étrangers peuvent le
recevoir. La croix, qui a la même
forme que celle de l'ordre de
François-Joseph, moins l'aigle,
se divise en quatre classes :
croix d'or couronnée, croix d'or
sans couronne, croix d'argent
couronnée, croix d'argent sans
couronne; le ruban est rouge.
Croix du Mérite ecclésiastique (Ordre de la). — Fondé
en Autriche, par l'empereur François P', le 20 nov, 1801,
est destiné aux aumôniers qui se distinguent en temps de
guerre. Il y a la croix d'or et la croix d'argent.
Croix du Mérite militaire (Ordre de la) . — Créé le 30 avr.
1814, par le grand-duc de Mecklembourg-Schwerin, Paul-
Frédéric, pour récompenser les services
militaires. La décoration consiste, pour
les officiers qui comptent vingt-cinq
ans de service, en une croix d'or à
quatre branches, portant d'un côté le
chiffre, de l'autre l'indication des an-
nées de service. Les sergents-majors la
reçoivent après dix années, en cuivre ;
après quinze années, en cuivre avec
écusson d'argent ; après yingt années,
en argent; après vingt-cinq ans, en
argent avec un écusson. Le ruban est
rouge bordé de bleu et de jaune, et ne
peut être porté sans la croix. — Une
autre croix du Mérite militaire fut fondée dans le grand-
duché de Hesse le 12 sept. 1870; les décorés forment
une seule classe de chevaliers et portent une croix sus-
pendue à un ruban bleu clair, un liséré ponceau sur cha-
que bord.
Croix du Sud ou du Cruzeiro (Ordre de la). — Cet ordre
qui avait le titre d'impérial fut fondé le l^^déc. 1822, au
Brésil, par l'empereur don Pedro P^,
pour perpétuer le souvenir de sa pro-
clamation et de son couronnement. Il
est divisé en quatre classes de mem-
bres, grands-croix, dignitaires, offi-
ciers et chevaliers. Les étrangers y
sont admis. La décoration consiste en
une croix à cinq rayons doubles qui se
porte à un ruban bleu de ciel; elle
est destinée à récompenser le mérite, *
les belles actions et les services ren-
dus à l'Etat.
Croix étoilée (Ordre de la). —Créé
en 1668 par l'impératrice d'Autriche
pour témoigner sa satisfaction de ce
qu'elle avait retrouvé, dans les dé-
combres du château impérial qui avait été incendié le
2 févr., une relique consistant en un morceau de la vraie
croix. Par une bulle du 27 juil. 1668, le pape approuva
cet ordre reconnu par lettres patentes de l'empereur
Léopold P^. La grande maîtrise appartient à une princesse
de la maison d'Autriche, les membres doivent appartenir à
Croix du Mérite
militaire.
Croix du Sud.
la noblesse et sont divisées en dames grands-croix et
dames chevalières. Leur nombre est illimité. La décoration,
qui s'attache à un ruban noir en forme de nœud, consiste
en l'aigle impériale à deux têtes supportant une croix d'or
émaillée de bleu, charg'ée elle-même d'une croix rouge.
L'ordre de la Croix étoilée a plusieurs appellations, entre
autres celle d'ordre de la Noble Croix.
Croix militaire de la Santé (Ordre de la). — Créé dans
le grand-duché de Hesse, le 25 août 1870. Une seule classe
de chevaliers ; la décoration se porte à un ruban ponceau
hséré d'argent. G. de Genouillac.
VI. Architecture. — Petit édifice isolé, partie d'édifice
ou même motif d'ornement rappelant, par sa forme, l'ins-
trument de la passion du Christ. En dehors de la matière
qui les compose ou de l'ornementation peinte et sculptée
qu'elles peuvent recevoir, deux sortes de croix sont à con-
sidérer au point de vue de l'architecture : celles consti-
tuant de petits monuments isolés et celles faisant corps avec
l'architecture des églises et des autres édifices rehgieux.
Croix isolées. — Ces croix, fort répandues au moyen
âge, mais dont les plus anciennes, probablement faites"" de
bois, ne sont pas venues jusqu'à nous, avaient, quoique le
plus souvent inspiré par un sentiment religieux, les attri-
butions les plus diverses. C'est ainsi qu'on élevait des croix
commémoratives destinées à rappeler le souvenir d'un
événement heureux ou malheureux, levée d'un siège, affran-
chissement d'une cité, bataille gagnée ou perdue, épidémie,
forfait abominable, etc. ; des croix de marché^ qui sur-
montaient les fontaines ou bassins élevés au milieu des
places publiques consacrées à la vente de telle ou telle
denrée ; des croix de carrefour^ dressées à la rencontre
de plusieurs routes et qui, parfois, comme les croix de
bornage^ marquaient la limite de fiefs contigus ; enfin, des
croix de cimetières^ celles-là d'importance bien diverse,
suivant le motif qui les avait fait élever ; les unes, placées
autrefois à l'entrée ou au centre des cimetières et dans un
sentiment de consécration de tout l'ensemble de l'enclos
funéraire, et les autres, dressées depuis deux siècles et
surtout de nos jours pour marquer la sépulture d'une
famille ou d'un individu. De beaucoup moins importantes
que les premières, dont elles ne sont guère qu'une sorte de
diminutif, ces dernières croix, de bois, de fer, de pierre,
do marbre ou de granit, soit isolées, soit formant stèle
au-dessus de la cuve d'un tombeau, sont les plus nom-
breuses de toutes.
Les soulèvements populaires et la révolution de 1792
détruisirent en France beaucoup de croix commémoratives
et de croix de marché et, parmi les premières, les croix
que Philippe le Hardi avait fait élever sur la route qu'il
suivit, de Paris à Saint-Denis, en portant les restes du roi
saint Louis sur ses épaules, croix qui étaient de pierre de
liais et posées sur de hauts emmarchements. Cependant,
nombre de villes de provinces conservent encore des croix
qui, sans attribution positive et peut-être provenant de
cimetières abandonnés, donnent une idée de ces monuments
de Fart à diverses époques. Ainsi, à Limoges, devant la
porte de la chapelle Saint-Aurélien, on voit une croix du
xv*^ siècle, haute de 5 m., faite d'un seul bloc de granit et
sur laquelle sont représentés, deux par deux, les douze
apôtres avec leurs attributs.
Il reste également peu de croix de carrefour ou de bor-
nage autres que des croix modernes, dites croix do mission,
élevées en grande partie, sous la Restauration, à l'état de
stations processionnelles, et peu intéressantes au point de
vue de l'art. A. de Caumont reproduit pourtant, dans sa
Statistique monumentale du Calvados^ une des plus
anciennes de ces croix de carrefour et de bornage, celle de
Grisy, placée sur le bord d'une voie romaine, à la limite de
deux communes et remontant au xii^ siècle. Ce petit mo-
nument se compose de deux parties : une croix grecque,
très trapue, décorée d'étoiles et de fleurons et reposant
sur un faisceau de quatre colonnettes romanes, le tout
taillé dans un seul bloc de pierre calcaire.
m -^
CROIX
Les croix de cimetière étaient, en revanche, fort nom-
breuses et, en dehors de celles si célèbres et si historiées
qui sont plutôt des calvaires (V. ce mot) et que l'on ren-
contre dans beaucoup de localités de Bretagne, on en trou-
vait tout récemment encore dans presque tous les enclos
funéraires. Une des plus anciennes et des mieux conservées,
datant du xin® siècle, se voit dans le cimetière de Jouarre
(Seine-et-Marne). Elle est faite de pierre dure et se com-
pose d'un socle portant une colonnette mince avec base et
chapiteau, et de ce dernier s'élève une croix dont les bras
fleuronnés sont entourés d'un encadrement quadrilobé au
centre duquel sont représentés, d'un côté, le Christ, et de
l'autre, la Vierge tenant l'enfant Jésus. D'après Viollet-le-
Duc, il existait à Troyes, proche l'église Saint-Jean, une
croix de confrérie des plus curieuses en ce sens qu'elle
était, sauf le socle, entièrement de bronze. Cette croix,
élevée en 1495 et fondue en 1793, était ornée de nom-
breuses figures, parmi lesquelles la Vierge, la Madeleine
et saint Jean, des prophètes et des saints, Mahomet, Simon
le Magicien et Satan. On trouve encore dans les campagnes
de nombreuses croix de métal, généralement en fer forgé^et
souvent décorées d*ornements de cuivre repoussé, croix qui
remontent au dernier siècle et sur lesquelles sont gravées
en creux les noms des personnes qui les ont fait élever.
Croix faisant corps avec des édifices religieux. —
Ces croix, dont les plus intéressantes à examiner, au point
de vue de l'architecture, sont celles qui se voient à l'exté-
rieur des édifices, peuvent être réparties en deux divisions :
celles sculptées sur les murs et celles se détachant du som-
met des pignons ou au haut des clochers.
De très anciennes croix de pierre, à branches égales,
incrustées dans la maçonnerie sur laquelle elles font saillie,
se voient encore dans le pignon de l'église de la Basse-
OEuvre, à Beauvais, dans le pignon de l'église du prieuré
de Montmille, près de Beauvais, et à la cathédrale de Paris
sur le dais qui protège la Vierge assise du tympan de la
porte Sainte-Anne. Depuis ce temps reculé et encore de
Croix de l'église Saint-Urbain de Troyes.
nos jours, on a fréquemment sculpté des croix, et le plus
souvent des croix grecques, aux quatre branches égales,
sur les pignons ou le long des murs des édifices religieux,
de même que, à Pintérieur des églises ou des chapelles, on
a peint ou doré des croix en signe ou en souvenir de consé-
cration, croix qui ont affecté les formes les plus diverses*
C'est surtout depuis le xi® siècle et dans le centre de la
France (Berry, Nivernais et Auvergne) que des croix»
pleines ou ajourées, assez souvent à branches égales, mais
rectilignes, perpendiculaires ou obliques ou curvilignes,
furent sculptées comme couronnement des pignons des
églises ; et nous figurons l'une des croix des pignons du
transept de l'église Saint-Urbain de Troyes, croix taillée
et sculptée dans la pierre dure, dont les morceaux sont
reliés par des crampons de cuivre scellés au plomb et dont
deux tètes saillantes d^évêqucs, ajoutant du poids à la
branche médiane de la croix, contribuent à la solidité et
à la résistance de l'ensemble.
Mais bien plus nombreuses et élevées sans interruption,
depuis le moyen âge jusqu'à nos jours, sont les croix de
fer forgé placées au sommet des clochers ou des flèches de
pierre, de bois ou de métal, terminant et couronnant les
tours des églises. Ces croix, la plupart d'un riche dessin,
d'assez grande dimension, surmontées d'une boule ou d'un
dragon au-dessus desquels tournent un coq ou une girouette,
et parfois dorées, sont des plus curieuses à étudier au point
de vue de la construction métallique et aussi de la façon
toute idéale et aérienne dont elles prolongent la pointe de
ces aiguilles.
On distingue encore, au sujet du plan des églises, celles
dont le plan imite la croix grecque et celles dont le plan
imite la croix latine. Dans les premières, qui appartiennent
pour la plus grande partie à la religion grecque et au style
byzantin, le transept et la nef se coupent de façon à fermeté
en plan une croix à branches égales, tandis que, dans les
secondes, qui appartiennent pour la plus grande partie à la
religion catholique ou à la religion protestante et aux
divers styles de l'antiquité ou du moyen âge, la croisée du
transept ou de la nef est placée aux deux tiers environ do
la longueur de l'axe de l'église. Un certain nombre des
églises chrétiennes, construites pendant le moyen âge dans
l'Europe occidentale, présentent même cette particularité
que, soit imitation voulue de la position du Christ sur la
croix, soit défaut de plantation de certaines parties de l'édi-
fice, par suite de reconstructions partielles successives, h
choeur, que l'pn considère comme la tête de l'église, a son axo
infléchi sur le croisillon de gauche du transept. Ch . Lucas .
VII. Travaux publics. — Croix de Saint-André.
— Pour rendre solidaires, au point de vue de la résis-
tance aux efforts extérieurs, d^ux pièces parallèles, on
les réunit par d'autres, placées de distance en distance
et formant avec elles une série de parallélogrammes.
Mais ces parallélogrammes pouvant se déformer par suite
d'une variation de leurs angles, il faut, pour compléter la
liaison, ajouter de nouvelles pièces dirigées suivant leurs
diagonales. Si les efforts qui tendent à produire cette
déformation agissent toujours dans le même sens, il suffit
de placer dans chaque parallélogramme une seule diago-
nale, et Ton choisit ordinairement celle qui réunit les deux
sommets qui tendent à s'éloigner, de manière que cette
pièce résiste à un effort d'extension. On peut aussi être
amené à choisir celle qui réunit les deux autres sommets
et placer ainsi une pièce qui sera comprimée. Mais lé
choix de l'une des deux solutions étant fait, il n'y a
aucune raison pour mettre, en même temps, la seconde
pièce diagonale qui ne peut être que nuisible et qui, en
tout cas, est absolument inutile. Il en est de même encore
lorsque, les efforts qui tendent à déformer les parallélo-
grammes pouvant changer de sens, la pièce diagonale
que l'on a choisie est suffisante pour résister aussi bien
à la compression qu'à l'extension. Si, au contraire, lorsque
les efforts sont ainsi alternatifs, la diagonale placée pour
s'opposer à l'écartement de deux angles apposés d'un
parallélogramme est impuissante à les empêcher de se
rapprocher, il faut, pour rendre la figure indéformable,
placer la seconde pièce diagonale qui, avec la première,
constitue la croix de Saint-André.. Autant cette disposition
CROIX
47S2 —
est, d'après ce qu'on vient de lire, irrationnelle dans
certains cas, autant elle est justifiée pour la réunion des
pièces parallèles destinées à supporter des efforts qui
peuvent changer de sens, comme ceux du vent, par
exemple. C'est pourquoi les pièces de contveventement
(V, ce mot) sont généralement placées en croix de Saint-
André. Pour calculer les dimensions des pièces d'une croix
de Saint-André, on suppose ordinairement que chacune des
diagonales doit résister seule aux efforts qui tendent à
écarter les deux angles du parallélogramme qu'elle réunit,
et l'on fait abstraction de la résistance de la seconde au
rapprochement des deux autres angles; on opère pour
la seconde comme pour la première, en changeant le sens
des efforts. A. F.
VIII. Marine. — Nom que l'on donnait autrefois, sur un
navire affourché, au demi-tour qui se formait dans les câbles
pendant les évitages. La croix produisait le frottement des
câbles l'un sur l'autre, et empêchait leur manœuvre éven-
tuelle au cas où l'on aurait voulu filer l'un d'eux. — Les
vergues sont en croix sur les mâts. Mettre les perroquets
en croix. On dit aussi : croiser les perroquets. — Marque
qu'une ancienne loi faisait apposer sur les flancs des na-
vires et indiquant la limite extrême des chargements qu'ils
pouvaient prendre. Cet usage existait encore au commen-
cement du xvii« siècle. Le capitulaire nautique de 4255
défend de rien mettre sur la croix, sans d'ailleurs indiquer
sa position d'une manière précise. Il est pourtant probable
que cette marque était extérieure. En tout cas, toute sur-
charge au-dessus de la croix était punie d'une amende
égale au double de la valeur estimée de la marchandise
qui faisait surcharge. Il y avait même plusieurs croix.
Par une sorte de contradiction avec la règle précédente,
d'autres articles du même document permettaient au na-
vire de 200 milliers et au-dessus de charger seulement de
deux pieds un quart au-dessus de la croix qui est le plus
sous Veau ; et cela depuis le jour où ce bâtiment prenait le
large pour la première fois, jusqu'à la cinquième année de
son âge. De cinq à sept ans, il ne pouvait dépasser que de deux
pieds la marque en question. La progression descendante des
surcharges en raison de l'avancement en âge est assez ra-
tionnelle. 11 convenait de diminuer le maximum de la cargai-
son à prendre à mesure que le séjour à la mer le fatiguait.
Croix de Saint-André. — Fortes sangles présentant gé-
néralement la forme d'un X et destinées à empêcher la
misaine de raguer contre les étais en bas-mât. On raidit
ces sangles avec des caliornes. — En voilerie, ce terme dé-
signe un renfort de deux bandes de toile posées sur les
diagonales d'une vieille voile.
IX. Astronomie. — La Grande Croix ou le Carré de
Pégase (V. ce mot) renferme quatre étoiles dont la plus
belle, qui est de seconde grandeur, est la plus belle étoile
de la constellation d'Andromède ; les trois autres, com-
prises entre la seconde et la troisième grandeur, sont a,
P et Y Pégase. De ces étoiles, a Andromède et y Pégase
passent au méridien peu d'instants après le point vernal,
origine des ascensions droites (V. ce mot) ; a et (3 Pégase
passent une heure auparavant. La Croix du Cygne
(V. ce mot) ou simplement la Croix ^ comprend cinq
étoiles, a, p, y, 8 et s Cygne, dont les deux premières
sont à l'extrémité de la lipe principale, tandis que B et s
sont les extrémités du bras, et y se trouve sur les deux
directions. La Croix du Cygne est visible au-dessus de la
tête d'un habitant de Paris, à minuit, vers la fin du mois de
juillet. — La Croix du Sud ou la Croix australe est une
belle constellation invisible à Paris, située entre les jambes
du Centaure. Elle contient dix-sept étoiles suivant le cata-
logue de la Caille et les quatre principales, a, p, y et 8,
de grandeur d, 4,6, 2 et 3, affectent la forme d'une
croix. L'étoile a, qui est plus brillante que la moyenne des
étoiles de première grandeur, a pour coordonnées moyennes
suivant la Connaissance des Temps pour 1891 :
iR=:12h20^31«41;P=rl52«29'37''''l.
Croix géométrique (V. Arbalestrille).
X. Botanique, — Croix de Malte, Croix de Jéru-
salem {V. Lychnis).
XL Droit international. — Croix-Bleue (Fédé-
ration internationale de la). — On a donné ce nom par
analogie avec la Croix-Rouge (V. ci-après), à une œuvre
philanthropique, constituée, en dehors de toute préoc-
cupation politique ou ecclésiastique, en vue de combattre
les progrès de l'alcooHsme; les membres de l'associa-
tion ont été comparés à des infirmiers, allant sur le
champ de bataille de la vie relever les victimes de l'a-
bus des boissons spiritueuses ; ils prennent l'engagement
de s'abstenir complètement de toute boisson enivrante,
« sauf usage religieux ou ordonnance médicale », et de
chercher « à combattre les abus de la boisson en faisant
connaître les maux qui en résultent et en propageant les
principes d'une vraie sobriété ». Les sociétés actuelles de
la Croix-Bleue n'ont pas inventé le système de l'abstinence
qui est à leur base; elles l'ont emprunté aux pays où le
vin est un objet de luxe et où la consommation de l'alcool
cause de véritables ravages ; on y a reconnu, depuis de
longues années, qu'il est plus facile d'obtenir d'un buveur
l'abstinence complète que la modération. Le système de
l'abstinence a été adopté expressément, à Boston, le 13 févr.
1826, par le règlement de la Société de tempérance amé-
ricaine. Des Etats-Unis il s'est propagé en Irlande et en
Ecosse (1829), puis à Londres, où la Société de tempé-
rance britannique et étrangère date de 1831, et, seulement
dans les quinze dernières années, sur le continent, avec
les accommodements qu'exigeait son introduction dans des
contrées viticoles, où il y avait à combattre moins l'usage
même de toute boisson fermentée que l'abus éventuel de
ces boissons. Dans les sociétés du continent, l'abstinence
n'est plus recommandée à tout le monde ; elle l'est exclu-
sivement : l'J aux buveurs qui veulent s'amender ; 2« aux
personnes qui, par suite de circonstances dangereuses et
spécialement d'hérédité, craignent de tomber dans l'ivro-
gnerie ; 3^ aux personnes qui veulent se dévouer, en leur
donnant le bon exemple,- à devenir leurs « infirmiers » et
leurs sauveteurs. Il existe, aujourd'hui, des sociétés de la
Croix-Bleue en France, en Suisse, en Allemagne, etc. Elles
ont le même insigne [une croix bleue formée de cinq
carrés égaux sur fond blanc) et de fréquentes relations.
Au mois d'août 1889, une réunion générale de leurs délé-
gués, à Berne, a été chargée d'élaborer un projet de sta-
tuts internationaux pour l'œuvre. D'après ce projet qui
sera très probablement ratifié sans aucune modification
essentielle, toutes les sociétés locales qui acceptent les
principes de Finstitution peuvent faire partie de la Fédé-
ration de la Croix-Bleue, soit à titre de sociétés fédé-
rées, soit à titre de sociétés adhérentes; les premières
seules ont le droit de représentation officielle dans la fédé-
ration et voix déhbérative. L'autorité suprême appai^tient à
la conférence générale des délégués de toutes les sociétés
fédérées ; la conférence se réunit au moins tous les trois
ans, sur la convocation du comité central de la fédération.
Entre les sessions, cette autorité est exercée par le comité
lui-même, qui est nommé par la conférence ; en cas de
conflit entre le comité et les sociétés fédérées, le recours à
la conférence est de droit ; au besoin elle doit être convo-
quée à l'extraordinaire pour en connaître. Ernest Lehr.
Croix-Rouge (OEuvre internationale de la). —La croix
rouge est le symbole de la Convention de Genève. La Con-
vention de Genève est le contrat international, conclu en
1864, en vertu duquel les blessés, les ambulances, le ser-
vice sanitaire attaché aux armées, ont été neutralisés en
temps de guerre. Il a fallu des siècles pour que cette idée
si simple s'imposât, trouvât sa formule, prît un corps et
apportât enfin un soulagement aux maux inséparables de
toute grande lutte à main armée.
Origine de la Croix-Rouge, Il est facile de rattacher
cette origine à une date précise : ce fut la guerre d'Italie
qui, la première, en 1859, fit songer à la nécessité de
mieux assister les victimes des batailles. Il y a environ
— 473 —
CROIX
Irois cents ans, on avait cru pourvoir à tous les besoins en
attachant aux armées un service médical régulier. Surtout
pendant la guerre de Crimée, la mission de miss Nightingale
et de ses compagnes mit en lumière la complète insuffisance
de ce service. Néanmoins, quand vint la guerre d'Italie, la
même insuffisance des secours se manifesta. Après le réta-
blissement de la paix, un témoin oculaire, M. Henri Dunant,
entreprit de se faire Finterprète des légitimes récriminations
qui avaient retenti de toute part, et, par son célèbre livre.
Un Souvenir de Solférino, parvint à attirer l'attention
publique tant sur la profondeur du mal que sur les moyens
d'y porter remède ; l'auteur soutenait, notamment, cette
idée que l'organisation officielle sera toujours insuffisante
et que la charité privée doit nécessairement intervenir pour
la compléter. Trois mois à peine après la publication du
livre de M. Dunant, les conclusions en étaient mises en
délibération au sein de la Société genevoise d'utilité pu-
blique ; le 9 févr. 1863, on y vota le renvoi à une com-
mission de cinq membres, munie de pleins pouvoirs, et
composée de MM. Gustave Moynier, président de la Société,
Henri Dunant, le général Dufour, les docteurs Louis Appia
et Théodore Maunoir. H n'est que juste de rappeler les
noms de ces ouvriers de la première heure : c'est à leur
persévérance qu'est dû le succès et le développement de
l'œuvre, et c'est M. Moynier qui, en sa qualité de prési-
dent du Comité international de la Croix-Rouge, à Genève,
porte allègrement depuis plus d'un quart de siècle le poids
de la direction centrale. La commission ne se fit aucune
illusion sur les difficultés de sa tâche ; elle pressentait les
objections des chefs militaires à admettre dans les armées
en campagne un élément civil, les répugnances des mé-
decins militaires et du corps de l'intendance à faire l'aveu
de leur impuissance, la difficulté de donner à l'œuvre pro-
jetée assez d'élasticité pour qu'eUe pût s'adapter à toutes
les nations civilisées. Elle réussit, toutefois, à esquisser les
linéaments d'une organisation et se décida à provoquer une
conférence internationale pour les examiner. A sa grande
et joyeuse surprise, presque tous les gouvernements
auxquels elle s'adressa accueillirent favorablement ses
ouvertures, de telle sorte que la conférence put se réunir
à Genève le 26 oct. 1863. Elle comptait trente-six assis-
tants, desquels dix-huit étaient des^ délégués officiels repré-
sentant quatorze gouvernements (Autriche, Espagne, France,
Grande-Bretagne, Pays-Bas, Prusse, Suède, Suisse, etc.).
Ses résolutions méritent d'être brièvement indiquées ;
car elles constituent encore aujourd'hui la base commune
de toutes les associations de la Croix-Rouge ; jamais
on n'a senti le besoin de les modifier, ce qui prouve
la sagacité de leurs rédacteurs et le tact avec lequel ils ont
su régler les relations indispensables entre l'élément civil
et l'élément militaire. En voici un aperçu : chaque pays
aura sa société propre, qui sera autonome et se constituera
comme bon lui semblera à la condition d'avoir une direc-
tion unique, c.-à-d. un comité central pour l'ensemble du
pays ; — les sociétés de secours devront nouer des relations
étroites avec leur gouvernement respectif et s'assurer, dès
leur naissance, que leurs offres de service seront agréées,
le cas échéant; — le service sanitaire d'une arpée en
campagne ne s'improvisant pas, qu'il soit inofficiel ou
officiel, ceux qui en assument proprio motu la respon-
sabilité ont, aussi bien que le personnel à la solde de
l'Etat, à se tenir prêts à tout événement ; les sociétés
devront, par conséquent, s'occuper, en temps de paix,
des moyens de se rendre utiles en temps de guerre,
en accompagnant leurs armées respectives et en se tenant
à leur disposition ; « sur l'appel ou avec l'agrément de
'autorité militaire, les comités envoient des infirmiers
volontaires sur le champ de bataille ; ils les mettent alors
sous la direction des chefs militaires », tout en pourvoyant
à leur entretien ; — les agents des diverses sociétés auront
tous un insigne identique, un brassard blanc à croix rouge ;
— enfin, les sociétés nationales s'entr'aideront, par dé-
rogation aux règles ordinaires sur la neutralité ; et, comme
"elles ne peuvent éventueUement combiner leur action huma-
nitaire qu'à la condition de se connaître, elles échangeront
périodiquement, par l'entremise du comité de Genève, leurs
rapports sur leurs travaux. On verra plus bas quel a été
le sort ultérieur de ce programme. Mais il convient de dire
encore un mot des vœux émis par la conférence de Genève,
pour compléter ses résolutions et en assurer l'efficacité. Ce
dédoublement s'explique par le fait que l'accomplissement
des unes dépendait, avant tout, de ceux qui les formulaient,
tandis que les autres ne pouvaient être exaucés que par les
gouvernements auxquels on les adressait. Lorsqu'on se
préoccupa de l'insuffisance du service sanitaire en campagne,
on s'aperçut bien vite que la création de sociétés de secours
n'était ni le premier, ni le seul remède à y apporter: avant
de demander des sacrifices aux populations, il importait de
préserver de la destruction ou de la capture par l'ennemi
les moyens de secours préparés par l'Etat, et d'obtenir
qu'ils ne pussent être détournés de leur destination. D'un
autre côté, il fallait assurer aux victimes de la guerre non
seulement des remèdes et des soins médicaux, mais encore
une certaine protection personnelle, les garantir contre les
cruautés et les mauvais traitements inutiles, et les placer
sous la sauvegarde d'une prohibition qui ne compromît en
rien les intérêts des belligérants. Ces diverses idées trou-
vèrent place dans une déclaration contenant le vœu que
les ambulances, leur personnel, les blessés et les habitants
qui les soigneraient fussent admis au bénéfice de la neu-
tralité. Enfin, de même qu'elle avait réclamé un brassard
blanc à croix rouge pour les agents de toutes les sociétés
de secours, la conférence émit le vœu qu'un signe distinctif
identique fût admis pour les corps sanitaires de toutes les
armées et pour les ambulances et hôpitaux de tous les
pays. Telle fut la genèse de ce qui s'est appelé plus tard
la Croix-Rouge; les résultats de la conférence de 1863
furent, à très brève échéance : au point de vue pratique,
la formation, dans presque tous les pays du monde, de
sociétés de secours aux militaires blessés ; au point de vue
international et diplomatique, l'élaboration et l'adoption
du traité connu sous le nom de Convention de Genève,
Sociétés de secours. Dès le mois de déc. 1863, c.-à-d.
quelques semaines seulement après que le mot d'ordre eut
été donné, il se forma une première société enWurttemberg,
par les soins du D"* Hahn. L'année 1864 en vit surgir
une dizaine, l'année 1865, trois; l'année 1866, six,
et ainsi de suite, si bien qu'aujourd'hui (1891), il en
existe trente-deux, couvrant d'un réseau charitable l'uni-
vers presque tout entier. Il est à remarquer que chacune des
guerres qui ont sévi depuis 186;-i a donné un nouvel
élan à l'extension de ces associations, et conduit, soit les
belligérants retardataires, soit leurs voisins plus ou moins
menacés, à se rallier à la Croix-Rouge. Les pays qui pos-
sèdent des sociétés rattachées, sous des noms divers, à
l'œuvre générale sont: en Europe, l'Autriche, Bade, la
Bavière, la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, l'Espagne,
la France, la Grande-Bretagne, la Grèce, la Hesse, la
Hongrie, l'Italie, le Monténégro, la Norvège, le Portugal,
la Prusse, la Roumanie, la Russie, la Saxe, la Serbie^ la
Suède, la Suisse, la Turquie et le Wurttemberg ; — en
Amérique, la République argentine, les Etats-Unis et le
Pérou ; — en Asie, le Japon ; — ' en Afrique, le Congo.
Dans ceux d'entre eux qui ont des colonies, les sociétés de la
métropole ont eu soin de se ramifier, de façon à satisfaire
à tous les besoins. Ainsi, la Société française a pris pied
en Algérie et en Tunisie ; la Société néerlandaise a des
annexes aux Indes : Java, Sumatra, les Célèbes, Bornéo,
les Moluques sont pourvues de comités ; la Société russe
possède une chaîne presque ininterrompue de sections qui
pénètrent dans le Caucase, le Turkestan et la Sibérie,
jusqu'au Kamtchatka. Presque partout on a compris quel
précieux concours les femmes pourraient apporter à une
œuvre de soulagement et de consolation, et les sociétés
d'hommes ont pour auxiliaires des sociétés de dames ;
celles-ci ont même, en Italie, en Autriche, en Allemagne,
CROIX
474 -^
des représentants au sein des comités centraux. Il n'est
pas toujours aisé de reconnaître au premier aspect les
sociétés qui appartiennent à la grande famille issue de la
conférence de 1863; car si, dans le langage usuel, on les
désigne couramment sous le nom de Sociétés de la Croix-
Rouge^ cette dénomination n'a jamais rien eu de régle-
mentaire ni d'exclusif, et beaucoup d'entre elles ont des titres
officiels dans lesquels cet emblème n'est nullement rappelé.
Les sociétés anglaise , bavaroise , française , hessoise ,
norvégienne, etc., s'appellent « Sociétés de secours aux
militaires blessés » ; c'est tout récemment que la Société
française a pris le sous-titre de « Croix-Rouge française ».
Quant au qualificatif d'internationale que plusieurs so-
ciétés avaient pris au début, il n'est ni juste, ni exempt
d'inconvénients, et il a été généralement abandonné depuis :
ce qu'il y a d'international chez les sociétés, c'est l'esprit
qui les anime, cet esprit de charité universelle qui les
pousse à accourir partout oii le sang coule et à éprouver
une égale sollicitude pour tous les blessés, quelle que soit
leur nationalité ; mais si, au jour de l'adversité, elles
peuvent être appelées à s'entr'aider, leurs travaux habituels
et normaux concernent uniquement l'armée de leur pays ;
elles sont donc, en réalité, des institutions nationales, et
il est de leur intérêt qu'on ne l'ignore pas. Presque partout
les sociétés sont officiellement reconnues par leur gouver-
nement : si elles n'étaient pas parvenues à se faire agréer
par l'autorité compétente comme auxiliaires du service de
santé, leur bon vouloir eût été stérile, et il importait qu'on
trouvât une conciliation entre les légitimes susceptibilités
du commandement militaire et les exigences d'une philan-
thropie efficace. Ce n'est pas le Heu d'indiquer en détail les
diverses combinaisons à l'aide desquelles on a cherché à
résoudre le problème ; on les trouvera esquissées dans les
ouvrages spéciaux cités dans la Bibliographie, Nous nous
bornerons à donner un aperçu de deux documents officiels,
promulgués presque simultanément en France et en Alle-
magne et qui représentent les deux tendances extrêmes.
Le décret signé par le maréchal de Mac-Mahon , le
2 mars 1878, et que le décret de 1884 actuellement en
vigueur n'a fait que confirmer à cet égard, a fait à la So-
ciété française de secours aux blessés une position privi-
légiée, en lui accordant presque un monopole pour seconder
le service de santé militaire. Il exige que toutes les asso-
ciations (hormis les ambulances locales) qui voudraient
atteindre le même but et qui ne seraient pas reconnues
séparément comme établissements d'utilité publique, se
rattachent à elle. L'assistance des sociétés étrangères est
admise, mais à condition qu'elles reçoivent pour cela une
autorisation formelle du ministre de la guerre et se placent
également sous la direction de la Société française. Cette
dernière correspond directement avec le ministre par l'en-
tremise de son président et avec les commandants de corps
d'armée par des délégués spéciaux désignés par elle et
dûment agréés. En temps de guerre, sa tâche principale
consiste à créer des étabUssements hospitahers de seconde
ligne, ainsi qu'à concourir au service des ambulances
d'évacuation et de gares ; mais sa coopération peut être
étendue aux ambulances actives, « en cas d'insuffisance
des moyens dont dispose l'administration de la guerre, et
sur autorisation spéciale du ministre ou, en cas d'urgence,
des généraux commandant en chef ». Cet acte important
fait une part équitable aux deux éléments militaire et
civil ; il sauvegarde suffisamment les droits des autorités et
laisse aux secours libres la latitude voulue.
L'ordonnance sanitaire pour l'armée allemande, du
10 janv. 1878, diffère beaucoup du décret français. En
la lisant, on a l'impression qu'elle accorde comme une
grâce, au patriotisme des Allemands, la faveur d'apporter
leurs offrandes à l'autorité mihtaire, en réservant à cette
dernière le droit d'en disposer à son gré; on y sent une
défiance peu déguisée à l'égard des prestations de la bien-
faisance privée. Le personnel et le matériel fournis par elle
, sont, beaucoup plus qu'en France, sous latutelle de l'autorité.
Les sociétés de la Croix-Rouge sont à peine nommées ; il est
évident qu'on a eu en vue non pas seulement ces sociétés»
mais l'assistance volontaire dans sa généralité, laquelle,
d'après ce système, peut être agréée d'où qu'elle procède,
pourvu qu'elle se subordonne entièrement à l'élément mili-
taire. La Croix-Rouge allemande s'émut de cette législation
restrictive, adressa ses doléances au gouvernement et en
reçut la promesse que les articles dont elle se plaignait
seraient interprétés dans le sens le moins défavorable à
ses prétentions, lorsqu'ils laisseraient quelque marge; en
présence de cette condescendance du pouvoir, elle passa
condamnation sur ce qui lui déplaisait dans le régime de
l'ordonnance de 1878.
Depuis que le réseau de la Croix-Rouge a commencé à se
consolider, les sociétés qui le composent ont tenu à se ren-
contrer périodiquement pour échanger leurs idées et pour
resserrer leurs Hens ; ces conférences ont lieu à intervalles
irréguliers dans une ville différente; la première a été
tenue à Paris en 1867, la seconde à Berlin en 1869, la
troisième à Genève en 1 884, la quatrième à Carlsruhe
en 1887.
Chaque société, comme on l'a vu, est nationale et auto-
nome ; elle s'organise et se subdivise selon ses convenances
et les besoins du pays auquel elle appartient. Ainsi, nous
dirons, en passant, que, même depuis la constitution de
l'empire allemand, les diverses sociétés badoise, hessoise,
prussienne, etc., ont conservé leur indépendance, moyen-
nant une organisation fédérative avec un organe central à
Berlin pour coordonner en tant que besoin leurs efforts.
Mais, pour s'acquitter de son rôle international, nous
allions dire cosmopohte, l'œuvre de la Croix-Rouge,
considérée dans son ensemble, avait besoin d'un rouage
complémentaire, d'un organe central. Les diverses sociétés
existantes auraient pu constituer un mandataire collectif ;
elles ont préféré n'en rien faire et laisser au comité gene-
vois qui avait donné la première impulsion à la Croix-Rouge
la mission d'en être en quelque sorte le régulateur offi-
cieux. Grâce à l'autorité purement morale dont il jouit, et
avec l'acquiescement tacite de toutes les sociétés nationales,
ce comité, qui a pris le titre de Comité international de
la Croix-Rouge^ veille aux intérêts généraux de l'œuvre,
use de son influence, à l'occasion, pour l'empêcher de dé-
vier de ses principes fondamentaux et, s'il y a lieu, accorde
Vexequatur aux sociétés nouvelles qui le sollicitent. Depuis
plus de vingt-six ans qu'il exerce cette magistrature, il a
reçu des diverses sociétés ressortissant à la Croix-Rouge
d'innombrables témoignages de confiance et de gratitude,
qui équivalent à un mandat exprès sans soulever les diffi-
cultés presque inextricables d'une élection en bonne forme;
c'est lui qui a été chargé de publier périodiquement un
bulletin général de l'œuvre et d'aider, en cas de guerre, à
l'équitable répartition des secours sanitaires fournis aux
belligérants par les neutres. C'est lui aussi qui, en cas de
guerre, installe à proximité du théâtre des hostilités une
agence chargée de faciliter les communications entre les
comités nationaux, ainsi que la transmission des secours.
Dans les conférences de Berlin (1869) et de Genève
(1884), il a été décidé que les sociétés de la Croix-Rouge
s'associeraient autant que possible à des œuvres d'humanité
correspondant à leurs devoirs pendant la guerre et prê-
teraient leur assistance dans les calamités publiques qui
exigent, comme la guerre, un secours prompt et organisé;
elles doivent s'employer aux soins des malades, notamment
en aidant dans cette tâche les sœurs de charité et les dia-
conesses, ainsi que les ordres de Saint- Jean de Jérusalem
et de Malte et autres communautés semblables.
Convention de Genève. Pour que les vœux exprimés
par la conférence de 1863 fussent exaucés et que les so-
ciétés créées ensuite de ses résolutions fussent admises à
prêter leur concours aux armées, il fallait que les gou-
vernements y donnassent leur assentiment et s'entendissent
sur les conditions d'existence d'une œuvre qui, à ce point
de vue, devait être internationale. Seize puissances se
- 4T5 -
CROIX
montrèrent disposées dès la première heure à envoyer des
délégués à Genève pour l'élaboration d'une convention ;
cette seconde conférence se réunit au mois d'août 4864 et
rédigea en quinze jours un traité qui fut signé, le 22 du
même mois, par les plénipotentiaires de douze des Etats
représentés. Ce traité, qui porte dans l'histoire le nom de
Convention de Genève, comporte dix articles, dont voici
la substance : les belligérants doivent prendre soin, sans
distinction de nationalité, des miHtaires blessés ou malades
qui se trouvent à leur portée (art. 6) ; — les hommes qui,
après guérison, sont incapables de reprendre les armes,
doivent, s'ils appartiennent à l'armée ennemie, être ren-
voyés dans leur pays au lieu d'être gardés comme prison-
niers de guerre (même art.) ; — on ne peut commettre
des actes hostiles contre les ambulances et les hôpitaux, ni
s'en emparer, s'il s'y trouve des blessés ou des malades et
s'ils ne sont pas gardés par une force militaire (art. i) ; —
les ambulances ne peuvent, en aucun cas, être dépouillées
de leur matériel, et les évacuations sont considérées comme
neutres (art. 2 et 4) ; — le personnel hospitalier, tant
administratif et religieux que médical, est déclaré neutre ;
il ne peut être troublé dans l'exercice de ses fonctions, ni
retenu en captivité (art. 2 et 3) ; — des encouragements
sont offerts aux habitants des locahtés voisines du théâtre
des hostilités, afin qu'ils prêtent leur assistance au service
de santé des armées (art. 5) ; — enfin, pour le personnel
et le matériel auxquels la convention confère des immunités, .
on doit faire usage, comme signe de reconnaissance, d'un
drapeau blanc à croix rouge, ou d'un brassard aux mêmes
couleurs que les autorités militaires des belligérants ont
seules le droit de délivrer (art. 7).
Contrairement à une croyance fort répandue, la Con-
vention de Genève ne contient pas un mot relatif aux so-
ciétés de secours; celles-ci commençaient seulement à
poindre à l'horizon au moment où la convention fut conclue,
et on les passa intentionnellement sous silence. Il en ré-
sulte que, jusqu'à nouvel ordre, les membres et les agents
des associations de la Croix-Rouge ne bénéficient de la
convention qu'autant que l'un ou l'autre des belligérants
veut bien leur donner des brassards munis de son estam-
pille; la Convention de Genève et les sociétés de secours
sont loin d'être une seule et même chose : sous sa forme
concrète, la Croix-Rouge s'appelle tantôt Société de se-
cours^ quand elle se montre par son côté positif et déploie
autour de ses protégés une activité réparatrice ; tantôt Con-
vention de Genève, quand elle apparaît sous un aspect
plutôt préventif, c.-à-d. comme une sauvegarde qui met
les blessés à l'abri d'éventualités de nature à aggraver
leur état.
Comme on devait s'y attendre, le traité de 1864 fut
critiqué de deux côtés, les uns lui reprochant de mécon-
naître les exigences du métier des armes, les autres trou-
vant qu'il ne restreignait pas assez l'emploi de la force.
Ce qui prouve qu'à part certaines méprises et certains abus,
inévitables surtout au début, il avait en réalité tenu un
compte équitable et des nécessités de la guerre, et des re-
vendications de l'humanité, c'est que, soumis à l'épreuve de
plusieurs guerres et de multiples discussions, son texte
primitif a été maintenu debout. En 4868, sur une de-
mande des sociétés de secours réunies l'année précédente en
congrès à Paris, une conférence diplomatique tenue à Genève
entreprit de reviser et de compléter la convention. Les
articles additionnels qu'elle adopta sont intéressants en ce
qu'ils stipulent le droit pour le personnel des ambulances de
rester à son poste nonobstant l'occupation par l'ennemi et
de se retirer ensuite sur sa demande au moment fixé par
le commandement des troupes occupantes ; puis le droit
pour les blessés tombés entre les mains de l'ennemi d'être
renvoyés dans leurs foyers après guérison, lors même
qu'ils ne seraient pas incapables de servir, pourvu qu'ils
s'engagent à ne pas reprendre les armes pendant la durée
de la guerre. D'un autre côté, la conférence de 1868 a
arrêté un ensemble de dispositions destinées à étendre à la
marine les principes posés par la Convention de Genève
pour les armées de terre. Mais cet ensemble d'articles
additionnels n'a pas été ratifié par la totalité des intéressés
et n'a pas acquis force de loi. La France et l'Allemagne se
sont seulement engagées directement pendant la guerre de
1870 à en tenir compte comme s'ils étaient en vigueur.
Depuis cet essai de re vision infructueux, les sociétés se sont
abstenues de formuler de nouveaux vœux, et les gouver-
nements eux-mêmes n'ont pas cru devoir prendre l'initiative
de nouvelles négociations. Une conférence diplomatique,
assemblée à Bruxelles, en 1874, pour chercher, sur la
proposition de l'empereur de Russie, à codifier les lois de
la guerre, se contenta de confirmer le traité de 1864,
sans méconnaître les additions ou rectifications qu'il com-
portait; et, d'ailleurs, la Déclaration qui résume les tra*
vaux de la conférence de Bruxelles est restée, comme les
articles additionnels de 1868, à l'état de projet : les gou-
vernements représentés ne l'ont pas ratifiée non plus.
La Convention de Genève de 1864, à laquelle tous les
gouvernements même non représentés à la conférence ont
été expressément autorisés par l'art. 9 à accéder plus
tard, « le protocole étant, à cet effet, laissé ouvert », est
souscrite actuellement (1891) par trente-six puissances,
réparties sur toute la surface du globe. En tète des signa-
taires figurent neuf puissances qui ont ratifié, dans le délai
prévu par la convention, l'adhésion donnée par leurs pléni-
potentiaires à Genève même, le 22 août 1864 ; ce sont
dans l'ordre chronologique de leurs ratifications : la
France, la Suisse, la Belgique, les Pays-Bas, l'Italie, l'Es-
pagne, le Danemark, Bade et la Prusse. Seize autres gou-
vernements se sont, à diverses époques, ralliés à ce pre-
mier groupe, sans autre motif apparent que leur sympathie
pour la réforme consacrée par la Convention ; ce sont ceux
de la Suède et de la Norvège, de la Grèce, de la Grande-
Bretagne, du Mecklembourg-Schwérin, de la Turquie, du
Portugal, de la Roumanie, de la Perse, de San Salvador,
de la République argentine, des Etats-Unis, de la Bulgarie,
du Japon, du Luxembourg et du Congo. Enfin, et le fait
est frappant, onze Etats ont été amenés à y apposer leur
sceau sous la pression de guerres dans lesquelles leur
armée allait se trouver ou venait d'être engagée, comme
s'il avait fallu l'imminence du danger ou les leçons de
l'épreuve pour les convaincre de l'utilité de cette démarche.
Ainsi, le Wurttemberg, laHesse, la Bavière, l'Autriche, la
Saxe royale s'y décident en 1866 ; en 1868, après la ba-
taille de Montana, c'est le tour du pape; en 1875 et 1876,
celui du Monténégro et de la Serbie, peu avant leur décla-
ration de guerre à la Turquie. Enfin, en 1879 et 1880, la
Bolivie, le Chili et le Pérou, en lutte les uns avec les autres,
adhèrent tous à la Convention. Aujourd'hui le traité est
accepté par tous les Etats de l'Europe, par six Etats amé-
ricains, par deux Etats asiatiques et par un Etat africain.
C'est le conseil fédéral suisse qui est chargé de recevoir les
nouvelles adhésions et de les notifier aux signataires anté^
rieurs.
La Croix-Rouge de France, De même que la France
avait été des premières à répondre en 1863 à l'appel parti
de Genève, et la première à ratifier la convention votée
l'année suivante dans la même ville, elle ne laissa passer
que peu de mois pour créer chez elle une société de
secours aux militaires blessés ; la date de fondation est le
25 mai 1864. Mais, quoique existant de fait et sur le
papier, elle n'avait, au mois de juil. 1870, ni organi-
sation régulière, ni personnel, ni matériel. Ses ressources
pécuniaires s'élevaient à la somme dérisoire de 5,325 fr. 50.
Il fallut, à force d'activité et de dévouement, improviser,
au milieu des circonstances les plus difficiles, un service
fort compliqué, dont bien des éléments essentiels faisaient
défaut. Lorsque la paix fut signée, la Société française
comprit qu'il importait de ne plus se laisser surprendre par
les événements et de doter notre Croix-Rouge d'une cons-
titution à la fois élastique et solide qui lui permît d'être
prête au premier appel, maîtresse d'un personnel expé-
CROIX
- 476
rimenté et d'un matériel suffisant. Sous la présidence
successive du comte de Flavigny, du vicomte de Melun,
du duc de Nemours, du maréchal de Mac-Mahon, elle n'a
rien négligé pour se parfaire et devenir une force adjuvante
de premier ordre. Guidée par son comité d'études, qui est
en réalité un comité d'initiative, elle a créé peu à peu un
matériel égal, sinon supérieur en qualité, à celui de toute
autre nation européenne. Le 3 juil. 1884, un décret lon-
guement élaboré confirmant et complétant plusieurs actes
antérieurs, a définitivement déterminé l'organisation inté-
rieure de la société et ses relations avec Tautorité militaire.
Ce décret, qui forme en quelque sorte la charte de la Croix-
Rouge en France, mérite d'être brièvement analysé ici.
D'après l'art. 1®^, la « Société française de secours aux
blessés des armées de terre et de mer » est expressément
autorisée à seconder, en temps de guerre, le service de
santé militaire, et à faire parvenir aux malades et blessés
les dons qu'elle reçoit de la générosité publique. Pour
l'accomplissement de cette mission, elle est placée sous
l'autorité du commandement et des directeurs du service
de santé. Son intervention consiste, en temps de guerre :
1° à créer, dans les places de guerre et les localités qui
lui sont désignées par le ministre de la guerre ou, suivant
les cas, par les généraux commandant le territoire, des
hôpitaux destinés à recevoir des blessés et des malades
appartenant aux armées ; 2^ à prêter son concours au ser-
vice de l'arrière pour les trains d'évacuation, les infirme-
ries de gare et les hôpitaux auxiliaires; ce concours ne
peut, en principe, être étendu ni au service de première
ligne, ni aux hôpitaux d'évacuation, dont demeure exclu-
sivement chargé le service de santé militaire ; on verra
plus bas qu'il peut l'être dans des conditions exception-
nelles. En temps de paix, la société adresse, tous les six
mois, au ministre de la guerre, un rapport destiné à lui
faire connaître les moyens dont elle dispose en personnel
et en matériel (art. 2). Toutes les associations qui pour-
raient se former dans le même but et qui ne seraient pas
reconnues comme établissements d'utilité publique devront
être rattachées à la société, hormis les ambulances exclu-
sivement locales (art. 3). Il convient de dire, à ce propos,
que, par deux décrets postérieurs des 16 nov. et 21 déc.
1886, « l'Association des dames françaises » et « l'Union
des femmes de France » ont été autorisées, concurremment
avec la société de secours, et sans se confondre avec elle,
— à seconder en temps de guerre le service de santé mili-
taire et à créer, dans les places de guerre et les localités
désignées soit par le ministre, soit par les généraux com-
mandant le territoire, des hôpitaux auxiliaires destinés à
recevoir des blessés et des malades appartenant aux ar-
mées. Ces diverses corporations indépendantes sont les
unes comme les autres au bénéfice de la Convention de
Genève ; on a pensé que, dans les conditions oîi elles pou-
vaient exercer leur action, la généreuse concurrence des
trois sociétés serait dépourvue d'inconvénients. Nous reve-
nons maintenant au décret organique de 1884. Nul ne peut
être employé par la société de secours s'il n'est Français ou
naturalisé Français et s'il n'est dégagé de toutes ses obli-
gations militaires personnelles ; néanmoins les hommes,
appartenant à la réserve de l'armée territoriale peuvent
exceptionnellement, sur des autorisations nominatives don-
nées par le ministre de la guerre, être admis à faire partie
du personnel employé par cette société ; les demandes
d'autorisation doivent être adressées au ministre dès le
temps de paix, et les autorisations demeurent valables
même en cas d'appel de la classe à laquelle appartiennent
les hommes. Sont recrutés : les médecins traitants, parmi
les docteurs en médecine ; les médecins aides, parmi les
docteurs en médecine ou les officiers de santé ; les phar-
maciens parmi les pharmaciens diplômés (art. 4). La so-
ciété est représentée, à l'intérieur: l*' auprès des ministres
de la guerre et de la marine par son président ; 2<* dans
chaque région de corps d'armée où elle a des centres d'ac-
tion, par un délégué régional nommé par le conseil supé-
rieur de la société, agréé par le ministre de la guerre et
accrédité par lui auprès du général commandant le corps
d'armée; dans les dO®, 11®, 15*^ et 18® corps d'armée, les
délégués régionaux sont également accrédités auprès des
préfets maritimes ; aux armées : dans chaque armée ou
corps d'armée opérant isolément, par un délégué d'armée
nommé par le conseil supérieur, agréé et commissionné par
le ministre de la guerre ; lorsque la société est appelée à
coopérer au service des évacuations, elle est représentée
par des délégués spéciaux nommés, au fur et à mesure des
besoins, parle délégué d'armée, sauf l'agrément de l'auto-
rité militaire (art. 5) . Le personnel d'exécution : médecins,
pharmaciens, comptables, etc., est exclusivement choisi
par la société sous les réserves indiquées plus haut et sous
la condition, pour les médecins, d'avoir été agréés par le
ministre de la guerre. Au début, et préalablement au fonc-
tionnement du service, les différents délégués régionaux et
autres adressent aux autorités militaires un contrôle nomi-
natif du personnel employé sous leurs ordres : ils font con-
naître ensuite les permutations qui se produisent (art. 6).
Le personnel de la société, lorsqu'il est employé aux
armées, est soumis aux lois et règlements militaires et
justiciable des tribunaux militaires (art. 7) ; il porte un
uniforme déterminé par le ministre de la guerre, sur les
propositions de la société, ainsi que le brassard prévu
par la convention de Genève ; les brassards sont exclusi-
vement délivrés par le directeur du service de santé de la
région et revêtu de son cachet et du numéro de série de
la région, sur la production du contrôle nominatif du per-
sonnel ; il est délivré en même temps une carte nomina-
tive portant le même numéro que le brassard et signée
tant par le délégué régional que par le directeur du ser-
vice de santé ; tout porteur de brassard doit être constam-
ment muni de cette carte (art. 11). Les art. 8 à 10
règlent les rapports des fonctionnaires de la société avec
les autorités militaires et le mode de correspondance.
A l'intérieur et aux armées, aucun établissement hospi-
talier ne peut être créé par la société de secours sans une
entente préalable avec l'autorité militaire au sujet de l'im-
portance à donner à l'établissement et du choix de son
emplacement; la fermeture d'un établissement est subor-
donnée à la même entente (art. 12). La société se procure,
pour chacun de ses établissements, le matériel nécessaire,
sauf à l'administration de la guerre à le lui prêter en tout
ou en partie en cas d'urgence, sous la responsabilité de la
société (art. 13). La société pourvoit de même, en gméral,
avec ses propres ressources, à l'entretien et au traitement
de ses malades (art. 14) ; ce traitement doit se rappro-
cher autant qu'il est possible des règles fixées pour le ser-
vice de santé ; il appartient au délégué régional ou à ses
représentants de régler cette partie du service ; mais les
établissements demeurent placés, au point de vue du con-
trôle et de la discipline, sous la surveillance de l'autorité
militaire, au point de vue de l'hygiène et de l'exécution du
service, sous celle du directeur du service de santé de la
région ; les comptables de la société ont, en ce qui con-
cerne les décès, les mêmes obligations et attributions que
ceux des ambulances militaires (art. 16). La société reçoit
de l'administration de la guerre, à titre de part contribu-
tive de l'Etat, 1 franc par journée de malade traité dans
un de ses établissements ou évacué dans un train sanitaire
permanent, organisé par elle ; mais elle reste chargée des
frais d'inhumation des militaires décédés dans ses établis-
sements (art. 17). Les délégations des sociétés de secours
étrangères ne peuvent être admises à fonctionner concur-
remment avec la société française que sur une autorisation
formelle du ministre de la guerre et avec la réserve de se
placer sous la direction de cette société (art. 1 8) .
Ce décret organique du 3 juil. 1884 a été confirmé
quelques semaines après par le décret du 25 août 1884
« portant règlement sur le service de santé des armées en
campagne » ; une large part y est faite à la société de
secours ; elle n'arrive, il est vrai, qu'en seconde ligne,
mais on peut dire que c'est à ses soins qu'est confié tout
blessé évacué du champ de bataille. Un croquis « figuratif
du service de santé en campagne » explique et détermine
le rôle de la société. Les chirurgiens militaires sont char-
gés du « service de l'avant »; ils sont sur le terrain
même de la lutte. Immédiatement derrière les troupes
engagées sont établis les postes de secours régimentaires;
au-dessous, à portée, des ambulances de division ou de bri-
gade ; plus bas, la grande ambulance du quartier général.
Ces postes et ambulances sont en contact avec l'armée
qui est au feu ; entre eux et les troupes, le va-et-vient
doit être perpétuel si le service des brancardiers est bien
fait. A distance suffisante pour n'être plus sous la trajec-
toire des projectiles, le plan indique quatre hôpitaux de
campagne, pouvant communiquer facilement avec un hôpi-
tal « à destination spéciale » et avec un hôpital d'évacua-
tion. C'est là que paraît devoir s'arrêter l'action du service
de santé militaire ; au-dessous de cette zone, le champ ap-
partient aux hôpitaux « auxiliaires, » c.-à-d. aux sociétés de
la Croix-Rouge. C'est la société de secours qui a charge des
infirmeries de gare et des baraquements rapidement cons-
truits, où elle a rangé ses lits, deux cents au plus, vingt
au moins (art. 457 du règlement). Entre les hôpitaux
de campagne fonctionnant derrière les ambulances de com-
bat et les hôpitaux des villes situées plus ou moins loin du
théâtre des hostilités, la société est appelée à former une
chaîne ininterrompue de secours, de station en station. Il
semble d'ailleurs qu'on ait prévu le cas où ses services
seraient nécessaires plus près du champ de bataille, carie
même art. 15T dit que les hôpitaux « auxiliaires » peu-
vent être employés à relever les hôpitaux de campagne
et qu'ils fonctionnent alors dans les mêmes conditions que
ces derniers.
En somme, IêI Croix-Rouge est à l'ensemble du service
de santé ce que la réserve est aux troupes en ligne ; elle
est un corps hiérarchisé, et organisé comme l'armée natio-
nale elle-même. Chacune des délégations régionales, cor-
respondantes à la distribution des corps d'armées sur le
territoire français, est munie d'un matériel qui offre un
spécimen complet de l'outillage de la Croix-Rouge. Le rôle
de leurs présidents est important ; quoique rattachés au
conseil central siégeant à Paris, ils ont une initiative qui
peut être féconde. Ainsi l'un d'eux, le marquis de Forbin
d'Oppède, dont la circonscription correspond au i^^ corps
d'armée, a fondé dans chacun des départements de son res-
sort un comité et dans chaque canton un correspondant
choisi parmi les notables; cette organisation a été imitée.
Les correspondants transmettent les observations et de-
mandes au comité départemental, qui en donne connais-
sance au président de la délégation, lequel en réfère au
conseil central ; en temps de guerre, ils recueilleraient de
même les dons provenant de leur canton et les adresse-
raient au chef-heu ; le plus petit village de France se
trouve par ce système de canalisation bienfaisante en rela-
tion directe avec Paris, oti sont les magasins généraux, la
réserve du matériel, la caisse et le grand moteur de l'œuvre.
Il convient d'ajouter qu'à côté des comités d'hommes, il
existe généralement des comités de dames, celles-ci
étant aptes à rendre, dans une œuvre hospitalière, des ser-
vices dont même, à vrai dire, elles seules sont capables ;
ces comités ont été réorganisés en 1883 et un règlement
spécial a tracé leurs attributions en temps de paix comme
en temps de guerre. Les femmes de la Croix-Rouge sont,
' selon une heureuse expression de M. Maxime Du Camp,
« grandes maîtresses de la lingerie, pendant la paix,
grandes maîtresses de la charité pendant la guerre » ; elles
sont aussi et doivent être « les quêteuses de la Croix-
Rouge ». Car, pour que cette œuvre porte tous ses fruits,
pour que les moyens de secours soient à la hauteur des
terribles moyens de destruction inventés par la^ science
moderne, il faut que la Croix-Rouge ait de larges ressources
à sa disposition, et que, pendant la paix, elle se forme,
elle aussi, « son trésor de guerre ». Les ressources ordi-
477— CROIX
naires de la société française de secours consistent, à part
les intérêts de 4 millions, provenant en majeure partie du
reliquat des souscriptions de 4870-1874, en des dons et en
les cotisations annuelles de ses membres fondateurs ou
souscripteurs ; est membre fondateur toute personne agréée
par le conseil central sur la proposition de deux de ses
membres et versant une cotisation annuelle de 30 fr. au
moins ; est membre souscripteur toute personne qui le de-
mande, moyennant le versement d'une cotisation annuelle
de 6 fr. au moins. Les membres fondateurs font partie des
assemblées générales ; les membres du conseil sont nommés
par eux et parmi eux. Fondateurs et souscripteurs reçoivent
un Bulletin périodique, organe de l'œuvre, fondé de-
puis 4865. Ernest Lehr.
Croix- Verte (Œuvre de la). — On a donné ce nom à
une œuvre fondée, ennov. 4870, par le comité internatio-
nal de la Croix-Rouge (V. ci-dessus) de Genève, sur l'ini-
tiative de l'agence installée par ses soins à Bâle, dès le
commencement des hostilités entre la France et l'Alle-
magne, dans l'intérêt des prisonniers de guerre valides,
auxquels ne s'appliquait pas la Convention de Genève. Un
comité spécial, après avoir reçu en quelque sorte l'inves-
titure de la Croix-Rouge, se constitua pour apporter quel-
que soulagement aux misères des prisonniers de guerre,
et notamment des milliers de soldats français internés pen-
dant un hiver fort rigoureux dans des villes du nord de
l'Allemagne ; ce comité adopta pour emblème, à l'exemple
de l'œuvre primitive, une croix alésée verte sur fond
blanc ; d'où le nom sous lequel il est connu. Il s'est dis-
sous lors du rétablissement de la paix, après avoir rendu
d'éminents services dont il n'est que juste de consacrer
ici le souvenir. Pendant tout le temps qu'il a fonctionné, il
a été autorisé, notamment en Suisse, à affranchir ses en-
vois au moyen de timbres-poste spéciaux, portant son
emblème et son nom. Ernest Lehr.
BiBL. : Histoire religieuse et liturgie. -- Binterim,
Denhwûrdigkeiten der Christ-Kathol. Kirche, 5 vol. —
Gretzer, De Cruce ChristL—MARTiGfiY, Dictionnaire des
antiquités chrétiennes; Paris, 1877, in-8. — R. Sinner,
art. Cross, dans le Dictionary of Christian antiquities^ de
W. Smitii et S. Ciieetiiam; Londres, 1875-1880, 2 vol.
in-8. ■— F.-E. Warren, art. Sign of the Cross^ dans le
même dictionnaire.
Chemin de la croix. — Pallard, Recueil des prières
et œuvres pies; Paris, in-18.
Archéologie chrétienne. — Gretzer, De Cruce. — •
BoRGiA, De Cruce Vaticana ; Rome, 1759; De Cruce Veli-
terna ; Rome, 1780. — De Rossi, De Titulis carthaginien-
sibus^ Bullettino d'arch. Crist.^ passim. — Grimouard
de Saint-Laurent, Iconographie de la Croix (Ann. Ar-
chéoL), XXVI et XXVII. — Stockbaver^ Kunstgeschichle
des Kreuzes ; Schalîhouse, 1870. — Martigny, Dici. des
antiquités chrét.^ art. Croix, — Kraus, Real Encyclopàdie
der Christ, Aller thûmer; Fribourg, 1882.
Architecture. — Viollet-le-Duc, Dict. de Varchitec-
ture française; Paris, 1868, t. IV, fig.
Droit international. — G. Moynier, la Guerre et la
Charité^ traité théorique et pratique (en collaboration avec
le docteur Ai)pia), 1867, in-16 ; Etude sur la Convention de
Genève ; Paris, 1870, in-16 ; la Croix-Rouge^ son passé et
son afeni?% 1882, in-16. — Bulletin international des sociétés
de la Croix-Rouge, publié par le comité international ;
Genève, 4 n»» par an. — Mémorial des vingt-cinq premières
années de la Croix-Rouge^ 1863-1888, publié par le même
comité, gr. in-8. — Maxime Du Camp, la Croix-Rouge de
France, 1889, in-12. — Calvo, le Droit international théo-
rique et pratique, t. III, §§ 1872 et suiv.— F. de Martens,
Traité de droit international^ trad. Léo, t. I, 9; lïl, 239. —
LuEDER, Die genfer Convention ; Erlangen, 1876, in-8 ; la
Convention de Genève au point de vue historique, critique
et dogmatique; Erlangen, 1877, in-8. — Criegern, Das
rothe Kreuz in Deutschland, Handbuch der freiwilligen
Krankenpflege; Leipzig, 1883. — Funck-Brentano et So-
REL, Précis du droit des gens,, pp. 272 et suiv. — Bulme-
RiNCQ, Yôlkerrecht^ § 92, 9. — Bluntschli, le Droit inter-
national codiflé^traid. Lardy,§§586etsuiv.— Dudley-Field,
Projet d'un code international, trad. A. Rolin, art. 785 et
suiv. — RiviER, Lehrbuch des Vôlkerrechts., p. 884.
CROIX (Golfe de la). Golfe de la Nouvelle-Zemble, sur
la côte 0. de l'île.
CROIX (Ile de la) (en russe, Krestovoï Ostrov). Ile de
la mer Glaciale. Elle tait partie du groupe appelé îles des
Ours, à l'embouchure de la Kolyma.
CROIX — CROIZETTE
— 478 "« -
CROIX (Montagne de) (enrusse Kreslovaia gora). Elle
fait partie de la chaîne principale du Caucase, et atteint
une hauteur de 2,630 m.
CROIX. Corn, du territoire de Belfort, canton de Délie ;
303 hab. Douane.
CROIX (La). Com. du dép. d'Indre-et-Loire, arr. de
Tours, cant. de Bléré; 1,289 hab.
CROIX. Com. du dép. du Nord, arr. d'Avesnes, cant.
de Landrecies ; 532 hab.
CROIX. Com. du dép. du Nord, arr. de Lille, cant. de
Roubaix ; 9,528 hab. Stat. du ch. de fer du Nord, ligne
de Lille à Tourcoing. Belle église moderne de style gothique.
CROIX. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. et cant.
de Saint-Pol-sur-Ternoise ; 239 hab.
CROIX (La). Com. du dép. de la Haute-Yienne, arr. de
Bellac, cant. du Dorât ; 762 hab.
CROIX-Aux-Bois (La). Com. du dép. des Ardennes, arr.
et cant. de Vouziers; 407 hab. Le défilé de la Croix-aux-
Bois, où passe la route de Stenay a Youziers, joua un
grand rôle dans la campagne de VArgonne (Y. ce mot, t. lil,
pp. 872 et suiv.).
CROIX-Aux~MiNEs(La).Com. du dép. des Yosges, arr.
de Saint-Dié, cant. de Fraize; 1,610 hab.
CROIX-Ayranchtn (La). Com. du dép. de la Manche,
arr. d'Avranches, cant. de Saint-James ; 781 hab. Eglise
ancienne, mais ayant subi tant de remaniements que l'édifice
primitif a presque totalement disparu. Croix anciennes.
CROIX-Blanche (La). Com. du dép. de Lot-et-Garonne,
arr. d'Agen, cant. de Laroque-Timbaut ; 535 hab.
CROIX-Chapeau (La). Com. du dép. de la Charente-
Inférieure, arr. de La Rochelle, cant. de La Jarrie;
551 hab.
CROIX-CoMTESSE (La). Com. du dép. de la Charente-
Inférieure, arr. de Saint- Jean-d'Angely, cant. de Loulay ;
302 hab.
CR01X-DE-LA«RocHETTE. Com. du dép. de la Savoie,
arr. de Chambéry, cant. de La Rochette; 281 hab,
CROIX-DE-YiE. Com. du dép. de la Yendée, arr. des
Sables-d'Olonne, cant. de Sahit-Gilles-sur-Yie ; 1,667 hab.
CROIX-du-Perche. Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr.
Nogent-le-Rotrou, cant. de Thiron-Gardais ; 438 hab.
GR01X-en-Brie (La). Com. du dép. de Seine-et-Marne,
arr. de Provins, cant. de Nangis ; 755 hab.
CROIX-en-Ghampagne (La). Com. du dép. de la Marne,
arr. et cant. de Sainte-Menehould ; 126 hab.
CROIX-Fonsommes. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de
Saint-Quentin, cant. de Bohain; 515 hab.
CROÏX-Helléân (La). Com. du dép. du Morbihan, arr.
de Ploërmel, cant. de Josselin; 817 hab. Chapelle Saint-
Mandé (but de pèlerinage), qui d'après la tradition s'élève
sur la sépulture des Bretons tués en 1351 au combat des
Trente. Une pyramide do granit a été érigée en 1823, sur
l'emplacement du Chène-Mivoie, près duquel avait eu lieu
le combat. Une croix commémorative, rétablie après la
Révolution, a donné son nom au village.
CROIX-MoLiGNAux (Cnices). Com. du dép. delà Somme,
arr. de Péronne, cant. de Ham , dans une plaine ;
496 hab. Avant la Révolution, la seigneurie de Croix
appartenait au chapitre de Noyon et aux marquis de Nesle.
Belle église : nef avec transept et bas côtés du xvi® siècle,
en style gothique flamboyant , voûtés en pierres avec
liernes et tiercerons, et clefs sculptées avec porche de la
Renaissance sur le côté ; chœur et abside de la fin du
XII® siècle ou du commencement du xiii® (voûtes sur
croisées d'ogives ; fenêtres en plein cintre, frise d'arcs à
l'extérieur). Retable représentant la Passion, et bancs
en bois sculptés du xvi® siècle ; maître-autel et boiseries en
chêne sculpté, et grilles en fer forgé du xviii'^' siècle.
BiBL. : De Cagny, Histoire de V arrondissement de
Péronne et de plusieurs Localités circonvoisines ; Péronne,
1869, t. II, p. 283, in-8.
CROIX-Saint-Léger (La). Com. du dép. des Alpes-
Maritimes, arr. et cant. de Puget-Théniers j 418 hab.
CROIX-Saint-Leufroy (La). Com. du dép. de l'Eure,
arr. deLouviers, cant. de Gaillon, sur l'Eure; 683 hab.
Stat. du ch. de fer dép. de l'Eure, ligne d'Elbeuf à Dreux,
De l'ancienne abbaye, fondée au vu® siècle par saint
Leufroy, il ne subsiste que la maison abbatiale qui est
moderne. Ruines de la tour de Crèvecœur (xii® siècle).
CROIX-Saint-Ouen (La). Com. du dép. de l'Oise, arr.
et cant. de Compiègne, à la lisière de la forêt de Com-
piègne; 1,471 hab. Ancienne croix sculptée.
CROIX DE Castries (Famille de La) (V. Castries).
CROIX DE Drumez (Gh.-J. de) (V. Clerfayt).
CROIX DU Maine (François Grudé, sieur de La), biblio-
graphe français, né au Mans en 1552, assassiné, dit-on,
à Tours en 1592. Sa vie privée est peu connue. On sait
seulement qu'il fut en relations suivies avec les principaux
érudits du xvi^ siècle : Scaliger, Belleforest, Brisson et
autres qui, plus d'une fois, lui empruntèrent la matière de
leurs écrits, et qu'il passa la majeure partie de son exis-
tence à de vastes compilations historiques qui ont été per-
dues pour la plupart. Son chef-d'œuvre est la Bibliothèque
française (Paris, 1584, in-foL), grand répertoire biblio-
graphique qui rend les plus grands services, malgré d'iné-
vitables erreurs, et dont il y a eu plusieurs éditions, celle
notamment de Rigoley de Juvigny (Paris, 1772, in-4),
enrichie de notes de La Monnoye, de Lacurne de Saintc-
Palaye, de Bréquigny, de Capperonnier, de Falconnet, etc.
On réunit d'ordinaire cette Bibliothèque à celle de Du
Verdier (V. ce nom).
BiBL. : Haureau, Histoire littéraire du Maine^ t. Il,
CROIXANNEC. Com. du dép. du Morbihan, arr. et cant.
de Pontivy; 370 hab.
CROIXDALLE. Com. du dép. de la Seine-Inférieure,
arr. de Neufchâtel-en-Bray, cant. de Londiîiières ; 360 hab.
CROIXILLE (La). Com. du dép. de la Mayenne, arr.
de Laval;, canton de Chaillaud; 1,210 hab.
CROIXMARE. Com. du dép. de la Seine-Inférieure,
arr. de Rouen, cant. de Pavilly ; 604 hab.
CROIXRAULT. Com. du dép. de la Somme, arr. d'A-
miens, cant. de Poix; 395 hab.
CROIZET. Com. du dép. de la Loire, arr. de Roanne,
cant. de Saint-Symphorien ; 509 hab .
CROIZETTE (M"^ Sophie), comédienne française,
née à Saint-Pétersbourg en 1848. Fille d'une danseuse qui
fournit, dit-on, une brillante carrière en Russie, elle entra
au Conservatoire en 1867, dans la classe de Brossant, et
en sortit en 1869 avec un premier prix de comédie. Sa
haute taille, sa beauté opulente et la nature de son talent
lui interdisaient l'emploi des ingénues et la prédestinaient au
rôle des grandes coquettes. Elle parut pour la première fois
à la Comédie-Française en janv. 1870, avec succès, dans le
rôle de la reine Anne, du Ve7Te d'eau. Sa diction nette et
mordante, sa physionomie expressive, la grâce élégante et
souple de sa tournure, ses accents tantôt dédaigneux, tantôt
passionnés, lui valurent bientôt une situation brillante dans
le ])ersonnel de la Comédie, où elle fut reçue sociétaire en
1873. On la vit dans Na^ty et dans VEté de la Saint-
Martin, de M. Meilhac, dans V Acrobate^ de M. Octave
Feuillet, dans Jea7i de Thomeray, d'Augier et Sandeau,
en même temps qu'elle reprenait quelques ouvrages du ré-
pertoire moderne : Mademoiselle de la Seiglière, le Demi-
Monde, On ne badine pas avec l'Amour, un Caprice, le
Chandelier, le Marquis de Villemer, V Aventurière..,
W^^ Croizette aborda rarement le répertoire classique ; on
la mi pourtant dans le Legs, dans Suzanne du Mariage
de Figaro, et même dans Céîimène du Misanthrope. Ses
derniers succès ont été les plus éclatants ; ce sont ceux
qu'elle a obtenus dans le Sphinx, de M. Octave Feuillet,
dans VEtj-'angère, de M. Alexandre Dumas, dans les Four-
chambault, de M. Emile Augier, et surtout dans la Prin-
cesse de Bagdad, de M. Dumas, qui fut sa dernière créa-
tion. Après douze années seulement de service, W-^^ Croizette,
-« 479
CROEETTE — CROLY
dans tout Péclat de sa beauté et de son talent, jugea à
propos de se retirer. Elle quitta la Comédie-Française en
1882 pour se marier, et depuis lors semble avoir pour
toujours renoncé à la scène. A. P.
CROIZETTE-Desnoyers, ingénieur français, né le 29
mai 4816, mort à Fontainebleau le 21 août 1887, Il appar-
tenait au corps des ponts et chaussées, où il est resté en
activité de service jusqu'à l'âge de soixante-dix ans, limite
obligatoire pour les ingénieurs arrivés à la plus haute posi-
tion, celle d'inspecteur général de première classe. Mais Croi-
zette-Desnoyers avait été longtemps en congé, pour coo-
pérer aux travaux neufs de la compagnie des chemins de
fer de Paris à Orléans et prolongements ; il avait notam-
ment dirigé la construction des chemins de fer de Bre-
tagne, avec un zèle et un talent qui l'avaient placé hors de
pair. — Croizette-Desnoyers avait succédé à Morandière
dans la chaire de fonts à l'Ecole nationale des ponts et
chaussées. — On a de lui de nombreux mémoires dans
les Annales des ponts et chaussées (fondations par
caissons, décintrements, en 1849 ; chemin de fer du
Bourbonnais, en 1859; fondations dans les terrains vaseux
de Bretagne, 1864; notice sur M. Morandière, 1875);
Travaux publics en Hollande (gr. in-4 et atlas ; Paris),
Cours de construction des fonts (1888, 2 vol. in-4
et un atlas), M.-C. L.
CROKE (Sir George), juriconsulte anglais, né en 1560,
mort en 1642, Il était juge des « common pleas », lors du
procès deHampden (1638), et il n'hésita pas à se pronon-
cer contre les taxes que le roi prétendait imposer sans le
concours du parlement. Sa consultation fut imprimée en
1641, époque où il prit sa retraite. On a de lui un grand
nombre de rapports judiciaires écrits en français et tra-
duits en anglais par sir Harbottle Grimston, son gendre.
CROKER (Temple Henry), écrivain anglais, né à Cork
vers 1730, mort vers 1790. Entré dans les ordres, il fut
nommé chapelain du comte d'Hillsborough, puis recteur
d'Igtham (Kent) et recteur aux Antilles. On lui doit : A
Complète Dictionary of Arts and Sciences (Londres,
1764-1766, 3 vol. in-fol.); Expérimental magnetism
(Londres, 1761, in-8) ; une critique acerbe de l'historien
Bower : Bower detected as an te^^m/ï (Londres, 1758,
in-8); plusieurs Sermons (Basseterre, 1790, in-4) et des
traductions de VOrlando furioso (Londres, 1755, 2 vol.
in-4) et des Satires de i'Arioste (Londres, 1759, in-8).
CROKER (John Wilson), homme d'Etat et écrivain irlan-
dais, né dans le comté de Gallway le 20 déc. 1780, mort à
Moulsey, pi% de Hampton Court, le 10 août 1857. Il étudia
le droit à Londres et entra en 1802 au barreau irlandais.
Quelques spirituelles satires sur la situation poHtique de
l'Irlande l'ayant mis en évidence, il fut en 1807 envoyé
au parlement. Deux ans plus tard une excellente défense
du duc d'York accusé par sa maîtresse d'avoir trempé
dans des trafics de grades lui valut le poste de secrétaire
de l'amirauté, poste gu'il occupa pendant vingt ans.
l^endant cette période, il écrivit un grand nombre d'ou-
vrages, entre autres : le poème Talavera (1809), consacré
à la bataille de ce nom ; Stories for Children from En-
glish liistory (1817), qui suggérèrent à Walter Scott Taies
of a Grandfather; Suffolk Paper s (1823) ; Essays on
the Early period of the French Révolution (1837),
mais il est surtout connu par ses virulents articles à la
Quarterly Revieiv dont il fut un des fondateurs, la création
de VAtheneœum Club, et la caricature qu'a faite de lui
Disraeli sous le nom de Rigby dans Coningsby, et aussi
par une édition annotée de la vie de Johnson par Boswell,
sévèrement critiquée par Macaulay. Hector France.
CROKER (Thomas Crofton), littérateur irlandais, né à
Cork le 5 janv. 1798, mort près de Londres le 8 août 1854.
Il recueillait déjà à l'âge de quatorze ans les chansons et
les légendes des paysans irlandais qu'il s'attacha à dé-
peindre plus tard. D'abord commis chez un marchand, puis
clerc de l'amirauté, il publia anonymement en 1824: Re-
searches in the South of Ireland^ et l'année suivante Fairy
Legends and traditions aussitôt traduites en jillemand par
les frères Grimm (1826). Une seconde série suivit en 1827,
et le tout atteignait sept éditions en 1882. Il donna en
outre : Legends ofthe Lakes (1829), illustrées par Maclise ;
My Village^ Barney Mahoney (1832), les meilleurs de
ses ouvrages ; un mémoire mv Joseph Holt, g esterai of the
Irish Rebels (1837) et de nouveaux Chants populaires
irlandais (1839), réédités en 1885. Hector France.
CROKESLEY (Richard de), diplomate anglais, né dans
le comté de Suffolk, mort à Winchester en juil. 1258,
Abbé de Saint-Pierre de Westminster en 1246-47, il jouit
d'une grande faveur à la cour. En 1247, il fut chargé de
négocier un mariage entre le prince Edouard et la fille du
duc de Brabant; fut envoyé en 1251 à Lyon auprès du
pape afin d'arranger une entrevue entre le saint père et le
roi d'Angleterre, remplit une nouvelle mission à la cour
pontificale en 1256 à Rome, s'occupa, sans succès, en
1257, de négocier avec la France la restitution des pro-
vinces que l'Angleterre réclamait, figura au nombre des
arbitres royaux à la conférence d'Oxford de 1258 et fut,
dit-on, empoisonné.
CROLA (Heinrich), paysagiste allemand, né à Dresde en
1804. H y reçut les premières leçons de Klingel, mais se
forma surtout par l'étude de la nature et par celle des
maîtres hollandais. S'étant ensuite fixé à Munich, il y eut
pour maître Rottmann. Ses paysages composés avec goût
représentent le plus souvent des sites empruntés aux
Alpes bavaroises : le Lac de Sternberg, le Chiemsee, Il
y a aussi peint des paysages composés, avec des sujets
empruntés à la fable.
CROLE ouCROLEUS (Robert) (V. Crowley [Robert]).
CROLL (Francis), graveur, né à Edimbourg en 1827,
mort le ^12 févr. 1854. Il commença par suivre les cours
de la « Royal Scottish Academy », sous la direction de
Sir W. Allan, et reçut les leçons du graveur Rob.-Ch.
Bell. H a gravé les illustrations de l'ouvrage de Stcphen,
Book of the Farm, des séries de portraits, etc. Ses der-
nières planches ont été gravées d'après des dessins de J.
Faed pour the Cottafs Saturday Night deRob. Burns.
CROLLALANZA (Giovan-Battista di), écrivain italien, né
à Ferme en 1819. U a fondé le Giornale araldico et publié
d'importants ouvrages sur l'histoire, l'art héraldique, les
usages, les traditions populaires : // Gondar dilucidato
(Ferme, 1841); Canti popolari (Venise, 1846); Dei
Normani e Danesi, de' loro costumi di mane e navi di
guerra (Trieste, 1857); Origine e gesta di Giovanna
d'Arca <Narni, 1859) ; Storia militare di Francia (Flo-
rence, 1861, 3 vol. in~8); Storia di Chiavenna (Milm,
1867-1870), etc. — Son fils, Goffredo, né àFermo en
1855, a écrit, entre autres, une Enciclopedia Araldico-
Cavalleresca (Pise, 1877, gr. in-8). R. G.
CROLLES. Corn, du dép. de l'Isère, arr. de Grenoble,
cant. du Touvet, dans la plaine du Graisivaudan; 1,311 hab.
Filature et mouhnage de soie. Taillanderie. Ruines du
château de Montfort.
G RO LLO N . Corn, du dép. de la Manche, arr. d'Avranches,
cant. de Ducey ; 385 hab.
CROLY (George), poète et romancier anglais, né à Du-
blin en 1780, mort à Londres en 1860. Croly entra de
bonne heure dans la carrière ecclésiastique. Il fut d'abord
ministre anglican en Irlande. Mais s'étant rendu à Londres,
il se fit connaître par les articles qu'il publia dans des
revues ou des journaux, notamment le Standard, leMor-
ning-Herald, Blackwood' s Magazine, Universal Review,
En 1835, il fut nommé recteur de Saint-Stephen's Wal-
brook, Londres. Citons, parmi ses œuvres, les suivantes :
V Apocalypse de saint Jean, nouvelle interprétation
(1827) ; Vie de Georges /F (1830) ; Vie deBurke (1840) ;
Napoléon i^^. Ses oeuvres poétiques forment deux volumes.
Il composa une tragédie, Catilina, Dans ses romans,
Croly est remarquable par l'éclat des descriptions et les
élans de son éloquence. Ses plus belles productions sont
CROLY — CROMLECH
— 480
les Récits du Grand Saint-Bernard (Marston), et sur-
tout ,Sa/a^te/ (4827). G. Q.
CROM-el-Hadj (V. Krom-el-Hadj).
CROMAC. Corn, du dép. de la Haute- Vienne, arr. de
Bellac, cant. de Saint-Sulpice-les-Feuilles ; 960 hab.
CRO-MAGNON (Anthr.). Parmi les stations quaternaires
de la Vézère, celle de Fabri sous-roche de Cro-Magnon,
non loin des Eyzies, est des plus célèbres, en raison sur-
tout de l'étude brillante dont les débris qu'elle a fournis
ont été l'objet de la part de Broca. A l'entrée même de
l'abri se trouvaient de nombreux foyers superposés et un
amas de restes de repas et de rejets d'industrie de l'âge du
renne (époque de Solutré et de La Madeleine). Dans le fond,
dans une anfractuosité non comblée du rocher en surplomb,
gisaient à la surface cinq squelettes, celui d'un vieillard,
ceux de deux hommes adultes, et ceux d'une femme et
d'un fœtus. Ces ossements, soigneusement recueillis par le
premier explorateur du dépôt, M. Louis Lartet, furent,
comme ceux d'Aurignac, regardés comme de même âge
que le dépôt. Complètement décrits par Broca, il demeure
incontestable qu'ils représentent fort bien, avec tous ses
caractères distinctes, la race qui a occupé tout le sud de la
France et les régions au delà, pendant l'âg-e du renne.
Aussi cette race est-elle habituellement désignée aujour-
d'hui sous le nom de race de Cro-Magnon, Cependant
on a remarqué que les squelettes de Cro-Magnon avaient
été placés tout à fait à la surface du dépôt quaternaire, et
que probablement ils sont un peu postérieurs à celui-ci.
Les pièces trouvées à côté d'eux, littorines (300) percées
d'un trou et ayant servi de colliers, amulette d'ivoire,
dents perforées, silex et bois de renne, n'ont fourni sur
leur âge que des indications incertaines, parce que les
coquilles, au lieu d'être décolorées comme d'habitude dans
les dépôts de l'âge du renne, avaient conservé leur nuance
rouge. Zaborowski.
CRÛ MARY. Com. du dép. de la Haute-Saône, arr. de
Vesoul, cant. de Rioz ; 269 hab.
CROMARTY. Comté septentrional d'Ecosse formé de
fragments territoriaux enclavés dans le comté de Ross dont
il est inséprable et avec lequel il sera décrit, lui ayant été
annexé politiquement. Il a pris le nom du petit bourg ma-
ritime de Cromarty (1 ,360 hab.) situé sur le golfe du même
nom, auprès d'un vaste et sûr port naturel (V. Ecosse et
Ross). — L'étrange structure de ce comté est due à l'in-
fluence de George, vicomte Tarbat, qui devint comte de
Cromarty. Le comté originel ne comprenait qu'un petit
district riverain du golfe; le comte obtint, en 1685 et
1698, qu'on y annexât tous ses domaines privés répartis
dans le comté de Ross, ce qui étendit son comté quinze
fois plus qu'il ne l'était, lui donnant une superficie de
221,000 acres environ. Au fragment primitif situé entre les
golfes de Moray et de Cromarty, on ajouta : le petit dis-
trict de Tarbat House, au N. du golfe de Cromarty ; un
autre au S.-E. de Tain, sur le golfe de Moray ; deux autres
au S. de la rivière Caron, près de Kincardine; un sixième
près de Dingwall, sur les pentes du Ben Wyvis ; un sep-
tième au N. du lac Fannish ; un huitième au N. du lac Nid ;
un neuvième au S. du loch Broom; le dixième, et de beau-
coup le plus vaste, auN.-O. du comté de Ross, comprenant
les districts d'Ullapool et Coygach, entre le loch Broom
et le comté de Sutherland.
CROMAZIANO (Agatopisto) (V. Buonafede [Appiano]).
CROIVIBIE(Alexander), philologue anglais, né à Aber-
deen en 1762, mort en 1840. Directeur d'une institution
privée à Londres, puis à Greenwich, il a laissé un
certain nombre de traités pédagogiques estimés de ses
contemporains. Nous citerons de lui : A Defence of phi-
losophie necessity (1793); the Etymology and syntax
of the english language explained (1802, plus, éd.) ;
Gymnasium sive Symbola critica (1812, 2 vol., plus,
éd.) ; Letters on the présent state of the agricultural
interest (1816); Clavis Gymnasii {iS^S); Natural
Theology (1829,2 vol.); the Strike(iS34^), etc., etc.
CROMDALE. Bourgade d'Ecosse, comté d'Inverness,
sur le Spey, où les jacobites livrèrent bataille aux oran-
gistes, le 1^^ mai 1690.
CROME (August-Friedrich-Wilhelm) , statisticien et
économiste allemand, né à Sengwarden (duché d'Olden-
bourg) le 6 août 1753, mort à Rodelheim, près de Franc-
fort-sur-le-Main, le 11 juin 1833. Fils d'un pasteur et
neveu du géographe Biisching, il alla en 1772 étudier la
théologie à Halle, fut précepteur à Berhn et à Schônhausen
(1774-78), puis professeur d'histoire et de géographie à
Dessau (1779-86), enfin professeur de statistique et de
sciences administratives à l'université de Giessen (1787-
1830). Il eut, vers 1795, quelques velléités ambitieuses,
se mêla aux affaires politiques, servit plusieurs fois d'en-
voyé auprès du général Bernadette et du Directoire et
fut nommé en 1804 conseiller d'Etat. Accusé de sympa-
thies trop vives pour Napoléon, il dut quitter quelque
temps sa chaire de Giessen et même se réfugier en Suisse
(1813-14). Malgré sa vie très agitée, il a été Fun des sta-
tisticiens les plus féconds et les plus estimés. Parmi ses
nombreux ouvrages, les principaux ont pour titre: EiirO'
pa's Producte (Dessau, 1782-1804, avec atlas) ; Ueber
die Culturverhâltnisse der eiiropâischen Staaten (Leip-
zig, 1792) ; Ueber Deutschlands und Europa's Staats-
wid National'Interesse [Giessen, d8I4; 2^ éd., 1817);
Uebersicht der Staatskrœfte sdmtlicher europœischen
Ldnder (Leipzig, 1818); Geographisch-statistische
Darstellung der Staatskrâfte von den sâmmtlichen,
%u dem teutschen Staatenbunde gehôrigen Làndern
(Leipzig, 1820-28, 4 vol.) ; Handbuch der Statistik
der Grosherzogthums Hessens (Darmstadt, 1822). Il a
aussi traduit en allemand et commenté : // Governo délia
Toscana (Die Staatsverwaltung Toscana's) par l'empe-
reur Léopoldll (Leipzig, 1795-97, 3 vol.). Léon Sâgnet.
BiBL.: A.-F.-W. Crome^ Selbstbiographie; Stuttgart, 1833.
G ROME (John), dit le Vieux (Old Crome), paysagiste
anglais, né à Norwich le 21 déc. 1769, mort à Norwich
le 22 avr. 1821. Fils d'un pauvre tisserand, il eut des
débuts difficiles. Son premier maître de dessin fut un
peintre d'enseignes, et en réalité il se forma lui-même.
Imitateur des maîtres hollandais, Crome devint un paysa-
giste plein de vigueur, de charme et de sincérité et l'un
des meilleurs que l'Angleterre ait produits. En 1805, il fut
le promoteur de la création de « Norwich Society of ar-
tists »; plus tard, avec le concours de ses collègues et
élèves, il fonda, dans sa ville natale, une école des beaux-arts.
Il fut aussi graveur. En 1834, on publia de lui trente et
une eaux-fortes : î^ or folk Picturesque Scenery ; l'édition
suivante (1838) fut augmentée de quelques planches. —
Son fils aîné, John-Bernay Crome, né à Norwich en
1793, mort à Great-Yarmouth le 15 sept. 1842, fut aussi
un paysagiste, mais d'un talent inférieur. Cependant ses
Clairs de lune, qu'il peignait de préférence, sont remar-
quables d'effet et de variété. G. P-i.
CROMEK (Robert-Hartley), graveur anglais, né à Hull
en juin 1771, mort à Londres le 12 mars 1812. Elève de
Bartolozzi. Il a gravé des illustrations de livres d'après
Stothard, puis se fit éditeur lui-même. Il publia person-
nellement : Remains of Nithsdale and Galloivay Song,
with historical and traditional notices (Londres, 1810,
in-8). — Son fils, Thomas-Hartley Cromek, né à Londres
en 1809, mort en 1873, fut un bon graveur et aquarel-
liste. G. P-i.
CROMERIUS, historien polonais (V, Kromer).
CROMLECH (Anthr.). On donne ce nom à des enceintes
de pierres plantées. Ces enceintes sont généralement circu-
laires, mais on en trouve de toute forme, depuis le simple
alignement droit jusqu'aux longues murailles serpentantes.
Ce furent uniquement d'abord des monuments funéraires
entourant des dolmens, des tumulus et, à la fin, des cime-
tières. Elles devinrent ensuite des enceintes saciées et, en
de certains cas, ne furent pas autre chose que des sortes
de temples. Elles sont peu communes et paraissent dater,
en Europe surtout, de l'âge de bronze. En Bretagne, il yen
a de plus anciennes en apparence. Les cercles de l'île d'Er-
Lanic, au S. de Gav'rinis, dont une pierre se dresse à trois
mètres de haut, ont tout leur sol intérieur rempli d'objets
néolithiques et surtout de poteries. Ce sont des offrandes,
des objets votifs. Les cercles des Pyrénées appartiennent
nettement à Tàge de bronze. Leur centre est, en général,
marqué par une pierre dressée : ils figureraient le symbole
du soleil et on a émis Fhypothèse que les menhirs isolés
seraient, pour la plupart, des centres de cromlechs dont les
matériaux auraient été utilisés. Or, on sait quel culte
tenace du soleil et surtout de la fécondité s'est attaché à
ces pierres jusqu'à notre époque. Il y a des cromlechs en
petit nombre un peu partout, depuis l'Inde jusqu'en Angle-
terre, en Arabie et en Amérique. Zaborowski.
CROMPTON. Ville industrielle d'Angleterre, comté de
Lancastre, à 5 kil. 0. d'Oldham ; 5,000 hab.
CROMPTON (Hugh), poète anglais du miheu du xyii*^ s.
Les détails de sa vie sont peu connus. On sait seulement
qu'il eut à essuyer maints revers, et qu'il émigra en Irlande
avant 1687. Il a publié deux volumes de vers où un esprit
brillant dégénère parfois en plaisanterie grossière et obscé-
nité; ce sont : Poems hy Hugh Cronvpton^ the Son of
Bacchus and godson ofApollo (Londres, 1657), et Pie-
rides, or the Muses Mount (Londres, 4658).
CROMUS(V. Encrinurus).
CROMWELL (Thomas), homme d'Etat et réformateur
anglais, né vers 4485, mort en 4540, Il était fils d'un
certain Walter Cromwell, industriel à Putney, près de
Londres, dont les ancêtres étaient venus du Nottinghamshire
vers le milieu du xv® siècle. Sa jeunesse fut très ora-
geuse et très aventureuse. En 4504, il se brouilla avec
sa famille ; il partit pour l'Italie, où il servit comme simple
soldat, et reçut des banquiers Frescobaldi, de Florence, des
secours qu'il n'oubha jamais; on le retrouva bientôt en
qualité de clerc au service de marchands anglais d'Anvers ;
puis il fit (vers 4510), un second voyage en Italie, au
cours duquel il eut l'occasion de voir de près le pape
Jules IL En 4542, il est de nouveau employé par des mar-
chands de Venise et de Middelbourg. En 4543, revenu en
Angleterre, il épousa une fille de Putney et semble avoir
repris l'industrie paternelle (moulins à foulon). Jusqu'en
1523, il semble qu'il ait mené de front l'industrie des
draps, le commerce de l'argent et les fonctions de solicitor,
auxquelles son père l'avait destiné dès sa jeunesse. Il
s'établit en 4524 dans une maison sise à Londres, près de
la porte du monastère des Augustins (Auslin Friars), De
bonne heure, il avait attiré l'attention du tout-puissant
cardinal Wolsey (V. ce nom), qui le nomma dès 1544 rece-
veur de ses revenus. C'est sans doute grâce à l'influence
de AVolsey qu'il fut élu au Parlement de 4523, où il se dis-
tingua. C'était un cerveau puissant, d'une mémoire et d'une
énergie extraordinaires, un raisonneur, un homme d'af-
faires, avec une pointe d'humeur féroce. Sa fortune, qui
devait l'élever avec une rapidité inouïe au premier
rang après le roi, commença en 1 524. Cromwell fut cette
année-là le principal agent choisi par Wolsey pour con-
sommer la destruction des petits monastères dont Wolsey
se proposait d'appliquer les biens à ses deux fondations
favorites, à ses collèges d'ïpswich et d'Oxford. Il accomplit
cette besogne avec une rudesse impitoyable, et s'y enrichit,
couvert par son patron. Sa femme mourut en 1527, lui
laissant plusieurs enfants d'une intelligence assez pares-
seuse. Le 47 oct. 4529, Wolsey tomba en disgrâce
auprès de Henri VIII, et la carrière de son homme de
confiance parut irrémédiablement compromise. Cromwell
déploya alors toutes ses ressources. Il défendit au parle-
ment, où il siégeait pour Taunton, son maître tombé, non
pas tant par gratitude (sa correspondance avec Wolsey est
écrite vers cette date sur un ton contraint et dur) qu'à
cause de la certitude qu'il avait d'être entraîné dans la
chute du cardinal d'York, si un hWldiattainder était lancé
contre lui. Il conseilla à Wolsey d'apaiser le roi offensé par
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
481 — CROMLECH - CROMWELL
quelques cadeaux propitiatoires faits à propos à lord
Rochford, frère d'Anne Boleyn. Enfin, par un coup de
théâtre dont le mécanisme nous échappe, — probablement
à la suite d'une entrevue avec Henri VIIÏ, où il fit con-
naître ses vastes projets : l'abolition de l'autorité papale
en Angleterre, la confiscation des biens de l'Eglise au
profit du roi, — Cromwell, menacé la veille, devmt tout
d'un coup le conseiller favori de la couronne, comme il
avait été celui de Wolsey. « Dieu merci, lui écrivait des
Pays-Bas son fidèle ami Vaughan le 3 févr. 4530, younow
sait in a sure haven. » — Quelles étaient alors ses con-
victions rehgieuses ? Il était en relations avec le réforma-
teur Miles Coverdale. Cependant, dans son testament, rédigé
en juil. 4529, il avait laissé de l'argent pour faire dire
des messes pour le repos de son âme ; et il détestait les lu-
thériens. L'attitude anticathoHque qu'il prit si nettement
pendant ses dix années de règne lui fut probablement
dictée plutôt par l'instinct politique que par la ferveur
puritaine. — Conseiller privé en 4531, master of the
jewellsetclerk of the hanaper en 1532, l'ambassadeur
impérial Chapuys commence à le signaler en 1533, après le
divorce et le second mariage du roi avec Anne Boleyn, dans
ses rapports secrets, comme un homme influent sur l'esprit
de Henri VIII et très dangereux. Le 12 avr. 1533, il fut
fait chancelier de l'Echiquier, secrétaire du roi, et maître
des rôles en 1534. Ajoutons, pour esquisser d'un seul
coup l'ensemble de ce prodigieux cursus honorum,
que Henri VIIÏ, chef suprême de l'Eghse anglicane, créa
Cromwell son « vicaire général en toutes affaires ecclésias-
tiques, » et baronet, puis pair du royaume avec le titre de
comte d'Essex (1536), doyen de Wells (1537), grand
chambellan (1539). « Ce fut, dit lord Campbell, quelque
chose comme l'élévation d'un esclave au vizirat dans un
Etat oriental. » Sa position fut unique. Comme vicaire
général du chef suprême, il était placé au-dessus de tous
les archevêques et évêques, même réunis en synode, et il
avait la préséance sur toute la noblesse laïque à la Chambre
des lords. Souverain absolu, tant au spirituel qu'au tem-
porel, il réussit à établir et à maintenir pendant des années
un régime de terreur. C'est lui qui dirigea les premières
violences légales commises, sous Yact of supremacy^
contre les personnes attachées à l'ancienne hiérarchie :
Reynolds, Haie, les moines de Chartcrhouse. Il présida au
martyre de Thomas Morus et de l'évêque Fisher ; il entre-
tint partout des espions qui exercèrent une véritable inqui-
sition, et qui, stylés par lui, procédèrent avec une incroyable
brutalité. (Quelques anecdotes authentiques donneront une
idée de ses manières. Lord Dacre, qu'il voulait faire con-
damner à mort, mais acquitté pendant qu'un accès de
goutte empêchait Cromw^ell de s'occuper de ses affaires,
crut devoir le remercier d'une intercession imaginaire; le
favori lui fit répondre : « Qu'il remercie mes jambes. »
Rencontrant dans la rue un homme dont la chevelure était
fort longue, il l'interpella, et comme l'homme, pour s'excuser,
disait qu'il avait fait vœu de laisser pousser ses cheveux :
« Je ne t'empêcherai pas de tenir ton vœu, mais tu vas
rester en prison jusqu'à ce que tu t'en sois acquitté. »
Frère Bartley, après la suppression des monastères et
l'exécution sommaire d'une foule de moines, portait encore
le capuchon monacal : « Eh bien, dit Cromwell, vous
n'enlèverez donc pas ce capuchon ; si vous ne Pavez pas
ôté d'ici à une heure, vous serez pendu incontinent, pour
l'exemple. » Cromw^ell, dit le docteur Maitland, fut le patron
des ribauds, de ces bas chanteurs de aie house, de ces
blasphémateurs iconoclastes qui ont déshonoré le parti
protestant au moment de la Réformation. Sa correspon-
dance avec la princesse Marie (Marie Tudor), fille
de Henri VIÏI et de Catherine d'Aragon, est caractéristique.
Cette princesse, sans défense depuis la mort de sa mère,
écrivit à son père, après l'exécution d'Anne Boleyn, des
lettres touchantes, par lesquelles elle sollicitait son pardon
en tant qu'elle avait pu l'offenser. Cromwell, au nom du
roi, rejeta ces avances sous prétexte que le ton n'en était
31
CROMWELL ~- 48â
pas assez soumis; il interdit à la fille de son maître les
expressions générales ; elle dut confesser expressément
que le roi avait eu raison de répudier sa mère, que sa
résistance avait été injustifiable; à ce prix seulement,
Cromwell intercéderait pour elle ; autrement il lui lais-
serait subir les conséquences de son obstination. Elle fut
obligée finalement de reconnaître par écrit sa bâtardise et
l'illégitimité du mariage contracté par ses parents. Il n'est
pas étonnant qu'un homme comme Cromwell ait été géné-
ralement détesté. Non seulement il était dur, mais il était
avide. Il recevait des cadeaux de toutes mains pour des
services secrets, des grâces, des délais, des nominations, à
titre de pension. La confiscation des monastères, qu'il con-
duisit, lui fut très profitable; il acheta de vastes domaines,
pris, comme l'avait été Wolsey, de la' passion des cons-
tructions, de l'argenterie, des pierreries, du luxe sous
toutes ses formes. En même temps, il régentait l'Eglise
d'Angleterre, ordonnant, par exemple, au clergé paroissial,
en -1538, de se procurer dans chaque paroisse « une Bible
en anglais » et de tenir des registres paroissiaux de bap-
tême, de mariage et d'enterrement. Le i^ nov. 4539, il
fut appointé pour surveiller l'impression de la Bible et
pour prévenir la circulation de traductions non autorisées.
— Cependant le tout-puissant ministre ne gardait le pou-
voir que grâce à une abjecte complaisance pour le roi, tout
le monde le savait. Le roi lui tirait presque publiquement
les oreilles, et le traitait comme un chien. L'ambassadeur
de France, Castillon, entendit Sa Majesté dire au comte
d'Essex qu'il « était peut-être bon pour s'occuper des afi'aires
domestiq[ues, mais qu'il ne lui appartenait pas de se mêler
des affaires des rois». Or il voulut s'enmêler^ et ce fut sa
perte. 11 négocia en 4539 le mariage d'Anne de Clèvesavec
le roi. Le 10 juin 4540, le duc de Norfolk l'accusa de
trahison en séance du conseil, et il fut immédiatement
arrêté, envoyé à la Tour. Un long acte d'accusation fut
dressé contre lui; on lui imputait des malversations, la
diffusion de livres hérétiques, d'autres crimes encore. Il
n'eut même pas le bénéfice d'un jugement régulier. Un
bill fVattainder dirigé contre lui passa sans opposition à
la Chambre des lords, où, sauf Cranmer, personne n'osa
élever la voix en sa faveur. Le dégoût de Henri VIII pour
Anne de Clèves et surtout pour l'alliance avec les protes-
tants allemands personnifiée par Anne de Clèves, avait
déterminé ce coup de théâtre. Dans le malheur, comme dans
la bonne fortune, Cromwell manqua de dignité. Il accabla
le roi de supplications ; mais Henri VIII, qui était resté de
pierre devant les prières du cardinal d'York agenouillé
pendant trois heures devant son trône, ne fut pas, cette
fois, plus clément. Il se fit lire trois fois, dit Burnet, le
placet de Cromwell, qui se terminait ainsi : « Most gracions
prince, I cry mercy, mercy, mercy », et fit dresser l'écha-
faud à Tower Hill. Telle fut la fin de Thomas Cromwell
« le cardeur de laine », the cloth carder^ pour employer
le nom par lequel Henri VIII ordonna de désigner désormais
son ancien favori, après Tavoir dépouillé de tous ses titres.
« On a trouvé par inventaire chez Cromwell 7,000 hv. st.
de meubles, écrit l'ambasssadeur de France, sans compter les
vases d'argent, les croix, les calices et autres dépouilles des
églises, estimées à pareille somme. On a porté tout cela pen-
dant la nuit au trésor royal. On a trouvé aussi beaucoup de
lettres... » C'est grâce à ces lettres, aujourd'hui conservées
au Public Record Office de Londres avec les memoranda
autographes de Cromwell, que les historiens ont été en
mesure de restituer de nos jours la figure de ce personnage,
transfiguré et idéalisé au xvu^ siècle par le puritanisme
victorieux, qui vit en lui un précurseur. Ch. V.-L.
BiBL, : Calendars of State papers. Règne d'Henri VIII.
— F.-A. Gasquet, Henri VIII and the englishmonasteries ;
Londres, 1888, t. h'\ chap. x, in-8. — Leslie Stephen, Dic~
Lîonary of national biography ; Londres, 1888, Xltl, 192.
CROiVlWELL (Olivier), protecteur d'Angleterre, né à
Huntingdon le 25 avr. 4599, mort à Whitehall (Londres)
le 3 sept, 4658. Il était le second fils de Robert Crom-
well et d'EMsabeth Steward ; fut baptisé le 29 avr. et reçut
le prénom porté par son oncle sir Olivier Cromwell dlîin-
chinbrook; son père était le second fils de sir Henry Crom-
well d'Hinchinbrook ; celui-ci était fils de Richard Williams,
neveu et protégé du fameux Thomas Cromwell, comte d'Es-
sex, lequel dut sa fortune à ce grand personnage et adopta
son nom ; le père de Richard Williams, nommé Morgan
Wilhams, était un Gallois du comté de Glamorgan, qui avait
épousé Catherine, sœur aînée de Thomas Cromwell, et exer-
çait à Putney la profession de brasseur. Ehsabeth Steward,
mère d'Olivier Cromwell, était fille de Williams Steward
dont la famille était originaire de Norfolk; on a vainement
tenté de la relier aux Stuarts d'Ecosse. Cette famille avait
depuis plusieurs générations affermé des biens de l'abbaye
d'Ely. La mère d'Obvier Cromwell était une femme remar-
quable; elle mourut à Whitehall le 46 nov. 4654 dans sa
quatre-vingt-dixième année.
Premières années de Cromwell. — Olivier Cromwell com-
mença son instruction à l'école adjointe à l'hôpital Saint-
John à Huntingdon. Le 23 avr. 4616, il entra au collège
Sidney Sussex de l'université de Cambridge, où prévalaient
les tendances puritaines. Il se montra bien plus habile et
passionné pour les jeux (football, etc.) et les exercices phy-
siques que pour les études proprement dites. En juin 4647,
après la mort de son père, Olivier Cromwell paraît avoir
quitté l'université pour venir faire à Londres les études
juridiques indispensables à un homme de sa condition ; il
fut, dit-on, membre de la corporation de Lincolns Inn. Le
22 août 4620, il épousa à l'église Saint-Giles, de Cripple-
gate, Elisabeth Bourchier, fille d'un marchand de la Cité de
Londres, sir James Bourchier, de Tower Hill; à ce moment
encore le nom de Wilhams paraît avoir été donné au marié
comme celui de Cromwell. 11 se rendit alors à Huntingdon
où il établit sa résidence. Sa famille y avait beaucoup perdu
de son importance, et son oncle dut en 4627 vendre sa
maison d'Hinchinbrook à sir Sidney Montagne qui succéda
à son influence. Olivier n'eut d'ailleurs que le tiers de l'hé-
ritage paternel, les deux autres tiers ayant été réservés par
son père (durant vingt et un ans), pour sa mère et ses
sœurs. Cependant, il fut élu en 4628 député d' Huntingdon
'au parlement convoqué par le roi Charles P^ (V. ce nom).
H n'y joua aucun rôle, prit seulement la parole une fois,
le II févr. 4629, pour réclamer la liberté de prêcher la
doctrine puritaine et de développer les controverses reli-
gieuses ; il attaquait l'évêque de Winchester. Nul autre
discours de Cromwell n'est mentionné, et celui-ci même fit
peu d'effet. Pendant les onze années suivantes, où le roi
gouverna sans parlement, nous savons peu de chose de
Cromwell. Il fut nommé en 4630 juge de paix du bourg
d'Huntingdon, entra en conflit avec la municipalité, s'ex-
cusa quand l'affaire fut portée devant le comte de Manches-
ter, et obtint cependant gain de cause ; il défendait la cause
des pauvres. On a raconté qu'il voulut émigrer en Amé-
rique; rien ne le prouve; en 4641, quand la lutte politique
se fut engagée, il déclara, à ce que dit Clârendon, que si
la remontrance au roi avait été rejetée, il aurait quitté
l'Angleterre. Il s'occupait de ses aflaires privées ; en mai
1 634 , il aliénait presque toutes ses propriétés d'Hunting-
don au prix de 4,800 Hvres et en affermait à Saint-Ives.
En 4636, il succéda à son oncle sir Thomas Steward
comme fermier de l'abbaye d'Ely. A ce moment se place
dans sa vie morale une crise grave ; les passions religieuses,
après une période de mélancolie et d'abattement, excitèrent
chez lui un enthousiasme profond qui demeura son prin-
cipal moteur.
Cromwell au Long Parlement. — Lorsqu'il fut envoyé
en 4 640 au Court Parlement, puis au Long Parlement par
la ville de Cambridge, il siégea naturellement avec les
hommes du parti avancé, s'entendant surtout avec son cou-
sin Hampden et avec Saint-John. H prit une grande influence
sur les chevaliers et les bourgeois des comtés de l'Est. Le
9 nov. 4640, il présenta la pétition de J. Silburne pour-
suivi pour avoir vendu les pamphlets de Prynne ; il prenait
une part active aux travaux des comités du parlement; il
483 -^
CROMWELL
demanda la seconde lecture du bill renouvelant la loi
d'Edouard III sur les parlements annuels (30 déc. 1640),
et appuya la pétition des gens de Londres contre Fépisco-
pat (mai 1641). Lorsque la situation s'aggrava et que le
parlement à l'approche d'un conflit commença d'empiéter
sur le pouvoir exécutif, Cromvi^ell manifesta la décision et
l'énergie de son caractère ; il fut un des promoteurs les
plus résolus de toutes les mesures prises depuis la fin de
1641 pour subordonner l'armée au parlement, mettre le
royaume en état de défense, souscrivant 600 livres, somme
très forte eu égard à ^es ressources, afin de reconquérir
l'Irlande, puis 500 pour la défense du parlement, faisant
occuper le château de Cambridge ; avec l'aide de Valentin
Walton, de sa sœur Marguerite et son beau-frère Desbo-
rough, qui avait épousé sa sœur Jane, il fit du comté de
Cambridge un quartier général des parlementaires.
Son rôle dans la guerre civile. — Dès le début de la
guerre civile, Olivier Cromwell se joignit à l'armée parle-
mentaire où figura aussi son fils aîné, du nom d'Olivier. Il
avait levé une compagnie de cavaliers dont il était le capi-
taine. A la bataille d'Edgehill, il servait dans le régiment
d'Essex, sous les ordres de sir Philip Stapleton, et se dis-
tinguait par sa valeur. A la fin de l'année 1642, il revint
dans son pays natal pour s'occuper de l'organisation des
grandes associations des comtés de l'Est et du Centre, qui
jouèrent un rôle considérable dans la révolution. Dans la
première de ces associations, Cromwell siégeait pour le
comté de Cambridge ; dans la seconde, pour le comté d'Hun-
tingdon. Il désarma les royalistes de la région et s'établit
à Cambridge qu'il fortifia. En même temps, il accroissait
sans cesse l'effectif de sa compagnie de 60 hommes, la
transformant en un régiment; en janv. 1643, il n'est encore
que capitaine, mais le 2 mars on l'appelle colonel. Au mois
de septembre, il avait dix compagnies ; plus tard il réunit jus-
qu'à quatorze doubles compagnies. Ces soldats étaient animés
du même esprit que leur chef; c'étaient des fanatiques ne
craignant que Dieu ; ils servaient à leurs frais, sans solde,
couchant sur la dure ; les ofliciers étaient choisis avec grand
soin; bourgeois ou petits gentilshommes campagnards, bien
capables de résister à la brillante noblesse, et même aux
routiers éprouvés du prince Robert. L'importance de ce
régiment de cavalerie fut d'autant plus grande que précisé-
ment c'était la cavalerie qui faisait au début de la guerre
civile la grande supériorité des royalistes. Cromwell se dis-
tingua dans des escarmouches où il aguerrit ses hommes ;
le 13 mai à Grantham, avec douze compagnies, il défit un
corps ro3;aliste deux fois plus nombreux. En même temps, il
s'affirmait comme chef des purs, en démasquant les intrigues
des gens qui jouaient double jeu, trahissant ou retardant
les parlementaires. Il se préoccupait surtout de la défense
des comtés associés ; le parlement le nommait gouver-
neur de l'île d'Ely, mais il ne perdait pas de vue la cause
générale. Quand on forma l'armée du comte de Manches-
ter, il y fut l'un des quatre colonels de cavalerie ; son
mérite était déjà assez signalé pour qu'il fût en fait le
second du général. Il eut une grande part à la victoire de
Winceby {ii oct. 1643) qui rendit le comté de Lincoln
aux parlementaires. Il fut nommé lieutenant général de
l'armée du comte de Manchester (9 févr. 1644) ; cela l'obli-
gea à contresigner officiellement le Covenant ; en sa qualité
d'indépendant, peu favorable aux presbytériens, il y avait
grande répugnance, et ne se décida qu'à contre-cœur le
5 févr. Il couvrit le siège de Lincoln, puis fut envoyé pour
renforcer les armées de Fairfax et Leven qui assiégeaient
York. Il prit part à la première des batailles décisives de la
guerre civile, celle de Long Marston Moor (V. Charles l^^),
Cromwell commandait l'aile gauche des parlementaires for-
mée des troupes de l'association des comtés de l'Est et de
trois régiments écossais (vingt-deux compa^^nies) sous les
ordres de David Leslie; en tout soixante-dix compagnies.
Cromwell, à la tête d'un escadron de trois cents cavaliers,
chargea la division du prince Robert ; après un combat
acharné, celui-ci prit l'avantage; Cromwell fut blessé;
mais les escadrons de Leslie soutinrent le choc, et les
troupes du prince Robert cédèrent. Leslie se porta aloi's
contre l'infanterie du centre royaliste ; Cromwell, légère-
ment blessé, poussa devant lui jusqu'à l'extrémité orientale
de l'armée royaliste occupant les positions où se tenait pri-
mitivement l'aile commandée par Goring ; lorsque celui-ci
revint avec ses cavaliers de la poursuite des troupes de
Fairfax qu'il avait rompues, il fut à son tour chargé et mis
en déroute par Cromwell. Cette manœuvre fut décisive et
Cromwell ayant défendu de faire quartier, des milliers de
vaincus jonchèrent le champ de bataille. On a beaucoup
discuté sur le mérite respectif de Cromwell et LesHe, et la
part qui revient à chacun dans la victoire de Marston Moor ;
elle semble égale: mais dès la fin de mai 1644, deux mois
avant, Cromwell avait la réputation d'être le meilleur géné-
ral de cavalerie de son armée, et Leslie avait désiré l'avoir
pour chef; et le prince Robert le regardait comme son
plus redoutable adversaire. Deux mois après la bataille, un
journal donne pour la première fois à Cromwell le surnom
de Côte de fer (Ironside) en attribuant l'invention au prince
Robert; ce surnom devint populaire dans l'armée, fut
appliqué au régiment de Cromwell à qui l'histoire l'a con-
servé. Les Côtes-de-fer firent beaucoup pour le triomphe
de la cause populaire. La popularité qui en résulta pour
Cromwell fut d'autant plus grande qu'après la victoire de
Marston Moor qui livrait le Nord aux parlementaires, leur
général Essex fut contraint de capituler devant le roi dans
l'Ouest en septembre, et qu'en nov. 1644, leur autre géné-
ral, Manchester, fut mis en échec à Newbury où Cromwell
se distingua. Dès le mois d'avr. 1644, on appelait Crom-
well le grand indépendant; il avait dans l'île d'Ely sup-
primé les cérémonies extérieures du culte anglican, et donné
toute liberté de prêcher à ses soldats. Dans l'armée de
Manchester, il profitait de son ascendant sur ce chef pour
défendre les anabaptistes et les sectes religieuses extrêmes ;
les presbytériens, qui avaient à leur tête dans l'année Cra>v-
ford, étaient très mécontents; mais Cromwell obtint du
parlement une décision ofiicielle donnant à l'armée une
véritable liberté religieuse. Après la seconde bataille de
Newbury, une vive polémique s'engagea entre Manchester
et Cromwell ; le premier fut appuyé par les presbytériens
d'Angleterre et d'Ecosse, et par la Chambre des lords ;
celle-ci nomma un comité chargé d'une enquête sur la con-
duite de Cromwell, tandis que la Chambre des communes
nommait un comité pour faire une enquête sur la conduite
de Manchester. Le débat était grave et la cause soutenue
par Cromwell était celle d'une armée autonome, tout au
moins commandée par des gens du métier. A l'instigation
de Cromwell on décida, afin de poursuivre rigoureusement
la guerre en établissant une stricte discipline militaire, de
changer de méthode ; on mettrait à la tête de l'armée des
professionnels, non plus des délégués du parlement. Le
vote de l'acte de renoncement [self-denying ordinance),
par lequel les membres des deux Chambres s'excluaient do
toute fonction militaire, fut décisif dans l'histoire de la
révolution d'Angleterre.
Lorsque la Chambre des lords, après une vive résistance,
eut accepté le bill et que celui-ci revint aux Communes pour
le vote définitif, Cromwell partit pour l'armée de l'Ouest
(févr. 1645), où il servit sous les ordres de Waller. Il se
montra rigoureusement discipliné et obéissant. De même
quand il revint à l'armée de Windsor commandée par
Fairfax (avr. 1645). Il fit merveille à la tête de la cavale-
rie. C'était le 13 mai que devaient expirer les pouvoirs
miHtaires donnés à des commissaires de l'association. A
cette date, Cromwell était aux prises avec le roi (qui avait
pris Leicester) pour protéger les comtés de l'Est ; on décida
de prolonger ses pouvoirs pendant quarante jours. Le
5 juin, une pétition de la Cité de Londres à la Chambre
des lords demanda que Cromwell fût mis à la tête des
comtés associés de l'Est et du Centre ; trois jours après
arriva une lettre de Fairfax et de ses officiers le réclamant
pour commander la cavalerie en affirmant qu'il ne pourrait
CROMWELL
— 484 —
y être suppléé. Le parlement lui donna ce commandement
pour trois mois (18 juin 1645) ; ses pouvoirs furent suc-
cessivement prolongés pour des périodes de quatre ou six
mois, les 8 août, 47 oct. 1645 et 26 janv. 1646. Crom-
well eut ainsi une situation unique en Angleterre ; il fut
seul membre du parlement et seul homme politique consi-
dérable investi d'un commandement militaire; la chose
était d'autant plus grave que déjà cette double situation
lui avait permis de se faire le chef des « indépendants »
et des puritains avancés, très nombreux à l'armée dont il
était le porte-parole du parlement.
Cromwell, rappelé de l'Est par Fairfax, rejoignit l'armée
la veille de la bataille décisive de Naseby (V, Charles P^');
il commandait la droite de l'armée parlementaire et avait
réglé les dispositions de toute la cavalerie ; il paya de sa
personne et décida la victoire en rompant l'infanterie roya-
liste du centre. Il opéra ensuite dans l'Ouest et compléta la
victoire des puritains dans cette région. On lui en mar-
quait une vive reconnaissance. La Chambre des communes
décidait de lui donner une pension de 2,500 livres ster-
ling et de réclamer pour lui du roi le titre de baron (déc.
4645). Envoyé au parlement par Fairfax, il était solennel-
lement félicité et remercié des services rendus (avr. 4646).
En même temps il prévoyait déjà un conflit avec les pres-
bytériens et les Ecossais et hâtait la fin de la lutte en fai-
sant accorder de douces conditions aux royalistes d'Exeter
et d'Oxford. Son influence s'exerçait constamment dans le
sens de la modération. Quand la capitulation d'Oxford eut
terminé la guerre, il revint à Londres où siégeait le par-
lement, y ramenant sa famille, sauf sa fille aînée, Bridget,
qu'il venait de marier au brave Ireton (juin 1646). ÎJne
nouvelle carrière s'ouvrait à lui et il allait passer au pre-
mier plan.
Cromwell chef des Indépendants. — Les presbytériens
avaient organisé le régime ecclésiastique selon leurs vues ;
Cromwell n'avait cessé de revendiquer la liberté religieuse
promise en sept. 4644. Les élections partielles renforçaient
régulièrement le parti indépendant au parlement. Toutefois,
lorsque le roi se fut rendu auprès des Ecossais, le triomphe
des presbytériens parut assuré. On trouvera ailleurs
{V. Charles P*") le récit de cette longue crise où l'obsti-
nation du roi rendit tout accord impossible. L'attitude de
Cromwell fut remarquable ; il était très gêné entre le par-
lement et l'armée qui le considérait comme son champion;
dans le conflit qui s'aggravait, il fit les plus grands efforts
pour sauvegarder l'autorité du parlement, seul pouvoir
légal ; il ga^na beaucoup plus dans l'estime des plus purs
chefs puritains comme Lilburn, tandis (jue Vane et Saint-
Johnse déconsidéraient par leur duplicité. Quand la lutte
devint imminente et que la pétition de huit régiments fut
apportée à la Chambre des communes, Cromwell fut obligé
de se prononcer. Il se rendit à l'armée. Son affidé, le cor-
nette Joyce, enleva le roi et l'amena à l'armée (juin 4647).
Désormais les indépendants étaient les maîtres de la
situation. Cromwell se met ouvertement à leur tête et est
le vrai chef de l'armée. Celle-ci occupe Londres (août 4647)
et domine le parlement. Mais le roi ne traite pas plus avec
les indépendants qu'avec les presbytériens, malgré les
efforts de Cromwell. A ce moment se place l'étrange épi-
sode de la fuite du roi dans l'île de Wight. Elle fut con-
seillée par les envoyés écossais, mais probablement consen-
tie par Cromwell et Fairfax qui ne se sentaient pas maîtres
de l'armée et craignaient de voir Charles I®^ tomber aux
mains des agitateurs démagogues qui ébranlaient la disci-
pline. Devenu suspect aux soldats, Cromwell, qu'on accusait
de s'être vendu au roi pour le titre de comte d'Essex et
l'ordre de la Jarretière, fut menacé dans sa vie. Il avait
pris une lettre du roi à sa femme qui prouvait sa mau-
vaise foi. Cromwell et les ofliciers qui le suivaient se récon-
cilièrent avec les agitateurs ; on célébra par le jeûne et les
prières le rétablissement de l'entente. C'est le 40 nov. que le
roi s'enfuit ; c'est dans les trois grandes revues du 45 au 48
que Fairfax et Cromwell rétablirent leur ascendant sur les
troupes. Ils s'engagèrent solennellement à faire redresser
leurs griefs et à réformer le parlement, et obtinrent la
pi'omesse des soldats d'obéir au général et au conseil de
guerre. Cromwell agit avec énergie ; dans le régiment de
^ Lilburn où prévalait la secte fanatique des levellers,
communistes et républicains, hostiles même au service
militaire, il rétablit la discipline en faisant saisir les
meneurs dont le principal fut fusillé devant le régiment.
Durant le mois de décembre la réconcihation entre l'armée
et ses chefs fut complétée et scellée par un jeûne général
(23 déc. 4647).
Cromwell vainqueur des presbytériens. — Le résultat
fut la constitution d'un véritable gouvernement révolution-
naire. La direction des affaires passa aux mains d'un
comité formé de sept lords et quatorze députés, indépen-
dants dé(4arés tels que Cromwell, Haslerigh, les deux
Vane, etc. ; leur rôle a été comparé à celui qu'eut plus
tard en France le comité de Salut public. Cromwell fut
l'àme de ce comité qui prépara la république en constatant
qu'il était nécessaire et possible de gouverner l'Angleterre
sans le roi. On fit décider par le parlement que nulle
adresse ne serait plus présentée à Charles P^ et qu'on ne
tiendrait plus compte des Ecossais presbytériens et royalistes.
Cromwell consacra tous ses efforts à rétablir l'accord entre
toutes les fractions du parti avancé. Lui-même avait été
incriminé et même formellement accusé de trahison par
Lilburn à l'occasion de ses négociations avec le roi. Il
était d'autant plus urgent de concentrer les forces des
indépendants que les presbytériens et les Ecossais, inquiets
de la tournure prise par les affaires, se montraient disposés
à soutenir le roi, lequel ne se départait pas de son attitude
intransigeante. Non seulement les Ecossais armaient, les
royalistes se groupaient dans le nord et dans l'ouest de l'An-
gleterre, mais à Londres même on criait « Vive le roi ! » et
le parlement était menacé. Cromwell ne faiblit pas ; il
s'écria, dit-on, qu'il fallait obliger la capitale à l'obéissance
ou la réduire en cendres. Il entretint l'énergie des soldats;
au mois d'août 4648, il passa avec eux trois jours en
prières à Windsor. Les indépendants restèrent les plus
forts; Fairfax comprima le mouvement au Sud-Est; Maid-
stone, à Londres ; Cromwell dompta le pays de Galles
(mai) ; six semaines le siège de Pembroke l'arrêta ; il mé-
nagea plus les royalistes que les presbytériens qu'il traitait
d'apostats. Quand il fut libre, il marcha vers le Nord pour
rejoindre le corps de Lambert que refoulait l'armée écos-
saise d'Hamilton ; marchant par la vallée de la Ribble, il
surprit ceux-ci dans le comté de Lancastre entre Preston
et Warrington ; après trois jours de bataille, l'armée
écossaise fut complètement détruite (48-20 août) ; l'infan-
terie, puis la cavalerie capitulèrent. Ces combats furent
décisifs pour l'avenir de la révolution d'Angleterre ;
la victoire remportée par les indépendants anglais, malgré
l'infériorité numérique, ruina à jamais l'influence des pres-
bytériens appuyés sur l'Ecosse, qui depuis six ans diri-
geaient la politique anglaise. Cromwell vainqueur ne se
contenta pas de reprendre tout le sol anglais, il passa la
Tweed et envahit l'Ecosse, occupa les places de Berwick et
Carhsle, et le 4 oct. entra à Edimbourg, solennellement
fêté par les covenantaires ; le parti niodéré d'Hamilton
avait succombé, et les puritains dirigés par Argyle reve-
naient au pouvoir ; ils se rallièrent à Cromwell ; un nou-
veau pacte fut conclu qu'on appela « whiggaraoores raid »
(de là vint le nom de whig) et l'on destitua tous les Ecos-
sais qui avaient porté les armes contre l'Angleterre. En
même temps la flotte, qui s'était mise aux ordres du prince
de Galles, rentra dans l'obédience du parlement anglais.
Les victoires remportées par Cromwell le rendaient maître
de la situation. Ses messages datés de Pembroke et de Pres-
ton témoignent de la confiance qu'il puisait dans ses con-
victions religieuses et de sa résolution d'aller jusqu'au
bout. « Le Seigneur ne veut pas que nous courbions indé-
finiment notre nuque sous le joug du péché ; il brisera le
sceptre de l'oppresseur comme aux jours de Midian... ce
— 485 —
CROMWELL
qui est arrivé est l'œuvre de Dieu ; il abaisse ceux qui
s'élèvent..., accomplissons vaillamment l'œuvre de Dieu et
exterminons ceux qui ne veulent pas vivre en paix... le
peuple rejette même les rois. »
Procès du roi. — A ce moment, le parlement et le roi
également menacés finirent par s'entendre ; il était trop
tard. L'armée du Nord adressa au parlement une remon-
trance, protestant contre ce projet de traité et réclamant
la punition des auteurs de la guerre. L'armée du Sud
(commandée par Fairfax) accentua encore son opposition.
Cromwell qui avait été personnellement mis en cause à la
Chambre des lords, s'associa à ces protestations ; il consi-
dérait les batailles comme des jugements de Dieu et déclarait
que la Providence avait clairement manifesté sa volonté à
laquelle tous devaient se conformer. Le roi fut enlevé de
l'île de Wight; Hammond, le gouverneur de l'île, qui était
en correspondance avec Cromwell , reçut du conseil de
guerre l'ordre d'enfermer Charles I^^ dans le château de
Carisbrook ; le major Rolfe, républicain fanatique, le con-
duisit à Hurstcastle dans le Hampshire (30 nov.). L'armée
du Sud poussait à bout le conflit avec le parlement. Celui-ci '
s'obstinait à traiter avec le roi ; Farmèe de Fairfax procéda
à un coup d'Etat ; c'est ce ^u'on appelle la /?wr^^ dePride.
Le 6 déc, celui-ci exclut cinquante-deux députés presbyté-
riens de la Chambre des communes ; la résistance fut brisée
par une nouvelle expulsion de quarante membres. Cromwell,
qui n'arriva que le 7 déc, manifesta son approbation du
coup d'Etat et vint siéger dans la Chambre expurgée qui lui
adressa des remerciements pour les services éminents rendus
par lui. Il agit désormais en maître, s'installa au palais
royal de Whitehall. Adoptant le principe de la souve-
raineté populaire, il fit décider le procès du roi.
Dès que le roi eut été mis en accusation, Cromwell fut
son adversaire le plus acharné. Plus de la moitié des
cinquante juges se récusaient, se dérobaient, hésitaient ; lui
comprenait qu'il n'y avait plus à reculer et n'hésitait pas à
pousser les choses à l'extrême. Il fut le véritable auteur de
l'exécution de Charles P^*. Il fut aussi son héritier.
La République. — Lorsque la suppression du roi eut
consommé la révolution d'Angleterre, il fallut procéder à
une organisation nouvelle. Des pouvoirs de l'Etat, le roi
avait disparu ; la proposition de donner ce titre au duc de
Glocester, troisième fils de Charles P"*, ne trouva pas
d'écho ; la Chambre des lords avait été mise de côté défi-
nitivement quand elle s'opposa au procès du roi, et sup-
primée comme inutile et dangereuse ; la Chambre des
communes (le Long Parlement), qui avait été réduite de cinq
cents membres à quatre-vingts, par les défections et les
expulsions, restait le seul pouvoir constitué. On la ren-
força par des élections partielles et le rappel de ({uelques
membres expulsés ou absents, et elle compta cent cinquante
membres. Le pouvoir exécutif fut confié à un conseil de
quarante-deux membres dont cinq lords, quelques juges et
chefs militaires ; à la tête était Cromwell bien que Bradshaw
fût président et que Fairfax, président du conseil de guerre,
eût aussi le pas sur lui ; Milton était parmi les secrétaires.
Tous les Anglais, âgés de plus de dix-sept ans, prêtèrent
serment de fidélité à ce conseil d'Etat; on fabriqua un
sceau avec la devise : « première année de la liberté res-
taurée par la grâce de Dieu » ; le parlement déclarait que
les lois fondamentales du royaume subsistaient et qu'on
jugerait d'après elles. Le nouveau gouvernement frappa
également les modérés et les radicaux. Les chefs des mo-
dérés, qui avaient passé du parti parlementaire au parti
monarchiste, Hamilton, lord Rolland et lord Capel furent
jugés et condamnés à mort par le tribunal qui avait con-
damné le roi, et exécutés. On décréta de mort les deux fils
aînés de Charles P"^, réfugiés sur le continent. Cromwell
et le conseil d'Etat ne furent pas moins énergiques contre
les exaltés de leur propre parti. Lilburn et un groupe de
fanatiques réclamaient la démocratie complète ; ils atta-
quaient violemment Cromwell et le conseil d'Etat, proje-
tant d'imposer par la force leur propre programme, Les
chefs des « levellers » furent arrêtés et les mutins com-
primés par Cromwell et Fairfax (mai 1649). Ceux-ci
n'avaient nul goût pour un bouleversement social ; Lilburn
fut emprisonné comme auteur du manifeste des « level-
lers », un insurgé fusillé ; les plus enragés, qui tenaient
la campagne avec le capitaine Thomson, furent écrasés.
L'armée se rallia tout entière autour de Cromwell (mai
4649).
Guerre d'Irlande. — Cromwell avait été désigné depuis
deux mois pour la commander ; on le chargeait de répri-
mer la rébellion irlandaise, lui allouant un traitement de
13,000 livres sterling. Il était enfin, de nom comme de
fait, le général en chef. Il partit avec des forces considé-
rables et aborda à Dublin le 15 août 1649 ; les religieux
puritains avaient béni ses drapeaux. La guerre eut la vio-
lence d'une guerre de religion. Cromwell affichait l'inten-
tion de venger le massacre des protestants en 1641. Le
sac de Drogheda est resté tristement célèbre (10 sept.
1649) ; la ville fut prise d'assaut et livrée pendant cinq
jours à la soldatesque ; la garnison et la population catho-
lique furent passées au fil de l'épée. Ces excès, reproduits
plus tard à Wexford, furent imités par les chefs inférieurs;
partout, les prêtres, les soldats qui avaient fait défection
furent massacrés ; le pays fut mis à feu et à sang. L'hiver
arrêta les progrès de Cromwell. La seconde campagne où
Cromwell utilisa les dissensions entre catholiques et pro-
testants lui livra les places de l'intérieur, Cashel, Cahior,
Kilkenny, Clonmel (févr. -mai 1650). L'île était reconquise ;
l'antagonisme créé entre la population catholique et la popu-
lation protestante de l'Irlande ne devait plus s'apaiser.
Cromwell projetait d'ailleurs de faire coloniser l'île par des
Anglais, écrivant jusqu'en Amérique, dans la Nouvelle-
Angleterre, pour inviter des puritains à se transporter en
Irlande avec leurs ministres. On lui a même prêté le projet
de refouler dans le Connaught toute l'ancienne population
(V. Irlande [Histoire]).
Guerre d'Ecosse. — Sur ces entrefaites, Cromwell fut
rappelé en Angleterre et dut repartir laissant son beau-
fils, Ireton, achever son œuvre en Irlande. La guerre repre-
nait ; les royalistes n'avaient pu se maintenir sur mer ;
les princes Robert et Maurice de Palatinat avaient orga-
nisé, des îles Scilly, des expéditions de corsaires ; la flotte
républicaine, dirigée par Blake, les en chassa, occupa
Saint-Mary ; bien plus, les navires anglais pénétrèrent dans
la Méditerranée, dans le port de Carthagène. Mais du côté
de l'Ecosse, les hostilités reprenaient (V. Charles II) ; le
rappel de Charles II était une déclaration de guerre à
l'Angleterre. Le parlement nomma Fairfax général en chef
avec Cromwell pour lieutenant général ; Fairfax se retira
et Cromwell fut acclamé comme généralissime (24 juin
1650). Fairfax n'avait pas voidu prendre l'offensive.
Cromwell n'hésita pas ; n'ayant pu convaincre Fairfax, il
prit sa place se considérant comme désigné par le Seigneur.
Il entra en Ecosse avec seize mille vétérans. David Leslie
l'attendait, retranché près d'Edimbourg. Les deux armées
étaient aussi fortes l'une que l'autre, animées d'un égal
fanatisme, commandées par des chefs de mérite égal.
N'osant attaquer son ennemi dans ses positions et man-
quant de vivres, Cromwell ordonna la retraite. Leslie vou-
lait le laisser partir, le suivre en Angleterre vainquant sans
même combattre ; les ministres presbytériens voulurent
achever leur ennemi sur-le-champ. L'armée de Cromwell
était comme bloquée le long de la mer, obligée de défiler
à Copperspath devant les Ecossais, maîtres des hauteurs ;
quand Cromwell vit ceux-ci descendre de la colline pour
l'attaquer, il s'écria : « Le Seigneur nous les livre. » Le
lendemain, à l'aube, il faisait à ses soldats ses dernières
recommandations : « Priez et ne mouillez pas votre
poudre ! » puis prenait résolument l'offensive, bien secondé
par Monk et Lambert ; l'aile droite des Ecossais fut d'abord
battue ; le reste de leur armée, mis en désordre, se dé-
banda ; la bataille de Dunbar (3 sept. 1650) leur coûta
trois mille morts, dix mille prisonniers ; Edimbourg fut pris.
CROMWELL — 4
Cromwell lança une proclamation invitant les Ecossais à se
soumettre au jugement de Dieu. Tandis que Charles II
rassemblait une nouvelle armée, Cromwell était arrêté par
une maladie dans l'été de 4654 ; il put de nouveau agir,
marcha contre Leslie et occupa Perth (2 août). Il laissait
ouverte la route de l'Angleterre, où se jeta Charles II ; on
le lui a reproché, mais il est vraisemblable que Cromwell
agit en connaissance de cause ; la guerre s'éternisait en
Ecosse, usant ses forces et grevant lourdement le trésor
anglais. En Angleterre, la lutte ne pouvait être longue.
La cavalerie de Cromwell partit en avant pour arrêter le
roi ; Cromwell suivit avec l'infanterie, atteignit son adver-
saire sur les bords de la Severn où il l'écrasa, grâce à sa
supériorité numérique. Dans cette bataille de Worcester,
livrée le 3 sept. 4654, jour anniversaire de la bataille de
Dunbar, Cromwell paya de sa personne, comme il en avait
l'habitude ; il faillit être tué au moment où il s'avançait
pour offrir quartier à ses ennemis. La guerre civile était
terminée. La reconnaissance du parlement se traduisit par
l'octroi à Cromwell d'apanages d'une valeur annuelle de
4,000 livres sterling et du château d'Hamptoncourt. La
répression fut sévère ; lord Derby fut mis à mort, une
foule de royalistes virent leurs propriétés confisquées ; les
biens do la couronne furent employés à payer les frais de
ia guerre ; les châteaux et palais, les collections royales
vendus. Une véritable terreur plana sur les monarchistes
qui, désormais, ne remueront plus. En Ecosse, Monk (V. ce
nom), que Cromwell avait laissé comme lieutenant, acheva
la victoire par le sac de Dundee ; les chefs politiques et
religieux de ce pays furent internés en Angleterre ; même
les Highlands se soumirent. De son château de Dalkerth,
Monk gouverna l'Ecosse en dictateur, la traitant en pays
conquis comme l'Irlande. Cromwell et le parlement profi-
tèrent de ces succès pour proclamer l'union des royaumes
d'Ecosse et d'Angleterre ; la république réalisait ainsi
l'union de la Grande-Bretagne jue n'avaient pu faire les
Stuarts. Quel gouvernement allait-on donner à cet Etat? Il
y fallait l'accord du parlement et de l'armée ; l'arbitre do
la situation était le grand vainqueur. Plus il affectait d'hu-
milité, plus les républicains qui se défiaient de lui étaient
inquiets, telLudlow.
Dans les conférences tenues en déc. 4654, Cromwell
déclare que la meilleure organisation de l'Angleterre serait
celle qui comporterait un certain pouvoir monarchique.
D'autre part, il demandait à être relevé de son commande-
ment et à rentrer dans la vie privée. Bien entendu, le par-
lement refusa de se priver de ses services. Tout le monde
avait les yeux tournés vers le chef de l'armée et des indé-
pendants ; il exerçait au parlement une influence prépon-
dérante ; s'il n'en est pas question à propos de la querelle
avec les Provinces-Unies et du fameux acte de navigation
(9 oct. 4654), il inspira la plupart des autres actes ; celui
par lequel le parlement fixa le terme de ses pouvoirs (il est
vrai que ce n'était qu'en nov. 4654), l'amnistie accordée
en févr. 1652 pour réconcilier les royalistes. Cromwell fut
le principal membre des comités de réforme législative, de
réforme religieuse, où il soutint la tolérance absolue. Les
difficultés renaissaient ; la guerre contre la Hollande obli-
geait le parlement à lever des impositions ; on frappait les
royalistes ; les réformes restaient à l'état de projets ; on ne
voulait entendre parler ni de suffrage universel, ni de
liberté de conscience ; on songeait à opposer à l'armée la
flotte, dont le succès contre la Hollande accroissait l'impor-
tance.
Dissolution du Long Parlement. — Comme cinq années
auparavant, un conflit se dessinait entre le parlement et
l'armée dirigée par Cromwell, Le mécontentement des
troupes s'exprima par la pétition qu'elles rédigèrent (42
août 4652) ; les conférences tenues entre leurs officiers et
les parlementaires (oct, 1652) accentuèrent l'opposition.
Elle portait sur le fond même de la situation. Le parle-
ment se regardait comme la seule autorité subsistant en
Angleterre ; il voulait donc se perpétuer en élisant ou fai-
sant élire de nouveaux membres pour remplacer ceux qui
disparaissaient. Cromwell rejetait cette combinaison; il
acceptait seulement de substituer au parlement perpétuel,
une" série de parlements biennaux, mais permanents.
L'armée n'admettait pas ce point de vue, déclarant ne pou-
voir admettre que le pouvoir législatif usurpât le pouvoir
judiciaire et Texécutif ; elle réclamait des garanties contre
« l'arbitraire du parlement ». Les chefs du conseil de
guerre avec lesquels s'entendit Cromwell furent Lambert et
Harrison ; ils étaient d'accord pour réclamer la nomination
d'un comité de réforme et s'opposer au vote du parlement
biennal. Quand Cromwell vint leur apprendre que, malgré
ses promesses, le parlement allait passer à la troisième lec-
ture du bill, ils reconnurent qu'une solution amiable était
impossible et qu'il fallait en appeler à la force. Alors eut
lieu la célèbre dissolution du Long Parlement. Ce coup
d'Etat fut l'œuvre personnelle de Cromwell. Il amena ses
troupes dans le vestibule, puis entra dans la salle et y prit
sa i)lace dans la Chambre ; il était vêtu de noir, à la mode
puritaine, avec des bas de laine grise. On délibérait sur la
loi électorale ; il se tut d'abord, mais quand on voulut
passer au vote, il se leva et reprocha amèrement à l'assem-
blée ses injustices et son égoïsme, disant que Dieu avait
choisi des hommes plus dignes pour mener à bien son
œuvre. Exaspéré par les objections, il se leva, appela ses
mousquetaires ; le chapeau sur la tête, il se promenait de
long en large, vociférant : « Vous n'êtes plus un parle-
ment ; faites place à des hommes meilleurs ! » Harrison
expulsa le président ; les autres membres furent chassés par
les soldats ; au passage, Cromwell les apostrophait, les
traitant l'un d'ivrogne, l'autre d'adultère, etc. Quand la salle
fut vide, il ferma la porte et mit la clef dans sa poche. Puis il
se rendit à Whitehall où ses officiers étaient réunis et leur
dit : « Quand j'allai à la Chambre, je ne songeais pas à
agir ainsi, mais quand je vis gue le parlement voulait filer
un fil sans fin, l'esprit de Dieu l'emporta en moi. » Le
lendemain, Cromwell se rendit au conseil d'Etat et lui
déclara qu'il ne pouvait plus le considérer que comme une
réunion privée, le parlement étant dissous. Bradshaw
répliqua : « Vous vous trompez si vous croyez que le parle-
ment est dissous ; nulle puissance sur terre ne peut accom-
plir cela, en dehors de la décision de ses membres. » Mais
nulle résistance ne se produisit ; la flotte aussi accepta le
fait accompli.
Il n'y avait plus en Angleterre aucun pouvoir légal ; la
révolution était arrivée à ses conséquences extrêmes ; le
roi, la Chambre des lords, la Chambre des communes avaient
été successivement éliminés par l'armée. Les indépendants,
c.-à-d, les sectes religieuses les plus avancées et les démo-
crates qui dominaient dans l'armée, avaient aboli successi-
vement les institutions monarchiques, épiscopales, aristo-
cratiques, presbytériennes, etc. ; leur chef, Olivier Cromwell,
était dictateur. Comment allait-il user de son pouvoir ?
L'opinion générale était favorable au coup d'Etat ; les
monarchistes espéraient que le général rappellerait Charles II,
se contentant d'un duché et de la vice-royauté d'Irlande ;
d'autres supposaient qu'il allait mettre la couronne sur sa
tête ; on fit son portrait couronné ; les puritains atten-
daient de leur chef la réalisation de leur idéal religieux et
politique. Cromwell lui-même avait un sentiment exact de
la situation. Il jugeait que sa qualité de généralissime des
trois royaumes que lui avait déférée le parlement, l'inves-
tissait du seul pouvoir légal qui demeurât debout. Son auto-
rité était dictatoriale, illimitée, mais provisoire. Les chefs de
l'armée ne pouvaient avoir dissous le Long Parlement pour
usurper le pouvoir. Il fallait évidemment convoquer un
nouveau parlement qui fût l'expression de la volonté natio-
nale et restaurât une autorité civile.
Le Petit parlement. — Le parlement nouveau ou Petit
parlement [Little parliament) fut élu dans des conditions
qui semblaient offrir toutes les garanties aux avancés. On
dressa dans les comtés des listes d'hommes pieux, appar-
tenant aux sectes dissidentes ; parmi eux on choisit
— 487 —
CROMWELL
cent cinquante-cinq députés dont cent trente-neuf pour
l'Angleterre, six pour le pays de Galles, six pour l'Irlande,
quatre pour l'Ecosse. La convocation fut faite au nom
d'Olivier Cromwell, capitaine général et commandant en
chef, la nomination émanant de lui et de son conseil
d'officiers. L'assemblée prit le nom^ de « parlement de la
République anglaise ». Dans son discours d'inauguration,
en remettant au parlement le pouvoir suprême, Cromwell
manifesta clairement son opinion. La guerre avait livré
le gouvernement au peuple de Dieu. Des hommes pieux
avaient affranchi le peuple du joug monarchique; des
hommes pieux étaient appelés à le gouverner. Malheureu-
sement la piété et le fanatisme ne suffisaient pas pour
bien régir les Iles-Britanniques ; l'assemblée des saints a
été ridiculisée par les pamphlets royalistes et a conservé
le sobriquet de parlement Barehone (V. ce nom); non
contents de prendre des prénoms bibhques Habacuc, Zoro-
babel, etc., beaucoup de ses membres faisaient précéder
leur nom d'une maxime religieuse, d'un verset de la Bible.
Ce qui était plus grave, c'était que ces hommes zélés et
inexpérimentés étaient beaucoup plus radicaux que le dic-
tateur ; ils voulaient réellement établir le règne de Dieu
en bouleversant toute l'organisation du pays : simpli-
fication de la justice, rédaction d'un code unique, con-
forme à la parole divine ; séparation de l'Eglise et de
l'Etat ; abolition des patronages et dîmes ecclésiastiques ;
élection des pasteurs par les fidèles, substitution du mariage
civil au mariage religieux. Ce simple énoncé montre com-
bien les démocrates et les anabaptistes de 4653 étaient en
avance sur leur temps ; on attaquait même le droit de pro-
priété. Cromwell tenait essentiellement au maintien d'une
Eglise nationale ; il profita du mécontentement des républi-
cains conservateurs et de l'inquiétude générale du pays
pour intervenir. Quand la majorité radicale du Petit Parle-
ment voulut réduire l'armée et la marine, que ses chefs accu-
sèrent les soldats d'être les janissaires de Babylone dont la
destruction était nécessaire au royaume des saints, le géné-
ral mit un terme à leurs sessions. La minorité conservatrice
abdiqua ses pouvoirs aux mains de Cromwell, quelques
mousquetaires expulsèrent le reste des membres du parle-
ment (déc. 4653]. Ils avaient reçu leur mandat de Crom-
well et du conseil de guerre, ceux-ci le leur retiraient.
Le peuple assistait indifférent.
L'instrument de gouvernement. Cromwell protecteur
d'Angleterre. — L'échec du Petit parlement laissait
l'Angleterre sans constitution. Le conseil de guerre assem-
blé à Whitehall en prépara une. Il semblait indispensable
de rétablir un ordre de choses analogue à la monarchie et
de concentrer en une main, celle do Cromwell, le pouvoir
exécutif. Les démocrates fanatiques comme Harrison étaient
découragés ; le général Lambert proposa un projet de cons-
titution. Cet instrument of government attribuait le
pouvoir législatif dans les trois royaumes unis à un parle-
ment de quatre cents membres, élu au suffrage universel
(sauf exclusion de ceux qui avaient porté les armes contre
la république) ; le pouvoir exécutif était attribué à un
protecteur nommé à vie, qui l'exerçait avec l'assistance
et le contrôle d'un conseil d'Etat ; il avait le commande-
ment des forces de terre et de mer, le droit de guerre ;
un Stuart ne pouvait être protecteur. En l'absence du
parlement, le protecteur et le conseil d'Etat rendaient des
ordonnances ayant provisoirement force de loi. La dignité
de protecteur (lord protector) fut offerte à Cromwell qui
l'accepta à la satisfaction générale. Le 46 déc. 4653, il
prit solennellement possession du pouvoir à Westminster
en présence des officiers de l'armée, des autorités munici-
pales de Londres, d'un grand nombre de fonctionnaires
et de juges. Le 44 avr. 4654, il s'installa dans les appar-
tements royaux de Whitehall. Il possédait, sans le titre,
l'autorité royale.
Politique de Cromwell. — Quand il voulut l'exercer, il
se trouva aux prises avec les mêmes difficultés que le roi ;
seulement il était plus fort. Seuls les anciens cavaliers,
légitimistes intransigeants, et les sectaires religieux les
plus avancés demeuraient hostiles. La période la plus
remarquable du gouvernement de Cromwell fut celle où il
gouverna seul, de déc. 4653 à sept. 4654, rendant des
ordonnances législatives; dans ces quelques mois il en
promulgua quatre-vingt-deux ; les principales furent rati-
fiées par le parlement en l'année 4656. Elles font le plus
grand honneur au protecteur et témoignent de son grand
sens politique. Il organisa le triple royaume uni, le dotant
d'une législation nouvelle. En Ecosse, la justice fut réorga-
nisée, les cours et les servitudes féodales abolies ; l'incor-
poration à l'Angleterre fut complétée; sous un régime
libéral et favorisant le commerce, le pays se releva. En
Irlande, des privilèges furent accordés aux immigrants ;
la représentation de l'île sœur au parlement britannique
fut réglée. En Angleterre, la grosse affaire fut la réorga-
nisation de l'Eglise ; un comité d'enquête examina les
titres des candidats aux bénéfices ; des commissions sur-
veillèrent les mœurs des ecclésiastiques ; des droits égaux
furent accordés aux trois principaux groupes religieux :
presbytériens, baptistes et indépendants. Les rigoristes
reçurent satisfaction par les ordonnances contre le duel,
les combats de coqs, les courses, etc. La réforme judiciaire
fut commencée ; la cour de la chancellerie remaniée ; les
frais de justice atténués; on prépara la re vision du code
criminel. Enfin la réforme du système électoral et repré-
sentatif réclamée par l'armée depuis 1647, élaborée par
Ireton et le Long Parlement, décidée par le conseil de
guerre en 4553, fut appliquée par Cromwell.
Conflit de Cromwell et du Parlement. — Conformé-
ment à « l'instrument de gouvernement » fut élu un par-
lement (à chambre unique) de quatre cents membres dont
trente pour l'Ecosse et l'Irlande, qui se réunit le 3 sept.
4654, devant siéger cinq mois, aux termes de la consti-
tution. Cromwell ouvrit la session par un discours où il
prémunit les députés contre les projets révolutionnaires des
« levellers » et des « hommes de la cinquième monarchie »,
adversaires de la société civile et de la société religieuse,
et demanda la ratification des institutions établies par lui.
Mais il retrouva dans l'assemblée l'esprit du Long Parle-
ment. Elle se considérait comme représentant le peuple
souverain et voulait que le chef du pouvoir exécutif lui fût
subordonné ; elle lui contestait l'autorité égale et autonome
que lui attribuait « l'instrument de gouvernement ». Le
conflit reprenait. Le protecteur déclara que la constitution
établie par le conseil de guerre, acceptée par Dieu et les
hommes, ne pouvait être changée. Le pouvoir exécutif
devait rester concentré en une main ; la disposition de la
force armée devait être partagée entre le protecteur et le
parlement ; la liberté de conscience reconnue ; le parlement
ne pouvait siéger en permanence. Il déclara qu'on le met-
trait au tombeau avant de lui faire abandonner une de ces
quatre dispositions fondamentales (42 sept, 4654) ; il fit
envelopper la Chambre par ses troupes et exigea que
chaque membre signât une acceptation écrite de ces quatre
articles ; trois cents députés, dont le président, signèrent
et jurèrent fidélité au protecteur; quatre-vingt-dix se reti-
rèrent, refusant de concéder à Cromwell des droits qu'ils
avaient dénié à Charles P*". Même la majorité qui avait
cédé continuait de se regarder comme une assemblée cons-
tituante ayant le droit de revision au moins sur le reste
de la constitution. Ils entreprirent l'examen de « l'instru-
ment de gouvernement » et ne se firent pas faute d'empiéter
sur les quatre articles ; ils maintinrent la surveillance de
l'Etat sur les associations religieuses, portant atteinte à la ^
tolérance garantie par Cromwell ; surtout ils ajournèrent
le vote des subsides pour l'armée et la marine afin de pro-
longer leur session, et protestèrent contre les taxes illéga-
lement levées pour l'entretien des troupes. C'était le point
sensible. Le 22 janv. i 655, Cromwell prononça la disso-
lution du parlement, comptant les cinq mois de session
d'après le calendrier lunaire. L'entente demeurait impos-
sible entre le dictateur et les représentants qui s'obstinaient
CROMWELL
- 488 -
à revendiquer la souveraineté. La situation intérieure
demeurait donc menaçante et instable.
Succès de Cromwellà l'extérieur. Grandeur maritime
DE l'Angleterre. — A l'extérieur, Cromwell avait mieux
réussi et c'est vraiment de lui que date la grandeur de
l'Angleterre en Europe. Depuis son expédition d'Irlande il
était regardé comme le maître de l'Angleterre. Ses vic-
toires d'Ecosse avaient décidé les cours étrangères à re-
connaître la république. La république des Provinces-Unies
ayant refusé de se fédérer avec la république sœur, ayant
donné asile aux Stuarts parents de la maison d'Orange,
appuyé les corsaires équipés par les « cavaliers » ; laissé
sans vengeance le meurtre de l'ambassadeur anglais Doris-
lans en mai 4649, fut durement frappée par 1' « acte de na-
vigation » (9 oct. d651) ; la visite des bâtiments hollandais
et des hostilités dans la Manche amenèrent une guerre
(mai 4652), où le puritain Blake (V. ce nom) donna
bientôt l'avantage aux Anglais : Cromwell avait eu peu de
part à ces faits; mais c'est lui qui signa la paix le i5avr.
4 654, fit exclure les Stuarts de la république néerlandaise,
et la maison d'Orange de ses dignités suprêmes ; le droit
de visite et le salut reconnus aux navires anglais affir-
mèrent la supériorité maritime de la nation insulaire. Elle
en fit bientôt l'usage le plus étendu. Au moment où
Cromwell prit le pouvoir et la direction des affaires étran-
gères, l'Angleterre était en guerre non seulement avec la
Hollande, mais avec le Portugal, en hostilité avec la France
et le Danemark. Le Danemark traita le 14 sept. 1654,
ouvrant le Sund aux navires anglais et indemnisant les
négociants anglais des pertes éprouvées par eux. Quelques
mois plutôt une convention de commerce et d'amitié avait
été signée avec la Suède ; le légiste Whitelocke, ambassadeur
de Cromwell, trouva la reine Christine pleine d'admiration
pour le grand homme; un traité fut signé en juin 4656.
Enfin le Portugal conclut un traité qui assurait aux Anglais
de grands privilèges pour leur marine et la tolérance reli-
gieuse pour leurs nationaux. Les trois traités signés avec
la Suède, le Danemark, la Hollande, étaient destinés à
préparer une grande ligue des Etats protestants ; le pro-
tecteur s'efforçait, pour y arriver, de réconcilier la Suède
avec la Hollande et le Danemark ; il témoignait une égale
sollicitude pour la religion et pour le commerce de sa
patrie. Du côté de la France, il avait, dès 4652, négocié
personnellement avec Mazarin et avec Condé et les fron-
deurs, et demandé la cession de Dunkerque. Sa situation
était excellente, car la France et l'Espagne, les deux grandes
puissances catholiques, étaient en guerre et se disputaient
son alliance. On n'avait pas pardonné aux Espagnols le
meurtre de l'agent du parlement, Arham, tué à Madrid;
les relations s'aigrirent; la municipalité de Londres, dé-
vouée à Cromwell, réclama pour les Anglais la liberté
commerciale dans les colonies espagnoles et des garanties
contre l'inquisition. Il y avait bien plus à gagner contre
l'Espagne que contre la France ; le protecteur reprit donc
la tradition de la reine Elisabeth . Il équipa deux grandes
flottes qui furent confiées l'une à Blake, l'autre à William
Penn. Blake promena le pavillon britannique dans la Mé-
diterranée, protégeant le connnerce national ; il imposa le
payement d'une indemnité à la Toscane et au pape qui avaient
soutenu le prince palatin et les royalistes anglais ; il mit à
la raison les chevaliers de Malte qui avaient pillé les pro-
testants; après ces corsaires il châtia ceux des côtes bar-
baresques ; il brûla la flotte tunisienne dans le port de
Tunis et força le dey à relaxer les captifs anglais (avr.
4655) ; ceux d'Alger et de Tripoli se hâtèrent de traiter.
Sur ces entrefaites un incident imprévu eut un grand rôle
dans la politique européenne. En avr. 4655, les Vaudois
furent massacrés dans les Alpes piémontaises. Cromwell se
déclara leur champion, ouvrit une souscription à leur
profit'; il crut l'occasion bonne pour fédérer toutes les
puissances protestantes d'Europe, et Milton rédigea des
lettres dans ce sens ; un ambassadeur fut envoyé à
Louis XIV, un autre au duc de Savoie pour protester,
Blake menaça Villefranche et Nice ; surtout les cantons
protestants de Suisse furent invités à s'allier à l'Angle-
terre et à attaquer la Savoie. La froideur des Suisses mit
obstacle à ce projet. Mazarin. également désireux d'éviter
une guerre générale et d'obtenir l'amitié de l'Angleterre,
obligea le duc de Savoie à donner satisfaction à ses sujets
protestants (traité de Pignerol, 48 août 4655). Le projet
de ligue protestante tomba dans l'eau. D'autre part,
l'alliance française devenait nécessaire à Cromwell, car la
guerre avec l'Espagne avait éclaté. Suivant une tradition
de leur politique, les Anglais la commencèrent sans décla-
ration. Penn essaya de s'emparer de Saint-Domingue
(avr. 4655). Il échoua, mais occupa l'île de la Jamaïque
qui devint une belle colonie anglaise, leur point d'appui
dans la mer des Antilles. Cadix et Malaga furent canonnés
dans l'automne de 4656. Blake s'empara, à l'embouchure
du Tage, de la flotte qui rapportait d'Amérique les lingots
d'argent. Le 20 avr. 4657, il détruisit, à la hauteur de
Ténérife, seize galions et conquit an immense butin. Le
traité d'aUiance avec la France préparé par le traité de
commerce du 24 oct. 4655 (dont une clause secrète pro-
mettait l'éloignement des Stuarts) fut conclu en mars 4657.
Cromwell exigea l'expulsion des Stuarts et de leur entou-
rage, des garanties pour les réformés français, la cession
de Dunkerque. Les vétérans anglais prirent une part con-
sidérable à la victoire des Dunes et au siège de Dunkerque
qui fut pris bientôt après et remis à Lockhart, délégué du
protecteur (4 5 juin 4658). Cromwell réparait ainsi la perte
de Calais. Il est vrai que son projet de ligue des Etats
protestants n'avait pas abouti ; la guerre du Danemark
et de la Suède y mettait obstacle ; les Etats protestants
comme les autres préféraient la recherche de leur intérêt
national à celle de l'intérêt de la religion commune. Tou-
tefois, Cromwell était un des principaux souverains d'Eu-
rope, et l'Angleterre avait conquis l'empire des mers.
Opposition et complots à l'intérieur. — Les succès
considérables de sa politique extérieure n'apaisaient pas
l'opposition à l'intérieur. Comprimée au parlement, elle se
manifestait par des complots, résultat fatal du despotisme.
Les cavaliers étaient pleins de haine pour l'usurpateur,
non moins que les républicains démocrates et les sec-
taires extrêmes pour le tyran. A l'occasion, ils s'entendaient
pour conspirer sa mort. Il fut obligé de sévir ; dans
l'armée les mécontents furent arrêtés et le soulèvement des
« levellers » et des « hommes de la cinquième monarchie »
fut ainsi prévenu. L'insurrection générale projetée parles
royahstes pour févr. 4655 le fut aussi. La répression fut
très dure ; les chefs du mouvement furent exécutés ; un
bon nombre d'autres déportés aux Indes occidentales et
envoyés comme esclaves aux plantations de la Barbade ;
c'était ainsi que Cromwell avait traité les Irlandais. L'An-
gleterre fut divisée en douze circonscriptions : à la tête de
chacune fut placé un major général commandant la milice
et une police développée ; on solda les troupes à l'aide
d'une taxe de 4 0 ^/o du revenu des royalistes ; les lois
puritaines contre l'ivrognerie, les jurons, etc., furent sé-
vèrement appliquées ; le théâtre et les amusements frivoles
de ce genre furent mis en interdit. L'austérité imposée
aux gouvernants était aussi pratiquée par eux; eux et
leurs agents étaient réellement vertueux ; de quelle autre
dictature militaire pourrait-on en dire autant ? Elle ne fut
pourtant pas acceptée sans résistance ; les juristes étaient
pris de scrupule ; Whitelocke et Widdrington résignèrent
le grand sceau ; des juges refusèrent d'appliquer les or-
donnances contre les insurgés du Yorkshire ; le marchand
Cony refusa de payer des taxes que le parlement n'avait
pas votées. Cromwell ne recula pas ; il mit à la Tour les
avocats de Cony, remplaça les juges qui hésitaient par
d'autres moins scrupuleux, et fit recouvrer les impôts par
les majors généraux. « Le peuple, disait-il, a dissous son
parlement parce qu'il préfère son salut à ses passions et
sa sécurité réelle à de simples formes. » On lui objectait
que s'il consultait la nation il aurait neuf personnes sur
— 489 —
CROMWELL
dix contre lui. « Qu*importe, réplicjuait-il, si je désarme les
neuf et que je donne un glaive au dixième. » Il en vint même
à restreindre la liberté de conscience établie par lui. Les
catholiques, considérés par Cromwell et Milton comme un
parti politique, restaient exposés à la rigueur des anciennes
lois ; mais Cromwell les traitait aussi doucement que pos-
sible. Toutes les sectes protestantes étaient tolérées au
même titre. Toutefois, après 1655, les anglicans épiscopaux
ne purent plus célébrer leur culte que privément. Une pro-
clamation du 24 nov. 4655 interdit l'usage public des livres
de prières. D'autre part, les prédicateurs anabaptistes qui
attaquaient le gouvernement furent emprisonnés. Les
quakers (V. ce nom) qui tenaient à Londres leurs pre-
mières assemblées publiques furent suspects, mais bientôt
Cromwell se réconcilia avec leur chef dont il admirait la
profonde ferveur religieuse ; il maintenait énergiquement
contre les presbytériens la liberté religieuse. Les soci-
niens (V. ce nom) étaient aussi maltraités que les papistes ;
on ne les regardait pas comme protestants ; mais s'il em-
prisonna leur chef Biddle, Cromwell le préserva de l'hosti-
lité du parlement. Il n'osa permettre officiellement le re-
tour des juifs bannis depuis quatre siècles et l'exercice de
la religion juive, mais il le toléra à Londres, et des rabbins
vinrent étudier sa généalogie pour savoir s'iil ne serait pas
le Messie. En somme, Cromwell était très en avance sur
son temps et sa tolérance religieuse très remarquable chez
un croyant aussi fervent. Elle ne désarmait pas ses adver-
saires ; bien au contraire. On le vit quand il convoqua un
nouveau parlement afin de faire voter des subsides pour la
guerre contre l'Espagne, L'opposition obtint un succès élec-
toral complet, A sa tête se trouvaient les anciens chefs de
la révolution : Vane, Ludlow, Harrison, Bradshaw.
Cromwell, pour atténuer l'opposition, fit usage du droit de
vérification des pouvoirs attribué au conseil d'Etat par la
constitution et fit excure de la Chambre une centaine de
ses adversaires. Il s'assura ainsi une majorité qui lui octroya
un subside de 400,000 livres pour la guerre. Pourtant elle
refusa de légaliser les pouvoirs des majors généraux ; mais
sous l'impression des complots fomentés par Charles II et
les Espagnols contre la vie du protecteur, le parlement prit
des mesures qui prouvaient son attachement à Cromwell et
dispensaient du recours à la dictature militaire ; des tribu-
naux spéciaux furent institués pour juger les traîtres. Ces
conspirations faisaient sentir à tous combien leur sort dé-
pendait de la vie du souverain très menacé malgré sa
garde. Un heureux hasard le sauva enjanv. d657, quand
on voulut le faire sauter dans sa chambre à coucher ;
Sexby, auteur du fameux pamphlet Kibling no murder
(tuer n'est pas assassiner), et Sindercomb, auteur de ce
complot, furent exécutés; des fêtes célébrèrent le salut du
Protecteur.
Cromwell refuse la royauté. Constitution de 4657.
— Ses adhérents proposèrent alors de lui donner le titre
de roi. En févr. 4657, la discussion fut introduite au par-
lement ; il est douteux que Cromwell en ait été l'instiga-
teur. Le 25 mars, 1 23 voix contre 62 décidèrent que le
protecteur serait invité à prendre le titre, la dignité et la
fonction de roi d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande. Le
président ou orateur (speaker) du parlement vint le
34 mars lui présenter cette pétition. Cromwell demanda
quelques jours pour réfléchir. Des conférences se succé-
dèrent entre les députés et lui ; il exprimait ses scrupules,
se regardant comme le serviteur, le « constable » de la na-
tion, craignant de froisser les républicains ; ils dominaient
dans l'armée; le 27 févr., Lambert et cent officiers
avaient prié le protecteur de refuser la couronne ; celui-ci
la désirait mais n'osait accepter. Le 8 mai, une nouvelle
pétition signée de nombreux officiers fut apportée au par-
lement. Elle détermina le refus définitif de Cromwell qu'il
annonça le même jour. Mais pendant ces trois mois de
tergiversations, le parlement avait voté toute une nouvelle
constitution monarchique ; elle ne fut pas rejetée avec le
titre royal ; on se borna à y inscrire, au lieu du mot roi,
le mot protecteur. Cromwell y adhéra le 25 mai. On lui
donnait des pouvoirs très étendus, le droit de désigner son
successeur équivalant presque à la fondation de dynastie
qui eût été impliquée dans l'appellation de roi. Une Cham-
bre haute était rétablie dont le protecteur nommerait les
membres ; une allocation fixe et permanente était allouée
pour l'armée et la marine. Le 26 juin 4657, Cromwell
fut de nouveau inauguré solennellement comme lord pro-
tecteur dans l'église de Westminster ; il ne portait plus
le costume civil comme la première fois, mais la pourpre,
l'hermine et le sceptre. Ses filles aînées avaient épousé des
bourgeois ; la troisième fut mariée à lord Falconbridge, la
plus jeune àrhéritierducomtedeWarwick(49 nov. 4657).
L'opposition croissait ; quand s'ouvrit la nouvelle session
du parlement en janv. 4658, elle y reprit l'ascendant; une
partie de^ adhérents du protecteur avaient passé dans la
Chambre des lords; ses membres exclus en 4656 furent
réadmis. Les leaders républicains refusèrent de reconnaître
la Chambre des lords ; Haslerigh refusa d'y siéger. Vaine-
ment Cromwell exposa la nécessité d'une entente contre
l'ennemi extérieur, ses grands plans d'une confédération
protestante contre l'Espagne et la maison d'Autriche,
Charles II rassemblant en Flandre les régiments irlan-
dais, les émigrés légitimistes, préparant un débarquement.
Le 4 févr. 4658, Cromwell prononça la dissolution du
parlement après lui avoir amèrement reproché son attitude
et ses misérables querelles.
Mort de Cromwell. •— Malgré ses victoires à l'étran-
ger, le protecteur était découragé de son impuissance à
consolider le régime établi par lui ; dans sa propre famille
ses premiers gendres, Desborough et Fleetwood, étaient
républicains, sa fille Elisabeth Claypole, légitimiste. Sa
santé était très ébranlée par les fatigues de la guerre et
du gouvernement. Au printemps de 4648 et de 4654, il
avait été gravement malade; en 4658, il fut victime des
fièvres malignes, générales en Angleterre à cette date ; la
mort de sa fille préférée, Elisabeth Claypole (6 août 4658)
et les lugubres pressentiments qui attristèrent ses derniers
jours, firent grand effet sur son père ; les accès de fièvre
se succédèrent; il passa d'Hamptoncourt à Whitehall où il
expira le 3 sept. 4658, à trois heures de l'après-midi, le jour
anniversaire des batailles de Dunbar et de Worcester. Une
grande tempête ravageait les côtes anglaises. Cromwell
mourut calme, persuadé qu'il était en état de grâce. Son
corps fut embaumé, transporté à Somerset House le 20 sept.
Les funérailles furent reculées jusqu'au 23 nov. et célébrées
avec une splendeur inouïe; on y dépensa 80,000 liv. st.
Le corps fut déposé dans l'abbaye de Westminster, dans la
chapelle de Henri VII. Après la Restauration, le parlement
décida, sur la proposition du capitaine Titus, que les corps
des régicides Cromwell, Ireton et Bradshaw seraient exhu-
més et accrochés au gibet (4 déc. 4660). Le 26 janv.
1664, la sépulture de Cromwell fut violée et le 30 janv.
4664, douzième anniversaire de l'exécution de Charles I®"^,
ou pendit le cadavre à Tyburn ; la tête fut exposée à
Westminster, le tronc enfoui sous le gibet. Plus tard, on
raconta que cet outrage n'avait pas été infligé au vrai
Cromwell ; d'après les uns, il avait fait transposer les
corps des diverses sépultures royales, et le sien n'aurait
pas été dans son tombeau nominal ; d'après d'autres, on
t'aurait secrètement inhumé sur le champ de bataille de
Naseby. Qu'importent ces légendes. Le déshonneur de cette
vengeance n'est que pour ses ennemis. Quel roi d'Angle-
terre égala Cromwell, non pas même en intelligence et en
grandeur d'âme, mais pour les services rendus comme
souverain ?
Portrait et appréciation. — Olivier Cromwell est une
des personnalités les plus marquantes de l'histoire ; l'admi-
ration qu'il inspirait à ses contemporains ne s'est pas dé-
mentie. Au physique, c'était un homme grand et vigoureux,
haut de cinq pieds dix pouces ; sa tête était forte ; on sait
que le poids de son cerveau, supérieur de moitié à la
moyenne, est le plus élevé qui ait été constaté chez un grand
CROMWELL
— 490 —
homme. Graiigcr et Noble (V. ci-dessous la Bibliographie)
ont donné la liste de ses portraits ; le meilleur est celui de
Cooper qui est à Cambridge (collège de Sussex) ; le cata-
logue des médailles et monnaies le figurant a été dressé par
Henfrey {Numismata Cromwelliana, 1877); celui des
caricatures se trouve dans le catalogue du British Muséum.
Il avait un caractère impressionnable, sensible jusqu'à
l'attendrissement pour les misérables; plein de feu, s'em-
portant parfois, mais reprenant bientôt son sang-froid et
s'inspirant d'une austère moralité. Quand il devint le sou-
verain de son pays, il eut d'emblée l'allure et la majesté
de son rôle. Il n'en fut pas enivré. Très accessible aux
pétitionnaires, il resta d'autre part familier avec ses anciens
amis. Il conserva jusqu'au bout la prédilection des Anglais
pour les exercices physiques, et le goût national pour les
chevaux (V. Courses). Il était aussi sensible aux beautés
artistiques, prit grand soin des fameux cartons de Raphaël,
fit décorer de superbes tapisseries des présidences d'Hamp-
toncourt et Whitehall, y^ conservant des statues au risque
de scandahser les puritains. Il encouragea les lettres; sans
parler de son intimité avec Walles, de ses secrétaires
Milton et Marvell, il rappela en Angleterre Hobbes et
Cowley, favorisa même d'autres royahstes déclarés, pro-
tégea les université sattaquées par les anabaptistes, prit, de
4651 à 1657, le titre de chancelier de l'université d'Ox-
ford et enrichit de manuscrits grecs la bibliothèque
Bodléienne ; il voulut fonder une université à Durham. —
On discute plus sur la valeur morale du protecteur ; nul
ne conteste sa bravoure ; mais les purs républicains
(par exemple Ludlow) le considèrent comme un apostat qui a
sacrifié tout à son ambition personnelle ; de plus indulgents
jugent encore qu'il fut pieux et probe d'abord, puis cor-
rompu par le succès et céda aux tentations qui en résul-
tèrent. L'étude des lettres de Cromwell ne permet guère
de suspecter sa sincérité; d'un bout à l'autre de sa vie, il
s'est regardé comme un instrument de Dieu ; sa grande
préoccupation fut la réforme morale et religieuse de son
pays auquel il voulait assurer la liberté de conscience ; il
avait pour la stricte observance des formes constitution-
nelles le dédain d'un soldat ; « je suis peu scrupuleux sur
les mots et les noms », déclarait-il au parlement. Le repré-
senter comme un ambitieux rusé et hypocrite, c'est ne
rien comprendre à sa psychologie. Olivier Cromwell fut
un puritain convaincu et mystique, doublé d'un général et
d'un homme d'action de premier ordre. « Celui-là va le
plus loin, dit-il, qui ignore où il va. » La supériorité de
son caractère lui valut la première place parmi les indé-
pendants qui accomplirent la révolution ; il se trouva tout
désigné pour le gouvernement de l'Angleterre où il s'efforça
d'appliquer ses idées. Il n'y réussit qu'imparfaitement;
l'opposition énergique que ne cessèrent de lui faire roya-
listes et puritains, démontra combien l'Angleterre était peu
disposée à accepter un régime fondé sur la force, une
tyrannie militaire comme l'empire romain ou l'empire fran-
çais. Plus désintéressé que César ou Napoléon, Cromwell
eut un succès immédiat moins éclatant ; mais il mourut
dans son palais, arbitre de l'Europe et fondateur de la
grandeur maritime du Royaume-Uni. On en revint à sa
politique intérieure et extérieure, cause essentielle de la
supériorité de l'Angleterre dans le monde moderne.
Famille de Cromwell. — Olivier Cromwell avait épousé,
le 22 août 1620, Elisabeth Bourchier; le caractère de
celle-ci est peu connu ; les royalistes ont raillé sa parci-
monie ; on dit qu'elle ne vint qu'avec répugnance à Whi-
tehall. A la mort de son mari, on lui vota une allocation
de 20,000 liv. sterl. et une pension d'égale valeur, lui
attribuant le palais Saint- James. Elle ne reçut rien. Après
la Restauration, elle se retira à Norborough dans le comté
de Northampton, avec son gendre John Claypole. Elle y
mourut le 19 nov. 1665.
Les enfants nés de cette union furent quatre fils et quatre
filles : Robert^ baptisé le 13 oct. 1621, mort en mai
1639. — Olivier^ baptisé le 6 févr. 1623, cornette dans
l'armée d'Essex, mort de la petite vérole en mars 1644.
— Richa7YU qui fut protecteur (V. ci-dessous) et Henry,
gouverneur d'Irlande (V. ci-dessous). — Budget, baptisée
le 4 août 1624, qui épousa breton, le 15 juin 1646, puis
Clmrhs F leetwood (V. ces noms). — Elisabeth, baptisée
le 2 juil. 1629, qui épousa John Claypole (V. ce nom).
— Mary, baptisée le 9 févr. 1637, qui épousa lord Fal-
conbridgeou Fauconberg, le 19 nov. 1657, et mourut le
14 mars 1712. -— Frances, baptisée le 6 déc. 1638,
mariée à Robert Rich, le 11 nov. 1657; après sa mort à
sir John Russell, baronet de Cluppenham, morte le
27 janv. 1721.
Richard Cromwell, protecteur d'Angleterre, né le 4 oct.
1626, mort à Cheshunt le 12 juil. 1712. Troisième fils
et successeur d'Olivier Cromwell, il entra dans l'armée par-
lementaire, puis à Lincolns Inn (mai 1647), épousa le
1^^ mai 1649 Dorothy Mayor. Son père le jugeait indolent
et frivole ; Richard chassait, s'amusait, faisait des dettes ;
il fut élu dans deux circonscriptions au parlement de 1654,
puis à celui de 1656. Son père n'avait aucun désir de
fonder une dynastie ; c'est en nov. 1655 qu'il donne à
Richard un premier emploi public dans le comité de com-
merce. Après la réorganisation du protectorat, Olivier
Cromwell, sentant son œuvre menacée et sa santé ébranlée,
changea d'idée ; il résolut de désigner son fils aîné (les
deux autres étaient morts) pour lui succéder, et l'y prépara :
lui transmettant la chancellerie de l'université d'Oxford,
lui donnant un régiment, un siège à la Chambre des lords.
Il fut considéré dès lors comme l'héritier présomptif. Le
31 août 1659, son père le désigna formellement et renou-
vela son choix dans la nuit du 2 sept. Trois heures après
sa mort, Richard fut proclamé protecteur.
Il fut universellement reconnu. Cependant, dès le début,
l'armée (qui eût accepté aisément Henry) se plaignit que
Richard ne fût pas un homme de guerre comme son père.
Bientôt elle demanda un général en chef. Le désordre se mit
non seulement dans le conseil d'Etat, mais dans la famille
même de Cromwell. Lambert conduisait l'opposition des
officiers, appuyé sur Fleetwood, puritain austère, et par
Desborough, l'autre beau-frère de Richard. Celui-ci, pour
prendre un point d'appui contre l'armée et les « saints »
et pour se procurer des ressources financières indispen-
sables, convoqua un parlement, sur le conseil de ses con-
seillers légistes Thîirloe, Whitelocke, Saint-John (V. ces
noms). On rendit aux bourgs leurs droits électoraux. Ce
retour à l'ancien système donna la victoire aux conser-
vateurs ; l'Ecosse et l'Irlande envoyèrent chacune trente
députés dévoués. Mais l'opposition parlementaire reparut
avec ses chefs éprouvés Vane, Bradshaw, Ludlow, Haslerigh.
A l'origine, on comptait à peine cinquante opposants contre
deux cents gouvernementaux. Mais leur nombre s'accrut.
Ils mirent en doute l'autorité du protecteur en contestant
la validité originelle. Toutefois, 198 voix contre 125 re-
connurent la Chambre des lords ; mais on contesta l'impôt
de 1,300,000 livres établi en 1657, et on refusa de le con-
sentir pour la durée de la vie de Richard. On mit en cause
les condamnations prononcées par les majors généraux et
ceux-ci furent attaqués. C'était attaquer l'armée. Elle ne
laissa pas faire. Fleetwood et Desborough obtinrent de
Richard la convocation du conseil de guerre. Celui-ci pré-
senta les griefs de l'armée. Le parlement, à qui Richard les
transmit, l'invita à faire cesser les réunions du conseil de
guerre, mais ce dernier résista. Richard refusa de verser le
sang quand on lui offrit d'arrêter les mutins. Fleetwood
convoquale 21 avr. 1659 les régiments à Saint-James, tandis
que le protecteur les convoquait à Whitehall. Presque tous
obéirent à Fleetwood. Desborough vint sommer son beau-
frère de dissoudre le parlement ; celui-ci céda. Les officiers
supérieurs voulaient conserver le protectorat ; mais les
officiers inférieurs exigèrent l'établissement de la répu-
blique pure et simple et firent rappeler le Long Parlement
dissous douze ans auparavant par Cromwell (7 mai). Ce
^ parlement croupion^ dont cinquante membres se réunirent
— 491
CROMWELL — CRONEGK
à Whitehall, était un jouet aux mains des chefs militaires.
Les agents royalistes firent de grandes offres aux fils de
Cromwell pour les engager à rappeler Charles II ; les am-
bassadeurs de France et de Danemark appuyaient ces de-
mandes qui demeurèrent sans résultat. Le 43 mai fut
présentée une pétition impérativo de Tarmée, demandant
qu'on payât les dettes de Richard Cromwell et qu'on lui
assurât une pension de 10,000 livres. Un comité de sûreté
générale avait été formé de huit généraux avec trois civils
Vane, Haslerigh et Scott, avec un conseil d'Etat de trente
et un membres dont seize militaires et quinze parlemen-
taires ; ils avaient nommé Fleetwood généralissime, des-
titué les légistes, conseillers d'Olivier Cromv^^ell et de son
fils. Celui-ci se décida à reconnaître le nouveau gouver-
nement et abdiqua le 25 mai 1659.
A partir de ce moment, la grande préoccupation de
Richard fut le payement de ses dettes (29,000 livres) ; il
ne reçut pas les subsides qu'on lui avait promis ; il était
pourchassé par ses créanciers. En févr. 4660, les répu-
blicains aux abois songèrent à restaurer le protectorat de
Richard Cromwell. Dans l'été, il quitta l'Angleterre. Quand
en 1666 on rappela en Angleterre les sujets résidant en
France, il pria Clarendon de l'excepter de la mesure, car
il serait perdu si ses créanciers pouvaient l'appréhender
dans son pays. Il vécut à Paris, sous le nom de John
Clarke, dépensant 600 livres sterling par an, affirmant son
dévouement pour le roi Charles II. Il passa à Genève, puis
en Italie. En 1680, il rentra en Angleterre et vécut dans
la retraite à Cheshunt sous le nom de Clarke. Sa femme
mourut en juin 1676 ; son fils aîné Olivier (né en 1656)
mourut en 1705 ; il n'avait plus que trois filles. Il acheva
sa vie obscurément. C'était un homme parfaitement hono-
rable, mais dénué de toute énergie.
Henry Cromwell, né à Huntingdon le 20 janv. 1628,
mort à Spinney-Abbey (Cambridgeshire) le 23 mars 1674.
Il entra dans l'armée parlementaire et était, en 1647,
capitaine dans le régiment d'Harrison. En févr. 1650, il
avait le grade de colonel, et suivait son père en Irlande,
lui amenant des renforts. Il fut élu député pour l'Irlande
au parlement Rarebone ; quand celui-ci fut dissous, son
père l'envoya à l'armée d'Irlande et il conseilla le rappel
de Ludlow et même de Fleetwood, liés avec les anabap-
tistes. Il fut bientôt après mis à la tête de ces troupes
avec le titre de major général (août 1654) ; son père
hésita longtemps à lui confier le gouvernement de l'île
que Henry prit en sept. 1655, succédant à Fleetwood. II
déporta d'abord aux colonies un certain nombre d'Irlandais,
mais ne voulut pas convertir de force les catholiques, traita
modérément les royalistes et gouverna d'accord avec les
anciens habitants protestants, non au profit de l'armée ; il
fut très aimé des presbytériens et des indépendants mo-
dérés, combattu par les anabaptistes à qui il n'accordait
que la liberté. D'un caractère ombrageux, il parlait sou-
vent de se retirer. Après la réorganisation du protectorat,
il reçut le titre de lord-lieutenant d'Irlande (16nov. 1657).
Malgré les plus grandes difficultés et le manque d'argent pour
solder l'armée, Henry Cromwell maintint l'ordre et acquit
la considération générale ; il était très aimé. Il avait plus
que son père à lutter contre le parti militaire qui entou-
rait le protecteur. Il conseilla à son père de refuser la cou-
ronne pour les raisons mêmes qui décidèrent celui-ci: surtout
l'opposition de l'armée ; il désirait vivement une entente
avec le parlement. Il accueillit avec joie la nouvelle que son
père avait désigné pour lui succéder au protectorat Richard
Cromwell, Il reçut alors une nouvelle commission avec le titre
de lieutenant et gouverneur général (6 nov. 1658). Il accepta,
mais à regret, désirant vivement venir en Angleterre, dont
la situation l'inquiétait. Il apprit la chute de son frère et
fut sondé par les royalistes, son ami lord Rroghill et son
beau-frère lord Falconbridge servant d'intermédiaires ; il
se montra très opposé à une restauration et décidé à ne
pas employer son armée au service de son ambition per-
sonnelle. Rappelé par le parlement en juin 1659, il obéit
et se retira dans le Cambridgeshire. Après la restauration,
des royalistes éprouvés comme Or monde et Clarendon
intervinrent en sa faveur ; on lui laissa ses terres d'Irlande
et il acheva sa vie dans l'obscurité, sans être inquiété. Il
laissa cinq fils et deux filles. Son second fils, Henry Crom-
well, prit du service dans l'armée et mourut en 1711 . — Son
dernier descendant direct, Olivier Cromwell, né en 1742,
mourut à Cheshunt Park (Hertfordshire) le 31 mai 1821.
BiBL. : Outre les histoires générales d'Angleterre (Gar-
DiiVER, Ranke, etc.), il existe un grand nombre d'ouvrages
relatifs à Cromwell. Les sources contemporaines sont
nombreuses. Les lettres et papiers d'Etat de Cromwell
ont été édités en 1737 par Carde, en 1743 par Nickoll, en
dernier lieu par Carlyle (dern. éd., 1871, 5 vol.).
On trouvera une bibliographie détaillée à la notice
consacrée à Cromwell dans le Dict. of national Biogvo,-
phy de Leslie Stephen, t. XIII, pp. 184-186. — Nous cite-
rons seulement les ouvrages essentiels : Mark Noble,
Memolrs of the Protecloral House of Cromwell (avec la
biographie de toute sa famille), 1784, — Olivier Crom-
well, Memoirs of the Prolector Oliver Crom-well and of
his sons Richard and Henry (tiré de papiers de famille
par le dernier descendant direct du protecteur), 1823, 2 vol.
in-8, 3<» éd. — Foster, Life of Cromwell, 1839, 2 vol. —
Carlyle, Olivier Cromwell, Letlej^s and Speeches^ 1845.
— Andrews, Life of Oliver Cromwell ; Londres, 1868. —
Harrison, Oliver Cromwell, 1888. — Guizot, Histoire de
la république d'Angleterre et de Cromwell ; Paris, 1870,
2 vol., 2" éd. —Du môme, Richard Cromwell et la Restau-
ration ; Paris, 1869, 2» éd. — Morifcz Bosgh, Oliver Crom-
well und die puritanische Révolution; Francfort-sur-le-
Main, 1885. — Hœnig, Oliver Cromwell, Berlin, 1887-89,
4 livr. — V. aussi aux biographies de Whitelocke,
Ludlow, etc. ce qui est dit de leurs écrits.
G BON (Joachim-Antoine) , célèbre organiste, né à
Podersken, près de Saatz en Bohême, le 29 sept. 1751
mort au couvent d'Osseg le 20 janv. 1826. Après avoir
travaillé à Prague avec les maîtres Fr. Brixi et Jos. Seger,
il séjourna à l'université de cette ville, fut ensuite soldat,
puis entra en 1776 dans Tordre des cisterciens d'Osseg.
Il fut professeur à Leitmeritz, à Kommotau et enfin à
Prague (1805) où il tint l'emploi de professeur de théo-
logie à l'université. Cron fut un des meilleurs organistes
de la Bohême et de l'Allemagne entière. En dehors de
divers ouvrages techniques il écrivit plusieurs compositions
pour clarinette et piano. Il eut aussi une grande réputation
comme virtuose sur l'harmonica. Ch. Bordes.
CRONACA (Simone Pollajuolo, surnommé II), célèbre
architecte italien, né à Florence en 1457, mort en 1508.
Forcé de s'enfuir pour quelques peccadilles, il se rendit très
jeune à Bome et après y avoir étudié avec fruit les mo-
numents antiques, il retourna dans sa ville natale, oii ses
récits et descriptions presque fastidieux des splendeurs
romaines lui valurent le surnom de « Chroniqueur » (Cro-
naca). Après la mort de Benedetto da Majano (1497), il
termina la construction du palais Strozzi ; la belle cor-
niche dont il l'orna lui valut l'immortahté. Nous citerons
encore de lui, à Florence, le couvent des«Fratide' Servi»,
l'éghse de San Francesco al Monte (inaugurée en 1504),
que Michel-Ange appelait la « bella vilanella » (la belle
villageoise), la grande salle du conseil dans le palais de la
Seigneurie. On lui attribue en outre le beau palais des
Guadagni. Lié avec Savonarole, le Cronaca fut un de ses
principaux partisans.
BiBL. : VASARi,ie Vite, éd. Milanesi. ~ E. Mûntz, His-
toire de l'art penaant la Renaissance, t. II, pp. 414-415.
CRONANDER (Jacob-P.) (V. Chronânder).
CRONAT-suR-LomE (Craimacum), Com. du dép. de
Saône-et-Loire, arr. de Charolles, cant. de Bourbon-
Lancy ;' 1,584 hab. Moulins. Ancien château. Cronat a
été chef-lieu de canton pendant la Bévolution.
CRON CE. Gom. du dép. de la Haute-Loire, arr» de
Brioude, cant. de Pinols; 455 hab.
CRONE. Sorte de grue disposée sur les quais, et destinée
aux chargements et aux déchargements des navires.
CRONEGK (Johann-Friedrich, Freiherr von), poète al-
lemand, né à Ansbach le 2 sept. 1731, mort à Ansbach le
1^*^ janv. 1758. Il fit ses études d'abord à Halle, ensuite à
Leipzig, où il entra en relations avec Gellert. Il fut nommé
successivement conseiller de gouvernement et conseiller de
CRONEGK — CRONSTEDT
492 —
justice dans sa ville natale. La carrière littéraire de Cronegk
a été courte ; mais son nom a survécu grâce à son Codrus,
qui remporta le prix proposé par Nicolaï pour la meilleure
tragédie allemande. Malheureusement le poète mourut de
la petite vérole, avant d'avoir connu le résultat du con-
cours. Il venait de publier aussi un poème didactique inti-
tulé : Die Einsamkeiten (Zurich, n57). Les oeuvres
de Cronegk ont été recueillies par Uz (Leipzig, 4760-
d764; 2^ édit. 1774-4773). A. B.
BiBL. : Henriette Feuerbach, Uz und Cronegk; Leipzig,
1866.
CRONHAMN (Johan-Peter), musicien et biographe sué-
dois, né à (Estra Karup (Halland) le 7 mai 4803, mort
le 45 juil. 4875. Successivement musicien de régiment,
maître d'école, étudiant, organiste, employé aux douanes
et aux finances, il devint maître de chant (4842) et
secrétaire (4870) à l'académie de musique dont les Actes
renferment plusieurs éloges écrits par lui. Il composa la
musique de chansons militaires, enfantines, scolaires, deux
Manuels de chant (4 854 , 4 870) , Musica sacra (4 854-67),
et arrangea des mélodies populaires pour Runa de Dybeek
(4842). — Son fils, Frithjof Cronhamn, né en 4856,
bibliothécaire de l'académie de musique et correspondant
de divers journaux, a publié Majeur et Mineur, calen-
drier musical illustré (4888). — Leur parent, Anders-
Fredrik Cronhamn, né en 4843, pasteur dans le diocèse
de Lund, a publié un recueil de Poésies lyriques (4834-
44,2fasc.). B-s.
CRONHIELM (Gustaf, comte), homme d'Etat suédois,
né à Stockholm le 48 juil. 4664, mort le 3 juin 4737.
Petit- fils d'un cuisinier de la reine Christine, venu de Mis-
nie (4647) et dont le fils Polycarpus (4629-4698), ano-
bU en 4675 et fait baron en 4694, devint gouverneur de
deux provinces, il fut gentilhomme de la chambre à la
cour du duc de Wurttemberg (4686-7), puis à celle du roi
de Suède, ce qui ne l'empêcha pas d'étudier à fond la
jurisprudence et de faire des extraits de la correspondance
des ambassadeurs suédois. Il succéda à son père comme
gouverneur du laen de Vesterâs (4698), fut maréchal delà
diète en 4740, chancelier de la cour, président du comité
législatif. Promu comte (4742), chancelier de l'université
de Lund (4743), de celle d'Upsala (4749), il devint prési-
dent du collège de commerce (4748) et de la chancellerie
(4749). Ayant dénié à la sœur de Charles XII le droit de
lui succéder et au prince Fredrik, époux de cette reine,
le droit de se mêler des affaires étrangères, désapprouvé
Gœrtz, et blâmé le manque d'énergie dans les préparatifs
de défense, il fut dépossédé de ses charges, mais réintégré
par le comité secret. Il se joignit au parti holsteinois,pius
tard au parti français. Il parlait le latin avec facilité et écrivait
le suédois avec une netteté et une vigueur qui distinguent le
Code de 1184^ rédigé sous sa direction. Il traduisit d'Erasme
V Education d'un prince chrétien (Stockholm, 4724).
Son éloge, prononcé par H. Jserta, figure dans les Actes
de V académie suédoise, 4850, t. XXIII. B-s.
CRONHIELM (Christina-Charlotta-Ulrika, comtesse),
romancière suédoise, née le 24 août 4784, morte le 25 mai
4852. Mariée en 4847 au major Berger, elle puWiaà part
ou en feuilletons un grand nombre de romans, entre autres:
les Priso7iniers français en Suède (1845), la Grotte
enchantée (4846), Eilda et Ebba (4846), Albert et
Louise (4 817), Agnès et Alfred (iS^S), Nouvelles (4846);
et dans divers recueils des poésies parmi lesquelles on cite :
la Reine Capriciosa, la Plus Grande Folie, Vie de céli-
bataire, et surtout Une Croix sur le tombeau d'Ida. —
Son frère, Polycarpus-Erik Cronhielm, né en 4797, mort
en 1856, fut gouverneur du laen de Kopparberg. Il publia :
Eléments d'arithmétique et de planimétrie (4829 ;
5^ éd., 4859 ; 6«, remaniée par O.-Chr. Sylvan, 4883) ;
Eléments de séries et de logarithmes (4834 ; 5^ éd.
4858). B-s.
CRONHOLM (Abraham), historien suédois, né à Lands-
krona le 22 oct, 4809, mort à Stockholm le 27 mai 4879.
Ayant plus d^aptitude pour les recherches d'érudition que
pour l'exposé oral ou écrit, il perdit bien des années
comme docent (4829), adjoint (4834) et professeur
extraordinaire (4849) à l'université de Lund dont la bi-
bhothèque était loin de lui offrir des ressources suffisantes ;
aussi donna-t-il sa démission en 4855, après avoir obtenu
de la diète une subvention pour ses futurs travaux. Il put
dès lors étudier à son gré dans les archives de Stockholm,
Copenliague, Vienne, Dresde, Munich, Berlin. On lui doit
quatre thèses en latin : sur l'histoire de Snorré, sur celle
de Beda, sur les ordres monastiques au moyen âge, sur la
noblesse instituée en Suède avant l'union de Kalmar ; et
les ouvrages suivants en suédois : les Vœrings (Lund 4832);
les Expéditions des Scandinaves à VOuest et a VEst
(2 part. 4833) ; la Ligue catholique et les Huguenots
(4839); Histoire politique de la Skanie (4847-4854,
2 vol.) ; Histoire de la guerre de Trente ans et les
négociations avec V Allemagne de i6S2 à i648 (4848-9;
2« éd. Stockholm, 4876-4880, t. I, et4'^^ part, du t. II);
Histoire de Gustave-Adolphe (Stockholm, 4857-72,
6 vol. in-8), qui est son œuvre capitale ; des mémoires
dans les revues et nombre d'articles dans le Biographiskt
Lexicon, ainsi que des notices à part sur M. -G. de la
Gardie et J. Adler-Salvius (4836). — Son frère, Ber-
nhard'August Cronholm, né à Landskrona le \ 8 sept. 4 84 3,
mort à Malmœ le 45 sept. 4874, fut docent en chimie à
Lund (4840-4852), éditeur à Malmœ (4838) et, depuis
4848, rédacteur du Snœllposten, organe conservateur, l'un
des meilleurs journaux suédois. Ses plus intéressants feuil-
letons sont réunis dans Petites Lettres de Skanie (\SQ^).
CRONICUS (V. Ephémères [Paléont.]).
CRONOS (Myth.) (V. Kronos).
CRONSTADT. Ville de l'empire de Bussie. Elle est
située dans le gouvernement de Saint-Pétersbourg, district
d'Oranienbaum, à l'exlrémité E. de l'île de Kotlin (golfe
de Finlande). C'est le port de guerre le plus important de
la Bussie. L'ensemble de ses fortifications atteint un déve-
loppement de près de 24kil. Elle ne compte pas moins de
trente ouvrages différents. Elle protège Pétersbourg contre
toute attaque du côté de la mer. Elle possède trois ports,
l'un pour les navires de commerce, les deux autres pour
les navires de guerre. C'est une ville régulièrement bâtie à
l'aspect tout moderne, et qui, en dehors des établissements
maritimes ou militaires, ne possède pas de bâtiments re-
marquables. L'eau est encore douce à Cronstadt, son
port gèle tous les hivers, et pendant plusieurs mois on va
de Pétersbourg à Cronstadt en traîneau. Sa population, sans
la garnison, était en 4885 de 48,270 hab. Son commerce
est considérable. Elle a reçu en 4886, 4,892 navires de
long cours jaugeant 4,045,590 tonnes, et 679 caboteurs
jaugeant 443,050 tonnes. Cronstadt a été construite par
Pierre le Grand en 4703; on y montre encore la maison
où il résida en 4740. Elle a toujours été considérée comme
imprenable; en 4855, la flotte anglo-française n'a pas
même essayé de l'attaquer. Sous l'empereur Alexandre II
(4877), ses défenses ont été considérablement augmentées.
CRONSTEDT. Famille suédoise, issue d'un négociant de
Bostock, dont les fils furent anoblis en 4693. L'un d'eux
Jacob Cronstedt (4668-4754), gouverneur dul«n de Kro-
noberg (4749), riksrâd(4727), membre du parti des Bon-
nets, fut créé baron en 4749 et fait comte en 4734. Ses
belles collections de livres et de médailles passèrent à l'Etat.
— Un second, Gabriel Cronstedt (4670-4757), devint
général de brigade (1741) et commandant supérieur à
Stockholm (4743). —Un troisième, IiTar/ Cronstedt (4672-
4750), créé baron en 4748, se distingua dans les campa-
gnes de Skanie, de Poméranie et de Holstein, et réorga-
nisa l'artillerie dont il était commandant général (4746),
de manière à en faire un modèle de simplicité, de force,
de mobilité et de rapidité dans le tir. Il devint lieutenant
général (4720) et président du collège de la guerre (4740).
~ Le fils de Jacob, Carl-Johan Cronstedt (4709-4779),
élève du mécanicien Polhem et de l'architecte Hârleman
-493 -
CRONSTEDT - CROOKES
auquel il succéda comme surintendant (1743), restaura et
construisit plusieurs édifices, devint président de la chambre
de revision (1767) et du collège de commerce (1769). Sa
belle collection de livres d'art, de mécanique et d'histoire
naturelle est conservée à Fullerœ (Vestmanland). Membre
(1739) et président (1740) de l'académie des sciences de
Stockholm, il a décrit plusieurs de ses inventions et expé-
riences dans les Actes àe cette société. — Le fils de ce der-
nier, Fredrik-Adolf'Ulrik Cronstedt (1744-1829), inten-
dant de la cour (1765), gouverneur du Isende Gefle (1781-
1812), enrichit le château de Fullerœ d'une précieuse
collection de vieux tableaux. On lui doit de bonnes gravures
et des portraits. — Son frère, Johan-Adam Cronstedt
(1749-1836), étant colonel, commanda la quatrième bri-
gade de l'armée de Finlande en 1808, gagna la bataille
de Revolaks (27 avr.), fut grièvement blessé à Alavo
(17 août), devint lieutenant général (1809), puis gou-
verneur de l'Œstergœtland (1810-1817) . B-s.
CRONSTEDT (Axel-Fredrik), éminent minéralogiste
suédois, né à Strœpsta (Isen de Nykœping) le 23 déc. 1722,
mort le 19 août 1765. Fils du général Gabriel Cronstedt,
qui le destinait à la carrière militaire, il préféra l'étude
de l'histoire naturelle, fit de nombreuses visites aux districts
miniers, entra comme auditeur au collège des mines en
1742, mais, malgré sa science et son zèle, il ne devint
ingénieur en chef d'un district minier qu'en 1758. Il
découvrit le nickel (1751), signala le tungstène et publia
quinze mémoires (1751-64) dans les Actes de l'académie
des sciences de Stockholm dont il était membre depuis
1753 ; mais il est surtout connu par son Essai de miné-
ralogie (Stockholm, 1758), qu'il regardait modestement
comme un simple manuel à son propre usage et auquel il
ne mit pas même son nom, mais qui fut bientôt traduit :
en allemand par Wiedemann (Copenhague, 1760), par Brûn-
nich (ib., 1770), par Werner (Leipzig, 1780) ; en anglais
par G. von Engestrœm (Londres, 1770); en français par
Dreux (Paris, 1771). Sa classification est basée, non plus
sur la structure, la forme, la couleur, mais sur la compo-
sition chimique. Sa Minéralogie du Vestmanland et de la
Dalékarlie fut traduite en allemand d'après le manuscrit
par J.-G. Georgi (Nuremberg, 1781). Le nom de Crons-
tedtit a été donné à un minéral. B-s.
CRONSTEDT (Carl-Olof), neveu du minéralogiste, ma-
rin suédo-finlandais, né à Botby près Helsingfors le 3 oct.
1756, mort le 7 avr. 1820. Enfant de troupe', il avait
le grade de lieutenant-colonel dans la marine lorsqu'il fut
chargé en 1790 de conduire de Stralsund au fond du golfe
de Finlande la flottille prussienne auxiliaire (1790); il
réussit à opérer sa jonction avec l'escadre de Gustave lïl
et il était commandant en second, par intérim, de la flotte
combinée, lorsque ce prince gagna la brillante victoire de
Svensksund (9-10 juil. 1790)^; aussi devint-il avant la
fin de l'année colonel, adjudant général, secrétaire d'Etat
pour la marine et chef de l'escadre de Sveaborg. Moins
bien vu de Charles XIII, il dut quitter le ministère (30 nov.
1792) et rejoindre son escadre. Il fut pourtant nommé
contre-amiral en 1793 , puis sous Gustave IV adjudant
général des flottes (1797), rapporteur des aff'aires mari-
times, deux fois membre du gouvernement intérimaire
(1798, 1800), vice-amiral et commandant supérieur à
Karlskrona. Tombé subitement en disgrâce, il dut au cœur
de l'hiver quitter la capitale pour aller s'enfermer à Svea-
borg. Il commandait encore dans ces îlots fortifiés, dont
Ehrensvserd, Thunberg et Chapman avaient fait une place
de premier ordre, lorsque la congélation de la mer permit de
les investir. Ayant sous ses ordres six à sept mille hommes
avec canons, vivres et munitions en abondance, il pouvait
au moins essayer de se défendre contre des troupes à peine
supérieures en nombre et moins bien pourvues d'artillerie;
mais il laissa l'ennemi s'installer (2 mars 1808) à Helsing-
fors que pouvaient balayer ses batteries, donna refuge à
des femmes et à des enfants, négligea d'occuper les postes
avancés, de faire des sorties, et de brûler une centaine de
bâtiments composant la flottille côtière. Il n'usa de son
autorité et de son énergie que pour réprimer les loyalistes
mécontents ; finalement il livra quelques îlots de la forte-
resse, avant même qu'elle eût été entamée et promit (6 avr.)
de la rendre le 3 mai, si elle n'avait pas auparavant été
secourue par cinq vaisseaux de ligne au moins, quoiqu'il
n'y pût sérieusement compter, la débâcle des glaces n'ayant
ordinairement pas lieu avant la fin de mai. Son prétexte
était de conserver intacte une place qu'il disait être hors
d'état de résister, mais ses motifs devaient être plutôt poli-
tiques que d'ordre militaire. Mécontent du gouvernement,
cousin du major J.-A. Jaegerhorn, chef de la ligne d'An-
jala, qui avait pour but de livrer la Finlande à la Russie,
il paraît avoir poursuivi la même idée, de concert avec le
colonel Jaegerhorn, qui jetait le découragement dans la gar-
nison et lui servait d'intermédiaire dans ses communica-
tions avec le commandant russe P. van Suchtelen. Finlan-
dais de naissance, il avait le droit de penser et même d'a-
gir comme tel, mais pas avant de s'être fait relever de ses
serments de fidélité à la Suède. La reddition de Sveaborg
ne contribua pas peu à la perte de la Finlande. S'il n'est
pas prouvé qu'il ait agi dans son intérêt personnel, il est
certain qu'il accepta une pension de la Russie et une in-
demnité de 50,000 riksdalers banco pour des pertes simu-
lées. Malgré un mémoire justificatif publié en 1811, il fut
banni de Suède et dégradé la même année. Beau vois.
CRONSTRAND (Simon-Anders), astronome suédois, né
à Tœrneby (laen de Kalmar) le 24 janv. 1784, mort à
Stockholm le 24 févr. 1850. Adjoint à l'observatoire et en
mathématiques à l'académie mihtaire de Carlberg (1809),
puis astronome à l'académie des sciences de Stockholm
(1811), et professeur au corps topographique, il fit des
triangulations dans la plupart des provinces de la Suède
moyenne (1815-32), les mit en rapport, à travers l'archi-
pel d'Aland, avec celles de la Finlande (1834-5), et déter-
mina la position astronomique de diverses locahtés entre
Upsala et Gefle (1824). L'excès de travail lui fit perdre la
vue et la raison. Outre des Rapports sur Vastro7iomie
(1811-1836) et des mémoires dans les actes de l'Académie
des sciences de Stockholm, il publia un Manuel d'astrono-
mie pratique (Stockholm., 1841-43, 2 vol. in-8). — Son
frère Baltzar Cronstrand, né à Tœrneby le 15 mai 1794,
mort à Stockholm le 26 janv. 1876, étant capitaine du
génie, fut chargé (1833) d'étudier à l'étranger les pon-
tons et d'autres points de l'art militaire. Il parcourut pres-
que toute l'Europe, poussa jusqu'en Turquie, en Arabie,
en Egypte, en Nubie, fut rappelé en 1841, prit sa re-
traite en 1849, et dirigea l'école de la Société des arts et
métiers (1845-1852). Ses OEuvres posthumes publiées
par P.-A. Siljestrœm (1878), se composent de quatre par-
ties : Tableaux du Midi et de l'Orient, l'Architecture en
Egypte et en Suède, la Science et l'Art dans les travaux
industriels. B-s.
CRONTHAL(V. Kronthal).
CROOK (Sir George) (V. Croke).
CROOKED IsLAND. L'une des îles Bahama, à FE. de
la passe de Crooked (V. Bahama).
CROOKES (William), physicien et chimiste anglais con-
temporain, né à Londres en 1832. Président de la Société
chimique de Londres, ce savant éminent est connu pour
ses nombreuses recherches sur des sujets variés tant en
physique qu'en chimie. Voici les titres des principaux mé-
moires qu'il a publiés dans divers recueils anglais : Appli-
cations de la photographie à l'étude de certains phé^
nomènes de polarisation {Pogg,, XC, 483) ; Sur la
Sensibilité du bromure et de IHodure d'argent à la
lumière colorée {Photog. Soc, Journ.J, 98); Recherches
photographiques sur le spectre (Pogg,, XGVII, 616) ;
Sur la Photographie de la lune (Roy. Soc. Proc, VIII,
363) ; Sur V Opacité de la flamme jaune du sodium
pour les rayons de cette couleur (Chemic. News, III,
2) ; Sur de nouveaux Éléments supposés de la famille
du calcium, (Chem. News, III, 129) ; Sur un nouvel
CROOKES ~ CROQUIS - ^
Élément appartenant probablement au groupe du
soufre (Chem. News, III, 301) ; Mémoires et notes sur
le thallium [Chem. News, VII, pp. 433, 44o, 194, 218,
290; VIII, 159 ; IX, 1, 37, 54; Roy. înst. Proc, IV,
62, et Chem. Soc.J., II, 112, et Roy. Soc. ,XX,475) ; Note
sur la Cristallisation de la glycérine (Chem. Neius,
XV, 26); Recherche expérimentale sur une nouvelle
force (QuarterL J. of Se, I, 339) ; Nouvelles Expé-
riences sur la force psychique {QuarterL J. of Se, I,
471) ; Notes sur le radiomètre {Comptes rendus de
VAcad. des se, LXXXIII, 572, 1175, 1232, 1289;
LXXXIV, 388, 1081,1156; LXXXVI, m^);Foyerdela
chaleur produite par les chocs moléculaires (LXXX VIIÏ,
473) ; Sur la Constitution de la matière et l'état ultra-
gazeux (XC, 445) ; Sur la Matière radiante {Ann.
chim. phys. [5], XIX, 195) ; Sur la Constitution de la
matière {Ann. chim. phys. [5], XXIII, p. 378) ; Des
Spectres phosphorescents discontinus dans le vide
presque parfait {Ann. chim. phys. [5], XXIII, 555) ;
Sur la Viscosité des gaz {Ann, chim. phys. [5], XXIV,
p. 476) ; Etudes spectroscopiques sur la matière ra-
diante {Ann. chim. phys. [6], III, 145) ; les Carac-
tères spectroscopiques des corps simples (conférence
faite en 1889 à la Société chimique de Londres). La lecture
des titres de ces mémoires montre la nature très variée des
travaux du physicien anglais, mais elle ne peut donner
une idée de l'originalité extrême qui caractérise l'œuvre de
ce savant. A la suite de recherches intéressantes de spec-
troscopie, M. Crookes a trouvé un nouveau corps simple,
le thaUium, dont il a décrit les propriétés dans un certain
nombre de notes ; ce fut le commencement de sa réputation
scientifique. Ses expériences sur la matière radiante ont
eu un retentissement considérable et mérité ; les faits ob-
servés sont des plus curieux et jettent un jour nouveau sur
la constitution des gaz très raréfiés : rien de plus étonnant
que les phénomènes d'incandescence produits par ce que
M. Crookes appelle le bombardement moléculaire. Ce tra-
vail lui a valu un prix de 3,000 fr. de la part de l'Aca-
démie des sciences. Ses recherches sur le radiomètre, ce
curieux petit instrument qui tourne constamment, sans
cause apparente, quand il est exposé à la lumière, sont
aussi extrêmement originales (V. Radiomètre, Radiante
[Matière]). A. Joânnis.
CROONENDAEL (Paul de), chroniqueur belge, né à
Anvers, mort en 1621. Dans sa jeunesse il portâtes armes
et assista à la bataille d'Heilygerlée (1568); quelques an-
nées plus tard, il devint membre du conseil des finances. Il
a écrit : Cronicque contenant V estât ancien et moderne
du pays et comté de Namur, la vie et gestes des ducs,
contes et marcquis dHcelluy. Cette chronique fut compo-
sée vers 1584; elle va depuis les origines du comté jus-
qu'au règne de Philippe le Bon. L'auteur a consulté les
travaux de ses devanciers, et, de plus, il a recouru aux
sources, chartes des comtés et comptes communaux. En
dépit de l'esprit peu critique qui y^ règne, elle est la meil-
leure que l'on possède sur l'histoire du comté de Namur.
Elle a été publiée en partie par de Reiffenberg dans le
t. F^ des Monuments pour servir à l'histoire des pro-
vinces de Hainaut^ Namur et Luxembourg. E. H.
BiBL. : FoppENS, Bibliotheca belgica ; Matines, 1839,
2 vol. in-4. ■— SwEERTius, AihencG belgicee sive nomencla-
tor GermanisB inferiorls scriptorum; Anvers, 1628, in-foî.
— Paquot, Mémoires pour servira Vhistoire littëruire des
Pays-Bas ; Louvain, 1765-1770, 3 vol. in-fol.
CROPTE (La). Corn, du dép. de la Dordogne, arr. de
Périgueux, cant. de Vergt, à 2 kil. des sources du Vern ;
1,037 hab.
CROPTE (La). Corn, du dép. de la Mayenne, arr. de
Laval, cant. de Meslay; 630 hab.
CROPUS. Com. du dép. de la Seine-Inférieure, arr. de
Dieppe, cant. do Bellencombre ; 273 hab.
CROQUANTS. Nom donné aux partisans d'une insur-
rection redoutable de paysans qui se manifesta, en 1594,
d'abord dans le Limousin et gagna ensuite rapidement le
Périgord, la Saintonge, le Quercy, la Marche, PAgenais, etc. ,
et dont les charges écrasantes des impôts furentle principal
motif. On évalua leur nombre total à 30,000 ou 40,000.
Battus par Chambaret, ils obtinrent cependant du roi la
remise des tailles arriérées. En 1624, il y eut, en Quercy,
un second soulèvement dont les partisans reçurent le même
nom. L'établissement d'une élection en avait été la cause
première. Le maréchal de Thémines extermina les révoltés
qui n'opposèrent presque aucune résistance (7 juin 1624).
Les chefs Donat et Barran furent décapités. Treize ans
après, un troisième mouvement de ce genre se produisit
qui aboutit à une amnistie (1637). Un gentilhomme, La
Mothe La Forêt, avait été contraint par les paysans de se
mettre à leur tête. On a beaucoup discuté sur l'origine et
l'étymologie de ce nom. Les uns, comme Palma Cayet, le
font venir de ce fait que les révoltés appelaient les nobles
des croquants, parce qu'ils ne demandaient qu'à croquer le
peuple, sobriquet qui aurait été retourné contre les
pauvres mutinés. D'après d'Aubigné, le nom viendrait du
village de Crocq (Creuse) parce que l'insurrection y prit
naissance. On trouve le mot croquart dans Froissart (I,
325), ce qui semblerait désigner aux expressions du même
genre une origine plus ancienne.
CROQUEMITÂINE. Monstre imaginaire dont on fait
peur aux enfants et qui s'emploie parfois, dans un sens
plus général, comme épouvantail. Les anciens ont eu l'ana-
logue de Croquemitaine : c'était, chez les Grecs, Mormo,
monstre légendaire que l'on représentait aux enfants sous
la forme d'une femme difforme ; chez les Romains, Cacus,
noin d'un brigand légendaire mis à mort par Hercule,
jouait le rôle de Croquemitaine; dans les pays du Midi on
trouve encore un monstre à l'usage des enfants, du nom de
Babau.
CROQUEMBOUCHE. Assemblage de fruits confits, tels
que quartiers d'oranges, cerises, gros grains de raisins et
de choux (V. ce mot), glacés et disposés de manière à
former un petit monument.
CROQUET. Jeu dérivé de la paume (V. ce nom), orga-
nisé vers 4850 en Angleterre sous le nom de crockett
(croc, canne à pomme recourbée) et après le succès d'un
grand match (partie) à Eversham, comté de Worcester,
en 1867, le AU England Crockett Club est fondé. Le
croquet se joue autant que possible en plein air et offre cet
avantage sur le crickett que jeunes gens et jeunes filles
peuvent y prendre part. On fixe dans le sol un nombre de
petites arches disposées d'une certaine façon, et la difficulté
est de conduire une balle au moyen d'un maillet par cette
série d'arcades du point de départ appelé fock au point
d'arrivée (le besan) pour retourner ensuite au fock. Les
efforts des adversaires pour retarder la marche de la balle
font l'intérêt de la partie. Elle constitue un exercice hygié-
nique qui n'exige pas de grands efforts et communique de la
grâce et de la souplesse aux membres. Le croquet a été
pendant une vingtaine d'années, surtout de 1860 à 1870,
le giand amusement estival de l'Angleterre, mais vers
1875 il fut complètement délaissé pour le laivn4ennis
qui exige plus de mouvements et d'activité. Hector France.
CROQU ETTE. Boulette de hachis ou de pommes de terre,
de riz, etc., qu'on fait frire après l'avoir trempée dans du
jaune d'œuf et saupoudrée de chapelure (V. Pomme de
TERRE, Riz).
CROQUIGNOLE. Pâtisserie dure et croquante pré«
parée avec de la farine, des œufs, du sucre, du beurre,
du lait, très peu de sel, que Ton pétrit de façon à obtenir
une pâte très ferme, qui peut être aromatisée avec un peu
de fleur d'oranger ou de citron. Cette pâte, bien travaillée,
est divisée en morceaux de la grosseur et de la forme vou-
lues, et mise à cuire pendant un quart d'heure environ
dans un four modérément chauffé, après toutefois l'avoir
laissé reposer une heure dans un endroit peu chaud.
CROQUIS. Dessin exécuté d'une façon sommaire, au
moyen de quelques traits rapidement jetés, et expressifs,
pour rendre soit une forme, soit un site, soit une idée
495 -
CROQUIS — CHOSS
pittoresque quelconque. La première pensée d'un tableau
est toujours fixée par l'artiste sous forme de croquis ;
parfois cette première expression de la pensée reste supé-
rieure à l'œuvre elle-même, achevée, poussée, et souvent
alourdie. Les croquis de certains maîtres sont de véritables
petits chefs-d'œuvre, chèrement payés par les amateurs et
les collections publiques. Ad. T.
GROS. Corn, du dép. du Gard, arr. du Yigan, cant. de
Saint-Hyppolyte ; 746 hab.
GROS (Le). Com. du dép. de l'Hérault, arr. de Lodève,
cant. duCaylar; 239 hab.
GROS (Le). Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr. d'Is-
soire, cant. de Latour-d' Auvergne ; 976 hab.
CROS-de-Géorând (Le). Com. du dép. de l'Ardèche,
arr. de Largentière, cant. de Montpezat; 1,568 hab.
CROS-DE-MoNTVERT. Com. du dép. du Cantal, arr. d'Au-
rillac, cant. de La Roquebrou ; 852 hab.
CROS-DE-RoNESQUE OU DE-MoNTANÂT. Com. du dép. du
Cantal, arr. d'Aurillac, cant. de Vic-sur-Cère ; 733 hab.
Le château fut assiégé en 4409 et en 4584 par le capitaine
Lapeyre-Teule qui y soutint lui-même un siège l'année
suivante. L'église, sous le vocable de saint lîilaire, est
un ancien prieuré. Plateau basaltique et chapelle de Ro-
nesque. L. F.
GROS (Francisco), auteur espagnol du xvu^ siècle, né
à Morella (prov. de Valence) ; il ne nous est connu que par
le compte rendu qu'il nous a laissé de la Fiestas que en
la insigne Vniversidad de Valencia se celebraron del
glorioso Doctor y Evangelista S. Lucas..» (Valence,
4626, 90 pp. in-8). Ce récit nous donne de curieux ren-
seignements sur la vie littéraire de ce temps et est accom-
pagné d'une quarantaine de poésies, épigrammes, etc., en
latin ou en espagnol, de savants et poètes valenciens. E. Cat.
GROS (César- Isidore-Henry), sculpteur français, né à
Narbonne (Aude) le 46 nov. 4840. Elève du sculpteur
Etex et du peintre J. Valadon, il expose au Salon depuis
4864. Nous citerons de cet artiste: une statue ô^Ascagne
endormi ; une statue de la Résurrection ; les Druidesses,
bas-relief marbre. Il est surtout connu par ses œuvres en
cire colorée et en pâte de verre ; parmi les cires, il faut
noter les bas-reliefs : le Prix du tournoi , la Prome-
nade, la Viole., la Rose., VHoroscope, la Peinture., le
buste à'Isabeau de Bavière, la figurine de la Belle au
bois dormant ; parmi les sculptures en pâte de verre, nous
signalerons la Source gelée et le Soleil, le fil d'Ariadne
et les Amazones, trois curieux bas-reliefs, tant au point
de vue de Fart qu'à celui du procédé employé. Il a publié
en 4884, en collaboration avec M. Charles Henry, un
volume intitulé P Encaustique et les autres procédés de
peinture chez les anciens. — Son frère Charles, né en
4842, mort à Paris le 9 août 4888, s'est fait connaître
comme auteur de monologues (l'Obsession, etc.); ils ont
paru en 4883. M. D. S.
GROSBY. Ville d'Angleterre, comté de Lancastre, à
7 kil. N. de Liverpool; 5,400 hab.
GROSBY (Brass) , homme politique anglais, né à Stockton-
upon-Tees le 8 mai 4725, mort à Londres le 44 févr.
4793. Attorney à Londres, il fut élu en 4758 membre du
conseil municipal, devint shérif en 4764, alderman en
4765, et lord-maire le 29 sept. 4770. Entre temps, il
avait été élu à la Chambre des communes par Honiton
(4768-4774). Son administration comme lord-maire fut
signalée par le ménorable conflit qu'il éleva entre les attri-
butions que s'arrogeait le parlement et les prérogatives de
la ville de Londres qu'il défendit avec une suprême énergie.
Il fut enfermé à la Tour, ce qui lui valut une immense
popularité. En 4774 et 4784, il se présenta sans succès
aux élections parlementaires pour la Cité de Londres.
GROSELLI (Angelo) (V. Caroselli).
GROSEY-le-Grand. Com. du dép. du Doubs, arr. de
Baume-les-Dames, cant. de Clerval ; 303 hab.
CROSEY-le-Petit. Com. du dép. du Doubs, arr. de
Baume-les-Dames, cant. de Clerval ; 226 hab.
GROSMIERES. Com. du dép. de la Sarthe, arr. et cant.
de La Flèche; 4,045 hab.
GROSNES.Com.du dép. de Seine-et-Oise, arr. de Cor-
beil, cant. de Boissy-Saint-Léger ; sur la rive droite de
FYerres; 564 hab. La meilleure gloire de ce village, situé
d'ailleurs dans une fort agréable vallée, serait d'avoir vu
naître Boiieau. Il existe, en effet, dans une rue voisine de
l'égMse, une inscription contenant ces quatre vers :
Ici naquit Boiieau, ce maître en Tart d'écrire.
Il arma la raison des traits de la satire,
Et donnant le précepte et l'exemple à la fois
Du goût il établit et pratiqua les lois.
Il est, malheureusement pour Crosnes, prouvé que Boiieau
naquit réellement à Paris; Crosnes ne peut revendiquer que
l'honneur d'avoir été une des résidences du poète, résidence
appelée les Préaux, d'où le surnom habituel et préféré de
Fauteur du Lutrin,
BiBL. : L'abbé Lebeuf, Hiat. du diocèse de Paris, t. V,
pp. 4145 de l'édit. de 1883, et pour ce qui a trait à Boiieau^
sa biographie par Berryat Saint-Prix.
GROSNES DU Japon (V. Choro-gi).
GROSNIER (François-Louis), homme politique français,
né à Paris le 42 mai 4792, mort le 3 sept. 4867. Direc-
teur du théâtre de la Porte-Saint-Martin, de 4830 à 4832,
de rOpéra-Comique, de 4834 à 4845, administrateur géné-
ral de rOpéra (nov. 4854 à juin 4856), il lut élu député
de Loir-et-Cher au Corps législatif le 29 févr. 4852. Sa can-
didature avait été appuyée parle gouvernement. Il fut réélu
le 22 juin 4857 et le 4^^ juin 4863. Il a publié quelques
brochures, entre autres : Aux mânes de Louis XVI
(Paris, 4849, in-8).
GROSNIÈRE (Bourdon de La) (V. Bourdon).
CROSS TiMBERS. Zone forestière aux Etats-Unis, entre
la rivière Arkansas et le rio Brazos, d'une étendue de 600
à 700 kil. à travers le Territoire indien et le nord-ouest
du Texas, limite naturelle entre les régions fertiles et arro-
sées, situées à l'E., et les déserts de l'Ouest.
G ROSS (John), peintre anglais, né àTiverton en 4849,
mort à Londres le 26 févr. 4864. Cet artiste quitta fort
jeune son pays natal et vint s'étabhr avec son père, en France,
à Saint-Quentin; ce fut à l'école de dessin de cette ville
qu'il fit ses premières études. Encouragé par des succès pré-
coces, il se rendit à Paris et entra dans l'atelier de Picot.
Il y était encore lorsque s'ouvrit à Londres une série de con-
cours pour la décoration du palais de Westminster (4843);
il y envoya successivement deux cartons, l Assassinat de
Thomas Becket et Richard Cœur de Lion; le second fut
acquis par les commissaires royaux, à un haut prix.
C'étaient la réputation et la fortune; il ne sut pas cependant
se maintenir à ce niveau, et les œuvres qu'il envoya ensuite
à l'Académie royale furent notoirement inférieures ; en 4860,
ses tableaux furent même refusés. Après sa mort, ses amis se
cotisèrent pour acheter r Assassinat de Thomas Becket, qui
fut placé dans la cathédrale de Canterbury. Ad. T.
CROSS (Piichard-Assheton Cross, vicomte), homme
politique anglais, né près de Preston le 30 mai 4823.
Après avoir terminé ses études à Cambridge, il fut inscrit
au barreau de Londres en 4849 et plaida en province du-
rant plusieurs années. En mars 4857, il fut élu à la Chambre
des communes par Preston avec un programme conserva-
teur. Il représenta ce bourg jusqu'en 4§62, puis fut élu,
en déc. 4868, par le S.-O. Lancashire, contre M. Glad-
stone et réélu par la même circonscription en 4874. Le
24 févr. de cette année, il était chargé du portefeuille de
l'intérieur dans le cabinet Disraeli et entrait en cette qualité
au conseil privé. Il quitta le pouvoir à l'avènement des
libéraux (20 avr. 4880) et reprit le portefeuille de l'inté-
rieur dans le ministère Sahsbury du 25 juin 4885. Aux
élections générales de cette année, il fut encore renommé
par le comté de Lancastre et en 4886 entra à la Chambre
des pairs ayant été créé vicomte. Il devint alors secrétaire
d'Etat pour l'Inde dans le nouveau ministère Salisbury
(3 août 4886), poste qu'il occupe encore (4 894). Il a publié :
the Acts relating to the Settlemerit and Removal ofthe
CROSS — CROSSE
— 496
Poor with notices of cases indices and forms (Londres,
4853) et the General and quarter sessions ofthepeace:
their jurisdiction and practice in other than criminal
matters (Londres, 4858; 2^ éd., 4867), en collaboration
avec M. Leeming. R. S.
CROSSAC. Corn, du dép. de la Loire-Inférieure, arr. de
Saint-Nazaire, cant. de Pont-Château; 4,685 hab. Gisement
de plomb sulfuré. Ruines du château de Lorieuc. Dolmen.
CROSSARDS. Faction norvégienne (V. Bâgls).
CROSSARQUE (V. Mangouste).
CROSSE. I. Archéologie. — Bâton pastoral que por-
taient, au moyen âge, les évêques et les abbés comme insigne
de leur pouvoir spirituel et discipli-
naire. Dans les textes latins, la crosse
est désignée par les mots baculus^ cam-
buca, ferula. Ce ne fut tout d'abord
qu'une canne recourbée à sa partie supé-
rieure ou bien en forme de tau. Ces
deux formes persistèrent concurremment
jusqu'au xi^ siècle. Un des plus anciens
bâtons recourbés qui nous soit parvenu
est celui qu'on conserve dans l'église de
Montreuil-sur-Mer ; il est de bois recou-
vert de lames d'argent et de cuivre doré,
orné de pierres de couleur (fig. 4). On
conserve à Rouen un tau , en ivoire
sculpté, du X® ou du xi^ siècle (fig. 2),
provenant de l'abbaye de Fécamp. Citons
encore le tau dit de Saint-Loup à Brie-
non-l' Archevêque : au haut d'une hampe
en bois est enchâssé dans une monture
d'argent un morceau de cristal en forme
d'ovale aux bouts échancrés. A Deuz,
près de Cologne, un tau du xi® siècle
se termine de chaque côté par une tête
de serpent. La crosse de Gérard, évêque
de Limoges, mort en 1 020 et enterré
à Charroux, a été retrouvée dans son
tombeau ; c'était un simple tau. Dans un
manuscrit de Silos, en Castille, aujourd'hui au Musée bri-
Fi-. 1.
tannique, l'apôtre Jean est représenté une fois avec un tau,
une autre fois avec une crosse recourbée. Cette seconde
forme est celle qui a triomphé
au xij® siècle. La courbure
s'est développée, a formé un
enroulement, est devenue la
volute. De plus, dès le xi^ siè-
cle, les crosses ne sont plus
de simples cannes; elles de-
viennent plus longues et ont
presque la même hauteur que
le personnage qui les porte.
Le bâton est sans ornement.
Pour la confection de la
volute, on a employé les ma-
tières les plus diverses : le
bois (crosse de saint Erhard
à Ratisbonne ; crosse dans le
trésor de Sainte - Ursule à
Cologne); la corne (crosse
mentionnée dans un inven-
taire de Saint -Paul de Londres en 4295) ; le cristal
(deux crosses, à la bibliothèque de Versailles) ; le plomb
Fiff. 3.
(crosse trouvée à Jumièges dans le tombeau de l'abbé Guil-
laume, mort en 4442). Les crosses en argent sont rares.
On ne connaît pas de crosses d'or; mais, s'il faut prendre
à la lettre les invectives de saint Pierre Damien au xi^ siècle
contre le luxe ecclésiastique, on a recouvert les crosses de
plaques d'or : « Je ne parle pas, dit-il, de ces crosses, non
pas décorées, mais ensevelies sous l'or et les pierres. »
Les matières de beaucoup les plus employées ont été l'ivoire
et le cuivre doré ou émaillé. Des volutes en enivre émaillé
sont sorties en quantités considérables pendant les xii® et
xm^ siècles des ateliers de Limoges. Les crosses des xi®
et xn« siècle ont leur volute terminée par une boule ou
une tête de dragon (fig. 3) ; la volute est séparée de la
hampe par un nœud de même matière que la volute. La
tête de dragon ou de serpent était le symbole de la prudence,
en même temps qu'elle rappelait la verge de Moïse, changée
en serpent. Pour certains artistes, ce serpent symbolisait
le démon, car l'on connaît des crosses où une croix pénètre
dans la gueule du monstre; dans d'autres, un agneau pas-
cal, inscrit dans la volute, terrasse ce serpent avec la
croix. Quelquefois, le serpent tient une pomme dans la
gueule, ou bien de celle-ci s'échappe un rameau de feuil-
lage, simple motif de décoration.
Au XIII® siècle, l'ornementation delà volute se complique.
D'abord, une série de petites dents se profile sur la crête ;
de plus, le nœud est décoré d'émaux, de gravures ou de
petits bas-reliefs ; sur la douille, on place trois petits dra-
gons, la tête en bas, la gueule formant des crochets, aux-
quels on pend des rubans ou fanons. La volute a souvent
la forme d'une tige fleuronnée ou d'une fleur épanouie.
Enfin, elle encadre une petite scène ; dans les crosses
d'ivoire, ce sujet est découpé; dans celles de cuivre, il est
ordinairement
rapporté. Les su-
jets les plus fré-
quemment repré-
sentés sont : saint
Michel terrassant
le dragon , le
Couronnement de
la Vierge, l'An-
nonciation, la
Crucifixion , le
Christ triom-
phant et bénis-
sant, la Vierge
tenant l'Enfant
Jésus. Plus rares
sont la Présen-
tation au temple,
Adam et Eve. On
trouve aussi des
scènes d'histoire
locale. Ainsi,
dans une curieuse
volute en ivoire,
de l'époque ro-
mane, conservée
à Saint-Trophime
d'Arles, sont
sculptés deux
personnages pla-
cés sous un édi-
fice ; ils sou-
lèvent le cou-
vercle d'un tom-
beau oîi gîl un
évêque ; l'artiste a sans doute voulu représenter d'une
façon sommaire la translation du corps de saint Trophime
du cimetière des Aliscamps dans la cathédrale. Une dispo-
sition assez fréquente dans les crosses du xm® et du
XIV® siècle, c'est l'adossement dans la volute de deux
sujets différents ; ce qui ne produit pas toujours le meilleur
— 497
CROSSE
effet, les deux sujets ne s'appliquant pas exactement l'un
contre l'autre. Ainsi, une petite
crosse en ivoire, de la collection
Sauvageot au Louvre, présente
d'un côté la Vierge tenant l'En-
fant Jésus et de l'autre la Cru-
cifixion ; citons encore, au mu-
sée de Cluny, une crosse en
ivoire (n<* 1067) avec les deux
mêmes sujets et une crosse
d'émail limousin (n° 4546)
offrant d'un côté l'image du
Christ bénissant, et de l'autre
la Vierge, sur un trône, tenant
l'Enfant Jésus. La Vierge et
la Crucifixion sont encore ados-
sées dans une crosse émaillée
du XIV® siècle, conservée au
Cabinet des médailles et dont
nous donnons l'image (fig. 4).
La surface des volutes émaillées
est décorée, non seulement de
rinceaux, mais quelquefois d'une
série de petits médaillons ren-
fermant des scènes comme par
exemple les combats des Vices
et des Vertus, les combats de
David. On a fait aussi des
crosses à double volute. Dès
la seconde moitié du xni® siècle,
un nouvel élément s'introduit
Fig- 5- dans la décoration : c'est un
rameau feuillage qui rattache la courbe de la volute à la
partie qui est
immédiatement
au-dessus du
nœud. Au xiv®
siècle, le nœud
s'allonge ; il est
à plusieurs pans,
orné d'une série
d'arcades et de
dais qui, parfois,
abritent des sta-
tuettes. C'est la
forme ordinaire
des nœuds au
XV® siècle. On
peut donner
comme exemple
la crosse de l'é-
vêque William
de Wikeham
conservée au
New Collège à
Oxford (fig. 5).
Au XVI® siècle,
la volute est or-
dinairement
cambrée ; sou-
vent aussi les
deux extrémités
de la volute se
rejoignent de fa-
çon à former un
cercle , comme
dans une crosse
de travail alle-
mand conservée
à la cathédrale
de Lyon (fig. 6).
Rarement, du
xvi® au xvm® siècle, l'intérieur des volutes a été orné de
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
sujets. Les formes sont grêles ou lourdes. On se mit aussi
à faire des crosses dont la hampe était en métal.
Depuis la renaissance des études archéologiques, les
crosses dans le style du moyen âge supplantent à peu près
les crosses à volute cambrée. — un donnait, au moyen âge,
la forme de crosse au bâton qui servait, dans beaucoup
d'éghses, à suspendre le ciboire ou la colombe au-dessus de
l'autel. — Les textes mentionnent aussi, sous le nom de
crosse, un bâton crochu dont on faisait usage dans le jeu
de balle et, par extension, ce jeu lui-même. M. Prou.
II. Liturgie. — En son épître au primat de Bulgarie»
Innocent III fait remonter jusqu'à l'apôtre saint Pierre
l'origine du bâton pastoral qui est devenu la crosse. Mais
on ne trouve d'indices quelque peu précis de cet objet
que cinq siècles plus tard, dans l'histoire de saint Césaire
d'Arles (470-542). Thomassin {Discipline de l'Eglise ^
t. II, part. III, ch.xxv, n° 2) suppose qu'il n'était primiti-
vement dans la main des êvêques que le bâton commun, dont
on se sert pour s'appuyer dans les longues marches. Isidore
de Séville (570-636) mentionne déjà, comme faisant partie
du cérémonial de la consécration d'un évêque, la remise
d'un bâton, insigne de la puissance épiscopalc : Huic, dum
conseardur, datur baculus, ut ejus indicio subditam
plebem vel regat, vel corrigat, vel infirmitates infir-^
morum siistineat. Les actes d'un concile de Troyes (867)
constatent que cette remise, ainsi que celle de l'anneau, était
en usage dans les églises de France, more gallicanarum
ecclesiarum. En 8§5, au concile de Nîmes, quand on dé-
posa Selva, archevêque de Narbonne, on lui arracha son
anneau et on lui brisa sa crosse sur la tète. On sait quelle
importance fut attribuée à la remise de la crosse et de
l'anneau, dans la querelle des investitures (V. ce mot).
— Le pape ne se sert jamais de la crosse. Les évêques la
tiennent à la main quand ils bénissent le peuple solennel-
lement et en d'autres cérémonies marquées dans le ponti-
fical. — Certains abbés peuvent la porter. Mais ce droit,
qui constitue un privilège, ne leur appartient qu'en vertu
d'une concession formelle du Saint-Siège ou d'une légitime
possession. E.-H. Vollet.
III. Art militaire. — Partie postérieure de l'affût,
qui, pendant le tir, repose sur le sol ou sur un châssis.
Elle porte, dans les affûts de campagne français : deux
poignées de crosse permettant de la soulever facilement ;
un petit anneau de pointage fixe et un grand anneau
de pointage mobile dans lesquels on engage le levier de
manœuvre destiné à déplacer latéralement l'affût ; un
bout de crosse-lunette permettant de suspendre l'affût
sur le crochet-cheville ouvrière de l'avant-train pour les
transports. — Dans une arme portative, la crosse est la
partie postérieure de la monture ; elle comprend la crosse
proprement dite et la poignée ; elle est renforcée à l'ar-
rière par une plaque de couche ; ses deux faces latérales
portent le nom de joues. Lorsque l'arme est verticale, le
canon en arrière, la semelle de la crosse présente â l'avant
un bec, à l'arrière un talon,
IV. Jeu. — La crosse est un bâton recourbé et renflé
par le bout, avec lequel on chasse soit une pierre, soit
une balle. Ce jeu, dont on a retrouvé des traces en France,
au moyen âge, prête à des combinaisons variées. Nous
signalerons les principales.
La crosse au pot. Peut se jouer entre un nombre
illimité de personnes, mais il est préférable, pour qu'il ne
se produise ni confusion ni gène, que le nombre des
joueurs ne dépasse pas dix ou douze. On creuse dans le
sol autant de trous ou pots qu'il y a de joueurs moins un,
disposés en fer à cheval et distants de !2"^50 les uns des
autres. Au centre le pot commun, un peu plus grand que
les autres, et à 6 m. en avant de l'ouverture du fer à cheval
le but. Les joueurs, se plaçant au pot commun, lancent leur
crosse vers le but, de façon à déterminer l'ordre dans
lequel ils choisiront leur pot et aussi pour savoir qui roulera
la balle en bois de la grosseur d'une pomme qu'on appelle
trtiie ou gouret. C'est le plus éloigné du but qui remplit
32
CROSSE — CROSSOPE
— 498 —
ce rôle. Chaque joueur tient son pot avec la crosse. Le
rouleur se place au but et lance avec la main la
balle près du pot commun et dedans si possible. Tant que
la balle est en mouvement, les joueurs peuvent la renvoyer
à coups do crosse. Après, ils ne le peuvent, sous peine
d'être pris, qu'autant qu'elle a été touchée par la crosse
du rouleur. Il s'agit pour les joueurs de chasser la truie
aussi loin et aussi fréquemment que possible, lorsqu'elle se
trouve à leur portée ; pour le routeur^ de s'emparer du
pot d'un de ses adversaires. Il peut le faire, soit en met-
tant sa crosse dans le pot laissé libre par le joueur, dans le
temps très court qu'il met à frapper la balle, soit en pro-
voquant un retourne-pot. Il y a retourne-pot quand la
balle est introduite dans le pot commun ou lorsqu'elle
pénètre dans le pot d'un joueur. En ce cas, tous les joueurs
■portent vivement leur crosse dans le pot commun ; le der-
nier arrivé devient rouleur. Ce jeu s'appelle encore la
Truie ou le Gouret.
La crosse au but. Comme matériel, ce jeu exige
une planche de l'"SO de hauteur, de O^^^O à O^^Sd de
largeur, une crosse et une série de six balles en bois
dur. La planche est dressée contre un mur ou tout autre
obstacle. Les joueurs se placent à 6, 8 ou iO m. Le premier,
armé de la crosse, lance la série de six balles, de même le
second et les autres. Celui qui met le plus de balles dans
la planche a gagné la partie.
La balle à la crosse. Ce jeu se joue sur une pelouse
ou un terrain uni de 95 m. environ sur 45. Les joueurs au
nombre de vingt-deux se divisent en deux camps égaux.
Chacun est armé d'une crosse. Ils se disposent de la manière
suivante :
.---.
CO
@
W ®
© co
9
co
,'•''
®
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eo ®
A
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®
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/^
© eo
^' \
CO
®
©
co
Jeu de balte à la crosse. — 1, gardiens du but; 3, joueurs
avant; 4, joueurs demi-arrière; 5, joueurs arrière; A;
balle au centre du terrain.
Pour commencer la partie, la balle est placée au centre
du terrain et deux joueurs, un de chaque camp, l'attaquent
en suivant les formalités suivantes : chaque joueur frappe
une fois le sol du bout de sa crosse, puis trois fois la crosse
de son adversaire ; alors ils attaquent la balle pour l'en-
voyer chacun du côté du camp opposé. Les autres joueurs
attendent à leurs postes et aussitôt que la balle est en jeu,
ils cherchent à l'attraper en courant, pour lui donner un
nouvel élan vers le but ennemi ou la détourner de leur
propre but. Il faut d'abord faire entrer la balle dans les
demi-cercles qui entourent les buts, puis, de là, l'envoyer
d'un seul coup entre les deux piquets. Le camp qui a envoyé
le plus de fois, dans un temps limité à l'avance, sa balle
dans le but du camp adverse, a gagné la partie. Il est de
règle, pour éviter les accidents, de lever la crosse au-dessus
de l'épaule.
La crosse canadienne. Le nombre des joueurs est
d'ordinaire de vingt-quatre, divisés en deux camps égaux
commandés chacun par un capitaine. Le matériel se com-
pose de quatre guidons de 4 "^80 de haut pour marquer les
deux buts ; d'une crosse par joueur, d'une balle en éponge
de caoutchouc, La crosse ici est toute spéciale . C'est une
longue canne recourbée à sa partie inférieure et munie
dans sa concavité d'un filet en cuir de bœuf. Elle se tient
à deux mains et sert à rattraper la balle à terre, à l'ar-
rêter à la volée, à l'emporter en courant, à la lancer vers
le but. Le terrain uni, de préférence gazonné, doit avoir
au minimum 60 m. de Ions sur 30 m. de large. Aux
quatre angles, on plante un piquet. Les deux grands côtés
du parallélogramme s'appellent lignes de côtés, les deux
autres, lignes de but. Les buts ont d ^80 de long. Devant
chaque ligne de but et à la distance de 1^80, on trace, en
prenant pour centre le milieu des guidons, un demi-cercle
(cercle de but). Il s'agit pour chacun des deux camps de
faire passer la balle, en la lançant avec la crosse, entre
les guidons du but adverse. On ne doit jamais toucher la
balle du pied, ni de la main. On ouvre la partie en plaçant
la balle au milieu du jeu. Les capitaines prennent position
des deux côtés de cette balle et procèdent à la cérémonie
du croisé, c.-à-d. qu'ils alignent leur crosses parallèlement,
de manière qu'elles soient couchées à terre sur le côté du
bois, puis au signal d'un arbitre, ils la relèvent vivement
en cherchant à s'emparer de la balle. Dès qu'elle a été
touchée, tous les joueurs peuvent prendre part à la lutte.
BiBL. : Archéologie. — A.de Bastard, Rapport... sur
une crosse du xn« siècle, dans Bulletin du comité de
la langue, de Vhist. et des arts de la France, 1857, t. IV,
p. 401. — Cahier et Martin, Mélanges d'archéologie^
t. IV. — GuÉNEBAULT, Cvossc SU ivoivc du xii° siècle^
dans Revue archéologique^ t. XIIÏ, p. 704. ~ Gay, Glos-
saire archéologique., p. 505.
CROSSE (Louis), miniaturiste, né en 4650, mort en
4724. Il a imité le genre de Samuel Cooper, et a signé
certaines miniatures d'un monogramme ressemblant beau-
coup à celui de Peter Lely, de sorte que ses œuvres peuvent
être quelquefois l'objet d'attributions erronées. Les princi-
pales miniatures de L. Crosse font partie de la collection
royale de Windsor. Le duc de Buccleugh en possédait éga-
lement une certaine quantité. F. Courboin.
CROSSE (Richard), miuiaturiste, né à Knowle (De-
vonshire) en 4742, mort à Knowle en 4840, On le voit
mentionné comme lauréat de la Société des arts de Londres
en 4758, comme membre de la Royal Academy en 4770
et comme peintre émailleur du roi en 4790. Son po7'-
trait a été gravé par Thev^r, celui de la Marquise de
Salisbury par Smith en 4794, et celui de Gregory Sharpe
parValentine Green en 4770.
CROSSEN ou KROSSEN. Ville d'Allemagne, royaume
de Prusse, prov. de Francfort-sur-l'Oder (Brandebourg),
au confluent de l'Oder et du Bober; 6,810 hab. Pont sur
l'Oder. Jadis ch.-l. d'une principauté silésienne acquise en
4482, et définitivement en 4537 par le Brandebourg.
CROSSES, Com. du dép. du Cher, arr. de Bourges,
cant. de Baugy; 475 hab.
CROSSETTE. I. Construction.— ■ Ressaut dans le joint
d'un claveau, lequel se retourne horizontalement et forme
ainsi une queue qui s'appuie sur le claveau inférieur et
donne l'appareil connu sous le nom de tas de charge. Les
anciens Romains, ainsi que les modernes, ont fait usage de
crossettes, surtout pour appareiller les linteaux et les archi-
traves qui ne se pourraient, à cause de leur trop grande
longueur, étabhr d'un seul morceau ; mais les arcs ont
toujours été extradossés dans l'architecture antique de la
belle époque comme dans l'architecture du moyen âge.
L'inconvénient de l'appareil en crossettes est, lorsque la
pierre est de médiocre qualité, d'amener la rupture de la
partie formant crossette; aussi, dans le cas de linteaux de
baies, d'architraves, de portiques ou d'arcs de faible cour-
bure, on dispose, au-dessous des claveaux, des barres de
fer dissimulées dans une entaille faite ad hoc ou laissées
apparentes et formant décoration. Ch. L.
IL ARcnrrEGTURE. — Ressaut d'une moulure formant
encadrement ou chambranle à sa partie supérieure et parfois
aussi à la partie inférieure, soit autour d'une baie de porte
ou de croisée, soit autour d'une table saillante. Ce genre
d'ornementation architecturale se trouve déjà sur les portes
simulées des tombeaux étrusques taillées dans le roc aussi
bien qu'autour des baies dans l'architecture romaine et
surtout, depuis la Renaissance, dans l'architecture moderne
dite classique. Ch. L.
CROSSOCHORDÂ (V. ÎRiLOBrrEs),
CROSSOPE (V. Musaraigne)*
— 499
CRÔSSOPTÉRYGIENS — CROTALE
CROSSOPTÉRYGIENS (Paléont.). Huxley a établi ce
sous-ordre pour des Poissons Ganoïdes dont le Polyptère
est le représentant actuel. Ce sous-ordre est caractérisé
par la présence de deux dorsales ; parfois, comme chez le
Polyptère, cette dorsale est multiple et très longue. Les
pectorales et, le plus souvent, les ventrales sont lobées ;
les rayons branchiostèges sont remplacés par deux pla-
ques gulaires, accompagnées parfois de plaques latérales
et médianes, situées entre les deux branches de la mandi-
bule ; la caudale est hétérocerque ou dyplycéique ; les
écailles sont cycloïdes ou rhomboïdalés, lisses ou orne-
mentées. Les Crossoptérygiens , ainsi limités, ont une
histoire paléontologique remarquable. Des six familles qui
composent le sous-ordre, quatre sont, non seulement
paléozoiques, mais encore n'ont été trouvées que dans les
terrains dévoniens. Décroissant rapidement à partir de
l'époque du terrain carbonifère, continués pendant l'èi'e
mésozoïque par le groupe des Cœlacanthiniens, qui, né
pendant le carbonifère, vient s'éteindre dans les foi'mations
crétacées par le genre Macropoma, inconnus jusqu'à
présent dans les terrains tertiaires, ces Ganoïdes revivent
dans la nature actuelle par la famille des Polyptériniens,
ne comprenant que les deux genres Polyptère et Cala-
moichthe, cantonnés en Afrique. ' E. Sauvage.
BiBL. : Huxley , Memoirs of the Geological Survey of
the United Kingdom; 1861, Dec. X. — E. Sauvage, Essai
sur la faune ichtyologique de la période liasique, dans
Ann. des sciences géologiques^ 1876, t. VIL
CROSSOPTI LDN (Ornith.). Les Crossoptilon {Rodgmi,
Journ, As. soc, Beng., 4838, t. VIÏ, p. 804), que l'on dé-
signe vulgairement sous le nom de Faisans oreillards (V.
Faisan), constituent dans la grande iamille des Phasianidés
un genre caractérisé principalement par l'aspect du plumage.
Ces Gallinacés, aux formes robustes, rappellent beaucoup les
Lopkophores (V. ce mot) par leurs pattes robustes, ornées
chez les mâles d'un ergot puissant, et par leur bec épais,
notablement plus court que la tête, courbé en dessus
et dénudé à la base ; mais ils portent une livrée complète-
ment différente, aux teintes douces, sans reflets métalliques,
sauf sur quelques-unes des plumes caudales. Les plumes
des parties supérieures du corps sont longues et décom-
posées, celles de la queue forment panache et celles des
oreilles se prolongent de chaque côté en une touffe qui
dépasse l'occiput et qui limite inférieurement un espace
largement dénudé et papilleux, entourant l'œil comme. chez
les Faisans ordinaires. On ne connaît que trois espèces de
Crossoptilon^ toutes trois propres à l'empire chinois,
savoir le Crossoptilon auritum Pall. ou C. cœrulescens
Crossoptilon tibetanum Hodgs.
A. Dav, auquel les Chinois donnent le nom de Maky et qui
habite le Setchuan, le Kansou et le Koukounoor oriental,
le C, tibetanum Hodgs ou G. Drouyni Miln. Edw.,
qui se trouve dans le pays des Mantzes et le C. mantchu-
ricvim Swinh., qui porte à Pékin le nom de Hoky et qui
est sédentaire dans quelques localités boisées des mon-
tagnes du Pétchély. La première espèce porte une livrée
d'un bleu ardoisé, avec des pinceaux blancs sur les
oreilles et des plumes noires et blanches à la queue ; la
seconde est d'un blanc pur, avec une calotte d'un noir
pourpré et des pennes caudales noires à reflets métalliques
et la troisième brune, avec du noir sur le cou, le dessus
de la tête et l'extrémité de la queue dont le bout est d'un
blanc argenté, tandis que les joues, les oreilles et la gorge
sont d'un blanc pur. Ces oiseaux se plaisent dans les
endroits ombragés, au bord des ruisseaux d'eau claire et se
nourrissent de graines, de fruits, de feuilles, de racines,
de vers et d'insectes. Ils sont d'humeur sociable et faciles
à apprivoiser; aussi a-t-on cherché dans ces derniers
temps à les acclimater en Europe. Leur chair cependant ne
vaut pas celle du Faisan. En Chine, les plumes du Crossop-
tilon (C. auritum) sont fort recherchées pour orner les
chapeaux des mandarins. E. Oustalet.
BiBL. : D.-G. Elliot, Monogr. ofthe Phasianidœ, 1871,
livr. IV et V. — A. David etE. Oustalet, les Oiseaux de
la Chine, 1877, p. 405 et pi. 106, 107 et 108.
CROSTI (Eugène-Charles-Antoine), chanteur scénique
français, né à Paris le 21 oct. 4833. Après une douzaine
d'années passées à l'Opéra-Comique, M. Crosti quitta tout
à coup le théâtre et la scène, et alla se fixer pendant un
certain temps à Bordeaux. En 4877, il fut appelé à diriger
une classe de chant au Conservatoire, où il a formé, entre
autres élèves, M. Escalaïset M"^® Liireau-Escalaïs. M. Crosti
a publié : la Voix des enfants (Paris, 4884, in-8) ; Abrégé
de Vart du chant ^ six vocalises-exercices (Paris).
CROSTOLO. Rivière d'Italie, affluent de la rive droite
du P6, passe à PO. de Reggio où il reçoit le canal de Reg-
gio. Il se jette dans le Pô à Guastalla.
CROSVILLE. Com. du dép. de la Manche, arr. de Va-
lognes, cant. de Saint-Sauveur-sur-Douve ; 477 hab.
CROSVILLE-LA-ViEiLLE. Com. du dép. de l'Eure, arr.
de Louviers, cant. du Neubourg; 377 hab.
CROSVlLLE-suR-SciE. Com. du dép. de la Seine-Infé-
rieure, arr. de Dieppe, cant. de Longueville; 477 hab.
GROTALAIRE (Crotalaria L.) (Bot.). Genre de plantes
de la famille des Légumineuses-Papilionacées et du groupe des
Génistées, dont on connaît environ cent espèces répandues
dans les régions chaudes du globe. Ce sont des herbes ou
des arbrisseaux à feuilles simples ou composées-palmées, à
fleurs jaunes ou purpurines, disposées en grappes termi-
nales. L'espèce la plus intéressante du genre est le (7.
junceaL., des Indes orientales, qui fournit une matière
textile grossière, appelée Chanvre du Bengale, avec laquelle
on fait des sacs et des toiles à voiles. Ed. Lef.
CROTALE {Crotalush.), I. Erpétologie. — Genre de
Serpents Solénoglyphes ou Tanathophydes, de la famille
des Crotalidœ. Les animaux de ce genre se distinguent de
tous les autres Ophidiens, en ce que l'extrémité' de leur
Crotaliis durissus L.
queue est garnie d'une série de cônes creux emboîtés les uns
dans les autres; ces grelots sont mis en mouvement à la tolonté
de l'animal et produisent un bruit de crécelle. Cette particu-
larité leur a valu le nom de Serpents à sonnettes. — Les
Crotales sont robustes, de formes trapues, et atteignent
parfois 2 m. de long; la tête très volumineuse est
CROTALE - CROTON
— 500
Extrémité de la
queue ou son-
plate et s'élargit en arrière, le museau est court et tronqué ;
le dessus de la tête est recouvert de petites écailles. Ce
sont des animaux essentiellement
américains dont la morsure est des
plus dangereuses. La forme la plus
commune est le Crotalus durissus L.
Ses parties supérieures sont en géné-
ral d'un brun grisâtre relevées de
bandes transversales irrégulières de
couleur jaunâtre ; la queue est noire,
le ventre d'un blanc jaunâtre avec
de petits points noirs. Il habite de
préférence les collines rocheuses in-
cultes, dans le voisinage des cours
d'eau ; il se nourrit de mammifères,
d'oiseaux, de batraciens et surtout de
grenouilles. Rocher.
II. Toxicologie. — Le venin du
serpent à sonnettes possède une vio-
lence extrême, comparable à celle du
cobra et du bothrops. Le mécanisme
physiologique paraît du reste être sem-
blable pour tous les venins de ser-
pents, l'activité et la quantité sécrétée
variant simplement l'intensité des phénomènes observés.
La mort peut survenir soit brusquement par un arrêt
immédiat des phénomènes respiratoires ou bien lentement,
accompagnée alors de suffusions sanguines multiples avec
ecchymoses dans différents organes et un refroidissement
intense. On a voulu distinguer dans le venin de crotale
deux substances toxiques : l'une, agissant sur les globules
sanguins qu'ils déforment, amenant la dissolution de Fhé-
moglobine dans le sang; l'autre, exerçant son action sur
le centre respiratoire. Mitchell a même isolé une sub-
stance toxique mal définie qu'il a désignée sous le nom de
crotaline. L'action du venin est essentiellement variable sui-
vant les conditions physiologiques où se trouve l'animal au
moment de la morsure. Lorsqu'un crotale en liberté et
pendant la saison chaude mord un chien, les accidents sont
foudroyants et l'animal succombe en deux minutes à peine,
tandis que dans les expériences faites avec des animaux
conservés en captivité depuis longtemps la mort est beau-
coup plus lente, et même l'animal mordu peut survivre à
ses piqûres. Les animaux à sang froid résistent beaucoup
mieux que les animaux à sang chaud, et chez ces derniers
il existe des différences considérables de résistance. L'âne
est un des animaux les plus sensibles, il succombe presque
toujours à la morsure d'un crotalide, tandis que le chien
guérit souvent et que le chat ne meurt presque jamais.
L'homme, proportionnellement à son poids, présente une
réelle résistance, plus marquée encore dans la race blanche
que dans la race nègre.
Iraitement, Les indigènes et les nègres d'Amérique
emploient une série de substances diverses mal connues,
et qui auraient les propriétés de combattre efficacement
l'action du venin : entre autres la macération du foie du
crotale lui-même, ou de la chair du guacabo, oiseau man-
geur de serpents, des infusions de plantes appartenant
principalement à la famille des Aristolochiées. Le traite-
ment le plus rationnel consiste à s'opposer à la pénétration
du venin dans l'économie, paV une forte ligature faite im-
médiatement au-dessus du point mordu, la succion de la
plaie, et la cautérisation. Depuis quelques années (4882),
on a préconisé comme antidote de la morsure du crotale
l'injection sous-cutanée autour de la morsure d'une solu-
tion de permanganate de potasse au centième (Lacerta).
Le permanganate doit agir dans ce cas en coagulant tout le
sang autour de la région infectée. Quant au traitement gé-
néral, il doit s'adresser surtout aux symptômes constatés.
Les excitants, les diffusifs, l'alcool, l'acétate d'ammoniaque
et toutes les substances capables de faciliter l'élimination
de l'agent toxique sont indiquées : ipéca, pilocarpine.
D** P. Langlois.
BiBL. : Erpétologie. -— Sauvage, dans Brehm, Reptiles,
— DuMÉRiL et Biberon, Erp. gén.
Toxicologie. — Weir Michel, Researches upon the
Venom of the rattlesnake. — Vulpian, Communication à
l'Académ.ie des sciences, 1882. — Urueta, Recherches sur
l'action du venin des serpents; thèse, 1884.
CROTALOCRINUS (Paléont.). Genre de Crinoïdes fos-
siles devenu le type de la famille des Crotalocrinidce (Zit-
tel), qui fait partie des Encrinoïdea et présente les carac-
tères suivants : Calice irrégulier , cupuliforme, à base
dicyclique, les M-
frabasalia, Para-
basalia et Radialia
au nombre de cinq
avec une interradiale
anale. Opercule cali-
cinal formé de pla-
quettes recouvrant
six plaques orales.
Bras très divisés ,
présentant cette par-
ticularité d'être sou-
dés latéralement de
manière à simuler
de larges feuilles en-
roulées. Pas de pin-
nules ; les sillons
ambulacraires sont
recouverts de pla-
quettes. Le canal
Crotalocrinus pulcher, — a, calice ;
b, portion de la tige.
dorsal des articles des bras est extrêmement développé. Le
genre type (Crotalocrinus Austin) présente au plus haut
degré les caractères de la famille, les bras étant complète-
ment réliés par les prolongements latéraux de leurs articles
et formant une large expansion réticulée en forme de feuille,
enroulée sur les bords et repliée comme dans un bourgeon
floral. Tel est le Cr, pulcher du silurien supérieur du
Gothland et du pays de Galles. Les genres Enallocrinus
(d'Orbigny), du même gisement, et Cleiocrinus (Billings),
du silurien inférieur du Canada, appartiennent à la même
famille (V. Encrines). E. Trouessârt.
CROTCH (William), musicien anglais, né à Norwich
le 5 juil. 4775, mort à Londres en 1847. Enfant pro-
dige, il étonna ses contemporains, et Burney lui consacra
une notice détaillée. Tout semblait annoncer qu'il serait
un très grand musicien. Ces espérances furent déçues. Ce
ne fut qu'un professeur de valeur moyenne et ses com-
positions manquent d'originalité et même d'intérêt. A
vingt-deux ans il fut nommé professeur de musique de l'uni-
versité d'Oxford, puis docteur. Il était professeur à l'aca-
démie royale de Londres quand il mourut. Sa meilleure
composition est l'oratorio Palestine, Ch. Bordes.
BiBL. : Grove , Dictionary of music and musicians ;
Londres, 1879, in-8.
CROTELLES. Com. du dép. d'Indre-et-Loire, arr. de
Tours, cant. de Châteaurenault ; 434 hab.
CROTENAY. Com. du Jura, arr. de Poligny, cant. de
Champagnole; 375 hab.
CROf ON. 1. Botanique {CrotonL.), — Genre de plantes
de la famille des Euphorbiacées, qui a donné son nom au petit
groupe des Crotonées. Ce sont des arbres, des arbustes, des
sous-arbrisseaux ou des herbes à feuilles alternes ou stipu-
lées. Les fleurs, disposées généralement en grappes ou en
épis, sont unisexuées, monoïques ou dioïques, et pourvues
d'un périanthe double, pentamère. Les étamines, en nombre
variable, ont leurs filets recourbés dans le bouton. Le fruit
est formé généralement de trois coques bivalves, renfermant
chacune une graine albuminée et pourvue d'un arille micro-
pylaire plus ou moins développé. — Les Croton habitent
les régions tropicales et sous-tropicales des deuxmondes.On
en connaît environ quatre cent cinquante espèces, parmi les-
quelles plusieurs jouissent d'une certaine réputation comme
médicinales ou industrielles. Les plus importantes sont :
1° le C. Elutheria Benn., petit arbre des Antilles, qui
fournit l'écorce de Cascarille (V. ce mot), à laquelle on
- 501 —
CROTON - CROTONAL
Croton tiglium L.
substitue parfois Técorce très parfumée du C, glabellus
Miill., employée aux Antilles pour préparer des bains aro-
matiques ; 2° le C, niveus Jacq,, espèce du Mexique et de
la Colombie, qui donne au commerce l'écorce de Copalchi
(V. ce mot) ; 3<* le C. Malambo Karst, dont l'écorce aro-
matique-amère constitue le Palo-matras ou Matras-bark
des Anglais (V.
Malambo ) ; 4°
enfin, le C, ti-
glium L. ( C,
Pavana Wall.),
petit arbre des
Indes orientales
et des îles voi-
sines que Ton
cultive aux îles
Mascareignes et
dans TAmérique
tropicale. Ses
graines connues
en Europe sous
les noms de
graines de Tilly
oudesMoluques,
Petits Pignons
d'Inde, fournis-
sent par expres-
sion l'huile de
croton. Son bois
constitue le bois
des Moluques {Lignum Pavanœ s. Moluccense des offi-
cines), employé comme émétique, purgatif et diaphorétique.
— Le Cr, sebi férus L. fait maintenant partie du genre
Exccecaria (V. ce mot) et le Cr. tinctorius L. est devenu
le Tournesolia tinctoria H. Bn. (V. Tournesoliâ). Quant
aux Croton que Ton cultive si fréquemment dans les
serres à cause des panachures de leurs feuilles, ils appar-
tiennent au genre Codiœum (V. ce mot). Ed. Lef.
II. Horticulture. — Les plantes d'ornement cultivées
chez nous dans les serres chaudes se rapportent non au
genre Croton L. mais au genre Codiœum Rumph. Ces
euphorbiacées ont fourni par la culture incessante des
variétés fort ornementales, mais qui ne sont qu'assez
rarement utilisées pour la décoration des appartements à
cause de leur faible résistance. Rapidement ces plantes
perdent leurs feuilles et dépérissent. La coloration des
feuilles est très variable ; celles-ci sont souvent marbrées de
jaune, de rouge et d'orangé. On cultive ces plantes en
terre de bruyère et on les multiplie au moyen de boutures
qui reprennent aisément, à la condition d'être faites sous
cloche et bien à chaud.
in. Chimie. — Huile de Croton, L'huile de croton
est retirée des graines du Croton tiglium L. On la prépare
par expression ou au moyen des dissolvants. Dans le premier
cas, on monde les graines avant de les passer au moulin
et on soumet la poudre, renfermée dans un sac de toile, à
une fusion graduelle, entre des plaques de fer chauffées à
l'eau bouillante ; on filtre l'huile au papier. Le tourteau est
ensuite broyé et chauffé au bain-marie avec deux fois son
poids d'alcool à 80** ; on passe avec expression, on chasse
l'alcool, et, après une dizaine de jours de repos, on filtre
l'huile brune qui reste comme résidu, avant de l'ajouter
au premier produit. 4 kilogr. de semence fournit environ
270 gr. d'huile. On peut aussi plus simplement épuiser
par de l'alcool éthéré les semences broyées ; on évapore,
on laisse déposer et on décante. Bien préparée, l'huile de
croton est jaunâtre, limpide, douée d'une odeur désagréable
et d'une âcreté excessive; elle est insoluble dans Peau,
assez soluble dans l'alcool fort, très soluble dans l'éther.
D'après Schlippe, elle est formée de stéarine, de palmitine,
de myricine, de taurine, ainsi que de glycérides dont les
acides appartiennent à la série acrylique, notamment les
acides crotonique et angélique. Suivant Genther, l'huile de
croton ne contient à l'état de glycéride ni acide crotonique
solide, ni acide isocrotonique , mais seulement l'acide
métacrylique de Frankland et Duppa. Schlippe admet que
les propriétés irritantes de l'huile sont dues au crotonal
(V. ce mot) ; l'action drastique appartiendrait alors à un
autre principe, qui reste à découvrir. Tusson admet
l'existence d'un corps azoté, incristallisable, analogue à la
ricinine. Ed. Bourgoin.
IV. Thérapeutique. — Les graines sont la seule partie
employée de la plante, bien que les propriétés purgatives qui
les font rechercher paraissent exister à un degré égal dans
les feuilles fraîches. Ces graines ne sont jamais prescrites
en nature : l'huile qu'elles donnent par expression est
seule entrée dans les usages médicinaux. Cette huile jouit
d'une action irritante des plus marquées, qui se manifeste
aussi bien sur les téguments que sur les muqueuses
digestives. Injectée dans le tissu cellulaire sous-cutané,
elle provoque une inflammation phlegmoneuse des plus
graves, avec eschare, fièvre, etc. Employée en frictions
sur la peau, elle détermine une sensation de chaleur,
puis une vive rubéfaction, suivie de l'apparition de petites
vésicules, d'abord isolées et à contenu clair, qui bientôt
deviennent confluentes et se remplissent d'un liquide pu-
rulent. Ces vésicules crèvent ensuite et laissent à leur place
une croûte dont la chute laisse une cicatrice parfois ineffa-
çable. Ce qui tendrait à prouver qu'il existe dans l'huile
un principe acre de nature volatile, c'est que l'éruption
dépasse toujours de beaucoup l'étendue de la zone frottée
d'huile : on a pu même observer de véritables éruptions
crotoniques généralisées, à la suite d'une simple friction
locale, ce qui ne s'explique qu'en admettant la diffusion des
vapeurs irritantes sous les habits du patient.
Prise à l'intérieur, l'huile de croton détermine une vio-
lente sensation de brûlure dans l'arrière-gorge et se com-
porte ensuite comme un purgatif drastique des plus vio-
lents, provoquant des selles séreuses répétées, et, à haute
dose, de la superpurgation, du refroidissement, du coma
et la mort. Il suffit d'une goutte d'huile pour amener une
purgation énergique, avec nausées et coliques. Avec vingt
gouttes, la mort arrive presque sûrement au miheu d'acci-
dents cholériformes. On l'emploie à la dose d'une goutte ou
deux, mélangée à du madère ou à une huile quelconque ou
incorporée à une émulsion. Elle peut rendre des services dans
la constipation opiniâtre et même dans l'iléus, mais il faut
sûrement l'interdire à tout malade dont les voies digestives
sont en mauvais état. Les Anglais emploient souvent
comme purgatif ordinaire, une goutte d'huile de croton dans
30 gr. d'huile de ricin. A l'extérieur, l'huile de croton a
été employée en frictions, comme révulsif énergique et
surtout rapide, dans une foule d'inflammations et de conges-
tions viscérales, pneumonie, métrite, etc. : elle provoque
des démangeaisons insupportables, et, comme nous l'avons
dit, peut amener une éruption généralisée : il faut préserver
soigneusement les yeux de ses vapeurs. D^ R. Blondel.
BiBL. : Chimie. — Boudkt, Journ. Ph. et Ch.^ t. VII,
395 (3). ~ Caventou et Pelletier, Acides du Croton ti-
glium^ Jowm. Ph. et Ch.^ t. IV, 289.— Conwell, i6., t. X,
172. — Geuther et Frolich, Acides volatils du Croton.
Soc, Ch., t. XIII, 523. — NiMMO, Journ. Phys. et Ch., t. IX,
119. —Schlippe, Hec/i. sur l'huile de croton. An. Ch. et
Phys., t. LU, 496 (3).
CROTONAL (Chim.). Schlippe a donné le nom de cro-
nal au principe irritant de l'huile de croton tiglium. On le
prépare de la manière suivante : on saponifie l'huile à
chaud avec une lessive alcoolique concentrée de potasse
caustique, on ajoute de l'eau, on filtre sur un filtre mouillé
et on précipite par l'acide chlorhydrique ; le précipité huit
leux, dissous dans l'alcool chaud, est mis en digestion, lâvee
de l'hydrate de plomb, pour le débarrasser des'aojdes
gras qu'il renferme ; on filtre la liqueur et on la;^f end
légèrement alcahne : elle laisse déposer ,,p!^u,a^peui,'Jl@
crotonal, qu'on lave à l'eau et qu'on, de^sèch^,^ ^F'ès
l'avoir traité par l'éther pour séparer, quei<quqs,'î^
retés. Le rendement est de 4 ^lç,^[Ù[cïp^Qû.^t^^^ï,'ik
CROTONAL »» CROTONYLENE
liquide visqueux, incolore, à odeur de térébenthine ; il
s'altère à la distillation, il est insoluble dans l'eau, solu-
Me dans l'alcool et dans l'éther ; sa solution alcoolique ne
donne de cristaux ni avec l'ammoniaque, ni avec les
bisulfites alcalins; les alcalis le résinifient et lui font
perdre ses propriétés vésicantes. Schlippe lui donne pour
formule G^^H^^O^ ; mais cette formule manque de contrôle
et rien n'indique qu'il s'agisse d'un principe défini. Ed. B.
BiBL. : Schlippe, Rech, sw Vhuile de croton^ An. der
Ch. und Pharm., t CV, I; Ann. Ch. et Phys., 1858, t. LIL
496.
CROTONE (Géogr. anc). Ville de la Grande-Grèce, dans
l'Italie méridionale à l'embouchure de l'Asarus, auprès de
la ville actuelle de Cotrone (V. cet art. où son histoire a
été esquissée) ; on en trouvera le détail au mot Grande-
Grèce.
BiBL. ; Lenormant, la Grande-Grèce^ 1881-84, 3 vol. —
Grosser, Gesch. und Altertum der Stadt Kroton ; Minden,
1867, 2 livr.
CROTONIQUE.L Aldéhyde.
Formules \ E^"^^"- ^'^'^''
lormuies | j^^^^^^^ ^4060.
Syn. Acraldyde-crotonaldéhyde. Il se forme : 1*^ en
chauffant l'aldol à 140^, soit seul, soit avec de l'acide
acétique ou même de l'eau, vers 400^ (Wurtz) ; 2° lors-
qu'on fait réagir l'acide chlorhydrique sur l'aldéhyde éthy-
lique (Kékulé), ou encore en chauffant en vase clos un
mélange d'aldéhyde et de chlorure d'éthylidène (Amato et
Paterne) ; 3*^ dans Fattaque de l'éthylène brome par Facide
sulfurique (Zeizel). On le prépare en chauffant simplement
l'aldéhyde ordinaire avec du chlorure de zinc, une partie
du produit se résinifiant, l'autre éprouvant une condensa-
tion régulière :
2C^^r^02 :r:r. \iw -\- mw^.
L'aldéhyde crotonique est un liquide incolore, très mobile,
doué d'une odeur irritante, bouillant sans altération à 404^.
A l'air, il fixe lentement l'oxygène et se convertit en acide
crotonique solide, fusible à 74*^,5. L'hydrogène naissant le
change en alcool butylique et crotonylique ; il fournit de
l'aldol au contact de Facide chlorhydrique et au voisinage
de zéro. Il s'unit aux halogènes, par exemple, avec le
brome, à basse température, pour donner un liquide huileux
sans dégagement d'acide bromhydrique. On peut considérer
comme un dérivé de l'aldéhyde crotonique Voxytétral-
dine on crotonal-ammoniaque,^ C^^H^^AzO^, qu'on obtient
en chauffant à 400^ une solution alcoolique d'aldéhyde--
ammoniaque :
lî Acides --». Formules S Equiv... CSH^O^.
a. ACiaes. formules ^ ^^^^^^^^ C^HW.
Les acides crotoniques sont des corps incomplets qui
appartiennent à la série acrylique. Il en existe trois : deux
se rattachent à l'acide butyrique normal et le troisième à
l'acide isobutyrique.
I. Acide «-crotoniûue [C^HW m CHsCHiGH.CO^H].
Syn : Acide crotonique solide, acide tétracrylique. Il se
forme : 4^ en saponifiant le cyanure d'allyle par une les-
sive do potasse caustique (Clauss, Wili et Korner) :
G^H^Az 4- 2H202 ™ AzH3 + CSIFQ ;
2^ Lorsqu'on distille l'acide (3-oxybutyrique de Wislice-
nus, C-'^IPO^, lequel perd une molécule d'eau; 3^ en chauf-
fant en tubes scellés, vers 470-480°, Facide p-crotonique ;
4^ lorsqu'on maintient à 400°, pendant plusieurs jours, un
mélange de paraldéhyde, d'acides acétique et malonique
(Komnenos), ou encore en chauffant à 470° 4 p. d'acide
pyruvique avec 4 à 5 p. d'anhydride acétique et autant
tf acétate de sodium, tant qu'il se dégage de Facide carbo-
îiipe :
; €/HW +_C^H^0^ C^O^* -^f WO^ + G^ÏÏ^O'^
.^c. pyruvique Ac. acétique *Ac. crotonique
Jour J)reparer, l'acide a-crotonique, Beilstein et Wiegland
ï'édulséiit par l*ai||£ilgame de sodium l'éther acéto-acétique,
aëmllîenj;, to Facidp sulfurique et soumettent le tout à la
tmîllàtion f on citlévét^ar l'éther l'acide organique au pro-
502
duit distillé et on purifie par cristallisation dans l'eau
chaude. L'acide a-crotonique cristallise en aiguilles fusibles
à 74°,5, facilement sublimables, bouillant à483°,8 (Bulk).
A 45°, il exige 42,7 p. d'eau pour se dissoudre (B.). Il
s'unit directement au brome , pour engendrer Facide
a-p-dibromobutyrique ; à Facide bromhydrique, pour for-
mer Facide a-bromobutyrique ; à Facide hypochloreux,
pour donner l'acide chlorox y butyrique. Les oxydants le
dédoublent aisément en produits qui appartiennent à la
série acétique, la potasse en fusion le convertit en acétate ;
Facide chromigue, en acide acétique et aldéhyde; l'acide
azotique en acides acétique et oxalique, etc. Ses sels, qui
sont cristallisables pour la plupart, répondent' à la for-
mule C^H^MO^. Il fournit avec le chlore et le brome des
•produits de substitution qui ont été étudiés par Krâmer,
Wallach, Sarnow, Geuther, Michael et Norton.
IL Acide (3-crotonique [C^HW-ii^CH^: CH.CH^COsH].
Syn.: Acide isocroto7îique, acide quavtényliqiie. Obtenu
par Geuther en réduisant par l'amalgame de sodium une
solution aqueuse de chloroquarténylâte de sodium ; il se
fait un sel sodique, qu'on additionne d'acide sulfurique,
ayant d'agiter avec l'éther qui s'empare de Facide libre.
Liquide huileux, incolore, d'une odeur butyrique forte,
encore liquide à —45°; il bout à 4 74°, 9 ; sa densité à 29°
est de 4,048 ; il est soluble dans Feau, l'alcool et l'éther.
La potasse fondante le transforme intégralement en acide
acétique ; comme son isomère a, Famalgame est sans action
sur lui; il s'unit aux halogènes, aux hydracides, etc.
m. Acide métacrylique'CG^IPO^^: C1P:C(GH3).G0^H].
Il a été préparé, en 4865, par Frankland et Duppa en atta-
quant le diméthoxalate d'éthyle par le trichlorure de phos-
phore, ce qui fournit un éther crotonique, qu'on saponifie
par la potasse alcoolique. Prehn Fa obtenu en faisant
bouillir avec une lessive alcaline les acides citrachloro et
mésabromopyrotartrique ;
Ci^H^BrNa^OS ^rr NaBr + C^O^ + CSH^NaO^.
On peut encore plus simplement faire bouillir l'acide
bromo-isobutyrique avec 45 à 20 p. d'eau (Thomson) :
CSH^BrO^r^MBr + CSH^O^,
Suivant Kopp, il existe dans l'essence de camomille, et
suivant Geuther dans l'huile de croton, à l'état de glycéride.
Il cristalHse en longs prismes, fusibles à 16^,^bouillant
à 460°. Il est très soluble dans Feau. L'hydrogène nais-
sant le transforme en acide isobutyrique :
CSIW + IP^C^HW,
La potasse en fusion le dédouble en propionate et en
formiate alcalins :
mW 4- 2KH02~ C^HKO^ + G^IPKO^^
Il se polymérise avec la plus grande facilité sous diverses
influences, même par simple distillation (Fittig). Il s'unit,
d'ailleurs, avec facilité aux halogènes et aux hydracides,
pour engendrer des dérivés de Facide isobutyrique.
Ed. BOURGOIN.
BiBL. : Aldéhyde. — Amato et Paterno , Synthèses^
Comptes rendus, t. LXIX, 379. — Bauer, id., t. LI, 55. --
KÉKULÉ, An. Ch. et Phys., t. XII, 814(4); Soc. Ch., t. XVI,
273 274. —Wurtz, Compt. rend., t.XCVII, 1169. -™ Zeizel,
Soc. Ch., t. XXXI, 415.
Acides. — Alberti et Fittig, Acides crotoniques, Soc.
Ch., t. XXVIII, 83. -- Bulk, Synthèse, id., t. VII, 256.—
CLAUs,zd., t. III, 208 — Frankland et Duppo,. Acide mé-
thacrylique,An.Phys.Ch.,t.\,m2(i).— Fittig, Soc. Ch.,
t. XXVI, 504 ; t. XXVIII, 83 ; t. XXX, 43 ; t. XXXIV, 313.—
Geuther, id., t. XIII, 523; t. XVI, 108. — Hémilian,
Constitution, id., 1471, t. XXII, 182. — Kékulé, id., t. XII,
466 ; t. XIII, 524 ; t. XIV, 213. — Korner, id., t. XVI, 287 :
t. XXXII, 138. — Prehn, id., t. XXIV, 199. — Stacewigz,
Synthèse, id., t. XII, 359. — Wislicenus, Constitution,
1889, t. II, 171.
CROTONYLÈNE (Chim.). Formules | f?"^*'* ^!|j6
Le crotonylène est un carbure d'hydrogène incomplet
qui a été préparé par E. Caventou en faisant réagir, à la
température de Feau bouillante, une dissolution alcoolique
d'éthylate sodique sur le butylène monobromé, selon la
méthode de Sawitsch :
mV^v + C^H^NaO^ rzr NaBr + CMW^ + C^H^.
503 —
CROXONYLÈNE ^ CROUfi
Il se produit dans un grand nombre de réactions pyro-
génées ; lorsqu'on chauffe au rouge sombre un mélange à
volumes égaux d'éthylène et d'acétylène (Berthelot), ou
bien en soumettant l'acétylène à l'effluve électrique ; lors-
qu'on fait passer des vapeurs de pétrole léger dans un tube
chauffé au rouge, etc., Henninger l'a obtenu en réduisant
l'érythrite par l'acide formique :
Le crotonylène est un liquide très volatil, doué d'une
odeur forte et alliacée, bouillant vers 18^, ayant pour den-
sité de vapeur 4,93 (Théorie =: 4,868). Il brûle avec une
flamme éclairante, fuligineuse. Il donne avec le brome un
bibromure liquide, C^fl^Br^, etuntétrabromure, G^H^Br*,
qui cristallise dans l'alcool en lamelles incolores, fusibles
à 445-446''. Le tétrachlorure, C^lI^Cl^, qui se forme
directement au moyen du chlore, cristallise en magnifiques
cristaux incolores, très brillants, fusibles à 73*^. Le croto-
nylène ne précipite pas par le réactif cuivreux ammoniacal
et ne doit pas être considéré comme le véritable homologue
de l'acétylène. Cet homologue, qui répond également à la
formule C^H^, est Visocrotonylène, que Bruylands a pré-
paré en attaquant par la potasse le butylène monochloré
dérivé de l'homologène supérieur de l'acétone, le méthyl-
éhylacétone. Ce carbure acétylénique précipite en blanc le
nitrate d'argent ammoniacal, en jaune le chlorure cuivreux;
il est donc isomérique avec le crotonylène, bien qu'il four-
nisse, comme ce dernier, deux dérivés bromes d'addition et
qu'il entre en ébullition vers 48**. Ed. Bourgoin.
BiBL. : Berthelot, Carbures pyrogénés, Soc. Ch., t. VI,
279. — Bruylands, Isocrotonylène, Deutsch. Chem, Ge-
sellsch., 1875,472. — E. Caventou, Soc. Ch., 1863, t. XIX,
169, 145. — Henninger, Réduction de l'érythrite par
l'acide formique, id., t. XIX, 145.™ Prunier, Sur l'Ethyla-
cétylène, id., t. XX, 72.
CROTOY (Le) (Corocotiniim , Cretense castrum).
Com. du dép. de la Somme, arr. d'Abbeville, cant. de
Rue, à l'embouchure de la Somme (rive droite) ; 4 ,962 hab.
Port de pêche, mais qui était jadis beaucoup plus considé-
rable, et bains de mer. La seigneurie du Crotoy, avant la '
Révolution, appartenait au roi, à cause du comté de Pon-
thieu, et à l'abbaye de Saint-Riquier. Etait le chef-lieu
d'une capitainerie. Une charte communale fut confirmée
au Crotoy par Guillaume III, comte de Ponthieu, en 4209.
Il y avait au Crotoy un château, dans lequel Jeanne d'Arc
fut enfermée quelque temps en 4430, et qui fut démoli en
4674. C'était une position assez importante et qui com-
mandait avec Saint-Valery l'embouchure de la Somme.
Dans l'église, très beau retable en bois sculpté (un du
xv^ siècle) représentant l'histoire de saint Honoré, évêque
d'Amiens, et provenant de saint Vulfrand d'Abbeville. On
a trouvé sur le territoire du Crotoy une tombelle et un
assez grand nombre d'antiquités romaines et gallo-romaines.
BiBL. : Fl. Lefils, Histoire de la, ville du Crotoy et de
son château; Abbeville, 1860, in-18. — E. Prarond, His-
toire de cinq villes et de trois cents villages ; seconde
partie, le Canton de Rue; Paris, 1862, p. 180, in-12. —A.
Labourt, Recherches archéologiques sur le Crotoy, dans
les Mémoires de la Société d'émulation d'Abbeville, 1838-
1840, p. 328.
CROTTES (Les). Com. du dép. des Hautes-Alpes, arr.
et cant. d'Embrun; 4,423 hab.
CROTTES. Com. du dép. du Loiret, arr. de Pithiviers,
cant. d'Outarville; 345 hab.
CROTTET. Com. du dép. de l'Ain, arr. de Bourg, cant,
de Pont-de-Veyle; 677 hab.
CROTTIN. La fiente de mouton, employée depuis long-
temps par les Indiens et dont on lait usage pour la fabri-
cation du rouge turc, ce qu'on appelait animaliser , a
donné l'idée d'employer la bouse de vache. Le crottin n'est
presque plus employé; cependant quelques fabricants de
violet, façon rouge turc, prétendent en obtenir de meilleurs
résultats et s'en servent encore exclusivement (V. Bou-
sage). L. K.
CROUAIS (Le). Com. du dép. d'Ille-et-Vilaine , arr.
de Montfort-sur-Meu , cant. de Saint-Méen ; 473 hab^
CROUAY. Com. du dép. du Calvados, arr, de Bayeux,
cant. de Trévières ; 560 hab.
CROULEUS (Robert) (V. Crowley [Robert]).
CROUP {Mèô.), --Historique Mot d'origine écossaiseem-
ployé comme onomatopée pour désigner une toux rauque et
Î3ruyante. Il faut d'abord distinguer le vrai croup ou laryn-
gite diphtéritique (le seul que nous décrirons) du faux croup
ou laryngite striduleuse. En Allemagne et en Angleterre,
quelques auteurs décrivent encore sous le nom de croup une
affection inflammatoire locale et non contagieuse, ce qui prête
à une fâcheuse confusion, car il est bien établi maintenant
que le croup est la localisation au larynx d'une affection,
générale et microbienne: la diphtérie (V. Diphtérie).
Bien que méconnu dans sa nature, le croup sévissait dans
l'antiquité. Home l'étudia le premier d'une façon sérieuse
en 4765 ; le concours Napoléon, en 4807, après la mort
du croup du fils de Lucien Bonaparte, avança la question ;
mais c'est l'épidémie qui ravagea la Touraine, vers 4820,
qui permit à Bretonneau d'affirmer que le croup (diphté-
rite laryngée comme il l'appelait) et l'angine diphtéritique
avaient la même origine. Rarement, il frappe en bonne santé
(croup d'emblée), plus souvent il survient à la suite d'une
rougeole, d'une coqueluche qui, affaiblissant les organes de
la respiration, les mettent en état de réceptivité ; c'est le
croup secondaire. — Causes, Presque toujours, c'est l'an-
gine diphtériti([ue qui, gagnant le larynx, donne lieu au
croup. Maladie extrêmement contagieuse, elle est endé-
mique dans les grandes villes, sévit principalement sur
les agglomérations des faubourgs, et à Paris cause environ
deux mille décès par an. Son maximum de fréquence est
de trois à sept ans, mais il n'épargne aucun âge, témoin
Washington qui en mourut, dit-on, à soixante-huit ans. —
Description, Le croup survient sournoisement; pendant
quelques jours, l'enfant souffre de la gorge, a de l'abattement,
un peu de fièvre ; on aperçoit sur le palais, les amygdales,
la luette, des fausses membranes blanchâtres ; en un mot,
il est atteint d'angine diphtéritique ; lorsque ces traînées
membraneuses auront gagné le larynx, le croup sera
déclaré. Alors il se révèle' par une toux rauque dont les
quintes sont très courtes ; les jours suivants cette toux
devient sourde et voilée, la voix s'éteint graduellement
pour arriver à l'aphonie complète ; cet assourdissement du
son tient aux fausses membranes qui tapissent le larynx.
Le malade ne peut que remuer les lèvres et s'irrite de ne
pouvoir se faire entendre. Les membranes, rétrécissant la
glotte, rendent difficile l'accès de l'air dans les poumons et
l'hématose se faisant mal, la dyspnée augmente ; alors
surviennent les accès de suffocation d'abord rares, puis de
plus en plus fréquents. Chez l'adulte, au larynx plus large,
la dyspnée est faible, du moins au début, tandis que chez
l'enfant ce sont les troubles respiratoires qui ouvrent la
scène. Le tirage survient lorsque la dyspnée est devenue
très intense. La respiration étant réduite à son minimum,
au moindre effort survient un accès de suffocation dont le
tableau est poignant. L'angoisse la plus vive est peinte sur
le visage congestionné du petit malade ; il se dresse sur
son séant, la face tantôt violacée, tantôt toute pâle (as-^
phyxie blanche), portant la main à son cou pour arracher
l'obstacle qui l'étouffé ; hagard, il vous regarde, les yeux
saillant hors de l'orbite, tendant vers vous les bras comme
pour appeler.à son aide, puis, épuisé, il retombe sur son
oreiller sans force de réaction dans un calme relatif. Par-
fois, asphyxié par les fausses membranes, l'enfant succombe
dans un de ces tragiques accès, parfois une quinte heu-
reuse lui fait rejeter des lambeaux membraneux, véritables
moules du larynx ou des bronches ; cette expulsion amène
un grand bien-être, la voix redevient claire, la respiration
plus facile et l'enfant s'endort, mais ce n'est souvent
qu'une accalmie trompeuse ! — Marche, Elle est très va-
riable ; il y a, en général, une période de dyspnée et une d'as^
phyxie avec ou sans phénomènes d'intoxication ; sa durée peut
être de deux jours (croup foudroyant) à des mois (croup chro*
CROUP ~- CROUPIER
504 -.
nique fort rare) ; en moyenne, cette affection dure de deux à
quatre semaines. Pendant toute la maladie, la fièvre ne
dépasse pas 39<* ; les urines contiennent de l'albumine
comme dans toute maladie infectieuse. A Fauscultation des
poumons, on entend le sifflement laryngo-trachéal ; à la
percussion leur sonorité est normale, à moins que la diph-
térie ne les ait envahis. Il en est de môme chez l'adulte,
mais il meurt plutôt de phénomènes d'intoxication générale
que d'asphyxie. — Complicatmis, Déjà si grave par lui-
même, le croup peut se compliquer de bronchite diphtéri-
tique, de broncho-pneumonie qui s'annonce par une dyspnée
constante, une élévation de température; la diphtérie des
fosses nasales (j étage) peut précéder ou accompagner le croup ;
tous ces cas rendent la maladie mortelle, surtout si elle s'abat
sur des surmenés ou des convalescents. Parfois, il y a peu de
signes extérieurs et le malade succombe à une intoxication
due au poison que sécrète le bacille de la diphtérie. Au
point de vue anatomo-pathoîogique, c'est la fausse mem-
brane qui domine dans le croup ; elle tapisse les différents
replis du larynx ; elle est blanc jaunâtre ou teintée d'ex-
travasations sanguines. Fait capital, toute fausse mem-
brane contient à sa face inférieure des quantités de
microbes de la diphtérie (bacille de Klebs et Lœffler);
on ne les trouve jamais ailleurs. Ces bacilles, en contact
avec la muqueuse sous-jacente, sécrètent un poison qui, se
répandant dans le sang, explique les intoxications (V. Diph-
térie). — diagnostic. Il est facile si le croup succède à
l'angine diphtéritique, mais c'est la laryngite striduleuse avec
laquelle on le confond le plus souvent ; elle effraye par son
début brutal et cependant elle est bénigne : l'enfant s'endort
bien portant et se réveille avec une suffocation terrible, mais
sa voix n'est pas éteinte, la toux est aboyante et, dans sa
gorge plus ou moins rouge, on ne voit aucune fausse mem-
brane ; il n'y a pas non plus, comme dans le croup, cette
tuméfaction du cou due à l'infiltration ganglionnaire et
dénommée du nom typique de cou proconsulaire. — Pro-
nostic. Il est très grave, le croup étant mortel dans les trois
quarts des cas; sa gravité dépend de l'état général du
malade et peut-être de la qualité du poison diphtéritique.
La convalescence est fort longue, entravée par les 'para-
lysies des muscles du larynx ; on observe parfois des
l'echutes qui peuvent être fatales. — Traitement. C'est celui
de la diphtérie ; on ne saurait appeler trop vite le médecin
qui, seul, peut juger s'il y a croup. Il faut agir vite et
bien. Toutes les heures environ, on détruira les membranes
qui se reproduisent si rapidement. On emploiera les topiques
antiseptiques, tels que le naphtol camphré ; la nuit on doit
profiter des nombreux réveils du malade pour faire le même
traitement. Les pulvérisations phéniquées sont un précieux
adjuvant. Il faut alimenter le malade par tous les moyens,
lutter contre l'anémie par des toniques ; enfin, si la suffo-
cation menace la vie, on doit pratiquer la trachéotomie.
Maintenant que l'on connaît la cause essentielle du croup
(le bacille de la diphtérie), il n'est pas douteux que la
science luttera de plus en plus victorieusement contre cette
grave maladie. D'^ Plnel-Mâisonneuve.
CROUPE. I. Art vétérinaire, — Région du corps du
cheval située en arrière des reins, en avant de la queue,
limitée de chaque côté par les hanches, les cuisses et les
parties supérieures des fesses. Elle a pour base les os
coxaux et les muscles qui les recouvrent. Elle est ou ho-
rizontale ou oblique. Trop horizontale, elle défavorise outre
mesure l'action des muscles au profit de la vitesse ; trop
oblique, elle fausse les aplombs et amène la ruine préma-
turée des membres. Si l'obliquité de la croupe est poussée
à l'excès, on la dit basse, coupée, avalée, en pupitre. On
la dit encore en cul-de-poule, quand elle présente une
dépression plus ou moins marquée à la naissance de la
queue, ou en queue de lapin, ou plantée comme dans une
pomme. Elle est anguleuse, lorsque les angles externes des
coxaux sont en grande saiHie. La croupe peut être longue,
large, courte ou étroite. Elle serajbelle si elle est longue et
large ; longueur et largeur étant l'indice de son énergie
musculaire et de la puissance des bras de leviers sur lesquels
sont insérés les muscles. L. Garnier.
II. Architecture. — Extrémité d'un comble qui, ne
s'appuyant pas sur un mur pignon, forme une pente régu-
lière reliée aux longs pans par des angles d'arêtiers. Une
croupe est droite lorsque le plan du bâtiment est un rec-
tangle et elle est brisée quand ce plan est un trapèze ou un
parallélogramme. La charpente d'une croupe droite com-
prend quelquefois une demi-ferme dite ferme de croupe placée
dans le même plan que le faîtage et toujours deux demi-
fermes d'arêtiers aux intersections des longs pans avec le
pan de croupe. Les deux demi-fermes d'arêtiers et la demi-
ferme de croupe ont un même poinçon qui leur est commun
avec la dernière ferme transversale ordinaire du comble et
qui reçoit l'extrémité du faîtage. La charpente des croupes
biaises se compose des mêmes éléments ; mais lorsque le
biais est très prononcé, toutes les pièces formant les demi-
fermes de croupe ou d'arêtiers sont délardées ou déversées.
Les bâtiments se terminant à une extrémité par une partie
polygonale ou circulaire, comme les absides des églises, ont
leurs combles terminés par des croupes ; mais quelquefois,
dans le dernier siècle, au Panthéon de Paris par exemple,
on a posé des croupes sur des frontons qui, de fait, ne
sont autre chose que des pignons moins élevés, il est vrai,
que les combles de l'édifice dont ils reçoivent ainsi l'ex-
trémité du faîtage. Charles Lucas.
BiBL. : Architectgre. — Viollèt-le-Duc, Dict. de
V Architecture française; Paris, 1868, t. IV, in-8. — P.
Chabat, Dict. de la Construction: Paris, 1881, t. IL in-8,
2«édit., fîg. ^ ^ î > 5 1
C R 0 U P 1 AT (Mar . ) . Filin que l'on frappe sur un point fixe
voisin du navire (coffre, canon, etc.) et dont on se sert,
soit pour éviter le navire, soit pour appareiller. On prend
le croupiat par l'arrière, en le faisant passer dans un
sabord pour les grands bâtiments, dans un chaumard
pour les petits. On le garnit au cabestan et l'on vire pour
abattre dans le sens voulu. Sous les tropiques, il importe
de ne pas laisser le navire continuellement évité debout
au vent, à cause de la grande chaleur. Souvent, surtout à
bord des petits navires, on s'embosse en faisant croupiat
sur l'ancre de mouillage. Pour cela, on a soin de frapper
une aussière sur la cigale de l'ancre avant de mouiller, ou
simplement sur la chaîne, si l'ancre est déjà au fond. On
prend cette aussière par l'écubier d'embossage, on la
garnit au cabestan et, en filant doucement la chaîne, on
égalise les deux touées de chaîne et d'aussière. De cette
manière, le bâtiment est pris sur une patte d'oie. On
arrête le mouvement dès que le navire est en travers au
vent, c.-à-d. dans une position perpendiculaire à celle
qu'il occupait précédemment.
CROUPIER. I. Jeu. — Ce mot a plusieurs sens. On
entend souvent par croupier un joueur associé avec celui
qui tient les cartes ou les dés; le mot croupe, autrefois très
employé, désignait une part de bénéfice que l'on accordait
à un tiers dans une entreprise financière.
Dans les maisons de jeu on nomme croupier l'individu qui
assiste le banquier, dit aux joueurs de « faire leur jeu »,
arrête les mises en disant que « rien ne va plus », avertit
le banquier des cartes gui passent et, quand les points
sont annoncés, paye les joueurs gagnants ou attire à lui,
avec un râteau, l'argent des perdants.
En terme de bourse, les croupiers sont des associés des
agents de change qui, le jour de la liquidation ou de la
livraison, payent ou encaissent les différences.
IL Droit commercial. — Le croupier est un tiers qui,
sans figurer en nom dans une opération commerciale,
doit cependant supporter une part des pertes ou prendre
une part des bénéfices résultant de cette opération. L'as-
socié en nom collectif tenu, au regard des créanciers
sociaux, tant que la société dure, au regard de ses coas-
sociés tant que ceux-ci n'ont pas consenti à ce qu'il sorte
de la société, peut faire à une autre personne la cession
de ses droits et obligations dans la société (C. civ., art.
1061), Ce cessionnaire est le croupier de l'associé qui
- 505 —
CROUPIER — CROUTES
reste en nom. Le croupier ne peut agir contre les débi-
teurs ou associés de son cédant qu*en vertu de l'art. 1466
du C. civ. C'est en vertu du même article que les créan-
ciers de celui dont il est cessionnaire peuvent agir contre
lui. L. DiDIERJEÂN.
CROUPTE (La). Corn, du dép. du Calvados, arr. de
Lisieux, eant. d'Orbec ; 438 hab.
CROUS (Marie), mathématicienne française delà première
moitié du xvn® siècle, sur laquelle l'attention a été appelée
par une notice de M. Terquem : Nouvelles Annales de
mathématiques (4853). Elle a composé deux ouvrages
imprimés en 4636 et 4644 et qui étaient destinés à vul-
gariser les fractions décimales inventées par Stevin. Ce
sont les premiers ouvrages où la notation actuelle soit
systématiquement adoptée ; leur influence ne paraît pas
avoir été négligeable, quoique le nom de l'auteur soit
resté sans célébrité. Marie Crous paraît avoir enseigné
l'arithmétique à Paris dans quelque établissement en vogue ;
ses écrits sont dédiés, l'un à M"*" de Combalet, nièce du
cardinal de Richelieu, l'autre à Charlotte de Caumont,
demoiselle de La Force. T.
CROUSAZ (Jean-Pierre de), philosophe et mathémati-
cien suisse, né à Lausanne le 42 avr. 4663, mort à Lau-
sanne le 22 mars 4750. Dès l'âge de seize ans, il donnait
avec distinction des répétitions de philosophie à quelques
jeunes gens de sa ville natale. Après un séjour de deux
années en Hollande et en France (4682-84), il revint à
Lausanne, y fut professeur de mathématiques et de philo-
sophie (4700), puis recteur de l'université (4706), et, en
4722, à la suite de querelles religieuses, se rendit à Gro-
ningue, où il enseigna également les mathématiques et la
philosophie, en même temps qu'il dirigeait l'éducation du
jeune prince Frédéric de Hesse-Cassel. Rentré à Lausanne
en 4732, il y reprit en 4737 sa chaire de philosophie. Il
avait été élu en 4725 associé étranger de l'Académie des
sciences de Paris. Possédant de vastes connaissances, mais
dépourvu d'originalité, il a emprunté à beaucoup de sys-
tèmes philosophiques et en a combattu plus encore : le
scepticisme de Sextus Empiricus et de Bayle, les monades
et l'hypothèse de l'harmonie préétablie de Leibniz, le for-
malisme de Wolf furent tour à tour l'objet de ses plus
vives attaques ; on doit surtout lui reprocher de n'avoir
pas plus épargné, dans ces polémiques, les hommes que
leurs idées. Toute son œuvre s'est en somme à peu près
hornée à employer beaucoup de bon sens et une certaine
sagacité à défendre, dans un style prolixe, et sans beau-
coup de méthode, les doctrines de Descartes et de Locke.
En mathématiques, il a publié un certain nombre de tra-
vaux assez intéressants, qui ont été couronnés par diverses
académies; mais il n'a fait faire aucun progrès réel à la
science. Ses écrits sont très nombreux ; les principaux ont
pour titres, par ordre de dates : la Logique^ ou système
de réflexions qui peuvent contribuer à la netteté et à
l'étendue de nos connaissances (Amsterdam, 174^,
2 vol. in-8 ; dern. éd., 4746, 6 vol. in-8) ; Réflexions sur
l'utilité des mathématiques (Amsterdam, 4745) ; Traité
du beau (Amsterdam, 4745, in-8; 2«éd., 4724, 2 vol.
in-42) ; Géométrie des lignes et des surfaces rect (lignes
et circulaires (Amsterdam, 4748, 2 vol. in-8) ; Com-
mentaire sur l'analyse des infiniment petits de VRô-
pital (Paris, 4724 , in-4) ; Timté de l'éducation des
enfa7its (Lsi lïaye, 4722, 2 vol. in-42); Essai sur le
mouvement (Groningue, 4725) ; De Mente humana
(Groningue, 4726, in-4); Traité de l'algèbre (Paris,
4726) ; Sur la Nature^ V action et la propagation du
feu (Bordeaux, 4 729) ; Examen du pyrrhonisme an-
cien et moderne (La Haye, 4733, in-foL), son ouvrage
le plus important ; De l'Esprit humain (Bâle, 4 74 4, in-4) ;
Réflexions sur V ouvrage intitulé la Belle Wolfienne
(Lausanne, 4744); Observations critiques sur r Abrégé
de la logique de Pfo//" (Genève, 4744), Léon Sagnet.
BiBL. : Grandjean de B'ouchy, Eloge de Crousaz, dans
VHist, de VAcad. des sciences, année 1750; Paris, 1754,
p. 188, in-4.
CROUSEILHES (Marie-Jean-Pierre-Pie-Frédéric Dom-
BTDAu, baron de), homme politique français, né à Oloron
le 44 juil. 4792, mort le 49 févr. 4864. Avocat en 4842,
il fut nommé avocat général à la cour de Paris vers 4846,
puis maître des requêtes au conseil d'Etat en 4820, direc-
teur des colonies, secrétaire général du ministère de la
police (4824), conseiller à la cour de cassation (4828).
Créé pair de France le 4 mai 4845, il fut élu représentant
des Basses -Pyrénées à l'Assemblée législative le 43 mai
4849 et siégea à droite. Le 40 avr. 4 854, il était pourvu,
dans le cabinet Rouher, du portefeuille de l'instruction
publique et des cultes qu'il conserva jusqu'au 26 oct. de
la même année. H se rallia à l'Empire et fut nommé séna-
teur le 26 janv. 4856. H a donné plusieurs articles au
Répertoire de Législation de Favard de Langlade.
CROUSEILLES. Corn, du dép. des Basses-Pyrénées,
arr. de Pau, cant. deLembeye; 448 hab.
CRÛ US LÉ (François-Léon), professeur français, né à
Paris le 29 mai 4830. Elève de l'Ecole normale supérieure
(promotion de 4850), professeur de rhétorique au lycée
Henri IV, il devint le i^^ janv. 4874 maître de conférences
de langue et littérature françaises à l'Ecole normale supé-
rieure, et le 23 juin 4879 professeur d'éloquence fran-
çaise à la faculté des lettres de Paris. Outre ses thèses :
De L.Annœ Senecœ naturalibus quœstionibus (4863),
Lessing et le goût français en Allemagne (4863), et
diverses traductions appréciées, il a donné d'excellentes
éditions classiques et écrit : Eléments de la grammaire
française rédigés pour les premières classes (Paris, 4884,
in-42) ; Grammaire de la langue française (Paris, 4888).
C ROUSSE (Franz), officier belge, né à Bruxelles
en 4828. Il appartint au corps royal d'état-major et fut
professeur à l'école de guerre. Il prit sa retraite en 4887
ayant le grade de colonel. A cette époque, il combattit
vivement le projet, dû au général Brialmont (V. ce nom)
et adopté depuis, de fortifier la ligne de la Meuse pour
en faire la base du système défensif de la Belgique.
Ecrivain militaire distingué, M. Crousse a publié plusieurs
ouvrages qui jouissent d'une grande réputation. En voici
les principaux : la Guerre du Schlesvig (Bruxelles, 4864,
in-8); Histoire de la Guerre de Crimée (Bruxelles, 4864,
in-8); les Luttes de V Autriche en i866 (Bruxelles, 4868-
4870, 3 V. in-8) ; la Péninsule gréco-slave, son passé,
son présent et son avenir (Bruxelles, 4876,in-8). E. H.
CROUTE (Céramique). Feuille de pâte céramique bien
homogène et bien plastique, uniformément façonnée au
rouleau sur une toile forte ou sur une peau humide,
étendue sur une table de façon à l'avoir bien plane. Elle est
destinée à l'exécution de pièces creuses à l'intérieur, qui
ne pourraient, soit à cause de leur forme, soit à cause de
leur peu d'épaisseur, être faites au tour, tandis que le
procédé du coulage ne leur donnerait pas cependant une
épaisseur suffisante pour se soutenir elles-mêmes. On la
prépare d'épaisseur convenable pour l'usage auquel elle
doit servir, mais son emploi nécessite un moule spécialement
préparé, à noyau intérieur, ne laissant entre l'enveloppe
extérieure et lui qu'un vide de l'épaisseur qui doit être
donnée à la pièce. Pour employer la croûte, on commence
par humecter convenablement avec une éponge le noyau
central, de façon que la croûte n'y adhère pas ; on
place la croûte dessus, on l'unit et on pose par-dessus le
moule extérieur, concave, après en avoir légèrement humecté
l'intérieur : étant plus sec, il retient la croûte qui y adhère
et l'enlève au noyau central. On a, dès lors, une épaisseur
de terre bien égale sur tous les points, et avec l'éponge on
fait pénétrer cette croûte dans toutes les parties du moule
extérieur. Comme à cause du noyau central le moule se
compose de plusieurs pièces, les différents segments de la
croûte se soudent à la barbotine. F. de Mély.
CROUTELLE. Corn, du dép. de la Vienne, arr. et cant.
de Poitiers ; 239 hab.
CROUTES (Les). Com. du dép. de l'Aube, arr. de
Troyes, cant. d'Ervy; 256 hab.
CRpUTOy — CROWE
— 506
CROUTOY {Crostoy, le Crotois), Corn, du dép. de
l'Oise, arr. de Compiègne, cant. d'Attichy ; 193 hab. On
y voit les ruines d'un ancien donjon et une tourelle poly-
gone de l'ancien presbytère du xv^ siècle. L'église montre
des restes de fortifications et des yitraux du xv® siècle. Le
hameau de Martimont (Martismons) est un des lieux les plus
anciens du Valois et était le siège d'une importante seigneurie
qui dépendit de Cuise et de Pierrefonds ; il y a, au Bas-Mar-
timont, les restes d'une église du xy^ siècle. On y a trouvé
des médailles gauloises et d'autres antiquités. C. St-A.
CROUTTES. Corn, du dép. de l'Aisne, arr. de Château-
Thierry, cant. de Charly; 588 hab. Elle est située dans la
vallée de la Marne, au pied d'une colline élevée, dans
les flancs de laquelle sont creusées quelques habitations
souterraines qui lui ont donné son nom (Cryptœ^ crotœ),
BiBL. : D*- CoRLiEU, Géographie du canton de Charly
sur-Marne ; Charly, 1879, in-12, avec carte.
CROUTTES. Corn, du dép. de l'Orne, arr. d'Argentan,
cant. de Vimoutiers ; 550 hab.
CROUY. Corn, du dép. de l'Aisne, arr. et cant. de
Soissons, sur la rive droite de l'Aisne ; 4,348 hab. Ce
bourg à l'époque mérovingienne faisait partie du domaine
royal. Donné aux moines de l'abbaye de Saint-Médard de
Soissons, il leur fut confirmé en 720 par Charles-Martel
et en 870, Au xn® siècle, les habitants formèrent avec
plusieurs villages voisins une sorte de confédération com-
munale qui fut rompue peu après. En 1247, ils furent dé-
finitivement affranchis par Jean, comte de Soissons. La
seigneurie appartenait autrefois en partie au chapitre de
Soissons et en partie à l'abbaye de Saint-Médard.
CROUY. Com. du dép. de Loir-et-Cher, arr. de Blois,
cant. de Bracieux; 547 hab.
CROUY. Com. du dép. de la Somme, arr. d'Amiens,
cant. de Picquigny ; 299 hab.
CROUY-en-Thelle (Croyacmn, Cotiriams), Com. du
dép. de l'Oise, arr. de Senlis, cant. de Neuilly-en-Thelle ;
404 hab. Ce lieu, donné par Dagobert à l'abbaye de Saint-
Denis, fit partie du pagiis Camliacensis^ puis du comté
de Beaumont, enfin de la baronnie de Persan. L'église
gothique montre quelques curieux chapiteaux romans du
XI® siècle et des restes de vitraux du xvi^. Fabriques de
boutons, soie à coudre et passementerie. C. St-A.
CROUY-suR-OuRCQ. Com. du dép. de Seine-et-Marne,
arr. de Meaux, cant. de Lizy-sur-Ourcq ; 1,236 hab.
CROUY-Chânel ou CROY {François-Claude-Auguste,
prince de), homme politique et publiciste français, né à
Duisbourg (Prusse) le 31 déc. 1793, mort le 31 août
1873. Il appartenait à la branche dauphinoise de l'illustre
famille de Croy (V. ce nom). A la suite de la première
Restauration, il fit quelque temps partie de la maison mili-
taire de Louis XVIII, mais ne tarda pas à donner sa dé-
mission (1817), fit de lointains voyages, alla combattre
dans les rangs des Grecs (1821), puis passa en Espagne
(1823), où il prit part aux spéculations financières du
banquier Aguado et acquit une grosse fortune. Il applaudit
à la révolution de 1830, mais ne servit pas le gouverne-
ment de Juillet, fut impliqué dans le procès de Louis-
Napoléon Bonaparte en 1840 et, après la révolution de
Février, alla à Rome, où il s'efforça d'entretenir les dis-
posilions, alors libérales, du pape Pie IX. Avant et
après cette époque, M. de Crouy-Chanel éleva et soutint
avec beaucoup de vivacité, la plume à la main, les préten-
tions un peu surannées de sa famille à la couronne de
Hongrie et au duché de Modène. Dans ses dernières années,
il concourut à des détournements graves dont fut victime
le Comptoir d'escompte de Paris et encourut une condam-
nation à trois années d'emprisonnement (1867). — On a
du prince de Crouy-Chanel une brochure intitulée De la
Noblesse et des titres nobiliaires dans les sociétés
chrétiennes (Paris, 1857). A. Debidour.
CROUZAS (De), philosophe suisse (V. Crousaz [De]).
CR0U2EILLES (Marie-Jean-Pie) (V, Crquseilhes).
CROUZET (Le). Com. du dép. du Doubs, arr. de Be-
sançon, cant. d'Amancey; 163 hab.
CROUZET (Le). Com. du dép. du Doubs, arr. de Pon-
tarlier, cant. de Mouthe; 107 hab.
CROUZET (Pierre), pédagogue et littérateur français, né
en 1753 à Saint- Waast (Picardie), mort à Paris le l^^janv.
1811. Nommé en 1780 professeur au collège de Mon-
taigu, il en devint directeur en 1791, lorsque le collège
changea son nom en celui de collège du Panthéon français.
En 1793, la Convention voulant réorganiser l'enseignement
des collèges, Crouzet fut chargé de rédiger avec Mahérault
un plan d'études qui fut imprimé en l'an II par ordre du
dép. de Paris, mais qui ne fut pas adopté. Après le 12 ger-
minal, lorsque Léonard Bourdon fut incarcéré, la direction
de la Société des jeunes Français qu'il avait fondée fut
confiée à Crouzet, et l'Institut transporté de Saint-Martin-
des-Champs à Liancourt. Crouzet eut fort à faire pour re-
lever la discipHne très compromise par les méthodes de
Bourdon, et pour faire face au manque de ressources.
Malgré ses efforts, il ne put échapper aux attaques, et il
fut obligé de défendre sa gestion dans un volume à' Obser-
vations justificatives sur l'Ecole nationale de Liancourt
depuis son origine jusqu'à ce jour, i^^ vendémiaire
an VIL En 1799, il quitta l'institut de Liancourt pour aller
diriger l'école de Compiègne, et de là le Prytanée de Saint-
Cyr. Lorsque, en 1809, le Prytanée fut transféré à La
Flèche, Crouzet fut nommé proviseur du lycée Charlemagne,
poste qu'il conserva jusqu'à sa mort. Outre le Pla?i
d'Etudes provisoires et les Observations justificatives
cités plus haut, Crouzet a publié dans VAÏmanach des
muses (an V, 1798) des Réclamations de VE muet
adressées a M, Sicard, et un Eloge funèbre de J,-S,
Lefèvrede Corbinières (Paris, 1803, in-8). Il s'est essayé
aussi dans la poésie et dans le drame. On lui doit un poème
sur la Liberté (Paris, 1790), une Ode sur l'accident du
S nivôse (Paris, 1801, in-8), un drame historique en un
acte et en vers : Fortunas ou le nouveau d'Assas (1807)
et diverses autres poésies insérées dans la Co^ironne
poétique de Napoléon (1807).
CROUZILLE (La). Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr.
de Riom, cant. de Montaigut ; 971 hab.
CROUZILLES. Com. du dép. d'Indre-et-Loire, arr. de
Chinon, cant. de l'Ile-Bouchard; 703 hab. Station de la
ligne de Chinon à Port-de-Piles (Etat). EgUse du xii*^ siècle,
assez curieuse, comme monument de transition.
CROWE (Eyre- Evans), publiciste et historien anglais,
né en '1799, mort à Londres le 25 févr. 1868. Il débuta
par un volume de poésies: The Pleasures ofmelancholy
and a Saxon taie (1819); entra ensuite au Morning
Chronicle dont il fut le correspondant à Paris de 1829 à
1844, et exerça pendant plusieurs années les fonctions de
rédacteur en chef des Daily News. Il acquit, comme his-
torien, une assez grande notoriété par les publications
suivantes : Lives of foreign statesmen (1830); The Greek
and the Turk (1 853); History of the reigns ofLeiuisXVIll
and Charles X(1854, 2 vol.); History of France (1858-
1868,5 vol.).
CROWE (Catherine Stevens, M"'^ de), femme de lettres
anglaise, née à Borough Green (Kent) en 1800, morte à
Londres en 1876. Elle épousa, en 1822, le lieutenant-
colonel Crowe. En 1845, elle se fit connaître par une tra-
duction de Kerner et trois ans après donna, sous le titre
Night side of Nature, une série d'histoires surnaturelles
écrites avec une certaine vigueur et surtout beaucoup de
vraisemblance. Des tragédies, des livres pour les enfants
suivirent, mais les meilleurs ou plutôt les moins mauvais
de ses ouvrages sont deux romans, Susan Hopley (1841)
et Lilly Daivson{i8^'l), Son dernier livre, Spiritualism
and the Age we live in (1859), n'a d'autre valeur que
l'autobiographie qu'il contient. Hector France.
CROWE (Eyre), peintre anglais, fils d'Eyre-Evans, né à
Londres (Chelsea) en oct. 1824. Elève de Paul Delaroche,
— 507 ~
CROWE -- CROY
à Paris, il raccompagna à Rome en i843 et entra, Tannée
suivante, aux écoles de l'académie royale de Londres. Il
s'adonna à la peinture d'histoire et produisit nombre de
toiles intéressantes, souvent remarquables par une sincère
interprétation des sujets. Nous citerons : Holbein faisant
le portrait d'Edouard VI (4849); Milton visitant Ga-
lilée en prison (1859); De Foë au pilori (4862); Funé-
railles de Goldsmith (4863); Luther apposant ses thèses
à la porte de l'église de Wittenberg (4864); les Savants
français en Egypte (Expos, univ. de Paris, 4878); le
Meurtre de Marat, V Exécution du duc d'Enghien
(1879); la Défense de Londres en i648 (4882). Il fit
aussi des peintures de genre et d'architecture, et ses tableaux
les plus populaires ont été reproduits par la gravure.
CROWE (Joseph-Archer), historien d'art contemporain,
frère du précédent, né à Londres le 20 oct. 4825. Il étudia
les principes de la peinture auprès de Brasseur, Delaroche,
Hubert et Coignet, puis entra dans le journalisme comme
collaborateur des Daily News^ enfin il s'adonna entière-
ment à l'étude de l'histoire de l'art et publia, en commun
avec Giov.-Batt. Cavalcaselle (V. ce nom), deux ouvrages
importants sur la peinture flamande et la peinture itahenne
primitives, ainsi qu'une biographie du Titien. Personnelle-
ment, il rédigea, sur les bases du Manuel de F. Kugler,
un Handbook to the German, Flemish and Dutch
schools of painting (Lonàves, 3^ éd.,4874).^Dans Tintera
valle de ces travaux, il fut envoyé, en qualité de corres-
pondant et de dessinateur des Illustrated London News^
m Turquie et en Crimée (4853-4856), puis fut correspon-
dant du Times pendant la guerre d'Italie (4859). De
4860 à 4872, il exerça les fonctions de consul général
d'Angleterre à Leipzig, ensuite à Du sseldorf jusqu'en 4880.
Nommé cette même année attaché à l'ambassade de Berlin
pour la conclusion du traité de commerce anglo-français,
il passa en la même quahté à Paris en 4882. G. P-i.
CROWLEY (Robert), aussi appelé CROLEou CROLEUS,
écrivain et imprimeur anglais, né vers 4548, mort en
4588. On le trouve établi dans Ely Rents, Holbom, en 4 549 :
de ses presses sortit la fameuse Vision of Pierce Plow-
man ; il imprima aussi plusieurs volumes en dialecte gal-
lois. Au bout de trois ans, il avait quitté sa profession et
était entré dans les ordres. En 4566, étant vicar de
l'église de Saint-Giles, il fut emprisonné pour avoir ameuté
le peuple contre l'usage des vêtements sacerdotaux, qu'il
regardait comme un retour au papisme. Poète et théolo-
gien, il fut toujours un ardent polémiste, et a laissé un
grand nombre d'écrits. Parmi ceux qui méritent d'être
sauvés de l'oubli on peut citer : One and Thyrtye Epi-
grammes (Londres, 4550, in-8), et the Fable of Phil-
argyrie^ the Great Gigant of Great Britain (4554,
in-8). La Société des anciens textes anglais a publié, par
les soins de M. J.-M. Cowper, une édition de ses œuvres
choisies (4872). B.-H. G.
CROWLEV (Nicolas- Joseph), peintre, né à Dublin en
4849, mort en 4857. Il fut nommé membre de la Royal
Hibernian Academy en 4838. Ses œuvres principales sont
les portraits du marquis de Normanby et de Daniel O'Con-
nell (ce dernier a été exécuté en 4844 pendant la captivité
d'O'Connell) et une suite de peintures à l'hôpital Saint-
Vincent à DuMin. F. Courboin.
CROWN ou COURONNE (Métrol.). Monnaie d'argent
anglaise, valait 6 fr. 48 avant 4848 ; actuellement elle
vaut5fr. 81.
CROWN E (John), auteur dramatique anglais. La date
et le lieu de sa naissance sont inconnus et on le suppose
mort à Londres en 4703. Fils d'un colonel de Tarmée
de Cromwell parti pour la Nouvelle-Ecosse, il en revint
dénué de ressources et accepta l'emploi d'huissier intro-
ducteur près d'une vieille dame de qualité. Son premier
livre, un roman de chevalerie, Pandion and Amphi-
genia ou Histoire de la timide dame de Thessalie
(4665), ayant eu peu de succès, il se consacra au théâtre
et écrivit une vingtaine de tragédies ou comédies dont
voici les principales : The Princess of Poland, tragédie
(4674); the Chaste Nymph (4675); Country wit,
tiré en partie du Sicilien de Molière ; Destruction of
krusalem (4677) ; the Ambitions Statesman (4679);
Thy estes, tragédie (4684), œuvre de grand mérite, et
avec Sir Courtly Nice, oti se déploie un grand talent de
description, la meilleure de toutes ses pièces. Cette der-
nière, qui porte comme sous-titre, It Cannot be, est la
plus populaire des œuvres de T.rowne, et fut écrite à
l'instigation de Charles II sur le modèle d'une pièce espa-
gnole. No Puedesser ; elle tint la scène pendant plus d'un
demi-siècle. Vinrent ensuite the Town Sharks, satire
contre les courtisans (4690) ; the Noble Labours of the
Great Dean of iV. 1), in Paris, poème burlesque en
partie tiré du Ltdrin de Boileau (4692) ; the Married
Beau, comédie tirée de Don Quichotte, etc.; le tout
réédité en 4873, 4 vol. in-8. Hector Frange,
CROWS (Anthrop.) (V. Corbeaux).
CROWTHER (Samuel-Adjaï), évêque anglican du terri-
toire du Niger, né vers ^1840 dans le Yorouba (côte des
Esclaves). Pris en 4824 par des chasseurs d'esclaves, em-
barqué sur un négrier, libéré par un croiseur anglais, il
fut débarqué à Sierra Leone. Là, il fut instruit et baptisé
en 4835. Il accompagna en qualité d'interprète la première
expédition anglaise du Niger (4844), fut remarqué et fit
ensuite des études à Londres. Il fut encore de l'expédition
qui explora le Bénoué en 4854. Crowther comprit l'impor-
tance du Niger ; la pensée de faire de ce fleuve une grande
voie de civilisation ne le quitta plus. Dès 4857, il fonda
des établissements d'instruction chrétienne jusqu'au Bénoué,
et son œuvre a prospéré à travers des difficultés sans
nombre. Crowther a été consacré à Canterbury, en 4864,
évêque du Niger ,^ le premier nègre élevé à pareille dignité.
Crov^ther a publié des grammaires et des vocabulaires du
yorouba et du noupé (Londres, 4852). F.-H. K.
CROY (Maison de). Terre et seigneurie de Picardie
(Somme) qui a donné son nom à une ancienne et célèbre
maison, rattachée par les généalogistes aux rois de Hongrie,
race des Arpades, et dont le plus ancien représentant est
Gérard P^, sire de Picquigny, vidame d'Amiens, au com-
mencement du XII® siècle. Cette famille a produit les sei-
gneurs d'Arschot, de Cresecques et de Ferrières, de Porcéan,
de Renty, les marquis et ducs d'Havrech ou Havre, les
comtes et princes de Chimay, les seigneurs et comtes de
Rœux, les seigneurs de Sempy, devenus comtes puis
princes de Solre, les barons de Molembais et enfin les
ducs et princes de Croy. Elle fut érigée en duché simple
par Henri IV (juil. 4598), en faveur de Charles de Croy,
duc d'Arschot. Elle compta aussi bien en France qu'en
Bourgogne, en Allemagne, en Espagne et dans les Pays-
Bas, un nombre considérable de prélats, de généraux, de
diplomates, de hauts dignitaires de cour et d'ordres, de
gouverneurs généraux, etc. Les Croy proprement dits se
divisent en deux branches, celles de Croy-Chanel (V. ci-
dessus Crou y-Chanel), et celle dite de Picardie (qui n'est
représentée aujourd'hui que par les ducs de Croy-Dulmen,
princes du Saint-Empire, issus des comtes de Solre) : Tune
et l'autre réclamant la descendance en ligne directe d'An-
dré III, roi de Hongrie, quelques généalogistes, pour tout
concilier, ont attribué deux fils à ce roi.
BiBL. : P. Anselme, Hist. des Grands Officiers, t. V et
t. IX (contin. par P. Potier de Courcy). — Chronologie his-
torique des ducs de Croy (avec une notice de ï). Poi-
rier); Grenoble, 1790. •— Abbé Jumel, Monographie de
Croy; Amiens, 1869, in-8.
CROY (Guillaume de) (V. Chiévres [Seigneur de]).
CROY (Phihppe de), neveu du précédent, premier duc
d'Arschot (V. Arschot).
CROY (Henri de), écrivain français de la fin du xv® siècle.
Il n'est connu que comme auteur de VArt et science de
rhétorique, sorte de traité de versification française dédié
à Charles VIII. La première édition est de 4493 et fut
suivie de plusieurs autres. M. Ernest Langlois a démontré
CROY -- CROZAT
— 508 —
que Henri de Croy n'est qu'un plagiaire et qu'il s'est attri-
bué audacieusement une œuvre dont le véritable auteur est
le célèbre Molinet. Ant. Thomas.
BiBL. : Ernest Langlois, De Artibus rhetoricœ rhyth-
mic6e ; Paris, 1890, pp. 51-61.
CROY (Charles, duc de), troisième et dernier duc d'Ars-
chot, petit-fils du précédent, né le 11 juil. 1560, mort à
Beaufort-en-Artois le 13 janv. 1612. Il était prince de
Château-Porcéan, de Chimay et du Saint-Empire. Long-
temps calviniste et orangiste, il se rallia à Philippe II, fut
nommé grand bailli du Hainaut, puis gouverneur de l'Ar-
tois en 159T. Envoyé en France par le roi d'Espagne
comme l'un des otages pour l'exécution de la paix de Ver-
vins, il obtint du roi Henri IV l'érection de la seigneurie
de Croy en duché (1 598) . Il mourut sans enfants légitimes
et son titre passa à son cousin et beau-frère, Charles-
Alexandre, marquis d'Havre, qui suit. Il laissa d'intéres-
sants mémoires qui furent publiés par le baron F. de
Reiffenberg : Une existence de grand seigneur au
xvi*^ siècle ; mémoires autographes du duc Charles de
Croy (Bruxelles, 1845, in-8). G. P-i.
CROY (Charles- Alexandre, marquis d'IlAVRÉ, puis duc
de), homme de guerre belge, né en 1574, mort à Bruxelles
le 5 nov. 1624. Il prit une part brillante à toutes les guerres
des archiducs Albert et Isabelle contre la France et il obtint
en 1602 le commandement général des bandes d'ordon-
nance des Pays-Bas. Peu de temps après éclata la fameuse
mutinerie des troupes espagnoles qui réclamaient leur solde
arriérée de plusieurs mois. Elles ne déposèrent les armes
qu'après avoir obtenu le duc de Croy comme otage, et il
resta onze mois entre les mains des révoltés jusqu'au redres-
sement complet de leurs griefs. En 1618, Croy fut chargé
d'un commandement dans l'armée que l'Espagne envoya à
l'empereur Ferdinand pour comprimer le soulèvement de la
Bohême, et il se distingua à la bataille de Prague (8 nov.
1620). Revenu ensuite dans les Pays-Bas, il fut appelé au
poste de président du conseil des finances, envoyé en am-
bassade en France en 1623 et mourut assassiné par un de
ses pages. Charles de Croy était grand d'Espagne de 1^® classe
et chevalier de la Toison d'or. Il avait épousé, en 1601, la
princesse Yolande de Ligne et en 1617 la marquise d'Urfè.
Il a laissé des mémoires très curieux composés pendant
qu'il était le prisonnier des soldats espagnols : Mémoires
guerriers de ce qui s'est passé aux Pays-Bas depuis le
commencement de Van iSOO jusqu'à la fin de Van
i606 (Anvers, 1619, in-4, fig.). E. H.
BiBL. : GoETHALS, Hîst. des lettres^ des sciences et des
arts en Belgique ; Bruxelles, 1840-44, 4 vol. in-8. — Gales-
LooT, l'Assassinat de Charles-Alexandre de Croy {Revue
trimestrielle^ XXXIV). — Guillaume, Notice sur C.-A. de
Croy ; Bruxelles, 1873, in-8.
CROY (Emmanuel, prince de Meurs et de Solre, duc
de), maréchal de France, né à Condé (Nord) le 23 juin
1718, mort à Paris le 30 mars 1784. Entré d'abord dans
les mousquetaires, il fit en 1741 la campagne de Westphalie
comme mestre de camp du régiment Royal Roussillon sous
les ordres de Maillebois. Après avoir servi en Bohême et
en Bavière, il prit part en 1744 aux sièges de Menin et
d'Ypres. Il se signala à Fontenoy où sa brigade fut fort
éprouvée. Devenu brigadier des armées, il assista aux
sièges de Bruxelles, d'Anvers, etc., combattit à Ramillies,
Raucoux, Lawfeld, avec distinction, dirigea la cavalerie
durant les opérations des sièges de Berg-op-Zoom et de
Maestricht (1748). Promu maréchal de camp, il reçut en
cette qualité le commandement des troupes des provinces
d'Artois, Picardie, Calaisis et Bourbonnais et pourvut à la
défense de cette région. Puis il prit part avec le grade de
lieutenant général (1759) et de chevaher des ordres du roi
à la campagne d'Allemagne, devint gouverneur de Condé,
consacra une partie de sa fortune à la restauration du port
de Dunkerque et des fortifications de Calais, et reçut le
13 juin 1783 le bâton de maréchal. Il était grand d'Es-
pagne de première classe, grand veneur de Hainaut, etc.
On a de luijplusieurs ouvrages : Mémoires sur le passage
par le Nord qui contient aussi des réflexions sur les
glaces (Paris, 1782, in-4); Maisons des pays froids y ou
distribution de maison propre à garantir des froids
rigoureux de rhyver, et même des grandes chaleurs
de Pété (Paris, 1785, in-4). Il laissa la réputation d'un
soldat de valeur, plein d'application pour son métier.
BiBL.: Henri Cornu, Notice hist. sur le duc de Croy
maréchal de France; Valenciennes, 1846, in-8.
CROY (Gustave-Maximilien-Juste, prince de), prélat
français, petit-fils du précédent, né au château de l'Er-
mitage, près de Condé (Nord) le 12 sept. 1773, mort à
Rouen le 1^'' janv. 1844. II fut dirigé, dès sa plus tendre
jeunesse, vers l'état ecclésiastique, auquel le conduisait
d'ailleurs une piété sincère. Chanoine du grand chapitre
de Strasbourg, il émigra au moment de la Révolution et
se réfugia à Vienne, oii il devint l'un des guatre cha-
noines de la fondation de Lichtenstein et où il demeura
jusqu'en 1817, époque à laquelle il rentra en France.
D'abord évêque de Strasbourg (1819), il fut élevé à la
dignité de grand aumônier de France (1821), à celle de
pair de France (1822), reçut en 1825 le chapeau de car-
dinal, un an après son transfert sur le siège archiépiscopal
de Rouen. Après la révolution de Juillet, il se retira com-
plètement dans son diocèse, où il mourut entouré de
l'estime universelle, pour sa grande charité.
CRO Y-Chanel (V. Crou y-Chanel).
CROYDON. Ville d'Angleterre, au N.-E. du comté de
Surrey, à 15 kil. de Londres, près des sources de la Wandle ;
78,953 hab. (en 1881). Bien qu'elle ait une certaine in-
dustrie (machines, instruments, cordonnerie, etc.), c'est
une dépendance de l'agglomération londonnienne; beaucoup
de négociants de la capitale y résident ; aussi se développe-
t-elle rapidement ; sa population, qui était de 55,672 hab.
en 1871 , doit être aujourd'hui (1891) presque double. Elle
occupe la place d'une cité romaine, probablement Novro-
magus; le nom actuel apparaît dans le Domesday Book {croie
dune, d'où Croindone). Guillaume le Conquérant donna
le manoir de Croydon à Lanfranc, archevêque de Canter-
bury ; celui-ci y bâtit un palais qui fut une des résidences
préférées par lui et ses successeurs. Ils se sont transportés,
après 1750, dans le voisinage, à Addington Park.
CROZANT (Crosenc). Corn, du dép. de la Creuse, arr.
de Guéret, sur les confins du dép. de l'Indre, cant. de Dun-
le-Palleteau ; 1 ,546 hab. Situé au confluent de la Creuse et
de la Sédelle, Crozant attire les touristes par les ruines de
son ancien château, le plus considérable peut-être de toute
l'ancienne province de la Marche, démantelé par ordre de
Richelieu. Malgré l'aspect imposant des ruines actuelles,
Crozant ne semble pas avoir joué au moyen âge un rôle pro-
portionné à ses moyens de défense. Il est probable que le
château appartint primitivement à la famille de Crozant,
dont le premier membre connu, Géraud, vivait sous le roi
Robert. Les comtes de la Marche s'en emparèrent, on ne
sait au juste quand ni comment ; toujours est-il qu'au com-
mencement du xni^ siècle, le château et la châtellenie de
Crozant faisaient partie intégrante du comté de la Marche.
C'est la célèbre Isabelle d'Angoulème, veuve de Jean sans
Terre et épouse de Hugues X de Lusignan, qui fit cons-
truire la grosse tour. En 1242, saint Louis, vainqueur à
Taillebourg, exigea du comte Hugues X la cession tempo-
raire du château de Crozant et le payement annuel, pendant
huit ans, de 200 hvres tournois pour frais d'entretien. En
1419, Guérin de Brion, lieutenant général de Jacques H de
Bourbon, fut nommé capitaine de Crozant et dut en déloger
par la force son prédécesseur, le sire de Pérusse. Ant. T.
CROZAT. Célèbre famille de financiers et de collection-
neurs français du xviii® siècle.
Antoine Crozat, devenu (par achat féodal) marquis de
Moy et du Chastel, était fils d'Antoine Crozat, capitoul de
Toulouse ; il naquit dans cette ville en 1 655 et mourut à
Paris le 7 juin 1738. D'abord receveur général du clergé,
puis intendant du duc de Vendôme et trésorier des Etats
du Languedoc, il gagna une fortune immense dans le trafic
— 509
CROZAT - CROZIER
maritime, et obtint en 1742 le privilège du commerce de la
Louisiane, auquel il renonça au bout de cinq ans d'efîorts
stériles. De 1745 à 4724, il exerça les fonctions de grand
trésorier de Tordre du Saint-Esprit. C'est lui qui fit creuser
à ses frais le canal de Picardie ou canal Crozat, depuis
Chauny-sur-Oise jusqu'à Saint-Simon sur la Somme. Il eut
quatre fils, dont trois se firent un nom (il sera parlé d'eux plus
loin), et une fille, Marie- Anne ^ célèbre par son esprit, qui
épousa en 1707 Henry-Louis de la Tour d'Auvergne, comte
d'Evreux, colonel général de la cavalerie légère, fils du
duc de Bouillon, et qui mourut le 11 juil. 1729, à trente-
quatre ans.
Pierre Crozat, dit le Jeune, l'un des plus illustres col-
lectionneurs français, né à Toulouse en mars 1661, mort
à Paris le 24 mai 1740, était l'unique frère du précédent.
Il exerça les ionctions de trésorier de France à Paris. Son
cabinet de dessins, le plus riche qu'il y ait eu, comprenait
dix-neuf mille pièces ; sa galerie de tableaux renfermait
plus de quatre cents articles de premier ordre, et ses collec-
tions de sculptures et de pierres gravées antiques n'étaient
pas moins importantes. Il fit graver à ses frais un précieux
recueil connu sous le nom de Cabinet Crozat, et intitulé :
Recueil d'estampes d*après les plus beaux tableaux et
d'après les plus beaux dessins qui sont en France,
dans le cabinet du roi, dans celui de Mgr le duc d'Or-
léans et dans d'autres cabinets (Paris, 1729-1742, 2 vol.
in-fol. ; nouv. éd. 1763), recueil qui ne comprend que
l'école romaine et l'école vénitienne. Après sa mort, con-
formément à sa volonté, ses dessins furent vendus au profit
des pauvres (le catalogue en a été rédigé par Mariette,
4741), de même que les pierres gravées, que le duc d'Or-
léans acheta en bloc. Le reste fut légué par lui à l'aîné de
ses neveux, Louis-François Crozat, marquis du Châtel
(mort lieutenant général le 31 janv. 1750). Celui-ci ne
laissa que deux filles, la duchesse de Gontaut-Biron et la
duchesse de Choiseul-Stainville, et après son décès on ven-
dit (14 déc. 1750) les sculptures, tandis que les tableaux
et les estampes ne furent dispersés qu'avec les collections de
ses deux frères, le président Crozat de Tugny (1751) et le
baron de Thiers (1772) . Par une singulière méprise, le grand
collectionneur a été confondu, dans hiBiographie univer-
selle Michaud et dans la Biographie générale Didot, avec
son second neveu, Joseph- Antoine Crozat, marquis de
Tugny, né à Toulouse en 1699, mort président aux en-
quêtes au parlement de Paris, le 5 janv. 1750, et qui
possédait aussi un cabinet d'art et de curiosités.
Louis-Antoine Crozat, baron de Thiers, marquis de
Moy, bibliophile, collectionneur et général français, né à
Toulouse en 1700, mort à Paris le 15 déc. 1770, était le
troisième des neveux de Pierre. Il fut brigadier des armées
du roi, puis lieutenant général de la province de Cham-
pagne au département de Reims. Héritier d'une partie de la
collection de son oncle, il l'augmenta encore, et possédait
une bibliothèque de plus de quatre mille cinq cents ouvrages,
composée de fort beaux livres (vendue aux enchères en
1771), ainsi qu'une collection d'estampes, de sculptures, etc.
(vendue en 1772). Sa galerie de tableaux (catalogue de
1755) a été acquise par Catherine II, impératrice de Russie,
et une partie en figure au musée de l'Ermitage. Il fut le der-
nier du nom ; de son mariage avec une demoiselle de Laval-
Montmorency, il n'eut que trois filles : la marquise de
Béthune, la comtesse de Béthune et la maréchale duchesse
de Broghe. G. Pawlowski.
CROZATIER (Charles), fondeur-ciseleur, né au Puy en
1795, mort à Paris en 1855. Il vint de bonne heure à
Paris où il étudia dans l'atelier du sculpteur Cortot, avant
de devenir fondeur et d'avoir appris les principes de cet
art chez Brézin. Durant un intervalle de quarante années,
il a coulé un nombre considérable d'œuvres pour les mo-
numents publics, d'après les modèles des sculpteurs de son
époque. On lui doit la statue équestre de Louis XIV d'après
Cartellier, qui est placée dans la cour du château de Ver-
sailles, la statue de Napoléon, d'après Seurre, qui surmon-
tait autrefois la colonne de la grande armée, le quadrige
de l'arc du Carrousel et une statue colossale de Louis XVI,
d'après Cortot, qui est actuellement à Bordeaux. Crozatier
produisait en même temps une autre série de statues et de
bustes reproduisant les plus belles œuvres de l'antiquité,
ainsi que des vases, des girandoles et des pièces d'ameu-
blement d'après des modèles de la Renaissance, des époques
de Louis XIV et de Louis XVI, et d'après ceux qu'il
demandait aux artistes contemporains. Crozatier légua en
mourant la majeure partie de sa fortune, qui était consi-
dérable, à sa ville natale. Ces fonds furent employés à
l'érection d'une fontaine monumentale et à la construction
d'un vaste édifice qui renferme les collections artistiques
de la ville et auquel on a donné le nom de « musée Cro-
zatier ». Crozatier légua à la ville de Paris une rente per-
pétuelle de 500 fr. pour la fondation d'un prix annuel
destiné à l'artiste qui aurait exécuté avec le plus de per-
fection un objet de ciselure en bronze, en argent ou en fer
repoussé. La veuve a donné à la ville de Paris une somme
de 100,000 fr. pour la fondation d'une école industrielle
portant le nom de Crozatier et consacrée spécialement au
travail et à la décoration du métal. A. de Champeaux.
BiBL.: Mandet, Notice sur Charles Crozatier.
CROZE. Com. du dép. de la Creuse, arr. d'Aubusson,
cant. de Felletin, sur la rivière de Creuse, dont elle porte
le nom sous une forme plus voisine de la forme primitive
{Crosa) ; 940 hab. La famille noble c^^ Crosa est souvent
mentionnée aux xii® et xni® siècles dans les actes des vicomtes
d'Aubusson. Dans la commune se trouve le château du
Maslaurent, dans lequel fut assiégé et tué en 1 594 le sei-
gneur de Toirae, chef ligueur dans la Marche. Ant. T.
CROZE. Com. du dép. delà Drôme, arr. de Valence,
cant. de Tarn, sur le versant de la colline de l'Ermitage,
dominant le Rhône ; 341 hab. Vins estimés.
CROZET. Iles de l'Océan indien entre 46« et 47<^ lat. S.,
49<^ et 50^ long. E. C'est un archipel volcanique formé de
quatre îles principales : Prise de Possession, l'île aux Pin-
gouins, File de l'Est, l'île aux Porcs. Elles ont des som-
mets de 1,300 m. Découvertes par Marcou en 1772, visi-
tées par James Ross en 1840, parle Challenger en 1873,
elles sont restées désertes ; mais des naufragés y ont trouvé
refuge, et les îles Crozet, se trouvant sur la route directe
d'Angleterre en Australie, sont périodiquement visitées par
des navires anglais.
CROZET. Com. du dép. de l'Ain, arr. et cant. de Gex ;
517 hab.
CROZET. Com. du dép. de la Loire, arr. de Roanne,
cant. de La Pacaudière ; 730 hab.
CROZET-FouRNEYRON (Emile), industriel et homme po-
litique français, né à Saint-Etienne (Loire) le 22 avr. 1837,
élu à la Chambre des députés par la 2® circonscription de
Saint-Etienne en 1876 et 1877, il vota avec l'union répu-
blicaine; il fut battu en 1881 par M. Girodet, de l'extrême
gauche; réélu au scrutin de liste en 1885, il s'inscrivait à
l'union des gauches et fut un des auteurs de la proposition
d'interdiction du territoire français aux princes des dynas-
ties déchues. Non réélu en 1889.
CROZETS (Les). Com. du dép. du Jura, arr. de Saint-
Claude, cant. de Moirans; 213 hab.
CROZIER (Francis Rawdon Moira), marin anglais, né
vers 1796, mort en 1848. Entré dans la marine en 1810,
il accompagna en 1821 le capitaine Parry dans ses voyages
de découvertes, en qualité de lieutenant. Après avoir servi
de 1831 à 1835 sur les côtes du Portugal, il prit part aux
expéditions polaires de Ross (1836-1845). Enfin, il fut
chargé avec John Francklin de diriger une expédition dans
les mers arctiques en 1845. On resta sans nouvelle d'eux
jusqu'en 1859. A cette date, l'expédition du capitaine Mac
Clintock rapporta que Crozier après avoir découvert le pas-
sage N.-O. avait dû, faute de provisions, abandonner ses
navires le 22 avr. 1848. Il avait cherché à revenir par
terre, mais tous ses hommes (au nombre de 405) et lui
avaient péri en route.
CROZOî^ — CRUCJBULUM
MO —
CROZON. Ch.-l. de cant. du dép. du Finistère, arr. de
Châteaulin, dans la presqu'île de môme nom, entre la baie
de Douarnenez au S., la rade de Brest au N., et l'anse de
Dinant à FO.; 8,535 liab. (4,003 agglomérés). Cette
commune est très grande (10,725 hect.), mais le tiers
seulement de son territoire est cultivé. Crozon possède
un hospice, un bureau de bienfaisance, des sœurs du
Saint-Esprit, etc. C'est le siège d'un syndicat maritime re-
levant du quartier de Camaret. Clouteries; minoteries. —
Plusieurs maisons anciennes. L'église, construite de 4602
à 4645, offre un curieux retable sculpté, représentant le
martyre de saint Maurice et de la légion Thébaine, dont
quelques ossements sont conservés dans un vaste reliquaire
gothique en vermeil. De son clocher, le spectacle est gran-
diose, sur la baie de Douarnenez et sur la rade de Brest.
Crozon est directement en rapport, par des routes qui
rayonnent de ce bourg, avec les petits ports de la pénin-
sule ; il s'approvisionne surtout par le Fret, qui dessert
les relations avec Brest, et par Camaret. Le petit port
voisin de Morgat, village de 479 hab. faisant partie de sa
commune, ne reçoit guère que des bateaux de pèche, dont
cent cinquante armés par des commerçants de l'endroit et
du bourg de Crozon, Les environs sont remarquables pour
leurs sites pittoresques et leurs curiosités naturelles, ainsi
que pour les restes archéologiques. Sans parler des deux
langues de terre septentrionales fermant la rade de Brest,
et occidentale qui limite l'avant-rade, on rencontre, autour
de celle que termine le cap de la Chèvre, l'anse de Dinant,
avec son rocher percé de deux ouvertures à pihers de
granit ; ce rocher a reçu le nom de château de Dinant ; la
pointe de la Chèvre, de 400 m. d'altit., où se trouve une
grotte dite la caverne du Charivari ; les falaises, la plage
de Morgat et ses fameuses grottes, dont les principales
sont : la grotte de Sainte-Marine, où conduit la chaussée
naturelle de Beg-ar-Gador (la pointe de la Chaise) dans
laquelle s'ouvre la Cheminée du Diable ; la grotte de
l'Autel, visitée seulement en bateau, haute de 4 0 m. , large de
4 5 m. et profonde de 45 m. , avec une sorte de table en forme
d'autel, et communiquant avec un long couloir obscur où s'en-
gouffre le flot et qui se dirige sous Crozon. Les principaux
monuments mégalithiques sont : au S. les ahgnements de
Kercolléoc'h (mon. hist.), vulgairement nommés la Maison
du Curé; auN. le sanctuaire druidique deLandaoudec, près
duquel est un alignement de soixante-sept pierres ; un autre
alignement, à Leuré, avec un menhir haut de 3 m. —
Crozon est désigné dans les anciennes chartes sous le nom
de terre de Rivoala, chef breton établi au v® siècle dans
l'Armorique. Le bourg a été l'un des grands points de départ
de la triangulation française. C. Del,
CROZON. Corn, du dép. de l'Indre, arr. de La Châtre,
cant. d'Aigurande; 4,479 hab.
CROZOPHORA {CrozophoraNeck,) (Bot.). Synonyme
de Tournesolia Scop. (V. ce mot).
CRU. L Cérâmioue. — L'état d'une pièce de terre séchée
qui n'a pas encore passé par le four. Il est avec le dégourdi
et le cuit une des trois phases par lequel passe tout objet
de terre avant d'être capable de servir. En cet état, la terre
étant extrêmement fragile et friable ; on ne peut poser
dessus aucune couverte ; il faut, pour qu'elle puisse être
décorée, qu'elle soit dégourdie par un passage au four. -—
Le mot cru s'apphque, en céramique, comme adjectif
à la couverte séchée par absorption sur la surface de la
pièce dégourdie; elle est alors pulvérulente. Générale-
ment, on ne décore la pièce qu'après un commencement de
fusion de cette couverte; cependant, malgré les difficultés,
les Chinois et les premiers majolistes italiens ont fait des
peintures sur émail cru qui produisent les plus merveil-
leux résultats. Il est facile de comprendre que la couleur
s'incorpore complètement à la couverte elle-même, qu'elle
en fait dès lors partie intégrante, et qu'elle acquiert par
là un brillant et un moelleux qu'aucun autre procédé ne
saurait remplacer ni égaler. F. de M.
IL Viticulture (V. Vm).
CRUAS (Crudacium), Com. du dép. deTArdèche, arr,
de Privas, cant. de Rochemaure; 4,445 hab. Stat. du
chem. de fer de Lyon à Nîmes. Terrain néocomien. Pierres
de taille et chaux hydraulique renommée. Du temps des
Romains, Cruas était un bourg d'une certaine importance,
à en juger par les monnaies, poteries et tombeaux qu'on y
a trouvés à diverses époques. On pense que ce lieu fut dé-
truit par les Vandales en 444, en mémo temps que la ville
voisine, Alba Helviorum, capitale de la cité helvienne.
Eribert, comte du Vivarais, y appela en 804 une colonie
religieuse qui fonda l'abbaye dont il reste des ruines impo-
santes. En 4585, les moines de Cruas, assiégés par les
protestants, se défendirent si vaillamment, sous la con-
duite de leur abbé, Etienne Déodel, évêque de Grasse, que
les assaillants durent se retirer après avoir essuyé de
grandes pertes. Une nouvelle tentative eut lieu en 4628.
Cette fois les protestants étaient commandés parChabreilles,
heutenant du duc de Rohan, et leur échec marqua la fin
des triomphes de ce dernier et décida sa retraite vers le
Languedoc. L'éghse de Cruas (mon. hist.), est le type de
l'architecture chrétienne primitive dans le Midi. La crypte
est du IX® siècle. Le chevet, le transept, les trois absides
supérieures, la coupole ou clocher primitif, la nef et les
collatéraux jusqu'aux deux dernières travées, appartiennent
au x^ ou XI® siècle. Les deux dernières travées et la tour
carrée et sans flèche qui se dresse sur la façade et sert de
clocher, sont du xin® ou xiv® siècle. Enfin, les dernières
constructions, qui ont changé toute la physionomie de
l'édifice à l'intérieur, furent élevées à la suite d'une inonda-
tion qui remplit l'église de gravier. Les religieux jugèrent
prudent d'exhausser le sol ; ils construisirent la voûte qui
supporte le pavé actuel de la nef principale et qui forma une
seconde crypte dont ils firent un caveau funéraire. Ces tra-
vaux eurent pour effet de détruire les belles proportions des
piliers, d'enlever aux nefs la légèreté et l'élégance primi-
tives et d'alourdir tout le monument. On remarque dans
l'abside principale une précieuse mosaïque, figurant le
Jugement dernier^ qui porte la date de l'an 4042 (d'après
d'autres, 4048 ou 4095). Une belle tombe gothique a été
reléguée dans un com de l'égHse. A. Mazon,
BiBL. : Raymondon et F. de Saint- Andeol, Congrès ar-
chéologique à Menée et Valence en 1851. — Rouchier,
Histoire du Vivarais, — D»' Francus, Voyage autour de
Privas, 1882.
CRUCERO. Ville du Pérou, à 495 kil. N. de Puno,
à 4,000 m. d'alt. dans les Andes de Carabaya ; district,
très riche en or et en argent-, renfermant aussi de belles
forêts de cinchonas. Non loin sont les villes ruinées de
San Gaban et San Juan del Oro.
CRU CES. Ville de la Colombie (isthme de Panama), sur
le rio Chagres, en amont du point où le canal rejoint le
fleuve.
CRUCEY. Com. du dép. d'Eure-et-Loir^ arr. de Dreux,
cant. de Brezolles ; 382 hab.
CRUCHE (ArchéoL) (V. Buirk).
CRUGHERÂY. Com» du dép. de Loir-et-Cher, arr. de
Vendôme, cant. de Saint- Amand; 482 hab.
CRUCHON (Econ. domest.). Petite cruche à anse ayant
la forme d'une haute bouteille à goulot très court, ordi-
naireinent en grès, et employée pour loger la bière ou
certaines eaux minérales. -— On appelle aussi cruchon des
vases de grès destinés à renfermer de l'eau chaude, que
l'on place pendant l'hiver au pied du lit pour le réchauffer.
CRUCIALE (Expérience) (V. Expérience).
CRUCIBULUM (Bot.). Genre de Champignons de la
tribu des Nidulariées, famille des Gastéromycètes, carac-
térisé par un thalle à filaments cloisonnés, anastomosés
parfois même entre les cellules successives, se groupant
çà et là en un stroma formé de cordons rameux plus ou
moins épais qui donnent naissance aux fructifications. Ces
cordons sont souvent très résistants et peuvent passer à
l'état de vie latente en formant des sclérotes allongés d'où
sortiront plus tard des appareils sporifères. Ces derniers
— Mi
CMCIBtJLUM - CftUCIf ÈRES
sont remarquables par la disposition des péridioles au fond
de la coupe formée par leur éoartement. H. F.
CRUCIBULUM Creuset (Malac). Genre de Mollusques-
Gastéropodes de l'ordre des Prosobranches-Pectinibranches,
établi par Schumacher en 4847 pour une coquille conique,
de forme presque régulière, à sommet subcentral, mais
postérieur et aigu. Ouverture large, munie, vers la partie
qui correspond au sommet, d'une lame testacée, formant
un cornet complet, adhérente sur toute l'étendue du bord
droit ; le bord Hbre sinueux en avant ou latéralement. Animal
muni d'un pied circulaire, pourvu de tentacules filiformes,
très longs ; les yeux situés sur le côté externe et au premier
tiers de la longueur des tentacules. En outre, on remarque
un appendice en forme de lobes de chaque côté du cou.
Exemple : C. trigonale Reeve. Les Crucihulum habitent
les côtes de l'Amérique, celles de la Chine et des Antilles :
ils rampent sur les rochers à une faible profondeur.
CRUCIFÈRES (Criwiferœ Adans.) (Bot.). Famille très
Fig.
1.— Cheiranthus Cheiri
(diagramme).
Fig. 2.— Cheiranthus
Cheiri, fleur (sans
périanthe).
naturelle de Végétaux-Phanérogames, placée entre les Cap-
paridacées et les Ré-
sédacées (V. H. Bail-
Ion, ^ù^.c^^s PL, II,
p. 481). Ses repré-
sentants sont des
plantes herbacées , an-
nuelles, bi-annu elles
ou vivaces, quelque-
fois grimpantes, rare-
ment ligneuses, à
feuilles généralement
alternes, quelquefois
opposées ou verticil-
lées, dépourvues de
stipules. Les fleurs,
disposées en grappes
terminales simples ,
rarement composées,
sont hermaphrodites
et régulières, avec un
calice de quatre sé-
pales libres et une co-
rolle de quatre pétales
libres, disposées en
croix et alternes avec
les sépales (fig. 4).
L'androcée (fig. 2)
est formé de six éta-
mines libres, tétrady-
names, dont les filets
sont pourvus, à leur
base, de glandes necta-
rifères. Le gynécée se
compose d'un ovaire unîloculaire à deux placentas pariétaux,
Fig. 3. — Sisym-
brium Alliarin,
silique.
Fig. 4. — • Lepi-
dium sativum,
silicule.
CRUCIFÈRES — CRUCIFIX
512 -
portant chacun deux rangées d'ovules campylotropes dres-
sés. Cet ovaire est surmonté d'un style plus ou moins
allongé, dont le sommet stigmatifère est ordinairement
renflé, entier ou partagé d'une façon très variable en lobes
ou cornes, rapprochées, connées ou divergentes. Le fruit,
appelé silicule lorsqu'il est aussi long que large (fig. 4)
et silique quB.nA sa longueur dépasse sa largeur (fig. 3),
est une capsule à deux loges polyspermes ou mognospermes.
Les graines, presque toujours dépourvues d'albumen, renfer-
ment sous leurs téguments un embryon oléagineux dont la
radicule, fréquemment ascendante, est ordinairement repliée
sur les cotylédons.
Les Crucifères sont répandues sur tout le globe, jusque
dans les régions arctiques et alpines. La plupart habitent
les régions tempérées de l'hémisphère boréal. Elles sont
surtout abondantes dans le sud de l'Europe et en Asie
Mineure. Elles contiennent pour la plupart une grande
proportion d'azote, à laquelle elles doivent leurs proprié-
tés nutritives, et un principe acre, volatil (myronate de
potasse), qui leur donne des propriétés stimulantes et
éminemment antiscorbutiques. Ce principe disparaît par-
fois presque entièrement par la culture, mais il est alors
remplacé par du mucilage ou de la matière sucrée, comme
dans le chou, le navet et autres espèces alimentaires.
Enfin, plusieurs espèces sont cultivées en grand pour
l'huile que l'on retire par expression de leurs graines. Tels
sont principalement le colza, la navette, la caméline, etc.
Les genres actuellement connus , au nombre de cent
soixante environ (V. H. Bâillon, Histoire des Plantes^ II,
p. 22^), se répartissent en sept tribus (Y. le tableau
de la p. 514). : Ed. Lef.
CRUCIFIX.!, Archéologie. — L'art chrétien hésita long-
temps à représenter le Sauveur crucifié. Bien des scrupules,
bien des considérations pieuses arrêtaient les fidèles : on
craignait de manquer de respect à la Divinité en la montrant
en proie aux souffrances de l'agonie et condamnée à un
supplice infamant. Aussi, dans les monuments primitifs de
l'art chrétien, la Crucifixion n'apparaît jamais ; c'est uni-
quement sous forme symboHque, par l'image de l'agneau
blessé, étendu au pied de la croix, qu'est rappelée la mort
du Sauveur. A partir du vi® siècle seulement, on surprend
chez les artistes le désir d'aborder ce sujet, et une ampoule
du trésor de Monza montre un premier et timide essai
pour représenter la Crucifixion. C'est à la fin du vi^ siècle
Ampoule du trésor de Monza (vp siècle).
que l'on rencontre les plus anciennes représentations de
cette scène, en particulier dans une croix du trésor de
Monza et dans une miniature d'un évangéliaire syriaque de
Florence, écrit en 586 par le calHgraphe Rabula. Pourtant
ce n'étaient là que des monuments de piété privée ; dans
les édifices publics, la Crucifixion figurait à peine ; dans la
porte de Sainte -Sabine à Rome (vi® siècle), elle est reléguée
à l'endroit le moins apparent ; et Grégoire de Tours, qui
cite, à la fin du vi^ siècle, un crucifix peint dans une église
de Narbonne, considère presque cette image comme une
profanation. Ce n'est guère qu'au commencement du
viii^ siècle que toutes les répugnances tombèrent. En 692,
le concile quinisexte tenu à Constantinople avait, en pros-
crivant la symbolique primitive, rompu avec les anciennes
traditions artistiques et ordonné de préférer la peinture
historique aux emblèmes. Les conséquences de cette déci-
sion furent considérables, en particuHer pour la Crucifixion.
Désormais, l'image douloureuse et sanglante du Christ
crucifié occupa partout la place que tenait jadis le Bon
Pasteur, et, dès 705, le pape Jean VII donnait à cette re-
présentation une consécration officielle en admettant la
Crucifixion dans la décoration en mosaïque de son oratoire
du Vatican. Toutefois, les images sculptées en ronde bosse
ne semblent pas avoir été usitées avant le ix® siècle, et le
crucifix ne paraît pas avoir été placé sur l'autel avant le
xi^ siècle.
L'art chrétien, qui longtemps avait hésité à peindre le
Christ souffrant et condamné, répugna plus longtemps
encore à dépouiller de ses vêtements la personne divine.
Dans les représentations du vi® siècle, le Christ est toujours
vêtu d'une longue tunique descendant jusqu'aux pieds
(colobium); et cette tradition se conserva intacte jusqu'au
IX® siècle. De même, si l'on consentait à représenter les
souffrances du Sauveur, on ne voulait point représenter
son cadavre. Dans les miniatures du ix® siècle encore, le
Christ est droit sur la croix, en quelque sorte debout sur la
tablette clouée sous ses pieds (suppedaneum) ; les bras
sont placés horizontalement ; la tête, sereine et grave, con-
serve une apparence de vie et n'exprime nulle souffrance.
C'est le Christ triomphant plutôt que le Christ souffrant que
veulent représenter les artistes ; aussi mettent-ils parfois
Crucifix (Fresque de Saint-CIèment de Rome (xp ou xiv
siècle).
sur la tête du Sauveur une couronne royale. Mais à partir
du x^ siècle, des traditions plus réalistes l'emportèrent. Alors
le long colobium fut remplacé par une sorte de petit jupon
allant de la ceinture aux genoux et qui se réduisit peu à
peu jusqu'à n'être plus, au xiii® siècle, qu'un morceau
d'étoffe roulé autour des reins. Alors aussi (dès le xi® siècle
en Orient et en Occident à, l'époque gothique) la tête du
Sauveur retomba sur la poitrine ; la couronne d'épines cei-
— 513 —
CRUCIFIX — CRUDEN
gnit son front déchiré ; les bras fléchirent,; le corps amai-
gri s'aftaissa, se contourna, se tordit dans les convulsions
suprêmes de l'agonie ; le visage s'altéra sous la souffrance
physique ; le sang s'échappa des blessures.
'Malgré ces changements d'attitude et de costume, les
traits essentiels de la composition furent fixés d'assez
bonne heure. Le Christ, attaché à la croix par quatre clous,
et à partir du xiii® siècle par trois seulement, les pieds
posés sur le suppedmieum^ la tête surmontée de l'inscrip-
tion bien connue, forme le centre d'une scène considérable.
Non seulement la Vierge et saint Jean sont debout aux
côtés de la croix : mais, dès le \i^ siècle, d'autres person-
nages, les deux larrons crucifiés, le centurion qui perce le
flanc du Christ, le soldat qui lui tend l'éponge imbibée de
vinaigre, d'autres soldats assis au pied de la croix, des
femmes, des spectateurs viennent compliquer la composi-
tion : et c'est cette tradition qu'a recueillie le Guide de la
peinture byzantin. En outre^ des deux côtés de la tète
du Sauveur, sont représentés le soleil et la lune, souvent
sous la forme de figures humaines se voilant la face ; enfin
deux figures allégoriques placées au pied de la croix symbo-
lisent l'Eglise et la Synagogue, l'une recueillant dans un ca-
Crucifix (Peinture de Giotto, à FAcadémie de Florence).
lice le sang divin du Christ, l'autre voilée, dépouillée de sa cou-
ronne et tenant en main une bannière brisée. Ch. Diehl.
. IL Liturgie. — Un prêtre qui dirait la messe sur un
autel dépourvu de crucifix serait coupable de péché grave.
Tout autel oti se célèbrent la messe et les saints offices
doit avoir son crucifix, placé sur les gradins ou, préféra-
blement.) sur le tabernacle.il convient, en outre, démettre
un crucifix. dans la sacristie, au-dessus du meuble où le
prêtre s'habille. Depuis le dimanche de la Passion jusqu'au
samedi saint, tous les crucifix sont couverts d'une housse
violette. — Dans la plupart des églises luthériennes, on
trouve un crucifix sur l'autel. Les églises réformées n'ont
jamais admis cette image en aucune partie de leurs lieux
de culte, lesquels d'ailleurs ne contiennent aucun objet
appelé autel. -- Il est recommandé à tous les catholiques
d'avoir, au moins, un crucifix dans chaque chambre à
coucher, et de le faire bénir. E.-H. Vollet.
BiBL. : Archéologie. ~ Stockbauer, Kunstgeschichle
des Kreutzes; Schafî'house, 1870.— Grimouard de Saint-
Laurent, Iconographie de la Croix et du Crucifix {Ann.
archéol, t. XXVI et XXYII). — Martigny, Dlct. des anti-
quités chrétiennes, art. Crucifix. ~ Bayet, Recherches
pour servir à l'histoire de la peinture... en Orient; Paris,
1879. — Mûntz, les Mosaïques chrétiennes de Vltalie {VOra-
toire de Jean VU), Rev. archéol, 1877, t. IL — Labarte,
Hist^ des arts industriels, t. IL -— Kraus, Real Encyclo-
pàdie der christ. Aller thûmer ; Frii3ourg, 1882.
CRUCIGER ou CREUZI6ER (Gaspard), réformateur
allemand, né à Leipzig le 1^' janv. 1504, mort à Wittem-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XïII.
bergle 16 nov. 1548. Il fut un collaborateur modeste et
utile de Luther dans l'œuvre de la réformation. Recteur à
Magdebourg (1524), professeur de théologie à Wittemberg
(15^28), il aida Luther dans la traduction de la Bible, prit
part au colloque de Marbourg (1529), à la Concorde de
Wittemberg (1536), introduisit la réformation à Leipzig
(1539) et devint en 1546 recteur de l'université de Wit-
temberg. Il sténographia divers cours et sermons de Lu-
ther et traduisit plusieurs de ses écrits en latin. Sa biogra-
phie a été écrite par Loehn (1859) et par Pressel(186"2).
CfiUClUS (V. Croce et Cruz).
OR U CY (Mathurin), architecte français, né à Nantes le
221 févr. 1749, mort à Nantes le 7 nov. 1826. Fils d'un
charpentier de cette ville, Crucy étudia d'abord l'architec-
ture sous la direction de Ceineray, puis vint à Paris, fut
élève de Boullée et de l'académie, obtint le grand prix
d'architecture en 1774, sur un projet de bains pubhcs et
partit pour Rome en 1775. A son retour à Nantes en 1780,
il succéda à Ceineray comme architecte voyer de la ville
et donna peu après, en collaboration avec son ancien maître,
les plans de la place Louis XVI et des deux beaux hôtels
qui la décorent; puis, fut chargé, en 1784, des travaux de
restauration de la cathédrale; en 1785, il dessina le quar-
tier Grashn et la place de ce nom et fit construire, en
1786, la halle aux grains et sa façade monumentale. En
1787, il commença, avec Binet père, la reconstruction de
la cathédrale de Rennes et donna, en 1788, les plans de
la place royale de Nantes ; puis répara les prisons et le
collège de cette ville et fit élever le grand théâtre qui,
incendié en 1796, fut restauré par lui en 1811. De 1792
à sa mort,^Crucy fit construire la Bourse, la façade de
l'Hôtel de ville (ancien hôtel Bizard), quelques autres
édifices d'utihté publique, aujourd'hui transformés ou
reconstruits, et de nombreux hôtels particuliers. Crucy fut
nommé membre de l'Académie royale d'architecture en 1 797 ,
et c'est lui qui sauva de la destruction le mausolée du duc
de Bretagne, François II, en le cachant pendant la tour-
mente révolutionnaire dans une cour écartée du couvent
des Ursulines (V. Colombe). Charles Lucas.
CRUD (Baron), agronome et agriculteur distingué, né
à Genève en 1763, mort en 1840. Ce fut surtout un pro-
tecteur ardent et un défenseur assidu de l'enseignement
agricole ; il créa dans son pays des écoles gratuites d'agri-
culture, et eut le premier l'idée d'introduire l'enseignement
élémentaire de l'agriculture dans les écoles primaires. Crud
a fait des expériences culturales nombreuses dans ses
domaines de Suisse et d'Itahe ; il a pubhé les résultats de
ses recherches dans un grand ouvrage, aujourd'hui assez
rare, ayant pour titre : Economie de l'agriculture (1825).
On lui doit aussi une traduction française des Principes
d'agriculture de Thaër.
CRUDELI (Tommaso), poète italien, né à Poppi dans
le Casentin en 1703, mort en 1745. D'un caractère très
indépendant, il refusa, quoique peu fortuné, la charge de
poète royal qu'on lui ofirit à la cour de Naplcs. A partir
de ce moment il devint suspect, et on le retint en prison
plusieurs années sous les accusations d'hérésie et d'irré-
ligion. Voici les meilleures éditions de ses œuvres : Poésie
del dottor Tommaso Crudeli, edizione secunda con
Vagglunta di altre compositioni (Naples, 1767); Pdme
e Pro5(? (Pise, 1805); Novella inedita (Lucques, 1855);
la Gicalata amenissima recitata dot D. T. C. in un*
accademia di belle lettere (Londres, 1751), opuscule
attribué avec certitude à Crudeli. Ce poète a écrit de bons
sonnets et Marmontel l'avait en grande estime (V. ses
Eléments de littérature), R. G.
BiBL. : Giuseppe Moltni, Notizie per la vita del dottor
Tommaso Crudeli (en tête des Rime e prose). — Nuova
Antologla,jiin\. 1881.— F. Sbïgoli, Tommaso Crudeli e i
primi f'ramassoni in Firenze; Milan, 1883, in-16.
CRUDEN. Bourg d'Ecosse, comté d'Aberdeen. Champ de
bataille où se rencontrèrent au xi« siècle Knut et Malcolm II,
roi d'Ecosse.
I CRUDEN (Alexandre), pasteur écossais, né à Aberdecn
33
CRUDEN - CRfÎGER - 544 —
en 1701, mort à Islington en nov. 1770. En 1732, il
ouvrit un magasin de librairie à Londres. Il commença, en
1733, le grand ouvrage de compilation auquel son nom
est resté attaché, Concordance to the Holy Scripture,
publié en 1735. Cet important travail eut de nombreuses
éditions. On lui doit encore les ouvrages suivants : A Brief
Compendium of the Bible ; A Scripture Dictionary,
Il fit paraître sa biographie sous le titre de Adventures of
Alexander the Corrector, Il affectait de s'appeler le cor-
recteur ou redresseur de torts. G. Q.
CRUE (Hydrogr.). Nous ne nous occuperons pas ici des
grands débordements des fleuves, qui trouveront leur place
au mot Inondation. Mais il y a beaucoup de choses intéres-
santes à dire sur les crues, en dehors de ces cataclysmes
exceptionnels, et nous allons décrire un orage désastreux
dans un petit bassin et une crue de débâcle de glaces dans
la Seine.
Les crues des cours d'eau sont naturellement la consé-
quence des pluies. Très violentes, celles-ci peuvent causer
des catastrophes dans de petites vallées, bien qu'ayant
duré peu de temps ; l'influence des grands orages est ordi-
nairement faible sur les fleuves et même sur leurs princi-
paux affluents, parce qu'il est rare qu'ils s'étendent sur des
surfaces considérables. — Voici un exemple de ce que
peut produire un orage de quelques heures : le 7 juil.
1875, un sac d'eau, comme dit Belgrand en adoptant une
expression usitée dans quelques localités, s'abattit sur le
petit bassin de la Courtonne, sous-aflluent de la Touques
(Calvados) ; pluie violente de une heure et demie à trois
heures ; accalmie de trois à quatre; reprise plus violente de
quatre à sept; hauteur totale de la pluie tombée, 0^^^I06.
Les meules de foin, entraînées en masse, ayant obstrué les
ponts elles aqueducs, ces ouvrages ont été emportés; l'ingé-
nieur en chef du département a fait connaître dans son rap-
port qu'un mur, établi en travers de la partie haute de la
vallée et n'ayant qu'une ouverture de 1 "^20 sur 0^80 pour
le passage des eaux, a été renversé sur 40 m. de longueur
par suite de la fermeture du passage par un bouchon de
foin ; cette brèche livra passage à la masse d'eau qui
s'était accumulée derrière le mur sur 2 m. de hauteur, et
le village de Saint-Paul-de-Courtonne, qui reçut le choc
avant que cette masse se fût étalée, fut à moitié détruit.
L'arrivée des eaux dans la Touques à Lisieux eut lieu à
huit heures et demie du soir ; le mal n'eut pas été grand
dans cette ville si le lit de la rivière eût été en bon état,
réguher, sans tournants brusques, et libre d'obstacles;
mais il n'en était rien et des accumulations de bois et de
foin ne tardèrent pas à se former : les eaux prirent leur
écoulement par une large rue, puis par le boulevard des
Bains et la rue Saint-Dominique; sept personnes furent
emportées et se noyèrent.
En janv, 1795, la Seine, prise de glace depuis le 25
déc. 1794, par des eaux très basses, était tombée presque
à zéro au pont de la Tournelle. Le dégel et la débâcle,
survenus le 27, la firent monter en deux jours à ^^36^
pour revenir deux jours plus tard à 3'"75. De telles oscil-
lations, dit Belgrand, ne peuvent s'expliquer que par la
lâchure brusque des retenues produites à chaque pont par
les barrages de glaces. « Au fur et à mesure qu'on a
agrandi les arches des ponts, pour les besoins de la navi-
gation, dit le même auteur, la hauteur des montées dues
aux grandes débâcles a été en diminuant. » De 1830 à
1872, aucune débâcle n'a donné lieu à une crue qui ait
attiré l'attention, et cependant il y a eu des froids ex-
traordinaires (1871-1872), qui ont amené la prise com-
plète du fleuve. Depuis 1 830, beaucoup de ponts ont été
reconstruits, des arches marinières ont été pratiquées dans
les vieux ponts conservés ; « les débâcles s'effectuent donc
aujourd'hui avec une grande facilité ; à peine sur les
feuilles des variations du niveau de la Seine les dis-
tingue-t-on des autres crues ». La débâcle de 1880 est
venue cruellement démentir l'optimisme de Belgrand ; il n'en
est pas résulté une crue d'altitude égale aux plus grandes
crues d'inondation, mais les conditions dans lesquelles la
montée s'est faite ont été désastreuses. La débâcle de
l'Yonne arriva à Montereau le l^^janv., à huit heures et
demie du soir; le 2 janv., après deux arrêts successifs
entre Montereau et Melun, elle devint très intense dans la
traversée de cette ville ; à Corbeil, le mouvement de la
masse des glaçons se ralentit sur un haut-fond vers une
heure et demie. A deux heures, arrêt ; une embâcle consi-
dérable fit gonfler les eaux et creva vers quatre heures ;
à cinq heures et demie, toute la masse de glace comprise
entre Ivry et Paris se mit en mouvement. Au Pont-Neul,
les chocs sur les piles furent tels qu'on eut quelque temps
des craintes pour ce grand ouvrage. Plus bas, le pont en
reconstruction des Invalides fut en grande partie détruit.
Du l^"* au 3 janv. 1880, la montée a été de 4°^70 dans
Paris, 60 centim. de plus que n'avait annoncé le service
hydrométrique ; il est vrai de dire que, dans de pareilles
circonstances, toute prédiction est très aléatoire; il vau-
drait peut-être mieux n'en pas faire et se borner à avertir
le pul3lic que tout est à craindre, et que chacun doit
prendre ses précautions en prévision des circonstances les
plus extrêmes. M.-C. L.
BiBL. : GxjiL-LnuAW^ Navigation intérieure; Paris, 1885,
2 vol. gr. in-S. — Lechalas, Hydraulique fluviale; Paris,
1884, gr. in-8. — Degrand et Resal, Ponts en maçonnerie;
Paris, 1887-1888, 2 vol. gr. in-8.
CRUÉJOULS. Corn, du dép. de TAveyron, arr. de
Millau, cant. de Laissac ; 854 hab.
CRUENTATION. Le sang peut s'écouler des plaies d'un
cadavre, plus ou moins longtemps après la mort, par le
fait de la pression exercée par les gaz qui se développent
dans les veines sous l'influence de la putréfaction. C'est ce
phénomène naturel, faussement interprété, qui a donné
lieu à de singuUères pratiques judiciaires en usage chez
nos pères. On admettait comme une vérité absolue que
les plaies d'une personne assassinée se rouvraient et lais-
saient suinter et même jaillir du sang lorsque le meur-
trier était mis en présence de la victime; la cruentation
était une manifestation divine destinée à assurer le châti-
ment du coupable. Ce qui est certain, c'est que durant
le xvi*^ siècle et une bonne partie du xvii®, les tribunaux
l'admettaient comme une des preuves d'un crime. Ranchin
cite à cet égard un procès-verbal datant de 1689. Shake-
speare a exploité ce préjugé devenu populaire dans sa
tragédie , le Roi Richard III, écrite en 1597 (acte ï,
se. II). Dr L. Hn.
BiBL. : Ranchin, Opuscules ou traités divers et curieux
en médecine; Lyon, 1640. — S ERviER, art. Cruentation,
clansDfct encycl. sc.méd.^ 1879, 1^« sér., t. XXIII.
CRU ET. Com. du dép. de la Savoie, arr. deChambéry,
cant. de Saint-Pierre-d'Albigny ; 1,026 hab. Vin estimé.
Au mont Charvet, source sulfureuse froide.
CRÙGER ou KRÙ6ER (Pancrace), savant allemand,
remarquable par ses connaissances très étendues en littéra-
ture grecque et en musique ancienne, né à Finsterwald dans
la Basse-Lusace en 1546, mort à Francfort-sur-l'Oder
en 1614. Cantor à l'école Saint-Martin de Brunswick en
1570, professeur de poésie et de langue latines àHelmstœdt
en 1573, et recteur à Lubeck en 1580. Il fut dépossédé de
cette place par les ministres protestants que sa science
inquiétait et, pendant de longues années, il vécut de leçons
de musique et d'emplois divers. En 1609, il fut nommé
professeur de langue grecque à Francfort-sur-l'Oder. On lui
attribue la réforme de la solmisation italienne ; c*est lui qui le
premier substitua, en Allemagne, les lettres a, ^, c, d, etc.,
aux syllabes iit,^ ré, nii^ fa, etc.
GRUGER (Dietrich), graveur allemand, né à Munich
vers 1576, mort à Rome vers 1650. Son estampe, V Appa-
rition de Jésus à la Madeleine, fit l'admiration de Zani.
Arrivé en ItaHe, qu'il ne semble plus avoir quittée, il tra-
vailla à Florence en 1617 et 1618. Il parvint à imiter
étonnamment le faire de Villamena et perdit dans cette
pratique toute originalité. Ce qu'il y a de curieux dans son
œuvre, c'est la Vie de saint Jean-Baptiste (18 pL),
reproduction assez réussie des fresques d'Andréa del Sarto,
exécutées en grisaille dans le cloître de la confrérie dello
Scalzo. Comme pièce historique, il y a à citer de lui la
Pompe funèbre du pape Paul F (16 pL). — - On lui
donne jour fils Dietrich Criiger, graveur qui travailla aussi
en Italie sous le nom de délia Croce et qui vécut au delà
de -ITIO. G. P-i.
CRUGER (Peter), mathématicien allemand, né à Kœnigs-
berg en 4580, mort- en 1639; il fut un des premiers
calculateurs de tables de logarithmes. Il publia une Praxis
tngonometfiœ logarithmorum (Danzig, 1612) ; une Sy-
nopsis logarithmica etdesJabulœ loganthmicœ{i6i^),
CRUGER ou KRÛGER (Johann), célèbre maître de cha-
pelle allemand, çeut-ètre parent ou même fils de Pancrace
Criiger, né au village de Grossebreessen, près de Guben,
dans le Brandebourg, le 9 avr. 1598, mort à Berlin le
23 févr. 1662. Il fit ses premières études à Guben, Sorau
et Breslau. En 1613, il entra au collège des Jésuites
d'Olmiitz en Moravie et plus tard à l'école de poésie de
Ratisbonne. Après avoir voyagé en Autriche-Hongrie,
Moravie et Bohême, il vint se fixer à Berlin en 1 615, où il
fut précepteur des enfants delà famille deBluementhal. Pen-
dant les cinq ans qu'il demeura dans cette famille il n'en
continua pas moins ses études, surtout celles de la musique.
Pour les développer encore, il entra à l'université de Wit-
temberg et en sortit pour revenir à Berlin oii il obtint la
direction du chœur de l'église Saint-Nicolas, dont il fut
titulaire pendant quarante ans (1622-1662). Son corps
repose dans l'église Saint-Nicolas et son portrait peint par
son gendre, le peintre Michel Conrad Hirt, se voit exposé à
l'église à la droite de l'orgue. Criiger se maria deux fois : de
sa première femme il eut cinq 'enfants, de la seconde qua-
torze. Criiger a laissé en Allemagne une céfébrité méritée
comme écrivain didactique *et comme compositeur litur-
gique. Ses ouvrages théoriques sont recommandables et son
traité de composition entre autres (1634) est le meilleur
qui ait été publié en Allemagne au xvu® siècle. Ses compo-
sitions musicales sont nombreuses ; la plupart d'entre elles
sont consacrées à la liturgie luthérienne. On compte plus
de cinq ouvrages contenant d'innombrables chorals et pièces
de chants à plusieurs voix souvent accompagnées d'instru-
ments. Fétis donne un catalogue complet et très détaillé de
toutes les œuvres de Criiger, ouvrages didactiques et
compositions liturgiques. Certains recueils de chorals de
Cruger atteignent un nombre considérable d'éditions, entre
autres le Praxis Pietatis Melica, das est , qui eut qua-
rante-trois éditions (Berlin, 1698), M. E.-C.-G. Lang-
becker a publié un ouvrage sur Criiger qui a pour titre :
Johann Criiger von i622 bis i622 Musik-Director an
der Saint-Nicolai'Kirche in Berlin choral Melodien^ etc.
(Mélodies chorales de J. Criiger, directeur de musique de
l'église Saint-Nicolas à Berlin, depuis 1622 jusqu'à 1662,
tirées des meilleures sources et en partie des originaux, et
accompagnées d'une courte notice concernant la vie et les
ouvrages de ce compositeur de chants spirituels) ; Berlin,
1835, in-4, portrait.
CRUGEY. Corn, du dép. de la Côte-d'Or, arr. deBeaune,
cant. de BHgny-sur-Ouche ; 213 hab.
CRUGNY {Cruscinianum), Com. du dép. de la Marne,
arr. de Reims, cant. de Fismes; 792 hab. Vins; pierre à
chaux et pierre de taille; fours et tuileries; scieries mé-
caniques. Cette locahté est fort ancienne : les archevêques
de Reims y eurent de bonne heure un château fort, oix
Hérivée, en 920, donna quelque temps asile à Charles le
Simple, et dont il reste encore des vestiges intéressants.
Eglise des xn® et xv® siècles, avec tour du xi®. Débris
d'une ancienne commanderie de Templiers. Patrie de l'his-
torien Paul-François Velly (1709-1759). A. T.
BiBL. : Valentin, Notice historique et descriptive sur
les monuments civils et religieux du canton de Fismes ;
Reims, 1866, in-8.
CRUGUEL. Com. du dép. du Morbihan, arr. de Ploer-
mel, cant. de Josselin ; 991 hab.
515 - CRUGER - CRUIKSHANK
CRU I CE (Patrice-François-Marie), érudit français, né à
Clonfert (Irlande) le 27 juil. 1815, mort à Marseille le
15 oct. 1866. Docteur en théologie en 1844, il dirigea
l'école des Carmes, puis fut nommé le 18 juin 1861 évêque
de Marseille. Il démissionna pour raison de santé le 6 janv.
1866. Il a beaucoup écrit. Nous citerons de lui : Etudes lit-
tëraires sur l'apologue, la poésie lyrique^ la poésie épique
chez les Français et sur la poésie hébraïque et la poésie
orientale (Paris, 1840, in-o); Essai critique sur VHexa-
meron de saint Basile (1844, in-8) ; De Flavii José-
phi in auctoribus contra Apionem offerendis (1844,
in-8) ; le Narrateur anglais (1845, in-12) ; Vie de Denis-
Auguste Affre (1849, in-8) ; Etudes sur de nouveaux
documents historiques relatifs au commencement du
christianisme (1853, in-8) ; Philosophumena (1860,
trad. lat. avec notes, in-8) ; Tableau de V Empire romain
(extrait de Gibbon, 1850, in-8); Histoire de V Église de
Rome de i92 à 224 (1856, in-8); De quelques Discus-
sions récentes sur les origines du christianisme. Le
docteur Baur, le docteur Neander et M, E.Renan (1858,
in-8) ; De l'Accord de la religion et de la liberté (1863,
in-8), et un certain nombre d'ouvrages pédagogiques.
CRUIKSHANK (George) , célèbre caricaturiste et peintre
anglais, né à Londres le 27 sept. 1792, mort à
Londres le 1^*^ févr. 1878. Son père, Isaac Cruikshank,
était Ecossais; il avait exercé le métier de graveur et
d'illustrateur de livres ; il s'était fait aussi une réputation
de caricaturiste, et Thomas Whrigt, dans son Histoire de
la caricature et du grotesque^ le cite comme le rival de
Gilbray et de Rowlandson. C'est beaucoup dire. George
lut naturellement entraîné vers la carrière des arts, et
dès son jeune âge montra un tempérament original, une
singulière pénétration et un don tout à fait spécial pour
exprimer en quelques traits les caractères des gens et des
choses. Encore adolescent, tandis qu'il essayait de peindre
des décors pour le théâtre de Drury-Lane, il trahissait
déjà le penchant de son esprit porté au sarcasme et à la
charge. Son père voulait le pousser vers la peinture acadé-
mique ; il l'avait, en conséquence, placé chez Fuseli, membre
de l'académie de peinture de Londres. Mais le futur
caricaturiste s'esquivait furtivement de l'atelier pour aller à
Billing's Gâte étudier la physionomie des matelots et des
vieilles femmes qui vendent la marée. Plus tard, il trouva
dans ses cartons les croquis de sa jeunesse et sut s'en
inspirer.
La grande popularité qui devait s'attacher à son nom
commença avec la publication, entre 1819 et 1821, de
satires illustrées sur la vie publique et privée du prince
régent ; elles étaient intitulées la Maison politique que
Jack a construite, V Echelle matrimoniale, et No7i mi
ricordo, allusions au mariage et au procès de la reine
CaroMne, VHomme dans la lune, etc. Ces vives satires
obtinrent une vogue immense et quelques-unes se ven-
dirent à 200,000 et 300,000 exemplaires. Après ce pro-
digieux succès, Cruikshank abandonna la caricature poli-
tique pour se consacrer à celle de la vie anglaise, aux
scènes de moeurs et à l'illustration des livres. Parmi les
plus populaires de ses dessins, on cite : Pointes de gaieté,
les Matinées à Bow-Street, lom Pouce^ John Guilpin^
la Chasse d'Epping, Trois Plats et un dessert, le
Dimanche à Londres, Mon Carnet d^esquisses, Singu*
larités phréno logiques, les illustrations des romans de
Dickens, les dessins donnés à VOmnibus, au Punch, enfin
ses planches de la Bouteille, dans lesquelles, se montrant
tout acquis au mouvement entrepris alors par les sociétés
de tempérance, il stigmatisait le vice de l'ivrognerie. Sa
brochure du Verre, publiée plus tard, montra encore à
quel point il était teetotaller actif et convaincu. Les gra-
vures qu'il fit en 1858 pour la Vie de sir John Fals-
taff comptent parmi ses plus remarquables compositions*
Sur le tard, l'artiste se sentit pris par l'ambition de faire
de la grande peinture et d'aborder le genre auquel avait
voulu tout d'abord le destiner son père dont il s'était attiré
CRUIKSHANK — CRURAL
— 516 —
au début les colères en faisant de la caricatare. A soixante
ans il se mit à peindre de grandes compositions qui ne sont pas
sans mérite et à exposer régulièrement aux exhibitions de
l'Académie royale ; quelques-uns de ses tableaux, d'inspira-
tion humouristique, tels que le Trouble-fête^ le Costume à
la mode^ Cendrillon, le Coup de sonnette, etc., sont d'une
fantaisie spirituelle et piquante. Mais c'est uniquement à
son oeuvre de caricaturiste que George Cruikshank doit sa
renommée qui a été immense à un moment. Il existe de lui
plusieurs milliers de planches où la prodigieuse fécondité
de son crayon, la verve de son esprit observateur et pro-
fond s'afiirment avec une saisissante originalité. Nous
avons déjà (V. Caricature) essayé de caractériser ce
talent de large envergure, et nous n'avons pas à reve-
nir sur ce qui a été dit. Continuateur d'Hogarth, de Bun-
burg, de Gilbray, il est certain que Cruikshank n'est pas
inférieur à ces maîtres de la caricature, ni pour la vigueur
concentrée du dessin, ni pour l'âpreté du trait, ni pour le
pittoresque comique des détails. Il est inférieur à tous
dans l'illustration des romanciers humoristiques tels que
Dickens.
Isaac Cruikshank, le père de George, était, ainsi qu'il
est dit plus haut, d'origine écossaise. Né vers 1760,
mort dans les premières années de ce siècle, il exerça le
métier de graveur, puis se mit à faire des caricatures imi-
tées de celles de Gilbray et de Row^landson, ses contem-
porains. Il en a exécuté un très grand nombre dont
beaucoup, non signées, portent néanmoins l'empreinte de
sa manière souvent expressive et d'une brutale violence. Il
s'attaqua surtout à Pitt, qu'il représenta fréquemment en
saltimbanque, de même qu'à Fox, d'ailleurs. L'une de ses
planches les plus remarquables est intitulée le Saut de
l'étang aux harengs ; elle est datée du 20 juin 1800,
et a pour sujet l'union de l'Irlande à l'Angleterre, que le
satiriste blâme de la façon la plus mordante. Une autre,
datée du 19 avr. 1810, est intitulée la Dernière Grande
Expédition ministérielle, et fait allusion à la répression
d'une émeute, Piccadilly street.
Robert Cruikshank, fils du précédent et frère puîné de
George, né en 1790, mort en 1856, s'est adonné princi-
palement à la miniature. Il a publié différentes esquisses
de la vie populaire à Londres, d'une observation aiguë et
amère. V. Ch.
BiBL.: Reid, Complète Catalogue of the engraved works
ofG. Cruikshank ; Londres, 1873. — Bâtes, G. Cruikshank,
the artist; Londres, 1878. ~ The Art Journal, 1863, 1864.
CRUIS. Com. du dép. des Basses-Alpes, arr. de For-
calquier, cant. de Saint-Etienne-les-Orgues, au pied des
montagnes de Lure, près de l'Auzon, affluent rive droite de
la Durance; 436 hab., Eglise du xii^ siècle. La tradition
montre dans un roc calcaire un abîme où l'on jetait les
femmes adultères.
C R U I S E (William) , jurisconsulte anglais, mort à Londres
le 5 janv. 4824. Inscrit au barreau de Londres en 1773,
il ne put pratiquer comme avocat qu'en 1790, lorsque les
catholiques romains obtinrent l'accession aux emplois. Il a
publié un certain nombre d'ouvrages importants. Nous cite-
rons An Essay on the nature and opération of fines
and recoveries (Londres, 1783, in-8 ; 1 794, 3« éd.) ; An
Essay on uses 1795, in-8); A Digest of the laws of
England respecting real property (1804, 7 vol. in-8;
Boston, 1849, 5^ éd.); Principles of conveyancing
(1808, 6 vol. in-8); the Originand nature ofdiqnities
(1810, in-8),
CRULAL Com. du dép. de l'Orne, arr. de Mortagne,
cant. de Laigle ; 805 hab.
GRULL (Jodocus), écrivain anglais, mort vers 1713.
C'était un médecin de Londres. Il a donné beaucoup de
traductions du français et de l'allemand, notamment du
père Bouvet et de Pufendorf, et publié the Ancient and
Présent State of Muscovy (Londres, 1698, 2 vol. in-8) ;
Memoirs of Denmark (1700, in~8) ; the Antiquities of
St. Peters (1711 , in-8 ; 1 742, 4^ éd.).
CRUMPIPEN (Joseph-Jean, baron de), homme ^'Etat
belge, né à Bruxelles le 9 sept. 1737, mort à Bruxelles
le 11 févr. 1809. Après avoir pris à Louvain le grade de
docteur en droit, il devint en 1762 membre du conseil de
Brabant, en 1769 chancelier du même conseil et en 1787
président du conseil suprême de justice. Il favorisa de tout
son pouvoir les réformes de Joseph II et se rendit ainsi
odieux aux habitants peu éclairés des Pays-Bas. Lorsque
éclata la révolution brabançonne, Crumpipen fut enlevé par
un parti de patriotes et détenu prisonnier en Hollande. Il
ne fut rendu à la liberté qu'au bout de deux mois. Après
la bataille de Jemmapes qui eut pour conséquence la retraite
des troupes autrichiennes, Crumpipen rentra dans la vie
privée. C'était un jurisconsulte de haute valeur et un fonc-
tionnaire habile et actif. François II l'avait créé baron et
lui avait conféré l'ordre de Saint-Etienne. E. H.
BiBL. : Rapedius de Berg, Mémoires et documents
pour servir à l'histoire de la révolution brabançonne-
Bruxelles, 1842-43, 3 vol., in-8. ~ Messager des sciences
historiques de Gand, 1840. — Archives de la chancel-
lerie des Pays-Bas, du Conseil privé et du Conseil d'Etat
à Bruxelles.
CRUMPIPEN (Henri de), homme d'Etat belge, frère du
précédent, né à Bruxelles le 20 sept. 1 738, mort à Stuttgart
en 1811. D succéda, en 1769, à son père Henri de
Crumpipen, secrétaire d'Etat et de guerre à Bruxelles,
n devint ensuite, en 1781, conseiller d'Etat, et en
1791 président du conseil privé. l\ exerça une sérieuse
influence sur les gouverneurs généraux des Pays-Bas et
contribua pour une grande part à l'adoption d'une politique
libérale en matière d'instruction et d'aifaires ecclésias-
tiques, n émigra après l'invasion de la Belgique par les
armées françaises. L'empereur d'Allemagne le nomma alors
son ministre près la cour de Stuttgart. E. H.
Bii3L. : Rapedius de Berg, Mémoires et documents
pour servir à V histoire de la RévoliUion brabançonne;
Bruxelles, 1842-43, 3 vol., m-8. ~ Archives delà chancel-
lerie des Pays-Bas et de la secrétairerie d'Etat et de
guerre à Bruxelles.
CRUMPSALL. Ville d'Angleterre, comté de Lancastre,
au N. de Manchester ; 8,151 hab.
CRUNODAL (Géom.). Un point singulier ordinaire où
se croisent deux branches réelles de courbe sans se toucher,
s'appelle quelquefois un point crunodal (Salmon, Courbes
planes).
CRUPELLAIRE (V. Gladiateur).
CRU PI ES. Com. du dép. de la Drôme, arr. de Die,
cant. deBourdeaux; 260 hab.
CRUPILLY. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Vervins,
cant. de La Capelle; 147 hab.
CRUQUIUS ou DE CRUCQUE (Jacques), philologue
flamand, né à Messines, près d'Ypres; il enseigna et écri-
vit dans la seconde moitié du xvi« siècle. H professa le grec
et je latin à Bruges, et pubha une édition du Pî^o Milone
(1582), un éloge de la ville de Bruges en latin, des poé-
sies latines. Mais son ouvrage capital est une édition com-
plète d'Horace,^ avec notes et commentaires, publiée après
plusieurs éditions partielles (Anvers, 1578) ; réédition avec
notes de Jean Dousa, en 1611. Cruquius avait fait grand
usoge de plusieurs manuscrits qui se trouvaient au monas-
tère des bénédictins de Saint-Pierre au Blankenberg (mont
Blandin à Gand), La perte de ces manuscrits, brûlés dans
un incendie du monastère, ajoute encore à la valeur de
l'édition. A. W.
CRURAL. Artère crurale.— I. Anatomie. ~ C'est
l'artère principale du membre inférieur. Elle commence au
moment où l'artère iliaque externe passe sous l'arcade cru-
rale et se termine à l'anneau du troisième adducteur où
elle prend le nom de poplitée. Son trajet est oblique de haut
en bas, d'avant en arrière et de dedans au dehors. Elle est
d'abord située dans le triangle de Scarpa, et se dirige du
miheu de la base vers le sommet de cette région, dans une
gouttière formée par le pectine en arrière et le psoas
iliaque en dehors ; en haut elle repose sur l'éminence iléo-
pectinée et la tête du fémur ; vers sa terminaison, sur la face
517
CRURAL — CRUSELL
interne du fémur : on peut donc la comprimer dans ces
points ; au sommet du triangle, elle est recouverte par le
muscle couturier qu'on a appelé son muscle satellite et
qui, d'abord en dehors de l'artère à sa partie supérieure,
passe au-devant, puis en dehors d'elle; au-dessous du
triangle, l'artère crurale est située dans une gouttière for-
mée par le vaste interne en avant et les trois adducteurs
en arrière. Dans tout son trajet, l'artère est située dans la
gaine aponévrotique des vaisseaux fémoraux ; la veine fémo-
rale est en dedans en haut, puis en arrière et en dehors à
la partie inférieure ; elles sont entourées par des lympha-
tiques. Le nert crural est séparé de l'artère par la bande-
lette iléo-pectinée et par l'aponévrose du muscle psoas ;
plus bas, avant de sortir du triangle de Scarpa, elle est en
rapport avec le nerf saphène interne et par le nerf acces-
soire de celui-ci. L'artère fémorale ou crurale fournit six
branches : la sous-cutanée abdominale, la honteuse externe
supérieure qui se termine par deux rameaux, un externe
et un scrotal ; la honteuse externe inférieure, qui fournit
deux rameaux de même nom ; la fémorale profonde, qui
donne les circonflexes interne et externe et les perforantes,
et la musculaire superficielle ou artère du biceps. Ces cinq
artères naissent dans le triangle de Scarpa ; au-dessous
naît une sixième branche, la grande anastomotique ou pre-
mière articulaire supérieure et interne.
IL Pathologie. — L'artère crurale présente comme
affections des plaies et des anévrysmes. Les plaies sont
graves en raison du calibre assez considérable du vaisseau ;
lorsqu'elles sont complètes, elles peuvent entraîner rapide-
ment la mort par l'abondance de l'hémorragie; lors-
qu'elles sont incomplètes, elles peuvent donner lieu à des
anévrysmes. L'artère fémorale est assez souvent ouverte
par des ulcérations cancéreuses ou syphilitiques des gan-
glions inguinaux, la dégénérescence tuberculeuse ou la
suppuration de ces mêmes ganglions. On peut traiter ces
ouvertures vasculaires par la compression au-dessus ou par
la ligature des deux bouts. Les anévrysmes sont le plus
souvent spontanés et se développent de préférence à la
partie supérieure de l'artère. Ils présentent les phéno-
mènes ordinaires des anévrysmes, mais peuvent être pris
pour des abcès par congestion sortant par le canal crural
et soulevés par les battements artériels. L'ouverture d'un
anévrysme a été faite ainsi par mégarde. Le pronostic de
ces anévrysmes est grave. On y remédie par la compres-
sion digitale ou mécanique à la base du triangle de Scarpa,
par la ligature au-dessus et au-dessous du sac, et même
par l'extirpation de celui-ci. On trouve aussi des ané-
vrysmes artério-veineux, produits communément par des
instruments piquants, et faisant communiquer ensemble
l'artère et la veine crurales (V. Anévrysme).
Ligature de V artère crurale. Cette opération se pra-
tique en trois points principaux ; à la base du triangle
de Scarpa, ou dans le premier quart du membre ; 2<^ à la
pointe de ce triangle, au-dessus du milieu de la cuisse, ou
dans son deuxième quart ; 3^ au-dessous du miheu de la
cuisse, dans le canal de Hunter ou dans le troisième quart.
La direction de l'artère est indiquée par une ligne qui par-
tant du milieu de l'arcade crurale va en arrière du condyle
interne du fémur. Les incisions, de 6 à 8 centim., doivent
être faites dans cette direction.
Veine crurale. — 1. Anatomie. — Elle a le même
trajet et la même direction que l'artère, et reçoit des
branches veineuses qui suivent les branches de l'artère,
excepté la sous-cutanée abdominale et les honteuses externes
qui se jettent dans la saphène interne, laquelle à son tour
se jette dans la veine crurale au sommet du triangle de
Scarpa ; elle est située, comme nous l'avons déjà dit, en
dedans de celle-ci, à la partie supérieure, et en dehors à
la partie inférieure.
IL Pathologie. — La veine crurale est sujette aux affec-
tions communes aux veines, plaies et phlébites ; mais elles
présentent ici des particularités intéressantes à la suite
des plaies de la veine fémorale. On croyait autrefois qu'il
fallait lier en même temps la veine et l'artère, afin d'em-
pêcher l'afflux du sang dans le membre gêné dans son
retour, et par suite la gangrène. On sait aujourd'hui qu'on
peut se contenter de la ligature de la veine en pareil cas. La
phlébite de la veine fémorale a été observée à la suite de
contusions, de compression prolongée ayant pour but d'in-
terrompre le cours du sang dans l'artère, soit pendant les
opérations, soit dans le cours des anévrysmes. C'est pour
prévenir ces accidents que plusieurs chirurgiens, entre
autres Verneuil, ont imaginé un procédé d'amputation de
la cuisse dans lequel on lie d'abord l'artère fémorale,
comme premier temps de l'opération ; celle-ci se termine
dès lors très simplement comme l'ablation d'une tumeur,
sans perte de sang considérable. Il faut encore mentionner
une variété de phlébite de la veine fémorale qui constitue
une complication très importante des suites de couches,
des kystes de l'ovaire, de certaines cachexies cancéreuses,
et à laquelle on a donné le nom de phlegmatia alba do-
lens (V. ce mot et Phlébite). Les adénites inguinales sup-
purées (bubons) envahissent souvent la paroi veineuse, qui
s'enflamme à son tour; dans l'ouverture de ces bubons,
il faut tenir compte de cette donnée, car la friabilité de la
veine en a déterminé la rupture dans certains cas, à la
suite d'explorations, de dilatation brusque de l'ouverture
de l'abcès.
Nerf crural. — Ce nerf provient du plexus lombaire
par trois racines qui viennent des deuxième, troisième et
quatrième branches lombaires. Ces racines se réunissent à
angle aigu dans l'épaisseur du psoas, forment un tronc
nerveux qui sort du muscle au niveau de sa face externe
et descend jusqu'à l'arcade crurale dans la gouttière située
entre le psoas et l'iliaque auxquels il donne quelques ra-
meaux au-dessous du fascia iliaca, A deux centimètres au-
dessous de l'arcade, il se termine par quatre branches,
deux en avant, les nerfs musculo-cutanés interne et
externe ; et deux en arrière, le nerf du triceps en dehors
et le saphène interne en dedans. Le premier donne des
rameaux au muscle couturier et trois rameaux cutanés,
dits perforant interne , moyen et externe ; l'interne
fournit le nerf accessoire du saphène interne ; le deuxième
donne des rameaux aux muscles pectine et premier adduc-
teur, et à la peau de la partie supérieure et interne de
la cuisse; le troisième donne trois rameaux, l'un va au
droit antérieur, l'autre au vaste interne, l'autre au vaste
externe. Le quatrième, ou saphène interne, sort de la
gaine des vaisseaux fémoraux à l'anneau du troisième
adducteur, et se divise en deux branches, l'une rotu-
lienne, l'autre jambière, qui se dirige le long de la face
interne de la jambe et du pied jusqu'à la partie interne
du gros orteil. D** L.-H. Petit.
GRUSCA (Académie delà) (V. Académie, t. I,p. 230).
CRUSCADES. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Nar-
bonne, cant. de Lésignan; 508 hab.
CRUSEILLES. Ch.-l. de cant. du dép. de la Haute-
Savoie, arr. de Saint-Julien, sur le versant S. du Salève;
i,948 hab. Ruines d'un château du moyen âge au sommet
d'un rocher isolé.
CRUSELL (Bernhard-Henrik), virtuose et compositeur
suédois, né à Nystad (Finlande) le 45 oct. 4775, mort à
Stockholm le 28 juil. 1838. Fils d'un pauvre relieur, il
s'engagea dans un régiment à l'âge de treize ans pour
apprendre la musique; il étudia en même temps le français,
l'italien, l'allemand et il fut chef de musique à dix-sept
ans. Après avoir reçu des leçons de l'abbé Vogler à Stock-
holm et de Tausch l'aîné à Berlin, il devint membre de
l'Académie de musique suédoise (1804). H. Berton et Gos-
sec lui enseignèrent la composition au Conservatoire de
Paris (1803). C'était un des meilleurs clarinettistes de son
temps ; aussi est-ce surtout pour cet instrument qu'il écri-
vit des concertos. On lui doit aussi des quatuors, des trios,
des duos. Il mit en musique des poésies de Tegner (notam-
ment vingt-deux chants de Frithjofs saga) , de Raneberg,
de Bellman, de Schiller ; composa une opérette en trois
CRUSELL — CRUSSOL
- 548 --.
actes {la Petite Esclave ; Stockholm, 1824), des récita-
tifs, des chœurs. Ses œiiYres sont simples, gracieuses,
pleines de charme et de mélodie ; plusieurs d'entre elles
sont devenues populaires. Il traduisit et arrangea pour le
théâtre de Stockholm dix livrets d'opéra. B-s.
CRUSELL (Gustaf-Samuel), cousin du précédent, mé-
decin et novateur finlandais, né à Tammelale 30 juin 4810,
mort à Saint-Pétersbourg le 24 oct. 4858. Médecin pro-
vincial à Kajana (4840) puis à Kexholm (4842), il fut le
premier qui appliqua le galvanisme à la médecine. Il fonda
à Moscou un Institut électrolytique (4845), et fit ensuite à
Saint-Pétersbourg (4849-4857) des expériences où il décou-
vrit la première méthode galvano-caustique. En 4857, il
devint docent à l'université de Helsingfors, mais bientôt
une maladie mentale mit fin à ses fécondes recherches,
exposées dans : Ueber den Galvanismus als chemisches
Heilmittel gegen œrtliche Krankheiten (Saint-Péters-
bourg, 1844, avec trois suppléments 1842-44), en fran-
çais dans les Bulletins de V Académie des sciences de
Saint-Pétersbourg (4844-54), et en suédois dans la
Roue pyrocaustique (Helsingfors, 4857). B-s.
CRUSENSTOLPE (Magnus-Jacob) , fécond et brillant
écrivain suédois, né à Jœnkœping le 44 mars 4795, mort
à Stockholm le 48 janv. 4865. Fils d'un assesseur à la
cour de Gœta, il entra dans la magistrature en 4844, fut
secrétaire du procureur général de la diète (4823), adjoint
(4820), puis assesseur à la cour de Svea (4825). Dès l'âge
de douze ans, encouragé par ses maîtres à composer des
romans, il publia en 4824 trois nouvelles anonymes, réu-
nies en 1842 sous le titre de Débuts littéraires. Une bro-
chure sur V Administration de Vagriculture et des
mines (1822) le mit en relation avec Charles XIV Jean ;
de 1823 à 1835, il prit part aux diètes comme membre
de la noblesse et publia, outre divers écrits politiques, un
journal en collaboration avecL.-J. Hjerta (1828-30). Les pro-
messes du tout-puissant comte Brahe le décidèrent à quitter
l'opposition et à mettre ses talents au service de la Cama-
rilla ; mais les articles imposés nuisirent au succès de la
Patrie (Faederneslandet), feuille officieuse qu'il pubUa de
1830 à 1833 ; les subsides ne furent pas suffisants et,
ayant mangé sa fortune dans cette entreprise, il donna sa
démission de magistrat pour être plus hbre de brûler ce
qu'il avait adoré. Il ne se borna pas à faire de l'opposition
parlementaire (diète de 1834-5) et à intenter un procès de
presse au Journal officiel^ mais il se mit à écrire des
pamphlets périodiques ou non qui furent beaucoup lus, t^nt
à cause des révélations piquantes que pour le style élégant,
agréable, quoique parfois trop pompeux : Esquisses inti-
mées de l'histoire du jour, pleines de fiel et d'insinuations
malignes (I, les Absents, 1834 ; 4® éd., 1837 ; II, les Pré-
sents, 1834 ; 2«éd., 1836) ; i770, i872, i809(iS36;
2^ éd., 1837) ; le Portefeuille (1837-1845) ; Tableau
historique des premières années du règne de Gus-
tave IV Adolphe (1837); Situation et circonstances
(sous forme de lettres, 1838-51, puis de revue, 1852-64).
Ayant accusé le conseil d'avoir violé la loi du sabbat pour
avoir fait une nomination le dimanche, il fut poursuivi
pour crime de lèse-majesté et, malgré un habile Mémoire
justificatif, condamné par le jury à trois ans d'emprison-
nement dans la forteresse de Vaxholm, ce qui donna liou
à de sanglantes démonstrations (1838). Sa réclusion ne
Pempècha pas de continuer ses travaux littéraires et même
de publier des brochures périodiques. Il faut encore citer
parmi ses écrits des Tableaux histoiHques où il a mêlé
des fictions à des traits réels tirés de ses riches collections :
le More ou la Maison de Holstein-Gottorp en Suède
(1840-44, 6 vol. ; 1^ éd., 1880) ; Charles-Jean et les
Suédois (1845-6, 4 vol.; 2« éd., 1884); la Maison
Tessin sous l'absolutisme et le parlementarisme (1847-
1849, 3 vol. ; 2« éd., 1883); la Diète de i850 sur la
scène et dans les coulisses, celle de lf85i ; Caracté-
ristiques d'après les lettres intimes et les notes de
contemporains (1851) ; Anecdotes (1851) ; les Cours de
r Europe (I. Prusse; IL France, 1853); la Révolution
du iS mars 1809 (1859) ; Personnalités historiques
(1. Charles XIII et la reine, 1861; IL Antécédents de Charles-
Jean, 1863) ; Médaillons et statuettes d'écrivains, d'ar-
tistes, d'hommes politiques (1882), réunis et réédités
par son imitateur Arvid Ahnfelt, qui a aussi publié :
M.-/. Crusanstolpe, sa galerie de contemporains et sa
correspondance littéraire (1 880-81 , 2 vol.). — Son frère,
Johan-Fredrik-Sebastian Crusenstolpe, né le 25 août 1 801 ,
mort en 1882, fut consul général à Alger (1858), puis à
Lisbonne (1860), où il devint ministre résident. On lui doit
une traduction suédoise du Coran (1843). Beâuvois.
CRUSIUS (Christian-August), théologien luthérien, né
àLeuna, près de Mersebourg, le 10 janv. 1715, mort
à Leipzig le 18 oct. 1775. Il fut après Budde (V. ce
nom) l'adversaire le plus décidé de la philosophie de Wollï',
Kant a relevé la justesse de plusieurs de ses critiques,
notamment^ au sujet des jugements synthétiques a priori.
En théologie, sa tendance mystique mfluença par trop son
exégèse, surtout dans ses Hypomnemata ad theologiam
propheticam (Leipzig, 1764 et suiv., 3 vol.) et fit de lui un
adversaire à'Ernesti (Y. ce nom). Original, mais un peu
confus, c'est surtout par son humble et chaude piété
qu'il attira des disciples peu nombreux, mais très fer-
>ents. F.-H,K.
G RU S LIER (V. Poudre).
CRUS NES. Corn, du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr.
de Briey, cant. d'Audun-le-Roman ; 302 hab.
CRUSSOL. Montagne et château ruiné du dép. de FAr-
dèche, com. de Saint-Péray, en face de Valence. Cette mon-
tagne, coupée à pic par le Rhône, du côté de TE., est un
des plus curieux spécimens que la nature ait fournis aux
géologues pour étudier, sur un très petit espace, les phéno-
mènes des époques triasi(jue et jurassique. On y trouve, en
effet, superposés au granit porphyroïde, tous les dépôts du
trias, dépourvus de fossiles, puis les différentes couches ju-
rassiques ayant chacune son ammonite ou sa bélemnite parti-
culière, jusqu'au terrain corallien. Le calcaire de Crussol
est une sorte de marbre polissable, fort estimé dans tout
le bassin du Rhône et que les Romains employaient pour
l'amphithéâtre d'Arles. La montagne est dominée par les
ruines du château de Crussol, connues sous le nom de
Cornes de Crussol, à cause de deux pignons pointus, dont
un a croulé dans ces derniers temps, à la suite des travaux
de carriers. Le château de Crussol est mentionné par le
cartulaire de Saint-Chaffre comme existant au x^ siècle, mais
Fédifice dont on voit les restes est postérieur au xiii® siècle.
Une tradition attribue sa fondation au géant' Crussolius, à
cause des nombreux ossements d'éléphants trouvés dans la
contrée, et qu'on prenait pour des ossements humains. Le
château de Crussol fut pris et repris plusieurs fois pendant
les guerres civiles et finalement détruit vers 1622. A mi-
côte, on voit encore les ruines de l'ancien village féodal,
relié à la forteresse du sommet par un second mur d'en-
ceinte. La terre de Crussol était une des douze baronnies
du Vivarais. Elle fut érigée en vicomte en 1486, puis en
comté, mais son nom n'arriva à un retentissement histo-
rique gu'au XVI® siècle, à cause du rôle considérable que
ses seigneurs, devenus ducs d'Uzès, jouèrent dans les
troubles religieux du Languedoc.
CRUSSOL (Famille de). Il existaie avant le xn® siècle
une famille de Crussol dont on sait seulement qu'elle pos-
sédait Crussol. L'héritière de ces anciens Crussol épousa
Giraud Bastet, qui vivait en 1440. Un de cesBastet accom-
pagna Philippe- Auguste à la croisade de 1495, et un
autre aida le belliqueux évêque de Valence, Humbert de
Miribel, à soumettre ses sujets révoltés. Un troisième, Louis
de Crussol, fut chambellan de Louis XI, gouverneur du
Dauphiné, sénéchal du Poitou et grand maître de l'artil-
lerie du royaume. Il fit lever le siège de Beauvais à Charles
le Téméraire et mourut en Languedoc en 4473, en allant
prendre le commandement de l'armée en Catalogne. Son
fils, Jacques de Crussol, gouverneur du Dauphiné, prit part
- 549 ^
CRUSSOL -» CRUSTACÉS
à toutes les guerres d'Italie, sous Charles YIII et Louis XII
et fut blessé à Fornoue. Il était devenu, en 4486, vicomte
d'Uzès par son mariage avec Simonne d'Uzès. Charles de
Crussol, son successeur, épousa Jeanne de Genouiilac, qui
avait été élevée au château d'Amboise avec Marguerite de
Valois dont elle resta l'amie. Charles eut douze enfants,
dont deux, qui se succédèrent comme ducs d'Uzès, prirent une
part considérable aux événements poHtiques de leur temps.
Antoine de Crussol, l'aîné, épousa, en 4556, Louise de
Clermont, qui était très liée avec Catherine de Médicis et
fut souvent l'intermédiaire entre cette princesse et les
huguenots. Elle était la gouvernante de Charles IX, et l'on
a des lettres très curieuses du jeune prince à sa gouver-
nante, qu'il appelle sa « vieille lanterne ». C'est grâce à
elle que la vicomte d'Uzès fut érigée en duché simple, puis
en duché-pairie. Antoine de Crussol joua, au début des
troubles religieux du Midi, un rôle qui a été diversement
apprécié et dont il faut chercher l'explication, d'abord
dans son propre caractère, modéré, pratique et conciliant,
ensuite dans la politique de Catherine de Médicis, dont il
était l'agent dévoué, et qui cherchait surtout à faire servir
l'antagonisme des partis au maintien de l'autorité royale.
Envoyé, à la fin de 4564, pour pacifier le Dauphiné, la
Provence et le Languedoc, il rempht sa mission avec autant
de succès que les circonstances le comportaient ; mais bien-
tôt, mécontent de la cour, il se retira dans son château de
Charmes, où des délégués de Nîmes ne tardèrent pas à
venir le chercher pour en faire le chef des religionnaires
du Midi. Il remporta divers succès, organisa le parti et fit
arrêter au Pont-Saint-Esprit le baron des Adrets, coupable
de trahison. Il était en Dauphiné, rétablissant dans cette
province les affaires des protestants, quand la paix d'Am-
boise vint terminer la guerre. En somme, Antoine de Crussol
exerça une influence modératrice. Les historiens protestants
le louent de s'être montré loyal à l'égard de leur parti, bien
qu'il fût resté catholique. Il mourut le 45 août 4573,
au siège de La Rochelle.
Tandis que le chef de la famille de Crussol, premier duc
d'Uzès, jouait le rôle que nous venons d'indiquer, trois de
ses frères, Jacques, Jean et Galiot, s'étaient lancés à corps
perdu dans le parti huguenot. Le plus célèbre est Jacques
de Crussol (né le 20 juin 4540), connu, dans la première
guerre civile, sous le nom de Beaudiné (un des fiefs de
la famille), et plus tard sous le nom de baron d'Acier,
Arrivé à Montpellier en 4562, comme lieutenant du prince
de Condé, Jacques s'empara de Marseillan et Béziers,
mais bientôt battu à Pézenas (44 juil.) par le duc de
Joyeuse, il fut contraint d'abandonner Pézenas et Bé-
ziers au chef des catholiques. Celui-ci, n'ayant pas
tenu sa promesse de laisser aux réformés le libre exer-
cice de leur culte, Jacques reprit les armes. Défait à Fron-
tignan, il se retira à Montpellier où il repoussa une attaque
de Joyeuse (oct. 4562). Plus tard, il prit le Ponzin, fit
lever le siège d'Aubenas, châtia le Bourg-Saint- Andéol,
qui avait massacré une garnison protestante, et, reve-
nant vers le S., obligea Joyeuse de lever le siège de
Montpellier. La guerre ayant recommencé en 4567, Jacques
revint à Montpellier et fit capituler la citadelle restée au
pouvoir des catholiques. Il s'empara du Pont-Saint-Esprit
et de diverses places en Vivarais et en Dauphiné, mais il
subit un grave échec à Montfrin. Peu après, il conduisit
une armée de 22,000 hommes au secours du prince de^
Condé. Il passa la Dordogne à Souillac le 44 oct. et fit sa
jonction avec le prince. Il était à Cognac quand Condé fut
battu à Jarnac. Il défendit Cognac contre le duc d'Anjou et
accompagna Coligny au siège de Poitiers. Fait prisonnier à
Montcontour, il fut épargné par Santa-Fiore, général des
troupes du pape, et remis en liberté moyennant une rançon
de 40,000 écus. On reproche à Jacques de Crussol de
nombreux actes de cruauté. Il portait une cornette verte
représentant une hydre à têtes de moines et de cardinaux
qu'Hercule abattait à coups de massue, avec l'inscription :
Qui casso crudeles^ anagramme de son nom, Jacques de
Crussol était au Louvre lors dé la Saint-Barthélémy. Il fut
épargné à cause de son frère Antoine, mais leur frère
Galiot fut une des victimes du massacre. L'année suivante,
Antoine étant mort sans enfants et lui ayant laissé ses
biens et ses titres, le nouveau duc d'Uzès devint, comme
l'avait été son frère aîné, l'homme de la reine plutôt que
celui des religionnaires. Catherine de Médicis l'opposa, dans
le Languedoc, au duc de Montmorency, qui était trop puis-
sant au gré de la cour, et l'on vit alors, comme dit l'Etoile,
cette étrange métamorphose du catholique Montmorency
devenu le chef des huguenots, tandis que le huguenot
d'Acier combattait avec les catholiques pour le roi contre
les huguenots. Jacques de Crussol mourut à Paris le 3 sept.
4584. Il avait été fait chevalier du Saint-Esprit, lors de la
création de l'ordre en 4578.
Un de ses descendants, Charles-Emmanuel de Crussol,
huitième duc d'Uzès, né le 44 janv. 4707, mort à Paris le
3 févr. 4762, fut un mélange rare d'esprit, de bra-
voure et d'originalité. Une blessure terrible, reçue à la
bataille de Parme en 4734, l'avait rendu bossu. Mais le
bossu n'était pas manchot, car il tua en duel un comte de
Rantzau, en 4740, à la suite d'une aventure de bal. Il
correspondait avec Voltaire et se chanta lui-même dans la
célèbre chanson : Depuis longtemps je me suis aperçu
De l'agrément qu'il y a d'être bossu. . . — Les branches col-
latérales de la famille de Crussol (marquis de Saint-Sulpice,
de Montsalez et de Florensac) sont éteintes, mais la branche
principale s'est perpétuée jusqu'à nos jours. Le treizième duc
d'Uzès, Amable-Antoine-Jacques-Emmanuel de Crussol,
est mort en 4878, laissant plusieurs enfants. A. Mazon.
BiBL. : Collections de documents sur l'histoire de France.
— Haag, France protestante. — D'Albiousse, Histoire
des ducs d'Uzès; Paris, 1887. — D^ Feancus, Voyage au-
tour de Crussol ; Privas, 1888.
CRUSTACÉS. I. Zoologie. — Les Crustacés forment
une classe très nombreuse de l'embranchement des Arthro-
podes ; ce sont tous animaux au genre de vie extrêmement
variable, organisés pour vivre dans l'eau, et l'immense
majorité de ces êtres habitent la mer; un très petit nombre
de formes seulement se sont adaptées à la vie terrestre.
La plupart des Crustacés sont libres pendant toute leur
existence, mais on observe aussi, parmi eux, des exemples
de parasitisme à tous ses degrés ; même, certains Crus-
tacés parasites peuvent en arriver à un tel degré de ré-
gression, qu'ils sont absolument méconnaissables et qu'il
ne faut rien moins que l'étude de leur embryogénie pour
pouvoir les classer à l'état adulte. On peut définir les
Crustacés des Arthropodes à respiration branchiale, munis
de deux paires d'antennes, chez lesquels chaque anneau
porte, au côté ventral, une paire d'appendices articulés ;
les téguments, formés de chitine, sont imprégnés de ma-
tière calcaire, qui leur donne une grande dureté, et c'est
cette dernière particularité qui leur a valu leur nom. Comme
chaque fois qu'il s'agit de définir un groupe nombreux
d'animaux, il faut noter ici que chacun de ces caractères,
en particuher, peut se trouver infirmé. Il importe mainte-
nant d'entrer dans quelques détails au sujet de ces ani-
maux ; nous passerons successivement en revue les par-
ticularités les plus importantes de leur structure et de leur
développement; nous ne parlerons de leurs mœurs qu'aux
articles spéciaux, dans lesquels nous traiterons des dif-
férentes formes.
En général, on peut compter chez les Crustacés vingt
anneaux, portant chacun des appendices ; mais, d'une part,
on peut assez souvent constater une réduction plus ou
moins prononcée de ce nombre d'anneaux et, d'autre part,
on les voit parfois se multiplier et atteindre un chiffre
double : nous citerons des exemples de ces modifications
à propos des Cladocères, Ostracodes (réduction), Branchio-
podes (augmentation du nombre). Tous les anneaux restent
parfois distincts, malgré leur nombre et, d'autres fois, ils
se soudent ou se fusionnent, de façon à n'être plus marqués
que parleurs appendices (fig. 4 et 2). Il y a, au reste, tous
les passages entre ces types variés. Chez la plupart des
CRUSTACES
— 520 — -
Crustacés, les anneaux qui forment la tête se soudent entre
eux avec le thorax, pour donner naissance à ce que l'on
1/.' b. 8 a .
Fig. 1. — Gammarus pulex (Crevette des ruisseaux), a,
tête (les sept anneaux qui la forment sont fondus en
une seule pièce) ; 8 à 14, anneaux du thorax ; 15 à 21,
sept anneaux de Tabdomen; at, antennes de la première
paire; at\ antennes de la seconde paire; 7', appendice
représentant une patte-mâchoire; 8-14', les sept paires
de membres thoraciques ; 15'-20', les six paires de pattes
abdominales.
appelle le céphalotliorax, mais il est des espèces, même
parmi celles qui sont très élevées en organisation, chez les-
quelles les anneaux céphaliques restent presque tous dis-
tincts ; on peut compter sept anneaux céphaliques, dont Fun
porte les yeux, les deux suivants les antennes et les autres
les pièces buccales. Les yeux sont d'ordinaire composés : ils
peuvent avoir la cornée lisse ou présenter des facettes ;
parfois, on voit des cristallins très distincts les uns des
autres, à la périphérie de Porgane; les deux yeux peuvent
se fusionner et donner l'apparence d'un organe impair,
comme chez beaucoup d'Entomostracés ; on rencontre par-
fois aussi des yeux simples, comme chez les Cyames,
Apus, etc., qui possèdent d'ailleurs, en même temps, des
Fig. 2. — Squiila maculata. a, tête dont deux anneaux
sont distincts; 1, premier anneau céphalique; 2, second
anneau céphalique; c, carapace, correspondant aux
anneaux 5 à 9: 10, dixième anneau dont une portion
seule est visible; ai, antennes internes; n,t\ antennes
externes; 7', première patte-mâchoire; 8'-14', les sept
paires de pattes thoraciques; 15'-20', pattes abdominales.
yeux composés. Fait remarquable, chez certaines espèces
des grandes profondeurs, les yeux peuvent être remplacés
par des épines plus ou moins développées. Enfin, un certain
nombre d'espèces, parmi les Crustacés qui vivent dans les
lieux obscurs, sont dépourvues de tout appareil oculaire.
Les antennes des Crustacés, au nombre de deux paires,
sont extraordinairement variables par tous leurs carac-
tères ; ce sont d'ordinaire des sortes de fouets grêles et
articulés, sièges du toucher ; leurs fonctions, au reste,
peuvent varier comme leur forme, et ces organes peuvent
s'adapter à la nage, devenir des instruments de préhension,
ou se tranformer en appareils de fixation. L'appareil
buccal est en règle générale formé de nombreuses pièces,
mais il n'y a absolument rien de fixe à cet égard et les élé-
ments qui le forment peuvent être plus ou moins réduits.
Chez les formes élevées (fig. 3), on peut trouver, en
outre de la lèvre supérieure, une paire de mandibules,
pourvues d'un palpe articulé et deux paires de mâchoires
de structure compliquée. Ces trois paires d'organes appar-
tiennent aux quatrième, cinquième et sixième segments
céphaliques et correspondent aux mandibules, mâchoires
et lèvre inférieure des Insectes. Il s'ajoute fréquemment à
cet appareil, chez les formes les plus différenciées, deux,
trois et même cinq paires de pattes, appartenant aux anneaux
suivants et qui se transforment en appendices buccaux,
mais dont la nature primi-
tive est pleinement démon- ^^^
trée. Le thorax est typique- ^ \^l!^ 4
ment formé de sept anneaux, _ ^^
plus ou moins nettement
visibles, plus ou moins soudés
entre eux et avec la région
céphalique; les sept paires
d'appendices qu'il porte pré-
sentent, suivant les genres,
les modifications les plus
variées : ils peuvent con-
stituer des organes de
marche, de natation, de pré-
hension, de respiration, de
tact, de fixation, etc., tous
différents les uns des autres ;
leurs changements de forme
sont si étendus qu'il ne peut
être question de les étudier
ici et que nous n'en parle-
rons qu'à propos des diffé-
rents types chez lesquels il
est plus intéressant de les
examiner. L'abdomen est for-
mé de six anneaux; beau-
coup d'auteurs admettent
cependant l'existence d'un
septième anneau terminal,
rudimen taire, important en
taxonomie pour les carac-
tères qu'il présente et qui
reçoit le nom de telson ;
l'abdomen est aussi très va-
riable par ses caractères,
même si on ne le considère
que chez les formes élevées :
tout le monde sait, par exemple, que la partie du corps
repliée et que l'on appelle vulgairement la queue chez les
Crabes, n'est autre chose que l'abdomen , si développé au
contraire chez des formes voisines, comme les Homards et
Langoustes. Aussi n'y a-t-il pas lieu de- s'étonner si, chez
certaines formes (Aselles, par ex.) il est réduit à une seule
pièce, encore très large à la vérité, et si, chez d'autres (Ca-
prelles, Cyames) , il est réduit à un ou deux petits tubercules :
c'est le thorax qui prend la prédominance dans ces derniers
cas. Les anneaux abdominaux portent aussi chacun une paire
d'appendices, mais on peut appliquer à ces organes ce que
nous avons dit des pattes thoraciques : ils peuvent pré-
senter les variations les plus étendues.
Il faut ajouter, à la suite de cette longue revue des mo-
difications que peuvent présenter les anneaux du corps des
Crustacés, qu'il existe des formes (ex. les Lernées), chez
lesquelles toute trace de division du corps disparaît : l'ani-
mal est alors vermiforme. Le système nerveux des Crus-
tacés a la disposition générale qu'il présente chez les
autres Arthropodes normaux; il est situé, pour sa plus
grande masse, au côté ventral du corps; une paire de
ganglions existe pour chaque anneau et des filets nerveux
les réunissent, formant deux chaînes parallèles, plus
ou moins nettement soudées entre elles et qui courent
dans toute la longueur du corps, se rendant vers l'œsophage;
en ce point les deux chaînes nerveuses se relèvent et,
embrassant l'œsophage, viennent se perdre à la partie supé-
rieure dans les ganglions céphaliques (fig. 4). D'une manière
générale, on peut dire que l'appareil nerveux que nous
venons de décrire, suit toutes les modifications que peuvent
présenter les anneaux et que ses différentes parties peuvent
entrer en plus ou moins complète coalescence. C'est chez
les Crabes que le maximum de coalescence est nécessaire-
Fig. 3. — Pièces buccales
ae l'Ecrevisse. a, mandi-
bule (4" anneau) ; 5, pre-
mière mâchoire (5» an-
neau); c, seconde mâchoire
(G** anneau) ; d, première
patte-mâchoire(7® anneau);
e, deuxième patte -mâ-
choire (8« anneau) ; f, troi-
sième patte-mâchoire (9«
anneau).
— 524
CRUSTACÉS
ment réalisé (fig. 5). Des ganglions céphaliques, soudés en
une seule masse, se dé-
tachent tous les nerfs
des organes des sens. 11
existe aussi, chez les
Crustacés élevés en or-
ganisation du moins, un
système nerveux dit de
la vie végétative, encore
très mal connu. Nous
avons dit plus haut
quelques mots des or-
ganes du tact et de la
vision ; nous aurons peu
de chose à dire ici sur
les autres organes des
sens. L'appareil de
l'ouïe est localisé, chez
les espèces supérieures,
dans le premier article
des antennes anté-
rieures ; il varie de
structure, mais est tou-
jours excessivement
^ simple : il peut avoir,
Fig. 4. - SystémeTerveux d'un chez d'autres formes,
CrustacéMacroure(Ecrevisse). un siège tOUt difterent
a, anus ; an, nerf antennaire ; - . .
a'?i, nerf antennulaire ; c, com-
missure œsophagienne;
gfni, ganglion sus-œsophagien;
g7i% ganglion sous-œsophagien;
on®, cinquième ganglion thora- , i i ^
ciqie; gn' , dernier ganglion grand nombre de types.
thoracique; gn^^^ dernier gan- La faculté de percevoir
glion abdominal ; /BS, section i^^ q^^jj^S existe aussi
chez les Crustacés, par-
fois même elle est très
développée ; les organes
de ce sens semblent être
situés sur les antennes antérieures et revêtir l'aspect d'ap-
V" %
et être situé, par
exemple, dans les la-
melles caudales; il est
inconnu chez un très
transversale de l'œsophage ;
on, nerf optique ; sa, section
transversale de rartère ster-
nale ; sgn^ nerf stomatogas-
trique.
Fig. 5. — Chaîne ganglion-
naire d'un Crabe (Carcinus
maenas). r/c, ganglions cé-
rébroïdes'; c, connectif con-
stituant le collier œso-
phagien ; cm^ commissure
caractéristique des Crusta-
cés; gth^ ganglions thora-
ciques; os, ouverture livrant
passage à Tartére sternaie.
Fig. 6. — Appareil digestif
de FEcrevisse. ce, œso-
phage ; t), contour de l'es-
tomac; 15', les gastrolithes
(vulgairement yeux d'écre-
visse); v'\ foie; i, intestin;
r, rectum ; a ouverture
anale.
pendices de forme plus ou moins conoïdes, plus ou moins
semblables à des poils, mais toujours en saillie. Quant à
l'organe du goût, il n'est nullement connu, si tant est que
sa fonction existe.
L'appareil digestif des Crustacés libres est complet; il
peut être très réduit chez les formes parasites. Chez les
types supérieurs (fig. 6), il commence par un œsophage
court et large, muni de valvules et d'un appareil muscu-
laire puissant. L'estomac, de forme arrondie, présente à son
intérieur un système de plaques très dures, de nature
chitineuse, d'agencement compliqué, qui jouent un rôle im-
portant dans la trituration des aliments et sont très variables
suivant les cas; des glandes variées déversent leur produit
dans le tube digestif: leurs homologies ne sont pas bien
établies ; la plus volumineuse, sinon la plus connue, est
celle que l'on trouve si développée chez les Crabes, par
exemple ; elle est de couleur jaune et on l'appelle vulgai-
rement le foie ; un autre système de glandes diges-
tives bien développé, du moins chez les types élevés, est
formé par les longs tubes grêles appelés appendices py to-
riques, qui débouchent à la partie antérieure de l'intestin
moyen. L'appareil circulatoire des Crustacés nous arrêtera
aussi un instant. Il est facile, en enlevant avec quelque
précaution la carapace
d'un Crabe vivant, par
exemple, de voir le
cœur, organe de forme
polygonale, bien re-
connaissable à ses
contractions rythmi-
ques ; le cœur est
enveloppé d'un péri-
carde dans lequel ar-
rive, par un système
de vaisseaux, le sang
qui provient des bran-
chies; des ouvertures
en nombre variable
permettent au sang
contenu dans le péri-
carde d'arriver dans
le cœur qui va le
chasser dans les ar-
tères ; le retour du
sang dans le péri-
carde, pendant la con-
traction du cœur, est
empêché par les bords
des ouvertures de com-
munication de ce der-
nier, qui jouent le rôle
de valvules en s 'ap-
pliquant l'un contre
l'autre. Le mécanisme
cardiaque est toujours
le même, quelle que
soit la forme du cœur,
et cette forme est très
variable. Les artères,
plus ou moms nom-
breuses, qui partent
du cœur ne se ter-
minent pas, après
Fig. 7. — Schéma du système cir-
culatoire des Crustacés Déca-
podes (Homard), ac, antennes
internes ; ae, antennes externes ;
0, œil; t, telson; c, cœur; pc^
péricarde ; ac, artère céphalique ;
ao, artères ophtalmiques; aa,
artères antennaires; ap, artère
postérieure; .ai, bifurcation de
rartère abdominale se rendant
au telson; as, artère sternaie;
av, artère sternaie antérieure;
ai, artère abdominale inférieure ;
5r, branchies; -u, sinus médian
abdominal ; v', sinus médian tho-
racique; vb7% canaux branchio-
cardiaques. — Les flèches indi-
quent la direction du cours du
sang.
s'être ramifiées, dans
un système capillaire qui se rattacherait aux veines : le
sang tombe dans les lacunes, entre les organes et c'est
dans les lacunes que les veines puisent le sang qu'elles
doivent conduire aux branchies (fig. 7). L'appareil circu-
latoire des Crustacés, comme on peut s'y attendre, va
se dégradant de plus en plus, au fur et à mesure que
l'on descend vers les formes inférieures. Le sang, dont
la couleur est très variable, contient le plus souvent
de nombreux éléments amiboïdes ; il est coagulable chez
les espèces élevées. La respiration des Crustacés se tait
CRUSTACES
522
très généralement à l'aide des branchies (V. ce mot)
et même , dans les cas où ces animaux sont adaptés à
la Yie terrestre, comme certains Crabes, des modifications
spéciales de la cavité branchiale viennent maintenir Thu-
midité des lamelles respiratoires; en d'autres cas, chez
certains Cloportes, par exemple, l'existence se passe dans
un milieu suffisamment humide pour permettre ce mode
de respiration.
Nous traiterons, à propos des différentes formes de
Crustacés, des modifications de forme que subissent la
plupart de ces animaux au cours de leur développement ;
disons seulement que ces modifications sont souvent telle-
ment considérables, que bien des formes larvaires avaient
été d'abord décrites comme des espèces distinctes et qu'on
peut compai^er les métamorphoses des Crustacés à celles
des Insectes. D'une façon générale, et conformément à un
principe qui ne souffre pas d'exceptions réelles, les diffé-
rents types de Crustacés traversent, au cours de leur déve-
loppement, des phases pendant lesquelles leur forme
rappelle complètement celle des types moins élevés qu'eux
en organisation, de telle sorte qu'on peut comparer les
différents membres d'une série donnée, aux stades que
revêt successivement la forme qui est le terme de la série
(V. les mots Nauplius, Zoé, Megalope , Phyllosoaie,
Erichte, etc.). La reproduction des Crustacés se fait par
des œufs; chez certaines formes, fréquentes dans les eaux
douces, les mâles sont très rares, ou sont inconnus à cer-
taines époques de l'année, aussi fait-on rentrer dans la
parthénogenèse leur reproduction à ces moments-là, ou
même leur mode de reproduction habituelle. Les sexes
sont séparés en règle générale (exception, Cirrhipèdes,
Cymothoïdes) ; il arrive souvent que le dimorphisme
sexuel soit considérable, au point que, pour certains
types, les mâles et les femelles ont été décrits comme
formant des genres différents (V. Ancée, par ex.).
C'est surtout chez les parasites que s'exagèrent ces diffé-
rences (V. CmRHipÈDEs, Bopyre, etc.). Disons pour ter-
miner que les traces des Crustacés se rencontrent déjà
dans les couches les plus anciennes du globe et que,
même, on a trouvé dans le terrain dévonien, des Crus-
tacés d'organisation très élevée, des Décapodes, ce qui
permet d'admettre qu'à cet âge ils existaient depuis déjà
fort longtemps. Nombre de types fossiles sont aujourd'hui
éteints. R. Moniez.
Tlioracostracés
I. Malacostracks .
CLASSIFICATION (d'après Claus).
Ordres Sous-Ordres
[ Podophthalmes . Décapodes | ^^^efoures^'
Schizopodes.
Stomapodes.
Cumacés,
i-p°<i- \^iZ°oti.
' Hypérines.
Crevettines.
Lémodipodes.
Nébalides.
Thoraciques.
Abdominaux.
Apodes.
Arthrostracés ou Edri-
ophthalmes. ) Amphipodes .
Leptostracés...
Cirrhipèdes .
II. Entomostragés .
Copépodes..,.
Ostracodes.
Phyllopodes . .
Rhizocéphales.
Branchiures.
Eucopépodes . . .
Branchiopodes.
Cladocères,
Gnathostomes ou Nageurs.
Siphonostomes ou Parasites.
IL Distribution géographique. — Les Crustacés marins
et les Crustacés d'eau douce doivent être étudiés séparé-
ment au point de vue de leur dispersion sur le globe. —
Les Crustacés marins à l'âge adulte sont, pour la plu-
'part, des habitants des rivages, et leur répartition géogra-
phique paraît soumise aux mêmes lois que celles des autres
animaux marins, c.-à-d. qu'elle dépend en grande partie
de la température et de la direction des courants. Dana
admet trois grandes zones climatologiques dont les limites
sont établies d'après les lignes isocrymales (c.-à-d. de
plus grand froid) de chaque localité: 4° zone froide;
2** zone tempérée ; 3° zone torride, qui se répètent des
deux côtés de l'Equateur, ce qui donne cinq zones, en
allant d'un pôle à l'autre (zone froide N., zone tem-
pérée N., zone torride, zone tempérée S., zone froide S.).
il divise ensuite les Crustacés marins en cinq grandes
régions qui sont : 1° la région occidentale ou américaine
qui comprend toutes les côtes des deux Améric[ues sur
l'Atlantique comme sur le Pacifique ; 2° la région af ri-
cano-européenne comprenant les côtes de l'Europe et
de l'Afrique baignées par l'Atlantique et les mers inté-
rieures qui en dépendent ; 3^ la région orientale (ou indo-
pacifique) qui s'étend de la mer Rouge et de Madagascar
aux îles Sandwich et à la Nouvelle-Zélande ; enfin 4^ et 5<*
une région arctique et une région antarctique pour les
mers polaires. Ces cinq grandes régions sont subdivisées
en sous-régions d'après les zones ci-dessus indiquées et
en provinces locales assez nombreuses. — La région
orientale est la plus importante de toutes, car elle possé-
dait (en 4853, époque du travail de Dana) cent quinze
genres propres de Crustacés et dix-neuf seulement en
commun avec la région africano-européenne. Celle-ci a seu-
lement dix-neuf genreé propres et huit en commun avec
l'Amérique. Enfin, quarante-sept genres sont exclusive-
ment des côtes d'Amérique (région occidentale), dont quinze
sont communs aux deux océans qui la baignent ; vingt-six
sont de la côte 0. et six de la côte E. On voit que les deux
rives de l'Atlantique sont plus distincts (huit genres corn-
*muns seulement) que les deux versants de FAmérique
(quinze genres communs). De plus, quarante genres sont
représentés dans toutes les régions.
Le nombre des espèces en général ne paraît pas plus
considérable dans la zone tropicale que dans les zones tem-
pérées et froides. Les Brachyures, cependant, qui sont les
plus élevés des Crustacés, paraissent faire exception par
leur abondance sous les tropiques, mais les types de grande
taille, notamment parmi les Maïadœ et les Macroures,
sont de la zone tempérée (Macrocheira^ Homarus). —
Huit espèces, appartenant aux genres Grapsus^ Acafitho-
pus^ Plagusia^ Bernhardus^ Crangon, Gonodactyhis,
peuvent être considérées comme cosmopolites. La vaste
dispersion de certains types est remarquable : parmi les
Lysianassinœ une espèce du détroit de Magellan paraît
identique à une espèce du Spitzberg ; les Caprellidœ ont
également des espèces communes aux deux hémisphères.
Certaines espèces se trouvent dans des localités fort éloi-
gnées et manquent dans les localités intermédiaires (Natal
et îles Sandwich, Natal et Japon). Plagusia iomentosa
habite l'Afrique australe, la Nouvelle-Zélande et Yalpa-
raiso ; Cancer Edwardsii^ ces deux dernières localités.
Les genres Latreillia^ Ephyra, Syciona se trouvent dans
la Méditerranée et au Japon, mais non dans les localités
intermédiaires ; des espèces voisines des genres Palœmon,
Portunus et Cancer habitent l'Europe et la Nouvelle-
523 —
CRUSTACES — CRUSTUMERIA
Zélande. On doit expliquer cette vaste dispersion par l'ac-
tion des courants marins qui emportent au loin les larves
pendant leur vie pélagique et la disjonction de certains
genres et de certaines espèces par des extinctions partielles
qui se sont produites, dans les temps géologiques, sous
l'influence de causes locales, séparant ainsi les diverses
colonies d'espèces primitivement cosmopolites.
Distribution bathymétrique. On trouve des Crustacés
depuis la zone des marées jusqu'aux plus grandes profon-
deurs, de sorte qu'au lieu de dire que les Crustacés sont
des animaux de rivages, il serait plus exact de dire que
ce sont des animaux vivant sur le fond des mers. Les Co-
pépodes sont à peu près les seuls Crustacés que l'on puisse
considérer comme pélagiques, c.-à-d. vivant à la surface à
l'âge adulte : tel est le Cetochilus audralis, qui forme
dans l'océan Pacifique d'immenses bancs de couleur rou-
geâtre servant à la nourriture des baleines. Les dragages
effectués à de grandes profondeurs, où la température est
sensiblement uniforme, ont montré que des types considé-
rés comme arctiques {Lithodes)^ se retrouvaient sous les
tropiques à des profondeurs de 1,000 m. Les zones bathy-
métriques établies par E. Forbes, ont chacune leur popu-
lation carcinologique. Ces quatre zones sont : 1« zone lit-
torale ; 2^ zone des laminaires ; 3*^ zone des coralliaires ;
4^ zone des coraux de mers profondes, auxquelles il con-
vient d'ajouter une cinquième (zone abyssale) pour les
animaux qui vivent à plus de 200 m. de profondeur. On
trouve des Crustacés jusqu'à 4,000 m. (Pagurus abysso-
Tum). Ces Crustacés qui vivent dans une obscurité presque
complète n'en sont pas moins souvent parés de couleurs
vives (rouge carmin, orange, bleu indigo) ; ils ont des
yeux souvent très développés (Cystisoma Neptuni^ par
2,180 m.), et quelquefois des organes Inmimux (Gnatho-
phausia Zoe, par 1,200 m.). D'autres sont aveugles
(Nephropsis Agassizii). Certains types sont remarquables
par leur taille relativement gigantesque pour le groupe
auquel ils appartiennent : Gnathophausia goliath (des
Schizopodes), Bathynomus giganteus (des Isopodes).
D'autres semblent les derniers représentants de types qui
n'étaient précédemment connus qu'à l'état fossile : tels
sont les Polycheles, Décapodes Macroures proches voisins
des Eryon de l'époque jurassique.
Crustacés d'eau douce. Presque tous les groupes de
Crustacés ont des représentants dans les lacs et les fleuves.
Les plus grands et les plus remarquables de ces habitants
des eaux douces sont les Ecrevisses {Astacince, du groupe
des Macroures) et des Crabes (lelphusa) du groupe des
Brachyures. Ces deux types descendent évidemment de
Crustacés primitivement marins et ont encore de proches
parents parmi ces derniers. Les Ecrevisses n'habitent que
les régions tempérées, ce qui s'accorde avec la prédomi-
nance des Macroures marins dans ces mêmes régions. Les
Astacince proprement dits (ou Potamobiidœ) sont de
l'hémisphère boréal, les Parastacinœ de l'hémisphère
austral. Parmi ces derniers le Parastacus serratus d'Aus-
tralie atteint la taille de nos Homards. Les Telphuses, ou
Crabes d'eau douce, sont au contraire des régions tropi-
cales, ce qui s'explique également par la prédominance
numérique des Brachyures dans ces régions. Telphusa^
Paratelphusa et ïJydrotelphusa sont de l'ancien conti-
nent, Boscia et Epiloboceras sont américains. Certains
Crustacés du groupe des Crabes (Gecarcinus) et de- celui
des Crevettines (Orchestes) se sont habitués à vivre à terre
et sont amphibies, mais les seuls Crustacés véritablement
terrestres sont des Isopodes du groupe des Cloportes (Oms-
cidœ) qui sont cosmopolites.
m. Paléontologie. — Les Crustacés sont représentés
dans les couches paléozoïques les plus anciennes (cambrien)
par les Trilobites, ordre qui s'est éteint presque complète-
ment dans le carbonifère (quatre genres seulement), une
seule espèce ayant été trouvée dans le permien de l'Amé-
rique du Nord. Les Ostracodes et les Phyllocarida^ groupes
encore vivants, ne sont pas moins anciens, étant repré-
sentés dès le cambrien, les premiers par Leperdita^ les
seconds par Eymenocaris. Les Cirrhipèdes (V. ce mot)
datent du silurien, ainsi que les Ampfiipodes (V. ce mot).
Les Isopodes ne remontent pas au delà du dévonien et sont
représentés, à l'époque carbonifère, par des types de grande
taille : Acanthotelson^ Arthropleura (V. ces mots), consti-
tuant une famille distincte complètement éteinte. Le genre
jurassique Archœoniscus (V. ce mot) appartient aux Ji^gi-
dce. Les Cloportes {Oniscidœ) terrestres se montrent dans
le tertiaire. — Le groupe àesMerostomata^ si différent des
autres Crustacés, et qui n'est plus représenté que par le
genre Lirtiule, était beaucoup plus abondant aux époques
paléozoïque et mésozoïque : Hemiaspis est silurien et Li-
mulus date du trias et même du carbonifère. Au même
groupe appartiennent les Gigantostraca (ou Eurypte-
ridce) paléozoïques et complètement éteints, dont la taille
surpassait de beaucoup celle des plus grands Décapodes
connus : le Pterygotus anglicus^ du vieux grès rouge
d'Ecosse, atteignait 1°^50 de long et la grosseur d'un
homme. Ce type a son apogée dans le silurien et le dévo-
nien et s'éteint dans le lias. Les Décapodes ne sont pas
connus avec certitude avant le dévonien {Palœopalce-
mon) et le carbonifère (Anthrapalœmon) ; les Macroures
ont précédé les Brachyures (V. Anthracârides). Les Eryo-
nidœ jurassiques constituent une famille que l'on croyait
complètement éteinte, mais dont quelques représentants
vivent encore, comme nous l'avons dit plus haut, dans le
fond des Océans. Les Astacomorpha (Astacus, Homa-
rus) apparaissent dans le jurassique (Eryma), et les
véritables Ecrevisses dans le crétacé et plus sûrement
dans le tertiaire. Les Brachyures (Crabes), les plus modi-
fiés des Décapodes, ne se montrent que dans le crétacé,
car les genres Palœinachus, Prosopon et autres de
l'époque jurassique sont très douteux. Le genre Cancer
(V, ce mot) date de Tépoque éocène. Comme nous l'avons
dit au mot Arthropodes, l'origine des différents types
de Crustacés peut être considérée comme polyphylétique
ou comme se confondant primitivement avec celle des
autres Arthropodes. Ainsi les Merostomata (comprenant
les Limules et les Gigantostraca) diffèrent beaucoup
des Crustacés supérieurs (Malacostraca), et se rap-
prochent sous certains rapports des Arachnides, notamment
des Scorpions, type très ancien. Les Trilobites rattachent
les Merostomata aux Entomostraca {Phyllopodes, Co-^
pépodes, Ostracodes et Cirrhipèdes) malgré les diffé-
rences dans le mode de développement. Par contre, on
peut admettre que tous les Malacostraca {Isopodes, Am-
phipodes, Décapodes, etc.), dérivent d'un type ancestral
commun, et les Brachyures sont évidemment des types très
modifiés des Macroures. E. Trouessart.
IV. Botanique. — On donne ce nom à de, nombreux
Lichens dont le thalle ressemble à des croûtes adhérentes
à leur support directement et sans l'intermédiaire de rhi-
zomes (V. Lichen). H. F.
BiBL. : Distribution géographique et Paléontolo-
gie. -- H. Milne-Edwards, Sur la Distribution géogra-
phique des Crustacés {Annales des sciences naturelles,
1888, X, 2» série, et Histoire naturelle des Crustacés, 1840,
the
III, p. 545.— J. Dana, U. S. Exploring Expédition around
the World, Cap. Wilkes ; Report on the Crustacea, 1853,
vol. 14, part. II, p. 1451. — Du même, On the Geographi-
cal Distribution of Crustacea {American Journal of
Sciences and Arts, 1853-55, t. XVI à XIX). — A. Gers-
taecker, Bronns Klassen und Ordnung des Thierreich,
Arthropoda {Krebsthiere), 5 Band, 1868, pp. 370-396. — A.
Milne-Edwards, Expédition du Talisman dans l'océan
Atlantique {Bull. hebd. Association scientifique de France,
1884). — Kunckel-d'Herculais, Crustacés, dans Brehm,
les Merveilles de la nature, p. 690. — E. Perrier, les
Fonds de mer, les Explorations sous-marines {Science et
Nature, 1884 et 1886). — E. Trouessart, la Géographie
zoologique, 1890. ~ A, Zittel, Traité de paléontologie,
traduction Barrois, 1887, t. II, partie 1, pp. 523-719.
CRUSTULUWI (Echinod.) (V. Lobophera).
CRUSTUMERIA( Crustumerium, ou quelquefois Crus-
tumium). Ancienne ville Sabine, non loin des sources de
l'Allia, une des premières conquêtes de Rome naissante.
CRUSTUMERIA — CRUZ
524
C'est sur les limites de son territoire que la plèbe opéra
la sécession, appelée pour cette raison secessio Criistu-
merina (Varron, De ling. M., IV, 14). Les Crustumini
formaient une des vingt et une tribus primitives. A. W.
CRUVEILHIER (Jean), célèbre anatomiste français, né
à Limoges le 9 févr. 1791, mort à Jussac le 10 mars
i 874. Il étudia à Paris et dès le début gagna l'amitié de
Dupuytren. Reçu docteur en 1816 avec cette thèse : Essai
sur ranatpmie pathologique en général il fut reçu
agrégé au premier rang en 1823, puis en 1825 succéda à
Bérard comme professeur d'anatomie; en 1836, il obtint par
permutation la chaire d'anatomie pathologique créée grâce
à la libéralité de Dupuytren. Pendant plus de trente ans,
Cruveilhier, qui passait ses journées dans les pavillons de
l'Ecole pratique, recueillit les matériaux de son Anatomie
descriptive (Paris, 1834-36, 4 vol. in-8; 5^ édit. par
Marc Sée et Cruveilhier fils, 1877, 3 vol. in-8), et de ses
remarquables travaux d'anatomie pathologique : Anatomie
pathologique du corps humain (Paris, 1828-1842,
2 forts vol. gr. in-fol. av. 233 pi. coloriées), première et
magnifique tentative de vulgarisation de la science anatomo-
pathologique par l'image fidèle des lésions ; Cours d'é-
tudes anatomiques (Paris, 1830, 2 vol. in-8); Traité
d'anatomie pathologique (Paris, 1849-1864, 5 vol.
in-8). D^' L. Hn.
GRUVELLI (Jeanne-Sophie-Charlotte Cruyell, dite),
aujourd'hui comtesse Vicier, cantatrice dramatique, née à
Bielefeld (Prusse) le 12 mars 1826. Elle paraît avoir
débuté à Venise en 1847, après quoi elle alla à Udine, où
son triomphe fut tel dans deux opéras de Verdi, Attila et
I Due Foscari, qu'elle fut aussitôt engagée à Londres, où
elle parut, au théâtre de la Reine. Elle trouva de grands
succès à Londres dans Norma, la Fille du régiment^
Fidelio, Nabucco, la Somnambula et autres ouvrages.
En 1851, elle vint se produire au Théâtre-ItaUen, et où
elle se fit acclamer particulièrement dans Ernani, L'Opéra
s'attacha M^^^ Cruvelli au prix de 100,000 fr. par an.
Elle débuta à ce théâtre au mois de janv. 1854, dans les
IIugue7iots, et excita un vif enthousiasme. Elle se montra
pour la dernière fois en 1857, dans les Vêpres siciliennes
de Verdi. Peu de temps après, M^^*^ Cruvelli épousait un
gentilhomme fort riche, le baron, aujourd'hui comte Vigier,
se fixait à Nice et renonçait pour toujours au théâtre.
CRUVIERS-Lâscours. Com. du dép. du Gard, arr.
d'Alais, cant. de Vézenobres; 289 hab.
CRUX-LA- Ville. Com, du dép. de la Nièvre, arr. de
Nevers, cant. de Saint-Saulge ; 1,667 hab.
CRUX (Marianne), cantatrice, violoniste et pianiste alle-
mande, née à Mannheim en 1772. Elle avait quinze ans
lorsqu'en 1787, étant à Vienne, elle se fit entendre devant
Fempereur Joseph IL Trois ans après, elle excitait à Beilin
un véritable enthousiasme, qui se renouvelait à Francfort,
à Mayence et à Mannheim. Continuant ses voyages, elle
se rendit à Londres, puis à Stockholm, où elle épousa un
officier du génie suédois, nommé Gelbert. Elle revint ensuite
en Allemagne, et, en 1807, se trouvait à Hambourg. A
partir de ce moment on perd sa trace, et l'on ne sait rien
de la fin de sa vie.
CRUYSHAUTEM. Com. belge de l'arr. d'Audenarde
(Flandre Or.), sur un affluent de la Lys ; 5,650 hab. Bri-
queteries importantes.
CRUZ (Cabo de). Cap au S.-E. de 111e de Cuba; c'est le
point le plus méridional de l'île.
CRUZ (Diego de La), sculpteur espagnol, qui travaillait à
la chartreuse de Miraflores en 1496. Il collabora avec
maître Cil de Siloë à l'exécution des statues et ornements
de style gothique du grand retable de ce couvent. Ce reta-
ble est un ouvrage considérable : il est décoré d'un grand
nombre de figures d'apôtres et d'évangélistes de haut relief,
et de bas-reliefs représentant des sujets relatifs à la vie et
à la passion du Christ. Pour lui et ses aides, Gil de Siloë
reçut pour ce travail la somme énorme de 1,015,613 ma-
ravédis. P. L.
CRUZ (Santos), peintre espagnol qui travaillait en Cas-
tille vers la fin du xv^ siècle et sur lequel on ne possède
aucun renseignement biographique. Tout ce qu'on sait de
lui, c'est qu'il collabora avec Pedro Berruguete (V. ce
nom) à l'exécution, à Avila, de nombreux et importants
ouvrages tels que les peintures qui décorent les retables de
la cathédrale, celles du retable du couvent de Saint-Domi-
nique et aussi celles qui se trouvaient dans le cloître des
Rois, au couvent de Saint-Thomas. Neuf peintures sur bois
provenant de ce dernier couvent, après avoir fait partie du
musée du Fomente, sont conservées aujourd'hui au musée
du Prado. Elles représentent des sujets relatifs à la vie de
saint Dominique, de saint Thomas d'Aquin et de saint Pierre,
martyr. On y observe clairement que deux mains diffé-
rentes, dont l'une est moins ferme et moins savante et que
l'on croit être celle de Santos Cruz, y ont travaillé. P. L.
BiBL. : Catalogue du musée du Prado; Madrid, 1878.
CRUZ (Juan de La), missionnaire et hnguiste espagnol
du xvi^ siècle. Il fut un des premiers augustins qui s'éta-
blirent au Mexique en 1533. Il catéchisa pendant vingt ans
les Huastecs et, étant prieur du couvent de Huexutla, il
pubha un Catéchisme en langue huastèque (Mexico,
1571, réimprimé en 1689, in-4). R-s.
CRUZ (Le père Rernardo da), historien portugais du
xvi^ siècle. Religieux du tiers ordre, il fut le chapelain de
la flotte qui conduisit en Afrique l'expédition commandée
par le roi D. Sébastien, et en cette qualité il assista à la
désastreuse bataille d'Alcacer-Kibir (1578). La précieuse
relation qu'il en laissa, et qui le met au rang des meilleurs
historiens de son pays, a été publiée par le célèbre A. Her-
culano, avec le concours du D'' iV.-C. Payva (Chronicade
et ReyD, Sebastiào; Lisbonne, 1837, in-12). G. P-i.
CRUZ (Agostinho Pimenta, en religion frère Agostinho
da), célèbre poète portugais, né à Ponte do Lima en 1540,
mort le 14 mars 1619. Frère cadet du poète Diogo B^r-
nardes (V. ce nom), il lui dut sa première direction poétique
dans le sens de l'imitation des modèles espagnols. En 1556,
il fut attaché à la cour de l'infant D. Duarte, où régnait
un grand fanatisme religieux, et le 3 mai 1560, il prit
l'habit de l'ordre de Saint-François, après avoir détruit
toutes ses poésies profanes. Il passa son noviciat au cou-
vent de Santa Cruz da Serra, près de Cintra, et il en
prit le nom. Vers 1605, il se retira dans les solitudes
d'Arrabida, où il vécut en cénobite jusqu'à sa mort, entouré
de la vénération universelle. Il avait mis ses inspirations
au service de la poésie mystique et il surpassa son frère
par la correction du style et l'élévation des pensées. Peu
nombreuses, ces poésies, recueilhes par les moines de son
couvent, ne furent mises au jour que plus d'un siècle après
son décès [Varias Poesias; Lisbonne, 1771, in-12). Leur
éditeur, le professeur José-Caetano de MesquitaeQuadros,
les fit précéder d'une biographie du poète. G. Pawlowski.
BiBL. : Th. Braga, Os Quinhentistas^ 1872.
CRUZ (Juan de La), mystique espagnol, que l'Eglise ro-
maine compte parmi ses saints, né à Ontiveros en 1542,
mort en 1591 . Fils d'un tisserand, il fit de bonnes études et
à l'âge de vingt et un ans, prit l'habit de carmélite à Médina
del Campo. C'est de là qu'il commença à entrer en commu-
nion d'idées avec la fameuse sainte Thérèse de Jésus, et, pour
la seconder dans ses projets de réforme de l'ordre du Carmel,
il entra dans le couvent de Manresa qu'elle avait fondé. On
sait quelles longues luttes la sainte eut à soutenir au sein
même de l'ordre ; les vieux carmélites, hostiles à la réforme,
firent sortir Juan de La Cruz de son couvent et le firent
enfermer dans un cachot à Tolède ; il en sortit neuf mois
après, grâce à l'intervention de sainte Thérèse, dont l'auto-
rité allait grandissant. 11 se mit alors à l'œuvre avec une
grande activité, fonda et dirigea de nombreux couvents,
mais se vit encore persécuté pour son attitude au chapitre
de l'ordre tenu à Madrid en 1591 ; il fut relégué dans un
couvent au milieu de la sierra Morena ; y étant tombé
malade, il obtint d'être transféré au couvent d'Ubeda, où
il mourut peu après. Il fut béatifié en 1675 et canonisé en
— B25
CRUZ
d726. Juan de La Cruz a beaucoup écrit; ses oeuvres, du
genre mystique presque toutes, renferment des passages
sublimes à côté d'autres absolument inintelligibles ; souvent
on y retrouve quelque chose de l'accent harmonieux et de
Fonction de son précurseur, Luis de Granada ; ses poésies
sont d'une diction très pure. Ses œuvres ont été très sou-
vent imprimées ; une édition de Séville (1703, in-fol.) est
indiquée comme étant la douzième ; il y en a une treizième
de Pampelune(l774, in-fol.) ; elles ont été rééditées dans la
Biblioteca Rivadeneyra^ t. XXVII ; ses poésies ont été
aussi publiées avec celles de sainte Thérèse (avec traduc-
tion allemande) par W. Storck (Munster, 4854, in-8).
■ Les œuvres de San Juan de la Cruz, comprises dans l'édition
de la Biblioteca Rivadeneyra, sont : Subida del monte
Carmelo ; Noche oscura del aima ; Cantico spiritual
entre el almayCristo, su esposo; Clama de amor viva;
Instrucciôn y cautelas ; Avisos y sentencias espiri-
tuales; Devotas Poesias ; Cartas espiritualeSy la Siibida
del monte Carmelo et la Noche oscura del aima sont
regardés comme des chefs-d'œuvre. Dès 1623, parut une
biographie de San Juan de La Cruz : Summa de vida y
milagros... sacada de las informaciones que se an hecho
para su canonizaciôn (Anvers, in-4). On peut aussi con-
sulter sur lui Rousselot : les Mystiques espagnols
(Paris, 1867, in-8). E. Cat.
CRUZ (Sœur Juana-Inés de La), de son nom de famille
Juana-Inés de Asbaje y Ramirez de Cantillano, poétesse
espagnole, née à San Miguel de Nepanthla, près de Mexico,
le 12 nov. 1651, de parents originaires de Guipuzcoa,
morte au couvent de Saint-Julien de Mexico le 17 avr. 1695.
Elle montra un goût précoce pour l'étude et fit des vers dès
l'enfance ; on dit qu'à huit ans elle fit représenter une loa
religieuse. Elle prit le voile et entra au couvent de
Saint-Jérôme de Mexico (suivant quelques biographes, à
la suite d'une passion malheureuse) ; elle s'y adonna à la
composition de nombreuses poésies lyriques ou dramatiques,
entretint un commerce littéraire avec les beaux esprits du
temps et fut même, à cause du caractère mondain de ces
occupations, blâmée par ses supérieures et pendant plu-
sieurs mois empêchée de se livrer à l'étude. Elle devint
malade et on ne trouva d'autre moyen de la guérir que de
lui rendre ses livres. En les années 1677-1687 on avait
imprimé d'elle à Mexico diverses poésies avec musique d'un
caractère religieux, peu après une description en prose et
en vers d'un arc triomphal avec devises élevé en l'honneur
du vice-roi, comte de Paredes. A la femme de celui-ci, sœur
Inès de La Cruz remit un manuscrit de ses poésies et il fut
imprimé à Madrid en 1689 sous le titre extravagant de înun-
dacio Castàlida de la ûnica poétisa^ Musa décima, etc.
(in-4); ce volume comprend dix pièces dramatiques ou loas
et des vers de tout genre. Il en parut une autre édition
l'année suivante, revue et augmentée par l'auteur, sous le
titre plus modeste de Poemas de la ûnica poétisa ameri-
cana. Musa décima (Madrid, 1690, in-4, et Barcelone,
1691 , in-4). En 1691 à Séville, parut un Segundo Tomo de
las obras de soror Juana Inès de La Cruz, in-4 (très rare ;
édition semblable de Barcelone, 1693, in-4) qui contient,
outre des loas, deux comedias et deux autos, ainsi qu'une
correspondance fort intéressante entre la sœur Inès et
l'archevêque de Mexico. Après cette publication la poétesse
renonça à la poésie profane, remit à l'archevêque pour la
vendre au profit des pauvres une belle bibliothèque de
4,000 vol., n'écrivit plus que quelques poésies sacrées,
comme la Peticiôn al tribunal diuino et mourut d'une
maladie épidémique qui décima le couvent. Tout le monde
des lettrés dans la iNouvelle-Espagne déplora cette mort et
J.-J. de Castorena recueillit les éloges écrits à cette occa-
sion ainsi que les œuvres posthumes de la sœur Inès dans
un volume : Fama y obras postumas del Fenix de
Méjico, décima Musa, etc. (Madrid, 1700, in-8), réim-
primé à Lisbonne (1700), sous le titre Tercertomo de las
obras y fama postuma, etc. Les œuvres complètes de la
poétesse ont été rééditées en 3 vol. (Madrid et Saragosse,
1714-1725) et un choix en a été inséré dans la Floresta
de rimas castellanas de Bôhl de Faber et dans le t. II
des Poetas liricos de la Biblioteca Rivadeneyra. Quel-
ques-unes des poésies lyriques de la sœur Inès sont vrai-
ment remarquables par la douceur, l'harmonie, la pureté
delà langue; mais trop souvent elle tombe dans le gongo-
risme alors à la mode. De ses deux autos : El Mdrtir
del sacramento, san Hermenegildo et El Cerco deJosep,
on peut critiquer aussi le style métaphorique et alambiqué ;
ses comédies Amor es mas laberinto et Los Empenos de
una casa ont beaucoup plus de naturel et d'esprit ; la der-
nière a été reproduite dans le t. XLIX de la Biblioteca
Rivadeneyra (Dramaticos posteriores à Lope de Vega). On
trouvera des études sur la Monja de Mexico, comme on
appelle ordinairement la sœur de La Cruz, dans le Sema-
nario pintoresco espanol de 1845, et dans J.-M. Gutierrez,
Estudios biograficos y criticos sobre algunos poetas sud-
americanos anteriores al siglo XIX (Buenos Aires,
1865, in-8). E. Caï.
CRUZ (Manuel de La), peintre espagnol, né à Madrid en
1750, mort à Madrid en 1 792. Il suivit les cours de l'aca-
démie de San Fernando et, après avoir obtenu de brillants
succès, alla peindre à Carthagène les voûtes de la cathé-
drale, où il représenta les saints sous l'invocation des-
quels est placée la ville de Carthagène. Il peignit, à Madrid,
dans le cloître du couvent de San Francisco el Grande,
six compositions dont les sujets étaient tirés de la vie de
saint François. En 1789, l'académie de San Fernando
admit l'artiste au nombre de ses membres. P. L.
CRUZ (Juan PANTOJAde La) (V. Pantoja de la Cruz).
CRUZ Cano y Olmedilla (Juan de La) graveur espagnol,
dont le lieu et la date de naissance sont inconnus, mort à
Madrid en 1790 ; il faisait partie depuis 1 764 de l'académie
de San Fernando. Pensionné par Ferdinand VI, il avait fait
à Paris son apprentissage de graveur et plus spécialement
en ce qui concerne la gravure des plans et des cartes géo-
graphiques. Revenu à Madrid, il grava pour le roi^ne
grande carte de l'Amérique du Sud et une suite de cos-
tumes des diverses provinces de l'Espagne. P. L.
CRUZ Cano y Olmedilla (Ramon-Francisco de La),
poète dramatique espagnol, né à Madrid en 1731, mort en
1795. D'une famille noble, il entra dans l'administration
des finances où il parvint à un emploi assez élevé, et de
1765 à sa mort fournit à tous les théâtres de Madrid, à
ceux de la cour et des grands comme à ceux fréquentés
surtout par le peuple, un grand nombre de pièces qui
eurent le plus brillant succès. Moratin donne dans son
catalogue une liste de deux cent cinquante de ses compo-
sitions. Ramon de La Cruz aborda les divers genres dra-
matiques ; il fit des tragédies, par exemple :' Talestris,
reina de Egipto, Bayaceto, Zelenda; des zarzuelas,
comme En casa de nadie no se meta nadie ô el Buen
marido, las Labradoras de Murcia, la Mesonerilla,
el Licendiado Farfulla, el Filosofo aldeanOy las Fon-
carrabras ; des comédies véritables, où il s'efforce de s'as-
sujettir aux règles du théâtre français, comme la Clemen-
tina ; mais, ce qui domine dans son œuvre et en con-
stitue la meilleure part, ce sont de courtes comédies ou
saynètes. On sent, comme dans presque tout le théâtre
espagnol de ce temps, l'influence littéraire de la France ;
mais ce en quoi il fut surtout novateur, c'est d'avoir observé
avec soin les mœurs de son temps, d'avoir représenté avec
esprit et gaieté les caractères des diverses classes de la
société contemporaine , surtout des classes moyennes et
inférieures; les dames à la mode, les abbés galants, les
petimetres, les fausses dévotes, les ouvrières des villes, les
majas, les servantes, les filous, tout le monde qu'on ren-
contre au Prado, dans les rues ou les faubourgs, défilent
devant nous avec leurs traits caractéristiques. De l'esprit
jeté à pleines mains, du naturel, de la vérité sont les qua-
lités qui ont valu à Ramon de La Cruz d'être l'auteur drama-
tique le plus goûté du grand public espagnol ; plusieurs de
ses pièces, à peine retouchées, se jouent encore sur les scènes
CRUZ — CRYPSIDROMUS -* 526
des théâtres populaires. La collection de ses œuvres dra-
matiques parue sous le titre : Jeatro 6 coleccién de los
saynètes y demas obras dramaticas (Madrid, 4786-1791 ,
10 vol. in-12), en contient soixante-cinq. Le savant Agus-
tin Duran, voulant faire connaître le poète par ce qu'il a
produit de meilleur, a publié ses saynètes, au nombre de
cent douze : Ramon de la Crux Cano^ coleccién de sai-
net es tanto impresos como ineditos, cou un diseur so
preliminar de Agustin Duran y los juicios criticos de
Martinez de la Rosa^ Signorelli^ Moratin y Hartzen"
busch (Madrid, 1843, 2 vol. in-8). A de Latour en a tra-
duit dix-sept sous le titre de : Saynètes de Ramon de La
Cria (Paris, 1865, in-18). E. Cat,
CRUZ E SiLVA (Ant. Diniz da) (V. Dmiz).
CRUZ Mânrioue de Lara (ïnigo de La), comte de Agui-
LAR, né en 1673, mort en 1753. Il a publié un gros ou-
vrage sur les ordres militaires d'Alcantara et Calatrava
dont on commençait à attaquer vivement l'organisation :
Defensorio de la religiosidad de los cavalleros mili-
tares, comprobado con authoridades de los mismos
autores^ que contra ellos se citan (Madrid, 1731,
in-fol.).
CRUZ Y Brahamonde (Nicolas de La), comte de Maule,
n'est connu que par un somptueux ouvrage, orné de
gravures : Viaje de Espafta, Francia é îtalia (Madrid,
1806-1813, 14 vol. in-8). E. Cat.
CRUZAIVîONTE (Luis de la) , auteur espagnol du xvii® s . ,
ecclésiastique ; il ne nous est connu que par un livre assez
rare, mais dont le titre à lui seul est pour nous intéressant :
Atroces heckos de impios tiranos por intervenctôn de
Franceses 6 Atrocidades francesas ejecutadas por im-
pios tiranos; colegidas de autores àiversos.,. y escri-
tas en lengua latina por Luis de la Cruzamonte, Doc-
tor Catolico^ traducidos en espanol... por el mismo
autor (1633, in-4). ^ ^ E. Cat.
C R U Z E I R 0 ( Jeronymo- José Teixeira j unior , vicomte do) ,
homme politique brésilien, né à Rio de Janeiro le 25 nov.
1830. Ayant fait ses études de droit à la faculté de Sâo-
Paulo, il fut nommé, en 1853, procureur impérial à Nic-
theroy, et élu membre de l'assemblée législative de la
province de Rio de Janeiro, où il se fit remarquer comme
orateur (1854-57). Del857 àl862, il siégea à la Chambre
des députés dans la majorité conservatrice, et montra à la
tribune une grande compétence dans les questions de finan-
ces. Exclu du parlement pendant le gouvernement des
libéraux, il rentra à la Chambre des députés en 1869.
L'année suivante, dans un discours remarquable (14 mai
1870), il obtint l'élection d'une commission spéciale, dont
il fut le rapporteur, et qui rédigea un projet pour l'aboli-
tion graduelle de l'esclavage. Il accepta peu après le por-
tefeuille de l'agriculture dans le cabinet éphémère du mar-
quis de Sâo Vicente (29 sept. 1870-7 mars 1871), puis
il fut un des plus dévoués soutiens du ministère présidé
par le vicomte de Rio-Branco, qui fit triompher dans les
Chambres la première loi d^abolition. Il était président de
la Chambre lors de l'adoption de cette loi. Candidat minis-
tériel à un siège au Sénat en 1872, il subit alors un échec
et triompha quelques mois après dans une autre élection.
Il siégea dès lors (1873) au Sénat, jusqu'à la dissolution
de cette chambre par le gouvernement provisoire formé le
15 nov. 1889 à Rio de Janeiro. R.-B.
CRUZILLES {Cresilium^ Crusilliœ). Corn, du dép. de
Saône-et-Loire, arr. de Mâcon, cant. de Lugny ; 529 hab.
Carrières de pierre à bâtir et de pierre à chaux. Mouhns.
Voie antique au hameau de Fragne. Découverte de sarco-
phages aux hameaux de Collonge et de Sagy (1835).
Ruines de l'important château féodal pris par Guyon-
velle et Nagu-Varennes à la tête des Ligueurs en 1588,
repris, en 1589, par les troupes royales et le marquis de
Treffort, reperdu par celles-ci en 1592 et réoccupé en
1594. La terre, érigée en comté en 1582, a appartenu à
l'ancienne maison de Cruzilles, puis aux Bauffremont, aux
Foix de Fleix, aux Saulx-Tavannes et aux La Baume de
Montrevel. Dans l'église, chapelle seigneuriale où sont
inhumés plusieurs Montrevel. L-x.
CRUZILLES-les-Mézillet. Corn, du dép. de rAin,arr.
de Bourg, cant. de Pont-de-Veyle ; 786 hab.
CRUZV. Corn, du dép. de FHérault, arr. de Saint-Pons,
cant. de Saint-Cliinian ; 1,539 hab.
CRUZY-le-ChAtel {Crusiacum), Ch.-l. de cant. du dép.
de FYonne, arr. de Tonnerre; 856 hab. Avant la Révolu-
tion, ch.-L d'une châtellenie du comté de Tonnerre. Eglise
de Saint-Barthélémy ; chœur du xni^ siècle ; nefs modernes
voûtées en 1760. A Maulne, château reconstruit auxvn^s.
par le comte de Clermont-Tonnerre. M. P.
CRY. Com. du dép. de FYonne, arr. de Tonnerre, cant.
d'Ancy-le-Franc ; 296 hab.
CRYMES (Thomas), poète anglais (V. Grâham de Pec-
kam).
CRYOLITE (Chim.). La cryolite est un fluorure double
de sodium et d'aluminium (6NaFl 4- APFF). Elle se
présente rarement en cristaux vitreux, incolores, tapissant
les fentes de masses d'un blanc de neige, parfois colorées
en jaune par des produits ferrugineux. Considérée d'abord
comme monochnique, elle est triclinique d'après les re-
cherches de M, des Cloizeaux, mt=: 91*^57^ ; pt=: 90°2' ;
p m =: 90^24''. Clivages faciles suivant p, moins faciles
suivant m et p. L'éclat est vitreux, et parfois un peu gras,
translucide. Le plan des axes optiques se trouve dans la
zone perpendiculaire à g^. La double réfraction très faible
est positive. La cryolite possède des macles ultra-micros-
copiques très compliquées qui rendent difficile l'établisse-
ment de ses propriétés optiques. Densité, 2,9 à 3. Du-
reté 2,5 à 3. Ce minéral fond à la flamme d'une bougie
en colorant vivement la flamme en jaune ; il se solidifie en
une masse blanche, opaque. Comme tous les fluorures, il
donne de Facide fluorhydrique lorsqu'on le chauffe avec de
l'acide sulfurique. La cryolite ne se trouve en abondance
qu'au Groenland, où on la rencontre dans les gneiss,
accompagnée de sidérose, niobite, cassitérite, fluorine, etc. :
on Fa retrouvée en petite quantité dans les granulites de
Bfiask (monts Ilmen) et du Colorado. Ce minéral est presque
toujours accompagné d'autres fluorures, qui se forment à
ses dépens ou qui l'épigénisent. Ce sont : la pachnolite, h
thomsénolite, hralstonite^ la prosopite, la gearksutite^,
Varksutite, Parmi tous ces minéraux, la cryolite seule a
une utilité pratique. Elle est employée dans les laboratoires
pour obtenir diverses réactions et synthèses minéralogiques.
Elle sert dans l'industrie de Faluminium. A. L.
CRYOPHORE (Phys,). Petit instrument imaginé par
Wollaston pour montrer que l'eau se congèle par Févapo-
ration : un tube scellé vide d'air, contenant un peu d'eau,
est placé verticalement; on refroidit le sommet à l'aide d'un
mélange réfrigérant; la vapeur se condense dans cette
partie, de sorte que Feau située au bas du vase distille con-
tinuellement en empruntant à elle-même la chaleur latente
de volatihsation nécessaire; aussi sa température baisse
d'une façon correspondante et bientôt atteint O^' ; elle gèle
alors. C'est une autre forme d'une expérience ancienne due
à Leslie, consistant à évaporer une goutte d'eau isolée par
des corps mauvais conducteurs. A. Joannis.
CRYOSCOPIE (V. Congélation).
CRYPHŒÂ (Bot.). Genre de Mousses de la famille des
Cryphéacées de Schimper, caractérisées par des tiges à
rameaux plus ou moins régulièrement pinnésou bi-pinnés,
des feuilles ovales et pointues, sèches, imbriquées, à côte
peu apparente, des fleurs nombreuses, monoïques, portées
sur des rameaux courts, par une capsule brièvement
pédicellée et surmontée d'un opercule conique portant
une petite coiffée, par un péristome double, l'intérieur à
dents libres, l'extérieur à dents articulées et réunies par
une membrane basilaire. H. F.
CRYPSIDROWUS (Zool.). Genre d'Arachnides, de la
famille des Aviculariides, section des Dionychâe, proposé
par Ausserer et caractérisé par les scopulas des tarses pos-
térieurs divisées par une bande de crins. Ce genre se dis-
mi — -
CRYPSIDROMUS - CRYPTOCEPHALË
titigue ainsi des Eurypelma, dont lesscopulas sont toutes
entières, et des Ischnocolus, dont elles sont toutes divisées.
Les Crypsidromus sont nombreux et tous propres à FAmé-
rique du Sud; le type est C. innocuus Ann., de Cuba.
CRYPT>€N1A (V. Pleurotomariâ).
CRYPTE. L'étymolo^ie du mot crypte (xpiS^Tsiv,
cacher) indique assez sa signification. Les premières cryptes
ou grottes sacrées furent creusées dans le roc ou maçon-
nées dans le sol pour dérober aux yeux des profanes les
tombeaux des martyrs ; on rencontre dans les Catacombes
plusieurs de ces hypogées qui servaient aussi aux réunions
des fidèles et à la célébration des saints mystères. Plus tard,
lorsqu'on éleva des basihques au-dessus des tombeaux des
martyrs, on continua de placer les corps saints dans des
chapelles souterraines. Tantôt, au-dessous de Fautel, on
enferma le tombeau du martyr dans un édicule, auquel on
descendait par des degrés, et qui s'appelait la confession
(V. ce mot) ; plusieurs églises d'Italie, entre autres Saint-
Georges au Yélabre, Saint-Clément, Sainte-Praxède, Saint-
Laurent à Rome conservent aujourd'hui encore cette ancienne
disposition ; tantôt la confession ne fut qu'un simple réduit
clos sur le devant par une fenêtre grillée ; tantôt au con-
traire, on établit dans la basilique de véritables chapelles
souterraines, hautes de 3 à 4 m., recevant le jour par des
fenêtres ouvertes sur le dehors de l'église ou sur les bas-
côtés du sanctuaire, parfois ornées de peintures, de colonnes
de marbre, de chapiteaux historiés, généralement pourvues
de deux escaliers pour permettre à la foule des pèlerins
de défiler processionnellement devant les saintes reliques
et dans lesquelles, autour du réduit même qui abritait le
tombeau {martyrium), de vastes déambulatoires, des au-
tels, des chapelles couvraient un espace assez étendu. C'est
à ces constructions plus considérables qu'on réserve en
général le nom de cryptes. Dès l'époque mérovingienne, on
rencontre des cryptes sous les basiliques de la Gaule ;
celles de Saint-Jean de Lyon, de Saint-Laurent de Gre-
noble, de La Ferté-sous-jfouarre, datent du vu^ siècle. A
partir de l'époque carolingienne, le nombre des églises
pourvues de cryptes augmente : à ce temps appartient la
crypte de Saint- A vit à Orléans, oh le martyrium, placé
sous l'autel principal, est précédé d'une chapelle voûtée,
soutenue par quatre colonnes et ornée d'un autel. Mais
c'est surtout dans la période romane que le nombre des
cryptes se multiplie : presque toutes les éghses en ont une.
Souvent la crypte, placée sous le chœur, reproduit en tout
ou en partie les dispositions de l'église supérieure : telle est
la belle crypte de Saint-Eutrope de Saintes (xn® siècle),
une des plus vastes qui existent en France. Parfois, la
crypte s'étend sous les bras du transept, quelquefois jusque
sous la nef et les bas côtés (crypte de Chartres, xi® siècle ;
crypte de Canterbury). Pourtant, la place essentielle de
la crypte est sons l'abside ; de manière qu'il n'est pas rare,
en particulier dans les églises de l'Est et du Rhin, pourvues
de deux absides, de rencontrer également deux cryptes
(Besançon, Bamberg). Parmi les cryptes importantes qui
subsistent de l'époque romane, on peut citer en France
celles de Saint-Benoît-sur-Loire (xi« siècle), de Saint-
Bénigne de Dijon (xi® siècle), de Saint-Etienne de Caen,
de Saint-Denis, etc. ; sur le Rhin, celles de Strasbourg et
de Spire ; en Italie, celle de la cathédrale d'Otrante, etc.
Yers la fin du xii« siècle, les corps saints jusque-là ren-
fermés dans les cryptes furent placés dans des châsses et
exposés dans l'église supérieure ; aussi, au début de la
période gothique, la crypte, si fort en usage à l'époque
précédente, disparut presque entièrement. Les architectes
gothiques ne construisirent plus de crypte que là où les
nécessités du terrain imposèrent ce parti. Tel est le cas à
la cathédrale de Bourges, où l'on fit une crypte pour com-
penser la déclivité du sol et éviter de grands remblais ; de
même au xv^ siècle, on bâtit pour une semblable raison la
crypte du Mont-Saint-Michel. Ch. Diehl.
BiBL. : VioLLET-LE-Duc, DictionnaîTe raisonné de Varchi-'
lecture française^ art. Crypte,
CRYPTIDINE (Chim.). Formules i ^^^^•
C^^H^iAz
C^^H^^Az
Base artificielle qui a été signalée dans le goudron de
houille par Gréville Williams ; elle passe à la distillation
vers 274** ; son chloroplatinate, qui cristallise en fines
aiguilles, a pour formule C^^H^^AzHClPtCP. La cryptidine
est isomérique avec la dispoline, la diméthylquinoléine,
l'éthylquinoléine , le tolylpyrrol et la ménaphtylaminë
(V. Gréville Williams, Chem, Gazz., 4856, 283). Ed. B.
CRYPTIQUE. En l'histoire religieuse, ce mot est em-
ployé avec deux acceptions fort différentes. Primitivement,
il désignait certains anachorètes retirés dans des cavernes.
Plus tard,- on Fa appliqué aux partisans d'une certaine
doctrine sur les effets et les modes de l'incarnation du
Yerbe. Suivant les cryptiques, le Verbe, en revêtant la
nature humaine, aurait conservé tous ses attributs divins,
qu'il n'aurait fait que voiler ou cacher. Suivant d'autres
théologiens, auxquels ou donne le nom de cénotiques^ il
se serait dépouillé, littéralement, vidé de ces attributs,
xsvo'atç. E.-H. V.
crypto-Calvinisme ou PHILIPPISME (ThéoL), On
appelle ainsi une tendance dogmatique dans l'Eglise luthé-
rienne, se rattachant aux idées du collaborateur de Luther,
Philippe Mélanchthon {Y , ce nom). Celui-ci avait apporté
quelques modifications à la conleSsion d'Augsbourg, en par-
ticulier dans l'art. X (la Sainte Cène), pour faciliter un
rapprochement avec les réformés. Dans la suite, surtout
après la mort de Luther, il accentua de plus en plus cette
tendance conciliatrice, sacrifiant certaines doctrines essen-
tielles, et recourant à des formules vagues et à double
entente. Il s'attira la colère des luthériens stricts et fut
vivement combattu, particulièrement par Flacius (V. ce
nom). En réalité, cette prétendue conciliation ne fit qu'irri-
ter les esprits et envenimer la querelle. Comme elle servit,
dans plus d'une église, à substituer subrepticement le cal-
vinisme au luthérianisme, on lui donna le nom de crypto-
calvinisme. C'est surtout dans le Palatinat et dans la Saxe
que la lutte fut vive, signalée par des emprisonnements et
des exécutions. Victorieux dans le Palatinat, le crypto-
calvinisme succomba dans la Saxe. C, P.
CRYPTOCARYA {Cryptocary a R,Br.) (Bot.). Genre de
plantes de la famille des Lauracées, qui a donné son nom au
groupe des Cryptocaryées. Ce sont des arbres ou des ar-
bustes à feuilles alternes, à fleurs hermaphrodites, à
androcée formé de douze étamines, dont trois stériles et
neuf fertiles, à fruit monosperme enveloppé par le réceptacle
accru. Le C. moschata Mart. est une espèce de l'Amé-
rique du Sud, dont les fruits, connus sous le nom de noix
de muscade du Brésil, sont très employés comme aro-
mates. • Ed. Lef.
CRYPTOCATHOLICISME. Nom donné à la condition
de certains protestants convertis au cathoMcisme, mais qui,
en vertu d'une dispense spéciale, restent parmi leurs an-
ciens coreligionnaires, continuant à observer ostensible-
ment les pratiques de leur ancien culte, afin de servir, sans
inspirer défiance, la cause de l'Eglise romaine. Des faits
de ce genre ont été constatés à diverses époques et en di-
vers lieux ; mais ils ont été surtout nombreux en Angle-
terre et en ce dernier siècle. E.-H. Y.
CRYPTOCÉPHALE. I. Entomologie. — {Cryptoce-
phalus Geoff.). Genre de Coléoptères-Phytophages, qui a
donné son nom au groupe des Cryptocéphalides placé
entre les Clytrides (V. Clytra) et les Chlamydes (Y. Chla.-
MYs). Ce groupe est nettement caractérisé par la tête
profondément enchâssée dans le prothorax, qui est aussi
large à la base que les élytres, par le pronotum toujours
plus ou moins à découvert, et par les antennes filiformes,
plus rarement subclaviformes, jamais logées au repos
dans des rainures prothoraciques. Les espèces connues,
au nombre de plus de treize cents, se répartissent dans
vingt-cinq genres environ dont les principaux : Stylosomus
Siiiïi\ ^ Pacliybi^achys Suffr., Monachus Sii^r. et Crypto-
cephalîis Geoffr., constituent les types d'autant de groupes
Cryptocephalus Morœi L.
CRYPTOCÉPHALE - CRYPTOGRAPHIE - 528 -
distincts. Les Cryptocephalus, connus sous le nom vulgaire
de Gribouris, se reconnaissent à leurs yeux échancrés, à
leurs antennes allongées et filiformes, à leur écusson appa-
rent, à leur prosternum tronqué, à bord postérieur subémar-
giné, bilobé ou biépineux.
Leurs espèces, très nombreuses
(près de sept cents), sont dis-
persées dans toutes les régions
du globe. Les descriptions de
celles d'Europe ont été pu-
bliées d'abord par Suffrian,
danslest.11,111 et VIII (1847,
1848 et 4853) du Linnœa
entomologica, puis par de
Marseuldanslet.XIÏI(i875),
de son recueil V Abeille. Ces
Insectes se rencontrent, à l'état
parfait, sur des plantes très
diverses, mais plus spéciale-
ment sur les Composées, les
Légumineuses, les Chênes, les Peupliers et les Saules.
Leurs larves, comme celles des Clytra (V. ce mot), s'en-
tourent de fourreaux protecteurs ïormés de leurs excré-
ments. Le C, Morœi L., que nous figurons, est long de
3 à 4 millim., d'un noir luisant, avec des taches jaunes
sur la tête, le prothorax et les élytres. On le prend com-
munément aux environs de Paris sur le millepertuis
(Hypericum perforatum L.) et le genêt à balais (Saro-
thamnus scopariiis Kocb). Ses métamorphoses, ainsi que
celles de plusieurs autres espèces, ont été publiées par
Rosenhauer [Ueber die Entw. und Forspf. der Clytra
und Cryptocephalus^ p. 28, f. 13). Ed. Lef.
IL Tératologie. — Monstre dont la tête est réduite à
des rudiments non apparents à l'extérieur (V. Acéphale),
CRYPTOCYSTIS (V. Cystique),
C RY RIO D ÈRES (Zool.) (Y. Tortue).
CRYPTODIDYIVIE (Térat.). Monstre double (V. ce mot).
CRYPTODON (Y. Lucina).
CRYPTŒNIA (Y.Pleurotomaria).
CRYPTOGAME (Bot.). Les Cryptogames constituent une
des grandes divisions du règne végétal, correspondant à l'an-
cienne classe que Jussieu désignait jadis sous le nom à'Acoty-
ïédones (Y. Botanique). En effet, les premières divisions de
la méthode naturelle étaient basées sur la structure de l'em-
bryon, et les Cryptogames n'en possèdent point non plus que
de cotylédons. La caractéristique générale de ce vaste em-
branchement est la spore qui est pour lui ce qu'est la graine
pour les autres portions du règne végétal. Elle ne renferme
aucun germe ou embryon, mais seulement du protoplasma,
doué de propriétés spéciales capables d'amener la germina-
tion. De Candolle divisait les Cryptogames en vasculaires
et cellulaires. C'est à lui que remonte la première classi-
fication importante. Il partagea les Cryptogames cellulaires
en OEtheogames (Mousses et Hépatiques) et Agames
(Lichens, Algues et Champignons). Depuis lors, on a fait
de nombreuses classifications, et à l'heure actuelle on les
divise généralement en Cryptogames vasculaires (Lyco-
podes, Prêles, Fougères), Muscinées (Mousses, Hépa-
tiques), Thallophytes (Algues, Champignons). M. Yan
Tieghem, qui donne cette classification, fait observer que
les Cryptogames vasculaires ressemblent beaucoup plus aux
Phanérogames qu'aux Muscinées, et les Muscinées beau-
coup plus aux Thallophytes qu'aux Cryptogames vascu-
laires. H. F.
CRYPTOGNATHUS (Y.Bdelle).
CRYPTOGRAPHIE. La cryptographie est l'art d'écrire
de façon à dérober à autrui la connaissance de ce qu'on a
tracé. A Sparte, les èphores qui voulaient transmettre à
leurs généraux des ordres secrets avaient recours au pro-
cédé suivant ; ils faisaient faire deux bâtons ronds appelés
scytales entièrement semblables ; ils remettaient l'un d'eux
au général, à son départ, et gardaient l'autre ; quand ils
voulaient donner un ordre au général, ils prenaient une
bande de parchemin étroite qu'ils enroulaient autour du
bâton et sur laquelle ils écrivaient dans le sens de la lon-
gueur ; la bande une fois déroulée, les lettres ne se sui-
vaient plus ; mais pour les lire il suffisait au général qui
recevait la missive de la rouler sur son bâton. Les divers
stratagèmes auxquels l'on a recours pour faire parvenir
une lettre en secret font partie de la cryptographie. On y
rattache aussi l'écriture à l'encre sympathique et même le
langage des fieurs. Mais la cryptographie proprement dite
consiste à se servir de caractères connus, lettres ou chif-
fres, souvent lettres et chiffres entremêlés, auxquels on
assigne une valeur particulière différente de celle qu'ils
ont dans l'usage habituel. Ainsi entendue la cryptographie
s'appelle encore polygraphie^ stéganographie, écriture
chiffrée et simplement chiffres* Les anciens ont connu les
cryptogrammes. Suétone et Aulu-Gelle rapportent que
César pour correspondre secrètement avec ses amis avait
recours à un alphabet ordinaire où chaque lettre était
avancée de quatre rangs ; ainsi, il remplaçait a par d, b
par e et ainsi de suite. Auguste écrivait b pour a, c pour
b, etc. ; le -s était remplacé par aa. Dans les manuscrits
du moyen âge l'on ne rencontre guère qu'un système qui
consiste à supprimer les voyelles et à les remplacer soit
par des points , soit par la consonne suivante, Raban
Maur a donné des exemples de ces deux manières d'écrire.
Dans le premier système, Vi était désigné par un point,
l'a par deux, l'^par trois, Vo par quatre. Vu par cinq.
Dans le second système, les consonnes b, f, k, p et x^ en
même temps qu'elles remplacent les voyelles a, e, i, o et
u^ conservent aussi leur valeur propre. Les copistes de
manuscrits se plaisaient à cacher leurs noms et ont eu
souvent recours à la seconde des méthodes que nous
venons d'indiquer. Ainsi Thfpfklbctxc =z TheofUactus.
Et encore Brchkdkbcpnp Bnscxlfp =: Archidiacono
Ansculfo. D'autres renversaient simplement l'ordre des
lettres de leur nom, Xilef pour Félix. D'autres encore
changeaient l'ordre des syllables, Fusnular pour Arîiul-
fiis. Le gouvernement vénitien a employé la cryptographie
dès le xiii° siècle. Ainsi dans un registre du conseil des
Dix, pour les années 1290-1291, on trouve mêlées au
texte latin des lettres grecques et hébraïques pour exprimer
les mots les plus importants. Au milieu du xiv'^ siècle les
cyptogrammes apparaissent dans la correspondance diplo-
matique de cette même république de Yenise. Ainsi des
instructions données le 27 sept. 1350 à des ambassadeurs
envoyés au roi de Hongrie, portent que ceux-ci dans les
lettres qu'ils écriront à leur gouvernement devront dési-
gner le doge par la lettre B, le roi de Hongrie par F, etc.
En 1358, il est prescrit à un autre ambassadeur vénitien
en Allemagne d'appeler dans ses lettres le duc d'Autriche
meser Antonio, l'empereur meser Nicoleto, le Frioul
Modena. Quant aux chiffres, le plus ancien document
vénitien où on en ait signalé l'emploi est une lettre du
doge Michel Sténo aux ambassadeurs auprès du pape, datée
du 28 juin 1411. On pourra consulter sur la cryptographie
vénitienne: Pasini (Luigi), Belle Scritture in cifra vsate
dalla republica Veneta, dans // Picgio Archivio générale
di Venezia par Toderini (Yenise, 1873, p. 291 , in-8).
Au cours du xv® siècle l'écriture chiffrée se répandit de
plus en plus. Yers la tin de ce siècle furent composés les
premiers traités de cryptographie. Jean Trithème, abbé de
Saint-Jacques à Y^urtzbourg, mort en 1516, a laissé sur
les écritures secrètes deux ouvrages, l'un intitulé Libri
Polygraphiœ F/, publié pour la première fois à Oppenheim
en 1518, l'autre Steganographia hoc est arsper occultam
scriptiiram animi sut voluntatem absentibus ape-^
riendi ccrta. Dans la seconde moitié dn xvi^ siècle, un
NapoHtain,J.-B. Porta, publia un nouveau traité de crypto-
graphie intitulée Be Furtivis literarum notis vulgo de
Ziferis. La France eut aussi son cryptographe : Biaise de
Yigenère, mort en 1596, et qui avait été chargé démissions
diplomatiques. Sous le nom de Selenus, le duc Auguste
de Brunswick-Lunebourg a composé un gros ouvrage do
— 529 —
CRYPTOGRAPHIE
cryptographie dont Trithème a fourni presque toute la I
matière.
Les différents systèmes de cryptographie inventés par
ces auteurs ou employés dans les correspondances diplo-
matiques peuvent, d'après M. Aug. Kerckhoffs, auteur d'un
remarquable mémoire sur la cryptographie militaire, auquel
nous empruntons la plupart des renseignements qui suivent,
se ramener à trois méthodes principales : 1° la transposi-
tion des lettres ; 2° l'interversion de l'ordre alphabétique
des lettres ; 3^ les dictionnaires chiffrés. Les systèmes qui
reposent sur la transposition des lettres sont très anciens.
En voici, d'après M. Kerckhoffs, un exemple très élémen-
taire. Les lettres de la dépêche sont d'abord transcrites
dans leur ordre naturel sur un certain nombre de lignes
d'un nombre déterminé de caractères ; puis on les recopie
dans un ordre convenu ; le nombre représentant cet ordre
est la clef du chiffre. Soit à transcrire ainsi la phrase :
Une attaque simulée aura lieu demain matin à
quatre heures,
A 123456789 10 11
B 2 11 9853 10 1764
1
2
3
u
n
e
a
t
t
a
q
u
e
s
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m
u
1
é
e
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111
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I
r
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e
t
a
u
a
u
f
d
c
s
r
e
e
b
a
e
Avant d'envoyer la dépêche, on écrit les lettres les
unes à la suite des autres :nsuqteeuatamlrue
uaiaeleanieumiamdihrtqnetauauf
dcsree bae. Le retour continuel de la lettre ^indique
au déchiffreur le procédé employé. Il lui suffit alors pour
connaître le nombre de colonnes et de lignes horizontales
de compter le nombre des lettres du cryptogramme et de
le décomposer en deux facteurs. Ici 55 = 5 X 'l^* Il
obtient alors le tableau B où il lui est facile de retrouver
l'ordre primitif des lettres, car en français le q est tou-
jours suivi d'un u et 1'^ est généralement précédé de cette
même voyelle. Les nihilistes de Russie employaient un
système analogue, mais à transposition double : c.-à-d.
que les lettres, après avoir été transposées par colonnes
verticales, l'étaient ensuite par colonnes horizontales.
A la même méthode de cryptographie se rattache le
procédé de la grille^ tel du moins qu'on le pratique au-
jourd'hui. Au siècle dernier la grille a été fort employée.
Les deux personnes qui correspondent ont un châssis
découpé sur la longueur des lignes comme le représente
la première figure de la colonne suivante.
Chacun des coins du châssis doit porter une marque
différente, parce qu'il peut se placer dans divers sens. On le
pose sur une feuille de papier, puis l'on transcrit dans les
ouvertures l'avis qu'on veut transmettre ; la lettre une fois
tracée on enlève le châssis et on remplit les intervalles
compris entre les mots de la missive par d'autres mots
qui, joints aux premiers, puissent former un sens. Par
exemple :
Je |vous| prie de (me( mander si vous jtrouYerezj bon,
mon I trés| cher, que je [dispose| dès [à] présent des eiïets
q.ue [vous I avez offert de me [rendre. |
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — X!1L
TOUS
me
troHTerez
très
disposé
à
TOUS
rendre
Ce système garantit mal le secret. Mais le colonel autri-
chien Fleissner Ta perfectionné en 4881. Soit une plaque
métallique carrée avec trente-six cases dont neuf sont
découpées à jour :
A B
1
2
3
4
5
6
7
8
9
D G
Pour écrire une dépêche, l'on transcrit d'abord aux
endroits découpés les neuf premières lettres, puis l'on
tourne l'instrument de manière que le côté BC prenne
la place du côté AB et l'on transcrit les neuf autres lettres
suivantes ; puis l'on retourne à nouveau l'instrument jus-
qu'à ce que les trente-six lettres soient transcrites.
Nous arrivons à la méthode par interversion. Il faut dis-
tinguer les systèmes à base invariable ou à simple clef et les
systèmes à base variable ou à double clef. Le premier est
celui dont se servaient César et Auguste. Les caractères
cryptographiques peuvent être des lettres, des nombres ou
des signes de fantaisie. Le système le plus simple consiste
à changer la valeur des lettres de l'alphabet d'après une
clef convenue. Pour transformer un mot-clef en nombre-
clef, on remplace chaque lettre de ce mot par un chiffre
arabe de telle façon que la valeur des chiffres corresponde
au rang des lettres dans le classement alphabétique. Soit
le mot-clef Mortagne.
Mort apçne
4 6 7 8 13 5 2
La clef numérique est donc :
4 6 7 8 13 5 2
dfghaceb
1 n o p i k m j
t V X y q s u i"
z
34
n
CRYPTOGRAPHIE — ^30 —
Ce qui donne l'alphabet suivant :
dfghaceblnopikm
AB&DEFGHIJKLMN 0
vxyq s urz
R S 'ï U V X Y Z
Nous arriverons demain donnerait avec cet alphabet
le cryptogramme suivant :
Kmqxdvvlsavmkxhaidlk
Les systèmes à base variable ou à double clef sont ceux
où l'on change d'alphabet à chaque lettre. Le système de
l'abbé Trithème était à base variable. Il donne dans son
livre trois cent seize répél
des lettres correspond un
itions de lalphabet ; à chacune
mot différent dans chacun de
A B
a
n
b
o
c
P
d
q
e
r
f
s
g
t
h
V
i
X
1
y
m
z
G D
a
z
b
n
c
o
d
P
d
o
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c
q
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s
f
t
g
V
h
i
y
1
z
ces alphabets. On doit d'abord écrire la phrase que l'on
veut rendre inintelligible ; puis on remplace la première
lettre par le mot qui lui correspond dans le premier alpha-
bet ; la seconde lettre par le mot qui lui correspond dans
le second alphabet et ainsi de suite. Porta est l'inventeur
du premier système littéral à double clef. Porta emploie
onze alphabets différents qu'il désigne par les lettres AB,
CD, etc. (V. le tableau qui précède).
Voici un exemple de l'emploi de ces alphabets avec la
clef Bon :
R i
BON
n d
BON
n 0 u
V e a
BON
BON
a h b
h y t
e p
Pour établir le cryptogramme précédent l'on a employé
trois alphabets différents. Dans l'alphabet B, r correspond
à g et vice versa comme on le voit dans le tableau ; dans
l'alphabet 0, i correspond à p, etc. Ce système fut modifié
et simplifié par Biaise de Vigenère qui disposa l'alphabet
en nombre carré de façon à donner autant d'alphabets dif-
férents qu'il y a de lettres dans l'alphabet. Le chiffre
carré, qui a joui d'un grand crédit au xviii® siècle, a été
appelé le chiffre indéchiffrable. Dlandol dans le Contre-^
espion paru en 4794, l'appelle le chiffre par excellence,
« parce qu'il réunit le plus grand nombre d'avantages que
l'on puisse désirer pour une correspondance secrète. Il les
réunirait tous sans aucune exception s'il n'étoit pas d'une
exécution un peu lente ; mais il rachète bien cet inconvé-
nient par la sûreté incroyable dont il est. Cette sûreté est
telle que l'univers entier ne le connaîtroit, si on ne savoit
pas le mot de clef convenu entre les correspondants ; on
pourroit montrer sa lettre à tout le monde sans que per-
sonne pût la lire. » Le système aujourd'hui enseigné à
l'école de Saint-Cyr n'est qu'un abrégé de celui de Vige-
nère. L'exposé se trouve dans le Cours d*art militaire
autographié de 1880-84, reproduit par M. Kerckhoffs :
« L'instrument se compose d'un alphabet mobile; deux
bandes de papier quadrillé y suffisent.
II I
L M N
n o p q
Q R S
T U
W X
« On prend un mot quelconque de 3 à 5 lettres, pour
former la clef. Adoptons le mot BAC et prenons la dépêche
suivante : Détruisez le tunnel. La clef ayant trois lettres,
on partage également la phrase à chiffrer en groupes de
trois lettres, comme il suit : Dét-rui-sez-let-imn-eL On
chiffre d'abord les premières lettres de chaque groupe, puis
les secondes et enfin les troisièmes. Pour chiffrer les pre-
mières, on place, la première lettre de la clef, B, prise sur
l'alphabet mobile, sous la lettre A de l'alphabet fixe, et
prenant la première lettre de chacun des groupes de la
dépêche sur l'alphabet supérieur, on écrit la lettre qui lui
correspond sur l'alphabet inférieur. On passe ensuite aux
deuxièmes lettres des groupes; pour les chiffrer on place
la deuxième lettre de la clef, A, sous la lettre A de l'alpha-
bet fixe et on opère comme nous venons de voir. On fait
de même pour les troisièmes lettres. La dépêche se trou-
vera donc écrite comme il suit :
d e t
BAC
r u i
s e z
1 e t
u n n
BAC
BAC
BAC
BAC
s u k
t e c
m e V
V n p
e 1
BA
f I
« En admettant que l'instrument soit perdu ou pris, il ne
dit rien ; il faut connaître la clef. » On peut encore dis-
poser cet instrument en forme de cadran. Le chiffre carré
a été modifié en 48o7 par l'amiral anglais Francis de
Beaufort. Le système de Gronsfeld n'est aussi qu'une
forme déguisée du tableau de Vigenère. Ces cryptogrammes
établis d'après les procédés qui viennent d'être exposés
sont tous déchiffrables. M. Kerckhoffs, dans le mémoire
cité plus haut, et M. G. Dallet dans un article de la
Revue scientifique (4887) ont expliqué la suite des opé-
rations qui peuvent amener au déchiffrement de ces cryp-
togrammes. La troisième méthode, celle des dictionnaires
chiffrés, est beaucoup plus sûre. Il est impossible d'arri-
ver par le calcul à découvrir le sens des dépêches écrites
avec ces dictionnaires. Cette méthode a été très employée
dans la correspondance diplomatique au xviii^ siècle ; elle
est encore en usage au ministère des affaires étrangères.
Elle est clairement expliquée dans VEncyclopédie métko-^
dique du xviii^ siècle.
« Lorsqu'un ministre part pour une ambassade ou une
légation, le département des affaires étrangères lui remet
ordinairement trois chiffres : le chiffre chiffrant , le
chiffre déchiffrant et le chiffre banaL Le chiffre chif-
m -
CRYPTOGRAPHIE — CRYPTÔNYMUS
franf^ partagé en colonnes, marque clans la première non
seulement les lettres de l'alphabet, mais aussi les syllabes,
les mots et les phrases dont probablement il aura le plus
besoin dans le cours de sa négociation, les noms des sou-
verains ou républiques, de leurs principaux ministres, etc.
Cette colonne est quelquefois imprimée, mais la colonne
à côté est remplie en écriture par le département des
affaires étrangères, des nombres, des chiffres ou carac-
tères dont on juge à propos de désigner la lettre, le mot
ou la phrase, comme par exemple :
A 45 260 3U 1020 805
B 9 506 33 1100 21
L'empereur 44 31 1011
Le roi de France 35 88 301 1130
On a soin de ranger par ordre alphabétique les noms
substantifs, les verbes et les phrases selon leurs lettres
initiales, pour la commodité du chiffreur, et l'on emploie
divers nombres, dont le chiffreur peut se servira son choix
pour désigner le même mot, afin qu'en cas d'accident il
soit plus malaisé de déchiffrer la dépêche. Les articles
d'une dépêche qui méritent le secret se chiffrent tout au
long ; on n'y met point de mots écrits en caractères ordi-
naires, parce que ces mots, quelque indiflérents qu'ils puis-
sent paraître, se trouvant dans le chiffre^ peuvent faire
deviner une partie du reste, ou du moins découvrir la
matière qu'on traite. Il ne faut pas négliger de distinguer
tous les mots par un point qu'on met derrière chaque
nombre, puisque, sans cette précaution, une dépêche serait
indéchiffrable pour le correspondant, qui ne pourrait se
servir de sa clef, et qui verrait les nombres confondus. Le
chiffre déchiffrant marque dans la première colonne à
gauche tous les nombres dont le chiffre chiffrant est
composé, depuis le plus bas jusqu'au plus haut, dans leur
ordre naturel, et la colonne à droite contient le mot, la
phrase ou la lettre que chaque nombre désigne. Lorsqu'on
veut chifîrer quelque dépêche, on cherche dans ce chiffre
déchiffrant la signification de chaque nombre qui se pré-
sente et on l'écrit au-dessus entre les lignes, lesquelles
pour cet effet doivent être espacées convenablement et les
nombres éloignés les uns des autres à une juste distance.
On peut aussi déchiffrer sur une feuille séparée; mais l'ou-
vrage est plus long et plus pénible quoiqu'en général il
soit moms difficile de déchiffrer que de chiffrer La
cour donne quelquefois un chiffre différent à chacun de ses
ministres dans les pays étrangers ; mais comme il importe
souvent au bien des affaires générales que ces ministres
lient entre eux des correspondances particuHères on leur
remet un chiffre banal qui leur est commun à tous »...
La plupart des dépêches des ambassadeurs conservées soit
dans nos archives et spécialement aux archives du minis-
tère des affaires étrangères, soit dans les bibliothèques, ont
été déchiffrées au moment même de leur réception ; la tra-
duction est d'ordinaire écrite dans les interlignes. Cepen-
dant il s'en trouve encore qui n'ont pas été lues : c'est
ainsi que M. Kauîek a inséré dans la Correspondance
politique de MM, de Castillon et de Marillac (Paris,
4885, in-8), ambassadeurs de France en Angleterre, un
certain nombre de lettres écrites en chiffres et dont il n'a
pu découvrir la clef. Les ouvrages qui peuvent aider au
déchiffrement des cryptogrammes sont indiqués dans la
bibliographie placée à la fin de cet article. La cryptogra-
phie n'est pas seulement employée pour la correspondance
diplomatique. Les gouvernements en font usage jjour
transmettre les ordres secrets à leurs agents à l'intérieur
et spécialement les ordres relatifs à la police. Elle a été
employée dans l'armée en temps de guerre au moins dès
le XVII® siècle. Mais aucun des systèmes jusqu'ici trouvés
n'est pleinement satisfaisant pour la correspondance mili-
taire. En effet, les uns peuvent être déchiffrés par le calcul,
les autres (les dictionnaires chiffrés) sont d'un usage dan-
gereux, car les dictionnaires peuvent tomber aux mains
des ennenais, ou bien le chiffre déchiffrant peut être perdu.
C'est ainsi que pendant la guerre turco-russe, en 4877,
Selim-pacha s'étant absenté et ayant emporté par mégarde
le livre à déchiffrer, il fut impossible au général en chef
de lire les dépêches reçues pendant son absence. Plusieurs
appareils cryptographiques ont été inventés dans ces
dernières années; les uns sont d'un usage difficile; les
autres donnent des cryptogrammes facilement déchiffrables.
Un système n'est bon qu'autant qu'il mérite qu'on lui
applique la devise que Jean-Robert du Carlet, en 1644,
écrivait en tête de sa cryptographie : Ars ipsi sécréta
mayistro, M. Prou.
BiBL. : Baco, De Dignitate et augmentis scientiarum,
iib. VI, G. I. — Bartels^ Leitfaden fur den Unterricht
und den kœniglichen Kriegsschulen ; Éerliti, 1881*—- Admi-
rai sir Francis Beaufort, Cryptography. A System of
secret writing. — J.-J. Becherus, Character pro noiitîa
linguarum universali ; Francfort, 1661, in-8. — Brachet,
Dictionnaire chiffré ; Paris, 1850. — Chr. Breithaupt,
Disquisitio hislorica^ critica, curiosa de variis modis
occulte scribendi ; Helmstadt, 1727, in-8.— Du même, Ars
decifratoria ; Helmstadt, 1737, in-8. — Brunswick, Diction-
naire pour la correspondance télégraphique secrète^ par
un secret, délégation; Paris, 1868.— Carlet, la Crypto-
graphie contenant la manière d'écrire secr'ètement ; Tou-
louse, 1644, in-12. — Colorni, ScotogF)'a/?a italica ; Prague,
1593, in-4. — D.-A. Conradi, Cryptographia denudata;
Leyde, 1739, in-8. — Cospi, l'Interprétation des chiffres ou
règle pour bien entendre et expliquer facilement toutes
sortes de chiffres êimples^ tiré de 1 italien du sieur A.-M.
Cospi; Paris, 1641, in-8.— G. Dalgarno, AfS signorum;
Londres, 1677, in-8. — Dlandol, le Contr'espion ou les
clefs de toutes les correspondances secrètes ; Paris, 1794,
in-8. — Fleissner , Handbuch der Kryptographie ,
Vienne, 1881. — Gallian, Dictionnaire télégraphique,
économique et secret; Paris, 1874.— Daniel-Schwenter
Haneui, Steganologia et steganographia nova; Nurem-
berg, s. d., in-8. — Ch. Joliet., les Ecritures secrètes
dévoilées.— Kaqïskï, Die Geheimschriften und die De*
chiffrirkunst^ 1863. — A. Kerokhoffs, la Cryptographie
militaire.... avec un nouveau procédé de déchiffrement
applicable aux systèmes à double clef; Paris, 1883, in-8.
— Kessler, Unterschiedene bisshero mehrern Theils
sécréta oder Verborgene geheime Kûnste ; Oppenheim,
1616, in-8. — Ath. Kircher, Artificium cryptographie
cum, dans la Magiauniversalis de Schott, part. IV, lib.î.
Du môme, Polygraphia ; Rome, 1663, in-fol. — P. Lacroix
(Bibliophile Jacob), la Cryptographie ou Vart d'écrire en
chiffres ; Paris, 1858, in-12. — Isouveau Traité de diploma-
tique^ t. III, p. 499. — Perret, les Règles de Cicco Simo-
netta pour le déchiffrement des écritures secrètes, dans
Bihl. de l'Ecole des Chartes, 1890, p. 516. — E. Poe, le
Scarabée d'or., ch. xv. — J.-B. Porta, De Furtivis litte-
rarum notis vulgo deZiferis libri V; Naples, 1563, in-4. —
G. Sohott, Schola steganographica ; Nuremberg, 1665,
in-4. — G. Sélenus, Cryptomenyticis et cryptographie
libri IX; Lunebourg, 1624, in-fol. — J, Trithemus, Poly-
graphies libri VI; Oôpenheim, 1518, in-fol. — La Poly^
graphie et universelle écriture de Trithème, trad. du lat.
gar Gabriel de Collange ; Paris, 1561, in-8. — J. Trithemus,
teganographia ; Francfort, 1606. — Wattenbach, An-
leitung zur lateinischen Palaographie., 4« édit., p. 12.
CRYPTOMERIA (Paléont.) (V. Conifères [Paléont.])*
C R Y PTO Wl 0 N AS (Zool.) . Genre de Protozoaires,du groupe
des Monadiens, créé par Ehrenberg pour des êtres de forme
globuleuse entourés d'un tégument épais et résistant et
pourvus d'un long flagellum ; les Cryptomonas vivent dans
l'eau saumâtre et dans l'eau douce, mais on ne les voit pas
dans les vraies infusions ; ils sont colorés en vert. Type :
C. globulus. R. Moniez.
CRYPTONELLA (V. Térébrâtule).
CRYPTONÈMIÉES (Bot.). Famille d'Algues de Tordre
des Floridées, caractérisée par un thalle massif, tantôt aplati
en feuille simple {Iridœa) ou diversement découpée (Cryp-
tonemia)^ tantôt diversement ramifié par un œuf qui)
plongé dans la partie périphérique de ce même thalle,
bourgeonne directement en fournissant une ou plusieurs
branches grêles qui tantôt divergent de suite et se répandent
dans la couche corticale, tantôt s'unissent d'abord à l'une
des cellules du ramuscule qui porte l'oogone, pour s'al-
longer et se ramifier plus complètement plus tard. Un
système sporifère se développe sur la portion anastomosée du
filament et renflée en ampoule et les spores sont mises en
liberté à maturité par l'ouverture de sa couche périphé-
rique
CRYPTONISCUS (V. Epigarides).
CRYPTONYMUS (V. Asaphus).
CRYPTOPHAGUS - CSANÂD
— 532
CRYPTOPHAGUS. I. Zoologie. — {Cryptophagus
Herbst). Genre de Coléoptères qui adonné son nom à la fa-
mille des Cryptophagides,très voisine de celle desGucujides
(V. Cucujus). Ce sont de très petits insectes qui vivent dans
les endroits obscurs, dans les troncs pourris des arbres, sous
les écorces, les feuilles mortes, dans les champignons et en
général dans les matières végétales en décomposition. Leurs
espèces, assez nombreuses et difficiles à déterminer, se répar-
tissent en deux groupes, suivant que le prothorax est
entier ou denté sur les côtés. On rencontre communément
dans les caves et les celliers un peu humides le C. cella-
ris Scop., dont les larves vivent dans les productions cryp-
togamiques qui se développent sur les tonneaux (V.
Newport, Trans, Soc. ent. London^ 4850, p. 351).
Bouché (Naturg. der Insect., 191, n'^ 18) a décrit les
métamorphoses du C, lycoperdi Herbst et E.Perris celles
du C* deîitatus Herbst, qui se trouve communément dans
les toitures de chaume (V. Ann. Soc, ent. de France,
1852, p. 578, pi. 14). Ed. Lef.
H. Paléontologie. — La famille des Cryptophagidœ
date du lias où eHe est représentée dans l'Argovie par un
genre éteint {Bellingera). Le genre Crypto-phagus est
représenté dans l'ambre tertiaire, Atomaria à OEnmgen
et Antherophagus dans l'oligocène du Wyoming (Amé-
rique du Nord), E. Trt.
CRYPTOPHTHALMUS (Malac). Genre de Mollusques-
Gastéropodes, de l'ordre des Opistobranches-Tectibranclies,
établi par Ehrenberg en 1 831 , pour un animal allongé, muni
d'un disque céphalique, portant deux lobes en arrière, dilaté
en avant; à manteau ne laissant qu'une ouverture posté-
rieure. Une coquille interne, à peine enroulée, un peu tri-
gone, cornée, transparente, très fragile et ressemblant beau-
coup à une coquille d' Aplysie. — C. oiivaceus Ehrenberg. Les
espèces de ce genre habitent la mer Rouge. J. Mâbille.
CRYPTOPLAX (Malac). Genre de la classe des Polypha-
cophores étabH par Blain ville en 1817 pour un MoUusque
à corps étroit, allongé, demi-cylindrique, à peine atténué
à ses extrémités; bord du manteau épais, velus, garnis de
pores et de faisceaux de poils ; valves plus ou moins écar-
tées les unes des autres, presque cachées : les parties
découvertes, allongées, lancéolées. — C. fasciatus Quoy et
Gaimard. Ce genre habite les Antilles, la Nouvelle-Calé-
donie, l'Australie. J. Mabille.
CRYPTOPLOCUS (V. Nerinea).
CRYPTOPODE (ZooL). Genre de Tortues Potamites,
de la famille des Trlonycides, dont les caractères sont
les suivants : carapace à bords cartilagineux étroits ;
sternum large, formant en avant un battant mobile ; à la
partie postérieure, ce sternum est garni de chaque côté
d'un opercule cartilagineux, fermant les ouvertures don-
nant passage aux pattes de derrière; un (roisième oper-
cule ferme l'issue par où passe la queue. Le Cryptopiis
granasus, d'après Duméril et Bibron, est le type de ce
genre. La teinte en partie supérieure est d'un gris tacheté
de jaune; le cou et les membres sont d'un blanc grisâtre.
Cette forme provient de Pondichéry. Rochbr.
BiBL. : Duméril et Bibron, Erpét. gén.
CRYPTOPORTIQUE (Archit.). Formé de la réunion de
deux mots latins, crypta et porticus, ce terme désignait,
dans l'antiquité romaine, une galerie, en partie souter-
raine et voûtée, peut-être à demi enterrée au moins sur un
de ses côtés et dans laquelle l'air et la lumière étaient
ménagés de façon qu'on y fût garanti l'été des ardeurs
du soleil. De pareilles galeries ou de simples chambres
servaient aussi bien à la promenade qu'à la conservation
des provisions. C'est ainsi que la villa suburbaine, connue
sous le nom de maison de Diomède, à Ponipéi, offrait, sur
trois des côtés du portique entourant le xyste (V. ce mot),
deux cryptoportiques qui n'étaient autres que des passages
couverts, éclairés et aérés seulement sur ce portique et,
sur l'autre côté, s'ouvraient des chambres dont quelques-
unes, richement décorées, pouvaient servir de salles fraîches
l'été et dont les autres ne semblent avoir servi que de ma-
gasins (Vitruve, VI, 8). De semblables dispositions se
retrouvaient dans les grandes habitations des riches
Romains et Pline le Jeune {Lettres^ II, 17; V, 6), dans
la description de ses deux maisons de campagne, vante les
agréments des cryptoportiques qu'il y a fait établir. Chez
les auteurs français modernes, le mot cryptoportique a
changé quelque peu de signification et désigne tantôt la
décoration architecturale d'une grotte ou la reprise en sous-
œuvre d'un arc dans un mur en fondation. Ch. Lucas.
BiBL. : MiLLiN, Dlct, des beaux-arts; Paris, 1806, 1. 1, in-8.
CRYPTOPROCTE (V. Chat, t. X, p. 872).
CRYPTORCHipiE (Anat.). On donne le nom de cryptor-
chides ou d'anorchides aux individus chez lesquels les testi-
cules restent c;ichés dans l'abdomen ; ces sujets sont donc
atteints de cryptorchidie. Les testicules occupent, dans cet
état, divers points entre la région lombaire, où ils sont pri-
mitivement situés chez l'embryon, et le scrotum, qu'ils occu-
pent normalement lorsqu'ils ont accompU leur migration,
II ne faut pas confondre la cryptorchidie, dans laquelle les
testicules sont cachés, avec l'ectopie testiculaire dans la-
quelle les testicules sont visibles, mais non dans le scro-
tum, par exemple lorsqu'ils sont restés dans le canal
inguinal ou sont allés dans le périnée. Toutes les cryptor-
chidies sont en ectopie, mais toutes les ectopies ne sont pas
cryptorchides. La cryptorchidie peut être unilatérale ou
bilatérale. Tout testicule non descendu dans les bourses
étant plus ou moins atrophié, ne sécrète pas de spermato-
zoïdes* les cryptorchides doubles sont donc inféconds,
mais ils ne sont pas pour cela impuissants. D*" L.-H. Petit.
CRYPTORRHYNCHUS ( Cryptorrhynchus Illig.)
(Entoni.). Genre d'Insectes-Coléoptères, de la famille des
Curculionides, qui a donné son nom au groupe des Cryptor-
rhynchites, caractérisé surtout par le rostre subcylindrique,
arqué, se logeant au repos dans un ûWon {canal rostral),
creusé entre les hanches antérieures. Le genre renferme plus
de deux cents espèces, dont la plupart habitent le continent
américain. L'unique espèce européenne, C. lapathi L.,
est longue de 8 à 9 milHm., noire et couverte, sur sa
face dorsale, de squamules imbriquées, les unes pâles, les
autres noires et accompagnées de brosses rudes, d'un noir
velouté, dispersées sur le prothorax et les élytres. Ce cha-
rançon se rencontre assez communément en Europe, sur
les saules, les peupliers et les aulnes. Ses larves creusent
leurs galeries soit dans les souches abattues, soit dans les
jeunes arbres qu'elles font parfois périr (V. Curtis, Trans.
Linn. Soc. London, 1791, p. ^^ ; Erné, Mitth.
Schweiz. ent. Ges., 1873, p. 138, et Rupertsberger,
Biol. der Kâfer, pp. 83 et 206). Ed. Lef.
CRYPTOSPORA (Bot.). Genre de Champignons-Pyréno-
mycètes remarquables par la forme linéaire de'leurs conidies
réunies en masse au fond des bouteilles. H. F.
CRYPTOSTRACON (Malac). Genre de Mollusques-Gas-
téropodes, de l'ordre des Pulmonés-Géophiles, établi par
W.-G. Binney en 1879, pour un animaHimaciforme, très
allongé, à extrémité caudale acuminée, dépourvue de pore
muqueux ; une coquille auriforme, mince, membraneuse, à
sommet latéro-postérieur complètement caché par le man-
teau. — C. Gubli Binney. Ce genre habite l'Amérique, par-
ticulièrement les environs de Costa-Rica. h Mabille.
CSABA. Ville de Hongrie dans le comitat de Békés. Ses
32,000 hab. sont pour la plupart d'origine slave et de
communion luthérienne. Les progrès de la richesse agricole
ont beaucoup embeUi Csaba. E, S.
CSA KO VA R. Bourgade de Hongrie, dans le comitat de
Ternes^, peuplée de 4,200 hab., Allemands pour la plupart.
CSÂKY (Emcrich), cardinal hongrois ; il n'apparaît dans
riiistoire que comme membre influent de la Diète de 1722,
qui, en acceptant la Pragmatique Sanction, assura l'avenir
de Marie;Thérèse.
CSANÂD. Nom d'un comitat de Hongrie arrosé et limité
au S. par la Maros. La superficie est de 1,618 kil. q., la
population de 119,000 hab., dont les trois quarts
Magyars, les autres Roumains, Serbes ou Allemands. Le
— 533
CSANAD — CSOKONAI
chef-lieu est Mako (30,000 hab.). Nagy-Lak est la seule
bourgade qui ait 10,000 hab. Le pays, plat et fertile, est
essentiellement agricole, riche en blés et en bétail. Le
haras de Mezœhegyes est de première importance. E. S.
CSANAD. Nom de trois bourgades de Hongrie situées :
le Csanâd magyar sur la rive droite, le Csaîiâd allemand
et le Csanâd serbe sur la rive gauche de la Maros. En
tout 10,000 hab. Saint Etienne y avait fondé un évèché
qui joua un grand rôle dans la conversion des Magyars au
christianisme. E. S.
CSÂNYI (Ladislas), un des champions de l'indépendance
hongroise, né à Csâny en 1790, pendu à Budapest le 14 sept.
1849. La révolution de 1848 se prépara en partie dans
sa maison, et il devint membre du comité de Sûreté géné-
rale. Comme il avait servi dans l'armée, il put jouer un
rôle tantôt militaire, tantôt civil, comme commissaire
auprès des généraux et membre des conseils de guerre,
puis comme commissaire général en Transylvanie. Ami de
Gœrgey, il devint pourtant en 1849 ministre des travaux
publics dans le gouvernement de M. Kossuth, car il avait
l'estime de tous les patriotes. Lors de la crise suprême qui
devait se terminer par la capitulation de Vilagos, il s'en-
tremit entre les deux rivaux, mais il n'en fut pas moins
victime d'une réaction impitoyable. E. S.
BiBL. : Iranyi et Chassin, Histoire de la révolution de
Hongrie.
CSAPLOVICS, administrateur et statisticien hongrois,
né en 1780, mort en 1847. Il a publié : Topographisck-
Statistisches Archiv des Kœnigreichs Ungarn (Vienne,
1821); Gemâlde von Ungarn (Budapest, 1829); Die
Croaten und Wenden in Ungarn (Presbourg, 1829).
CSARDA. Danse hongroise. Elle est ainsi nommée parce-
qu'elle se danse généralement dans les cabarets (csarda).
Elle se danse à 2-4 ou à 3-4. L'allure d'abord assez
lente finit par se précipiter et la danse se transforme en
un véritable galop.
CSÂSZÂR (François), écrivain et jurisconsulte hongrois,
né à Zala-Egerszeg en 1807, mort à Kerepes le 17 août
1858. Il passa toute sa jeunesse à Fiume, où il enseigna
la langue magyare, composa une grammaire hongroise
en italien, puis remplit des fonctions de juridiction com-
merciale. Appelé ensuite à Budapest, il devint juge à la Table
septem virale et académicien. Depuis 1849, il fut journa-
liste (il fonda en 1850 le journal Pesti Najfflo), s'occupant
surtout des questions de change et de droit. Il a été, en
outre, touriste en Italie, traducteur de poètes italiens, mytho-
graphe, et poète en sa langue nationale. Il a donné en tout
vingt-deux volumes, publiés de 1828 à 1857. E. S.
CSATO (Paul), écrivain hongrois, né en 1804 àNagy-
varad, mort en 1841 à Pozsony (Presbourg). Il a colla-
boré d'une façon brillante à un certain nombre de journaux
magyars et publié des travaux philologiques couronnés par
l'académie hongroise. L. L.
CSÉCSY (Emerich), naturaliste hongrois, né en 1804
dans le comitat de Bihar, mort professeur à Debreczin en
1847. D'abord voué aux études littéraires, puis à la mé-
decine, il est devenu surtout minéralogiste, et ses travaux
spéciaux sur la géologie de son pays lui ont assuré, en
même temps qu'un siège à l'académie hongroise, un nom
dans la science européenne. E. S.
es E LES (Martin), théologien catholique hongrois, né à
Rosenthal en 1641, mort à Patak en 1709. Il a laissé des
ouvrages spéciaux d'histoire et de géographie ecclésiasti-
ques : Educatio historico-chronologica de episcopatu
iramylvaniœ ; Descriptio amplitudinis episcopatus
Sirmiensis. E. S.
CSEN6ERY (Antoine), écrivain et homme politique
hongrois, né à Nagyvârad le 2 juin 1822, mort à Buda-
pest le 13 juil. 1880, Après ses études de droit, il rédi-
gea, de 1843 à 1848, le journal de la Diète et le Pesti
Hirlap. En 1849, il fut employé par le ministère insurrec-
tionnel, puis obligé de se cacher quelque tem|)s. Les années
suivantes le retrouvèrent rédacteur du Pesti Naplo et de
la Budapesti S%emle. En 1 861 commença sa carrière de
député, qu'il a fait marcher de front avec celle de critique
et celle d'administrateur du Crédit foncier. Csengery était
l'un des membres les plus distingués du parti Deâk, et
l'une de ses plus belles études est celle qu'il a consacrée
au chef de ce parti {Dedh emlékezete ; Budapest, 1877).
Ses œuvres, aussi intéressantes que variées, ont été réunies
en cinq volumes en 1884. E. S.
CSEPELIle du Danube un peu en aval de Budapest,
longue de 47 kil., large de 4 à 8 kil. Les côtes très basses
ont dû être défendues par des travaux contre les inonda-
tions. Le sol n'est qu'en partie fertile. La population
s'élève à 17,000 hab., Magyars, Allemands ou Serbes,
répartis en onze communes. La principale est Raczkevi,
où le prince Eugène fit bâtir un beau château. L'île Csepel
semble avoir été plus peuplée et plus florissante au moyen
âge qu'aujourd'hui. E. S.
CSEREI (Michel), homme d'Etat et historien magyar de
Transylvanie, né à Csik-Rakos le 2 nov. 1667, mort à
Nagyajta en avr. 1756. II combattit d'abord dans les rangs
des ennemis de la maison d'Autriche, puis, réconcilié avec
le gouvernement de Léopold I®% il remplit diverses fonc-
tions administratives et judiciaires. Ce qui attache à son
nom une juste notoriété, c'est son Histoire des événe-
ments qui se sont accomplis en Transylvanie et en
Hongrie jusqu'en i7i^, ouvrage écrit en magyar, et qui
a une valeur littéraire. E. S.
BiBL. : ToLDY, Irodalom tœrténeti olvnsokœnyv.
CSERNA. Petite rivière de Hongrie, qui se jette dans le
Danube près des Portes de Fer, et dont le confluent sert de
limite entre la monarchie anstro-hongroise et la Roumanie.
La vallée de la Cserna est célèbre par ses ruines romaines
(V. Mehadia) et par ses aspects pittoresques.
CSIK. Nom d'un comitat de Hongrie et de nombreuses
bourgades de ce comitat : Csik-Szereda, Csik Saint-
Tamas, etc. Il est situé dans la partie la plus montagneuse
de la Transylvanie, et renferme les sources de plusieurs
rivières, entre autres la Maros et l'Aluta. La rigueur du
climat et la pauvreté du sol produisent une émigration
continuelle vers les régions plus heureuses. Pourtant la
population est encore d'environ 110,000 hab., pour la
plupart Szeklers, c.-à-d. d'anciens et purs Magyars, qui
dans cette contrée de la Transylvanie ont presque tous
conservé la religion catholique romaine. Le chef-lieu, Csik-
Szereda, n'a que 1,600 hab. Les eaux minérales (V.
Borszek), l'orge et l'avoine, les bois, sont les principales
ressources du pays. E. S.
CSIKY (Grégoire), dramaturge hongrois, né à Pankota,
dans le comitat d'Arad, le 8 déc. 1842. Il avait d'abord
embrassé l'état ecclésiastique, qu'il n'a quitté complètement
qu'en 1878, et c'est d'abord sur des sujets de droit ecclé-
siastique que sa plume s'est exercée. Mais, dès 1875, il a
remporté une série de succès éclatants dans les concours
dramatiques, et jamais pièce n'a été applaudie plus chau-
dement au théâtre national que ses Prolétaires. Le dix-
neuvième volume de ses oeuvres dramatiques vient de
paraître (1889), ce qui donne l'idée d'une fécondité sans
doute loin d'être épuisée. M. Csiky vient aussi de commencer
une série de romans, également en langue magyare. Il a
traduit des tragiques anciens ou étrangers, et publié une
Mythologie (1885) erune Dramaturgie (1886). E. S.
CSOKONAI (Michel), poète hongrois, né à Debreczin le
17 nov. 1773, mort le 20 janv. 1805. Cette courte exis-
tence, traversée par beaucoup de diflicultés et de mé-
comptes, a été très utile au développement de la littéra-
ture nationale et à la mise en valeur de !a langue magyare.
Csokonai a composé des comédies, des sa:.iros, des poèmes
moraux et philosophiques, des pastorales imitées des auteurs
anciens, allemands ou italiens, surtout des odes qui ont eu
un grand retentissement populaire. Plusieurs de celles-ci
(1797 et années suivantes) chantaient la levée de la noblesse
pour repousser Bonaparte, et la lutte contre la Révolution
CSOKONAI ^ CTENODACTYLE
534 --
française. La ville de Debreczin a élevé en 4871 une
statue à son poète. E. S.
BiBL, : ToLDY, Magyar kœltészet. — Sayous, Histoire
générale des Hongrois. — Schwicker, Geschichte der
ungarischen Litteratur.
CSOMA (Alexandre), voyageur et linguiste hongrois,
né à Kœrœs en Transylvanie en 4798, mort à Dardjiling,
dans l'Himalaya, le 44 avr. 4842. Après avoir étudié la
médecine en Allemagne, il fut pris du désir de retrouver
le berceau de la nation magyare, et il entreprit les plus
difficiles voyages en Asie sans autre ressource que son
indomptable courage. Il arriva dans le Thibet en 484^, et
s'enferma pour travailler dans des monastères bouddhistes .
Ses recherches philologiques, très inutiles pour le but qu'il
s'était proposé, n'en rendirent pas moins les plus grands
services à la science. Aussi la Société asiatique de Calcutta
le nomma-t-elle son bibliothécaire en 4834. Dans ce nou-
veau séjour, il publia un dictionnaire et une grammaire de
la langue thibétaine (4834). Il inséra dans les Asiatic
Researches^ une analyse des livres sacrés du Thibet, où il
comptait s'étabhr de nouveau lorsque la mort le surprit. E. S.
CSONGRÂD. I. Ville. — Ancienne forteresse de Hon-
grie, qui a donné son nom à un comitat, aujourd'hui gros
bourg rural de 47,000 hab.
IL Comitat. — Nom d'un comitat de Hongrie traversé
parla Tisza. La superficie est de 3,444 kil.c, la population
de 228,000 hab. presque tous Magyars. Le chef-iieu est
Szeged (74,000 hab.); Hodmezœ-Vâsârhely et Szentes sont
d'énormes bourgs agricoles. La plaine appelée Pusztaszer
est célèbre dans l'histoire primitive des Magyars, qui y
auraient tenu leur première Diète. A tous égards, ce
comitat est le cœur de la plaine hongroise, riche par la
culture du blé et l'élève du bétail. E. S.
CSORBA. Lac de Hongrie, dans le massif du Tatra, le
plus grand au S. de cette chaîne. Il est situé à 4,354 m.
d'alt. , et est devenu dans ces dernières années un centre
important pour les excursionnistes. E. S.
CTENAGANTHUS (Paléont.). Agassiz a désigné sous
ce nom des rayons de poissons de grande taille, très com-
primés, à base large, dont la surface est ornée de stries
longitudinales, crénelées transversalement et saillantes en
forme de dents qui alternent d'une série à l'autre ; au bord
postérieur du rayon se voient quelques petites épines. Ces
Ctenacanthus ont été trouvés dans le terrain dévonien et
dans le terrain carbonifère.
BiBL. : Agassiz, Poissons fossiles^ t. III.
CT EN ARIA (ZooL). Haeckel a étabh ce genre pour une
Méduse de la famille des Cladonémides, le Ct. cùenophora,
forme très remarquable qui, d'après ce savant, rattacherait
les Méduses aux Cténophores. Le genre Ctenaria est carac-
térisé par l'existence de deux tentacules opposés, rétractiles,
pourvus d'une série de filaments urticants sur un des deux
côtés ; les parois stomacales présentent quatre glandes gé-
nitales simples ; l'ouverture buccale est simple, sans lobes ;
l'ombrelle porte huit côtes radiales formées par des filaments
urticants, caractère qui, joint à ceux des tentacules rétrac-
tiles et à l'existence d'un entonnoir^ rapprocherait l'ani-
mal des Cténophores. Mers du Japon. R. Mz.
CTENIZA (ZooL). Genre d'Arachnides, proposé par La-
treille et comprenant à l'origine tous les Avicularides
trionychés terricoles, mais réduit par les auteurs modernes
au C. Sauvagei Rossi, espèce réppdue en Corse et en
Italie, et bien connue sous le nom de Mygale pionnière,
-— C. Sauvagei est le type des Araignées terricoles ; elle
creuse dans les terrains compacts et incKnés un terrier
profond et cylindrique, dont elle maçonne les parois avec
un fin mortier qu'elle revêt ensuite d'un fourreau soyeux ;
elle ferme ce terrier d'un opercule très dur, composé de
couches alternatives de terre et de soie, ayant la forme
d'une rondelle épaisse, taillée en biseau sur les bords
pour s'adapter parfaitement à l'orifice du terrier, à laquelle
elle est fixée par une charnière élastique, également formée
de matière soyeuse. E. Simon.
ÇTENOCRINUS (Paléont.) (V. Melogrinus).
CTENODACTYLE (Ctenoctadylus) (ZooL). Genre de
Mammifères de l'ordre des Rongeurs créé par Gray (4830)
pour le Musgundi de Pallas, considéré par Gmehn comme
voisin des Marmottes {Arctomys). Les modernes ont
beaucoup varié sur la place qui convient, dans le système,
à ce type essentiellement africain. Gray, créateur du
genre, le rapprochait des Campagnols; Gervais l'a placé
dans la famille des Gerboises {Dipodidœ)^ près du genre
Pedetes (ou Helamys) ; enfin Alston a montré les rapports
du Cténodactyle avec les genres américains Ctenomys et
Octodon, rapports déjà entrevus par Gervais. Il fait des
genres Ctenodactylus et Pectinator une sous-famille des
Octodontidœ (sous le nom de Ctenodactylinœ), et place
Petromys dans la sous-famille des Octodontinœ propre-
ment dits. Plus récemment, Lataste a élevé ce groupe
au rang de famille en y ajoutant un genre nouveau (ilte-
soutiera)et lui restituant le Petromys, Nous adopterons
cette manière de voir, mais en considérant ce groupe comme
une simple sous-famille des Octodontidœ qui font eux-
mêmes partie du grand groupe des Hystricomorpha. -r-
Les Ctenodactylinœ ont pour caractères : molaires à
racines incomplètes, au nombre de quatre paires en haut
et en bas, dont une prémolaire souvent caduque et man-
quant chez l'adulte ; mandibule comme dans les Octodon-
tinœ américains ; pieds postérieurs ayant les grifî'es des deux
doigts internes recouverts de poils raides disposés en forme
de peigne. Les genres Ctenodactylus, Massoutiera, Pecti-
nator et Petromys, tous africains, prennent place ici.
Le genre Ctenodactylus a les oreilles petites, dépour-
vues d'antitragus, la queue rudimentaire, la prémolaire
petite ^et caduque, de sorte qu'il n'y a que trois molaires
chez l'adulte, ces molaires ayant un seul repU d'émail en
dedans. Le type et l'unique espèce {Ct. gundi, Ct. ara-
biens de Shaw ou Ct. massonîi de Gray) est un animal
Ctenodactylus gundi Gray.
de la taille d'un Lagomys ou d'un petit Lapin, à formes
ramassées et dépourvu de queue. Le pelage est gris cendré,
lavé de fauve. Les petits naissent velus et très développés,
comme c'est d'ailleurs la règle chez les Hystricomorpha.
L'espèce abonde en Algérie et dans toute la Barbarie, par-
tout oh il y a des amas de pierres, c.-à-d. dans les mon-
tagnes et au milieu des ruines romaines (Lataste). La pré-
sence de ce type dans l'Afrique australe, admise par Gray,
paraît fondée sur une erreur. — Le genre Massoutiera
(Lataste 4884) diffère du précédent par ses molaires a
deux replis, sa queue aussi longue que la jambe, et l'oreille
munie d'un antitragus petit, mais portant des poils rigides
sur son bord libre . On connaît deux espèces de ce genre :
Massoutiera mzabi (Lataste) d'Algérie (pays de Mzab) et
il/. Vœ (Lataste) du Haut-Sénégal. — Le genre Pecti--
nator (Blyth, 48oo) a les dents en même nombre que
dans les genres précédents mais la prémolaire ne paraît
pas caduque, la première vraie molaire supérieure est
entière, et la troisième a deux replis externes. L'oreille
présente un petit antitragus et la queue, aussi longue que
la moitié du corps, est touffue. Le PecU Spekei habite le
nord-est de FAfrique, les côtes de la mer Rouge et les
pays de SomaH et d'Adali. Ses moeurs sont celles des pré-
5:^5 —
CTEDONACTYLE -^ CTENOPHORES
cédents. — Le genre Petromys (A. Smith, 1831) se rap-
proche plus que les précédents des Gtenomys et des Octo-
dontes américains. La prémolaire est grande, aussi dévelop-
pée que les molaires et bilobée. La queue est presque aussi
longue que le corps. Le P. typicus, unique espèce du
genre, présente des proportions plus élancées que les pré-
cédents, mais \it comme eux sur les collines rocailleuses
où il se nourrit des fleurs d'une espèce de Composées voisine
du Séneçon. Son pelage est roussâtre. Il habite l'Afrique
australe, notamment le pays des Namaquois et l'embou-
chure du fleuve Orange (V. Octodonte). E. Trouessart.
BiBL. : Gervais, Journal de zoologie^ 1876, p. 223. —
Alston, Proceed. Zool. Soc. London, 1875, p. 98. — La-
TASTE, Catalogue provisoire des Mammifères apélagiques
sauvages de Barbarie {Actes de la Soc. Linn. de Bordeaux,
t. XXXIX, p. 129), p. 57 et 151 du tirage à part.— Du même,
Bull. Soc. 2ool. de France^ 1881, t. VI, p. 314. — Du même,
Catalogue critique des Mammifères apélagiques sauvages
de Tunisie (Exploration scientifique de la Tunisie), 1887,
p. 31. — Du même, le Naturaliste^ 1886, p. 287.
CTÉNODIPTÉRINIENS (Paléont.). Cette famille, qui
fait partie de Tordre des Dipnoï , comprend des poissons
dévoniens qui ont la nageoire caudale hétérocerque, les
écailles cycloïdes, des plaques gulaires, deux paires de
dents molaires et une paire de dents vomériennes.
BiBL. : A. GuNTHER, An Introduction to the study of
Fishes, 1880, p. 359.
CTENODISCUS(Zool.),Genred'Echinodermes,derordre
des Stellérides, établi par Mtiller et Troschel pour des espèces
au corps aplati, presque pentagonal, ayant sur les bords
deux rangées de plaques lisses, qui se prolongent sur la
face ventrale par des bandes transverses formées d'écaillés.
Les bords latéraux de ces bandes, aussi bien que ceux des
plaques marginales, sont garnis de petits piquants dressés
et rangés parallèlement .à manière de peigne, d'où l'on a
tiré le nom de l'animal. La même disposition s'observe à
la face dorsale au bord libre des plaques marginales, et les
plaques dorsales comme les ventrales portent à leur bord
supérieur une rangée de piquants fixes. Type : Ct. cris-
talus Mull.-Tr., des côtes du Groenland. R. Moniez.
CTENODUS (Paléont.). Agassiz désigne sous ce nom
des dents de poissons ressemblant à un éventail dont les
côtés seraient dentelées; il est probable que ces dents
indiquent un poisson voisin du Ceratodus, c.-à-d. un
Dipnoïque. Le Ct, cristatus a été trouvé dans le terrain
houiller.
BiBL. : Agassiz, Poissons fossiles, t. lïl.
CTÉNOÏDES (IchtyoL). Au commencement de ses
études sur les poissons fossiles, L. Agassiz remarqua que
la structure des écailles pouvait être d'une grande utilité
pour la classification des divers groupes, aussi partagea-t-il
les poissons en quatre divisions : les Ganoïdes, les Pla-
coïdes, les Cycloïdes et les Cténoïdes. Ces derniers ont
le bord postérieur des écailles en forme de scie den-
telée, ce qui donne au poisson une surface rude et âpre ;
ils correspondent assez exactement aux Acanthoptérygiens
de Cuvier. La classification proposée par Agassiz n'est
pas admise ; elle rompt, en effet, les afiinités naturelles des
poissons, une partie des Acanthoptérygiens se trouve, en
effet, répartie parmi les Cycloïdes.
BiBL. : Agassiz, Rech. sur les poissons fossiles^ t. ÏV.
GTÉNOMYGES (Bot.). Genre de Champignons-Ascomy-
cètes de la famille des Périsporiacées développant son
périthèce comme Erysiphe et remarquable par la nais-
sance isolée de ses conidies, soit directement sur les
filaments du thalle, soit sur des branches réunies en
massif, soit enfin sur des tubercules enveloppés, qui, par
leur conformation et leur développement, font songer aux
périthèces eux-mêmes. H. F.
GTENOMYS (V. Octodonte) . *
CTi:NOPHORESi;Zool.). Eschscholtz, en 1829, a donné
ce nom à une classe de l'embranchement des Cnidaires.
(Meigen, en 1803, avait employé le nom de Ctenophora
pour un genre de Diptères Némocères, et, en 1870,
Blaekwall l'a repris pour un genre d'Arachnide.) « Les
Cténophores, dont la forme très variable, dit Claus, peut
se ramener à celle de la sphère, sont des Cœlentérés libres,
de consistance gélatineuse et dont la symétrie est birayonnée
et symétrique » ; ils portent à la surface huit rangées de
palettes ciliées (côtes) ; ils sont pourvus d'un tube sto-
macal, d'un système de vaisseaux et souvent de deux fila-
ments tactiles latéraux, qui peuvent se retirer dans des
poches spéciales. Les Cténophores ne forment jamais de
colonies, ce sont toujours des animaux simples. La bouche
située à l'un des pôles, souvent entourée de lobes, conduit
dans une cavité gastrique, qui est en communication avec
une deuxième cavité placée à la suite et que l'on appelle
l'entonnoir; la séparation de l'entonnoir et de l'estomac
peut se fermer à la volonté de Fanimal, grâce à l'existence
de muscles spéciaux ; c'est de l'entonnoir que se détachent
les vaisseaux, cihés dans toute leur étendue. Le pôle
opposé à la bouche est occupé par une grosse vésicule qui
contient un otocyste , seul organe connu du système ner-
veux chez les Cténophores.
Les côtes, qui permettent la nage des Cténophores, sont
formées par huit bandes de plaques ciliées, résultant de la
soudure partielle de grands cils, formant des rangées trans-
versales, comme les dents d'un peigne (xxsiç, peigne; (^opoç,
porteur) ; l'étendue de ces bandes est très variable, elles
sont disposées lon-
gitudinalement ,
suivant des méri-
diens; l'animal les
meut à son gré,
soit toutes ensem-
ble, soit par sé-
ries. Chez beau-
coup de Cténopho-
res, il existe deux
longs tentacules
latéraux, diverse-
ment ramifiés et
capables de se ré-
tracter dans une
poche, creusée
dans la substance
gélatineuse ; ces
tentacules sont
munis d'un canal
qui est en com-
munication avec
l'appareil vascu-
laire; leur paroi
est très muscu-
leuse et ils sont
chargés de néma-
tocystes ; tous les
détails de l'orga-
nisation de ces
êtres sont parfois
très faciles à saisir, tant leur transparence est parfaite
chez certaines espèces. La fig. ci-dessus peut donner une
idée générale de leur structure.
Les Cténophores sont hermaphrodites ; les produits
sexuels se forment dans Pappareil vasculaire, sous l'épi-
thélium cilié qu'ils rompent pour tomber dans le vaisseau ;
leur développement est direct, sans métamorphoses. Nous
avons parlé au mot Ctenaria des rapports qui peuvent
exister entre les Méduses et les Cténophores, au mot
Cnidaires, de ceux qu'on a signalés entre ces animaux et
certains Vers ; nous n'y reviendrons pas. Les Cténophores
sont tous marins et la nature délicate de leurs tissus, leur
transparence, expliquent pourquoi ils vivent au large et ne
fréquentent pas les côtes ; c'est pour ainsi dire acciden-
tellement qu'on les y rencontre parfois en quantité, échoués
sur le sable, comme par exemple le Pleurobrachia pileus
sur les côtes de FOcéan. On divise ces animaux en quatre
ordres: les Eurystomes, les Globuleux {Saccatœ), les
Rubanés (Tœniata) et les Lobàires (Lobatœ). Nous fîgu-
Coupe verticale théorique d'un CténO"
phore {Pleurobrachia). a, bouche;
D, estomac; c, bourrelet de nature
glandulaire ; d,entonnoir ; f^ceecums ;
<5f, canal gastro-vasculaire transver-
sai; /i, z, canal gastro-vasculaire
transversal (branches de bifurca-
tion); L canal méridien; m, canal
tentaculaire ; n, poche du tentacule;
o, tentacule; p, otocyste; g, palette
ciliée.
CTÊNOPHORES ~ CTÉSIBIUS
- o36
rerons les formes les plus remarquables de ces animaux à pro-
pos des différents articles qui leur seront consacrés (V. Pleu-
ROBRÂCHIÀ, ESCHSCHOLTZIA , CaLLIÂNJRA , CeSTUM , SoLINA ,
EucHARis, Chiaja, Calymna, Ocyrœ, etc.). R. Moniez.
BiBL. : Le grand travail de Chun, Die Ctenophoren des
Golfes von Neapel, 1880.
CTENOPLANA (Zool.). Genre créé par Korotnev, en
1886, pour un Cténophore rampant trouvé à Poulo-Pan-
dane. Cet animal est remarquable à cause de sa grande
ressemblance avec les Planaires; il est pourvu de huit
paires de plaques vibratiles, qui peuvent se rétracter dans
des poches spéciales. — Ct, Kovalevskyi est l'unique espèce
connue. R. Bl.
CTENOSTOM ES (ZooL). Ces animaux forment la seconde
division de l'ordre des Bryozoaires-Gymnolœmes. Ils tirent
leur nom de la couronne de soies qui ferment l'ouverture
des cellules lorsque la gaine entaculaire est invaginée.
Quelquefois cette couronne est remplacée par des plis
rayonnants. Ce sous-ordre renferme les trois familles des
Alcyonidœ, Vesicularidœ et Paludicellidœ (V. ces mots
et Bryozoaire). L. Chabry.
CTEN US (Zool.). Genre d'Arachnides, type d'une famille
spéciale, dont la création est due à Walckenaer et compre-
nant de nombreuses espèces presque toutes de grande
taille, et répandues dans toutes les régions tropicales du
globe. Les Ctenus sont remarquables par la position de
leurs yeux qui sont sur trois rangs, le second ou inter-
médiaire étant formé de quatre yeux dont les latéraux
sont très petits et les deux autres de deux. Ce sont des
Araignées chasseresses ne filant aucune toile et poursui-
vant leur proie à la manière des Lycoses; le type est
C. fuscus Walck., du Brésil. E. Simon.
CTÉSIAS, médecin et historien grec du v^ siècle av. J.-C.
Il appartenait à la famille des Asclépiades et était fils de
Ctésiarchos ou Ctésiochos ; il naquit à Cnide, ville carienne
oîi la médecine était fort en honneur, et il mourut proba-
blement dans sa ville natale à une date qui nous est aussi
inconnue que celle de sa naissance. Il vécut un certain
nombre d'années, dix-sept suivant Diodore (II, 62), à la
cour du roi de Perse, Artaxercès Memnon, auprès duquel
il remplissait les fonctions de médecin (Strabon, XIV,
p. 6o6). D'après Diodore, Ctésias aurait été fait prisonnier
par les Perses et, à cause de sa qualité de médecin, il aurait
été amené à la cour et y aurait été fort bien traité. Ctésias
se trouvait à la bataille de Cunaxa (401 av. J.-C.) aux
côtés d' Artaxercès (Xénoph. , Anah., I, viii, 27); en
398, chargé d'une mission diplomatique auprès de Conon,
il quitta la cour perse et revint dans sa patrie pour n'en
plus sortir. Pendant son séjour en Perse, Ctésias avait réuni
de nombreux matériaux historiques puisés aux archives
royales (paaiXixai Ôtoôgpat de Diodore, 11,32), complétés
par ses souvenirs personnels, par les récits qui lui avaient été
faits. De retour à Cnide, il mit en œuvre les documents de
tout genre qu'il avait rassemblés et publia en vingt-trois
livres, sous le titre de IlepŒtxa, une histoire de l'Assyrie et
de la Perse. Les six premiers livres comprenaient l'histoire
des Assyriens et des Mèdes jusqu'à la fondation de l'empire
perse ; les sept suivants exposaient l'histoire de la Perse
jusqu'à la mort de Xerxès et les dix derniers l'histoire de
la Perse jusqu'au moment où Ctésias revint dans sa patrie,
c.-à-d. jusqu'en 398 av. J.~C. Cet ouvrage est perdu :
Pamphila, une contemporaine de Néron, l'avait abrégé en
trois livres (Suidas, s. v., Ilafx^iXa); cet abrégé a également
disparu ; nous avons en revanche un abrégé des livres VII-
XXIII fait par Photius ; nous pouvons, de plus, nous faire
une idée des six premiers livres d'après Diodore, qui semble
les avoir largement mis à contribution dans le deuxième
livre de sa Bibliothèque historique ; Plutarque, dans sa Vie
d' Artaxercès^ Athénée et quelques autres nous ont aussi
conservé un certain nombre de fragments appartenant à
divers livres. Ctésias avait aussi écrit sur l'Inde un ou-
vrage en un livre, 'IvSixdé, dont Photius (Cod,^ 72) nous a
aussi donné un abrégé. Cet ouvrage qui traitait surtout de
la partie nord-ouest de l'Inde, avait pour objet principal la
description du sol, de ses productions, des hommes et des
animaux.
Outre ces deux ouvrages que nous connaissons dans une
certaine mesure, Ctésias en avait écrit plusieurs autres dont
il ne nous reste que le nom ou tout au plus un ou deux courts
fragments. Ces ouvrages sont : un Périple de l'Asie en trois
livres (Etienne de Byzance, au mot Siyuvo; ; un ouvrage
sur les Montagnes, Ilspi 'Opwv, dont Plutarque {De Flum. ,
XXI, 5) cite le second livre ; un ouvrage sur les Fleuves
(Plut. De Flum., XIX, 2), et peut être un ouvrage sur
la Médecine (Galion, t. V, p. 652, L 51, éd. deBâle).
Ctésias avait écrit en dialecte ionien ; il fut célèbre dans
toute l'antiquité et jouit de l'estime toute particulière des
Alexandrins. Toutefois, les critiques ne s'accordent que sur
la valeur de son style ; Denys d'Halicarnasse {De Compos.
verb., iO), Démétrius de Phalère {De Eloc, par. 218, 221)
le louent, Photius {Bibl., p. 45, éd. Bekker) en vante
la clarté, la simplicité et l'agrément. Les appréciations sur
sa véracité varient beaucoup plus, elles lui sont même en
majorité défavorables. Chez les anciens, Plutarque {Artax.,
1 et passim), Strabon (XI, p. 508), Aristote {Hist, aniin.,
Vin, 28, p. 606) et d'autres ont vivement critiqué ses
Persiques et ses Indiques ; les modernes n'ont été guère
moins sévères, et le dernier éditeur de Ctésias, (iilmore, s'est
tout particulièrement montré acerbe (Ctésias, the Frag-
ments edited with Introductioîi and notes by J.-E.
Gilmore; Londres, 1888). La sévérité des jugements
portés contre Ctésias s'explique par ce fait que le médecin
d' Artaxercès suit une tradition toute différente de celle
qu'ont suivie les autres historiens anciens, et en par-
ticulier Hérodote, contre lequel est écrit l'ouvrage sur la
Perse (Photius, Bibl.., p. 35); cette sévérité est peut-être
excessive. Ctésias représente en effet une tradition qui
nous serait tout à fait inconnue sans lui : Bérose écrit
d'après des sources sacerdotales, Ctésias d'après des sources
officielles ; Hérodote puise à des sources grecques, Ctésias
à des sources orientales ; par conséquent, de ce seul fait
qu'il rapporte des événements, des traditions que ne con-
naissent pas les autres historiens ou que les autres histo-
riens contestent, il n'en faut pas conclure que Ctésias a
méconnu, ignoré ou falsifié la vérité, il faut seulement voir
dans cette divergence une raison d'examiner plus attenti-
vement les deux traditions ; des recherches récentes ont
montré que pour l'Inde, par exemple, Ctésias avait été
trop facilement calomnié par les anciens et par les mo-
dernes (V. C. Millier, Ctesiœ».. Fragmenta, à la suite
de l'édition d'Hérodote; Paris, 1858, p. 9). S. Dosson,
BiBL. : Fabricius, Bibliotheca, Grœca, t. II, p. 740. —
F. Baehr, Ctesiœ Cnidii operum reliquise; Francfort,
1822. — P.-H. Larguer, trad. franc., t. VI de sa trad.
d'Hérodote; Paris, 1786. — Berger de Xivrey, Traditions
tératologiques ; Paris, 1836. — C. Jacoby, Rfiein. Muséum,
1875, t. XXX, pp. 555 et suiv. — P. Krumbholz, Quœstio-
nés Ctesianœ, dans les Commentationes qidbusO. Ribbec-
kio congratulantur discipidi; Leipzig, 1888, p. 192.
CTÉSIBIUS (d'Alexandrie ou peut-être d'Aspende),
mécanicien grec de la fin du ii® siècle av. J.-C. Il aurait
été le fils d'un barbier et aurait commencé à se faire con-
naître par la construction d'un orgue hydraulique, dont
Vitruve nous a laissé la description et qui fut consacré à
Alexandrie dans le temple de Vénus-Zéphyritès (sous
Ptolémée II Evergète, 170-117 av. J.-C). Vitruve lui
attribue également la construction d'une horloge méca-
nique mue par l'eau et indiquant les heures par un index
mobile sur une colonne ; Philon de Byzance, l'invention
d'une arme de jet comparable au fusil à vent. Enfin son
nom est resté attaché à la pompe foulante-aspirante à deux
corps. Il avait composé des écrits sur la mécanique, en
particulier sur Vhydraulis, nom donné à son orgue, et
d'où vient le terme technique à^ hydraulique, dont l'éty-
molpgie est ordinairement très mal donnée. Il doit égale-
ment avoir traité des machines de guerre et de divers autres
appareils. Mais tous ces écrits sont perdus; ils semblent
avoir été effacés par ceux de son célèbre disciple Héron
— 537
CTESIBIUS — CUBA
d'Alexandrie, qui se trouve d'ailleurs désigné par la tra-
dition des manuscrits sur le nom de Héron de Ctésibios^
ce qui pourrait indiquer la relation de fils à père.
CTÉSICLÈS. Nom porté par deux artistes grecs, un
sculpteur et un peintre : 1^ Ctésiclès, le sculpteur, vivait
au temps d'Alexandre ou de ses premiers successeurs. Il
avait exécuté, pour un temple de Samos, une statue fémi-
nine en marljre, à propos de laquelle Athénée raconte
l'historiette suivante. Un Grec, Kleisophos de Sélymbria,
s'était épris de la statue, et s'était enfermé dans le temple
pour l'approcher de plus près. C'est, on le voit, une
variante de l'histoire tien connue, relative à la Vénus de
Cnide; 2^ Ctésiclès, le peintre, doit sa notoriété à l'injure
qu'il fit à la reine Stratonice. Furieux de n'avoir pas trouvé
auprès d'elle un accueil flatteur, il la représenta dans un
tête-à-tête amoureux avec un pêcheur, que la rumeur
publique lui donnait pour amant. Il exposa le tableau sur
le port d'Ephèse, et s'empressa de s'embarquer pour gagner
le large. La reine se vengea en femme d'esprit. Elle dé-
fendit d'enlever le tableau, affirmant que la ressemblance
des deux portraits était parfaite.
BiBL. : Brunn. Geschiclite dergriech. Kûnstîer, I, p. 424,
11,284.
. CTÉSIPHON (Géogr. anc). (V. Ktésiphon).
CTÉSIPHON, fils de Léosthènes d'Anaphlystos, homme
politique athénien qui, après la bataille de Chéronée, pro-
posa de décerner une couronne d'or à Démosthènes et fut
pour ce fait mis en accusation par Eschine (V. Démos-
thènes, EscHiNE , et la Vie de Démosthènes , par Plu-
tarque, 24).
CUA-BAN6. VilleduTonkin,auS.delaprov. deThanh-
Hoa; pêche delà sardine, des perles, etc.
CUADRA (MétroL). Mesure de superficie en usage dans
l'Uruguay, vaut 86 m. q.
CUAJINIQUILAPA. Ville de la République de Guate-
mala, près du rebord des chaînes qui dominent l'océan
Pacifique et le peu de distance du rio de los Esclavos (Paci-
fique); 5,000 hab.
CUAUHTEMOC, révérentiel CUAUHTEMOTZIN, d'où
la forme corrompue Guatimozin, dernier roi de Mexico et
empereur des Culuas, né vers 1495, mort en 1525. Fils
du roi Auitzotl, il était souverain pontife lorsqu'il fut appelé
au trône à la mort de son cousin Cuitlahuac (1520). Il
épousa la veuve de celui-ci, Isabelle Tecuichpo, qui était
fille de Montezuma II, et pour éviter la compétition d'Axo-
pacatzin, fils de ce monarque, il le fit mettre à mort.
Ayant été l'un des premiers à refuser d'obéir aux ordres
dictés par Cortés à Montezuma captif, contre lequel il
avait même lancé des traits, il se prépara habilement et
vigoureusement à résister aux Espagnols ; mais il ne fut
bien secondé que par les habitants de sa capitale et il eut
même à combattre les Chalcs révoltés. Assiégé par 900 Eu-
ropéens, ayant 80 chevaux, 17 pièces d'artillerie, 12 bri-
gantins, et secondés par 150,000 Tlaxcaltecs et autres
Indiens, il résista 75 jours, repoussant obstinément toute
proposition de paix. A la fin, les Mexicains épuisés par la
famine, la fatigue et la perte de 40,000 des leurs (outre
50,000 morts de la peste), ne purent repousser l'assaut
du 13 août 1521 où périrent encore 15,000 d'entre eux.
Cuauhtemoc fut capturé pendant qu'il essayait de fuir en
barque. Cortés le traita d'abord honorablement ; ensuite,
pour le forcer de révéler où étaient cachés ses trésors, il
lui fit brûler les pieds et les mains; au miUeu des tortures,
le roi de Mexico dit à celui de Tlacopan, son collègue, qui
se plaignait : « Et moi, suis-je donc dans les délices ou
dans un bain ? » Quoi qu'il n'eût rien voulu ou pu déclarer,
il fut replacé sur le trône comme vassal de Charles-Quint,
et il y resta jusqu'à l'expédition du Honduras. Cortés, qui
le gardait comme otage et qui l'avait emmené dans cette
expédition avec les deux autres chefs de la confédération
culua, les fit pendre, sous prétexte de trahison, à Acallan,
dans le Tabasco. Beâuvois,
CUAUHTITLAN (Annales de). Ecrites en nahua vers
1570, commençant par la cosmogonie mexicaine et s'éten-
dant jusqu'en 1519, elles traitent non seulement de la ville
dont elles portent le nom, mais encore de la plupart des
Etats de l'Anahuac. Elles sont fort sèches et le récit ne
prend quelque développement que pour certains épisodes,
mais elles sont précieuses pour la chronologie suivie qu'elles
donnent année par année à partir de 63b. Conservées au
musée de Mexico, dans un ancien manuscrit provenant du
monastère de San-Gregorio, elles ont été interprétées en
espagnol par F.-G. Chimalpopoca (d'où le titre de Codex
chimalpopoca^ que leur donnait l'abbé Brasseur de Bour-
bourg). Cette traduction, accompagnée d'une autre passa-
blement différente par G. Mendoza et F. Sanchez 5olis jus-
qu'en 1428, avec le texte jusqu'à la même date, a été
publiée commo appendice aux Anales del Museo nacional
de Méjico (1879-1884, t. I-III, in-4). Une autre en anglais
par A. -F. Bandelier est annoncée, depuis longtemps, comme
devant paraître dans la collection Brinton. Beauvois.
CUBA. Ile américaine, la plus grande et la plus peuplée
des Antilles, colonie espagnole.
Géographie physique. — Généralités. — Elle est
située dans la mer des Antilles, au N. de la zone tropicale,
entre idHS'W et 23^1 3' lat. N., 76^32' et 87«19' long. 0.
Elle s'allonge donc de l'O. à l'E. sur une longueur de plus
de 1,200 kil., du cap Maysi, sa pointe la plus orientale,
au cap San Antonio, sa pointe la plus occidentale ; la lon-
gueur moyenne de l'Ile est de 1,060 kil.; sa largeur
moyenne est de 110 kil., la plus faible de 38 kil., la plus
grande de 190 kil., sa pointe extrême vers le N., le cap
Ilicacos, vers le S., le cap de la Cruz. Elle est plus large
à ro. qu'à l'E. La superficie de Cuba est de 112,191 kil.q.;
avec ses dépendances, les îlots de la côte et la grande île
des Pins, elle atteint 118,833 kil. q.; d'autres calculs,
adoptés par M. Levasseur, portent cette superficie à
123,510 kil. q. L'île de Cuba est à 230 kil. de la côte de
Floride (dont la sépare le détroit de ce nom) et à 200 kil.
du Yucatan (dont la sépare le détroit de ce nom), les deux
presqu'îles les moins éloignées du continent américain.
Elle est à 145 kil. de l'île de la Jamaïque, à 90 kil. d'Haïti
(dont la sépare le canal du Vent) et à 160 kil. des îles
Bahamas. Les mers qui l'entourent sont généralement pro-
fondes.
Côtes et Iles. — L'île de Cuba, très longue et peu large,
a naturellement un grand développement de côtes ; même
sans tenir compte des baies et des promontoires secon-
daires, on l'évalue à 3,200 kil., dont 1,700 pour la côte
méridionale et 1,500 pour la côte septentrionale. Sur la
plus grande partie de leur tracé, ces côtes sont difficile-
ment abordables ; des récifs coralliaires les entourent d'une
véritable barrière qui s'avance jusqu'à une lieue en mer ;
derrière, la plage est généralement basse et marécageuse.
En beaucoup de points, des baies et des havres, qui forment
d'excellents ports, découpent le littoral; on en compte une
quarantaine, parmi lesquels les principales baies sont celles
de Nipe et Nuevitas au N. ; Guantanamo, Cienfugos ( Jagua)
et Broa, au S., et les plus beaux ports sont ceux de La
Havane, de Matanzas et de Santiago. Un grand nombre
d'îles et d'îlots sont semés le long des côtes cubaines. La
seule grande île est celle des Pins ou Pinos, située à 60 kil.
au S. de la région occidentale de Cuba; elle a 3,145 kil. q.;
parmi les autres, on peut citer: au S., San Felipe, Caya-
mas, le labyrinthe des Cayos de Doze Léguas, Los Jar-
dines del Rey y de la Reyna, archipel composé de cen-
taines d'îles verdoyantes; au N. se développe au large
de la partie centrale de Cuba une longue chaîne d'îles
situées à quelques lieues de la côte ; les principales sont
de l'E. à ro. : CayoRomano, Cayo del Coco, Cayo Fragoso,
Cayo del Seron,Cruz del Padre, etc. ; plus à l'O. sont les
îlots des Colorados et la baie de Gundiana. Ses principaux
caps sont : au S.-E., le cap ou Punta de Maysi; au S.-O.,
le cap de la Cruz ; au N.-O., le cap San Antonio.
Orographie. '— Le relief du sol de Cuba est peu accen-
CUBA
— 538
tué ; la plus grande partie est assez basse, mais ondulée,
la hauteur reste inférieure à 400 m. ; ces ondulations
suffisent pour donner une grande ^fariété au paysage ; vers
le milieu de l'île (entre le N. et le S.), on trouve une
arête qui forme la ligne de partage des eaux ; quelques
collines s'y élèvent assez haut et dépassent 500 m.; la
direction générale de l'arête est de l'E. à l'O. ; dans la
partie occidentale, on l'appelle sierra de los Organos, et
son plus haut sommet est le Pan de Gaijabon (600 m.).
Dans la partie orientale, le relief est beaucoup plus accen-
tué. Vers le 80® degré de long., on trouve un massif cal-
caire (mornes de l'Escambray), creusé de gorges pro-
fondes, où coulent des torrents et dont de belles forêts
tapissent les pentes ; des filons de cuivre et d'argent s'y
rencontrent. A mesure que l'on avance vers l'E., ces mon-
tagnes s'élèvent ; elles se rapprochent de la côte méridio-
nale; au Portrarillo, elles atteignent 4,200 m., puis elles
prennent tout leur relief dans la région orientale, depuis
le cap de la Cruz jusqu'au cap Maysi ; cette chaîne, qu'on
a dénommée sierra del Cobre, a une ait. moyenne de plus
de 1,500 m. ; sa longueur est de 370 kil. ; son point
culminant est le Pico de Tarquino (2,650 m.), le plus
haut sommet de Cuba. Elle plonge presque à pic sur la
mer, du côté du S. ; au N., elle s'abaisse vers la belle
plaine où le Cauto coule à travers les savanes, les prairies,
et, près de la mer, les marécages. Les montagnes sont
formées surtout de gneiss et de terrains éruptifs, granit,
syénite, porphyre ; mais la plus grande partie du sol cu-
bain est un calcaire jaunâtre, de la période jurassique. On
trouve dans Fîle un peu de houille, de l'asphalte, de l'ar-
gile plastique, du plâtre, beaucoup de sel gemme et de
soufre, très peu de fer, très peu d'or (dans les alluvions),
de l'argent aux mornes de l'Escambray ; les eaux miné-
rales ne sont guère exploitées ; la principale source est à
San Diego, au S.-O, de La Havane.
Hydrographie. — H y a très peu de chose à dire de
l'hydrographie cubaine; car, l'île étant très étroite et
allongée, ne peut renfermer de cours d'eau considérables.
Le seul qui soit navigable sur quelque étendue (150 kil.)
est le rio Cauto ^ long de 200 kil. (300 avec les sinuosités),
qui arrose la plaine orientale de la sierra del Cobre à la
baie de Buena Esperanza. Parmi les autres cours d'eau,
dont on compte environ cent cinquante, on peut citer
le rio Saza, les deux rios Sagua, au centre, et le Hati-
guanico qui coule du N. au S., non loin de La Havane, et
débouche dans la baie de Broa.
Climat. — Le climat est celui de la zone tropicale ;
une saison sèche alterne avec une saison pluvieuse. La
température moyenne est, à La Havane, de +25^^ ; à San-
tiago de Cuba, de + 27<* ; dans l'intérieur, elle n'atteint
que 4- 23**; elle ne s'abaisse guère au-dessous de + 21<>
à La Havane, de H- 23° à Santiago, mais descend à -1- 17<^
et même -f-10° dans l'intérieur, au moment le plus froid
en hiver (déc. à févr.) ; en revanche, elle dépasse rarement
+ 29° en été (juil. et août) ; la plus haute température,
observée à La Havane, était de -1-31°; à Santiago, de
+ 32°. La saison chaude, qui est en même temps la saison
pluvieuse, dure du mois de juin au mois d'octobre, et, dans
cette période, le climat de Cuba, et en particuHer de La
Havane, est excessivement malsain ; en revanche, durant
la saison sèche et froide (de nov. à févr.) et durant la
saison tempérée (de mars à mai), le climat est doux et
sain ; comme station hibernale, on peut recommander La
Havane. La chute d'eau est considérable, atteignant jusqu'à
4 m., et, presque partout, au moins 1 m., le double delà
moyenne du territoire français. Les tempêtes sont parfois
terribles, comme dans la zone tropicale. La fièvre jaune est,
depuis un siècle, très fréquente dans les villes de la côte ;
dans les plaines marécageuses du Sud-Ouest et dans les sa-
vanes, les fièvres paludéennes font de nombreuses victimes.
Flore et Faune. ~ La flore naturelle est très riche et la
végétation exubérante. Bien que la plus grande partie du
sol soit encore actuellement en friche, les forêts qui le
couvraient jadis ont été décimées ; il en subsiste encore de
très vastes dans les zones montagneuses. On y trouve des
conifères, des cèdres, des pins de grande taille utilisés pour
les constructions maritimes ; en outre de l'acajou, du bois
d'ébène, du bois de fer; VUrceola elastica donne du
caoutchouc. Comme dans les forêts tropicales, les lianes
sont très développées, au point d'en rendre l'accès presque
impossible, et les orchidées pullulent sur la terre. Dans les
fonds sont plusieurs espèces de palmiers. Dans les champs
on cultive, outre la canne à sucre et le tabac, le coton, le
cacao, le café, l'indigo et autres plantes tropicales, et, de
plus, celles de l'Europe méridionale, maïs, riz, etc. — La faune
est moins riche que la flore ; surtout pour les mammifères ;
le chien européen, redevenu sauvage, a expulsé le chien
indigène (qui n'aboie pas) ; les animaux domestiques et
même le gibier d'Europe ont été acclimatés ; on remarque
encore deux espèces d'agoutis (Dasyproeta)^ une vingtaine
de chauve-souris, le lamantin, un didelphe, le philander
{Didelphys dorsigera L.). Les oiseaux sont nombreux et
variés, coHbris, perroquets, etc. ; il n'y a pas de serpents
venimeux ; mais cinq espèces inofîènsives ; beaucoup de
tortues pesant jusqu'à lOkilogr. ; beaucoup de poissons ; les
crabes et les crustacés en général pullulent ; les insectes
sont innombrables ; beaucoup sont gênants, fourmis, scor-
pions, moustiques, cancrelats, etc.
Ethnographie. — L'ethnographie cubaine comprend des
représentants des races rouge, blanche, noire et jaune. Au
moment de la découverte de l'Amérique, la population indi-
gène de Cuba était assez nombreuse ; les évaluations varient,
quelques-uns portent à un million le chiflre des Peaux-
Rouges; on admet qu'il y en avait environ 200,000 ; on
les appelait Aravacos ; c'était une population douce qui
craignait fort les Caraïbes. Elle dépérit rapidement massa-
crée par les Espagnols ou usée par les labeurs que lui impo-
saient les conquérants ; en 1517, on ne comptait plus que
14,000 Indiens mâles ; en 1533, presque aucun ; le gou-
vernement très dur de Hernando de Soto éteignit la race
dont les derniers échantillons furent déportés en Espagne.
Toutefois, les conquérants avaient gardé beaucoup de femmes
aborigènes. Il y a donc encore nombre de Cubains dans les
veines desquels coule le sang des Indiens. Le type s'est
conservé dans les montagnes de la région orientale, vers
Caney et Tiguabo.
La population actuelle de Cuba descend surtout des blancs
immigrés d'Europe depuis 1511 et des nègres importés
d'Afrique depuis 1524. La race blanche a la prépondérance
numérique puisqu'elle compte environ les deux tiers des
Cubains. On y distingue d'abord les Espagnols (977,992)
et les étrangers (10,632) ; parmi les Espagnols, les créoles
et les Espagnols continentaux auxquels sont attribués
presque toutes les fonctions, au grand mécontentement des
créoles. Parmi les créoles qui l'emportent infiniment pour
le nombre, on peut encore retrouver les groupes ethniques
différents, les Castillans et les Canariotes forment le noyau
principal; il y a beaucoup de fils de Catalans ; à l'O., on
compte beaucoup de descendants des GaUciens et des Bas-
ques ; à l'E. , les Français émigrés d'Haïti lors de l'insur-
rection, ont peuplé Santiago de Cuba, Guantanamo et les
districts du voisinage ; à Matanzas se sont implantés des
Anglo- Américains. Les nègres sont très nombreux ; on dis-
tingue les nègres proprement dits, ou morenos et les mu-
lâtres ou par dos ; le total général est de 489,249 hommes
de couleur (en 1882). Les noirs importés d'Afrique ont
été amenés de toutes les parties de ce continent ; ils ne
forment donc pas un groupe ethnique homogène ; les enfants
de ces nègres bruts ou bozales se croisent entre eux et
forment par leur mélange une population de noirs cubains
qu'on appelle les ladinos. Ce sont les plus nombreux des
hommes de couleur. Les mulâtres le sont moins ; mais leur
coefficient augmente et il y a tout lieu de croire que les
statistiques omcielles classent parmi les blancs purs bien
des gens qui ont un peu de sang noir dans les veines ;
moins pourtant qu'on n'a pu le dire, car la grande impor-
tation des nègres à Cuba est de date récente. Il n'y avait
que 44,333 esclaves noirs dans l'île en 4774 ; en 1844,
elle en possédait 436,495, neuf fois plus. C'est avec le
Brésil la dernière terre américaine où l'esclavage ait été
aboli (V. Abolition). Cet événement ne remonte qu'à 1880.
Nous en parlerons à propos de l'histoire (V. ci-dessous) ;
rappelons seulement les faits essentiels. En 4872, on dé-
cida que les enfants des esclaves seraient libres ; en 4879,
on décréta la libération des esclaves dans un délai de huit
années ; ils ne formaient plus que le tiers des hommes de
couleur; en mai 4880, fut décrétée l'abolition totale de
l'esclavage. La condition des esclaves réglée par les Leyes
de las Indias était beaucoup moins dure qu'aux Etats-Unis;
tout esclave pouvait se racheter pour 2,500 fr. ; une mère
esclave pouvait libérer son fils en versant 450 fr. ; ces
dispositions étaient réellement appliquées, car de 1844 à
4869 le nombre des esclaves diminua de 57,000 (de
436,495 à 376,553), tandis que celui des gens de couleur
s'accroissait de 43,000 (de 589,300 à 602,396). Ainsi
que dans les autres Antilles, l'affranchissement des esclaves
a été désastreux au point de vue économique ; ils ont autant
qu'ils le pouvaient cessé de travailler. 11 a donc fallu sup-
pléer à leur paresse par l'introduction d'un nouvel élément,
les coolies. A partir de 4847, on commença d'introduire à
Cuba des travailleurs chinois; on comptait en 4882
43,814 Asiatiques.
Géographie politique.— Cuba est une colonie espagnole
(V. Colonisation, t. XI, p. 4 085). La population totale était
évaluée en 4882 à 4,524,684 hab., dont seulement
674,464 femmes, contre 850,250 hommes, proportion tout
à fait anormale. La densité est faible, 42 à i3 hab. par
kil. q. On distingue dans l'Ile quatre régions naturelles
et historiques lesquelles sont, en allant de l'O. à l'E. : la
Vuelta de A5ajo ou Terre Basse, entre le cap San An-
tonio et la Havane ; la Vuelta de Arriho ou Terre
d'Amont, de la Havane à Cienfuegos ; les Ci7ico Villas,
district central compris entre Cienfuegos et Santo Espiritu;
la Tierra d'Adentro ou Terre de l'Intérieur à l'E. de
l'île, entre Santo Espiritu et le cap Maysi. — Au point de
vue politique, Cuba forme avec les petites îles qui en dé-
pendent une capitainerie générale à laquelle est préposé
un gouverneur capitaine général au-dessous duquel sont
un second chef, un général de division commandant gé-
néral de la Havane, les chefs de service d'état-major et de
la commission topographique. Les deux vieilles divisions
administratives sont le département Occidental , ch.-l.
La Havane, qui comprend les trois premières divisions na-
turelles énumérées ci-dessus et les trois quarts de la po-
pulation insulaire ; le département Oriental ou de
Santiago qui correspondait à la Tierra d'Adentro. Le pre-
mier comprenait dix cités épiscopales (ciudades) et huit
autres villes (villas) ; le second seulement cinq cités épis-
copales et deux villas (Puerto Principe, Fernando de
Nuevitas, Bayamo, Holguin, Baracoa, — Manzanillo,
Jiguani). Plus récemment, l'île a été subdivisée en six pro-
vinces ou départements à la tête de chacun desquels est
placé un gouverneur qui communique directement avec le
capitaine général de l'île. Nous donnons la liste de ces
départements en 4878:
La Havane 435 896 hab.
Matanzas 283.424
Pinar del Rio 482.204
Puerto Principe 69 . 245
Santa Clara.. 324.397
Santiago de Cuba 229 . 824
Les subdivisions plus petites sont les tenencias et les
partidos ou districts.
Voici quelles étaient, lors du recensement du 31 déc. 4 887 ,
les villes de plus de 20,000 âmes.
La Havane 498.724
Matanzas 87.760
Santiago de Cuba 74 . 307
Cienfuegos 65.067
— 539 - CUBA
Puerto Principe 46 . 641
Holguin 34.767
Santo Espiritu 32.608
Guanabacoa 29.789
Trinidad 27.654
Manzanillo.-. 23.208
Santa Clara 27.784
Pinar del Rio „ . . 24 . 870
Colon 20.39'8
Outre les villes, 43 cuidades et 12 villas, la popula-
tion est répartie dans les villages [pueblos), hameaux
(aldeas)^ fermes (caserias) et dans les plantations. Elle a
triplé depuis le début du siècle.
Au point de vue de la marine, Cuba ressortit à la capi-
tainerie générale de La Havane, de laquelle dépendent les
arsenaux de Cienfuegos, La Havane, Nuevitas, Remedios,
Sagua, Santiago de Cuba et Trinidad.
L'effectif des troupes espagnoles est considérable à Cuba.
Vinfanterie comprend 6 régiments de ligne de 2 batail-
lons à 57 officiers et 4,500 hommes ;' 4 bataillons de
chasseurs à 30 officiers et 730 hommes ; 4 brigade disci-
plinaire de 2 compagnies comprenant 45 officiers et
365 hommes ; 4 bataillon de troupes de sûreté comprenant
6 compagnies, 20 officiers, 100 hommes ; 9 compagnies de
guerrillas (à 50 hommes et 3Q chevaux) comprenant envi-
ron 500 officiers et i ,400 hommes ; soit un total de
4,007 officiers et 26,685 hommes d'infanterie auxquels il
faut ajouter encore 4 bataillon de mihciens blancs et 4 ba-
taillon de miliciens de couleur. — La cavalerie comprend
3 régiments de ligne, 4 régiment de volontaires et 2 esca-
drons de miliciens. — L'artillerie comprend 4 bataillon
d'artillerie à pied, 4 batterie de montagne (6 canons) et
4 compagnie d'ouvriers (402 hommes). Le génie, 4 batail-
lon de 4 compagnies. — Il faut encore nommer 4 corps
d'ouvriers d'administration, la brigade de santé et la garde
civile. — hdimarine compte 3 croiseurs de seconde classe,
44 canonnières et 4 barcasses à vapeur portant un équipage
de 4,233 marins et 499 soldats de la marine.
Au point de vue ecclésiastique le chef est l'archevêque
catholique de Baracoa ; des évêchés sont à La Havane,
Pinar del Rio, Santiago de las Vegas, Bejucal, Santa Ma-
ria del Rosario, Jaruco, Matanzas, Santa Clara, Santo
Espiritu, Trinidad, Puerto Principe, Fernando de Nuevitas,
Bayamo et Holguin. Jusqu'en 1 869 l'Eglise catholique ro-
maine était Eglise officielle. A cette date ses biens furent
confisqués, les prêtres devinrent des fonctionnaires et la
liberté des cultes fut étaWie. — L'instruction puMique,
autrefois confiée au clergé, a été tout à fait négligée par lui,
la grande majorité de la population ne sait ni lire ni écrire.
En 1882, il n'y avait pas 35,000 enfants dans les écoles.
L'enseignement secondaire et supérieur existe à La Havane
qui possède une université.
Voici quel est d'après le budget de 1890-94 le montant
des ressources et des charges financières de Cuba. L'éva-
luation est laite en pesos (de cinq francs) :
RECETTES
Contributions directes et indirectes 6 . 791 . 600
Douanes 40.903.000
Timbre 2.306.750
Loterie 2.569.500
Domaine 430.750
Produits éventuels 574 . 500
Total 23.273.400
DÉPENSES
Dette publique 9.868.898
Justice 734.467
Guerre , 5.724.744
Marine 4 .385.507
Finances 714.255
Intérieur 3 . 614 .405
Travaux publics 838.496
Total 22.880.439
CUBA
540
La dette publique était évaluée en 1889 par le consul
anglais à 186 millions de pesos.
On trouvera un complément de détails sur la situation poli-
tique de nie à la fin du paragraphe consacré à son histoire.
Géographie économique. — Mines. — Ainsi qu'il a
été dit plus haut, les richesses minières de Cuba sont mé-
diocres. Leur exploitation ne fournit pas grand'chose ; les
mines de cuivre, exploitées depuis 4599, donnent annuel-
lement i5 à 20,000 tonnes de minerai que l'on exporte en
Angleterre. Celles de houille sont peu considérables. Les
carrières d'ardoise, de marbre, etc., sont néghgées.
Agriculture. — La grande richesse de Cuba est l'agri-
culture, bien que 9,900 kil. q. seulement soient mis en cul-
ture (plus 3,000 kil. q. de prairies) ; c'est, comme les autres
Antilles, et sur le modèle de l'ancienne grande colonie fran-
çaise de Saint-Domingue, une colonie de plantations. L'in-
dustrie agricole s'y est développée dans les principaux éta-
blissements, et le nombre des plantations tend à décroître.
A l'époque de leur plus grande extension, on comptait dans
l'île environ 3,300 grands établissements agricoles {hacien-
das de crienza), 1,400 plantations de canne à sucre,
1,000 de café, 9,500 de tabac (vegas), 5,800 d'élevage
de bétail (potreros)^ et environ 22,000 propriétés rurales
consacrées à d'autres cultures. Ces chiffres ont diminué sen-
siblement. Dans les savanes et prairies naturelles de l'in-
térieur, le bétail est nombreux et l'élevage lucratif. On éva-
lue le nombre des chevaux à 185,175, celui des mulets et
des ânes à 20,284, celui des bœufs à 916,131, celui des
moutons à 60,360 seulement, et celui des porcs à 324,639 ;
les abeilles sont également très nombreuses. Les cultures
alimentaires sont le maïs qui fournit deux récoltes par an,
et le riz. Les plus importantes sont de beaucoup celles du
sucre et du tabac qui sont doublées d'une puissante indus-
trie agricole. La valeur totale de la production varie de un
milliard 1/2 à 2 milliards, dont moitié pour la production
agricole brute, et moitié pour le travail industriel. L'article
le plus important est toujours le sucre, dont la plus grande
parlie est exportée. La production totale était en 1768 de
12,540 tonnes de sucre ; en 1846, elle s'élevait à 203,785
tonnes de sucre et 154,805 tonnes de mélasse; en 1868,
elle atteignait 695,000 tonnes de sucre et 266,510 de mé-
lasse; en 1875, les chiffres sont : 718,000 tonnes de sucre
et 118,518 de mélasse; mais en 1883, ils s'abaissent à
460,000 tonnes de sucre et 98,000 tonnes démêlasse; la
crise due à l'abolition de l'esclavage et aux impôts énormes
(droit d'exportation de 50 pesos par tonne) a été heureuse-
ment surmontée, et en 1886 la production a de nouveau
dépassé 700,000 tonnes de sucre. Il y faut ajouter une
production annuelle d'environ 15,000 pipes de rhum. Nous
compléterons ces renseignements pour le sucre et les
autres denrées quand il sera parlé de l'exportation. La pro-
duction du tabac est stationnaire, approchant de 200,000
balles. Le meilleur est celui de la région occidentale, la
Vuelta de Abajo. On fabrique dans l'île environ 1 ,800 mil-
lions de cigares, et, fait curieux, la production est plutôt
inférieure à la consommation locale ; outre le tabac cubain,
on emploie à la confection des cigares beaucoup de tabac
importé du Honduras et des pays voisins ; 200 millions de
cigares environ sont exportés, les 1,600 autres millions
sont fumés sur place. La production du café est évaluée à
70,000 arrobes de 25 livres; celle du miel à 36,000 ton-
neaux ; celle de la cire à 20,000 arrobes. Viennent ensuite
celles du cacao, du coton, du sagou, de l'indigo, de l'huile
de palme, des }3ananes, etc. ; le manque de bras est le
principal obstacle au développement de la production agri-
cole de Cuba qui pourrait être développée énormément.
Commerce. — Le commerce intérieur de Cuba se fait soit
par les côtes dont la grande étendue et la proximité de tous
les points de cette île sans grande largeur, favorisent le
cabotage ; il se fait aussi par les roules de terre ; celles-ci
existaient à peine jusqu'il y a trois quarts de siècle ; on ne
pourrait guère citer que le camino central^^ voie centrale
de l'île de la Havane à Santiago de Cuba. Mais aujourd'hui
l'île possède un beau réseau de chemins de fer. Dès 1834,
on en a commencé la construction ; elle a été très active-
ment poussée dans la période 1875-1890. On a d'abord
construit dans la région occidentale, plus plane : la pre-
mière voie ferrée fut celle de La Havane à la Guïnes et de
là à La Union reliant le littoral septentrional au littoral
méridional; la seconde grande artère fut celle de La Havane
à Santa Clara avec embranchements sur Matanzas, Carde-
nas, Cienfuegos, etc. ; il n'y avait en 1875 que 640 kil.
exploités; en 1886, on en' comptait 1,500, plus 250 en
construction. Il est vrai qu'il n'y a pas encore de bonnes
routes carrossables, seulement des chemins et sentiers
d'exploitation ; même les chemins de fer sont pour la plupart
des lignes isolées allant d'un port vers l'intérieur, et la
partie' orientale en est encore assez dénuée et n'est pas
reUée à la capitale. Le réseau télégraphique intérieur est
d'environ 5,000 kil. Le développement du commerce de
Cuba intérieur comme extérieur date de 1818, époque à
laquelle on permit aux étrangers d'y prendre part. Le com-
merce extérieur a été gêné par les taxes douanières impo-
sées à l'exportation ; abolies en 1866, elles ont été rétablies.
L'exploitation économique de la colonie par la métropole
est une cause essentielle de son mécontentement; nous y
reviendrons plus bas. Le commerce extérieur est par défi-
nition maritime ; il se fait principalement par le port de La
Havane qui en absorbe les cinq huitièmes ; les autres ports
sont Matanzas, Cardenas, Saguna, Caïbarien (port de
Remédies), Nuevitas, Jibara (port d'Holguin), Baracoa,
Guantanamo, Santiago de Cuba, Manzanillo,Casilda, Jagua
(port de Cienfuegos), etc., un des meilleurs de l'univers,
Rio Safa, etc. Le mouvement total est de 5,000 navires,
jaugeant plus de 4 millions de tonnes ; la valeur totale de
l'exportation approche de 400 millions ; elle est à peu près
balancée par celle des importations. Le tiers des navires
sont sous pavillon espagnol (37 «/o) ; 28 à 30 °/o sous
pavillon anglais ; 20 à 25 «/^ sous pavillon nord-américain ;
4 à 5 ^/o environ sous pavillon français ; un peu moins
sous pavillon allemand. La moitié du commerce se fait avec
les Etats-Unis, le quart avec l'Espagne. Le principal article
d'exportation est le sucre ; il en a été exporté en tonnes
des milliers de kilogrammes; en 1870, 873,000; en 1879,
624,000; en 1880, 460,000; en 1882, 537,000; en
1883, 408,000; en 1886, 669,000. Les 4/5 et parfois
95 ^/o sont exportés aux Etats-Unis ; le sucre est exporté
en caisses, sacs et barils ; la mélasse (aux Etats-Unis) en
barils ; le miel en barils dits tercerols ; le rhum en pipes
de 125 gallons. On trouvera au mot La Havane des
détails complémentaires sur le commerce de ce grand port.
La cire, et surtout le tabac en feuilles ou en cigares,
s'exporte principalement par là (vers les Etats-Unis, l'Es-
pagne, etc.) ; l'exportation du café a cessé depuis l'insur-
rection ; celle des autres produits est toujours demeurée
accessoire. Les importations portent d'abord sur les den-
rées alimentaires : charqui (viande desséchée) de l'Amé-
rique du Sud ; poisson salé des Etats-Unis et d'Europe ;
farine d'Espagne et des Etats-Unis ; huile d'olive d'Espagne ;
puis viennent les combustibles, houille d'Angleterre et des
Etats-Unis, pétrole des Etats-Unis ; enfin, tous les produits
manufacturés qui sont importés d'Europe. Des lignes régu-
lières de paquebots rehaut La Havane (V. ce nom) à la
France (Mexique et Antilles), à l'Allemagne (Brème-Rot-
terdam et la Nouvelle-Orléans; Hambourg-Mexique); à
l'Angleterre (Liverpool et Southampton), à l'Espagne
(Cadix, Canaries), aux principaux ports des Etats-Unis.
Histoire. — L'île de Cuba fut découverte le 28 oct.
1492 par Christophe Colomb qui lui donna le nom^ de
Juana ; plus tard Velasquez l'appela Ferdinanda, mais le
nom de Cuba que lui donnaient les indigènes a prévalu.
Colomb l'explora plus complètement dans son second
voyage, mais conserva toujours l'illusion que c'était une
pakfe du continent ; même son voyage de 1502 ne la dis-
sipa pas (V. Colombo, t. XI, p. 1046). La vraie nature de
l'île, que l'on délaissait pour Haïti, ne fut connue qu'en
— Ui —
CUBA
1508 par Sébastian Ocampo, lequel fut chargé par le gou-
verneur Nicolas Ovando d'une exploration et fit la circum-
navigation de Cuba. On décida alors de la coloniser et en
1511 partit à cet effet de Haïti ou Hispaniola une expédi-
tion commandée par Diego Velasquez. Il aborda à Santiago
avec trois cents hommes montés sur quatre navires ; après
une courte résistance opposée par le cacique Hatoney qu'il
fit brûler vif, Velasquez s'empara de Cuba ; il y fonda les
plus anciennes villes de l'île : en 1512, Nuestra Sefiora de
la Ascencion qui devint Baracoa, puis Bayamo, Trinidad,
Santo Espiritu, Puerto Principe, Santiago de Cuba, enfin
San Cristobal ; le lieu du massacre de trente Espagnols reçut
le nom de Matanzas, Velasquez avait pour chapelain le
fameux Las Casas qui défendait les indigènes. Sous le gou-
vernement de Velasquez (mort le 1^^ déc. 1524) la colonie
prospéra ; elle servit de point de départ pour la conquête
du Mexique (V. ce nom et Cortès). Après cette conquête et
l'exploration de la Floride, le p^rt du Nord-Ouest, San Cris-
tobal, qui devint La Havane, se développa beaucoup. Détruit
par les corsaires français en 1538, il fut reconstruit par le
gouverneur Hernando de Soto ; ce dernier opprima terrible-
ment les Indiens dont il fut l'exterminateur. En 1560, ils
avaient disparu. La situation plus favorable de La Havane
notamment pour résister aux attaques des corsaires, décida
les Espagnols à y transporter le centre de leur domination
dans l'île qu'ils avaient d'abord établi à Santiago. L'admi-
rable situation de la nouvelle capitale sauva Cuba du sort
des autres Antilles délaissées par les Espagnols et relevées
seulement à la fin du xvn^ siècle quand les Français puis
les Anglais s'y installèrent. La Havane fut fortifiée en
1584 et devint en 1633 le siège d'un gouvernement sé-
paré. Pendant tout le courant du xvii^ siècle, Cuba eut à
souffrir des incursions et pillages des flibustiers. En 1604,
le capitaine Gilbert Giran, à la tête d'une bande de deux
cents hommes, la saccagea; en 1522, des Anglais occu-
pèrent le fort Morro de Santiago ; en 1679, les Français
dirigés par Franquesnoi assaillirent la région orientale;
en 1688, Puerto del Principe avait été pillé par Morgan.
Seule La Havane repoussait les attaques ; en 1542, elle
avait été brûlée ; mais en 15441e Français Boas; en 1585,
l'Anglais Drake; en 1622, 1623 et 1638, les Anglais y
échouèrent.
Au XVIII® siècle commença le développement des planta-
tions ; à l'élevage du bétail on joignit la culture du tabac ;
le gouvernement s'en étant réservé le monopole, en 1717
plusieurs insurrections éclatèrent qui furent comprimées.
Une immense contrebande se développa surtout avec la
Jamaïque et le monopole fut affermé à des marchands de
Cadix. A la fin de la guerre de Sept ans, les Anglais qui
venaient de conquérir la Martinique dirigèrent une grande
expédition contre Cuba; en 1762, quarante-quatre navires
apportèrent devant La Havane 15,000 hommes de troupes
de débarquement commandés par l'amiral Pococke et
Albemarle. Le gouverneur, Juan de Prado de Porto Car-
rero, se défendit un mois, puis capitula le 13 août 1762.
Les Anglais, maîtres de la moitié occidentale de Cuba, y
proclamèrent la liberté du commerce. Dès l'année suivante
ils révacuèrent, ayant obtenu la Floride en échange. Les
Espagnols se virent obligés, en 1765, d'accorder à Cuba la
liberté du commerce avec l'Espagne. Ce fut le point de
départ de la fortune de la colonie et de sa capitale, La
Havane. Les plantations prirent un grand essor et La
Havane devint le grand marché d'esclaves de l'Amérique
espagnole à partir de 1773. En 1777, Cuba forma une ca-
pitainerie générale particulière. Après la guerre de l'indé-
pendance américaine, on concéda à La Havane et Santiago
le droit de trafiquer avec l'étranger ; en 1790, le commerce
des esclaves fut déclaré libre. Cuba profita également d'une
manière indirecte de la Révolution française. Un grand
nombre de planteurs français de Saint-Domingue s'y trans-
portèrent et la firent profiter de leur expérience, même de
leurs capitaux ; la culture du café fut introduite alors.
JL' audience espagnole (tribunal suprême) des Antilles fut
transférée de San Domingo à Puerto Principe (1797). Les
révoltes de nègres furent comprimées; en 1812, eut lieu
celle dirigée par Aponte; plus tard, en 1844, une autre
éclata à Matanzas, une troisième éclata en 1848, lorsque
la République française eut affranchi les nègres des An-
tilles françaises. La domination espagnole n'était pas seu-
lement menacée par les noirs. Les créoles à Cuba comme
dans les autres colonies espagnoles rêvaient l'autonomie.
Toutefois de bons gouverneurs comme le marquis de La
Torre (1771-1777) et le général Las Casas (1790-1796)
prévenaient le mécontentement; en 1816, le monopole du
tabac fut abandonné; en 1818, la hberté du commerce
concédée aux Cubains. L'île avait des députés aux Cortès
de 1812 à 1820. Aussi cette colonie demeura-t-elle fidèle ;
en 1823, 1826, des conspirations échouèrent; de même en
1828 celle dirigée par la société de l'Aigle noire. La situa-
tion se compliqua lors de la révolution libérale de 1836;
le général Tacon qui la gouvernait fut hostile aux libé-
raux et réussit à empêcher l'admission de députés cubains
au parlement espagnol ; on promit à l'île une constitution
spéciale. La promesse ne fut pas tenue et les créoles de-
vinrent de plus en plus mécontents. Les difficultés créées
par cet antagonisme très marqué sous le gouvernement
oppressif d'O Donnell (1844) s'aggravaient de difficultés
internationales. L'Angleterre, qui avait résolu d'abolir la
traite des nègres (V. Esclavage) tenait à ce que les colo-
nies espagnoles ne fissent pas exception, le maintien de
l'esclavage et du recrutement des esclaves africains leur
donnant un grand avantage dans la concurrence. Un traité
conclu en 1817 entre l'Angleterre et l'Espagne fixa au
3 mai 1820 l'abolition de la traite ; l'Espagne recevait
une indemnité de 10 millions de. francs. L'Angleterre versa
l'argent, le gouvernement espagnol défendit la traite, mais
favorisa la contrebande. Les protestations multipliées de
l'Angleterre, qui profitait de ces incidents pour intervenir
dans les affaires cubaines, donnèrent l'éveil aux Etats-Unis.
Ceux-ci convoitèrent également la « perle des Antilles ».
En 1825, ils refusèrent la demande des Espagnols qui leur
offraient des avantages commerciaux si la république vou-
lait leur garantir la possession de Cuba. Ils se montraient
plutôt disposés à s'entendre avec les créoles. Ces velléités
étaient très marquées chez les Etats esclavagistes de
l'Union américaine; au contraire ceux du Nord étaient peu
favorables. Au milieu du siècle quand dominaient les dé-
mocrates (V. Etats-Unis), on put croire imminente l'an-
nexion de Cuba à la grande République.
En 1845, on proposa au Sénat de Washington l'achat de
l'île ; en 1846, il se forma une compagnie américaine qui
voulut réunir un milliard (200 millions de dollars) pour
acheter Cuba à l'Espagne ; un corps franc de quinze cents
hommes réuni à Bound Island sous les ordres du colonel
Wliite allait partir pour Cuba quand le gouvernement amé-
ricain s'y opposa au nom du droit des gens. Il se formait
à New-York une Junta promovedera de los intereses po-
liticos de Cuba qui pouvait compter sur les sympathies
de la presse américaine. A la tète était le général Narciso
Lopez (V. ce nom). Vénézuélien qui avait combattu Bolivar,
puis les carlistes, été nommé gouverneur de Trinidad, grâce
à Espartero ; destitué, il complota à Cuba et fut obligé de
se réfugier aux Etats-Unis (1847). C'était un autonomiste
plutôt qu'un annexionniste. En 1850, il tenta une expé-
dition ; débarqué à Cardenas avec six cents hommes le
19 mai, il fut obligé de s'enfuir ; traduit en justice à Sa-
varmah (Géorgie), puis à la Nouvelle-Orîéans et deux fois
acquitté, il revint avec l'Américain Crittenden et le Hongrois
Tragay ; débarqué près de Bahia Honda, le il août, il fut
écrasé par des forces décuples, pris et exécuté à La Havane,
le 31 août ; le colonel Crittenden avait également été fusillé
ainsi que les chefs locaux Aguero et Armentero ; deux cents
Cubains furent exilés par ordre du gouverneur, le général
Concha. Malgré ces succès, les Espagnols inquiets deman-
dèrent aux Etats-Unis, à la France et à l'Angleterre, de leur
garantir la possession de Cuba (1852) ; nouveau refus. Le
CUBA — CUBAGE
54â-"
capitaine général Penezuela inaugura alors une politique
nouvelle et chercha à s'appuyer sur les nègres qu'il fayorisa,
décrétant le 1^^ janv. 1854 une émancipation partielle. On
l'accusa d'africaniser le pays, et le mécontentement gagna
les classes riches qui devinrent favorables à l'annexion aux
Etats-Unis. L'énergique Concha fut chargé en 4854 de
comprimer le mouvement : il arrêta les chefs dans les
villes, créa des bataillons noirs, déporta une centaine de
Cubains, intimida les Américains ; ceux-ci, d'abord exaspéiés
par (la saisie de leur navire Black Warrior (pour con-
trebande), et l'incarcération de leurs nationaux, se lais-
sèrent arrêter par l'habileté diplomatique et l'énergie de
Concha, lequel fut récompensé de ses services par le titre
de marquis de La Havane. Cependant, le président Bucha-
nan était élu aux Etats-Unis ; il avait jadis signé à Ostende
(oct. 4854) la déclaration des délégués américains Soulé
et Mahon, d'après laquelle le versement à l'Espagne d'une
indemnité de 200 millions de dollars donnerait aux Etats-
Unis le droit d'occuper Cuba. Cependant Buchanan ne fit
rien ; Concha, un moment remplacé par le général Ler-
sundi (1857), revint à son poste en 4858. Le projet d'an-
nexion aux Etats-Unis était abandonné.
Dans la période suivante, le mécontentement des Cubains
a persisté ; ils se plaignaient des abus administratifs, de
l'arbitraire et de la vénalité des fonctionnaires envoyés du
continent, du poids des impôts et du régime économique
imposé uniquement au profit de la métropole, la dîme qui
écrasait l'agriculture, l'alcabala, impôt' de 6 °/o (majoré
fortement ensuite), sur les transactions immobilières et les
ventes d'esclaves, les droits imposés à l'exportation ; ils
réclamaient les libertés civiles et politiques accordées à la
plupart des peuples européens (liberté de la presse, péti-
tion, accès aux emplois pubhcs, hberté commerciale, repré-
sentation aux Certes espagnols, junte provinciale, etc.) ; de
plus, l'abolition de l'esclavage, réclamée surtout par les
hommes de couleur, l'était aussi par les créoles qui pro-
posaient des mesures graduelles très pratiques. En 4866,
une commission convoquée par la reine Isabelle présenta
ces réclamations. Le gouvernement de Madrid n'en tint
aucun compte; en 4868, les impôts directs furent élevés
à 40 ^lo ; les réformistes furent persécutés. Aussi, une
insurrection éclata à Cuba. Cespedes et Aguilera en don-
nèrent le signal à Yara, près de Bayamo, et le marquis de
Santa Lucia, à Puerto Principe, s'y raUia (oct. 4868). Les
insurgés faisaient une guerre de partisans ; maîtres de la
partie orientale de l'île, après la prise de Bayamo, ils
appelaient les nègres à la liberté, promettant une indem-
nité aux possesseurs d'esclaves. Les Espagnols agirent avec
une énergie sauvage ; le général Dulce confisqua les biens
des insurgés ; on décida de passer par les armes quiconque
serait rencontré hors de son habitation. Le général espa-
gnol Balmaceda fut battu près de Nuevitas (25 nov.), le
colonel Alvear en décembre, mais Bayamo fut repris. Le
gouvernement républicain, formé par "le marquis de Santa
Lucia, Cisneros Betancourt, et les deux Agramonte, opérait
à part du capitaine général insurrectionnel Cespedes, mais
d'accord avec lui. Les insurgés étaient inférieurs en forces,
mais ils tenaient toute lu campagne, bloquant leurs enne-
mis dans les villes, les décimant par une guerre d'escar-
mouches, tandis que la fièvre jaune les ravageait. Les
opérations étaient conduites surtout par Quesada ; il obtint
de tels succès qu'en févr. 4869 le gouverneur espagnol
Dulce offrit une amnistie et des concessions sur les princi-
paux griefs (les hbéraux étant maîtres de l'Espagne) ; on
refusa, les Cubains voulaient l'indépendance. Le district des
Cinco Villas s'insurgea et son chef mihtaire, le Polonais
Kulov, battit constamment les Espagnols ; le gouvernement
républicain du district central abolit l'esclavage. Le40avr.
4869 fut réunie une convention nationale des députés du
centre et de l'est de Cuba à Guaimaro ; elle vota une cons-
titution, partagea la république en quatre Etats, nomma
Cespedes président et Manuel Quesada général en chef.
Des secours arrivèrent des Etats-Unis. Jordan, successeur
de Quesada, battit les Espagnols à Guaimaro le 4^^ Janv.
1870* Les renforts envoyés d'Espagne étaient victimes de
la fièvre jaune ; les légions de volontaires formées pour
renforcer l'armée de ligne étaient absolument indiscipli-
née^s, emprisonnant et expulsant le gouverneur Dulce (juin
4870). On s'explique ainsi que des forces évaluées à
440,000 hommes (40,000 de ligne et 70,000 volontaires)
n'aient pu venir à bout de 25,000 insurgés. Les gouver-
neurs Caballero de Rodas (1870), Balmaceda (déc. 4870),
malgré leur terrorisme; Ceballos (1872), Pieltain (4873)
demeurèrent impuissants; ce dernier proposa la paix à
Cespedes, qui la refusa, les indépendants de Cuba ne vou-
lant pas rester sujets espagnols, quelles que fussent les
conditions. En nov. 4873, le général Jovellar fut nommé
gouverneur et en décembre Cisneros succéda à Cespedes
comme président. Il fut pris et fusillé en févr. 4874, L'as-
pect des choses changea. Jovellar était un homme éner-
gique et capable ; l'ouest de File restait fidèle ; il déclara
Cuba en état de siège, incorpora dans la milice tous les
hommes valides et en employa le dixième contre les in-
surgés. L'opposition provoquée par ses mesures le fit rap-
peler et on le remplaça par José de la Concha qui connais-
sait l'île et était aimé des planteurs. Celui-ci battit les
insurgés à Yarayaba (sept. 4874). Mais la guerre car-
liste paralysait l'Espagne ; elle avait dépensé, de 4869 à
1874, 300 millions; sur les 80,000 soldats envoyés à
Cuba d'oct. 1868 à 1874, il n'en restait que 12,000.
Cependant, l'insurrection était impuissante à conquérir la
région occidentale de l'île, la plus riche et la plus peuplée.
Les Etats-Unis avaient, à plusieurs reprises, proposé leurs
bons offices, prudemment déclinés par l'Espagne ; d'ailleurs
la majorité des Américains se souciaient peu de s'adjoindre
un milHon de catholiques espagnols et un demi-miUion de
noirs. Aussi le conflit gue l'on redoutait, après la saisie du
Virginius et l'exécution sommaire de cinquante marins
américains pour contrebande de guerre (31 oct. 4873),
fut-il écarté par la convention de Washington. Quand
l'insurrection carliste fut domptée, on expédia à Cuba des
forces suffisantes. Jovellar les amena en mars 1876, abolit
l'impôt de 10 ^/^ sur le revenu ; les guérillas insurgées
furent désarmées successivement. On promit, en 1877, des
concessions de terres aux soldats, aux colons fidèles et aux
insurgés soumis. En 4878, le^ général Martinez Campos
acheva la soumission des Cubains par le pacte de Cama-
guey ; il leur promit l'amnistie, l'abolition de l'esclavage,
des monopoles, des taxes d'exportation. Les Cortès d'Es-
pagne ne ratifièrent pas toutes ces concessions en 1879.
Toutefois, l'abolition de l'esclavage fut décidée en 4880,
sauf un stage de sept ans pour les affranchis et, en 1886,
elle fut consommée. On donna aux nègres, qui avaient un
engagement de travail pour quatre ans, les droits civils et
politiques. Le 13 avr. 1884, la constitution espagnole fut
introduite dans l'île. Enfin, les griefs économiques vont
recevoir satisfaction à la suite des grandes concessions faites
par l'Espagne aux Etats-Unis en 1890. A.-M. B.
BiBL. : PoEY^ Historia natural de la isla de Cuba; La
Havane, 1851-58, 2 vol. — La Sagra, Histoire physique et
politique de l'île de Cuba; Paris, 1844, 2 yoL (abrégé par
S. Berthelot d'un ouvrage espagnol en 11 vol. publié de
1838 à 1857). — Pezuela, Diccionario geograftco, etc., de
la isla de Cuba ; Madrid, 1863-67, 4 vol. — Du même, His-
toria de la isla de Cuba; Madrid, 1868-69, 2 vol. ~ Ballon,
Cuba past and présent'^ Boston, 1885.— Herrera, la Isla
de Cuba^ su situaciôn actual y reformas que reclama ; La
Pïavane, 1876. — Stuyck et Reig, Division territorial de la
isla de Cuba; Madrid, 1880. ~ Sarinaga, Die v^irthschaft-
liche Lage Cubas; Leipzig, 1881.
CUBAGE L Géométrie (V. Gubâturë).
II. Construction. — Cubage des bois. Le mot cubage
a pour sens général action de cuber, et peut s'appliquer à
toutes sortes de matériaux, mais il n'est guère usité que
lorsqu'il s'agit de bois. Le cubage des bois équarris ne
présente aucune difficulté ; il n'y a pas à s'y arrêter.
Quant aux bois ronds, il existe diverses méthodes de cu-
bage, qui sont employées tour à tour, suivant qu'on cherche
le volume total du bois en grume, ou qu'on veut déter-
— B4â -
CUBAGE — CUBATURE
miner le volume de bois d'œiivre qu'on en tirera après ua
équarrissage plus ou moins parfait (cubage au quart sans
déduction, au cinquième déduit, etc.).
Cubage en grume. Bien que les arbres aient en géné-
ral la forme d'un tronc de cône, on les considère comme
des cylindres ayant pour base la section circulaire au mi-
lieu de la pièce ; la circonférence est prise directement sur
le tronc au moyen du ruban gradué, et le volume est donné
cire
par la formule V = —, — L. Mais comme certains arbres
sont méplats^ il est plus exact de mesurer au milieu de la
pièce, au moyen du compas forestier, le plus grand et le
plus petit diamètre et d'en prendre la moyenne ; on en dé-
duit la section moyenne et le cube par la formule ordi-
naire.
Cubage au quart sans déduction (correspondant à un
équarrissage imparfait). On adopte le quart de la circon-
férence moyenne comme côté de Féquarrissage, Le cube
obtenu est en conséquence les 0,785 du cube total.
Cubage au cinquième déduit (adopté au cas d'un
équarrissage à vive arête et sans aubier). On retranche le
cinquième de la circonférence et Ton prend le quart du
reste comme côté du carré de la section moyenne. Le cube
ainsi obtenu représente à peu près moitié du cube en
grume (0,503)*
Cubage au siûôième déduit (correspondant à un équar-
risage moins parfait qu'au cas précédent). On retranche le
sixième de la circonférence et l'on adopte le quart du reste
comme côté de Féquarrissage. Cette méthode donne les
0,545 du volume en grume. On obtiendrait d'une manière
analogue le cubage au dixième déduit, usité par l'octroi de
Paris. Le calcul donne les résultats en mètres cubes, mais
il est d'un usage à peu près général dans le commerce de
prendre pour unité le décistère ou solive nouvelle. L'an-
cienne solive valait trois pieds cubes, ce qui correspond à
0«^4 02832. L. ScHMiT.
IIÏ, Anthropologie. — Cubage du crâne (V. Crâne).
BiBL. : Construction. — H. Nanquette, Exploitation^
débit et estimation des bois; Nancjr. — A. Goursaud,
Cubage et estimation des bois; Paris. — E. Sergent,
Traité pratique des mesurageSf métrages, jaugeages de
tous les corps; Paris.
CUBATURE. L Géométrie.— Faire le cubage ou la
eubature d'un solide, c'est en évaluer algébriquement ou
numéricfuement le volume. La détermination des volumes des
corps limités par des surfaces planes est du ressort de la
géométrie élémentaire, ainsi que celle des corps ronds, nous
n'avons rien à en dire ici ; la détermination des autres
volumes se fait en général au moyen du calcul intégral. Si
l'on rapporte un solide à trois axes dont le trièdre ait s
pour sinus, le volume de ce solide sera donné par la for-
mule (V. Intégrales multiples)
f f fedzdydz.
Le domaine des variables x, y, z étant précisément l'en-
semble des points intérieurs au solide ; cette intégrale se
réduit immédiatement à une intégrale double quand le volume
à évaluer est compris entre une surface qui n^est rencontrée
qu'en un seul point par ses ordonnées, le plan des xy et
une surface cylindrique dont les génératrices sont pai^allèles
aux z^ à savoir :
ffezdxdy.
Le domaine des variables x, y est alors celui des points
intérieurs à la trace du cylindre sur le plan des xy. On
peut évaluer les volumes des solides au moyen des coor-
données polaires, l'élément de volume est alors p^ dp d^
sin6 d^i p désignant le rayon vecteur, Ô la colatitude et
^ la longitude de cet élément. En coordonnées semi-polaires
^, p, w, l'élément est dz pdp dta^ etc. Il y a des cas dans
lesquels l'évaluation d'un volume n'exige qu'une intégrale
simple, c'est ce qui a lieu, par exemple, quand le solide à
cuber peut être engendré par une aire plane qui reste
semblable à elle-même, son plan se déplaçant parallèlement
à lui-même. En effet, appelons o> l'aire génératrice, dz la
quantité dont cette aire se déplace perpendiculairement à
son plan, wdz sera l'élément du volume à évaluer et le
volume V lui-même sera
u^dz
Zq
z^ — Zq désignant la quantité totale dont l'aire mobile se
déplace. Pour définir le solide engendré, il faut se donner
w en fonction de z^ cela suffît pour évaluer l'intégrale pré-
cédente. S'agit-il, par exemple, d'une surface de révolution,
w sera Faire d'un cercle de rayon R ou jîR*, et l'on aura
(1) V=« / R2&.
*^%
L'équation du méridien donne R en fonction de z et l'inté-
gration peut s'effectuer.
Cubage des tonneaux. --* Supposons, par exemple, qu'il
s'agisse d'évaluer le volume d'un segment d'ellipsoïde de
révolution rapporté à ses axes et ayant pour équation
x"^ ~hy^
:! ou
R^
c^
ou encore
^'^-Ac'
le volume d'un segment d'ellipsoïde limité à deux plans
situés aux hauteurs — /i et -h^ au-dessus du plan des xy
sera, en vertu de (1)
On peut faire usage de cette formule pour évaluer le volume
d'un tonneau en l'assimilant à un segment d'ellipsoïde, alors
en appelant r les rayons de base égaux du tonneau, R le
rayon maximum, H la hauteur, il faudra faire a=:R,
/izn: -, enfin c sera donné par la formule
d'où l'on tire
R^
R^H^
"~"4(R2 — f^)
le volume V du tonneau pourra alors s'évaluer par la for-
mule très simple :
V = |7rH(2R2 + r^).
Cubage des déblais et des remblais. -^ Lorsque l'on a
à déblayer (ou à remblayer) des terres situées au-dessus
d'un plan horizontal, on peut
évaluer le volume à mettre en
mouvement de la manière sui-
vante : ou partage la projection
horizontale du terrain à fouiller
en rectangles, suffisamment pe-
tits, tels que a b c d; on fait
passer par les côtés des plans
verticaux qui coupent le terrain
suivant des courbes dont les
cordes sont AB, BC, CD, DA ;
enfin, on remplace la surface du
terrain projetée horizontalement
suivant a b c d ^slv un para-
boloïde hyperbolique engendré
par une droite s'appuyant sur AB et CD en restant paral-
lèle aux plans ADad et BCèc. Le volume compris entre le
plan abcdf le paraboloïde en question et les plans verticaux
a^AB, bcBCy cdCD^ daDA, est donné par la formule très
simple
a
CUBATURE — CUBÈBE
dans laquelle B désigne la surface du rectangle a b ccl et
a, p, Y, 8 les hauteurs ka^ Bb, Co, Dd, en sorte que le
déblai à effectuer a sensiblement pour volume
1SB(« + P + T + S)
OU même si les rectangles tels que a b c d ont été pris
égaux
Dans cette formule, les quantités a, jB, y, 8 entreront quatre
fois, à l'exception de celles qui se trouvent aux limites du
déblai. H. Laurent.
Cubage bes bois en grume (V. Cubage).
II. Travaux publics. — Cubature des terrasses. —
Méthode des sections moyennes. Dans le service des
ponts et chaussées, on ne calcule guère les terrasses que par
la méthode expéditive, dite des sections moyennes, et qui
consiste à multiplier les surfaces de déblai et de remblai de
chaque profil en travers par la demi-somme de ses distances
aux deux profils voisins. Cette règle comporte toutefois
une exception : quand on passe d'un profil entièrement en
déblai à un profil entièrement en remblai, il faut leur inter-
caler un profil fictif de superficie nulle, et dont la distance
aux deux profils donnés est proportionnelle à leurs surfaces
respectives. On a calculé préalablement les surfaces de dé-
blai et de remblai de chaque profil en le décomposant en
triangles et trapèzes, ou bien on en a fait une évaluation
approximative à l'aide de la roulette Dupuit, ou encore à
l'aide de tables numériques ou de tableaux graphiques
dressés à cet effet.
2^ Méthode exacte. On se sert quelquefois de la mé-
thode dite exacte, c.-à-d. de la décomposition en solides
géométriques, pour l'évaluation des fouilles d'ouvrages
d'art ou de bâtiments. Cette décomposition se fait au moyen
de plans verticaux; on obtient ainsi des prismes droits, qui
sont terminés d'une part par le projet et d'autre part par
le relief du sol. On admet que ce relief est une surface en-
gendrée par une droite qui s'appuie sur les profils succes-
sifs en demeurant toujours parallèle au plan vertical qui
contient l'axe. Dans les parties où l'on passe du déblai au
remblai, on calcule par une simple proportion les points
de passage à toutes les inflexions du terrain et du projet
et l'on admet (ce qui diffère peu de la vérité) que la ligne
brisée qui joint successivement tous ces points est la ligne
de passage. Le volume d'un prisme quadrangulaire tron-
qué par une surface définie comme ci-dessus, est donné
par la formule
V =z JJT {h' M- ¥' H- W'^) -+-V {h-h W' + rO
-f- T (h -h h' -h rO + T'' [h-hh'-i- h'')]
dans laquelle T et T^, T et T^^ représentent les deux
systèmes de triangles dans lesquels on peut décomposer le
quadrilatère de base (chaque triangle recevant la même
accentuation que l'arête opposée). Cette formule se sim-
plifie quand il y a des hauteurs nulles, et plus encore
lorsque la base a des côtés parallèles. Pour une base tra-
pézoïdale, on a T rr= r et T' — T\ et par suite
V =: UT (/iH- /i' -f- 2 r + 2r0 + r'' (2 /iH- 2 h'
-\-h'' + ¥^')-\
Enfin, si la base est un rectangle B, on a V = 7 (/i + /i'
•+- W -+• W% L. SCHMIT.
BiBL. : E. Sergent, Traité pratique des mesurages^ mé-
trages^ jaugeages de tous les corps. — De Gayffier, Ma-
nuel des ponts et chaussées. — Marx et Durand-Claye,
Routes et chemins vicinaux., dans VEncyclopédie des tra-
vaux publics.
CUBE. I. Arithmétique. — Le cube d'un nombre est la
troisième puissance de ce nombre ; c'est, si l'on veut, le
produit de trois nombres égaux à celui-ci. Un nombre
entier est un cube ou mieux un cube parfait, quand il
existe un entier dont il est le cube.
IL Algèbre. — Un polynôme entier en x, ?/, %, ... est
un cube, quand il existe un polynôme entier en x, y, z, ...
qui, élevé au cube, le reproduit.
III. Géométrie. — On appelle cube le parallélipipède rec-
tangle de côtés égaux. On prend pour unité de volume le
cube dont le côté est égal à l'unité de longueur. Le volume
d'un cube s'obtient en faisant le cube de son côté.
C U B È B E. I. Botanique.— Nom vulgaire du Piper Cubeba
L. f. (Cubeba officinarum Miq.), plante de la famille des
Pipéracées, qui croît spontanément à Bornéo, à Java et à
Sumatra et que l'on appelle aussi Poivre à queue. C'est
une herbe dioïque,
grimpante, dont les
rameaux noueux por-
tent des feuilles al-
ternes , brièvement
pétiolées, ovales-lan-
céolées , entières et
penninerves. Des
nœuds des branches
naissent souvent de
petites racines adven-
tives qui les fixent
aux arbres voisins.
Les fleurs sont dis-
posées en chatons cy-
lindro-coniques, d'un
vert pâle, accompa-
gnées de bractées
oblongues, adnées au
rachis, mais libres sur
les bords. Les étamines sont ordinairement au nombre de
trois et l'ovaire, surmonté d'un style à trois branches stigma-
tifères, devient à la maturité une baie globuleuse lisse, por-
tée par un pédicelle un peu plus long qu'elle et surmon-
tée d'un petit apicule, reste du style. Ed. Lef.
II. CmMiE. — Essence de cubèbe, Form. \ M^i^'- J^^^jJ^I
On l'obtient en distillant avec de l'eau le poivre cubèbe ;
elle laisse déposer à la longue ou à basse température le
camphre de cubèbe., qu'elle retient ordinairement en dis-
solution (V. ce mot). C'est une huile incolore, visqueuse,
ayant pour densité 0,929, bouillant vers 255*^; son odeur
est aromatique, légèrement camphrée ; elle dévie à gauche
le plan de polarisation de la lumière polarisée. Exposée à
l'air, elle s'épaissit et se résinifie. Traitée par le gaz chlo-
rhydrique, elle donne des cristaux prismatiques, incolores,
insipides, fusibles à 134°, constituant un chlorhydrate
ayant pour formule C^^^ïP^^HCl ; la solution alcoolique de
ce corps est également lévogyre. Lorsqu'on distille l'es-
sence de cubèbe avec un peu d'acide sulfurique, on la con-
vertit en un nouveau carbure à pouvoir rotatoire beaucoup
plus faible; c'est à cette modification qu'on a donné le
nom de cubébène. Chauffés à 280^ avec un grand excès
d'acide iodhydrique , l'essence de cubèbe et le cubébène
fournissent des hydrures d'amylène, de décylène, de pen-
tadécylène, ainsi qu'un carbure forménique, volatil vers
360'', répondant sans doute à la formule C-**^!!*^.
Camphre de cubèbe.
Piper Cubeba L. f. (rameau
fructifère).
Formules,
( Equiv. . . C^'^H'-^^O^
) Atom... C^^H^^O
Indépendamment d'une essence, le poivre cubèbe [Piper
cubeba) laisse passer à la distillation un produit solide
qui a été signalé par Blanchet et Sell sous le nom de stéa-
roptène de V essence de cubèbe. Millier l'a obtenu à l'état
de pureté en le faisant cristalliser à plusieurs reprises dans
Palcool. Il se sépare lentement de l'essence sous forme de
cristaux qui appartiennent au système rhomboïdal (Kobel).
Il est incolore, brillant, un peu mou, facile à pulvériser ;
sa saveur est fraîche et camphrée, son odeur rappelle celle
du cubèbe. Il est insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool,
l'éther, la térébenthine, le chloroforme, le sulfure de car-
bone, les huiles grasses et volatiles. Il fond à OS"* (Schmidl),
— o45 —
CITBÈBE - CUBIÈRES
à BS"" (Winckler), bout sans décomposition à 448°. Il se
sublime, quoiq[ue plus difficilement que le camphre ordi-
naire ; enfin, il dévie à gauche le plan de polarisation de la
lumière polarisée. L'acide nitrique l'oxyde et le résinifie,
tandis que l'acide sulfurique lui enlève de l'eau et le trans-
forme en carbure d'hydrogène :
G30H2G02 _ ïpO^zzrC^W^.
D'après cela, le camphre de cubèbe peut être envisagé
comme un hydrate d'essence de cubèbe ou cubébène.
Ed. BOURGOIN.
m. Thérapeutique. — Les fruits du poivre cubèbe pa-
raissent emprunter leur activité à la résine qu'ils ren-
ferment (3 *^/o) et qui est surtout constituée par de Vacide
cubébique. La cubêbine paraît être complètement inerte.
L'huile essentielle (6 à 15 °/'o) n'a vraisemblablement pas
d'autres propriétés que l'essence de térébenthine, dont
elle est chimiquement très voisine; tout au plus contri-
buerait-elle à augmenter légèrement l'activité de la sécré-
tion urinaire. Il en résulte que les préparations renfermant
la résine seront seules actives, à l'exclusion de toutes les
autres, quelles que soient les affirmations des industriels
intéressés : ces préparations sont la poudre, la résmepure,
et l'extrait alcoolique. Les propriétés du cubèbe sont très
analogues à celles de Foléo-résine de copahu : comme elle,
il provoque une légère stimulation générale, et, en s'élimi-
nant par les voies respiratoires et rénales , il agit efficace-
ment sur les catarrhes dont les muqueuses diverses de ces
organes peuvent être le siège. C'est donc un bon remède
de la bronchite chronique, mais surtout de Turéthrite
aiguë, vulgairement chaudepisse. Il présente toutefois avec
le copahu quelques différences de détail qui suffisent à
donner à ce médicament sa physionomie particuhère. Le
cubèbe est infiniment moins irritant que le copahu pour les
voies digestives :il ne provoque pas comme lui de crampes
ni de purgation. Du côté même des voies génito-urinaires,
son action est moins brutale, quoique non moins puissante :
on peut le donner contre le catarrhe de la vessie, ce qu'on
ne saurait faire avec le copahu qu'en usant d'une extrême
prudence. Au point de vue du traitement de la blennor-
rhagie, le cubèbe devra être donné comme le copahu,
lorsque l'affection commencera à sortir de la période
aiguë du début. Son action s'épuise peut-être un peu plus
rapidement que celle du copahu et contre la blennorrhagie
franchement chronique, il ne faut plus trop compter sur
lui. On l'emploie soit seul, à l'état de poudre (10 gr.). ou
d'extrait alcoolique (1 gr.), soit incorporé à du miel, à du
cachou, beaucoup plus souvent associé au copahu sous
forme d'opiat, dans la pr(>portion de 2 parties de cubèbe
pour 1 de copahu. — Le cubèbe n'a guère d'autres em-
plois en thérapeutique. Toutefois, la poudre, employée
comme topique sur les plaies, possède une action cicatri-
sante réelle : appliquée même directement sur les mu-
queuses atteintes de catarrhe, elle se montre très éner-
gique, dans la vaginite par exemple : son prix trop élevé
empêche malheureusement d'en faire un grand usage sous
cette forme. D' R. Blondel.
BiBL. : Chimie. — Essence de cubèbe. — Aubergier, jRe-
vue scient.^ t. IV, 220. — Blanchet et Sell, An. der Ch, und
Phys., t. VI, 294.— Brooke, An. of Philosophy, t. V, 450.
— Capitaine et Soubeiran, Journ. Ch. et Phys., 1839, t.
XXV, 315.— Winckler, An. der Ch. und Ph.,t. VIII, 203.
Camphre de cubèbe. — Blanchet et Sell, An. der
Ch. und Ph., t. VI, 294. — Mûller, Journ. Ph. et Ch.,
1832, t. XVIII, 538. — Schmidt, Soc. ch., t. XIV, 830. —
Winckler, Journ. Ph. et Ch., 1834, t. XX, 104.
CUBÉBINE (Chim.). Formules j X^. l ST-?
La cubêbine est une substance cristalline qu'on retire
par l'alcool du marc de cubèbe ayant servi à la prépara-
tion de l'essence ; le soluté alcoolique, traité par la potasse,
fournit un précipité qu'on lave à l'eau et qu'on purifie par
cristallisation dans l'alcool bouillant. La cubêbine cristal-
Hse en petites aiguilles incolores, fusibles à 420^^ (Schuck) ;
elle ne peut pas être sublimée sans décomposition. Elle est
à peine soluble dans l'eau, soluble dans l'alcool et dans
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
l'éther, surtout à chaud ; l'acide acétique glacial, les huiles
grasses et^ volatiles la dissolvent aisément. L'acide sul-
furique lui communique une nuance rouge brique, qui
vire au cramoisi. Sa formule n'est pas connue avec exac-
^^tude. Ed. B.
. vvt; 'nr.^^^W^^ ^* Soubeyran, Journ. Ph. et Ch.,
h.X\?^^/^r Schmidt, Soc. ch., t. XIV, 330. — Schulze
la.y t. AA, 471.
eu BELLES. Com. du dép. de la Haute-Loire, arr. du
Puy, cant. de Saugues; 425 hab.
CUBERO (Sébastien, don Pedro), voyageur et mission-
naire espagnol, néàCatalayudenl645.IJ voyagea de 1670
à 4680 par Moscou, Astrakhan, Ispahan, Surate, Malacca,
Manille et Mexico, faisant le premier tour du monde d'Oc-
cident en Orient; une Brève Relation a été pubhée par
lui en espagnol (Madrid, 4680, in-4).
CUBICULAIRE. Fonction palatine et dignité aulique
fort répandue à Byzance. Les cubiculaires étaient des cham-
bellans impériaux chargés de tout le service personnel
auprès de l'empereur et avaient pour fonction, comme le
dit le poète Corippus, de
Conservare domum sanctumque intrare cubile.
Les uns, préposés au service intérieur, à la garde-robe et
au trésor particulier du prince, étaient les -/.ouôixouXaptot
Tou paatXtxou xotiwvoç ou Kitonites (V. ce mot), les
autres ou x. xou ôsiou xouCouxXeiou assistaient le basileus
dans les nombreuses cérémonies qui remplissaient sa
journée officielle. Ils apportaient, pour les remettre aux
vestarques (V. ce mot), les coffres renfermant les vête-
ments impériaux; ils faisaient le service de la table, fai-
saient la lecture ou donnaient des concerts au prince, l'ac-
compagnaient aux éghses, l'escortaient dans les 'pro-
cessions, l'entouraient dans les cérémonies publiques, etc.
Tous étaient eunuques, et parmi les huit classes d'eunuques
qui servaient au palais , celle des cubiculaires formait le
second degré de l'avancement. Ils avaient rang de spatha-
rocandidat (V. ce mot) et avaient pour costume la tunique
à bande brodée ou paragaude. A un degré au-dessus d'eux
se trouvaient les spatharocubiculairel qui se partageaient
également en spatharocubiculaires du xoixwv et du xou6ou-
xXeTov. Formant autour du prince une sorte de garde per-
sonnelle, ils portaient pour insigne l'épée à poignée d'or ;
d'un ordre supérieur aux simples cubiculaires, ils avaient
rang de spathaire (V. ce mot) et, dans la hiérarchie des
eunuques, ils constituaient le troisième degré de l'avan-
cement. Tous ces chambellans étaient sous "les ordres du
préposite [prœpositus sacri cubiculi), personnage fort
considérable qui était l'égal des préfets du prétoire et devait
à ses fonctions l'important privilège d'approcher continuel-
lement le prince etde lui parler sans intermédiaire. Il
était le chef des cubiculaires et le grand maître des céré-
monies. A côté de ce service effectif auprès du basileus, le
titre de cubiculaire désignait aussi une simple dignité, fort
répandue, et dont les titulaires remplissaient de nombreuses
fonctions administratives : l'empereur, en effet, choisissait
volontiers des agents parmi les gens de sa maison. Dans
la liste des exarques d'Italie, plusieurs de ces hauts fonc-
tionnaires portent le titre de cubiculaire. Enfin, comme
l'empereur, l'impératrice avait sa maison ; et ses dames
d'honneur, ses femmes, s'appelaient du nom de xouStxou-
^«P^a^- Ch. DiEHL.
BiBL. : Constantin Porphyrogénkte, De Cerimonlis
II, 52, pp. 721, 733, 734 et passim. — Schlumberger, Si-
gillographie byzantine, 486, 525, 567.
CUBIÈRES. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Limoiix,
cant. de Couiza; 493 hab.
CUBIÈRES. Com. du dép. de la Lozère, arr. de Monde,
cant. de Blaymard; 4,484 hab.
CUBIÈRES (Amédée-Louis Despans de), général fran-
çais, né à Paris le 4 mars 4786, mort le 6 août 4853. Il
était fils du marquis de Cubières, agronome et naturaliste
distingué, et neveu du poète Dorat-Cubières. Après avoir
passé par l'école militaire de Fontainebleau, il entra comme
sous-lieutenant dans un régiment de ligne (23 oct. 4804)
35
GUBIÊRES — CUBILLO
546
se fit remarquer par sa bravoure à Austerlitz, fut blessé à
Auerstœdt, gagna la croix de la Légion d'honneur à Fried-
land, le grade de capitaine à Essling (4809) et conquit
celui de chef de bataillon à la bataille de la Moskowa, où il
eut trois chevaux tués sous lui. Rallié à Napoléon pendant
les Cent- Jours, il combattit à Ligny, où il reçut encore
une blessure (16 juin 1845). Aussi fut-il écarté de l'armée
pendant les premières années qui suivirent la seconde
Restauration. Il est vrai que l'influence de son père lui
valut d'être appelé à la recette générale du dép. de la
Meuse. Chevaherde Saint-Louis en 1820, il put quelque
temps après reprendre du service militaire, commanda un
régiment pendant l'expédition d'Espagne (4823), concourut
en 1828 à la campagne de Morée et devint maréchal
de camp le 27 avr. 1820, Il accueillit avec joie la révo-
lution de Juillet et reçut en lévr. 1832 une mission de
confiance du nouveau gouvernement, qui le chargea de
l'occupation et du commandement militaire d'Ancône. Il
s'acquitta de sa tâche avec autant de tact que de fermeté,
fut promu lieutenant général le 31 déc. 4835, rentra en
France en 1837 et fut, à deux reprises (1839, 4840),
nommé ministre de la guerre. Il était à peu près oublié
lorsque l'attention publique fut de nouveau appelée sur lui
par l'accusation de corruption intentée contre l'ancien
ministre Teste (V. ce nom) et dans laquelle il se trouva
impliqué. Jugé par la cour des pairs, il fut condamné à la
dégradation civique et à cent mille francs d'amende. Il est
vrai qu'il poursuivit plus tard sa réhabilitation et qu'il
l'obtint par arrêt de la cour d'appel de Lyon du 47 août
4852, ^ ^ A. DEBmouR.
eu BIÈRES (Marie-Aglaé Buffault, dame de), femme
de lettres française, née près de Lyon le 46 déc. 4794,
morte à une date inconnue. Elle épousa le précédent en
4843. Elle a écrit: Marguerite Aymond (Paris, 4822,
2 vol. in-42) ; les Trois Soufflets (Paris, 4824, 2 vol.
in-42) ; Emmerick de Mauroger (4837, in-8) ; Léonore
de Biran (4839, 2 vol. in-8) ; M. de Goldon (4842, 2 vol.
in-8), etc., romans qui ne manquent pas d'agrément.
GUBIÈRES-Palmezeaux (Michel de), connu sous le nom
de DoRAT-CuBiÈRES, littérateur français, né à Roquemaure
(Gard) le 27 sept. 4752, mort à Paris le 48 août 4820.
Frère cadet du marquis de Cubières, et destiné à l'état
ecclésiastique, il commença aux séminaires d'Orange, de
Nîmes et de Saint-Sulpice, des études qu'il n'acheva pas.
Congédié par ses supérieurs pour avoir fait insérer des vers
assez légers dans ÏAlmanach des muses, de 4772, il prit
en 4775 le nom de Palmezeaux qu'il n'avait pas porté
jusqu'alors, fut nommé, la même année, écuyer de la com-
tesse d'Artois et reprit peu après son premier nom auquel
il ajouta en 4794, de son autorité privée, celui de Dorât,
dont il n'était nullement parent, mais qui avait encouragé
ses premiers essais. Voulut-il consacrer ainsi l'analogie
évidente de leur genre de talent ou la liaison qu'à l'exemple
de son émule il entretint publiquement avec la comtesse
Fanny de Beau harnais (V. ce nom)? On ne sait. Il
voyageait avec elle en Italie lorsqu'éclata la Révolution et
revint à Paris quelques jours après la prise de la Bastille.
Signalé dès ce moment par son enthousiasme pour les idées
nouvelles, et qu'il manifestait en vers et en prose, il rem-
pht les fonctions de secrétaire-grelTier de la Commune du
10 août, dont, contrairement à une tradition courante, il
ne fut jamais membre. Il signa en cette qualité une foule de
pièces plus ou moins compromettantes, entre autres un bon
de vin pour les « ouvriers » employés à l'Abbaye les 2 et
3 sept, et qu'il endossa comme n'importe quelle autre
pièce administrative, et, s'il est vrai, comme le prétend
Morellet, qu'il contribua à lui faire refuser un certificat
de civisme, il s'honora en sauvant la vie au comte de
Barruel-Beauvert{Y,ce nom) et la comtesse d'Angiviller.
Atteint, malgré ses protestations et ses déclarations igno-
minieuses pour la mémoire de sa propre mère, par la loi du
28 germinal an XI (47 avr. 4794), (jui excluait les ci-
devant nobles de toutes fonctions publiques, il échappa du
moins aux représailles qui suivirent le 9 thermidor et il
en fut pour quelques jours d'emprisonnement. Cubières
chanta tour à tour le 48 brumaire, la victoire de Marengo,
le premier retour des Bourbons. Menacé d'une arrestation
durant les Cent-Jours, il dut cette fois, à Barruel-Beauvert,
d'échapper aux poursuites et de recevoir même, lors de la
seconde Restauration, la décoration du Lis. Sa vieillesse
et sa fin furent misérables et solitaires. Il avait, par testa-
ment, légué à la Bibliothèque royale divers manuscrits
(entre autres une Histoire du Si mai) que cet établisse-
ment n'accepta pas et qui semblent perdus.
Il est impossible de faire figurer ici, en raison de leur
nombre, la liste complète des écrits deCubières-Palmezeaux,
et il suffira de rappeler les titres des moins médiocres
d'entre eux : les Hochets de majeimesse(ilSO, 2 parties
in-8) ; Eloge de A,-J, Dorât (4784, in-8); Eloge de Vol-
taire, poème (4778, in-8); les Deux Centenaires de
P. Corneille (4785, in-8), comprenant deux comédies en
l'honneur du poète; f Ecole des filles, histoire morale
(4784, in-8) ; Misogug ou les Femmes comme elles sont^
roman oriental (4788, 2 vol. in-8); la Jeime Epouse,
comédie en trois actes, imitée du Jaloux désabusé de
Campistron, représentée au Théâtre-Français en 4788;
la Mort de Molière ou U n'est plus ! comédie jouée avec
succès en province et plusieurs fois reprise à Paris sur
différentes scènes ; Voyage à la Bastille en vers et en
prose, fait le 46 juil. 4789 (in-8); Dorat-Cubières à
Jean Acton, suivi d'une lettre sur la fédération de 1190
(4790, in-8); Coup d'œil rapide sur J.-A. Cenetti
(4792, in-42) ; la Mort de Bassville ou la Conjuration
de Pie VI dévoilée (1793, in-8); les Deux Martyrs de
la liberté ou portraits de Marat et de LePeletier (1793,
in-8) ; Prophétie i'épublicaine adressée à Pitt et à ses
complices (il 93, in-8) ; le Calendrier républicain, poème
(1795, in-8), avec des notes autobiographiques en prose,assez
curieuses; Thrasybule (1800, in-8), poème en l'honneur
du 18 brumaire, publié sous le pseudonyme de Tavel;
les Petits Saints ou Epitre à Chénier (1802, in-12),
en faveur de Chénier contre ses ennemis ; Fontenelle, Do-
rat et Colardeau ou Eloges de ces trois écrivains célè-
bres (1803, in-8); Chavijo ou la Jeunesse de Beau-^
marchais, drame (1806, m-8) ; Ninon de V Enclos et le
prisonnier masqué, drame en trois actes et en prose
(1807, in-8) ; Epitre au grand inquisiteur (1809, in-8) ;
Epitre aux mânes de Dorvigny ou V Apologie des buveurs ,
avec des notes (1813, in-8); Epîtres à M. de Barruel-
Beauvert (1815, in-8), précédées d'une lettre en prose où
l'auteur désavoue ses opinions républicaines ; Chamousset
ou la Poste aux lettres, poème en quatre chants (1816,
in-8), etc., etc. Au milieu de ce fatras, on distingue quel-
ques pages heureuses, et Ch. Monselet a cité de Dorat-
Cubières des stances sur une lettre brûlée qui mériteraient
de figurer dans une anthologie. M. Tx.
BiDL. ; Gh. Monselet, les Oubliés et les Dédaignés,
1858, 2 vol. in-12. — G. Desnoiresterres, le Chevalier
Dorât et les poètes légers au xviii'» siècle, 1887, in-12.
CUBIÈRETTES. Com. du dép. de la Lozère, arr. de
Mende, cant.de Blaymard; 173 hab.
CUBILLO BE Aragon (Alvaro), poète dramatique
espagnol du xvn« siècle. On sait fort peu de choses sur sa
vie ; même on ignore les dates de sa naissance et de sa
mort ; on est toutefois amené à croire qu'il naquit à Gre-
nade dans les dernières années du xvi® siècle et on ne
trouve plus aucune mention de son existence après 1660.
D'après quelques allusions contenues dans ses œuvres, on
croit qu'il étudia le droit, mais abandonna bientôt cette
étude pour suivre la carrière des lettres. En 1625, il publia
à Grenade un petit poème qui n'est pas sans mérite : Las
Cortés del Leôn y del Aguila (in-8). En 1632, il était
déjà connu comme l'auteur d'une comédie en deux parties:
El Rayo de Andalucia 6 el Genizaro de Espana, qui
avait eu beaucoup de succès et que Montalban déclare
excellente. Cependant Lope de Vega ne mentionne même
— 547 —
CUBILLO — CUBILOT
pas Cubillo dans son Laurel de Apollo et il semble que
Calderon et les autres dramaturges de l'époque le tenaient
en petite estime. De 4646 à 4654, il vécut à Madrid
des produits de sa plume et chargé d'une famille nom-
breuse. Le besoin l'obligea à écrire des poésies en
l'honneur des grands, des reines Isabelle et Marianne,
du roi Philippe IV, poésies qui sont estimées môme au-
jourd'hui. En 4658, il concourut au tournoi poétique,
célébré par l'université d'Alcalâ, à propos do la naissance
de Finlant D. Philippe, en sept. ^1660 à celui pour la
translation de l'image de la Soledad à une nouvelle cha-
pelle du couvent de la Victoire, à Madrid, et en octobre de
la même année à un autre motivé par l'inauguration de la
cathédrale de Jaén. Depuis cette époque il n'est plus nulle
part question de Cubillo et on peut supposer par suite
qu'il mourut à peu près vers ce temps. En 4654, comme
il le déclare lui-même, il avait déjà fait représenter plus
de cent comédies, mais il ne nous en est parvenu qu'une
trentaine environ, outre un certain nombre de poésies de
circonstance, sonnets, épîtres, etc. Cubillo est loin d'être
un auteur sans talent ; si ses pièces sont peu régulières en
ce qui concerne l'unité de temps, de lieu et même d'action,
s'il est un de ceux qui méritent le mieux les reproches de
Boileau (au premier acte, le comte de Saldaila, dans la
comédie de ce nom, est un jeune écuyer, et au deuxième, il
est vieux et aveugle), on ne peut nier qu'il y ait une cer-
taine entente de la scène, un sentiment vrai de noblesse et
de grandeur, des passages presque sublimes ; il en est ainsi
du moins de ceux qui ont pour sujet des légendes natio-
nales. Les comédies d'intrigues sont généralement faciles,
naturelles, d'un style qui pour l'époque, n'a pas trop de
prétentions. La meilleure dans ce dernier genre est celle
de la Perfecta Casada ; on peut aussi citer celle de Las
Munecas de Marcella. Dans le genre héroïque on estime
surtout : El Rayo de Andalucia, dont le fond est l'his-
toire tragique des sept infants de Lara ; el Conde de Sal-
dana et Hechos de Bernardo Carpio. Une comédie de
Cubillo qui eut aussi grand succès : El Senor de Pioches
buenas, fut imprimée sous le nom de Antonio de Men-
doza; Fauteur réclama, ce qui n'a pas empêché qu'elle ait
encore été quelquefois réimprimée comme étant de Men-
doza. Enfin Cubillo a encore composé quelques autos et
comédies religieuses assez extravagantes.il avait lui-même,
en 4654, publié dix de ses comédies, avec d'autres poésies,
sous le titre : El Enano de las Musas (Madrid, 4654,
in-4). Plusieurs parurent séparément soit en ce siècle, soit
au siècle suivant et il y en a aussi dans divers recueils ;
les sept meilleures ont été rééditées dans la Biblioteca
Rivadeneyra : Dramâticos posteriores d Lope de Vega,
t. XLVII, 4857, E. Cât.
CUBILOT (Métall.). Les premiers appareils qui aient
été employés pour la fusion de la fonte, en dehors du haut
fourneau, étaient les creusets chauffés à la houille dans un
fourneau quelconque et dont la consommation de houille
était très élevée. En vue d'éviter cet inconvénient, on a eu
recours tout d'abord à des calebasses alimentées au coke et
à la houille. Valerius cite les calebasses au coke de
Bruxelles qui consommaient 35 à 40 kilogr. de coke par
400 kilogr. de fonte fondue, non compris 2 kS^/o de houille,
servant à échauffer la calebasse. Réaumur cite encore des cale-
basseries ambulantes. Plus tard, on a cherché à augmenter
le volume et la production trop faibles de ces calebasses et
on est arrivé aux cubilots, désignés primitivement d'après
leur inventeur Wilkmson (4790) et que l'on appelait aussi
fourneaux à manche, coupelots, qïg. Les cubilots étaient
primitivement munis d'une seule tuyère ; la cuve rectan-
gulaire, ovale ou cylindrique, était formée de sable réfrac-
taire damé dans une enveloppe en fonte, et nécessitant de
fréquentes réparations ; leur hauteur n'atteignait généra-
lement que 4^50 à 2^^50 ; comme combustible, on se
servait de charbon de bois et il en résultait une consom-
mation excessive s'élevant jusqu'à 50 % et une production
très réduite. En Chine, on emploie encore des petits four-
neaux de 2"^50, évasés vers le haut, d'un diamètre intérieur
de O'^ôO au creuset, munis d'une tuyère; on y charge des
minerais mélangés à de la fonte et à du charbon de bois ; on
s'en sert pour le moulage de poteries d'une finesse et d'une
légèreté remarquables. En Europe, en vue de pouvoir
rassembler une plus grande quantité de fonte dans le
creuset pour le moulage de grosses pièces, on a remplacé
le système primitif de tuyères fixes par une série de tuyères
superposées que l'on ouvrait successivement en bouchant la
tuyère précédente au fur et à mesure que le bain de fonte
montait dans le creuset. Le système a été longtemps et est
peut-être encore employé aujourd'hui dans plusieurs fon-
deries.
Dès que l'emploi des cubilots se fut généralisé dans les
fonderies, les brevets les plus divers surgirent successive-
ment. Le premier perfectionnement considéré autrefois
comme très important et rejeté peu à peu, a consisté dans
l'utilisation de la chaleur perdue du gueulard en vue de
chauffer le vent afin d'obtenir ainsi une production plus
élevée et une moindre consommation de combustible. L'em-
ploi de l'air chaud au soufflage des cubilots n'a donné
d'autres résultats qu'une augmentation de la production,
grâce à l'élévation de température obtenue dans la zone de
fusion ; par contre, on n'a pas constaté d'économie de
combustible, ce qui doit être attribué à ce que la zone de
fusion s'étend sur une plus grande hauteur qu'avec le vent
froid, et que par suite l'acide carbonique formé près des
tuyères rencontre une surface plus considérable de coke
porté au rouge, qui amène une réduction de ce gaz ; il en
résulte que les avantages obtenus d'un côté sont annihilés
et au delà par la perte de chaleur due à la transformation
de l'acide carbonique en oxyde de carbone. La forme inté-
rieure, le profil du cubilot peut avoir une certaine influence
sur la marche de l'appareil. Les cubilots présentant une
cuve spacieuse, raccordée par des étages avec un ouvrage
plus resserré, n'ont pas amené d'économie sur le pourcentage
du coke do fusion, mais ont permis de mettre en train une
fusion avec une quantité moindre de coke d'allumage. Au
sujet des enveloppes d'eau courante (water-jackets), qui
ont été essayées avec les cubilots, elles auraient seulement
pour effet de diminuer la corrosion de la garniture inté- .
rieuro réfractairc ; aussi les a-t-on employées surtout pour
protéger l'ouvrage et les étalages. Il n'est pas aisé de dire
a priori quel serait le résultat si l'on entourait la cuve
d'une water-jacket qui la refroidirait par l'extérieur ; peut-
être dans un cubilot ordinaire obtiendrait-on ainsi une
certaine diminution dans la proportion d'oxyde de carbone
que contiennent les gaz du gueulard.
M. Gouvy, qui a fait, en 4887, une étude intéressante
des cubibots attire surtout l'attention des fondeurs sur la
répartition égale du vent. On a émis fréquemment l'idée
que la descente régulière des charges dans les cubilots
était une condition importante d'une bonne marche, se
basant en cela sur la théorie des hauts fourneaux. Les
avantages que peut présenter cette circonstance, pour les
cubilots en particulier, consiste en ce que tout le coke peut
être brûlé complètement sans qu'il en échappe une certaine
proportion à la combustion, et aussi en ce que la fusion de
la fonte ayant lieu également dans une même section hori-
zontale, la composition de cette fonte est moins susceptible
d'être modifiée par les gaz oxydants et qu'il y a moins de
déchet. Il était nécessaire à cet effet d'obtenir une répar-
tition aussi égale que possible du vent dans toute la sectîôn
du cubilot. Avec la disposition primitive à une seule ou à
deux tuyères, ce but ne pouvait être évidemment atteint.
Si Fou considère en effet un cubilot à deux tuyères oppo-
sées, le vent introduit dans l'appareil sous une certaine
pression et rencontrant les matières chargées est dévié, et
il se forme des courants obliques qui se rejoignent seule-
ment au-dessus de Taxe des tuyères. On a cherché à obvier
à cet inconvénient en disposant les axes des tuyères obli-
quement, de façon à donner au vent un mouvement gira-
toire ; dans ce cas, la zone de combustion est plus étendue
CUBILOT
548 —
en diamètre, mais on a, comme dans le cas précédent, un
point de température basse au-dessous de la rencontre des
courants. On n'y remédie que partiellement en donnant à
l'axe des tuyères une inclinaison de haut en bas avec une
pression de vent suffisamment élevée pour vaincre la résis-
tance des charges, ce qui donne lieu par contre à d'autres
inconvénients. Bien avant l'éjecteur à vapeur, on avait
déjà essayé le tirage naturel, mais la production de ces
cubilots était très faible ; il y avait perte de chaleur con-
sidérable, en raison du temps relativement long, nécessaire
pour obtenir la température de fusion de la fonte, et de
la faible quantité de vent amené simplement par la dépres-
sion produite par la cheminée. Le remplacement du tirage
naturel par le tirage forcé à jet de vapeur est appliqué dans
les cubilots Woodward, Herbertz (4887), Krigar (1884);
on est arrivé à de bons résultats. Mais dans tous ces sys-
tèmes, la transformation complète du coke en acide car-
bonique ne paraît avoir été considérée qu'en seconde ligne,
tandis que c'est une des conditions les plus importantes
pour une fusion économique ; on ne paraît pas avoir tenu
suffisamment compte du principe fondamental d'après lequel
l'acide carbonique, mis en contact de charbon chauffé au
rouge, cède à celui-ci la moitié de son oxygène en passant
à l'état d'oxyde de carbone. C'est ainsi que, dans tous les
cubilots à une seule rangée de tuyères à 0"^70 ou à 0'^80
au-dessus du fond du creuset, l'acide carbonique formé
par la combustion du coke en face de tuyères, rencontre
dans une section immédiatement supérieure, une couche de
coke incandescent et se transforme presque totalement en
oxyde de carbone. Si cependant cet oxyde de carbone
ainsi formé rencontre de l'air en volume suffisant
(4 vol. d'oxygène, pour 2 vol. d'oxyde de carbone), il se
produit de l'acide carbonique avec dégagement de chaleur.
Si l'on tient compte de ce que 4 kiiogr. de coke par
exemple à 8 ^/o de cendres, transformé en acide car-
bonique, dégage environ 7,434 calories et que ce même coke
transformé en oxyde de carbone n'en dégage que 2,275,
il en résulte que le système qui permettra la transforma-
tion de la plus grande partie du coke en acide carbonique
sera le plus avantageux et se rapprochera le plus de la
théorie, sans compter que pour une même section l'on
l'on pourra fondre une plus grande quantité de fonte par
heure.
M. Voisin paraît l'un des premiers avoir porté son
attention sur ce point : il a cherché à déterminer d'abord
aussi exactement que possible la hauteur de la zone de
fusion au-dessus et au-dessous de l'axe des tuyères : il a
trouvé que cette zone s'étendait au maximum à 0^450
environ de part et d'autre. On peut trouver alors facile-
ment le niveau auquel il se forme le plus d'oxyde de car-
bone, en mesurant les températures aux diverses hauteurs ;
c'est à ce niveau que M. Voisin a placé une seconde rangée
de quatre tuyères destinées à reformer de l'acide carbo-
nique ; il créait une seconde zone de fusion. Avec le cubilot
Voisin (V. fig. ci-contre) transformé depuis par Bichonslie,
on a obtenu une consommation de coke de 8 kiiogr. pour 400
kiiogr. de fonte ; la production a pu être augmentée d'en-
viron 20 ^lo et on a été à même d'employer du coke de
qualité inférieure ; un des avantages de ce système est
aussi la facilité de son application à n'importe quel cubilot
existant. Le cubilot dont nous donnons le dessin fournit
4,000 kiiogr. de fonte à l'heure. Si l'on considère que
théoriquement pour fondre 400 kiiogr. de fonte, avec du
coke à 8 ^/^ de cendres par exemple, transformé totalement
en acide carbonique, il faut 4 kiiogr. de coke (en cas de
transformation en oxyde de carbone, il en faudrait 43,33
kiiogr.), on voit que les cubilots à deux rangs de tuyères
qui consomment dans les cas les plus favorables 6 ^jo de
coke de fusion ne donnent cas encore tout ce que l'on peut
attendre d'un cubilot parfait. Cela tient évidemment à ce
que, immédiatement au-dessus des secondes tuyères, il y a
une section jouant le même rôle par rapport à l'acide car-
bonique que la section au-dessus des tuyères inférieures.
Il existe cependant nécessairement dans tout cubilot une
zone quelconque dans laquelle les matières descendantes
n'ont pas atteint
encore la tempé-
rature de l'in-
candescence du
coke, mais où les
gaz ascendants
sont assez chauds
pour pouvoir
s'enflammer au
contact de l'air.
Si donc, on intro-
duit de l'air par
des tuyères com-
mandant la zone
ainsi définie, il y
aura combustion
de cet oxyde de
carbone; une
troisième rangée
de tuyères en un
seul plan hori-
zontal très diffi-
cile dans ce cas
à déterminer
exactement, con-
centrerait la com-
bustion du gaz
dans ce plan et
élèverait bientôt
la température
suffisamment
pourporterlecoke
à l'incandescence,
de sorte qu'une
réduction de Ta-
cide carbonique
serait de nouveau
possible. On ar-
rive ainsi à une
nouvelle solution consistant à disposer la série de tuyères
destinée à desservir la zone qui vient d'être définie et que
l'on pourrait appeler la zone neutre, non plus en un seul
plan, mais suivant une courbe prolongée embrassant une
certaine hauteur du cubilot. MM. Greiner et Erpf, deChis-
nyoviz (Hongrie, 4885), ont distribué au-dessus des tuyères
inférieures sur une hauteur variant de 4 "^30 à 4^50
déterminée par des essais, et suivant une héhce, de petites
tuyères fournissant l'air nécessaire à la combustion de
l'oxyde de carbone échappé à la partie inférieure du cubilot;
ce gaz brûle ainsi dans toute cette zone avec des flammes
bleues et la chaleur dégagée qui est insuffisante pour porter
le coke au rouge est complètement utilisée au chauffage
des charges descendantes. On arrive avec ce cubilot à une
consommation de 3^« 80 par 400 kiiogr. de fonte fondue
et à 6 ^lo en tenant compte du coke d'allumage. La pres-
sion du vent est de 48 à 25 millim. de mercure. Dans ce
qui précède, on n'a étudié les cubilots qu'au point de vue
de la transformation de la fonte solide en fonte liquide.
La teneur en matières étrangères des fontes refondues
est cependant un facteur très important. Dans le cas de mou-
lages, la teneur en carbone joue un rôle moindre que celle en
soufre et en phosphore. Un moyen usité en vue d'éviter une
trop grande décarburation de la fonte, consiste dans l'ad-
dition aux charges d'une certaine proportion de calcaire,
45 à 30 kiiogr. par charge, suivant la teneur en cendres
du coke. On a cherché à influer sur la composition des
fontes par l'introduction de matières étrangères dans les
cubilots : charbon pulvérisé, pétrole, huiles lourdes ; on a
obtenu de bons résultats, mais les appareils apportent aux
cubilots une complication un peu grande. La fusion au
cubilot est beaucoup plus rapide et plus économique que
Cubilot Voisin transformé par Bichons-
lie, à deux étages de tuyères.
— M9
CUBILOT — CUBITyVL
la fusion au réverbère ; de plus, vu le milieu réducteur
dans lequel elle a lieu, la perte par oxydation est moindre.
Elle existe néanmoins et elle est en moyenne de 2 à 4 *^/o ;
pour les fontes siliceuses ou manganésées, le déchet se
porte de préférence sur le silicium et le manganèse. D'un
autre côté, le contact de la fonte avec les cendres du coke
permet aux impuretés de celles-ci de passer dans le métal.
On doit donc employer du coke ayant aussi peu de cendres
que possible. L. Knab.
CUBIQUE (Racine) (Arith. et alg.). La racine cubique
d'un nombre (ou d'une quantité algébrique) est le nombre
(ou la quantité algébrique) qui, élevé au cube, reproduit le
nombre (ou la quantité algébrique) proposé (V. Racine).
Cubique (Forme) (Alg.). — Polynôme du troisième
degré.
Cubique (Géom.). — On appelle cubiques les courbes
planes ou gauches du troisième degré. La parabole cubique
a pour équation î/=:a;^, etc. Les cubiques gauches sont les
intersections de deux quadriques qui ont une génératrice
commune.
BiBL. : Salmon, Traité de géométrie analytique^ Courbes
glanes, trad. par Chemin. — Clebsch, Leçons^ trad. par
enoist. — Briot et Bouquet, abrégé de la Théorie dans
les Compléments de géométrie analytique.
CUBITAL Artère cubitale. — Anatomie. — Branche
interne de la bifurcation de l'humérale, l'artère cubitale
s'étend du milieu du pli du coude à la paume de la main,
où elle se termine en formant l'arcade palmaire superficielle.
Elle est d'abord située au-dessous des muscles rond prona-
teur et fléchisseur superficiel des doigts, puis entre ce der-
nier muscle et le fléchisseur profond, enfin elle glisse entre
le fléchisseur profond et le cubital antérieur. Au tiers supé-
rieur, elle est croisée par le nerf médian qui se place en
dekors d'elle ; le nerf cubital, venu de l'épitrochlée, se rap-
proche d'elle, se place à son côté interne et y reste jus-
qu'au poignet. Elle est placée dans tout son trajet entre
deux veines. A la main, l'artère située sous l'aponévrose,
sur les tendons, décrit une courbe qui s'anastomose avec
la radio-palmaire, venue de l'artère radiale pour former
l'arcade palmaire superficielle. Cette artère donne à l'avant-
bras deux branches, le tronc des récurrentes et le tronc
des interosseuses ; au carpe la transversale antérieure du
carpe et la cubitale dorsale, et à la main la cubito-pal-
maire et les interosseuses palmaires superficielles.
Pathologie. — L'artère cubitale est sujette à des plaies
et des anévrysmes. Les plaies de la cubitale sont assez
graves en raison des anomalies fréquentes qu'elle pré-
sente dans son siège et dans sa direction, et qui la rendent
diflicile à trouver pour la lier lorsqu'on ne peut lier les
deux bouts divisés. C'est pourtant le traitement le plus
efficace de ces sortes d'hémorragies, aussi faut-il ne rien
négliger pour le mener à bonne fin. En cas d'insuccès, on
est obligé de pratiquer la ligature de l'humérale. Les ané-
vrysmes de la cubitale sont le plus souvent traumatiques ;
ils succèdent à des plaies complètes ou incomplètes, ou à
des déchirures de l'artère, sont généralement de petit
volume et peuvent guérir par la compression ou par la
ligature de l'artère au-dessus et au-dessous du sac. On
lie d'habitude la cubitale : 1° au-dessus et près du poi-
gnet ; 2** au-dessus du milieu de l'avant-bras, ou mieux à
l'union du tiers supérieur avec le tiers moyen. Dans le
premier cas, immédiatement en dehors du relief du tendon
du cubital antérieur, on fait à la peau une incision de
5 centim., puis on coupe l'aponévrose superficielle très
près du bord externe du tendon, on écarte celui-ci en
dedans et à la place occupée par lui, on cherche à sen-
tir l'artère à travers l'aponévrose profonde qu'on incise
sur la sonde cannelée. Le nerf est en dedans des vais-
seaux. On dénude l'artère et on la charge de dedans en
dehors. Dans le second cas, on fait une incision de 7 centim,
à trois doigts au-dessous de l'épitrochlée suivant la direc-
tion connue de l'artère, on arrive sur l'aponévrose qu'on
incise sur le muscle fléchisseur superficiel ; dans l'inters-
tice de ce muscle et du cubital qu'on ouvre, on trouve le
nerf, on écarte les lèvres de la plaie, on cherche l'artère
en dehors du nerf, on dénude et on passe sous l'artère le
fil de dedans en dehors.
Muscle cubital. — Deux muscles portent ce nom :
l'un, le cubital antérieur, est situé à la partie la plus
interne de la région antérieure de Favant-bras ; l'autre, le
cubital postérieur, est situé à la partie interne et posté-
rieure.
Cubital antérieur. Il s'étend de l'épitrochlée à l'os
pisiforme du carpfe. Il s'insère en haut à l'épitrochlée et
à l'olécrane par deux faisceaux réunis par une arcade
fibreuse située en arrière de l'épitrochlée et limitant avec
la partie postérieure de cette apophyse un canal dans le-
quel passe le nerf cubital. Il s'insère encore le long de son
trajet par l'intermédiaire de l'aponévrose antibrachiale, au
tiers supérieur du bord postérieur du cubitus. En bas, le
tendon terminal du muscle s'insère au pisiforme, mais se
continue en grande partie avec les fibres du muscle adduc-
teur du petit doigt. Le muscle cubital antérieur est en
rapport en dedans avec Taponévrose et la peau ; en dehors
sa face externe ou profonde recouvre l'articulation du
coude, où il semble se continuer avec des fibres du vaste
interne du triceps ; puis le fléchisseur profond et la partie
interne du fléchisseur superficiel ; elle recouvre aussi le
nerf cubital et l'artère cubitale. Le bord antérieur du muscle
est indiqué par une ligne qui s'étend de l'épitrochlée au
pisiforme : c'est la direction de l'artère cubitale ; aussi a-t-on
appelé ce muscle satellite de l'artère. Le bord postérieur
du muscle suit le bord postérieur du cubitus, sur lequel
il s'insère. A la partie inférieure de l'avant-bras, le cubi-
tal antérieur, dépourvu de gaines aponévrotiques, passe
en avant du bord interne du carré pronateur, puis de la
tête du cubitus parallèlement au fléchisseur superficiel, à
Tartère cubitale et au nerf du même nom, qui sont situés en
dehors. Il a pour fonction d'exécuter les mouvements de
flexion et d'adduction de la main.
Cubital postérieur. Il s'étend de l'épicondyle au cin-
quième métacarpien. Plus mince que le précédent, il s'in-
sère en haut à l'épicondyle et à la face postérieure du cu-
bitus, et en bas sur un tubercule particulier du cinquième
métacarpien, à son extrémité supérieure. Ce muscle est re-
couvert, à l'avant-bras, par la peau et l'aponévrose; il
recouvre le court supinateur et la moitié interne de la face
postérieure du cubitus. Son bord interne est en rapport
en haut avec l'anconé et dans le reste de son étendue avec
le bord postérieur du cubitus qui le sépare du cubital anté-
rieur et du fléchisseur profond ; son bord externe avec l'ex-
tenseur du petit doigt et avec l'extrémité supérieure des
muscles adducteur et extenseur du pouce et de l'index. Au
poignet, le tendon du muscle est renfermé dans une gaine
fibreuse dans laquelle il glisse au moyen d'une séreuse.
Le cubital postérieur est adducteur et extenseur de la
main.
Nerf cubital. — Ce nerf naît par un tronc commun
avec la racine interne du nerf médian. Il se porte direc-
tement en bas dans la gaine du triceps sans fournir de
rameaux, suit la direction de l'artère humérale, passe au
coude en arrière de l'épitrochlée, se place à la face pro-
fonde du cubital antérieur jusqu'au tiers moyen de l'avant-
bras, où il se trouve alors en dedans de l'artère cubitale
et se bifurque à quelques centimètres au-dessus de la tête
du cubitus en deux branches, une antérieure, palmaire et
une postérieure ou dorsale. Il anime à l'avant-bras le
muscle cubital antérieur et la moitié interne du fléchis-
seur profond, et fournit un rameau perforant qui va
s'anastomoser dans la peau avec le brachial cutané interne.
A la main, la branche antérieure anime les muscles de
l'éminence hypothénar, les deux derniers lombricaux, tous
les interosseux, l'adducteur du pouce, le petit doigt et la
face externe de l'annulaire ; la branche postérieure donne
les nerfs collatéraux dorsaux de l'auriculaire, de l'annulaire,
et le collatéral dorsal interne du médius.
Veines cubitales. — Il existe deux veines cubitales
CUBITAL — CUBITUS — S50 «-
profondes qui suivent l'artère et vont rejoindre les veines
humérales ; une ou plusieurs veines cubitales superficielles
qui, nées de la sal-
vatelle du petit doigt,
vont rejoindre la
veine basilique,
CUBITIÈRE (Ar-
chéoL). Partie de
l'armure qui proté-
geait le coude. Ce
ne fut d'abord, au
xin'^ siècle , qu'un
bassin ciculaire lé-
gèrement conique ,
attaché à la saignée
du bras par une cour-
roie ; on y adjoignit
une rondelle de mé-
tal posée sur le bras
(fig. 1). Au cours
du xiv*' siècle, la
cubitière et la ron-
delle furent combi-
nées de façon à for-
mer une boîte qui
emprisonnait le
coude, reliée par des
lames mobiles aux
plaques de métal qui
protégeaient le bras
et l'avant-bras. La fig. 2 est empruntée à la statue de Jean
d'Artois (mort en 4384) dans l'église d'Eu. Au xv*" siècle,
Fig. 2.
les cubitières atteignirent des dimensions exagérées ; elles
étaient souvent ornées d'une pointe qui se prolongeait en
arrière du coude. M. P»
BiBL. : ViOLLET-LE-Duc, Dlctionnairô du mobilier, t. V,
p. 299.
eu BUT (Thomas), entrepreneur anglais, né à Buxton,
près de Norwich, le 25 févr. 1788, mortàDenbies, près de
Dorking, le 20 déc. 4855. Il débuta comme ouvrier char-
pentier et devint un des premiers entrepreneurs de cons-
truction de Londres où il bâtit des quartiers entiers, et eut
part à presque tous les grands travaux de son temps,
notamment à l'Exposition universelle de 1851 , dont il contri-
bua à assurer le succès. Il a publié : Experiments on the
itrenght of Brick and Tile Arches et Experiments on
the strenght ofiron gilders dmsles Proceedings of the
civil Engineers. —Son frère, William WùiiU m à Bux-
ton en 1791, mort le 28 oct. 1863, entré d'abord dans la
flotte, puis associé à Thomas, devint shérif de Londres et
Middlesex en J847, lord-maire en 1860 et de nouveau en
4861. Membre de la Chambre des communes pour Ando-
ver, de juil. 1847 à juil. 1861, il siégea parmi les conser-
vateurs libéraux. Il se présenta ensuite sans succès à
Londres, et fut réélu par Andover en 1862.
G U B ITUS . I. Anatomie. — Le plus volumineux des deux
os de l'avant-bras, forme avec le radius et les os de la pre-
mière rangée du carpe l'articulation du poignet et celle du
coude avec le radius et l'humérus. C'est un os long, plus
volumineux en haut qu'en bas, prismatique et triangulaire ,
légèrement tordu sur lui-même. On le divise en corps et
extrémités. Le corps présente trois faces et trois bords :
une face antérieure, plus large en haut qu'en bas, pré-
sentant le trou nourricier de l'os, et servant d'insertion au
muscle fléchisseur prof ond des doigts ; une face postérieure,
qui présente deux lignes de rugosités servant d'insertion
aux muscles de la couche postérieure de l'avant-bras et en
haut au muscle anconé; une face interne, lisse, recouverte
seulement par les téguments et en bas par le tendon du
cubital antérieur. Des*^ trois bords, l'externe donne attache
au ligament interosseux ; l'antérieur commence en haut à
l'apophyse coronoïde et se termine en bas à l'apophyse
styioïde ; le bord postérieur commence au-dessous de l'olé-
crane. L'extrémité supérieure ou humérale est creusée
en avant d'une cavité nommée sigmoïde et destinée à s'ar-
ticuler avec la trochlée de l'humérus. Cette cavité est
formée de deux parties, l'apophyse coronoïde et l'olécrane,
à la réunion desquelles l'os est un peu étranglé et se brise
facilement. La face antérieure de la cavité sigmoïde est re-
couverte de cartilage ; la face postérieure sert d'insertion
au muscle triceps ; ses bords, aux Hgaments des articu-
lations du coude. En bas de son bord externe est une petite
cavité sigmoïde dans laquelle se place la tête du radius.
L'extrémité inférieure, ou tête du cubitus, est articulaire
en dehors, où elle est reçue dans une cavité du radius, et
en bas où elle s'articule avec l'os pyramidal du carpe. Du
côté interne est l'apophyse styioïde du cubitus séparée de
la tête par une gouttière dans laquelle passe le tendon du
muscle cubital postérieur. Cet os se développe par trois
points d'ossification, un pour le corps, un pour chaque
extrémité ; le corps se réunit à l'extrémité supérieure vers
l'âge de quinze à seize ans, et à l'extrémité inférieure de
dix-huit à vingt ans.
ÏI. Pathologie. — Luxations (V. Coude, Poignet).
Fractures, Le cubitus peut se fracturer avec le radius,
mais il peut aussi être fracturé seul. La fracture siège soit
sur la diaphyse, soit sur les deux extrémités. La fracture
isolée de la diaphyse a fieu en général par cause directe ; toutes
les portions de l'os paraissent également disposées à se
briser, et les fragments prennent les directions les plus
diverses, mais le plus souvent vers l'espace interosseux.
Elle peut se comphquer de plaie, de luxation du radius, etc.
Le diagnostic est facile, le pronostic peu grave quand la
fracture est simple, réservé quand elle est compliquée.
Elle se termine assez souvent par pseudarthrose. Dans le
traitement, il faut s'opposer à la tendance qu'ont les
fragments de s'incliner en dedans. Les fractures de l'apo-
physe coronoïde sont très rares, Hamilton n'en connaît que
quelques cas. Elles ont lieu à la suite de chutes sur la
paume de la main ou d'une torsion de l'avant-bras. Les
signes sont des plus confus, à cause du gonflement et de
l'épanchement sanguin qui accompagnent la fracture. Il
n'y a pas en général de réunion osseuse des fragments,
mais un simple cal fibreux. Le traitement consiste à mettre
le bras dans la flexion à angle droit et à le maintenir dans
cette position. L'autre apophyse du cubitus, l'olécrane,
peut aussi se briser. La fracture résulte d'une violence
exercée sur le coude, d'une forte contraction du triceps ;
elle peut siéger au sommet ou à la base de l'olécrane. Le
fragment est attiré en haut par le triceps. Les avis sont
très partagés au sujet de la situation à donner au bras
dans le traitement ; les uns préconisent l'extension complète,
d'autres la demi-flexion, d'autres la flexion à angle droit.
Cependant l'extension complète paraît la plus rationnelle.
On a- pratiqué récemment la suture des fragments de
— 551 —
CUBITUS - CUCUBALUS
Folécrane brisé. Le cubitus est encore sujet aux affections
ordinaires des os, ostéite, carie, nécrose, tumeurs diverses,
qui n'offrent ici rien de particulier. D^ L.-H. Petit.
CUBJAC ou CUBJAT. Corn, du dép. de la Dordogne,
arr. de Périgueux, cant. de Savignac-les-Eglises, sur la
Haute-Vezère ; 1,163 hab. La moitié de la rivière s'en-
gouffre sous une colline au moulin des Soucis, pour repa-
raître à 4 kil. plus loin où elle fait mouvoir les forges de
Saint-Vincent-d'Exideuil.
eu B LAC. Com. du dép. de la Corrèze, arr. de Brive,
cant. de Larche; 1,213 hab.
CUBLIZE. Com. du dép. du Rhône, arr. de Villefranche,
cant. d'Amplepuis; 1,999 hab. Importantes fabriques de
toiles, fil et coton dites beaujolaises. Le bourg de Cublize,
qui appartenait à la maison de Beaujeu-Linières, passa en
1578 aux Bébé qui le vendirent à Jean des Serpents en
1579. Louis-Antoine de La Rochefoucauld, héritier de cette
famille, le revendit à Le Prêtre de Vauban, frère du maré-
chal, dont la famille le possédait encore en 1789. G. G.
CUBNEZAlS.Com. du dép. de la Gironde, arr. deBlaye,
cant. de Saint-Savin ; 604 hab. L'église a conservé quelques
détails romans.
CUBOÏDE (V. Main, Pied).
CUBRANOVIC (André) (on écrit aussi Tchoubrano-
vitch et Ciubranoviâ), poète serbo-croate du xvi® siècle. Il
était né à Raguse, d'une famille peu fortunée. Un amour
malheureux pour une noble dame lui inspira son premier
poème : la Bohémienne. Cette œuvre a eu dans la Htté-
rature ragusaine plusieurs imitations ; le style de Cubra-
novic a inspiré des poètes comme Gundulic et Palmotic.
La Bohémienne a été éditée à Venise en 1599 et à
Zagreb (Agram) en 1876 (dans le t. VIII des Anciens
écrivains croates, pubhés par l'Académie sud-slave). L. L.
CD BRI AL. Com. du dép. du Doubs, arr. de Baume-
les-Dames, cant. de Rougemont ; 326 hab.
eu BRI AN (Francisco), peintre espagnol du xvii® siècle et
l'un des meilleurs élèves qu'ait formés Zurbaran. On sait peu
de choses sur la vie de cet artiste ainsi que sur ses ouvrages
qui auront sans doute disparu ou qu'on aura confondus avec
ceux de ses condisciples. On cite cependant comme étant de
sa main six petites peintures formant le retable de Notre-
Dame du Rosaire dans la chapelle du couvent de Samte-
Paule, à Séville. Un reçu de l'artiste de la somme de mille
reaux, prix payé pour ces peintures, existait dans les
* archives de ce couvent. Il était daté du 14 juil. 1642.
CUBRY. Com. du dép. du Doubs, arr. de Baume-les-
Dames, cant. de Rougemont; 317 hab.
CUBRY-lès-Faverney. Com. du dép. de la Haute-
Saône, arr. de Lure, cant. de Vauviîlers ; 230 hab.
CUBZAC-LES-PoNTS. Com. du dép. de la Gironde, arr.
de Bordeaux, cant. de Saint-André-de-Cubzac; 1,005 hab.
CUBRY-LES-SoiNG. Com. du dép. de la Haute-Saône,
arr. de Gray, cant. de Fresne-Saint-Mamès ; 209 hab.
CUCALÔN (Sierra de). Chaîne de montagnes qui se
dresse dans la partie septentrionale de la prov. de Téruel
(Espagne), court du S.-E. au N.-E. et sépare la vallée du
Jiloca de celles d'autres affluents de rEbre(Huerva, Aguas,
Martin). Elle tire son nom de la bourgade de Cucalén,
près Huerva et a pour point culminant le Alto de Herrera
(1,366 m.). ^ ^ E.Cat.
CUCCHIARI (Domenico), général italien, né à Carrare
en 1806, neveu par sa mère de Pellegrino Rossi. Reçu
docteur en droit à Pise en 1826, il prit part aux événe-
ments de 1831 à Modène, et s'engagea dans la troupe
révolutionnaire du général Zucchi. Après la capitulation
d'Ancone, il passa en France. Il alla ensuite en Portugal
se mettre au service de don Pedro (1833), puis en Espagne
(1835), oh il parvint au grade de lieutenant-colonel dans
l'armée d'Isabelle II. En 1848, il rentra en Italie et reçut
le commandement des troupes modénaises. Resté en Pié-
mont, il combattit à Novare (1849) et devint général en
1855. Use distingua à San Martino (bataille de Solferino,
1859). En 1860, Massa-Carrara l'envoya au parlement,
oh il siégea à droite. Il fut fait sénateur le 8 oct. 1865.
En 1866, il commandait un corps d'armée à Custoza. Il a
pris sa retraite à Livourne. F. E,
eu CCI (Domenico), sculpteur, ébéniste, marqueteur,
ciseleur et doreur romain du xvii*^ siècle. Mazarin l'appela
à Paris pour y exécuter des cabinets, ornés de bronzes
ciselés et de pierres dures. Plus tard, Cucci entra au ser-
vice du roi et fut logé aux Gobelins ; il y établit une fon-
derie de bronze pour les résidences royales. Parmi ses
ouvrages principaux, on cite : I ° deux grands cabinets avec
le Triomphe d'Apollon et le Triomphe de Diane (allu-
sion à Louis XIV et à Marie-Thérèse). Ces cabinets, ter-
minés en 1667, étaient destinés à la galerie d'Apollon, au
Louvre ; on les désigne sous le nom de Temple de la
Gloire et Temple de la Vertu; 2^ deux autres cabinets en
ébène, avec des bronzes ciselés ; l'une des deux figures
représente Louis XIV et se trouve aujourd'hui chez M. H.
Schneider ; 3*'deux cabinets, avec les bustes de Louis XIV
et de Marie-Thérèse (actuellement au palais de Versailles).
C'est à Versailles aussi que se trouvent les admirables ver-
rous et serrures du grand appartement ; au Louvre, la
garniture de bronze de la bibliothèque du roi ; à Saint-
Denis, un tabernacle pour le maître-autel. Cet artiste mourut
aux Gobelins, dans un âge fort avancé.
BiBL. : De Champeaux, Dictionnaire des fondeurs, oise^
leurs, modeleurs en bronze et doreurs ; Paris, 1886,
eu CE DE BOISGELÏN (V. BoïSGELIN).
CUCHARMOY. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr.
et cant. de Provins; 287 hab.
CUCHERY. Com. du dép. de la Marne, arr. de Reims,
cant. de Châtillon ; 404 hab.
C U C H E V A L-Clarign Y (Philippe-Athanase) , publiciste
français, né à Calais le 1«^ févr. 1822. Après de brillantes
études en province et au collège Henri IV, il entra à
l'Ecole normale dans la section d'histoire, puis à l'Ecole des
chartes où il obtint en 1845 le diplôme d 'archiviste-pa-
léographe et fut attaché à la bibliothèque Sainte-Geneviève
dont il devint l'un des conservateurs. Collaborateur du
Constitutionnel, où il combattit le ministère Guizot, et
l'un des fondateurs de la Liberté de penser, il échoua en
1848 dans une candidature à l'Assemblée constituante et
prit un moment la direction du Constitutionnel, tout
dévoué alors à la politique du prince-président, mais il ne
tarda pas à être remplacé par Amédée Renez. Sous le
second Empire, il collabora fréquemment au Moniteur, à
la Patrie, à la Revue des Deux Mondes et fut un moment
(1866) rédacteur en chef de la Presse. On cite de M. Cu-
cheval-Clavigny : Histoire de la presse en Angleterre et
aux Etats-Unis (1857,in-12); les Budgets de la guerre et
de la marine en France et en Angleterre (1860, in-8) ;
Considérations sur les banques d'émission (1864, in-8) ;
Histoire de la constitution de i852 (1869, in-12) ;
V Equilibre européen après la guerre de i870 (Bruxelles,
1871, in-8); Des Institutions représentatives et des
garanties de liberté (1874, in-8); lord Beacons fie Id
et son temps (1880, in-12) ; VInstruction publique en
France (1883, in-8); les Finances de l'Italie, iSôê-
i888 (1888, in-8). H a traduit de l'anglais de W^^ Bee-
cher-Stowe la Perle de l'île d'On (1 862, in-12). M. Tx.
CUCQ. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. et cant.
de Montreuil-sur-Mer; 738 hab.
CUCUBALUS {Cucubalus L.) (Bot.). Genre de plantes
de la famille des Caryophyllacées, voisin des Silène (V. ce
mot), dont il diffère par le fruit bacciforme, indéhiscent.
L'unique espèce, C, bacciferus L. , est une herbe vivace dont
la tige grimpante et rameuse porte des feuilles opposées.
Les fleurs, de couleur blanc verdâtre, ont un cahce renflé-
vésiculeux, à cinq dents, une corolle de cinq pétales bifides,
longuement onguiculées, dix étamines et un ovaire unilo-
culaire surmonté de trois styles. Les fruits sont globuleux,
charnus, de couleur noirâtre. ^ — Le C. bacciferus L. croît
en Europe dans les haies, les buissons, les lieux ombragés,
humides. La plante entière figurait jadis dans les officines,^
CUCUBALUS — CUCUPHE
552 —
sous la dénomination d'Herba Cucubali s. Viscaginis
bacciferi s. Alsines bacciferœ. Elle était employée, en
décoction, comme rafraîchissante. Ed. Lef.
CUCUGNAN. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Carcas-
sonne, cant. de Tuchan ; 264 hab.
CUCUJO (V. Pyrophore).
CUCUJUS. I. Entomologie. — (Cucujus Fabr.). Genre
de Coléoptères, qui a donné son nom à la famille des Cucu-
jides, placée par Jacquelin Duval (Gen. Col. d'Europe,
II, p. 190), à côté de celle des Cryptophagides, dont
elle diffère par les articles des tarses simples, le premier
étant toujours petit ou très court. Les Cucujus ont le
corps allongé, très plat, les mandibules robustes et arquées,
les antennes filiformes, les tarses postérieurs de quatre
articles chez les mâles, de cinq chez les femelles. Les deux
seules espèces européennes, C. sanguinolentus L. et C.
hœmatodes Erichs., sont noires avec le prothorax et les
élytres d'un beau rouge. Le C. hœmatodes se trouve sous
les écorces du Pin ; le C. sanguinolentus sous celles de
Chêne. La larve de cette dernière espèce a été décrite par
Erichson (Naturg. der Insect. DeutschL, II, p. 807).
IL Paléontologie. — Les genres de la famille des Cu-
cujidœ, Sylvanus et Passandra sont représentés dans
l'ambre tertiaire.
CUCULIDES (Ornith.). Famille naturelle de la classe des
Oiseaux et de l'ancien ordre des Grimpeurs de G. Cuvier,
renfermant outre les Coucous proprement dits, les Coucals,
les Coulicous, les Eudynamys, les Scythrops, les Anis,
les Diploptères, les Saurothères, les Couas, les Malcohas et
les Indicateurs. E. Oustâlet.
CUCULL>€A. I. Malacologie. — Genre de Mollusques-
Lamellibranches, de l'ordre des Pectinacés, établi par La-
marck en 4801 pour une coquille plus ou moins trapézi-
forme, équivalve, presque équilatérale, ventrue, à valves
peu épaisses ; close en avant, quelquefois faiblement bâillante
en arrière. Charnière linéaire, droite, portant en son milieu
des dents petites, subverticales et presque parallèles entre
elles ; aux extrémités des dents obliques et allongées ; la
surface des valves est revêtue d'un épiderme mince et ornée
de sillons peu accusés et rayonnants. L'impression muscu-
laire antérieure est placée sur une lame saillante et à bords
anguleux. — C. concamerata Martini. Les espèces du
genre Cucullaea habitent les mers de Chine.
IL Paléontologie (V. Arche [^Arca]).
CUCULLANUS (Zool.). Genre de Nématodes créé par
Millier pour des Vers de la famille des Strongylides, ou
du moins constituant un groupe naturel très voisin de
celle-ci. On en connaît douze espèces : trois vivent chez les
Chéloniens, une chez les
Ophidiens, sept chez les Té-
léostéens, une chez les Ga-
noïdes. L'espèce la plus
commune, C. elegans Ze-
der, habite l'intestin et les
appendices pyloriques de
la Perche et d'un grand
nombre d'autres Poissons
(V. Nématodes). R. Bl.
CUCULLE (Archéol.).
Capuchon dont les voya-
geurs, les chasseurs, les
paysans et même les
soldats se servaient
contre la pluie et le froid.
Il semble que les Romains
aient emprunté ce vête-
ment aux barbares. On
fabriquait des cuculles en
Gaule, particulièrement à
Saintes. Les textes an-
ciens mentionnent des bar-
docuculli dont le nom dérive de celui d'une peuplade de
l'ïllyrie, les Bardœù Le capuchon se prolongeait en forme
Fig. 1.
de pèlerine jusqu'à la moitié de la poitrine (fîg. 1);
quelquefois, il était rattaché à un long manteau, appelé
vestis cucullata. Au moyen âge, le cucuUe devint essen-
tiellement un vêtement religieux. Saint Benoît l'imposa aux
moines; il en régla les dimensions; mais la forme et
la longueur varièrent suivant les temps et les lieux. Au
ix^ siècle, le cuculle monacal était un voile à capuchon.
Mais dès le x^ siècle, il fut réduit à l'état de simple
capuchon avec une queue et deux pattes (fig. 2). C'est
peut-être là ce bonnet à oreilles contre lequel se prononça
le concile de Laon en 972. On a souvent confondu le
cuculle avec le froc. Mais le pape Clément V, au con-
cile de Vienne, établit une différence entre ces deux vê-
tements monastiques. « Le cuculle est un vêtement long et
ample, mais sans manches ; le froc, un vêtement long avec
des manches larges et lon-
gues. » On voit que le
cuculle du xiv^ siècle ne
différait pas essentielle-
ment de la chape. C'est
ce que constatent, même
avant cette époque, plu-
sieurs écrivains. Dans les
textes français, le cuculle
est désigné par les mots
coiile^ goule. On ne doit
pas confondre le goule
avec la goule ou gule
du peliçon, partie de ce
manteau qui couvrait la
tête et les épaules. Cu-
culle ou goule avait le
même sens de robe de moine que nous donnons aujour-
d'hui au mot froc. Prendre le cuculle (en latin cucul-
lare), c'était se faire moine ; les moines sont appelés
cucullati par plusieurs écrivains du moyen âge. M. P.
BiBL. : S. Reinach, Cuculla, dans Darembebg et Saglio,
Dictionnaire des Antiquités, t. I, p. 1577. — Du Gange,
Glossarium., au mot Cucullus. — Quicherat, Histoire du
costume, pp. 68, 105, 112, 119, 120 et 327.
CUCULLELLA(V. Nuculâ).
CUCUMARIA (ZooL). Genre d'Echinodermes de la classe
des Holothuries et de la famille des Dendrochirotes, établi
par de Rlainville. Il est caractérisé par un corps cylin-
drique, muni de dix tentacules ; les tubes ambulacraires
sont simples, semblables entre eux, disposés en cinq séries
longitudinales dans les aires radiales. Les espèces de ce
genre sont nombreuses et se trouvent dans toutes les
mers. Ex. : C. do/iohtmPalL, de la Méditerranée, C. fron-
dosa Gunn. et C. pentactes L. des mers du Nord. R. Mz.
CUCUMIS (CucumisL.) (Bot.). Genre de plantes de la
famille des Cucurbitacées et du groupe des Cucumérinées,
dont les caractères essentiels résident dans les vrilles qui
sont toujours simples et dans les anthères qui sont sur-
montées d'un prolongement du connectif, formant un
appendice papilleux très remarquable. Ce sont des herbes
annuelles, plus rarement vivaces, à tiges sarmenteuses, à
feuilles entières ou plus ou moins découpées. Les fleurs
sont monoïques ou dioïques et de couleur jaune, avec la
corolle nettement dialypétale. Le fruit est une baie^ de
forme très variable, renfermant de nombreuses graines
obovales-subglobuleuses, ordinairement non marginées. —
Le genre Cucumis renferme environ vingt-cinq espèces des
régions chaudes de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique.
Les plus importantes sont : le C. sativus L., bien connu
sous le nom de Concombre (V. ce mot) ; le C. Melo L.,
ou Melon (V. ce mot) ; le C. Anguria L. ou Concombre
Arada, remarquable par son fruit hérissé de nombreux
aiguillons (V. Angourie) ; le C. deliciosus Roth., très
eslimé en Portugal et le C. acutangulus Poir., très estimé
en Orient. ' Ed. Lef.
CUCUPHE (Pharm.). Les cucuphes (cucufa, coiffe)
des anciens médecins sont des espèces de calottes ou de
bonnets dans la doublure desquels on dispose des poudres
553
CUCUPHE - CUDBEAR
médicamenteuses, ordinairement aromatiques ; on pique le
sachet afin de maintenir la masse également dans l'inté-
rieur. Les cucuphes se composaient de romarin, de sauge,
d'hysope, de bétoine, de cannelle, de girofle, de baume,
de benjoin, etc. On les appliquait sur la tète nue dans plu-
sieurs maladies. On n'emploie plus guère aujourd'hui, sous
cette forme, que la glace pilée, dans les maladies cépha-
liques. Ed. B.
CUCU RBITA (Cucurbita L.) (Bot.). Genre de plantes qui
a donné son nom à la famille des Cucurbitacées. Ce sont des
herbes annuelles ou vivaces, rampantes, voisines des Cucu-
mis (V. ce mot), dont elles diffèrent par les vrilles tou-
jours plus ou moins rameuses, par la corolle gamopétale à
limbe quinquéfide et par les anthères non surmontées d'un
prolongement du conneclif. Leurs feuilles sont alternes,
pétiolées, à limbe plus ou moins profondément lobé, à ner-
vures épaisses. Les fleurs, de couleur jaune ou blanche,
sont unisexuées et le plus souvent monoïques ; les mâles
solitaires ou rapprochées en eymes ; les femelles ordinai-
rement solitaires. Le fruit est une baie ordinairement volu-
mineuse, dont les graines ovales ou oblongues, aplaties,
sont le plus souvent rebordées. — Le genre Cucurbita ren-
ferme seulement sept ou huit espèces des régions chaudes
de TAsie, de l'Afrique et de l'Amérique. Les plus impor-
tantes sont : 4° le C. maxima Duch., appelé vulgairement
Potiron, Gtrouille et dont les fruits atteignent souvent un
volume considérable. C'est à tort qu'on désigne également
cette espèce sous le nom de Courge, car la vraie Courge est
le Lagenaria vulgaris Ser. (V. Lagenaria) ; 2<> le C,
Pepo L., bien connu sous les noms de Giraumon, Courge
de Saint-Jean, Coloquinelle, Citrouille iroquoise et dont le
Concombre d'hiver ou C. de Malte n'est qu'une variété ;
3^* le C. melopepo L. ou Pastisson, Bonnet d'électeur.
Bonnet de prêtre. Artichaut de Jérusalem, auquel se rap-
porte le C, clypeata Hort., on Artichaut d'Espagne; ses
fruits assez petits, ordinairement blanc jaunâtre ou vert
panaché de jaune, sont déprimés et munis de quatre ou
cinq cornes saillantes ; 4° le C, moschata Duch., ou Ci-
trouille musquée, espèce très recherchée dans le midi de la
France, ainsi qu'en Italie et aux Antilles. Elle présente
plusieurs variétés à fruits cylindriques, en forme de mas-
sue ou de pilon, qui sont cultivées en Provence sous le
nom de Mélonée ou Courge muscade des Marseillais et
dans l'Afrique boréale et l'Europe méridionale sous celui
de Courge berbère ; 5^ le C. verrucosa L. ou Grande
Citrouille verruqueuse, dont les fruits énormes, générale-
ment obovoïdes, atteignant jusqu'à 70 centim. de longueur
sont d'un vert plus ou moins foncé, bariolés de bandes
plus claires et couverts çà et là de grosses verrues ; 6^ en-
fin, le C. ovifera L. ou Cougourdelle, Fausse Poire, dont
les fruits verts ou jaunâtres, semblables à une Poire ou à
une Figue allongées, servent uniquement à faire de petits
vases. Ed. Lef.
CUCURBITACÉES (CueurbitaceœEndl) (Bot.). Famille
de Végétaux Dicotylédones, dont les représentants sont des
herbes annuelles ou vivaces, rarement sous-frutescentes,
ordinairement rampantes ou grimpantes et munies de
vrilles latérales simples ou ramifiées. Leurs feuilles sont
alternes et dépourvues de stipules. Les fleurs, de couleur
blanche ou jaune, plus rarement rouge ou bleue, sont uni-
sexuées, monoïques ou dioïques. Leur réceptacle a la
forme d'une coupe plus ou moins profonde, dont le fond
est occupé par le gynécée. Sur ses bords s'insèrent un
calice à cinq (plus rarement trois ou six) sépales imbri-
qués et une corolle régulière, dont les pétales, en nombre
égal à celui des sépales, sont concrescents en une corolle
gamopétale, quelquefois libres et indépendants de façon à
constituer une corolle dialypétale. Dans les fleurs mâles,
Fandrocée est formé de cinq étamines libres, pourvues
chacune d'une anthère extrorse ; mais, plus ordinairement,
quatre de ces étamines se rapprochent ou se réunissent par
leurs filets, de sorte que Fandrocée se trouve réduit à trois
étamines. Dans les fleurs femelles, le gynécée se compose
ordinairement d'un ovaire infère, uniloculaire, avec trois
placentas pariétaux, chargés d'un nombre variable d'ovules
anatropes. Cet ovaire est surmonté d'un style unique, ter-
miné par trois stigmates séparés, ordinairement contour-
nés et lobés. Il devient à la maturité une baie de forme
extrêmement variable, souvent très volumineuse {péponide),
recouverte d'une écorce plus ou moins dure, parfois li-
gneuse, et contenant une masse charnue dans laquelle sont
nichées les graines. Celles-ci, généralement aplaties, ren-
ferment sous leurs téguments un embryon droit, dépourvu
d'albumen. — Les Cucurbitacées, rares en Europe, sont ré-
pandues dans les régions chaudes du globe, surtout dans la
zone tropicale. Elles ont été, dans ces derniers temps, l'ob-
jet de travaux importants de la part de MM. Naudin (Ann.
Se. natur,)^ Dutailly {Assoc. franc, pour Vavanc. des
sciences. Le Havre, 1877), Cogniaux (dans les suites au
Prodromus de DC, III, p. 325) et H. Bâillon (Assoc,
franc, pour Vavanc, des sciences, congrès de Paris,
1878, p. 676, et HisLdes P/a^^^s[1882], VIII, p. 375).
Ce dernier auteur, qui les place entre les Campanulacées et
les Loasacées, les répartit en sept séries, de la manière
suivante : 1° Févillées (genres : Fevillea L., Alsomitra
Rœm., ZanoniaL,, etc.); ^l'^Séchiées (genres: Sechium
P. Br., Sicyos L., etc.); 3<* Périanthopodées (genres :
Perianthopodus S.-Mans., Selysia Cogn., etc.); 4<* Cy-
clanthérées (genres : Cyclanthera Schrad., Elaterium
Jacq., et Echinocystis Torr.) ; 5° Cucurbitées (genres :
Cucurbita L., Cucumeropsis Naud., Cucumis Tourn.,
Citrullus Neck., Bryonia Tourn., Ecballium A. Rich.,
Luffa Tourn., Momordica Tourn., Lagenaria Ser.,
Trichosanthes L., etc.); 6*^ Mélothriées (genres : Melo-
thria L., Ceratosanthes Burm., etc.); 7^* Telfairiées
genres : (Telfairia Hook., Anguria Plum. et Helmontia
Cogn.). Ed. Lef.
CUCURON {Cucuro Coucouron), Com. du dép. de
Vaucluse, arr. d'Apt, cant. de Cadenet; 1,480 hab. Dans
l'église, on remarque un immense retable provenant du
couvent de la Visitation d'Aix et contenant une magni-
fique Assomption de la Vierge de Puget. Restes de forti-
fications et de l'ancien château.
CUCURON (Guillaume de), architecte français, né à
Cucuron (Vaucluse), mort en 1323. Il fut chargé à Avi-
gnon, par le pape Jean XXII, de travaux de réparations à
l'ancien palais épiscopal ainsi que de la construction de
différentes salles et de la conversion en chapelle ponti-
ficale de l'ancienne église paroissiale Saint-Etienne. Comme
plusieurs autres architectes de la cour d'Avignon, Guil-
laume de Cucuron était dans les ordres : les registres du
Vatican le qualifient de chapelain du pape. Ch. Lucas.
BiBL.: Faucon, les Arts à la cour d'Avignon; Rome,
1884. -- Duhamel, les Architectes du palais des papes à
Avignon. ~ E. Muntz, l'Histoire des arts dans la ville
d'Amgfnon ; Paris, 1888, p. 16.
eu eu SE. Ville de F Arménie ancienne (Cataonie), sou-
vent mentionnée dans l'Itin. Ant. Saint Jean Chrysostome
(V. ce nom), y fut banni en 404. Il en a laissé une des-
cription dans ses Lettres,
CUCUTA (El Bosario de). Ville de Colombie, état ou
département de Santander, au centre d'une vallée fertile
(cacao, canne à sucre, café, tabac) à 378"* d'alt., près du
rio Tachira; 5,000 hab. En 18^1, s'y réunit le congrès
qui proclama la république de la Grande-Colombie (V. Co-
lombie, t. XIL p. 1024). — Un peu plus bas se trouve la
ville de San José de Cucuta dans le même Etat, près de
la frontière du Venezuela à 294"^ d'alt., sur la voie ferrée
de San Carlos à Pamplona; 40,000 hab. C'est une place
commerciale importante ; rebâtie après le tremblement de
terre de 1875, elle est régulière et bien construite. — Sur
le rio Tachira qui marque la frontière, se trouve, dans le
Venezuela, Etat de Merida, la ville de San Antonio de
Cucuta ; très près des deux précédentes, elle est comme
elles un entrepôt commercial.
CUDBEAR (Teint.). Synonymes ipersio, indigo rouge,
indigo du Nord. Le cudbear est une matière colorante
CUDBEAR - GUDWORTH
•^ 554
violacée, analogue à l'orseille; il fut d'abord préparé en '
grand à Glasgow par le docteur Cuthbert Gordon, puis à
Leith par G.-G. Mac-Intosh en 1777. Cette industrie prit
ensuite un grand déyeloppement, et des fabriques impor-
tantes s'installèrent à Liverpool , dans le Jutland et en
Allemagne. Le cudbear se rencontre dans le commerce sous
forme d'une poudre rouge pourpre, d'une saveur salée et
alcaline; peu soluble dans l'eau froide, plus soluble dans
l'eau chaude. On le prépare comme l'orseille, seulement
cette dernière est livrée sous forme d'extrait ou de pâte ;
on emploie principalement des lichens à couleur rouge pro-
venant d'Ecosse, de Suède, de Norvège, d'iimérique , et
appartenant au genre Lecanora {Lecanom tartarea, cal-
carea, etc.). On les laisse fermenter au contact de l'air
pendant un mois en couche peu épaisse, afin d'éviter la
putréfaction, avec de l'urine pourrie ou de l'ammoniaque ;
on remue de temps en temps ; la masse devient bientôt vio-
lacée, et, quand elle est bien sèche, on la réduit en poudre
fine en la passant dans des moulins. D'après Hermsteadt,
on livre très souvent en Allemagne, sous le nom de persio,
du bois de Brésil râpé et imprégné d'urine pourrie ou
d'ammoniaque, ou bien mélangé avec le cudbear; pour
reconnaître cette adultération, la solution colorante est
additionnée d'acide acétique et de sel d'étain ; on porte à
l'ébullition. La liqueur est presque entièrement décolorée
si le cudbear est pur; elle reste rouge, si elle contient du
bois de Brésil. Le cudbear est peu employé aujourd'hui en
teinture; du reste, toutes les orseilles tendent à disparaître
de la consommation, vu leur peu de solidité. Il teint sans
mordant en donnant des rouges en bain neutre, des violets
en présence des alcahs, ou des nuances plus rouges encore
par les mordants acides, tels que le tartre, le sulfate d'alu-
mine, l'alun. Il fut jadis employé comme fond pour les
draps devant être teints ensuite en indigo ou en cochenille
(V. Orseille). Ch. Girard.
CUDDALORE (V. Cabdalore).
CUDDAPAH (V. Caddapah).
eu D DO N (Ambrose), publiciste anglais. II fonda en 1822
le Catholic Éiscellany and monthly repository of infor-
mation ({m parut jusqu'en 1830. Il publia encore A New
Year's gift ou Universal Pocket Book.àe 1824 à 1827;
A Complète modem british Martyrology (Londres, 1824-
25, 3 vol. in~8), et il fonda à Londres une bibliothèque
circulante catholique.
G U D E N A (Pedro), voyageur espagnol du xvii^ siècle. Nous
n'avons trouvé aucun détail sur sa vie. La description qu'il
fit du Brésil est conservée en manuscrit à la bibliothèque
de Wolfenblittel, et elte a été publiée par Lessing, avec
des remarques et additions par Chr. Leiste (Beschreibung
des portugies* Amerika von Qiidena ; Brunswick, 1780,
in-8).
CUDGEDONG. Rivière de la Nouvelle-Galles du Sud,
affluent de la Macquarie, affluent du Darling ; elle naît au
mont Coricudgy, arrose Rylstone et Mudgee ; sa vallée est
très fertile.
eu DMORE (Daniel), poète anglais du milieu du xvn^ s.,
originaire du Devonshire. On a de lui : History of Joseph,
a Poem (1652, in-4) et 'ïCux^oSia : 07^ a Prayer Song,
being Sacred Poems (1655), dont Lowndes loue la
richesse de rythmes et l'originalité.
eu DOS. Com. du dép. de la Gironde, arr. et cant. de
Bazas; ^,023 hab.
eu DOT. Com. du dép. de l'Yonne, arr. de Joigny, cant.
de Saint-Juhen-du-Sault ; 695 hab. Eglise de Notre-Dame,
à deux nefs du xii® et du xv^ siècle; chevet rectangulaire;
porte du xii*^ siècle, le tympan orné d'un bas-relief repré-
sentant la Vierge couchée dans un tombeau, adorée par
deux anges. Dans le chœur, tombeau de sainte Alpais,
sainte qui naquit et vécut à Cudot au commencement du
xni® siècle ; dans la chapelle Notre-Dame, trois dalles funé-
raires de la fin du xin° siècle, de personnages de la famille
de Saint-Phalle, seigneurs de Cudot. Château de Saint-
Phalle, xvi^ siècle. M. P.
BiBL. : Carlier, Quel est le lieu de naissance de sainte
Alpais? Orléans, 1885, in-8. — Prou, Note sur un manus^
crit de la vie de sainte Alpais, dans Bibliothèque de V Ecole
des Chartes, 1885, p. 503. — Tridon. la Vie merveilleuse
de sainte Alpais de Cudot; Avignon, 1886, in-8.
GUDREFIN. Petite ville du cant. de Vaud, vis-à-vis de
Neuchâtel, au bord du lac de même nom ; 666 hab.
GUDWORTH (Ralph), théologien et philosophe anglais,
célèbre comme l'un des chefs de l'école dite des Platoni"
ciens de Cambridge^ né à Aller (Somersetshire) en 1617,
mort à Cambridge le 26 juin 1688. Il fit ses études à
Cambridge, au collège Emmanuel, y prit en 1632 son
degré de maître es arts. Sa science et ses talents étaient
déjà à ce point estimés qu'à peine sorti de l'université
il y rentrait comme maître. Il se partageait dès lors
entre la philosophie religieuse et les études hébraïques ;
en 1645, il était promu à une chaire d'hébreu dont il resta
titulaire jusqu'à la fin de sa vie. Les révolutions politiques
qui agitèrent sa patrie n'ébranlèrent point sa situation
universitaire, et les régimes divers qui se succédèrent lui
témoignèrent, en fin décompte, une égale faveur. En 1647,
il avait prêché devant la Chambre des communes; ce
sermon nous a été conservé. Sept ans plus tard, il était
appelé à la direction de Christ's Collège ; en 1657, une
commission du Parlement le désignait comme un des révi-
seurs chargés de remanier la traduction anglaise de la Bible.
Les divers ouvrages qu'il avait publiés jusqu'à ses dernières
années faisaient assurément honneur à l'érudit ; mais aucun
n'était encore de nature à lui mériter le renom d'un méta-
physicien éminent, renom que l'histoire a consacré. C'est
qu'il ne se mit que sur le tard à la grande composition où
devait être exposée, avec une ampleur, il faut bien le
reconnaître, fort démesurée, son système philosophique du
monde. Encore cet ouvrage, dont la pubHcation aurait été
retardée, si l'on en croit divers on-dit qui ne font nullement
foi, par la malveillance présumée du parti hobbiste alors
très en faveur à la cour, ne parut-il jamais intégralement.
Le traité, dans la pensée de son auteur, devait former une
vaste trilogie : or de cette trilogie nous n'avons que le pre-
mier livre, lui-même volumineux, qui fut donné au public
en 1678 sous ce titre : True ïntelleetual System of the
Universe. Quant à son Treatise concerning eternal and
immutable morality, que fit paraître en 1731 i'évêque
Chandler, on peut le considérer comme un fragment de
cet énorme ensemble. Mais une partie considérable de
l'œuvre est restée inédite ; les manuscrits en sont con-
servés au British Muséum : faisons cependant exception
pour le morceau intitulé Traité du libre vouloir qui, en
1838, a trouvé en Angleterre un éditeur. Ainsi donc,
même en son pays, Ralph Cudworth n'est aujourd'hui
encore que très incomplètement connu.
Le Vrai Système intellectuel de V univers demeure,
en dépit de ses longueurs, le chef-d'œuvre de Cudworth,
où nous pouvons le mieux lire son vaste rationalisme. La
position que cet exposé dogmatique occupe dans l'histoire de
la philosophie moderne est bien remarquable, car ce livre
nous offre une métaphysique toute platonicienne, édifiée
par les seules forces de l'intellect, métaphysique singu-
lièrement agressive contre toute doctrine suspecte de com-
promettre les vérités fondamentales du spiritualisme et du
déisme, et qui par cela même contraste singulièrement avec
cet empirisme intraitable, qui, dès cette époque même, avait
mis sa marque sur la spéculation anglaise. Bacon déjà et
Thomas Hobbes avaient imprimé à la philosophie anglaise
la direction dans laquelle, sauf quelques brillantes excep-
tions, les maîtres de ce pays devaient être entraînés. Cud-
worth, ainsi d'ailleurs que son ami Henri More, sont des
ontologistes résolus. Ce « système véritable de l'Univers »
à la conception duquel l'entendement doit élever le sage,
repose sur ce triple principe : existence d'un monde spi-
rituel qui trouve dans la réalité divine son couronnement ;
distinction éternelle et non purement nominale, entre le
-=- 355
CUDWÔRTH -» CUEILLETTE
bien et le mal; liberté humaine tenue pour indispen-
sable à la moralité. Toute philosophie qui, sur l'un ou
l'autre de ces trois points, a été ou se montre hostile est
prise à partie par le platonicien de Cambridge. Et comme
les négations opposées soit au spiritualisme, soit au pur
concept du devoir, soit au libre arbitre ont été souvent
reprises par les philosophes, on s'explique que la tâche de
réfuter tant de systèmes ennemis retienne longtemps le dog-
matique. De là l'étendue que les développements polémiques
occupent dans l'ouvrage. Cudworth ne restreint pas sa dia-
lectique à une période : il combat ses adversaires de tous
les temps, dans la haute antiquité grecque aussi bien que
dans l'âge présent. Toutes les formes et du fatalisme et de
l'athéisme, il les démasque et les proscrit avec même zèle,
livrant aussi bien assaut à l'hylozoïsme d'un Anaximandre
qu'au matérialisme d'un Hobbes. Mais sa doctrine est plus
qu'une éristique destinée à préparer le triomphe de la théo-
logie rationahste. Elle est constructrice aussi, et Cudworth
n'est pas moins patient à édifier qu'il Fa été à détruire.
L'existence de Dieu et son action partout présente dans le
monde, telle est la vérité souveraine qu'il entend substituer
à toutes les variétés de scepticisme qu'il a combattues. Mais,
pour avoir le droit de prouver cette réalité suprême, il
s'estime dans l'obligation de proclamer l'absolue véracité de
la raison, sans laisser nulle place, en aucune phase de sa
dialectique, à ce dangereux doute méthodique par lequel
Descartes avait ouvert au pyrrhonisme un passage. A cette
condition seulement, il pourra mener à fin sa démonstration
de l'existence de Dieu, en s' aidant de méthodes inspirées
tant de Platon que de saint Anselme.
Au déisme de Cudworth se relie en toute évidence la
théorie spéciale à laquelle son nom est resté attaché et sur
lequel il faut bien dire que l'on a commis bien des contre-
sens : celle du médiateur plastique. On comprend généra-
lement par ce mot une sorte d'essence mixte que le philo-
sophe anglais aurait imaginée en vue d'expliquer l'action de
l'âme sur le corps et vice versa du corps sur l'âme, de
manière à mieux concilier les principes spiritualistes avec le
fait évident de l'union entre le physique et le moral. A
vrai dire, le souci de Cudworth était tout autre. La portée
de cette hypothèse était, à ses yeux, toute métaphysique. Il
voulait par cette expression de médiateur plastique dési-
gner une sorte d'instrument universel par l'intermédiaire
duquel la toute-puissance divine ferait, sans être immanente
au monde, sentir à la création sa présence et son activité.
Ce serait bien plutôt quelque chose comme une hypos-
tase à la façon des Alexandrins, ou mieux, quelque chose
comme une âme universelle, interposée entre la perfection
divine et les créatures, apte par conséquent à amoindrir
la distance énorme qui, sans cela, séparerait l'œuvre de
l'ouvrier.
L'attitude morale de Cudworth ne serait pas comprise si
l'on faisait abstraction de ce que fut sa métaphysique. A
sa théorie de la connaissance se rattache directement sa
doctrine du bien et du devoir. Aussi son Traité concer-
nant la Moralité éternelle et immuable velèYe-t-il mtmt
de l'ontologie que de l'éthique. Contrairement au courant
général qui entraînera les philosophes de sa patrie, mais
qui, reconnaissons-le, à cette époque du moins, eut si peu
d'action sur les penseurs de Cambridge, il considère la
connaissance sensible comme une source incertaine et trouble
de savoir ; une a%oxir\ yvoSjatj, disait-il, sans doute à la
suite de Démocrite. L'extérieur n'est point, par la percep-
tion, directement appréhendé en lui-même. En revanche,
les idées rationnelles, toutes spontanées qu'elles soient dans
la pensée et en dépit de leur origine a priori^ ont vrai-
ment une valeur absolue. Les objets qu'elles saisissent ne
sauraient que par un inadmissible scepticisme être révo-
qués en doute. Or, si l'on tient compte du fait qu'au pre-
mier rang de ces objets figurent des concepts tels que le
bien et le devoir et leurs contraires, le mal et la faute, force
est donc de reconnaître que l'éthique repose sur des fonde-
nients éternels et nécessaires. Les principes du devoir sont
en conséquence supérieurs à l'agent moral auquel ils s'im-
posent ; que disons-nous ? supérieurs même à l'omnipotence
de ce Dieu dans l'entendement duquel ont leur siège justice
et vérité. En cela, Cudworth se montre bien animé du plus
pur esprit platonicien. Sa philosophie morale est à l'opposé de
l'éthique cartésienne et elle incline visiblement dans la di-
rection qui sera suivie par Leibnitz et Malebranche. Seule-
ment, au lieu que ces philosophes, contraints par les exi-
gences mêmes de ce déterminisme rationnel, feront, en fin
de compte, au libre arbitre une place singulièrement amoin-
drie et garderont bien plutôt le mot que la chose, le pla-
tonicien de Cambridge maintiendra et à Dieu la toute-
puissance et à l'homme la liberté autonome, au risque de
s'embarrasser lui-même dans une insoluble antinomie.
On ne saurait, par l'aperçu qui précède, se faire qu'une
idée très incomplète de ce vaste système, de l'étendue de
connaissances que l'auteur y a déployée, de la puissance
métaphysique dont il y a fait preuve. Par malheur, trop de
scolastique, trop d'éristique en encombre l'exposition. L'art
du dialecticien est comme étouffé par l'abondance d'une
argumentation qui ne veut rien omettre, même de superflu.
Le lecteur moderne recule à s'engager et l'éditeur à engager
les autres en une telle forêt. Ce que nous possédons de
l'œuvre est déjà énorme et pourtant ce n'en est qu'une
fraction! La grande ennemie de Cudworth aura été sa
prolixité. Georges Lyon.
BiDL. : Thomas Birch, Résumé de la vie et des écrits
deR. Cudworth^ en tête de son édition de Vlntellectual
System; Londres, 1743, 2 vol. in-4.
CUDWORTH (Damaris), fille du précédent, plus connue
sous le nom de lady Masham. Personne d'une intelligence
distinguée, elle avait hérité de son père le goût des re-
cherches spéculatives. Toutefois, à la différence de Ralph
Cudworth, c'est la méthode empiriste et la philosophie de
la table rase qui eurent ses préférences. Elle entra si plei-
nement dans ce mouvement de réaction contre les doctrines
métaphysiques, qu'elle composa en 1696 un Discours
concernant l'amour de Dieu, dans lequel elle attaquait
non sans virulence cette théorie des causes occasionnelles
et de la vision en Dieu, dont Malebranche était en France
le grand théoricien et que John Norris essayait alors d'ac-
climater en Angleterre. Elle était, pour connaître l'empi-
risme, à bonne école : amie dévouée de Locke, elle avait
toute la confiance du célèbre sensuaHste. Il avait pour
ainsi dire adopté la famille Masham ; au milieu d'elle il
mourut, entouré de soins véritablement filiaux,
CUEBRIS. Corn, du dép. des Alpes-Maritimes, arr. de
Puget-Théniers, cant. de Roquesteron ; 240 hab,
CUEILLA6E (V. Bonneterie, t. VII, p. 33S).
CUEILLETTE. I. Agriculture. — L'action de cueillir,
c.-à-d. de détacher les fruits de l'arbre ou du végétal qui
les porte lors de leur maturité, constituela cueillette. Elle doit
être faite avec beaucoup de précaution afin de ne pas blesser
les fruits et leur assurer ainsi une longue conservation.
Pour certains fruits, tels que les cerises, les prunes et autres
fruits à noyaux, la cueillette consiste simplement à agiter
l'arbre ou, si celui-ci est trop gros, les branches qui les
portent ; les fruits tombent à terre et on les ramasse.
Quant aux abricots et surtout aux pêches, fruits délicats
et sensibles, on les cueille à la main. La cueillette des
raisins se fait avec certaines particularités spéciales (V*
Vendange). Les pommes devant servir à la fabrication du
cidre sont généralement cueilHes au moyen du gaulage,
qui consiste à frapper avec une gaule, non pas le fruit
lui-même, mais la brindille ou le pédoncule qui le porte.
Les noix se récoltent de la même façon. Les poires et les
pommes de table ne peuvent être récoltés ainsi, car en
tombant sur le sol ces fruits ne manqueraient pas de
s'abîmer. On emploie pour les cueillir une sorte de corbeille
en bois ou en fil de fer, à claire-voie, placée à l'extrémité
d'une perche. Pour cueillir le fruit, il suffit de le soulever
à l'aide de cette corbeille ; il se détache s'il est mûr et y
reste placé sans être endommagé. Albert Larbalétrier.
CUEILLETTE - CUERENHERT
— 556
IL Jurisprudence (V. Affrètement).
CUEILLIE (Constr.). Arête de plâtre dressée en saillie
au moyen d'une règle et servant de repère pour enduire
de niveau, crépir les murailles et faire à plomb les jam-
bages des portes, des croisées, etc. Dans l'intérieur, les
cueillies sont des nus battus dans les angles rentrants
des pièces pour servir également de jauge au dressé des en-
duits. Dans le métré des ouvrages, les cueillies ne donnent
lieu à aucune plus-value ; aussi mesure-t-on les enduits
jusque dans le fond des angles. L. K.
eu EL (Iles). Archipel de la Cochinchine française, à
450 kil. à l'O. de Phu-Qua; ces îles sont inhabitées, boi-
sées et giboyeuses ; elles mesurent 400 kil. q. ; les côtes
sont très poissonneuses.
CUÉLAS. Corn, du dép. du Gers, arr. de Mirande, cant.
de Masseube; 390 hab.
CUELLAR (Lope), missionnaire et linguiste espagnol,
né dans l'Estremadure, mort à Antequera de Oaxaca en
4623. Mené dès son enfance à La Puebla, il prit l'habit de
Saint-Dominique, évangélisa les Mixtecs à partir de 1566
et écrivit des Sermons en leur langue. Etant curé de Yan-
guitlan, il fut subitement privé de la vue (1601) et resta
aveugle et paralysé. B-s.
CUELLAR (Jeromino de), poète dramatique espagnol,
né à Madrid en 4608, mort en 4669. Ses parents appar-
tenaient à la haute domesticité de la cour et lui-même
jouit de la faveur de Philippe IV. En 4650, il reçut l'ha-
bit de Santiago et accompagna le roi comme aide de
camp, lorsqu'il conduisit à la frontière l'infante Marie-
Thérèse, en 4660. Au retour il fut nommé secrétaire
de la liste civile, puis secrétaire du conseil de la Cruciade
et enfin secrétaire des grands ordres militaires. Outre
quelques poésies assez bonnes, éparses dans les recueils du
temps, il a laissé deux [comédies d'une certaine valeur :
Hacei' cada uno lo que debe ou Cada quai d su négo-
cia, qui, plusieurs fois réimprimée dans les recueils de co-
médies du siècle dernier, a mérité de trouver place dans la
collection Rivadeneyra {Dramdticos poster lor es à Lope
de Vega, t. P^), et el Pastelero de Madrigal, qui a
pour sujet la tragique histoire du faux roi Sébastien et qui
était encore jouée au milieu de ce siècle; la comédie de
Zorrilla sur le même thème a naturellement fait oublier
celle de Cuellar. E. Cat.
eu ENCA. I. Ville. — Ville d'Espagne, ch.-l. de la prov.
du même nom, reliée par une voie ferrée au reste du réseau
espagnol (embr. à Aranjuez); 7,946 hab. Altit., 983 m.
Cuenca occupe le flanc d'une colline séparée des montagnes
voisines par un ravin profond où coulent le Jùcar et son af-
fluent le Huescar. Elle est enveloppée d'une enceinte qui
remonte à l'époque arabe et a des vestiges d'un alcazar ; les
portes et les ponts jetés sur les rivières sont remarquables.
La ville elle-même n'a que des ruelles étroites, tortueuses,
mal entretenues, serpentant au milieu des maisons étagées
sur la colline en forme de pyramide. La cathédrale est
assez curieuse et richement décorée. Cuenca, autrefois cé-
lèbre comme la plus importante forteresse de l'Espagne
arabe, plus tard par ses collèges, ses imprimeries, ses ma-
nufactures, n'a plus guère d'importance ; son marché de
laines a beaucoup perdu de son activité par suite de la
diminution du nombre des troupeaux pendant les guerres
civiles, Evêché.
IL Province. — Une des cinq provinces formées de la
Nouvelle-Castille (Espagne), est presque entièrement cou-
verte de montagnes, surtout au nord. Citons dans l'est de la
province, le cerro Gordo (4,543 m.), à la source du Gua-
diela, la haute chaîne de Tragacete avec le cerro San Felipe
(4,839 m.), la sierra de Valdemeca (4,680 m.), celle de Las
Cuerdas (4,400 m.); la sierra de Mira, avec le pic de la
Ranera ou cerro Pelado (4,424 m.) du haut duquel on
découvre une large partie des côtes de la Méditerranée ;
au N. de Cuenca, la sierra de Bascufiana (4,388 m.), et à
l'ouest de lajrovince, la petite sierra d'Altomira (4,480 m.).
JLes rivières qui l'arrosent sont le Moya, le Gabriel et le
Guadazaon qui, par le Gabriel, rejoignent, hors de la pro-
vince, le Jùcar dans son cours supérieur; le Zâncara,
affl. du Guadiana, et son afiï. le Gigiiela ; le Guadieta,
affl. du Tage. Le sol est en général de qualité médiocre
et mal cultivé; les montagnes, qui étaient jadis cou-
vertes d'une belle parure de bois de pins, commencent
à se dénuder par suite de l'âpreté avec laquelle on y a
fait des coupes pour fournir du combustible aux con-
trées de la Castille qui en manquent entièrement; il y
a des pâturages assez étendus ; les habitants se livrent à
l'apiculture; ils exportent aussi des bois de construction.
Les parties planes de la province donnent des céréales, du
vin, de l'huile, du safran renommé, des légumes, mais le
tout en assez faible quantité. Les richesses minérales pour-
raient être mieux exploitées ; jusqu'à présent, on n'a guère
tiré parti que de la mine de sel de Minglanilla et des car-
rières de marbre et de pierre à bâtir ; il y a, dit-on aussi,
un gisement d'or, un de charbon de terre, dix-sept de
cuivre, un de plomb. L'industrie est peu active, sauf dans
la ville de Requena. La province a une superficie de
47,493 kil. q. et une population de 244,945 hab. ; elle se
divise en huit districts (Belmonte, Caîiete, Cuenca, Huete,
Motilla del Palancar, Priego, San Clémente, Tarancon) et
deux cent quatre-vingt-sept communes. E. Cat.
CUENCA. Ville delà république de l'Equateur. La ville,
appelée Santa Ana de Cuenca, est située à 2,584 m. d'alt.
sur la rive gauche du rio Matadero, tributaire de l'Ama-
zone (par le rio Paute) et compte plus de 25, 000 hab. avec
le faubourg indien d'Ejido. C'est un marché agricole im-
portant (blé, sucre, fromage, fruits confits, lainages, cha-
peaux, poteries); le climat est salubre. Très bien bâtie avec
de belles rues et des canaux, elle possède une belle cathé-
drale. Elle a pris la place de l'ancienne cité indienne de
Tumibamba.
CUENCA (Claudio-Mamerto) , poète argentin, né à
Buenos Aires le 30 oct. 4842, tué à la bataille de Monte
Caseros le 3 févr. 4852. Il fit ses études médicales à l'uni-
versité de sa ville natale, fut reçu docteur en 4839 et
nommé professeur d'anatomie en 4840, poste qu'il occupa
avec éclat. Investi des fonctions de chirurgien en chef de
l'armée, il perdit la vie dans la célèbre bataille qui mit fin
à la dictature de président Rosas. Cuenca fut le meilleur
poète argentin de son temps, un romantique de l'école de
Byron et de Victor Hugo, un mélancolique de tempérament
et un pessimiste de par sa profession. Ses Poesias ont été
publiées par Heraclio Fajardo (Buenos Aires, 4867, 3 vol.
in-42) , et un choix en a été édité (Obras poeticas
escogidas; Paris, 4889, in-48). Dans son œuvre, on
remarque surtout le poème : Delirios del corazôn, legen-
da românticà, G. P-i.
eu EN CAMÉ. Ville du Mexique, état de Durango;
5,000 hab. On y traite les minerais argentifères, on y
fabrique des cotonnades; aux environs, plantations de
canne à sucre.
CUENIN (Louis- Valentin), né en 4849, à Porrentruy,
cant. de Berne, poète lyrique et chansonnier, surnommé
le Béranger du Jura. Après avoir passé plusieurs années
à l'étranger, il rentra dans sa ville natale, où il occupa
une chaire de professeur au collège de cette ville. Il
mourut en 4868. Ses œuvres principales sont des chansons
patriotiques et politiques qu'il armait à chanter lui-même
au milieu de ses amis. Le mouvement réactionnaire de
4850, dans le cant. de Berne, lui inspira un grand
nombre de chansons pleines de verve et de sarcasme ; elles
furent longtemps dans toutes les bouches et effarouchaient
les autorités, au point que maint chanteur fut emprisonné
pour avoir entonné du Cuenin. Ces chansons ont beau-
coup contribué à discréditer le régime conservateur dans
le Jura ; elles n'ont pas été étrangères à sa chute, qui
survint en 4854. Les chansons politiques de Cuenin ont
été publiées par M. Hav. Kohler.
CUERENHERT (Dirck-Volcaert ou Volkertszoon), gra-
veur hollandais, né à Amsterdam en 452%, mort à Gouda
— 557
CUERENHERT — CUEVA
le 29 oct. 1590. C'est sous ce notti qu'est connu, dans le
domaine de la gravure, le célèbre poète et écrivain poli-
tique et religieux, Cornhert, ou mieux Coornhert (V. ce
nom). Il paraît avoir eu pour maître Cornelis Boys, et,
pendant son premier séjour à Harlem, depuis 4546 envi-
ron, il grava principalement d'après les dessins de Martin
Hemskerk, peintre célèbre alors de cette ville. Il y fit preuve
d'un talent remarquable, notamment dans les sept planches
de la Création du monde, dans la Prise de Tunis par
César, dans les Victoires de Charles-Quint ; mais il ne
cultiva la gravure que par intermittences. Son illustre
élève, Henri Goltzius, nous a laissé de lui un admirable
portrait. Un autre, fort beau aussi, peint par Corn.
Cornelisz, est au musée d'Amsterdam ; il a été gravé par
J. Muller. G. P-i.
CUERNÀVACA. Ville du Mexique, état de Morelos,dans
une belle et fertile vallée, entre Mexico et Acapulco,au S.
de la sierra de Guchilaque, à 4,650 m. d'alt. ; 47,000 hab.
environ. Fondée en 4532 par Fernand Cortez, elle possède
encore l'église bâtie par le conquérant ; non loin sont les
ruines indiennes de Xochicalco, avec son monticule de
430 m. et ses cinq terrasses étagées. La ville actuelle est
un des centres agricoles du Mexijjue, avec ses raffineries,
ses distilleries, son académie agricole, etc.
eu ERS. Ch.-l. de cant. du dép. du Var, arr. de Tou-
lon, sur le ravin de la Foux, sous-affluent du Gapeau, par
le Réal-Martin; 3,473 hab. Vieux remparts. Grand com-
merce d'huiles.
eu ES M ES. Ville de Belgique, prov. du Hainaut, arr.
de Mons, sur la Trouille, sous-affluent de l'Escaut ; 8,500
hab. Stat. de la ligne de chem. de fer de Mons à Charleroi.
Centre d'une grande exploitation de mines et carrières. La
bataille de Jemmapes (V. ce mot), livrée le 6 nov.
4792, eut lieu en partie sur le territoire de la com. de
Cuesmes.
eu ESTA (Gregorio-Garcia de La), général espagnol, né
dans un village de Vieille-Castille en 4740, mort à Palma
en 4842. Brigadier sousRicardos en 4793, il se distingua
dans la guerre contre la République française, fut fait ma-
réchal de camp à l'affaire de Saint-Ferréol, et eut quelques
succès; notamment il reprit aux Français la forteresse de
Puigcerdâ (juil. 4795) et se préparait à attaquer Mont-
Louis, quand fut signée la paix de Bâle. Promu peu après
lieutenant général, il devint président du conseil de Gastille
en 4798 et soutint le ministre Urquijo contre le prince de
la Paix. En mars 4808, il était capitaine général de la
Vieille-Castille et fut nommé vice-roi de Mexique, mais les
circonstances l'empêchèrent d'aller occuper son poste. Lors
du soulèvement de l'Espagne contre les Français, à Valla-
dolid, sa résidence, il chercha à comprimer le mouvement
et punit les crimes commis ; les habitants de la ville dres-
sèrent alors une potence devant sa maison, menaçant de
l'y pendre comme traître s'il ne dirigeait pas la révolte. 11
prit ce dernier parti et organisa avec assez d'habileté la
résistance en cette région ; il fut toutefois complètement
défait àCabezon (12 juin 4808) et obligé de fuir devantles
troupes du général Lassalle. Il commandait en chef l'armée
qui fut battue à Rio-Seco (44 juil.) et dut encore se retirer
vers les montagnes de Leôn. Ces échecs augmentèrent
l'impopularité que lui avaient déjà valu sa dureté de carac-
tère et ses hésitations au début de la guerre ; il ne put
obtenir le commandement général qu'il convoitait ; il dut
même comparaître devant la Junte à Aranjuez comme cou-
pable d'abus de pouvoir et fut destitué et gardé à vue (oct.
4808). A la demande des députés de Mérida il fut délivré
en décembre et nommé commandant en chef de l'armée
d'Estrémadure. Il la réorganisa et livra à Medellin (28 mars
4609) une bataille sanglante qu'il crut presque avoir ga-
gnée ; mais une charge brillante des dragons de Latour-
Maubourg changea ce succès en une complète déroute. La
Junte toutefois récompensa Gregorio de la Cuesta et aug-
menta les forces mises à sa disposition. Il eut à se concer-
ter avec WeUington et prit personnellement une part glo-
rieuse à la victoire deTalavera; mécontent de ses troupes,
il avait résolu de les décimer et la sanglante exécution avait
commencé quand le général anglais intervint pour l'arrêter.
Des difficultés continuelles avec WeUington, un âge déjà
fort avancé, et aussi ses conflits avec la Junte de 'Séville
décidèrent de La Cuesta à donner sa démission (42 août
4809); la Junte la reçut volontiers et le remplaça par
Equia. Pour lui, il se retira à Palma, dans l'île de Ma-
jorque, où il mourut trois ans après. Il laissa la réputation
d'un habile organisateur, mais médiocre stratégiste, d'un
général très dur pour les soldats et cependant assez aimé
d'eux. E. Cat.
C U ETO (Leopoldo-Augusto de), littérateur espagnol con-
temporain. Il se fit connaître d'abord par un drame qui eut
du succès : Bona Maria Coronel 6 no hay fuerza contra
et honor, puis s'adonna surtout à des recherches sur la
littérature poétique de l'Espagne. Citons de lui un article
sur le Cancionero de Baena, dans la Revue des Deux
Mondes du 45 mai 4853, un discours sur la Fraternidad
de los idiomas y de las letras de Portugal y de Espana,
prononcé en 4860, à une séance de l'Académie espagnole,
à laquelle assistait l'empereur du Brésil Pedro II, une
édition des Poetas liricos del siglo XVIII (vol. 61, 63 et
67 de la Biblioteca Rivadeneyra, 4869-75), un Discurso
necrolôgico literario en elogio del duque de Rivas
(Madrid, 4866, in-8), une Biographie du comte de
Toreno, en tête du 64° vol. de la Bibliotheca Riva-
deneyra, etc. E. Cat.
CUEVA (Beltran de La) (V. Beltran).
CUEVA (Don Alonso de La) (V.Bedmer [Marquis de]).
CUEVA (Pedro), missionnaire et linguiste hispano-mexi-
cain, né à Oajaca, mort peu après 4614. H prêcha avec
éloquence chez les Zapotecs et, après avoir été prieur et
définiteur, il fut élu provincial dans l'ordre de Saint-Domi-
nique en 4644. H publia Arte de la gramdtica de la
lengua zapoteca (Mexico, 4607, in-8), et laissa en ma-
nuscrit beaucoup de sermons. B-s.
CUEVA (Antonio de La), poète dramatique espagnol du
XVII® siècle, qui vécut quelque temps au royaume de Naples.
H y fit imprimer, en 4672, une comédie intitulée : iVo hay
deuda donde hay agravios. La grande collection de Come-
dias nuevas escogidas de los mejores ingenios de Es-
pana (Madrid, 4653-4704, 48 vol. in-4) en renferme une
autre: Como noble y ofendido (t. XLII), qui a été plu-
sieurs fois réimprimée. La Barrera lui attribue encore El
Sepulcroen la corona, sans dire si elle est publiée, et une
tragi-comédie à' Hercules, qui était en manuscrit dans la
bibliothèque du duc d'Osuna. E. Cat.
CUEVA DE Garozo (Juan de La), poète espagnol, né
à Séville vers 4550, mort après 4607. On sait peu
de chose sur sa vie ; d'une famille noble, il fut bientôt
un des poètes les plus distingués de l'école sévillane des
Mal-Lara, et célébra dans des sonnets les deux maîtres
de cette école, Mal-Lara, mort en 4574, et Diego Giron.
Dans les années 4579, 80 et 84 il fit représenter quatorze
comédies aux atarazanas ou dans la huerta de dona Elvira,
par la compagnie des fameux acteurs Alonso Rodriguez,
Pedro de Saldana et Alonso de Cisneros. En 1582, il fit
imprimer un recueil de poésies lyriques, sonnets, élégies
(parmi lesquelles la plus remarquable est le Llanto de Vé-
nus en la muerte de Adonis) sous le titre de Obras de
Juan de La Cueva (Séville, in-8) ; en 4587 il publia
Coro febeo de romances historiales, collection de cent
romances dont A. Duran a reproduit soixante-trois dans
son Romancero, Le livre imprimé à Séville (in-8) est
devenu très rare, mais le texte n'a que peu de valeur, et
selon Gallardo, l'invention, la versification, la langue, tout
y est détestable. En 4588, Juan de La Cueva donna à l'im-
pression ses comédies sous le titre de : Primera Parte de
las comedias y tragedias, etc. (Séville, in-4). On voit
qu'il avait l'intention d'en produire d'autres, mais ou il ne
les fit pas ou du moins elles ne nous sont pas parvenues.
En même temps, à ce qu'il semble, Juan de La Cueva
CUEVA — CUFFAT
-558 -
voyageait beaucoup ; il paraît par quelques passages de ses
poésies qu'il accompagna son frère Claudio de La Cueva,
inquisiteur, aux Indes, aux Canaries, à Cuenca; dans les
dernières années de sa yie il séjourna aussi quelque temps
en Portugal. Pendant la période de temps qui s'écoula de
4589 à 1603, l'auteur paraît s'être surtout appliqué à la
composition d'un grand poème épique: la Conquista de la
Betica (Séville, 1603, in-8) qui a pour objet la conquête de
l'Andalousie parle roi saint Ferdinand. En 1605, il écrivit
trois lettres, espèce d'art poétique intitulé Ejemplar poe-
tico, qui ne furent publiées que dans le t. VIII du Par-
naso espanol de Sedano, en 1774; en 1607, enfin, il
composa le poème de Los Inventores de las cosas, publié
aussi par Sedano dans le t, IX du Parnaso espanol, en
1778. Il mourut laissant de nombreux poèmes manuscrits,
sonnets, épigrammes, dialogues, épîtres, élégies, églogues,
une histoire de sa famille, une traduction de la Batra-
chomy omachie ^etc, dont on trouvera la liste avec une im-
portante analyse et des extraits dans Gallardo : Ensayo
de una bihlioteca de libros raros y curiosos espanoles
(t. II, col. 637-737). — Il eut le mérite de concevoir des
tragédies et d'emprunter ses sujets le plus souvent à l'iiis-
toire nationale ; citons à côté de drames sur des événements
de l'histoire antique comme la Muerte de Ajax Telamon
sobre las armas de Aquiles^ la Muerte de Virginia y
Apio Claudio, la Libertad de Roma par Mucio Scevola,
d'autres qui sont purement espagnols : la Libertad de Es-
panapor Bernardo del Carpio, Los Siete hifantes de
Lara, la Muerte delrey don Sancho ycerco deZamora
por don Diego Or do fiez, el Saco de Roma y muerte de
Borbon y coronaciôn de nuestro invieto Emperador
Carlos F. Au contraire, el Viejo Enamorado, el Degol-
lado et el Infamador sont de pure invention. Toutes ces
pièces, en quatre jornadas chacune, ont quelque intérêt,
mais aussi de graves défauts ; deux d'entre elles : el Infa-
mador et el Saco de Roma ont cependant trouve place
dans le Tesoro del teatro espanol de E. de Ochoa. — •
Le poème épique, la Conquista de la Betica, est un des
moins mauvais de ce genre qu'ait produits la littérature
espagnole. Les poèmes didactiques de Juan de La Cueva, el
Exemplar poetico et los Inventores de las cosas, sont
de mérite très inégal ; le premier, quoique ne pouvant être
comparé à la lettre d'Horace aux Pisons, a une réelle
valeur, contient des réflexions critiques ingénieuses en vers
excellents et est le premier effort en ce genre dans la littéra-
ture espagnole ; le second estmédiocre de langage et absurde
pour le fond. La même inégalité se montre dans les œuvres
lyriques du poète ; tandis que ses romances sont, comme
nous l'avons déjà dit, franchement mauvaises, ses épîtres,
ses élégies ne manquent pas de poésie, de sincérité et de
fraîcheur. E. Cat.
CUEVAS DE Vebâ. Ville d'Espagne, prov. d'Almeria,
district de Vera, à 6 kil. de la Méditerranée ; 20,644 hab.
Elle est bâtie dans une plaine, dont le climat est aussi chaud
que celui de l'Egypte ; les maisons sont bien construites,
les rues larges et bien entretenues, et il y a un château
arabe avec une tour, qui remonte, à ce qu'il semble, à
l'époque romaine. Le pays alentour donne du blé, du maïs,
de l'orge, des figues, du lin, et nourrit quelques troupeaux;
mais la véritable richesse de la ville provient du voisinage
des mines d'argent d'Almagrera. E. Cat.
CUEVAS (El Licenciado Francisco de Las), pseudonyme
de Quintana (V. ce nom).
CUEVAS, peintre espagnol, né à Huesca probablement
dans les premières années du xvi^ siècle. Son maître fut
Thomas Pclegret, élève lui-même de Polidore de Caravage et
(jui à son retour d'Italie était venu s'établir à Saragosse où
il jouissait d'une grande réputation. Pelegret enseigna à
Cuevas l'art de la fresque et la décoration en clair-obscur,
à deux tons, dont on faisait alors un fréquent emploi dans
la décoration extérieure et intérieure des édifices publics et
particuliers. Vers le milieu du xvi^- siècle, ces deux artistes
étaient occupés à peindre en collaboration la sacristie de la
cathédrale de Huesca, ainsi que le monmnento, édifice de
charpente et de toile peinte que l'on dresse en Espagne,
pendant la semaine sainte, dans les cathédrales; Cuevas,
peut-être pendant ce travail, mourut à Huesca , à peine
âgé de trente-trois ans. P. L.
CUEVAS (Pedro de Las), peintre espagnol, né à Madrid
en 1568, mort à Madrid en 1635, C'està Madrid, mais on
ne sait auprès de quel maître, que Cuevas apprit à peindre.
Lié d'une étroite amitié avec le Florentin Dominico Camilo,
peut-être travailîa-t~il avec lui, ainsi qu'avec les autres
artistes italiens employés à la décoration de l'Escurial et
des palais royaux. Après la mort de son ami, Cuevas
é])ousa sa veuve, adoptant Francisco Camilo, l'enfant qu'il
avait laissé orphelin. Il éleva cet enfant avec le même soin
que son propre fils, Eugenio de Las Cuevas. Des ouvrages
de Cuevas, aucun ne subsiste aujourd'hui ; c'est donc seu-
lement par son enseignement, et par la valeur des élèves qu'il
forma que l'on peut conjecturer du mérite de Cuevas.
Son atelier fut en elïet une véritable pépinière d'artistes
réputés, qui tous ont marqué dans l'art et constituent
une sorte d'école que certains historiens distinguent par
le nom d'Ecole de Madrid des autres groupes d'artistes
espagnols. P. L.
C U EVAS (Eugenio de Las) , peintre espagnol, né à Madrid
en 1613, mort à Madrid en 1667. Elève et fils de Pedro de
Las Cuevas, le jeune Eugenio montra de bonne heure d'ex-
cellentes aptitudes pour la peinture. Un trouble de la vue,
qui lui survint au cours do ses études, l'empêcha pendant
quelques années de les poursuivre. Il occupa alors son
temps à acquérir d'autres connaissances, fit ses humanités
et apprit la musique avec passion. Mais son inclination
primitive le ramena bientôt à la peinture. Il excella dans
le portrait qu'il peignait le plus souvent dans des dimen-
sions réduites. Le talent dont il faisait preuve lui valut la
réputation. Il fut choisi pour être le professeur de dessin de
don Juan de Austria, bâtard de Philippe IV. Un des géné-
raux do l'armée espagnole, Rodrigo Pimentel, marquis de
Viana, l'emmena avec lui, en qualité d'ingénieur, lorsqu'il
alla prendre possession de son commandement à Oran. Dans
cet emploi, Cuevas rendit d'importants services ; puis, son
temps de commission expiré, il revint à Madrid reprendre
ses pinceaux. P. L.
eu FA Ë LE R (Abraham), philosophe hollandais de la fin
du xvii® siècle. Grand admirateur de Spinosa, il voulut
publier, d'après ses principes, une espèce d'encyclopédie
de la philosophie. Il n'a pu achever que le traité de logique
intitulé : Spécimen artis ratiocinandi naturalis et arti-
ficialis ad pantosophiœ principia manuducens (Ams-
terdam, 1684) ; Principiorum pantosophiœ (Amsterdam,
i684, pp. Il, ni). C'est un ouvrage de vulgarisation con-
sacré à la doctrine de Spinosa. E. H.
CUFEA (V. Coiffure, t. XI, p. 864).
CUFFAT (Mines). Le véhicule essentiel de l'extraction
verticale du produit de l'abatage dans les exploitations des
mines appartient à deux types différents : l'un, en voie
tous les jours plus prononcée de diminution, appelé citj^a^,
l'autre, la cage guidée qui domine presque universelle-
ment aujourd'hui (V. Cage). Le cuffat est un vase d'une
capacité de 1 à 2 m. c, dans lequel on verse, à la recette
inférieure, le contenu des wagonnets, et qui le déverse à
son tour lorsqu'il est parvenu à la surface. On lui donne
la forme d'une tonne assez allongée, afin de gagner sur le
volume sans être obligé d'élargir le puits ; renflée au centre
en vue d'assurer sa solidité et de favoriser sa rencontre
dans le puits ; frottée sur la surface latérale et consoHdée
sous le fond par des croisillons en bois et en fer. Trois ou
quatre crochets, disposés en des points équidistants de sa
circonférence supérieure, servent à le suspendre à autant
de bouts de chaîne que la boucle d'attache réunit à la
patte du câble. Dans quelques mines, le cuffat prend la
forme d'un prisme en tôle très allongé, qui est ordinaire-
ment guidé, c'est alors une solution mixte, qui combine,
d'une part, les avantages du guidage, en ce qui concerne
559 --
CUFFAT ~ CUGNIÈRES
la vitesse et la sécurité, ainsi que la diminution du poids
mort, résultant du déversement direct du contenu des wa-
gonnets dans la benne, sans enlever ces wagonnets au jour,
et, d'autre part, les inconvénients inhérents à ce déver-
sement. Le cuffat est souvent recouvert d'un disque en
forte tôle, suspendu à une certaine hauteur et appelé para-
pluie. Il préserve, en effet, quoique bien imparfaitement,
les hommes placés dans la benne, des torrents d'eau qui
tombent dans certains puits et des objets détachés des pa-
rois. La vitesse, très lente du cuffat, reste ordinairement
comprise entre 1 m. et l"^oO, afin de ne pas faire naître
de mouvements oscillatoires qui, une fois qu'ils ont pris
naissance, s'éteignent lentement, en raison de l'extrême
longueur d'un tel pendule, et peuvent produire des chocs
contre les parois, ainsi que la rencontre et le chavirement
des bennes. En vue de ce danger très grave, le mécanicien
doit encore ralentir à la rencontre et franchir très dou-
cement ce pas difficile, pour lequel on a soin, en outre,
d'élargir la section du puits. L, Knab.
CUFFIES. Corn, du dép. de l'Aisne, arr. et cant. de
Soissons; 1,286 hab. Village de l'ancien Soissonnais,
érigé en cure en 42*28, entra en 4247 dans l'union com-
munale formée avec Bucy-le-Long et six autres villages
voisins. La seigneurie relevait autrefois de celle de Pierre-
fonds.
CUFFY. Corn, du dép. du Cher, arr. de Saint-Amand-
Mont-Rond, cant. de La Guerche; 4,378 hab.
GUGAND. Com. du dép. de la Vendée, arr. de La
Roche-sur- Yon, cant. de Montaigu; 2,447 hab.
CUGES. Com. du dép, des Bouches-du-Rhône, arr. de
Marseille, cant. d'Aubagne ; 4,260 hab. Bâti en forme de
croix, ce village a été transféré en 4509 de la colline do
Sainte-Croix sur son emplacement actuel. Commerce de
vins. Moulins à huile.
CUGIA (Effisio), général italien, néenSardaigneen4845,
mort à Rome le 43 févr. 4872. Officier d'artillerie, il fit
avec honneur la campagne de 4848. Lieutenant-colonel en
4859, et chef d'état-major de la division Cialdini, il se
distingua à Palestro. Cavour, dont il était l'ami intime,
le fit attacher à la personne* de Boncompagni quand celui-ci
alla à Florence comme gouverneur général de l'Italie
centrale. Général en 4860, il fit la campagne des Marches
et dirigea à Naples les affaires militaires. Il entra au par-
lement en 4864. De 4862 à 4863, il exerça un commande-
ment en Sicile. En 4866, commandant une division du
3^ corps d'armée, il fut un des généraux sur lesquels
pesa le plus le poids de la lutte à Custoza. Le 28 août de
la même année, Ricasoli lui confia le ministère de la guerre.
Il était premier aide de camp du prince Humbert lorsqu'il
succomba à la rupture d'un anévrisme. F. IL
CUGINI (Antonio), architecte italien, né à Reggio
(grand-duché de Parme) en 4678, mort à Reggio le 8 févr.
4765. Né de parents pauvres et d'abord mis en appren-
tissage chez un menuisier, Antonio Cugini fit ses études
d'architecture un peu au hasard, mais se perfectionna
auprès du fameux Bibiena. On doit à Cugini, à Reggio,
r «Armeria ducale » et l'ancien théâtre de la Cour, puis les
salles de théâtre des collèges de Parme, de Brescia et de
Padoue ; mais son nom reste surtout attaché au théâtre
de Reggio qu'il avait réédifié en six mois et dans de plus
grandes proportions que l'ancien. Charles Lucas.
CUGINO (Michel), sculpteur italien du xvi"" siècle, né
à Castellane. On cite de lui, dans l'église paroissiale de
cette ville, un retable avec la Vierge du Rosaire^ ouvrage
exécuté en 4594.
GUGLER-PoNi (Mathilde), poétesse roumaine contempo-
raine, née à Jassy en 4852. Elle publia des morceaux
lyriques dans les Causeries littéraires. Ses œuvres ont été
pubUées en volume. Ses poésies, inspirées par les lyriques
allemands de ce siècle, Henri Heine surtout, bien que
manquant d'élévation, se distinguent par la grâce un peu
mignarde du style. N. Jorga.
GUGLIERL Petite ville d'Italie, de la province de Ca-
gliari (île de Sardaigne), bâtie sur une colline à 4 kil. de
la c6te occidentale de l'île ; 4,549 hab. (4884). Car-
rières de marbre, riches mines de fer et de plomb.
OU G N AUX (Cu7ihales), Com. du dép. de la Haute-Ga-
ronne, arr. et cant. (0.) de Toulouse; i ,062 hab. Surlalimite
extrême de l'ancienne prov. de Languedoc. Cugnaux, en
effet, qui faisait partie de la viguerie de Toulouse, châtel-
lenie de Portet, fut au xv® siècle du nombre des localités
de la rive gauche de la Garonne laissées à cette province,
lors du démembrement de la sénéchaussée de Toulouse.
C'est aujourd'hui un gros bourg, fréquenté des habitants
de Toulouse pendant la belle saison.
OU G NET DE MoNTARLOT (Claude-Frauçois), officier et
homme politique français, né à Rioze (Haute-Saône) le
3 juil. 4778, mort à Almeria (Espagne) le 24 août 4824.
Après de brillants services dans les armées de la Répu-
bhque et de l'Empire, il conspira passionnément contre la
Restauration. Arrêté en 4846 et impliqué dans le procès de
V Epingle noire, il fut acquitté l'année suivante. Peu après
(4848), il devint éditeur responsable do V Homme gris
(qui prit plus tard le nom de Libéral) , rédigé par Brissot-
Thivars. C'était un des organes les plus hardis de l'oppo-
sition libérale du temps. Poursuivi pour attaques injurieuses
contre la garde suisse, il fut encore relaxé après une
longue détention (août 481 9). L'année suivante, l'assassinat
du duc de Berry ayant servi de prétexte au parti ultra-
royaliste pour provoquer des mesures et des lois de réaction,
il fit paraître à ce propos un écrit d'une extrême vivacité,
fut incarcéré de nouveau, subit huit mois de prévention,
puis fut traduit devant la cour d'assises de Besançon
comme complice de la « conspiration de l'Est », que le
gouvernement disait avoir été ourdie pour capturer ou
même mettre à mort le duc d'Angoulême pendant son
voyage en Franche-Comté. Après un procès qui dura
cinq mois, il fut encore acquitté (4 824). Mais ne se jugeant
plus en sûreté dans son pays, il passa bientôt en Espagne,
où il ne tarda pas à prendre part aux agissements du parti
avancé. Compromis dans l'affaire des communeros de
Saragosse, il dut se réfugier dans le Languedoc, où il resta
caché quelque temps. La journée du 7 juil. 4822, qui
amena le triomphe momentané de ses amis à Madrid, le dé-
termina à franchir de nouveau les Pyrénées. Il remplit
l'Espagne' de ses fanfaronnades, s'intitulant, dans des ma-
nifestes dont le ton pouvait faire douter de son bonsens,
chef du grand empire français et l'un des principaux
dignitaires de V ordre du Soleil. On ne sait au juste quel
rôle il joua en face des troupes que Louis XVIÏI, agent de
la Sainte-Alliance, envoya au secours de Ferdinand VII en
4823. Il avait changé de nom et se faisait appeler D. Carlos
de Malsot. C'est sous cette appellation que, quelque temps
après le rétabhssement de l'absolutisme en Espagne, il fit
partie de la petite troupe de libéraux qui, en août 4824,
vint attaquer la ville de Tarifa, Cette tentative échoua,
Cugnet tomba au pouvoir des royalistes ; on le traduisit
devant un conseil de guerre à Almeria, et il fut immé-
diatement fusillé. A. Debidour.
GUGNEY {ùugneium), Com. du dép. de la Haute-Saône,
arr. de Gray, cant. de Marnay, sur la Tenise ; 280 hab.
Ruines d'un château féodal. La seigneurie appartenait au
xvni^ siècle aux Pétremand de Valay. Eglise du xvii® siècle
avec un clocher récent. L-x.
CUGNIÈRES (Pierre de), mort vers le mois de mars
4345, jurisconsulte français, d'une famille de Cugnières
en Beauvoisis, seigneur de Saintines, de Brasseuse, de
Néry, etc. Professeur es lois dès 4344, on le trouve en
J322 sur la liste des conseillers laïques de la grand'-
chambre du Parlement de Paris. De 4325 à sa mort, il
remplit de très hautes fonctions. H fut, à la fin de
l'année 4325, l'un des négociateurs désignés par Charles
le Bel pour prendre part aux conférences d'Arqués avec les
Flamands. En 4332, il était second président du parle-
ment, et il remplaça Hugues de Crusi comme premier pré-
sident en 4336. En 4342-43, il fut chargé avec G. Flotte
CUGNIÈRES — CUILLER
- 560 —
de plusieurs missions relatives à la cession du Dauphiné.
Mais c'est sa participation à la célèbre assemblée réunie à
Vincennes en 4329-30 qui a rendu son nom célèbre.
Pierre lut chargé d'exposer devant cette assemblée les
griefs du pouvoir séculier contre la juridiction ecclésias-
tique ; il en présenta soixante-six et conclut en demandant
une répression sévère des empiétements commis par les
officiaux. C'est à tort que l'on a prétendu que Cugnières,
en cette circonstance, inventa la théorie de V appel comme
d'abus (V. ce mot). Cette théorie ne date que du xv^ siècle
et se dégagea insensiblement de la jurisprudence constante
du parlement. Mais il est vrai que, sous la présidence de
Cugnières, le parlement se montra de plus en plus agressif
contre les juges d'Eglise, ce qui contribua à fonder la
jurisprudence d'où devait sortir plus tard l'appel comme
d'abus. Ch.-V. Langlois.
BiBL. : F. AuBERT, le Parlement de Paris^ de Ph.le Bel
à Charles VU; Paris, 1887-89, 2 vol. in-8. — J. Roy, Con-
férences de Vincennes et conflits de juridiction ; biblio-
thèque de l'Ecole des Hautes Etudes, Mélanges Renier,
1887.
CUGNOT (Nicolas-Joseph, ingénieur militaire et méca-
nicien français, né à Void (Meuse) le 25 sept. 4725,
mort à Paris le 2 oct. 4804. Il servit quelque temps en
Allemagne comme ingénieur militaire, revint en France
vers 4763 et inventa à cette époque un nouveau fusil, qui
fut donné aux uhlans. Aidé par le maréchal de Saxe, il
construisit en 4765 la première locomotive; c'était un
petit fardier mû par la vapeur et destiné à transporter
les canons ; sa vitesse ne dépassait pas 4 kil. à l'heure et
l'alimentation de sa chaudière nécessitait des arrêts tous
les c[uarts d'heure. En 4770, sur la demande du duc de
Choiseul, il exécuta une machine plus puissante, sorte de
long chariot à trois roues portant à l'avant une chaudière
de forme conique et une seule roue motrice. La violence
de ses mouvements empêcha de l'utiliser, et, après bien
des péripéties, elle fut déposée en 4800 au Conservatoire
des arts et métiers, à Paris, où on peut toujours la voir
(V. Locomotive), Cugnot avait obtenu de Louis XV, en
1772, une pension de 600 livres. La Révolution la sup-
prima et il faillit mourir de misère à Bruxelles. Mais Bo-
naparte la rétablit en 4800 et la porta à 4,000 livres.
Cugnot a écrit : Eléments de l'art militaire qncien et
moderne (Paris, 4766, 2 vol. in-42) ; Fortification de
campagne (Paris, 4769, in-42 ; trad. allem., Berlin,
4773, in-8) ; Théorie de la fortification (Paris, 4778,
in-42). L. S.
CUGNOT (Louis-Léon), sculpteur français, né à Paris
(Vaugirard) le 48 oct. i835, prix de Rome en 4859,
d'un grand nombre d'œuvres de facture correcte; nous
citerons : Cérès rendant la vie à Triptolème (marbre),
les Pileuses de Procida (bronze), le monument commé-
moratif de la victoire de Callao (Pérou) en 4872, Jeanne
d'Arc à ses der7iiers moments (4882), etc.
CU6NY (autrefois Tugny). Corn, du dép. de l'Aisne,
arr. de Saint-Quentin, cant. de Saint-Simon ; 805 hab,
faisait partie de l'ancien Noyonnais. Ce village appartenait
sous les deux premières races au domaine royal. Il fut
ensuite possédé en partie par l'abbaye d'Homblières. On y
remarque le Jardin-Dieu, butte oh ont été trouvées des
sépultures romaines et mérovingiennes.
Btbl.: Bulletin de la Soc. archéol. deSoissons^t. XVIII.
— Notice sur le canton d'Oulchy-le-Château.
CU6NY. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Soissons,
cant. d'Oulchy-le-Château; 97 hab.
CU6UEN. Com, du dép. d'Ille-et- Vilaine, arr, deSaint-
Malo, cant. de Combourg, auprès d'étangs d'où sort un
affluent du Couesnon; 4,920 hab. Monument préhistorique
construit en pierres brutes, haut de 7 m.
CU6UR0N. Cora. du dép. de la Haute-Garonne, arr.
de Saint-Gaudens, cant. de Montréjeau ; 304 hab.
CUHON. Com. du dép. de la Vienne, arr. de Poitiers,
€ant. de Mirebeau; 735 hab.
CUI (César-Antonitsch), musicien russe, né à Vilna le
6 janv. 4835, professeur de fortification à l'école des ingé-
nieurs de Saint-Pétersbourg. Il rédigea un manuel de fortifi-
cations en campagne (4880, 3« édit.). Bientôt il subit l'in-
fluence de Moniuzko, et, s'adonnant à la musique, devint
un wagnérien et champion de la jeune école russe. Critique
musical du Journal de Saint-Pétersbourg (4864-4878),
il publia à Paris, dans la Revue et Gazette musicale, de
curieux articles sur la musique russe (4878-4879), réunis
en volume (la Musique en Russie; Paris, 4884). Il a
composé beaucoup de morceaux de musique et quatre opéras,
les Prisonniers du Caucase, le Fils du mandarin,
William Ratcliff et Angelo.
CUIABÂ (V. CuYÂBÀ).
CUICATLAN. Ville du Mexique, dans la prov. d'Oajaca,
sur la route de Tehuaca à Puerto Angel par Oajaca, à
420 m. d'alt. ; 2,400 hab. C'est une des anciennes villes
du Mexique.
CUICHUNCHULLI (Bot.) (V. Hybanthe).
CUI6NIÈRES. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Cler-
mont, cant. de Saint-Just; 486 hab.
CUIGNY-en-Bray. Com. du dép. de l'Oise, arr. de
Beauvais, cant. de Coudray-Saint-Germer ; 478 hab.
GUI ILE. Com. du dép. de la Mayenne, arr. de Château-
Gontier, cant. de Cossé-le-Vivien; 4,448 hab.
CUILLER (Archéol.). La forme de cet ustensile de table
ou de cuisine n'a pas beaucoup varié à travers les siècles.
II a toujours consisté en une cavité ronde ou ovale,
appelée cuilleron, et un manche plus ou moins long. La
cuiller s'appelait chez les Romains ligula. Le nom de
cochlear était réservé à une cuiller de forme spéciale dont
on se servait pour manger les œufs et les coquillages ; le
Fig. 1.
Fig. 3.
manche consistait en une tige pointue à son extrémité supé-
rieure, la pointe permettant de percer la coquille de l'œuf
ou d'arracher le mollusque (fig. 4). Le cuilleron des cuillers
romaines était parfois orné de petits bas-reliefs et le
manche sculpté. Les cuillers du moyen âge ne diffèrent
pas essentiellement de celles de l'antiquité. Avant le
xiv^ siècle, le cuilleron était rond (fig. 2) ; au xiv® siècle,
le cuilleron s'allongea et le manche devint plus court (fig. 3).
La plupart des cuillers mentionnées dans les inventaires du
moyen âge sont en argent. Mais on employa aussi à leur
fabrication l'or, l'étain, le bronze, le cristal, la serpentine,
la corne, le corail et le bois. Les cuillers en bois de gené-
vrier étaient recherchées à cause de leur bonne odeur.
L'ornementation du manche des cuillers variait à l'infini.
Du XII'' au xv^ siècle l'extrémité inférieure du manche a
souvent l'aspect d'un mufle de lion ou de dragon qui saisit
le cuilleron. L'extrémité supérieure se terminait en bout
coupé ou en pied de biche, ou bien était surmontée d'un
petit pommeau d'émail, d'une pierre précieuse, d'une tèlQ
-. 561
CUILLER - CUIR
ou d'une figurine posant sur un chapiteau. On fit au
XVI® siècle des cuillers dont le manche avait la forme d'une
gaine. Dès le xiv^ siècle, il y eut des cuillers portatives
dont le manche se repliait. Les orfèvres de La Rochelle
avaient une habileté particulière pour fabriquer des cuillers
dont la cavité était formée par une coquille. L'Eglise faisait
usage de cuillers percées de trous ou passoires pour pu-
rifier le vin destiné à la consécration. Du xv^ au xvii^ siècle,
on se servit aussi d'une cuiller appelée louchette pour
mêler au vin dans le calice quelques gouttes d'eau. Enfin
c'était et c'est encore avec une cuiller qu'on prend l'encens
dans la navette pour le mettre dans l'encensoir. M. P.
IL Pêche. — Dans beaucoup d'endroits, notamment
dans les Iles-Britanniques, on pèche les poissons, surtout
la truite, dans les eaux rapides et bouillonnantes des cas-
cades au moyen d'un engin consistant en la partie creuse
d'une cuiller en métal brillant , coupée près du manche ;
en haut se trouve une grappe d'hameçons pendant sur la
cuiller même ; à la pointe est une seconde grappe d'hame-
çons ; deux émerillons complètent l'engin ; l'eau frappant
la cavité de la cuiller lui imprime un mouvement de rota-
tion très rapide qui attire le poisson. Le tue-diable
(V. ce mot) est une variété de la cuiller.
BiBL. : Archéologie. ~ Daremberg et Saglio , Dtc-
tionnaiy^e des antiquités^ au mot Cochlear. — Viollet-
LE-D uc, Dictionnaire du mobilier^ t. II, p. 84. — ^ Gay,
Glossaire ai^chéologiquey p. 511.
CUINCHY-lez-La-Bassée. Com. du dép. du Pas-de-
Calais, arr. de Béthune, cant. de Cambrin ; 860 hab,
CUINCY. Com. du dép. du Nord, arr. et cant. (S.) de
Douai, sur l'Escrebieux; 4,303 hab. L'éghse, en partie
reconstruite, a cependant conservé un portrait roman, une
vieille tour et d'anciennes pierres tombales. La chapelle
de Notre-Dame des Affligés est un pèlerinage très fréquenté.
Beau château du xvii® siècle bien restauré.
CLI1N6 (Le). Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr.
de Saint-Gaudens, cant. de Montréjeau; 632 hab.
CUlNZiER. Com. du dép. de la Loire, arr. de Roanne,
cant. de Belmont; 4,470 hab.
CUIR. L Chimie industrielle. — On désigne sous le
nom de cuir les combinaisons que forme la peau avec diffé-
rentes matières ayant pour effet de la rendre souple, résis-
tante et peu altérable. Les corps les plus employés sont le
tanin dans le tannage proprement dit, l'alun et le sel
marin dans la mégisserie et le hongroyage ; les sels de 1er,
de cuivre, de chrome, etc., dans le tannage minéral; les
corps gras dans le chamoisage.
Tannage. — La fabrication des cuirs tannés comporte
un grand nombre d'opérations depuis l'apprêt qu'on leur
lait subir lorsque la peau doit voyager, jusqu'au moment
do leur livraison au commerce. Les principales sont : le
salage ou le séchage, le travail de rivière, le pelanage et
l'épilage, les passeries et les refaisages, le tannage, le
séchage, le battage, le corroyage.
Matériaux employés pour le tannage. Ces matières
sont excessivement nombreuses, mais la plus employée et
celle qui jusqu'ici a donné les meilleurs résultats est sans
contredit l'écorce de chêne (9 à 12 ^j^ de tanin) dont il
existe un grand nombre de variétés (chêne rouvre, chêne
pédoncule, chêne blanc, etc.), puis viennent ensuite les
écorces de hemloch (40 ^/o), de sapin (8 %), de pin (20 '^/o),
de mélèze (40 ^/o), de l'aulne (45 %), du saule (40 à 45 %)
et de différents acacias dont la richesse en tannin est assez
grande (40 à 30 **/o), qui donnent parfois au cuir une
teinte très appréciée. D'autres écorces, quoique moins riches
en matières tannantes, peuvent être employées. Parmi ces
dernières nous citerons celles du grenadier, de l'orme, du
merisier, du bouleau, du peuplier, etc. Viennent ensuite
les bois tannants dont le plus employé est le châtaignier
(4 à 45 °/o suivant sa dessiccation), le quebracho (9 à 42 '^/o),
le chêne (5 %), le micocouher (6 °/o), le buis 4 à 8 *^/o),
puis les feuilles du sumac (20 à 24 ^/o), du manglier (22 ^'/o),
du pistachier (42 °/o), du busselore (43 °/o), de l'acacia
vestita (45 ^1^) ; les excroissances comme la noix de galle
GBANDE ENCYCLOPÉDIE. — Xïïl.
(35 à 65 %), les fruits du dividivi (30 à 35 %), de l'aca-
cia arabica (30 %), du chêne velani (44 à 35 %), du
caroubier (55 %), de la noix d'Arec (45 %), de Faulne
(45 <^/o), enfin nous citerons les sucs comme le cachou (45
à 55 %), le gambier (65 %), le kino (50 %), etc. Il
existe un nombre considérable de végétaux contenant assez
de tanin pour être utilisés industriellement dont la liste
serait trop longue. On sépare souvent les matières utiles de
ces végétaux sous forme d'extraits pour diminuer les frais
de transports ; tels sont ceux de châtaignier, de quebracho,
de chêne, de hemlock, de sumac, etc. Leur teneur en ta-
niïf varie non seulement suivant le végétal qui a servi à les
préparer mais aussi d'après le mode de préparation et de
concentration. On les étend d'eau et on les emploie seuls ou
mélangés suivant les produits que l'on veut obtenir. Pour
le dosage du tanin dans toutes ces matières, V. Tanin.
Travail de rivière. Le travail de rivière a pour but de
débarrasser les peaux de tous les corps étrangers qui pour-
raient absorber inutilement du tanin ou empêcher son
absorption ; de leur restituer l'eau qu'elles ont perdu pour
les rendre plus perméables et leur donner le degré de sou-
plesse nécessaire aux opérations suivantes. Les peaux sèches
subissent le reverdissage. Pour cela on les met à tremper
dans de l'eau maintenue autant que possible à 20^ pendant
quinze à seize jours en ayant soin de changer l'eau tous
les deux jours pour éviter toute corruption, cause de piqûres
sur les peaux qui perdent une partie de leur valeur. Tous
les procédés proposés pour accélérer ce reverdissage tels
que mise en ponté avec de la chaux, addition d'alcalis caus-
tiques ou carbonates désorganisent les tissus et donnent
par la suite des cuirs plats et peu nourris. Les peaux
fraîches sont simplement mises à tremper dans l'eau douce
pendant une nuit pour détremper le sang et la crotte, puis
décrottées sur un chevalet avec un couteau demi-rond dont
le tranchant est émoussé. Les peaux salées restent dans
l'eau quarante-huit heures, et sont ensuite traitées comme
les précédentes. Lorsqu'elles ont été convenablement salées,
elles augmentent d'environ 3 ^/ç ; lorsque le salage s'est
effectué en cuves, cette augmentation ne dépasse guère 4/2 %
et le déchet peut s'élever à 3 % lorsqu'elles ont été addi-
tionnées de matières plombantes. Dans ces différentes opé-
rations, il est important d'éviter les variations de tempéra-
ture trop brusques qui enlèvent toute élasticité au cuir.
Pelanage et épilage. Les peaux nettoyées sont mises en
piles les unes sur les autre, pliées en quatre, le poils en
dedans, jusqu'à ce qu'un commencement de fermentation se
déclare (échauffe naturelle). Cette fermentation, destinée à
faciliter l'épilage, ne doit pas être poussée trop loin et doit être
arrêtée quand le poil s'arrache assez facilement en citant.
L'échauffé naturelle est généralement abandonnée et rempla-
cée par un grand nombre de procédés dont nous allons donner
les principaux: 1^ Féchaufie à l'étuve qui consiste à pendre
les peaux dans untendoir ou l'on fait brûler lentement de
la tannée sèche (deux jours) ; 2^ l'échauffo à la vapeur :
les peaux sont suspendues dans une chambre où l'on fait
arriver un courant de vapeur d'eau ; la température ne doit
pas dépasser 20 à 25^ ; la fermentation doit être surveillée
avec le plus grand soin pour éviter la transformation d'une
partie de la peau eu gélatine, ou les piqûres (quinze à dix-
huit heures) ; 3*^ le procédé américain, qui consiste à sus-
pendre les peaux dans une chambre dont l'air saturé d'hu-
midité possède une température maintenue constante entre
7*^ et 42^^ par un courant d'eau coulant le long des murs et,
formant pluie. Le débourrage exi^c alors sept à huit jours,
mais possède l'avantage de ne jamais détériorer les peaux. On
emploie également pour les cuirs moins gros : la chaux qui
présente l'inconvénient d'altérer les tissus, et de former
des savons calcaires, avec les matières grasses de la peau,
combinaisons qui ralentissent considérablement la pénétra-
tion du tannin. Dans les tanneries qui l'emploient, pour
enlever d'une façon totale cette chaux qui rend les cuirs
durs, cassants et taches de rouge brun, on avait recours à
des queursages suivis de lavages jusqu'à ce que l'eau reste
36
CUIR
claire. La longueur de ce procédé Fa fait remplacer par
le foulon qui consiste en un tonneau en bois de chêne
tournant autour d'un axe horizontal qui passe par ses deux
fonds.
Des barres en acier ou en bronze munies de chevilles
garnissent son pourtour et servent à soulever les peaux
pendant la rotation du foulon. Lorsqu'elles arrivent en haut
elles retombent en bas de tout leur poids en se frottant aux
chevilles. Un filet d'eau arrivant par l'axe enlève la chaux
et marque la fin de l'opération lorsqu'elle sort claire et
limpide. Le tambour tourne à raison de 43 à 20 tours à
la minute. Ce procédé à la chaux est surtout employé pohr
les cuirs mous. La soude, proposée par Féhx Boudet en d 853,
à raison de 5 kilogr. de soude pour 590 litres d'eau et
4,000 kilogr. de peaux, présente les mêmes inconvénients
que la chaux ;raluminate, le zincate et le silicate do
soude dont l'action est un peu moins vive. Viennent enfin
le procédé à l'ammoniaque, un des meilleurs peut-être, mais
peu employé, quoique économique, à cause du prix élevé
562
que demande son installation, celui au sulfure de sodium
(Boudet) ; aux sulfures de baryum ou de calcium ; au sulfo-
arsémte de chaux (Rhusma des Orientaux) et enfin le pro-
cédé au^^charbon qui permet Tépilage en cinq jours (Ander-
sen, 4874). Il a donné de bons résultats sans qu'on puisse
exphquer exactement son action.
Les peaux étant apprêtées ou débourrées pour procéder
à l'épdage, on les plonge une heure ou deux dans l'eau, puis
après les avon- égouttées on les saupoudre de sable fin ou
mieux de cendre qui éraille moins la fleur, et on les frotte
de bas en haut avec un couteau rond pour enlever les poils
Il ne reste plus qu'à faire disparaître les chairs qui peu-
vent encore adhérer et quelques parties épaisses de la peau
avec un couteau tranchant {écharnage), puis à égaliser le
gram {queursage). Ces deux opérations se font générale-
ment à la machine et en même temps. Cette machine se
compose en prmcipe d'un cylindre à double héhce sous lequel
on fait passer les peaux. Sur ce cylindre sont fixés des cou-
teaux en acier à arête vive destinés à enlever les chairs et
Fig. 1.
Machine à écharner et à ébourrer.
les parties épaisses. La fleur frotte contre une table munie
de pierres à queurser disposées sur une ligne horizontale
et parallèle au cylindre. L'opération peut se faire en une ou
deux passes et douze cuirs peuvent être traités en une heure.
On leur fait subir un dernier lavage, puis on les met en tas.
Les peaux sont prêtes à être tannées.
Tannage proprement dit. Les peaux préparées par les
opérations précédentes sont mises en fosses avec des jus
acides ou jusées pour les faire gonfler et leur permettre d'ab-
sorber le tanin en quantité plus grande et d'une façon plus
régulière (passeries). Cette juséé s'obtient en épuisant à fond
les tans ayant déjà servi. Le gonflement doit être progressif,
c.-à-d. que les peaux mises d'abord dans un liquide très
faible sont transportées dans des cuves ou fosses au nombre
de cinq ou six contenant chacune une jusée de plus en plus
concentrée. La durée de cette opération varie avec le nombre
des cuves, étant donné que l'immersion dure vingt-quatre
heures pour chaque degré de concentration. Elle doit être
conduite avec beaucoup de soin, le transport dans un jus
trop faible faisant perdre les bénéfices des immersions pré-
cédentes qu'on ne peut rattraper que difficilement par l'em-
ploi d'une solution beaucoup plus forte. Une trop grande
difîerence dans la concentration des jus gonfle la peau outre
mesure et donne des cuirs raides et cassants. La pratique
permet seule de régler convenablement la conduite de ces
refaisages : une température de 4â« donne les meilleurs
résultats; elle peut cependant être plus basse ou plus élevée
pourvu qu'elle soit constante. On ajoute quelquefois aux
bams des^ acides minéraux ou organiques pour activer le
travail. L'acide suif urique est généralement employé à la
dose de un millième dans les derniers passements. On peut
le remplacer par l'acide chlorhydrique, acétique ou lactique.
L'acide carbonique proposé par Lieutaud en 4872 après
avoir été abandonné reprend quelque faveur. Il est injecté
sous pression dans des cuves hermétiquement closes. Après
les refaisages vient la mise en fosses. Ces fosses sont en
bois ou de préférence en briques cimentées; elles ont géné-
ralement 3 m. de diamètre sur 3 m. de profondeur. Comme
les matériaux contiennent de l'oxvde de fer, qui pourrait
souiller les peaux, on est obligé de les recouvrir d'un enduit.
Un mélange de sang et de chaux (V. Colle) convient par-
faitement pour cet usage. Le fond des fosses est recouvert
d'une couche de tan de 20 centim, d'épaisseur grossiè-
rement j)ulvérisé, puis d'une seconde couche en poudre
fine de 5 centim. On dispose ensuite une cheminée le long
de la paroi, puis on place les peaux la chair en dessus, la
tête contre la paroi de la fosse, de façon que la queue du
dernier cuir porte sur la partie droite de celui qui le pré-
cède. Oji recouvre le tout d'une couche de tan (50 kilogr.
pour 25 kilogr, de cuir) et on emplit la fosse en ajoutant
des couches alternatives de cuir et de tan jusqu'à 0^50 du
bord. On termine par une couche de 0^30 appelée cha-
— 563 —
CUIR
peau. Les jjeaux ne doivent faire aucun pli, et les poches
ou les parties extrêmes qui ne peuvent s'aplanir doivent
Fig. 2. — Coudreuse,
être coupées ou fendues. La fosse garnie est remplie de
jus de tan par la cheminée, puis le chapeau est chargé de
pierres posées sur des planches. Cette opération dure deux
ou trois mois. Au bout de ce temps les peaux sont sorties
et remises en fosses avec du tan neuf à raison de 40 kilogr.
pour 25 kilogr. de peau pendant quatre à cinq mois ; enfin
traitées une troisième fois avec 30 kilogr. de tan pour la
même quantité de cuir pendant trois mois. On compte qu'il
faut employer 3 kilogr. d'écorce pour un kilogr. de peau.
Pour la fabrication des cuirs mous les opérations sont
les mêmes, mais menées plus lentement pour ne pas dété-
riorer la fleur qui est plus délicate. Aussi fait-on les pas-*
séries et les refaisages à la coudreuse pour faciliter la gra-
duation des bains. Cette coudreuse est aujourd'hui généra-
lement mue à la vapeur. Elle se compose d'un bac ou cuve
tronconique en bois cerclé de fer ou en maçonnerie. A la
partie inférieure se trouve une hélice qui peut se mettre
en mouvement à l'aide d'un arbre termmé par une roue
dentée. Des tringles métalliques, placées parallèlement sui-
vant un des axes de la cuve, servent à accrocher les peaux
à coudrer. Chaque cuve peut contenir de dix à vingt veaux
pour lesauels on emploie 4 kilogr. de tan par kilogr. de
peau ; il tant trente jours d'immersion ; les refaisages et la
mise en fosses se pratiquent de la même façon que pour les
cuirs forts. Les précautions à prendre sont les suivantes :
i^ éviter une trop grande hauteur des fosses dans lesquelles
le cuir se trouve écrasé ; 2° les changements brusques de
température qui doit être de 42 à d, 5^ ; 3^ l'acétification des
jus; ¥ l'amoindrissement de la concentration des jus dans
les changements de fosses; 5^ l'emploi d'eaux séléniteuses
ou trop chargées de sels de chaux. La durée du tannage
varie avec l'épaisseur de la peau ; on compte qu'il faut dix-
huit à vingt mois pour une peau de bœuf ou de buffle de
forte taille, trois ans pour une peau d'éléphant, sept mois
pour les cuirs mous, six ans pour la peau de walruss ou
vache marine. Cette peau est surtout tannée en Ecosse.
Nettoyage et séchage. Au sortir des fosses, les peaux
sont nettoyées avec des brosses puis séchées, soit à l'air
libre, soit dans des chambres dans lesquelles la vaporisa-
tion de l'eau est favorisée par un courant d'air amené par
Fig. 3. — Machine à lisser et à mettre au vent.
un ventilateur (froid ou chaud). Une température de W à
25^ donnant un séchage lent et méthodique est celle qui
doit être préférée. On chauffe parfois {procédé améri-
cain) directement la salle au lieu de chauffer l'air injecté.
Les cuirs secs sont battus pour leur donner du corps, aug-
menter leur consistance et régulariser leur épaisseur. Ce
battage, qui se pratiquait autrefois à la main à l'aide d'un
maillet en bois très dur, se fait aujourd'hui à la machine.-
CUIR
— 564
La plus employée est la machine Bérendorf qui se compose
d'une masse en fer forgé munie d'une dame en bronze,
dont les bords sont relevés pour ne pas faire de marques
sur le cuir. Cette masse est mise en mouvement avec un
levier qui la lève et la baisse alternativement. Ce levier
lui-même reçoit son mouvement d'une bielle rattachée à la
roue d'un moteur quelconque. Le cuir est placé sur une
table au centre de laquelle est disposée une autre masse
en bronze qui peut être élevée ou abaissée avec une vis,
pour régler l'écartement suivant l'épaisseur du cuir et la
force du coup. Cette masse une fois réglée fait d'ailleurs
corps avec la table qui forme avec les paliers le bâti de
la machine. La table a 4 m. sur i^oO. Les masses en
bronze ont 10 à 12 centim. de diamètre et peuvent battre
vingt à vingt-cinq cuirs par journée de dix heures. Le ren-
dement est de 47 % pour les cuirs frais, 52 pour les
cuirs salés, 125 pour les peaux sèches.
Procédés pour accélérer le tannage. Les procédés pro-
posés pour accélérer le tannage sont excessivement nom-
breux et peuvent se diviser en trois catégories : pro-
cédés chimiques ; procédés physiques ; procédés mé 'pa-
niques, 1^ Dans le domaine chimique, un grand nombre
de brevets ont été pris pour l'emploi de j usées rendues
acides par l'acide sulfurique au millième, l'acide oxalique,
l'acide phosphorique, l'acide carbonique sous pression, le
produit de distillation de jusées déjà épuisées rendues acides
par fermentation (acides acétique et lactique). Les pro-
duits obtenus n'ont jamais la qualité de ceux fabriqués par
la méthode ordinaire. Ces procédés donnent cependant de
bons résultats dans le tannage des gros cuirs. Nous cite-
rons enfin pour mémoire les brevets pris pour l'addition
de sels minéraux tels que chlorures métalliques, sulfates
alcalins et alcalino-terreux, carbonates alcalins, l'alun,
l'acétate d'alumme, l'urée, etc., etc., qui donnent tous un
cuir spongieux. Exception doit être faite pour le sulfate de
magnésie qui est employé d'une façon courante dans quelques
tanneries. T Parmi les procédés physiques, le seul qui ait
donné des résultats sérieux est le procédé par pulvérisation
qui consiste à pulvériser sur des peaux cousues ensemble,
et formant toile sans fin, des jus faibles d'abord, puis de
plus en plus forts en augmentant la concentration des jus
après deux passages qui durent deux heures chacun pour
quarante peaux. On est arrivé à tanner d'une façon conve-
nable une peau de chèvre en vingt-quatre heures, une peau
de veau en cinq jours, de vache en sept jours, de bœuf en
quinze jours. La chaleur est un agent puissant, mais les
cuirs obtenus sont de qualité inférieure dès qu'on dépasse
W*^; encore faut-il que cette température soit toujours la
même, les variations trop brusques brisant le nerf et ren-
dant le cuir spongieux. L'électricité a eu peu de succès en
tannerie, les quelques brevets qui ont été pris n'ont donné
aucun résultat réellement pratique; son action est même
contestée. Le vide également proposé connue accélérateur
n'a aucune action pas plus que la lumière, qu'un fantai-
siste a eu l'idée de breveter sous forme de cuves lumi-
neuses. 3^ Les procédés mécaniques consistent à favoriser
l'absorption du tanin, soit en diminuant la pression qui
charge les peaux inférieures, soit en agitant les peaux dans
le liquide tannant, ou de préférence le hquide en tenant
les peaux fixes pour renouveler les contacts. On diminue la
pression : en employant des cuves moins hautes ; en
séparant les peaux par des châssis qui présentent l'incon-
vénient de laisser leur marque sur les peaux ; en divi-
sant la cuve en plusieurs compartiments suivant un plan
horizontal, les compartiments communiquant entre eux. Ces
procédés ont donné de bons résultats comme ceux qui con-
sistent à suspendre les peaux dans la liqueur tannante que
l'on agite, soit en disposant une hélice au fond de la fosse
qui mélange les différentes couches sans en agiter les
peaux, soit en faisant circuler la liqueur. On a proposé
également l'emploi du foulon, du turbulant, de tambours
tournant dans des auges, etc., etc., qui donnent des cuirs
creux et peu solides. On a enfin essayé la filtration à tra-
vers les peaux des liquides tanniques formant pression par
leur propre poids ; dans des peaux cousues formant sac,
on injecte sous pression en disposant les peaux comme un
filtre-presse ou par la force centrifuge dans des turbines
à grandes vitesses.
Tannage minéral et procédés divers. — Procédé in-
dien a la cervelle ^ de bœuf. Les peaux trempées et
débourrées sont enduites d'une pâte semi-fluide composée
de 25 parties de farine, 2,5 de cervelle de bœuf, 12,5 de
lait, 5 de sel et 3,5 de graisse animale, puis foulées jus-
qu'à ce qu'elles aient absorbé le mélange. On examine le
produit et on répète cette opération jusqu'à ce que le tissu
soit saturé de la pâte. Il faut en moyenne seize heures
pour une peau de veau, trois jours pour une peau de bœuf.
Le cuir ainsi obtenu est d'excellente qualité. Son rende-
ment est de 35 %.
Cuir transparent. Inventé par M. Starck, de Mayence,
qui traite les peaux défilées par un mélange de 1,000 par-
ties de glycérine à 26^ Baume, 2 d'acide saiicylique,
2 d'acide picrique et 25 d'acide borique ; puis avant qu'elles
ne soient sèches il les imbibe, dans une chambre noire,
d'une solution de bichromate de potasse et les sèche com-
plètement. Il passe ensuite une solution alcoolique de gomme
laque et le cuir reste transparent. 11 sert à fabriquer d'ex-
cellentes courroies.
Tannage à la pyrofuschine. Le procédé de tannage de
M. Remisch repose sur l'emploi d'un composé que l'on
peut extraire de presque tous les charbons de terre, l'an-
thracite excepté, en traitant ce charbon finement pulvérisé
par une lessive de soude. En saturant cette liqueur par un
acide, la pyrofuschine insoluble se sépare. Elle peut être em-
ployée pour compléter un tannage au tan et à l'alun ou
seule. Le tannage à la pyrofuschine est assez compliqué, il
consiste à épilerles peaux comme dans la méthode ordinaire,
mais de préférence à la chaux, à les passer dans un bain
de son aigri dans lequel on peut ajouter très peu d'acide
chlorliydrique ; elles sont ensuite lavées à l'eau et expri-
mées doucement. La première solution de pyrofuschine
employée contient 22 à 25 gr. de produit humide par litre
(D. 1,025) ; la seconde 40 gr. (D. 1,040); elle est de plus
additionnée de 10 gr. de carbonate de soude et 5 gr. d'hy-
drate de chaux. Les peaux séjournent de trois à cinq jours
dans chaque bain ; elles sont enfin passées dans une solu-
tion contenant 2 parties de sel marin, 3 de chlorure de
magnésium, 24 en volume d'acide chlorhydrique et 60 d'eau.
Parées, graissées et séchées.
Tannage minéral. Les premiers essais de tannage mi-
néral datent de 1840 et ont été faits par Darcey qui tannait
au sulfate de peroxyde de fer. En 1856, Friedei ajouta de
l'oxyde de zinc et d'alumine. Il ne fut réellement un peu
employé que lorsque Knapp donna le procédé de tannage
minéral aux savons métalliques. A cet effet, on prépare une
solution de perchlorure de fer au dixième dans laquelle on
plonge la peau quarante-huit heures, puis une solution sa-
vonneuse dans laquelle le cuir est jeté au sortir du bain
ferrugineux. Lorsque la réaction est complète, on lave et on
sèche. Le cuir ainsi obtenu manque de souplesse ; sa cou-
leur est peu agréable. Le tannage au bichromate de po-
tasse ne vaut pas mienx. On trempe les peaux huit jours
dans une solution de bichromate de potasse, constamment
agitée. Après une semaine la peau est séchée, traitée parla
paraffine et corroyée. Le tannage minéral rend cependant
des services pour FimperméabiUsation des cuirs tannés à
qui l'on fait absorber une solution de bichromate de potasse
avant de les tremper dans un bain chaud de gélatine.
M. Balastschans et Trcnk emploient l'alumine 'dans les
conditions suivantes. Ils dissolvent 20 à 30 parties de
chromate d'alumine dans 1,000 parties d'eau à l'aide de 20
à 30 parties d'acide pyroligneux, puis dans une deuxième
solution de la crème de tartre avec un peu de protochlorure
double de nickel et d'ammoniaque. En laissant macérer les
peaux dans un mélange formé de deux parties de la pre-
mière solution pour une partie de la deuxième, le tannage
dure vingt jours. On a aussi employé le sulfate d'alumine
d'une part et un mélange de borax et de glycérine de l'autre
donnant du borate d'alumine ; on s'est enfin servi du savon,
d'alumine. Les produits obtenus par ces procédés n'ont
donné aucun produit comparable aux cuirs tannés.
Fabrication des croûtes. Ou appelle croûtes les peaux
de bœuf dédoublées en deux parties suivant leur épaisseur.
La portion qui renferme la fleur est appelée vache; elle
sert à la fabrication des cuirs vernis, l'autre s'appelle
croûte et sert à faire des cuirs grossiers pour empeignes.
Cette opération se fait au moyen de la machine à refendre
qui se compose d'un couteau plus large que la peau et qui
est animé d'un mouvement de va-et-vient. La peau est
poussée par deux rouleaux servant à la fois à pousser la
peau et à la presser contre la table pour l'empêcher de faire
des plis qui formeraient autant de trous. Le couteau peut
565 - CUIR
être levé ou baissé à volonté à l'aide de vis. Une machine
peut refendre de 35 à 40 peaux par journée de douze heures.
Traitement des cuirs tannés. On pratique quelquefois
un second tannage pour surcharger le cuir et lui faire don-
ner un rendement supérieur, soit avec des extraits concen-
trés,soit en couchant les peaux en fosses avec des jus acides. On
traite celles qui ont une couleur défectueuse par un mélange
d'extrait de châtaignes, d'extrait de valonées, d'acide oxa-
lique et d'eau. On enlève les taches de graisse avec des
alcalis carbonates, sulfurés ou de la saponaire. Les cuirs
trop colorés peuvent être décolorés par des solutions d'hy-
pochlorite de soude, d'eaji oxygénée, d'hydrosulfite de soude.
Quelques tanneurs emploient le sel d'étain pour donner
une belle apparence à leurs cuirs. D'autres pratiquent une
fraude, dont on ne saurait trop se méfier, qui consiste à
charger les peaux tannées d'huile, de glucose et de préfé-
Fig.f4. — Machine à crépir et à rebrousser les cuirs.
rence de corps insolubles ou pesants comme le sulfate de
baryte, les sucrâtes de baryte, le sulfoléate de plomb, etc.
Qualité des cuirs. La qualité d'un cuir dépend de la
façon dont il a été tanné. Il est d'autant meilleur que ce
tannage a été plus complet et effectué d'une façon plus ré-
gulière. On peut d'ailleurs, avec un peu d'habitude, s'en
rendre facilement compte en examinant la surface de sec-
tion. Dans un bon cuir, elle est luisante, homogène ; la
texture est nerveuse, serrée et n'offre de bandes foncées
que du côté de la fleur. Cet aspect doit rester le même
quel que soit le sens dans lequel la section est faite. Le
cuir mal tanné au contraire a une coupe terne, un tissu
lâche, peu serré, sans nerf et spongieux. On aperçoit gé-
néralement une raie blanche ou noire au milieu. Le cuir
bien tanné, bouilli avec de l'eau, ne se gonfle pas, ne devient
pas gluant et reste opaque dans toutes ses parties. La so-
lution se colore en brun ou en rouge, mais ne doit jamais
se prendre en gelée, même après évaporation. Le cuir mal
tanné, au contraire, se gonfle, devient transparent dans
toutes les parties non tannées, les autres prennent une
teinte café au lait ; la liqueur qui est trouble se prend en
gelée par refroidissement. Dans les laboratoires militaires,
on fait l'essai des cuirs avec de l'acide acétique cristalli-
sable. Dans ce liquide, un cuir bien tanné peut rester plu-
sieurs jours sans subir d'autre transformation qu'une teinte
un peu plus sombre, tandis que le cuir mal tanné se trans-
forme en gélatine au bout de peu de temps. Enfin un bon
cuir ne doit pas absorber d'eau ; il doit avoir une belle
couleur jaune légèrement rougeâtre ; il ne doit présenter ni
coutelures, ni effleurures, ni piqûres ou callosités. La fleur
doit être souple et non cassante, comme il arrive parfois
pour les peaux brûlées pendant l'épilage. Le maximum
d'humidité doit être de 15 7o-
CoRROYAGE. — Quol quo soit le procédé de tannage em-
ployé, le cuir subit un grand nombre d'opérations connues
sous le nom de corroyage. Ces opérations varient, de plus,
pour chaque variété de cuir à obtenir. Nous allons prendre
comme exemple la fabrication des veaux cirés et nous don-
nerons ensuite les différentes manipulations employées pour
chaque variété de cuir commerçant.
Veaux cirés. Les veaux cirés se préparent générale-
ment avec des veaux en croûte. Les traitements qu'ils ont
CUIR
566 —
à subir sont les suivants : 1° En supposant que les cuirs
sortent tout séchés de la tannerie et que la corroirie forme
industrie à part, ils sont mis à tremper pendant quelques
heures et nettoyés à fond, 2*^ Frayés avec un couteau dont
le tranchant est rabattu à angle droit pour enlever ce qui
peut rester de chairs ou d'impuretés, puis foulés jusqu'à
ramollissement complet. 3^ Mis au vent pour déplacer le
trop de cuir du collet et le répartir sur les autres parties.
Cette opération se fait à la machine sur la table à mouve-
ments universels. 4° La mise en huile de fleur qui con-
siste à appliquer du côté de la fleur un mélange à païUies
égale de suif fondu au creton et d'huile de baleine. Cette
composition est appliquée en couche mince et demande deux
ou trois jours pour pénétrer suffisamment dans l'épidcrme.
^^ La mise en huile de chair est faite avec un mélange
de dégras ou de moellon (matières grasses provenant de la
chamoiserie), d'huile animale et de suit. On fabrique au-
jourd'hui des dégras artificiels en oxydant les huiles em-
ployées dans le chamoisage par de l'oxyde de plomb très
divisé ; l'acide nitrique ou un courant d'air barbotant dans
l'huile chauffée à 90°. La matière grasse est étendue à la
main ou à la machine, et laissée à sécher. Au bout de cinq
à six jours celle qui n'a pu pénétrer dans le cuir est enle-
vée au moyen d'un couteau à tranchant émoussé. Un cuir
de 300 kilogr. traité par 400 kilogr. de dégras donne
342kilogr. de produit après dégraissage. 6° Le grainage.
Il est fait à la machine en faisant passer une roue molle-
tée portant le dessin du grain, sur la peau, du côté de la
fleur. Il est variable avec chaque fabricant. 7° Le cirage qui
consiste à appliquer un mélange formé d'huile de lin,
d'huile de foie de morue et de noir de fumée ou d'aniline.
COMPOSITION DE QUELQUES CIBAGES
Voici d'ailleurs quel(jues compositions
Ciruge ordinaire.
Huile de foie de
morue ...... 45
Huile de lin... 20
Suif 25
Noir de fumée
léger 4
Fiel de bœuf.. 2
Cire jaune, .. . 4
Alcool 5
Pyrolignite de
fer. 4
Noir d'aniline. 0,050 «/o
Carmin d'indigo 0,2 —
Cirage extra.
Huile de lin... 20
Huile d'olive. . 40
Suif. ........ 45
Noir de fumée. 4
OEufs 8
Alcool 2
Vanadate d'am-
moniaque..., 0,040
Le seul soin qu'il faut avoir est d'éviter l'emploi d'huiles
végétales non siccatives. Le finissage est la dernière opé-
ration ; elle est destinée à donner le coup d'œil et le tou-
cher demandés par l'acheteur. C'est une opération très
délicate qui consiste à appliquer une pâte formée d'un
mélange bien homogène de 60 parties de colle de peau et
de 40 de suit. L'ouvrier étale cette pâte à la main et
retend uniformément avec une brosse douce. On la laisse
sécher cinq à six heures et on passe une couche de géla-
tine brillante. Pour les finissages en couleur la peau au
lieu d'être cirée est teinte de la couleur demandée et ter-
minée comme le veau ciré ordinaire.
Veaux blancs. Les veaux blancs sont traités comme les
veaux cirés pour la mise en huile de fleur et de chair. Le
finissage en pâte qui a pour but de coller les chairs et de
rendre la peau unie et brillante tout en augmentant son poids,
§e fait avec un. mélange de matières collantes et grasses.
Cirage anglais.
A Eau 25
Gomme arabi-
que 6
Savon râpé ... 6
Noir d'aniKne. 0,200
B Huile de foie de
morue 50
Cire jaune .... 6
Bleu de Prusse . 2
Noir léger .... 6
Glycérine 2
Cirage de couleur.
Huile de baleine
blanche ou blonde 45
Huile de lin 30
Suif 20
Matière colorante. 3 à 5
Cire blanche 2
Alcool 2
Eau 3"*
Savon 420S'
Carb. de potasse.. 60
Cire vierge 400
Sucre candi 450
Gomme arabique , . 60
Suif 400
Huile de foie de
morue 200
Eau W^^
Graine de lin . . 2^s
Cire végétale. . , 4^^^
Stéarine 4'^^
Suif 4^8-500
Savon blanc. . . 3^s
Carbonate de po-
tasse O^^ê-300
Oxyde de zinc. . O^^^SOO
Cachou jaune . . O'^-lOO
L'oxyde de zinc qu'on ajoute dans ces compositions est
employé pour le finissage en blanc, le cachou en jaune
fauve, pour éviter un cirage en blanc ou en jaune. Le
coiToyage des vaches cirées, blanches et en couleur se fait
de la même façon que celui des veaux correspondants.
Vache lissée. Au sortir des fossés, les cuirs de vache
sont coupés en deux, essorés et abattus sur la table de
corroirie sur laquelle ils doivent être rebroussés. Cette
opération se fait à la machine qui se compose de deux
bâtis en fonte entre-croisés avec un avancement à la partie
inférieure pour supporter le chariot mobile de la table qui
reçoit le cuir plié en deux. Il est saisi au moyen d'une
grille ou d'un rouleau excentré, La marguerite, comme
dans l'appareil à main, est en bois dur. Elle est fixée à
l'extrémité inférieure d'un battant en bois dont l'axe se
trouve à la partie supérieure du bâtis. Un arbre portant
une poulie de commande donne le mouvement de va-et-
vient. Le cuir rebroussé est butté, traité par une bouillie
composée de farine, kaoHn, mousse de Chine et tannin.
La mousse de Chine est souvent remplacée par ladextrine.
On le fait ensuite passer sous la machine à mettre au vent
et on le hsse mécaniquement avec des rouleaux de verre
ou de bois dur.
Cuirs noirs. Les cuirs noirs sont passés en suif à la
main ou à la machine, noircis par du noir de bière (bière
aigrie mise à digérer sur de la Mmaille de fer) , du pyro-
lignite de fer, des noirs de campèche au fer ou au chrome,
des noirs d'aniline, passés à la paumelle et graines. Les
cuirs noirs hssés sont mis en presse pendant quelques jours,
lustrés à l'étiré ou à la lisse, jusqu'à ce que toute trace de
grain ou de fleur soit disparue, puis frottés avec un chif-
fon de laine jusqu'à ce que la fleur soit bien éclaircie.
Cui7's vernis. L'industrie des cuirs vernis a été créée en
France au commencement de ce siècle par M. Plummer,
de Pont-Audemer. Elle arriva en peu de temps à son
apogée et aujourd'hui la supériorité des produits français
les fait rechercher du monde entier. Les corps qui entrent
dans la composition des nombreux vernis employés sont :
le bitume de Judée, le vernis gras au copal, l'huile de lin
cuite et hthargée, l'essence de térébenthine, etc. La colora-
tion est donnée par du noir de fumée et du bleu de Prusse.
COMPOSITION DE QUELQUES VERNIS
Vernis de Hein, ] Vernis Villon.
Cire minérale. . . .
Spermacéti
Térébenthine ....
Vernis d'asphalte .
Borax
Noir de fumée. . .
Bleu de Prusse . .
Nitrobenzine ....
90
50
350
20
40
20
40
5
Ver7iis à Vaniline.
A Noir d'aniline. 400
Acide chlorhy-
drique 400
Alcool 2400
Gomme laque..
Alcool
2400
40000
A Huile de lin cuite 33,3
Copal 33,3
Ess. térébenthine 33,3
B Alcool 75
Gomme laque . . .
25
Violet d'aniline. .
4
C Huile de lin cuite
avec bleu d e
Prusse
60
Cire minérale . . .
25
Vaseline
5
Ess. térébenthine
40
J> Gutta-percha . . .
20
Ess. térébenthine
40
Huile de lin cuite
avec bleu de
Prusse ......
40
— 567 —
CUIR
Les cuirs bien tannés subissent les traitements décrits
dans la fabrication des veaux blancs. Ils sont ensuite
poncés pour boucher les trous et rendre la surface aussi
unie gue possible. Cette opération se fait à l'aide de la
machine figurée ci-dessous.
Le vernissage est précédé d'un encollage fait avec de la
colle de peau, d'une mise en teinte par une solution de
violet d'aniline et d'un apprêt composé d'huile de lin cuite,
blanc de plomb et noir de fumée. Un dernier ponçage
donné avec la pierre ponce pulvérisée et un chiffon de laine
amène le cuir dans un état convenable pour le vernissage
proprement dit. Nous avons donné plus haut la composi-
tion de quelques vernis. Ces compositions variant à l'infini,
il faut éviter d'y faire entrer les suifs et les huiles non
Fig. 5. — Machine à poncer les cuirs vernis.
siccatives qui tachent et le glucose qui amène des cre-
vasses. Trois couches de vernis demandant chacune vingt-
quatre heures pour sécher, sont passées, en évitant avant
tout les poussières. Certains vernis sont à base de savons
métalliques. Les vernis de couleur sont faits en remplaçant
le noir de fumée ou d'aniline, le bleu de Prusse et le
violet d'aniline par la matière colorante correspondante à
la couleur que l'on veut donner.
Cuir de Russie. Les peaux de bœuf ou de vache sont
mises à tremper deux jours, débourrées à la chaux, gon-
flées dans un mélange de levure de bière, sel et farine ;
passées dans des cuves contenant des décoctions d'écorces
de saule, de pin et de bouleau renouvelées tous les deux
jours et d'une concentration de plus en plus grande. Ce
tannage dure de vingt à vingt-cinq jours. La mise en huile
est faite avec un mélange d'huile de phoque et d'huile
de bouleau obtenue par distillation d'écorces de bouleau
et d'andromède. Elles sont teintes avec des bois de San-
tal et de Fernambouc ou plus simplement à la cochenille
et au bois du Brésil et enfin grainées, quadrillées ou
Emplois du cum. — Les peaux les plus employées sont
celles des mammifères. Celle du buffle sert à la fabrication
des cuirs forts, des équipements militaires et des cuirs à
rasoirs. Celle de la vache donne des cuirs mous désignés
sous le nom de cuirs à œuvre ou malterie qui servent à
confectionner les chaussures et les ceinturons. Celle du tau-
reau est spongieuse et forme les capotes de voitures. La
peau du cheval et du mulet est utilisée par les fabricants
de harnais, tabliers, couvertures. L'éléphant, le rhinocé-
roc, l'hippopotame donnent un cuir raide, utilisé en méca-
mc[ue. Le mouton, la chèvre, dont la peau possède à la
fois une souplesse et une résistance remarquables, sont
fort appréciés pour faire les chaussures fines, la reliure,
les soufflets, coussins, doublures, fouets, guêtres; leurs peaux
servent au transport des vins et de l'eau (Grèce, Espagne,
Afrique), et dans la maroquinerie. La peau d'âne est
employée en sellerie et à la fabrication du chagrin. Celle du
cochon pour la sellerie, les sacs, les malles, etc. Celle du
chien, du sanglier, de l'ours, du loup, du lapin, du rat,
du cerf, ont des emplois très variés. Les peaux du chamois,
du chevreuil, du daim, du lama sont chamoisées et servent
à faire des gants, des peaux à nettoyer l'argenterie, à garnir
des touches de piano. Depuis quelques années, on emploie
la peau du kangourou pour la chaussure. Un grand nombre
d'autres animaux donnent leur peau ou leur fourrure. Cer-
tains oiseaux comme le cygne, l'agami, l'autruche four-
nissent une peau très fine employée comme ornement par
les éventaillistes et la tabletterie. Les peaux de serpent
(boa constrictor, cobra capello, vipère, etc.), les peaux
d'amphibie et de poisson (alhgator, phoque, morse),
sont employées en maroquinerie, bimbeloterie, gainerie,
celles du requin, du marsouin, de la raie, de la roussette
ou chien de mer sont utilisées par les ébénistes pour adou-
cir le bois. En Europe, en Syrie, à Tunis elles servent à
faire le chagrin. La peau de baleine sert à faire des trans-
missions de machines ; la peau d'anguille, des harnais et
des bretelles ; la peau des poissons plats, des gants et des
bourses, etc., etc. Nous citerons en dernier Heu la peau
humaine, qui a quelquefois été employée comme celle du
général bohémien Jean Ziska à faire une peau de tambour ;
celle de la sorcière yorskshirienne, Mary Bateman, qui ser-
vit à reher deux livres qui existèrent fort longtemps à la
bibliothèque de Malborough House, près de Methley (An-
gleterre). Les mémoires de la marquise de Créqui et le dic-
tionnaire d'histoire naturelle de Valmont de Bomare citent
la tannerie de Meudon comme fabricant des cuirs avec de la
peau humaine. De nos jours, enfin, tout le monde sait que
CUIR
— 568 —
la peau de l'assassin Pranzini fut tannée par M. Détresse,
de Paris, et transformée en porte-cartes.
Cîiirs factices. On fabrique les cuirs factices avec dos
débris de cuirs de toutes sortes. Les fragments tries par
ordre de graudear sont placés sur une table côte à côte,
enduits d'une colle imperraéable à base de gélatine, et
soumis à une forte pression au moyen de la presse hydrau-
lique. Un autre procédé consiste à chauffer les rognures
sous pression et à soumettre la bouillie obtenue à Taction
de la presse hydraulique. On traite aussi les débris de
cnir dans une machine jusqu'à ce qu'ils soient transformés
en une sorte d'étoiipe que l'on imbibe d'un mélange de colle
forte et de vernis gras. Ce mélange est égoutté, passé entre
deux cylindres et comprimé. — • La toile-cuir est un tissu
enduit d'une composition dans laquelle il entre de l'huile
de lin cuite, do la colle de peau de gant, du blanc de
Meudonetdu tanin. — Le carton-cuir est fabriqué comme
le carton ordinaire, avec cette différence que chaque feuille
est séparée par une composition insoluble et imperméable.
On emploie, à cet effet, la gélatine chromatée, le mélange
d'huile de lin et gélatine. -—Il existe des cuirs artificiels qui
n'ont de cuir que le nom, à base de gélatine et d'huile de
hn. Une de ces compositions contient en outre du liège
pulvérisé et porte le nom de linoléum (V. Linoléum). Son
usage est très répandu. Ch. Girard.
Cmn BomLLï. — Pour l'obtenir, on fait houiUir des
morceaux de cuir dans de la cire mêlée de résine et de colle.
Une fois bouilli de la sorte, ce cuir conserve, pendant qu'il
est détrempé, une élasticité assez grande pour pouvoir se
mouler, et quand il est sec il devient d'une dureté et d'une
rigidité presque égales à celles du bois auquel il est pré-
férable en raison de sa légèreté. Ce procédé est assez ancien
et le cuir bouilK sert principalement à la fabrication des
Yases à transporter le vin et des étuis ou gaines. Parfois
aussi il était employé pour revêtir des coffres et des coffrets
qui recevaient une décoration artistique. A. de Ch.
IL Art décoratif. — L'usage du cuir remonte à la plus
haute antiquité. Les Egyptiens l'employaient en chaussure
et ponr recouvrir les sièges et les lits. Les Grecs et les
Romains s'en servaient parfois pour faire des portières de
temples, des sommiers de litières et pour décorer leurs
appartements, mais aucune de ces pièces ne nous est par-
venue et l'on ne connaît exactement ni leur travail, ni
leurs dispositions. Nous n'avons de renseignement positif
sur l'emploi du cuir comme matière décorative, qu'à par-
tir du moyen âge. Quelques-unes de nos églises, entre
autres la cathédrale du Puy, ont conservé des portes du
XI® siècle, dont les vantaux sont décorés d'un travail de
ferronnerie appliqué sur une garniture de cuir peint
recouvrant les ais du bois. On trouverait d'autres exemples
de cette fabrication spéciale dans les édifices religieux
de l'Allemagne et de l'Angleterre. On sait que les belles
tentures de Notre-Dame de Paris étaient pFimitivement
placées sur un fond de cuir dont les traces sont encore
apparentes. Les comptes du xi\^ siècle apprennent que
le cuir ouvré était alors employé dans les appartements
comme tapis et comme tenture. L'inventaire de Charles V
mentionne des cuirs de Hongrie brodés de feuillages aux
armes de France, ainsi qu'une chambre de cuir brodé de
fleurs de lis d'or et des cuirs d'Aragon ouvrés pour
mettre sur le plancher. Le duc de Bourgogne possédait
de même des tentures de cuir représentant des bêtes
sauvages. Cette fabrication spéciale fut de bonne heure
florissante en Espagne où elle était pratiquée par les
musulmans qui mettaient en œuvre les belles peaux tirées
des contrées orientales, et à Venise qui se trouvait, par ses
relations commerciales, en contact journaher avec l'Egypte
et la Syrie. Dans cette dernière ville on produisit de véri-
tables tableaux représentant des madones, des figures de
saints peints de diverses couleurs sur un fond de' cuir im-
primé au fei* chaud et doré par parties. Vers l'époque delà
Renaissance, les tentures d'appartement en cuir gaufré
s'étaient généralisées et on les fabriquait aussi bien en
France qu'en Espagne et en Italie, dans les Flandres et
dans r Allemagne. La reine Catherine de Médicis avait des
tentures a personnages que fabriquaient pour elle des
ouvriers demeurant à l'hôtel de Nesle à Paris. On trouve
dans nos musées de nombreux coffrets en cuir gaufré du
xv^ et du xvi^ siècle qui sont ornés do personnages accom-
pagnés d'inscriptions, dont quelques-uns sont très intéres-
sants par leur exécution et parleur composition. Une pro-
fession s'était adonnée depuis longtemps au travail du cuir
et avait su transformer cette dépouille animale en matière
artistique: c'était celle des doreurs sur cuir, garnisseurs et
enjoliveurs qui s'étaient réunis en communauté distincte en
4o94', avec la faculté de fabriquer et de vendre des tapis-
series et des tentures de cuir, de même que des robinets,
des coffrets de chambre, des tablettes, des miroirs pliants,
des boîtes à poudre, des étuis et des bordures de miroir.
Ils se trouvaient placés, pour ces deux dernières fabrications,
en compétition avec les maîtres gainiers et les maîtres mi-
roitiers, et ces difficultés amenèrent la réunion postérieure
de ces trois communautés en une seule (V. Gainerie). Le
cuir est également la base indispensable des travaux des
relieurs qui dès le moyen âge travaillaient cette matière et
dont les productions devinrent plus tard des chefs-d'œuvre
de gaufrage, de mosaïque et de dorure, sous la direction
des bibliophiles Grolier et des amateurs du xvi« siècle.
Mais la reliure constitue un art spécial dont les ouvrages
seront étudiés avec plus de développements à ce mot
spécial.
A la fin du xvi^ siècle, la fabrication des tentures de cuir
gaufré diminua en Espagne, tandis qu'elle devenait une des
principales sources de la richesse manufacturière des
Flandres. A ce moment les tentures étaient l'accompagne-
ment obligé de la^ décoration intérieure de toutes les de-
meures néerlandaises, ainsi qu'on le voit dans les scènes
d'intérieur peintes par Gei'ard Dow, par Metsu, par Terburg
et par Van der Meer. Ces contrées en exportaient de
grandes quantités même en France, où plusieurs villes se
livraient à cette industrie. On adopta aussi dans les pre-
mières années du même siècle l'usage de recouvrir les
sièges de cuir simplement imprimé ou gaufré en même
temps que doré. Les fauteuils et les chaises ainsi garnis
se rencontrent fréquemment. On les tirait communément de
la Flandre, de l'Espagne et du Portugal, et si leur compo-
sition n'est pas toujours à l'abri de la critique, Fexcellence
de la matière et la perfection du travail leur ont valu de
se conserver intacts depuis trois siècles. Les tentures des
appartements se développaient en forme de frises occupées
par des personnages mythologiques ou empruntés à l'his-
toire romaine. Le plus souvent cependant elles étaient dis-
posées comme les rouleaux de nos papiers peints actuels
et les arabesques ainsi que les ornements fleuronnés dont
ils étaient décorés se raccordaient à chaque lé, de façon à
former un champ uni. Lorsque l'architecte-dessinateur
Marot eut été exilé après la révocation de Fédit de
Nantes, il fournit aux fabricants de la Hollande des mo-
dèles dont la nouveauté élégante releva le niveau artis-
tique de leurs métiers. L'établissement des tentures de
cuir était trop coûteux et trop compliqué pour ne pas
suggérer l'idée de Limiter à bon marché, et, dès 1702,
Stoucrad avait fondé à Paris une manufacture de toiles
dans le goût des cuirs dorés, qui pouvaient servir aux
tapisseries d'appartement aussi bien qu'à recouvrir les
sièges, les canapés, les écrans et les paravents. Le dernier
coup fut porté à cette fabrication luxueuse par la création
des manufactures de papier tontisse qui mettait à la portée
de tous une décoration nouvelle et peu coûteuse. Par suite
d'un retour de la mode, les fabricants modernes produisent
une grande variété de papiers peints et gaufrés dont les
motifs imitent ceux des anciennes tentures de cuir.
Cum DE CoRDouE. — La fabrication des cuirs gaufrés
et dorés était très florissante en Espagne, et les ateliers de
Cordoue mettaient en œuvre les peaux qu'ils tiraient du
Maroc et qu'ils exportaient dans l'Europe entière. Ces
~ 569 —
CUIR -- CUIRASSE
Cuirs portaient le nom de la ville d'où ils provenaient et
nos cordonniers eux-mêmes ont emprunté leur désignation
primitive de cordouaniers à la cité d'où sortait la
matière première qui servait à leurs travaux. Au moyen
âge les grands seigneurs et notamment le duc de Berry
possédaient des tentures de cuir rouge armoriés aux écus
de Castille, qui sont décrits dans leurs inventaires sous la
dénomination de cordouans. Cette industrie prit fin en
Espagne lors de l'expulsion des Maures et elle émigra dans
les Flandres qui lui durent une partie de leur prospérité
commerciale. Les tentures de Cordoue étaient appelées
guadameciles en espagnol, et elles atteignaielit de grands
prix lorsqu'elles étaient d'une fabrication soignée.
Cuir de lion. — La peau du lion était recommandée, par
la thérapeutique empirique du moyen âge, pour la gué-
rison de k gravelle et du mal de reins. Les anciens
inventaires citent des ceintures et des courroies de cuir
de lion, qui étaient destinées à cet usage. Le roi Charles V
en possédait qui étaient ornées d'émaux et d'appliques
en or. A. de Champeâux.
III. Anatomie. — Cuir chevelu. — Peau qui recouvre
le crâne. Elle mérite son nom par sa structure dure et épaisse
et son adhérence directe à l'aponévrose épicranienne, grâce
à l'absence de fascia superficialis. Glabre dans la région
frontale, elle est pourvue de cheveux dans ses autres par-
ties. Les cheveux sont implantés obliquement en rayon-
nant à partir d'un point central appelé vertex (V. Cheveux,
Peau et Tête). D^ L. Hn.
IV. Minéralogie. — Cuir de montagne. — Variété
à'asbeste^ formée par dês fibres fines et flexibles de ce
minéral, enchevêtrées les unes dans les autres de façon à
former un tissu très serré : celui-ci, suivant sa consistance,
est désigné sous les noms de cuir^ liège ou carton de
montagne, A. L.acroix.
BiBL. : H. Havard, le Dictionnaire de Vameublement. —
VioLLET-LE-Duc, DicUonuaire du mobilier. — Catalogue
de la collection Spitzer.
CUIRASSE. I. Art militaire. — L'origine de la cuirasse
remonte à la plus haute antiquité. Elle était employée déjà par
les Grecs et les Romains (V. Arme) . Les Gaulois du temps
de César portaient la cuirasse faite de deux pièces entières,
comme les Romains. On n'a trouvé jusqu'ici aucune cuirasse
dans ce que nous ont laissé les Francs, mais on sait que leurs
chefs en étaient armés. Sous les Carolingiens, le moine de
Saint-Gall, qui écrivait à la fin du ix® siècle, nous donne
Charlemagne et ses preux comme étant couverts de lames et
d'écaillés de fer, mais la véritable armure de corps de cette
époque est la cotte de mailles. Aux x«, xi® et xn® siècles,
les guerriers ont la longue tunique de mailles, le haubert
qui descend jusqu'au-dessus du genou. Les anneaux de fer
forgé y sont cousus sur toile ou peau. D'autres cottes sont
en écailles. Le xiii® siècle voit, en Allemagne d'abord, un
plastron de fer plein se mettre sur la poitrine. Dans le xiv®
se répand définitivement l'armure complète en plaques
d'acier, dite armure à plate. La cuirasse ou plastron
atteint sa plus belle forme au xv^ siècle. Mais elle dégénère
bientôt, car dès le commencement du xvi®, on voit le plas-
tron se bomber et devenir grotesque sous Henri III, avec
sa forme bossue dite à cosse de pois.
Cependant les armes portatives à feu se sont répandues
partout et les pièces de l'armure sont abandonnées l'une
après l'autre, mais la cuirasse persiste ; on se borne à la
faire plus épaisse pour lutter contre la Isalle du mousquet.
Si l'infanterie la quitte pour le justaucorps, sous Louis XIII,
les officiers la conservent. L'ordonnance de 4638 prescrit
que chaque cavalier doit avoir au moins une cuirasse et
un pot (casque). En 1666, les régiments de cavalerie cui-
rassée furent créés et petit à petit la cuirasse devint un
simple pastron. Louis XIII avait voulu que les cuirasses
fussent polies à blanc ; mais sous son successeur elles
reprirent la teinte bronzée et les ciselures. Quand Louis XIV,
assistant à un siège, allait à la tranchée, il portait
la cuirasse, ainsi que les princes, les ducs et les généraux
qui l'entouraient. Les sapeurs et les ingénieurs portaient la
cuirasse ou le corselet. Aux termes de l'ordonnance de
4703, tous les officiers de grosse cavalerie devaient avoir la
cuirasse, mais l'usage étant plus fort que tous les règle-
ments, celui-ci fut peu ou point observé. Celle de 4733
revint à la charge et donna même la cuirasse aux officiers
supérieurs d'infanterie; enfin l'ordonnance de 4750 exigea
que les officiers de cavalerie la portassent dans tous les
exercices. Pendant tout le règne de Louis XV, les géné-
raux revêtirent encore la cuirasse, ce qui ne s'harmoni-
sait pas outre mesure avec leur poudre, leurs rubans et
leurs dentelles. Ils en quittèrent spontanément l'usage en
4775. Jusqu'en 4802, un seul régiment de cavalerie, le 8®,
avait gardé la cuirasse à plastron et à dossière, mais, à cette
époque, Bonaparte la rendit à toute la grosse cavalerie qui
l'a toujours conservée depuis. Aujourd'hui, la cuirasse dont
sont armés nos douze régiments de cuirassiers comprend
trois tailles dont le poids réglementaire va de 8^^8750 à
7kg870. Dans ce poids le plastron entre pour 6'^^250 à
5'^§700 et le dos pour 2^^8'500 à 2'^si70. Aux termes
d'une décision ministérielle, les généraux de brigade com-
mandant une brigade de cuirassiers et les officiers d'état-
major attachés à cette brigade portent une cuirasse et un
casque, dans les grandes manœuvres et en campagne.
Cette arme défensive n'est portée qu'avec la tunique de
petite tenue qui reçoit sur les manches les marques dis-
tinctives du grade.
A la suite d'expériences faites en Allemagne avec les
nouvelles balles, il a été reconnu que la cuirasse ne pré-
serve plus les hommes qui la portent. Il a été prouvé de
plus que les projectiles seront plus dangereux pour les
cuirassiers que pour les hommes à poitrine découverte,
puisque la balle entraîne souvent dans la plaie des débris
de métal ou de matelassure. Partant de là, l'empereur a
décidé le 42 mai 1888 que la cuirasse ne serait plus con-
servée que comme arme de parade et qu'elle ne serait point
emportée en campagne. Depuis l'année 4860, la cuirasse
n'existe plus dans l'armée autrichienne. L'Italie n'a pas
non plus de cuirassiers, et, dans la cavalerie russe, le pre-
mier rang des quatre régiments de la garde porte seul la
cuirasse. Chez nous, on a essayé, en 4884, de décuirasser
six de nos douze régiments de cuirassiers, mais la tentative
n'a point réussi et l'on est revenu promptement à l'ancien
état de choses.
IL Marine. — Les événements de la sécession améri-
caine donnèrent en Europe un nouvel essor (V. Cuirassé et
Blindage) à l'étude des cuirasses. Mais, de ce côté de l'At-
lantique, l'objectif était tout autre qu'aux Etats-Unis. Avec
leurs gros canons à âme lisse, les Américains se propo-
saient de disloquer les plaques de cuirasse et d'ébranler la
membrure, sans prétendre à la perforation du système
protecteur. Aussi employaient-ils des projectiles pleins,
très pesants, doués de vitesse médiocre, grâce à de faibles
charges de poudre. En Europe, où l'on cherchait à percer
l'armure, on se servait de canons rayés et de projectiles
d'une masse relativement faible, animés d'une grande vitesse.
Les murailles à plaques superposées semblent mieux résister
aux boulets contondants ; c'est ce qui engagea les Américains
à persévérer dans l'emploi de ce système protecteur. En
outre, les cuirasses de l'espèce sont d'une construction facile
et ne nécessitent point de dépenses considérables. D'ailleurs,
les expériences anglaises sur des cibles appropriées ne tar-
dèrent pas à mettre en lumière les points suivants : 4<* la
résistance opposée aux projectiles par une plaque de fer
varie comme le carré de son épaisseur quand cette épais-
seur est petite ; 2*^ la résistance des plaques massives est
de beaucoup supérieure à celle des plaques divisées pour
une même épaisseur totale, pourvu que les plaques élémen-
taires soient minces, mais cet avantage diminue au fur et
à mesure de l'augmentation d'épaisseur des plaques et
semble disparaître quand elle devient considérable ; 3<> le
matelas de bois ajoute peu de chose à la résistance, à moins
que l'on n'intercale du fer dans le bois.
CUIKASSE - 570 -»-
Comme l'artillerie ne cessait d'accroître sa puissance, on
fut conduit à augmenter l'épaisseur des armures. Partie
de 440 millim., cette quantité croît progressivement chez
les diverses puissances et atteint 450 millim. et même
480 millim. en 4884^ ainsi qu'en fait foi le tableau
suivant :
France
millim .
4859 Gloire 140
4864 Flandre 440
4865 Revanche 440
4868 Océan 460
4875 Coibert 160
4880 Bayard 200
4884 Marceau 450
Angleterre
millim.
4860 Warrior 440
4865 Minotaur 437
4865 Bellerophon 452
4868 Hercules 252
4875 Dreadnought 355
4880 Ajax 4^7
4884 Rodney.... 457
Italie
millim.
4864 Formidable 445
4863 Maria Pia 420
4863 Castelfidardo 420
»
4876 Duilio 430
4880 Italia.... 484
4884 Ruggiero di Lauria. 480
A force d'accroître l'épaisseur des cuirasses, on dut ré-
duire la surface protégée. L'emploi de l'acier donnait la so-
lution du problème ; la résistance de ce métal à la péné-
tration et sa légèreté relative le recommandaient à l'attention
des expérimentateurs. Comme il pèse 20 °/o de moins que le
fer, son adoption permettait d'accroître l'épaisseur de la
protection, le déplacement conservant la même valeur.
Mais la métallurgie de l'acier était trop en retard pour que
l'on pût résoudre le problème du premier coup. De même
que la construction navale comprend les périodes du bois,
du fer et de l'acier, la fabrication des cuirasses comprend
celles du fer, du fer et de l'acier combinés, enfin de l'acier
seul ou combiné avec le nickel.
En 4869, les plaques destinées au bâtiment anglais le
Captain sortaient des ateliers de Brown, à Sheffield.
Elles mesuraient une épaisseur de 22 cent. On les passait
d'abord au laminoir ; puis on les réchauffait dans le four-
neau et on les courbait à la presse hydraulique jusqu'à ce
que l'on ait obtenu la courbure voulue pour le blindage
des tourelles. Un canon de 68, placé à la distance de
7"^62, ne put la percer en 42 coups.
Les premiers essais sérieux concernant les plaques de
cuirasse datent de 4876. Ces expériences comparatives,
exécutées à la Spezzia, eurent un grand retentissement et
portèrent sur des plaques d'une épaisseur uniforme de
560 millim. : l'une était en fer forgé, la seconde en acier,
la troisième en fer forgé alternant avec des massifs de
bois, la quatrième, enfin, comprenait des plaques de fonte
alternant avec des plaques de fer doux. Les obus du canon
de 400 tonnes lancés contre ces cibles fendillèrent seule-
ment la plaque d'acier, mais de nombreux projectiles l'au-
raient brisée-
Un peu plus tard, on fabriqua des plaques compound^
c.~à-d. composées (fer et acier). MM. Cammell, de Shef-
field, chauffaient au rouge la plaque de fer et versaient
dessus l'acier en fusion ; après refroidissement de la masse,
on trouvait entre le fer et l'acier une couche de soudure
de 3 à 40 milhm. qui unissait les deux métaux et dont la
texture passait insensiblement du grain fin de l'acier aux
fibres du fer. Dès 4877, l'Angleterre expérimenta ce genre
de plaques et, à la suite de ces nouveaux essais, M. Bar-
naby formula son opinion en estimant qu'une plaque com-
pound de 42 pouces offrait plus de résistance à la pénétra-
tion qu'une épaisseur de fer forgé de 44 pouces ; selon
cet éminent constructeur, les premières étaient seules ca-
pables de s'opposer à la pénétration des projectiles d'acier.
En conséquence, l'amirauté anglaise commanda à M. Cam-
mel la cuirasse de Vhiflexible que l'on avait lancé l'année
précédente. L'épaisseur du cuirassement des tourelles de
ce bâtiment est de 9 pouces (225 millim.) ; les plaques
ont été fabriquées en versant 5 pouces d'acier fondu sur
une plaque de fer de 9 pouces et en laminant le tout jus-
qu'à l'épaisseur de 9 pouces. Ces plaques mesurent de 2^40
à 7™50 de long.
Cette même année (4877), l'usine de John Brown andCo,
de Sheffield, fondit une plaque d'acier de 0"^632 ; c'était
la plaque la plus épaisse produite jusqu'alors. On scia le
métal et on le trouva très homogène. Il est vrai qu'à cette
époque l'industrie était piquée au vif, car on parlait de
l'introduction dans la marine italienne de plaques de 4 m.
d'épaisseur, conséquence logique de la commande de huit
pièces de 400 tonnes, faite à la maison Armstrong pour
l'armement du Dîiilio et du Dandolo. De son côté, l'usine
du Creuset ne restait pas en arrière ; cette manufacture
avait d'ailleurs une réputation à soutenir, elle qui avait
fourni les cuirasses des premières batteries flottantes. Elle
exposa, en 4878, une plaque d'acier courbée suivant la
formed'une tourelle, épaissede 0^80 etpesant65, 000 kilogr.
L'année suivante, M. Barnaby admira dans ce même éta-
blissement un Hngot d'acier du poids de 420 tonnes, des-»
tiné à être façonné en plaque de cuirasse.
En 4884, M. Eilis présenta, en Angleterre, un procédé
métallurgique différent de celui qu'employait M. Cammel.
Au lieu de verser de l'acier fondu sur la plaque de fer
chauffée au rouge et de laminer ensuite le bloc ainsi formé,
M. Ellis commençait par laminer et forger une plaque
d'acier qu'il soudait ensuite à une plaque de fer en versant
de l'acier fondu entre les deux. Ce procédé permettait de
donner plus facilement au métal la forme convenable. On
essaya une plaque d'une superficie de 4 m. q. environ et
d'une épaisseur totale de 0'"27, dont 9 centim. d'acier
et 48 cle fer ; son poids atteignait 8*400. Les projec-
tiles du canon de 9 pouces tirés à la distance de 40 m. ne
purent que l'entamer sans la perforer. La plaque fut donc
reconnue excellente et l'amirauté anglaise résolut d'appli-
quer ce système au bhndage du Conqueror, garde-côtes
lancé la même année et dont la ceinture et les tourelles
devaient être cuirassées à 305 millim. Pendant ce temps
(4884), on essayait en France les plaques de cuirasse fabri-
quées par M. Schneider et destinées au Terrible, La plaque
d'essai, du poids de 48 tonnes, mesurait 0"^50 en haut et
0^^40 en bas. On tira sur cette plaque trois coups de canon
de 0^^\32 aux trois sommets d'un triangle équilatéral de
O'^SO de côté ; les trois projectiles s'écrasèrent aux points
d'impact en formant champignon ; le premier seul avait
déterminé trois petites fentes. Les plaques du Creuset
remportèrent, en 4882, un premier succès à la Spezzia
(V. Blindage). En 4884, d'autres essais confirmèrent plei-
nement le résultat des expériences comparatives de 4882.
On essayait au polygone de Muggiano (près de la Spezzia) un
canon Armstrong de 400 tonnes. Cette pièce tira un pro-
jectile d'acier Krupp, du poids de 835 kilogr. successive-
ment sur trois plaques de différentes provenances, mais
d'une épaisseur égale (0'^48 comme dans l'essai de 4882) ;
l'une était une plaque Schneider, en acier, les deux autres
une plaque Brown et une plaque Cammel, compound. Le
projectile perfora les trois cibles, mais les avaries présen-
taient de notables différences. La plaque du Creuset portait
trois fentes, celle de Brown était brisée en huit fragments
et, la couche d'acier enlevée, laissait le fer à nu ; la der-
nière, enfin, portait six énormes fentes. La même année,
autre succès en Danemark de l'usine du Creuset sur les
produits de MM. Marrel, Cammel et Brown. La plaque
Schneider, détruite en partie, n'a pas laissé passer le pro-
jectile, tandis que les autres cibles étaient perforées et
traversées. Ainsi, la supériorité restait au Creuset et le
gouvernement italien adopta les plaques de cette prove-
nance pour le cuirassement de plusieurs des vaisseaux de
^ 571 -^
CUIRASSE
sa flotte. Depuis, l'Italie a fondé Fusine de Terni, où Ton
s'efforce d'acclimater les procédés de MM. Schneider et C^®
comme on le fait à l'établissement de Bethléem, récemment
créé aux Etats-Unis.
Nous ne saurions passer sous silence les essais intéres-
sants que l'on a exécutés à la fin de 4889 à Annapolis
(Etats-Unis) sur différents types de plaques. Les produits du
Creuset remportèrent dans ces essais comparatifs un éclatant
succès. On a essayé des plaques Schneider en acier pur et
en nickel-acier. Dans Fessai préparatoire on tira quatre
projectiles de 6 pouces. Après le tir, les plaques Schneider
étaient intactes, sauf les quatre points atteints par les pro-
jectiles, tandis que les autres plaques étaient déjà détruites.
Au dernier essai (sept. 1890), on a tiré un projectile
au centre de chaque plaque. Le canon employé avait un
calibre de 8 pouces et sortait de l'arsenal de Washington.
Cette pièce lançait un obus de 210 livres, système Firminy,
fabriqué à Sheffield. La charge de poudre, du poids de
85 Hvres, donnait une vitesse initiale de 1,850 pieds.
La plaque compound Cammel fut traversée ainsi que le
matelas qui la soutenait; l'obus paraissait intact; mais le
métal entièrement détruit avait été projeté dans toutes
les directions.
Au contraire, les plaques en acier et en nickel-acier
restèrent adhérentes au matelas. La surface de la plaque
en nickel-acier paraissait aussi bonne qu'avant Fessai,
excepté aux endroits où les cinq obus l'avaient percée.
Celle de la plaque en acier présentait cinq trous avec
quatre fentes étroites rayonnant du trou central vers les
quatre trous des extrémités. L'inspection de la face posté-
rieure du matelas a montré que, pour les deux plaques
Schneider, le bois n'était même pas fendillé, tandis qu'à
l'arrière des plaques Cammel les projectiles avaient laissé
deux grands trous dans le chêne. Conformément au résul-
tat fourni par ces expériences, les plaques destinées aux
cuirassés américains seront en nickel-acier. Déjà un projet
de loi présenté au Congrès et adopté demande un crédit de
un million de dollars, afin de permettre au secrétaire d'Etat
de la marine d'acheter la quantité de minerai de nickel
nécessaire à cette fabrication.
La supériorité des plaques en acier-nickel du Creuset
sur les plaques anglaises compound a également été dé-
montrée dans des essais récents au polygone d'Ochta près
de Saint-Pétersbourg. En avril 1891, le gouvernement
russe a commandé au Creuset le blindage du cuirassé
Georgy-Podebouetz sur chantier à l'arsenal de Sébastopol.
Au fur et à mesure de l'accroissement de l'épaisseur, on
a dû condenser la cuirasse, c.-à-d. limiter l'étendue des par-
ties protégées. Comme résultat, le rapport du poids de la cui-
rasse au déplacement a plus que doublé depuis les premiers
cuirassés. Ainsi, la cuirasse de V Héroïne, épaisse de 0"^15,
pesait 15,7 <>/o du déplacement ; celle du Formidable^
épaisse de O'^SS, pèse 34,9 % du déplacement. Comme
l'a fait remarquer l'amiral anglais, sir Spencer Robinson,
1,388 kilogr. par mètre carré de surface rendaient le War-
rior impénétrable aux projectiles de l'ancienne artillerie ;
plus tard, 6,000 kilogr. par mètre carré devinrent insuffi-
sants. Sir Spencer, qui faisait cette réflexion vers 1879,
conseillait, dès cette époque, de se tourner vers l'acier et
de lui demander, sans augmentation de poids, un accrois-
sement de résistance à la pénétration.
M. Barnaby a résumé comme ibsuit les évolutions de la
cuirasse, en France, de 1858 à 1888:
1856. Première phase : Gloire, muraille cuirassée à
O'^lOO ; déplacement, 5,500 tonn.; vitesse, 12 nœuds 3/4;
poids de la cuirasse par rapport au déplacement, 15 °/o.
1869. Deuxième phase: Marengo, muraille cuirassée à
0^^175 ; déplacement, 7,750 tonn. ; vitesse, 13 nœuds 1/2 ;
poids de la cuirasse, 17 °/o.
1880. Troisième phase : AmiraUBaudin^ muraille
cuirassée à0°^550 ; déplacement, 1 1 ,200 tonneaux; vitesse,
15 nœuds ; poids de la cuirasse, 33 ^j^,
1886. Quatrième phase : Tage^ pont cuirassé à 0"^75 ;
déplacement, 7,000 tonneaux; vitesse, 19 nœuds; poids
de la cuirasse, 14 °/o.
1888. Retour à la première phase: Dupuy-de-Lôme^
muraille cuirassée à 0^^100 ; déplacement, 6,300 ton-
neaux ; vitesse, 20 nœuds ; poids de la cuirasse, 15 °/o.
Toutes les plaques de cuirasse destinées à la marine fran-
çaise sont fabriquées par F industrie privée (Creusot, Châ-
tillon et Commentry, Saint-Chamond). Depuis 1868, la
compagnie des forges de Châtillon et Commentry a livré plus
de 20,000 tonnes de plaques ; Saint-Chamond a fourni
notamment les cuirasses du Requin et du Marceau,
Les dimensions des plaques ont beaucoup varié. Dans le
principe, on les faisait servir à la consolidation générale
de l'ensemble du bâtiment et ce rôle de Maison leur
faisait donner une certaine longueur; on cite toujours,
en pareil cas, les plaques du Warrior, qui mesuraient une
longueur de 7 m. Aujourd'hui, on reconnaît que la résis-
tance d'une plaque est en raison directe de sa masse ; on
limite leur longueur à 4 m. et leur largeur à 2^50 ; leur
épaisseur atteint O'^SO à 0"^55 et leur poids, 40,000 kilogr*
On voit quel est le chemin parcouru, en songeant que les
plaques de la Gloire ne pesaient que 1,000 kilogr. Dans
le principe, les plaques étaient composées de barres de fer
que l'on soudait par le martelage. On les passe aujourd'hui
au laminoir, ce qui permet d'obtenir une résistance plus
égale dans toutes les parties. Après la confection de la
plaque, on passe aux travaux de gabariage, suivant les
contours extérieurs du navire. Une presse hydraulique de
4,000 tonnes dégrossit le travail que l'on termine ensuite
à l'aide de fraises et de rabots.
En commandant les plaques, la marine fixe les poids,
dispositions et dimensions qu'elles doivent avoir en admet-
tant certaines tolérances sur ces diverses quantités. Pour
l'exécution des pièces planes ou presque planes, on fournit
à Fusine chargée du travail des plans cotés qui permettent
de reproduire ces pièces sans gabarit. Mais si le gabariage
est accentué, on délivre en outre aux constructeurs des
gabarits en tôle. La fabrication dans l'établissement qui a
reçu la commande est contrôlée par le service de la sur-
veillance ; les agents de ce service ont accès à toute heure
dans les ateliers où s'exécutent les travaux ;. on leur donne
en outre tous les renseignements nécessaires au sujet de
la provenance^ de la nature et de la quantité des matières
employées dans la fabrication. Enfin, l'ingénieur chargé
de contrôler les travaux a le droit de rebuter certaines
parties de la fourniture pendant le cours de l'exécution.
En sortant des usines, les plaques de cuirasse sont
essayées au polygone de Gâvres (près Lorient). Il est à
remarquer que l'exécution de ces essais de recette oblige
à sacrifier un vingtième des plaques et ne donne un résul-
tat certain que pour- les plaques d'essai. Il serait préférable
de chercher un autre mode d'épreuves permettant d'essayer
chaque plaque séparément sans les rendre impropres au
service. Ne pourrait-on, par exemple, prélever des échan-
tillons sur les rognures, par suite sur des parcelles de
même nature que les plaques ? Quoi qu'il en soit, on divise
actuellement les plaques en plusieurs lots et l'on désigne
trois plaques de chaque lot, en prévision des contre-
épreuves que l'on peut être appelé à effectuer.
La plaque d'épreuve est placée sur un massif en bois et
solidement tenue sur ses bords • verticaux par de vieilles
plaques d'épaisseur convenable qui contribuent à la conso-
lidation de l'ensemble. On tire dans la région centrale trois
boulets ogivaux en fonte dure, normalement aux sommets
d'un triangle équilatéral et espacés de 2 calibres et demi
de centre en centre. Le calibre delà pièce à employer pour
cet essai croît en même temps que Fépaisseur des plaques,
de 19 à 34 centim., l'épaisseur des plaques variant entre
200 et 500 millim. On ramène, pour cet essai, la tempé-
rature de la plaque à 17^. La charge de poudre et la vitesse
sont déterminées de manière à donner au choc une force
vive égale à celle qui serait nécessaire pour percer une
plaque de même épaisseur en fer. Si la plaque d'essai ne
CUIRASSE — CUIRASSÉ
572 —
satisfait pas à ces conditions, la commission de recettes aie
droit de refuser le lot tout entier dont cette plaque fait partie.
Les épreuves reconnues bonnes, on procède à la mise en
place des plaques sur le bâtiment lui-môme, opération tou-
jours assez délicate, à cause du manque de points fixes où
l'on puisse attacher les appareils de levée. Quelquefois, on
perce dans l'épaisseur de la plaque des trous taraudés où
l'on engage des tire-fond. On emploie aussi, avec avan-
tage, l'élingue à talon imaginée par M. l'ingénieur Albaret,
qui soutient la plaque par le cran inférieur et la saisit par
l'extérieur, laissant la face intérieure libre de glisser sur
le matelas de teck qui doit la supporter. Cette opération
s'exécute soit dans un bassin de radoub, soit le bâtiment
à flot et n'ayant pas encore reçu de poids importants, par
conséquent très déjaugé.
Le mode de fixation des plaques métalliques sur le ma-
telas intérieur de bois a été l'objet d'études suivies. Les
boulins à écrous, employés d'abord, donnèrent de mauvais
résultats. Au choc des projectiles, les boulons se brisaient
et se transformaient en mitraille par leur éparpillement
dans toutes les directions. Pourtant, l'Angleterre a conservé
ce procédé ; mais, entre l'écrou et la partie intérieure de
la muraille, les constructeurs de ce pays interposent des
tampons annulaires en caoutchouc, afin d'accroître l'élas-
ticité de l'ensemble. En France, on fait usage de simples
vis à bois. Il fallut, dès le principe, songer à protéger les
cuirasses, car sur les premiers cuirassés, construits en bois
et doublés de cuivre, le fer de la cuirasse et le cuivre du
doublage formaient un couple avec l'eau de mer. On a pro-
posé plusieurs moyens pour isoler les deux métaux l'un de
l'autre et, par le fait, supprimer le couple. On a employé
divers enduits : isolant à base de caoutchouc, mélange de
brai et d'huile de poisson, apphcation galvanoplastique
d'une couche de cuivre sur le fer de la cuirasse. Le meilleur
système consiste à couvrir le blindage d'un soufflage en
bois sur lequel on appHque l'extrémité supérieure du dou-
blage. 11 est bien entendu que le soufflage doit être calfaté
avec soin, pour éviter toute fissure qui amènerait une com-
munication par l'eau entre les deux métaux.
Il nous reste à parler d'un système de protection au
moyen des soutes à charbon et destiné aux croiseurs auxi-
liaires. En 1878, la Russie acheta à l'étranger cinq paque-
bots rapides ; l'Angleterre s'en émut et M. Barnaby, direc-
teur des constructions navales, répondit à cet achat en
cherchant un mode de protection applicable aux paquebots
anglais. Les murailles de ces navires comprennent, en géné-
ral, des tôles de O'^Oo et l'on songea tout d'abord à pro-
téger leurs machines par une cuirasse de 0^^425, s'éten-
dant de la ligne de flottaison à la partie supérieure des
chaudières. Mais on dut renoncer à cet expédient, à cause
du poids, du prix et de la longueur du travail. Cette der-
nière objection avait surtout son importance, car il fallait
être prêt à bref délai. M. Barnaby songea alors à cuirasser
ces navires avec des couches de charbon. Pour rendre cette
protection plus efficace, il fit introduire dans la soute des
tôles minces verticales, en disposant leur surface parallè-
lement à la muraille. Les expériences entreprises avec un
canon de O'^IS sur une cuirasse de ce genre donnèrent
d'excellents résultats ; quelques obus éclatèrent dans l'in-
térieur, mais sans causer de dommage sérieux. Par l'adop-
tion de ce nouveau système, il suffisait, pour opérer la
transformation de ces paquebots ep croiseurs, de construire
à l'avance des soutes à poudre et à projectiles et de dis-
poser des plates-tormes ou encorbellements propres à rece-
voir des pièces d'artillerie.
CUIRASSÉ (Mar.). Bâtiment revêtu de plaques métal-
liques destinées à le protéger contre le choc des projectiles.
Malgré les attaques dont il a été l'objet, le cuirassé est resté
le véritable bâtiment de combat ; toutes les nations mari-
times en ont actuellement sur les chantiers. C'est la base de
toute flotte, le bâtiment autour duquel les navires d'un
rang inférieur doivent graviter. D'après l'amiral Penhoat,
« une ligne de cuirassés est la protection la plus efficace
d'un littoral ». En France, on divise les cuirassés en cui-
rassés d'escadre (à tourelles et à réduit central) et cuirassés
de croisière. Nous omettons volontairement les cuirassés à
batterie, dont il ne reste plus que deux échantillons, lancés
en 1863 et 1865. Un cuirassé de vingt-cinq ans peut être
considéré comme n'ayant qu'une valeur mihtaire fort con-
testable. La Gloire^ première des frégates cuirassées fran-
çaises, fut lancée en 1861. Les bâtiments similaires (type
Provence)^ mis en chantier, en 1862, sur les plans de
M. Dupuy de Lôme, avaient un peu plus de déplacement,
une épaisseur de cuirasse de 150 millim. et 2 m. de hau-
teur de batterie au lieu de 1^^88. On construisit ensuite les
cuirassés de mer Océan, Marengo, Friedland et Suffren,
La cuirasse est portée à 200 millim., le déplacement à
7,500 tonneaux.
Les premières frégates cuirassées françaises furent cons-
truites en bois. Mais les Anglais s'étant mis, avec raison,
à employer le fer à l'exclusion de toute autre matière, la
France suivit le mouvement.
Après les batteries flottantes qui commencèrent, en
Europe, la série des cuirassés modernes, on construisit des
cuirassés à batterie, puis des cuirassés à réduit central ;
enfin, des cuirassés à tourelles, ces derniers permettant de
condenser toute l'artillerie du navire en un petit nombre
de gros canons, au lieu de l'éparpiller en pièces moins puis-
santes, le long des sabords d'une batterie. L'emploi des
tourelles donne un champ de tir beaucoup plus vaste,
limité seulement par les obstacles du pont, et il permet de
réduire la largeur du sabord à la distance nécessaire pour
livrer passage à la volée de la pièce. Ainsi, dans une tou-
relle, un canon de 27 centim. n'exige qu'un sabord de
70 centim. de large, alors qu'il faut un sabord de 96 cent,
sur un cuirassé à batterie, et encore cette largeur ne donne-
t-elle qu'un pointage en direction de 45''.
La dimension à donner aux mâtures des cuirassés a sou-
levé les questions les plus vives. Aujourd'hui, tous les
grands cuirassés sont dépourvus de mâture, en prenant
pour ce terme l'acception qu'on lui donnait jadis. Les mâts
métalliques à doubles hunes ne servent plus à la propulsion
du navire, mais aux signaux, à la mousqueterie, aux canons-
revolvers et, incidemment, aux projecteurs.
Le plus important de nos cuirassés à tourelles est le
Brenmis, encore sur les chantiers. Ce bâtiment, entière-
ment en acier, mesure 110 m. de long sur 20 de large ;
il a un tirant d'eau de 8 m. ; son déplacement atteint
11, 000 tonneaux; sa machine développera 13,000 chevaux;
il est à deux hélices et sa vitesse prévue est de 17^5.
L'épaisseur de sa cuirasse est de 450 millim. pour la
ceinture et les tourelles; de 100 millim. pour le pont.
Son armement comprendra : 3 pièces de 34 centim.,
10 de 16 centim., 4 de 65 millim., 8 de 47 millim. à tir
rapide, 8 canons-revolvers et 5 tubes lance-torpilles.
Voici les caractéristiques du Courbet, cuirassé d'escadre
à réduit central : le Courbet, en fer et acier, mesure
96 m. sur 20 ; son tirant d'eau est de 8'^^23 ; son dépla-
cement, de 9,652 tonneaux ; sa machine développe
8,112 chevaux, donnant une vitesse de 15'^4 ; son
approvisionnement de charbon est de 900 tonnes. Voici
les épaisseurs de sa cuirasse, suivant les parties considé-
rées: ceinture, 380 millim.; réduit, 240 millim.; pont,
60 millim.
L'armement du Courbet comprend : 4 pièces de 32,
4 de 27, 6 de 14, 2 canons à tir rapide, 18 canons-
revolvers et 5 tubes lance-torpilles. Son équipage compte
669 hommes.
Le Vauban, construit en fer, est l'un des cuirassés de
croisière les plus récents. Son lancement date de 1883. Il
mesure 81 m. sur 17. Son déplacement atteint 6,150
tonnes; sa machine, de 4,561 chevaux, donne 14^3.
Son approvisionnement de charbon s'élève à 550 tonnes.
11 a 250 milhm. de cuirasse à la ceinture, 200 aux tou-
relles et 50 à son pont cuirassé. Son armement comprend:
4 pièces de 24, 1 de 19, 6 de 14, 12 canons-revolvers,
573 —
CUIRASSE ~ CUIRASSIER
2 tubes lance- torpilles. Son équipage comprend 440 hom-
mes. La flotte française possède 26 cuirassés de tout
rang, sans compter les bâtiments lancés avant 1863.
L'Angleterre a adopté la classification suivante : cui-
rassé d'escadre à tourelles (barbette ou fermées), à réduit
central et à batterie. Ces diverses catégories comprennent
83 bâtiments (et 8 en chantier), en laissant de côté les
bâtiments lancés avant 1865, que nous considérons comme
sans valeur militaire.
Voici les caractéristiques du Roxjal-Sovereign^ encore
sur les chantiers, l'un des plus grands de la 1^® classe :
Dimensions : 116 m. sur 23 ; déplacement : 14,150
tonneaux; machine, 13,000 chevaux; vitesse, 17*^5;
épaisseur de cuirasse : ceintures, 457 millim., tourelles,
457 millim. ; pont, 76. Armement, 4 pièces de 13p5
(67 tonnes); 10 de 6 pouces à tir rapide, 18 à tir
rapide, 7 tubes lance-torpilles. On compte aussi en Alle-
magne des cuirassés d'escadre à tourelles, à réduit, à
batterie et de croisière. Au total, 8, plus un en chantier
et 3 en projet. L'Italie possède 11 cuirassés (postérieurs
à 1865). Le plus important de tous, le Lepanto, lancé en
1883, mesure 122 m. sur 22. Son déplacement atteint
14,860 tonneaux; sa machine développe 16,150 chevaux;
la vitesse atteint i8'^5; l'approvisionnement de charbon
est de 1,650 tonnes; épaisseur de cuirasse : ceinture,
450 millim.; tourelles, 480; pont, 75. L'armement com-
porte : 4 pièces de 43 centim. (105 tonnes), 8 de 15 centim.,
6 de 75 millim., 26 canons-revolvers et 4 tubes de lan-
cement. Nous résumons dans le tableau suivant, en les divi-
sant par catégories, les cuirassés des diverses puissances :
Cuirassés d'escadre à tourelles
Cuirassés d'escadre à réduit. . .
Cuirassés à batterie
Cuirassés de croisière
Garde-côtes cuirassé
Canonnières cuirassées
Croiseurs à redoutes
Croiseurs à tourelles barbette. .
Croiseurs à ceinture cuirassée.
Croiseurs protégés
Monitors
12
13
Il importe de faire quelques réserves en ce qui concerne
l'appréciation des chiffres de ce tableau. Chercher à se faire
une idée de la flotte cuirassée d'une puissance, en addi-
tionnant les nombres contenus dans la colonne correspon-
dante, ne conduit pas à un résultat très juste. D'abord, les
bâtiments sont de formes très différentes, car on a dû, pour
plus de simplicité, et afin d'éviter les divisions à l'infini,
grouper sous le même nom des navires destinés aux mêmes
usages, mais de puissance militaire fort inégale. Enfin, les
navires diffèrent parfois entre eux essentiellement, suivant
le mode de construction, bois, fer ou acier, leur artillerie,
l'épaisseur de leur cuirasse, et enfin leur âge. Or, on
remarquera que le tableau ci-dessus comprend des navires
de près de trente ans et d'autres en achèvement à flot.
Pour en donner un exemple, nous dirons que, dans la
colonne de l'Angleterre, le Warrior, lancé en 1860, est
actuellement dépourvu de toute valeur militaire, ainsi que
le Black'Prince^ lancé en 1861.
Pour se former une idée de la puissance d'une flotte, il
convient d'adopter pour tous les bâtiments qui la composent
la même année de lancement, 1870, par exemple.
L'Angleterre perd ainsi 16 cuirassés; l'Allemagne, 4; l'Au-
triche, 2; le Danemark, 3; l'Espagne, 3; la France, 8; la Hol-
lande, 9; l'Italie, 9; la Russie, 23; la Suède, 5 et la Turquie,
12. On voit, par cet exemple, entre quelles limites les forces
navales de chaque puissance peuvent varier, suivant que
l'on présente les chiffres de telle ou telle manière.
CUIRASSIER (Art milit.). On trouvera aux mots Armes
et Cuirasse les renseignements sur le passé de l'armure
défensive qui a donné son nom aux cuirassiers. Nous rap-
pellerons seulement que, sous Louis XIV, la grosse cava-
lerie ne conservait plus que le casque, la cuirasse et les
gantelets. A la mort de ce roi, la cavalerie se composait
de la maison du roi, de la gendarmerie et de la cavalerie
légère. Dans les vingt-quatre régiments de cavalerie légère,
figurait, sous le n'' 7, le Royal-cuirassiers. Si nous n'avions
pas encore les cuirassiers proprement dits, nous possédions
déjà, du moins, un régiment cuirassé. Il avait été créé en
1666, avec le comte de Viliequier pour mestre de camp. Il
était à trois escadrons de quatre compagnies et comptait
vingt-huit officiers et quatre cent quatre-vingts hommes.
C'est lui qui exécuta, sous les yeux de Louis XIV, le fameux
passage du Rhin en 1672. Sous Louis XV, le Royal-cuiras-
siers portait l'habit bleu aux parements rouges, les bottes
fortes et le chapeau. A la réforme de 1749, après la guerre
de la Succession d'Autriche, il fut réduit à deux escadrons
et prit le nom de cuirassiers du roi. Nous ne rapporterons
pas les nombreuses variations qui ne cessèrent de se suc-
céder dans sa composition. Vers la même époque, l'armée
du ^rand Frédéric comptait beaucoup d'escadrons de cui-
rassiers qui, sous la conduite des Seydlitz et des Ziethen,
emplissaient l'Europe de leur renommée. On cite princi-
palement la bataille de Zorndorf, où Seydlitz, à la tête de
dix-huit escadrons de cuirassiers, culbuta successivement
la cavalerie des Russes et leurs quatre lignes de fantassins.
En 1774, le comte de Saint-Germain porta le régiment des
cuirassiers du roi à six escadrons, dont le cinquième de che-
vau-légers et le sixième de dépôt. Il lui laissa l'habit bleu,
mais lui donna les revers, les parements et le collet jon-
quille. L'escadron des chevau-légers disparut en 1779.
Quand vint la loi du l®"" janv. 1791, qui donnait des nu-
méros aux régiments, les cuirassiers du roi prirent le n<* 8.
Ils comptaient alors quatre cent trente-neuf hommes répartis
en trois escadrons de deux compagnies. Ce régiment con-
tinua de porter seul la cuirasse jusqu'au 23 déc. 1802, où
le premier consul forma trois régiments de cuirassiers à
l'aide des 5®, 6® et 7® régiments de cavalerie. L'arme des
cuirassiers était dès lors instituée. En 1804, l'empereur
porta le nombre de ces régiments à douze, et le chapeau
fut remplacé par le casque. Vn treizième régiment fut créé
en 1808, en Espagne, et un quatorzième en Hollande (avec
la garde royale), en 1811. La même année, Napoléon
voulut former des cuirassiers dans sa garde et chargea le
peintre David de dessiner leur uniforme. Inspiré naturel-
lement des Romains, le projet fut trouvé trop théâtral et ne
fut pas adopté. En 1812, l'armée comptait donc quatorze
régiments de cuirassiers portant tous Ihabit-veste bleu à
boutons blancs, les épaulettes rouges, le casque à crinière
noire et les bottes fortes. Gomme couleurs distinctives, les
numéros de 1 à 3 avaient l'écarlate, de 4 à 6 l'aurore, de
7 à 9 le jonquille, de 10 à 12 le rose et de 13 à 14 la
couleur lie de vin. Les exploits des cuirassiers pendant les
CUIRASSIER - CmSERY - 574
guerres de l'Empire sont légendaires : « En 4808, au
siège de Saragosse, nous apprend Carrion-Nisas, Palafox
avait rendu un arrêté pour punir de mort tout soldat espa-
gnol qui s'écrierait dans les sorties : Voici les cuirassiers
français ! tant cette arme était terrible. »
La première Restauration ne conserva que douze régi-
ments ; mais un corps de cuirassiers fit partie de la garde
royale, sous le nom de corps royal des cuirassiers de France.
Mais, bientôt, l'empereur revenu de l'île d'Elbe rétablit
l'ancien état de choses. A leur seconde rentrée, les Bour-
bons n'eurent plus que six régiments de cuirassiers. Selon
des traditions chères ,à l'ancienne monarchie, les régiments
de cuirassiers avaient reçu des noms propres. Le premier
s'appelait régiment de la Reine, le deuxième, du Dauphin,
le troisième, d'Angoulème, le quatrième, de Berry, le cin-
quième, d'Orléans, et le sixième, de Condé. En 4824, les
cuirassiers d'Angoulème prirent le nom de Bordeaux.
L'année suivante, on transforma quatre régiments de dra-
gons qui devinrent les 7®, 8®, 9® et 40® cuirassiers. Ces dix
régiments, comme les deux qui formaient le corps des cui-
rassiers de la garde royale, portaient toujours l'habit-veste
bleu de roi, mais ceux-ci se distinguaient par des aiguil-
lettes et une culotte blanches, une cuirasse ornée d'un
écusson en cuivre doré aux armes de France et un casque
à chenille noire. Le 44 août 4830, ce corps d'élite fut sup-
primé avec la garde royale. Il resta donc dix régiments qui
portaient, avec l'habit-veste bleu de roi, les couleurs sui-
vantes : 4®^ et 7® régiments, écarlate; 2® et 8®, cramoisi;
3® et 9^, aurore; 4® et 40^, rose; 5®, jonquille; 6^, ga-
rance ; boutons blancs , épaulettes écartâtes , pantalon
garance et bufïleterie blanche. Sous le second Empire, la
garde eut d'abord deux régiments de cuirassiers. En i 860,
la tenue de l'arme devait être la suivante : tunique bleu
foncé, collet garance, parements bleu foncé, à pattes et
passepoils garance, boutons d'étain, casque d'acier à cimier
de cuivre, turban noir et crinière noire, pantalon garance.
Le décret du 45 nov. 4865, en réunissant en un seul les
deux régiments de la garde, porta à onze le nombre des
régiments de cuirassiers. Pendant la guerre de 4870, nos
cuirassiers, on le sait, ne furent pas inférieurs à leurs
aînés ; les noms de Morsbronn et de Reichshoîfen sont
gravés dans l'histoire. Après la guerre, les carabiniers
de la garde devinrent le 44® cuirassiers, et les cuiras-
siers de la garde, le 42®. Ces douze régiments sont aujour-
d'hui groupés en six brigades, qui sont réparties entre les
divisions de cavalerie indépendante. L'uniforme, qui est le
même pour les douze régiments, est peu différent du der-
nier que nous avons décrit. Seulement, la tunique courte
et ample permet de porter le ceinturon sous ce vêtement ;
le casque en usage depuis 1872, n'a plus de turban et les
cuirs de l'équipement sont noirs. Nos cuirassiers viennent
de recevoir la nouvelle carabine de cavalerie, à répétition,
dont le chargement se fait au moyen d'un chargeur de trois
cartouches et qui tire les mêmes munitions que le fusil
modèle 4886, ou fusil Lebel. S.
eu 1 BASSINE (ArchéoL). Cuirasse légère, faite de cuir,
appelée aussi brigandine, en usage aux xv° et xvi® siècles.
CUIRE (V. CALUmE-ET-CuiRE).
GUI RIE (ArchéoL). Doublure en cuir à l'intérieur du
haubert de mailles, puis la partie de l'armure protégeant
la poitrine, c.-à-d. la cuirasse qui était originairement en
cuir. On entendait au xiv® siècle par cuirie la bâche d'un
chariot ou encore le revêtement d'un coffre. M. P.
eu ! RI EUX. Corn, du dép. de l'Aisne, arr. de Laon,
cant. de Marie ; 307 hab.
GUIRY-HoussE. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Sois-
sons, cant. d'Oulchy-le-Chàteau ; 477 hab.
CUIRY-les-Chaudârdes. Com. du dép. de l'Aisne, arr.
de Laon, cant. de Craonne; 424 hab.
GUlRY-LES-IviERS. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de
Laon, cant. de Rozoy-sur-Serre ; 484 hab.
CUIS. Com. du dép. de la Marne, arr. d'Epernay,
cant. d'Avize ; 454 hab. Vins estimés. Belle église gothique
décorée de curieux chapiteaux sculptés et d'un élégant
triforium, dans le chœur et le transept; colonnettes can-
nelées et débris de vitraux ; dans le cimetière, au chevet
de l'église, remarquable croix de pierre de l'époque de la
Renaissance, avec inscription. A. T.
Btbl. : GuÉRARD, statistique historique du dép. de la
Marne ; Châlons, 1862, iii-8.
CUIS AN CE. Com. du dép. du Doubs, arr. et cant. de
Baume-les-Dames ; 444 hab.
CUISE-LA-MoTTE (Cotia, Cuisia), Com. du dép. de
l'Oise, arr. de Compiègne, cant. d'Attichy ; 977 hab. Ce
lieu n'est pas l'ancienne maison royale de Cuise qui se
trouvait à Saint-Jean-aux-Bois, mais un rendez-vous
de chasse qui en dépendait et qui tirait également son
nom de la forêt {Cotia sylva) où il était situé. Les rois
donnèrent la seigneurie à une famille qui en prit le nom et
qui s'éteignit au xv^ siècle. On a trouvé sur le territoire de
nombreuses antiquités et notamment au Heu dit le Parc-
aux-Loups, une enceinte gauloise, avec cromlech, menhir
et grottes. L'éghse (mon. hist.) est du xii® siècle. On y
voit une corniche ondulée fort curieuse. La commune a de
nombreux hameaux parmi lesquels nous citerons Neuffon-
taine où il existait un prieuré. Sablières, fabr. de tuyaux
de drainage, etc. C. St-A.
CUIS EAUX {Cuselkim, Cuisellum). Ch.-l. de cant.
du dép. de Saône-et-Loire, arr. de Louhans; 4,499 hab.
Carrières de pierre à bâtir et de pierre à chaux. Moulins,
huilerie, tuilerie. Cette petite ville paraît devoir son origine
à la fondation d'un prieuré dépendant de l'abbaye de Gigny,
Elle eut tout d'abord des seigneurs particuliers, dont l'un,
Jean de Cuiseaux, affranchit les habitants en 4265. Henri
d'Antigny, sire de Sainte-Croix, vendit le fief, en 4284,
au duc Robert, moyennant 4,500 livres, et réserva la tour
du château. Il appartint dans la suite à René de Chalon,
fils de Henri, comte de Nassau (4534), à Henri de Bour-
bon, prince de Condé (4635), à Mii« de Charolais (4730),
à Alexis Fontaine de Bertin (4764) et à M. Constantin
Nayme (4774). Cuiseaux, placé à la limite extrême de la
Bourgogne, aux portes de la Bresse et de la Franche-
Comté, souffrit beaucoup des guerres ; en 4477, il fut
brillé par le sire de Craon pour être resté fidèle au parti
de Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire ; en
4594, il fut pris par le maréchal d'Aumont, pour le roi,
et repris ensuite parles ligueurs sous la conduite du baron de
Thianges; en 4636 enfin, il tomba, par trahison, aux mains
d'un corps d'impériaux commandé parle baron de Clinchant.
Il reste deux tours, sur trente-six, de l'enceinte fortifiée.
L'église, collégiale depuis 4426, est en partie du xii® siècle
(tours, clocher et transept), et en partie du xv® (chœur,
nef, bas côtés) ; stalles remarquables et pierres tumulaires
du xv« siècle. Maisons du xvi^. Hôpital fondé au moyen
âge, uni à celui de Beaune en 4672, rétabli en 4704; le
bâtiment actuel date de 4777. Cuiseaux est la patrie des
deux Paradin, historiens bourguignons. Ses armes sont
cVor à trois chevrons de gueules, Lex.
CUISEREY. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Dijon, cant. de Mirebeau-sur-Bèze ; 439 hab.
CUISERY {Cusiriacum, Cuseretum), Ch.-I. de cant.
du dép, de Saône-et-Loire, arr. de Louhans, sur la Seille;
4,767 hab. Moulins, huilerie, four à chaux, tuilerie._ Cette
petite ville constituait autrefois un fief important que tinrent
longtemps les sires de Bâgé. Sibille de Bâgé l'apporta en
dot à Amédée IV, comte de Savoie, qui l'échangea, en
4289, avec le duc de Bourgogne, contre le Revermont.
M"^® de Bauffremont le possédait en 4666, M. de Foix de
Candale en 4682. Le duc de Biron en fut le dernier enga-
giste. La place était assez forte et défendue, en outre, par
un château à donjon. Elle fut assiégée par le comte de
Savoie en 4357, saccagée par les Allemands en 4477,
prise par les protestants sous M. de Traves de Saint-Léger
en 4568, et occupée une dernière fois en 4652 par la gar-
nison de Seurre qui tenait, durant les troubles de la Fronde,
pour le prince de Condé. Restes des murs de l'enceinte et
- 575 --.
CUISERY - CUISINE
d'une tour du château. Belle église, collégiale depuis 4348 :
la nef paraît être romane ; le chœur et le clocher datent des
XV® et XVI® siècles ; beau retable en bois sculpté, de travail
flamand. Les armes de Cuisery sont : (T argent à quatre
barres d'azur, Lex.
CUISIA. Com. du dép. du Jura, arr. de Lons-le-Saunier,
cant. de Beaufort, au pied de la première chaîne du Jura ;
580 hab. Porche de l'église très ancien; le clocher et le
chœur sont du xvi® siècle ; la nef a été reconstruite de
nos jours.
CUISIAT. Com. du dép. de l'Ain, arr. de Bourg, cant.
deTrefiort; 576 hab.
CUISIN (J.-C.-R.), littérateur bohème, né à Paris le
4 janv. 4777, mort garde-magasin des poudres vers 4845.
Ses ouvrages, très nombreux et pour la plupart très
légers, renferment de curieux renseignements sur les
mœurs, les costumes, les fêtes à Paris entre 4792 et
4836. Nous citerons : les Bains de Paris (Paris, 4824,
2 vol. in-42) ; Bonaparte ou V Homme du destin (4821 ,
in-48) ; les Cabarets de Paris (4822, 2 vol. in-42) ; les
Crimes secrets de Napoléon Bonaparte (4845, in-42) ;
les Duels, suicides et amours du bois de Boulogne (4820,
2 vol. in-42); les Femmes entretenues dévoilées (4824,
2 vol. in-42) ; les Matinées gaillardes, curieuses et
amusantes du Palais-Boy al {iS^^, in-48); les Nymphes
du Palais-Boyal (4846, in-48) ; le Peintre des coulisses,
salons, mansardes, etc. (4822, in-48) ; la Vie de gar-
çon dans les hôtels garnis de la capitale (4820, in-48) ;
plus des romans assez débraillés : Clémentine orpheline
(4820, 2 vol. in-42); le Bâtard de Lovelace (4806,
4 vol. in-42); les Fantômes nocturnes (4824, 2 vol.
in-42); les Perfidies assassines (4848, in-48); l'Em-
poisonneuse contumace (4823, 4 vol. in-42); V Enfant
du hasard (iS^^, 3 vol. in-42); l'Heureux Naufrage
(4825, in-48), etc., et jusqu'à un Nouveau Secrétaire
des amants (4849, in-48) et un Ecrivain public (4826,
in-48) qui se réimpriment perpétuellement. Beaucoup de ces
petits volumes sont de vraies raretés bibliographiques et
se vendent fort cher.
BiBL. : QuÉRARD, la France littéraire, t. III, et Supplé-
ment. — Laporte, Histoire littéraire du xix« siècle, t. III .
CUISINE. L Architecture. — Partie d'une grande habi-
tation ou pièce d'un appartement réservée à la préparation et
àla cuisson des aUments. — L'antiquité grecque la plus re-
culée semble n'avoir pas connu de cuisine proprement dite et
c'est dans la grande salle des festins, devant le vaste foyer
qui en garnissait le fond, que les héros d'Homère {Odys-
sée, passim) faisaient rôtir les pièces de bœuf souvent men-
tionnées dans les chants du poète. Mais, dès le v® siècle
avant notre ère, la cuisine est devenue une pièce distincte de
la maison athénienne ; la fumée du foyer ne s'échappe plus,
comme dans le megaron du palais d'Ulysse à Ithaque,
par une simple ouverture réservée dans le toit, et nous
voyons un personnage d'Aristophane, Philocléon, dans les
Guêpes, se sauver de l'intérieur de l'habitation sur le toit
par la cheminée de la cuisine : au reste, la cuisine conserva
chez les Grecs, grâce à la présence du foyer, point de dé-
part de leur culte privé, «un véritable caractère sacré, et
souvent une statue de divinité y figurait comme protectrice
du foyer ainsi que, plus tard, à Rome, on y verra les dieux
Lares. Probablement aussi les sanctuaires des dieux et les
cimetières étaient accompagnés de cuisines où se faisait la
cuisson des repas offerts aux divinités ou à certaines con-
fréries ; mais nous ne connaissons pas la disposition de ces
pièces annexes des temples ou des champs funèbres. En re-
vanche, MM. Daumet et ïleuzey ont retrouvé {Mission de Ma-
cédoine), dans leprytanée royal dePalatitza, à côté de la salle
des festins, une série de petites pièces qui devaient servir de
cuisine et d'ofTice, ainsi que semble le prouver un caniveau
destiné à l'écoulement des eaux. — A Rome, c'est à partir du
m® siècle avant notre ère et dans les comédies de Plante que
l'on voit la cuisine à l'état de pièce distincte et, plus tard,
Yarron et Columelle recommandent de placer la cuisine dans la
partie postérieure de l'habitation, loin des chambres à cou-
cher et des pièces de réunion ; mais les textes des auteurs
et les peintures murales de Pompéi nous montrent bien que
la cuisine était restée le sanctuaire des divinités familières
de riiabitation, et les ruines de Pompéi nous ont conservé
de nombreuses substructions de cuisines dans lesquelles on
retrouve un fourneau, un évier avec son tuyau de décharge
et parfois une table avec dessus de marbre pour découper
les viandes. On ne peut douter que les anciens n'aient connu
les cuisines disposées en sous-sol. M. de Vogué {Archi-
tecture de la Syrie centrale) a donné la vue d'une cui-
sine antiqne montrant une grande ouverture circulaire percée
dans le plafond, au-dessus du fourneau, pour laisser entrer
le jour et sortir la fumée. — Si nous sommes peu rensei-
gnés sur la disposition des cuisines dans l'ère gallo-ro-
maine, nous savons, en revanche, par Alexandre Necham
(V. H. Turner, Some Account ofdomestic Architecture
in England ; Oxford, 4854), (ju'il était d'usage, au xii^ siè-
cle, de placer les cuisines à l'intérieur des bâtiments d'ha-
bitation, et les cuisines des abbayes de Marmoutiers, près de
Tours, et de la Sainte-Trinité de Vendôme, reproduites par
VioUet-le-Duc {Dictionnaire de l'architecture française,
t. IV), nous font concevoir les grandes cuisines de cette
époque comme de vastes salles circulaires qui renferment
des niches voûtées au-dessus des fourneaux, et des voûtes
de ces niches ainsi que de la voûte centrale s'échappaient
de nombreux tuyaux formant appel d'air et facilitant
l'échappement de la fumée. La même disposition existait
encore à la cuisine, datant du xii® siècle, de l'abbaye de
Fontevrault (Maine-et-Loire), cuisine longtemps considérée
comme une chapelle funéraire et dont nous reproduisons
(fig. 4 et fig. 2) le plan et l'élévation montrant bien cinq
Fig. 1. — Plan de la cuisine de l'abbaye de Fontevrault
(Maine-et-Loire).
niches saillantes renfermant les fourneaux avec, au centre
de chacune de ces niches, un tuyau de fumée B et, dans la
voûte centrale, d'autres tuyaux de fumée C et enfin le
tuyau D au sommet de la pyramide à huit pans couvrant
le centre de ce petit édifice. Viollet-le-Duc cite et décrit
bien d'autres exemples de cuisines du moyen âge et, parmi
eux, la salle dite les Cuisines de Saint-Louis, au Palais
de justice de Paris, et toutes ces cuisines prouvent la grande
importance que les architectes du moyen âge attachaient
aux bonnes dispositions de cette partie d'un édifice réu-
nissant de nombreux commensaux. Plus près de nous, les
architectes des châteaux de la Renaissance et des grands
édifices des deux derniers siècles (tels que, par exemple,
l'hôtel royal des Invalides de Paris, construit sous Louis XIV)
firent également des cuisines spacieuses et bien étudiées et
même parfois décorées avec un certain luxe ; ainsi, Millin
{Dictionnaire des^ Beaux-Arts, 1. 1) dit de la belle cuisine
du château du Raincy, encore en partie conservée de son
temps : « C'était une vaste salle^ carrée et très élevée; les
CUISINE
rm
murs intérieurs étaient garnis de plaques de faïence, des con-
soles portaient les bustes d'Apicius, de Lucullus. . . Autour ré-
gnait, à la partie supérieure de la pièce, une grande galerie
avec balustrade formant tribune pour voir' travailler les
- Elévation de la cuisine de Tabbaye de l-'onte-
vrault (Maine-et-Loire).
cuisiniers et applaudir à leurs efforts sans les déranger. »
— De nos jours, les cuisines des grands établissements
d'utilité publique, écoles, hospices et asiles, de même que
les petites cuisines d'appartements des maisons nouvelles
des grandes villes, ne laissent rien à désirer sous le triple
rapport de l'installation des fourneaux et des éviers (V.
ces mots), de Fadduction d'eau potable et de la décharge
d'eaux ménagères, parfois même de l'enlèvement des or-
dures et de tout un mobilier spécial assurant des données de
confortable dues aux progrès de la science. Ch. Lucas.
II. Economie domestique. — Un des classiques de la
table a formulé cet axiome : « Dis-moi ce que tu manges et
je te dirai qui tu es. » On peut dire de même que la cui-
sine des peuples répond à leur état de civilisation, à leurs
mœurs, à leur climat, à leur tempérament, à leur hygiène,
à leur agriculture, à leur commerce, sans oublier l'in-
fluence de leur religion ; leur culte ne leur impose-t-il pas
souvent telle ou telle pratique, telle ou telle abstinence,
ne fût-ce que pour des raisons sanitaires? Les législations
religieuses déclarent certains aliments impurs et illicites,
de même que les législations politiques décrètent des lois
somptuaires, réglant, comme Lycurgue, jusqu'aux repas de
leurs compatriotes. — La cuisine étant presque exclusive-
ment l'art de préparer les mets par la cuisson, il semble
superflu d'en chercher l'origine dans la nuit des âges
préhistoriques. Le poète Lucrèce doit avoir recueilli un
écho lointain de ces temps reculés, lorsqu'il nous peint les
rudes enfants de la terre qui, ne connaissant ni le fer ni
le feu, vivaient des productions spontanées du sol, et
auxquels la terre, dans sa florissante jeunesse, fournissait
une ample provision d'aliments sauvages : le gland tombé
du chêne, la baie cueillie sur l'arbousier. Il n'eût pas dû
oubher les ressources de la chasse et de la pêche ; car les
cavernes où s'abritaient ces demi-brutes nous montrent,
comme reliefs de leurs repas, des amas d'os, des arêtes et
autres débris. Le cannibalisme même dut être pratiqué
jusque dans le bassin de la Méditerranée, s'il est vrai qu'il
faille voir dans les Cyclopes d'Homère les derniers repré-
sentants d'une race anthropophage.
La vraie cuisine n'apparaîtra qu'avec la civilisation et
en suivra les progrès; l'homme peut naître rôtisseur;
mais, pour être cuisinier, il a besoin de le devenir. Sous
les murs de Troie, les héros homériques sont de gros
mangeurs de viande, mais paraissent étrangers à tout raf-
finement; tuer et dépecer les bêtes, les embrocher séance
tenante et les faire rôtir, voilà toute leur science ; leurs
dieux ne paraissent connaître en plus que le nectar et
l'ambroisie. Les guerriers sont à la fois bouchers et cui-
siniers, et ces fonctions sont, à leurs yeux, presque un sa-
cerdoce ; leurs prêtres, d'ailleurs, sont des sacrificateurs,
et tout sacrifice était une sorte d'opération culinaire oti
l'homme laissait bien à la divinité les prémisses de la vic-
time, mais le plus souvent s'en attribuait une forte part.
Les prêtres eurent du reste officiellement des cuisiniers
comme seconds pour préparer les repas sacrés. L'outillage
de la cuisine héroïque se réduit à des trépieds, à des vases
de bronze, à des cratères, à des coupes, à des outres. Le
pain joue un rôle fatidique dans le repas que prennent
Enée et ses compagnons tout fraîchement débarqués sur
les bords du Tibre ; leurs galettes de pain leur ont servi
de plats et de tables avant d'être employées à contenter un
reste d'appétit. Sûrement, ces pains avaient été cuits par
eux comme tout le festin; car la boulangerie, pendant
longtemps encore, ne constituera pas une spécialité dis-
tincte : chaque famille moud son blé et cuit sa pâte. Quand
il y eut des cuisiniers, la boulangerie entra dans leurs
attributions. Le nom du cuisinier grec,MaY£ipo;, a même,
au propre, le sens de pélrisseur de pain ; celui de coquu^,
plus correctement cocus, aurait le même sens d'après
certains étymologistes. A Rome, la profession de bou-
langer ne deviendra un métier distinct que l'an 568 de la
ville.
C'est par suite de leur contact avec les peuples asiatiques
que les Hellènes prirent le goût du luxe et connurent le
besoin d'une alimentation "savante et raffinée. Devenus
riches, grâce à leurs conquêtes, à leur navigation et à leur
commerce, ils firent bonne chère, à la mode "orientale. Aux
siècles de Périclès et d'Alexandre, le cuisine a marché de
pair avec la civilisation ou avec la corruption, si l'on en
croit Platon. Pour lui, la cuisine est un art meurtrier,
aussi funeste aux corps que la sophistique l'était aux âmes.
C'est dans un banquet, cependant, qu'il fait tenir à Socrate
un langage presque divin, et lui-même n'a pas dû goûter
la recette, aujourd'hui perdue, du brouet noir sparliate.
Athènes, un instant devancée par les Siciliens, les Thé-
bains, les Elidiens, pour l'abondance et la somptuosité des
festins, sut bientôt prendre la tête. Les citoyens renoncè-
rent définitivement à leur renom de sobriété. Sur le marché,
approvisionné par les îles et le continent, les arrivages
sont aussi nombreux que variés. Les basses-cours de la
banlieue fournissent les chapons, les pigeons, les canards ;
on y a un talent tout spécial pour l'engraissement des
oies. Avec la saison apparaissent les becfigues, les cailles,
les alouettes, les rouge-gorge, les ramiers, les tourterelles,
les bécasses, les francolins, les perdrix, les lièvres, les
lapins parfumés par le thym et le romarin des collines ;
comme gros gibier, on voyait les sangliers et leurs mar-
cassins, les chevreuils renommés de l'île de Mélos. Sur les
pierres à poisson s'entassaient murènes, dorades, espa-
dons, aloses, thons, congres de Sicyone, glaucus de Mé-
gare, car on tenait aux bonnes provenances, maque-
reaux, turbots, soles, surmulets, rougets; la sardine était
l'aliment du pauvre ; mais, quand elle arrivait de Phalère
et qu'on la laissait seulement un instant dans l'huile bouil-
lante, elle passait pour un manger digne des dieux. Parmi
les poissons d'eau douce, la grosse anguille du lac Copaïs
était très prisée ; les salaisons venaient de l'Hellespont et
— 57Î
CUISINE
du Pont-Euxin. Ajoutons-y les coquillages, langoustes,
écrevisses, huîtres, moules, oursins, que l'on préparait
avec roxymel, le persil et la menthe. Les légumes abon-
dent : melons, asperges, concombres, champignons. Quant
aux fruits, les figues d'Attique, fraîches ou sèches, ont une
supériorité assez reconnue pour mériter d'être servies
jusque sur la table du grand roi. Le raisin n'a pas moins
de renom ; la greffe a considérablement amélioré les poires
et autres fruits ; l'Eubée donne les meilleures pommes ;
Corinthe, les coings les plus parfumés ; Naxos, les amandes
extra-fines ; la Phénicie expédie ses dattes ; quant aux
olives, celles d'Attique, marinées dans la saumure, sont
les meilleures du monde. Depuis que Théarion de Sicile a
perfectionné la boulangerie, le pain servi sur les tables
athéniennes est des plus blancs et des plus exquis, et la
pâtisserie s'est tenue à la hauteur de la boulangerie. On
confectionne des pâtés de lièvres, de petits oiseaux, des
beignets où entrent la farine de sésame, le miel, l'huile.
D'autres pâtes se préparent avec la farine d'orge mondé ;
on les cuit à petit feu en les arrosant de jus ; dans les
gâteaux sucrés, c'est le miel qui tient lieu de sucre, com-
biné avec l'huile et le lait. Des espèces d'oubliés ou de
gaufres sont servies brûlantes et se trempent dans le vin.
La gastronomie compte nombre d'écrivains en prose et
en vers ; leurs œuvres forment une vraie bibliothèque,
amplement consultée par Athénée. Les plus connus sont
Mithœcus, l'auteur du Cuisinier sicilien, Numénius
d'Héraclée, Hégémon de Thasos, Philogène de Leucade,
Simonactidès de Chio, Tyndaricus de Sicyone. On voit que
l'Hellade entière a cultivé la théorie du grand art, et con-
tribué à l'élever à la perfection des arts libéraux; mais
entre tous ces maîtres, la palme semble avoir été méritée
par Archestrate, lié avec un des fils de Périclès. Il a par-
couru le monde uniquement pour en étudier les plus
fameuses cuisines, s'entretenir avec les plus doctes suppôts
de la gourmandise. wSon poème a l'autorité d'un vrai code à
l'usage des gourmets.
Les praticiens, formés d'après les théories de ces maîtres,
ne péchaient guère par excès de modestie, et les auteurs
comiques perdaient leur temps quand ils cherchaient à ra-
battre leurs airs d'importance. L'enthousiasme de leur art
les mettait au-dessus du ridicule. C'était quelque chose de
se voir, comme Tymbron, le plus glorieux nom de la cui-
sine athénienne. La cuisine a ses titres de noblesse, puisque
Cadmus avait été cuisinier du roi de Sidon. Le ministère
du cuisinier exige, outre une santé à l'épreuve de la chaleur
et de la fatigue, des sens exquis, un savoir étendu, le tour
de main artistique, presque les illuminations du génie. Le
chef d'office dédaigne les basses œuvres du métier ; il se
contente de diriger le feu, de surveiller les opérations de
ses aides. Assis dans une pièce séparée, il donne ses
ordres, médite sur les productions de la nature, décide si
les grosses pièces de bœuf ou le cochon de lait seront sim-
plement bouiUis, si le lièvre sera mangé saignant, si telle
autre viande sera servie bien cuite. Quant aux assaison-
nements, l'huile de premier choix, le vinaigre de Décélie,
le miel, le fromage, les œufs ne peuvent y entrer que
dans certaines proportions ; il faut du discernement aussi
pour l'emploi du silphium, du persil, du cumin, des câpres,
du sésame, du fenouil, de la menthe, de la corianthe, des
carottes, de l'ail, de l'oignon, du thym et autres aromates
chers aux gourmets. Dans quelle mesure le poisson à chair
ferme sera-t-il arrosé de vinaigre et saupoudré de fromage,
au lieu d'être préparé avec une simple pincée de sel et un
filet d'huile? D'autres espèces seront cuites sous la cendre,
enveloppées de feuilles de figuier avec de l'origan. « Quand
on parle de sauce, il faut qu'on y raffine », dira plus tard
Boileau. Les sauces piquantes ou douces ne sauraient être
livrées aux caprices d'un ignorant; une main savante
combinera seule, à la dose voulue, l'oignon haché, l'huile,
le jaune d'œuf. Veut-on un mélange moins relevé? Le
miel, les dattes, le cumin en seront les principaux ingré-
dients. Même discernement dans la confection des farces.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIIL
Le cochon se farcit avec des grives, des becfigues, des
jaunes d'œuf, des huîtres et autres coquillages ; les mé-
langes, du reste, varient à l'infini et l'inspiration peut en
créer d'inédits. Le bon cuisinier connaît la vertu des herbes,
la valeur nutritive des diverses substances, leurs qualités
digestives ; il le faut quelque peu médecin pour qu'il ap-
proprie son service aux saisons, aux tempéraments, aux
âges. Il sait — Hippocrate le lui a appris dans le livre de
la Diète — que les animaux herbivores sont plus succu-
lents que les frugivores, les blancs que les noirs, les ani-
maux à poil ras que les velus, les femelles que les mâles.
De môme, les vins sont plus ou moins apéritifs, plus ou
moins stomachiques, selon l'âge et le cru. Le corinthe est
dur, le vin d'Icare fumeux, le zacynthe doit être banni à
cause du plâtrage ; le chio, le thasos sont des nectars.
Voici le menu d'un festin offert par un opulent amphitryon :
Premier service : coquillages nature, coquillages frits ou
cuits sous la cendre ; œufs frais de paon, andouilles, pieds
de cochon, foie de sanglier, tête d'agneau, fraise de veau,
ventre de truie, vulva (on a choisi une truie qui a avorté
pendant sa première portée ; on l'a assaisonnée au cumin,
au vinaigre, au silphium, cette plante exotique dont le
commerce fait la fortune de la Cyrénaïque) ; enfin, petits
oiseaux à la sauce. Second service : gibier, volaille, poisson.
Troisième service: fruits. Dans V Assemblée des femmes,
Aristophane prête ironiquement aux réformateurs de son
temps l'intention d'allécher par de semblables menus leurs
compatriotes appelés à proclamer la communauté des biens ;
il y aura lièvres, beignets, galettes, purée de pois, turbots,
têtes de squale, etc. Le peuple n'en demandait pas tant ;
le marchand de boudins, dans la pièce des Chevaliers,
conquit la popularité en abaissant le prix des sardines et
en distribuant gratis la ciboule pour les assaisonner.
Aux âges d'indigence, Rome fit de nécessité vertu ; il
faut se garder de trop prendre au sérieux les amplifications
classiques oti est exaltée la tempérance de ses citoyens.
Les « raves » de Curius Dentatus, la frugalité de Fabrîcius,
tout en servant de thème aux déclamateurs, n'excitèrent
qu'une admiration platonique. Le vœu de sobriété n'était
pas plus solide que celui de pauvreté. Quand le Romain se
mit à exploiter ses conquêtes, ce qu'il emprunta le plus
vite de la civilisation grecque, ce fut la bonne chère, et la
cuisine hellénique eut tôt fait de s'acclimater. Et comme
preuve, au marché des esclaves, un bon cuisinier était
coté très haut, tandis qu'on marchandait à outrance un
pédagogue. Les Latins étaient tout fiers du nom donné
chez eux au festin, conviuium, vivre ensemble, tandis que
le repas grec était une réunion de buveurs, au{X7ïoaiov. Il
est douteux cependant que jamais triclinium romain ait re-
tenti d'une conversation semblable à celles de Socrate, et
ce n'est pas Trimalcion qui fera oublier Platon.
Pour le service de leur table, les plus riches gaspillent
follement des miUions et affichent un luxe insolent, mais
leurs excentricités d'épicuriens blasés, celle, par exemple,
de composer un salmis avec des langues de rossignols, ne
sont pas des preuves de goût. Des repas où des combats
de gladiateurs sont donnés en intermèdes, où l'on est exposé
à manger de la murène engraissée à la chair d'esclave, où
l'on sait comment un voisin de table va soulager artificiel-
lement son estomac brûlé par le falerne, à moins que tout
naturellement il ne souille la mosaïque du parquet, exigent
plutôt un cœur solide que des sens délicats.
Les contemporains de Gaton le Censeur le traitent presque
tous de fâcheux avec ses mercuriales qui sentent déjà le
vieux temps, et le laissent à son aise exalter le chou comme
le plus digestif des légumes, comme l'aHment et la panacée
universels. Les jeunes dissipateurs n'en fréquentent pas
moins le marché pour mettre la main sur les comestibles
les plus fins. Le peuple reste seul fidèle au régime de
sa bouillie (piilmentum) faite avec du grain concassé,
à celui du pain dès qu'il sait en fabriquer, des pois
chiches fricassés et autres légumes, rarement associés
à la viande. Mais quiconque a fait fortune s'adonne à la
37
CUISINE
— 578
bonne chère. La cuisine grecque a fait école et le Manuel
culinaire d'Apicius n'est probablement (ju'une traduction.
Chacune de ses dix divisions porte un titre grec : 1^ Epi-
jnélès, les sauces, les condiments ; ^^ Sarcoptes, prépa-
rations des viandes; 3^ Cepuros, légumes, assaisonnements ;
4<* Pandecter, toute la cuisine ; 5** Osprios, les végétaux ;
6^ Aéropétès, les volatiles ; 7^ Polytélès, la cuisine somp-
tueuse ; 8<^ Tetrapus, le gibier à poil ; 9^ et 40** Thalassa,
ïlalieus, poissons, salaisons. Cet Apicius, qu'il ne faut pas
confondre avec le gourmand qui se tua sous Tibère, après
avoir englouti son patrimoine, est un mauvais écrivain,
mais son livre est le seul manuel de cuisine qui nous soit
arrivé complet ; c'est une précieuse collection pour con-
naître les recettes culinaires des Grecs et des Latins.
Le caractère particulier de la cuisine romaine, c'est le faste
uni à l'excentricité. Nulle pudeur, nulle retenue dans la
gourmandise ; ce n'est jamais le prix qui arrête le gourmet ;
il le décide. Le chevalier vendra, pour faire bonne chère,
jusqu'à son anneau, après quoi il tendra la main à l'au-
mône, à moins qu'il ne se tue ; hier encore, ses créanciers
aux aguets étaient sûrs de le surprendre au marché. Un
sénateur se fait gloire de reconnaître au premier coup de
dent si une huître vient du Lucrin ou du promontoire de
Circé, et de deviner la provenance d'un turbot ou d'un
oursin.
Sous l'empire, la folie de la table arrive à son paroxysme.
A l'aide de Macrobe, nous pouvons mettre en regard de
l'orgie impériale imaginée par Pétrone un festin d'apparat
donné aux beaux jours de la république. Il s'agissait d'ins-
taller un flamine. Gustatio^ c.-à-d. hors-d'œuvre variés :
coquillages (oursins, huîtres, palourdes, spondylcs), grives,
poulardes aux asperges, terrines d'huîtres et palourdes
cuites, coquillages variés, becfigues, filets de chevreuil et
de sanglier, pâtés de volaille, becfigues encore et coquillages.
Cena proprement dite : 1^ tétines de truie ; 2° hures de
sangliers ; 3<* poissons ; 4^ canards ; 5° sarcelle bouillie ;
6*^ hèvre ; 7° volaille rôtie. Secundœ mensœ (dessert) :
crèmes, pâtisserie, fruits. Voilà un repas régulier, ponti-
fical. Voici maintenant le menu de Trimalcion, dégagé de
tous les accessoires : olives blanches et noires portées par
un âne en bronze de Corinthe ; saucisses, prunes de Syrie.
Une poule en bois sculpté semble couver des œufs de fai-
san ; chacun de ces œufs, dont la coque est une pâte légère,
renferme une mauviette ensevelie dans du jaune d'œuf poi-
vré. C'est la gustatio. On boit dès le début ; chaque flacon
porte au col cette inscription : Falerne opime de ceiit
ans. Premier service apporté dans un surtout dont le cou-
vercle porte un zodiaque ; à chacun des signes est fixé un
mets qui le rappelle; sur le taureau, du bœuf; sur les
gémeaux, des rognons ; sur les poissons, deux surmulets.
Biais ces mets ne sont là que comme allégorie. Le cou-
vercle enlevé laisse voir les plats sérieux : tétines de truie,
volailles grasses, un lièvre ailé à la façon de Pégase, quatre
Marsyas portant des outres d'où la saumure de garum
coule sur les poissons étendus dans un bassin, lequel repré-
sente un bras de mer. Une énorme laie arrive sur un pla-
teau, la hure de la bête coiffée d'un bonnet d'affranchi ; à
ses défenses pendent des paniers contenant l'un des dattes
de Syrie, l'autre des dattes de Phénicie ; la bête semblait
allaiter des marcassins en pâte ; l'écuyer tranchant l'ouvre ;
il s'en échappe une volée de grives que l'on prendra tout
à l'heure au giuau. Trois porcs vivants sont présentés ;
Trimalcion désigne le plus beau et, par un tour de force
de cuisine instantanée, le porc ne tarde pas à reparaître
tue, cuit, bourré de boudins et de saucisses. C'est le por-
eus trojanus^ aux flancs chargés connue le cheval de
Troie (truie viendrait de Troïa). Nouveau truc : le plafond
se détache et descend chargé de fruits et de fleurs. Après
les grives, le raisin sec, les noix confites, les coings piqués
de girofle, une oie monstrueuse et entourée d'oiseaux et
de poissons est servie aux convives. Le tout est en chair de
porc. Le cuisinier de Trimalcion a un secret merveilleux
pour métamorphoser à volonté la chair de porc. Le festin
de Trimalcion a été imaginé par un romancier ; il n'en est
pas moins typique comme peinture de ce que la folie
romaine réalisa plus d'une fois.
Rome avait importé chez les peuples conquis sa cuisine
avec l'ensemble de sa civihsation. Après l'invasion des
Barbares, quand les néo-Latins commencèrent à se relever
de leurs désastres, ils renouèrent, en cuisine comme pour
le reste, avec la tradition romaine. Les nouveaux venus,
d'ailleurs, avides de jouir, ne pouvaient que gagner à
admettre sur leurs tables des préparations plus délicates
que leurs mets nationaux. Mais chaque pays, réduit à peu
près à ses propres ressources par la disparition presque
complète du commerce d'exportation, dut d'abord se con-
tenter de ce que lui fournissait son sol. L'Italie seule était
en position de recevoir commodément les épices et autres
denrées étrangères. Les peuples du Nord, ne cultivant ni
la vigne ni l'olivier, remplacèrent le vin par la bière, le
cidre, l'hydromel, et firent la cuisine au .beurre et à la
graisse, tandis que dans le Midi dominait l'usage de l'huile.
Avec l'aisance reparut le luxe de la table, plus tôt qu'on
ne pourrait le supposer. Il ne faut pas trop prendre en
pitié l'alimentation de nos pères au moyen âge ; leur vie
intime est beaucoup moins sombre que leur histoire poli-
tique, et leur garde-manger était au moins aussi bien
monté que le nôtre. Que de gibier, de poissons, connus à
peine de nous, soit qu'ils aient disparu, soit que nous ne
sachions pas les apprécier, mais dont la plupart étaient
déclarés exquis 1
Visitons les marchés et les boutiques du xii® au xv^ siè-
cle, comme nous l'avons fait pour Athènes au temps de
Périclès. Dans la grande boucherie, au pied du Châtelet,
se dressent les plus riches étaux tenus, de mâle en mâle,
par de puissantes familles, et pourvus également de charcu-
terie. Le marché des Innocents est le principal centre
d'approvisionnement ; tous les marchands y étalent le sa-
medi. Le poisson de mer arrive régulièrement, surtout pour
les jours maigres; les rapides chevaux des mareyeurs
apportent à grande vitesse, des côtes de la Manche, toutes
les espèces connues de nous, sans compter la baleine. Ce
cétacé hantait alors nos mers ; ce n'était, il est vrai, que
l'ordinaire maigre du menu peuple ; sa graisse était dite
lard de carême et servait à accommodej' les pois ; il fallait
vingt-quatre heures de cuisson pour attendrir la chair et
la rendre moins indigeste ; toutefois, la langue de baleine
salée passait pour molle et délicieuse. Le poisson d'eau
douce était apporté au Chàtelet par les mariniers de la
Seine et de la Marne ; de plus, des pêcheurs avaient leurs
bouticles amarrées dans la rivière.
C'était, du reste, une grosse affaire que de satisfaire la
gourmandise, pour ne pas dire la gloutonnerie de nos aïeux.
Les cuisines royales ou princières sont de gigantesques
laboratoires ; par exemple celle de saint Louis au Palais ;
celles des ducs de Bourgogne dans leur résidence, à Dijon,
où l'on pouvait mettre un bœuf entier à la broche, où
s'apprêta le fameux festin donné pour l'inauguration de la
Toison d'Or. Le mobiherde cuisine est considérable, même
chez un particulier aisé. Ce sont d'énormes landiers, sous
le vaste manteau de la cheminée, avec pelles, fourgons,
pincettes, soufflets, crémaillères ; il y a la boîte à sel, les
rôtissoires, les brocbes, les cuillers et les fourchettes à
pot, les coutelas, les lardoires, les mortiers, les pilons, les
passoires, les trépieds, les grils, les poêles, les marmites,
les chaudrons, les pots de toutes formes; les casseroles de
cuivre seules sont peu nombreuses, môme au Louvre,
quoique l'étamage soit un art gaulois, pratique depuis des
siècles par les Arvernes.
Dans les bonnes maisons, le personnel est considérable ;
le maître queux trône sur son siège, la cuiller de bois en
main pour goûter les sauces ou faire au besoin la police
de son domaine ; sous ses ordres, le hasteur ou rôtisseur
a l'œil sur tes hap])elopins ou marmitons occupés à tourner
la broche. Les mets sont terriblement relevés ; on peut
s'en assurer en vérifiant le contenu de la cuisinière^ boîte
— 579
CUISINE
à compartiments où se serrent les épices. Les plus goûtées,
outre le poivre et la muscade, sont le gingembre, la cannelle,
la graine de Paradis (grande cardamone), le girofle, le
safran, le poivre long, l'aspic, le cumin, si prodigué encore
aujourd'hui dans la cuisine du Nord ; le sucre qui, peu à
peu, se substituera au miel. C'est par livres qu'on les
trouve dans la cuisine de Jeanne d'Evreux. Ne sont-ils pas
indispensables pour faire passer ces viandes coriaces, fort
judicieusement redoutées aujourd'hui de nos estomacs ané-
miques, mais qui n'effrayaient pas la dentition de fer de
nos pères et leurs organes digestifs à toute épreuve.
Les Allemands associent encore, de nos jours, les mets
les plus disparates, fruits et confitures mêlés aux viandes ;
c'est qu'ils sont restés fidèles à la cuisine gothique. Nous
aussi, nous avons, dans des plats immenses, échafaudé
jadis toutes les pièces d'un service qui, ainsi présenté,
portait le nom de mets ; l'ensemble des rôtis ou des pois-
sons, par exemple, composait un mets ou une assiette. Il
arrivait même que tout le repas fût servi dans un récipient
unique. Du reste, la profusion était si grande que Philippe
le Bel s'avisa de fixer le nombre et la composition des mets
pour les jours de gala, les jours ordinaires et les jours
maigres comme si les lois somptuaires avaient quelque
chance de prévaloir sur les exigences du luxe. On a con-
servé deux livres de cuisine du xiv® siècle ; le Ménagier.
de Paris (vers 1393) a été destiné par un bourgeois à
l'instruction de sa jeune épouse ; il lui faut un menu de
quatre services, presque uniquement composé de poissons
et de viandes ; les plats s'y comptent par dizaines, et il en
donne les recettes, toutes des plus compliquées. Plus simple
relativement est le Viandier de Guillaume Tirel, dit
Taillevent, queux du roi Charles V, promu par Charles VI
au titre d'écuyer de cuisine. Un érudit a voulu récemment,
d'après les formules de ce professeur, apprêter un canard
à la dodine rouge, c.-à-d. arrosé d'une sauce composée de
rôtis au vin rouge réduits en bouillie, avec assaisonnement
d'oignons frits, de sel, de sucre, de cannelle, de girofle.
Le résultat a été jugé lamentable. La galimafrée ou hachis
de viande à l'oignon, au verjus, au gingembre et au vin ne
lui a pas mieux réussi.
Faut-il en conclure que les gens du xin^ et du xiv® siè-
cle étaient des barbares en matière de gastronomie ? Mais
ne pourrait-on en dire autant des Grecs et des Romains ?
Avons-nous le monopole du bon goût, ou plutôt l'esthétique
de la table n'est-elle pas aussi capricieuse que celle des
arts libéraux ? Est-elle affaire de mode ou de tempéra-
ment ? Notre régime actuel est-il décadence ou progrès ?
La race a-t-elle dégénéré ou s'est-elle affinée ? Pour quelle
part la découverte et l'exploitation de l'Amérique, l'impor-
tation du thé, du café, du sucre, devenu une denrée de
première nécessité, l'usage des boissons alcooliques, les
excitations de l'existence moderne sont-ils entrés dans la
modification des tempéraments, des goûts, des besoins ?
C'est un problème difficile à résoudre. 'Le fait est que plu-
sieurs siècles ont tenu bon en face d'une cuisine héroïque,
tandis que les migraines, les congestions, les gastrites
auraient bon marché de notre génération si elle était tentée
de revenir aux pratiques culinaires du moyen âge et même
des siècles postérieurs.
A la renaissance des lettres et des arts ne correspondit
pas celle de la cuisine. Lexvi^ siècle fit faire peu de progrès
à l'art culinaire « à la science de gueule », comme disait
Montaigne. Cependant le luxe de la table continue à se
développer et s'affine légèrement. Rabelais nous a trans-
mis, dans le quatrième livre de Pantagruel^ la liste des
mets que préféraient ses contemporains. Ne pouvant repro-
duire ici cette interminable nomenclature, nous nous bor-
nerons à y noter : le dindon, rapporté de Turquie par
Jacques Cœur ; le paon, qui resta toujours un mets d'ap-
parat, d'une cuisson très difficile ; une très grande variété
de gibier, que l'on commençait à manger jeune, tandis
qu'aux siècles précédents nos pères, qui mangeaient des
hérons, des cygnes, des cigognes et des cormorans, consi-
déraient la chair peu faite du jeune gibier comme indigeste
et malsaine. « Ils mangeaient les perdrix, dit Henri Es-
tienne, et laissaient les perdreaux ; mangeaient les lièvres
et ne touchaient aux levrauts. » Relevons encore dans
Rabelais : la grue, qui garda jusqu'au xviii^^ siècle la ré-
putation de mets déhcat; le dauphin, de chair bien dure,
pourtant, et « qui esmeut à vomir » (Rondelet) ; les
huîtres en « escalle », ou écaille, plus estimées que les
huîtres huîtrées, qui étaient expédiées à Paris dépouillées
de leur coquille, pour faciliter le transport ; les huîtres
frites, dénoncées plus tard par La Framboisière, médecin
de Louis XÏII, comme « causant en nous, par la grossiè-
reté de leur chair difficile à digérer, quantité d'humeurs
terrestres et mélancoliques » ; le riz, qu'on cherchait, dès
cette époque, à accUmater dans le midi de la France ; le
houblon, qu'on servait en salade ; l'asperge, encore très
rare, et que le peuple se figurait être le produit de cornes
de mouton mises en terre ; l'ail, que les Parisiens man-
geaient surtout au mois de mai avec du beurre frais, espé-
rant raffermir ainsi leur santé pour l'année; le hoschepot,
« vrai restaurant et élixir de vie » (Noël du Fail), mets
célèbre qui se composait de bœuf, de veau, de mouton et
de lard cuits ensemble ; on y ajoutait une fouie d'herbes
et de racines et une sauce qui emportait la bouche ; la
moelle de bœuf, très prisée dans la tarte aux pommes ; le
pâté d'alouettes, très commun à Paris ; le mestier^au sucre
fin, sorte de gaufre, souvent roulée en cornet, comme le
plaisir de nos jours ; les dactyles ou dattes, qui pendant
longtemps encore furent regardées surtout comme un mé-
dicament, « propre à fortifier l'enfant dans le ventre de sa
mère » ; les myrobolans conficts, fruit de l'Inde, dont la
vogue donna naissance à l'adjectif mirobolant, c.-à-d.
extraordinaire et merveilleux ; les pêches de Corbeil, seules
célèbres pendant tout le xvi^ siècle ; | soixante-dix-huit
espèces de confitures, sèches et Hquides ; le choine, pain
de luxe, qui seul était salé, le sel étant encore cher en ce
temps ; les grenouilles, dont on raffolait ; enfin, le porc-
épic et la couleuvre !
Les légumes étaient fort dédaignés et constituaient sur-
tout les potages dits de carême. On verra le peu de place
qu'ils tenaient dans un grand repas, par le menu suivant
d'un festin offert en 1549 à Catherine de Médicis par la
Ville de Paris ; on remarquera également que la viande de
boucherie on était bannie: « 30 pans, 33 faisans, 21 cignes,
9 grues, 33 trubles à large bec, 33 bigoreaulx (hérons),
33 aigrettes, 33 hcronneaulx, 30 chevreaulx, QQ poulets
d'Inde, 30 chapons, 99 petits poulets au vinaigre, 66 pou-
lets à bouillir, QQ poulets en gelinotte, 6 cochons, 99ren-
nerons, 99 pigeonneaux, 99 turterelles, 33 levreaulx,
QQ lappereaulx, 33 oisons, 13 perdreaux, 3 outardeaux,
13 estourdeaux, 99 cailles ; asperges, 40 sols tournois ;
febvres, boisseau, artichaulx, 12 douzaines. » Les mets
favoris de Catherine étaient les crêtes et les rognons de coq
et les fonds d'artichauts ; elle en mangea tant au mariage
de M^^^ de Martigucs, « qu'elle pensa crever », dit Lestoile.
En Italie, la cuisine, élégante et simple, florissait sous
la protection des maisons d'Esté et de Médicis, du pape
Léon X et des cardinaux ; le Titien, Paul Véronèse, Ban-
dinelH, Raphaël étaient de fins gastronomes. En amenant
à la cour quelques artistes cuHnaires de ce pays, Catherine
donna plus de simplicité à la cuisine française ; mais ses
fils ne goûtaient pas cet art ; Charles IX n'était pas uli
gros mangeur, et, pour Henri HI, la gourmandise fut
peut-être le seul vice qu'il dédaigna. Aussi le règne des
derniers Valois n'est-il marqué, en cette matière, que par
une recrudescence de lois somptuaires, rarement appliquées
d'ailleurs. Henri IV, à qui on ne peut reprocher, en fait de
cuisine, que d'avoir trop aimé le melon, ne fut gourmand
que ])ar occasion. Simple prétendant au trône, il lui arriva
souvent, faute d'argent, de dîner mal ou de ne pas dîner
du tout ; roi de France il ne fit pas, comme tel de ses
successeurs, un dieu de son ventre, et aima surtout, dans
les repas, la gaieté et l'animation qu'ils donnent aux cou-
CUISINE
580 —
vives. Peu soucieux de l'étiquette, on le vit, un jour qu'il
s'était invité à dîner chez Sully, à l'Arsenal, faire un tour
à la cuisine, passer en revue poissons et ragoûts, manger
quelques huîtres, et boire un verre de vin d'Arbois, pour
se donner de l'appétit. Louis XIII était cuisinier ; il lardait
parfaitement, excellait dans les confitures, réussissait très
bien les œufs perdus, les œufs pochés au beurre noir, les
œufs durs au lard et les omelettes. Mais ce n'était pas un
artiste ; il ne sut rien changer ni aux menus, ni à la pré-
paration des ahments, et ne fit pas faire le moindre pro-
grès à la cuisine de son temps.
Quand Louis XIV mourut et qu'on ouvrit son corps, « son
estomac surlout étonna, et ses boyaux, par leur volume
et leur étendue au double de l'ordinaire, d'où lui vint
d'être si grand mangeur et si égal ». (Saint-Simon.) Ce
fut, en effet, un véritable glouton. On le vit souvent
« manger quatre pleines assiettes de soupes diverses, un
faisan entier, une perdrix, une grande assiette de salade,
deux grandes tranches de jambon, du mouton au jus et à
l'ail, une assiette de pâtisserie, du iVuit et des œufs durs».
(Lettres de la princesse Palatine.) Un jour, étant malade et
sans appétit, il ne mangea, par ordre du médecin, que
« des croûtes, un potage avec une volaille, et trois poulets
rôtis » ! Sous le règne d'un prince aussi bien doué du
côté des voies digestives, la cuisine ne pouvait manquer
d'être en honneur. D'abord, elle devint plus méthodique et
plus simple. Au lieu de servir pêle-mêle les mets les plus
divers, on s'habitua vers la fin du siècle à observer l'ordre
suivant, conforme à la logique et aux nécessités de l'es-
tomac : potages, entrées, rôtis, salades, entremets, des-
serts. Dans lAH de bien traite?", ouvrage nouveau^ cu-
rieux et fort galant^ qui date de 1674, l'auteur nous
dit : « Ce n'est point aujourd'hui ce prodigieux regorge-
ment de mets, l'abondance des ragoûts et des galimafrées,
ce n'est pas cet entassement confus de diverses espèces,
ces montagnes de rôtis, ces entremets bizarrement servis.
C'est le choix exquis des viandes, la finesse de leur assai-
sonnement, la politesse et la propreté de leur service, leur
quantité proportionnée au nombre des gens. » Puis, on
mange plus proprement ; l'emploi de la fourchette et de la
cueiller se généralise. Le marquis de Coulanges résume
ainsi les progrès réalisés entre 1640 et 4680 dans le ser-
vice de la table :
Jadis le potage on mangeait
Dans le plat sans cérémonie,
]*;t sa cuiller on essuyait
Souvent sur la poule bouillie.
Dans la fricassée autrefois,
On sauçait son pain et ses doigts.
Chacun mange présentement
Son potage sur son assiette ;
Il faut se servir poliment
Et de cuiller et de fourchette,
Et de temps en temps qu'un valet
Les aille laver au bulTet.
Tant qu'on peut il faut éviter
Sur la nappe de rien répandre,
Tirer du plat sans hésiter
T.e morceau que l'on y veut prendre,
Et que votre assiette jamais
Ne serve pour diiférents mets.
Très souvent il en faut changer,
Pour on changer elles sont faites ;
Tout ainsi que pour s'essuyer
On vous donne des serviettes ;
A table comme ailleurs enfin
11 faut songer à son prochain.
On abusa moins des épices qu'aux siècles précédents,
mais la fureur des parfums qui empoisonna la cour depuis le
xvi° siècle jusqu'au milieu du règne de Louis XIV ne res-
pecta même pas les ragoûts, les pâtisseries, les liqueurs, etc.
On y mêlait de l'iris, de l'eau de rose, de la marjolaine,
du musc et de l'ambre.
Ces hérésies disparurent au siècle suivant, qui vit naître
une exquise cuisine, unique en Europe. Le règne des gour-
mets commence avec le régent, restaurateur de la cuisine
française. Comment cet homme, doué du colossal appétit
des Bourbons, fut-il en même temps si fin connaisseur et
si délicat? A coup sur, il ne tenait pas ce don de sa mère,
cette grossière Allemande qui se bourrait de choucroute, de
saucissons fumés, de soupe aux choux, au lard, à la bière
et au vin, de jambons crus et de choux au sucre. Praticien
consommé aussi bien que théoricien éminent, le duc d'Or-
léans ne dédaignait pas de confectionner, avec ses roués,
« dans des endroits faits exprès de plain-pied, dont tous
les ustensiles étaient d'argent », certains plats fort appré-
ciés. En inaugurant cette cuisine discrète, qui éveille l'in-
telligence au lieu de l'obscurcir, il créa du même coup les
repas assaisonnés d'esprit, les soirées où prit naissance la
fine conversation. Louis XV continue son œuvre. Sous ce
prince, on achève d'écarter les plats indigestes, de suppri-
mer les sauces violentes et disparates; on sert à part chaque
espèce de mets, on harmonise les saveurs, on traite le
goût comme un sens supérieur et digne d'égards. Les révé-
rends pères jésuites Brunoy et Bougeant, dans une préface
qu'ils mirent à un célèbre traité de cuisine, disaient, en
4739 : « ... La cuisine moderne étabhe sur les fondements
de l'ancienne, avec moins d'embarras, moins d'appareil et
autant de variété, est plus simple, plus propre et peut-être
encore plus savante. La science du cuisinier consiste
aujourd'hui à décomposer, à faire digérer et à quintessen-
cier des viandes, à en tirer des sucs nourrissants et légers,
à les confondre de façon que rien ne domine et que tout se
fasse sentir; enfin, à leur donner cette union que les
peintres donnent aux couleurs, et à les rendre si homogènes
que, de leurs différentes saveurs, il ne résulte qu'un goût
fin et piquant, et, si je l'ose dire, une harmonie de tous les
goûts réunis. »
Si Louis XV était gourmet et gourmand, on ne l'était
pas moins autour de lui. L'art culinaire doit à Monsieur le
potage à la Xavier; au comte d'Artois une nouvelle manière
d'assaisonner les ris de veau ; au prince de Condè le savou-
reux potage qui porte son nom ; au duc de Richelieu la
mayonnaise (d'abord mahonnaise) ; à la Pompadour les filets
de volailles à la Bellevue. Les cailles à la Mirepoix, les
chartreuses à la Mauconseil, les poulets à la Villeroy, tra-
hissent également les goûts culinaires de trois grandes
dames du temps. Parfois, on raffinait trop ; Mercier, dans
son Tableau de Paris^ nous apprend qu' « il était devenu
ignoble, chez les gens bien nés, de mâcher comme le vul-
gaire ». En conséquence, on mettait tout en bouillie et en
consommés. Une duchesse avale un aloyau réduit en gelée,
et ne veut point mastiquer un morceau de viande comme
une harengère. Il ne lui faut que des jus qui descendent
directement dans son estomac, sans effort ni travail. La
viande de boucherie n'était déjà bonne que pour le peuple;
la volaille aussi devient roturière; il faut des plats qui
n'aient ni le nom, ni l'apparence de ce qu'on mange; et si
l'œil n'est pas surpris d'abord, l'appétit n'est plus suffisam-
ment excité. Les cuisiniers s'exercent à métamorphoser ce
qu'ils apprêtent. Dans la semaine sainte, il y a un repas
chez le roi où l'on imite avec des légumes tout ce que
l'océan fournit. On donne à ces légumes le goût de ces
même poissons que l'on imite.
Mais si des parasites efféminés, de voluptueux sybarites
cherchaient ainsi à réveiller leurs sensations épuisées, il
n'en est pas moins vrai qu'au xvni® siècle, pour la première
fois depuis les Grecs, on chercha dans le repas autre chose
que le repas lui-même. « Les dîners de Buffon, du baron
d'Holbach, d'IIelvétius, de Quesnay, de La Popeîinière,
ceux de M^^« de Lambert, de Tencin, Geoffrin, Du Def-
fand, de M^^^ de Lespinasse, appartiennent à l'histoire lit-
téraire, artistique et pohtique de la France, point à celle
de la table. Quand M"^^ Geoffrin offrait à ses hôtes « un
« poulet, des épinards et une omelette », il est clair qu'on
venait chez elle non pour y manger, mais pour y rencon-
trer le lundi des artistes tels que Cari Vanloo, Vernet, Bou-
cher, Latour, Soufflet; le mercredi, des causeurs tels que
Marivaux, Chastellux, Saint-Lambert, Thomas, Marmontel,
les abbés Morellet, GaUiani et Raynal. W"^ de Tencin
— 581 —
CUISINE
déployait plus de luxe vis-à-vis de ses bêtes ^ qui s'appe-
laient Montesc[uieu, Mairan, Fonteiielle, Bernis, Tressan,
mais on faisait toujours maigre chère dans le petit entre-
sol de Quesnay, où d'Alembert, Diderot, Buffon et Turgot
trouvaient parfois M"^® de Pompadour. » (Franklin.)
Louis XVI ne se piquait point de délicatesse dans le
choix de ses aliments, et les grosses pièces de boucherie
suffisaient à son robuste appétit, qui ne l'abandonna dans
aucune des douloureuses épreuves qu'il eut à traverser. Le
jour de sa comparution devant ses juges, quand il rentra
au Temple après la séance, après l'audition de l'acte d'ac-
cusation et l'interrogatoire, il se mit à table avec une satis-
faction profonde, et mangea : six côtelettes, un gros mor-
ceau de volaille, des œufs, but deux verres de vin blanc,
un verre d'alicante, puis alla se coucher. Quant à Marie-
Antoinette, elle était d'une sobriété extrême et ne témoi-
gnait de goût prononcé que pour le café au lait et le pain
viennois.
« Pendant les années désastreuses de la Révolution, il
n'est pas arrivé un seul beau turbot à la halle. » Ce mot
de Grimod de la Reynière, le prince des gastronomes, est
caractéristique. La période révolutionnaire fut critique en
effet pour l'art de la cuisine, qui semblait un legs de l'an-
cien régime. Il revint à la vie et à la gloire avec le Consu-
lat et l'Empire, qui relevèrent l'autel de Comus sur les
débris des agapes jacobines, Talleyrand reprit les tradi-
tions du xviii^ siècle; Cambacérès eut une table somp-
tueuse ; Napoléon voulut que les hauts fonctionnaires
offrissent de grands dîners, parce qu'être gourmand et
savoir l'être donne de la considération, et lui-même prêcha
d'exemple ; le fameux Carême reçut l'ordre de déployer son
art aux congrès d'Aix-la-Chapelle, de Laybach et de Vérone.
Depuis lors, la cuisine française, par la délicatesse et
l'excellence de ses préparations, par la richesse et Tingé-
niosité de ses procédés, n'a cessé de régner en maîtresse
dans le monde entier, dont elle fait l'admiration. Mais
voici que depuis quelques années elle semble plus com-
promise qu elle ne l'a jamais été, et, si l'on en croit cer-
tains pessimistes, le jour n'est pas loin où elle aura vécu.
Comment, disent-ils, l'art culinaire pourrait-il se conciher
avec la vie à la vapeur, la trépidation de l'organisme,
l'affolement de l'esprit, le déséquilibrement de tout l'être,
qui caractérise cette « fin de siècle ». Pour faire de la cui-
sine, il faut avoir et le temps de la manger, et le temps
de la digérer. Nous n'avons plus ni l'un ni l'autre. A peine
prenons-nous celui de nous sustenter, en absorbant à la
hâte — et à des heures irrégulières — des aliments dont
la préparation et la confection cachent parfois d'horribles
secrets. Et voilà le second mal dont mourra la cuisine, si
elle échappe au premier. La chimie la tuera. Le cuisinier
de Trimalcion, qui, par des recettes savantes, donnait à la
viande de porc le goût du poisson, est bien dépassé aujour-
d'hui. On donne le goût et le nom de vin, de beurre, de confi-
ture, etc., à des produits chimiques qui exercent, lentement
parfois, mais toujours sûrement, leur action destructive sur
nos organes, et si nous ne mourons plus d'indigestion,
c'est parce que nous mourons empoisonnés. La cuisine
est devenue un laboratoire, la préparation des mets s'ap-
pelle falsification. Marcel Charlot.
m. Administration militaire. — Cuisines militaires.
En garnison, l'ordinaire des compagnies est habituelle-
ment préparé dans une ou plusieurs cuisines communes
au bataillon ou au régiment. Les cuisines récemment cons-
truites sont des locaux pavés ou dallés, situés au rez-de-
chaussée, isolés des autres bâtiments, convenablement
éclairés et ventilés et munis d'une ou de deux laveries.
Des magasins aux provisions fermant à clef (un par com-
pagnie) sont placés à proximité de la cuisine. Un ou plu-
sieurs appareils pour la préparation du café (percolateurs)
et un moulin à café, grand modèle, sont autant que pos-
sible enfermés dans un local séparé. Chaque compagnie dis-
pose d'une marmite d'une contenance moyenne de 100 litres;
un fourneau reçoit deux marmites. Toutefois certains corps
sont pourvus de marmites tubulaircs du système Bernard,
chauffées par la vapeur et pouvant servir à six cents
hommes. Au point de vue de la police et de la discipline,
la surveillance des cuisines est exercée par Fadjudant-
major de semaine ; dans chacune d'elles un caporal de
planton est chargé de faire l'appel des cuisiniers, de veiller
à l'allumage des fourneaux et de faire exécuter les con-
signes qui sont affichées. Dans chaque compagnie, un soldat
appelé cuisinier en pied est désigné à tour de rôle pour
la préparation des aliments. Il doit, dit le règlement, être
relevé tous les trois mois; dans la pratique il ne l'est
jamais. L'un des cuisiniers du bataillon est cuisinier
chef; le règlement permet de le maintenir en permanence
dans ses fonctions; il est choisi, autant que possible,
parmi les cuisiniers de profession et a pour mission de
dresser ses camarades. Les cuisiniers en pied reçoivent leur
prêt franc et sont nourris par l'ordinaire de leur compa-
gnie. Chacun d'eux a un aide qui est relevé toutes les
semaines. Enfin le chef de corps désigne un ou plusieurs
soldats pour la préparation du café et l'entretien du per-
colateur. Tous ces hommes doivent être pourvus de trois
collections de toques et de tabliers (blancs pour les cuisi-
niers chefs, bleus pour les autres cuisiniers et les aides de
cuisine, de couleur cachou pour les soldats chargés du per-
colateur). Les cuisiniers sont surveillés par le lieutenant,
le sergent-major et le caporal d'ordinaire de leur compa-
gnie qui doivent s'assurer du bon emploi des denrées. On
affiche habituellement dans les cuisines le menu de la se-
maine ou de la quinzaine, qui se compose le matin d'une
soupe grasse et le soir d'un ragoût connu sous le nom de
rata et dont la composition doit varier le plus souvent
possible (V. Ordinaire).
En campagne, les aliments sont habituellement préparés
par escouade à l'aide des ustensiles de campement (mar-
mites, gamelles, seaux en toile). Les fourneaux sont éta-
blis avec plus ou moins de soin suivant la durée probable
du séjour sur un même point. Pour une installation de
quelques heures, on place les marmites sur deux pierres
adossées à un mur ou placées dans un petit fossé ; pour
une installation d'une durée plus longue, on construit une
cheminée avec un foyer et un conduit recouvert de terre
ou de mottes de gazon. Au bivouac, les feux pour les cui-
sines sont établis à 15 m. du flanc de la colonne ou en
arrière de la ligne formée par les abris des hommes ; au
cantonnement, on les étabHt en dehors des maisons le long
des murs ou en tout autre endroit où l'on n'ait pas à
craindre les incendies. E. F.
IV. Art culinaire. — Ecole de cuisine (V. Ecole de
cuisine).
V. Histoire (V. Bouche du roi).
BiBL. : Economie domestique.— Aristophane, Platon,
Gorgias, Plutarque, les SymposÙK^wes, passim; le Ban-
quet des sept sages. — Athénée, le Banquet des savants. —
Caton, DeRcntsfica. Pétrone, Saii/rico7i. — Pline l'An-
cien, Juvénal, Satires.— Cœlius Avicivs.,DeRe culinaria.
— Barthélémy, Voyage du jeune Anacharsis en Grèce. —
Daremb]':rg et Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques
et latines. — Le Mênagier de Paris., qui date du règne de
Charles V. — « Ci-après s'ensuit le Viandie?" pour appareiller
toutes manières de viandes, etc., par Taillèrent )i, ou-
vrage postérieur de quelques années au précédent. — - De
IJonesta Voluplale et valetudine., par l'Italien Platina,
1473. — La Fleur de toute cuisine., contenant la manière
d'habiller toutes viandes, tant chair que poisson.^ etc., com-
posée par plusieurs cuisiniers, revue et corrigée par Pierre
PiDoux; Paris, 1510. — Rabelais, Pantagruel .^l. IV, ch.Lix
etLX, passim.— -DeLavarenne, le Cuisinier français .,Hj51.
— Le Pastissier françols; Amsterdam, IQbb. — Délices de la
campagne, où est enseigné à préparer pour l'usage do la
vie tout ce qui croît sur la terre et dans les eanx, par Nico-
las DE BoNNEFONS, valct de chambre du roi, 1055. — Ai'-
ticles, statuts, ordonnances et règlements des jurés,
anciens bacheliers et maîtres queux, cuisiniers, porte-
chapes et traiteurs de Paris, 1714. — Mercier, Tableau
de Paris. —- Menon, la Cuisinière bourgeoise, 1746. —
François Marin, les Dons de Comus, 1739, avec préface
des révérends pères jésuites, Brunoy et Bougeant. —
Etat et menu général He la maison dû roi Louis XV. —
ViARD, le Cuisinier, 1BÛ8. — Grimod de la Reynière,
t'Almanach des gourmands., 1813; le Manuel des Am-
CUISINE ^' CUISINIER
"-" 582
phitryons^ 1808. — Beauvillters, VAtI du cuisinier^ 1814.
•— Berghoux, la Gastronomie, 1800. — Brillat-Savartn,
la Physiologie du goût. — Carême, le Maître d'hôtel fran-
çais^ ou Parallèle de la cuisine ancienne et moderne. —
Du même, le Cidsinier parisien., ou l'Art de la cuisine au
xix" siècle, 1828, et divers ouvrages sur la pâtisserie. —
Le Gourmet., journal fondé en 1857, par Charles Monse-
j.irr, et qui ne vécut que quelques mois. — Franklin, la
Vie privée d'autrefois; les Repas., la Cuisine; Paris, 1888,
2 vol. ■— Enfin, de nombreux ouvrages, tels que la Guisi-
idèrc bourgeoise., le Parfait Cuisinier^ etc., ont vulgarisé
une foule de recettes de cuisine, empruntées aux ouvrages
originaux cités plus haut.
CUISINIER. Celui qui a pour fonction do préparer
les aliments. Chez les Grecs, la cuisine ayant un ca-
ractère sacré, surtout aux âoes héroïques, aucune idée
méprisante ne s'attacha primitivement à la préparation
des repas ; les rois et les princes dans V Iliade ei V Odyssée
no dérogent pas en mettant la main aux diverses opérations
culinaires, soit seuls, soit aidés par leurs compagnons.
Avec le bien-être et le luxe apparurent les cuisiniers de
profession, mais leurs fonctions ne furent pas nécessai-
rement des fonctions serviles. Le cuisinier eut d'abord
pour principal travail la confection du pain , comme l'in-
dique le sens étymologique du mot Maystpoç ; ses attri-
butions s'étendirent à l'époque où, selon Hérodote, les
Grecs, en contact avec l'Orient, connurent enfin les hors-
d'œuvre et les complications de la cuisine. Dans la co-
médie, le cuisinier tient une place importante; indigène
ou d'origine étrangère, il paraît sur la scène avec la tunique
courte de l'esclave, mais il porte en outre une ceinture,
signe distinctif • de son emploi. Les poètes donnent aux
cuisiniers le nom de leur pays, ou un sobriquet relatif à
leurs vices : hâbleurs, fripons, effrontés, coquins ; ils
appartiennent à des maîtres ou travaillent à leur compte,
soit comme cuisiniers de louage, soit comme industriels en
plein vent ; tel le marchand de boudins d'Aristophane qui,
avant de devenir homme d'Etat, promène sa charcuterie
sur un éventaire. En dépit de ses ridicules, le cuisinier
monta dans l'opinion ; un bon cuisinier n'était pas le pre-
mier venu ; il fallait des études sérieuses ; il y avait dos
grades à prendre, des cours à suivre, des examens à subir
pour s'élever dans la hiérarchie de l'office ; on ne quittait
le tablier de l'apprenti qu'au bout de deux ans, et il fallait
attendre longtemps encore le privilège do manier la spatule
de bois, insigne du commandement exercé sur un nombreux
personnel. L'officier de bouche, dans une grande maison,
possédait ses auteurs, avait beaucoup vu, beaucoup réfléchi,
prétendait même, d'après les satiriques, avoir la science de
toute chose, jusqu'à celle du gouvernement. Les gour-
mands trouvaient leur compte à entretenir ces prétentions,
surtout si le cuisinier, à défaut d'autre moralité, mettait
sa conscience à connaître et à satisfaire le goût de son
maître. Il était hors de pair dans la valetaille, et avait la
haute main sur les autres serviteurs; on ménageait sa
susceptibilité et il était prudent , lorsqu'il donnait quelque
sujet de plainte, de passer sa colère sur un esclave moins
indispensable. De là le proverbe : « Quand le cuisinier est
en faute, c'est le joueur de flîite qui reçoit les coups. » Si
les coups étaient rares pour lui, les profits étaient souvent
très gros, témoin le cuisinier de Démétrius de Phalère qui,
à vendre la desserte de sa table, gagna, en deux ans, de
quoi devenir propriétaire de trois maisons. Ce n'était pas
non plus une mince satisfaction de prendre place dans le
canon des grands cuisiniers; la Grèce en compta sept, ni
plus ni moins que sept sages et sept merveilles du monde.
A côté de la cuisine profane existait la cuisine sacrée
qui se faisait dans un local affecté aux sanctuaires ; de là
une catégorie do cuisiniers à part, attachés tout spécia-
lement au culte, et qui devaient opérer conformément au
rituel, sans se permettre aucune innovation sous peine du
fouet. Dans la cuisine laïque, au contraire, libre carrière
était donnée à l'inspiration ; celle-ci était même si bien
encouragée, à Sybaris, que le créateur d'un plat nouveau
recevait, par une sorte de brevet d'invention, le droit
d'exploiter seul sa découverte.
A Rome, la cuisine, n'ayant rien d'hiératique, passa
dès l'origine pour un art servile ; les compagnons de Ro-
mulus, pour gagner les bonnes grâces des Sabines et leur
faire oublier la brutalité d'un premier procédé, prirent
l'engagement de leur épargner comme un travail humiliant,
le soin de faire le pain et de préparer leurs repas ; mais
ils ne purent tenir leur parole, surtout dans les ménages
où il n'y avait pas d'esclaves pour moudre et cuire le l)lé
dont, avant l'introduction des boulangers, on faisait le
piilmentmn^ bouillie nationale analogue à la polenta corse.
Tite-Live et Phne l'Ancien nous apprennent en effet que
les boulangers ne furent connus à Rome et ne remplacèrent
les femmes dans leur travail qu'à l'époque de la guerre
contre Persée et Antiochus. Ces boulangers {pistores)
furent aussi cuisiniers; mais la' cuisine prit bientôt son
essor et le métier devint un art dont les adeptes n'eurent
plus rien à envier aux cuisiniers grecs. Le prix de ces
esclaves ne cessant de monter, toutes les fortunes ne
purent entretenir un cuisinier à demeure, et on se con-
tentait souvent d'un cuisinier de louage. Dans la ville,
abondaient en outre les fricasseurs de pois chiches et
autres mets populaires, les uns installés devant un four-
neau mobile, les autres courant les rues et s'enrouant à
force de crier leur marchandise. Le cuisinier de bonne
maison put devenir une sorte de personnage. Un fils de
cuisinier osa même, sous la république, briguer des fonc-
tions électives, et Cicéron ne manqua pas cette occasion de
faire un jeu de mots : « Ego quoque (coque) tibi favebo. »
C'est par centaines que l'on compte les employés de la
cuisine impériale ; ceux d'Adrien forment une association
dont un monument nous révèle l'existence : Collegium
cocorum. il y a une hiérarchie, depuis le cuisinier en
chef (archimagirus , vicarius supra cocos) jusqu'au
simple marmiton, en passant par les coctorcs^ les for-
nicarii., les focarii, les prouendici, les obsonatores^
les cellarii, charges les uns du feu, les autres de l'appro-
visionnement du celKer, etc. Le structor est le machi-
niste qui dresse le savant échafaudage des mets, monte les
pièces, ménage dos surprises aux convives, modèle la
graisse et le hachis de façon à représenter des bêtes de
toutes sortes. Le découpeur est aussi un officier de haut
mérite. Juvénal entend, dans le Saburra, un grand bruit
de bois remués; c'est l'école du docte Tryphérus, où se
forment les écuyers tranchants ; pour ses démonstrations,
il a des viandes piquées en hêtre, divisées en morceaux
qui s'ajustent à l'aide de fils ou de colle ; avec un couteau
émoussé, l'aspirant s'exerce à détacher en effigie un émincé
de chevreuil, un blanc de pintade, à disséquer lièvre, porc,
sanglier, gazelle, faisan, flamant, mouflon (sat. Xï) ; et
le satirique se désole à penser que les leçons de rhétorique
ou de philosophie seraient moins écoutées, moins rétribuées
surtout. Pour Sénèque, les cuisiniers sont des criminels
responsables de toutes nos maladies. «' Compte-les, s'écrie-
t-il ; quelle foule dans les cuisines ! Quelle jeunesse nom-
breuse se presse autour des fourneaux de nos gastronomes ! »
INi Sénèque, ni Juvénal n'étaient les premiers à prêcher
dans le désert; ils ne seront pas les derniers.
A l'invasion des Barbares, cette vie molle et efféminée
se réfugie chez les empereurs d'Orient, dont les palais
étaient remplis de cuisiniers. A l'Occident, l'art cuhnaire est
vite oubhé, mais quelques traditions sont conservées dans
les monastères, et l'on peut dire que les religieux ont été
les premiers cuisiniers du moyen âge. Ils ont excellé
surtout dans la préparation du poisson et de la pâtisserie.
Les nonnettes, les pets de nonne, les macarons, les gim-
blettos, les talmouses , les confitures de Bar attestent
encore aujourd'hui l'heureux emploi qu'ils savaient faire
de leurs heures de loisir dans les cloîtres.
Au civil, le Livre des métiers d'Etienne Boileau, le
célèbre prévôt des marchands, législateur du commerce
parisien sous le règne de saint Louis, nous ftiit connaître
tous les spécialistes de l'alimentation au xin^ siècle. En
première ligne, vient le talmelier (boulanger) ; il fait le
~ 583 —
CUISINIER - CUISSE
pain pour les ménages qui ne le cuisent pas à domicile ou
dans les fours seigneuriaux. Le poulailler tient toute
espèce de Yolaille et de gibier ; les rôtisseries se tiennent
surtout rue de la Huchette et rue aux Oies (aux Ours) ; le
pdlissier confectionne des pâtés de porcs, de volaille, (l'an-
guille, des flans au fromage. Vhuilier débite l'haile d'olive,
de noix, d'amandes, de chènevis. Le gaslelier vend des
gâteaux de dessert. Il no faut pas oublier Fécbaudeur, le
vinaigrier, le moutardier. Le regrattier ou revendeur
cumule le commerce de loutes les denrées, mais il est plus
prudent de s'adresser directement à l'épicier (a|?(9#w'ca7'm5)
pour avoir de première main et dans de meilleures condi-
tions les épices et condiments.
Quant aux boissons, l'acheteur en gros s'adresse à
Vétape^ sur le port de Grève, pour son vin de Bourgogne,
de Brie, d'Ile-de-France. Les taverniers font le détail et
en même temps servent à manger aux artisans. Des cui-
siniers en boutique représentent les traiteurs d'ordre plus
relevé. Le cervoisier brasse une bière à peu près semblable
à la nôtre, seulement il n'emploie pas le houblon. Aux
commerçants établis, il faut ajouter les marchands ambu-
lants qui, le panier sous le bras, ou avec une charrette
attelée d'un âne, vont par la ville criant des vivres de toute
nature, avec des intonations et des formules consacrées.
Le soir, Voublieur court les rues avec sa chquette. Tous
ces industriels sont soumis à de sévères règlements ; des
jaugeurs, des mesureurs jurés garantissent le chaland
contre la mauvaise foi et les falsifications.
D'après les statuts données en 4260 par Et. Boileau, à
la corporation des cuisiniers, ou oyers (oies), nul ne pou-
vait tenir estai ou fenêtre à vendre cuisine^ qu'il ne sût
convenablement préparer toute sorte de viandes ; nul cui-
sinier ne pouvait prendre d'aides qui n'eussent deux ans
d'apprentissage, ou qui, fils de maîtres, ne connussent
parfaitement le métier. Le fils de maître qui voulait exercer
la profession de son père et n'avait pas les connaissances
requises était tenu de s'adjoindre un aide habile et de le
garder jusqu'à ce qu'il eût lui-même acquis l'instruction
nécessaire. Nul maître ne pouvait avoir plus d'un apprenti.
Si celui-ci rachetait une partie de son temps d'appren-
tissage, ou si son maître l'en tenait quitte, ce dernier ne
pouvait le remplacer avant l'expiration des deux années
pendant lesquelles il aurait dû rester chez lui. Nul ne devait
faire cuire ou rôtir oies, veaux, agneaux, chevreaux ou
porcs « s'ils ne sont bons, loyaux et suffisants pour manger
et pour vendre, et aient bonne moelle ». Il était en outre
défendu de garder des viandes plus de trois jours, à moins
qu'elles ne fussent salées, comme aussi, et sous peine
d'amende et de confiscation, de faire des saucisses d'autres
viandes que de celle de porc, lesquelles devaient être saines
et de bonne qualité. Un article curieux de ces statuts est
celui qui applique un tiers des amendes infligées par les
jurés, à soutenir les pauvres gens du métier devenus vieux
ou tombés dans la misère. En 4599, on réunit les cui-
siniers en communauté, sous le nom de maîtres queux^
cuisiniers et porte-chape ; ce dernier nom vient de ce que
pour porter en ville les mets commandés pour le dehors et
apprêtés chez eux ils les couvraient d'une chape ou cou-
vercle en fer-blanc. En 4663, Louis XIV donna à la com-
munauté de nouveaux statuts, que le Parlement enregistra
l'année suivante. L'art. 29 portait que les traiteurs établis
dans les faubourgs et banlieue de Paris ne pourront se
dire maîtres qu'autant qu'ils auront été examinés et
approuvés par les jurés ad hoc^ « afin que ladite commu-
nauté demeure dans l'estime que l'on a conçue à son égard ».
Avec les progrès de la cuisine croît l'importance du
cuisinier. Déjà, du temps des Valois, les cuisiniers amenés
d'Italie par Marie de Médicis ne péchaient pas par la mo-
destie et élevaient leur art à la hauteur d'un sacerdoce.
Au xvii*^ et au xviii^ siècle, le maître d'hôtel d'une grande
maison, le chef de tout ce qui concernait le service de la
table, était un puissant personnage. L'abbé Coyer nous le
représente comme un homme « richement vêtu, l'épée au
côté, un diamant au doigt, jouant avec une boîte d'or ».
M^® de Pompadour obtient pour le sien la croix de Saint-
Louis, et M"^® de Sévigné se fait gloire d'avoir connu Vatel,
l'illustre cuisinier de Condé, dont elle pleura la mort. Au
commencement du xix" siècle, trône, sans partage, au ciel
de la cuisine, le fameux Carême. Maître d'hôtel du prince
deîalleyrand, deNapoléonP'', du roi d'Angleterre George IV,
de l'empereur de Russie Alexandre P'^, du prince Bagration,
du prince de Wurttemberg, il trouva enfin, dans M. de
Rothschild le plus éclairé des mécènes. Savant en son art,
il reconstitua la cuisine ancienne et l'opposa à la cuisine
moderne dans un parallèle resté célèbre. Ses autres
ouvrages donnent la preuve d'un goût délicat, également
ennemi de la gloutonnerie et des excentricités d'un estomac
blasé. Il eut de dignes successeurs. Mais aujourd'hui les
maîtres d'hôtel renommés ne se rencontrent pas seulement
chez les riches particuliers. Ils se mettent surtout au ser-
vice des grands restaurateurs, oh chacun, en payant son
ccot, peut aller déguster les produits de leur art, et s'offrir,
un peu chèrement parfois, le plaisir de constater la supé-'
riorité de la cuisine nationale. Marcel Charlot.
eu 18 LES, Com. du dép. de la Marne, arr, de Reims,
cant.de Châtillon; 498 hab.
CUISSAL Com. du dép. de l'Orne, arr. et cant. d'Alen^
çon; 330 hab.
CUISSARD (V. CmssoT).
G U I SS E. I. Anatomie. — La cuisse est la partie du membre
inférieur qui s'étend du bassin au genou; en haut, elle est
limitée par le pli de l'aine en avant et le pli de la fesse en
arrière ; en bas, par le bord supérieur de la rotule en avant
et la partie moyenne du creux poplité en arrière. Elle a la
forme d'un tronc de cône à base supérieure, plus large, et
à sommet tronqué intérieur ; elle est convexe en avant et
concave en arrière ; cette forme est due à la direction du
fémur qui est aussi concave en arrière, à la présence des
muscles qui sont étalés sur le fémur en avant, et qui en
arrière forment deux plans divergeant vers le bas et
donnent ainsi lieu à une sorte de gouttière. La direction
de la cuisse est oblique de haut en bas et de dehors en
dedans, par suite de l'écartement qu'elle subit en haut, où
elle s'articule avec le bassin, et du rapprochement des
deux genoux en bas. L'obliquité est plus grande chez la
femme que chez l'homme, par suite de la largeur plus
grande du bassin chez la femme. On considère à la cuisse
un squelette et des parties molles. Le squelette est repré-
senté par le fémur (V. ce mot) qui s'articule en haut avec
l'os iliaque pour former la hanche, et en bas avec le tibia
et la rotule pour former le genou (V. ce mot). Les
parties molles forment diverses régions et divers plans
intéressants à connaître au point de vue anatomique et
chirurgical. Nous avons déjà décrit au mot Aine la région
supérieure et antérieure de la cuisse. Dans le reste de la
face antérieure de la cuisse, on trouve les parties super-
posées de la manière suivante : la peau, mince en dedans,
plus épaisse en dehors, recouverte de poils chez l'homme,
recouvre un pannicule graisseux d'épaisseur variable ; puis
un fascia super ficialis lamelleux ; l'aponévrose crurale ,
très épaisse surtout en dehors oti elle se continue avec le
fascia lata; elle fournit les deux cloisons intermusculaires
interne et externe qui se rejoignent à la ligne âpre du
fémur et séparent les muscles de la région antérieure de
ceux de la région postérieure ; de la face profonde de ces
aponévroses partent les gaines des divers muscles de la
cuisse ; enfin avant d'arriver au fémur on tombe sur une
couche musculaire épaisse disposée sur deux plans, un plan
superficiel ou antérieur, constitué par le tenseur du fascia
lata en dehors et le couturier en avant puis en dedans, et
un plan profond, que forment les trois portions du triceps
crural, le droit antérieur en avant, le vaste externe en
dehors, et le vaste interne en dedans, puis, en dedans, les
trois adducteurs et le pectine à la partie supérieure. Cette
région antérieure renferme les vaisseaux et nerfs cruraux
(V. Crural), la veine et le nerfsaphènes internes. La région
CUISSE — CUISSON
-- 584 —
postérieure de la cuisse ou région fémorale postérieure est
constituée par les plans suivants : la peau est épaisse et
doublée comme précédemment d'un pannicule graisseux
d'épaisseur variable ; la peau et le tissu sous-cutané sont sur-
tout résistants, denses, chez les cavaliers ; le fascia super-
ficialis est lamelleux et l'aponévrose surtout épaisse on
dehors comme à la face antérieure. Les muscles sont, en
dedans, le demi-tendineux et]e demi-membraneux,'en dehors
le biceps. Les vaisseaux y sont de petit calibre; les artères
proviennent des artères fessièrc, ischiatique, circonflexe,
obturatrice et de la fémorale profonde, qui fournit les per-
forantes ; les veines suivent les artères et vont se jeter
dans les veines fémorales ou iliaques. On trouve à la partie
profonde de la région les nerfs, grand et petit sciatiques,
et l'obturateur.
IL Pathologie. — Les affections de la cuisse sont des plaies
des parties molles, des fractures du fémur, des luxations
de la hanche, des ruptures musculaires, des inflammations,
des tumeurs. Les plaies ont une importance en rapport avec
leur étendue, leur profondeur, l'agent vulnérant; avec
celle des organes lésés, fémur, artères, veines ou nerfs et
des complications qui peuvent survenir à la suite, érysipèle,
phlegmon difi'us, etc. Les plaies des parties molles guéris-
sent facilement, surtout depuis l'adoption des pansements
antiseptiques ; s'il y a des corps étrangers, il faut essayer
de les extraire, surtout pour prévenir les complications
auxquelles ils peuvent donner lieu lorsqu'ils ne sont pas
tolérés. Les petits projectiles d'armes à feu sont souvent
difficiles à trouver et s'enkystent le plus ordinairement sans
cause d'accidents (V. Blessures par armes a feu). Les
fractures du fémur et les luxations de la hanche seront
décrites à ces mots. — Les ruptures musculaires survien-
nent le plus ordinairement chez les cavaliers et atteignent
alors les muscles adducteurs ; dans des efforts violents
on a vu aussi la rupture du droit antérieur de la
cuisse, mais le plus souvent c'est le tendon inférieur de
ce muscle qui se rompt. La rupture du couturier a été
aussi mentionnée. Dans ces derniers temps, on a rap-
pelé l'attention sur les hernies que forme la partie
charnue de certains muscles de la cuisse à travers leur
gaine aponévrotique à la suite d'efforts, lésion qu'on a par-
fois confondue avec des ruptures musculaires et des
tumeurs des muscles. — Les inflammations de la cuisse
atteignent le tissu sous-cutané ou intermusculaire, ou les
lymphatiques, ouïe périoste, ou le fémur. Nous ne mention-
nerons ici que le phlegmon diffus et les lymphangites
(V. ces mots) qui succèdent aux plaies mal soignées et qui
ont toute la gravité que peuvent acquérir ces affections.
Il faut les traiter par les incisions, le drainage et les injec-
tions antiseptiques, la pulvérisation, continue, etc. Il faut
mentionner spécialement les abcès froids migrateurs qui,
partis de la colonne vertébrale ou de la face interne du
bassin, viennent faire saiUie dans le triangle de Scarpa, en
suivant le psoas iliaque, et qui de là peuvent s'infiltrer
encore entre les diverses couches musculaires de la cuisse
et gagner môme le creux poplité (V. Abcès), Les tumeurs
sont des anévrysmes, des lipomes, des fibromes, desostéomes
des muscles et du fémur, des ostéosarcomes, etc.
D'- L.-H. Petit.
III. Zootechnie, — La cuisse est la région du cheval
limitée en haut par la croupe et la hanche, en bas par la
jambe et le grasset, en avant par le flanc, en dedans par l'aine,
le fourreau et les bourses chez le mâle, les mamelles chez la
jument. Elle a pour base anatomiquele fémur et les nombreux
muscles qui s'en détachent ou s'y insèrent. La cuisse a une
face externe, une face interne ou plat de la cuisse, un bord
antérieur formé par le triceps crural et un bord postérieur
ayant pour base les muscles ischio-tibiaux. Dans la cuisse, il
faut examiner sa direction, sa longueur, sa largeur et son
épaisseur. Elle ne doit être ni trop verticale ni trop oblique ;
elle doit être longue, sa longueur étant en relation étroite
avec l'ampKtudede ses oscillations. Si elle manque de lon-
gueur, elle rend la fesse courte, ronde, coupée ; elle doit
être large et épaisse, l'épaisseur et la largeur décelant son
développement musculaire et, par conséquent, la puissance
impulsive de l'arrière-main. On dit le cheval bien culotté,
bien gigot té, si la cuisse est bien fournie ; on dit la cuisse
plate, maigre, de grenouille, si ses muscles sont petits,
grêles, ma\ fournis et comme émaciés. L. Garnier.
eu ISS 1ÈRE (Equip. milit.) . Effet d'équipement de
tambour qui garnit le devant de la cuisse gaucho du tam-
bour, sur laquelle frotte la caisse pendant la marche. La
cuissière va du genou jusqu'aux reins et est maintenue par
des courroies qui en assujettissent le haut, le milieu et le
bas. Elle était autrefois en buffle non piqué et entretenue
en blanc, mais aujourd'hui elle se confectionne en cuir
noirci.
CUISSON. I. Art culinaire (V. Aliment, t. II, p. 226,
et Rôti).
IL Zootechnie. — Beaucoup d'éleveurs trouvent un
avantage considérable à faire cuire une partie plus ou
moins grande des aliments destinés au bétail (V. Aliment
[Zootechnie], t. II, p. 236). Mais la cuisson élevant néces-
sairement la valeur vénale de ces aliments de tous les frais
de préparation, il est nécessaire qu'elle soit pratiquée avec
économie. Elle se fait à l'eau ou à la vapeur. Le premier
procédé est plus primitif et n'exige qu'une chaudière, de
l'eau et du feu ; le second, plus perfectionné, demande un
appareil spécial et donne des résultats de beaucoup pré-
férables. La cuisson dans l'eau nécessite quelques précau-
tions : il faut éviter que les aliments brûlent au fond de la
chaudière, faute d'eau, surtout quand il s'agit de grains
qui prennent alors une odeur et une saveur désagréables
répugnant fort aux animaux. On y parvient en remuant
fréquemment les grains et en ajoutant de l'eau à mesure
qu'elle s'évapore, tout en évitant que le liquide déborde
pendant rébullition,car il contient d'excellents principes de
nutrition. — L'appareil employé pour la cuisson à la vapeur
se compose d'une chaudière placée dans un fourneau et
terminée à la partie supérieure par un tuyau qui amène la
vapeur dans un cuvier en bois muni d'un double fond ; une
soupape de sûreté prévient l'explosion de cette chaudière.
La vapeur se répand dans l'espace ménagé entre les deux
fonds, pénètre, par des trous percés dans le fond supérieur,
les aliments destinés à cuire et s'élève jusqu'au couvercle
qui la retient. Un robinet placé à la partie inférieure du
cuvier, et que l'on ouvre de temps en temps, laisse échap-
per l'excédent d'eau qui s'accumule entre les deux fonds
par suite de la condensation do la vapeur. Cet appareil peut
se modifier de plusieurs manières, mais le plus simple est
préférable.
III. Céramique. — La cuisson est l'opération qui consiste
à faire passer au four, pour la durcir et la rendre imper-
méable, la pâte céramique ; mais, suivant la terre employée,
le mode de cuisson est différent. Nous ne nous occupons pas
ici de la brique, mais seulement des poteries de terre, des
grès et des porcelaines. Pour les poteries grossières, la
cuisson se fait dans un four voûté, superposé à un vaste
foyer unique, percé à la partie inférieure et à la partie su-
périeure de trous par lesquels la flamme peut circuler à
l'intérieur. Pour régler le tirage et régulariser la chauffe
qui peut se porter trop d'un côté ou de l'autre, il suffit de
fermer avec une tuile les trous supérieurs du côté qui chauffe
trop, et le tirage prend une autre direction. Pour les pote
ries plus fines, autrefois, et pour les grès encore aujour-
d'hui, qui demandent une température élevée, on a le four
à réverbère : il est horizontal, cylindrique et ovale suivant
sa coupe longitudinale ; le feu est à l'une des extrémités et
le tirage se fait par l'autre. Aujourd'hui, pour les porce-
laines, on se sert de fours verticaux, cylindriques, dits à
alandiers ; certains sont à trois étages, ce qui permet de
cuire la pâte dans plusieurs états : au grand feu dans les
deux étages inférieurs, à l'état de biscuit dans l'étage supé-
rieur ; mais la flamme, produite par plusieurs foyers placés
autour de la base, passe toujours dans l'intérieur du four.
Pour être cuites, les poteries doivent subir une série de ma-
585
CUISSON
nipulations d'autant plus compliquées qu'elles sont plus fines.
Les terres ordinaires, sans couverte, sont cuites par un
unique passage au four, ainsi d'ailleurs que les grès, dont
le lustre ou glacure est produit par la Yolatilisation d'élé-
ments projetés dans le four pendant la cuisson ; mais lors-
qu'elles sont vernies et émaillées, elles doivent avoir été
préalablement dégourdies, c.-à-d. avoir subi une chaleur
suffisante pour acquérir une consistance leur permettant de
Fig. 1. — Four pour la cuisson de la faïence. A, arrivée de
Fair dans le four ; B, foyers ; C, conduits demi-circu-
laires d'entrée de la flamme dans le laboratoire ; D,
conduits souterrains ; E, cheminée centrale ; F, labora-
toire du four ; R, sortie de flamme ; X, sole du four.
supporter, sans s'émietter, l'arrosage, l'aspersion ou l'im-
mersion qui les recouvrira d'un enduit fusible. Une fois
couvertes, elles sont alors remises au four ou se termine
leur cuisson à une température inférieure au ramollissement
de la pâte céramique. La terre à porcelaine, au contraire,
demande une température beaucoup plus élevée, puisqu'il
faut qu'une partie de la pâte entre en fusion pour retenir
dans sa matière fusible le kaolin infusible, ce que les Chi-
nois appellent les os de la porcelaine. Là encore plusieurs
opérations sont nécessaires ; les pièces doivent être trans-
formées en biscuit avant d'être mises en couverte, mais la
température pour cuire le biscuit doit encore être très éle-
vée, car la matière fusible doit entrer en fusion pour que
la pièce se soutienne après refroidissement. C'est au troi-
sième étage du four à alandiers que se fait cette cuisson.
Les pièces en terre non émaillées ou non vernissées sont
placées dans le four les unes à côté des autres, sur la sole
même, puis mises en charge, en chapade ou chapelle,
c.-à-d. superposées les unes aux autres ; les pièces cou-
vertes, au contraire, sont posées sur des rondeaux^ per-
nettes ou pattes de coqs^ pour qu'elles n'adhèrent pas à
la sole du four, et recouvertes d'étuis ou cazettes pour
écarter les impuretés qui pourraient s'attacher à l'émail en
fusion, ou pour éviter les coups de feu qui provoqueraient
des coulages partiels. On sème sous leur base du sable fin
qui empêche l'émail, en fondant, d'adhérer au rondeau. De
chaque côté du four sont des regards ou trous ménagés
dans l'épaisseur du mur, par lesquels on peut examiner
l'état des montres ou petites pièces d'épreuves qui font
voir la situation de la cuisson et permettent ainsi de régler
la chauffe. Le bois a longtemps été uniquement employé
pour cuire les produits céramiques, mais aujourd'hui,
grâce aux nouveaux fours et à la disposition de leurs foyers
qui brûlent la fumée, le charbon de terre est utilisé. La
cuisson peut donner, sous la main de l'ouvrier céramiste,
quand il s'agit de terres enduites d'une couverte uniforme,
sans décoration de peintures, des résultats scientifique-
ment préparés des plus surprenants. Tels les flambés qui
furent, pendant longtemps, un des secrets de la fabrication
chinoise, sous le nom de yao-pien. Le tour de main de
l'ouvrier consiste à modifier, changer d'éclat et d'aspect
les oxydes métalliques qui colorent l'émail, en faisant affluer
Fig. 2. — Four à alandiers pour cuisson delà porcelaine
(système Sèvres). A, laboratoire inférieur ; 15, labora-
toire supérieur ; C, dégourdi surmonté de la cheminée ;
D, foyer ; ouverture de Talandier ; F, cendrier ; G, passage
de la flamme ; H, carnoaux que traversent les fumées.
sur certains points de la pièce des flots d'air plus ou moins
chargés d'oxygène, qui transforment, en les léchant, les par-
ties d'émail qu'ils rencontrent; un feu clair, qui entraîne
avec lui beaucoup d'oxygène non brûlé, une épaisse fumée,
qui absorbe tout l'oxygène de l'oxyde, forment par place des
protoxydes, revivifient le métal ou le détruisent complète-
ment en laissant l'émail sans couleur, et produisent alors
des colorations marbrées qui, mêlées au coulage des vernis,
forment des émaux du plus curieux aspect ; il est facile
CUISSON -- CUIVRE
r>8(>
de comprendre que ies pièces flambées ne seront pas mises
dans des cazettes, puisqu'elles doivent baigner dans la
flamme et dans la fumée. C'est aussi pendant la cuisson que
s'obtiennent les craquelés, par do brusques introductions
d'air froid, savamment ménagées cependant, de façon à
n'atteindre que la surface de la pièce. Les pièces peintes ne
peuvent subir les mêmes températures, mais leurs cou-
leurs se divisent en trois catégories : celles à grand feu,
qui supportent sans altération 440"dupyromctre de Weg-
wood ; celles de demi-grand feu, qui demandent pour se
glacer 290" à 300^^ du pyromètre d'argent ; enfin, celles
de petit feu qui ne peuvent subir que des températures beau-
coup moindres. Ces pièces doivent toujours être encastées
pour éviter la fumée qui altérerait la couleur. La montre
dans cette cuisson est faite avec une pièce décorée de
pourpre do Cassius. La cuisson demande plusieurs jours
pour être terminée.
Emaux. La cuisson des émaux est bien différente ; elle
demande une manipulation très minutieuse, une série de
préparations fort longues et se termine en quelques ins-
tants. C'est, en quelque sorte, la cuisson qui constitue pres-
que entièrement Fart do l'émailleur. Elle diffère suivant que
les émaux sont cloisonnés, champlevés, en taille d'épargne
ou peints. Ils sont cuits dans un petit moufle, chauffé
au charbon de bois ou au coke de four, dans une cazette
ou petite niche posée sur des supports et entourée de feu
de toutes parts, La grande difficulté est d'arriver à obtenir
une gamme d'émaux fusibles à peu près à la même tem-
pérature, sans cela les uns bouillonnent pendant que les
autres fondent et que les plus durs craquèlent seulement ;
c'est à l'aide du fondant que l'artiste doit équilibrer le degré
de fusibilité des émaux qu'il emploie. Dans les émaux cloi-
sonnés ou champlevés par l'orfèvre ou par le graveur, une
fois le cuivre bien décapé, on remplit les vides de poudre
d'émaux humide, on la fait sécher sur une des ailes du
fourneau sur une plaque réfractaire ; quand l'émail est
bien sec et que la plaque a atteint une température élevée,
on l'introduit dans la cazette qu'on surveille par le regard,
et dès qu'on voit la surface d'émail onduler, on retire la
plaque ; on recommence l'opération du remplissage, jusqu'à
ce que les cellules soient comblées et que l'émail affleure le
cuivre et puisse, sans danger pour le dessin, être poli à la
pierre à aiguiser, puis au tour. Les émaux peints passent
aussi plusieurs fois au feu ; mais ici la cuisson n'est plus
l'œuvre principale, l'artiste doit, avant le four, développer
son talent ; nous renvoyons, pour la cuisson de ces der-
niers, au mot Email. F. de Mély.
CUISSOT (ArchéoL). Partie de l'armure qui protégeait
la cuisse. Avant le milieu du xiv^ siècle, les cuisses des
chevaliers n'étaient protégées que par la jupe du hau-
bert de mailles. Tout d'abord le cuissot ne fut qu'une
plaque de métal semi-cylindrique retenue par des courroies;
puis l'on fit à la fin du xjv^ siècle dos cuissots composés
de deux parties réunies par des charnières. A la fin du
xv^ siècle les cuissots sont articulés, à plusieurs lames, les
dernières portant une garniture de cuir percée d'œillets
métalliques ou passaient des lacets qui retenaient cotte
pièce à une ceinture de dessous. Dans les armures de
cheval, la partie postérieure n'existe pas. M. P.
BiBL. : Penguilly-lTIaridon, Catalogue des collections
composant le Musée cV artillerie ; Paris, 1862, p. 161,in-12.
~ VioLLET-LE-Duc, Dictionnaire du mobilier, t. V, p. 306.
— Gay, Glossaire archéologique y p. 523.
CUiSY. Corn, du dép. de la Meuse, arr. de Montmédy,
cant. de Montfaucon;491 hab.
CUISY. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr. do Meaux,
cant. do Dammartin; 138 hab,
CU1SY-en-Almont. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de
Soissons, cant. do Vic-sur-Aisne ; 349 hab.
CU!SY-et~Ceny. Com. du dép. de l'Aisne, arr, de
Laon, cant. de Craonne; 469 hab.
CUITE. Cuite du sucre (V. Sucre).
Cuite de la soie (V. Blanchiment, t. VI, p. 4031).
eu ITLAH U AC, révérentiel GU ITLAH U ATZI N (Cuetrava-
cin dans les lettres de Cortez), avant-dernier roi de Mexico
et empereur des Culuas, mort le 15 no v. d 520. Fils et frère
des empereurs Axayacatl et Montezuma II, et mari de
Tccuichpo, fille do ce dernier, il fut nommé seigneur d'fzta-
palapan et se distingua dans ies guerres contre les Mixtecs
et les Quauhquecholtecs. Lorsque Cortez eut débarqué à la
Vera Cruz, il opina pour lui refuser l'accès de la capitale;
mais, d'autres avis ayant prévalu, il dut le recevoir dans
son beau palais entouré de jardins qui faisaient l'admira-
tion dos Espagnols. Il fut arrêté pou après Montezuma et
étroitement enchaîné, jusqu'à ce que Cortez, ne recevant
plus do vivres, jugeât à propos do le remettre en liberté
pour qu'il donnât aux Mexicains l'ordre d'en apporter
(25 juin 1520). Il en profita pour se mettre à la tête des
insurgés, en quahté de tlacochcalcatl (généralissime) et
d'héritier présomptif. Ses vigoureuses attaques forcèrent
les Espagnols d'évacuer Mexico (30 juin) ; mais, ayant à
s'emparer de ceux qui étaient restés dans la ville, il no
poursuivit les fugitifs qu'au bout de quelques jours et, pour
leur couper le chemin de Tlaxcala, il les attaqua près
d'Otumba (7 juiL). Malgré sa défaite, il fut sacré roi le
7 sept, pour remplacer Montezuma II qui était mort le
30 juin. Son appel à tous les sujets de l'empire trouva
peu d'écho. La guerre civile entre ses partisans et les alliés
des Espagnols, et les ravages de la variole paralysèrent ses
préparatifs. Il mourut lui-même de l'épidémie. Il eut pour
successeur son cousin Cuauhtemoc. Beauvois.
eu ITLAH UACAS. Ancienne tribu aztèque qui résida
dans les environs du lac deChalco, et dont la ville princi-
pale se trouvait vraisemblablement à l'emplacement actuel
du village de Tlahuac, dans l'Anahuac.
CUITLATECS. Ancienne tribu mexicaine qui fut jadis
établie sur le rio Mexcala, au N. de Chipalcingo, dans la
prov. actuelle de Guerrero. La langue de cette tribu est
encore parlée dans les régions qui bordent le cours d'eau.
CUÎTT (George), paysagiste anglais, né à Mouiton près
de Kichmond en 1743, mort àRichmond le 3 févr. 1818.
Il se rendit en Italie en 1769 et fit dans la campagne romaine
de nombreuses études. Do retour en Angleterre vers la fin
de 1775, il exposa l'année suivante à la Royal Academy une
Enfance de Jupiter, puis des paysages dont les motifs
étaient pris à Moor Park. Il voulait s'établir à Londres
quand il fut atteint d'une fièvre persistante qui le décida à
se retirer, dans son pays natal où il vécut dans l'isolement,
faisant des dessins dans la campagne environnante. Il a
aussi peint quelques portraits dans sa jeunesse.
GUITT (George), aquafortiste anglais, né à Richmond en
1779, mort à Masham, près Richmond, le 15 juil. 1854.
Fils du précédent. Il s'adonna à la reproduction des vieux
monuments d'architecture, qu'il sut rendre avec vigueur
et vérité. Le recueil complet do ses eaux-fortes parut sous
le titre de Wanderings and Pencillings amongst tlie
Ridns of Olden Times (1848, in-foL, 73 pL). G. P-i.
CUIVRAGE (V. Galvanoplastie).
CUIVRE. L MINÉRALOGIE. -~ Le cuivre est un des
métaux les plus abondamment répandus dans la nature, et
c'est avec For celui que l'on rencontre le plus souvent à
l'état natif. Les espèces minérales les plus importantes ont
été étudiées ou le seront dans le cours do cet ouvrage.
Cuivre natif. — Le cuivre natif présente la plupart des
caractères du cuivre pur : il est de couleur rouge, sonore
et ductile; sa densité varie de 8,584 à 8,9; sa dureté est
comprise entre 2,5 et 3. Il cristallise suivant le système
cubique, mais les cristaux isolés sont rares ; le plus souvent,
il se présente sous forme de masses ramuleuses, fihformes
et réticulées ou en grains arrondis, en enduits et en plaques
courbes. Les cristaux les plus fréquents sont : le cube,
l'octaèdre avec les faces : ^, d^, b^, b^, h ^j^ ; le dodé-
caèdre rhomboïdal ; habituellement , les octaèdres sont
groupés en chapelet. Macles fréquentes (de Lapparent):
1** par hémitropie normale à a^ entre deux cubes pyra-
mides aftectant parfois la forme d'une pyramide dihexago-
587
CUIVRE
nale; 2<* même hémitropie entre deux cristaux p ¥ a^,
allongés suivant p é- et produisant des prismes qui se
groupent de façon à simuler un réseau à mailles de 60'',
comme dans les échantillons de Ekatérinonbourg (monts
Durais).
Caractères chimiques. Fond au chalumeau en colorant
la flamme en vert ; attaquable par l'acide nitrique en colo-
rant en bleu la dissolution. Le cuivre natif n'est pas abso-
lument pur ; il renferme environ 99,52 de cuivre, 0,30
d'argent, 0,08 d'or et 0,40 de fer. L'argent s'y trouve
à l'élat libre, mais non combiné, et sa proportion peut
s'élever davantage. Hautefeuille a reconnu 0,019 de mer-
cure dans un échantillon provenant du lac Supérieur et
renfermant : 69,28 de cuivre, 5,45 d'argent et 25,24 de
gangue. Le cuivre natif de Bolivie ou Corocoro se présente
en grains mélangés à du sable quartzeux; sa teneur en
cuivre varie de 60 à 90 ^jo avec de petites quantités d'ar-
senic et des traces d'antimoine.
Gisements principaux. Le cuivre natif se rencontre
toujours, soit isolé, soit associé aux autres minerais de
cuivre, dans le voisinage des roches éruptives. Les gîtes
les plus importants sont ceux du Canada, dans l'Etat de
Michigan, et sur les bords du lac Supérieur. Le minerai
que l'on en retire est des plus estimés ; il se présente quel-
quefois en blocs énormes, on en a rencontré du poids de
4,000 tonnes (4869), constituant de véritables filons dans
les grès et conglomérats permiens, ou en grains et nodules
disséminés dans une sorte de tuf d'origine porphyrique.
Les gisements de l'Amérique du Sud, au Chili, au Brésil,
dans les environs de Bahia, en Bolivie, au Pérou, etc.,
fournissent des minerais très riches, recherchés par les
usines de France et d'Angleterre. Le cuivre natif se ren-
contre encore disséminé au sein d'une gangue trappéenne
et amygdaloïdo dans les îles Faeroer et les îles Shetlands,
et dans le voisinage des trapps et des serpentines sur les
pentes de l'Oural (mines de Turjinsk et de Nischne-Tagilok).
Dans l'Europe occidentale, on peut citer en France les
mines du Var, et sur les bords du Rhin, près d'Ems, les
mines de Frieclrichssegen,mais ces gisements ne présentent
aucune importance au point de vue de l'exploitation.
Cuivre gris. — Les cuivres gris forment un des groupes
les plus importants des minerais de cuivre. Ils présentent
dans leur composition une grande variété due à des sub-
stitutions isomorphiques, mais dérivent tous du type cubique
et se présentent habituellement sous forme de tétraèdre
régulier, de tétraèdre pyramide ou de tétraèdres plus ou
moins modifiés sur les angles et les arêtes. Le plus souvent
cristallisés, ils se rencontrent également en masses amor-
phes accompagnant le cuivre pyriteux, les sulfures de plomb,
de zinc et d'argent. Fréquemment argentifères, ils ren-
ferment quelquefois jusqu'à 20 % d'argent. Voici la com-
position de quelques échantillons de cuivre gris :
CUIVRE GRIS DE
Kapnick
Wolfach
Poratsch
Corbiôres
Sainte - Marie - aux - Mines
(Markirch)
SOUFRE
25,77
23,52
26
25,30
2C,83
23,94
26,03
19,50
25,00
12,16
1,50
10,19
37,98
25,33
39,80
81,30
40,60
0,86
8,72
7,50
1,70
4,66
ZINC
7,29
3,10
Mercure
6,30
3,70
0,62
17,71
6,25
0,70
0,60
On distingue deux types principaux de cuivre gris : le
cuivre gris antimonial ou panabase et le cuivre gris arse-
nical ou tennantite (V. ces mots).
Minerais utilisés dans la métallurgie du cuivre. La
plupart des minerais de cuivre ne présentent d'intérêt que
pour le minéralogiste, un petit nombre seulement se ren-
contrent avec assez d'abondance et sont assez riches en
cuivre pour permettre leur exploitation. On les divise ha-
bituellement en minerais purs et en minerais impurs. Dans
les premiers, on comprend : 4° le cuivre natif de l'Amé-
rique du Nord (lac Supérieur), du Chili, du Pérou, do
Bohvie et de l'Oural ; 2^ le cuivre oxydulé assez fréquent
dans le chapeau de fer des minerais pyriteux, comme au
Chili, dans l'Amérique du Nord, en Australie et en Cor-
nouailles ; 3° le cuivre oxydé noir qui n'est guère exploité
qu'au lac Supérieur ; 4^ les minerais carbonates comme la
malachite et l'azurite ; la première provient de Sibérie,
d'Australie, du Banat et des colonies portugaises de l'Afrique;
la seconde est exploitée principalement en Australie et en
Cornouailles ; 5^ le cuivre hydrosilicaté que l'on extrait,
mélangé à d'autres minerais de cuivre, au Chili, au lac
Supérieur et dans l'Oural ; 6^ les minerais sulfurés simples
comme le cuivre sulfuré ou vitreux, extrait dans le Cor-
nouailles et au Chili; 7^ les minerais sulfurés ferrugineux, de
beaucoup les plus abondants, proviennent de Suède, d'Es-
pagne, d'Allemagne, de Cornouailles, de Cuba, de l'Amé-
rique du Sud, de l'AustraHe, de la côte d'Afrique, etc. ;
8® l'atakamite ou cuivre chloruré, dont quelques gisements
sont exploités au Chili et sur la côte 0. de l'Amérique du
Sud. Dans la classe des minerais impurs, on doit ranger :
4 ^ le cuivre panaché qui provient des mines de Toscane
(Monte Catini) et du Chih ; 2^ les différentes variétés de
cuivre gris, souvent assez argentifères pour être exploitées
plutôt comme minerai d'argent que comme minerai de
cuivre, et dont les principales mines sont dans le Colorado
et la Nevada (Etats-Unis), à Mouzaïa (Algérie), dans la
haute vallée d'Anniviers (Suisse), dans le Tirol, la Tos-
cane et en Hongrie ; 3^ les schistes cuprifères, exploités
dans le Mansfcfd, à Stollberg dans le lïartz, et à Riechelds-
dorf, dans la liesse. La France ne possède qu'un petit
nombre de gisements, quatre-vingt-huit environ ; quelques-
uns seulement ont été exploités avec profit, mais ils sont
aujourd'hui à peu près épuisés; nous citerons ceux de
Chessy et Saint-Bel (Rhône), Huelgoat et Poullaouen (Bre-
tagne), la Prugne (Allier), les mines du Var, de l'Aude,
des Alpes-Maritimes, de la Savoie, de la Loire, des Basses-
Pyrénées et de la Corse. Les gisements du cap Tenez et
de Mouzaïa (Algérie), ceux de Balade (Nouvelle-Calédonie)
contribuent pour une certaine part à alimenter la métal-
lurgie française. Dans les autres pays d'Europe, les prin-
cipaux gisements sont ceux de Cornouailles, du pays de
Galles, du Devonshire, en Angleterre; du Rio Tinto dans
la province de ïïuelva en Espagne; de Santo Domingo,
Aljustrel et Grandolo en Portugal ; de Monte Catini (Tos-
cane) en Italie ; de Rammelsberg, du Harz, de la Thu-
ringe et du Mansfeld en Allemagne ; de la Transylvanie en
Autriche-Hongrie; de Fahlun, de Linkœping, Orebro et Os-
tcrsund en Suède ; de Roraas et Throndhjem en Norvège.
En Asie, les mines les plus importantes sont celles que
possède la Russie dans les monts Ourals en Sibérie, d'autres
gisements également considérables sont exploités en Chine
et au Japon, ou commencent à l'être en Perse et en Armé-
nie. Les Etats-Unis d'Amérique possèdent des mines d'une
grande richesse dans l'Etat de New- York, dansleMaryland,
en Pennsylvanie, dans le Massachusetts, en Californie, sur
les bords du lac Supérieur, etc. Le cuivre se rencontre
en abondance dans presque toutes les autres contrées dos
deux Amériques, au Canada, au Mexique, au Chih, au
Pérou, dans la Bolivie, etc. En Afrique, quelques gisements
commencent à être exploités, en Algérie, et dans les colo-
nies anglaises et portugaises. En Australie, l'exploitation
des mines de cuivre a pris depuis quelques années une
importance considérable; il faut citer les gisements de
Wallaroo, Moonta, Burra-Burra etNorth Yelta dans l'Aus-
CUIVRE
— 588
IL CHIMIE, — Formules
tralie du Sud et les mines de Queensland, de Victoria,
et de la NouYelle-Galles du Sud. Ch. Girard.
Equiv 31,75
Atom 63,75
Le cuivre est un métal connu depuis les temps les plus
reculés. C'est le y^alvÀv d'Homère, Vœs cypriiim ou
simplement le cuprwn des Romains, noms dérivés de
l'île de Chypre ; aussi les alchimistes avaient-ils donné au
cuivre le surnom d'Aphrodite Vénus (déesse de l'Ile do
Chypre) (V. Bronze, t. VIII, p. 137). Il est très répandu
dans la nature ; on le rencontre à l'état natif d'oxydes,
de carbonates, de pyrites cuivreuses, de sulfosels, etc. ;
on a constaté sa présence dans quelques eaux miné-
rales, dans les dépôts ocreux, dans plusieurs végétaux,
dans toutes les roches primordiales (Dieulafait). Le cuivre
du commerce est rarement pur ; il contient le plus souvent
des traces de fer, de plomb, d'étain et même d'argent.
Pour l'obtenir chimiquement pur, on précipite avec des
lamelles de fer découpées une dissolution de sulfate de
cuivre bien pur ; on fait digérer le précipité avec de l'acide
chlorhydrique pour enlever le fer, on le sèche et on le
fond avec du borax contenant un peu d'oxyde de cuivre,
afin d'enlever les dernières traces de métaux étrangers. Il
reste au rouge vif un culot métalhque, recouvert d'une
scorie vitreuse, colorée en rouge foncé par de l'oxydule de
cuivre. Erdmann et Marchand conseillent de faire cristal-
liser plusieurs fois le sulfate de cuivre, d'abord dansl'acide
azotique étendu, puis dans l'eau, avant de le décomposer
par voie électroly tique. Le dépôt est transformé en nitrate,
qu'on calcine dans un creuset de platine, l'oxyde étant*
ensuite réduit dans un courant d'hydrogène. Cette réduc-
tion donne un cuivre très divisé ; elle s'effectue à chaud,
dans un tube de verre, qui se recouvre ordinairement
d'une mince couche métallique, transparente, laissant pas-
ser une lumière verte, analogue à celle de l'or.
Propriétés physiques. Le cuivre est rouge jaunâtre,
d'un rouge vif par réflexion et vert par transparence ; sa
saveur et son odeur sont faibles et désagréables, surtout
par le frottement ; sa dureté est faible ; il est ductile et
très malléable ; il peut s'étirer en fils très fins, doués d'une
grande ténacité. C'est, après le fer, le plus tenace des
métaux ; un fil de 4 milHm. de section supporte un poids
de 34 kilog. 4 avant de se rompre. Sa chaleur spécifique
entre 0 et 400° est de 0,0949 (Regnault) ; son coefficient
linéaire, pour les mêmes températures, est de 0,004879
pour le cuivre fondu, et de 0,004769 pour le métal battu ;
celui de dilatation cubique est de 0,0000545 (Dulong).
Ses conductibilités calorifique et électrique sont un peu
plus faibles que celles de l'or et de l'argent. Il est faible-
ment diamagnétique (Becquerel). Sa densité varie entre
8,85 et 8,952, selon qu'il a été fondu ou travaillé; elle
est de 8,94 pour le cuivre natif cristallisé (Erdmann et
Marchand). Il fond vers 4450" (Debray) et se vaporise
très lentement en colorant en vert la iflamme du foyer.
Toutefois, la quantité volatiUsée est fort minime et on peut
admettre que, dans ses applications, le cuivre est un métal
fixe.
Le spectre du cuivre donne les raies suivantes évaluées
en longueur d'onde: 638, 578,4, 570 (vive); 529,2,
54,7 (très vive); 543,3 (très vive); 540,5 (vive); 465,4
(vive). Le chlorure donne de belles bandes bleues, à double
dégradation vers la gauche, notamment avec 543,9 et 526
(vives), 550,6 et 538 (très vives) (Thalen). Lorsqu'on
chauffe, dans la flamme d'un bec de Bunsen, une perle
d'oxyde de cuivre contenant un chlorure, un bromure ou
un iodure, la coloration de la flamme permet de caracté-
riser la métalloïde : le chlore donne une flamme bleue, de
pourpre ; avec le brome, elle est d'un bleu bordé de vert,
tandis qu'elle est verte avec l'iode.
Propriétés chimiques. Exposé à l'air humide, le cuivre
se recouvre d'une couche d'hydrocarbonate vert, qu'on
désigne sous le nom de vert-cle-gris ; cette couche super-
ficielle, qui protège la masse d'une oxydation ultérieure,
constitue la platine des statues anciennes et des objets d'art
en cuivre ou riches en cuivre, ayant subi l'action du temps.
On trouve parfois des médailles cuivreuses transformées en
oxydulc de cuivre, cristallisé en octaèdres et en cubo-
octaèdres brillants, recouverts d'une couche de carbonate
de cuivre (Becquerel). Toutefois, le cuivre est à peine oxy-
dable dans un air sec, et il conserve son éclat métalhque
sous l'eau de chaux ou dans une solution de carbonate
sodique. Chauffé au rouge blanc, il brûle avec une flamme
verte : longtemps chauffé à l'air, il se ternit, prend une
teinte successivement jaune, violacée, noirâtre, par suite
de la formation d'oxydule et d'oxyde de cuivre. Il ne
décompose l'eau que faiblement, même au rouge blanc, et,
même dans ce cas, Regnault admet que l'eau est dissociée
et que c'est l'oxygène mis en Uberté qui se fixe sur le
métal. Le cuivre ne se dissout que très lentement à chaud
dans l'acide chlorhydrique, avec dégagement d'hydrogène
et formation de chlorure cuivreux ; l'attaque n'a lieu à
froid qu'avec du cuivre très divisé (Weltzien) ; avec l'acide
iodhydrique concentré, l'attaque est vive et l'hydrogène
qui se dégage brûle avec une flamme vert émeraude. L'ac-
tion de l'acide sulfurique est complexe : l'attaque com-
mence vers 49^ et il ne se dégage des gaz qu'à partir de
430° ; il se fait alors du sulfate de cuivre, du sulfure cui-
vreux, de l'eau, et il se dégage de l'acide sulfureux (Spen-
cer-Pickering) ; vers 200°, la dissolution a lieu sans for-
mation de sous-sulfure, mais il reste un résidu insoluble
de soufre libre et de protosulfure. L'acide azotique fumant
donne lieu aux mêmes phénomènes de passivité que le fer ;
avec l'acide étendu, l'attaque est vive, avec dégagement
de bioxyde d'azote, contenant des quantités variables de
protoxyde d'azote. L'eau régale fournit du chlorure cui-
vrique. Projeté dans un flacon de chlore, le cuivre, en
tournure ou en limaille, se combine au métalloïde avec
inflammation. Au contact de l'ammoniaque, il donne une
solution bleue, avec production d'azotite d'ammonium
(Schœnbein) ; c'est le réactif de Schweitzer qui jouit de la
singulière propriété de dissoudre la cellulose. D'après Ber-
thelot et Péan de Saint-Gilles, il y a un rapport constant
entre les quantités formées • d'oxyde et d'acide azoteux,
l'oxygène absorbé par le métal étant précisément double de
celui qui se fixe sur l'ammoniaque, conformément aux
équations suivantes :
AzH^ -f- 30^ = AzHO^ + H^O^
6Cu2+602=r42CuO
Oxydes de cuivre. — En se combinant à Toxygène, le
cuivre donne naissance à six combinaisons :
4^ Soiis-Oxydule de cuivre, WO. Ce corps, qui est
analogue au sous-oxyde d'argent, a été découvert par
Henry Rose et désigné sous le nom de quadrantoxyde de
cuivre. On le prépare en ajoutant au protochlorure d'étain,
dissous dans la potasse, la quantité strictement nécessaire
pour enlever à l'oxyde de cuivre formé les trois quarts de
son oxygène. C'est une poudre olivâtre, altérable à l'air, que
l'acide sulfurique étendu attaque immédiatement avec dépôt
de cuivre métallique, alors que lahqueur se colore en bleu.
2° Oxydule de cuivre, Cu^O. L'oxydule de cuivre ou
oxyde cuivreux, cuprite des minéralogistes, se trouve dans
la nature en cristaux, qui appartiennent au système cubique.
On l'obtient aisément par voie sèche ou par voie humide ;
par exemple, en chauffant une solution d'acétate de cuivre
avec du sucre, on obtient un oxydule d'un brun violet,
cristallisé en octaèdres. Sa densité varie de 5,375 à 6,45;
sa dureté est comprise entre 3 et 4. Il fond au rouge et
se dissout dans les fondants en produisant un verre rouge-
rubis que la flamme oxydante fait passer au vert. Il donne
avec l'ammoniaque une dissolution incolore, qui bleuit au
contact de l'air. Les réducteurs, comme l'hydrogène, le
charbon, le potassium, le ramènent à l'état métallique.
Tous les oxacides le dédoublent en sels cuivriques et en
cuivre métalhque. Préparé par voie humide, il est hydraté.
Il peut former des sels cuivreux, comme l'hyposulfite cui-
vreux, des sulfites cuivroso-cuivriques, etc.
589 —
CUIVRE
3<* Oxyde cuivrique^ CuO. On l'obtient à l'état anhydre
par la calcination prolongée du cuivre à l'air ou en calci-
nant au rouge sombre l'azotate, le carbonate ou l'hydrate
cuivrique. Becquerel l'a préparé en fondant à une tempé-
rature modérée, dans un creuset d'argent, 1 p. d'oxyde
avec 5 p. de potasse pure à l'alcool. Il est alors en cris-
taux orthorhombiques, d'une densité de 6 environ. Chauffé
au rouge vif, il fond, perd de l'oxygène et se transforme
en oxyde salin ; il est également réduit à chaud par l'hy-
drogène et le charbon ; par le potassium et le sodium, .
avec ignition ; beaucoup de substances organiques le ramè-
nent à l'état d'oxydule. L'ammoniaque le dissout pour for-
mer une liqueur d'un bleu foncé, connue sous le nom de
bleu céleste.
L'hydrate cuivrique, CuHO^, existe sous deux variétés.
La première se prépare en précipitant un sel cuivrique
dissous par la potasse ou la soude ; le précipité, qui est
bleu, se déshydrate et noircit dans l'eau bouillante. La
seconde, signalée par Péligot, se forme lorsqu'on verse de
l'eau en excès, soit dans la solution bleue fournie par
l'ammoniaque sur le cuivre, en présence de l'air, soit sur
les azotites de cuivre et d'ammoniaque. C'est alors un pré-
cipité d'un beau bleu, qui résiste à l'action de l'eau bouil-
lante et qui absorbe lentement l'acide carbonique de l'air,
sans changement de couleur. L'ammoniaque concentrée en
dissout 7 à 8 °/o de son poids, d'où résulte une solution
qui est préférable au réactif de Schweitzer pour dissoudre
la cellulose.
4^ Sesquioxyde de cuivrée, Cu^O^. Ce corps, qu'on
n'a pas encore isolé, paraît se former lorsqu'on couvre de
l'hydrate cuivrique avec un hypochlorite alcalin (Frémy),
ou par Faction du chlore sur une lessive de potasse, tenant
de l'hydrate en suspension (Kriiger). Dans les deux cas, on
obtient une solution rouge ou brune, très instable, déga-
geant spontanément de l'oxygène, avec séparation d'oxyde
de cuivre noir.
5° Oxyde salin, Cu^0^=:Cu0.2Cu^0. Calciné au rouge,
l'oxyde cuivrique perd 8,1 °/o d'oxygène. Traitée par les
acides, la masse fondue donne un mélange de sels cuivreux
et cuivriques. En traitant une solution de chlorure cui-
vreux dans l'hyposulfite de soude par un grand excès
d'ammoniaque, Siewert a obtenu un sel bleu qui, traité
à chaud par la potasse étendue, fournit un précipité
cuproso-cuprique, ayant pour formule Cu^O. CuIIO^. L'ad-
dition d'ammoniaque à une solution de chlorure cuivreux
dans le chlorure de sodium laisse déposer lentement une
poudre d'un bleu clair, répondant à la formule
Cu20.2CuO + 5Aq.
6*^ Bioxyde de cuivre, CuO^. Il a été préparé par
Thénard en versant sur de l'hydrate cuivrique gélatineux,
refroidi à zéro, une dissolution étendue d'eau oxygénée ;
on peut encore ajouter à basse tempér-ature un léger excès
de potasse dans une solution d'azotate de cuivre et d'eau
oxygénée. Werner Schmidt abandonne pendant trois se-
maines un mélange formé d'une solution cuivrique et de
peroxyde de manganèse :
^ CuO.SQs 4- MnO^ z= MnO.SO^^ + CuO^.
Le bioxyde de cuivre est brun jaunâtre, peu stable, car
il se détruit au-dessous de 400* et dégage de l'oxygène ;
à l'état humide, il se décompose spontanément en moins
de douze heures. Traité par l'acide chlorhydrique, il donne
du chlorure cuivrique, de l'eau, du peroxyde d'hydrogène
ainsi qu'un peu d'oxygène libre (Weltzien).
Sels de cuivre. — Les s*:'^^^:;^^;?^^^.^' sont généralement
incolores ou rouges. Ils donnent : avec r ammoniaque,
une dissolution incolore, qui devient rapidement bleue au
contact de l'air ; avec les alcalis et les carbonates alca-
lins, un précipité jaune brun, soluble dans un grand excès
d'ammoniaque ; avec Yhydrogène sulfuré et le sulfhy-
drate d'ammoniaque, un précipité noir ; avec Viodilre
de potassium; un précipité blanc d'iodure cuivreux ; avec
le cyanure de potassium, un précipité blanc, soluble
dans un excès 'de réactif ; avec le ferrocyanure, un pré-
cipité rosé ; avec le ferricyanure, le précipité est rouge
brun. La plupart des acides transforment les sels cuivreux
en sels cuivriques, mettant à nu du cuivre métallique. La
plupart de leurs solutions acides ou ammoniacales absor-
bent l'oxyde de carbone, en proportion d'autant plus con-
sidérable que la température est plus basse.
Les sels cuivriques donnent : avec les alcalis en excès,
un précipité bleu d'oxyde cuivrique hydraté, devenant noir
à chaud ; avec Vammoîiiaque, un sel basique, qui se redis-
sout dans un excès de réactif, en formant une liqueur d'un
bleu foncé; avec les carbonates alcalins, à froid, un pré-
cipité volumineux, bleuâtre, devenant vert par des lavages
à l'eau chaude ; avec Vhydrogène sulfuré, un sulfure
noir, insoluble dans les alcalis et dans les acides étendus ;
même réaction avec le sulfure d'ammonium ; avec Vio-
dure de potassium, un précipité blanc d'iodure cuivreux,
tandis que le cyanure de potassium donne un précipité
jaune verdâtre. Chauffés sur le charbon, avec le carbonate
sodique, les sels de cuivre fournissent un globule métal-
lique. Avec le borax, la perle est transparente, verte, à
chaud, bleu clair à froid ; au feu de réduction, elle se déco-
lore, mais devient rouge et opaque par le refroidissement;
même réaction avec le sel de phosphore. Les composés de
cuivre communiquent à la flamme une teinte verte ou d'un
vert bleuâtre ; les chlorures fournissent une flamme bleue,
bordée de pourpre ; les bromures, une flamme bleue, bor-
dée de vert ; les iodures, une coloration d'un vert éme-
raude. Les sels de cuivre sont fort nombreux. Les plus
importants sont ceux qui résultent de la combinaison du
cuivre avec les halogènes et avec les acides, les sulfites et
les hyposulfites, les sulfates, les carbonates.
Le chlorure cuivreux, Cu^Cl, obtenu par réduction du
chlorure cuivrique, cristallise dans l'acide chlorhydrique
bouillant en tétraèdres incolores, devenant bleus à la
lumière (Mitscherhch). Il est insoluble dans l'eau, soluble
dans l'acide chlorhydrique. Cette solution saturée d'oxyde
de carbone fournit des cristaux ayant pour formule
4Cu^C1.3C0.7Aq. Ce curieux composé, d'après M. Berthe-
lot, s'altère rapidement à l'air, perd de l'oxyde de carbone
et répond peut-être à la formule plus simple, Cu^Cl.CO.Aq.
Le chlorure cuivreux forme des sels doubles avec les chlo-
rures de potassium, de sodium et d'ammoniaque, de baryum
et de sublimé.
Le chlorure cuivrique anhydre, CuCl, s'obtient en
faisant passer du chlore en excès sur du cuivre métallique
ou sur du chlorure cuivreux. Il dégage du chlore au rouge
sombre et donne un chlorure cuproso-cuprique :
3CuCl=:Cl + Cu^Cl.CuCl.
A une température plus élevée, il ne reste plus que du
chlorure cuivreux.
Le chlorure cuivrique hydraté se forme au moyen du
précédent exposé à l'air humide ou en dissolvant l'oxyde
ou le carbonate cuivrique dans l'acide chlorhydrique. Avec
12 équiv. d'eau, il est bleu, tandis qu'il est vert lorsqu'il
répond à la formule CuCl,2IP02. Il fournit des sels doubles
avec les chlorures alcalins ; il se combine également avec
2, 3, 4, 6 équivalents d'oxyde de cuivre pour engendrer
des oxy chlorures.
Le bromure cuivreux se prépare en introduisant du
cuivre en feuilles dans un petit matras, chauffant au rouge
sombre et ajoutant du brome goutte à goutte (Berthelot).
Il fond, et, parle refroidissement, il se prend en une masse
gris verdâtre, à cassure cristaUinc, translucide en lames
minces, d'une densité de 4,92. Il est insoluble dans l'eau,
soluble dans l'ammoniaque et les hydracides.
Le bromure cuivrique, CuBr, qui se forme lorsqu'on
dissout l'oxyde cuivrique dans l'acide bromhydrique, ou le
cuivre dans un mélange de cet acide et d'acide nitrique
(Berthelot), cristallise en prismes rectangulaires, déliques-
cents, donnant avec l'eau une solution vert émeraude.
Chauffé au rouge, il perd la moitié de son brome et se
transforme en bromure cuivreux.
Uiodure cuivreux, Cu-I, qu'on obtient en chauffant
CUIVRE
— 590 --
l'iode avec du cuivre très divisé ou en plongeant une lame
de cuivre dans une solution d'iode, ou encore en dissolvant
lo cuivre dans l'acide iodliydrique concentré, est une poudre
grise, hydratée, d'une densité de 4,41 . A chaud, il perd
son eau do cristallisation, fond en une masse brune, qui
devient verdâtre à froid. 11 se dissout dans l'ammoniaque,
riiyposulfite de sodium, le cyanure de potassium et les acides
étendus (Renault).
Uiodure cuivrique se forme lorsqu'on fait digérer à
une douce chaleur l'iodure cuivreux avec une solution alcoo-
lique d'iode. On obtient une solution brune qui, traitée par
l'ammoniaque, engendre des bases ammoniacales.
Le fluorure cuivreux, Cu'Fl, prend naissance lors-
qu'on arrose l'hydrate cuivreux avec de l'acide lluorhy-
drique aqueux. Corps rouge, inaltérable dans l'air sec,
jaunissant rapidement à l'humidité, avec formation d'oxy-
dule et de fluorure cuivrique :
2Cu¥l + 0 = 2CuFl + Cu '0.
Le fluorure cuivrique^ CuFl + IPO''^, se prépare en
dissolvant l'oxyde ou lo carbonate cuivrique dans un excès
d'acide fluorhydrique. A Févaporation, la hqueur bleue
laisse déposer des cristaux bleus, très solubles dans une
petite quantité d'eau, donnant à chaud un sel basique, en
présence d'un excès d'eau (Berzélius).
IjQ sulfate de cuivre est anhydre ou hydraté. On connaît
des hydrates contenant 1, 2, 5, 6 et 7 équivalents d'eau,
ainsi qu'un certain nombre de sulfates basiques.
Le sulfate ordinaire, vitriol de cuivre ou vitriol
^/(?ti, SCuO^ + 5Aq, cristallise on beaux prismes bleus,
appartenant au sixième système cristallin ; sa densité est
de 2,3 ; iOO p. d'eau à 10^ en dissolvent 36 p. 95, et
42 p. 3 à la température de 20° (Poggiale) ; il est égale-
ment très soluble dans la glycérine, mais il est insoluble
dans Falcool et l'acide acétique glacial le précipite entière-
ment de ses dissolutions aqueuses (Persoz). Exposé à l'air,
il s'effleurit, perd 2 équivalents d'eau ; il en perd encore
autant à 100" et no devient anhydre qu'au-dessus de 200°.
Traité par une dissolution chaude d'ammoniaque, il fournit
une dissolution d'un beau bleu, qui abandonne par le
refroidissement des cristaux bleu foncé, ayant pour for-
mule SGuO''* + 2AzH'^+Aq. 11 forme avec les sulfates
alcalins des sulfates doubles, facilement cristaUisables ; ces
sels prennent également naissance, mais à proportions
variables, avec les sulfates de magnésie, de fer, de zinc,
de nickel, etc. Tous ces composés, formés à la température
ordinaire, renferment 5 équiv. d'eau lorsque le sulfate de
cuivre domine ; dans le cas contraire, ils contiennent
7 équiv. ; ils sont isomorphes entre eux, toutes les fois
qu'ils ont la même quantité d'eau de cristallisation.
Lorsqu'on fait digérer l'oxyde de cuivre hydraté avec
une dissolution de sulfate de cuivre, il se fait une poudre
verte, qui représente un sous-sulfate hydraté,
SGuO'\2Cuq+3Aq.
Des sous-sels analogues se précipitent dans la précipitation
incomplète du sulfate de cuivre par les alcahs. D'après
Roucher, Reindcl, Smith et Kane, on peut ainsi préparer
la série suivante :
l'^ Sulfate monobasique. SCuO^.CuO (Roucher)
2° — bibasique. . . . SCu04.2GuO + 2Aq (Reindcl)
3° — tribasiquc . . . SCuO'^3CuO + oAq (Smith)
4° — tétrabasique , SCu04.4GuO + 5Aq (Smith)
50 _ heplabasique. SGu0^.7GuOH-12Aq (Kane).
JJawtate de cuivre, AzGuO'\3Aq, se prépare en dis-
solvant le cuivre ou l'oxyde dans l'acide azotique d'une
densité de 1,42. La dissolution, d'abord verte, no tarde
pas à bleuir et à laisser déposer des cristaux qui possèdent
la composition ci-dessus^ si la cristallisation a lieu vers 25° ;
au-dessous de 20°, il se produit des tables rhomboïdales
à 6 équiv, d'eau. Dans Fair sec, ce dernier sel s'effleurit,
devient opaque ; il fond vers 38° dans son eau de cristal-
lisation et se décompose déjà vers ()5°, avec formation d'un
sel basique. Le sel à 3 équiv. fond à i i 4^5, puis se décom-
pose comme le précédent vers 170°. A la calcination, les
deux hydrates ne laissent qu'un résidu d'oxyde cuivrique
pulvérulent. L'azotate neutre de cuivre est déliquescent,
très soluble dans l'eau, ainsi que dans l'acide azotique
étendu, mais cet acide concentré le précipite de sa solution
aqueuse sous forme d'une poudre cristalline (Mitscherlich).
Il détone sur des charbons ardents ; mêlé au phosphore, il
fait explosion par lo choc ; sa dissolution dans l'azotate
d'ammoniaque, évaporée à sec, peut donner lieu à une vio-
lente explosion.
Uawtate basique, AzCuO^.GuO + 3Aq, se forme lors-
qu'on chauffe le sel neutre vers 170° ou encore lorsqu'on
additionne la solution de ce sel d'un alcaH, d'hydrate cui-
vrique ou même de cuivre métalHque. Poudre cristalline,
d'un bleu verdâtre, insoluble dans Feau, très soluble dans
les acides. Il ne se décompose qu'à une température élevée
en dégageant de l'acide azotique, des vapeurs nitreuses, de
l'eau et de l'oxygène.
Carbonates de cuivre. — Lorsqu'on verse un carbonate
alcalin dans une dissolution de sulfate de cuivre, il se pro-
duit un précipité gélatineux, d'un bleu clair, ayant pour
composition 2GuO.CO^ + 2Aq ; il se transforme peu à
peu en une poudre verte, qui ne renferme plus qu'un seul
équivalent d'eau. Fait-on bouilhr la liqueur avec le préci-
pité, il se dépose une poudre brune de protoxyde de cuivre
anhydre. Le sel vert est employé dans la peinture sous le
nom de vert minéral. On trouve dans la nature un sel
vert, la malachite, ayant pour formule GuO.GO^H-CuHO^,
qui peut se présenter sous forme de masses compactes, uti-
lisables pour confectionner des objets d'ornement. Un autre
carbonate naturel a pour composition 2GuO.GO^ + CuHO'^ ;
il est en cristaux bleus, bleu clair en poudre fine ; dans ce
dernier cas, on lui donne le nom de bleu de montagrie ou
de cendres bleues naturelles ; c'est Vazurite (V. ce mot)
des minéralogistes. On connaît non seulement des carbo-
nates bibasiques et tribasiques, comme les précédents, mais
encore des carbonates hexabasiques et octobasiques
(Field, De ville) ; des carbonates doubles avec les alcahs,
comme ceux de potasse et de soude.
Acétates de cuivre (V. t. I, p. 360).
Arsénites de cuivre. —Va7'sénite7îe2dre,%nO.AsÙ^.
Aq, qui est employé dans la peinture à l'huile sous le nom
de vert de Scheele, se prépare en dissolvant 3 kilogr. de
carbonate de potasse et 1 kilogr. d'acide arsénieux dans
14 kilog, d'eau ; on ajoute peu à peu cette hqueur dans
une dissolution bouillante de 3 kilogr. de sulfate de cuivre
dans 10 litres d'eau. Poudre d'un beau vert perroquet,
vénéneuse, qui dégage à chaud des vapeurs arsenicales ;
elle se dissout dans la potasse avec une couleur bleue, mais
se décompose bientôt avec production d'oxydule de cuivre ;
la dissolution ammoniacale est incolore.
Arséniates de ciiivre. Il en existe plusieurs dans la
nature, Volivénite, par exemple, qui a été reproduite arti-
ficiellement par Debray.
Varséniate bibasique, 2CuO.AsO^ + 3Aq, s'obtient
en évaporant à 70° une dissolution d'acide arsénique avec
du carbonate de cuivre. Petites paillettes, d'un bleu pâle
(Debray).
_ Varséniate tribasique , 3GuO.AsO^ -f- 4Aq, est le
résuhat de l'action de l'azotate de cuivre sur l'arséniate de
chaux, à une température de 50 à 60°. Poudre bleue,
aniorphe (Debray). La trichalcite, qui cristallise en
aiguilles soyeuses, verdâtres, avec 5 équivalents d'eau,
possède la même composition. On rencontre dans la nature
des combinaisons de l'acide arsénique avec 4, 5, 6, 8 mo-
lécules d'oxyde de cuivre, comme Volivénite et Veu--
cliroïte, Vérinite et la cornewallite, la tiroUtc, Vapha-
nèse, la chalcophyllite.
Silicates. ~- L'oxyde de cuivre se combine par fusion
avec l'acide sihcique en plusieurs proportions pour engen-
drer des masses vitreuses, d'un vert plus ou moins foncé.
Kn ajoutant une solution cuivrique dans une solution d'un
silicate alcalin, il se fait un précipité basique bleu verdâtre»
— 591 —
CUIVRE
En fondant, à l'abri de Fair, Toxydnle de cuivre avec la
silice, on obtient un verre d'un rouge pourpre. On connaît
deux silicates naturels: Isidioptase, CuO.SiO^-h Aq, qui
cristallise en rhomboèdres, d'un vert émeraude ; la cJmjso-
cale, CuO.SiO^ + 2Aq, corps amorphe, d'un vert bleuâtre.
Ed. BOURGOIN.
m. CHIMIE INDUSTRIELLE. --L'extraction du cuivre,
telle qu'on la pratique aujourd'hui, avec des minerais ne con-
tenant qu'une faible quantité de cuivre, présente de nom-
breuses difficultés et des procédés différents suivant la na-
ture et la richesse des minerais exploités. Le traitement
particulier de chaque minerai nous entraînerait dans des
détails peu intéressants, nous nous contenterons de donner
les méthodes générales. On peut les classer de prime abord
en deux grandes classes se divisant elles-mêmes en plu-
sieurs procédés. La première classe comprend les procédés
par voie ignée ou voie sèche ; la deuxième, les procédés
par voie humide.
Traitements par voie sèche. — Les méthodes prin-
cipales entrant dans cette catégorie sont : la méthode con-
tinentale, la méthode anglaise, la méthode mixte, et
l'application du fourneau Ressemer qu'on emploie depuis
quelque temps dans la métallurgie du cuivre et qui com-
mence à donner des résultats sérieux.
Méthode continentale. — Cette méthode comporte six
opérations, savoir : 1^ grillage; 2^ fonte pour matte
bronze ; 3^ grillage de la matte bronze ; 4*^ fonte pour
cuivre brut ; 5° affinage du cuivre brut ; 6^ raffinage du
cuivre rosette.
Grillage. Le minerai, dont le plus impur est pris comme
type, est d'abord grillé, Ce grillage s'effectue de plusieurs
façons : en tas, en cases ouvertes ou sur la sole d'un four.
Le grillage en tas est l'enfance de l'art et n'est guère em-
ployé qu'au début d'une exploitation minière, oîi l'on est
forcé d'user d'installations économiques. Les tas, établis
sur une aire plane et sèche, surélevée de 30 centim. au-
dessus du sol, sont rectangulaires ou carrés. Les tas carrés
ont de 6 à 42 m. de côté, ceux qui sont rectangulaires ont
6 m. de large et une longueur indéfinie. Ils ont toujours la
forme d'une pyramide tronquée ne s'élevant guère au
delà de 2 m. 50 centim. au-dessus du sol, une plus grande
hauteur rendant l'oxydation trop difficile au centre, et par
suite trop irrégulière. L'aire étant préparée, on étend sur
la sole un lit de fagots ou de bois, sur lequel on empile le
minerai en ayant soin de placer les gros morceaux au
centre et le menu au dehors, et de ménager des cheminées
de distance en distance. Lorsque ce menu se trouve en trop
grande quantité pour obtenir un tirage régulier, il faut
avoir soin de ménager des cheminées supplémentaires dans
la masse. On met le feu au lit de combustible, la combus-
tion se propage peu à peu de fragment en fragment et se
maintient par suite de l'oxydation du soufre et du fer. Le
seul soin qu'il faut avoir est de régler la marche du feu en
recouvrant plus ou moins le côté exposé au vent. Une opé-
ration dure de deux à cinq mois. Ce procédé n'est économique
que lorsqu'on ne peut recueiUir le soufre ou lorsqu'on a
affaire à des pyrites disséminées dans des schistes bitumi-
neux qui servent de combustible, comme les minerais de
Mansfeld. On comprend que, quel que soit le soin apporté
au réglage de la combustion, le grillage est inégal ; cer-
taines parties sont trop oxydées pour d'autres qui ne le sont
pas assez. De plus, le soufre se trouve perdu et l'acide
sulfureux qui se dégage détruit toute végétation sur un
rayon quelquefois très étendu. On préfère, quand c'est
possible, effectuer le grillage en cases, qui donne lieu à
une consommation de combustible et de main-d'œuvre, mais
qui permet, par contre, de recueillir sinon la totalité, du
moins une bonne partie du soufre et quelquefois du mer-
cure sublimé comme en Hongrie, à Altwasser, Igiozlana, etc.
Il présente, comme le procédé précédent, quoique à un
degré moindre, l'inconvénient de donner un grillage peu
réguher. Cette irrégularité a souvent une faible importance
puisqu'on cherche rarement à éliminer complètement le
soufre, qui doit servir dans le minerai à produire la sépa-
ration des mattes. Néanmoins, lorsqu'on veut obtenir un
grillage économique plus complet et surtout plus réguher,
le minerai brocardé est grillé dans un four à cuve. Le plus
économique des fourneaux à cuve est connu en Angleterre
sous le nom de Kilns. Le type le plus simple, représenté
par la figure ci-dessous (fig. 1), a ses orifices «de char-
gement en A, de déchargement en R et C. Des ouvertures
latérales F, F^ servent cle carneaux de nettoyage et per-
mettent de sonder la matière avec un ringard. Les gaz
s'échappent par la cheminée G et sont conduits dans des
chambres pour la fabrication de l'acide sulfuriquc.
Fig. 1. ~ Four de grillage anglais. A, gueulard; B, C,
orifices de déchargement; F, F', carneaux de nettoyage ;
G, cheminée ; H, soie du four.
Ces fours ont 2 m. de haut, 1^ 25 de côté au faite
et 65 centim. à sa base. Ils peuvent griller 250 tonnes de
minerai en quatre semaines avec une dépense de 1 m. c.
de bois par tonne de minerai. La masse, à qui l'on fait
souvent subir un second grillage, retient i2 ^/o de soufre
nécessaire à la suite du traitement. Il se forme pendant. ces
grillages une certaine quantité de sulfate de zinc que l'on
peut enlever par lixiviation. Quel que soit le procédé em-
ployé, les réactions qui se produisent sont à peu près les
suivantes. Si la température est basse, il se forme du sul-
fate de fer et du sulfate de cuivre qu'on peut, à la rigueur,
enlever par un lavage méthodique ; mais généralement,
sauf à la surface des tas, la température est suffisante pour
décomposer les sulfates ; de sorte qu'il se produit en fin
de compte de l'acide sulfureux que l'on peut recueillir,
des oxydes et des sulfures incomplètement grillés. Quand
les minerais sont arséniés ou antimoniés, il se forme par-
fois des arséniates et antimoniates, très difficiles à élimi-
miner ; on s'arrange autant que possible à les chasser
pendant le grillage à l'état de sulfures et d'oxydes.
Fonte pour înatte bronze. Dans cette méthode, la fonte
pour matte bronze se pratique dans un four à cuve. On se
servait autrefois de fours à manche, prismatiques, de 2 m.
de haut, avec une seule tuyère au fond. Ces fours étaient
défectueux ; la chaleur se répartissait inégalement : trop vive
au centre, elle était insuffisante le long des bords ; ce qui
donnait lieu à des engorgements fréquents. Le four employé
actuellement (fig. 2) est cylindrique, légèrement évasé en
haut. Le gueulard est muni d'une trémie ; et le creuset
qui est intérieur possède quatre ou cinq tuyères à doubles
parois, disposées symétriquement autour de l'axe de la cuve.
Ces tuyères sont saillantes et l'air arrive avec une pression
de 4 à 6 centim. Le volume d'air varie de 5 à JO m. par
minute. Le mélange de minerai et de fondant est préparé
sur un plancher voisin du gueulard. Il se compose du mi-
nerai bocardé et des fondants auxquels on ajoute les scories
riches qui résultent de la fonte pour cuivre noir. Ce lit de
fusion doit être fait de manière à donner une nouvelle
matte contenant 45 à 20 «/o de cuivre, 50 à 60 ^'/o de fer,
CUIVRE
— S92 —
24 à 25 «/o de soufre, 4 à 2 «/o de métaux étrangers et
une scorie bisilicatée, une scorie basique attaquant trop
rapidement les parois du fourneau. On ajoute parfois du
Fier. 2. — Four à cuve pour matte bronze. A, cuve du
four; B, tuyères; C, sole du four; D, sortie des laitiers;
E, trou de coulée des mattcs ; F, plan incliné; G, canal
de distribution; H^ conduites de vent; J, réservoir; K,
prises de gaz; L, fermeture.
spathfluor pour augmenter la fusibilité de ces scories. Il
serait facile d'obtenir des mattes plus riches en cuivre;
mais la proportion de ce métal dans les scories étant en
raison directe de la richesse de la matte, il est préférable
de rester dans les conditions indiquées plus haut. On charge
le four avec du coke ou du charbon de terre ; lorsqu'il est
allumé, on ajoute des lits successifs de minerai et de com-
bustible. On fait arriver le vent dès que le lit de fusion
approche des tuyères. L'air se transforme d'abord en acide
carbonique et en oxyde de carbone. En arrivant au contact
des pyrites grillées, il se forme de l'acide sulfureux et des
oxydes libres ; l'antimoine et l'arsenic s'échappent à l'état
d'oxydes ou de sulfures. A mesure que la chaleur augmente,
le fondant et les oxydes réagissent l'un sur l'autre pour
former dos silicates fusibles ; le soufre qui n'a pas été oxydé
se combine au cuivre et au fer pour former des sulfures
de cuivre et de fer qui fondent et tombent dans la cuve
où la réaction se termine entre les scories et les mattes.
Lorsque le grillage a été poussé trop loin, il arrive souvent
que le fer se réduit en partie et forme des loups qui arrêtent
la marche du fourneau. L'addition d'une petite quantité de
minerai non grillé suffit pour arrêter cet inconvénient en
apportant la quantité de soufre nécessaire pour trans-
former les métaux non combinés à la sihce en sulfures. Les
mattes fondues sont recueillies à des intervalles assez éloi-
gnés, en les coulant dans des lingotièrcs, ou mieux en les
faisant arriver en filets déliés dans une cuve d'eau froide.
Un fourneau peut marcher un mois ; au bout de ce temps,
il doit être réparé ; après six mois, on est généralement
obligé de le reconstruire. La quantité de minerai que l'on
peut fondre s'élève jusqu'à six tonnes par jour.
Grillage de la matte bronze, La matte bronze, géné-
ralement grenaillée, contient le fer et le cuivre unis au
soufre et à d'autres métaux que l'on n'a pu éliminer. On
chasse une partie du soufre et de ces métaux par un nou-
veau grillage soit en cases, soit dans un four à cuve.
Lorsque la matte est riche, on la grille à mort pour passer
de suite à la fonte pour cuivre brut. Quand la matte est
pauvre, on lui fait subir un ou plusieurs grillages, suivis
d'une fonte de concentration. Nous n'insisterons pas sur
ces grillages et ces fontes, qui se pratiquent dans
les appareils et d'après les procédés énoncés précédem-
ment.
Fonte pour cuivre brut, La fonte pour cuivre brut
se fait dans un four à cuve semblable à celui employé pour
la fonte pour matte bronze. Cette matte bronze grillé est
mélangée à du quartz, des scories bisilicatées provenant
d'opérations précédentes, ou mieux à des minerais de
cuivre très sihcatés. Le lit de fusion doit être neutre et cor-
respondre à la formule SiM. Les scories acides fondent
trop difllicilement, les scories trop basiques fondent plus
facilement, il est vrai, mais corrodent trop rapidement les
fours et favorisent la réduction du fer, réduction qui amène
la formation de loups et arrêt dans la marche du four. La
température a aussi une grande influence, elle doit être
assez basse au début pour décomposer les sulfates et ame-
ner la réaction des oyxdes sur les sulfures pour donner de
l'acide sulfureux et du métal, de façon à éliminer la plus
grande partie du soufre et diminuer la proportion de matte
riche ou matte mince qui contient jusqu'à 50 ^/o de cuivre
et à laquelle on est obligé de faire subir une nouvelle fonte
pour cuivre noir.
La température ne doit jamais être trop haute ; elle doit
avoir une action réductrice assez faible pour réduire le
cuivre sans toucher aux autres métaux.
Les produits sont recueillis deux ou trois fois par vingt-
quatre heures dans un bassin extérieur en brasque, ou,
dans une hngotière enduite d'argile, préalablement chauffée,
pour éviter les projections. Les scories repassent à la fonte
pour matte bronze.
Affinage du cuivre brut au bas foyer. Le cuivre noir
obtenu subit une dernière purification : l'afTinage. Cet affi-
nage a lieu dans le fourneau à petit foyer qui se compose
d'une coupelle en brasque, en argile sableuse, fortement
battue ; de 1 m. de diamètre sur 40 centim. de profondeur,
encastrée entre des plaques de fonte ou dans un massif de
briques réfract aires. Une tuyère plongeante vient effleurer
le bord supérieur de la cavité. Pour affiner le cuivre, on
jette d'abord des charbons enflammés au fond du creuset
que l'on remplit ensuite de charbon noir. On charge les
saumons par-dessus, puis on donne le vent. Le métal fond
et se trouve soumis à l'action de Tair de la tuyère qui
oxyde d'abord le fer, le zinc et le plomb, tandis que le
cuivre est presque inattaqué. Les acides carbonique, sul-
fureux et arsénieux s'échappent, par la cheminée d'appel,
en produisant un bouillonnement qui entraîne les crasses à
la surface. On les écréme de temps en temps. Le charbon
est renouvelé à mesure qu'il disparaît. Lorsque le cuivre
est entièrement fondu, on continue à faire arriver l'air
jusqu'à ce qu'il soit transformé en cuivre rosette. Des prises
d'essai sont faites de temps en temps. La transformation
est complète lorsque la barre de fer froide trempée dans
le bain en fusion se recouvre d'une couche métalhque, peu
flexible, formant un réseau troué possédant une belle cou-
leur pourpre. Le cuivre est alors débarrassé de toutes ses
impuretés ; il ne contient plus guère que 4 ^/o de métaux
facilement réductibles tels que : plomb, étain, arsenic. On
retire alors le charbon, et on projette de l'eau froide à la
surface du bain. Il se forme immédiatement des rondelles
minces que l'on enlève et que l'on refroidit brusquement
en les plongeant dans une cuve d'eau froide.^ Ce procédé
laissant dans le cuivre les métaux les plus nuisibles et né-
— 593 —
CUIVRE
cessitant une grande quantité de combustible, est géné-
ralement remplacé par l'affinage au four réverbère.
Raffinage du cuivre rosette. Cette opération a pour
but d'enlever au cuivre rosette l'oxygène qu'il a absorbé et
qui le rend cassant. Elle se pratiquait également au^ bas
foyer. Aujourd'hui, on emploie généralement le four d'affi-
nage. Ce procédé étant presque abandonné, nécessite peu
de détails. Ce n'est en somme qu'une lente fusion du cuivre
rosette au milieu d'un excès de charbon de bois, qui réduit
le métal en absorbant l'oxygène. Le métal fondu est ensuite
coulé dans des moules.
Méthode anglaise. — La méthode anglaise ne diffère
de la méthode continentale que par la forme des appareils
et une concentration plus grande de la matte pour cuivre
brut. Elle se compose des opérations suivantes : grillage
du minerai, fonte pour matte pauvre ou matte bronze
(coar se métal) ^ grillage de la matte bronze, fonte de con-
centration pour matte riche (matte blanche) {white métal),
rôtissage de la matte blanche, fonte pour cuivre brut, affi-
nage du cuivre brut et raffinage du cuivre rosette.
Grillage. Le grillage s'effectue dans un four réverbère
à sole plane de iO à 45 m. de long. Des portes latérales
permettent de remuer la masse avec des ringards en fer et
de la faire avancer du rampant vers le pont où doit se
donner le coup de feu. Le minerai est chargé dans des
trémies placées sur la voûte d'un four et tombe sur la
sole où il est uniformément étalé avec des racles. La charge
est d'environ trois tonnes. On ferme alors les portes laté-
rales et on laisse le minerai se chauff'er et se griller. On
renouvelle les surfaces en remuant de temps en temps pour
favoriser la combustion du soufre et empêcher le minerai
de s'agglutiner. Le grillage est terminé en douze heures.
On donne alors le coup de feu, qui chasse une grande partie
du soufre par Faction des oxydes sur les sulfures. Il se
forme en même temps une certaine quantité de silicates.
On peut obtenir un grillage absolument complet lorsqu'on
a affaire à des minerais purs. Pour ce cas particulier, le
four qui donne alors les meilleurs résultats est le four de
M. Perret, qui permet de recueillir tout l'acide sulfureux
dégagé. En général, ce grillage doit être incomplet et fait
à basse température dans une atmosphère peu oxydante
pour éliminer l'arsenic et l'antimoine et surtout empêcher
la formation d'arséniates et antimoniates presque indécom-
posables.
Fo7ite pour matte pauvre ou matte bronze (coarse
métal). Cette fonte se fait également dans un four réverbère
différant peu du précédent. 11 a une sole plus grande et
inclinée du côté du trou de coulée. La porte de travail se
trouve sous le rampant. La matte, versée par une trémie
comme dans le four pour grillage, est mélangée avec du
spathfluor ou un fondant capable de vitrifier les matières
terreuses. Le feu est poussé avec activité pour obtenir la
fusion en quatre heures. On donne un coup de feu à la fm
pour rendre la matte plus fluide et la réunir. Les scories
sont enlevées par la porte de travail et la partie fondue
est grenaillée. Cette scorie ne doit contenir que des traces
de cuivre, 1 à 3 millièmes, tandis que la matte possède en-
core 30 à 35 o/q de fer et autant de soufre. L'atmosphère
de ces fours doit être réductrice. La scoriiication de la
gangue et des oxydes métalliques est accompagnée d'un dé-
gagement d'acide sulfureux qui facilite les réactions. La
propriété que possède le sulfure de fer de décomposer le
silicate de cuivre même en présence d'un excès de silice,
amène la réduction de ce métal et sa réunion à la matte à
l'état de sulfure. Quand le minerai a été trop grillé, il se
forme une certaine quantité de cuivre noir qui entraîne le
plomb, l'arsenic et l'antimoine, tandis que la scorie reste
assez riche en cuivre pour nécessiter un nouveau traitement.
Grillage de la matte bronze» La matte bronze gre-
naillée est grillée à nouveau dans un four réverbère. La
température doit toujours être relativement faible et peu
oxydante. Ce grillage, devant être suivi d'une fonte pour
matte blanche, ne doit être poussé à mort que si l'on a
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
affaire à des minerais assez purs et assez riches pour passer
directement à la fonte pour cuivre noir.
Fo7ite pour matte riche ou matte blanche (white
métal). La matte bronze grillée est parfois mélangée à des
scories bisilicatées, mais généralement on ajoute des mine-
rais oxydés ou sulfurés riches contenant 25 à 45 ^/o de
cuivre non ferreux à gangue quartzeuse, les scories d'affinage
et les battitures des atehers de laminage. Le four employé
Fig. 3. — Four pour le grillage des minerais de cuivre.
A, foyer; B, grille; C, tuyère de la soufflerie; D, sole
du four; E, cheminée du tirage.
(fig. 3), doit avoir une sole étendue et peu profonde per-
mettant la continuation des réactions entre la scorie et la
matte. On facilite d'ailleurs l'opération, qui dure environ
cinq heures, en brassant la matière avec un ringard. On
coule le lit de fusion en plaques ou en pains qui sont faci-
lement débarrassés de la scorie qui retourne à la fusion
pour matte bronze. La charge est d'environ 46,000 kilogr.
Les lingots ont pour composition : cuivre, 70 à 80 ^1^;
soufre, lO^/o; fer, 5 à 10 Vo-
Rôtissage de la matte blanche et fonte pour cuivre
brut. La matte blanche est rôtie au rouge sombre sur une
sole légèrement concave, de façon à oxyder ce qui peut
rester de soufre ; puis on augmente la chaleur pour décom-
poser complètement les composés sulfurés. La charge est
de 2,500 kilogr. Le premier rôtissage dure six heures ; on
ouvre les portes pour empêcher la fusion de la matière qui
est alors pâteuse. L'acide sulfureux, en se dégageant, pro-
duit un brassage mécanique. Cette température est maintenue
quatre ou cinq heures ; on rôtit de nouveau, puis, au bout
de dix-huit à vingt heures, on donne le coup de feu, qui
achève les réactions et amène la fusion du cuivre brut que l'on
coule en lingots comme la matte blanche. Le métal obtenu
contient 98 à 99 ^/o de cuivre, 1 à 2 % de fer et 2 ou 3
millièmes de soufre et d'oxygène. La scorie qui renferme
50 <^/o de cuivre retourne h la fonte pour matte blanche.
Affmage et raffinage du cuivre brut. Dans cette der-
nière opération, on transforme le cuivre brut en cuivre ro-
sette que l'on réduit ensuite pour obtenir le cuivre mar-
chand. Les deux réactions se pratiquent dans le même four
l'une après l'autre. Le réverbère employé est semblable aux
précédents, mais le trou de coulée est remplacé par un petit
bassin hémisphérique placé sous le rampant vers lequel on
dirige l'inclinaison du four. C'est dans ce bassin que l'on
puise le cuivre pour le couler. Dans les fourneaux employés
pour la fusion des cuivres natifs, qui subissent directement
l'affinage, la voûte du four est percée d'une large ouver-
ture, que l'on peut boucher avec une votîte mobile, pour
permettre l'introduction de blocs assez considérables. La
charge est de 8 à 40 tonnes. Les blocs ou lingots de
cuivre sont placés les uns sur les autres en laissant des
38
CUIVRE
594
jours pour le passage de la flamme qui doit être oxydante.
La fusion est ^généralement complète au bout de dix-liuit
heures. On brasse le cuivre fondu, on enlève les scories et
on continue à maintenir l'atmosphère oxydante jusqu'à ce
que le métal soit entière-
ment transformé en cuivre
rosette. On passe alors à
la période réductrice ou
raffinage. A cet eifet, on
charge de charbon la grille
du four et on jette du
charbon de bois à la sur-
face du bain de cuivre
fondu. La réduction com-
mence. Comme Faction
n'a lieu qu'à la surface
du bain, on brasse la
matière en introduisant
un gros bâton de bois
vert que Ton plonge jus-
qu'au fond du bain. Les
gaz qui se dégagent pro-
duisent une vive agitation
qui ramène sans cosse
les couches du fond à la surface oii elles viennent se
réduire. On arrête la réduction lorsque le métal refroidi dans
Four pour î'affinage
chi
A, trémie de chargement; B,
foyer; E, meules recevant les
de cuivre en deux heures. Les moules sont en fonte
enduite d'argile, carrés, allongés ou ronds, selon que le
métal est destiné à être transformé en tôles, barres rondes
ou chaudrons. Les frais de fabrication s'élèvent à 350 fr.
par tonne de minerai.
Méthode mixte. — Les
deux méthodes qui vien-
nent d'être décrites ont
des parties défectueuses.
Aussi a-t-on pris dans
chacune d'elles ce qu'elles
ont d'économique, dont
la réunion constitue la
méthode mixte. Les opé-
rations se succèdent dans
l'ordre suivant.
Emprunté à la mé-
thode continentale, i^
grillages en tas, cases,
fours à cuve ; 2** fontes
pour mattes au four à
et le raffinage du cuivre brut,
foyer; C, rampant; D, porte du
scories.
Coupe C-0
Fig. 5. ™ Appareil Bessemer pour traiter les mattes. Coupe
par A-B (cercle des tourillons); coupe par C-D (cercle
des tuyères).
Feau devient difficile à briser, d\me cassure nerveuse, à
éclat soyeux et rosé. On procède à la coulée en puisant
le métal dans des poches en fer, à long manche, enduites
d'argile,^ et pouvant contenir 45 à 20 kilogr. de métal.
Une équipe de cinq ouvriers peut couler de 8 à 10 tonnes
cuves; 3^ grillages des
mattes en tas, cases, etc.
Emprunté à la mé-
thode anglaise. Fonte pour cuivre brut au four réverbère,
affinage et raffinage.
ApPLICATroN DE LA CORNUE BëSSEMER A LA MÉTALLURGIE
DU CUIVRE. — Les procédés métallurgiques qui viennent
d'être indiqués ne permettent de traiter les minerais pau-
vres que dans les pays où le combustible et la main-d'œuvre
sont à un prix peu élevé. Aussi a-t-on cherché pour le
traitement de ces minerais un procédé plus simple, exigeant
surtout moins de combustible. De nombreux essais furent
faits sur le convertisseur Bessemer (fig. 5), employé depuis
longtemps à la métallurgie du fer. Les premiers furent
tentés en Angleterre, en 4877, par M. Holway ; repris par
M. Pierre Manhes en 4880, ils furent appliqués industriel-
lement peu de temps après, à l'usine d'Eguilles, près de
Sorgues. Le convertisseur employé est une cornue de 2 m.
de haut sur 4^M0 de diamètre. La base sert de récipient
au cuivre ; le haut est percé d'une ouverture par laquelle
s'échappent les gaz qui sont conduits dans une che-
minée de SO m. de hauteur. Les tuyères sont hori-
zontales et arrivent à 30 centim. du fond; pour cela, on
substitue à la boîte à vent posée à la base dans le traite-
ment du fer, une couronne circulaire percée de 48 trous
de 4 centim. de diamètre, qui communiquent à 48 orifices
percés dans des briques réfractaires de 20 centim. de lon-
gueur. La cornue reçoit une charge de 4 ,000 kilogr. de matte
fondue dans laquelle on fait aussitôt arriver l'air. Après
quinze ou vingt minutes, les fumées qui étaient d'abord
très épaisses s'éclaircissent. Si on a affaire à des mattes
pauvres, il faut couler rapidement sous peine d'avoir
une réaction tumultueuse qui projette scories et mattes au
dehors de la cornue; si la matte est riche, ropôralion
peut être continuée sans boursouflements. Le métal ainsi
obtenu contient 99 ^/o de cuivre; les scories qui en
retiennent 3 «/o repassent à la fusion pour mattes. Au dé-
but, les cornues ne pouvaient supporter plus de sept ou
huit opérations, condition qui rendait le procédé assez coû-
teux. On est arrivé, en changeant la composition des gar-
nitures, à les faire servir dix-sept ou dix-huit fois. Tous
les essais tentés jusqu'à ce jour ont donné d'excellents
résultats, aussi bien avec des minerais purs qu'avec des
minerais antimoniés et arséniés. Le nickel et le bismuth
seuls sont incomplètement chassés, inconvénient que l'on
retrouve dans les autres traitements. Voici d'ailleurs quel-
ques documents tirés de l'ouvrage de M. Gruner sur le
cuivre. « Le combustible que nécessite la préparation d'une
tonne de cuivre, peut s'évaluer ainsi : grillage, i ,000 kilogr. ;
fonte pour matte, 3,000; raffinage 700. Ce qui fait un
total de 4,700 kilogr., au Meu de 43 à 45,000 dépensés par
la méthode anglaise. Les frais de fabrication varient entre
— 595 —
CUIVRE
160 et 470 fr. la tonne de cuivre, tandis qu'en Angle-
terre, avec un combustible à moitié prix, les frais sont
estimés à 320 et même 350 fr. Ce procédé a, de plus,
l'avantage de n'exiger que quatre opérations, savoir : 4° le
grillage ; 2° la fonte pour matte ; 3<* le passage au conver-
tisseur ; 4<^ le raffinage ; au lieu de six et huit, nécessaires
pour éliminer le soufre, le fer, etc., et raffiner le métal. »
Traitements par voie humide. — Les minerais
traités peuvent se classer en trois catégories : 4° minerais
oxydés ; 2° minerais sulfurés ; 3° résidus de fabrication du
cuivre. Les minerais oxydés sont généralement mélangés
aux minerais sulfurés ; leur (juantité est d'ailleurs plus
faible. Les résidus de fabrication du cuivre comprennent
surtout les mattes riches séparées spécialement pour l'ex-
traction de V argent (V. ce mot). Nous ne nous occuperons
donc que des minerais sulfurés pauvres. Les différents
procédés ont pour but de rendre le cuivre soluble soit dans
l'eau, soit dans un autre réactif bon marché pour le
séparer ensuite des métaux avec lesquels il est mélangé. A
cet effet, on transforme le sulfure en sulfate ou chlorure.
Pour certains minerais, on emploie l'acide acétique (procédé
Roswag), le chlorure de sodium et le perchlorure de fer.
Les traitements les plus employés sont :
Ancien procédé du Rio-Tinto. — La sulfatation est |)ro-
duite par un grillage qui, dans ce cas, devra être fait à
basse température et en présence d'un excès d'élément oxy-
dant pour favoriser la formation des sulfates et empêcher
leur décomposition. Cette opération peut s'effectuer dans un
des fours précédemment décrits. Le minerai grillé est les-
sivé et traité par des barres ou des éponges de fer qui
précipitent le cuivre sous forme de poudre rouge qu'on ap-
pelle cément. Ce cément est fondu et affiné.
Procédé Sinding. — La sulfatation s'obtient de la même
manière, mais le cuivre est précipité de sa solution par
l'hydrogène sulfuré obtenu en faisant arriver un courant de
vapeur d'eau sur les pyrites chauffées au rouge. Le sulfure
obtenu est grillé et transformé en cuivre par réduction.
Chlorurâtion, procédé Vignâs. — Le minerai est broyé
et mélangé à 20 % de chlorure de sodium. La quantité de
sel peut s'élever jusqu'à 25 ^/o dans les minorais contenant
plus de 5,50 % de cuivre. Ce mélange est introduit dans
un four à moufle où il est chauffé, vers 700 ou 800^. La
réaction qui se produit peut s'énoncer ainsi :
NaCl + 40 + (CuS -h 2CuO) = NaO,So5 4- Cu Cl -f-Cu^O.
Il se produit du sulfate de soude, du chlorure de cuivre et
de l'oxyde de cuivre. La proportion de ce dernier doit être
aussi faible que possible. Pour cela, il faut que le chlo-
rure de sodium se trouve en léger excès et que la tempéra-
ture n'atteigne jamais le rouge cerise. Cette opération dure
six heures ; le minerai subit alors un lessivage méthodique
et les eaux du lavage, conduites dans de grands bassins,
sont précipitées par le fer.
Procédé Doetsh. — Ce procédé repose sur l'action du
perchlorure de fer sur le sulfure de cuivre qui transforme
ce dernier en chlorure de cuivre avec dépôt de soufre sans
avoir d'action sur les pyrites ferrugineuses. Le minerai
bocardé est disposé par couches, sur lesquelles on étale
le mélange de chlorure de sodium et de perchlorure de fer
à raison de 0,50 ^/o de ce mélange. Des canaux sont pra-
tiqués à l'intérieur du tas pour permettre la circulation de
l'air. L'eau, que l'on fait arriver par en haut, traverse
ainsi successivement toutes les couches et contient, à sa
sortie, 5 ou 7 kilogr. de cuivre par m. c, qui sont précipités
par des éponges de fer contenant du cuivre. Ces procédés
subissent parfois quelques modifications pour les produits
que l'on veut obtenir. Les usines qui se livrent à la fabri-
cation de l'acide sulfurique grillent leur minerai dans un
four permettant de recueillir tout le soufre à l'état d'acide
sulfureux et traitent le résidu de grillage par l'acide
sulfurique faible ou par un mélange d'acide sulfureux, de
vapeur d'eau et d'air. Le cuivre se dissout presque seul.
Cette façon d'opérer possède l'avantage d'exiger moins de
fer pour la précipitation du cément de cuivre, le fer mé-
tallique servant à réduire les sels ferriqués avant de préci-
piter le cuivre. Le procédé Dœtsh ne présente cependant
pas cet inconvénient ; le sulfure de cuivre transformant,
pour se dissoudre, les sels ferriqués en sels ferreux.
Procédés électrolytiques. — Les premiers essais furent
faits par Becquerel en 4 836 , et repris en 4 874 par MM. Elkiii-
ton et Ruoltz qui employaient une machine de l'Alliance comme
force électrique, du cuivre noir au pôle positif et une feuille
de cuivre pur comme électrode négative. Les usines em-
ployant cette méthode sont peu nombreuses ; nous citerons
cependant l'affinerie Vord Deutsche de Hambourg, celles
d'Elkington, à Pimbrey, de M. André, à Ehrenbreitstein, la
Russian Cooper Company à Swansea et dans l'Oural. Les
procédés sont peu nombreux. Au Japon, M. Bernard Ro-
sing emploie un mélange de sulfate de fer et de chlorure
de sodium qui réagit sur le minerai et qui se trouve décom-
posé par le courant électrique. MM. Blas et Must agglo-
mèrent le minerai en le pressant fortement à chaud vers
500 ou 600'' sous une pression de 40 atmosphères.
Cette opération a pour but : 4° d'augmenter la conducti-
bilité du minerai, 2^ de donner des plaques dont on puisse
mesurer facilement la résistance électrique. Ces plaques
servent d'anodes et une lame de cuivre de cathode. Le bain
doit contenir un sel de cuivre dont l'acide attaque facile-
ment le minerai. Sous l'influence du courant, le cuivre se
dépose au cathode, tandis que l'acide se porte à l'anode où
il dissout le minerai. Ce procédé permet de recueillir inté-
gralement le soufre qui se trouve perdu dans un grand
nombre de traitements. Ch. Girard.
IV. PHYSIOLOGIE. — Les sels solubles de cuivre
exercent sur l'organisme des actions variées et sont doués
d'une réelle puissance ; mais, ainsi qu'on ^ en peut voir
de nombreux exemples, l'action et l'intensité de celle-ci
varie beaucoup selon les modes d'administration. Nous
savons, comme l'a montré Wernitz, que le sulfate de
cuivre, par exemple, agit puissamment sur les ferments
solubles ; il empêche l'action de l'émulsine à 4/4400 ; de
la myrosine à 4/8400 ; de la diastase à 4/6500 ; do la
ptyaline à 4/7500 ; de la pepsine à 4/440; de lapancréa-
tine à 4/6600, et de la présure à 4/200. D'autre part, Koch
a reconnu que le même sel à 5 <*/o dans l'eau diminue
nettement (en vingt-quatre heures) la vitalité des spores du
Bacillus aiithracis.
Si nous passons maintenant à l'étude de son action sur
les organismes supérieurs, nous voyons qu'il y a accord
pour reconnaître aux sels de ce métal une action astrin-
gente et une action caustique. Cette dernière action ne
s'exerce pas sur la peau saine, intacte : il faut que l'épi-
derme soit enlevé ; par contre, elle s'exerce fort bien sur
les muqueuses, et sur la chair mise à nu. Injecté dans le
torrent circulatoire, le cuivre agit fortement sur les vais-
seaux dont il détermine la contraction, et sur les muscles
qu'il paralyse. Blake classe le cuivre parmi les métaux
qui tuent par le cœur. Nous n'insisterons pas sur la ques-
tion de l'action du cuivre telle qu'elle nous est révélée par
les expériences de laboratoire, mais nous considérerons
plutôt les phénomènes, pour nous plus intéressants, qui
suivent l'introduction du cuivre dans l'organisme par la
voie digestive. Il est certain que le cuivre, dans certaines
conditions, est très toxique. Un homme avale une solution
de sulfate de cuivre, par exemple : bientôt surviennent des
douleurs dans le tube digestif, des coliques, des vomisse-
ments, de la diarrhée, des faiblesses ; le cœur est petit et
rapide ; il meurt le plus souvent. A l'autopsie, on trouve
le tube digestif en proie à une violente inflammation, et
les symptômes observés durant la vie ont montré que le
cœur et les muscles étaient atteints, leur action étant plus
ou moins paralysée : on a vu le cœur no battre que huit
ou neuf fois par minute. En somme, à haute dose, le cuivre
est caustique, et il paralyse le système musculaire. A dose
plus petite (5 ou 40 ccntigr. de sulfate par exemple),
l'action émétique est celle qui domine : il est vrai que l'or-
ganisme s'habitue bien vite au médicament, et on peut,
CUIVRE
CUJAS
596
sans tarder, donner des doses quatre et cinq fois plus fortes
sans obtenir autre chose que de légères nausées, en raison
de la tolérance qui s'établit. Prenons maintenant le cas le
plus fréquent, celui où le patient absorbe chaque jour,
avec ses aliments, une petite quantité d'un sel de cuivre.
Que se passe- t-il ? Sur ce point, Burq et Ducom, Galippe,
Bourneville, Feltz et Ritter nous donnent des renseignements
précieux, et, chose rare, très concordants. Chez l'animal,
comme chez l'homme, les petites doses répétées semblent
ne produire aucun effet fâcheux. Galippe a fait prendre à
des chiens des sels de cuivre à la dose de 72 gr. d'acétate
en cent vingt-quatre jours ; de 48 gr. d'acétate en quarante
jours ; de 98 gr. de sulfate en cent cinquante jours ; de
25 gr. de lactate en cinquante jours ; de 38 gr. de tar-
trate en soixante-dix-sept jours, etc. Non seulement les
animaux n'ont pas souffert; (juelques-uns ont même en-
graissé. D'autre part, Toussaint a, pendant des semaines,
absorbé sans inconvénient de 2 à 5 décigr. de sulfate par
jour, et Burq a montré qu'on peut, dans les mêmes con-
ditions, absorber de 40 à 30 centigr. par jour, sans pro-
voquer d'accidents. C'est là un fait intéressant au point de
vue de l'hygiène. Les conserves de légumes, le plus sou-
vent verdies par un peu de cuivre, sont un objet de consom-
mation très répandu , et il est bon d'être assuré qu'elles ne
présentent pas d'inconvénients appréciables pour la santé,
et de pouvoir reléguer au nombre des erreurs d'observa-
tion la prétendue colique de cuivre. Du reste, quand on
sait que la plupart de nos aliments usuels, viande, légumes
frais, farine, café, chocolat, etc., renferment normale-
ment un certain nombre (de 1/2 à 125) de milligrammes
de cuivre par kilogramme, la chose étonne moins. Par le
pain, la viande et les légumes frais, nous absorbons chaque
jours, d'après A. Gautier, environ 1 milligr. de cuivre,
et dans ce calcul n'entrent point les quantités de cuivre
introduites par Tusage des ustensiles culinaires et de cer-
tains aliments, le chocolat en particulier, qui en renferme
beaucoup. A. Gautier estime que, tout compte fait, l'homme
absorbe par jour plus de 5 miUigr. de cuivre, et, du reste,
ce cuivre se retrouve dans son foie, ses muscles, etc. Ceci
dit, résumons brièvement les principales questions qui se
posent à l'égard du cuivre.
Action physiologique. — A doses très faibles, les sels de
cuivre sont très nuisibles à l'action des ferments solubles
ou figurés : c'est pour cette raison qu'ils constituent dans
certaines conditions d'excellents désinfectants. Appliqués sur
les muqueuses ou la peau dénudée, ils sont astringents,
puis caustiques. Quand ils pénétrent dans le sang à doses
actives, ils agissent sur les muscles qu'ils paralysent plus
ou moins : ils tuent par paralysie du cœur.
Hygiène. — Nous conclurons avec Armand Gautier que
l'emploi modéré des conserves alimentaires modérément
additionnées de sel de cuivre, est sans danger. Du reste, il
semble qu'en général les quantités additionnées ne sont
point excessives. Mais il serait évidemment préférable qu'on
se dispensât de cette manipulation. Il semble, pour passer
à un ordre d'idées très différent, que le cuivre préserve
contre le choléra, et les ouvriers du cuivre présentent de
quinze à vingt-cinq fois moins de décès cholériques que ne
le font les ouvriers exerçant des industries analogues. Le
cuivre est-il particulièrement nuisible au bacille en vir-
gule?
Thérapeutique. — Le cuivre peut, à faible dose, servir
d'émétique, mais on l'emploie le plus souvent à titre de
caustique et d'astringent contre le bourgeonnement des
plaies, contre les ulcères qui ne se cicatrisent point, contre
les verrues, contre l'épistaxis, contre certaines maladies
inflammatoires locales (conjonctivite, gonorrhée, leucor-
rhée, etc.). Certains médecins l'emploient à l'intérieur
dans les cas de chorée, d'épilepsie, d'hystérie, etc., mais
sans grand succès. Enfin, il sert de désinfectant et parfois
d'antiseptique (dans les accouchements, par exemple).
Toxicologie. — On traite l'empoisonnement par le cuivre
par l'administration de blancs d'œufs (l'albumine forme
avec le sel un composé insoluble) : six blancs d'œuf dans
un litre d'eau ; on peut donner d abord un vomitif, et, après
les blancs d'œufs, administrer du fer réduit par l'hydro-
gène, ou de la poudre de zinc et de fer (parties égales) ou
de la limaille de zinc. Le sucre ne sert guère. H. de V.
V. GRAVURE. — On se sert communément pour la
gravure de cuivre rouge, laminé, martelé, plané et poli ;
les bords d'un cuivre prêt à être gravé sont taillés en
biseau et les angles en sont légèrement arrondis ; un cuivre
coupé carrément à angles vifs percerait le papier de
l'épreuve en passant sous la presse. Un bon cuivre doit
être d'un grain parfaitement homogène, et présenter une
surface d'un beau poli; c'est au graveur à s'assurer que
son cuivre n'est ni cendreux, ni galeux, ni aigre ; il
est cendreux quand le métal présente à l'œil une infinité
de petits points qui donnent un ton gris à l'impression ; il
est galeux quand ces petits points au lieu d'être répar-
tis régulièrement forment des taches plus ou moins espa-
cées ; il est aigre quand le métal tend à être cristallin et
produit un son désagréable lorsque le burin le coupe. Les
planches de cuivre pour la gravure se vendent au poids en
raison de la qualité du métal, les meilleures valent de 8 à
9 fr. le kilogr. Le cuivre jaune a été quelquefois employé
pour la gravure en manière noire, mais sa malléabilité très
inférieure à celle du cuivre rouge l'a fait rejeter pour les
autres genres de gravure. F. Courboin.
^ CUIVRE (Ile de). Ile de la mer de Bering, S.-E. de
l'île de Bering, longue de 53 kil., large de il. Découverte
en 1728. Quelques pêcheurs l'habitent. Elle renferme des
minerais de cuivre, d'où son nom.
CUIVRE (Rivière du). Miednaia ou Copper River, fleuve
du territoire d'Alaska, qui se jette dans l'oc'an Pacifique
par 147« long. 0. après un cours de plus de 1,000 kil.
Il sort du lac Tlichitna, reçoit à gauche, près du Fort du
Cuivre, la Tchetchitna qui coule dans des montagnes riches
en cuivre.
CUIVRÉE. Les doreurs appellent cuivrée une fausse
dorure. Ils emploient pour la faire des feuilles de cuivre,
de la même façon qu'ils font la dorure avec des feuilles
d'or (V. Dorure). L. K.
CUJAS (Jacques), en latin Cujacius, de son vrai nom
Cujaus, illustre jurisconsulte français, né à Toulouse en
1522, mort à Rourges le 4 oct. 1590. Elève du professeur
toulousain Arnaud du Ferrier, il ouvrit lui-même, en
1547, un cours d'Institutes à Toulouse et, quoique le fait
ait encore été contesté dans notre siècle, il parait établi
qu'il ne quitta sa ville natale qu'après y avoir concouru
vainement pour une chaire de droit romain et s'être vu
préférer le bartoliste Forcadel resté connu surtout par suite
de cet incident. C'est à partir de là que Cujas a commencé
la vie errante qui fut celle de presque tous les professeurs
célèbres de son temps. Il fut d'abord nommé, en 1554, pro-
fesseur à Cahors où il remplaça Antoine de Govea ; puis il fut
appelé moins d'un an après, en 1555, à remplacer Fran-
çois Baudouin à Bourges où il eut pour collègues Antoine
Le Conte, Doneau et Duaren et pour élèves Pierre Ayrault,
François Rageau et Pierre Pithou. Il n'y resta que deux
ans, car, malgré la sympathie de Le Conte et l'appui d'une
paitiedes étudiants, la jalousie de Doneau et de Duaren lui
rendit la vie intolérable et le força en 1557 à se retirer
provisoirement à Paris. Il fut bientôt appelé à Valence
dont les magistrats conclurent avec lui un traité, récem-
ment remis au jour, l'engageant pour trois ans au taux de
600 livres par an. Mais, dès avant l'expiration du traité,
il revint à Bourges, en 1559, sur les instances de Mar-
guerite, fille de François P^, duchesse de Savoie et de Berry,
pour y prendre la chaire laissée vacante par la mort de
Duaren. Ce second professorat de Bourges a duré jusqu'en
1566, où Cujas consentit sur le désir de Marguerite et du
duc de Savoie, son mari, à aller à Turin remplacer Antoine
de Govea, mort le 5 mars de cette année. Il ne se plut pas
en ItaUe et revint en 1567 à Valence, où il résida cette
fois de 1567 à 1575. Il y était donc à l'époque de la Saint-
— 597 —
CUJAS
Barthélémy et on a raconté qu'il y aurait alors sauvé la vie
à Scaliger et au civiliste Ennemond Bonnefoy ; on a même
voulu conclure de certains indices qu'il aurait, dans cette
période, appartenu lui-même plus ou moins franchement à
la rehgion réformée, quoique d'autres particularités connues,
par exemple son légendaire Nihil hoc ad edictum prœ-
tons et les idées de tolérance exprimées dans ses ouvrages,
s'expliquent peut-être mieux par la supposition d'une neu-
tralité sceptique. Enfin, en 1575, il retourna à Bourges
pour la troisième fois et, sauf un court séjour fait en 4576
à Paris, où il fut, par une faveur spéciale, autorisé à
enseigner le droit civil, il n'en sortit plus désormais. Il y
mourut, laissant pour unique descendante une fille d'un
second mariage et formulant dans son testament des prin-
cipes et des défiances qui portent à se demander si la pro-
fession extérieure d'orthodoxie religieuse qu'il faisait
alors depuis des années n'était pas exclusivement une pré-
caution destinée à assurer sa tranquillité.
Pendant toute cette longue carrière, l'enseignement
de Cujas eut, quelles qu'aient été ses qualités de parole,
sur lesquelles les renseignements sont contradictoires, un
succès retentissant attesté non seulement par les offres des
villes et des princes qui jouent un si grand rôle dans ses
migrations, mais par les listes interminables d'hommes
célèbres qui ont suivi ses cours et encore plus par la fidé-
lité singulière avec laquelle on le voit suivi par un noyau
d'élèves éprouvés à chacun de ses déplacements. Cependant,
comme tous les grands jurisconsultes des époques civilisées,
il doit encore plus son renom à ses productions littéraires
qui sont d'ailleurs, pour une part notable, la reproduction
de son enseignement oral et qui sont encore aujourd'hui
des ouvrages de consultation courante pour ceux qui s'oc-
cupent de droit romain. Les œuvres complètes de Cujas se
partagent à peu près par moitié en œuvres publiées de son
vivant et en œuvres posthumes moins estimées. On cite
généralement comme la plus parfaite les Observationum
et emendationum libri XXVIÏI dont les vingt-quatre
premiers livres ont été publiés par lui successivement de
4566 à sa mort, et les derniers par Pithou. Elles ont été
publiées à de nombreuses reprises, dans des éditions de
valeur très inégale. Les meilleures éditions sont celle
donnée par Fabrot à Paris, en 4658, en 40 vol. in-fol.,
et les réimpressions en 41 vol. de Naples, 4722-4727,
de Venise, 4758-4783, et de Prato, 4834-4843, 43 vol.
gr. in-8; l'éd. de Venise est préférable parce que c'est à elle
que se rapporte le plus commodément une table très utile
publiée en 2 vol. in-fol. à Naples en 4763, sous le titre :
Promptiiarium operum Jac, Cujaeii auctore Dom, Al-
bunensi (réimpr. en 4795). Enfin on peut regretter qu'il
n'y avait pas jusqu'à ce jour d'édition complète et savante
des lettres de Cujas. Les lettres conservées à la biblio-
thèque de Hanovre ont été publiées en 4825 par Spangen-
berg, celles à Pithou conservées dans le ms. 700 du fonds
Dupuy de la Bibliothèque nationale et très souvent utilisées
n'ont pas encore été publiées intégralement et beaucoup
d'autres, inédites ou imprimées sans vue d'ensemble dans
les recueils spéciaux, se trouvent dispersées dans de nom-
breux dépôts de France et de l'étranger. Une édition
scientifique de la correspondance de Cujas serait, en même
temps qu'une mine de documents très précieux pour l'his-
toire de la science et de l'enseignement au xvi® siècle, un
hommage légitime rendu par l'érudition moderne au plus
grand des romanistes français et peut-être de tous les
romanistes.
En effet, Cujas n'est pas seulement le représentant le
plus brillant de la grande école historique fondée par
Aîciat. C'est le premier des anciens romanistes. On peut
dire qu'aucun jurisconsulte pur n'a uni à un degré plus
élevé, au sens juridique proprement dit, la sagacité critique
et le savoir philologique et historique nécessaires pour une
interprétation parfaitement éclairée des monuments du droit
romain. En le comparant à son contemporain et rival
Doneau, le plus distingué représentant de l'école dogma-
tique, on peut lui reprocher de ne pas avoir, comme Doneau,
tourné son effort du côté des généralisations systématiques
qui ramènent les détails à des vues d'ensemble, de s'être,
dans l'œuvre de la reconstitution historique du droit, dé-
robé devant la synthèse, qui aurait dû être le couronnement
de ses admirables travaux d'analyse. Mais, cette réserve
faite, il l'emporte, croyons-nous, sous tous les rapports,
sur le seul jurisconsulte de l'école adverse qu'on ait pu
mettre en ligne avec lui, aussi bien que sur tous les
membres de sa propre école. Son originalité ne réside pas,
à vrai dire, dans la méthode. Il procède comme les glossa-
teurspar l'étude exégétique des textes. Mais il ne 'le fait
pas comme eux pour déterminer le sens qu'ont ces textes
dans les compilations qui nous les ont transmis ; il le fait
pour les remettre dans leur cadre original et pour restituer
leur portée première. Quand il étudie, par exemple, un texte
du Digeste, ce n'est ni exclusivement ni même principalement
pour connaître le droit de Justinien ; c'est pour en dégager,
avec le concours des autres fragments des mêmes juris-
consultes, des autres documents juridiques et des textes
littéraires, la pensée propre de Fauteur du fragment, pour
le replacer dans son milieu véritable en déterminant les
doctrines professées au temps de l'auteur et jusqu'au plan
de l'ouvrage où il s'est expliqué sur elles. Cette vue histo-
rique élevée apparaît déjà dans le premier livre pubUé par
Cujas en 4554, dans ses notes sur les Règles d'Ulpien
éditées cing ans auparavant par Du Tillet et encore plus
dans l'essai qu'il a été, en 4558, le premier à tenter pour
restituer, à l'aide des débris qui nous ont été conservés des
Sentences de Paul, le texte original de l'ouvrage du juris-
consulte. Elle explique aussi la forme donnée par Cujas à
un grand nombre de ses travaux, directement destinés à
remettre dans leur ordre naturel et à commenter dans leur
ensemble les fragments d'un jurisconsulte déterminé dissé-
minés dans le Digeste. Il suffira de rappeler les Tractatus ad
Africanum, les commentaires sur Papinien, qui sont le plus
apprécié de ses ouvrages posthumes , et les Recitationes
sollemnes sur divers écrits de Paul, de Jufien, de Nera-
tiusPriscus, d'Ulpien, de Marcellus, de Scsevola, etc., qui
tiennent tant de place dans ses œuvres complètes. Le zèle
et la pénétration qu'il a consacrés à la critique des textes
des jurisconsultes ne doivent d'ailleurs pas faire oublier
qu'il a dépensé une activité presque égale à la critique des
constitutions impériales et qu'on a pu écrire que « les
indications rassemblées par lui sur le Code de Justinien
dans ses Observationes et dans ses Paratitla^ ses Reci-
tationes et ses commentaires sur ce code présentent, pour
le temps de Justinien, la même importance que le com-
mentaire du code Théodosien de Godefroy pour le temps
de Théodose ».
Enfin, on négligerait l'un des éléments les plus consi-
dérables de la supériorité de Cujas si on omettait ses
mérites d'éditeur de textes, si en particuUer on ne soulignait
énergiquement l'intelligence et la curiosité scientifiques
avec lesquelles il a durant toute sa vie poursuivi la re-
cherche des manuscrits juridiques contenant des textes
inédits ou fournissant des variantes critiquement impor-
tantes de textes déjà connus. La marque en est déjà dans
le nombre élevé des manuscrits de sa bibliothèque qu'un
contemporain assure avoir été d'environ cinq cents, qui,
d'après un catalogue dressé par un de ses élèves vers
Fan 4574, était alors de près de deux cents et qui, d'après
un autre catalogue copié sur l'inventaire fait après sa mort
et publié pour la première fois il y a deux ans, était alors
de près de quatre cents. Mais les manuscrits appartenant
à Cujas ne sont qu'une petite portion de ceux qu'il a dé-
pouillas dans sa carrière. Il n'est pour ainsi dire pas
question d'autre chose dans sa correspondance. Les ma-
nuscrits précieux dont il a pris connaissance et dont plu-
sieurs sont aujourd'hui perdus se rapportent à la fois au
droit antéjustinien, au droit de Justinien et au droit grec
postjustinien. Il n'a guère publié, comme ouvrages entiè-
rement inédits, que la Consultatio veteris jurisconsulti
CUJAS — GULGITA
598 —
dont il reçut le manuscrit, aujourd'hui perdu, deLoysel en
4563 et dont il publia d'abord des fragments en 1564 et
en 4566, puis le texte même en 4577 et plus complètement
en 4586, et la Lex Romana Burgundionum publiée par
lui en 4566 sous le titre faux de Papiani liber I respon-
sorum, probablement d'après un manuscrit appartenant à
Pierre Pitliou. Mais, sans parler des recueils complets
de la Jurispnidentia antejiistiniana qu'il a joints en
réalité à ses deux éditions du code Théodosien de 4566
et de 4586, c'est lui qui a le premier publié, dans les
mêmes éditions, les livres YI à YÏII de ce code d'après le
manuscrit Charpin ; la critique moderne dépendra de lui
pour de nombreux paragraphes des sentences de Paul tant
qu'elle n'aura pas retrouvé le manuscrit de Besançon d'après
lequel il adonné ces paragraphes en ^585 dans le livre XXÏ
de ses Observationes ; il a publié le premier certains
morceaux des Basiliques, pour lesquelles il paraît avoir eu
à sa disposition, à côté des manuscrits qui existent encore
dans nos grandes collections, d'autres manuscrits plus
complets que nous n'avons plus. Quant aux compilations
de Justinien elles-mêmes, il a pris une part active à la
restitution du code, où notamment presque toutes les consti-
tutions grecques ont été rétablies par lui et par Antonius
^ugustinus, et il faut descendre jusqu'à notice siècle pour
rencontrer des éditions des Institutes qui ne procèdent
pas exclusivement de celles données par lui avec un appa-
reil critique fort remarquable. P. -F. GmARD.
BiBL. : Berriat-Saint-Prix, Histoire du droit romain^
suivie de l'histoire de Cujas, 1821, pp. 373-611. — Spangen-
BKRG ^Encyclopâdie d'Erscli et Grûber, art. Cujas. — France
protestante^ art. Cujas, 1884, t. IV, 2» édit. — 0. Karlowa,
Rômische Rechtsgeschichte^ 1885, I, pp. 5-7. ~ A. Tardif,
Hist, des sources du droit français^ origines romaines,
1890, î)p. 480-482.— Les catalogues précités des manuscrits
de Cujas ont été publiés par M. Omont, Nouv.Rev. hist,
de droit, 1885, pp. 233-237 et 1888, pp. 632-641.
CUJAVIE (en pol. Kujawy). Province de l'ancienne Po-
logne ; elle s'étendait sur la rive gauche de la Vistule, entre
ce fleuve, laNetze et le lac Goplo, et comprenait une par-
tie des districts de "Wloclawek et de Bromberg. Elle doit
son nom à un ancien peuple lechite, les Kujaviens; au
XII® siècle, elle forma une principauté indépendante ; au
xvi^, elle fut réunie presque toute entière à la couronne
(sauf quelques districts restés à la Mazovie) et constitua les
voicviodies ou palatinats de Brzesc-Kujawski et d'Inow-
loclawek. Le dép, de Bydgoszcz ou Bromberg, formé dans
le grand- duché de Varsovie, comprenait la plus grande
partie de l'ancienne Cujavie. L, Léger.
eu LA (La). Com. du dép. de la Loire, arr. de Saint-
Etienne, cant, de Bive-de-Gier ; 444 hab .
eu LAN. Com. du dép, du Cher, arr. de Saint-Amand,
cant. de Châteaumeillant, sur TArnon; 4,600 hab. Stat.
du ch. de fer d'Orléans, ligne de Montluçon à Champillet-
Urciers. Buines du château de Croï (mon. hist.)
CULANT (Famille de). Célèbre famille féodale française,
originaire duBerry (V. Culan). Armes : d'azur au lion d'or.
Vécu semé d^ étoiles de même. Elle remonte à Guillaume,
fondateur du monastère de Bussières-les-Nonnains, vers la fin
du XII® siècle, et s'est divisée en plusieurs branches. Trois
de ses membres eurent, sous le règne de Charles YIÏ, une
fortune particuhèrement brillante.
Louis, seigneur de Culant et de Châteauneuf, né vers
4360, mort sans enfants en 4444. En 4447, il était bailH
de Melun, Lorsque le dauphin eut quitté Paris (4448), il se
ralha à son parti et vers 4424 fut nommé amiral de France
en remplacement de Bobin de Braquemont, décédé. Il ser-
vit fidèlement Charles VII dans les premières années de son
règne, mais sans que son nom se trouve mêlé à aucune
action d'éclat. Au moment du siège d'Orléans par les
Anglais, il commandait dans la ville et dirigea les opérations
de "défense jusqu'au 48 févr. 4429, où il quitta Orléans
pour aller chercher des secours. Après la délivrance de la
ville par la Pucelle, il fit la campagne de Champagne. En
4432, avec d'autres capitaines de Charles VII, il effectua
heureusement le ravitaillement de Lagny assiégé par le duc
de Bedford. En 4440, sa charge d'amiral passa à Prégent
de Coetivy, et il paraît être mort dans la retraite.
Charles, seigneur de Culant, fils de Jean, seigneur de
Culant, et de Marguerite de Sully, neveu du précédent,
mort en juin 4460. II assista en 4437 au siège de Monte-
reau et à la plupart des faits de guerre qui suivirent. En
4444, il prit part à la campagne du dauphin contre les
Suisses et l'année suivante le roi lui confia le comman-
dement de cent lances qu'il dat loger en Berry. Envoyé à
Ne vers pour réprimer une sédition en 4447, il fit quelques
années plus tard la campagne de la conquête de la Nor-
mandie, Des plaintes s'étant élevées contre lui au sujet de
sommes d'argent perçues au préjudice des lances dont il
avait le commandement, il obtint de Charles VU au mois de
mars 4454 des lettres de rémission ; mais il fut obligé de se
démettre de la charge de grand maître de France qu'il
occupait depuis 4449.
Philippe de Culant, seigneur de Jalognes, frère cadet du
précédent. En 4437, il commandait vingt-cinq hommes
d'armes à Montivilliers en Normandie. Nommé en 4439
sénéchal de Limousin, en remplacement de Gautier de Brusac,
il se distingua la même année au siège de Meaux et fut
créé maréchal de France en 4444 , à la place de Gilles de
Bais, à la suite du siège de Pontoise. A latin de 4443, il
accompagna le dauphin dans le Midi pour remettre en la
main du roi la personne du comte d'Armagnac et ses pos-
sessions du Bouergue et de l'Armagnac. L'année suivante
il eut un rôle prépondérant dans l'expédition dirigée contre
les Suisses sous les ordres du même prince et dans la
victoire des troupes françaises à Saint- Jacques. En d445,
il s'employa utilement à la réorganisation de l'armée entre-
prise et menée à bien par Charles VII : cent lances furent
placées sous ses ordres et logées dans la Marche et le
Limousin haut et bas. Il prit une part très active aux der-
nières campagnes de Charles VII contre les Anglais (Nor-
mandie et Guyenne) et mourut vers la fin de 4453. Il avait
épousé en 4441 Anne de Beaujeu dont il n'eut pas d'en-
fants. Ant. Thomas.
BiBL, : Le P. AnseLxMe, Hist. généalogique de la mai-
son de France et des grands officiers de la couronne.
CULASSE (Art milit.). Partie postérieure d'une bouche
à feu ou d'une arme portative. Dans les anciens canons se
chargeant par la bouche, la culasse était fermée à l'arrière
par un fond venu du même
métal que la pièce et se rac-
cordant avec la chambre par
une surface arrondie ; le relief
extérieur affectait le plus sou-
vent la forme indiquée dans la
figure ci-contre; c'est ainsi
qu'est constituée la culasse
des canons en bronze, à
chargement par la bouche,
conservés encore à titre pro-
visoire dans notre matériel
de place. Quant aux armes
portatives se chargeant par
la bouche, leur culasse était
fermée par un bouton vissé dans le tonnerre et se pro-
longeant à l'arrière par une queue de culasse logée dans
le bois. — ■ Lorsque la bouche à feu ou l'arme portative
se chargent par la culasse, celle-ci est fermée par un
ensemble de pièces qui porte le nom de mécanisme de
culasse ou système de fermeture (V. Fermeture).
eu LATE (Artill.) . Nom donné autrefois à l'extrémité pos-
térieure d'un canon se chargeant par la bouche (V. Culasse).
CULCITA. Mot latin que l'on emploie quelquefois dans
le langage de l'archéologie. Il désigne les matelas dont se
servaient les Bomains pour garnir leurs hts de festin aussi
bien que leurs lits de repos. Suivant le luxe et le confor--
table des demeures, ces matelas étaient plus ou moins
moelleux. On les remplissait de bourre, de laine ou de
plume, J. M.
A, plate-bande de culasse;
B, cul-de-lampe ; C, listel ;
F, bouton de culasse; L, lu-
mière.
CULCITA (ZooL). Echinodermes, de l'ordre des Stellé-
rides, types d'une famille (Culcitides). Le genre Culcita
établi par Agassiz en 1836 correspond à une section établie
dans les Astéries par de Blainville, qui lui donnait le nom
très expressif de les Oreillers. Le corps est pentagonal,
épais, discoïde, à peine lobé ; les faces latérales sont très
élevées, les bords arrondis, sans plaques. Les sill(ms am-
bulacraires empiètent sur la face dorsale. Tout le corps
est revêtu de granules et de plaques plus développées.
L'anus est subcentral. Ex. : C, discoïdea des mers de
l'Inde, C. coriacea, mer Rouge, etc. R. Moniez.
CUL-DE-BASSE-FOSSE (Archit.). Cave profonde, ou-
verte seulement par un trou percé ou plutôt ménagé dans la
voûte et qui formait un véritable silo propre à renfermer
des grains, des racines et des provisions. Quelquefois même
un cul-de-basse-fosse, disposé en cône renversé, constituait
une véritable glacière ; mais VioUet-le-Duc, auquel est
emprunté ce qui précède, fait bien la distinction entre les
culs-de~basse-fosse et les prisons et les cachots du moyen
âge, lescfuels, dit-il, « existent dans presque tous les cou-
vents, dans les châteaux, dans les ofTicialités, mais sont
parfaitement disposés pour l'usage auquel on les destinait
et ne sont pas des culs-de-basse-fosse ». Charles Lucas.
BiBL. : ViOLLET-LE-Duc, Dict, de l'Architecture fran-
çaise ; Paris, 1868, t. IV, in-8.
CULDÉENS. Nom donné à partir du ix® siècle à des
membres irréguliers et isolés du clergé écossais et irlan-
dais. Ils étaient peu nombreux, vivaient en des endroits
reculés et étaient persécutés par l'Eglise romaine. La lutte
fut longue et obscure ; elle n'a guère d'intérêt que par
l'origine du mouvement dont les Culdécns sont comme les
dernières ondes. Le mot lui-même vient de l'irlandais
ceile^ « ami, serviteur » et de, génitif de dia^ « Dieu »,
latinisé en ColideU d'oti Culdéens. Il arrive parfois, mais
à tort, que l'on attribue le nom d'Eglise culdéenne au
christianisme primitif des Iles-Britanniques. — Sauf
quelques noms propres (V. Alban, Ninian, Patrice),
l'histoire ne sait rien sur l'introduction du christianisme
dans la Grande-Bretagne. En 449, l'invasion anglo-
saxonne refoula les Celtes et le christianisme ; l'obscurité
qui enveloppa alors les destinées de l'Eglise celtique ne
se dissipe qu'après la victoire de Bath en 546. Au pays de
Galles^ le christianisme fut réveillé par des chrétiens
venus de l'Armorique; au vi^ siècle, on connaît plusieurs
évêchés gallois importants ainsi que le grand couvent de
Bangor (Chester). En 603, eut Heu à Aust (Gloucester),
sous les auspices de chefs anglo-saxons, une conférence
du clergé gallois avec un délégué romain, Augustin (V. ce
nom). On constata que l'Eghse celtique, isolée depuis 449,
en était restée aux coutumes en vigueur dans l'Eglise occi-
dentale vers le milieu du v*^ siècle. L'arrogance d'Augustin
empêcha toute entente et les Gallois restèrent séparés de
Rome. En Mande, l'Eglise celtique atteignit son plus
brillant épanouissement ; sous l'impulsion partie du pays
de Galles, des hommes parmi lesquels il suffit de nommer
Colomba (V. ce nom) fondèrent de nombreux couvents
qui devinrent des foyers de vie chrétienne, de civilisation
et de science. L'esprit aventureux des chrétiens celtiques
fit d'eux de hardis missionnaires, dont plusieurs ont laissé
des traces profondes sur le continent (V. Fridolin, Colom-
BAN, Gall [Saint]). Vers lemiheu du vu® siècle, le cycle
pascal romain fut adopté en Irlande, mais toutes les autres
antiques coutumes ecclésiastiques furent maintenues. C'est
Colomba qui porta le christianisme chez les Pietés ; il
s'établit en 565 dans l'île d'Hy ou d'Iona, et de là rayonna
sur toute l'Ecosse. Pendant cent cinquante ans un chris-
tianisme tout monastique régna dans ces pays ; il fut même
introduit dans le nord de l'Angleterre, vers 635, par Aidan
et ses successeurs, Finan (652-661) et Colman (661-664).
Des conflits, au sujet de la célébration de la fête de Pâques,
firent convoquer la conférence de Strenaeshalch (Yorkshire)
en 664. La coutume romaine triompha ; le clergé celtique
se retira vers le Nord ; la lutte y continua ; il y eut des
599 »- CULCITA ^ CUL-DE-LAMPE
persécutions; enfin, les incursions danoises, vers 794,
mirent fin à la vie ecclésiastique dont Hy avait été le foyer.
Bientôt il ne resta de toute cette Eglise que les Culdéens.
— L'intérêt que l'Eglise celtique a pour l'historien
réside en ceci : du vi" au viu^' siècle, on voit une
fraction de l'Eglise occidentale se développer d'une ma-
nière autonome et indépendante de la marche générale
de l'histoire européenne. Bien des coutumes qui se per-
dirent ailleurs dès le vii*^ siècle furent conservées par les
Celtes des Iles-Britanniques ; entre autres, le cycle pascal
do quatre-vingt-quatre ans, l'ancien usage du carême, le
lavement des pieds, l'administration du baptême en dehors
de l'église et sans le saint chrême, et surtout le mariage
des prêtres. Les écrits bibliques continuèrent à être lus et
étudiés beaucoup plus que dans l'Eglise romaine. D'autre
part, la primauté papale, telle qu'elle s'affirma auvii^ siècle,
les pratiques de la pénitence, le culte de la messe demeu-
rèrent inconnus dans l'Eglise celtique. Enfin, les mœurs
nationales des Celtes créèrent une singulière organisation
territoriale de l'Eglise, et, en Ecosse particuUèrement, on
assiste à l'essor d'un christianisme où dominent des formes
monastiques toutes locales. F.-Herm. KriIger.
BiBL. : Jac. UssERius, BritannicariimEcclesiarura anti-
quitates, 1631, in-fol. ; éd. augm., 1677; nouv. éd., Londres,
1867. — G. SciiŒLL, De Ecclesiarum Britonum Scoto-
rumque historiœ fontibus; Berlin, 1851. — Reeves, the
Guidées of the British Islands ; Londres, 1864. — W.
Skene, CellicScotland; Londres^ 1876, t. IL — W. Bright,
Chapters of early English Ghurch history; Oxford, 1878.—
A. LooFS, Antiquorum Britonum et Scotorum ecclesioe
mores ; Leipzig, 1882. — W.-L. Alexander, the Ancient
British Ghurch ; Londres, 1889, 2^ cd.
CUL-DE-FOUR (Archit.). Voûte en quart desphère, for-
mant une demi-coupole et employée dans l'antiquité pour
abriter des exèdres dans les tribunaux, à l'extrémité des
basiliques, dans les salles de thermes, dans les gymnases, etc.
Cette forme de voûte fut conservée pendant les premiers
siècles du christianisme et même pendant toute l'ère romane
pour couvrir l'abside principale des églises où se tenait
l'évêque entouré des anciens et aussi pour couvrir les petites
absides terminant les basses nefs. On décorait le plus sou-
vent ces voûtes décaissons peints et sculptés, de mosaïques
sur fond d'or ou de peinture. Paris offre plusieurs exemples
de ces voûtes en cul-de-four dont les plus anciennes remon-
tent, croit-on, au commencement de l'ère romane et se
voient dans [les petites absides latérales de l'église Saint-
Pierre, à Montmartre, tandis qu'un bel exemple moderne
de voûte en cul-de-four de grande dimension et richement
décorée est la voûte du choeur de l'égHse Saint-Vincent-de-
Paul, élevée sur les plans de J.-J. Hittorff, décorée par
Picot de peintures dans le style des basiliques latines et
représentant le Christ assis entouré d'apôtres et de per-
sonnages de l'Ancien et du Nouveau Testament. Suivant
certaines particularités qui les distinguent, les culs-de-four
sont dits en plein cintre, surhaussés, surbaissés, circu-
laires, elliptiques, etc. (V. Arc, Voûte). Charles Lucas.
eu L-DE-LAMPE. I. ARcmTECTURE. — Support en encor-
bellement, différent du corbeau (V. ce mot), usité depuis
la fin de l'ère romaine et surtout pendant le moyen âge
et la Renaissance, et ayant souvent reçu une riche orne-
mentation sculptée et parfois peinte. Les culs-de-lampe
semblent devoir leur nom consacré par l'usage à l'analogie
de forme que présentent les plus simples d'entre eux avec
le fond d'une lampe suspendue terminée en pointe ; mais,
dans les différents styles du moyen âge, les culs-de-lampe,
très employés pour supporter des colonnes engagées rece-
vant des arcs doubleaux, des retombées d'arcs et quelque-
fois des statues, se sont beaucoup écartés de cette forme
primitive rappelant assez bien un cône renversé et cannelé.
Ainsi, dès la fin du xi® siècle, on voit, à l'entrée du chœur
de l'église haute de Chauvigny (Poitou), un remarquable
cul-de-lampe représentant une tête de femme, d'un beau
sentiment, et coiffée d'une draperie descendant d'une sorte de
tailloir circulaire mouluré qui couronne le corbeau propre-
ment dit et reçoit une colonne d'arc doubleau. On conçoit
CUL-DE-LAMPE — CULÉE
600
Cul-de-lampe (cathédrale de Laon).
facilement le grand rôle que jouèrent dans Tarchitecture, au
double point de vue delà construction et de la décoration,
les culs-de-lampe lorsque, les arcs servant de nervures aux
voûtes se multipliant, leurs sommiers durent trouver dans
les culs-de-lampe une assiette large et suffisante dont l'en-
corbellement faisait corps avec plusieurs assises. Viollet-
le-Duc (Dict. de F Architecture^ t. IV) reproduit de nom-
breux culs-de-lampe empruntés à des édifices religieux,
civils et même militaires et dont quelques-uns, comme
celui sculpté dans un angle du croisillon nord de la cathé-
drale d'Agen, sont de véritables petits monuments com-
posés de corbeaux, de colonnettes et de figures. Nous
donnons ci-dessous un des culs-de-lampe portant les
faisceaux de colonnettes des voûtes de la cathédrale de
Laon, lequel
'l''i'' ''^ montre un heu-
reux arrangement
combiné pour
faire porter à un
buste d'ange sem-
blant sortir de la
muraille trois co-
lonnettes repo-
sant sur sa tête
et ses deux ailes.
D'autres culs-de-
lampe étaient,
suivant le style
de l'époque ou
l'imagination de
leurs auteurs, dé-
corés de feuil-
lages, d'ar-
moiries, d'ani-
maux fantas-
tiques et même
de scènes empruntées aux moralités de l'époque, témoin le
cul-de-lampe découvert derrière une armoire dans la salle
dite du trésor de l'hôtel de Jacques Cœur, à Bourges, et
dont le curieux sujet a été interprété de diverses façons.
Sous la Renaissance, les culs-de-lampe reproduisirent plus
fréquemment la forme d'un chapiteau privé de sa colonne
et reposant sur un culot orné de petits ornements simulant
des S ou des consoles minuscules. On doit encore considé-
rer comme des culs-de-lampe les encorbellements en forme
de console ou de clef pendante qui supportent la cuve des
chaires à prêcher et aussi certains motifs d'ornementation
qui, dans les fermes en fer, décorent l'extrémité des poin-
çons et les relient aux entraits. Charles Lucas.
IL Gravure. — Petite estampe destinée à être placée à
la fin d'un chapitre. Un cul-de-lampe doit généralement
s'inscrire dans un triangle placé la pointe en bas, mais on
donne par extension le nom de cul-de-lampe à toutes les
compositions destinées à remplir un bas de page.
III. Artillerie (V. Culasse).
CUL-DE-NÉGRESSE (Bot.) (V. Lodoicea).
CUL- DE- PORC. Nœud ou entrelacement de torons qui
forme une sorte de
pomme à l'extrémité
d'un cordage. Le cul-
de-porc est simple ou
double. Le premier
n'est pas assez solide
pour être d'un usage
courant. On ne l'em-
ploie, en général, que
comme base du cul-
de-porc double. Pour
les confectionner, on
détend les torons ;
on les entrelace
Cul-de-porc simple.
de manière à former une pomme ; puis on arrête les
bouts par une surliure. La confection du cul-de-porc
double s'opère en doublant le cul-de-porc simple. La
pomme que l'on
obtient de cette ma-
nière présente une
grande solidité. On
l'emploie pour ar-
rêter les tire-veilles
et comme dormant
des garants d'em-
barcation.
CUL-DE-SAC
(Archit.). Nom don-
né autrefois et en-
core de nos jours à
de petites rues ou
à des ruelles sans ^ , . . , .
issue et dont le nom Cul-de-porc double.
moderne est impasse (V. ce mot). Quoique les culs-de-sac,
ouverts au travers de propriétés privées et non livrées à
la circulation publique, constituent, au premier chef, dos
propriétés privées, les dangers que leur mauvais état d'en-
tretien ou leur état d'insalubrité peut entraîner pour la
santé publique a conduit le législateur à les placer sous
le coup des pouvoirs de poHce municipale confiés aux
maires et sous l'action des commissions de logements
insalubres. Charles Lucas.
BiBL. : G. JouRDAN, Pouvoivs des maires en matière
de salubrité des hahitations ; Paris, 1890, in-8.
CULEBRA (Sierra de la). Chaîne de montagnes de la
prov. de Zamora (Espagne), près de la frontière de Por-
tugal, court dans le sens de l'E. à l'O. et offre des pay-
sages très pittoresques ; elle domine toute la r. g. de la
riv. Tera, affl. de l'Esla, et se joint à l'O. aux collines de
la sierra de Seeundera. Son point culminant est la Peiia
Mira (1,245 mt). E. Cat.
CULEBRA. L'une des îles Vierges, la plus proche de
Porto-Rico, environ 34 kil. q. de superficie ; on y fait un
commerce de bois assez important.
CULEBRA. Port de la république de Costa-Rica, sur
l'océan Pacifique et au fond de la baie du même nom.
CULEBRA. Ville de l'isthme de Panama, sur le faîte
(86 m.) qui sépare le rio Grande (Pacifique) durioChagres
(mer des Antilles). Station du chemin de fer de Panama à
Colon. On a dû pratiquer sur ce point une tranchée de 7 m.
de profondeur. La nécessité de franchir le faîte en ce point
est une des grosses diflicultés que présente l'établissement
du canal interocéanique.
CULEBUTTE (V. Coiffure, t. XI, p. 866).
eu LlE. C'est l'appui extrême d'une voilte ou d'un pont.
Les culées des ponts en bois sont quelquefois en char-
pente et formées alors simplement de pieux enfoncés ver-
ticalement derrière lesquels on place des madriers horizon-
taux jointifs pour maintenir les terres. Ces pieux sont
réunis à leur partie supérieure par un chapeau sur lequel
s'appuient les poutres du pont. Mais le plus souvent, même
pour les ponts en bois, on fait des culées en maçonnerie.
Les culées des ponts formés de poutres droites, soit en
bois, soit en métal, n'ont à supporter, de la part de ces
pièces, que des efiorts verticaux. Elles doivent, en outre,
résister à la poussée des terres, et on calcule leurs dimen-
sions comme celles des murs de soutènement, en tenant
compte, bien entendu, de la charge verticale provenant des
poutres. Il est utile de donner, au parement de ces culées,
un fruit assez prononcé, favorable d'abord à la résistance
à la poussée, mais ayant surtout pour effet d'accroître la
distance entre la verticale de la charge et l'arête antérieure
de la base d'appui. Pour les culées de voûtes qui doivent
résister on outre à la poussée de celles-ci, on peut déter-
miner leur épaisseur par une épure de stabilité, en pro-
longeant, jusqu'à leur fondation, la courbe des pressions
qui a servi à déterminer les dimensions de la voûte. Mais
on peut aussi la calculer de la manière suivante : soit AB
la face supérieure horizontale de la culée qui supporte une
601 —
CULÉE - CULEY
demi-voûte dont Taction est représentée par la ligne oblique
GR se décomposant en une force verticale CP, égale au
poids de la demi-voûte
et une force horizontale
CQ, qui est la poussée.
Désignons par a la lar-
geur connue AB, par c
la distance BC du point
d'application G de la
force GR à l'arête inté-
rieure B. Supposons ,
suivant l'usage, que la
largeur de la voûte et de
la culée, dans le sens
perpendiculaire à celui
de la figure, soit égale
à l'unité, et appelons P et Q le poids de la demi- voûte et
la poussée pour l'unité de longueur de cette dimension, et
proposons-nous de déterminer la largeur DE = ^ que
devra avoir la culée, à une hauteur donnée GH = /i
au-dessous du plan AB pour que l'effort maximum sup-
porté par la maçonnerie par unité de surface, au point
le plus chargé, ne dépasse pas la charge de sécurité R
également donnée. Nous admettrons encore que le fruit
f du parement BE de la culée est réglé d'avance par des
considérations architecturales, de sorte que nous pou-
vons en déduire la distance HE = b =: c -i- fh de
la verticale du point C à l'arête intérieure E de la base.
L'effort total exercé sur la base DE sera la résultante de la
force GR et du poids P' de la culée ABED, qui, en appelant
n le poids du mètre cube de maçonnerie, est égal kïl h
(^ ... 1 - ^
— - — ^'et qui est appliqué au centre de gravité G du trapèze.
À
Nous supposerons approximativement que la verticale de ce
point G passe par le milieu de DE. Nous pouvons alors
déterminer le point F par lequel passera la résultante des
efforts GR et P', il suffit d'écrire que la somme des mo-
ments, par rapport à ce point, des trois forces P,Q,P' est
nulle, ce qui donnera, en appelant % la distance inconnue
DF, l'équation :
(1) P(x_&_2)H-m(^)(|— ;i;)-ftft=0.
Pour exprimer que l'effort par unité de surface, au point
le plus chargé D de la base, est égal à la charge de sécurité
R, nous supposerons que z est inférieur ou au plus égal au
tiers de ^, de sorte que la charge maximum soit exprimée
2 (P -H P')
par ~i— 1 et en l'égalant à R et substituant à P' sa
valeur, nous obtenons l'équation :
3R^
m
2
:^P+n/.(ip).
Et, en éliminant z entre ces deux équations, il en vient
une du second degré en ^, qui, résolue par rapport à cette
inconnue, donne :
(3) .
— r.6P+_«R 1
'""bR-s
3ri/iJ
+
/r 6P-4-aRT
V L^R— 3mJ
-A PU
2R — 3m
]
et cette valeur de x portée dans l'équation (2) fournira celle
de z. Il est rare que l'on emploie cette formule un peu com-
pliquée. Le plus souvent, on se contente, sans tenir compte,
provisoirement, de la charge de sécurité R, d'exprimer que
le point F où la résultante des pressions rencontre le
joint DE ne se trouve pas trop éloigné du milieu de ce
joint, en écrivant, par exemple, que le rapport des longueurs
DE X
::::::: est éûal à uu nombre donné K compris entre
FE x—% ^ ^
i et 2 et auquel M. J. Resal a proposé de donner le nom
de coefficient de stabilité. Si, dans la formule (\ ) on rem-
place z par xl ^ J cette équation ne contient plus
d'autre inconnue que x qui y entre au 2® degré et en la ré-
solvant on obtient la valeur de cette inconnue
[a 2P 1
¥ + (2-K)mJ
on calcule ensuite %
K)n/i
K
on s'assure, après
l'effort maximum au
-^ et W
coup, que la condition relative à
point le plus chargé est satisfaite. On doit d'ailleurs faire
le calcul de x par l'une ou l'autre méthode, non seule-
ment pour la base de la culée, mais pour un certain nombre
d'assises successives, h désignant, en tout cas, la distance
des deux assises considérées.
Au lieu de ces formules théoriques on se contente quel-
quefois de calculer l'épaisseur de la culée par l'une des
formules empiriques suivantes dans lesquelles 2 l désigne
l'ouverture de la voûte entre les naissances, /"sa montée qui
est égale à l dans les voûtes en plein cintre, e son épaisseur à
la clef, c l'épaisseur du remblai au-dessus de la clef, h la
hauteur de la culée depuis sa base jusqu'aux naissances, et
H la hauteur totale depuis la base de la culée jusqu'au-
dessus du remblai -.Hr^/i-^-f+^+c. L'épaisseur a^ de
la culée, supposée uniforme sur toute sa hauteur, doit,
d'après M. Léveillé, avoir les valeurs suivantes :
Voûtes en plein cintre
iï;z=:0«»30 4-0,324/
sj'4
3l(^h-j-l)
Voûtes surbaissées, en arc de cercle, ellipses ou anses de
panier : a;— 0,33 +0,424
Vt
2f/i
(f+e)
D'après M. Lesguiller on devrait prendre :
Voûtes en arc de cercle :
x — slJI ["0,60-1-0,20 (4- i) + 0,04/iJ.
Gette formule se réduit à a;=\/^K0,60 4- 0,04 /i)
pour les voûtes en plein cintre.
Enfin, les ingénieurs russes et allemands emploient la
formule suivante qui s'applique aux voûtes de toutes formes :
Il ne suffit pas de calculer les dimensions des culées des
voûtes, il faut les établir sur des fondations solides, et bien
des voûtes périssent par suite de tassements subis par les fon-
dations de leurs appuis. On exécute souvent les massifs des cu-
lées en maçonnerie de blocage pour n'avoir pas à se préoccu-
per de la direction à donner aux surfaces de lit. Lorsque les
culées sont appareillées par assises, il convient de s'assurer
que la pression sur chacune d'elles ne fait pas, avec la nor-
male, un angle supérieur à l'angle de glissement. On est sou-
vent conduit, notamment pour les voûtes surbaissées, à incli-
ner les assises sur l'horizontale pour leur faire couper à peu
près normalement la courbe des pressions. Les culées peuvent
avoir leur parement apparent ; ellespeuvent, au contraire, être
entièrement enfouies dans le sol et masquées par un talus
sur lequel semble reposer la voûte : celle-ci est dite alors à
culées perdues, A. F.
BiBL. : Degrand et Résal, Ponfs en maçonnerie ; Paris,
1888, 2 vol. in-8.
CULENBORG ou KUILEMBURG. Ville de la Hollande,
prov.de Gueldre, à 55 kil. d'Arnheim, sur la rive gauche
du Lek; 5,300 hab. On y fabrique des rubans de soie.
CULÈTRE. Gom. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Beaune, cant. d'Arnay-le-Duc ; 185 hab.
CULEX (Entom.) (V. Gousin).
CULEY. Gom. du dép. de la Meuse, arr. de Bar-le-
Duc, cant. de Ligny; 293 hab.
CULEY --» CULOZ
^ 602 —
CULEY-le~Patry. Gom. du dép. du Calvados, arr. de
Falaise, cant. de Tliury-Harcourt ; 426 hab.
eu LH AT. Corn, du dép. du Puy-de-Dôme, arr. de Thiers,
cant. do Lezoux ; 1,334 liab. Culhat était le siège d'une
commanderie du Temple. Eglise romane. Lanterne des
morts du xii^ siècle (mon. liist.). L. F.
CULHUACAN. Bourg du Mexique, dans la proY. de
Mexico, ancienne capitale de la tribu tollèque des Culhuas.
CULIACAN. Ville du Mexique, capitale de la prov. de
Linaloa, sur le rio Cuhacan et au milieu d'une riche région
minière. Ancien centre de population culhua, c'est encore
une des villes les plus considérables de la Sonora ;
45,000 hab. Elle est traversée par la route qui, d'une
part aboutit à Mazatlan, sur le Pacifique, d'autre part à
travers la Sonora, rejoint Tucson, dans l'Arizona. Un
tronçon de chemin de fer la relie à Altata qui lui sert de
port sur le golfe de CaHfornie.
CULIÈRE (V. Cuvette).
CULILAWAN (Ecorce de) (V. Cannelle).
eu LIN. Com. du dép, de l'Isère, arr. de Vienne, cant,
de Saint-Jean-de-Bournay; 460 hab.
eu LIN A (Ant, gr. et rom.) (V, Cuisine et Maisons
grecque et romaine).
CULINAIRE (Art) (V. Cuisine).
CULLEN (William), célèbre médecin anglais, né à Ha~
milton le -15 avr. 4740, mort le 5 févr. 4790. Il étudia à
Londres et à Edimbourg, puis en 4744 se rendit à Glasgow
où il organisa un système presque complet d'enseignement
médical. En 4773, il obtint à Edimbourg le cours de pratique
qu'il ambitionnait depuis longtemps. Il put alors sans en-
traves exposer son système médical, auquel les idées de Fréd.
Hoffmann avaient servi de base ; solidiste exclusif, il s'ap-
puie à la fois sur le système nerveux avec Hoffmann, sur l'ir-
ritabilité avec Haller. Il partage la pathologie tout entière
en trois classes, les pyrexies, les maladies nerveuses, les ca-
chexies ; quoique les affections les plus disparates viennent
s'y coudoyer dans le même groupe, ce système eut un grand
succès à cause de sa simphcité. En raison de l'imperfection
des études anatomo-pathologiques à cette époque, tout dans
ce système est symptomatologie, et les indications théra-
peutiques sont développées avec une rare sagacité. Ou-
vrages principaux : Institutions of medicine (Edimb.,
4772, et autres édit. ; trad. fr., Paris, 4785, in-8) ;
Lectures on the matériel mecl. (Londres, 4772,
" in-4; 4789, in-4; trad. fr., Paris, 4789, 2 vol. in-8) ;
First Lines of practice of physic (Edimb., 4776, 4783,
in-8 ; nombreuses édit,, et deux trad. fr,, en 4785, 2 vol.
ïn-8, et ^85-87, 2 vol. in-8; nouv. édit, Paris, 1849,
3 vol. in-8) ; Clinioal Lectures (Londres, 4797, in-8 et
autres édit.). D^ L. Hn.
Bibl: J. Thomson, Account of the life of William
Cullen; Edimbourg, 1832-59, 2 vol.
CULLEN (Paul), archevêque de Dublin, né à Prospect,
près de Ballytore, comté de Kildare, le 27 avr. 4803,
mort à Dublin le 24 oct. 4878, Ordonné prêtre en 4829,
il remplit les fonctions de recteur du collège irlandais de
Rome. Il acquit une grande autorité dans les conseils du
Vatican, sous le pontificat des papes Grégoire XVI et Pie IX ;
il fut nommé archevêque d'Armagh et primat de l'Irlande,
en i 850. Il présida le synode national de Thurles, Deux
ans plus tard, promu au siège archiépiscopal de Dublin, il
se signala par son attitude énergique dans l'exécution des
résolutions prises par cette assemblée sur les questions
scolaires. Partisan d'une école purement confessionnelle, il
refusa de siéger dans les commissions mixtes ou laïques.
La création d'une université catholique irlandaise fut Tob-
jet constant de ses préoccupations, et il vit ses efforts cou-
ronnés de succès. Il déploya une activité extraordinaire
dans la restauration des œuvres pies. On lui doit notam-
ment l'hôpital Mater misericordice de Dublin. Dans la
question du pouvoir temporel du pape en 4858, il se
signala par la part active qu'il prit à la lutte. Il fut le
principal organisateur de la brigade irlandaise qui se rendit
à Rome pour soutenir la papauté. En 4866, il fut nommé
cardinal et contribua à faire proclamer le dogme de l'in-
faillibilité du pape. En 4875, il présida le synode de May-
nooth. Cx. Q,
CULLERA. Ville d'Espagne, prov. de Valence, à 4 kil.
de rembouchure du Jucar, au milieu d'une magnifique
huerta; 44,049 hab. La ville, qui a quelque importance
stratégique, a une vieille enceinte fianquée de tours, L'Alto
de Cullera (233 m. d'altit.), signal géodésique de pre-
mier ordre du réseau espagnol, domine la ville du côté du
Levant et forme le cap du même nom. Les navires d'un
faible tonnage remontent le fleuve jusqu'à Cullera et y
trouvent un excellent abri. Pêche très active, exportation
considérable d'oranges, oignons, vins, olives, etc.
CULLES.Com. du dép. de Saône-et-Loire, arr. de Cha-
lon-sur-Saône, cant, de Buxy; 440 hab.
CULLODEN. Manoir d'Ecosse, comté de Nairn, près
d'Inverness, au S. duquel fut livrée, le 46 avr. 4746,
sur la lande de Drummossie, la bataille qui ruina défini-
tivement la cause jacobite dans la Grande-Bretagne
(V. Charles-Edouard).
CULLY. Com. du dép. du Calvados, arr. de Caen, cant,
de Creully ; 296 hab.
CULIVI (V. Kulm).
CULMA. Volcan du Guatemala, non loin de la frontière
salvadorienne, à l'O. du lac de Guija et au N, de la ville
de Jutiapa,
eu LM BACH (V. Kulmbach).
CULIVI BACH (Hans von), peintre-graveur allemand, né
à Culmbach en Franconie, vers 4472, mort au plus tard
en ^1522. Son nom de famille est Suess (et non Wagner).
Il passa plusieurs années dans l'ateHer de Diirer, après
avoir reçu les leçons ou subi l'influence de Jacopo, de Bar-
barj. V Adoration des bergers (signé de son monogramme
et daté 4544),^ du musée de Berlin, est une œuvre forte et
touchante. Mais c'est surtout dans le tableau d'autel de
l'église Saint-Sebald de Nuremberg, chef-d'œuvre de Culm-
bach, qu'on retrouve les deux influences de Durer et de
l'Ecole vénitienne. Enfin, c'est encore de Durer que relèvent
les pages vigoureuses et vivantes (Histoire de saint Paul
et de saint Pierre) que possèdent les Ufiizi de Florence
et le Musée germanique de Nuremberg, Sur les tableaux
tirés de la légende de sainte Catherine que conserve l'église
Notre-Dame de Cracovie, on lit le nom de Hans Suess.
Les galeries de Hambourg, Berlin, Bamberg, Leipzig,
Schleissheim, ont des portraits de ce maître.
Bibl: K. Woermann, Geschichie der Malereî; Leipzig,
1883, in-8. — D"^ Hubert Janitschek, Die Malerei, dans fa
Geschichte der deutschen Kunst. ; Berlin, 1889, in-4.
CULMINATiON (Astron.). Point le plus élevé qu'atteint
un astre dans sa révolution. C'est au moment de son pas-
sage supérieur au méridien qu'il atteint sa plus grande
hauteur. Quand il est au méridien inférieur, sa hauteur
est la moindre. Celle-ci n'est observable que pour les
astres dont la déclinaison est au moins égale à la cola-
titude du lieu.
CULMONT. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr, et
cant. de Langres; 424 hab.
CULIVISEÉ(V. Kulmsee).
CULOTTE. ï, HiSïomE du costume (V. Costume).
IL Boucherie. — La culotte est la partie de la cuisse du
bœuf qui comprend l'échiné depuis le dessus de la queue
jusqu'au filet, et à peu près, en allant en pointe vers le pis,
entre la tranche grasse et la bavette. C'est un morceau de
premier choix. Le premier morceau qui se prend auprès do
l'aloyau se nomme cimier; vient ensuite le milieu de la
culotte^ puis la pointe.
CULOZ {Cîilum^ CullOy CuU Cule). Com. du dép. de
l'Ain, arr. de Belley, cant. de Seyssel, au pied du Grand-
Colombier; 4,474 hab. Importante stat. du chem. de fer
Paris-Lyon-Méditerranée, bifurcation des lignes de Turin
et de Genève. Au début du xiii® siècle, Culoz appartenait à
603 «-
CULOZ «" CULPABILITÉ
Humbert de Luyrieux qui le tenait en fief de Humbert, sire
de Beaujeu. En 1584, cette terre passa par alliance à la
famille d'Angeville et vers 4750 à celle de la Fléchère.
CULPABILITÉ. L'idée de culpabilité, au point de vue
de la loi pénale, implique l'existence des deux conditions
suivantes : !<> un fait illicite ; 2*^ un agent moral. Il faut
d'abord un fait illicite. Quelque répréhensible , quelque
immoral que soit un acte, quel que puisse être le préjudice
' qifc^l ait causé à autrui, il ne saurait être question de culpa-
bilité, si cet acte n'a pas été formellement prévu et puni
par un texte législatif. Ce mot fait illicite doit d'ailleurs
s'entendre ici dans son sens le plus large, c.-à-d. d'un
fait négatif aussi bien que d'un fait positif. Qu'il s'agisse
d'une action ou d'une omission, peu importe. Faire ce
qui est défendu ou ne pas faire ce qui est ordonné est
également condamnable. Mais, dans un cas comme dans
l'autre, il est indispensable que cet ordre ou cette défense
émane de la loi. Il faut, en second lieu, que cet acte matériel
ait sa cause efficiente dans un agent moral. En dehors de
la conscience, point de responsabilité. C'est là une con-
dition tellement essentielle, en cette matière, que, à la
différence de la première, si elle fait défaut, par cela même
il n'y a plus d'infraction à quelque point de vue qu'on se
place. Le fait échappera non seulement à la répression de
la législation positive, mais même à la réprobation du
droit naturel. On aura à le déplorer peut-être ; on ne
pourra pas le blâmer. Ce sera un accident, un malheur,
un désordre, jamais une faute, un délit, ni un crime.
Un mur s'écroule et tue un passant. Un animal blesse
une personne. Un incendie éclate dans un théâtre et
fait des centaines de victimes. Ce sont là des calamités
que la loi est impuissante à atteindre, à moins que l'on
n'établisse, en remontant la chaîne des effets et des causes,
que l'une de ces causes réside dans un agent moral.
L'homme seul est agent moral. Mais tout homme n'est pas
un agent moraL Cette quaHfication n'appartiendra qu'à
celui qui sera un être à la fois raisonnable et libre. La
raison doit s'entendre ici de la faculté de discerner le bien
et le mal; la liberté, du pouvoir de choisir entre deux
partis contraires, et exclusifs l'un de l'autre, de décider
que le fait que notre conscience nous représente comme
coupable sera ou ne sera pas réalisé. En un mot, la culpa-
bilité suppose l'imputabilité ; mais elle ne se confond pas
avec elle. Celle-ci consiste, en effet, dans la possibilité de
demander compte à un individu, non pas seulement des
faits qui tombent sous le coup de la loi, mais, d'une ma-
nière générale, de toutes ses actions bonnes ou mauvaises.
Elle a donc une signification plus étendue que la première
et, par conséquent, une moins grande compréhension. Tels
sont les principes philosophiques qui régissent la matière.
Il nous reste à faire connaître à présent l'application qui
en a été faite par le code pénal. L'art. 64 du C. pén.
dispose qu'il n'y a ni crime ni délit, si l'agent était en
état de démence au moment de l'action, ou s'il a été
contraint par une force à laquelle il n'a pu résister. C'est
poser, ^ en d'autres termes, les deux conditions que nous
indiquions plus haut, et dire que toute culpabilité dispa-
rait, si Fauteur du fait ne jouit pas de sa raison et de sa
liberté. Le mot démence s'applique, en droit pénal, à
toutes les formes, sans distinction, de l'aliénation mentale,
à la monomanie, à l'imbécillité, à l'idiotisme aussi bien
qu'à la fureur. Dès l'instant qu'au moment de l'action
l'agent a été incapable d'en apprécier la moralité, il ne
peut être déclaré coupable. Il devra, au contraire, être
considéré comme responsable alors même que la démence
est son état habituel si, à l'instant de la perpétration du
crime, il se trouvait dans un intervalle lucide. Quant au dé-
sordre intellectuel occasionné par une violente passion, telle
que la jalousie ou la colère, il ne saurait être assimilé à la
folie. La culpabilité subsiste. Mais les juges pourront voir
néanmoins dans l'état moral du prévenu ou de l'accusé
un élément d'atténuation. Il en est de même de l'ivresse.
La jurisprudence décide qu'elle ne présente aucun des
caractères de la démence, et que, par conséquent, l'art. 64
ne peut, dans cette hypothèse, recevoir son application. Si
cependant l'agent se trouve dans une situation telle que la
conscience morale soit en lui entièrement abohe, certains
auteurs soutiennent que le fait par lui commis dans ce moment
d'aberration ne doit pas lui être imputable. Le somnam-
bulisme et l'hypnotisme sont également exclusifs de toute
responsabilité. Mais ni la surdi-mutité ni le sortilège ne
pourront être invoqués comme faits justificatifs. Après la
démence. Fart. 64 pose la force majeure comme seconde
cause de non-culpabilité. Cette disposition doit s'appliquer
à la contrainte morale aussi bien qu'à la contrainte phy-
sique, car la loi ne distingue pas. C'est ainsi qu'une
infraction commise sous l'empire d'une menace de mort ne
sera plus criminelle ni délictueuse. Il en sera de même
d'un mal physique redoutable, mais non de la crainte
d'un préjudice moral ou pécuniaire. Ce mal doit être aussi
un mal présent. S'il ne doit se produire que dans un avenir
plus ou moins éloigné, on ne pourrait y voir une circons-
tance de nature à détruire d'une façon complète la liberté
de l'agent. C'est là d'ailleurs une question de fait aban-
donnée à la souveraine appréciation des juges qui devront
tenir compte sur ce point de l'âge, du sexe et du degré
d'intelligence des prévenus. Le commandement de l'au-
torité légitime peut également être considéré comme une
contrainte morale qui efface la culpabilité. Cette règle est
applicable aux militaires, aux fonctionnaires, même aux
simples particuliers qui ont agi en vertu de réquisitions
régulières, à moins toutefois que l'ordre , par eux reçu,
n'ait été donné dans des circonstances telles que son carac-
tère criminel en ressorte à l'évidence. Le subordonné
devra aussi refuser d'obéir, si cet ordre s'applique à un
objet qui soit en dehors des attributions légales du supé-
rieur hiérarchique. La loi pénale qui, ainsi qu'on vient de
le voir, fait de la raison morale et de la liberté deux con-
ditions constitutives de l'imputabilité, ne se prononce pas,
d'une manière formelle, sur la bonne foi. Que faut-il dé-
cider à cet égard ? S'il n'y a pas eu chez l'agent d'in-
tention criminelle, si, par suite d'une erreur de fait, il se
croyait, au moment de Faction, dans des circonstances où
il ne pouvait y avoir ni crime ni délit, devra-t-il être dé-
claré responsable ? devra-t-il, au contraire, être renvoyé
des fins de la plainte ? Il n'y a pas sur ce point de règle
générale. La solution de cette question dépendra de la
nature de l'infraction reprochée au délinquant. En ma-
tière criminelle et correctionnelle il est admis, en principe,
que l'absence de l'élément intentionnel enlève à l'action
tout caractère répréhensible. Ainsi celui qui s'empare de
la chose d'autrui dans la croyance qu'il en était proprié-
taire ne se rend pas coupable de vol. De même, on ne
pourrait voir un délit d'adultère dans le fait de celui qui
viole la foi conjugale, s'il est établi qu'il y a eu de sa
part erreur sur l'existence du mariage qui est un élément
constitutif de ce délit. Mais la bonne foi n'est plus exclusive
de la culpabilité relativement aux infractions à l'égard des-
quelles le législateur réprime la seule imprudence, comme
l'homicide ou les blessures involontaires. Elle ne l'est pas
davantage dans les cas où l'agent, bien que n'ayant aucune
intention criminelle, sait pourtant qu'il commet un fait
immoral. En ce qui concerne les contraventions de simple
police, c'est la règle inverse qui doit être posée. Le fait
matériel suffira, en général, pour qu'une condamnation
puisse être prononcée. Ce n'est qu'exceptionnellement qu'il
sera nécessaire qu'à ce fait matériel vienne se joindre un
élément intentionnel. Enfin, en matière de déHts-contra-
ventions prévus par les lois spéciales et punis de peines
correctionnelles, tels que les infractions aux lois d'exil, par
exemple, le délinquant invoquerait vainement l'exception
tirée de la bonne foi.
Aux termes de Fart. 328, il n'y aura encore ni crime
ni délit, lorsque l'homicide, les blessures et les coups
auront été commandés par la nécessité actuelle de la légi-
time défense de soi-même ou d'autrui. C'est là un qua-
CULPABILITÉ ~ CULTE
604 —
trième fait justificatif, une quatrième circonstance exclusive
de la culpabilité. Mais pour qu'il y ait lieu à l'application
de cet article, pour que la résistance à l'aide de l'un des
moyens ci-dessus indiqués ne soit ni criminelle ni délic-
tueuse, il faut d'abord que l'agression soit injuste. En
second lieu, le péril doit être imminent, sans qu'il y ait
d'ailleurs à distinguer si l'agent a été ou non dans la pos-
sibilité de s'y soustraire par la fuite. En troisième lieu, il
faut qu'il s'agisse d'une attaque menaçant les personnes et
non d'un simple danger menaçant les biens. L'art. 329
fait l'application de ces principes dans les deux hypotlièses
suivantes : 1^ si le fait a eu lieu en repoussant pendant la
nuit l'escalade ou l'effraction des clôtures, murs ou entrée
d'une maison ou d'un appartement habité et de leurs
dépendances; ^^ en cas de défense contre les auteurs de
vols ou de pillages exécutés avec violence. A côté des faits
justificatifs, la loi admet des excuses. Ces excuses sont
absolutoires ou atténuantes. Les premières effacent entiè-
rement la culpabilité. Les secondes ont seulement pour
effet de permettre au juge d'adoucir la peine. Les unes et
les autres doivent être expressément déterminées par le
législateur. C'est ce qui résulte de l'art. 65 ainsi conçu :
« Nul crime ou délit ne peut être excusé, ni la peine
mitigée que dans les cas et dans les circonstances où la loi
déclare le fait excusable ou permet de lui appliquer une
peine moins rigoureuse. » Ainsi, ceux qui avant toute
exécution du complot contre la sûreté de l'Etat, et, avant
toutes poursuites commencées, ont révélé ces faits à l'au-
torité, ou qui, même depuis le commencement des poursuites,
ont procuré l'arrestation des coupables, sont exemptés des
peines prononcées par la loi contre les auteurs de ces crimes
(art. 408). Ainsi encore ne peuvent être condamnés les indi-
vidus qui ontfait partiede bandes armées, mais sansyremplir
aucun emploi ni aucune fonction, s'ils se sont retirés au pre-
mier avertissement des autorités civiles ou militaires, ou
même depuis, s'ils n'ont été saisis que hors des lieux de la
réunion séditieuse, sans opposer de résistance et sans
armes (art. 100). En cas de recel de criminels, leurs
ascendants ou descendants, époux ou épouses même
divorcés, frères ou sœurs ou alliés au même degré, ne
sauraient être déclarés coupables (art. 248) . Pareillement,
les soustractions frauduleuses commises entre les mêmes
personnes, sauf cependant les frères et sœurs, ne peuvent
être incriminées. Elles donneront lieu seulement à des
réparations civiles (art. 380). Ce sont là des excuses abso-
lutoires ; quant aux excuses atténuantes qui ont seulement
pour effet d'amoindrir la culpabilité, les unes sont géné-
rales et les autres spéciales. Les excuses générales sont la
minorité de seize ans et la provocation. Parmi les secondes
on peut citer l'outrage violent à la pudeur, en matière de
crime de castration et le flagrant délit d'adultère, en cas de
meurtre commis par l'époux sur l'épouse et sur le com-
plice (art. 324 et 325). Dans ces diverses hypothèses, la
criminalité de l'acte subsiste. Une peine devra donc être
prononcée ; mais la répression sera mitigée. On le voit, les
faits justificatifs et les excuses consistent dans des circons-
tances formellement précisées et limitativement énumérées
par le législateur qui détermine ainsi les conditions de la
culpabilité absolue. Mais la culpabilité absolue est une
abstraction. La culpabilité individuelle seule est une
réalité. Cependant la loi ne pouvait pas prévoir les éléments
multiples qui concourent à former cette culpabilité
concrète, ni les motifs d'atténuation capables de la mo-
difier. Dès lors elle devait laisser au juge du fait le soin
de les rechercher et de les apprécier, et un pouvoir suffisant
pour lui permettre de proportionner la peine au degré de
criminalité de l'agent. C'est ce qu'elle a fait d'abord par la
latitude du maximum au minimum. Mais cette mesure
aurait été insuffisante, le minimum de la peine pouvant être
encore trop rigoureux, eu égard aux conditions particulières
dans lesquelles s'est trouvé le délinquant. Le code pénal a
obvié à cet inconvénient par l'admission du bénéfice des
circonstances atténuantes dont le système se trouve réglé
par l'art. 463, soit en matière criminelle, soit en matière
correctionnelle. Une judicieuse application de cet article
donnera aux tribunaux le moyen de tenir compte de toutes
les circonstances de fait et de la culpabilité individuelle, de
la manière à la fois la plus large et la plus équitable.
Toutes les questions relatives à la démence, à la contrainte,
à la bonne foi, à la légitime défense, aux excuses et aux
circonstances atténuantes, questions que nous n'avons fait
ici qu'effleurer, sont traitées dans les articles consacrés à
chacun de ces mots avec tous les développements qu'elles
comportent. J. Chancel.
BiBL. : JoussE, Ti'aité de la justice criminelle^ t. 1, p. 10.
— Pastoret, Lois pénales, t. I, h» partie, p. 21. — Morin,
Répertoire^ v» Volonté. — Bourguignon, Jurisprudence
des codes criminels, t. III, p. 71. — Sghenck, Traité du
ministère public^ t. Il, p. 31. — Rauter, Traité du droit
criminel, t. I, pp, 25, 137. ~ Duverger, Manuel des juges
d'instruction, t. I, p. 160. — Ortolan, Eléments de droit
pénal, 1. 1, p. 99. — Chauveau et Hélie, Théorie du code
pénal, n» 351. -— Blanche, Etudes pratiques sur le code
pénal, t.ll, p. 270. — Rossi, Traité de droit pénal, t. I,
p. 819, t. II, p. 1. — Faustin Hélie, Pratique criminelle des
cours et tribunaux, 2<^ partie, p. 70. — Bertauld, Cours
de code pénal, p. 348.
CULPEPER (Sir Thomas), économiste anglais, né en
io78, mort en 1662. On a de lui un Tract ag ainsi the
highrate ofUsuiie (4621), qu'il présenta au parlement,
et qui fit baisser le taux légal de l'intérêt de 10 à 8 ^/o.
— Son troisième fils, sir 7/ioma5 Culpeper le Jeune (1620-
1697), reprit la campagne commencée par son père, et
publia plusieurs écrits contre l'usure, ainsi que des Essayes
or Moral Discourses on several Subjects (1655). On
lui attribue un traité intitulé Considérations touching
Marriage, B.-ïï. G.
eu LROS (Elisabeth Melvill, lady),femme poète écossaise
du commencement du xvn^ siècle, dont on a Ane godlie
Dreame, compyhtin Scottish Meters (Edimbourg, 1603,
in-4), sorte de complainte presbytérienne qui fut long-
temps populaire parmi les paysans d'Ecosse. B.-H. G.
CULT. Com. du dép. de la Haute-Saône, arr. de Gray,
cant. de Marnay; 188 hab. Carrières de pierre de tallfe.
L'ancienne et importante maison de Cuit a possédé la sei-
gneurie depuis le xv^ siècle jusqu'au xix^. Eglise du
xiii^ siècle, renfermant plusieurs dalles tumulaires du xvi*^
et du xvii^ siècle. L-x.
CULTE. Les actes du culte religieux, constatés par l'his-
toire, sont fort divers : offrande, sacrifice, prière, chant,
danse, procession, construction d'édifices et fabrication
d'images; prosternation, adoration, méditation et contem-
plation; abstinence, souffrance volontaire et mutilation ;
purification, immersion et onction; libation, repas sacré et
même accouplement sexuel. Dans les notices sur les noms
de la plupart de ces actes, on trouvera l'indication des idées
qui y ont été attachées ; au mot Religion, l'indication des
rapports généraux de la religion et du culte ; dans les
articles sur les principales religions, des notions spéciales
sur les objets et le but de leur culte, les actes et les rites
qui constituent ce culte (V. aussi Liturgie). E.-H. Vollet.
Administration et organisation des cultes. — Au
sens absolu du mot, les cultes ne sont pas libres dans un
Etat parce que l'Etat possède sur l'ensemble des services
publics un droit supérieur de direction et de surveillance,
dérivant de sa souveraineté, qu'il exercera sur une Eglise,
au même titre qu'il l'exerce, par exemple, sur l'armée. Il
y a donc lieu de distinguer entre la liberté du culte et la
liberté de conscience. Celle-ci, inscrite dans la déclaration
des droits de 1789, est pleinement reconnue : personne
ne peut être poursuivi à raison de la religion qu'il pra-
tique. Celle-là n'existe en droit que pour les cultes recon-
nus par l'Etat, reconnaissance qui implique pour eux cer-
taines restrictions, mais aussi certains avantages. Quant
aux cultes non reconnus, s'ils sont soumis à l'autorisation
préalable de l'Etat, ils sont en fait beaucoup plus libres
que les autres, puisqu'ils se dirigent et se gouvernent eux-
mêmes, sans immixtion de l'autorité civile,'^ et à la seule
condition d'observer le droit commun. Administrativement,
— 605
CULTE
les cultes se divisent donc en deux grandes catégories :
le culte catholique et les cultes non catholiques reconnus, les
cultes non reconnus. Les questions religieuses qui se posent
à propos de la liberté des cultes et de la liberté de conscience
sont traitées aux mots Apostasie, Hérésie, Liberté.
Culte catholique. — Nous renverrons pour l'historique de
la question aux mots Eglise, Concordat, Biens de l'Eglise,
Etat civil, Dîme, Organiques (Articles), Pragmatiques,
Eglise constitutionnelle, France ecclésiastique. On y
trouvera tout ce qui concerne l'organisation du culte catho-
lique, à partir du moment où il s'est exercé comme culte
reconnu, c.-à-d. sous le règne de Constantin, jusqu'au
contrat synallagmatique passé entre le pape Pie VU et le
gouvernement français et connu sous le nom de concordat.
Nous ne nous occuperons ici que de l'organisation actuelle.
Elle dérive du concordat de 1801 et des articles organiques
(loi du 18 germinal an X), quoique ces derniers n'aient pas
été acceptés par le saint-siège ; d'un assez grand nombre
de lois spéciales dont les plus importantes sont celles du
23 ventôse an XII sur les séminaires ; celles des 7 ther-
midor an XI et 30 déc. 1809 sur les fabriques, celles du
6 nov. 1813 sur les biens des cures, des menscs épisco-
pales, des chapitres et des séminaires ; enfin d'articles des
lois générales (par exemple, les art. 23 et 24 de la loi du
15 jiiil. 1889 sur le recrutement de l'armée) ou de décrets,
de circulaires, décisions, arrêtés ministériels, avis et arrêtés
du conseil d'État, arrêts de la cour de cassation, etc.
Le territoire est divisé en diocèses et en paroisses, le
diocèse est administré par un évêque ou un archevêque, la
paroisse par un curé. Le curé est soumis à l'autorité et à
la juridiction de l'évêque, l'évêque à celle du pape. C'est
le pape qui institue canoniquement les évêques, mais
c'est le gouvernement qui les nomme et les présente au
saint-siège. De même, si les évêques font les nominations
des vicaires généraux, des chanoines et des curés, ces nomi-
nations doivent être soumises à l'approbation du gouver-
nement, comme aussi la fondation des établissements ecclé-
siastiques et communautés religieuses, la détermination de
circonscription des paroisses, les érections de cures, de cha-
pelles et oratoires particuliers, etc. Malgré ce principe de la
distinction des pouvoirs spirituel et temporel, l'Etat inter-
vient donc dans les affaires du culte, notamment pour en
réglementer l'exercice extérieur, pour régler les intérêts
temporels des personnes et des établissements ecclésias-
tiques et l'entretien des édifices religieux. Mais il s'est interdit
d'intervenir dans les questions de dogme, dans les affaires
relatives aux fonctions purement spirituelles, ou dans l'exer-
cice des droits réservés exclusivement aux évêques et aux
curés ; les membres du clergé doivent, de leur côté, ne pas
s'immiscer dans les fonctions des autorités civiles, et le code
pénal édicté des peines contre les ministres du culte qui,
dans des discours publics ou des écrits contenant des ins-
tructions pastorales, critiquent ou censurent le gouverne-
ment ou tout acte de l'autorité, provoquent à la désobéis-
sance aux lois, excitent les citoyens à la rébellion ou à
prendre les armes, ou entretiennent sur des matières reli-
gieuses une correspondance avec une puissance étrangère
sans autorisation du ministre des cultes. C'est pour un
motif de même ordre que les bulles, brefs, rescrits et autres
expéditions de la cour de Rome elle-même, les décrets des
synodes étrangers, ceux des conciles généraux ne peuvent
être reçus, publiés, imprimés et exécutés en France sans
l'autorisation du gouvernement.
L'exercice de la religion catholique est libre et son culte
public, à la condition que les règlements de police jugés
nécessaires par le gouvernement pour la tranquillité pu-
Mique soient strictement observés. Les lieux où le culte
peut être célébré sont les églises, les chapelles des établis-
sements publics ou des particuliers, les voies publiques et
les cimetières. Les églises doivent être gratuitement ou-
vertes au public sur qui il est interdit de percevoir aucune
autre taxe que le prix des chaises. Aucune fête ne peut être
établie sans l'autorisation du gouvernement. Il peut inter-
dire les cérémonies extérieures du culte, comme les pro-
cessions, plantations de croix, etc., sur la voie publique
lorsqu'il existe pour lui des motifs de craindre que l'ordre
ne soit troublé. Les maires jouissent des mêmes droits.
Les ministres du culte, archevêques, évêques, curés et des-
servants reçoivent des traitements de l'Etat. Aux termes
du concordat, pourtant, l'Etat n'était tenu de payer que
le traitement des archevêques, des évêques et des curés.
Il n'était pas question d'émoluments pour les desservants
et les vicaires qui devaient se contenter des oblations (ou
casuel) et des pensions que leur avait votées l'Assemblée
constituante. Les vicaires généraux et les chanoines étaient
à la charge des conseils généraux et des conseils munici-
paux qui devaient en outre assurer le logement aux évêques,
curés, desservants. Mais peu à peu, par la force même des
choses, toutes les dépenses afférentes au personnel ecclé-
siastique passèrent à la charge de l'Etat et constituèrent le
budget des cultes (ventôse an XI). Ce budget s'élevait en
1803 à 17,190,197 fr., en 1807 à 40,162,277 fr., en
1860 à 48,178,620 fr., en 1875 à 52,188,455 fr. A la
suite des réductions apportées par les Chambres à certains
chapitres, entre autres ceux du traitement du haut clergé
qui avait de beaucoup dépassé les limites fixées par le con-
cordat, et ceux des subventions aux séminaires (bourses) et
des secours aux communautés religieuses, il était tombé,
en 1885 à 44,200,397 fr. ; il est aujourd'hui (1891) de
45,067,003 fr. L'Etat doit protéger la liberté et pourvoir
à la sûreté des ministres du culte : la législation criminelle
renferme un grand nombre de dispositions à cet égard. Par
contre, les ecclésiastiques ne jouissent plus des privilèges
qu'ils avaient sous l'ancien régime, et tous leurs tribunaux
d'exception ou d'attribution, oflicialités et autres, ont été
abolis. Lorsqu'il se produit des contraventions aux lois dans
l'exercice du culte, le gouvernement peut employer comme
moyens de répression : les mesures disciplinaires, le recours
au conseil d'Etat, la poursuite devant les tribunaux. Les
ministres du culte catholique sont exemptés des fonctions
de jurés, des tutelles qui s'ouvrent dans un autre départe-
ment que celui de leur résidence. Ils ne })euvent être ni
maires, ni adjoints, ni conseillers municipaux. Ils ne
peuvent être élus membres du conseil général dans les
cantons de leur ressort (pour les détails, V. Archevêque,
Evêque, Curé, Desservant, Vicaire, Chanoine, etc.).
Cultes non catholiques. — Les cultes non catholiques
reconnus par l'Etat sont le culte protestant réformé, le culte
protestant luthérien ou de la confession d'Augsbourg, le
culte Israélite et le culte musulman (en Algérie) .
Culte protestant. L'historique de la question est donné
à l'art. Eglises protestantes où l'on trouvera aussi les
détails nécessaires sur l'organisation des Eglises réformées
(V. encore Consistoire, Synode, Directoire, etc.). Nous
nous bornerons ici à quelques notions générales. La recon-
naissance par l'Etat du culte protestant date seulement de
l'édit de Nantes (13 avr. 1598), qui fut révoqué par
Louis XIV en 1685. Les protestants tolérés par Louis XVI
(édit du 17 nov. 1787) durent attendre la Révolution, et
surtout les articles organiques (loi du 18 germinal an X)
pour obtenir la reconnaissance légale et officielle de leur
culte. Cet avantage leur fut confirmé par la constitution
de l'an X, les chartes de 1814 et de 1830, la constitution
de 1848, celle de 1852 avec quelques différences qui
tiennent essentiellement aux régimes divers fondés sur ces
constitutions. Ainsi la charte de 1814 déclarait la rehgion
cathoHque romaine religion d'Etat et admettait seulement
les cultes chrétiens à recevoir des salaires sur le Trésor,
tandis que la constitution de 1 848 étendait ce traitement à
tous les cultes et leur reconnaissait expressément des droits
égaux à la protection de l'Etat. La législation sur les cultes
protestants, après avoir subi de nombreux remaniements
sous tous les gouvernements qui se sont succédé en France
depuis 1789, a été enfin établie par le décret organique du
26 mars 1852 et la loi du l^"" août 1879 (confession
d'Augsbourg), complétés par divers actes du pouvoir exé-
CULTE
- 606 —
cutif (arr. minisl. des 10 sept. 4852 et 20 mai 4853,
dccr. du 29 nov. 4874, cire, minist. du 42 mars 4872,
décr. du 42 avr. 4880, etc.).
Les pasteurs (V. ce mot) reçoivent un traitement qui
varie avec la population des communes où ils résident entre
3,000 fr. et 4 ,800 fr. (en Algérie 3,500 et 4,000 fr.). Us
figurent au budget pour une somme totale de 4,425,400 fr. ;
ils n'ont pas droit à la pension et par suite ne subissent de
ce chef aucune retenue sur le traitement. Une somme de
80,000 fr. est distribuée chaque année à titre de secours
aux anciens pasteurs ou à leurs veuves. Les communes
devaient jadis un logement aux pasteurs ou une indemnité
en argent équivalente. La loi municipale de 4884 dispose
que cette indemnité n'est plus due par les communes que
lorsque les conseils presbytéraux sont hors d'état d'y pour-
voir d'eux-mêmes. L'Etat accorde en outre un crédit annuel
de 32,000 fr. pour construction ou restauration des temples
protestants.
Culte israélite. Les Israélites, longtemps traités en
parias, ont reçu en France leur émancipation par la loi du
43 nov. 4794. Cependant leur culte ne figure pas parmi
les cultes reconnus en 4802. Cette organisation ne date
que des décrets des 47 mars et 24 déc. 4808, remaniés
complètement par l'ordonnance du 25 mai 4844, laquelle a
été modifiée à son tour par les décrets du 29 août 4862 et
du 42 sept. 4872 (V. Sanhédrin, CoNsiSTomE, Rabbin,
Israélites). Longtemps les traitements des ministres du
culte ont été payés au moyen de contributions que les con-
sistoires étaient légalement autorisés à répartir entre les
fidèles. La loi du 3 févr. 4831 les a mis à la charge du
Trésor. Ces traitements sont fort variables (42,000 fr. pour
le grand rabbin du consistoire central, 5,000 et 4,000 fr.
pour les rabbins des consistoires, 2,500 à 4,750 fr, pour
les rabbins communaux ; 2,600 à 600 fr, pour les
ministres officiants). Les ministres du culte israélite n'ont
pas droit à la pension de retraite ; 8,000 fr. de secours leur
sont attribués et 8,000 fr, de subvention pour construc-
tion et réparation de temples.
Culte musulman, La matière est réglée par le décret
dos 26 août-6 sept. 4884. Les dépenses du personnel.
muphtis^ imans, bachs-hazzabs, moudèrres^ etc. (V. ces
mots), montent à 466,490 fr., celles du matériel à
49,850 fr.
Cultes non reconnus. — Nous avons défini ci-dessus la
situation des cultes non reconnus (anabaptistes, communau-
tés presbytériennes, congrégationalistes, bouddliistes, etc.).
Ils ressortissent non pas du ministère des cultes, mais du
ministère de l'intérieur, et sont soumis aux formalités de
la loi sur les réunions publiques et les associations. R. S.
Ministère des cultes. — Administration centrale des
affaires religieuses. Au lendemain du concordat, le gou-
vernement consulaire confia à une administration spéciale
la surveillance et la protection des cultes chrétiens. Le
45 vendémiaire an X, il décida qu'un conseiller d'Etat,
qui devait travailler directement avec les consuls, serait
chargé : 4<* de présenter les projets de lois, règlements,
arrêtés et décisions touchant la matière des cultes ; 2° de
proposer à la nomination du premier consul les sujets
propres à remphr les places de ministres des différents
cultes ; 3° d'examiner avant leur publication en France
tous les rescrits, bulles et brefs de la cour de Rome ;
4<^ d'entretenir toute correspondance intérieure relative à
ces objets. Le premier consul choisit pour remplir ces
fonctions Portails, conseiller d'Etat, ancien avocat au
parlement de Provence, ancien membre du conseil des
Anciens. Le traitement du nouveau directeur fut fixé à
60,000 fr. ; ses frais annuels d'administration, personnel
et matériel compris, à 40,000 fr. ; il reçut, en outre, une
indemnité extraordinaire de 30,000 fr. pour son installa-
tion. La dépense fut imputée, pendant les premiers mois,
sur les fonds du conseil d'Etat et, à la date du J °^ ger-
minal an XI, sur les crédits spéciaux affectés aux cuites
(arr. des 48 vendémiaire an. X et 2 germinal an XI). Le
personnel de Fadministration des cultes fut augmenté en
l'an XI, et, le 24 messidor an XII, Portalis échangea
son titre de conseiller d'Etat, chargé des affaires concer-
nant les cultes, en celui de ministre des cultes. Il eut, en
cette qualité, comme les autres ministres, un traitement de
400,000 fr., plus une indemnité de frais de maison de
20,000 fr., qui devaient être affectés aux frais de repré-
sentation, aux acquisitions de meubles et à l'entretien du
mobilier appartenant à l'Etat (décrets du 5 fructidor an XII
et du 49 pluviôse an XIII). En Fan XIII, les crédits du
ministère des cultes furent portés à 470,000 fr. ; « aux
cadres incomplets des années précédentes succéda une
organisation comprenant un secrétariat général et trois
divisions : la première pour le culte catholique, la seconde
pour les cultes protestants, la troisième pour la comptabi-
lité. » En 4807, Portalis mourut. Il fut remplacé,
comme ministre des cultes, par Bigot de Préameneu.
Trois ans après, on scinda le personnel et le matériel du
culte catholique, ce qui porta le nombre des divisions de
trois à quatre. En 4843, la dépense du ministère des cultes
s'élevait à 230,000 fr. La Restauration commença par
supprimer le ministère des cultes et par rattacher le ser-
vice des cultes au ministère de l'intérieur, sous l'autorité
d'un administrateur général, qui fut Jourdan, conseiller
d'Etat. En même temps, la présentation aux titres ecclé-
siastiques et la nomination aux bourses dans les séminaires
furent placées dans les attributions de grand aumônier
(ordonn. des 43 août et 24 sept. 4844). En 4846, le poste
d'administrateur général fut supprimé, et le service du
culte catholique se trouva partagé entre le grand aumô-
nier, qui présentait les candidats aux titres ecclésiastiques,
et le ministre de l'intérieur, qui contresignait l'ordonnance
de nomination et avait, en outre, dans ses attributions,
le service des cultes protestant et israélite, le matériel et
la comptabilité Jordonn. du 29 mai 4846). Le bureau des
titres ecclésiastiques comprenait un secrétaire à 4,000 fr.,
un chef de bureau à 6,000 fr., un sous-chef à 3,000 fr.,
un commis d'ordre à 2,500 fr., deux expéditionnaires à
2,000 fr., un expéditionnaire à 4,500 fr. et un garçon
de bureau à 4,000 fr. Le reste de l'administration, réuni
au ministère de l'intérieur, formait deux bureaux qui furent
placés, à partir de 4847, sous l'autorité d'un chef do divi-
sion. Le premier était chargé du clergé catholique, le second
des cultes protestant et israélite. L'ordonnancement et la
liquidation des dépenses étaient confiés à un bureau spécial
rattaché à la comptabilité centrale du ministère. Cependant
le budget des cultes augmentait d'année en année. Après
les négociations entamées entre le gouvernement du roi
Louis XVIII et le saint-siège, relativement à un nouveau
concordat, et l'établissement de trente nouveaux sièges
épiscopaux, une ordonnance royale, en date du 24 août
4824, établit un ministère des affaires ecclésiastiques et do
l'instruction pubhque, L'évêque d'Iïermopohs, M. de Frays-
sinous, en fut le titulaire. Il était difficile de donner à un
évêque catholique l'administration des cultes protestant et
israélite ; elle demeura dans les attributions du ministère
de l'intérieur. Par contre, la présentation aux titres ecclé-
siastiques fut enlevée au grand aumônier, et le nouveau
ministre eut ainsi la direction entière du culte catholique.
La nouvelle administration fut installée dans un hôtel de
la rue des Saints-Pères, acquis moyennant la somme de
832,080 fr. 33. Le personnel des cultes, composé do
soixante-quatre, employés, fut partagé en trois divisions :
l'une, des nominations et dépenses diocésaines ; l'autre,
des établissements ecclésiastiques et des secours ; la troi-
sième, de la comptabilité. Il y avait de plus un directeur
général, un secrétariat formant deux bureaux, et le cabinet
du ministre. Le ministre recevait 440,000 fr. sur les fonds
des cultes et 40,000 fr. sur ceux de l'instruction publique,
en qualité de grand maître de l'Université, Le traitement
du directeur général fut de 30,000 fr. et celui des chefs
de division de 9,000 fr. La dépense totale s'élevait à envi»
ron 325,000 fr., y compris les frais matériels.
607 -
CULTE
En 1828, les affaires ecclésiastiques furent séparées de
l'instruction publique et formèrent un ministère séparé,
avec le comte Feutrier, évêque de Beau vais, pour titulaire
(ordonn. du 3 mai). En 1829, les affaires ecclésiastiques
furent de nouveau réunies à l'instruction publique. L' or-
donn. du 8 août nomma le baron de Montbel, membre de
la Chambre des députés, ministre des affaires ecclésias-
tiques et de l'instruction publique. Le 18 nov., de Montbel
prit le portefeuille de l'intérieur et fut remplacé comme
ministre des affaires ecclésiastiques et de l'instruction pu-
blique par Guernon de Ranville, ci-devant procureur général
près la cour royale de Lyon. Mais la présentation aux
évêchés vacants fut de nouveau confiée, comme en 1814,
à un prélat nommé par le roi.
Après la révolution de Juillet, une ordonnance, en date
du 11 août 1830, réunit au ministère* de l'instruction
publique le culte catholique, de même que les cultes pro-
testant et Israélite. Le 11 oct. 1832, les cultes furent rat-
tachés au ministère de la justice. Trois mois après, le
31 déc, ils rentrèrent dans les attributions du ministère
de l'intérieur; enfin, le 4 avr. 1834, ils furent replacés
sous radministration du ministre de la justice et y res-
tèrent pendant toute la durée du règne de Louis-Philippe.
En 1829, les crédits affectés au personnel des bureaux
s'élevaient à 202,413 fr. 31, non compris 11,700 fr.
portés au ministère de l'intérieur pour les cultes non catho-
liques. En 1830, ils furent réduits à 173,973 fr. 90 ; en
1835, ils n'étaient plus que de 144,999 fr. 97. Les fonc-
tions de directeur général furent supprimées, les divisions
ramenées à deux, le personnel notablement réduit. Une
partie des économies (16,000 fr. environ) fut affectée à
des indemnités qui tenaient lieu de pension aux fonction-
naires dépossédés. En même temps, le budget général des
cultes était réduit dans de notables proportions. Le pro-
gramme du gouvernement nouveau était en ces matières :
plus de religion d'Etat et retour aux principes qui avaient
présidé à la rédaction des lois du concordat. Mais bientôt
une réaction en sens inverse se produisit. Les commissions
chargées de l'examen des projets de budget pour 1837 et
1838 demandèrent le rétablissement de l'ancien ministère
des cultes. « C'est non seulement un budget de 33 millions
dont il faut surveiller l'emploi, disait M. Daunant au nom
de la commission du budget de 1838, mais il s'agit de
quelque chose de bien plus précieux : il faut pourvoir aux
intérêts moraux d'une grande nation (jui reconnaît chaque
jour à quel point ils ont été compromis par le relâchement
du lien religieux. Pénétrée de ces considérations, la com-
mission de l'année dernière émit le vœu de la création d un
ministère des cultes. La commission de cette année croit
devoir le renouveler. » Le gouvernement ne crut pas pou-
voir obtempérer à ce vœu. Mais il adopta un moyen terme.
En 1839, il créa une direction des cultes. Le traitement du
nouveau directeur des cultes fut fixé d'abord à 15,000 fr,,
puis porté, en 1844, à 18,000 fr. Les crédits pour l'admi-
nistration des cultes furent augmentés. Ils s'élevèrent, en
1844,^ à 180,496 fr. 48, non compris 27,000 fr. pour le
matériel et 23,000 fr. pour indemnités et retraites. Le
service fut partagé en quatre sous-directions. La première
comprenait l'enregistrement, les archives et le personnel
du clergé catholique ; la seconde, les affaires d'intérêt dio-
césain, le service paroissial et les congrégations rehgieuses ;
la troisième, les cultes non catholiques, et la quatrième, la
comptabilité. Outre le directeur et les sous-directeurs, le
personnel devait se composer de chefs de bureaux, au
nombre de neuf, de sous-chefs, de rédacteurs et vérifica-
teurs et d'expéditionnaires dont le traitement minimum était
fixé à 1,500 fr. •— Vint la révolution du 24 févr. 1848.
Le ministère de la justice ayant été confié à M. Crémieux,
qui appartenait à la religion Israélite, les cultes en furent
détachés. Un décret, en date du 24 févr. 1848, les réunit
au ministère de l'instruction publique, confié à M. Carnot.
En même temps, l'organisation de 1845 fut modifiée. Les
sous-directions furent supprimées et remplacées par des
divisions qui reçurent d'autres attributions ; la division de
la comptabilité fut transformée en simple bureau; plu-
sieurs admissions à la retraite furent prononcées. Les
dépenses de l'administration centrale, qui s'élevaient, en
1847, à 197,999 fr. 33, furent réduites, en 1848, à
181,098 fr. 76 ; elles figurèrent au budget de 1851 pour
169,720 fr. 82. — Le second Empire accrut le budget des
cultes d'environ 735,000 fr. par an-. Les dépenses de l'admi-
nistration centrale furent également élevées. Elles figuraient
pour 184,895 fr. 43 au budget de 1852, furent portées
à 190,500 fr. au budget de 1856 et étaient de 242,400 fr.
au budget de 1870, non compris 42,000 fr. pour le ma-
tériel. Le budget de 1871, voté en 1870, portait les cré-
dits de l'administration centrale à 248,400 fr. et main-
tenait ceux du matériel à 42,000 fr. L'organisation de
l'administration centrale fut conservée telle qu'elle existait
en 1849. Sous le second Empire, les cultes furent ratta-
chés au ministère de l'instruction pubhque, de 1852 à
1863. Mais M. Victor Duruy ayant été nommé ministre de
l'instruction publique, un décret, en date du 23 juin 1863,
plaça les cultes dans les attributions du ministère de la
justice. Ils y restèrent jusqu'au 4 sept. 1870.
La troisième République n'apporta pas non plus de
changements à l'administration centrale des cultes. L'ad-
ministration centrale figure au budget de 1872 pour une
dépense de 243,400 fr. et le matériel pour 40,000 fr.
Nous retrouvons au budget de 1879 le même chiffre pour
l'administration centrale, mais le crédit pour le matériel
n'est plus que de 36,000 fr. Le budget de 1883 portait
les dépenses de l'administration centrale à 252,800 fr.
et celles du matériel à 36,000 fr. Le budget de 1891
réduit les dépenses du personnel des bureaux des cultes à
225,000 fr. Ces dépenses se subdivisent ainsi : un direc-
teur, dont le traitement a été fixé à 15,000 fr. par un
décret du 22 avril 1885 ; sept chefs de bureau, ayant des
traitements de 6 à 10,000 fr.: 50,100 fr.; sept sous-chefs,
ayant des traitements de 3,400 à 5,500 fr.: 32,900 fr.;
trente employés de tous grades, ayant des traitements
de 1,800 à 4,500 fr. : 91,800 fr.; dix huissiers, gar-
çons de bureau, concierges, hommes de peine, ayant
des traitements de 900 fr. à 1,800 fr. : 15,200 fr. Les
dépenses du matériel figurent au même budget pour la
somme de 23,000 fr. Enfin il y a 9,500 fr. pour im-
pressions, et 2,000 fr. pour secom^s et dépenses diverses.
Cette administration est installée actuellement dans un hôtel
situé rue de Bellechasse, n° 66, et appartenant à l'Etat.
Après la révolution du 4 sept. 1870, les cultes furent
réunis de nouveau à l'instruction publique (décr. du
4 sept.). Mais, comme le ministre de l'instruction publique
et des cultes, M. Jules Simon, devait rester à Paris, un
décret, en date du 12 sept., chargea M. Crémieux, membre
du gouvernement de la Défense nationale, garde des sceaux,
ministre de la justice, délégué à Tours, de représenter le
gouvernement et d'en exercer les pouvoirs. Plus tard, la
délégation fut complétée par l'adjonction à M. Crémieux
de MM. Glais-Bizoin, Fourichon et Gambetta. Pendant la
durée de l'investissement de Paris, M. Crémieux fut spécia-
lement chargé de l'administration des cultes. Après que
l'Assemblée nationale eut nommé M. Thiers chef du pou-
voir exécutif de la République française, M. Jules Simon,
ministre de l'instruction publique, fut également chargé de
l'administration des cultes (arr. du 19 févr. 1871). Le
18 mai 1873, les cultes furent séparés de l'instruction pu-
blique et érigés en ministère spécial, sous l'administration
de M. de Fourtou. Le nouveau ministre de l'instruction pu-
blique, M. Waddington, était protestant. Cet état de choses ne
dura que quelques jours. M. Thiers fut renversé le 24 mai.
Le lendemain, le ministère des cultes fut réuni de nouveau
à l'instruction publique, sous l'administration de M. Batbie.
Le 23 mai 1874, les cultes furent détachés de l'instruction
publique et placés dans les attributions du ministère de la
justice pour être réunis de nouveau, le 11 mars 1875, au
premier de ces deux départements ministériels. Le 9 mars
CULTE - CULTURE
— 608
1876, un décret détacha les cultes de l'instructibn publique
et les réunit au ministère de la justice. Le portefeuille de
l'instruction publique venait d'être confié à M.Waddington.
Le 17 mai 1877, les cultes furent de nouveau réunis à
Finstruction publique. Le 4 févr. 1879, ils furent placés
dans les attributions du ministère de l'intérieur. Le 14 nov.
1881 , ils furent réunis à l'instruction publique. Le 30 janv.
'J 882, ils furent placés dans les attributions du ministère
de la justice. Le 6 avr. 1885, ils revinrent à l'instruction
publique, placée sous l'administration de M. Goblet. Le
11 déc. 1886, M. Goblet étant devenu président du conseil
et ministre de l'intérieur, les cultes furent rattachés à ce
dernier département. Du 30 mai 1887 au 3 avr. 1888,
ils furent réunis à l'instruction publique ; ils furent placés
ensuite dans les attributions du ministère de la justice,
dans lesquelles ils se trouvent encore aujourd'hui (1891).
Lucien Delabrousse.
BiBL.: Organisation kt administration. — Collection
de lois, sénatus-consultes, décrets impériaux et avis du
conseil d'Etat relatifs aux cultes ; Paris, 1813, in-8. —
Reverchon, Projet du code ecclésiastique^ ou Recueil des
lois^ arrêtés du gouvernement, décrets, avis du conseil
d'Etat approuvés et ordonnances relatifs à V administration
des cultes; Paris, 1842, in-8. — Portalis, Rapports, dis-
cours^ discussion sur le concordat , 1844, in-8. — Dupin,
Manuel de droit public ecclésiastique français; Paris,
1860, in-12. — Dufour, Traité de la police des cultes ;
Paris, 1816-47, 2 vol. in-8. ~ Gaudry, Traité de la législa-
tion des cultes; Paris, 1856, 3 vol. in-8. — Lois, décrets,
ordonnances et règlements relatifs au ministère et à l'ad-
m,inislration générale des cultes ; Paris, 1872, in-8. —
J. KocHE, le Éadget des cultes; Paris, 1883, in-18. -— IIepp,
les Vicissitudes de l'administration des cwhes; Paris, 1885,
in-8. — Jeanvrot, Manuel de la police des cultes; Angers,
1888. — Recueil des circulaires, instructions et autres
actes de l'administration des cw?fes; Paris, 1878 à 1888,
4 vol. in-8. — Soulier, Statistique des Eglises réformées
en France ; suivie des lois^ arrêts^ ordonnances, circulaires
et instructions qui les concernent; Paris, 1828, in-8. —
E. Lehr, Dictionnaire d'administ^^ation ecclésiastique à
Vusage des deux Eglises protestantes de France ; Paris,
1869, in-8. — A. Lods, la Législation des cultes protes-
tants de 1181 à 1881; Paris, 1887, in-8. — W. Jackson,
Recueil de documents relatifs à la réorganisation de
l'Eglise de la confession d'Augsbourg ; Paris, 1881, gr.
in-8. — Halphen, Uhry et Caue^^ Recueil des lois, décrets^
ordonnances, avis d^i conseil d'Etat, arrêtés et règlements
concernant les Israélites depuis 1189 juscm'en 1818; Paris,
1878, in-8.-— Consulter en outre les recueils généraux : Dal-
Loz, Répertoire ; Block, Dictionnaire d'administration^
Pandectes françaises, répertoire ; Blanche, Dictionnaire
d'administration ;BiiQm':Y, Répertoire de droit adminis-
tratifs L.iowY\m\m\xG¥.Vi, Encyclopédie religieuse^ etc., etc.
Ministère des cultes. — (Charles Jourdain, le Budget
des cultes en France; Paris, 1859, in-8, ch. ii. — Lucien De-
labrousse, le Budget des cultes depuis la Révolution
(Réforme économiçiue des 15 déc. 1877, l*»- et 15 janv. 1878).
— Jules Roche, le Budget des cultes; Paris, 1883, in-18.
CULTELLATION. La cultellation en géodésie et dans le
lever des plans a pour but la mesure des distances hori-
zontales, ou, si l'on veut, la mesure des projections sur
l'horizon des distances des points situés à des hauteurs
différentes.
CULTISIVIE(V.Gongorisme).
CULTIVATEUR. Le cultivateur est celui qui vit des
produits de la terre arable ; ce mot est donc synonyme
d'agriculteur, s'appliquant à celui qui exerce V agriculture
(V. ce mot). Toutefois, le cultivateur peut exercer son art,
soit : 1^ comme propriétaire cultivant lui-même ; ^^ soit
comme colon partiaire, c.-à-d. touchant une part déter-
minée proportionnelle au produit, et abandonnant le reste
au propriétaire du sol; Û^ soit comme métayer, c.-à-d.
de compte à demi avec le propriétaire (V. Métayage);
4^ enfin, comme fermier, c.-à-d. payant au propriétaire
une somme fixe et déterminée d'avance nommée rente
(V. Fermage). — Le mot cultivateur est quelquefois employé
en mécanique agricole pour désigner un instrument inter-
médiaire entre la herse, Vextirpateur et le scarificateur
(V. ces mots). A. L.
eu LTRI ROSTRES (Ornith.). Sous ce nom G. Cuvier
désignait (Règne anirnal, 1817, p. 470, l'*^ édit.) une
famille de l'ordre des Échassiers (V. ce mot) dont le carac-
tère était tiré uniquement de la forme du bec, et qui ren-
fermait les Grues, les Cigognes et les Hérons (V. ces
mots). Les éléments de ce groupe, assez hétérogène, étaient
empruntés en majeure partie à l'ancien genre Ardea de
Linné. E. Oustalet.
G U LTU R E. I. Economie rurale. — Le mot culture est
synonyme d'agriculture (V. ce mot), mais ce terme est sou-
vent employé avec des quaHfîcatifs qui en modifient plus ou
moins le sens général : hpetite culture est cdh dans laquelle
le personnel est réduit au cultivateur et à sa famille ; en géné-
ral l'étendue de l'exploitation ne dépasse pas alors lOhect.
La moyenne culture est celle dont l'étendue est com-
prise entre 10 et 50 hect, ; ici les travaux exigent quelques
ouvriers auxiliaires. La grande culture est celle qui
dépasse 60 hect.; là un personjiel plus ou moins nombreux
concourt à la production. La France est surtout un pays de
moyenne et de petite culture ; en Angleterre, c'est l'in-
verse. — Culture intensive est un terme assez vague,
d'ailleurs, dont on fait communément usage et qui désigne
une agriculture marchant à l'aide de nombreux capitaux,
achats d'engrais, d'aliments pour le bétail, etc. Par oppo-
sition on appelle culture extensive celle qui marche avec
un petit capital à l'hectare qui ne fait pas ou peu usage
des engrais venant du dehors et qui, contrairement aussi à
la précédente, ne vise que de faibles rendements. — La
ciilture améliorante est celle qui a pour effet d'amé-
liorer le fonds qui sert à la production ; elle comporte donc
de fortes fumures, par opposition à la culture épuisante
qui a pour effet de diminuer la fertilité du sol.
Culture forcée est un terme de jardinage qui désigne
les méthodes employées pour obtenir des récoltes hors
saison ou des primeurs. — La culture intercalaire est celle
dans laquelle le champ est divisé en bandes consacrées à
des récoltes différentes. Par exemple la culture de la vigne
en jouelles. — La culture alterne désigne celle où on fait
usage de l'assolement alterne (V. Assolement). — - Les mots
culture en lignes et culture à la volée désignent celles
où les semis sont exécutés en lignes équidistantes ou bien
mêlés, simplement éparpillés (Y. Semis). — Enfin les mots
cultures en billons, à plat ou en planches désignent
les modes de labours dont on fait usage {V. Labour).
Cultures dérobées. Les plantes à végétation rapide,
qui n'occupent le sol que pendant quelques semaines et
qu'on cultive entre deux récoltes principales, constituent
les cultures dérobées. Ces cultures, qui consistent géné-
ralement en plantes fourragères, sont hors assolement.
Ainsi après la récolte du seigle, qui s'effectue de bonne
heure, on peut semer du sarrazin qui sera coupé en vert.
Le maïs fourrage, les navets, les vesces de printemps et
les choux sont souvent cultivés en cultures dérobées ; il en
est de même des petits radis dans la culture potagère.
Cette pratique des cultures dérobées est tout à fait recom-
mandable, car elle permet d'accroître les ressources pour
l'alimentation du bétail, ce qui entraîne toujours une plus
forte production de fumier. C'est surtout dans les années
de sécheresse, lorsque les fourrages ont mal réussi, que
les cultures dérobées rendent des services.
Systèmes de culture. — L'ensemble des circonstances
agricoles d'un pays ou d'une époque constitue le système
de culture. Les systèmes de culture ne sont pas toujours
établis par la volonté même du cultivateur ; ils sont déter-
minés par des facteurs importants dont l'homme n'est pas
toujours maître; ce sont les facteurs physiologiques (cli-
mat, sol, position topographique) et les facteurs écono-
miques (main-d'œuvre, débouchés, etc.). Les débouchés
surtout ont une grande importance, car, sans eux, les plus
belles récoltes n'ont aucune valeur, si ce n'est d'assurer
l'alimentation locale. Les systèmes de culture doivent
suivre une évolution lente et graduelle ; ces transforma-
tions sont toutefois d'autant plus rapides que le milieu
économique est meilleur. On a proposé bien des classifica-
tions pour les systèmes de culture. M. Lecouteux en admet
deux, la culture intensive et la culture extensive, termes
un peu vagues précédemment définis. M. Dubost établit sa
— 609 —
CULTURE - CUMBERLAND
division, ou plutôt son énumération d'après le produit brut,
ce qui est plus rationnel, mais souvent difficile à déterminer,
à moins d'avoir une comptabilité parfaitement tenue et sur-
tout impartiale, ce qui n'est pas toujours le cas (V, Comp-
tabilité agricole), m. Baudrillart se base sur le produit
net. M. Royer a admis six périodes ou systèmes de culture
qui se succèdent ainsi dans le temps : d^ système ou période
forestière qui s'impose dans les pays pauvres et à climat rude ;
ce système améliore peu à peu la terre et conduit : 2° au
système pastoral ou des pâturages, opérant sur la production
herbacée et permettant l'entretien du bétail ; 3" le système
ou période fourragère, oti les prairies artificielles intervien-
nent, et qui marque évidemment un progrès ; 4^ la période
céréale, dans laquelle le fumier produit dans l'exploitation
est en proportion assez considérable pour permettre la cul-
ture lucrative des céréales; 5*^ la période commerciale, qui
arrive, d'après Royer, lorsque les fourrages sont surabon-
dants, car Royer supposait que l'engrais pouvait devenir
surabondant, ce qui conduisait à la culture des plantes dites
commerciales, telles que colza, garance, lin, chanvre, etc. ;
6^ enfin la période jardinière, caractérisée par ce fait
que la culture ne produit plus d'engrais, mais qu'elle
rachète au dehors, pour produire des légumes. Certes,
cette classification est rationnelle dans une certaine mesure,
en ce sens que, plus la culture évolue, plus elle donne de
fourrages et plus elle consomme d'engrais. Mais les périodes
de Royer ne sont pas assez distinctes pour qu'on puisse
dire que tel pays se trouve à telle ou telle période. C'est
ainsi que la Beauce produit des fourrages et des céréales,
la Normandie cultive des herbages qui servent à la pâture
et à la confection des fourrages.
M. de Casparin a proposé une autre classification basée
sur la quantité de travail nécessaire à la culture, suivant
son état de prospérité. D'après cet agronome, le système de
culture serait le choix que l'homme fait des procédés par
lesquels il exploite la nature, soit en la laissant agir, soit
en la dirigeant avec plus ou moins d'intensité dans le sens
physique, chimique ou mécanique. Il a divisé les systèmes
en trois grandes catégories : !<> les systèmes physiques,
c.-à-d. ceux dans lesquels l'homme se borne à laisser agir la
nature ; ils comprennent le système forestier et le système
pacager; 2^ les systèmes androphysiques, dans lesquels
la nature agit aidée par le concours de l'homme : le sys-
tème celtique, le système des étangs, le système des
jachères et le système des cultures arborescentes ; 3^ les
systèmes androctyques, dans lesquels la nature disparaît
presque complètement pour faire place au travail de
l'homme. Deux systèmes dans ce groupe, le système
hétérositique, dans lequel les engrais viennent du dehors,
et le système autositique, dans lequel les engrais sont
produits à l'intérieur de la ferme, ce qui supposait,
d'après M. de Gasparin, une culture savante el des assole-
ments intelHgents. Or, dans cette classification, l'auteur
n'a vu qu'un seul besoin de l'humanité, l'alimentation,
qui aujourd'hui n'est plus qu'une fraction de nos besoins.
En somme, une classification parfaitement rationnelle des
systèmes de culture n'est pas possible, car on ne peut se baser
sur une seule donnée pour l'établir : il faut faire intervenir
l'ensemble de toutes les circonstances agricoles. Toutefois,
ce qui donne le mieux l'expression exacte de la valeur
d'un système, c'est encore la somme des valeurs qu'il
crée, car cet élément est le résultat de tous les autres, et
tel système de culture qui rapporte de l'aï-gent à celui qui
le met en oeuvre est un bon système, quels que soient sa
nature et ses moyens culturaux. Albert Lardalétrier.
II. Microbiologie (V. Bactéries).
CD LTU RES. Com. du dép. de la Lozère, arr. de Marve-
jols, cant. de Chanac; 178 hab.
CULULLUS. Coupe à boire dont se servaient les pon-
tifes et les vestales ; son nom paraît se rattacher à xuXi?
ou calix (V. Horace, A. p., 434 ; Odcs^ I, 3i, II, et les
notes d'Acron).
CUM-A (V. Purpura).
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
CUIVI>E (Géogr. anc) (V. Cumes).
CUMANA (Santa-Ines de). Ville du Venezuela, Etat de
Bermudez, sur le Manzanares, à 2 kil. du golfe de Ca-
riaco; 12,000 hab. C'est la plus ancienne ville européenne
du continent sud-américain, fondée par Diego Colon sous
le nom de Nouvelle-Tolède en 1523; fréquemment ravagée
par des tremblements de terre (surtout celui de 1766),
elle est assez bien construite et assez commerçante (bétail,
poisson séché, café, coton, sucre, tabac, sel, pétrole).
eu MANIE (Grande et Petite-). Noms qui ont cessé ré-
cemment d'être employés dans la géographie administrative
de la Hongrie. On appelait ainsi des districts, jouissant de
certains privilèges, qui formaient diverses enclaves des
comitats de Pest et de Szolnok, et dont la population
dépassait 20,000 hab. Plusieurs rois de Hongrie, du xi®
au xïii^ siècle, avaient étabH dans ces districts certaines tribus
nomades et pillardes, Cumans, Jazyges, Petchénègues, qui
peu à peu devinrent paisiblement agricoles, se fondirent
absolument dans la population magyare, et adoptèrent la
réforme calviniste. Aujourd'hui la Petite-Cumanie est
absorbée dans le comitat de Pest, et la Grande-Cumanie
dans ce qu'on appelle le comitat de Jasz-Nagy-Kun-Szolnok.
CUMBERLAND. Comté d'Angleterre, à son extrémité
N.-O.; 3,926 kil. q.; 250,647 hab. Il est situé entre la
mer d'Irlande à l'O.; le golfe de Sohvay et l'Ecosse (comtés
de Dumfries et Roxburgh) au N., les comtés de Northum-
berland et de Durham à l'E.; le comté de Westmoreland
au S. Le développement de ses côtes est de plus de 100 kil.
Au S. se trouve le golfe ensablé de Duddon où lombe la
rivière de ce nom, frontière du Lancashire, puis on ren-
contre l'estuaire de l'Esk (Ravenglass), le grand promon-
toire de Saint-Bees, les petits ports de Whitehaven, Work-
ington, Maryport, Allonby, Silloth, la pointe Grune, la
baie Moricambe, enfin le fond de la baie de Solway où
débouchent l'Eden et l'Esk. Le relief du sol est très acci-
denté : à l'E. et au S. sont les monts Cwnbriens (V. ce
nom) avec leurs pittoresques vallées, leurs sites roman-
tiques et leurs fameux lacs ; cette partie du Cumberland
est très montueuse. Elle est séparée, par la vallée de l'Eden,
de la chaîne Pennine où culmine le Crossfell (892 m.).
Les cours d'eau sont très nombreux et très abondants, ali-
mentés par les pluies les plus fortes de toute l'Angleterre
(chute d'eau 50 pouces par an à Whitehaven, 140 à
Seathwaite et même 244 à Styhead en 1872). Les princi-
paux sont : l'Eden, qui coule au N., venant du Westmo-
reland, arrose Kirkoswald et Carlisle, débouche dans la
baie de Solway, et reçoit à droite le CrogHn, l'Irthing ; à
gauche l'Eamont (qui déverse l'Ullswater), le Petterill, le
Caldew. AuN. débouche dans la même baie l'Esk qui vient
d'Ecosse et reçoit le Liddel (rivière frontière) et le Line.
Parmi les autres fleuves cô tiers, le Wampool, l'Ellen sont
insignifiants; le Derwent est relativement important parce
que c'est le fleuve de la région des lacs ; son bassin com-
prend six lacs et une douzaine de petits étangs de mon-
tagnes. Descendant du Scawfell, il arrose le Borrowdale,
forme le beau lac de Derwenttvater (V. ce nom), celui
de Bassenthwaite, après avoir reçu à droite le Greta (lac
Thirlmere); plus bas, il reçoit à gauche le Cocker qui vient
des lacs Buttermere, Crummork et Lowes par la vallée de
Lorton. Au S. du bassin du Derwent coulent l'Ehen qui
déverse le lac d'Ennerdale (riv. Liza), le Calder, l'Irt qui
déverse le Wastwater, l'Esk dont la vallée située au S.
des lacs est assez pittoresque, enfin le Duddon.
Le sol du Cumberland est médiocrement fertile, même
dans les vallées ; aussi la population n'y est-elle pas très
dense. 26 *^/o du sol est labouré, 34 % aflécté aux prai-
ries. La propriété y est très divisée ; les statesmen^ petits
fermiers autonomes, qui étaient la classe caractéristique du
Cumberland et du Westmoreland, ont perdu leur ancien
caractère, mais aujourd'hui encore on trouve dans le Cum-
berland près de dix mille propriétés de moins d'un acre ;
il est vrai qu'un seul autre (le comte de Carlisle) en pos-
sède près de 50,000. On élève beaucoup de bétail : vingt
39
CUMBERLAND
_ 610 «-»
et un mille chevaux (de petite taille), cent trente-cinq
mille bœufs, cinq cent mille moutons, trente mille porcs.
Les pêcheries de saumon sont une grande ressource. Les
mines sont relativement prospères ; elles occupent plus de
douze mille personnes et produisent i,700,0U0 tonnes de
houille (près de Whitehaven, Workington, mines sons-
marines), 90,000 de bon fer (district de Cleator), 5,000 de
plomb (Alston Moor), du cuivre, de l'argent, du soufre,
de l'arsenic, etc. L'industrie est peu développée, les ma-
nufactures de coton occupent trois à quatre mille ouvriers,
les usines métallurgiques cinq à six mille. L'aftluence des
touristes dans la région des lacs est une des principales
richesses du pays. — Les divisions historiques du comté sont
les cinq wards de Cumberland, Eskdale, Leath, Allerdale-
above-Derwent et AUerdale-below-Derwent. Les villes sont :
Carliste, Whitehaven, Penrith, Workington, Maryport,
Cockermouth, Wigton.
Le comté actuel de Cumberland était à l'extrémité de la
région occupée par les Romains, et l'on voit encore près de
CarMsle et dans la vallée de l'Irthing les restes du vallum
qui la protégeait contre les Pietés. Plus tard, cette région
demeura bretonne, puis fut disputée entre le royaume
d'York et celui de Strathclyde. Guillaume le Roux l'annexa
à l'xingleterre et rebâtit Carhsle ruinée parles Danois. Les
Ecossais le revendiquèrent comme dépendance du Strath-
clyde, tributaire de leur royaume ; Henri III les indemnisa
en leur oflrant des terres d'un revenu de 200 livres dans les
deux comtés de la frontière. Ceux-ci furent jusqu'à l'époque
moderne troublés par les incursions et les pillages. Le
Cumberland a conservé plusieurs monuments du passé ;
près de Kirkoswald un cromlech {Long meg and her
Daughters)^ un autre cercle de quarante-huit pi erres levées
près de Keswyck, des ruines romaines, d'anciennes
abbayes. Les mœurs de cette région où la contrebande fut
très active ont été décrites par Walter Scott dans Red-
gauntlet,
CUMBERLAND (Golfede)ouHOGÂRTHSUND. Golfe de
la mer de Baffin, au S.-E. de celle-ci, entre les grandes
presqu'îles Cumberland et Pennysland. Découvert par Davis
(4585), il a été peu exploré.
CUMBERLAND. Rivière des Etats-Unis, prend sa
source au S.-O. de l'Etat du Kentucky, dans les monts
Cumberland, et après un cours de 900 kil. à FO., et au
S.-O., se jette dans FOhio en amont du confluent de cette
rivière avec le Tennessee. Navigable jusqu'à Nashville. Dans
son cours supérieur, la rivière passe entre des rochers hauts
de 400 m. , défilé appelé Cumberland Gap, dont les troupes
unionistes s'emparèrent le 7 sept. 1863. Aug. M.
CUMBERLAND. Ville des Etats-Unis, comté d'Alleghany,
Etat de Maryland, sur la rive gauche ou septentrionale du
Potomac, 179 milles 0. de Baltimore; 10,693 hab. en
1880. Centre important de voies ferrées. Nombreuses fon-
deries de fer, manufactures de rails d'acier. A l'O., com-
mence la grande région houillère de Cumberland. — Nom
de plusieurs comtés aux Etats-Unis (Etats du Maine, de
New-Jersey, de Pennsylvanie, de Virginie, de la Caroline
du Nord, du Kentucky, de l'Illinois). Aug. M.
CUMBERLAND (Richard) , prélat anglican et philosophe,
né à Londres le 15 juil. 1631, mort le 9 oct. 1718. Après
de brillantes études, il fut nommé recteur de Brampton en
1658, devint l'un des douze prédicateurs de l'université
en 1 661 , et fut transféré au rectorat d' Allhallows à S tamford ,
en 1667. Il passa tranquillement à travers les révolutions
qui agitaient sa patrie, remplissant fidèlement les devoirs
de son ministère et s'occupant d'études philosophiques.
Comme fruit de ses travaux, il pubha, en 1672, son premier
et plus important ouvrage, mtïtulé De Legibus naturœ dis-
quisitio pliilosophica, etc. (Londres, in-4). Ce livre a été
i^éimprimé à Lubeck en 1683 et en 1694, traduit en an-
glais par J. Maxwell (Londres, 1727, in-4) et en français
par Barbeyrac (Amsterdam, 1744). Cependant le style est
lourd et le raisonnement diffus. L'auteur est un adversaire
implacable de Hobbes ; il oppose à l'égoïsme de celui-ci la
loi de l'universelle bienveillance. Cumberland est Fun des
initiateurs de l'école utiHtariste de Bentham et des Mill. En
1691, il fut promu, à son insu, par Guillaume II d'Orange,
à Févêché de Peterborough; il s'y fit aimer par son carac-
tère doux, la simplicité de ses mœurs et l'affection pater-
nelle qu'il témoignait à son clergé. Il publia encore an
Essay towards the recovery of the Jewish Measures
and Weights^ etc. (Londres, 1686, in-8), et son gendre
Payne édita Sanchoniatho's Phœnician History, etc.
(Londres, 1720, in-8), et Origines gentium antiquis-
simŒj etc. (Londres, 1724, in-8). F.-H. K.
BiBL. : Payne, Account of the Life and Writings of
R. Cumberland; Londres, 1720.
CUMBERLAND (Comte de) (V. Clifford).
CUMBERLAND (William-xiugustus, duc de), second
fils de George II, roi d'Angleterre, né à Londres le 26 avr.
1721, mort à Windsor le 31 oct. 1765. Blessé à Dettin-
gem à côté de son père (1743), battu en 1745 à Fontenoy
par le maréchal de Saxe, il mit fin à la seconde rébellion
en écrasant les partisans du prétendant Charles -Edouard
à Culloden (1746), et traita les Ecossais avec une telle
sévérité qu'il reçut le surnom de boucher. Battu une
seconde fois par Maurice de Saxe à Lawfeld (1747), puis
pendant la guerre de Sept ans à Hastenbeck (1757), par le
maréchal d'Estrées, il dut rendre son armée au duc de Bi-
cheheu à Kloster-Zcwen, et renonça au commandement. Le
recueil de ses ordres généraux, General Orders of
i745-47, publié en 1876, et sa Vie (1776), démontrent
que ses cruautés après la victoire de Culloden ont été fort
exagérées. Hector France.
CUMBERLAND (Richard), auteur dramatique anglais,
né à Cambridge le 19 févr. 1732, mort à Tunbridge
Wells le 7 mai 1811. Après de très fortes études à Cam-
bridge où il prit, ses grades universitaires, il devint en
1748 secrétaire particuher de lord Halifax. En 1761, il
publiait son premier drame, the Banishment of Cicero^
qui ne fut point représenté. Hahlax, devenu vice-roi
d'Irlande la même année, le fit nommer secrétaire, et en
1762 commis au bureau du commerce. Ce dernier emploi
lui laissant beaucoup de loisirs, il écrivit un nombre con-
sidérable de pièces de théâtre dont nous citerons seulement
les principales : The Brothers^ une comédie qui obtint un
grand succès à CoventGarden en 1769; the West Indian^
joué par Garricken 1771 ; the Fashionable Lover {ill^l);
the Battle of Hastings^ tragédie (1778) ; Choleric Man
(1774) ; the Walloons (1782) ; the Jew ; the Wheel
of Fortune, etc., etc. Entre temps il était devenu secré-
taire du bureau du commerce (1776), puis avait été chargé
en 1780 d'une mission secrète en Espagne, dont le but
était la négociation d'un traité et qui avorta complètement.
Outre son théâtre, Cumberland a laissé : Anecdotes of
eminent painters in Spain (Londres, 1782, 2 vol.);
trois romans : Arundel (1789), John of Lanças ter (1791),
et Henry {il 9d) ; un périodique, the Observer (1810,
3 vol.), oti il donna notamment une histoire de la comédie
grecque et une traduction des Nuées d'Aristophane ; un
poème, Calvary (1792) ; une épopée, Exodiad (1808),
en collaboration avec James Bland Burges ; et des Mé-
moires intéressants (Londres, 1806-7, 2 vol.). Ses amis
ont publié après sa mort Postfmmous dramatic Works
(1813, 2 vol.).
CUMBERLAND (Ernest-Auguste, duc de), prince de la
famille royale d'Angleterre, duc de Brunswick, Lune-
bourg, etc., héritier du royaume àQ Hanovre {N, ce mot),
né à Hanovre le 21 sept. 1845. Fils unique du prince
héritier George, qui devint George V de Hanovre, il
était à Langensalya (1866) ; il entra dans l'armée autri-
chienne avec le grade de colonel, mais sans faire de service
actif. Après la mort de son père (12 juin 1878), il refusa
toute entente avec la Prusse et adressa de Gmunden, le
11 juil. 1878, une circulaire aux puissances où il mainte-
nait tous ses droits à la couronne de Hanovre. Le 21 déc.
1878, il épousa la princesse Thyra, fille du roi Christian IX
611 -
CUMBERLANi) - CUMÈNËS
de Danemark ; de cette union naquirent cinq enfants dont
le prince héritier George-Guillaume (28 oct. 4880). Le
18 oct. 1884 s'ouvrit la succession de Brunswick dont la
Prusse a également frustré le duc de Cumbcrland ; celui-ci
avait bien déclaré qu'il gouvernerait le duché selon la cons-
titution allemande, mais refusa d'abandonner ses droits sur
le Hanovre. Il n'a donc hérité que des biens privés du duc
de Brunswick ; quant aux biens privés de sa famille, ils
sont toujours sous séquestre et servent de fonds secrets
sous le nom de fonds des Guelfes. Le duc de Cumberland
réside à Gmunden, dans la Haute-Autriche.
GUMBERWORTH (Charles), sculpteur français, né à
Verdun (Meuse) le 11 févr. 1811 , mort à Paris le 19
mai 1852. Il exposa au Salon en 1833 et 1848. Ses oeuvres
principales sont : la Modestie, la Générosité, st. marbre
(1837) ; Pêcheur napolitain jouant de la mandoline,
st. bronze (1838); le Bue de Montpensier, st. marbre.
CUMBRÂE (Iles). Iles d'Ecosse sur le golfe de Clyde, le
long de la côte d'Ayrshire; 14 kil. q.; 2,000 hab. Le
ch.-l. est Millport.
eu MB RE (Col de), dit Portillo de la Cumbre ou de
UspALLÂTA. Défilé des Andes chiliennes (3,220 m. d'alt.),
par où passe la route de Valparaiso à Mendoza, qui relie
Santiago, cap. du Chili, à Buenos Aires ; il a une grande
importance ; c'est par là que San Martin franchit les Andes,
en 1817.
eu NI BRIE (Royaume) (V. Ecosse et Strathclyde) .
CUMBRIENS (Monts). Petite chaîne de montagnes, la
plus haute et la plus pittoresque de l'Angleterre propre-
ment dite. Elle se trouve au N.-O., dans les comtés de
Westmoreland et de Cumberland, entre le golfe Morecambe,
au S., et le golfe de Solway, au N., les vallées de l'Eden
et de la Lune, à l'E. Elles sont formées de schistes silu-
riens, à travers lesquels se sont injectés des granits,
syénites, etc., notamment au Kiddaw, près du lac d'Enner-
dalc. Les plus hauts sommets sont : le Scawfell (984 m.) ;
le Bowfell (900 m.) ; le Helvellyn (950 m.) ; le Skiddaw
(932 m.) ; le Saddleback (870 m.), etc. Le charme de ce
pays, appelé Suisse anglaise, tient surtout aux vallées qui
s'allongent entre ces collines et aux lacs qui s'y trouvent
(Windermere, Conistonwater, Haweswater, Élterwater,
Grosmere, Ullswater, Thirlmere, Derwentwater, Bassenth-
waitewater, Buttermere, Crummockwater, Ennerdalewater,
Wastwater, etc.). La belle verdure des monts Cum-
briens et de la région illustrée par les poètes lakistes est
favorisée par les pluies ; presque nul point d'Europe ne
reçoit autant d'eau que ces côtes et ces vallées, où il en
tombe jusqu'à 5 m. par an (V. Angleterre, Cumberland
et Westmoreland).
G UM BU LA M (Bot.) (V. Benincàsa)
CUIVIÈNES(Chim
Les cumènes sont des carbures d'hydrogène métamères,
répondant à la formule C^^H^^. On connaît actuellement:
les triméthylbenzines, comprenant le mésitylène et le
pseudocumène ; Véthyméthylbenzine, variétés meta et
para ; le propylbenrÂne et Viso-
propylbenzine, La théorie fait
encore prévoir l'existence d'une
o-méthyléthylbenmne et d'une
v4riméthylbenzine (CH^: 1,
2, 3) ; mais ces deux carbures
n'ont pas encore été préparés.
I. Mésitylène ou triméthyl-
benzine symétrique (GH^ : 1,
3, 5). lia été découvert par Kane
en distillant un mélange d'acétone et d'acide sulfurique ;
avec le pseudocumène, il constitue le cumène du goudron
de houille. Il se forme encore : i^ lorsqu'on fait absorber
l'allylène par l'acide sulfurique concentré :
3C^IF=::Ci8HA^;
2^ dans la réaction du chlorure de méthyle sur du to-
p , ^ Equiv C^sA^^
Formules I ^;i^^ ç^,^,.
luèao contenant du chlorure d'aluminium (Ador et Rilliet) ;
3^ en déshydratant le phorone par l'acide sulfurique
(Jacobsen) :
Ci8Hl402z=:H202-f-C*W^;
¥ en attaquant le m-xylène par un mélange de chlo-
rures de méthyle et d'aluminium. Dans ce cas, comme
dans le précédent, il y a également formation de pseudo-
cumène. Le mésitylène est un liquide incolore, léger, très
mobile, doué d'une odeur légèrement alliacée, bouillant à
163^ (Fittig). Il brûle avec une flamme éclairante, fuli-
gineuse. C'est un carbure incomplet, que l'hydrogène nais-
sant, par exemple, le phosphore rouge et l'acide iodhy-
drique, transforment en carbure éthylénique, C^^H^^
(Baeyer), et même en carbure saturé, C^^H^^ (Berthelot).
L'acide azotique, étendu de son poids d'eau, le transforme
successivement en acides mésitylénique , uvitique et
trimésique (V. ces mots). Il fournit aisément des pro-
duits de substitution ; avec le chlore, le chloromésitylène,
C^^H^^Cl, liquide bouillant à 204-206°; le dichloromési-
tylène, C^^H^^Cl^, corps qui cristallise en beaux prismes,
fusibles à 59°; le trichloromésitylène, C^^H^CP, aiguilles
fusibles à 204-205° ; avec le brome, on obtient direc-
tement les bromo, dibromo et tribromomésitylènes.
L'acide nitrique concentré fournit des dérivés nitrés : le
nitromésitylène , C^^H^^(AzO^), le dinitromésitylène^
C^8HiO(AzO'i)^ le trinitromésitylène, Ç^^Hl^kiO'^f (Ca-
hours et Hofmann).
IL PseudO'Ciimène ou triméthylbenzine dissymétri-
que (C\P : 1, 3, 4). Il existe dans les goudrons de houille.
Il a été préparé synthétiquement : par Fittig et Ernst en
attaquant le xylol brome par l'iodure de méthyle et le
sodium ou le dibromotoluène par le même mélange en
solution benzinique ; par Jannasch, on portant du dibro-
mocymène. Le pseudocumène est un liquide aromatique,
bouillant à 166°, insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool
et dans l'éther. Oxydé par l'acide azotique, il engendre deux
acides xyliques, isomériques et monobasiques, C^^H^°0^,
et un acide bibasique, V acide xylidique, C^^H^O^ (Fittig).
Il fournit des produits de substitution, notamment des
dérivés bromes et nitrés.
III. Ethylméthylbenzines. Syn. : Ethyltoluolben-
zines met hy lé thy tiques. La variété meta (CH^ : C'H^
==: 1, 3) a été préparée par Wroblesky en attaquant par le
sodium en excès une solution éthérée de bromure d'éthyle
et de m-bromotoluène. Le m-éthyltoluol bout à 158-159°;
sa densité à 20° est de 0,869. H se transforme par oxyda-
tion en acide isophtalique , C*^H*^0^. Le p-éthyltohiol,
qui se prépare avec le p-bromotoluène, bouta 161-162<^;
il fournit par oxydation l'acide p-toluique. L'acide nitrique
fumant le transforme en un dérivé dinitré, cristallisable,
ayant pour formule C^^lP^(AzO^)^, tandis que le mélange
nitrosulfurique fournit un composé trinitré, C^^H^(AzO'*)'3,
qui cristallise en prismes durs, groupés en étoiles,
IV. Propylbenzines. La propylbenzine normale a
été préparée synthétiquement par Fittig en faisant réagir
le sodium sur un mélange de bromure de propylène et de
benzine bromée ; on peut aussi attaquer le chlorure de
benzine par le zinc-éthyle (Paterne et Spica). Elle bout à
157° ; sa densité à zéro est égale à 0,881.
Visopropylbenzine ou cumène oixiinaire a été pré-
paré par Gerhardt et Cahours en distillant l'acide cumi-
nique sur de la chaux ou de la baryte :
C20Hi20^=:C20^-hC^WSJ, ^
Elle a été préparée synthétiquement : par Liebermann, en
faisant réagir le zinc-méthylc sur le chlorure de benzili-
dène ; par Gustavson, au moyen de la benzine et du bro-
mure de propyle ou d'isopropyle, en présence du bromure
d'aluminium ; par Silva, en faisant passer un courant de
chlorure d'isopropyle dans la benzine additionnée de chlo-
rure d'aluminium ; par Jacobsen, en attaquant par le
sodium un mélange de bromobenzine et d'iodure d'isopro-
pyle. Le cumène est un liquide incolore, plus léger que
l'eau, d'une odeur forte et agréable, bouillant à 151°, 4. Il
CUMÈNES - CUMIN
612 —
est insoluble dans Feau, très soluble dans l'alcool, l'éther,
la plupart des huiles essentielles ; il dissout bien les corps
gras et les résines. L'acide chromique le transforme en
acide benzoïque ; a\ec l'acide nitrique fumant, il y a for-
mation d'une huile jaunâtre, douée d'une odeur de nitro-
benzine, le nitrocumène, C^^H^^(AzO^). Le mélange nitro-
sulfurique engendre le dinitrocumène , C^^E^^(AzO^')^,
qu'une dissolution alcoolique abandonne sous forme de beaux
cristaux. Ed. Bourgoin.
BiBL. : Ador et Rilliet, Carbures synthétiques, Soc.
ch.., t. XXXI, 244. — Berthelot^ Action de la chaleur et
de l'acide iodhydrique sur le pseudocumène, ib., t. Vil,
229 ; t. IX, 100. -— Cahours et Gerhardï, Essence de
cumène, An.ch. et phys., 1841, 1. 1, 102.— Fitïig, Pseudo-
cumène, Soc. ch., t. XI, 78; Propylbenzine, ib., t. XII,
307. — Jacobsen, Isopropylbenzine^ ib., t. XXVI, 173, 393.
— Jannasch, Triméthylbenzine, i6., t. XXIV, 316; Ethyl-
toluène, 214. — Paterno et Spica, Propylbenzine normale,
Journ. ph. et c/i.,t, XXVI, 451 (4).— WROBLE^vsKY,Ef%^
(o^uèî^es, Soc. ch.,i. XXIII, 179; t. XXIV, 203.
eu IVI ES ou KYM E (Géogr. anc). Nom de plusieurs villes
importantes de l'ancienne Grèce. La première était située
en Eubée ; la seconde, colonie de celle-ci, sur la côte d'Eolie,
en Asie Mineure; la troisième, colonie de la première, en
Campanie. L'usage ^s'est établi de réserver à celle-ci le nom
de Cumes. Nous' renverrons pour les autres à l'art. Kyme.
La Cumes italienne était, comme sa métropole, une cité
ionienne. La fondation en est très ancienne, antérieure au
grand mouvement de colonisation de la Grande-Grèce
(V. ce nom); on la place au xi^ siècle av. J.-C. Les colons
s'établirent d'abord à /Enaria (île d'Ischia), puis définiti-
'^"^^gW^Wf^^"^^
Vue d'une porte de l'ancienne ville de Cumes.
vement au N. du cap Misène, sur la terre ferme, Cumes,
la plus ancienne ville grecque d'Italie, métropole de Naples,
parvint à une grande prospérité et domina la Campanie,
qui fut presque grécisée. Son histoire nous est à peu près
inconnue avant le v® siècle. A cette date y régnait le tyran
Aristodème. Affaiblie par les Etrusques, Cumes leur infligea,
en 474, une défaite mémorable avec l'appui de Syracuse.
Mais les Sabelliens, qui succédèrent aux Etrusques en
Campanie, n'étaient pas moins redoutables. En 420, les
Samnites s'emparent de Cumes; en 350, elle passe aux
Romains, qui en firent une colonie. Ils avaient d'ailleurs
avec elle d'anciennes relations : de là leur venaient les
cultes d'Apollon, de Cérès-Demeter, les livres sibyl-
lins, etc. Sur ceux-ci et la Sibylle, V. l'art. Sibylle. L'an-
cienne ville de Cumes était au'^N. de Baies, qui lui succéda
à l'époque romaine.
Cicéroû et bien des Romains distingués eurent des villas
à Cumes. La ville, complètement déchue et abandonnée,
fut définitivement ruinée par les Napolitains en 1203. Ses
ruines sont peu importantes : on y remarque un amphi-
théâtre, l'acropole, des tombeaux, la maison qu'on appelle
tombeau de la Sibylle et de nombreuses grottes creusées
dans le roc.
eu MIDI NES (Chim,). Les cumidines sont des bases
organiques artificielles qui répondent à la formule C^^H^^Az.
On en connaît actuellement trois avec certitude : la cumi-
dine ordinaire, la pseudo-cumidine et la mésidine.
I. La cumidine ordinaire est V amido-isopropylbeyi-
zine, Nicholson l'a préparée en réduisant par l'hydrogène
le nitrocumène, C^SH^^(AzO^*) :
CiWi(AzO^0H-3H[2— 2H202 + Ci8Hii(AzH2).
Elle est liquide, mais se selidifie aisément à basse tem-
pérature sous forme de masses tabulaires, bouillant à 225«,
ayant pour densité 0,952G. Elle est soluble dans l'alcool,
l'esprit de bois, le sulfure de carbone, les huiles grasses,
tandis que l'eau en prend à peine. Ses sels, solubles à la fois
dans l'eau et dans l'alcool, sont cristaUisablespour la plupart.
La nitrocumidine , C^^H^^(AzO^)Az, a été préparée par
Cahours en réduisant le dinitrocumène par le sulfhydrate
d'ammonium. Cristaux jaunes, aiguillés, insolubles dans
l'eau, solubles dans l'alcool et dans l'éther, neutrahsant
les acides énergiques.
IL La pseudo-cumidine. Elle se prépare en réduisant
le nitropseudocumène par le fer et l'acide acétique. Elle
fond à 62^, se volatilise dans un courant de vapeur d'eau
et donne avec les acides des sels cristallisables ; elle est
assez soluble dans l'eau, qui l'abandonne en longues aiguilles
par concentration.
III. La mésidine ou amidomésitylène se forme par
réduction du nitromésitylène (Fittig), ou en chauffant un peu
au-dessus de 300^ l'iodure de triméthylanihne (Hofmann).
(C2H2)3(Ci2H4)AzH^I 1=: C^SRiSAz.Hl.
Base liquide, bouillant à 227" (Biedermann), à 229-230*'
(Ladenburg), ayantpour densité 0,9633 (Hofmann) ; encore
liquide à zéro. Ses sels sont cristallisables. Elle fournit des
dérivés mono et dinitrés, méthylés, acétylés, sulfonés, etc.
IV. Cumidines isomériques, Hofmann et Marlius ont
signalé l'existence d'une cumidine, isomérique ou identique
avec les précédentes, en chauffant vers 300°, pendant dix
heures, le chlorhydrate d'anihne avec l'esprit de bois. C'est
un liquide qui passe à 223-226^^ et qui donne avec l'iodure
de méthyle un chloroplatinate bien cristalHsé. W. Engel a
obtenu une nouvelle cumidine en chauffant pendant vingt-
quatre heures, vers 230*^, sous une pression de 20 atmos-
phères, un mélange de chlorhydrate de xylidine et d'alcool
méthylique. Elle distille à 223-224«. Ed. Bourgoin.
BiBL.: AuwERS, Pseudo-Cumidine, Soc. ch., t. XLVI, 81.
-~ Baumann et NoTLiNG, Dérivés, ib., t. XLVI, 857. —
Cahours, Cumidine, Compt. rend., t. XXVI, 315; t. XXX,
321.— Ealer, Pseudo-Cumidine, ib., XLV, 595. — Engel,
Nouvelle Cmnidine, ib., t. XLVI, 39. — Fittig et Storer,
Amidomésitylène, ib., t. XI, 8G. — Hofmann et Maiitius,
Méthylation\le l'aniline, ib., t. XVII, 123. — Nicholson-,
Cumidine, Chim. Soc, Quart. Journ., 1. 1, 2.
eu Ml ÈRES. Corn, du dép. delà Marne, arr.de Reims,
cant. d'Ay; 1,326 hab. Sables fossilifères, fontaine pétri-
fiante; vins très estimés ; fabriques de pressoirs. Sépul-
tures gallo-romaines. A. T.
CUMIÈRES. Corn, du dép. de la Meuse, arr. de Ver-
dun-sur-Meuse, cant. de Cfiarny-sur-Meuse ; 238 hab.
eu Ml ES. Corn, du dép. de l'Aude, arr. de Castelnau-
dary, cant. de Salles-sur-l'Hers ; 93 hab.
CUMIN. I. Botanique. — Nom vulgaire du Cuminum
cyminum L., plante de la famille des OriibelHfères, qu'on
appelle également Jm^a^r*?. C'estuneherbe annuelle dontles
tiges, hautes de 20 à 30 centim. , portent des feuilles profon-
dément divisées en lanières étroites, sétiformes. Les fleurs,
de couleur blanche, sont disposées en ombelles composées,
pourvues d'involucres et d'involucelles. Les fruits oblongs,
atténués aux deux extrémités et comprimés latéralement,
— 613
ont leurs méricarpes pourvus de cinq côtes primaires et de
quatre côtes secondaires saillantes, hérissées de papilles.
— Le Cumin est cultivé en grand, depuis un temps immémo-
rial, dans la région méditerranéenne et en Chine, pour ses
fruits à odeur forte, à saveur aromatique acre et piquante.
On le croit originaire de l'Orient. — Le nom de Cumin est
également donné, dans le langage vulgaire, à plusieurs
autres Ombellifères plus ou moins odorantes. Ainsi on
appelle : Cumin bâtard, C. sauvage, le Lagoecia ciimi-
noides L. ; C. de montagne ou C. des prés, le Carum
carvi L. (V. Carvi) ; C. royal, le Sisoii amomum L. —
Le Cumin noir, au contraire, est constitué par les graines du
Nigella sativa L. , de la famille des Renonculacées. Ed. Lef.
IL Thérapeutique. — Les semences de cumin doivent
leurs qualités aromatiques et stimulantes à l'essence qu'elles
renferment, au cuminol ; elles faisaient partie, avec
Tanis, des quatre semences chaudes. Le cumin est un
bon stimulant digestif et carminatif, utile dans les états
atoniques de la muqueuse digestive et dans les flatuosités
qui accompagnent certaines dyspepsies, dans la leucorrhée,
l'aménorrhée et le catarrhe chronique des bronches. Les
propriétés lactogènes du cumin sont plus ou moins dou-
teuses. A l'extérieur, on l'emploie quelquefois comme réso-
lutif. La dose à Fintérieur est de 1 à 2 gr. en poudre, de
2 à 4 gr. en infusion ; le cuminol se donne en potion à la
dose de 5 à 20 gouttes ; la préparation la plus efficace est
la teinture éthérée, dont la dose varie entre 50 centigr. à
1 gr. Le cumin est moins actif que l'anis. D^ L. Hn.
lïL Economie domestique. — Les pigeons sont très
friands de cumin, et quand on veut les attirer et les fixer
dans un colombier, on y répand des boulettes de terre glaise
pétries avec cette graine; on le mêle aussi à l'avoine pour
donner de l'appétit aux chevaux. Les Hollandais emploient
les semences de cumin pour aromatiser leur fromage ; les
Allemands en mettent dans le pain, et les Turcs les font
entrer dans leurs ragoûts. Dans les provinces occidentales
de la Russie, en Estonie principalement et à Riga, le
cumin sert à fabriquer la liqueur appelée Doppel Kiimmel
ou Kiimmel (V. ce mot).
riiiuiiMAMmc /ru- ^ t? ( Equiv. C^oH^s^zO^
CUMINAMIDE (Chim.). Form. > ^^^^ ^ Ç^i^^KzO
La cuminamide est l'amide de l'acide cuminique, c.-à-d.
du cuminate d'ammonium moins une molécule d'eau :
C20Hi204AzH3 — H^O^ "C2«Hi3Az02.
On l'obtient, d'ailleurs, en fondant simplement ce sel,
ou mieux en le maintenant demi-fluide pendant longtemps
(Field) ; on purifie le produit en le reprenant par une
solution aqueuse et bouillante d'ammoniaque, afin d'enle-
ver l'acide cuminique régénéré. On peut aussi faire réagir
l'anhydride cuminique sur l'ammoniaque, ou cette dernière
sur le chlorure de cumyle (Gerhardt). Le cuminamide
cristallise en tables très brillantes ou en longues aiguilles
opaques, peu solubles dans l'eau froide, très solubles dans
l'alcool et dans l'éther, difficilement attaquables par les
acides et les alcalis ; ce n'est que par une ébuUition pro-
longée avec ces réactifs qu'on peut reproduire ses géné-
rateurs. Ed. BOURGOIN.
BiBL. : Cahours, Ann. ch. et phys., t. XXIII, 349 (3). —
Field, Ann. der Ch. und. Pharm.., 1848, t. LXV, 45 . —
Gerhardt, Ann. ch. et phys., t. XXXVII, 331 (3). — Ger-
hardt et Chiozza, i5., t. XLVI, 151.
C U IVI I N G I A (Malac.) . Genre de Mollusques-Lamellibran-
ches,de l'ordre des Vénéracés, établi par Sowerby en 1833,
pour une coquille de faible grandeur, ovale transverse, équi-
valve, parfois irrégulière; à côté antérieur arrondi, tandis
que l'extrémité postérieure, légèrement bâillante, est sub-
rostrée ; charnière composée dans chaque valve d'une dent
cardinale peu saillante, d'un cuilleron peu oblique, trian-
gulaire, médian, destiné à recevoir le ligament ; et sur la
valve droite seulement de deux dents latérales allongées.
Ligament interne. Impression musculaire antérieure ovale
oblongue, la postérieure arrondie. Cumingia mutica
Sowerby. Les Gumingiées habitent les Antilles, les côtes
CUMINIQUE. Acides.— Form.
CUMIN — CUMINIQUE
de l'Amérique et de l'Australie ; elles vivent dans les trous
ou fentes des rochers.
Equiv., C^mm^
Atom.. Cm^W
Un grand nombre d'acides aromatiques répondent à la
formule O^Hl^W ; ils dérivent des carbures C^^^H^^ par
suite du remplacement de 4 vol. d'hydrogène par un égal
volume d'oxygène :
Le plus important est Vacide cuminique ordinaire,
acide p-cuminique ou p-isopropylbenzoïque, découvert
en 1840 par Cahours et Gerhardt parmi les produits
d'oxydation de l'essence de cumin {Cuminum cyminum).
Il dérive régulièrement du cymène ordinaire ou p-isopro-
pylméthylbenzine (cymol). Il prend encore naissance : en
hydrogénant l'acide p-propénylbenzoïque ; en attaquant le
p-bromocumène par l'acide carbonique et le sodium ; lors-
qu'on projette du chlorure d'aluminium dans un mélange
d'isopropylbenzine et de chlorure d'urée. Pour le préparer,
on fait fondre de la potasse caustique et on y laisse tomber
goutte à goutte l'essence de cumin :
C20Hi-20"- 4- KHO"- rr: C20H"K04 + H2.
On dissout la masse dans l'eau, on précipite par l'acide
azotique et on fait cristaOiser le précipité dans l'alcool
(Cahours et Gerhardt). Il cristallise dans l'alcool en
tablettes incolores appartenant au système triclinique
(Groth) ; sa saveur est acide et son odeur aromatique est
peu agréable; il fond à 115-116*^; sa densité est de
1,1625 (Schrôder). Il est assez soluble dans l'alcool,
l'éther et l'eau bouillante; l'acide sulfurique le dissout
sans coloration ; avec l'acide nitrique fumant ou le mélange
nitrosulfurique, on obtient des dérivés nitrés. Distillé avec
de la chaux ou de la baryte, il se scinde en acide carbo-
nique et en cumène ordinaire (C. et G.) :
C20H1204~-C204+CiW2.
Le mélange chromique le convertit en acide téréphtalique,
Qi6}j6Q8 . avec le caméléon, il y a d'abord formation d'acide
oxypropylbenzoïque, C^^H^^qô, h fournit des produits de
substitution avec les halogènes. L'acide cuminique est mo-
nobasique et donne des sels neutres cristallisables. Les sels
à' ammonium., de potassium, de sodium, de baryum, de
calcium, de magnésium sont en aiguilles ou en lamelles
nacrées, plus ou moins solubles dans l'eau ; ceux de cuivre,
de plomb et d'argent sont insolubles.
Vacide cuminique anhydre
C40H2206™ c'^<>Hi»02(C20Hi204)
a été obtenu par Gerhardt en faisant réagir le chlorure de
cumyle sur le cuminate de sodium. C'est un liquide hui-
leux, épais, incolore à odeur faible, que l'air humide
transforme rapidement en lamelles brillantes d'acide cumi-
nique, et que l'ammoniaque convertit totalement en cumi-
namide (V. ce mot). L'acide p-cuminique possède un
isomère de position, Vacide orthocuminique, préparé par
Claus et Schulte en prenant pour point de départ l'isopro-
pylbenzine résultant de l'action du bromure d'isopropyle
sur la benzine, en présence du chlorure d'aluminium. Cet
isomère, qui est en cristaux opaques, ne fondant pas
encore à 300<», est complètement transformé par le mélange
chromique en acide carbonique et en eau ; il donne cepen
dant un peu d'acide phtalique avec le permanganate de
potassium (Cl. et S.).
^ S Equiv C2ÛH1402.
Alcool. - Form. \ ^^^^ CiOHi4o..
Syn. : Alcool cymy ligue — Hydrate de cymyle.
Ce composé, qui est isomérique avec le thymol, a été
obtenu par Kraut, en faisant réagir dans un appareil à
reflux la potasse alcoohque sur l'aldéhyde cuminique :
2C20H1202 _i_ KHo-2 =r c^m^m^^ -+- c^m^w.
En ajoutant de l'eau à la masse, il se sépare un liquide
huileux, formé d'alcool cuminique et de cymène; on
l'agite avec une solution concentrée de bisulfite de sodium,
qui s'empare de l'aldéhyde en excès, puis on soumet le
résidu à la distillation fractionnée, de manière à recueillir
CUMINÏQUE --- CUMONT
_ 644 ~»
ce qui passe à 243^. L'alcool cumiiiique est un liquide inco-
lore, doué d'une odeur faible, aromatique. Il est insoluble
dans l'eau, soluble en toutes proportions dans l'alcool et
dans l'éther. L'acide azotique le convertit en acide cumi-
nique, tandis que l'acide suUurique le résinifie et que la
potasse alcoolique le transforme en cuminate de potassium
et en cymène :
3C20H1402 + KHO^ rz: Ç^W -|- âfPO^ + 2G20Hi4
Alcool Cuminate Cymèno
30 Aldéhyde.^ Form. | ^(^^^ ^.o^i^Q,
Syn. : Cuminol — Hydrure de cwmyle.
L'aldéhyde cuminique et le cymène constituent l'es-
sence de cumin ; on distille ce mélange en rejetant ce
qui passe au-dessous de 200^*. Le résidu est traité par le
bisulfite de potassium, ce qui fournit un composé cristal-
lin, qu'on lave à l'éther et qu'on décompose à chaud par
le carbonate sodique ; on décante l'essence qui surnage, on
la dessèche sur du chlorure de calcium et on la rectifie
dans un courant de gaz carbonique. L'aldéhyde cuminique
est un liquide incolore, d'une saveur acre* et brûlante, à
odeur de cumin. Il bout à 236^,6 (Kopp) ; sa densité est de
0,9832 à zéro (K.). Chauffé au contact de l'air, il se rési-
nifie partiellement et donne de l'acide cuminique ; c'est ce
dernier corps qui domine avec la potasse en fusion. Il
fournit avec les halogènes des produits de substitution ;
avec les métaux alcahns, des cwmylures, ayant pour for-
mule C^^IP^MO^; traité par le sulfure d'ammonium, il se
transforme en hydrure de sulfocumyle, C'^'^H^^S^ ; il
s'unit aux bisulfites alcalins. Ed. Bourgoin.
BiBL. : Acides. — Beilstein et Kupffer, Acides cumi-
niques, Soc. eh.^ t. XLV, 178. ~- Cahours et Geriiardt,
Essence de cumin^ An. ch. etphys., 1841, 1. 1, 68. — Claus
etScHULTE, Acide o-cuminique, Soc. ch., t. XLVII, 420. —
HoFMANN, Acide cuminique^ An. ch, etphys.., t. LUI. lût
(3). — R. Meyer, Sxiv les deux acides cuminiques, Soc. ch..
t. XLVl, 730. — MûLLER, Synthèse, ih., t. XXXVIÎI, 31;
t. XXXIX, 348. — WiDMANN, Dérivés nitvés, ib., t. XLV,
228.
Alcool. — Kraut, Ann. der Ch. undP/iarm., t. XCII, 66.
Aldéhyde. — Bertagnini, An. der. Ch. und Ph., t.
LXXXVI, 275. — Cahours et Gerhardt, An. ch. et ph.,
1841, t. I, 60; t. XXIII, 345. — Chiozza, i6., t. XXXIX, 216.
— HoFMANN, An. der Ch. und Ph.. t. XCVII, 207. —
Kraut, 26., t. XCVIII, 366. — Trapp, ib., t. CVIII, 386. —
S1EVEKING, ib., t. CVI, 357.
CUl^INOL (Chim.) (V. ci-dessus Cuminique, § 3, Aldé-
hîjdé).
■cumNUR.QUE(Chi..).Fo™.|K;:aî:AS:
Homologue de l'acide hippurique, obtenu par Cahours
en faisant réagir la chlorure de cumyle sur le glycocolle
argentique. En reprenant à chaud le produit de la réaction
par l'alcool, il se dépose par concentration des prismes
colorés en jaune, qu'on purifie par compression et par
cristaUisation dans l'alcool. Bouilli avec de l'acide chlor-
hydrique, il se décompose en acide cuminique et chlorhy-
drate de glycocolle :
C24Hi&Az06 + HO H- H^O^ =z C^OR^W -H C^H^AzO^HCl,
réaction comparable à celle que l'acide hippurique subit
dans les mêmes conditions, car cet acide, sous l'influence
des agents d'hydratation, se dédouble en acide benzoïque
et en glycocolle. Ed. B.
GUMMÉAN ou GOMÉAN, théologien irlandais de la fin
du vue siècle. Il existe un Pénitentiel (V. ce mot) attri-
bué à Cumméan [Pœnitentiale Commeani), composé de
quatorze chapitres, et fréquemment cité et mis à contri-
bution avant le décret de Gratien, Un texte critique de ce
code a été publié par Wasserschleben en 4851. Des indices
précis montrent que l'auteur n'a pas vécu avant Théodore
de Gantorbéry (mort en 690), dont il invoque l'autorité,
ni après Bède (mort en 735) ou Egbert d'York (mort en
767) qui le citent. Il paraît probable, en outre, que l'au-
teur du Pénitentiel de Cumméan n'est autre qu'un évêque
de ce nom, venu d'Irlande en Italie et préposé par le roi
lombard Luitprand au couvent de Bobbio. F,-H. K,
BiBL. : Wasserschleben, Die Bussordnungen der
abendlœndlischen Kirche nebst einer rechtsgeschichtli-'
schen Einleitung ; Halle, 1851, in-8.
GUIVIIVIING (John), ministre presbytérien écossais, né
à Fintray le 40 nov. 1810, mort à Londres le 5 juil. 1881.
En 1832, il fut appelé à Londres comme pasteur de l'Eglise
écossaise de Covent Garden. Dans une de ses publications,
the Destiny of nations on the future of Europe (1864),
il annonça pour l'année 1868 des catastrophes et des
changements politiques dont il essaya de démontrer la
réalisation dans the Seventh Vieil ^ qu'il fit paraître en
1870. Parmi ses autres ouvrages, il convient de citer:
Âpocalyptic Sketches (1848-50, 3 vol.); Rédemption
draweth nigh (1861); Voices of the night; Daily
life, etc.
CUMMINS (Maria), romancière américaine, née à Salem
(Massachusetts) le 10 avr'. 1827, morte à Dorchester
(près de Boston) le 1^^' oct. 4866. Son premier ouvrage
{Lampligther, 1853) eut un très grand succès; il a été tm-
duit en plusieurs langues ; célèbre dès ses débuts, M"^^ Cum-
mins a publié des romans moraux très inférieurs au pre-
mier : Mabel Vaughan (1857); El Fureidis (1860);
Haunted hearts (1864).
eu MONO. Corn, du dép. de la Dordogne, arr. de
Ribérac, cant. de Sainte-Aulaye ; 877 hab.
CUMON.TRILE (Chim.). Form. \ £^; gï^J-
Le nitrile do l'acide cuminique a été observé par Field
dans la distillation sèche du cuminate d'ammonium :
C^W^O^AzH^ ~ 211^0^ ^rC^^Hi^Az.
Il se forme encore : lorsqu'on fait réagir le bromure de
cyanogène sur le cuminate de potassium (Cahours) ; en
chauffant le cumosulfophénamide ou le cumosulfophénar-
gentamide ; dans la réaction du persulfure de phosphore
sur le cuminamide (Henry) ; enfin lorsqu'on chauffe jus-
qu'à fusion un mélange formé de 2 mol. d'acide cuménique
et de 1 mol. de sulfocyanate de potassium (Letts). On le
prépare en distillant à plusieurs reprises l'acide cuminique ;
on lave le liquide huileux à l'eau ammoniacale, à l'acide
chlorhydrique et à l'eau pure ; on le dessèche et on rec-
tifie une dernière fois. C'est un Hquide incolore, très
réfringent, doué d'une odeur agréable et d'une saveur
brûlante. Il est peu soluble dans l'eau, très soluble dans
l'alcool et dans l'éther. Sa densité est de 0,765 à 14'' ; il
bout à 239^. L'acide nitrique le transforme, à la longue,
par une ébiiUition prolongée, en acide cuminique ; avec les
solutions alcalines, il y a formation de cuminamide, puis
de cuminate alcalin. Le mélange nitrosulfurique le con-
vertit en cumonitrile mononitré, C2'^H^^(AzO'*)Az, corps
qui cristalhse dans l'alcool, qui fond à 71° et que les réduc-
teurs transforment en amidocumonitrile
œE^^ (AzH2)Az.
Cet amide, qui bout à 305°, cristalhse dans l'alcool en
aiguilles fusibles à 45° (Czumpelik). Ed. Bourgoin.
Bibl. : Cahours, Ann. ch. et phys., t. LII, 201 (3). —
Chiozza et Gerhardt, z6., t. XLVI, 151. — Czumpelik,
Deuts. ch. Gesells.., 1869, 182. — Field, Ann. der Ch. und
Ph., t. LXV, 51. — Henry et L'Escaille, Deuts. ch,
Geseils., 1869, 495. — Letts, ib., 1872, 669.
CUMONT. Com. du Tarn-et-Garonne, arr. de Castel-
sarrasin, cant. de Beaumont-de-Lomagne ; 232 hab.
CUMONT (Arthur-Timothée-Antoine-Victor , vicomte de) ,
homme politique français, né à Angers le 19 avr. 1818. Il
se fit sous le second Empire une certaine notoriété, grâce à
V Union de V Ouest., journal légitimiste qu'il avait fondé
dans sa ville natale. Pendant îa guerre de 1870-71, il
attaqua le gouvernement de la Défense nationale avec tant
de violence et de ténacité, que le préfet de Maine-et-Loire,
M. Engelhard, crut devoir suspendre pour deux mois cette
feuille. Représentant de Maine-et-Loire à TAssemblée natio-
nale (1871), il siégea sur les bancs de la droite, s'associa
à tous les votes tendant à écarter la République et à ramener
la monarchie, contribua, comme membre de la première
commission des Trente (1872-1873), à paralyser le gou-
vernement de M. Thiers, aida de toutes ses forces à leren-
- 615 —
CUMONT — CUMUL
Verser (24 mai 1873), fut un des promoteurs de la fusion
royaliste, après Téchec de laquelle il vota le septennat
(nov. 4873), fit partie de la seconde commission des Trente,
qui retarda le plus qu'elle put la discussion des lois consti-
tutionnelles, devint ministre de l'instruction publique, des
cultes et des beaux-arts le 21 mai 1874 et repoussa, au
commencement de 1875, l'amendement Wallon qui consa-
crait implicitement l'établissement de la République, ce qui
ne lui permit de rester aux affaires que jusqu'au mois
de mars 1875. Après la dissolution de l'Assemblée natio-
nale, il brigua sans succès les suffrages des électeurs séna-
toriaux de Maine-et-Loire (janv. 1876). Il reprit de fait la
direction de V Union de l'Ouest et posa, sans succès, en
juin 1879, sa candidature au conseil général de son dépar-
tement, où il est entré dans ces dernières années. Il est,
depuis 1888, maire de la commune de Saint-Georges-sur-
Loire, A. Debidour.
CUMOPHÉNOLS (Chim.). Fom. \ g^^- gj^
Les cumophénols, phénols cmnéniques ou oxycii-
mènes, sont les phénols qui dérivent des cumènes
répondaot à la formule C^^H^'-*. On en connaît actuellement
trois : l'o-cumophénol, le p-cumophénol et le pseudo-
cumophénol.
I. Orthocumophénol. Obtenu par Spica en fondant
avec la potasse caustique le sulfoorthocuménate de potas-
sium. C'est un liquide bouillant à 218^,5. Son éther
éthylique, Ç.^^¥^{mm^), bout à 213<>.
lï. Paracumophénol. Le paracumophénol^ cumo-
phénol solide^ a été obtenu par Miiller en 1869. Il se
prépare comme le précédent, au moyen du sulfocuménate
correspondant. Il fond à W et bout à 228-229° ; l'acide
chromique convertit en acide anisique son dérivé méthylé
Qi8HiO(C2H402), liquide très réfringent, bouillant à 214%
ayant pour densité 0,962 à zéro. Le dérivé acétylé,
£;i8£io (C^H^O^), préparé à l'acide du chlorure d'acétylc,
bout à 244° et possède une densité de 1,026 à zéro
(Paterno et Spica).
III. Pseudocumophénol. Le pseudocumophénol, pseu-
documénol de Reuter, se prépare en fondant avec la
potasse le pseudosulfucoménate de potassium. Il cristallise
en aiguilles fusibles à 69^, bouillant à 240°, voktilisables
dans la vapeur d'eau. Il se dissout fort peu dans l'eau,
facilement dans l'alcool et dans l'éther. Il donne : avec la
potasse en fusion , de l'acide oxyxylique ; avec l'acide
sulfurique, un dérivé sulfoconjugué cristallisable ; avec le
brome, deux dérivés cristallins, le bromo-pseudocuménol
C^^H^^BrO^, qui cristallise en aiguilles fusibles à 32°, et
le dibromo-pseudocuménol, fr^II^^Br^O^, qui ne fond
qu'à 250^ Ed. B.
BiBL. : Spica, Gazzet. ital. chhn.^ t. IX, 433. — Spica et
Paterno, Deuts. ch. Gesells.^ 1877, 83. — Reuter, i6.,
1878, p. 29. -• Bull Soc. ch., t. XXXI, 454.
CUMUL. Administration et politique. — Administra-
tivement, on entend par cumul l'accumulation par un
même fonctionnaire de plusieurs fonctions ou de plusieurs
traitements, ou bien de plusieurs pensions, ou enfin d'une
pension avec un traitement d'activité. Sous l'ancien régime,
le cumul des fonctions, des traitements et des pensions
était en quelque sorte la règle générale : ce fut même un
des abus les plus reprochés à la monarchie. La Révolution
de 1789 parvint à le supprimer à peu près, mais il reparut
scandaleusement sous la Restauration, sous le premier et
le second Empire. Aujourd'hui encore, on ne peut pas dire
qu'il ait en réalité complètement disparu de nos mœurs
politiques et administratives, mais les mesures législatives
qu'on a prises Font réduit à des proportions qui ne laissent
plus guère subsister que ses avantages particuliers. Ainsi,
la loi du 24 vendémiaire an III interdit le cumul des fonc-
tions judiciaires avec les fonctions administratives ; le cu-
mul des fonctions judiciaires entre elles et des fonctions
administratives entre elles. En outre, elle dispose « qu'au-
cun citoyen ne peut exercer ni concourir à l'exercice d'une
autorité chargée de la surveillance médiate ou immédiate
des fonctions qu'il exerce dans une autre qualité ». Les
lois des 27 mars 1791 et 1®^ brumaire an II interdisent le
cumul entre les fonctions de juge et celles d'avoué, de
notaire et d'huissier. Le décret sur la comptabilité pu-
blique du 31 mai 1862 interdit de cumuler en entier le
traitement de plusieurs places, emplois ou commissions.
En cas de cumul de deux traitements, le moindre est
réduit à moitié ; en cas de cumul de trois traitements, le
troisième est en outre réduit au quart et ainsi de suite en
observant cette proportion. La réduction dont il s'agit n'a
pas lieu pour les traitements cumulés qui sont au-dessous
de 3,000 fr. (art. 65). Exception est faite en faveur des
professeurs, gens de lettres, savants et artistes qui peuvent
remplir plusieurs fonctions et occuper plusieurs chaires
rétribuées par le Trésor, à condition néanmoins que l'en-
semble des traitements tant fixes qu'éventuels ne dépasse
pas 20,000 fr. (art. 66), De même, les traitements des
maréchaux et amiraux, ceux de la Légion d'honneur, les
rentes viagères attribuées à la médaille militaire, les pen-
sions accordées à titre de récompense nationale sont excep-
tées des règles prohibitives du cumul (art. 67). Les pen-
sions de retraite pour services militaires peuvent se cumuler
avec un traitement civil d'activité, excepté le cas oti des
services civils ont été admis comme complément du droit
de ces pensions (art. 271). Lorsqu'un fonctionnaire est
remis en activité dans un service différent, il ne peut cu-
muler sa pension et son traitement que jusqu'à concurrence
de 1,500 fr. (loi du 9 juin 1858, art. 28). Le cumul
des deux pensions est autorisé dans la limite de 6,000 fr.,
pourvu qu'il n'y ait pas double emploi dans les années de
service présentées pour la liquidation. La loi du 24 mai
1872 interdit le cumul des fonctions de conseiller d'Etat
en service ordinaire avec toute fonction publique salariée.
Peuvent cumuler les droits attachés à leurs fonctions, mais
non leurs traitements avec celui du conseil d'Etat, les offi-
ciers généraux, les inspecteurs et ingénieurs des ponts et
chaussées, des mines, de la marine, les professeurs de
l'enseignement supérieur détachés aux conseil d'Etat. Il est
interdit aux conseillers et maîtres des requêtes de cumuler
ces fonctions avec celles d'administrateur de toute compa-
gnie privilégiée et subventionnée. Les conseillers de pré-
fecture ne peuvent cumuler leurs fonctions avec celles qui
impliquent un traitement public ou avec l'exercice d'une
profession. Les règlements militaires "(3 avr. 1869, 8 juin
1883), conformément à l'art. 65 du décret du 31 mai 1 862
que nous avons mentionné plus haut, interdisent formelle-
ment le cumul d'un traitement civil et d'une solde militaire ;
mais, par exception à cette règle formelle, la loi du l^'^ juin
1878 dispose que les réservistes et les territoriaux^
pourvu qu'ils n'appartiennent pas au personnel adminis-
tratif permanent de l'armée territoriale, pourront cumuler
leurs traitements ou pensions avec la solde militaire qu'ils
reçoivent pendant les exercices ou manœuvres qu'ils sont
appelés à faire, à condition, bien entendu, que le temps
ainsi passé sous les drapeaux ne comptera pas pour leur
pension.
Il est une autre sorte de cumul qui a plus attiré l'atten-
tion du public. Nous voulons parler du cumul entre les
mandats électifs et plus spécialement les mandats parlemen-
taires et les fonctions publiques salariées. Elle sera traitée
au mot Incompatibilité. Il nous suffira de faire connaître
ici les règles suivies en cas de cumul du traitement d'un
fonctionnaire avec l'indemnité législative. Si le chiffre de
cette indemnité est supérieur à celui du traitement du fonc-
tionnaire, ce traitement est ordonnancé en totalité au profit
du Trésor public pendant la durée du mandat législatif.
Si le chiffre du traitement est supérieur à celui de l'in-
demnité, le fonctionnaire député touché pendant la même
période le montant de l'indemnité et la portion de son
traitement net excédant ladite indemnité.
Contributions indirectes. — Un marchand en gros de
boissons ne peut pas exercer dans le même établissement
CUMUL
- 616
la profession de détaillant (loi du 28 avr. 1846, art. 106).
Il est toutefois autorisé à vendre des boissons en détail
dans des magasins séparés et n'ayant avec les magasins de
gros d'autre communication que par la voie publique (loi
du 19 juin. 1880, art. 7). Le détaillant peut faire des
ventes en gros dans tous ses magasins, mais sans cesser
d'être considéré comme débitant (décision du conseil d'ad-
ministration des contrib. indir. du 21 août 1816).
Jurisprudence. — Cumul des délits et des peines.
Il y a cumul de délits, ou réitération, lorsque l'agent
a commis deux ou plusieurs infractions consistant dans
des faits distincts et antérieurs à toute condamnation.
Cette définition comprend, on le voit, deux conditions
essentielles. 1^ 11 faut d'abord que ces infractions con-
sistent dans des faits distincts. Si elles se trouvent ren-
fermées dans un seul et même acte matériel, au point
de vue de la qualification , comme au point de vue de
la peine, la plus grave absorbera nécessairement toutes
les autres. On pourrait citer, sur ce point, un grand
nombre d'exemples. Tel serait le cas d'un viol commis
sur une femme mariée. Ce viol se complique inévitable-
ment d'un adultère. Le second peut avoir lieu sans le
premier. Le premier ne saurait se concevoir sans le second.
Il y a là, à cet égard, deux faits absolument indivisibles ;
qui, en pareille occurrence, se rend coupable de viol, se
rend au même instant coupable d'adultère. Mais l'adultère
qui n'est qu'un délit disparaîtra juridiquement devant le
viol qui constitue un crime. C'est le crime qui servira à
déterminer, à la fois, le caractère et la mesure de la con-
damnation. Il n'y a point ici de réitération. On ne peut y
voir qu'un concours d'infractions se greffant les unes sur
les autres, un agrégat indissoluble dont les éléments ne
sont séparables que par la pensée et auquel les juriscon-
sultes ont donné pt)ur cette raison le nom de cumul idéal.
On ne trouverait pas davantage un cumul proprement dit
dans les transgressions de la loi pénale (jui consistent dans
un ensemble de faits dont chacun, pris à part, pourrait
bien être punissable, mais qui, rapprochés les uns des
autres, apparaissent comme inspirés par une pensée iden-
tique et par un but commun. Ainsi, en matière de coups
et blessures, l'agent qui se livre sur sa victime à une série
de voies de fait ne commet pas autant d'infractions qu'il
exerce de violences, quoiqu'une seule suffise pour constituer
un acte réprimé par la loi. Il y a là ce qu'on appelle des
délits continus ou successifs par opposition aux délits ins-
tantanés, mais, pas plus que dans la première hypothèse,
une véritable réitération. Le cumul réel ou formel, le seul
dont nous ayons à nous occuper ici, n'aura donc lieu que
lorsque plusieurs faits distincts les uns des autres, non
seulement physiquement, mais encore intellectuellement,
seront de nature à être qualifiés chacun isolément comme
une infraction nettement caractérisée. Telle est la première
condition. 2o II faut en second lieu, avons-nous dit, que
ces faits soient antérieurs à toute condamnation. Si l'un
d'eux avait déjà été puni, il y aurait sous ce rapport,
non réitération ou cumul de délits, mais récidive. Cela
posé, quel est le principe qui doit régir la répression, en
cette matière ? En cas de cumul de délits doit-il ou ne
doit-il pas y avoir cumul de peines ? « La règle scien-
tifique pour marquer la mesure de cette punition, dit
M. Ortolan, sera toujours déduite des mêmes principes :
infliger à tous ces délits cumulés la quotité de peines
qu'exigent la justice et la nécessité sociale réunies ; jamais
plus qu'il n'est juste et jamais plus qu'il n'est nécessaire. »
{Eléments de droit pénal, t. I, p. 538.) Ce point est
incontestable. Mais qu'exige la justice morale? qu'exige
la nécessité sociale ? C'est là-dessus que les difficultés
vont s'élever et que les controverses vont naître. Selon
les uns, au premier point de vue, les peines devraient
s'additionner de même que les fautes. Selon les autres, et
cette opinion nous paraît préférable, une semblable répres-
sion serait une iniquité. La société, en effet, est en partie
responsable de cette multiplicité de délits commis par un
seul agent. Si son action ne s'était pas fait si longtemps
attendre, le mal, assurément, eût été moins grand. Au sur-
plus, ce cumul des peines n'est nullement nécessaire, et
même, le plus souvent, des condamnations basées sur ce
principe atteindraient des proportions tout à fait exorbi-
tantes. Cette solution est donc inadmissible. Un autre
système, diamétralement opposé au premier, et non moins
radical, consiste à n'appliquer à l'agent, en cas de réité-
ration, que la peine la plus forte parmi celles qui se
trouvent attachées aux infractions par lui commises. Ce
système est également défectueux ; car l'auteur de plusieurs
délits est incontestablement plus coupable et mérite un
châtiment plus rigoureux que l'homme auquel on ne peut
reprocher que le plus grave d'entre ces délits. En outre,
l'impunité qui serait assurée au délinquant après une pre-
mière transgression, pour toutes les infractions qui seraient
de nature à n'entraîner qu'une condamnation moins sévère
ou même aussi sévère, constituerait un véritable danger
social. Ainsi, sous le double rapport de la sécurité publique
et de la justice, on ne saurait souscrire à aucune de ces
deux solutions, l'une et l'autre beaucoup trop absolues. Il
faut, de toute nécessité, s'arrêter à une combinaison pé-
nale intermédiaire. Là est la vérité théorique. Voyons
maintenant comment le problème a été résolu par la légis-
lation positive.
En droit romain, la règle du non-cumul n'était pas
admise. Il y avait certainement aggravation de pénalité, en
cas de réitération. Mais il est difficile de dire si les peines
s'additionnaient. On a invoqué dans ce sens le texte sui-
vant d'Ulpien : Numgua7n plura delicta concurrentia
faciunt ut ullius impunitas detur ; neque enim délie-
tnm ob aliud delictum minuit pœnam (L. 2, pr. et
§§1, 2, Dig., De Privatis Delictis). Mais ce texte n'a trait
qu'aux délits privés et non aux délits qui seraient de na-
ture à entraîner des peines publiques. Dans notre ancien
droit, les criminalistes paraissent divisés sur cette question.
Cependant la doctrine du cumul semble avoir été géné-
ralement suivie et le principe major pœna minorent
ahsorhet appliqué seulement dans le cas oii les peines
étaient incompatibles entre elles. La Constituante, au con-
traire, a posé la règle du non-cumul. Elle l'a inscrite
dans la loi des 17-20 sept. 1791, tit. VII, art. 40. Le
code des délits et des peines du 3 brumaire an IV l'a éga-
lement reproduite. Enfin elle se trouve formulée, en ces
termes, par l'art. 365 de notre C. d'instr. crim. : En cas
de conviction de plusieurs crimes ou délits, la peine la
plus forte sera seule prononcée. Mais comment déterminer
la peine la plus forte ? Doit-on avoir égard à la nature de cette
peine ou bien à sa durée ? Une condamnation à deux ans de
réclusion, par exemple, doit-elle être considérée comme plus
rigoureuse qu'une condamnation à cinq ans de détention ? On
admetqu'iln'y a pas à tenir compte ici delà durée ; que c'est
au caractère des peines qu'il faut s'attacher, à l'ordre dans
lequel elles ont été énumérées par le code pénal. Bien que
l'art. 365 se serve de cette expression la peine la plus forte ^
il est d'évidence que si deux délits sont frappés de peines de
même espèce, l'une d'elles seulement sera appliquée ; il
n'y aura pas lieu de les additionner, le cumul étant aussi
manifestement contraire au vœu de la loi dans cette hypo-
thèse que dans la première. Cette règle édictée par notre
législation pénale actuelle souffre de nombreuses exceptions.
On peut d'abord tenir pour certain qu'elle ne régit pas la
matière des contraventions. La loi, en effet, au sujet de la
réitération, ne parle que des crimes et des déhts ; elle ne
dit rien des infractions de simple poMce. De plus, ces
infractions ont pour sanction des condamnations si légères
que, avec le non-cumul, la répression, le plus souvent,
deviendrait dérisoire. Pendant plusieurs années, la cour
de cassation s'est refusée à interpréter, dans ce sens,
l'art. 365 ; mais, depuis 1842, elle a admis cette doctrine.
Dans certains cas, la loi fait également fléchir le principe
en matière criminelle ou correctionnelle. C'est ainsi que
l'art. 220 du C. pén. dispose que la peine appliquée pour
— 617 —
CUMUL - CUNAXA
rébellion à des prévenus prisonniers sera subie par ceux
qui, à raison des crimes ou délits qui ont causé leur dé-
tention, seraient condamnés à une peine non capitale ni
perpétuelle, immédiatement après l'expiration de cette
peine. C'est ainsi encore que l'art. 245 du même code
formule une autre exception, à l'égard des détenus qui se
seraient évadés ou auraient tenté de s'évader par bris de
prison ou par violence. On pourrait citer bien d'autres
exemples. Mais le non-cumul n'en reste pas moins, dans
notre droit, la règle générale. Cette règle embrasse des
hypothèses bien distinctes et ses cas d'application peuvent
se présenter sous des faces multiples. On peut d'abord
supposer que les poursuites sont simultanées, et telle est
la situation prévue par l'art. 365 du C. d'instr. crim.
Autant que possible, cette jonction sera prononcée. Mais
il se peut que les divers déhts imputés à l'agent ne soient
pas découverts tous en même temps, et alors force sera
bien d'exercer des poursuites successives. Il y aura lieu,
dans ces conditions, de s'en référer à l'art. 379, ainsi
conçu : « Lorsque, pendant les débats qui auront précédé
l'arrêt de condamnation, l'accusé aura été inculpé, soit par
des pièces, soit par des dépositions de témoins, sur d'autres
crimes que ceux dont il était accusé, si ces crimes nouvel-
lement manifestés méritent une peine plus grave que les
premiers, ou si l'accusé a des complices en état d'arres-
tation, la cour ordonnera qu'il soit poursuivi à raison de
ces nouveaux faits, suivant les formes prescrites par le
présent code. Dans ces deux cas, le procureur général
surseoira à l'exécution de l'arrêt qui a prononcé la pre-
mière condamnation, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le
second procès. » Cet article ne prévoit que le cas où le
tait qu'il s'agit de poursuivre postérieurement serait
frappé d'une peine plus rigoureuse que le fait pour lequel
le coupable a déjà été condamné. Faut-il considérer les
termes de cette disposition comme limitatifs et en conclure
qu'elle devient inapplicable, si la seconde infraction n'est
pas réprimée par la loi plus sévèrement que la première ?
Nullement. L'action publique n'est pas éteinte. Mais il
importe de préciser les conséquences qui peuvent en ré-
sulter. S*il y a cumul de mêmes délits ou de délits diffé-
rents, mais frappés d'une peine identique, le juge saisi de
la seconde poursuite aura la faculté, en supposant que la
condamnation précédente soit inférieure au maximum ,
d'appliquer une peine variant entre ce maximum et la
peine déjà prononcée pour le fait antérieur. Si, au con-
traire, la pénalité se trouve épuisée, parce que le maximum
a été infligé au coupable ou si la seconde infraction est
punie de la réclusion, par exemple, quand la première
l'était des travaux forcés, il est bien certain que dans cette
hypothèse il ne peut plus être question d'une répression
quelconque. La règle du non-cumul doit-elle être considérée
comme supérieure au principe de l'autorité de la chose
jugée ? Si l'auteur d'un crime condamné à la réclusion et
traduit ensuite en police correctionnelle pour un fait anté-
rieur à cette condamnation a été frappé par le tribunal
de cinq ans d'emprisonnement, dans l'ignorance de la
première poursuite, y aura-t-il lieu à l'exécution des deux
peines ? La négative est soutenue par certains juriscon-
sultes ; mais il nous semble que, en dehors de l'appel ou
du pourvoi en cassation, le condamné ne saurait, dans le
cas ci-dessus spécifié, avoir d'autre ressource que le recours
en grâce. Le principe du non-cumul doit être sanctionné
par le juge. Il paraît difficile de l'abandonner à l'appré-
ciation du ministère public. Jules Chancel.
Droit canonique. — Cumul des bénéfices (V. Com-
MENDE, t. XII, p. 34, et Union des bénéfices).
CUIVIULIPORA(Paléont.) (V. Cellepora).
CUMULO-Stratus (Météor.). Ces nuages, d'un gris plus
ou moins sombre et à bords déchiquetés, se présentent tou-
jours en grand nombre dans le cercle de l'horizon. Ils sont
très communs, surtout en automne et en hiver, dans les
régions tempérées ou froides. Poey, s'inspirant de la classi-
fication si philosophique de Lamarck, les appelle fracto-
cumulus^ dénomination plus juste, car ils ressemblent en
effet à des morceaux de cumulus déchirés irrégulièrement.
La forme de strates n'est pas le caractère distinctif d'un
nuage particulier : tous les amas de vapeurs beaucoup plus
larges qu'épais, tous ceux qui sont répandus sur de grandes
surfaces, ont nécessairement, près de l'horizon, l'aspect de
stratus. Quand le temps devient pluvieux, les cumulo-
stratus se pressent et font une couche d'un gris très uni-
forme, au-dessous de laquelle courent de petits nuages
noirs très déchiquetés, que Poey compare assez justement
à des rats. E. Durand-Gréville.
CUMULUS (Météor.) . Le cumulus ou balle de coton est la
forme type des nuages composés de vapeur d'eau, par oppo-
sition au cirrus, qui est constitué par de fines aiguilles de
glace. Le cumulus habite les régions inférieures, de 500 à
3,000 m. Dans une atmosphère très calme, très chaude, et
par conséquent riche en vapeur d'eau invisible, il y a tou-
jours une couche d'air où la température est assez basse pour
que la vapeur d'eau se condense en gouttelettes ; c'est là que
le cumulus se produit dans des conditions de régularité
presque parfaite. Voilà pourquoi il a des formes si régu-
lièrement arrondies, sauf dans sa partie inférieure qui est
plane et qui correspond exactement à la couche du point
de rosée. Ce nuage, n'étant pas soutenu par des courants
d'air puissants, tend constamment à s'abaisser; mais,
constamment aussi, sa partie inférieure pénètre dans
des couches trop chaudes qui la réduisent en vapeurs
invisibles, lesquelles s'élèvent non moins constamment
et vont se condenser de nouveau sur sa partie supé-
rieure. Les cumulus, suivant toujours la couche du point
de rosée, planent d'autant plus haut que le soleil est plus
chaud; ils s'élèvent lentement depuis le lever du soleil
jusque vers deux heures, et redescendent peu à peu jus-
qu'au soir. E. Durand-Gréville.
CUNAC. Corn, du dép. du Tarn, arr. d'Albi, cant. de
Villefranche ; 414 hab.
CUN^E, CUNABULA (Ant.) (V. Berceau).
CUN>€US (Petrus) (V. Van der Kun).
CUNANTHA (Zool.). Genre de Méduses, type d'une
famille, établi par Haeckel pour des espèces de la Médi-
terranée caractérisées par leurs quatre tentacules, situés à
l'extrémité de quatre poches stomacales simples, non divisées
en deux culs-de-sac ; ce dernier caractère les séparant du
genre Cunarcha, Dans les autres genres de la même famille
{Cunoctantha, Cunoctona^ Cunina,Cunissia)lQS poches
stomacales sont au nombre de huit à vingt. R. Mz.
CUNARD (Sir Samuel), négociant anglais, né à Hahfax
(Nouvelle-Ecosse) le 21 nov! 1787, mort à Londres le
28 avr. 1865. Fils d'un Canadien français, il devint rapi-
dement Pun des principaux commerçants d'Halifax et con-
çut dès 1830 le projet d'un service régulier de bateaux à
vapeur entre cette ville et Liverpool. Venu en Angleterre
en 1838, il réunit quelques associés et fonda, en 1839, la
British and North American Royal Mail Steam Packet
Company^ première compagnie transatlantique de naviga-
tion à vapeur. La direction des postes de la Grande-Bre-
tagne prêta son concours à l'entreprise, qui avait fait cons-
truire par l'ingénieur Napier quatre bâtiments de 1,200
tonneaux, et, en 1840, idi Britanfiia fit en quatorze jours
son premier voyage entre Liverpool et Boston. En 1847,
le service se composait déjà de dix bateaux et était devenu
hebdomadaire. Cunard fut fait baronet en 1859. Il laissa à
sa mort une fortune de plus de 8 millions de francs. L. S.
eu NAS. Tribu d'Indiens Caraïbes établie dans les mon-
tagnes de l'isthme de Darien et qui jouit d'une indépendance
à peu près complète. Ils s'étendent entre la Turia (Paci-
fique) et l'Atrato; leur nombre ne dépasse guère 2,000
et ils se livrent en général à l'agriculture.
CUNAXA (Bataille de). Bataille livrée en 404 dans la
Babylonie entre le roi Artaxerxès et son frère Cyrus
appuyé par les mercenaires grecs qui firent après sa mort
la fameuse retraite des Dix Mille (V. ce mot, Artaxerxès,
Cyrus et Xénophon).
GUNCUMA — CUNÉIFORMES
618
GUNCUMA (V. Pygârgue).
CUNCY-les-Varzy. Corn, du dép. de la Nièvre, arr. de
Clamecy, cant. de Varzy ; 523 liab,
CUNDIER (Jacques), dessinateur et graveur au burin;
il travaillait à Aix à la fin du xvn® siècle et au commence-
ment du xYiii*^. Il a gravé la suite des portraits des prési-
dents d'Aix ; les portraits de F,-C. de Vintimille, d'après
Rigaud ; de P. de Castellane^ évèque de Fréjus, d'après
Celloni (i72o); de Cardin Lebret, d'après Ph. de Cliam-
paigne, etc.
CUNDINAIVIÂRCA. Département ou Etat de la Colombie,
au centre et à l'E. duquel dépend le territoire San Martin
et où se trouve la capitale de la République, Bogota. Il
s'étend du Magdalena à la Cordillère orientale et à la fron-
tière du Venezuela. On trouvera tous les détails physiques,
historiques, politiques et écononomiques au mot Colombie.
CUNDY (Thomas), architecte anglais, né à Pimlico
(Londres) en 1790, mort à Bromley le 15 juil. 1867.
Fils et successeur d'un grand constructeur (Thomas Cundy,
4765-1825), qui fut son premier maître, il devint archi-
tecte et fit élever sur ses dessins à Londres, entre autres
l'habitation avec galerie de tableaux du marquis de West-
minster, dont la façade borde Upper-Grosvenor street ; on
doit encore à cet artiste l'église de Holy-Trinity (Pad-
dington) et l'église Saint-Paul (Wilton place), l'église
Saint-Michaël (Chester square), dans le style du xiv^ siècle,
mais très orné, et l'église Saint-Barnabe (Queen street).
BiBL .: John Timbs, CiiriosUies of London, etc. ; Londres,
1876, in-8.
CUNÈGE. Corn, du dép. de la Dordogne, arr. de Ber-
gerac, cant. de Sigoulès ; 324 hab.
eu N EGO (Domenico), graveur italien, né à Vérone en
1727, mort à Rome en 1794. Elève de Fr. Ferrai pour
le dessin, il débuta dans la gravure par des reproductions
de médailles. A Rome, il exécuta des vues d'édifices an-
tiques, d'après Clérisseau ; 21 pL pour la Schola italica
picturœ àQ Gavin Hamilton (1773, in-fol.) et nombre
d'estampes d'après des maîtres italiens et autres, parmi
lesquelles la plus appréciée est le Jugement dernier de
Michel-Ange (1780, gr, in-fol.). Appelé à Berlin, il y
grava, de 1785 à 1789, au burin et à la manière noire,
de grands portraits de Frédéric II et des membres de sa
famille, d'après des tableaux de Cuningham.
eu N EGO (Aloisio), graveur itahen, fils aîné du précé-
dent, né à Vérone en 1757, a exécuté des planches d'après
Raphaël, le Guerchin, le Guide, Ribera, etc. — Son frère
Giuseppe^ né à Vérone en 1760, a gravé (1781) huit
paysages d'après les peintures de Gaspard Dughet au palais
Colonna, etc. G. P-i.
CUNÉGONDE ou CUNIGONDE (Sainte), impératrice
et i^zVr^^, morte en 1040, canonisée en 1200 par Inno-
cent iri. Fête le 3 mars. Elle était fille de Siegfried, pre-
mier comte de Luxembourg, et de ïïedeswige, qui l'éleva
dans les sentiments d'une piété exaltée. Vers 998, ses
parents la marièrent à Henri, duc de Bavière, qui devint
empereur en 1002 (Henri II, dit le Boiteux ou le Saint).
Les deux époux convinrent de vivre ensemble en union
angélique, et de ne s'aimer que comme frère et sœur. Ce
qu'ils accomplirent heureusement, ainsi qu'il est écrit en
la Fleur des saints^ demeurant auprès du feu sans jamais
se brûler. Cependant le diable, jaloux de tant de virginité,
sema des ombrages dans l'esprit de l'empereur et lui per-
suada que sa femme donnait à un amant ce qu'elle devait
garder. Mais cette accusation devait être, dans le dessein
divin, l'occasion d'un miracle qui manifesta admirablement
la sainteté de Cunégonde. Soumise au jugement de Dieu,
par l'épreuve du feu, elle entendit une voix qui lui dit :
0 vierge pure^ ne crains point; la Vierge Marie te
préservera; elle fît quinze pas, pieds nus, sur une barre de
fer rouge, sans être le moindrement brûlée. L'empereur
se repentit de ses soupçons et en fit pénitence. Ce prince,
qui voulut plusieurs fois abandonner le monde et se faire
bénédictin à Verdun, puis chanoine à Strasbourg, a été
lui-même canonisé. L'Eglise célèbre sa fête le 14 juil. Après
la mort de son mari (1024), Cunégonde entra dans le
couvent de Kaufiungen, et elle y passa le reste de sa vie,
édifiant les autres religieuses par sa piété et son humilité.
Cette sainte était douée de la vertu des miracles, à ce point
qu'un soufflet qu'elle donna un jour à sa nièce, abbcsse
qui tombait dans le relâchement, laissa la marque des
doigts imprimés sur la joue de celle-ci, jusqu'à sa mort,
pour attester la justice de la correction. E.-H. Vollet.
BiBL. : BoLLANDisTES, Acta Sanctorum, 3 mars.—- Lau-
TENSACK et ScHURZFLEiCH, De Innoceutia Kunegundis;
Wittemberg, 1700, m-4.— Noël, Leben der H. Kunlgunde;
Luxembourg, 1857, in-12.-- Hirsch, Jahrbiich Heinrich II,
1863-1875, 3 vol. in-8.
CUNEGONDE (Sainte), reine de Pologne (V. Kinga).
CUNÉIFORMES (Inscriptions). — Tel est le nom
universellement accepté d'un système d'écriture en usage
dans une partie de l'Asie occidentale et remontant à l'an-
tiquité la plus reculée. Cette écriture dérivée, comme nous
le verrons, d'un système hiéroglyphique, est surtout en
usage en Assyrie, en Médie et en Perse : c'est à cause de
cette circonstance que les Grecs, à partir d'Hérodote et de
Thucydide, les désignent sous le nom de YpajjijjtaTa aaaupta
« écritures assyriennes », « écritures perses ». Hérodote
(ÏV, Lxxxvïi) raconte que Darius perpétua son passage de
l'IIellespont par une stèle gravée en caractères assyriens
et grecs, tandis que Thucydide parle des lettres en
caractères perses qui furent interceptées par les Athé-
niens chez les envoyés Spartiates et traduites à Athènes.
Les lettres attribuées à Thémistocle (XXI) mentionnent des
coupes ciselées, ornées de caractères, et distinguent ceux
que Darius avait inventés de ceux qui appartenaient à
l'écriture ancienne. Plus tard, d'après les historiens
d'Alexandre, Strabon,Arrien et d'autres parlent également
des lettres perses. Les littératures orientales font rarement
mention des écritures qui nous occupent; le Syrien
Ephraime les nornme « lettres sacerdotales » ; les nations
musulmanes se bornent à signaler les lettres antiques de
Samiram et de Boukhtnassar. Les voyageurs et érudits mo-
dernes à partir dePietro délia Valle (1658) et puis Chardin
et d'autres furent surtout frappés par la forme des carac-
tères qui se présentaient à l'œil comme un assemblage très
varié de pointes de flèches, de clous, de coins très affilés
ou comme des triangles équilatéraux d'une base minime.
Les combinaisons multiples auxquelles cet élément si simple
donne lieu décidèrent du nom pour désigner cette écriture
mystérieuse ; on l'appelait claviforme , gladiforme ,
sagittiforme , spadiformej en anglais arrowheaded ^
ivedge-formed ; en allemand feilfônnige Inschrift^ et
différemment encore. Le nom qui finalement prévalut tut
celui qui se rattachait à la forme du coin, cunéiforme en
français, nom accepté aujourd'hui partout, quoique les
Anglais employassent encore celui de cuneatic inscrip-
tions. En allemand, le terme Keilschrift a finalement
prévalu, ainsi que dans les autres langues germaniques,
telles que le hollandais, le suédois et le danois.
Origines de V écriture cunéiforme. La forme plus
moderne des signes cunéiformes qui leur a donné ce nom
n'est pas celle que les inventeurs de cette écriture ont
employée. Elle provient d'un système hiéroglyphique de
représentations d'images; c'est là du reste le commencement
de presque toutes les écritures. A une époque que l'on peut
évaluer à plusieurs miUiers d'années avant les pyramides
d'Egypte, un peuple descendait des hauteurs de l'Asie cen-
trale pour s'acheminer lentement vers la Mésopotamie.
Nous ignorons le nom véritable de ces émigrants antiques,
nous savons seulement que pendant bien des siècles ils
nous apparaissent sous le nom de Sumer. Cette nation des
inventeurs de l'écriture dite cunéiforme appartenait sûre-
ment à l'une des branches les plus antiques de la race assy-
rienne dans laquelle se classent également toutes les peu-
plades du nord de l'Asie et de l'Europe ; on désigne cette
grande division de l'humanité sous le nom de tartaro-fin-
noise ^ d'ouralo-altaïque ou touranienne. Il est probable que
619.
CUNEIFORMES
ce peuple dont le souvenir a disparu jusqu'au nom apporta
son système graphique en Mésopotamie ; on peut le suppo-
ser parce que dans l'écriture les hiéroglyphes désignant les
animaux et les arbres du Midi font entièrement défaut.
Nous n'avons plus un seul document écrit en hiéroglyphes
sumériens; mais nous avons encore des tablettes faites
pour l'instruction des Assyriens et qui retracent quelques
anciennes figures avec l'interprétation en signes cunéiformes
connus des peuples modernes. Les inventeurs de l'écriture
traçaient des images de tous les objets capables d'être re-
présentés de cette manière, comme l'ont fait également les
Egyptiens. Au début, ces images représentaient les idées
seules ; plus tard il s'y rattachait une idée symbolique : on
inventait des figures allégoriques et composées pour expri-
mer des notions qui se refusent à être rendues directement
par la peinture. Plus tard, à une époque plus récente, mais
toujours antéhistorique pour nous, on éprouvait le besoin
de faire servir ces hiéroglyphes à l'expression du son de la
langue qu'on parlait. On rattacha donc à ces images, en
dehors de la signification de l'objet qu'elle représentait, la
valeur d'un son syllabique : ces caractères hiéroglyphiques
qui jusque-là exprimaient une idée purement idéogra--
phique, devinrent l'expression des éléments de la pro-
nonciation ou signes phonétiques. Quelques exemples
rendront plus compréhensible cette transformation. Dans
cette langue antique, pour laquelle nous avons choisi le nom
de sumérienne, le poisson se disait hana (khana), l'oreille
piga^ l'œil sila^ le chien îiru^ l'oiseau hu (khu) ; on atta-
chait donc à ces images la valeur phonétique de ha, pi, si,
ur, hu et on les employait dans les mots où ces sons devaient
être présentés. Le même principe s'appliquait également aux
images symboliques. Trois montagnes exprimaient l'idée
des montagnes et du pays, kurra ; les huit régions célestes
ou quatre traits se coupant signifiaient le ciel, anna ; d'autres
symboles, père, adda, fils, turra, la femme (l'image de par-
ties féminines), salla ; ces images recevaient donc les va-
leurs de kur, an, ad, tur, sal. A toutes les images où se
rattachait une valeur métaphorique s'ajoutait le mot ex-
primant cette idée dans la langue du peuple ; ainsi l'œil
devint l'expression de la vue, la main celle de prendre, la
hache celle de fabriquer, la bouche celle de parler, le pied
celle d'être debout et par son redoublement celle de mar-
cher ; ces caractères exprimaient donc également les valeurs
phonétiques dérivées des mots respectifs. Dans la suite des
siècles la civilisation naissante développa et appliqua ces
principes par l'organe de quelques génies inconnus ; on
écrivit des mots entiers en signes hiéroglyphiques et on
constitua ainsi un système graphique qui dans l'origine a dû
avoir une grande analogie avec ceux de l'Egypte et de la
Chinco
Développement et transformation de récriture. Les
images hiéroglyphiques furent d'abord transformées en
signes, qui en beaucoup de cas pouvaient encore rappeler
la forme originaire ; on les traçait avec des stylets sur la
pierre et la brique molle. Les traits généralement droits
évitaient toute courbe. Sous cette forme nous possédons
des inscriptions les plus antiques : celles de Urkagina, roi
de Telle, par exemple, et d'autres documents remontant au
cinquième millénaire avant l'ère vulgaire. Cette écriture
primitive ne pourrait encore être designée sous le nom
de cunéiforme. On peut la nommer hiératique par analogie
aux écritures égyptienne et chinoise. Bientôt on changea
les instruments pour écrire dans la brique molle. Le sty-
let, formé d'une pyramide triangulaire très efïilée, fut
coupé en biseau et chaque coup porté avec le nouvel ins-
trument dans la brique molle donnait un coin. On fut
obligé de délier et de séparer les différents éléments qui
jadis avaient formé l'image. Ces incisions profondes dans
l'argile tendre furent imitées par les graveurs en pierre
dure qui en régularisèrent la forme et portèrent cet élé-
ment à une grande perfection graphique. Il y eut ainsi sur-
tout trois genres de coins : le coi7i droit en forme de
pointe de flèche ; le crochet, réunion de deux flèches sous
un angle obtus, et un petit triangle sous forme de petit
crochet. On combinait ces différentes formes en les grou-
pant en sens vertical, horizontal ou diagonal, et ces combi-
naisons différentes donnèrent l'ensemble d'une écriture
très compliquée et très variée dans ses compMcations. Cette
écriture, surtout affectionnée pour les monuments gravés
en pierre dure, s'est maintenue malgré son manque absolu
de simplicité et nonobstant l'énorme difTicuité de son exé-
cution, à travers plus de quatre mille ans depuis les rois
de Telle jusqu'à Antiochus Soter. On la nomme écriture
cunéiforme archaïque. Cette écriture compliquée fut à un
âge très reculé simplifiée et transformée selon le besoin
pratique. On élagua les traits multiples, on en réduisit
le nombre et l'on forma ainsi une collection de carac-
tères plus faciles et plus expéditifs qui, sans pouvoir être
confondus entre eux-mêmes, n'en constituaient pas moins
un ensemble dérivé d'une même idée systématique. C'est
l'écriture cunéiforme moderne employée dans l'immense
majorité des documents parvenus jusqu'à nous. Presque
toutes les inscriptions des rois assyriens, tous les documents
d'un genre divers écrits sur brique, soit enChaldée, soit en
Assyrie, les textes des rois d'Arménie et de Médie, les docu-
ments assyriens et mèdes rédigés par les rois perses, enfin
tout ce qu'on peut comprendre sous le nom de littératures
assyro-chaldéennes est écrit avec les caractères du sys-
tème cunéiforme cursif. En somme, la transformation de
l'hiéroglyphe en caractère cunéiforme procède de la nature
de l'instrument, précisément comme en Egypte les écri-
tures hiératique et démotique ont revêtu" leur forme à
cause du roseau avec lequel on écrivit sur le papyrus, et
comme en Chine le caractère distinctif du système gra-
phique provient de l'usage du pinceau employé dans le
Céleste Empire. Avant d'examiner les différents styles, nous .
HIEROGLYPHE HIERATIQDE ARCHAÏQUE
Poisson ^2^ <C2<3 "OSî
MODERNE SYLLABES
Ïh ha
Main..,
Oreille.
Œil.
Montagne...
Chien..
^
„ r
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4~
4-
<f
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\^
n-1
^■
^M
IF pi
mat
CUNÉIFORMES
— 620 —
voulons par quelques exemples montrer la transformation
et la simplification des caractères. Pour la. plupart il serait
très difficile de retrouver la forme primitive si nous ne
connaissions pas la valeur idéographique de ces signes. Qui
soupçonnerait un chien dans ce dernier signe si nous ne
savions pas qu'il exprime cet animal. En eifet, il exprime
un chien ; il se prononce en assyrien kalbu^ tandis que
sa valeur phonétique est wr. Voici à grands traits l'histoire
de l'écriture anarienne ou sumérienne sur l'emploi de
laquelle nous reviendrons bientôt. Beaucoup plus tard
les Perses formaient de cette première espèce d'écriture
cunéiforme une nouvelle composée seulement d'une qua-
rantaine de signes, qui ne fut ni syllabique ni idéographique
mais alphabétique, et nous la nommons, pour la distinguer
des autres écritures, l'écriture arienne.
Passage de V écriture anarienne chez les nations
différentes et formation des styles divers. Le système
graphique créé par le peuple inventeur de l'écriture cunéi-
forme passa successivement chez les nations de l'Asie
occidentale. Le peuple ouralo-altaïque ou touranien atta-
cha, comme nous l'avons dit, aux caractères les valeurs
phonétiques qui exprimaient dans leur langage primitif les
notions représentées par les figures ; et ces valeurs sylla-
biques furent acceptées par les nations qui se servirent de
cette écriture cunéiforme. On maintint néanmoins au même
signe la signification idéographique, et ainsi les mots mé-
diques, arméniaques, assyriens, n'avaient plus rien de com-
mun avec les sons représentés par ces mêmes caractères.
Les nations qui acceptèrent le système anarien se sont ser-
vies des langues suivantes: i^ Le sumérien est écrit dans le
style archaïque et dans le style moderne. Le style archaïque
se retrouve dans les textes de Goudéa gravés avec une
grande supériorité sur les statues en pierre dure et écrits
en colonnes verticales, ce qui semble avoir été l'écriture
Forme assyrienne moderne.
Forme verticale.
V
V
>
Montagne (kar).
Autel (zal-:
primitive, puisqu'une grande quantité de signes représentés
dans cette direction retracent la forme originale. Cette
forme ne se retrouve pas quand on voit les mêmes carac-
tères couchés horizontalement. Dans quelques monuments
provenant de la même époque reculée, on a déjà couché les
signes; ils nous paraissent ainsi dans les énormes cylindres
à trente colonnes gravées sur argile à Goudéa, et dans les
nombreuses inscriptions datant de deux mille ans plus tard
et gravées par Hammurabi et ses successeurs. Nous n'avons
pas le style sumérien moderne, attendu que les textes conçus
et rédigés dans cette langue se trouvent ordinairement
munis d'une traduction, et ont été écrits par les Babyloniens
et les Assyriens. 2° Le style arméniaque moderne conservé
dans les aocuments de l'Arménie est conçu dans un idiome
d'une nature spéciale qui n'a aucun rapport avec l'arménien
moderne. 3^ Le susien qui est représenté dans les textes
et les langues de Suse par le style archaïque, est à Mal-
Amir et d'autres localités de la Susiane dans le style mo-
derne. 4*^ Le médique, langue apparentée au susien, con-
servé seulement dans le style moderne dans le second
idiome des inscriptions trilingues des rois des Perses. C'était
la langue des Mèdes non ariens et de la dynastie qui pré-
céda l'empire de Cyrus; 5^ l'assyrien qui fournit l'im-
mense majorité des textes cunéiformes.
La langue parlée à Babylone et à Ninive est représen-
tée dans chacune de ces localités par des nuances assez
caractérisées : «, l'assyrien ou ninivite archaïque et le
ninivite moderne employé dans cette immense quantité
d'inscriptions murales et textes sur briques ; b, le baby-
lonien archaïque et moderne.
Le premier est employé depuis le temps le plus ancien
jusqu'à Antiochus Soter, sur pierre, par tous les rois depuis
Hammurabi jusqu'aux Séleucides ; le style moderne se re-
trouve presque seulement sur les briques et contient cette
innombrable quantité des textes cursifs de Babylone descen-
dant jusqu'à l'époque romaine. Tous les textes de la Chal-
dée fournissent les styles chaldéens modernes qui, sur
pierre, ne se retrouvent que dans les documents trilingues
des rois achéménides.
Les différents peuples qui se sont servis de l'écriture
cunéiforme ont successivement ajouté aux valeurs idéo-
graphiques et phonétiques selon le besoin de leur langue.
Le peuple qui représente surtout l'écriture cunéiforme,
celui de l'Assyrie et de la Chaldée, multiplia ces significa-
tions en grossissant les valeurs phonétiques par des syl-
labes provenant de sa propre langue ; ainsi, par exemple, le
signe de maison qui en sumérien s'appelait e reçut en assy-
rien la valeur syllabique de hit et ainsi se forma le sys-
tème de l'application à un seul signe de beaucoup de va-
leurs. Ce fait, contesté dès le commencement des études
cunéiformes, est accepté aujourd'hui et s'appelle la foly-
phonie. Elle contribue dans une grande mesure à rendre
encore plus difficile le système si compliqué des textes cu-
néiformes. Les syllabaires faits pour enseigner aux natio-
naux la lecture des caractères, donnent quelquefois un
nombre très considérable de valeurs phonétiques attachées
aux mêmes lettres. Cette particularité se développa natu-
rellement par le passage du même système graphique à
travers des pays diff'érents.
Système arie^i. Les rois perses inventèrent un système
pour leur propre langue apparentée au sanscrit et au zend
et mère du persan moderne. Ce système est une création
artificielle et, sauf son origine, n'a rien de commun avec
l'écriture anarienne. On choisit des caractères (une qua-
rantaine environ) , en y ajoutant quelques signes idéo-
graphiques pour désigner les idées très fréquemment em-
ployées, telles que roi, fils, pays; on fit, à cet effet, un
choix entre les signes idéographiques babyloniens qu'on
simplifia ; on traduisit ces idées en perse et on donna aux
caractères nouvellement formés la valeur de la lettre qui
commençait le mot perse. Ainsi on choisit la forme ^^i
maison, on la changea en ^\[v7\[ et comme la maison
tatara (tatchara) commença par un t^ on attacha à ce signe
la valeur de t. L'écriture était essentiellement alphabétique,
mais on distinguait souvent entre une même consonne suivie
d'un a, d'un i ou d'un u ; on avait par exemple un d pré-
cédant a
cédant u
, un d précédant i
et un d pré-
. Pour indiquer les diphtongues ai et au
on mettait la première lettre du d devant i et u par
exemple :
CYRUS, nominatif kuvus
— 621 —
CUNEIFORMES
CYRUS, génitif huraus
Toutes les consonnes n'avaient pas des signes distincts
pour toutes les trois voyelles ; deux seulement, m et d^
étaient favorisées ; ainsi d'autres, comme k, g, t^ w,
n'avaient que deux signes, p, b, v, y, s, e^ c, %, '% (/ fran-
çais) et exprimaient par le même signe toutes les trois com-
binaisons. Nous donnons pour l'instruction du lecteur la
formation des trois signes du m.
SIGNE BABYLONIEN
-ÏÏT
cachet.
MOT PERSE
marak
a ojyl
SIGNIFICATIF DE LA LETTRE
on devant a.
Du caractère
bracelet.
poignet.
idéographique signifiant
« roi » on
forma la lettre perse ^^,^^\ |<^ «ii la déri-
vation est saisissante. Ce système arien absolument arti-
ficiel tut créé probablement par Cyrus lui-même et il ne
survécut pas de beaucoup à l'empire des Achéménides. Les
Perses écrivirent leur propre langue avec ce système qui,
à cause de sa simplicité, fut le premier déchiffré et four-
nit le moyen de soulever le voile qui jusqu'alors avait
couvert le secretde cette mystérieuse écriture.
Histoire du déchiffrement. A. C'est en effet par le
moyen de l'écriture arienne qu'on est parvenu à déchif-
frer l'ensemble des textes cunéiformes. Les premiers voya-
geurs qui furent frappés surtout par l'aspect des inscrip-
tions monumentales de Persépolis, ne se rendirent pas un
compte exact de la nature des textes. Le savant anglais
Hyde croyait même reconnaître dans ces caractères gravés
une ornementation arbitraire et sans signification aucune.
Niebuhr, qui avait traversé une grande partie de l'Asie oc-
cidentale (1760), fut le premier qui devina l'existence des
trois systèmes graphiques employés simultanément et il
conclut que ces trois écritures exprimaient trois langues
différentes. Deux savants également d'origine danoise,
Tychsen, professeur à Rostock (1798), et Miinter, évêque à
Copenhague (180^2), examinèrent les textes perses et s'a-
dressèrent surtout aux documents que nous savons aujour-
d'hui être écrits en langue perse. Mais ce fut Grotefend qui,
en 1802, inaugura le déchiffrement des inscriptions cunéi-
formes. Il exposa que les rois perses avaient fait graver
les textes monumentaux dans trois langues dont la pre-
Hystaspk.... i^t, î>-ï>--
Dariu
Xerxès
mîzda
musti
fi>=-
m devant i.
m devant u.
mière était la langue de leur pays ; il s'aperçut que le
troisième genre d'inscription était identique à celui de
quelques textes babyloniens qu'on connaissait déjà ; quant
à la seconde espèce qui se trouvait toujours entre les deux,
il devait laisser la question ouverte. Par un trait de génie,
il se fit la réflexion suivante, déterminée par l'étude des
inscriptions elles-mêmes. Nous savons aujourd'hui que les
textes ont à peu près la teneur suivante : « Darius, roi
grand, roi des rois... fils d'Hystaspe, Achéménide,abâtice
palais. » Et dans l'autre : « Xerxès, roi grand, roi des rois...
fils de Darius roi, Achéménide, a bâti ce palais. » Grote-
fend vit que le premier groupe du premier texte était
remplacé dans le second par un autre, que ce premier nom
du premier texte reparaissait dans le second au milieu et
qu'à cette place il lui était substitué un troisième groupe.
Il soupçonna que les groupes si souvent répétés étaient
l'expression de roi et puisque le nom deux fois répété
était suivi dans le second texte de ce groupe de roi man-
quant dans cette place dans le premier, il conclut que le
nom qui se trouvait au milieu était le nom du père, et que
les deux noms qui commençaient les deux textes étaient
des noms royaux. Dans cette ligne de filiation, le grand-
père du roi n'avait donc pas été roi, puisque cette qualifi-
cation ne se trouvait pas après le nom. La construction de
Persépolis devant être attribuée aux Achéménides, il n'y
avait que deux rois remplissant la condition résultant de ce
développement : Cyrus et Darius I^'^. Mais le père de Cyrus
s'appelait Cambyse comme son fils ; le nom de Darius seul
répondait au problème et Grotefend lut les trois noms, Hys-
taspe, Darius et Xerxès. U ne s'était pas trompé. La déduc-
tion sur laquelle nous avons dû nous étendre était le point de
départ du déchiffrement des inscriptions cunéiformes. Voici
ces trois noms tels qu'on les lit aujourd'hui, où un seul
signe, celui de ?/, n'avait pas été reconnu par Grotefend.
« &ÏTÎ Tïï ]B fï
p(a)
K- -fE<îî «
y (a)
kh s(a)
Il fallut quarante-cinq ans pour achever complètement
la lecture des inscriptions perses. Après que le Danois
Rask eut reconnu en 1807 le nom d' Achéménide {Hakha-
mauisiya) et les deux lettres m et n, les ouvrages de Las-
sen (1836) et Burnouf (juin 1836) commencèrent l'inter-
prétation des textes de Darius et de Xerxès. Jaquet et Béer
CUNÉIFORMES
622
(mort de faim) les suivirent ; mais ce fut la découverte
de la grande inscription de Bisoutoun ou Béhistoun
par le major anglais sir Henry Creswick Rawlinson qui
fit faire le pas décisif pour l'intelligence des documents
perses. Ce savant interpréta ces textes très développés de
plus de quatre cents lignes et où se trouvent cent quarante
noms propres. Suivi deHincks et de M. Oppert, qui, indé-
pendamment de lui, fixèrent le mode d'écrire des voyelles et
les diphtongues, il acheva la lecture des textes perses.
Quelques caractères idéographiques employés dans les
textes de cette époque ont été retrouvés dans ces dernières
années. L'interprétation philologique des documents en
langue perse a été depuis achevée par Benfey, MM. Spic-
gel et Oppert. Quelques autres savants ont fourni quelques
détails utiles, mais peu importants, sur le sens de quelques
expressions isolées.
B. La quantité des textes en langue perse était en somîne
minime et disparaissait à côté des milliers de documents
écrits en caractères anariens. Ninive venait d'être décou-
verte et la curiosité des savants se portait surtout vers les
innombrables documents provenant de l'Assyrie et de Chal-
dée. Les rois perses avaient, comme nous l'avons dit,
l'habitude précieuse pour nous de rédiger leurs textes mo-
numentaux en trois langues dont la première était leur
propre idiome et la troisième la langue assyrienne écrite
en caractères babyloniens modernes. Avant la découverte
des textes de Béhistoun, on possédait trop peu de noms
propres pour déchiffrer les documents assyriens écrits avec
une multiplicité de signes syllabiques et idéographiques.
Sylvestre de Sacy avait déjà signalé la signification de
quelques caractères désignant des idées ; Lovenstern, de
Longpérieret de Saulcy s'étaient occupés de l'interprétation
des textes assyriens, mais sans arriver à un résultat suffi-
sant. Ce fut l'Irlandais Hincks qui démontra le premier que
les signes phonétiques de l'écriture assyrienne étaient tous
des caractères syllabiques; il prouva qu'il y avait des
signes spéciaux pour exprimer des syllabes simples à
voyelles finales et à voyelles initiales ; par exemple ma^
mi^ mu^ am, im^ um^ ra^ ri^ n^ ar, ir, ur. Pour ex-
primer mar, mii\ mur, on pouvait écrire ma-ai\ mi-ir,
mu-ur, ou bien on pouvait employer des signes spéciaux
prononcés mm% mir, mur, Rawlinson déchiffra, indé-
pendamment de Hincks, des textes de Bihistoun parce même
principe dont l'appUcation fut élargie et réglée par
M. Oppert. Ce dernier savant reconnut l'origine hiérogly-
phique de récriture, en attribua l'invention à un peuple de
race touranienne ; il démontra que les Assyriens sémites
avaient emprunté à une nation étrangère l'écriture peu
conforme au génie de leur propre idiome. Le fait de la
riie^ constaté par Hincks et Rawlinson, lut ex-
pliqué par M. Oppert comme le résultat inévitable du
passage du même système idéographique et phonétique à
travers une grande partie de l'Asie et comme la consé-
quence de son adoption par plusieurs peuples parlant des
langues très différentes. Depuis une trentaine d'années le
déchiffrement proprement dit est achevé et les lectures de
quelques caractères cunéiformes obtenues depuis ne sont
que le développement isolé des principes émis par MM.
Hincks, Rawlinson et Oppert. Le travail de ces trois savants
et celui des adeptes qui les suivirent fut grandement aidé
par des syllabaires assyriens rédigés jadis par les peuples de
la Mésopotamie pour faciliter à leurs contemporains antiques
l'étude et la lecture des textes cunéiformes. Les signes et
même des mots sumériens, acceptés par les Assyriens et
expliqués dans ces textes grammaticaux rassemblés et
copiés sur des originaux les plus anciens par le roi Sarda-
napalo, avaient été retrouvés à Ninive, à Babylone et à Sip-
para ; on peut évaluer à trente mille le nombre de ces
indications philologiques.
C. Le déchiffrement des cunéiformes en styles armé-
niaque, susien et médique était la conséquence naturelle
des résultats mentionnés. Pour l'arméniaque moderne et le
susien archaïque, il n'y avait pas, à vrai dire, un déchiffre-
ment à faire, puisque ce système graphique n'était que
des formes nuancées des écritures connues. Il en est
autrement pour le susien moderne et le médique qui sont
presque identiques et pour lesquels il fallait une étude
spéciale. L'écriture médique se trouvait dans la seconde
espèce des inscriptions trilingues des rois achéménides;
en apparence elle était très différente de l'écriture baby-
lonienne formant le troisième genre des documents à trois
idiomes. Comme pour celui-ci, l'original perse fournissait
la clef. Westergaard, de Saulcy, Holtzmann et Mordtmann
s'en occupèrent les premiers; Norris publia l'inscription
de Béhistoun en i8o3, et fit faire un grand pas à la lecture
de ces signes que M. Oppert rattacha en 1858 au système
anarien en prouvant l'identité absolue des systèmes assyrien
et médique et démontra que le même groupe idéographique
ou idéogramme se trouvait dans les deux systèmes. Pour
indiquer que le groupe désignait une idée, on inventa même
un signe médique sut generi
placé après cet
idéogramme.
On voit aisément par le tableau ci-après que la transfor*
mation de ces signes et la fixation des groupes médiques a
même pu fournir l'explication des mots perses écrits alphabé-
tiquement. Par contre, nous savons que les deux derniers
groupes signifient c/i^ya^ et chameau^iims nous ne savons
pas comment les Mèdes les prononçaient dans leur langue.
MEDIQUE
Mois.
Roi.
p=^
^>M
{;;:i2ïïKis^
!>==:«
Cheval...... ^^ t^^^^^ ^4
1^^ r._
BABYLONIEN
ml
(peu usité)
t^^ji-Jl^I^
|>-£:=^
^1
l>^^
>- fc
W
pfe:
L'application des principes de lecture à l'interprétation ap-
partient à un autre ordre d'idées que nous traiterons plus
tard, mais qui dès le commencement se combinait avec le
déchiffrement. Dès le début l'incrédulité et la défiance se
dressèrent contre les efforts des premiers interprètes ; on
ne combattait pas leur système, mais on le regardait dans le
grand public comme une illusion, si on ne le déconsidérait
pas en le qualifiant de charlatanisme. Dans aucune autre
science nouvelle un scepticisme déplacé n'a entravé autant le
succès des travaux consciencieux entrepris par les initia-
teurs ; nulle part une opposition aussi acharnée ne se fit
jour contre les découvertes acquises aujourd'hui à la
science.
Dès 48o7, la Société asiatique de Londres engagea les
trois savants déjà nommés auxquels s'était joint Fox Talbot,
l'un des inventeurs de la photographie, à traduire sépa-
rément une même inscription très longue, celle deTéglath-
Phalasar P^, et à envoyer leurs essais sous pHs cachetés à
une commission formée à ce propos. L'épreuve fut décisive
quant au déchiffrement et au principe de l'interprétation,
puisque les quatre traducteurs ne différaient que sur des
points de détail. Néanmoins M. Renan attaqua, dans le
Journal des savants (1859), le déchiffrement tout entier;
d'autres le suivirent en niant tous les résultats obtenus et
en les traitant de fantaisistes. Les théologiens et les phi-
lologues, que ces nouvelles découvertes gênaient dans leurs
théories, firent chorus avec les incrédules ; c'est sir Henry
Rawlinson qui signala, il y a encore quelques années, la
réception « contemptueuse » {scornful réception) qu'il
avait trouvée en Angleterre. L'Allemagne, sauf quelques
exceptions honorables, n'admettait pas le déchiffrement des
inscriptions cunéiformes, et ce ne fut qu'en 1870 que les
travaux de M. Eberhard Schrader mirent fin à la défiance
intéressée des opposants germaniques. Le progrès des inter-
prétations, développement naturel de la lecture, a permis de
former des écoles d'adeptes en France, en Angleterre, en
Allemagne et dans d'autres pays, et aujourd'hui personne
ne doute plus de la réalité du déchiffrement des inscrip-
tions cunéiformes. Un phénomène contraire a surgi : les
savants plus jeunes ne semblent pas croire que jamais il y
ait eu un temps où les inscriptions cunéiformes étaient
encore à l'état de mystère non révélé ; ils affectent de ne
pas connaître ceux qui jadis ont lutté pour fonder la science
qu'aujourd'hui ils peuvent exploiter sans contradiction.
Dans ce temps d'incrédulité au sujet des découvertes
réelles, il se produisit des essais d'interprétation oubliés
aujourd'hui à juste titre, mais qui dans le temps n'en
contribuèrent pas moins à retarder l'heure delà justice;
nous citons les travaux de M. de Gobineau qui déchiffra
quatre fois de suite les mêmes textes cunéiformes, chaque
fois d'une manière toute différente, mais toujours avec un
succès, égal, et qui lut le même texte de sept manières
différentes, de droite à gauche, de gauche à droite, de
haut en bas, de bas en haut, diagonalement de droite à
gauche, diagonalement de gauche à droite et enfin symbo-
liquement. Nous ne citerons pas les savants qui ont nui ou
nuisent encore au progrès de la science par leur intransi-
geance soit panarienne, soit pansémitique.
Interprétation des inscriptions cunéiformes. A . Après
l'interprétation des textes perses qui s'effectuait en même
temps que le déchiffrement progressait et que nous avons suf-
fisamment indiqué, les savants se sont surtout consacrés à
l'interprétation des textes assyriens. Le premier essai d'in-
terprétation des Assyriens des inscriptions trilingues fut
fait par Isidore Lôwenstern que suivirent Moritz Stern ,
professeur de mathématiques à Gôttingue, de Saulcy et de
Longpérier. Ce dernier lut le premier le nom de Sargon
sur les monuments de Khorsabad découverts par Botta.
Ces premières tentatives furent distancées de beaucoup
par les travaux de Hincks et de Rawlinson qui attaquèrent
les inscriptions de Ninive et de Babylone. Grotefend, qui
le premier avait lu les noms des rois perses, s'attaqua
également aux textes de Nabuchodonosor imprimés sur
des milliers de briques à la manière chinoise. La publication
du texte assyrien de Behistoun par Rawlinson marqua
une nouvelle ère dans l'interprétation des textes et posa
la traduction sur des bases solides. Ce furent, au commen-
cement, des versions des documents royaux de Ninive qui
ouvrirent la marche, quoique les noms des monarques
fussent encore mal lus ; Temenbar ou Divambar formait
la lecture du nom que déjà en 1853 M. Oppert reconnut
comme celui de Salmanassar. Ce savant donna, en 1857,
le premier et pour la première fois, un texte babylonien
623 — CUNÉIFORMES
de Nabuchodonosor, l'inscription de Borsippa , dans l'ori-
ginal, avec transcription et transcriptions interlinéaires
suivies d'un commentaire philologique. Hincks, Rawlinson
et Fox Talbot publièrent des traductions des textes ; Hincks
analysa en 1855 les verbes assyriens, et M. Oppert donna
en 1860 une grammaire complète de la langue assyrienne.
L'assyriologue français s'attacha surtout à publier des
textes assyriens avec leur version en fondant son interpré-
tation sur des bases philologiques, ce qu'il fit presque seul
depuis 1860 jusqu'en 1870. Ce fut alors que de nouveaux
adeptes commencèrent à seconder les efforts des initia-
teurs; M. Sayce, à Oxford, M. Schrader, à Berlin, fondè-
rent des écoles en Angleterre et en Allemagne, et ils
eurent pour élève Ceorge Smith, un des interprètes les
plus perspicaces des textes cunéiformes, une quantité de
jeunes savants dont le nombre s'accroît toujours. En
France, ce fut François Lenormant qui interpréta des
textes, surtout au point de vue archéologique ; parmi les
jeunes chercheurs indépendants, nous pouvons citer sur-
tout Guyard et Amiaud, et plusieurs auteurs plus jeunes
qui se sont consacrés à l'étude des textes historiques. En
France, M. Joachim Menant avait suivi depuis 1860 avec
intérêt les travaux des assyriolfigues et avait été associé par
M. Oppert à quelques-uns de ses travaux ; il avait publié
des ouvrages utiles pour répandre dans un public plus
étendu les résultats obtenus par Hincks, Rawhnson et
M. Oppert. Aujourd'hui, l'interprétation des textes cunéi-
formes embrasse presque toutes les branches de la litté-
rature assyrienne ; en dehors des documents historiques,
les études portent sur l'interprétation des textes chrono-
logiques, astrologiques, astronomiques, tératologiques ,
didactiques de toute nature et surtout sur des recherches
concernant les innombrables documents commerciaux et
juridiques que l'Assyrie et la Chaldée nous ont laissés.
B. L'étude de la langue des inventeurs de l'écriture
cunéiforme ou sumérienne se développait après l'inter-
prétation des textes assyriens sans lesquels la langue an-
tique ne pouvait pas être comprise. La civilisation an-
cienne des Touraniens immigrés en Mésopotamie n'y avait
pas seulement implanté son idiome, mais y avait créé
une culture et une littérature embrassant ce qui occupait
l'esprit de ces nations primitives, la cosmogonie, la mytho-
logie, l'astrologie et toutes les sciences magiques qui
faisaient connaître l'avenir, qui écartaient le mal, qui pou-
vaient faire prospérer les hommes et qui flattaient leur
superstition enfantine. Tout ce que les Chaldéens (V,
Chaldée) enseignèrent plus tard aux générations assez
rapprochées des nôtres se trouvait dans ces textes sumé-
riens qui furent traduits par les Assyriens et qui nous sont
parvenus sous la forme de textes bilingues. Nous possé-
dons surtout une grande quantité d'hymnes adressés aux
divinités, des formules d'exorcismes qui étaient prononcées
dans l'ancien langage et qui ne devenaient intelligibles aux
Sémites que grâce aux traductions interlinéaires en langue
assyrienne dont elles étaient accompagnées. Ces versions
ont donné la clef de l'interprétation des textes sumériens uni-
lingues rédigés par Goudéa et d'autres rois antiques ; ces
documents sont obscurs quand une version assyrienne ne
les éclaire pas. Quelques rois anciens tels que Hammurabi
(2394-2339) nous ont laissé des inscriptions monumen-
tales bilingues provenant d'une période où l'élément sémi-
tique réclamait impérieusement le droit d'être considéré à
l'égal du sumérien. La langue sumérienne et sa gram-
maire ont été traitées d'abord par MM. Sayce, Oppert,
Schrader, Lenormant, Amiaud, Guyard, et surtout par une
pléiade de savants plus jeunes, tels que MM. Haupt,
Hommel, Jensen, Lehmann, Bezold, Ledrain, Brunnow.
La question du nom de cette langue primordiale a été dis-
cutée longtemps. M. Oppert proposa le nom de casdo-
scythique ou casdéen^ÈsiVflmson celui de proto-chal-
déen, Hincks celui d'accadien qui malgré son incorrection
est encore employé par quelques savants. Le nom généra-
lement adopté par les assyriologues est celui de sumérien
CUNEIFORMES — 624 —
proposé par M. Oppert. Quelques savants veulent établir
entre le sumérien et Faccadien une distinction purement
dialectale, mais ils ne sont pas d'accord de quel côté il
faut placer l'un ou l'autre nom (V. Accâdien). Il est bien
plus probable que la langue d'Accad n'est autre que la
langue sémitique des Assyriens qui eux-mêmes donnaient
le nom de sumérien aux langages de leurs rites antiques.
L'interprétation des textes assyriens et babyloniens rédigés
dans l'idiome sémitique assyrien a fait les plus grands
progrès, surtout pendant les vingt-cinq dernières années.
Les inscriptions historiques et architectoniques des rois
de Babylone ont été interprétées en général, mais il est
resté et il restera toujours bien des points de détail que
l'interruption de la traduction, le défaut d'un dictionnaire
et la pénurie de nos renseignements archéologiques ne per-
mettront pas d'éclaircir.
C. L'interprétation des textes arméniens a été com-
mencée par Hincks et de Saulcy. Le premier a lu les noms
des rois de Van, et MM. Sayce, Guyard et D.-H. Millier ont
essayé de les interpréter ; mais les inscriptions sont peu
nombreuses, la langue est inconnue et il n'existe pas d'ins-
cription bilingue qui pourrait lever les difficultés de la
traduction. La traduction de ces documents repose surtout
sur l'emploi des idéogrammes identiques à ceux de l'assy-
rien qu'on peut comprendre sans savoir les prononcer dans
la langue des Assyriens.
D. Les textes médiques nous ont été conservés dans la
seconde espèce des documents des Achéménides. C'est un
langage agglutinatif, se rapprochant des langues oura-
hennes. Il a été possible d'établir la langue et la gram-
maire à l'aide des traductions perses ; ce sont, après
Westergaard, de Saulcy, Mordtmann, surtout les travaux
de Norris et de M. Oppert qui ont définitivement résolu la
question des inscriptions médiques. Une discussion s'est
élevée sur la question de savoir à quel peuple on devait attri-
buer cette seconde écriture qu'on a nommée médique,
scythique et élamite. Le premier nom est le seul exact ; c'est
le langage des Mèdes non Ariens qui seuls portaient le nom
de Mèdes. Les Ariens de la Médie se sont toujours appelés
Ariens, et on donnait à la Médie le nom d'Iran qu'elle
porte aujourd'hui. Le langage de la seconde espèce est
celui de la dynastie dite m ède ; cela explique naturellement
pourquoi cet idiome a la préséance sur celui des Assy-
riens. Ce point est définitivement réglé et les objections
de P. Débattre n'ont aucune valeur scientifique.
E. Les inscriptions susiennes ont été interprétées par
MM. Oppert et Sayce ; elles émanent des rois de Suse du
viii® au VI® siècle et sont écrites dans un langage très
voisin du médique; il n'y a, à vrai dire, que la différence
dialectale. Ce n'est pas une raison pour appeler susienne
la seconde espèce des Achéménides ; au contraire, la
souche puissante des Mèdes s'est avancée vers le Midi jus-
qu'au golfe Persique.
F. A côté de la langue touranienne de la Susiane ou Cissie,
il y avait l'idiome sémitique d'Elam qui a été conservé dans
quelques dictionnaires cissio-assyriens. Ce langage, sur le-
quel nous n'avons pas d'inscription entière, s'appelle la
langue cissienne et non coséenne que les hommes absolu-
ment ignorants de l'antiquité classique ont cru devoir pro-
poser (V. CissiE, Cosséen). Le peuple lui même est appelé
par les Assyriens Kafeû dont les Grecs ont fait Kifsia.
G. Il existe une autre classe de documents commerciaux
et juridiques provenant de Cappadoce et rédigés dans un
langage assyrien à moitié barbare; ces textes ont été
examinés par MM. Sayce etPinches.
H. D'autres langues sont mentionnées dans les textes
cunéiformes, telle que la langue de Such, des serviteurs,
des hommes, des princes dont nous n'avons guère que
quelques noms propres des dieux et des personnes. La
science entière de tous les textes cunéiformes perses,
assyriens, sumériens, susiens, médiques et cissiens,
ainsi que tout ce qui se rapporte à l'archéologie de ces
peuples, porte le nom d'assyriologie. J. Oppekt,
BiBL. : La littérature traitant les inscriptions cunéi-
formes est maintenant tellement riche, surtout par les
travaux des quarante dernières années, qu'il nous faut
nous borner à citer seulement les premiers travaux et,
parmi ceux qui se sont produits depuis, les ouvrao-es
fondamentaux et scientifiquement importants.
Parmi les travaux anciens qui ne sont que des essais,
nous mentionnons : Figuëroa, Gracias Silva, De Rébus
Pevsarum epistola, 1620. — Viaggi di Pietro délia Valle,
1698. — WicQFORT, l'Ambassade de Dom Gardas de Sylva
et Figiiëroa en Perse, 1667.— M. Flower, An Exact
Draught or copy of the several characters engraved.,. in
Persia^ 1693. — Th. Hyde, Historia Religionis veterum
persarum, 1700. — J. Chardin, Voyage en Perse et autres
lieux de l'Orient, 1711. — E. Kaempfer, Amœnitatum
exoticarum, 1712, fascicule V. — C. Niebuhr, Reisebe-
schreibung nach Arabîen und andern umliegenden Lan^
dern, 1778. — O.-G. Tychsen, De Cuneatis Inscrip-
tionibus Persepolitanis, 1798. ~ G.-F. Grotefend, Prœmia,
de cuneatis quas vocant inscriptionibus Persepolitanis
legendis et explicandis relatio, 1802. — Jos. Hager,
Ueber die vor km^gem entdeckten babylonischen Ins~
chriften, uebersetzt vonKlaproih, 1802. — Lichtenstein,
Tentamen Palœographlee assyropersicœ, etc., 1803 (ab-
solument fantaisiste). — S. de Sacy, Lettre à M. Millis
sur les monuments persépolitains, 1803. -~ R. Rask,
Ueber das Aller und die Echtheit der Zend-S]prache, etc.,
1826. — Eug. BuRNouF, Mémoire sur deux inscriptions
cunéiformes trouvées près d'Hamadan, 1836. — Chr. Las-
SEN, Die altpersischen Keilinschriften von PersepoliSy
1836. — G.-F. Grotefend, Neue Beitr âge, etc. ,1S^7. —
F.-W. ScHULz, Sur le lac de Van et ses environs,
1840 (copies des inscriptions arméniennes). ~ Wester-
gaard, Zur Entzifferung der achâmenidischen Keilschrift
zweiter Gattung , 1845. — Rawlinson, the Persian cunei-
form Inscription at Behistoun, 1846. — E. Hincks, On the
first and second Kinds of Persepolitan writing, 1846. —
Th. Benfey, Die persîschen Keilinscheiften mit XJeber-
setzung und Glossar, 1847. — J. Oppert, Das Lautsystem
des Altpersischen, 1847. — J. Loéwenstern, Exposé des
éléments constitutifs du système de la troisième écriture
cunéiforme de PersepoUs, 1847. — Botta, Inscriptions
découvertes à Khorsabad, 1848. — F. de Saulcy, Recher-
ches sur l'écriture cunéiforme assyrienne, 1848. — E.
Hincks, the Name of Sennacherib and Nebuckadnessar
identified, 1850. — Du môme, On the Khorsabad Inscrip-
tions, 1850. — Sir Henry Rawlinson, A Commentary on
the cuneiform Inscriptions, etc., 1860. — F. de Saulcy,
Recherches analytiques sur les inscriptions du système
médique, 1850. — A. -H. La yard, Inscriptions in the
cuneiform Char acier from Assyrian Monuments, 1851. — -
Sir Henry Rawlinson, Babylonian Translation of the
great persian inscription at Behistun, 1851. — E. Hincks,
Memolr on the inscriptions of Van, 1852. — J. Oppert,
Mémoire sur les inscriptions des Achéménides conçues
dans l'idiome des anciens Perses, 1852. — E. Norris,
Memoir on the Scythic Version of the Behistun Inscrip-
tion, 1853. — E. Hincks, On Assyrian Verb, 1855. —
W.-K. Loftus, Travels and Researches in Chaldea and
Susiana, 1857. — J. Oppert, Etudes assyriennes, inscrip-
tion de Borsippa relative à la restauration de la Tour des
langues par Nabuchodonosor, 1857. — Du môme. Expédi-
tion scientifique en Mésopotamie, 1859. ~ H. Fox-Talbot,
Translation of some Assyrian Inscription, 1859. —
J. Oppert, Eléments de lagraminaire assyrienne, IS&O. —
Fr. Spiegel, Die altpersischen Keilinschriften im Grund-
texte m.it Uebersetzung, Grammatik und Glossar, 1862. —
M.-J. Mf.nant, Inscriptions de Hammurabi, roi de Baby-
lone, 1863. — Du môme, les Ecritures cunéiformes,
1860. — Oppert et Menant, Grande Inscription du palais
de Khorsd.bad, 1864. — J, Oppert, Grande Inscription
de Khorsabad, 1864. — Du même, un Traité babylonien
sur brique, 1866. — Du même, les Inscriptions commer-'
ciales en caractères cunéiformes, 1866. — E. Norris,
Assyrian Dictionary, 1869 (inachevé). ~ George Smith,
History of Assurbanipal, 1871. — E. Schrader, Die Keil-
inschriften und das Alte Testament, 1872. — Oppert,
les Inscriptions susiennes, 1878. — Fr. Lenormant, Choix
de textes cunéiformes inédits ou incom.plètement jpubliés
jusqu'à ce jour, 1873. — Records of the Past {XII), 1873.
— J. Oppert, le Peuple et la langue des Mèdes, 1874. —
Sayce, AnElementary frrciîn7riar, 1875.— Fr.LENORMANT,
la Lomgue primitive de la Chaldée et les idiomes toura-
niens , 1875. — J. Oppert, Etudes sumériennes. — Sir
Henry Rawlinson, Inscription of Western-Asia s. v.,
1882. — George Smith, the Chaldean Account of Genesis,
1876. — J. Oppert et Menant, Documents juridiques de
l'Assyrie et de la Chaldée, 1877. — A. -H. Sayce, Lectures
upon the Assyrian Language and Syllabary, 1877. — Fr.
Hommel, Die neuern Resultate der sumerischen For-
sc/mnr/, 1878. — Paul Haupt, Die sumerischen Familien-
gesetz'e in Keilschrift, 1879. — Th -G. Pinches , the
Bronze Gates from Balawat, etc., 1879. — E.-A. Badge,
Assyrian Texts with Philological Notes, 1880. — P. P.
Strassmayeh, Catalog der Inschriften,lSS5. — Brunnov,
A Classified List of the Cuneiform characters, 1889. — Beau-
coup de mémoires du Journal asiaticjiue, des Transactions
— 625 —
CUNÉIFORMES — CUNHA
of the Royal Asiatic Society ofGreat-Britain and Ireland^
Transactions and Proceedings of the Society ofBiblical ar-
chœology^ Babylonian and Oriental Record^ Revue d'Assy-
riologie,ZeitschriftfûrKeilschriftforschung^Zeitschriftfûr
Assyriologie^Zeitschrift der Deutschen morgenlandischen
Gesetlschaft, Comptes rendus de l'Académie des Inscrip-
tions et Belles-Lettres de VInstitut de France, Monats-
herichte der k. preussischen Akademie der Wissen-
schaften^ dans Gôttingen, Nachrichten des Gôttingen
Gelehrten Anzeigen et d'autres recueils dus à Hingks,
George Smith, Norris^ Fox-Talbot, Lenormand, Sta-
nislas GuYARD, Amiaud, Finzi, MM. Rawlinson, Oppert,
Sayce, ScHRADER, Fr. Delitzsch, Hommel, Bezold, Paul
Haupt, Pinches, Budge, Boscawen et beaucoup d'autres
savants. Les textes ont été publiés par MM:. Haupt,
Lenormant, et surtout par M. le R. P. Strassmaïer.
Une bibliographie assez complète se trouve dans le livre
de M. Kaulen, Assyrien und Babylonien^ 1885, 3« éd.
CUNEL. Com. du dép. de la Meuse, arr. de Montmédy,
cant. de Montfaucon ; 466 hab.
eu N ELI ÈRES. Com. du territoire de Belfort, cant. de
Fontaine; 118 hab.
CUNENE. Fleuve d'Afrique, dans la colonie portugaise
d'Angola. Il prend sa source près de la région du Bihé,
vers 13** lat. S., coule vers le S. à travers la prov. de
Mossamedes, reçoit de nombreux affluents dont les princi-
paux sont le Kakoula Val et FOvampo, incline vers l'O.
et sert de frontière entre les possessions portugaises et les
possessions allemandes et se jette dans l'océan Atlantique
par 17<*18' lat. S. Son cours est de plus de 800 kil., son
régime très variable ; son embouchure est obstruée par des
bancs de sable ; des cataractes, voisines de la mer, em-
pêchent la navigation fluviale. Le Cunene n'a été exploré
que récemment; son embouchure fut relevée en 1824 ;
son cours exploré par une mission portugaise en 1853-54.
CUNÉO. Ville d'Italie (V. Com).
CUNÉO d'Ornano (Gustave, baron), homme politique
français, né à Rome le 17 nov. 1845. Après ses études
de droit, il entra comme employé à la préfecture de la
Seine, Officier d'un bataillon de mobiles pendant la guerre
franco-allemande, il participa à la répression de la Com-
mune. Il se jeta ensuite dans le journalisme, collabora au
Courrier de France (1872), dirigea à Angoulême le Cha-
reniais (1873-1874), écrivit quelques articles dans la
Presse et fonda le Suffrage universel des Charentes^ jour-
nal bonapartiste, auquel il imprima une allure militante
qui attira tout de sute l'attention sur lui et le mit au rang
des chefs du parti impérialiste. Elu député de Cognac en
1876, par 8,318 voix contre 6,491 à M. Planât, son con-
current républicain, il fut invalidé le 5 avr. par la Chambre
et réélu le 21 mai par le même collège et cette fois par
9,496 voix contre 6,627 à M. Planât. Dans l'assemblée
législative, il s'inscrivit au groupe de l'appel au peuple et
se manifesta comme un interrupteur acharné. H soutint la
politique du gouvernement du 16 mai, fut désigné comme
candidat ofTi ciel, et réélu le 14 oct. 1877, par 9,911 voix
contre 7,704 au candidat républicain. Il joua à la Chambre
le même rôle bruyant, fut encore réélu par sa même cir-
conscription le 21 août 1881 par 8,621 voix contre 8,132
à M. Delamain, républicain, soutint plusieurs interpellations
retentissantes, et encore réélu le 4 oct. 1885 par 47,893
voix sur 88,972 votants, se signala par sa demande d'en-
quête sur « les faits de trafic des fonctions publiques et
des décorations » (afiaire V^ilson, oct. 1887), dont l'ur-
gence fut votée par la Chambre, malgré l'opposition du
gouvernement, mais qui fut repoussée plus tard pour faire
place à la proposition plus générale de M. Colfavru
(V. Chambre des députés). Il vota contre les poursuites
contre le général Boulanger et, aux élections générales de
1889, fut réélu par son arrondissement de Cognac par
8,811 voix contre 7,705 au général Tricoche, républicain.
eu N ETTE. On donne ce nom à un petit canal découvert
destiné à l'écoulement de l'eau et placé dans une galerie
souterraine. Les collecteurs principaux et secondaires, et
maintenant même tous les égouts récents, à Paris, sont
pourvus d'une cunette où l'eau se rassemble et coule en
temps normal ; les banquettes latérales servent à la circu-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
lation du personnel de service ; en temps de pluie, le plan
Fig. 1.
- Coupe d'un égout avec cunette et double
banquette latérale.
Fis. 2. " Coupe
aun égout avec
cunette et ban-
quette latérale
simple.
d'eau s'élève et dépasse le niveau des banquettes : la cunette
y joue donc le rôle d'une sorte
de lit mineur pour les eaux
ordinaires. — Rigole creusée
vers le milieu des fossés de for-
tification permanente et destinée
à recevoir les eaux pluviales et
à en faciliter l'écoulement.
eu N FIN. Com. du dép. de
l'Aube, arr. de Bar-sur-Seine,
cant. d'Essoves; 841 hab.
CUNHA (Tristào da), capi-
taine et navigateur portugais,
né vers 1460, mort vers 1540.
Mis en 1506 à la tête d'une
flotte chargée d'une mission guer-
rière en Afrique et aux Indes, de concert avec le célèbre
Alfonso d'Albuquerque, il découvrit, dans l'Atlantique
austral, trois îles volcaniques, dont la plus grande porte
encore son nom. Il aborda successivement à Madagascar
(découvert en 1505), à Mozambique, brisa la résistance
de la ville de Brava, sur la cdte de Zanguebar, soumit
l'île de Socotora, et se distingua aux Indes par des ac-
tions d'éclat. En 1514, il fut choisi comme ambassadeur
extraordinaire pour faire hommage au pape Léon X de
nouvelles conquêtes des Portugais, et à son retour il fut
nommé membre du conseil intime de la couronne. G. P-i.
CUNHA (Nuho da), dixième gouverneur des Indes,
fils du précédent, né vers 1487, mort en mer le 5 mars
1539. Chargé en 1528 du gouvernement des Indes, il
anéantit le pouvoir du plus redoutable ennemi des Portu-
gais, du sultan Bahdour, empereur de Goudjarate, et il
consolida la puissance des Portugais par la conquête des
trois places importantes : Diù, Chalé et Bazaïm. Après
dix ans d'une administration intègre et intelligente, il fut
accusé de concussion, révoqué et arrêté ; il mourut, dans
le voyage de retour, sans laisser de postérité. Le Can--
cioneiro de Resende nous a transmis d'intéressantes
poésies de sa composition. G. P-r.
CUNHA (D. Luiz da), diplomate portugais, né à Lis-
bonne lé 25 janv. 1662, mort à Paris le 9 oct. 1749.
Fils de D. Antonio Alvarez da Cunha, seigneur de Taboa,
garde des archives de la Torre de Tombe. Nommé ambas-
sadeur à Londres en 1696, il y resta jusqu'en 1714, et
fut délégué dans l'intervalle comme ministre plénipoten-
tiaire pour la conclusion du traité d'Utrecht. Envoyé suc-
cessivement à Madrid, à Bruxelles et à La Haye, il finit sa
carrière comme ambassadeur en France, où il résida pen-
dant plus de vingt ans. Il a laissé d'intéressants mémoires.
CUNHA (José-Anastasio), mathématicien et poète por-
tugais, né à Lisbonne le 11 mai 1744, mort à Lisbonne
le 1^^ janv. 1787. Parvenu au grade de lieutenant d'ar-
tillerie, il fut nommé professeur de géométrie à l'université
de Coïmbre en 1773. Accusé d'hérésie (1778), il passa
plusieurs années dans les prisons de l'Inquisition. Ce fut
un des plus éminents mathématiciens que le Portugal ait
produits, comme le prouvent ses ouvrages posthumes :
40
CUNHA — CUNIN
- mQ —
Principios mathematicos (Lisbonne, 1790) ; Ensaio
sobre os principios de mechanica (Londres, 1807, m-4).
Ses célèbres épîtres, où il attaquait les dogmes du chris-
tianisme, ont été publiées clandestinement à Coïmbre, sous
la rubrique de Paris : A Voz da Razâo (1822, in-16) et
souvent réimprimées. Ses poésies, de caractère philoso-
phique, pleines de charme et de douce mélancolie, ont été
recueillies par ses amis : Composiçôes poeticas (Lisbonne,
1839, in-8). G. P-i.
BiBL. : I. DA SiLVA, Diccionavio hihlioqv, portug.. t. IV
et XII.
CUNHA (Vicente-Pedro-Nolasco da), poète portugais, né
à Caldas da Rainha vers 1773, mort à Lisbonne le 18 juin
1844. Il fut médecin. Obligé de s'expatrier pendant l'occu-
pation française, il émigra à Londres et y collabora à 17^-
vestigador portuguez. Il publia : 0 Jardim botanico^
poème philosophico-descriptif traduit de Darwin (1803) ; 0
Triumpho de natureza^ tragédie (1809) ; 0 Incendio
de Moscow (Londres, 1812), plusieurs autres poèmes et
nombre de poésies de circonstance. Son œuvre inédite est
encore plus considérable. Il chercha à acclimater dans la
poésie portugaise l'hexamètre et le pentamètre. G. P-i.
CUNHA (Francisco-Xavier da), général brésilien, né en
1782 à Terres Vedras (Portugal), mort le 14 déc. 1839,
noyé dans le rio Pelotas (Rio Grande du Sud). Il fit les
campagnes de la Péninsule, de 1809 à 1813, passa au
Brésil en 1815, et se signala dans les campagnes de 1816
à ^820, 1822 à 1823, 1825 à 1828 dans l'Uruguay, et
de 1835 à 1839, dans le Rio Grande du Sud et Sainte-
Catherine, Général de brigade en 1837, il commandait en
1 839 une division de l'armée impériale envoyée de Saint-
Paul contre les républicains séparatistes de Rio Grande
du Sud, mais il fut battu à Santa Victoria (14 déc. 1839)
et se noya pendant la retraite. — Son fils aîné, Francisco-
Xavier da Gunha, né à Rio Grande du Sud, fut, avec
M. Bocayuva, un des fondateurs et rédacteurs du journal
A Republica, de Rio de Janeiro, de 1872 à 1875. En
1880 et 1881, pendant le gouvernement des hbéraux, il
fut rédacteur en chef du Diario Officiai, puis, jusqu'à la
chute de l'empire en 1889, il eut un emploi dans le service
de l'immigration. La République proclamée, il fut nommé
ministre du Brésil en Italie. — Félix-Xavier da Cunha,
un autre fils du général, fut un brillant orateur à la
Chambre des députés, un journaliste de talent, comme son
frère, et un poète qui exerça une certaine influence sur la
jeunesse de son temps. Il est mort jeune, en 1862. R.-B.
CUNHA (Carneiro da) (V. Carneiro).
CUNHA (Joâo-Ignacio da) (V. Algantar a [Vicomte d']).
CUNHA Barbosa (le chanoine Januario da), orateur
sacré, poète, journaliste et homme politique brésilien, né
à Rio de Janeiro le lOjuil. 1780, mort à Rio de Janeiro
le 22 févr. 1846. En 1822, il rédigea avec Ledo le journal
Reverbero constitucional de Rio, organe des partisans de
l'indépendance du Brésil, et eut une influence considérable
dans la marche des événements politiques qui amenèrent la
la convocation d'une Constituante, la déclaration de l'indé-
pendance par D. Pedro et la proclamation de l'empire,
mais le premier ministre d'Andrado, auquel il était opposé,
décida le jeune empereur à l'exiler, ainsi que d'autres
hommes poHtiques. Arrêté le 7 déc. 1822, il fut envoyé
au Havre, et il ne rentra au Brésil que l'année suivante,
après la chute de ce ministère. De 1826 à 1829, il siégea
à la Chambre sur les bancs ministériels et, pendant plu-
sieurs années, il fut rédacteur en chef du journal officiel
(1825-31, 1833-37). En 1845, il fut une seconde fois élu
député, mais il cessa de prendre part aux luttes et discus-
sions politiques. Il avait fondé, de concert avec Cunha Mat-
tos, en 1839, V Institut historique et géographique du
Brésil, et ne s'occupa désormais que de cette association,
de sa revue, ainsi c{ue de la revue de la Société pour l'en-
couragement de l'industrie nationale. Il a laissé un petit
poème, Nictheroy^ outre le poème satirique Os Garim-
peiros et la comédie A Rusga da P7ma-Grande, R.-B.
CUNHA-Mattos (Raymundo-José da), général brésilien,
né à Faro (Portugal) le 2 nov. 1776, mort à Rio de Ja-
neiro le 24 févr. 1837. Il entra dans l'armée portugaise
en 1790, fit les campagnes du Roussillon, puis fut envoyé
aux possessions portugaises d'Afrique oti il servit pendant
plus de vingt ans. En 4817, il commença à servir au Bré-
sil, d'abord à Pernambuco, ensuite à Rio de Janeiro. Com-
mandant les troupes en garnison dans la province de
Goyaz (1823-26), il reçut le grade de général de brigade,
fut élu député (1826), fit un court séjour dans l'armée en
opérations à Rio Grande du Sud (1736-27), eî rentra à
Rio pour siéger à la Chambre, où il se montra assidu à
la tribune, parlant toujours avec une grande indépendance
d'opinions. Promu maréchal de camp, il obtint un congé
en 1831, et assista à la défense d'Oporto contre les troupes
de D. Miguel. Il publia une chronique des opérations de
l'armée constitutionnelle portugaise, dirigée pendant cette
guerre par Fex-empereur du Brésil, D. Pedro P^. Outre ce
livre, et une compilation de la législation militaire du
Brésil, il laisse quelques autres ouvrages et mémoires
estimés encore aujourd'hui, parmi lesquels : Vltinerario
do Rio de Janeiro ao Paràe Maranhâo pelas provincias
de Minas e Goyaz (1836, 2 vol. in-4); la Corographia
historica da provincia de Goyaz, publié en 1875 et 1876
dans la Rev, de llnst. hist. Il fut, avec Cunha Barbosa,
un des promoteurs de la fondation de l'Institut historique
et géographique du Brésil. R.-B.
CUNIBERT (Saint), en lat. Honoberhtus, archidiacre
de Trêves, évêque de Cologne vers 623, maire du palais
d'Austrasie vers 633, mort le 12 nov. 663. Issu d'une
noble famille austrasienne, il fut associé à Pépin puis à
Grimoald comme maire du palais et dirigea les affaires de
l'Austrasie sous Sigebert II et Childéric.
CUNICULUS (V. Lapin et Lièvre).
CUNICULUS (Antiq. gr. et rom.) (V. Galerie Sou-
terraine, Mine, Tunnel, Drain).
eu NIER (Florent), célèbre ophtalmologiste belge, né à
Belœil en 1813, mort à Bruxelles le 19 avr. 1853. En
1840, il ouvrit à Bruxelles un dispensaire ophtalmique qui
fut très suivi, et en 1849 l'Institut ophtalmique provincial
de Brabant dont il fut le chirurgien en chef. On peut con-
sidérer Cunier en quelque sorte comme le fondateur de
l'ophtalmologie en Belgique. Il rédigea jusqu'à sa mort les
Anjiales d'oculistique, excellent recueil fondé par lui en
1838, et qui se publie encore actuellement. D^ L. Hn.
CUNIGONDE (Sainte) (V. Cunégonde).
CUNIN-Gridaine (Laurent Cunin, dit), industriel et
ministre français, né à Sedan en 1778, mort à Sedan le
19 avr. 1859. Simple ouvrier drapier dans la manufacture
Gridaine, il devint successivement le gendre, l'associé et
le successeur de son patron (1824). Elu député en 1827,
il siégea sur les bancs de l'opposition libérale, fit partie
des 221 qui se prononcèrent en 1830 contre le ministère
Polignac et, après les journées de Juillet, contribua pour
sa part à l'avènement de Louis-Philippe (août 1830). Dès
lors, il se jeta dans le parti dit de résistance, auquel il
resta opiniâtrement attaché jusqu'en 1848. Il fut quelque
temps vice-président de la Chambre des députés. Appelé
dans le cabinet comme ministre de l'agriculture et du com-
merce, sous la présidence de Mole (15 avr. 1837), il y fut
maintenu sous celle du maréchal Soult (12 mai 1839).
L'arrivée de Thiers aux affaires lui fit perdre son porte-
feuille (i^^ mars 1840). Mais il le recouvra peu après,
car il fit partie du cabinet du 29oct., avec lequel il tomba,
le 23 févr. 1848. Après la chute de Louis-Philippe, il ren-
tra pour toujours dans la vie privée. A. Debidour.
CUNIN-Gridaine (Charles), industriel et homme po-
litique français, fils du précédent, né à Sedan le 8 nov.
1804, mort à Paris le 24 févr. 1880. Représentant des
Ardennes à l'Assemblée législative (1849), il siégea dans
les rangs de la majorité antirépublicaine. Pendant le second
empire, il dirigea avec succès l'importante manufacture
dont il était le propriétaire. Après la révolution du 4 sept.,
(y^ll —
CUNIN - CUNNINGHAM
l'exemple de Thiers le détacha du parti monarchique. Can- ^
didat au Sénat dans les Ardennes, il affirma dans sa pro-
fession de foi son dévouement à la nouvelle constitution,
fut élu par 403 voix sur 580 électeurs, prit place au centre
gauche et resta jusqu'à sa mort fidèle à son programme,
eu NINA (ZooL). Genre de Cnidaires, de l'ordre des
Hydroïdes, de la famille des iEginides, voisin du genre
Cuninopsis Clans, dont il diffère |3ar l'oblitération du
canal circulaire qui court au bord du disque chez ce dernier
et par l'absence de capsules urticantes sur les lobes du
bord du disque. L'ombrelle des Cunina est de consistance
cartilagineuse, discoïde, aplatie ; elle porte de quatorze à
dix-sept longs tentacules et cinq à six corps marginaux
sur chaque lobe du bord du disque. Ex. : C. alhescens^ de
la Méditerranée. R. Mz.
CUNIO (Guillaume de), jurisconsulte français, né à Cu-
gnaux, en Languedoc, ou à Cunq, en Armagnac, ou, selon
d'autres, à Cunio, ville de la Romagne, mort en 4348.
Il a été professeur à Toulouse et à Orléans, puis évêque.
On a de lui les quatre traités suivants : Commentaire sur
le Digestum vêtus ; Commentaire sur le Code ; De Mu-
neribus ; De Securitate, Les trois derniers seuls ont été
imprimés.
BiBL. : Taisand, les Vies des plus célèbres juriscon-
sultes; Paris, 1721, p. 151. — De Savigny, Histoire du
droit romain au moyen âge. trad. par Charles Guenoux ;
Paris, 1839, IV, p. 272.
CUNIS (Carl-Xaver), peintre allemand, né à Dresde en
i764, mort en 4798. Il était élève de son père Jean
Christophe et d'Oeser et a laissé des tableaux, des pastels
et des miniatures.
CUNITZ (Maria), en latin M, Cunitia, astronome alle-
mande, née à Schweidnitz (Silésie) au commencement du
XVII® siècle, morte à Pistchen (Silésie) le 24 août 4664.
Connaissant sept langues, ayant étudié les belles-lettres,
l'histoire, la médecine et les mathématiques , elle s'adonna
finalement à Tastronomie et, vers 4630, épousa son pro-
fesseur, le docteur Elias von Lewen. Au cours de leurs
observations, les deux époux constatèrent l'inexactitude
des tables de Longomontanus, dont ils s'étaient jusqu'alors
exclusivement servis, et Maria Cunitz résolut d'en compo-
ser de nouvelles, en s'aidant de celles de Kepler. Son tra-
vail, commencé vers 4640, fut achevé en 464S dans un
couvent polonais, oh le docteur et sa femme, chassés de
leur pays pai' la guerre de Trente ans, étaient venus cher-
cher un refuge ; il fut publié sous le titre : Urania pro-
pitia^ sive tahulœ astronomicm mire faciles^ etc, (OEls.,
4650, in-fol. ; Francfort, 4654). Le docteur von Lewen
en aurait écrit la préface. L, S.
BiBL. : Des ViGNOLLEB, Marie de Cunitz^ dans la Biblio-
thèque germanique; Amsterdam, 1721, in-8, t. III^ p. 163. —
J.-E. ScHEiBEL, Einleitung zur matheynatischen Bûcher
kenntniss ; Breslau, 1769-98, 3 vol. in-8, t. III, p. 371. —
A. -G. Kastner, Geschlchte der Mathematih; Gottingue,
1796-1800, 4 vol. in-8, t. IV, p. 430. — Delambre, Histoire de
V astronomie moderne; Paris, 1821, 2 vol. in-4, t. 11, p. 323.
CUNITZ (Auguste-Edouard), théologien alsacien, né à
Strasbourg le 29 août 484<2, mort le 46 juin 4886. Il fit
ses études à la faculté de théologie de cette ville, devint
professeur du séminaire protestant en 4864, et professeur
de théologie à l'université allemande en 4872. Il se fit
remarquer par ses écrits sur le droit ecclésiastique fran-
çais, mais se montra également compétent dans toutes les
parties de la théologie. C'est lui qui, avec ses collègues
Ed. Reuss et Ch. Schmidt, a le premier élucidé le pro-
blème de la religion des Cathares, et il devint ensuite le
principal collaborateur d'Ed. Reuss, dans sa gigantesque
entreprise de la pubHcation des œuvres complètes de Cal-
vin. Avec un autre collègue, G. Baum, il pubha V Histoire
ecclésiastique des Eglises réformées au royaume de
France attribuée à Th. de Bèze.
GUNLHAT. Ch,-1. de cant. du dép. du Puy-de-Dôme,
arr. d'Ambert; 3,407 hab. L'évèque de Clermont puis
les Montboissier en furent seigneurs. L. F.
CUNNINGHAM (Vitic. ) . Le Cunningham ou Long est une
vigne américaine cultivée, sur une petite échelle, dans le
Texas. Elle a été importée en France où on l'a multipliée,
un certain temps, comme producteur direct de vin blanc.
Ses fruits, rosés, assez abondants, donnent un vin blanc
sec, franc de goût, mais la production de ce cépage est trop
inférieure à celle de nos cépages français pour que l'on ait
pu maintenir sa culture. Le Cunningham est très vigoureux
et résistant au phylloxéra; on l'a essaye, à cause de ces
propriétés, comme porte-greffe; il conviendrait pour cer-
tains terrains argileux, peu fertiles, mais il est parfois fort
difficile de le réussir au greffage. Les jeunes feuilles de ce
cépage, comme [celles de tous les cépages qui dérivent
des V. iEstivalis, sont carminées sur leur pourtour ; les
feuilles adultes sont entières, épaisses, orbiculaires, gaufrées
entre les nervures, à dents rudimentaires, d'un vert foncé
à la face supérieure, légèrement pubescentes et d'un vert
blanchâtre sur le revers. La grappe est moyenne, conique,
compacte et à pédoncules ligneux à l'insertion ; les grains
sont moyens ou petits, sphériques et un peu déprimés par
la pression, pruinés et d'un i^ose clair, à saveur sucrée assez
agréable. P. Viâla.
CUNNINGHAM (Alexander), historien anglais, né en
4654, mort à Londres en 4737. Précepteur de plusieurs
jeunes gens de l'aristocratie, il voyagea beaucoup, principa-
lement en Italie et en France. En 4704, il fut chargé d'une
mission diplomatique à Paris. Nominalement il était désigné
pour préparer un traité de commerce entre la France et
l'Ecosse, réellement il s'occupa de renseigner Guillaume III
sur les préparatifs militaires de la France. De 4745 à 4720,
il fut ministre plénipotentiaire à Venise. Il a écrit en latin
une grande histoire d'Angleterre qui fut traduite et publiée
par William Thomson sous le titre de the History of Great
Britain from the Révolution in i688 to the accession of
George I (Londres, 4787, 2 vol. in--4) et qui est un docu-
ment de premier ordre pour la période 4688-4745. On a
parfois attribué cet ouvrage au critique Alex. Cunningham
(V. ci-après). R. S.
CUNNINGHAM (Alexander), critique écossais, né dans
le comté d'Ayr entre 4655 et 4660, mort à La Haye
en 4730. Il fut précepteur du jeune lord George Douglas,
le premier duc de Queensberry. Il obtint, plus tard, une
chaire de droit civil à l'université d'Edimbourg (4698).
En 4740, le crédit de son protecteur ayant subi une éclipse,
Cunningham fut obligé de renoncer à ses fonctions de
professeur. Il quitta alors l'Ecosse et se fixa à La Haye.
Cunningham est surtout connu par ses éditions des trois
poètes latins Horace, Virgile, Phèdre, dont la première
parut en 1 724, et les deux autres après sa mort. A la suite
des critiques de Bentley contre les travaux de Leclerc,
Cunningham prit la défense de ce dernier et publia :
Alexandri Cunninghamii animadversiones in Richardi
Bentleii notas et emendationes ad Q, Horatium FlaC"
ciim (4724). C'est par ce travail qu'il préluda à ses éditions
savantes d'Horace, de Virgile, de Phèdre, etc. G. Q.
CUNNINGHAM (Edmond-Francis), peintre anglais, né
à Kelts (Ecosse) en 4742, mort à Londres en 4795. Il était
fils d'un membre de la famille ducale de Cunningham qui
émigra en Itahe après la défaite du prétendant, et il fit ses
études à Parme, à l'académie du Grand-Duc, à Rome dans
les ateliers de Mengs et de Battoni, à Naples dans l'atefier
de Francesillo. Après avoir parcouru successivement la
France, l'Angleterre, la Russie et la Prusse, Cunningham
revint mourir à Londres épuisé et ruiné. Il a laissé quelques
compositions historiques et de nombreux portraits, parmi
lesquels ceux de la Famille royale de Prusse à Berlin.
Cunego, V. Green, Haas, etc., ont gravé quelques portraits
d'après lui. F. Courboin.
CUNNINGHAM (Allan), poète écossais, né à Blackwood,
près Dumtries, le 7 déc. 1784, mort à Londres le 30 oct.
4842. Ouvrier maçon, il se fit connaître par des légendes
et de vieilles ballades qui lui valurent la protection et
l'amitié de Walter Scott qui l'appelait l'honnête x411an. Venu
à Londres en 4840, et volé effrontément par l'éditeur
CUNNINGHAM — CUPERLY
— 628 —
Cromek qui avait déjà dupé William Brake, et le paya du
manuscrit d'un volume de poésies par le don d'un exem-
plaire, il fit d'abord du reportage parlementaire, entra dans
l'atelier du sculpteur Bubb, puis de Cliantrey, où il écrivait
en cachette des romans, des poésies, des biographies, un
drame, etc. Il fut en réalité poète, romancier, historien,
biographe. Comme poète on le place après Hogg ; toutes ses
œuvres se distinguent par la grâce et une grande pureté
de style. En voici les principales: Sir Marmaduke Maxivell
(1822), drame; Traditional Taies of the English and
Scottish Peasantry (1822, 2 vol.), légendes où sont
reproduites les mœurs écossaises ; the Legend of Richard
Falter and Twenty Scotish Songs (1822) ; the Songs
of Scotland Ancient and Modem (1825, 4 vol.) ; presque
aussi appréciés que les chants de Burns; Paul Jones
(1826) et Michael Scott (1828); the Maid of Elvar
(1832), légende écossaise du temps de Marie Stuart;
une Histoire des peintres, graveurs et architectes
anglais (1829,6 vol.; nouv. édit., 1830-31); xm^i His-
toire de la littérature anglaise de Samuel Johnson
à W. Scott (1834) ; une Popular Encyclopœdia (Glas-
cow, 1833-41, 7 vol.); the Cabinet Gallery of pictures
by the first masters (1834, in-4, et 1836, 2 vol. gr.
in-8, avec grav.) ; une Vie de Robert Burns, avec l'édi-
tion complète de ses œuvres (1834), et une biographie
du peintre; de David Wilkie (1842, 3 vol.). Son fils
a donné une édition complète de ses œuvres poétiques
(1847). Hector France.
CUNNINGHAM ( Joseph-Davey) , historien anglais , né à
Lambeth le 9 juin 1812, mort près d'Umballa (Bengale)
le 28 févr. 1851, fils d'AUan Cunningham (V. ci-dessus).
Entré dans l'armée des Indes (génie) en 1834, après de
brillantes études, il servit dans l'état-major du général
Macleod, puis fut envoyé à la frontière des Sikhs où il
passa huit années. Lors de la première guerre contre les
Sikhs il fut attaché à l'état-major de Charles Napier, puis
à ceux de Hugh Gough et de Henry Hardinge. Promu capitaine
en 1845, il tut nommé à la paix agent politique à Bhopal. Il
avait recueilli de nombreux documents sur les Sikhs et il
en forma sa grande History of the Sikhs (1849) qui
obtint un légitime succès, mais qui brisa sa carrière. Sous
prétexte qu'il avait publié des documents secrets, il fut
privé de son poste de Bhopal et renvoyé dans les rangs.
Cette disgrâce abrégea sa vie. R. S.
CUNNINGHAM '(Alexander) , général anglais, né à
Londres le 23 janv. 1814. Frère du précédent, il entra
comme lui dans le génie, fut aide de camp du gouverneur
général de l'Inde en 1834, fut chargé de différentes mis-
sions, notamment au Thibet en 1846. Il devint en 1858
ingénieur chef des provinces Nord -Ouest et en 1870
inspecteur général archéologique des Indes. Il a publié
de nombreux articles archéologiques dans les périodiques
indiens, notamment le Journal of the Bengal Asiatic
Society ; An Essay on the arian order of architecture
(i 846) ; the Bhilsa Topes or Buddhist monuments of
central India (1854); Ladak, physicaU statistical and
historical (1854) ; Ancient Geography of India (1871) ;
Corpus inscriptionum indicarum (1878), etc., et une
série de rapports officiels considérables sur les antiquités
de l'Hindoustan septentrional qui ont été imprimés en 1871
par ordre du gouvernement de l'Inde. Il revenait en 1885
en Angleterre lorsqu'un naufrage sur les côtes de Ceylan lui
fit perdre la plus grande partie des précieuses collections
qu'il rapportait. R, S,
CUNNINGHAM (Peter), publiciste anglais, nélel^^'avr.
1816, mort à Saint-Albans le 18 mai 1869. D fit ses
études à Londres, entra en 1834, grâce à la protection de
Robert Peel, dans l'administration de la comptabilité pu-
blique et y resta jusqu'en 1860. Il collabora à divers
journaux et revues, entre autres au Frasers's Magazine,
au Household Words, à VAthenœum, à Vlllustrated
London News, au Gentleman' s Magazine et publia
Ha7idbook of London (Londres, 1849, 2 vol.) qui ren-
ferme une immense quantité de renseignements sur la ville
de Londres. On a encore de lui : Extracts from the
accounts of the Revels at Court in the Reigns ofEli-
zabeth and James I (Londres, 1842); Life of Inigo
Jones (1848); Handhook of Westminster Abhey (1 842);
Modem London (1851); Story of Nell Gwynn (1852)
et de bonnes éditions de Drummond, de Goldsmith, de
Pope, des Lettres de Horace Walpole, etc. R. S.
CUNNINGHAMIA (Paléont.) (V. Conifères [Paléont.]).
CUNONIACÉES (Cunoniaceœ Lindl.) (Bot.). Groupe de
Végétaux Dicotylédones, considéré d'abord comme une fa-
mille distincte, mais qu'on rattache aujourd'hui à la famille
des Saxifragacées, dans laquelle il forme une tribu (Cuno-
nieœ) caractérisée ainsi : « Arbres ou arbustes, à feuilles
opposées, rarement verticillées, simples, 3-5 foliolées ou
imparipennées, pétales imbriquées ou nuls. Fleurs dispo-
sées en cymes ou en grappes simples ou composées, ou en
grappes de cymes. » Genres principaux : Cunonia L.,
Weimnannia L., Ceraiopetalum Sm., Aphanopetalum
Endl., etc. (V. H. Bâillon, Hist. des PL, IH, pp. 413,
447). Ed. Lef.
CÛON (Zool.) (V. Chien, t. XI, pp. 2 et 3).
eu ON. Com. du dép. de Maine-et-Loire, arr. et cant. de
Bau^'é; 757 hab. Fours à chaux; poteries. Eglise romane
plusieurs fois remaniée; curieux clocher surmonté d'une
flèche du xii^ siècle. Peulven de Pierrefrite. Châteaux de
la Lande-Chasle et de la Graflinière.
CUPA (Antiq.) (V. Tonneau).
CUPANIA {Cupania L.) (Bot.). Genre de plantes de la
famille des Sapindacées, composé d'arbres et d'arbustes à
feuilles alternes, imparipennées, à fleurs polygames-dioïques,
disposées en grappes simples ou plus ou moins ramifiées.
Les fruits sont des capsules ovoïdes, contenant des graines
exalbuminées, parfois munies d'un arille très développé. —
Le C. americana L., ou Châtaignier d'Amérique, a des
graines comestibles qui ont la saveur des châtaignes et ser-
vent, sur les bords de l'Orénoque, à préparer une liqueur
fermentée (V. Blighia).
eu PAR. Ville d'Ecosse, ch.-l. du comté de Fife, sur
l'Edcn, à 7 kil. de la mer ; 5,000 hab. C'est une ville
pittoresque avec de vieux monuments et une industrie active
(toiles, tanneries, minoteries, etc.). On l'appelle Cupar-
Fife pour la distinguer de Cupar-Angus (comté de Perth,
sur risla ; 2,d50 hab., toiles).
eu PER (François), philosophe hollandais du xvn® siècle,
né à Amsterdam, mort en 1695. Il était disciple de Spi-
noza, mais les doctrines panthéistiques étant suspectes, et
Cuper n'ayant pas la hardiesse de braver l'opinion, il es-
saya de concilier sa foi et sa timidité par un stratagème.
En 1676 parut à Rotterdam un gros volume in-4 intitulé
Arcana atheismi revelata, philosophice et paradoxe
refutata examine Tractatus theologici politici, per
Franciscum Cuperum, Amstelodamensem. Là, sous
couleur de réfuter l'athéisme, il développait avec com-
plaisance les doctrines de Spinoza, les faisait valoir, insis-
tant sur ce point que la raison est tout à fait incapable de
nous démontrer l'existence d'un Dieu distinct du monde,
et feignant de se rejeter vers la Révélation. Mais ses argu-
ments sont tellement sans conviction, ses réfutations volon-
tairement si faibles que ses contemporains ne s'y laissèrent
pas tromper. H. Morus et Jaeger l'attaquèrent avec vio-
lence, ce dernier dans un livre curieux : Franciscus Cu-
perus mala fide aut ad minimum frigide atheismum
Spinozœ oppugnans (Tub., 1720, in-4).
CUPERLY. Com. du dép. delà Marne, arr. de Châlons,
cant. de Suippes, sur la Noblette ; 263 hab. En 1880,
M. Ed. Fourdrignier y a mis au jour de très intéressantes
tombes de chefs gaulois, inhumés avec leur char de guerre
et toutes leurs armes, caractérisées notamment par de
riches phalères en bronze, d'un travail délicat, et par un
curieux casque de même métal, de forme conique, orné de
plaques élégamment ciselées et ajourées, attestant une
influence orientale. Dans l'église, dont l'abside remont
^'19
CUPERLY - CUPRITE
au xii*^ siècle, on remarque les chapiteaux du chœur, déco-
rés de fleurs lancéolées ; la tour, du xuf siècle, renferme
une jolie chapelle, malheureusement dégradée, et une cloche
du xvi^ siècle. A. T.
BiBL. : Ed. FouRDRiGMiER, les Casques gaulois à forme
conique et l'influence orientale; Tours, 18»0, in~8 avec pi.
— Du même, la Découverte de deux casques gaulois à forme
conique^ dans les sépultures de Cuperly et de 7 huisy
(Marne); Paris, 1880. in-8.
CUPHEA {Cuphea P. Br.) (Bot.). Genre de plantes de
la famille des Lythrariacées, composé d'herbes et de sous-
arbrisseaux, à feuilles opposées, à fleurs roses, violettes ou
blanches, dont la corolle est formée de cinq à six pétales
inégaux et l'androcée de onze étamines insérées à la gorge
du caUce. Le fruit est une capsule membraneuse contenant
des graines dépourvues d'albumen. — Les Cuphea sont tous
originaires des régions chaudes de l'Amérique. Plusieurs
espèces, notamment le C. cordata R. et P., du Pérou et le
C. ignea A. DC, du Mexique, sont cultivées en Europe
comme ornementales. Les C. microphylla H. B. K. et C,
antisyphilitica H. B. K. sont employés, en décoction,
par les liidiens contre la syphilis et la gonorrhée. M. Koehne
a publié une monographie du genre dans le Botan. Zeitung,
4873, p. 110, et^l875, p. 291. Ed. Lef.
CUPICA. Ville maritime de Colombie, dép. de Gauca,
sur le Pacifique, où aboutirait le canal de l'Atrato.
eu PI DO (MythoL) (V. Eros).
CUPIDONE (Bot.) (V. Catananche).
eu PI DON lA (Zool.), Genre créé par Reichenbach en
1853, pour le Tétras cupidon {Tetrao cupido L.) de l'Amé-
rique du Nord, espèce qui se distingue surtout par la
présence, chez le mâle, de deux vésicules turgescentes sur
les côtés du cou (V. Tétras), E. Ôustalet.
CUPIENS PROFITERI ou CUM VOTO PROFITENDI (Droit
canon) (V. Commende, p. 36, col. 2).
eu PIS (Marie-Anne de) (V. Camargo).
eu PIS (François), frère de la célèbre danseuse Ca-
margo (V. ce nom), né à Bruxelles le 10 mars 1719,
mort en 1763 ou 1764. Il fut un violoniste célèbre à
Paris. Il se fit entendre à Paris pour la première fois en
1738, et entra à l'orchestre de l'Opéra en 1741. A partir
de 1763 ou 1764, son nom disparaît des états de la musique
du roi, Cupis a composé des quatuors à cordes et des
sonates pour violon seul qui parurent à Paris.
eUPIS (Jean-Baptiste), fils du précédent, violoncelliste,
né à Paris en 1741. Elève de Berteau, à vingt ans il était
considéré comme le premier violoncelliste de France. Il fit
partie fort jeune de l'orchestre de l'Opéra, puis voyagea
(1771) en Allemagne et en Italie, où il se maria avec la
cantatrice Julia Gasperini qui prit depuis le nom de Gaspe-
rini de Cupis. On ne sait ce qu'est devenu Cupis à partir
de l'année 1794, et l'on ignore la date de sa mort. Il com-
posa : deux concertos pour violoncelle et orchestre ; deux
airs variés pour violoncelle avec accompagnement d'instru-
ments ; de petits airs variés pour deux violoncelles ; une Mé-
thode nouvelle et raisonnée de violoncelle. Ch. Bordes.
eUPRESSINÉES (Citpressineœ L.-C. Rich.) (Bot.),
Groupe de Conifères (V. ce mot) composé d'arbres et d'ar-
bustes plus ou moins
élevés, à feuilles li-
néaires, opposées, ter-
nées ou verticillées,
quelquefois très peti-
tes et squamif ormes.
Les fleurs sont uni-
sexuées, le plus sou-
vent dioïques. Les mâ-
les, formées d'écaillés
horizontales nues, à
sommet en forme de
tête de clou, portent
chacune, en dessous, de deux à six, le plus souvent
quatre anthères ovoïdes. Les fleurs femelles, dressées,
sont insérées immédiatement, en nombre défini ou indéfini,
dans l'aisselle des écailles du cône, sur un support axillaire
très court ou nul. Quelquefois, comme dans les Genévriers,
les bractées extérieures aux fleurs, plus ou moins unies
entre elles, deviennent charnues, et enveloppent l'en-
Cupressus sempervirens L.
Inflorescence Inflorescence
mâle. femelle.
Cupressus sempervirens L. Cupressus sempervirens L
Ecaille de cône femelle. Fruit composé (noix de
Cyprès).
semble des fruits secs ; c'est ce qu'on appelle à tort les
baies des Genévriers. — Les Gupressinées renferment une
quinzaine de genres, dont les principaux sont : Cupressus
Tourn., Thuia Tonrn,^ Taxodium L,-C. Rich., Callitris
Vent., Cryptomeria Don et Juniperus L. Ed. Lef.
CUPRESSITES (Paléont.) (V. Cyprès).
eUPRESSOCRINUS (Paléont.). Genre de Crinoïdes
fossiles, du groupe des Tesselata, devenu pour Rœmer
et Zittel le type de la famille des Cupressocrinidœ
qui présente les caractè-
res suivants : Calice en â
forme de coupe, généra-
lement régulier, formé de
deux à trois rangées de
plaquettes ; facettes ar-
ticulaires supérieures des
Radialia larges, tron-
quées. Plaques orales for-
mant à la base des bras
un appareil de consolida-
tion annulaire ou pyrami-
dal . Bouche centrale ;
anus excentrique. Bras
simples, ordinairement au
nombre de cinq, à une
seule rangée. Articles des
bras avec un large canal
dorsal. — Le genre type
Ciipressocrinus ( Gold-
fuss) se présente sous
forme d'une coupe (ca-
lice) au-dessus de laquelle les bras réunis figurent une
pyramide pentagonale rappelant la forme d'un gland de
chêne, La tige est quadrangulaire. Le C. crassus que nous
figurons est du dévonien d'Eifel. Zittel place dans la même
famille les genres Symbathocrinus (Phill.) du dévonien
et du carbonifère de l'Amérique du Nord ; Phimocrinus
(Schultze) du àèwnkn d'Eifel ; Lageniocrinus (deKonig)
du carbonifère de Belgique ; Ëdiocrinus (Hall) du silu-
rien supérieur et du dévonien de l'Amérique du Nord
(V. Crinoïdes). E. Trouessart.
eu PRESS US. I. Botanique (V. Cyprès).
IL Paléontologie (V. Conifères).
eUPRlTE (Miner.). Cet oxyde de cuivre (Cu^O) est
abondant dans la nature. Il est cubique, les formes domi-
nantes sont p (Cornwall, etc.), a^b^ (Chessy [Rhône]). Ch-
vage a^ parfois net. La cuprite est rouge cochenille et
possède un éclat métallique net. Elle est parfois transpa-
rente : son indice de réfraction est plus élevé que celui du
diamant, il s'élève à 2.849. Poussière rouge brique. Densité,
5,7 à 6. Dureté, 3,5 à 4. Les plus beaux cristaux connus se
trouvent à Chessy (Rhône), isolés au miheu d'une argile
ferrugineuse : ils sont toujours recouverts d'une mince
couche de malachite terreuse. Une variété rouge brique de
Sibérie a été quelquefois désignée sous le nom de Ziguelerz
(Zigueline do Rendant). La cuprite accompagne le cuivre
Cupressocrinus crassus.
CUPRITE -=» CURAGE
^ 630 -^
natif dans un très grand nombre de gisements (Cornouailles,
Chili, Bolivie, etc.). Elle constitue un excellent minerai de
cuivre. Kenngott a décrit sous le nom de chalcotrichite
(tpiVvtQv, petit poil), des cristaux aciculaires rouge rubis
de cuprite. Ils sont constitués par des cubes, allongés
dans la direction de l'un des axes quaternaires. A. L.
CUPRO-Mânganèse (Métall.) (V. Alliage).
CUPULE (Bot.), Divex^s organes peuvent offrir la forme
de cupule ou de coupe; tel est Tinvolucre du gland du
chêne, et en général du fruit des Juglandées. Ces invo-
lucres résultent de la concrescence de plusieurs folioles.
Certains calices épigynes, certains arillos, peuvent encore
affecter cette forme. D^' L, Hn.
€UPULIFÈRES (Bot.) (V. Castanéâcées) .
CUQ. Com. du dép. du Lot-et-Garonne, arr. d'Agon,
cant. d'Astaffort; 470 hab.
CUQ-LÈs-ViELMUR. Com. du dép. du Tarn, arr, de
Castres, cant. de Vielmur, à 2 kil, de FAgout; 654 hab.
L'église paroissiale, dédiée à saint Etienne, a été construite
en 4658. Il ne reste plus que des ruines de l'ancien châ-
teau de Cuq, bâti au xni® siècle ; les deux tours qui flan-
quent encore le corps de bâtiment sont hautes l'une de 41
et l'autre de 43 m. A Saint-Martin, église paroissiale
moderne. Pierre de Lalande, collaborateur de Cassini pour
la confection de la carte de la France, publiée en 4773,
avait choisi cette église comme point de repère. Les pay-
sans le prirent pour un sorcier et l'accablèrent de coups de
pierres. Laissé pour mort, il ne se remit que dans la nuit et
c'est avec peine qu'il regagna le village de Yielmur. C. C.
CUQ-TouLZA. Ch.-l. de cant. du dép. du Tarn, arr. de
Lavaur, sur le Girou; 4,121 hab. Cette commune possé-
dait autrefois un château fort dont il est plusieurs fois
question dans la guerre des Albigeois. Il fut détruit, en
4622, et il n'en reste que des ruines sans intérêt. A l'E.
de Cuq-Toulza, sur la rive droite du Girou, est le château
de Bonnac qui fut pris, en 4625, par le maréchal de Thé-
mines. L'église paroissiale a été bâtie en 1753, C. C,
CUQ (Edouard), jurisconsulte français, né le 44déc. 4850.
Après avoir fait ses études de droit à Paris et à Bordeaux,
il fut attaché en qualité d'agrégé à la faculté de droit de
Bordeaux, et y a plus spécialement enseigné le droit romain.
C'est ainsi qu'il a été chargé du cours de Pandectes jus-
qu'en 4885 et qu'il y est devenu professeur titulaire d'une
chaire de droit romain depuis 4880. Ancien membre de
l'école française de Rome, M. Cuq a eu le rare et important
mérite d'avoir un des premiers par ses travaux montré
tout ce que la science historique du droit peut tirer de
i'épigraphie. Nous relevons notamment parmi les publica-
tions qu'on lui doit les travaux suivants : Etudes d'épi-
graphie juridique (24® fascicule de la Bibliothèque des
écoles françaises d'Athènes et de Rome^ 4881) ; les
Juges plébéiens de la colonie de Narbonne (4884); le
Conseil des empereurs^ d'Auguste à Dioclétien (ex-
trait des Mémoires des savants étrangers^ pubhés par
l'Académie des inscriptions et belles-lettres, 1884, t. IX,
2® partie) ; le Mariage de Vespasien d'après Suétone
(1885); De la 'Nature des crimes imputés aux chré-
tiens d'après Tacite (1886); Recherches historiques
sur le testament per ces et libram (1886). On doit aussi
à M. Cuq un travail sur les Obligations naturelles (1874),
et un autre sur VEdit publicien (1877) et divers articles
dans la Revue critique d'histoire et de littérature,
GUQUERON. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, arr.
d'Oloron-Sainte-Marie, cant. de Monein ; 257 hab.
GUQUET (Pedro), peintre, né à Barcelone en 1594,
mort en 4666.11 a laissé quelques tableaux d'histoire bien
composés et une série de Scènes de la vie de saint Fran-
çois d'Assise dans le cloître des franciscains de Barcelone ;
malheureusement ces compositions ont été défigurées par
des restaurations maladroites.
CURA. Yille du Venezuela, cap. de l'État de Guzman
Blanco, au S. du lac de Valencia, à 520 m. d'alt.; 44,644
hab. (en 4883). Située sur la route de l'Apure, elle a une
réelle importance commerciale, notamment comme morché
du coton.
CURAC. Com. du dép. de la Charente, arr. de Bar-
bezieux, cant. de Chalais ; 254 hab.
CURAÇAO. L'une des petites Antilles à l'O. du groupe
Sous-le-Vent (V. Antilles). C'est une île beaucoup plus
longue que large, qui fait face à la côte du Venezuela et à
la presqu'île de Paraguana ; elle est légèrement ondulée
(le point culminant au N,-0. à 365 m. d'alt.), mais mal
arrosée. Sa côte sud possède un bon port, presque entiè-
rement abrité, et qui communique avec la mer par un
chenal. Willemstad, la capitale, est bâtie sur ce chenal;
le mouvement de la navigation et du commerce y est
important; sa population est d'environ 4,000 hab. ; celle
de l'île d'environ 2,600 hab. — Curaçao, découverte en
4499, fut occupée par les Espagnols à partir de 4527,
puis par les Hollandais à partir de 4534. Pendant les
guerres de la République et de l'Empire, les Anglais la
prirent, une première fois après la paix d'Amiens, une
seconde fois après cotte paîx ; ils la restituèrent définitive^
ment en 1844. Curaçao est la plus importante possession
des Hollandais aux Antilles ; c'est de cette île que se tire
l'écorce d'orange avec laquelle se fabrique la liqueur dite
curaçao. Les îles voisines d'Oruba, à l'O., et de Buen
Ayre ou Bonaire à l'E., ainsi que les îlots d'Aves et le
petit Curaçao, relèvent de Curaçao. J. G.
CURAÇAO (Pharm.). Le curaçao est un alcoolé sucré
qu'on prépare à l'aide des écorces vertes de l'orange amère
ou bigarade, auxquelles on a donné le nom de curaçao ; les
véritables écorces dites curaçao sont jaunes et viennent de
l'île hollandaise de ce nom, l'une des Antilles. La prépa-
ration du ratafia d'écorces d'oranges amères ou curaçao
a été décrite au mot Alcoolé, t. Il, p. 47. Cette prépa-
ration est fort agréable ; c'est plutôt une liqueur de table
qu'un médicament. Parfois on y ajoute un peu de bois de
Fernambouc ; elle jouit alors de la propriété de rougir à
l'air; il suffit même, pour produire ce phénomène, d'une
addition d'eau ordinaire, l'oxygène tenu en dissolution
dans l'eau déterminant l'oxydation. Ed. Bourgoin.
CURADO (Joaquim-Xavier), comte de Sâm-JoAo dâs
Duâs-Barrâs, général brésilien, né à Jaraguà (Goyaz), le
4^^ mars 4743, mort à Rio de Janeiro le 15 sept. 4830.
Il s'enrôla dans l'armée en 4764, et reçut peu après le grade
de sous-lieutenant. De 4767 à 4777, il se signala dans les
campagnes du Rio Grande du Sud contre les Espagnols et y
gagna les grades de lieutenant, capitaine et major. Lieute-
nant-colonel en 4798 et chargé de dépêches pour le gou-
vernement de la métropole, il fut fait prisonnier par un
navire français, mais, arrivé en Europe, il réussit à échapper
et à se rendre à Lisbonne. Nommé colonel en 1800, il oc-
cupa de 1800 à 1805, le poste de gouverneur de Santa
Catharina (Brésil), fut promu général de brigade en 1808, et
rempht une mission politique auprès des gouvernements
de Buenos Aires et de Montevideo. En 1810, il reçut le grade
de maréchal de camp et le commandement d'une division de
l'armée brésilienne d'observation sur les frontières de
l'Uruguay. A la tête de cette division, il fit les campagnes
de 1811 et 4842 dans l'Uruguay. Pendant les campagnes
de 4816 à 1820, déjà lieutenant général, il commanda
l'armée brésilienne du Suai'ahim, contre les Uruguayens
du général Artigas, remporta une brillante victoire à la
bataille de Catalan (V. ce nom), dégagea entièrement le
territoire brésilien envahi par l'ennemi; en 1848, pénétra
dans la Banda orientale de l'Uruguay et s'établit dans le
Rincon de las Gallinas, d'où il envo^^a des expéditions qui
contribuèrent, par des victoires successives, à l'anéantis-
sement du pouvoir militaire d' Artigas. Rentré à Rio de
Janeiro, il commanda les troupes brésihennes qui forcèrent
en 4822 le général portugais Avillez à s'embarquer pour
l'Europe. Depuis lors il a vécu retiré à Rio jusqu'à sa
mort. Son tombeau au cimetière de Saint-François de Paul,
à Rio, a été construit aux frais de l'empereur D. Pedro II.
CURAGE (Cours d'eau). Lorsqu'il s'agit de déblayer
— 631 —
CURAGE - CURARE
le lit d'une rivière navigable, on emploie ordinairement
l'expression dragage (V. ce mot). Quand il s'agit d'un
cours d'eau non navigable, le mot curage est plus usité.
Nous ne nous occuperons ici que de ce dernier cas, les
dragages dans les rivières navigables incombant à l'admi-
nistration et ne pouvant donner lieu à aucune difficulté
avec les riverains. Dans beaucoup de départements,
d'anciens règlements ou l'usage local obligent chaque rive-
rain à curer la moitié de la largeur du cours d'eau, au
droit de sa propriété, un arrêté du préfet ordonne aux
retardataires d'opérer dans un délai déterminé, à défaut
de quoi Ton procède d'office à leurs frais. Le montant des
rôles, après l'approbation du préfet, est recouvré comme
en matière de contributions directes. Comme il importe de
payer les ouvriers sans délai, plusieurs conseils généraux
ouvrent un crédit pour les travaux d'intérêt général à
exécuter aux frais des particuliers, et l'on impute sur ce
crédit les dépenses de curage ; le département rentre dans
ses avances après le recouvrement.
L'arrêté du préfet est ordinairement précédé de publi-
cations et d'une enquête, même si les usages locaux n'en
prescrivent pas. Les usages peuvent comporter une réparti-
tion de la dépense autre que le curage au droit de soi;
l'intervention de l'autorité publique est alors presque
indispensable à défaut de syndicat, soit que l'usage local
n'en comporte pas, soit qu'aucune initiative n'ait été prise
pouren former un, soit enfin qu'il existe un syndicat, mais
qu'il ne fonctionne pas régulièrement. Les anciens règle-
ments résultent d'arrêts de l'ancien conseil d'Etat ou des
parlements, ou d'ordonnances des intendants, ou d'autres
actes de l'autorité publique ou de ses délégués antérieurs
à la loi du 14 floréal an XL Les usages locaux doivent
être constatés par des documents authentiques, ou du
moins ne peuvent être suffisamment justifiés par une
seule opération de curage, même antérieure à l'an XI
(conseil d'Etat, 15 mai 1857, affaire Robert). Les ar-
rêtés des préfets doivent être pris sur les propositions des
ingénieurs des ponts et chaussées, dont les attributions
comportent ces sortes d'affaires aux termes du décret du
8 mai 1861. C'est d'ailleurs avec raison que l'autorité
locale est appelée à intervenir dans l'exécution, d'après le
type d'arrêté en usage, car il en résulte généralement une
simplification bien nécessaire quand il s'agit de travaux
aussi minutieux, nécessitant Faction simultanée d'un si
grand nombre d'intéressés. Quand les anciens règlements
prescrivent la constitution d'une association syndicale, ou
s'il est nécessaire de faire autre chose qu'un curage à
vieux fonds et à vieux bords (par exemple des rectifications
entraînant des expropriations), la procédure rapide dont il
vient d'être parlé n'est plus applicable. Autrefois, il fallait
toujours recourir à l'art. 2 de la loi du 14 floréal an
XI ; mais aujourd'hui l'on doit d'abord procéder en vue de
la formation d'associations libres ou autorisées, confor-
mément à la loi du M juin 1865. Aux termes de l'art. 26
de cette loi, les lois des 16 sept. 1807 et 14 floréal an XI
redeviennent apphcables dans le cas dont il s'agit lors-
qu'on n'arrive pas à cette formation, si l'intérêt public
est réellement engagé. Si la formation d'un syndicat n'est
poursuivie que pour le curage à vieux fonds et à vieux
bords, il suffit, pour satisfaire aux prescriptions de l'art.
10 de la loi de 1865, de soumettre à l'enquête le plan
des terrains intéressés, l'état des propriétaires des diverses
parcelles et le projet d'association; on marque sur le
plan, pour le cours d'eau et ses aflluents, les limites des
inondations, qui sont en même temps le périmètre de l'as-
sociation, et les parties des cours d'eau à curer.
L'administration a préparé pour le curage des cours
d'eau non navigables ni flottables une formule, type de
projet d'association syndicale, qu'on trouvera dans les
recueils spéciaux ou dans les bureaux des ingénieurs et
dans ceux des préfectures. Il sera donc toujours facile de
mettre en marche une affaire de ce genre, quand un ou
plusieurs propriétaires voudront prendre l'initiative; la
formule-type est claire et précise, et il suffira de s'y con-
former exactement pour administrer une association d'une
manière profitable à tous les intérêts. Autrefois, il fallait
que toutes les délibérations du syndicat fussent approuvées
par le préfet (V. le décret du 7 nov. 1865 relatif à
l'Essonne) ; mais la formule-type actuelle, que l'approba-
tion du préfet transformera en acte officiel d'association,
ne contient aucune clause restrictive de l'exécution des
délibérations du syndicat ; l'administration a pensé que le
contrôle de l'assemblée générale offrait des garanties suf-
fisantes aux associés. Quand il y a des travaux importants
à faire, nécessitant une déclaration préalable d*utilité pu-
blique, de nouvelles garanties se trouvent dans l'examen
de l'affaire en conseil général des ponts et chaussées et dans
l'approbation des projets par le ministre. Tout cela est
bien conforme à l'esprit libéral de la loi du 21 juin 1865,
d'après laquelle les intérêts des syndiqués continuent à
jouir de l'aide de l'administration, sans que cette aide soit
accompagnée de formahtés minutieuses et continuelles, de
nature à entraver le développement des sociétés. M.-C. L.
Curage des puits (V. Puits).
BiBL. : De Lalande, Annales du régime des eaux;
Paris, 1888-1889. — De Cossigny, Hydraulique agricole ;
Paris, 1889> gr. in-8, dans VEncyclopédiô des Travaux
publics.
CURARÂY (Rio). Rivière de l'Equateur, affluent du
Napo ; 600 kil. dont 200 navigables ; sables aurifères.
CURARE. I. Chimie. — Le curare est un poison préparé
par les Indiens de l'Amérique du Sud pour empoisonner
les flèches. Il est fabriqué avec divers Strychnos (V. ce
mot), notamment le Strychnos toxifera Benth. qu'on
rencontre sur les bords de l'Orénoque, chez les Indiens
Pixoras. On râpe les écorces de cette liane, on les fait
bouillir pendant quatre heures, on passe et on concentre
le liquide filtré, jusqu'en consistance de miel. On l'expédie
en Europe dans de petites calebasses. Il est alors sous forme
d*un extrait noir, sofide, d'aspect résineux ; sa saveur est
très amère. Tandis que l'éther ne lui enlève qu'un peu de
matière grasse, l'eau et l'alcool le dissolvent en partie. La
solution aqueuse est acide, amère, d'un rouge foncé : elle
donne avec le tanin un précipité blanc jaunâtre, soluble
dans l'alcool et dans les acides, propriété due à la pré-
sence d'un alcaloïde toxique, la curarine. Le curare est
formé de curarine, d'une matière grasse, d'un principe
colorant rouge et de matières résineuses ; il laisse à l'inci-
nération des cendres silico-argileuses. Sa nature, ses pro-
priétés physiques, ainsi que sa puissance toxique, varient du
reste suivant sa provenance (V. Curarine) . Ed. Bourgoïn.
IL Physiologie et Thérapeutique. — Le curare et son
principe actif la curarine sont actuellement parmi les mieux
connus des poisons (V. surtout les beaux travaux des phy-
siologistes français Claude Bernard et Vulpian). Son action
toxique est connue depuis que l'existence même du curare
a été révélée : on lira avec intérêt les relations des anciens
observateurs sur ce point ; je renverrai en particulier à la
relation de La Condamine, relative au curare des Indiens
Ticunas (Histoire de VAcad, roy, des Sciences, 1745,
p. 489 des Mémoires), et à une note de Réaumur(iM.,
1747, p. 54 de V Histoire), Mais le mode réel d'action de.
ce poison violent, si violent qu'au début des expériences de
Cl . Bernard on recommandait de ne point toucher même
au curare de peur d'empoisonnement, n'a été révélé que
récemment. On savait qu'il tue, mais non le quomodo de
son action. On savait que la mort survient assez rapide-
ment, sans convulsions, et par une asphyxie lente précédée
d'un affaiblissement musculaire ; on savait encore que le
curare peut, à petites doses, être avalé impunément, mais
que son introduction dans une plaie ou dans le sang est
fatale. Cl. Bernard a montré que le curare est un poison
non des muscles ou des nerfs, car les nerfs sensitifs con-
servent leurs fonctions, et les muscles restent directement
excitables, mais des terminaisons des nerfs dans les plaques
motrices des muscles ; le curare opère pour ainsi dire la
séparation des nerfs et des muscles, et les premiers ne
CURARE — CURATELLE
6^2
peuvent plus agir sur les derniers. En effet, l'expérience
suivante de Claude Bernard ne semble guère pouvoir être
interprétée autrement. Dans deux verres de montre, il met
un peu d'une solution de curare, dans Fun plonge un
tronc nerveux attenant à son muscle; dans l'autre, un
muscle, son nerf demeurant en dehors. L'excitation du nerf
plonge dans le curare produit une contraction, celle du nerf
attenant au muscle plongé dans le curare n'en produit point.
Une autre expérience indique la même conclusion. On prend
une grenouille qu'on curarise après avoir opéré la ligature
en mas-se (à l'exception du nerf sciatique) d'une des pattes de
derrière, de façon à empêcher le sang de pénétrer avec le
poison dans celle-ci. Au bout de quelque temps on excite
les deux sciatiques, le muscle ne réagit que du côté ligaturé,
alors qu'il réagit du côté intoxiqué quand on l'excite direc-
tement. Cette action particulière du curare ne lui est point
spéciale, et Rabuteau a pu dire qu'il existe un nombre infini
de curarisants, mais le curare demeure le type des poisons
qui portent ce nom. Cette action sur les plaques motrices
est le phénomène principal, essentiel, par lequel peuvent
s'expliquer tous les symptômes observés. A doses élevées
pourtant, le curare semble toucher les nerfs sensitifs ; il
n'agit pas ou agit très peu sur les muscles mêmes, il para-
lyse les vaso-moteurs, et l'action inhibitrice du nerf vague,
et il tue par la paralysie des muscles respiratoires. L'as-
phyxie déterminée par cette paralysie entraine parfois des
convulsions, mais celles-ci sont secondaires; elles sont
d'ailleurs rares, en raison de la paralysie de tous les muscles
moteurs. Le curare s'élimine rapidement par les urines,
et si on pratique la respiration artificielle, on peut souvent
espérer sauver les animaux qui ont été empoisonnés. J'ai
déjà dit que pour être efficace, il faut qu'il soit injecté dans
la peau ou dans le sang. Il n'agit pas sur le sang même,
et si on a trouvé celui-ci plus riche en CO^ et plus pauvre
en oxygène, cela tient à l'asphyxie commençante.
Au point de vue thérapeutique, le curare n'est point em-
ployé. On a cru pouvoir l'utiliser contre le tétanos, mais
sans succès réel ; et d'ailleurs, tout au plus peut-il mas-
quer les symptômes, il n'a pas d'action sur les centres
nerveux. C'est pourquoi il ne peut non plus être d'une effi-
cacité réelle dans l'epilepsie, la rage et les autres affec-
tions à manifestations convulsives. En cas d'empoisonne-
ment, sucer la plaie ; lier le membre si possible au-dessus
de celle-ci ; pousser à la diurèse, et si les symptômes d'em-
poisonnement se manifestent, recourir à la respiration
artificielle. Le curare n'exerce son action particulière que
sur les muscles striés ; encore n'est-il pas sûr qu'il agisse
sur ceux des invertébrés comme sur ceux des vertébrés ; il
n'agit pas sur les fibres Usses, bien qu'il tue, par un mé-
canisme encore inconnu, les invertébrés pourvus de fibres
lisses seulement. Couty a pourtant cru trouver un curare
qui agit sur celles-ci ; mais le fait veut être confirmé.
CURARINE (Chim.). Le principe actif du curare est la
curarine, alcaloïde encore assez mal connu, que Proycr
prépare de la manière suivante : on traite le curare par
l'alcool bouillant, on évapore le liquide filtré, on reprend
le résidu par l'eau et on précipite la liqueur aqueuse par
le chlorure mercurique ; en décomposant le sel mercurique
par l'hydrogène sulfuré, il se forme du chlorhydrate de
curarine, qu'on peut obtenir cristallisé. La base libre est
une masse jaunâtre, déliquescente, très soluble dans l'eau
et dans l'alcool, insoluble dans l'éther ; elle est très
amère et possède une réaction alcaline. Lorsqu'on la
chauffe graduellement, elle se charbonneet fournit d'abon-
dantes vapeurs. L'acide azotique et l'acide sulfurique la
colorent en rouge ; avec les agents d'oxydation, en pré-
sence de l'acide sulfurique, elle donne la coloration bleue-
violette de la strychnine; le mélange chromique, par exemple,
produit une coloration intense, non persistante. En ajou-
tant à sa solution aqueuse un soluté concentré de dichro-
mate de potassium, il se précipite un chromate incristalli-
sable, tandis que celui de strychnine cristallise facilement.
L'iodure de potassium ioduré, le platinocyanure ne four-
nissent que des précipités amorphes, incristallisables,
solubles dans l'alcool. La curarine se distingue donc de la
strychnine non seulement par ses propriétés physiologiques,
mais encore par l'ensemble de ses propriétés physico-chi-
miques. Preyer lui attribue la formule C^'^H^^Âz, tandis
que Sachs a déduit de l'analyse du picrate la formule
Q3Gfj35i^2. La difficulté d'étabhr sa composition tient à ce
qu'elle est amorphe et que ses sels sont incristalhsables.
Il est vrai que Preyer a annoncé l'existence du sel chlo-
rhydrate cristallisé, mais ces cristaux n'ont jamais été
obtenus que par lui. Ed. Bourg oin.
BiBL. : BoussiNGAULT et HouLiN, An. ch. et phys.,
t.XXXIX, 21. — Flûckiger, Soc. ch.^ t. XX, 309. — Pelle-
TiER et Petroz, Ann. ch. et phys.., t. XL, 213. — Preyer,
Compte rend..) LX, 1346. — Salomon, Zeits. analyt. ch.,
t. X, 451. — ViLLiERS, Journ. ph. et ch.., t. XL
CURATELLE {Curatella L.) (Bot.). Genre de plantes
de la famille des Dilléniacées, composé d'arbustes grim-
pants remarquables par leurs feuilles alternes, chargées
d'un grand nombre de concrétions sihceuses « qui résistent
à tous les acides, sauf à l'acide fluorhydrique » (V. H.
Bâillon, tiist. des PL, I, p. 427, et Dici. encycL des Se.
•méd,, de Dechambre, 1^^ sér., t. XXÏV, p. 430). Les
fleurs sont tétramères ou pentamères, avec des étamines
nombreuses. L'ovaire devient, à la maturité, un fruit sec,
renfermant une ou deux graines arillées. — Les Curatelles
habitent les régions tropicales de l'Amérique. Le C. ame-
ricana L. ou Acajou bâtard croît au Brésil où on l'appelle
vulgairement Cambaïba, Son écorce, douée de propriétés
astringentes, est fort usitée, en décoction, pour détergcr les
plaies et les ulcères. On l'emploie également pour le tan-
nage des peaux. Les naturels se servent des feuilles à la
manière du papier de verre, pour polir leurs ustensiles de
bois (arcs, flèches, massues, vases, etc.). Ed. Lef.
CURATELLE. I. Droit romain. — La curatelle est, à
Rome, destinée, comme la tutelle, à assurer la surveillance de
la personne et des biens d'un 5MZ jwm et cependant elle est
opposée à la tutelle en partant d'un principe que les sources
n'indiquent pas et sur lequel les interprètes sont en dés-
accord. Selon la doctrine la plus répandue, le critérium
serait que la tutelle seule suppose une personnalité incom-
plète que le tuteur est appelé à compléter par son aucto-
ritas ; suivant un autre système, la tutelle s'appliquerait
exclusivement aux sui jt^rù normalement exclus de l'armée
par leur âge et par leur sexe et par conséquent considérés
comme essentiellement dépourvus de la force matérielle
nécessaire à l'exercice du droit. Les deux opinions doivent
au reste reconnaître que le principe de la distinction a été
obscurci par le développement du droit. Ce qu'il y a de
certain, c'est que Vauctoritas est une institution propre
à la tutelle et étrangère à la curatelle, et que la tutelle n'a
jamais fonctionné que pour les femmes et les impubères,
tandis que la curatelle intervient dans les circonstances
les plus multiples. Nous ne citerons que ses principales
appHca tiens sans viser à une énumération complète.
Curatelle du fou. — La loi des Douze Tables mettait
le furiosus sous la curatelle desesagnatset,àleur défaut,
de ses gentils, et, quoique on le méconnaisse souvent, il
est probable que cette disposition s'entendait non seulement
du furiosus au sens étroit, du fou à intervalles lucides,
mais de l'aliéné atteint de folie continue, du mente captus.
Toute la différence était que, l'incapacité du fou se mode-
lant sur la nature et n'existant que tant que durait la
folie, le rôle des curateurs était soumis aux mêmes inter-
mittences pour le furiosus et ne l'était pas pour le me7ite
captus. Aux termes mêmes des Douze Tables, les curateurs
du fou avaient, contrairement à ce qui exista peut-être plus
tard, la garde de sa personne et il est très vraisemblable
qu'on leur reconnaissait le pouvoir d'ahéner valablement,
par les modes civils, alors seuls en vigueur, les biens de
l'individu en curatelle. Les actions en destitution et en
répression de l'infidélité établies contre les tuteurs par les
Douze Tables ne s'appliquaient même point à eux. Mais cette
première curatelle des aliénés, établie comme les anciennes
633
CURATELLE
tutelles dans l'intérêt de la famille et non pas dans celui de
l'incapable, n'existait qu'autant qu'il y a^ait des parents légi-
times. S'il n'y en avait pas, le fou restait primitivement
sans curateur. Plus tard, à une date incertaine mais certai-
nement postérieure à celle où la tutelle dative fut créée par
la loi Atilia, on admit que, s'il n'y avait pas de parents ou
s'ils étaient impropres à la curatelle, le magistrat nommerait
un curateur, qui devait également veiller sur la personne
et les biens de l'aliéné, mais qui n'avait sans doute pas le
pouvoir d'aliéner les biens de l'aliéné par les modes civils,
qui ne pouvait en disposer que par les modes de droit des
gens dans la mesure où ces derniers admettaient une repré-
sentation. Les deux catégories de curateurs eurent leurs
pouvoirs restreints dans la même mesure que les tuteurs,
par Voratio Severi de l'an 195 ap. J.-C. qui défendit aux
tuteurs et aux curateurs d'aliéner sans l'autorisation du
magistrat les prœdia rustica vel stiburbana, et par les
constitutions de Constantin et de Justinien qui vinrent
étendre ses prohibitions. Dès une époque antérieure à
Voratio Severi, le droit impérial avait admis, entre les per-
sonnes en curatelle et leurs curateurs, des actions nego-
tiorum gestorum utiles en reddition de compte et en
indemnité des frais occasionnés par la curatelle.
Curatelle du prodigue. — La loi des Douze Tables, qui
ne faisait même par là que ratifier un droit préexistant,
décidait également que le prodigue, qui dissipait les biens
hérités par lui ab intestat de ses ascendants, serait frappé
d'interdiction par le magistrat et serait mis sous la curatelle
des agnats et des gentils. A côté de cette curatelle qui,
comme celle du fou, n'existait que dans l'intérêt de la famille
légitime en tant c[u'il y en avait une et qui, selon certains,
ne se serait appliquée qu'aux biens laissés ab intestat par
le père, on trouve à l'époque classique des curateurs donnés
par le magistrat aux prodigues qui sont en dehors de ses
conditions, par exemple aux prodigues affranchis ou aux
prodigues ingénus qui tiennent leurs biens d'une autre
source. L'opinion dominante admet que les deux catégories
de curatelles sont soumises aux mêmes règles. Cependant
il a été soutenu récemment, par des arguments sérieux,
que la première seule supposerait un jugement d'inter-
diction et durerait jusqu'à un jugement contraire de main-
levée, tandis que l'autre, seule comparée par les Romains
à la curatelle du fou, ne comporterait ni interdiction ni
mainlevée, mais uniquement la nomination du curateur.
On va jusqu'à dire avec plus de logique que de vraisem-
blance, que les pouvoirs du second cesseraient de plein droit,
comme ceux du curateur du fou auquel il correspond, par
la cessation des circonstances qui ont motivé sa nomination.
En tout cas, quel qu'ait pu être le point de départ, il nous
paraît bien difficile d'admettre que les règles sur la capa-
cité du prodigue et sur les pouvoirs du curateur n'aient pas
été partout les mêmes à l'époque du plein développement
du droit. Le prodigue peut, à cette époque, faire seul sa
condition meilleure, c.-à-d. acquérir, devenir créancier, se
libérer d'une obligation ou d'une charge réelle. Mais il ne
peut faire sa condition pire, c.-à-d. aliéner, s'obliger,
renoncer à une créance ou à un droit réel. Il ne peut non
plus tester. C'est le curateur qui a l'administration de son
patrimoine et il est soumis aux dispositions de Voratio
Severi et des textes postérieurs ; de même les actions nego-
tiorum gestorum utiles existent respectivement entre lui
et le prodigue. — Il n'y a aucun texte qui justifie la doctrine
soutenue par quelques interprètes et tirée d'une analogie
trompeuse avec la curatelle des mineurs de vingt-cinq ans,
selon laquelle le prodigue pourrait valablement procéder
aux actes qui font sa condition pire avec le consensus de
son curateur.
Curatelle du mineur de vingt-cinq ans. — Tandis que
la curatelle du fou et celle du prodigue remontent par leur
principe à la loi des Douze Tables, celle du mineur de
vingt-cinq ans, c.-à-d. de l'individu âgé de moins de
vingt-cinq ans, est inconnue au plus ancien droit, où la
femme reste toute sa vie en tutelle et où l'homme devient
pleinemeiit capable à sa puberté, d'ailleurs placée alors à
une date plus ou moins précoce. La première restriction
vient d'une loi Plœtoria rendue, d'après les allusions qu'y
fait le théâtre de Plaute, vers l'an 562 ou 563. Cette loi,
qui érigea en délit la circumscriptio des mineurs de
vingt-cinq ans, permit probablement à raison du délit qu'elle
visait, deux poursuites : une poursuite publique qui pouvait
être intentée par le premier venu contre le coupable, et
une poursuite privée, intentée par la victime en restitution
du préjudice ou peut-être plutôt d'un multiple de ce pré-
judice, qu'un texte récemment découvert, le fragmentum
de formula Fabiana , nous apprend pouvoir , le cas
échéant, être intentée sous forme d'action noxale et qui a
été remplacée plus ou moins absolument dans le droit
nouveau par une exception. La même loi permettait, paraît-il,
au mineur de demander au magistrat de lui nommer un
curateur. La question de savoir si ce curateur était un
curateur spécial (relatif exclusivement à l'acte à conclure)
ou un curateur général (chargé de l'administration de tout
le patrimoine du mineur) est contestée par suite de l'anti-
monie d'un texte «de Capitolin {Yita Marci, 8), qui paraît
exclure la curatelle générale avant Marc-Aurèle et d'un
texte de Modestin (D. i, 7, fr. 8), qui semble impliquer son
existence à une époque antérieure. Celle de savoir si le
concours du curateur exclut les poursuites fondées sur la
circumscriptio est également controversée, mais l'est au
contraire par suite de l'absence de textes. La réponse né-
gative est cependant plutôt favorisée par l'observation que
le concours du curateur n'empêche pas l'application d'une
autre institution introduite, dans l'intérêt des mineurs, par
le droit prétorien avant la fin de la République, de la
restitutio in integrum ob œtatem. En vertu de cette
institution, dont le domaine est plus large que celui de la
loi Plaetoria, car elle protège non seulement les mineurs qui
ont été victimes de manœuvres frauduleuses (circum-
scripii), mais ceux qui ont, sans la faute de personne, été
victimes de leur inexpérience (lœsi)^ le préteur, après
examen de faits, remet sur la demande du mineur les choses
dans l'état où elles auraient été si l'acte attaqué n'avait pas
eu lieu. Il faut d'ailleurs remarquer que cette institution
prétorienne qui, jure prœtorio, influe essentiellement sur
la capacité du mineur, n'influe pas sur les règles de la cura-
telle, ni ne tranche la question de savoir si la curatelle
pourra être générale. Au contraire, selon le texte précité
de Capitohn, Marc-Aurèle aurait décidé que les mineurs de
vingt-cinq ans pourraient désormais demander aux ma-
gistrats de leur nommer des curateurs généraux. La de-
mande dépendait de la volonté des mineurs. Mais la règle
s'étabht que le tuteur pouvait refuser au mineur sorti de
tutelle de lui rendre son compte, que son débiteur pouvait
refuser au mineur de le payer, que l'individu poursuivi par
lui pouvait refuser de plaider tant qu'il n'avait pas de
curateur. Et ces causes ajoutées à d'autres moins directes
ont fait qu'à partir d'une certaine époque la plupart des
mineurs ayant un patrimoine propre se sont trouvés sous la
curatelle générale de curateurs qui administraient leur
fortune à leur place. On peut relever dans la langue un
symptôme caractéristique de la transformation qui s'était
opérée de la fin de la République à l'époque des Sévères ;
c'est la différence de terminologie de l'édit du préteur sur
IdL restitutio in integrum, qui suppose un acte fait par le
mineur, et de Voratio Severi, qui suppose le curateur à la
tête du patrimoine comme le tuteur est à celle du patri-
moine du pupille et qui soumet son pouvoir d'aliéner aux
mêmes restrictions.
Dans cette période, le curateur administre les biens du
mineur par voie de negotiorum gestio, comme le tuteur
administre ceux du pupille, avec les mêmes pouvoirs et les
mêmes garanties. Mais, de même qu'au lieu d'agir seul,
le tuteur peut faire agir le pupille sorti de Vinfantia avec
son auctoritas, le mineur peut agir avec le concours de
son curateur, avec son consensus. Dans le principe, ce con'
sensus n'était qu'un acte de pur fait, qui n'excluait pro-
CURATELLE
_ 684
babîement pas l'application dé la loi Plsetoria, qui n'excluait
certainement pas celle de la restitutio in integrum, et qui,
précisément parce qu'il n'avait aucune valeur juridique,
pouvait intervenir dans n'importe quelles lormes, à un
moment quelconque, avant ou après l'acte ; mais on l'a de
plus en plus assimilé à Vcmctoritas iutoris^ à mesure
que le mineur en curatelle a été plus considéré comme un
incapable analogue au pupille en tutelle. Dans le dernier
état du droit, le mineur en curatelle peut, comme le pu-
pille, comme le prodigue, rendre seul sa condition meil-
leure ; mais il ne peut la rendre pire qu'avec le consensus
curatoris ; comme le pupille, comme le prodigue, il est
civilement incapable d'aliéner ou de s'obliger, et les alié-
nations ou les obligations auxquelles il a procédé seul peuvent
être attaquées de son chef, non plus seulement lorsqu'il a
été trompé, comme le permettait la loi Plsetoria, ou quand
les conditions lui en étaient préjudiciables, comme le per-
mettait l'édit du préteur sur la restitutio in integrum,
mais par ce simple fait qu'il y a procédé seul, en vertu de
son incapacité, du moment qu'il y a un intérêt quelconque,
quand par exemple un événement fortuitrpostérieur rendra
préjudiciable une opération faite dans le principe à des
conditions avantageuses. Ce régime est déjà attesté par
une constitution de Dioctétien de Fan 293. Mais on admet
souvent que la capacité civile du mineur en curatelle serait
encore reconnue par un texte de Modestin (D. 45, d , fr. d 04),
selon lequel pubères sine curatoribiis suis possunt ex
stipulatuobligari. Cependant on a proposé ingénieusement
de lever cette antinomie en remarquant que le texte ne dit
pas que le mineur sera toujours obligé par un contrat
verbal, mais qu'il peut l'être; or, il y a des contrats ver-
baux, les contrats novatoires, qui peuvent rendre sa con-
dition meilleure et auxquels il doit alors avoir la capacité de
procéder seul ainsi que c'est attesté pour le prodigue (D. 46,
2, fr. 3). Il n'y a désormais à rester capables de s'obliger
seuls que les mmmvs^suijuris ou alienijuris, qui n'ont
pas de curateurs, et qui d'ailleurs ont, jure prœtorio,
comme les mineurs en curatelles, contre les actes civile-
ment valables par lesquels ils sont lésés, la ressource de
la restitutio in integrum.
Les autres hypothèses, en général plus récentes, où
peut intervenir la curatelle, sont historiquement moins
importantes. Le droit nouveau donne au pupille un curateur
en certains cas dans la plupart desquels on nommait
anciennement un tuteur ad hoc. On peut encore citer
comme se rapportant, au moins potentiellement à une per-
sonne, le curateur au ventre, qui peut être nommé par le
magistrat à un enfant simplement conçu, lorsque cet enfant
est appelé à une succession, pour pourvoir à son entretien
sur les fonds de la succession. D'autres curatelles se rap-
portent exclusivement à des masses de biens, par exemple
aux biens d'un captif, d'une hérédité jacente, d'un dé-
biteur insolvable. Dans ces derniers cas, le curateur n'a
pas, sauf exception, l'administration ni le pouvoir d'aliéner,
mais seulement l'obligation de veiller à la conservation des
biens. P. -F. GmARo.
IL Ancien droit. — Denisart donnait de la curatelle la
définition suivante : « Curatelle est la commission donnée
à quelqu'un par la justice d'administrer les biens et
quelquefois de gouverner la personne d'autrui. » Et ce
jurisconsulte ajoutait : « Celui à qui cette commission
est attribuée se nomme curateur. » Le tuteur était donné
à la personne et le curateur aux biens seulement. Aus-
sitôt après sa nomination, le curateur devait prêter serment
devant le juge de remplir sa gestion avec conscience et fidé-
lité. Cette nomination devait être insinuée, afin de donner un
caractère de publicité à l'entrée en fonction du curateur.
Cette formalité de l'insinuation lui donnait définitivement
la capacité nécessaire pour remplir la mission qui lui avait
été confiée. Aussi, en cas de succession vacante, lorsque
deux curateurs avaient été nommés, c'était celui qui le
premier avait eu soin de recourir à l'insinuation cjui devait
être le curateur définitif. Cette question de publicité avait
été réglementée par l'édit de déc. 1703 et la déclara-
tion du 19 juil. 1704. — Curatelle du mineur. Le mineur
affranchi de la tutelle, soit par l'émancipation, soit par la
puberté, pouvait disposer de sa personne et de ses biens
meubles comme il l'entendait ; mais il n'avait que l'admi-
nistration de ses immeubles. Il était donc nécessaire de lui
donner un curateur qui devait l'assister soit lorsque ce
mineur voulait ester en jugement, soit lorsque relative-
ment à ses immeubles il se livrait à des actes excédant sa
qualité d'administrateur. La curatelle était comme la tu-
telle une charge publique, il fallait donc avoir la jouissance
de ses droits de citoyen pour pouvoir être apte à la rem-
plir. Mais il importait de ne pas confondre ceux qui ne
pouvaient exercer une charge publique et ceux qui en
étaient simplement exempts. La nomination des premiers
à une curatelle était nulle de plein droit, tandis que les
seconds, dont la nomination était au contraire valable,
avaient seulement le pouvoir de refuser cette charge. En
général, les femmes n'avaient pas la capacité imposée
pour l'exercice régulier des fonctions publiques ; cependant,
et par une juste exception, la mère ou l'aïeule du mineur
pouvait être valablement investie de la curatelle sur leurs
descendants. — Curatelle des interdits. Cette curatelle
était établie par l'autorité du juge après avoir au préalable
consulté les parents. De même que celle du mineur, la
curatelle d'un interdit était confiée à un parent. Ordinaire-
ment on choisissait l'héritier présomptif, sauf s'il y avait
des motifs valables pour prononcer son exclusion, ou s'il
pouvait invoquer des raisons légitimes d'exemption . Dans
les pays de droit écrit, le fils pouvait être curateur de son
père lorsque celui-ci avait été frappé d'interdiction. A
défaut de parent, c'est à un allié que la curatelle est attri-
buée par le juge, et enfin à défaut d'allié, c'est au plus
proche voisin capable de l'administrer. Voici en outre
d'autres cas spéciaux de curatelle que connaissait notre
ancien droit. Lorsqu'une femme se trouvait enceinte au
moment du décès de son mari, l'enfant qui n'avait pas
encore vu le jour était réputé être né pour tout ce qui pou-
vait lui être avantageux, en prévision de l'hypothèse où il
viendrait au monde vivant. Il était donc indispensable de
veiller pour lui à la conservation des droits qui pourraient
lui appartenir. Dans ce but, le juge désignait un curateur
après avoir consulté les parents. Ce curateur au ventre
avait l'administration des biens qui devaient appartenir à
l'enfant. On donnait également un curateur aux biens
vacants. Des biens devenaient tels quand nul héritier ne se
présentait pour recueillir une succession ouverte, ou quand
les héritiers avaient eux-mêmes renoncé. Comme le sei-
gneur auquel appartenait le droit de déshérence ne succé-
dait pas au défunt, à proprement parler, et qu'il ne pre-
nait l'hérédité que déduction faite des dettes et des legs
faits par le déiunt, il était nécessaire que les créanciers
pour pouvoir intenter leurs poursuites, et les légataires
pour pouvoir demander la délivrance de leurs legs,
fissent désigner à la succession vacante un curateur qui en
exerçait tous les droits, et contre lequel leurs actions
pouvaient être dirigées. Un curateur était donné également
aux biens délaissés par hypothèque, confisqués et apparte-
nant à un failli. Il s'agissait d'un propriétaire qui délais-
sait un héritage plutôt que d'acquitter les dettes dont il
était grevé. Cet héritage ne passait pas aux créanciers en
leur qualité de représentants du propriétaire ; ils s'en met-
taient en possession en vertu de droits particuliers, et ils
devaient en outre démontrer ces droits devant le juge.
Aussi comme l'ancien propriétaire qui a abandonné son
bien n'a plus aucun intérêt reletivementàce bien, il fallait
de toute nécessité faire nommer un curateur aux biens
délaissés, pour donner un légitime contradicteur à ceux
qui avaient des droits à exercer sur ces biens. Il en était de
même dans le pays où l'on avait l'habitude de confisquer
les biens d'un condamné à une peine capitale. V. Saverot.
ni . Droit actueL — Mandat analogue à la tutelle conféré
par la loi à certaines personnes pour la protection de car-
635
CURATELLE ~ CURATEUR
taines autres qui ne peuvent administrer seules leurs inté-
rêts. Mais, tandis que le tuteur agit seul, personnellement et
au nom du mineur, le curateur se borne à assister l'inca-
pable qui agit lui-même. Il y a lieu à curatelle dans un
assez grand nombre de circonstances que nous énumére-
rons seulement : les détails sur la nomination et les attri-
butions du curateur sont exposés aux mots Absence,
Aliéné, Emancipation, Interdiction, Hypothèque, Béné-
fice d'inventaire, etc.
4° La circonstance qui entraîne le plus souvent la nomi-
nation d'un curateur est l'émancipation, c.-à-d. l'affran-
chissement anticipé d'un mineur de la puissance paternelle
ou de la tutelle : le curateur sert alors d'intermédiaire
entre l'incapacité et la pleine indépendance (C. civ.,
art. 480).
2° Il doit être nommé un curateur au sourd-muet à qui
une donation est offerte, lorsqu'il ne peut manifester par
écrit son intention de l'accepter : c'est alors ce curateur
qui l'accepte en son nom (G. civ., art. 936).
3^^ D'après l'art. 38 de la loi du 30 juin 1838, il peut
être nommé un curateur à toute personne non interdite
placée dans un établissement,d'aliénés;ilapour mission de
veiller à ce que les revenus de l'aliéné soient consacrés à
adoucir son sort et à hâter sa guérison, et à ce qu'il soit
rendu au libre exercice de ses droits aussitôt que sa situa-
tion le permettra. Il ne doit pas être choisi parmi les héri-
tiers présomptifs du malade.
4° On appelle curateur au ventre celui que nomme un
conseil de famille à la femme cjui, au décès de son mari,
se déclare ou est reconnue enceinte. Sa mission est de sau-
vegarder les droits éventuels de l'enfant et d'empêcher que,
par une suppression, une supposition ou une substitution
départ^ la mère ne cherche à s'emparer de tout ou partie
de la succession de son mari, au détriment des personnes
qui y auraient droit.
5° Lorsqu'une condamnation criminelle a été prononcée
contre un individu mort dans la suite, et qu'il y a lieu de
la re viser, on nomme un curateur à sa mémoire, lequel
représente le condamné et exerce tous ses droits (C. instr.
crim., art. 447).
6" En cas d'absence d'une personne, c.-à-d. lorsqu'elle
est disparue depuis longtemps sans laisser de mandataire,
sans donner de ses nouvelles, et qu'il y a lieu de pourvoir
à l'administration de ses biens, le tribunal peut nommer
un curateur dont il fixe les pouvoirs (C. civ., art. 112).
7° Il en est de même en cas de succession vacante (811
et 812).
8<* D'après l'art. 996 du C. de procéd. civ., «les actions
intentées par l'héritier bénéficiaire contre la succession
sont intentées contre les autres héritiers ; et s'il n'y en a
pas, ou qu'elles soient intentées par tous, elles doivent
l'être contre un curateur au bénéfice (T inventaire nommé
en la même forme que le curateur à la succession vacante».
9<^ Dans le cas de substitution, les art. 1055 et 1056
du C. civ. rendent obligatoire, après le décès du disposant,
la nomination d'un tuteur ou, plus exactement, d'un cu-
rateur chargé d'assurer l'exécution de cette disposition, et
de veiller à l'observation des mesures protectrices pres-
crites par la loi.
1 0° Il y a encore lieu à nomination d'un curateur lorsque
le détenteur d'un immeuble hypothéqué, non tenu person-
nellement à la dette, le délaisse aux créanciers hypothécaires.
C'est sur ce curateur que la vente de l'immeuble est pour-
suivie (C. civ., art. 2074). ^
11° Enfin, avant que la loi des 31 mai-3 juin 1854 eût
aboli la mort civile, on nommait à l'individu frappé de cette
peine un curateur spécial qui le représentait en justice
(C. civ., art. 25, al. 6). P. Girodon.
BiBL.: Droit romain.— PERNicE,Labeo^ 1883, pp. 224-240»
— Bruns, Kleinere Schriften, 1882, II, pp. 464-473. — Baron.
Institutionen^ 1884, pp.103-104, 112-115. — Accarias, Précis
de droit romain, 1886, 1, n^^ 166-176, 4« éd. — Gérardin, Nou-
velle Revue historique de droite 1889, pp. 1-20. -t- May, Elé-
ments de droit romain, 1889, 1, pp, 211-223. — V. en outre
sur la curatelle du fou et du prodigue, Ubbelohde, Zeit-
scriftde Grûnhui^lSn, IV, pp. 671-721.— Audibert, Nou-
velle Revue historique de droit, 1890, pp. 521-587.— Cuq,
Institutions des Romains^ 1891, pp. 312-316 — et sur celle
du mineur, de Ihering, Esprit du droit romaint 1880, IV,
pp. 117-123, et Gesammelte Aufsatze, 1882, II, pp. 383-410.-r-
GiRARD, Nouv. Rev. hist. de droit, 1890, pp. 697-698.
CURATEUR. I. Droit romain, Ancien droit et Droit
ACTUEL (V. Curatelle).
II. Administration romaine. — On entendait par cura-
teur, sous le régime républicain, tous les commissaires
extraordinaires. Ce nom était aussi donné au magistrat
placé à la tête de chaque tribu, curator tribus^ dont
l'office était de dresser la liste des citoyens pour le recen-
sement (V. Cens), les votes et les distributions de blé.
C'est surtout sous l'Empire que l'on trouve de nombreux
fonctionnaires désignés sous le nom de curatores. Nous
allons en énumérer les principaux en précisant leurs attri-
butions.
Curator es regionum Urbis, On désignait sous ce nom
les membres d'un conseil chargés d'assister le préfet de la
ville, dont ils constituaient, au nombre de quatorze, le
conseil de préfecture, comme nous dirions aujourd'hui.
Curator rei frumentarice. C'était un fonctionnaire
préposé aux approvisionnements.
Curator es alimentorum. Ils avaient la surveillance
des capitaux affectés par les empereurs à des fondations
alimentaires. Le but de ces fondations était de nourrir et
de doter les enfants des familles pauvres.
Curator es aquarum. Ils étaient au nombre de trois,
chargés de l'entretien des aqueducs. On les désigne aussi
sous le nom de consulares aquarum,
Curatores ripariim. Ils s'occupaient de la surveillance
du Tibre, aussi leur appliquait-on quelquefois la dénomi-
nation de curatores Alvei Tibris, Les questions conten-
tieuses relatives au régime des eaux et aux droits des
riverains rentraient également dans leurs attributions. Ils
étaient enfin chargés du service des cgouts {cura cloaca-
rum). On en comptait cinq.
Curatores viarum. Leur nom indique qu'ils avaient à
s'occuper des routes et de leur entretien. Leur nombre
était proportionné à celui des routes.
Curatores operum publicorum. Ils étaient chargés de
la surintendance des bâtiments publics.
Curatores actuum senatus. On entendait par là des
secrétaires chargés de la rédaction des comptes rendus des
séances du Sénat.
Curator reipublicœ, A côté de ces curatores, qui
étaient des fonctionnaires impériaux, on trouve un certain
nombre de curateurs municipaux. Celui dont le rôle était
de beaucoup le plus important était le curator reipublicce
ou civitatis. Nous allons quelque peu insister sur l'origine
de cette magistrature et les attributions de celui qui s'en
trouvait investi. Et d'abord, pour se rendre compte des
besoins auxquels répondit la création du curator reipu-
blicce, il faut rappeler la situation dans laquelle se trou-
vaient, au début de l'Empire, les villes de l'Italie ou des
provinces. Cette situation n'était certes pas prospère, car
d'une part les empereurs faisaient preuve à leur égard d'une
grande parcimonie ; les travaux qu'ils faisaient exécuter,
construction et réparation des routes, dessèchements des
lacs et des marais, étaient des travaux d'intérêt général
tout à fait en dehors de la compétence municipale ; d'autre
part, les cités n'étaient pas alors considérées comme des
personnes civiles capables de recevoir par donation ou par
testament. Il était défendu de faire d'une ville son héri-
tière : nec municipium, nec municipes, heredes institut
possunt, nous dit Ulpien {Regulœ, 22, 5). Les fidéi-
commis étaient eux-mêmes impossibles ; la ville au profit
de laquelle ils avaient été faits ne pouvait en exiger la
restitution par les voies légales. Cet état de choses, qui
rendait passablement exigu le budget des cités, s'améliora
peu à peu. En pratique, tout d'abord, il arriva souvent
qu'une personne donnât ou léguât à une ville une partie ou
CURATEUR
636 —
même la totalité de sa fortune. Sous Auguste, il intervint
déjà des libéralités de ce genre. Cette pratique fut consa-
crée législativement sous les Antonins, qui, d'un côté, se
montrèrent très généreux et doublèrent les revenus des
villes ; de l'autre, les investirent de la personnalité morale
qui leur permit de recevoir des dons et legs. Les disposi-
tions de ce genre alors devinrent très fréquentes. Nous
savons par une inscription que la ville de Terracine re-
cueillit un legs d'un million de sesterces qui lui fut fait par
Cœlia Macrina. Pline le Jeune donna de son vivant 4 million
600,000 sesterces à la ville de Côme, dont il était origi-
naire, et lui légua 500,000 sesterces, plus une rente de
il 2,000 sesterces affectée à une destination déterminée.
Le total de ces libéralités était à peu près d'un million de
francs. On voit, par cet exemple, l'importance que prirent,
à partir de cette époque, les budgets municipaux. Cette
importance et aussi ce fait qu'une grosse partie du budget
était alimentée par l'empereur lui-même, furent l'ori-
gine du curator. Il était de toute nécessité de confier
à un fonctionnaire spécial une administration financière
devenant de jour en jour plus étendue et plus absorbante,
et comme une moitié des capitaux provenait du trésor impé-
rial et se trouvait bien souvent affectée à une destination
déterminée, on ne pouvait en confier la gestion aux magis-
trats municipaux. C'est sous Nerva qu'apparaît, pour la
première fois, le curator reipiiblicœ. Nous nous place-
rons successivement, pour préciser les attributions de ce
fonctionnaire, ainsi que les conditions qu'il devait remplir,
d'abord aux ii® et m® siècles, puis ensuite à l'époque du
Bas-Empire.
Des cîiratores reipublicœ aux n'^ et m® siècles.
Les curatores étaient nommés par l'empereur ; c'est là un
fait qui, s'il n'est pas absolument prouvé, n'en est pas
moins infiniment probable. On discute la question de savoir
si l'institution de cette magistrature constituait un empié-
tement du pouvoir impérial, une immixtion de sa part dans
l'administration municipale, ou si, au contraire, elle avait
été sollicitée par les villes. Nous n'entrerons pas dans les
détails de cette controverse, nous nous bornerons à faire
remarquer qu'étant donné les raisons qui amenèrent la
création des curateurs, il se peut fort bien que, dans tel
cas, un curateur ait été imposé à une ville, que, dans tel
autre cas, sa nomination ait été sollicitée par elle. Il ne
faut pas oublier que l'institution dont nous nous occupons
ne fut pas créée tout d'un coup, comme on crée chez nous
par décret une nouvelle fonction publique ; elle s'intro-
duisit au fur et à mesure des besoins auxquels elle était
destinée à répondre. Nous avons dit quels étaient ces be-
soins : accroissement de la fortune des cités. Cet accroisse-
ment provenait-il de dons faits par le prince ? Il était assez
naturel qu'un fonctionnaire fût spécialement chargé par lui
d'en surveiller la destination, et même imposé à la ville
donataire. Avait-il, au contraire, sa cause dans des libéra-
lités émanant de particuliers, on comprend que l'initiative
soit venue des cités et qu'elles aient sollicité de l'empereur
l'envoi d'un fonctionnaire spécial dont le recrutement se
fût peut-être fait difficilement dans leur sein. On suivait,
en ce qui touche la nomination des curateurs, les règles
qui présidaient à celle des gouverneurs de province. C'est
ainsi qu'ils ne pouvaient être originaires de la ville où ils
exerçaient leurs fonctions. Cette règle ne fut pas toutefois
sans souffrir certaines exceptions dans l'examen desquelles
nous n'avons pas à entrer. Les curatores étaient de rang
sénatorial ou bien de l'ordre équestre, souvent c'étaient
d'anciens magistrats municipaux ayant exercé leurs fonc-
tions dans une ville voisine de celle où ils étaient envoyés
comme curateurs. Quelles étaient maintenant au juste les
attributions du curateur ? C'était à lui qu'incombait le soin
de gérer les biens qui avaient été donnés ou légués aux
cités ; c'était même pour cela qu'il avait été institué. Cette
gestion comprenait l'exécution de la donation ou du legs. Une
personne s'était, par exemple, engagée à construire tel ou tel
monument dans sa ville natale, mais elle mourait avant
que la construction ne fût achevée ; il appartenait au cura-
teur de veiller à ce que son obligation fût exécutée et
d'agir en ce sens contre les héritiers. Ou bien une somme
avait été léguée pour l'embellissement d'un monument,
d'un quartier de la ville, le curateur devait, en cas de
silence du testament sur ce point, fixer le délai dans lequel
les travaux devaient être exécutés. Si la libéralité émanait
de l'empereur, comme elle était presque toujours affectée
à une destination déterminée, il appartenait au curateur
de veiller à l'exécution des volontés du donateur. Au recou-
vrement des dons et legs vint s'ajouter peu à peu un droit
de surveillance sur tous les deniers des villes, quelle qu'en
fût d'ailleurs la provenance, et, comme on l'a dit, une
espèce de tutelle sur la chose puMique des cités. C'est
ainsi que le curateur devait veiller à la conservation des
biens fonds de la commune en revendiquant ceux qui
avaient été usurpés par les particuliers, en donnant l'au-
torisation d'y bâtir. Il se trouvait, de la sorte, juge entre
les particuliers et les villes et avait, en cette qualité, un véri-
table tribunal et des assesseurs qui pouvaient être pris parmi
les habitants de la cité, mais ceux-ci ne devaient jouir d'au-
cun traitement (Papinien, L. G. Dig., De Asses.^ XXII, 6).
Toutes les questions relatives à l'aliénation du domaine
communal étaient également du ressort des curateurs. Le
sénat décidait s'il y avait ou non lieu à l'aliénation, mais
sa décision devait être autorisée par le curateur qui avait
le pouvoir d'annuler les votes émis à cet égard. Enfin, les
capitaux de la ville étaient administrés par un curateur
spécial que les textes désignent sous le nom de curator
kalendarii. Le nom de ce fonctionnaire vient de ce que
le registre où se trouvait inscrit le nom des débiteurs de la
cité s'appelait Kalendarium^ et cette dénomination vient
elle-même de ce que les intérêts des sommes prêtées étaient
exigibles aux Kalendes (V. ce mot). On peut conclure de
là que la mission du curator Kalendarii se restreignait
à l'administration de la portion de la fortune publique qui
avait été placée à intérêts. Il avait, plus que le curator
ordinaire, le caractère d'un fonctionnaire municipal, mais
sa nomination appartenait le plus souvent à l'empereur.
Telles étaient, d'une manière générale, les attributions des
curatores reipublicœ telles qu'elles résultent des textes
(V. notamment Ulpien, 1. IV, Dig., D^ Decretis ab ordiiie
faciendis, 50, 9, fragment extrait d'un ouvrage de ce
jurisconsulte. De Officio curatoris reipublicœ), attribu-
ions de contrôle et de surveillance, (jui ne permettent pas
de considérer l'institution de ces magistrats comme destinée
à mettre l'administration des villes entre les mains du
pouvoir central. Avant comme après leur création, l'ini-
tiative appartenait au Sénat ; le curateur se bornait à auto-
riser ou à opposer son veto. En certaines circonstances
exceptionnelles, le curator eut des attributions politiques.
Des mscriptions nous le montrent présidant à quelque
changement dans l'organisation de la cité, présidant, par
exemple, les premiers comices chargés de l'élection des ma-
gistrats municipaux, lorsque ce mode de nomination avait
été substitué à tout autre, mais c'était là, il faut le répéter,
des attributions tout à fait extraordinaires qui leur étaient
confiées, sans doute, parce qu'ils étaient dans la ville les
seuls représentants du pouvoir central. Paul Nachbaur.
III. Administration byzantine. — Jusqu'au v'' et au
vi*^ siècle, on rencontre parmi les magistrats municipaux le
curator civitatis, appelé aussi pater civitatis, qui a hérité
dans la cité des attributions financières et administra-
tives des duumvirs et des édiles. Fort différent des cu-
rateurs du m® siècle (curatores rei publicœ) en ce
qu'il est un magistrat municipal élu au lieu d'être un ma-
gistrat public nommé par le pouvoir central, il est un des
personnages principaux de la ville et doit à la situation
qu'il occupe une influence morale considérable: mais à partir
de la fin du vi^ siècle son importance va en diminuant. De
même, le vi® siècle connaît encore la plupart des grandes
curatelles qui existaient sous le Haut-Empire {cura operum
publicorum^ cura alvei Tiberis^ cura formarum^ cura
637
CURATEUR - CURCI
portus^ cura sitonici ou annonce). Pourtant à l'épocfue
proprement byzantine ces curatelles disparaissent ; et le titre
de curateur désigne essentiellement les fonctionnaires
chargés de l'administration des domaines impériaux, c.-à-d.
des palais, terres, fermes et territoires qui constituaient
les biens de la couronne. Les immenses domaines situés dans
toute rétendue des terres byzantines formaient un ensemble
fort considérable. A la tête de ce service (xoupatwp^a twv
PaoriXiKwv xT7)(xàTwv) se trouvait le grand curateur^
personnage fort important, qui généralement avait rang
de protospathaire et que la hiérarchie palatine classait
dans la cinquième classe des fonctionnaires admis à l'au-
dience impériale. Il avait sous ses ordres, soit dans la
capitale même, soit dans chaque thème, toute une série
d'agents : 1<* les curateurs des palais (xoupàtwpeç xwv
gaatXty.65v olxwv ou twv TîaXaxi'wv) parmi lesquels les
textes nomment le curateur du palais d'Hormisdas, le cu-
rateur du palais de Pigi à Constantinople , le curateur
du palais impérial à Rome, etc. ; 2^ les curateurs des
domaines (xoupàtwpcç twv y.tT][j.àxa>v), parmi lesquels les
historiens citent les curateurs des biens de Marina,
d'Antiochos, de Caesarios, de Placidie, etc.; 3** les curateurs
des fo7idations pieuses (twv Ssi'tov olxwv) parmi lesquels
se trouve le curateur de l'hospice d'Eleuthère. A côté du
grand curateur, le curateur du palais impérial de Man-
ganes à Constantinople semble avoir été le chef d'un ser-
vice particulier. Outre les domaines de la couronne, cer-
taines provinces conquises étaient gouvernées par des
curateurs ; et, au lieu d'être organisées en thèmes, elles
se trouvaient rattachées à la liste civile et directement
administrées par un agent de l'empereur. C'est ainsi que
Romain Lacapène organisa en curatorie le territoire de
Mélitène repris aux Arabes par Jean Courcouas (934) . On
rencontre de même la curatorie de Limnogalax. Enfin,
dans d'autres services administratifs encore, on rencontre
des fonctionnaires revêtus du titre de curateur. C'est ainsi
que sous les ordres du logothète du Dr orne (V. ce mot)
on trouve un curateur des voitures accélérées (xwv
oÇetDv) et un curateur de rapocrisariat, sans doute
employé aux relations étrangères. Ch. Diehl.
IV. Ancien droit. — Curateur au cadavre. Dans les
cas où la procédure criminelle contre un accusé n'était pas
arrêtée par sa mort (crimes de lèse-majesté, rébellion,
suicide, etc.) et était continuée contre son cadavre, on
nommait à celui-ci un curtaeur qui était censé le repré-
senter (ord. de 1670 et décl. de 4712).
BiBL. : Droit romain. — Marquardt, l'Organisation
de Vempire romain^ I, p. 225 ; VOrganisation financière,
p. 164. — Daremberg et Saglio, Dictionnaire des anti-
quités grecques et romaines^ art. Caratores — Madvig,
VEtat romain, IIj pp. 51, 231 ; III, p. 99 ; IV, 12.— Jullian,
les Transformations politiques de l'Italie sous les empe-
reurs romains ; Paris, 1883, pp. 91 et suiv.
Administration byzantine. — Schlumberger, SigiU
lographie byzantine, 484-488. — Constantin Porpjhyro-
génète, De Cerimoniis, H, 52, p. 720.
CURAUDEAU (François-René) , pharmacien-chimiste,
né à Sées (Orne), le 14 nov. 1765, mort à Paris le 25 janv.
1813. Il entra dans la pharmacie de Dey eux, se fit rece-
voir membre du collège de pharmacie, alla s'établir à Ven-
dôme, puis revint à Paris en 1800 pour s'occuper spéciale-
ment de chimie appliquée aux arts et à l'industrie. Il
monta une tannerie, perfectionna la fabrication des cuirs,
lit de l'alun artificiel et publia divers mémoires sur les
composés prussiques, l'acide borique, les métaux alcalins,
le muriate de soude, l'épuration des huiles, etc.
eu R BAN S. Corn, du dép. des Basses-Alpes, arr. de
Sisteron, cant. de La Motte-du-Caire ; 428 hab.
CURBI6NY {Curbiniacum)XQmÂ\xA%^, de Saône-et-
Loire, arr. de Charolles, cant. de La Clayette; 385 hab.
Moulin, tuilerie, four à chaux. Eglise romane. Château de
la Bazole, bâti par le duc de Lesdiguières, qui le transmit
en 1710 à la princesse d'Armagnac, M. Gilbert de Drée,
seigneur de Vertpré, l'ayant acquis en 1748, fit ériger la
terre en marquisat, sous le nom de Drée, en 1769. L-x.
CURCAS (Bot.). Genre de plantes de la famille des Eu-
phorbiacées, étabh par Adanson {Fam. despl,^ II, p. 356),
mais dont M. H. Bâillon (ffi^i. des PL, V, p. 114) ne fait
plus aujourd'hui qu'une section du genre Jatropha (V. ce
mot), caractérisée par les fleurs gamopétales. Les Ciircas
sont des arbustes des régions tropicales de l'Amérique, à
feuilles alternes et stipulées, à fleurs monoïques ou dioïques,
disposées en cymes axillaires, terminales ou oppositifoliées.
Les fruits, capsulaires, s'ouvrent à la maturité en deux ou
trois coques bivalves, contenant chacune une graine arillée,
pourvue d'un albumen épais, charnu et huileux. Les deux
espèces les plus importantes sont : hCpurgans Medik. et
le C. niultifldus Endl. — Le Cpurgans (Jatropha pur-
gans L.) ou Médicinier des Barbades, est cultivé aujour-
d'hui dans la plupart des régions tropicales du globe. Ses
graines, connues dans les pharmacies sous les noms de
Grands Pignons d'Inde, Pignons de Barbarie, Noix améri-
caines, Fèves d'enfer, sont d'un âcreté insupportable et
violemment purgatives. Elles fournissent, par expression,
une huile très purgative, qui a été recommandée dans le
traitement de la gale et des affections dartreuses. Le
C. multifidus {Jatropha multifida L.) croît dans l'Amé-
rique tropicale, principalement aux Antilles. On l'appelle
vulgairement Médicinier d'Espagne, Arbre au corail. Arbre
aux noisettes purgatives. Son suc laiteux est limpide,
amer, visqueux et d'une grande âcreté. Ses graines cons-
tituent les Avelines ou Noisettes purgatives, dont l'emploi
est très dangereux à raison de l'énergie de leur action. On
en retire, par expression, une huile purgative dite huile
de Pinhoen. Ed. Lef.
CURÇAY {Curciacum), Corn, du dép. de la Vienne,
arr. de Loudun, cant. des Trois-Moutiers, sur une colline
dominant la Dive ; 572 hab. Eglise romane du xii^ siècle,
dont la nef a été reconstruite au xv^. Ruines d'une forte-
resse féodale dont subsiste le donjon à mâchicoulis. Manoir
du xvi^ siècle appartenant à Fhospice de Loudun. On
trouve le nom de Curçay (Curciaco vico) sur des trions
mérovingiens. En févr. 1228, le roi saint Louis tint à Cur-
çay un parlement de vingt jours. La seigneurie relevait
du château de Loudun.
CURCHOD (Charles-Louis), ingénieur suisse, né à
Crissier (Suisse) le 7 oct. 1826, mort à Berne le 18 oct.
1889. Ancien élève de l'Ecole centrale des arts et manu-
factures de Paris, dont il était sorti avec le titre d'ingé-
nieur, dans la promotion de 1849. Après avoir pris part
pendant quelque temps aux travaux de construction d'un
chemin de fer, Curchod était entré en 1852 dans Fadmi-
nistration fédérale des télégraphes, et fut nommé direc-
teur central de cette administration en 1857. Chargé en cette
qualité de représenter la Suisse aux conférences télégra-
phiques internationales de Paris en 1865, et devienne en
1868, il contribua par ses travaux personnels à la création
du bureau international des administrations télégraphiques
qui a précédé de plusieurs années les institutions de même
nature fonctionnant aujourd'hui pour l'union postale, le
mètre, la propriété industrielle, artistique et littéraire, etc.
C'est à Curchod que le Conseil fédéral confia en 1869
le soin d'organiser ce service nouveau dont il a gardé la
direction jusqu'à sa mort , sauf une courte interruption
en 1870, pendant laquelle il avait été chargé des fonctions
de directeur général de la Société du câble transatlantique
français. Il a rendu de réels services à la télégraphie
internationale et a pris une part importante aux confé-
rences télégraphiques qui ont eu lieu en 1871 à Rome, en
1875 à Saint-Pétersbourg, en 1879 à Londres, et en 1885
à Berlin.
CURCHY. Com. du dép. de la Somme, arr. de Mont-
didier, cant. de Roye ; 297 hab.
CURCI (Le P. Carlo-Maria), écrivain italien, né à Naples
en 1810. Entré dans la compagnie de Jésus, il publia
quelques ouvrages de polémique principalement dirigés
contre les Prolégomènes et le Jésuite moderne de Gio-
berti. Il avait fondé et longtemps dirigé la Civiltà cattolica^
CURCI — CURCUMA
— 638 —
mais il la quitta en 1865 pour défendre par des prédications
le pouvoir temporel du pape ; finalement, en 1877, par une
brusque volte-face, il reconnut la légitimité de l'ordre
nouveau, sortit de la compagnie de Jésus et exposa ses
raisons de cetts évolution, qui fit grand scandale, dans
l'ouvrage intitulé : Il Moderno Dissidio tra la Chiesa e
ritalia considerato per^ occasions di un fatto pariico-
lare (Florence, 1877, in-8). 11 avait publié antérieure-
ment, entre autres écrits : Lezmii esegetiche e morali
sopra i quattro evangeli (Florence, 1874-1876, 5 vol.
in-8) ; et il publia depuis : La Nuova Italia ed i vecchi
zelanti (iSM) ; il Vaticano regio {iS84!) ; lo Scandalo
del Vaticano regio (1885), trois ouvrages mis à l'index ;
Di un Socialismo cristiano nella questione operaria
(Florence, 1885). On a traduit en français quelques-uns
de ses ouvrages, notamment sa fameuse profession de foi :
le Dissentiment moderne entre l'Eglise et l'Italie
(Paris, 1878, in-8).
CURCIAT-DoNGÂLON. Com. du dép. de l'Ain, arr. de
Bourg, cant. de Saint-Trivier-de-Gourtes ; 1,479 hab.
CURCUAS (Jean), général byzantin du x® siècle, issu
d'une famille arménienne, qui depuis deux générations
occupait des emplois considérables à la cour. Successive-
ment drongaire de la veille^ puis magister et domes-
tique des Scholes^ Jean Curcuas ou Gourgen commanda
pendant vingt-deux ans les armées byzantines (920-944)
et fut l'un des plus illustres parmi les généraux de Romain
Lacapène. Les chroniqueurs contemporains n'ont pas pour
lui assez d'éloges (V. le Continuateur de Théophane^
YI, 40-41, pp. 426-428) : grand homme de guerre et
diplomate consommé, aussi habile à diriger les affaires
civiles qu'à commander les armées, orateur remarquable,
capable d'enflammer par ses harangues la vaillance des
soldats, c'était « un autre Trajan, un autre Bélisaire ».
Chargé de la défense de l'empire contre les Arabes d'Orient,
il conquit en vingt-deux ans « plus de mille forteresses »,
il ramena à Byzance une multitude de prisonniers et des
richesses immenses ; il doubla en Asie l'étendue de l'em-
pire et reporta la frontière byzantine de l'Halys jusqu'à
l'Euphrate et au Tigre. En 928, sur la frontière d'Ibérie,
il emportait la forte citadelle de Theodosiopolis (Erzeroum);
peu après, sur le moyen Euphrate, il forçait l'émir deMé-
litène à reconnaître la majesté de l'empire; puis lorsque
en 933 cette ville se souleva de nouveau contre Byzance,
Curcuas reparut sous ses murs, la prit après un long siège
et organisa son territoire en curatorie; en 942, franchis-
sant l'Euphrate, il emportait Nisibe et obligeait l'émir
d'Edesse à céder aux Byzantins la célèbre relique du Saint-
Suaire (944). Entre temps, il avait en 941 brillamment
contribué à la défaite des Russes, parvenus avec le tsar
Igor jusque sous les murs de Constantinople. Romain
Lacapène, à qui Curcuas s'était en plusieurs occasions
montré tout dévoué, songeait à rattacher à la famille
impériale un personnage de cette importance, et projetait
de marier à son petit-fils Romain la fille de Curcuas. La
jalousie des fils de Lacapène l'en empêcha. Curcuas, accusé
d'aspirer à l'empire, fut disgracié, au grand dommage des
intérêts chrétiens, et dut se démettre de sa charge de grand
domestique (944). Il continua à vivre à Constantinople, et
fut sous le règne de Constantin VU chargé de missions
diplomatiques. L'histoire de ce grand général, un des plus
glorieux du x® siècle, avait été écrite en huit livres par un
de ses contemporains, le protospathaire Manuel : cet ou-
vrage est malheureusement perdu. Ch. Diehl.
CURCULIO. I. Entomologie. •— (Curculio L.). Genre
d'Insectes-Coléoptères qui a donné son nom à la famille
des CurcuMonides, caractérisée, dans la grande division des
Rhynchophores (V. ce mot), par les palpes maxillaires
rigides, coniques, par le rostre plus ou moins allongé, le
labre indistinct et les pattes non fouisseuses. Tel qu'il est
restreint aujourd'hui, ce genre est propre aux régions tem-
pérées de l'hémisphère boréal. L'espèce type, C. abietis L.,
se rencontre en Europe dans les bois de pins, sur les
souches et les troncs abattus dans lesquels vit sa larve.
Ses métamorphoses ont été publiées par Perris {Ami,
Soc. ent. de France, 1856, p. 433). Le C, transverso-
vittatus Gaeze {Hylobius fat, Rossi) se trouve au con-
traire sur les bords des étangs et des fossés marécageux.
Sa larve, décrite par M. Valéry Mayet (V. Bedel, Coléopt,
du bassin de la Seine, Rhynchophora, p. 93), vit dans
les racines ligneuses du Lythrum salicaria L. Ed. Lef.
IL Paléontologie. — Les CurcuHonides sont peut-
être, de tous les Coléoptères, ceux qui ont apparu les pre-
miers. Le Curculionites prodromus (Heer), du trias
d'Allemagne, présente déjà nettement les caractères de la
famille. D'autres espèces se montrent dans le lias d'Argovie,
l'oolithe de Stonesfield, les couches de Purbeck et le cré-
tacé du Grœnland {Hyper a, Archiorhynchus). Le genre
Ilypera (jurassique) vit encore à l'époque actuelle. Les
types tertiaires sont plus nombreux (cent espèces décrites
et un beaucoup plus grand nombre inédites). La plupart
appartiennent aux genres encore vivants: Balaninus,
Ceutorrhynchus, Acalles, Cionus, Nanophyes, Bagous,
Lixus, Apion, etc., et proviennent d'OEningen, de Rott,
d'Aix, de l'ambre de la Baltique, de Florissant dans l'Amé-
rique du Nord, etc. (V. Coléoptères [Paléont.]).
CURCUMA. I. Botanique.— {Curcuma L.). Genre de
plantes de la famille des Zingibéracées.Ce sont des herbes
vivaces, dont les rhizomes épais, chargés déracines adven-
tives, parfois épaisses et charnues, donnent naissance à des
tiges aériennes garnies de feuilles alternes, pétiolées, engai-
nantes. L'axe floral, simple et plus ou moins court, porte
à son ^sommet de larges bractées imbriquées et colorées,
dans l'aisselle desquelles sont situées de deux à cinq fleurs
hermaphrodites et irrégulières, à réceptacle très concave
portant sur ses bords un calice à trois sépales, une corolle
à trois pétales et un androcée formé de trois étamines,
dont une postérieure fertile et deux antérieures pétaloïdes,
constituant un grand labelle bifide. L'ovaire, infère, devient
à la maturité une capsule loculicide, contenant de nom-
breuses graines arillées et albuminées. — Les Curcmna
croissent dans les régions tropicales de l'Asie, surtout aux
Indes orientales. Les rhizomes charnus de plusieurs espèces
ont une odeur aromatiçîue camphrée, une saveur chaude,
acre et amère et constituent les différentes sortes de Zé-
doaires du commerce (V. Zédoâire). Ceux du C. longa
L. (C. tinctoria Guib.; Amomum Curcuma Jacq.) sont
connus sous les noms de Curcuma ou de Safran des Indes.
Ils renferment une matière colorante jaune, appelée cur-
cumine, qui a été très employée dans l'industrie pour
teindi^e les laines et la soie. Ed. Lef.
IL Chimie. — Les racines, ou plutôt les rhizomes du
Curcuma tinctoria (Guibourt), contiennent une matière
colorante jaune, qui fut jadis très employée en teinture,
mais presque abandonnée aujourd'hui. Il convient de les
choisir lourds, diffficiles à rompre, à cassure franchement
orangée et non brune. D'après Girardin on distingue sur
le marché européen quatre sortes de curcuma.
1<* Curcuma du Bengale, Il est ordinairement en
racines tuberculées cylindriques d'environ 6 centim. de
longueur et de 1 à 1 1/2 centim. de diamètre, grises ou
yerdàtres. C'est un curcuma long. Il vient en paniers de
joncs refendus nommés canastres et en fûts, mais plus
ordinairement en sacs et en poches.
2<> Curcmna de Java. Semblable au précédent, sa
cassure est moins brillante. Il est souvent piqué par les
vers. Il vient en balles.
30 Curcuma de Batavia. Racines rondes ou allongées,
fibreuses à articulations saillantes, d'un jaune foncé, à
cassure terne. Odeur forte. Il est peu recherché.
40 Curcuma des Barbades. Il est très voisin du
curcuma du Bengale.
Le curcuma tend à disparaître de la consommation,
comme le montrent les statistiques suivantes, publiées par
l'administration des douanes ; il a été remplacé avantageu-
sement par les orangés a^oïques. En 1887, l'importation
— 639 -
CURCUMA - CUREAU
était de 4,357,442 kilogr. en racines, et 5,557 en poudre
valant 477,250 fr.; en 4889, elle était tombée à
74,227 kilogr. en racines, et 3,993 en poudre, d'une
valeur totale de 23,705 fr. Le curcuma nous arrive en
racine, et est pulvérisé en France. Cette pulvérisation se
fait dans de simples moulins. Le curcuma teint sans mor-
dant les fibres textiles, coton, laine, soie. Les teintes obte-
nues sont d'une nuance jaune franc, d'un reflet doré qu'on
ne peut égaler avec les autres colorants; malheureusement,
il est peu solide au lavage, et exposé à la lumière solaire
il est complètement détruit en quelques mois ; dans
quelques teintures, on emploie l'alun comme mordant pour
le rendre plus stable. Nous pouvons dire que ce colorant
a presque totalement disparu du marché français et n'est
plus guère employé que par quelques maisons pour mas-
quer les pailles, lorsque dans les nuances foncées le tein-
turier veut éviter ïépoutillage ou épaillage, Ch. Girard.
III. Thérapeutique. — Le rhizome de curcuma est
toniqfue, apéritif, stomachique, utile dans les diarrhées
atoniques ; on lui attribue en outre des propriétés stimu-
lantes diffusibles (Gubler). Il colore les urines en jaune
foncé, les excréments en vert. La dose est de 2 à 4 gr.
en poudre, de 4 à 8 gr, en infusion ou en décoction. En
pharmacie le curcuma sert à colorer certains onguents
comme celui d'althsea ; il entre avec d'autres condiments
dans la poudre de Curry usitée dans les Indes. Enfin, le
curcuma sert comme colorant dans la parfumerie, la con-
fiserie, la distillerie, la teinturerie, etc. D^ L. Hn.
CURGUMINE (Chim.). La curcumine est le principe
colorant jaune du curcuma (Curcuma tindoria). Elle a
été isolée par Pelletier et Vogel en 4845, et obtenue à
l'état cristallin par Daube en 4874. Pour la préparer, on
débarrasse le curcuma de son huile essentielle au moyen
d'un courant de vapeur d'eau, on le lave à l'eau bouillante,
on l'épuisé ensuite par la benzine, dernier véhicule qui
l'abandonne à l'évaporation sous forme de croûtes cristal-
lines d'un rouge orangé. On la purifie en passant par sa
combinaison piombique, qu'on décompose par l'hydrogène
sulfuré; finalement, on la fait cristaUiser dans l'alcool.
La curcumine est alors en prismes orthorhombiques, grou-
pés en faisceaux, d'un éclat nacré, jaunes par transpa-
rence, orangés par réflexion; elle fond à 472° et se
décompose sans se sublimer. Elle est insoluble dans l'eau,
peu soluble dans la benzine, davantage dans l'éther et
surtout dans l'alcool ; ses solutés sont fluorescents ; les
alcahs la dissolvent avec une coloration rouge brun, pro-
priété qu'on utiHse parfois dans les laboratoires. Bouillie
avec de l'acide borique, sa solution alcooHque passe à
l'orangé ; une affusion d'eau donne lieu à un dépôt rouge
vermillon, auquel l'eau bouillante enlève de l'acide borique
pour laisser une substance résinoïde, hpseudocurcumine.
Fait-on bouillir la combinaison avec un acide minéral, la
solution se fonce en couleur et il se dépose par le refroi-
dissement une substance cristalline, pourpre, la rosocya-
nine, que la potasse fondante transforme en acide p-oxy-
benzoique. Un mélange d'acide chromique et de bichro-
mate de potassium convertit la curcumine en acide
téréphtalique, tandis que l'acide azotique ne donne guère
que de l'acide oxalique. La composition exacte de la curcu-
mine n'est pas connue : Daube admet la formule C^^H^^O^.
BiBL. : Daube, Deuls. ch. Gesells., 1811^ GOO. — Gazewski,
i6., 1871, 624. — Pelletier et Vogel, Journ. pharm. et
chim.^ 1855, 259, t. II, 20. — Schlumberger, Bull, Soc, ch,,
t. V, 195.
cuRCUMOL(Chim.).Form. \ f£;;; »;
Indépendamment d'une matière colorante jaune, les
rhizomes de curcuma contiennent une petite quantité
d'huile volatile, qui passe à la distillation avec la vapeur
d'eau. Elle surnage l'eau distillée et on la recueille dans
un récipient florentin. Bien rectifiée, elle passe au voisi-
nage de 240° et répond alors à la formule du carvol et du
thymol, avec lesquels elle est isomère. Le curcumol pos-
sède une odeur aromatique ; il est insoluble dans l'eau,
soluble dans l'alcool • et dans l'éther ; il se combine au
sulfhydrate d'ammoniaque, à la manière du carvol, pour
donner naissance à une masse cristalline (Bolley). Le mé-
lange chromique l'oxyde avec production d'acides valéria-
nique et caproïque (Gazewski). Ed. Bourgoin.
BiBL. : Daube et Suida, Soc. ch., t. X, 74. — Gazewski,
Deuts. ch. Gesells., 1872, 1102.
CURCY. Corn, du dép. du Calvados, arr. de Caen, cant.
d'Evrecy ; 607 hab,
CURDIN. Com. du dép. de Saône-et-Loire, arr. de
Charolles, cant. de Gueugnon ; 359 hab.
CUftE (Cora). Rivière de France, aflluent de l'Yonne,
prend sa source au-dessus de Gien-sur-Cure, cant. de
Montsauche, dans la Nièvre, à 723 m. d'alt., traverse
l'étang-réservoir des Settons, coule dans de profondes
gorges granitiques, reçoit le Chalaux, entre dans le dép. de
l'Yonne au confluent delà Brajanne, passe au pied du châ-
teau de Chastellux, puis à Pierre-Pertuis, où sa vallée
s'élargit, baigne le pied de la colline qui porte Vézelay, passe
non loin d'Arcy, où une partie de ses eaux disparaissent
dans des grottes renommées par leur aspect pittoresque, et
se jette dans l'Yonne au-dessus de Gravant, après 416 kil.
de cours. La Cure est flottable à bûches perdues, puis en
trains de bois à partir d'Arcy. M. P.
CURÉ. I. Administration ecclésiastique (V. Pa-
roisse).
IL Histoire ecclésiastiûue. — Curé primitif. Les
anciens canonistes s'accordaient à dire que rien n'est
plus difficile à définir que le curé primitif. Nous n'entrepren-
drons point cette définition ni l'énumération des causes
fort diverses qui ont produit la combinaison à laquelle
le mot se rapporte. Il sufiit de mentionner que ce titre
suppose une cure démembrée à perpétuité en deux béné-
fices distincts, appartenant l'un au curé dit primitif,
l'autre à un prêtre appelé vicaire perpétuel. Le curé
primitif n'exerçait pas les fonctions curiales, mais il pré-
tendait représenter celui qui les avait exercées originai-
rement ; en cette qualité, il retenait le titre éminent de
curé, et il réclamait certains honneurs et certains avan-
tages. Comme il n'avait pas charge d'âmes, et qu'il n'était
pas obligé à la résidence, son bénéfice pouvait être donné
en commende. Le vicaire perpétuel était chargé de tout le
service, de tout le gouvernement et de toute responsabilité
de la cure ; c'était lui ^ui était le véritable pasteur de la
paroisse. C'est pourquoi l'art, i^"" de la déclaration du
25 janvier il SI l'autorise à ajouter à sa qualification de
vicaire celle de curé, et de prendre en tous actes et en
toutes occasions le titre et la quafité de curé vicaire per-
pétuel de la paroisse. Un rapport d'agence adressé en
4735 à l'assemblée du clergé disait : « Dans les usages
de notre discipline, on distingue deux sortes de curés. Les
uns ont le titre et l'exercice des fonctions curiales ; les
autres ont pareillement le titre de curés, mais ils n'en exer-
cent point les fonctions par eux-mêmes. Ces derniers sont
appelés curés primitifs. Il faut néanmoins convenir que ce
nom^ est inconnu dans les décrets de l'Eglise, et qu'il n'a
été introduit que par l'abus des siècles qui nous ont pré-
cédés. » Cette division de la cure, résultat d'un des abus
les plus manifestes du régime bénéficiai, était une .cause
incessante de difficultés et de conflits. Elle donna lieu, non
seulement à de nombreux arrêts, mais à une fréquente
intervention du pouvoir royal, notamment à des déclara-
tions du 46 janv. 4629, du 30 juin 4690, du 30 juil.
4740, du 5 oct. 4726 et du 25 janv. 4734. Finalement,
toutes les fonctions , prééminences et droits honorifiques
ou utiles des curés primitifs furent réduits à la seule
faculté de faire le service divin des quatre grandes fêtes
solennelles et du patron, et de percevoir en ces jours-là,
lorsqu'ils officiaient eux-mêmes, la moitié des offrandes et
oblations, tant^ en argent qu'en cire, sans pouvoir ni prê-
cher, ni administrer les sacrements. E.-H. Vollet.
CURÉ (M^^^e) (V. BOURETTE [M^^«]).
CUREAU DE La Chambre (Marin), littérateur français,
CUREAU — CURÉLY
— 640 —
né au Mans vers 1594, mort à Paris le 29 déc. 1669.
Médecin du chancelier Séguier, il fut protégé par lui et entra
en 1635 à TAcadémie française. L'an d'après, Louis XIII,
qui avait souvent recours à ses soins, le fit admettre à
l'Académie des sciences. C'est lui qui, à la mort de Riche-
lieu, prononça son éloge au nom de l'Académie. En i 669,
il fut pourvu de l'emploi de « démonstrateur opérateur de
l'intérieur des plantes médicinales au jardin du Roy ». Marin
Cureau, praticien habile, a joui comme écrivain d'une re-
nommée fort exagérée. Il fut pensionné par le roi. Il a
écrit : Nouvelles Pensées sur les causes de la lumière,
du débordement du NU et de l'amour d'inclination
(Paris, \ 634, in-4) ; Nouvelles Conjectures sur la diges-
tion (Paris, 1 636 , in-4) ; les Caractères des passio7is(;\ 640-
1662, 5 vol. in-4, souvent réimprimés) ; Traité de la con-
naissance des animaux (1648, in-4) ; Nouvelles Conjec-
tures et observations sur l'iris (1650, in-4) ; Discours
sur les principes de la chiromancie (1653, in-8) ; Novœ
Methodi pro explanandis Hippocrate etAristotele spéci-
men (1655, in-4) ; Traité de la lumière (1657, in-4) ;
V Art de connaître les hommes (1659, in-4) ; le Système
de Vâme (1664, in-4); Recueil d'épîtres, lettres, etc,
(1664, in-12) ; Discours sur les causes du débordement
du Nil et discours de la nature divine selon la philo-
sophie platonique (1665, in-4), etc.
De son mariage avec Marie Duchesne (1639) il eut deux
fils : Pierre Cureau de La Chambre, né à Paris en déc. 1640,
mort à Paris le 15 avr. 1693, curé de Saint-Barthélémy
à Paris, entra à l'Académie française le 24 mars 1670,
grâce à l'influence du marquis de Coislin, petit-fils de
Séguier. Fort sourd, mais très spirituel, l'abbé de La Chambre
a laissé la réputation d'un homme d'esprit et d'un homme
de bien. Ses ouvrages sont peu nombreux et peu impor-
tants. Nous dteroni: Panégyrique de la B, Rose{i669);
de Saint Charles Borr ornée (1670) ; de Sainte Thérèse
(1678); de Saint Louis (168i); Oraison funèbre de
Séguier (1672) ; Oraison funèbre de la reine (1684);
Préface pour servir à l'histoire de la vie et des ouvrages
du cavalier Bernin, avec son éloge (1684).
François Cureau de La Chambre, né à Paris, mort à
Paris en 1680, fut médecin ordinaire de la reine et des
enfants de France, médecin ordinaire du roi en l'absence
du premier médecin (1670), médecin ordinaire des bâti-
ments (1670) et succéda à son père dans l'emploi de
démonstrateur des plantes médicinales du jardin du roy
en 1671. La même année il fut encore nommé médecin de
l'amiral de France. R. S.
BiBL. : NicÉRON, Hommes illustres, t. XXVII. — Gon-
noRCET^ Eloges des académiciens de l'Académie royale
des sciences. — Pellisson et (I'Olivet, Histoire de V Aca-
démie française. — B. Hauréau, Histoire littéraire du
Maine. — Jal, Dictionnaire de biographie et d'histoire.
CURE-DENT. Le cure-dent apparaît au xvi^ siècle sous
le nom de furgette, ongle a feurger dens, coutelet
a feurgier dens. Ces ustensiles étaient en or, en argent
ou en bois. A la fin du xvi'^- siècle, l'usage des cure-dents
en bois prévalut. M. P.
BiBL. : VioLLET-LE-Duc, Dictiounaire du mobilier^ t. Il,
p. 88. — Gay, Glossaire archéologique, p. 525.
CURÉE (Chasse) V. Chasse).
CURÉE (Jean-François), comte de la Bkdissière, homme
politique français, né à Pézenas (Hérault), le 21 déc. 1756,
mort à Pézenas le 11 avr. 1835. Il était un des admi-
nistrateurs du dép. de l'Hérault, quand les électeurs de
ce département l'envoyèrent siéger à la Législative où il ne
parla jamais. Réélu à la Convention, il opina dans le procès
de Louis XVI contre l'appel au peuple, pour la réclusion et
la déportation à la paix, pour le sursis. Il fit partie du
conseil des Cinq-Cents. Après le 18 brumaire, il entra au
Tribunat.C'estluiqui,le 30 avr. 1804, demanda l'établis-
sement du pouvoir impérial héréditaire. Le 14 août 1807
il fut nommé sénateur et Napoléon le créa comte de la Bé-
dissière le 15 juin 1808. A la Restauration, il rentra dans
la vie privée, F. -A. A.
CUREGHEM. Dépendance de la com. belge A'Ander-
lecht (V. ce mot). Etablissements de constructions méca-
niques, fabriques d'huile. Ecole vétérinaire de l'Etat.
CUREL. Com. du dép. des Basses-Alpes, arr. de Sis-
teron, cant. de Noyers ; 169 hab.
CUREL. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr. de
Wassy, cant. de Chevillon ; 569 hab.
CURÉLY (Jean-Nicolas), général français, né à Avil-
1ers le 26 mai 1774, mort à Jaulny, près Thiaucourt, le
19 nov. 1827. Fils d'un pauvre paysan, il s'engagea en 1 793
dans un régiment de hussards et fit, comme soldat et sous-
officier, toutes les campagnes de 1794 à 1800, sur la Mo-
selle et sur le Rhin. H s'y distingua en maintes occasions
dans la guerre d'avant-postes. En 1805, il suivit la grande
armée en Autriche. A cette époque, bien qu'il eût 'déjà à
son actif une foule d'actions d'éclat, douze ans de pré-
sence au corps et six années de campagne, il n'était encore
que simple adjudant au 7« hussards, lorsqu'un fait d'armes
d'une audace inouïe vint enfin lui ouvrir l'accès des hauts
grades. Le 12 nov. 1805, dans une reconnaissance
qu'il opérait aux environs d'Afflenz, il attaqua avec vingt-
cmq hommes tout un régiment de cavalerie autrichienne
et l'obligea à tourner bride. Cette brillante affaire le mit
en évidence et lui valut l'épaulefte (8 janv. 1806). Con-
sidéré dès lors comme un officier d'avenir, il avança rapi-
dement. Lieutenant le 26 mars 1807, après la campagne
de Prusse; capitaine le. 8 nov. 1808, après celle de Po-
logne ; aide de camp d'Edouard Colbert au printemps de
l'année suivante, il prit part en cette qualité à la guerre
de 1809 contre l'Autriche. Au cours de la campagne, il
se signala par une action encore plus surprenante que le
combat d'x\fïlenz. Chargé de porter des ordres au prince
Eugène qui commandait en Italie et se trouvait alors sé-
paré de Napoléon par l'armée de l'archiduc Jean, il partit
d'Allemagne avec quarante cavaliers, pénétra sans être
aperçu jusqu'au milieu des cantonnements de l'archiduc,
insulta son quartier général, et parvint finalement en Italie
après avoir traversé et reconnu toutes les positions des
Autrichiens. A son retour en Allemagne, il fut nommé
chef d'escadrons (21 sept. 1809). Après la paix de Vienne,
il passa en Espagne, où il demeura jusqu'en 1812. Il fut
alors envoyé en Russie avec le corps de Gouvion Saint-
Cyr. En 1813, il fit la campagne de Saxe et y gagna le
grade de colonel (17 août). Promu général en févr. 1814,
il commanda, pendant la campagne de France, une bri-
gade de cavalerie improvisée, avec laquelle il fit des pro-
diges, notamment au combat d'Arcis-sur-Aube. La Restau-
ration le traita en suspect et le mit en disponibilité. Aux
Cent-Jours, il reprit du service, ce qui lui attira de nou-
veau les rigueurs du gouvernement royaliste, après le re-
tour des Bourbons. Privé d'abord de son commandement,
il fut mis en non-activité le 3 nov. 1815. H se retira alors
à Jaulny, près de son pays natal, dans une petite propriété
qu'il y possédait et qui était toute sa fortune. Il y vivait
tristement, regrettant sa carrière brisée, lorsqu'un nouveau
coup vint le frapper. Le 2 déc. 1824, il fut retraité
d'office à l'âge de cinquante ans. Cette disgrâce abrégea
ses jours. Il mourut trois ans après. — Curély a été l'un
des plus brillants cavahers des armées de l'Empire. S'il
n'a pas égalé la renommée de Lassalle, de Colbert, do
Montbrun, c'est que, arrivé trop tard aux grands com-
mandements, il n'a pas eu le temps de donner toute sa
mesure. Il a été surtout un incomparable officier d'avant-
garde et même, au dire d'un bon juge, le général de Brack,
le premier officier de troupes légères de son temps. De
Brack, qui le connaissait pour avoir longtemps servi à ses
côtés, lui avait voué une amitié pleine d'admiration. Dans
ses célèbres Avant-postes de cavalerie, il a tracé de lui
un portrait qu'on doit ranger parmi les chefs-d'œuvre de
notre littérature militaire. C'est là, et dans le modeste
journal que Curély lui-même a laissé de ses campagnes,
qu'on peut voir ce que fut comme homme et comme soldat ce
glorieux combattant de la RépubUquc et de l'Empire. C. G.
nr 644 —
CURÉLY - CURGY
BiBL. : Le Général Curély^ itinéraire d'un cavalier léger
de la grande armée (1793-1815), publié d'après un manus-
crit authentique par le général Tnoumas ; Paris, 1887, in-18.
eu REMONTE. Corn, du dép. de la Corrèze, arr. de
Bme, cant. de Meyssac ; 966 hab.
CURES. Com. du dép. de la Sarthe, arr. du Mans,
cant. de Conlie; 546 hab.
CURETES. Peuple fabuleux associé au culte de Cybèle
et du Zeus crétois (V. Cybèle).
CURETON (William), orientaliste célèbre, chanoine de
Westminster, né à Westbury (Shropshire) en 1808, mort à
Londres le 17 juin 4864. Déjà connu, pendant qu'il suivait
les cours de l'université, par son goût pour la langue et la
littérature arabes, il fut nommé, en 1834, sous-bibliothécaire
de la bibliothèque Bodléienne à Oxford. En 4837, il fut
promu aux fonctions de conservateur adjoint à la section des
manuscrits du Musée britannique, à Londres. Quelques
années plus tard (1840), il obtenait le titre envié de pré-
dicateur de l'université d'Oxford. — Au Musée britannique,
il dépouilla et classa de nombreux manuscrits syriaques,
acquis par l'Angleterre entre 4841 et 4843, provenant des
monastères de la basse Egypte. Son édition du texte arabe
de VHistoire des sectes mahométanes par Scharastânî
parut de 4 842 à 4846 ; en 4 843, il publia ses deux ouvrages :
Pilier de la foi des Sunnites par Nasafi, et Commen-
taires sur les lamentations par Tanhoum ben Joseph de
Jérusalem. Parmi ces manuscrits, il trouva les fameuses
Lettres de saint Ignace à Polycarpe^ dont l'inauthenticité
a été démontrée à la suite des travaux de Lightfoot, évéque
deDurham (the Apostolic Fathers, Part IL Ignatius and
Polycarp) . Cureton commença le catalogue des manuscrits
arabes que possédait le British Muséum et le publia en latin.
Peu de temps après, il fit paraître une édition d'une version
syriaque de fragments des évangiles, généralement dési-
gnée sous le nom d'Evangile de Cureton, Il chercha à en
prouver la haute antiquité dans un travail que l'on consi-
dère comme un modèle de discussion critique. En 1847,
Cureton fut nommé chapelain de la cour et, deux ans
après, chanoine de Westminster. Il était, en outre, curé
de la paroisse de Saint-Margaret de Londres. On lui doit
de nombreuses publications : Lettres de saint Athanase
(4848) ; VHistoire ecclésiastique de Jeaii d'Ephèse
(4853); le Spicilegium syriacum, contenant des pas-
sages inédits de Bardesane, de Mélito de Sardes, etc. (4855),
pour ne rien dire des Fragments de l'Iliade qui parurent
en 4854 d'après un palimpseste syriaque. VHistoire des
7nartyrs de la Palestine (4861) clôt la série de ses
ouvrages qui furent revisés par lui-même. Son traité sur
V Etablissement du christianisme à Edesse est pos-
thume. G. Q.
BiBL. : Leslie Stephen, A Dictionary of national Mo-
graphy ; Londres, 1888.
C U R ETTE. I. Art miutaire. — Sorte de cuiller en fer ou
en bois, munie d'un grattoir, servant à nettoyer Tàme de
certaines bouches à feu. Pour le nettoyage des armes por-
tatives, le soldat emploie des curettes en bois tendre.
IL Chirurgie. — On se sert en chirurgie de diverses
espèces de curettes. Les curettes tranchantes, qui peuvent
servir de modèle du genre, se composent d'une tige montée
sur un manche et terminée par une sorte de cuiller à
bords tranchants ; elles servent suivant leur volume soit
à évider des os, soit à enlever certaines régions atteintes
de lupus. — La curette de Daviel, qui se rapproche des
précédentes par la forme, est de moindres dimensions ;
elle est habituellement en argent ; elle sert pour l'opéra-
tion de la cataracte. La curette de Leroy est constituée
par une tige droite aplatie à sa face antérieure ; elle porte
un bec de quelques millimètres disposé de façon à pouvoir
être relevé à angle droit par l'intermédiaire d'une vis
adaptée à la poignée. Cet instrument sert pour l'extraction
des corps étrangers de l'urèthre. On l'introduit ouvert
dansl'urèthre sans difficultés puisqu'il est alors complète-
ment droit, et on le ferme lorsqu'on a dépassé le corps
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIÏL
étranger ; en retirant on entraîne habituellement celui-ci
sans trop de difficultés. La curette de
Pajot est une modification de la pré-
cédente, qui sert pour l'extraction du
placenta dans certains cas d'avorte-
ment. La partie de l'instrument qui
se repHe est ici plus longue ; de plus,
l'articulation est disposée de façon
que le bec dépasse non seulement
l'angle droit, mais vienne même se
placer presque parallèlement à la tige
principale. La curette de Pajot est
d'un volume très réduit lorsqu'elle
est ouverte; aussi cet instrument est-
il particulièrement utile dans le cas où
l'orifice utérin est revenu sur lui-
même. — La curette vésicale se com-
pose d'une tige d'environ W centim.
montée sur un manche. L'extrémité li-
bre forme une cuiller très allongée
et à bords mousses. Elle sert pour
extraire les corps étrangers ou les cal-
culs de la vessie après qu'on a pra- Curette.
tiqué l'opération de la taille. D^ A.
III. Mines. — Dans le forage des trous de mine, au
fur et à mesure que le trou de mine s'approfondit, on
retire les matières solides avec la curette. C'est une barre
de fer ronde, que l'on a aplatie à son extrémité et recourbée
d'équerre. A l'autre bout, se trouve adaptée une boucle,
dans laquelle on passera un paquet de chiffons ou d'étoupes
pour sécher le trou, au moment de procéder au chargement.
Le trou est ordinairement, en effet, rempli d'eau. Elle pré-
sente d'ailleurs cette utilité de rafraîchir les outils et de
fixer les poussières, souvent nuisibles à la santé de l'ou-
vrier. Ces poussières peuvent même devenir vénéneuses
dans les mines de mercure et d'arsenic ; elles sont, dans
tous les cas, encombrantes pour les capillaires du poumon,
quand il s'agit des poussières de charbon qui occasionnent
des mélanoses, et des poussières siliceuses, qui déterminent
des lésions et des crachements de sang. Au dernier moment,
toutefois, l'eau doit être éliminée ; si la roche est fissurée
et laisse suinter le liquide à travers les parois, il faut glaiser
le trou. A cet efi^et, on le remplit d'argile molle; en y en-
fonçant ensuite de force la tige du bourroir, on rétablit le
trou, en laissant sur la surface latérale un enduit d'argile
qui maintient les eaux. L. Knab.
CUREUS (Joachim), médecin allemand, né en 4532,
mort en 4573. Un seul de ses écrits mérite une mention ;
il fut pubhé à Leipzig en 4574, sans indication de heu
(sauf quelques exemplaires qui portent Genevœ) sous le
titre de Exegesis perspicua.., controversiœ de sacra
cœna,., (nouv. éd. à Marbourg, 4853, in-4). Dans cet
ouvrage, Cureus, qui était un disciple convaincu de Mélan-
chthon, s'élève contre l'intransigeance des luthériens
stricts, et conclut qu'il y aurait lieu de s'entendre et de
s'unir avec les calvinistes. L'enthousiasme que les philip-
pistes (partisans de Mélanchthon) affichèrent pour cet
écrit causa leur exil de Wittemberg. L'électeur Auguste de
Saxe fit frapper une médaille commémorative de cette vic-
toire sur le crypto-calvinisme {N , ce mot). F.-H. K.
CUREY. Com. du dép. de la Manche, arr. d'Avranches,
cant. de Pontorson ; 339 hab.
CURGIES. Com. du dép. du Nord, arr. et cant. (E.)
de Valencîennes ; 4,209 hab. Stat. du chcm. de fer du
Nord, ligne de Valenciennes à Maubeuge. Fabr. de sucre.
Eglise du xvii^ siècle ornée de jolis vitraux de cette époque.
CURGY {Curciacus, Curgeium, Gur g eium). Com~, da
dép. de Saône-et-Loire, arr. et cant. d'Autun; 4,296 hab.
Carrières de pierre à chaux et de pierre à bâtir. Gisements
de schistes bitumineux. Antiquités préhistoriques. Voies,
sarcophages, sculptures, tuiles, poteries, bronzes et mon-
naies de l'époque romaine. Ruines d'un château, dit la
Tour de Curgy, qui appartenait en fief à l'abbesse de Saint-
44
CURGY — CURIATIA
— 642
Andoclie d'Autmi. Eglise du xn^ siècle ; pierres tumulaires
du xiii^. L-x.
BiBL. : L'abbé Lacreuse, Curgy^ notice dans YAnnualre
de Saône-et-Lolre pour 1874 ; Maçon, 1874, pp. 173 et suiv.
CUBlk (Gens). Famille de l'aucicnne Rome, d'origine
plébéienne, à laquelle appartient :
M\ (Manius) Curius Dentatus, consul en 464 (î290 av.
J.-C.), en 479 (275) et en 480 (274). Ce personnage,
d'origine sabine, est resté dans l'histoire romaine comme
un modèle achevé des vertus antiques. Dans son premier
consulat il remporta sur les Samnites et les Sabins d'écla-
tants succès, qui lui valurent un double triomphe. Consul
pour la seconde fois (275), il écrasa l'armée do Pyrrhus
qui venait de repasser de Sicile en Italie et la força à quit-
ter pour toujours l'Italie. Le médecin de Pyrrhus lui avait
offert la tête de son maître ; il le renvoya à ce prince sans
l'écouter. Cette campagne fut pour lui l'occasion d'un troi-
sième triomphe, dans lequel il fit voir aux Romains ces élé-
phants qui les avaient tant effrayés naguère. Censeur en 272,
il présida à d'importants travaux d'édilité ; ainsi il fit cons-
truire avec le produit du butin de Pyrrhus l'aqueduc de
VAnio vêtus (272-270), qui amena pour la première fois
à Rome les eaux de cette rivière. En témoignage de son
désintéressement, on racontait qu'il n'avait gardé pour lui,
du butin fait sur l'ennemi, qu'une méchante assiette en
bois qui lui servait pour les sacrifices. Un jour les Sam-
nites lui avaient envoyé une députation avec de riches pré-
sents ; il était assis devant son foyer, en train de faire
cuire des navets, quand elle se présenta. « J'aime mieux,
dit-il, conserver mes vases d'argile et commander à ceux
qui possèdent For que le posséder moi-même. » Aussi
Ennius disait-il de lui :
Quem nemo ferro potuit superare nec aiiro.
G. L.-G.
CURIÂ Régis (V. Cour).
CURIA (Francesco), peintre, né à Napîes en 4538, mort
en 1610. Il était élève de Pistoja et a laissé dans l'église
délia Pietà une Circoncision que Ribera, Solimena et
Giordano déclaraient un chef-d'œuvre ; on voit de lui une
Annonciation au musée de Naples. Curia avait dans cette
ville une école dont les élèves les plus importants furent
F. Santa-Fcde, H. Rorghèse et IL Imperato.
BiBL. : Lanzi, Storia, délia, Pittura iialiana^ t. I,p. 570.
CURIAGES (Les) (V. Cumatia [Geîis]).
C U R l L (Philibert - Jean - Baptiste - François - Joseph,
comte), général français, né à Saint - Pierre - d'Albigny
(Savoie) le 21 avr. 4 774, mort àParis le 29 mai 4829. Peu
après l'occupation de la Savoie par les troupes de la Con-
vention (4792), il s'enrôla dans la légion des Allobroges,
servit sous Carteaux dans le midi de la France, puis passa
dans l'armée d'Italie, oii il devint capitaine et fit la campagne
d'Egypte au cours de laquelle de biillants faits d'armes lui
■valurent le grade de chef de bataillon. Remarqué par Bona-
parte, il fut nommé colonel du 88^ régiment d'infanterie le
4 déc. 4803. La bravoure qu'il montra à Austerlitz le fit
élever au rang de colonel-major des chasseurs de la garde.
A la suite de la bataille d'Eylau (févr. 4807), il fut promu
colonel-commandant du même corps. A Friedland, il • se
signala par de nouvelles actions d'éclat. Aussi devint-il peu
après général de brigade et baron (4807-4808). Il fit avec
son entrain ordinaire la campagne d'Allemagne en 4809.
A la bataille d'Essling (22 mai) c'est lui qui enleva ce
village, attaqué sept fois de suite sans succès par les
Français. Napoléon le récompensa par le titre de comte et
le grade de général de division (5 juin). Pendant l'expé-
dition de Russie, il commanda les chasseurs de la garde et
soutmt dignement sa réputation. Chargé, après la retraite,
d'organiser à Mayence douze régiments de la jeune garde,
il s'acquitta promptement de sa tâche, fit la campagne de
Saxe, rendit de grands services, notamment à Wacbau, le
45 oct.,et,quelques jours plus tard, culbuta,près de Hanau,
les Bavarois du prince de Wrede, qui voulaient barrer la
route à Napoléon. Il se fit encore remarquer, pendant la
campagne de France, à Vauxchamps et à Craonne, et fut
chargé de protéger notre frontière du Nord. Après la chute
de Napoléon, il se ralhasans difiiculté aux Bourbons, qui le
maintinrent dans son grade. Le crédit du comte Beugnot,
son beau-père, lui valut bientôt une brillante faveur.
Placé à la tète de la 49^^ division militaire, il fut nommé
cheyaher de Saint-Louis (2 juin 4844) et pair de France
(4 juin). Pendant les Cent-Jours, Napoléon l'employa du
côté des Alpes, sous Suchet, mais ne l'appela pas à sa
Chambre des pairs. La seconde Restauration le fit rentrer
au Luxembourg, où il appuya de toutes ses forces le projet
de loi sur la réorganisation de l'armée présenté par le
maréchal Gouvion-Saint-Cyr (4847-4848). Toujours fort
bien en cour, particuhèrement favorisé par le duc d'An-
goulême, il fut nommé en 4823 gentilhomme delà chajubre
du roi. La même année, il prit part à l'expédition d'Es-
pagne, au cours de laquelle il commanda une division en
Catalogne, sous le maréchal Moncey. Peu après, il devint
commandeur de Saint-Louis, premier chambellan et grand
maître de la garde-robe, il mourut des suites d'une chute
de cheval qu'il avait faite en accompagnant Charles X à
son sacre. A. DEBmouR.
CURIAL (Napoléon-Joseph , comte), homme politique
français, fils du précédent, né à Paris le 9janv. 4809, mort
le 22 sept. 4864. Il eut pour parrain Napoléon P^. Après
avoir passé par l'école de Saint-Cyr, il entra coînme sous-
lieutenant dans la garde royale (sept. 4827). Deux ans
après, il hérita de la pairie, mais il ne put, vu son âge, en
prendre possession qu'en 4835. Dans l'intervalle, avait eu
lieu la révolution de Juillet et le comte Curial avait quitté
le service mihtaire. Pendant le règne de Louis-Philippe, il
s'occupa surtout d'agriculture et d'élevage, et fut maire
d'Alençon de 4843 à 4848. Sous la seconde Répubhque, il
fut un des représentants de l'Orne à l'Assemblée consti-
tuante, où il vota, d'ordinaire, avec la droite, et à l'As-
semblée législative, où il soutint constamment la politique
de l'Elysée. Aussi Napoléon Fappela-t-il au Sénat par décret
du26 janv. 4852. ^ A. DEBmouR,
CURIÂLE. Le nom de curiale ou décurion désigne au
temps du Bas-Empire les membres des sénats municipaux
de l'empire. Ceux-ci forment au ïv® siècle ap. J.-C. une
noblesse provinciale héréditaire, reposant sur la propriété
foncière (de 25 arpents). L'administration romaine étant
indirecte s'exerçait par l'intermédiaire des curiales. Lors
de la décadence de l'empire, cette classe finit par porter
presque toutes les charges et en fut écrasée. Les curiales
étaient responsables de l'impôt de la capitation dont l'ad-
ministration fixait seulement le chiffre par cité; ils devaient
le lever, en poursuivre la rentrée et combler le déficit; ils
répondaient également des corvées et de plusieurs autres
impôts {aurum coroiiarium, qU,), Ces charges étaient si
lourdes que, pour s'y soustraire, les curiales cherchent à
sortir de leur condition soit en s'élevant à l'ordre sénato-
rial, soit en retombant dans une classe sociale inférieure,
même servile. Le code Théodosien et la législation impé-
riale de cette époque renferment une série de mesures
prises pour retenir le curiale à sa place : il ne peut vendre
ses propriétés sans autorisation du gouverneur de la pro-
vince ; pas davantage s'absenter de'^la ville.
GURiATE (Assemblée) (V. Assemblées bu peuple a
Rome, t. IV, p. 488).
CUBlATiA (Gens). Famille plébéienne, originaire d'Albe
la Longue, à laquelle appartiennent :
Les Curiaces, CuriatiL Nom de trois frères jumeaux,
célèbres dans l'histoire légendaire des origines de Rome.
Nés à Albe la Longue, ils furent désignés comme les cham-
pions de leur patrie contre les trois Horaces, ce duel de
trois contre trois devant fixer le sort de la guerre que le
roi de Rome TuUus Hostilius avait déclarée à AÎbe (vu® siècle
av. J.-C). Le combat s'engagea en présence des deux
peuples ; dès les premières passes deux Iloraces tombent
expirants et les trois Curiaces sont blessés. Seul un Horace
reste sans blessure ; comme il est trop faible contre ses
trois ennemis réunis, il se met à fuir. Ce stratagème réussit,
car les Curiacés en se mettant à sa poursuite se séparent
à cause de leurs blessures qui ne leur permettent pas de
courir d'un pas égal. Aussitôt Horace se retourne ; il fond
sur eux isolément et les tue tous les trois. Albe était vain-
cue ; la ville fut détruite et sa population transférée à
Rome. La légende ajoute que l'un des Curiacés, Attius
Curatius, était fiancé à la sœur des Horaces. Comme cette
jeune fille pleurait son fiancé, Horace qui la rencontra sur
sa route en rentrant à Rome la perça de son épée (V.
HoRÂTiA [Gens]). Malgré la célébrité du combat des Cu-
riacés et des Horaces, il y avait des doutes, dit Tite-Live
(1,24), sur la nationalité des champions; quelques auteurs
faisaient des Curiacés les représentants de Rome. C'est sur
la voie ilppienne, à six milles environ de Rome, que le
combat avait été livré; on a cru en retrouver l'emplacemeut
dans les ruines de la villa des Quintilii^ et les restes des
tombeaux des Horaces dans deux tumulus qui s'élèvent à
droite de la route (V. Ern. Desjardins, Essai sur la topo-
graphie duLatium, pp. 108-ill). Au seizième mille de
la voie Appienne, à côté d'x\lbano, un grand tombeau
situé à droite de la route porte à tort le nom de tombeau
des Horaces et des Curiacés ; c'est probablement celui
d'Aruns, fils de Porsenna {ibid.^ p. 4^3).
C. Curiatius^ tribun de la plèbe en 6i6 (438 av.
J.-C). Étant entré en conflit avec les consuls de l'année,
D. Junius Brutus et P. Cornélius Scipio Nasica, il n'hésita
pas à les faire mettre eu prison en vertu de son jus pren-
sionis,
Curiatius Materniis, orateur et poète du i^^ siècle de
notre ère, que Tacite a introduit parmi les interlocuteurs
de son Dialogus de oratoribus ; il y prend la parole pour
défendre contre Aper (V. ce nom) l'excellence de la poé-
sie. On sait par cet ouvrage qu'il s'était donné d'abord à
l'art oratoire ; mais comme un orateur ne pouvait plus s'ex-
primer alors avec liberté, il renonça à l'éloquence pour la
poésie, n composa des tragédies et des prœtextœ, comme
3Iédée à l'époque de Néron, Domitius^ Caton^ Thyeste,
sous le règne de Vespasien. Il paraît que son théâtre, dont
il ne nous reste pas un fragment, renfermait des allusions
mordantes aux événements du jour. Ces hardiesses déplu-
rent à Domitien qui le fit mettre à mort en 93 (V. Teuffel,
Hist. de la Uttérat. rom,, § 348). G. L.-G.
•CURIATIUS (V. CuRiATiA [Ge7is')).
CURICABERI, dieu tarasc. C'était un couteau de pierre
que les Chichimecs Vacanaze, en envahissant le Michoa-
can, apportèrent enveloppée d'étoffe dans une arche.
Ils lui élevèrent des temples dans leurs diverses stations,
notamment dans File d'Apupato, où se trouvait son trésor
dans dix arches d'argent fin et consistant en boucliers, en
mitres pour les victimes humaines et en plumes précieuses.
On le fit passer pour frère des autres divinités spéciales à
chaque tribu du pays et on leur attribua pour mère com-
mune la déesse Cueravaperi, qui les avait envoyés sur
terre pour y propager les semences, et qui, comme maî-
tresse des nuages, disposait de l'abondance et de la disette.
Mais, comme les adorateurs de Curicaberi étaient la race
dominante, il passait pour être la principale des divinités
tarasques, au-dessous toutefois de Tucapacha, le dieu unique,
créateur et souverain maître. Il faisait des apparitions sous
forme d'aigle. Le feu devait perpétuellement brûler devant
ses autels, où. l'on sacrifiait des centaines de prisonniers de
guerre. Beauvois.
CURIE. I. Antiquité romaine. — La curie est la division
fondamentale de la primitive cité.romaine. Le sens étymolo-
gique du mot est salle de réunion)'. Il fut appliqué plus tard
à la salle des séances du sénat de Rome, puis par extension
au sénat lui-même à Rome et dans les villes de l'empire
romain ; nous n'insisterons pas sur cette acception du
mot, nous bornant à renvoyer au mot Sénat. Les curies
de la Rome patricienne du temps des rois sont pour ainsi
dire les paroisses de la ville; chacune a son foyer, sa cha-
pelle, son culte desservi par un prêtre particulier, et célébré
par tous les membres de la curie. On compte trente curies,
643 — CURIATIA - GURIGER
dix pour chacune des tribus ethniques de la cité (V. Rome
et Tribu) ; la division en curies a donc un caractère artifi-
ciel, ce qui ressort aussi de ce fait que la curie est l'unité
pohtique, religieuse et militaire de la Rome patricienne.
Chacune paraît avoir fourni à l'origine, à l'armée, une
centurie d'infanterie, une décurie de cavaliers, et compté
au sénat dix représentants. Les chapelles des curies ont été
réunies en un seul édifice sur le compitum Fabricium ;
toutefois, quatre d'entre elles {Foriensis^ Rapta^ Veliensis
et Velitia) continuèrent leur culte sur le Palatin où un
vieil édifice avait groupé sept curies. Un prêtre, appelé
curio maximus^ fut préposé sous la République à
l'ensemble de ces cultes placés sous le patronage de hmo
Quiris, Pour les votes, le peuple patricien se groupait
d'abord par curies ; on trouvera au mot Assemblée les
détails sur les comices curiates ; se reporter aussi à
l'étude des origines de Rome et de sa religion (V. Rome).
De bonne heure les curies perdirent leur importance dans
la cité plébéio-patricienne organisée par Servius Tullius ;
à l'époque historique, elles n'ont plus de vitahté propre ;
leurs cultes subsistent avec leurs prêtres (flamines), leurs
curions et le grand curion entretenus aux frais du trésor
(œs eurionium) ; les comices curiates ne subsistent que
de nom. ^
II. Administration ecclésiastique.— Curz<^ romaine. Ce
qu'on désigne aujourd'hui sous ce nom, et que nos anciens
canonistes appelaient ordinairement Cour de Rome, n'est
point un corps spécial, dont les membres se réunissent
pour agir ou déhbérer en commun; c'est l'ensemble ou plu-
tôt la somme des offices très divers établis à Rome, pour
seconder les papes dans le gouvernement général de
l'Eglise. Benoît XIV les a répartis en deux classes : Curie
de grâce et Curie de justice. — La première se compose
de la Chancellerie apostolique, do la Daterie, de la
Chambre apostolique, de la Pénitencerie apostolique et
des sept secrétaireries Palatines, savoir : 4^ la secré-
tairerie d'Etat; 2° la secrétairerie des Brefs ;'à'' la
secrétairerie des Mémoriaux ; ¥ Vauditorat de Sa
Sainteté ; 5* Vaumônerie de Sa Sainteté; 6^ la secré-
tairerie des Brefs aux princes; 7^ la secrétairerie des
Lettres latines, — La Curie de justice comprend la Fiote
et les deux signatures : Signature de grâce et Signature
de justice. — Les congrégations cardinalices font aussi
partie de la curie, mais elles y forment une catégorie parti-
culière. — Dans un sens plus étendu, le mot curie com-
prend, en outre, la Famille pontificale ou maison du pape.
— On trouvera, sous les noms qui viennent d'être men-
tionnés, des indications sur l'origine, la composition et les
attributions des institutions qu'ils désignent. E.-IL Vollet.
eu RI EL (Juan-Alonso), savant professeur espagnol du
XVI® siècle, né aux environs de Burgos. Il étudia à Valla-
dolid, puis aux universités de Salamanque et d'Alcalâ, et
entra dans l'ordre des bénédictins. Il était célèbre de son
vivant par l'austérité de sa vie, sa libéralité envers les
pauvres, son ardeur au travail et passait pour un très grand
savant; il mourut en 4609 sans avoir rien publié. On im-
prima de lui après sa mort : Lecturœ seu questiones in
Divi Thomœ Aquinatis Primant segundce {Doué, 4648,
in-fol. ; Anvers, 4624, in-foL); Controversiœ in diversa
locasacrœ scriplurœ (Salamanque, 4644, in-fol.).
eu RI EN NE. Corn, du dép. de la Savoie, arr. et cant.
de Chambéry; 585 hab.
eu RI ÈRES. Com. du dép. de l'Aveyron, arr. d'Espa-
lion, cant. de Laguiole ; 4,049 hab.
CURIEUX (V. Amateur).
eu RIGA. Ville de l'Espagne ancienne, que Fltinéraire
d'Antonin place sur la route de l'embouchure du Guadiana
à Meridâ. J#lia Curiga, comme le prouve l'inscription
4044 du Corpus,kiût à l'endroit où se trouve aujourd'hui
Monasteiio (Estrémadure) .
GURIGER. Famille de sculpteurs et modeleurs en cire^ ■
dont le membre le plus célèbre est Joseph-Antoine qui
travaillait h Paris avant 4772 pour l'orfèvre Rentiers à
CURIGER — GURIOSOLITËS
eu —
qui Hellinger l'avait recommandé. Ayant quitté Paris à
cette époque, il y revint en 4784 et y devint très à la
mode comme portraitiste. Il a fait un portrait de Bona-
'parte, Joseph-Antoine Curiger mourut en 1810. — Son
frère Joseph-Benoit^ né à Einsiedeln en 1754, mort en
1804, a fait beaucoup do médaillons en cire coloriée et en
aibâtre ; il eut trois fils, Ildefonse, Augustin et Xavier,
qui travaillaient à Vienne au commencement du siècle.
CURIWIÂTIN/E (V. Châracinid/e).
CURIIVIATUS (IchtyoL). Genre de Poissons osseux
(Téléostéens) de l'ordre des Physostomes et de la famille
des Characinidœ ayant pour caractères : dorsale située
directement au milieu du dos, anale assez courte, ventrales
en dessous de la dorsale ; corps oblong, arrondi au niveau
des ventrales, ouverture de la bouche transverse, bords
des mâchoires tranchants, sans trace de dents. On connaît
environ vingt formes de ce genre, presque toutes de petite
taille et propres à l'Amérique tropicale. Rocher.
BiBL. : GuNTHER, Study of Fishes,
eu RIO (V. SCRIBONIUS).
eu RI ON. Chacune des trente curies qui constituaient, à
l'origine de Rome, la communauté patricienne, avait à sa
tête un chef appelé curio ou curionus. Le curion avait à
s'occuper des affaires politiques et religieuses de la curie ;
c'est lui qui offrait les sacrifices {sacra ciiriona) assisté
de sa femme et de ses enfants. Les trente curions for-
maient un collège sacerdotal présidé, du moins sous la
République, par un curio maximus, chargé d'indiquer les
fêtes communes aux curies. « Il est probable, dit Mar-
quardt, que les curions étaient élus par les curies elles-
mêmes; le curio maximus, au contraire, était pris parmi
les curions par le peuple tout entier, et, comme il n'était
pas seulement prêtre, mais fonctionnaire, il était élu dans
des comices spéciaux. » A côté du curion, il y avait, dans
chaque curie, un flamen curialis dont les attributions sont
assez obscures ; on pense généralement qu'il était chargé de
certains sacrifices particuUers, notamment du culte de/imo
Curitis. G. Melin.
BiBL. : J. Marquardt, le Culte chez les Romains, trad.
Brissaud, t. I, pp. 23 1 et siiiv. — Mispoulet, InstU. polit,
des Romains., t. II,p. 403. — Bouciié-Leclercq, Maîiite^ des
instlt. rom.., pp. 6, 497, 513. — Madvig, l'Etat romain, trad.
Morel, t. V, p. 85. — Daremberg et Saglio, Dict. des
antiq. gr. et rom.^ art. Curia.
G U R 1 0 N I (CeHo-Secondo) , humaniste, né à San Chirico
(Piémont) le 1^' mai 1503, mort à Bàle le 24 nov. 1569.
îl était étudiant, lorsqu'il fut attiré vers la réforme par
les écrits de Luther; ses conversations le rendirent suspect
à l'autorité ecclésiastique ; il demeura en Italie poursuivi et
souvent emprisonné jusqu'en 1542. Alors il réussit à passer
les Alpes et, recommandé par une lettre de Renée de Fer-
rare, s'établit d'abord à Lausanne, et, vers 1547, définiti-
Yement à Bàle. Il y obtint à l'université la chaire d'éloquence
latine, au pied de laquelle il fit affluer de partout plusieurs
générations d'étudiants enthousiasmés par son enseigne-
ment. Parmi ses écrits, le plus remarquable est le traité De
Amplitudinè beati regni Dei (s. L n. d. , en 1 554). Curioni
y développe des idées très larges, peu orthodoxes au sens de
ses contemporains calvinistes et luthériens, mais fort inté-
ressantes, sur l'universalité de l'amour de Dieu, F. -H. K.
GU RIOS! (Antiq.). Employés de l'administration romaine
du Bas-Empire. Ils appartenaient à la catégorie des agentes
in rébus et exerçaient les fonctions d'inspecteurs de la
sûreté générale à Rome et dans les provinces subordonnées
au préfet du prétoire puis au maître des offices {magister
ofjiciorum). On en comptait généralement deux par pro-
vince; ils surveillaient les gouverneurs, adressaient au
pouvoir central des rapports, informaient à l'occasion les
gouverneurs eux-mêmes, mais n'avaient j>as d'autorité
directe. D'autres curiosi étaient chargés de la surveillance
des côtes et des ports, des douanes et péages, des postes.
GURIOSITÉ (Psychol. et pédag.). La curiosité est le
désir de savoir. Elle est de deux espèces, parentes si
l'on veut, mais qui diffèrent profondément en dignité et
en nature même. Entre la démangeaison de savoir n'im-
porte quoi, les riens, les mille nouvelles du jour, les
menues affaires et les petits secrets d'autrui, et la pas-
sion de connaître scientifiquement, de chercher la vérité
ou par soi-même ou dans les ouvrages sérieux, il y a un
abime évidemment. Le fond commun de ces deux tendances
est sans doute une certaine activité d'esprit, mais cette
activité est si différente de part et d'autre qu'on a pu
dire, non sans raison, qu'un de ces goûts, dès qu'il est
vif, exclut l'autre, que la grande curiosité tue la petite, et
que celle-ci est une marque certaine de médiocrité intellec-
tuelle. 11 est assez d'usage d'attribuer aux femmes surtout
cet amour des riens. La vérité est que c'est l'effet assez
naturel d'une certaine vivacité mentale qui ne sort pas du
commun, quand la vie est désœuvrée, ou occupée de tra-
vaux qui laissent l'esprit et la langue Hbres. Eloignées des
grandes affaires, naturellement plus amies du détail et sur-
tout plus intéressées que ne le sont les hommes en géné-
ral par tout ce qui touche au sentiment, les femmes sont
plus sujettes, il est vrai, à chercher avidement une exci-
tation agréable dans des choses insignifiantes. Mais qui
ne connaît des hommes qui ne le cèdent à aucune femme à
cet égard, et des femmes, au contraire, exemptes de cette
petitesse d'esprit? C'est un des mille cas où l'on se de-
mande si les traits communément donnés pour caracté-
ristiques de la psychologie des femmes ne sont pas le
simple effet des conditions de vie qui leur sont faites.
La curiosité de bon aloi, au contraire, le désir d'ap-
prendre est un des traits les plus élevés de la nature humaine.
Cet attribut essentiel d'un être pensant varie infiniment
avec l'organisation individuelle, l'hérédité et la culture.
L'importance dans le développement intellectuel en est
évidente ; la question intéressante est de savoir dans quelle
mesure et comment une qualité si précieuse peut être
accrue par nos soins ou compromise par nos fautes, en un
mot, dépend de l'éducation. Or, comme pour les qualités
d'initiative en général, il semble certain que, si l'éducation
ne donne guère la curiosité, elle la tue quelquefois. Elle
peut donc quelque chose pour elle, au moins indirectement,
ne fût-ce que d'écarter ce qui l'éteint. La qualité des mé-
thodes d'enseignement peut se mesurer à ce qu'elles font
pour favoriser l'initiative intellectuelle, pour exciter encore
plus que satisfaire le besoin de savoir et de comprendre.
Pitoyables à ce point de vue sont celles qui, laissant
l'esprit passif, lui ingurgitent le savoir tout fait, l'accablent
de réponses à des questions qu'il ne s'est jamais posées,
l'encombrent de faits sans lien, de mots sans contenu, de
formules. Les bonnes méthodes, au contraire, visent
moins à enseigner beaucoup qu'à donner le désir de savoir ;
elles développent l'habitude de penser par soi-même et de
chercher à se rendre compte. Le moyen, pour cela, c'est
avant tout de maintenir la curiosité naturellement si vive
de l'enfant, tandis qu'il est rare qu'elle survive aux pre-
mières années d'école. L'emploi prématuré et l'abus des
livres, l'insuffisance ou la maladresse de l'interrogation, la
surcharge des notions mnémoniques par lesquelles on brille
dans les examens, telles sont les causes les plus ordinaires
de l'indiÔerence et du dégoût qui chez les écoliers succè-
dent si souvent à la curiosité première. Il est malheureu-
sement plus facile de signaler le mal et ses causes que de
le vaincre. H. Marion.
GURIOSOLITËS {Curiosolitœ, Coriosolites). Peuple
gaulois de la presqu'île armoricaine que César mentionne
parmi les Civitates ■maritimœ et qu'on a identifié avec
les Arvii (V. ce nom) de Ptolémée. Leur territoire, qui
correspond à peu près au dép. actuel des Côtes-du-Nord et
qui a formé plus lard les évêchés de Dol et cVAleth (V. ce
nom), était limité au N. par la mer, à TE. par les Redojies,
au S. par les Venètes et à PO. par les Venètes et les
Osismii, Ils furent soumis à la domination romaine en
57 av. J.-C. par le jeune P. Crassus, lieutenant de J. César;
mais, dans l'espoir de se faire rendre leurs otages, ils
retinrent M. Trebius Gallus que Crassus, pendant son
hivernage dans le pays des AndecavU avait chargé de faire
une provision de blé sur leur territoire. A la suite de cet
acte de rébellion, César envoya chez eux Titurius Sabinus
pour rétablir Tordre. Les Curiosolites ne sont pas men-
tionnés dans la Notice des provinces et des cités; mais,
à en juger par une inscription trouvée à Corseul en 1870,
ils subsistèrent encore à titre de civitas durant une partie
de l'époque impériale. Il faut supposer qu'ils furent unis à
une autre cité, selon toute vraisemblance à celle des
Bédanes , avant la i^édaction de la Notice, Cependant le
souvenir de cette nation persista pendant longtemps encore
en Bretagne. Leur nom a été retenu par la ville de Corseul
{Corsoltum au moyen âge), qui, à en juger par les nom-
breuses antiquités gallo-romaines qu'on y a découvertes, a
dû être une de leurs villes principales, sinon le centre poli-
tique et religieux de tout le territoire ; de plus, les Annales
d'Eginhard nous racontent que les Bretons insulaires,
chassés de leur île par les Angles et les Saxons, vinrent
chercher un asile chez les Venètes et les Curiosolites,
BiBL. : J. César, De Bello gallico, II, 34 ; III, 7, 11 ; VII,
75. — Pline l'Ancien, Hisi. nat.^ IV, xxxiii, 2. — Le
Pelletier DE Soucy, Découverte ^es ruines de Vancienne
ville des Curiosolites^ dans Mém. de VAcad. des inscript.
(Hist.), 1717, 1, 291-298. — N. de la Houssaye, Dissert. hist.
sur Corseult et les Curiosolites., dans Mém. de l'Acad.
celtique., 1807, 1, p. 246. — L.-J. Bizeul, la Cité d'Alet et
les Curiosolites., dans Bidl. archéol. de l Association bret..,
1853, IV, pp. 39-76. — Odorici Luigi, Fouilles faites dans
le bourg de Corseul., dans ï Investigateur., t. IV, pp. 343-
344, 3» série. — Aurélien de Courson, Des Curiosolites de
César et des Corisopites de la Notice des provinces., dans
îe Bull, de la Soc. de géographie^ oct. 1860. •— Fornier,
Rapport sur les fouilles du haut Becherel en Corseul^
dans le Bull, de la Soc. d'ém. des Côtes-d.-N., 1869, 103. —
E. Desjardims, Géographie de la Gaule romaine., passim.
•— LoNGNON, les Cités gallo-romaines de la Bretagne ;
Saint-Brieuc, 1873. — Du môme, Géographie de la Gaule
au vi" siècle; Paris, 1878, pp. 315 et suiv. — Arthur de la
Borderie, Diablintes., Curiosolites et Corisopites: Paris,
1881.
eu RIS. Com. du dép. du Rhône, arr. de Lyon, cant.
de Neuville-sur-Saône ; 374 hab.
CURITYBA. Ville du Brésil, ch.-l. de l'Etat du Parana,
sur un plateau des contreforts occidentaux de la Serra de
Mar, à 897 m. d'alt.; 15,000 hab. Excellent climat. Presque
toutes les maisons ont des jardins. Les céréales et les
arbres fruitiers de l'Europe réussissent très bien dans toute
cette région. Le nombre des colons européens a augmenté
beaucoup depuis 1874, dans les environs de cette ville.
Fondée avant 1654 par des chercheurs d'or du Sâo Paulo,
elle devint, à partir du 19 déc. 1853, le ch.-l. de la pro-
vince de Paranâ, détachée alors de celle de Sâo Paulo.
Un chemin de fer, très remarquable par ses travaux d'art,
relie Curityba au port de Paranaguâ (111 kil.). R.-B.
CURIUS (Y.Cmïk[Gens]).
CURLEY. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de Dijon,
cant. de Gevrey-Chambertin ; 76 hab.
CURLU. Com. du dép. de la Somme, arr. de Péronne,
cant. de Combles; 329 hab.
eu RM AN (Cari-Peter), médecin suédois, né à Sjœge-
stad (Isen d'OEstergœtland) le 8 mars 1833. D'abord méde-
cin à Lysekil (1859), il y fonda un nouvel établissement
balnéaire (1863), un autre à Stockholm (1866); devint
professeur d'anatomie plastique à l'académie des beaux-arts
de Stockholm (1869) et docent en balnéologie et en hydro-
thérapie à l'institut KaroHn (1880). Il a publié dans
Hygiœa : Des Bains romains et finnois (1871) ; Sur le
Massage (1873), et àdimhs Archives médicales : le Cli-
mat d'été en Scandinavie et sur le littoral de la mer
du Nord (1877; à part et augmenté, 1879). B-s.
CURMER (Henri-Léon), éditeur et écrivain français, né
à Paris le 17 déc. 1801, mort à Paris le 29 janv. 1870.
D'abord principal clerc de notaire, il se fit libraire en
1833 et donna une série de magnifiques éditions illustrées :
Paul et Virginie, le Jardin des Plantes, les Anglais et
les Français peints par eux-mêmes, Heures de maître
Etienne Chevalier, les Trois Règnes de la nature, les
Contes de Perrault, Vlmitation de Jésus-Christ, Heures
a — CURIOSOLITES — CURRADO
d'Anyie de Bretagne , Evangiles des dimanches et
fêtes, etc., etc.; ces trois dernières publications sont
d'admirables reproductions en couleurs d'anciens manus-
crits. Il collabora d'autre part à divers journaux {Presse,
Constitutionnel, Union, etc.) et publia : De lliltahliS'
sèment des bibliothèques communales en France
(Paris, 1846, in-8) ; Dresde, Paris, Rome, Montpellier,
poésies (Paris, 1861, 2 vol. in-8; 3*^ édit., 1863) ; la
Propriété littéraire et artistique (Paris, 1862, in-8) ;
la Vague, poésies (Paris, 1865, in-8), etc. L. S.
eu RM ONT. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr. de
Chaumont, cant. de Juzennecourt ; 49 hab.
CURNIER. Com. du dép. de la Drôme, arr. et cant. de
Nyons ; 252 hab.
CUROPALATE. Dignité byzantine fort considérable
dont les attributions sont assez mal connues. Le curopalate,
conmie l'indique son nom, avait la garde suprême du
Palais sacré (ouXaxTJ xriç auX%), sans que l'on puisse dé-
terminer s'il faut entendre par là l'intendance des bâtiments
impériaux ou le commandement de la garde particulière de
l'empereur. En tout cas, la fonction disparut vite et le titre
n'indiquaplus qu'une très haute dignité palatine. A l'origine,
le curopalate prenait rang aussitôt après l'empereur, et à
cette époque le titre est souvent accordé à des membres de
la famille impériale, parfois môme à l'héritier du trône.
Jusqu'au viii^ ou ix*^ siècle, la dignité de curopalate resta
entête de la hiérarchie palatine ; pîustard, la multiplication
des titres de cour, surtout à l'époque des Comnènes, la fit
descendre de quelques degrés ; on trouve au-dessus d'elle
au xii*^ siècle le titre de protocuropalate ; et dans l'énumé-
ration de Codinus, qui lui-même en était revêtu, la dignité
de curopalate ne vient plus qu'au quinzième rang. Outre
le curopalate de la cour de Byzance, un prince du Claucase,
le chef de la maison royale d'Ibérie, était investi à titre
honoraire de la même dignité ; elle avait été conférée par
Léon Vï au prince Adranasès, et depuis lors elle était de-
meurée héréditaire dans la dynastie ibérienne. Leroi cour-
palate d'Ibérie, maréchal honoraire du palais impérial et
vassal de l'Empire, était le chef de toute la féodalité du
pays. La femme du curopalate s'appelait la curopalatissa.
Une des personnes les plus célèbres qui portèrent ce titre
est Anne Dalassène, la mère des Comnènes. Ch. Diehl.
BiBL. : ScHLUMBERGER, Sillographic byzantine, 489,
CURRADI (Dominique) (V. Ghirlandajo).
CURRADI (Benedetto) (V. GmRLANOAJo).
CURRADI (David) (V. Ghirlandajo).
CURRADO (Domenico) (V. Ghirlandajo).
CURRADO ou CURRADI (Rafïaello), sculpteur italien
du xvi®-xvii® siècle, né à Rovezzano, près de Florence, tra-
vaillait, d'après Nagler, vers 1580. D'abord élève de Giu-
lio Parigi, ensuite de Fr. Ferrucci, Currado exécuta une
partie de la décoration du palais Pitti et des jardins Boboli.
Ses travaux les plus marquants sont des sculptures en
porphyre. On possède de lui un colosse revêtu d'une ar-
mure à écailles et deux bustes de Ferdinand P^ et de
Cosme H, grands-ducs de Toscane, exécutés en collaboration
avec Fabrizio Farina (musée des Offices). Il restaura la grande
statue de Moïse. En initiant Domenico Corsi au secret de
la sculpture en porphyre, il s'en fit un aide. Cet artiste
l'enseigna à son tour à Cosimo Silvestrini, qui put ainsi
terminer la restauration du Mo^s^, commencée par Curradi.
Celui-ci se retira en 1636 dans un couvent de Volterra,
où il y sculpta un superbe ciboire d'albâtre ; et il y mourut
en odeur de sainteté.
CURRADO (Francesco), peintre itahen, né à Florence
en 1570, mort en 1661, fils aîné du sculpteur Taddeo
Currado, surnommé il Battiloro. Il fréquenta l'atelier de
Battista Naldini et y fit de grands progrès. Son coloris se
faisait remarquer par sa vigueur, ses personnages par leur
noblesse, ses tètes de femmes et d'enfants par leur charme.
Plus tard, il se rendit à Rome oti il exécuta des toiles pour
leroi de Portugal, qui le décora de l'ordre du Christ. De
retour à Florence, il mit au jour une quantité énorme
CURRABO -^ CURTl
646 -
d'ouvrages. Son portrait, peint par lui-même, se trouve
dans la collection des Offices. Le musée du Belvédère à
Vienne possède son Abraham recevant les trois Anges,
GURRAN (John-Philpot), avocat et homme politique an-
glais, né à Newmarket (Irlande) le 24 juil. 1750, mort à
Londres le 44 oct. 1817. Destiné à l'Eglise par sa famille,
il préféra le barreau et se fit inscrire à Londres (Middle
Temple) en 1773. Il exerça au barreau irlandais à partir
de 1775 et s'y distingua bientôt en plaidant des procès
électoraux. Nommé conseiller du roi en 1782, il fut élu
en 1783 par Killeggan, membre de la Chambre des com-
munes d'Irlande, et il siégea dans l'opposition. Il s'y rendit
populaire par ses altercations avec Fitzgibbon (lord Clare)
et ses duels retentissants avec ses ennemis politiques , non
moins que par ses ardentes protestations contre les pro-
cédés du gouvernement anglais en Irlande. Pitt chercha à
se concilier cet adversaire gênant et lui fit offrir une magis-
trature, voire même la pairie. Mais Curran refusa ces
offres et entra dans un nouveau parti d'opposition formé
par Grattan, Daly, Forbes, le duc de Leinster et lord
Ponsonby, défendit plusieurs accusés politiques de marque
comme Rowan, poursuivi sous l'inculpation d'avoir pro-
voqué les Irlandais à la rébellion armée (1794), comme
W. Drennan, les conspirateurs de Drogheda, le révérend
W. Jackson, accusé de haute trahison et qui s'empoisonna
devant la cour (1795), plusieurs journahstes, etc., etc. Il
fut impliqué lui-même dans la rébellion de 1798, arrêté,
mais remis aussitôt en liberté. Il fut néanmoins pi ivé de
son titre de conseiller du roi. Il défendit alors les chefs de
ce mouvement avec infiniment de courage. Après Pacte
d'union auquel il avait toujours été opposé et qui, disait-il,
devait annihiler l'Irlande, Curran, désespéré et d'ailleurs
fort malade, demeura quelque temps éloigné des affaires.
Puis il reprit sa place au barreau irlandais. Ses dernières
années furent assombries par un drame de famille. Sa sœur
Sarah s'était éprise de Robert Emmett (V. ce nom), le chef
de la malheureuse insurrection de 1803, et cette liaison
causa à Curran les plus graves embarras : on perquisitionna
dans sa maison et il dut comparaître devant le conseil privé.
Il éprouva aussi des déceptions politiques. Il avait sollicité
après la mort de Pitt le poste d'attorney général ; on le lui
refusa et il dut se contenter de celui de maître des rôles
(1806) qu'il ne garda d'ailleurs qu'un an. Il échoua en
1812 à Newry, aux élections pour la Chambre des com-
munes. Il traîna dès lors une existence désenchantée. Ses
discours ont été publiés par Davis en 4855. R. S.
BiBL. : H. Curran, Life of Cumin ; Londres.— Ch. Phil-
lips, Curran and his contemporaries ; Londres, 1850. —
O'Regan, Memoir of Curran^ 1817. — Leslie Stephen,
National hiography, t. XIIL
CURRUS (Antiq.) (V. Char).
CURRY (John), historien et médecin anglais, né à
Dublin, mort en 1780. Après avoir étudié la médecine à
Paris, il exerça à Dublin où il se fit une grande réputation.
Il a écrit : An Essayon or dinar y fevers (Londres, 1743,
in-8); Somethoughts ou Ihe Naticre of fevers (Londres,
1774, in-8). Il est plus connu par ses ouvrages historiques.
Son Brief Account from the most aiithentic protestant
writers of the irish rébellion i641 (Londres, 1747,
in-8) écrit en faveur des catholiques, souleva une ardente
polémique. Son Eistorial and critical Review of the
civil wars in ïreland (Dublin, 1775, in-4) a obtenu un
grand succès et a eu plusieurs éditions (notamment .'Dublin,
1786, 2 voL;1810, in-8),
CURSAN. Com. dudép.de la Gironde, arr.de Bordeaux,
cant. de Créon ; 202 hab.
CURSEUR. I. Filature. — Petites agrafes qui guident
les fils dans les métiers continus à bagues, et qui servent
à leur donner leur torsion, en même temps qu'ils règlent
leur enroulement autour des bobines (V. Filage).
IL Art MiLiTAfRE (V. Hausse).
CURSUS HONORUM (V. EPIGRAPmE).
CURT (GiustoLe), sculpteur itahen du xvii^ siècle. Cet
artiste, d'origine flamande, travaillait à Venise vers 1750;
quoique ses leçons fussent assez recherchées, il n'avait
qu'un talent médiocre, ainsi qu'en témoignent les statues
du maître-autel de l'église de la Salute, seules œuvres que
l'on connaisse de lui. Ad. T.
CURTAFOND. Com. du dép. de l'Ain, arr, do Bourg,
cant. de Montrevel ; 710 hab.
CURTATION (Astron.). Terme anciennement employé
qui désigne la différence entre la distance d'une planète au
soleil et la projection de cette distance sur l'écliptique. Si
i désigne l'inclinaison de l'orbite planétaire sur l'écliptique,
et d la distance de cet astre au soleil, la curtation a pour
expression :
-(icosz = «i(l -
- cos i) =z M sin^ -r- .
CURTATO NE (Combat de). Combat où, le 29 mai 1848,
une division italienne fut écrasée par des forces autri-
chiennes triples; elle couvrait le siège de Peschiera qui fut
prise le lendemain.
GURTEA DE Argesu (V. Argis).
CURTl (Girolamo), surnommé tï Dentone^ peintre, né
à Bologne en 1577, mort à Parme en 1631. Ce peintre
s'occupa uniquement de perspective et de décoration ; après
avoir été ouvrier dans une filature de Bologne, il entra
dans l'atelier de Lionello Spada qui lui enseigna les élé-
ments de la perspective ; de là il passa à Rome, s'y perfec-
tionna par l'étude de l'architecture antique et se créa en
peu de temps la réputation d'un décorateur de premier
ordre. Il a travaillé à peu près dans toute l'Italie, à Parme,
à Modène, à Ravenne, à Bologne, à Rome, où il décora une
des salles du palais Ludovisi ; à Trebbio, où il a décoré
le palais des comtes Malvasia en collaboration avec Fr.
Brigio, etc. Son collaborateur le plus habituel était An-
giolo-Michele Colonna, que la souplesse de son talent fai-
sait rechercher par tous les décorateurs de son temps.
CURTl (Francesco), peintre et graveur, né à Bologne
en 1603, mort en 1670. On ne connaît guère que les gra-
vures de cet artiste et encore ne peut-on les citer comme
des œuvres de grande valeur ; il a gravé une suite de seize
portraits datés de 1 633 ; un Traité de dessin d'après le
Guerchin, Vénus dans la forge de Vulcain d'après
Carrache, un Enfant endormi d'après le Guide, etc.
CURTl (Pier-Ambrogio), écrivain italien, né à Milan le
2 août 1819. On lui doit de nombreux ouvrages dont
quelques-uns offrent encore un certain intérêt, tels que son
recueil intitulé : Tradizioni e leggende di Lombardia
(4 vol. in-8) qui devait faire partie de la grande collec-
tion des Tradizioni italiane projetée par Brofïerio ;
Pompei e le sue rovine (1872-1874, 3 vol. in-8) ; Livia
Augusta^ roman historique et archéologique assez curieux
(1878). On lui doit également la publication d'une cen-
taine de chansons populaires allemandes, dans le journal
la Fama^ et de trente petites compositions grecques éga-
lement d'origine populaire, dans la revue la Scuola e la
famiglia. Il eut sous la domination autrichienne d'assez
nombreux démêlés avec la police, sur lesquels M. Bersezio
donne dans ses mémoires quelques détails. R. G.
BiBL. : Vittorio Bersezio, Il Regno di Vittorio Ema-
nuele, TrenVanni di Vita letteraria; Turin, 1881, t. in,in-8.
CURTl (Charles-Théodore), publiciste suisse, né le
24 déc. 1848 à Rapperschwyl dans le canton de Saint-Gall,
d'une famille originaire de Milan, mais fixée depuis 1665
sur les bords du lac de Zurich. Ses débuts dans le jour-
nalisme se firent dans la Gazette de Francfort qui i'em-
ploya pendant deux ans (1870-1871), d'abord comme
correspondant en Alsace pendant la guerre franco-alle-
mande, puis comme membre ordinaire de sa rédaction. En
1872, après qu'il fut revenu en Suisse, M. Curti collabora
à une feuille radicale, la Gazette de Saint-Gall, et prit
une part active, soit comme publiciste, soit comme orateur
populaire, à une revision, dans la direction centrahsatrice,
de la constitution fédérale. Les relations d'amitié qui l'unis-
saient à M. Sonnemann l'attachèreUt pour une nouvelle
période de six années (1873-1879) à la Gazette de.
— 647
CURTI -^ CURTIUS
Francfort, En 4875, il fut emprisonné pendant deux mois
pour délit de presse; en 4877, il fit de fréquents séjours
en France, soit à Paris, soit en province, en qualité de
correspondant de divers journaux; en 4879, il fonda avec
son ami, l'humoriste Reinhold Ruegg, la Zûricher Post^
qui devint bientôt l'organe le plus autorisé des socialistes
delà Suisse orientale. Député à partir de 4884 au conseil
national suisse pour le troisième arrondissement saint-
gallois, et de 4890 pour la ville de Zurich, il s'est signalé
par son activité législative. Ifn volume de vers, Bouquet
de Fleurs ('186n), un roman religieux, Jean Elmer
(4876) et de nombreuses publications économiques, philo-
sophiques et sociales composent le bagage littéraire de
M. Curti. Ernest Stroehlin.
CURTI A {Gens). Famille de l'ancienne Rome, d'origine
plébéienne, à laquelle appartiennent :
M. Curtius, chevalier romain, qui s'est immortalisé
dans la légende parle sacrifice de sa vie. En 389 de Rome,
365 av. J.-C, un gouffre se produisit au miheudu Forum;
toute la terre qu'on y jeta ne parvint pas à le combler. Les
aruspices, consultés par le sénat, déclarèrent que la vo-
lonté des dieux était qu'un citoyen courageux se précipi-
tât dans le gouffre. Alors M. Curtius monte tout armé sur
un cheval, et, partant du temple de la Concorde, il s'élance
avec son cheval dans le trou béant, qui se referme aussi-
tôt sur lui. Cette légende avait été inventée pour ex pliquer
le nom de Curtius lacus que portait une région du Forum.
Le héros de cette mort volontaire a été célébré par un grand
nombre d'écrivains latins : « C'est notre Hercule et notre
Thésée, » dit Cicéron.
Curtius Mettius, Sabin de l'armée de Titus Tatius, qui,
lors de la bataille entre Sabins et Romains dans la plaine
du Forum, voyant Romulus s'élancer sur lui, se jeta dans
un marais qui couvrait alors le Forum avant la construction
des égouts, et parvint ensuite à regagner le Capitole où
était l'armée Sabine ; autre étymologie du nom du Curtius
lacus,
C, Curtius Philo y consul en 309 de Rome, 445 av.
J.-C. L'endroit du Curtius lacus ayant été frappé de la
foudre, le Sénat ordonna qu'il fût entouré d'une clôture ;
le consul Curtius fit exécuter cet ordre : troisième étymo-
logie du nom du Curtius lacus,
'Q, Curtius Rufus (V. Quinte-Curce). G. L.-G.
Btbl. : Varron. De Lingua latina^ V, B2, § 148-150.
CURTIL-Saint-Seine. Com. du dép. de la Côte-d'Or,
arr. de Dijon, cant. de Saint-Seine; 107 hab.
GURTIL-sous-RuFFiÈRES. Com. du dép. de Saône-et-
Loire, arr. de Mâcon, cant. de Cluny; 295 hab.
CURTlL-sous-RuRNAND. Com. du dép. de Saône-et-
Loire, arr. de Maçon, cant. de Saint-Gengoux-le-National ;
449 hab.
CURTIL-Vergy. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Dijon, cant. de Gevrey-Chambertin ; 96 hab.
CURTIN. Com. du dép. de l'Isère, arr. de La Tour-du-
Pin, cant. de Morestel; 405 hab.
CURTIS (sir William), homme politique anglais, né à
Londres le 25 janv. 4752, mort le 48 janv. 4829. Ran-
quier à Londres, il fut élu alderman en 4785, sheriff en
4789 et en 4790 membre de la Chambre des communes
pour la Cité, qu'il représenta sans interruption pendant
vingt-huit ans. Il fut un des plus zélés partisans de Pitt.
En 1795-96, il exerça les hautes fonctions de lord-maire
et fut créé baronet le 23 déc. 4802. Mais son torysme
forcené finit par le rendre tellement impopulaire qu'il échoua
aux élections législatives de 4848. Le gouvernement lui
offrit alors un siège k la Chambre des pairs et le titre de
lord Tenterden qu'il refusa. En 4849, il se fit élire par
Rletchingley (Surrey) et en 4820 il sut rentrer en grâce
auprès de ses électeurs de la Cité. Gurtis jouit toujours de
la faveur de George IV. Son faste ridicule, l'étroitesse de
ses opinions politiques lui attirèrent une espèce de célé-
brité. Il prêta à une infinité d'anecdotes piquantes, de
satires, de caricatures dans les journaux du temps et, à la
Chambre des communes, aux plaisanteries perpétuelles des
libéraux. R. S.
CURTIS (George-Ticknor), historien américain, né k
Watcrtown (Massachusetts) le 28 nov. 4842. Elève du
collège Harvard, puis avocat à Roston, il s'adonna à des
travaux juridiques, pubha divers écrits sur le droit mari-
time, la législation des brevets d'invention, la jurispru-
dence des tribunaux des Etats-Unis. Son principal ouvrage
est ïllistory of the origin, formation and adoption
of the Constitution of the United States (New-York,
4855-58, 2 vol.). Il a écrit en outre une Vie de Daniel
Webster (4870, 2 vol.), et Last Years of Daniel
Webster (4878). ^ Aug. M.
CURTIS (George-William), littérateur et publiciste
américain, né à Providence (Rhode-Island) le 24 févr. 4824.
Après avoir essayé du commerce k New- York et de l'agri-
culture dans une sorte de phalanstère agricole à Roxbury,
Curtis se retira à Concord, où il poursuivit ses études tout
en se livrant à des travaux de ferme. Là, il entra en rela-
tions avec Emerson, Hawthorne, Thoreau, Channing, au
temps oii I^lmerson s'efforçait d'organiser un club avec les
éléments « inclubables », mais philosophiques du voisinage.
De 4746 à 4750, il séjourna en Europe, où il visita suc-
cessivement l'Italie, l'Allemagne, l'Autriche, la France, la
Suisse et l'Egypte, tour à tour étufliant à l'université de
Rerlin ou passant l'hiver à Rome avec un groupe d'artistes
américains, Crawford, Hicks, Cranch, Terry, Freeman,
Kensett. A son retour (4750), il publia successivement
the Mies Notes of an Howadji^ souvenir du voyage en
Egypte ; the lïowadji in Syria ; des lettres au journal
la Tribune de diverses villes d'eaux à la mode, réunies
sous le titre de Lotus Eating (4850-52). A New-York,
il devint l'un des collaborateurs habituels du Monthly de
Putnam, où il pubha la série d'esquisses satiriques de la
société, appelée les Potiphar Paper s (4853), et diverses
pièces de vers. Curtis était un des propriétaires du Monthly
de Putnam ; la faillite de l'entreprise (4857), l'engagea
dans des embarras pécuniaires dont quinze années de
travaux purent enfin le sortir. Il publia deux nouvelles,
Prue and I en 4856 et Trumps en 4862, et dans le
Harper's Magazine^ à partir de 4858, une série d'articles
sous le titre de Editor's Easy Chair, En 4857, il prit
la direction du journal illustré, Harper's Weekly, Lorsque
la guerre civile éclata, Curtis s'enrôla dans le parti répu-
blicain, soutint la candidature présidentielle de Grant en
4868 et 4872, mais se rangea parmi ses adversaires dans
la campagne relative au third ter m (candidature du géné-
ral pour une troisième présidence). Il contribua activement
au succès des candidatures de MM. Hayes en 4876 et Gar-
field en 4880. Partisan résolu et l'un des chefs les plus
ardents du mouvement pour la réforme du système admi-
nistratif, il fut un des promoteurs de la scission provoquée
dans le parti républicain par la candidature présidentielle
de M. Rlaine en 4884, mais ne soutint pas, en 4888, le
président démocrate, M. Cleveland, dans sa campagne de
réélection contre le candidat républicain, M. Ilarrison.
M. Curtis reste, dans son parti, sinon un dissident, au moins
un indépendant. Lors de la fondation du collège Cornell, il
fut l'un des premiers professeurs de l'institution. En 4867,
il était un des régents de l'université de New- York, comité
institué pour surveiller et contrôler au nom de l'Etat les
établissements d'instruction supérieure. A. Moireau.
CURTIUS (V. CuRTiA [Gensl),
CURTIUS (Quintus) (V. QmNTE-CuRCE).
CURTIUS (François) l'Aîné, jurisconsulte italien, né à
Pavie, où il fut professeur, et mort à Pavie en 4495. On
a de lui plusieurs traités : De Jurejurando propter ca-*
lumniam; De Testibus; Consilia.
BiBL. : DE Savigny, Histoire du droit romain au moyen
âge, trad. par Ch. Guenoux, IV, p. 272. — Taisand, les
Vies des plus célèbres jurisconsultes^ 1721, p. 152. — Ulysse
Chevalier, Répertoire des sources historiques du m,6yen
âge, I, p. 528.
CURTIUS (François) le Jeune, jurisconsulte italien,
CURTIUS - CURTO
- 648
neveu et fils adoptif du précédent, mort en d533. Il pro-
fessa le droit à Pavie et à Mantoue. François P^ l'admit
dans ses conseils lorsqu'il était maître du duché de Milan.
Fait prisonnier après la bataille de Pavie, Gurtius n'obtint
sa liberté qu'en promettant pour rançon une année du trai-
tement considérable que les Vénitiens lui offraient pour
professer à Padoue. Il a écrit un traité De Fendis et des
Consilia. — Ses fils, Roland et François-Jérôme^ furent
eux-mêmes jurisconsultes.
BiBL. : Taisand, les Vies des plus célèbres jurisconsultes,
1721, p. 153.
CURTIUS (Valentin), Korte ou Kortheim, théologien
luthérien, né à Lebus le 6 janv. l^QS, mort à Lubeck
le 26 nov. 1567. Il étudia la théologie et entra dans
l'ordre des franciscains à Rostock ; mais, ayant embrassé
la Réforme, il y devint pasteur en '1528. En 1534, il fut
appelé à Lubeck, où il devint surintendant général des
Eglises. Il eut une influence considérable dans' les Eglises
luthériennes de l'Allemagne du Nord, prit part à tous les
colloques importants et à toutes les discussions théolo-
giques qui agitèrent la seconde moitié du xvi^ siècle, et
rédigea en 1560 la Formula lubecensis^ ou Formula
consensus de doctrina euangelii et administratione
sacramentorum, qui fut signée par tous ses collègues,
adoptée par le conseil, et conserva l'autorité d'une con-
fession de foi. Il écrivit aussi, en 1561, une Protestatio
contra Synodum tridentinum.
CURTIUS (Corneille) ou DE CORTE, historien belge,
né à Bruxelles vers 1590, mort à Waesmunster le 9 oct.
1638. Il entra dans l'ordre des augustins et enseigna la
théologie à Louvain. Il occupa ensuite dans son ordre de
hautes fonctions qui l'amenèrent à voyager en Allemagne,
en Bohême et en Autriche. Il était fort instruit et parlait
un grand nombre de langues. Ses principaux ouvrages ont
trait à l'hagiogTaphie. Ce sont : Vitce SS. Ruperti et
Viglii, anstistitum Salisburg eiisium (In^ohtdiàt^ 1621,
in-8) ; Virorum illustrium ex ordine Eremitarum D.
Augustini Elogia cum singulorum expressis ad vivum
iconibus (Anvers, 1636, in-4). Beatus Nicolaus Tolen-
tinus, aliique aliquot ejusdem ordinis Beati (Anvers,
1637, in-8). E. H.
BiBL. : SwEERTius, Atheum Belgicse sive nomenclator
germ. infer. script.; Anvers, 1628, in-fol. — Foppens, Bihlio-
^theca belgica; Matines, 1739, 2 vol. in-4. — Mir.eus,
Dibliotheca ecclesiastica; Louvain, 1723, in-4.
CURTIUS (Ernst), célèbre historien allemand, né à
Lubeck le 2 sept. 1814, professfmr à l'université de Berlin
(1843), précepteur du prince Frédéric (plus tard empe-
reur), directeur du musée d'antiquités de Berhn. Ses écrits
principaux sont : De Portubus athenarum (Halle, 1842) ;
Klassische Studien (Bonn, 1840), paraphrase de poètes
grecs; Anecdota delpfiica (Berlin, 1843) ; Inscriptiones
atticce XII (1848) ; Die Akropolis von Athen (1844).
Il fit ensuite une série de voyages archéologiques en
Grèce et en Asie Mineure, prépara les fameuses fouilles
d'Olympie ; il publia alors : Èaxos (1846) ; Olympia
(1852); Die lonia (1855), ouvrage capital où irprit le
contrepied de la thèse d'Otfried Muller et mit en relief le
rôle capital des Ioniens dans la civilisation hellénique ; puis
Ueber deri religiœsen Charakter der griechischen Mun-
zen ; Beitrœge %ur Gesch. und Topographie Kleina-
siens (1872) ; Ephesos (1874) ; Atlas von Athen (1878).
Il avait, dès 1852, publié un autre ouvrage de premier
ordre, Peloponnesos (Gotha, 1851-52, 2 vol.); de 1857
à 1861 parut son Hisloire grecque (1881, 5^ éd.), tra-
duite par Bouché-Leclercq, qui reste la meilleure par les
qualités du style, non moins que par la vive intelligence
de Curtius, malgré quelçjues faiblesses dans l'érudition.
Comme littérateur et critique, E. Curtius a donné des dis-
cours académiques et d'apparat qui ont eu le plus vif succès.
Ils sont réunis sous le titre : Altertum und Gegemvart,
CURTIUS (George), célèbre philologue et hnguiste alle-
mand, né à Lubeck le 16 avr. 1 820, mort à Hermsdorf, près
de Warmbrunn le 12 août 1885. Après de bonnes études
au gymnase de sa ville natale, il suivit les cours des
universités de Bonn et de Berlin et en particuHer ceux
de Ritschl, Welcker, Lassen et A.-W. SchlegeL dans la
première de ces villes, de Lachmann, Boeckh, Ranke et
Bopp, dans la seconde. Dirigé par l'illustre fondateur de
la grammaire comparée dans les voies de la science nou-
velle, il indiqua par son premier travail. De Nomine
graxorum formatione (1842), dont il lui adressa la
dédicace, le rôle qu'il était destiné à jouer en appUquant
les méthodes de son maître à l'étude phonétique et mopho-
logique de la langue grecque. « Habilité » comme docteur
pour la philologie classique en 1846 par l'université de
Berlin, durant un séjour de trois ans qu'il fit à Dresde en
qualité de professeur au Vitzdhum'schen Gymnasium de
cette ville, il fut ensuite nommé (1849) professeur de
philologie classique à l'université de Prague, d'oti il passa
en 1854 à celle de Kiel et enfin (1861), toujours au même
titre, à celle de Leipzig au sein de laquelle il enseigna jus-
qu'à sa mort. Indépendamment d'un grand nombre de
discours d'ouverture de cours, de dissertations scientifiques,
de comptes rendus, d'articles de revues, etc., dont les
plus importants ont été réunis en volumes sous le titre de
Kleinen Schriften von Georg Curtius (1886), on lui
doit les ouvrages suivants : Grunduige der griechischen
Etymologie, dont la première édition parut en deux
parties (1858-1862); ce Hvre, qui est l'œuvre capitale de
Curtius, eut un succès considérable constaté par les cinq
éditions dont il a été l'objet en moins de vingt ans (la
dernière est de 1879); Zur Chronologie der indoger-
manischen Sprachforschung (1867; une nouvelle édi-
tion en 1873), traduit en français par Bergaigne (1869)
sous le titre de la Chronologie dans la formatioîi des
langues indo-germaniques ; Das Verbum der griechi-
schen Sprache ; deux volumes dont le premier parut en
1873 et le second en 1876 ; une seconde édition en
1877-1880. Curtius est encore l'auteur d'une grammaire
grecque à l'usage des écoles (Griechische Schulgramma-
tik) dont l'on compte jusqu'à ce jour dix-huit éditions.
Ce résumé pratique, dans lequel il a pris pour tâche de
tirer le meilleur parti possible au point de vue pédago-
gique des données de la grammaire comparative, a été
traduit en français par M. P. Clairin (1884).
Son activité scientifique se traduisit enfin par la part
qu'il prit et la direction qu'il imprima à la série de tra-
vaux publiés de 1868 à 1878 sous le titre de Studien
zur griechischen und lateinischen Grammatik ( 1 0 vol . ) .
Cette importante collection se compose, à part ses propres
contributions, de mémoires rédigés par ses meilleurs
élèves sur des questions se rattachant aux matières qu'in-
dique l'intitulé. Quelques mois avant sa mort, Curtius
publia sous le titre de Zur Kritik der neuesten Sprach-
forschung, un petit ouvrage de polémique dirigé contre
les principes de l'école dite de la nouvelle grammaire, dont
plusieurs de ses anciens élèves étaient les promoteurs ou
les adhérents. Paul Regnaud.
CURTO (Jean-Baptiste-Théodore, baron), général fran-
çais, né à Montpellier le 26 mars 1772, mort vers 1832.
Il s'engagea dès l'âge de quatorze ans dans un régiment
de dragons, parvint rapidement au grade de capitaine,
passa, en 1792, comme chef d'escadrons, dans un régiment
de hussards, servit avec distinction dans les armées du
Nord, de Sambre-et-Meuse, d'Italie, d'Helvétie et d'Egypte
(1792-1802), fut chargé de diverses missions à Rome et
en Calabre et devint colonel en 1804. Il fit la campagne
de 1805 en Allemagne, fut remarqué, pendant celle de
1809, aux batailles de Raab et de Wagramet reçut, en
récompense de sa belle conduite dans ces deux journées,
la décoration de la couronne de fer et le titre de baron.
Nommé général quelque temps après, il fut envoyé en
Espagne (1811) où, à la tête d'une brigade de cavalerie,
il se comporta très vaillamment aux Arapiles (1812) et à
Vittoria (1813). Il prit part ensuite aux dernières opé-
rations de la grande armée en Allemagne à la fin de 1813
649 -
CURTO - CURWEN
et, pendant la campagne de France, mérita surtout des
éloges pour avoir culbuté, avec 1,200 hommes, un carré
de 3,000 Russes et pris toute l'artillerie d'un corps d'ar-
mée à la bataille de Brienne. La Restauration le fit chevalier
de Saint-Louis et gouverneur de Thion ville. Pendant les
Cent- Jours, il refusa d'abord de reconnaître Napoléon, se
soumit ensuite, mais fut mis à la retraite, Louis XVIII
remonté sur le trône le rappela à l'activité. Curto exerça
depuis divers commandements en rapport avec son grade et
finit comme inspecteur général de cavalerie. A. Debidour.
C U RTZ (Sébastien) , mathématicien allemand, né à Nurem-
berg en 1376, mort en 1639, auteur d'un Compendium
Arithmeticœ, écrit en allemand et très souvent réimprimé.
Il composa également une ArUhmeticœ perfecta (1649)
et une Philosophiamathematica{i^ost]mme,i6M); enfin
il traduisit du hollandais le Thésaurus Geomstricus de
Sylvandt Hunss.
eu RTZ (Albert), savant allemand, né à Munich en
1600, mort à Munich le 19 déc. 1671. Entré en 1616
dans la Société de Jésus, il enseigna les mathématiques et
la philosophie dans diverses maisons de son ordre et devint,
en 1646, recteur du collège de Neubourg (Bavière). Il a
écrit : Novum Cœli systema (Dillingen, 1616, in-4) ;
Amussis Ferdinandea (Munich, 1651, in-fol.) ; Pro-
hlema austriacum (Munich, 1655). On lui doit en outre
une édition très précieuse des observations faites par Tycho-
Brahé de 1582 à 1601 : Historia cœlestis complectens
observationes Tychonis Brahe , cuni commentariis
Lucii Barretti (anagramme de Alberti Curtii) (Vienne,
1657 ; Augsbourg, 1666, 2 vol. in-fol.). L. S.
BiBL. : J.-F. Weidler, Hisiom astronomiœ ; Vitebergue,
1741, p. 455, in-4.
CURUPAÏTY. Nom d'une partie escarpée delà rive gau-
che du Paraguay, entre Humaïtà et Curuzû. Pendant la
guerre entre le dictateur Lopez II, du Paraguay et le Brésil,
la République Argentine et l'Uruguay, il y avait à cet en-
droit des batteries sur le fleuve et un retranchement pro-
tégé par des marais et par un lac. Cette position, défendue
par le général Diaz, fut longtemps bombardée par l'amiral
brésilien Famandaré, Le 22 sept. 1866, les Argentins,
sous le général Bartolomé Mitre, et les Brésiliens sous le
général Porto-Alègre, y furent repoussés avec de grandes
pertes. Le 15 août 1867, les cuirassés brésiliens, dirigés
par l'amiral Inhauma, forcèrent les batteries de Gurupaïty
et commencèrent le bombardement d'Humaïtà. Enfin, le
21 mars 1868, les Brésiliens s'étant emparés des lignes
de Sauce, à l'O. les Paraguayens évacuèrent Gurupaïty.
eu R VA LE. Com. du dép. du Tarn., arr. d'Albi, cant.
d'Alban, sur leRancé; 2,229 bah. Ce village possédait
autrefois un château dont la fondation paraît remonter au
x^ siècle; il fut assiégé et pris par les Anglais en 1380.
On y enferma, en 1450, Marie de Bourbon, fille d'Eléonore
de Vendôme et de Jean de Bourbon, comte de La Marche,
et on l'y garda pendant treize ans. Il n'en subsiste que des
ruines sans importance. La com.de Curvalle comprend les
paroisses de Villeneuve, de Saint-Pierre-d'Illiergues, de
Montredon et de Nègremont. A 50 m. de l'église de Nè-
gremont, près de la fontaine de Saint-Martin, est une croix
en granit du xo'^ siècle. C. C.
CURVILIGNE (V. Coordonnées).
CURVIMÈTRE (Géom.). Le curvimètre est un petit ins-
trument de poche destiné à donner, après une seule opé-
ration et par une simple lecture : 1'^ la longueur métrique
d'une ligne quelconque, droite ou courbe, tracée sur une
carte ou un plan ; 2*^ la longueur naturelle correspondant
à une longueur graphique sur les cartes en dix millièmes
et en cent millièmes et sur les cartes dont les échelles sont
des multiples ou des sous-multiples des précédentes. Le
curvimètre est une application d'une propriété de la vis
micrométrique, mise à profit par M. Gaumet. Il y en a de
tout modèle et de toute forme : le plus employé aujourd'hui
est à cadran et à manche (fig.) ; il sert à mesurer instan-
tanément et sans report à l'échelle, les distances sur les
cartes géographiques et les plans, quelles que soient leurs
échelles. Grâce à un mécanisme établi avec le plus grand
soin, à sa roulette d'un très petit diamètre et à son
manche indispensable aux mouvements de la main, il donne
rapidement et avec une grande précision les distances
cherchées. Le cadran por-
te deux graduations : la
première, extérieure, me-
surant exactement un mè-
tre, est divisée en
100 centim. Le curvimè-
tre peut donc remplacer
le mètre, et, de plus, il
a Tavantage de mesurer
les courbes. Cette gra-
duation correspond aussi
à l'échelle du 100,000%
adoptée pour plusieurs
cartes françaises et étran-
gères. La seconde gradua-
tion, intérieure, est faite
spécialement pour les car-
tes de l'état-major fran-
çais à l'échelle du 80,000«.
Pour se servir du curvi-
mètre, on met l'aiguille à
zéro en faisant tourner
la roulette; on saisit le
manche du curvimètre
entre le pouce et les deux
premiers doigts de la
main droite et on suit
avec la roulette le che-
min dont on veut avoir la
distance. L'aiguille indi-
quera sur le cadran le
nombre de kilomètres du
chemin parcouru. Si l'é-
chelle de la carte est un
multiple ou une fraction
d'une des deux gradua-
tions du cadran, il faut
multiplier ou diviser par
ce multiple ou cette frac-
tion le chiffre indiqué par
l'aiguille. On peut aussi
tout simplement apphquer
le curvimètre sur Féchelle métrique qui se trouve généra-
lement sur la carte, en le faisant marcher à reculons depuis
le zéro de ladite échelle jusqu'à ce que l'aiguille du cadran
soit revenue à son point de départ, au point où le curvi-
mètre s'arrêtera sur l'échelle métrique. On lira précisé-
ment sur la graduation de cette échelle, et sans aucun
calcul, le nombre de kilomètres cherché. Avec cette ma-
nière de procéder, le cadran est même inutile, et en effet
il existe de petits curvimètres très simples et peu coûteux
qui sont construits dans cet ordre d'idées. L. Knab.
CURWEN (Samuel) , loyaliste américain pendant la guerre
de l'Indépendance, né en 1715 à Salem (Massachusetts),
mort en Amérique en avr. 1802. Après avoir servi comme
capitaine contre Louisbourgen 1744-45, il occupa pendant
quinze ans un emploi dans la perception des taxes royales.
En 1774, il était juge dans une cour d'amirauté, et sou-
tint le gouverneur Hutchinson contre l'opposition faite à
la prérogative royale et à l'autorité du parlement sur les
colonies. Ayant pris nettement parti pour la métropole, dès
le début de la querelle, il s'embarqua à Philadelphie en
mai 1775 et passa en Angleterre tout le temps que dura
la guerre. Il rentra en Amérique en 1784 et y vécut sans
être molesté pour son attitude politique. Il a laissé de son
séjour en Angleterre, de ses voyages, amusements et occu-
pations diverses pendant cette période, un journal intéres-
sant qui fut publié en 1842 par son petit-fils, sous le titre
Curvimètre à cadran.
CURWEN - CUSCUTE
650
suivant : Journal and Letten of the laie Samuel Cur-
wen, an American Refugee in England, from 1115
to il84> On y trouve de curieuses notes sur les hommes
et les métiers du temps, sur la société de Londres, les
théâtres, les opinions des réfugiés sur les affaires d'Amé-
rique, les prédicateurs en vogue, etc. Aug. M.
CURZAY. Corn, du dép. delà Vienne, arr. de Poitiers,
cant. de Luzignan, sur la Vomie ; 870 hab. L'église a con-
servé une élégante porte du xv^ siècle. Château des xv^ et
xvi^' siècles. Source intermittente de la FoUière. La sei-
gneurie de Curzay relevait du château de Lusignan,
C U RZO LA. Ile autrichienne de la mer Adriatique, qui fait
partie de l'archipel dalmate. Elle est située au N.-O. de Ra-
guse, en face de la presqu'île de Sabbioncello ; 260 kil, q.;
12,400 hab, environ. Elle a pour chef-lieu la ville de Curzola
(2, 000 hab.), station du Lloyd autrichien . Le bourg principal
estBlato (4,000 hab.). Elle s'appelle en croate Korcula.
CURZON. Com. du dép. de la Vienne, arr. de Poitiers,
cant. de Lusignan ; 990 hab.
CURZON (Paul-Alfred de), peintre français, né à Mou-
linet (Vienne) en 1820. Elève deDrolHng et de Cabat, il a
peint surtout des paysages, et son talent gracieux a été
apprécié du public. Ses principaux tableaux sont Dante et
Virgile sur le rivage du Purgatoire (1855, Musée du
Luxembourg), Ecco Fiori (1861), Vendange à Procida
(1864), Souvenir des Côtes de Provence (1874), Cam-
pagne de Rome (1887), etc.
CUS>€ (GéogT. anc). Ville d'Egypte, nome Lycopolite
(Thébaïde), résidence de la légion IL'^ Constanta The-
bœorum. Evêché.
CUSANNE (Riv.) (V. Côte-d'Or, t. XII, p. 1187).
eu SA NO (Aloysius), jurisconsulte d'origine espagnole,
né en 1595, mort en 1660, Il passa sa vie à Milan, où il
acquit une grande réputation de savoir et occupa de hautes
fonctions administratives; il devint même président du
conseil de régence du Milanais. Argelati mentionne de lui :
Respuesta al cap. vu del libre I de lapesquisa de Jac,
Casano que funda las pretensiones de la corona de
Francia alducado de Milan (Madrid, 1644, in-4).
eu SAN US (V, CusE [Nicolas de]).
CUSATl (Girolamo), peintre napolitain, mort vers 1720.
Cet artiste, qui cultivait spécialement la peinture de fleurs
et de fruits, se distingua aussi dans la peinture comique.
CUSCAMINE (Chim.). Alcaloïde cristallisé, trouvé par
0. Hosse dans une écorce de quinquina, probablement le
C. Pelletierana, On traite les eaux mères, provenant de
la préparation de l'aricine, par une petite quantité d'acide
azotique : il se précipite des nitrates, qu'on transforme en
oxalates ; Foxalate de cuscamine étant fort peu soluble,
on met la base enHbertéet on la fait cristalliser dans l'al-
cool. La cuscamine est sous forme de prismes aplatis,
fusibles à 218°, solubles dans l'alcool, Féther et le chlo-
roforme ; sa saveur est astringente, faiblement amère. Ses
sels, qui ne sont pas fluorescents, ne se colorent pas par
le chlorure ferrique ; les alcahs en séparent la base sous
forme d'un précipité floconneux. Le chlorhydrate., le
chloroplatinate et le chloraurate n'ont pas été obtenus
à l'état cristallin. Le bromhydrate est en lamelles inco-
lores, tandis que Viodhydrate est un précipité blanc, deve-
nant peu à peu cristallin. Le nitrate est en aiguilles
déliées, à peine solubles dans l'eau; il en est de même
de Voxalate neutre; Voxalate acide est en prismes
groupés en étoiles (0. Hesse, Liebig's An. cliem., t. CC,
302). Ed. BouRGoiN,
CUSCATLÂN (V. Cuzcatlan).
eu SCO (Edouard-Gabriel), chirurgien français contem-
porain, né à Paris le 23 déc. 1819. Il a fait toutes ses
études médicales dans cette ville et a été nommé successi-
vement interne des hôpitaux au concours de 1843, aide
d'anatomie en 1845, prosecteur en 1847. Reçu docteur en
août 1848, il concourut la même année pour la place de
chirurgien du bureau central des hôpitaux et sortit victo-
eux de la lutte, àpeine âgé de vingt-neuf ans. Nous citerons
de lui : Recherches sur différents points d^anatomie., de
physiologie, de pathologie (Thèse de doctorat, 1848),
recherches personnelles importantes en ce qui concerne
plusieurs des nerfs crâniens; I)e l' Antéflexion et de la rétro-
flexion de l'utérus (Thèse d'agrégation, 1853); Leçons
sur la syphilis faites à l'hôpital du Midi (1862) ; Enip-'
lions du larynx survenant dans la période secondaire
de la syphilis (thèse de doctorat, 1864; ces lésions
n'avaient pas encore été signalées). Bec-de-lièvre compli
que, procédé autoplastique spécial (1875); Cautérisation
linéaire des paupières contre le blépharospasme et l'en-
tropion (187^). M. Cusco a commencé à la Salpêtrière
en 1857 un cours d'ophtalmologie et d'ophtalmoscopie,
auquel il a joint à l'hôpital de Lariboisière, puis à l'Hôtel-
Dieu, l'installation d'une clinique réguHère des maladies
des yeux, qu'il a dirigée pendant dix ans, et qui fait partie
aujourd'hui de l'enseignement officiel de la faculté. Il est
aussi l'inventeur do divers instruments et appareils, en-
tre autres d'appareils de suspension chirurgicale des mem-
bres, d'un spéculum utérin bivalve qui est devenu d'un
emploi général, d'une pince à phimosis et d'un appareil
renfermant des lentilles optiques douées d'élasticité et dont,
par conséquent, le pouvoir de réfraction peut varier. L'on
peut ainsi, dans les cours de physique, reproduire expéri-
mentalement l'accommodation naturelle del'œil, et démontrer
que cette accommodation aux distances résulte des varia-
tions imprimées à la convexité du cristalhn. Enfin, c'est à
l'initiative de M. Cusco et sur ses instances, que la faculté
de médecine de Paris a été dotée en 1871 d'une chaire
d'histoire de la médecine due à la donation généreuse de
feu Salmon de Champotran, chaire que le donateur créait
en faveur de M. Cusco, mais que ce dernier déclina en
insistant pour que son ami, l'érudit Deremberg, en fût
chargé. M. Cusco fait partie de l'Académie de médecine
depuis avril 1881 . D^' A . Bureau.
CUSCUTE. I. BoTANïouE. — {Cuscuta Tourn.). Genre
de plantes de la famille des Convolvulacées, qui a donné
son nom au groupe des Cuscutées. Ce sont des herbes
annuelles, parasites, remarquables par leurs tiges fili-
formes, très allongées, de couleur rougeâtre ou jaunâtre,
dépourvues de feuilles, mais présentant des écailles à
l'aisselle desquelles se développent les rameaux et des
glomérules de fleurs d'un blanc rosé, jaunâtres ou ver-
dâtres. Ces fleurs, hermaphrodites et régulières, ont un
caHce de cinq sépales, une corolle gamopétale, campanulce,
à cinq lobes, munie en dedans de cinq écailles pétaloïdes
minces, ordinairement laciniées, au-dessus desquelles sont
placées cinq étamines à an-
thères biloculaires et in-
trorses. L'ovaire, super e et
biloculaire, devient à la ma-
turité une capsule membra-
neuse, à déhiscence circu-
laire (Pyxide). Les graines
contiennent, sous leurs té-
guments, un gros albumen
charnu, autour duquel s'en-
roule en spirale un embryon
filiforme, dépourvu de co-
tylédons. Au moment de la
germination, une des ex-
trémités de l'embryon s'al-
longe et s'enfonce en terre
comme le ferait une radi-
cule. L'autre extrémité s'é-
lève, grandit et émet çà et
là des racines adventives en forme de suçoirs, au moyen
desquelles elle s'accroche à certaines plantes, aux dépens
desquelles elle vit, car à ce moment la racine se détruit.
— Les Cuscutes ont des représentants dans toutes les
régions du globe ; elles sont surtout nombreuses en Amé-
rique. Le Cuscuta epithymum Murr. {C. minor DC),
qu'on appelle vulgairement Petite Cuscute, Teigne, Tei-
Cuscuta major DC. (rameaux
florifères).
651 —
CUSCUTE
gtiasse, Rache, Cheveux de Vénus, Cheveux du Diable,
et dont le C, trifolii Babingt, n'est qu'une variété, se
développe surtout dans les prairies artificielles et est sou-
vent un véritable fléau pour l'agriculture. Il vit aux dépens
de la Luzerne et du Trèfle. On le trouve également sur le
Thym, le Serpolet, le Genêt à balai, les Ajoncs et les
Bruyères. Une espèce voisine, le C. major \)t, {C. euro-
pea L.), vit en parasite sur l'Ortie dioïque, mais aussi sur
le Houblon, la Pomme de terre, la Vesce et la Fève de ma-
rais. Le C. densiflor a Soy.'Wûlm. (C» epilinum Wcihe;
Epilinella cuscutoides Pfeifl".), au contraire, se développe
spécialement dans les champs de Lin, où il cause souvent
des dégâts considérables ; de là son nom vulgaire de Bour-
reau du Lin. Ed. Lef.
IL Agriculture. — La cuscute est une plante parasite
très nuisible à la luzerne, au trèfle, au lin, au chanvre, etc.
Les cultivateurs lui donnent communément les noms de
teigne, rage, cheveux du diable, rogne, cheveux de Vénus,
tortillon, etc., etc.
Nocuité de la cuscute, La cuscute est annuelle et se
reproduit surtout par ses graines ; cependant il résulte
d'observations récentes que cette plante peut résister aux
froids de l'hiver; souvent elle résiste jusqu'au printemps
sur les plantes qu'elle a attaquées l'année précédente.
Mais ce n'est pas seulement par les graines que cette
plante parasite se propage ; elle se multiplie aussi à l'aide
des filaments capillaires, rameux et plus ou moms rou-
geâtres, qui constituent ses tiges. Il résulte d'expériences
laites par Bienvenuti que des fragments de ces tiges jetés
dans une luzernièro, donnent naissance à des cuscutes qui
se développent et s'accroissent de jour en jour. Ce n'est
pas d'hier que la cuscute, par la facilité avec laquelle elle
se multiplie et la difficulté que présente sa destruction,
est justement redoutée des agriculteurs. La nocuité ou
plutôt le parasitisme de la cuscute réside dans ce fait que
ses longues tiges grêles et filiformes s'enroulent sur les
tiges des plantes qu'elles épuisent en enlevant toute leur
nourriture par de nombreux suçoirs. Parmi les diverses
espèces de cuscute, c'est sans contredit colle qui attaque
les légumineuses fourragères, trèfles, luzernes et sainfoins,
qui cause le plus de dommages aux agriculteurs, et contre
la propagation de laquelle des mesures générales pour-
raient être utilement prises. D'autres espèces de cuscutes
vivent aux dépens de divers arbres et arbustes, tels que les
cytises, le baguenaudier, le sophora, les robiniers, les
bruyères, la vigne, la tomate, le sorbier, etc. Ces diverses
plantes ont beaucoup à souffrir de la cuscute lorsqu'elles se
trouvent atteintes, mais le fait est plus rare que pour les
légumineuses herbacées, qu'elle fait périr le plus souvent.
Moyens préservatifs. Pour préserver les champs des
ravages de ces parasites , il y a plusieurs moyens, i ^ Le
plus efficace est évidemment de s'assurer de la pureté des
graines de luzerne, de trèfle et de sainfoin que l'on emploie.
La récente création d'une station d'essai des semences à
l'Institut agronomique de Paris, permet de les faire con-
trôler aujourd'hui en France, comme on le fait depuis des
années avec grand profit en Suisse, en Danemark et dans
divers autres pays. D'ailleurs, il est bon de faire remarquer
que les graines delà cuscute sont plus petites que celles du
trèfle et de la luzerne. On peut les séparer à l'aide de tamis
et de crible. 2° Ne pas employer, pour fumer les prairies
artificielles, le fumier des bestiaux nourris avec des four-
rages infestés de cuscute, car généralement cette graine ne
fait que traverser le tube digestif et, comme elle conserve
longtemps sa faculté germinative, les fumiers la transpor-
teraient infailliblement là où elle n'existait pas. 3° Lorsque
l'agriculteur récolte lui-même ses graines de plantes four-
ragères, ne pas prendre celles-ci dans les champs infestés,
ou, dans les cas d'absolue nécessité, les récolter à la main.
Toutefois, nous devons ajouter que ces moyens préservatifs
ne sont pas toujours suffisants, et l'on est souvent forcé
de recourir aux moyens de destruction qui sont d'ailleurs
peu nombreux.
Moyens de destruction. Parmi les moyens dont l'expé-
rience a le mieux démontré l'efficacité, nous citerons : -1° Le
parcours des moutons, renouvelé pendant deux ou trois
ans. 2*^ Avant que la cuscute ait pu fleurir, couper à la
faux ou à la faucille les plantes attaquées; elles repous-
seront, on les coupera de nouveau et chaque fois à hauteur
de 5 à 8 centim.; la cuscute ne fleurira ni ne grainera, et
l'année suivante elle aura probablement disparu si on a eu
soin, comme le commande M. de Dombasle, d'opérer dès que
la cuscute se montre. 3** M, PriUieux recommande, aussitôt
qu'une tache de cuscute se montre, de la cerner d'abord de
façon à ce que pas un pied atteint ne reste en dehors de la
hmite. Il ne faut pas oublier que le moindre fragment de
tige de cuscute suffit pour produire un nouveau foyer d'in-
fection. On peut râteler d'abord la place envahie, amasser
au centre la cuscute enlevée, avec un peu de paille, y verser
du pétrole et y mettre le feu, puis retourner à la bêche
toute la portion où l'invasion a été reconnue et qui a été
précédemment limitée. Si c'est une prairie permanente, sur
une luzerne, çiue l'on a fait l'opération, on ramènera sur
la terre qui vient d'être labourée des graines de graminées,
de ray-grass par exemple, que la cuscute n'attaque pas. La
place mise à nu se recouvrira d'herbe sans que l'on risque
que quelques rameaux de cuscute échappés à la destruction
produisent de nouveaux centres d'invasion. ¥ On peut
encore employer la chaux, comme cela se pratique dans
certaines régions de la Normandie et de la Champagne;
on dissémine sur la place infestée, et pendant plusieurs
jours de suite, de la chaux vive en poudre. On choisit un
temps sec, et on sème la poudre caustique le soir et le
matin ; la rosée, le brouillard la font adhérer à la plante
parasite, dont elle détruit les suçoirs par son action caus-
tique. Les racines de la luzerne n'en ressentent pas l'in-
fluence. M. Devèze a proposé de détruire la cuscute en
recouvrant les parties où elle végète avec de la tannée ; ce
moyen réussit, paraît-il, assez fréquemment. 5^ Enfin, un
autre moyen de destruction qui semble avoir gagné la
faveur des agriculteurs dans ces dernières années est
l'arrosage avec des dissolutions de sels métalliques et
notamment de sulfate de fer. Déjà, en 1826, Bonafous, se
rappelant que Davy avait constaté que les sels métalliques
étaient de véritables poisons pour les plantes, avait pro-
posé d'aiguiser souvent la faux avec une pierre trempée
dans du sulfate de fer. Mais c'est M. Ponsard qui, le
premier, a proposé l'arrosage dos places atteintes. Voici en
quoi consiste son procédé : on fauche ras de terre les
endroits envahis par la cuscute, on rassemble les débris
avec soin et on les transporte dans un sac au dehors de la
luzernière; puis avec une dissolution de sulfate de fer oucou-
perose verte (4 à 8 kilogr. par 400 Htres d'eau) et au moyen
d'un arrosoir à pomme percée de petits trous, on mouille
toute la surface qui a été nettoyée. Sous l'action de cette
solution vitriolique, fait observer M. Heuzé, les fragments
des tiges qui sont encore enroulés aux collets de la luzerne
ou qui existent sur le sol prennent promptement une
teinte brune et perdent leur vitalité. On peut encore
arroser la place cuscutée avec du purin renfermant 2 à
4 *^/o de sulfate de fer; ce moyen est même très efficace.
Bien d'autres moyens ont été préconisés, mais leur effica-
cité est douteuse. D'ailleurs Schneider a signalé aue dans
certaines années la cuscute disparaît d'une ferme et même-
d'une contrée, sans qu'on puisse expliquer cette parti-
cularité par l'action des phénomènes atmosphériques. En
résumé, le moyen indiqué par M. Prillieux semble le plus
pratique dans la grande majorité des cas. En Aflemagne,
dans certaines circonscriptions, la destruction de la cus-
custe a été rendue obligatoire; dans le district d'Engen
(Bade), les détenteurs des terres où l'on rencontre de la
cuscute en fleur sont passibles d'une amende qui peut
s'élever à 25 fr., et la destruction est faite par un tiers
aux frais du contrevenant. En France, les préfets peuvent
aujourd'hui prendre des arrêtés prescrivant la destruction
de la cuscute (V. Cuscuteur). Albert Larbalétrier.
CUSCUTE — CUSHING
— Qm —
BiBL. : Agriculture. — Magne et Batllet, Traité
d'agriculture pratique, 1875, t. II, in-18. — Congrès inter-
national d'agriculture à Paris en 1889, Rapports de la
sixième section (Plantes nuisibles, par M. Prillieux). —
G. Heuzé, les Plantes fourragères, 1885, t. II, in-18.
CUSCUTEUR C'est un appareil servant à séparer au-
tomatiquement les graines de cuscute des semences de
luzerne, de trèfle, de sainfoin, etc. Très répandus en
Angleterre et en Allemagne, ces instruments commencent
à être employés en France par les marchands grainiers
qui tiennent à ne livrer à leurs clients que des graines
exemptes de cuscute. Un des plus simples consiste en
une sorte de cylindre garni d'une toile métallique spé-
ciale à la semence que l'on veut nettoyer, monté sur deux
axes très excentrés qu'on pose sur un bâti. On enferme
dans ce cylindre un ou plusieurs décalitres de la graine à
purifier et on donne à l'instrument un mouvement lent
pendant quelques minutes. La graine de cuscute plus fme
que les graines de légumineuses, se détache et passe à
travers la toile métallique ; ces graines sont ensuite inciné-
rées dans un foyer. On construit également d'autres cus-
cuteurs plus perfectionnés qui brisent les capsules de cus-
cute et mettent par conséquent à nu les très petites
semences de cette plante parasite, pour ensuite les séparer
des graines des plantes utiles. Alb. L.
CUSE-Adrisans. Com. du dép. du Doubs, arr. de
Baume-les- Dames, cant. de Rougemont ; 444; hab.
eu SE (Nicolas de), théologien et cardinal, né en 4401,
mort à Todi (Italie) le 44 août 4464. Le nom de son père,
batelier sur la Moselle, était Chrypfîs (écrevisse) ; Nicolas
fut appelé Cusamis, du nom de son lieu d'origine, Cues,
dans le diocèse de Trêves. Il étudia d'abord le droit, puis
à la suite d'un échec entra dans le sacerdoce et s'adonna
à l'étude de la philosophie et de la théologie. Comme archi-
diacre et protonotaire de Liège, il assista au concile de
Baie, convoqué pour 4434. Pour l'ouverture de ce concile,
il avait terminé ses trois livres De Catholica Concor-
dantia. Avec quelques-uns des esprits les plus distingués
de son temps, il soutenait dans cet écrit, et dans un autre
traité contemporain : la suprématie des conciles sur le
pape ; l'indépendance des deux pouvoirs, l'impérial et le
papal, la restauration de l'autorité épiscopale et l'élection
de l'évêque par le clergé et le peuple. A ces assertions
courageuses, il joignit une certaine tolérance qui lui fit
réprouver les rigueurs du concile à l'égard des hussites.
Mais dès 4440 il fit volte-face et prit désormais la
défense du pape. Il est probable que l'habileté du secré-
taire du concile, Enée Silvius (Pie II, en 4458), ne fut pas
étrangère à cette conversion. Quoi qu'il en soit, Nicolas
fut dès lors comblé d'honneurs par le saint-siège et chargé
des missions les plus importantes. Il alla à Constanti-
nople pour essayer de faire cesser le schisme et fut député
à Francfort auprès des électeurs rassemblés. En 4448, il
fut nommé cardinal, et peu après évêque de Brixen. Là
il entra en conflit avec l'archiduc Sigismond, fut empri-
sonné, mais relâché devant les menaces du pape. Pie II,
qui en 4458 lui avait déjà conféré le titre de vicaire du
pape, l'appela alors à Rome. La philosophie du Cusain
demeura plus indépendante que sa conduite. Son principal
ouvrage, les trois livres De Docta îgnorantia^ oppose à
la scolastique qui se survivait, une sorte de néoplatonisme
confus, mélangé d'idées spéculatives prises de maître
Eckhart (V. ce mot). Il réussit moins que ce dernier à
éviter le panthéisme. Dieu, selon lui, est le maximum et
le minimum absolus puisqu'il ne saurait être ni plus grand,
ni plus petit qu'il n'est; le monde n'est qu'une réduction
ou contraction du maximum ; mais Nicolas ajoute qu'il faut
se contenter de pareilles conjectures, parce que l'homme
ne peut comprendre la vérité entière. G. Bruno procède
de Nicolas de Cuse. Comme mathématicien, Nicolas est
fort remarquable; dès 4436, il proposa la réforme du
calendrier julien et entrevit la rotation de la terre autour
du soleil, il avait deviné également la fausseté des décré-
tâtes du pseudo-Isidore, et la fiction de la donation de
Constantin. En tout, il est plutôt intéressant par ses vel-
léités qu'important par une action réelle exercée sur ses
contemporains. Les œuvres de Nicolas de Cuse ont été
imprimées dès 4476, puis en 3 vol. in-fol. à Paris (4544),
et de même à Bâle (4565). Dans un hôpital fondé à Cues,
par Nicolas, on conserve quelques manuscrits inédits.
F.-H. Kruger.
BiBL. : F.-A. ScHARPFF, Der Cardinal und Bischof Nico-
laus von Cusa; May ence, 1813, remanié et réédité à Tubin-
gue, 1871. — J.-M. bux, Der deutsche Cardinal Nicolaus
von Cwsa, und die Kirche seiner Zeit; Ratisbonne, 1847,
2 vol. — F. Clemens, g. Bruno und Nicolaus von Cusa;
Bonn, 1847. — Stumpf, Die politischen Ideen des Nicolaus
von Cues; Cologne, 1865.— A. Brockhaus, Nicol. Cusani
de concilii univers, potestate sententia ; Leipzig, 1867. —
Storz, Die spekidative Gottesidee des Nicolaus von
Cusa, dans Theol. Quartalschrift ; Tubingue, 1873.
CUSEY (Ciisiacmn, Cuseium), Com. du dép. de la
Haute-Marne, arr. de Langres, cant. dePrauthoy ; 374 hab.
Cette localité, située au confluent du Badin et de la Vin-
geanne, était commandée au moyen âge par une importante
forteresse qui appartint longtemps à la famille de Vergey.
Les Anglais s'en emparèrent dans les premières années du
xv^ siècle ; il fut repris plus tard par les Langrois et dé-
mantelé. Les ligueurs l'occupèrent au siècle suivant, et la
Révolution n'en a laissé subsister que des ruines. On voit
encore sur le territoire de Cusey les vestiges d'une ancienne
commanderie de Templiers. A. T.
CUSHING (Caleb), jurisconsulte, orateur et homme
politique américain, né le 47 janv. 4800 à Salisbury (Mas-
sachusetts) d'une famille d'armateurs, mort à Newbury-
port le 2 janv. 4879. Il fit ses études au collège d'Harvard
et y professa quelque temps les sciences, puis il alla s'éta-
blir à Newburyport et s'y fit rapidement un nom parmi les
avocats de cette ville qui, en 4825, l'envoya à la Chambre
législative du Massachusetts. En 4829, il fit un voyage en
Europe et publia à son retour, en 4830, deux ouvrages :
Réminiscences of Spain et Historical and Political
Review of Révolution in France, En même temps, il
écrivait de nombreux articles de droit et d'histoire dans la
Noi'th America7i Review. Emoyé en 1835 au Congrès des
Etats-Unis, il siégea jusqu'en 4 845 dans le Sénat de sa
province. A cette époque, il se détacha du parti des w^higs,
soutint le président Tyler, et passa définitivement dans- les
rangs des démocrates. En 4844 il conclut avec la Chine le
premier traité qui établît des relations entre cet empire et
les Etats-Unis. De retour à Newburyport, en 4846, il fut
de nouveau élu député. L'année suivante, lors de la guerre
contre le Mexique, il leva à ses frais un régiment ap-
pelé régiment du Massachusetts dont il fut nommé co-
lonel, fit avec lui la campagne du Rio Grande, sous les
ordres des généraux Taylor et Scott, et fut peu après
nommé général de brigade. Après avoir été battu en 4847
comme candidat démocrate, il se représenta en 4850 et
réussit à être envoyé pour la cinquième fois à la Chambre
du Massachusetts ; la même année, la ville de Newbury-
port le choisit pour maire. Juge à la cour suprême en 4852,
attorney général en 4853, il occupa ces fonctions jusqu'à
l'avènement du président Buchanan, en 4857. Réélu en
4 860, il patronna sans succès les candidatures de MM. Breck-
enridge et Lane à la présidence et à la vice -présidence.
En 4864, lors de la guerre de Sécession, il se déclara
pour les fédéraux. Il fut, en 4866, un des trois juriscon-
sultes qui reçurent la mission de codifier les lois . Il prit
part au traité par lequel la Russie céda aux Etats-Unis ses
possessions du Nord-Ouest, et à celui qui fut conclu en
4869 avec la Colombie pour le percement de l'isthme de
Darien. Arbitre avec MM. Waite et Evarts dans la célèbre
affaire de ÏAlabama, il critiqua vigoureusement les procé-
dés des arbitres anglais, dans son Traité de Washington
(4873). Le gouvernement du président Grant le nomma
en 4874 président de la cour suprême, mais le Sénat mit
tant de répugnance à ratifier ce choix, que Cushing donna
presque aussitôt sa démission. L'année suivante il fut en-
voyé comme ministre plénipotentiaire en Espagne pour y
— 653 —
CUSHING — CUSSET
améliorer les relations diplomatiques (pi étaient devenues
très difficiles à la suite de l'insurrection de Cuba. Malgré
son âge déjà avancé, Cushing accepta cette mission et s'en
acquitta à la satisfaction générale. Au mois d'avril 4877 il
revint dans son pays et se retira à Newburyport. Malgré
tous ses services, il ne fut jamais populaire, ni auprès des
whigs, ni auprès des républicains, ni même auprès des dé-
mocrates auxquels il s'était rallié en 1845. Outre les
ouvrages dont il a été parlé au cours de cet article, on
a encore de Cushing une Histoire de Newburyport
(1826), un Traité d'Economie politique, rHistoi7'e du
progrès et de V accroissement territorial des Etats-
Unis (1839, 8 vol. in-8,) et la Vie du président Bar-
Tison (1840). F. Girodon.
BiBL. ;Drake, Dîctionary of American hiography, 1875.
— Appleton, Annual Cyclopœdia and register of impor-
tant events of the year 1870.
CUSHMAN (Robert), moraliste anglais, mort en 1626,
auteur d'un livre sur l'amour-propre, the Sin and Dan-
ger of Self- Love (Londres, 1622).
CUSHMAN (Miss Charlotte Sâunders), cantatrice et tragé-
dienne américaine, née à Boston vers 1820. Douée d'une
fort belle voix, elle commença par se faire entendre dans
les concerts, puis, malgré l'opposition de sa famille, aborda
la scène et débuta avec un très grand succès, à New- York,
dans le rôle de la comtesse des Noces de Figaro. Ayant
perdu sa voix, elle s'adonna au drame et à la tragédie, et
se présenta de nouveau au public de la Nouvelle-Orléans
dans le rôle difficile de lady Macbeth, et y obtint un suc-
cès complet. En 1845, elle vint se produire à Londres, et
fit de nombreuses tournées dans les provinces anglaises,
où elle obtint de vifs succès. L'un des meilleurs rôles de
miss Cushman était celui de Roméo àms Roméo et Juliette
de Shakespeare, où elle se montrait très pathétique et très
émouvante. — Une sœur cadette de cette artiste, miss
Suzanne Cushman, s'était vouée aussi au théâtre, et s'est
montrée à ses côtés , pendant plusieurs années , sur les
scènes d'Amérique et d'Angleterre. Elle a renoncé à cette
carrière pour se marier, et a épousé le docteur Musprate,
de Liverpool.
eu SIN S (William-George), pianiste et compositeur,
maître de chapelle de la reine d'Angleterre, et chef d'or-
chestre de la Philharmonie Society de Londres, né à
Londres le 14 oct. 1833. Il entra dans la chapelle royale
à dix ans, et, à onze ans, au conservatoire de Bruxelles.
Il a occupé beaucoup de postes officiels, et composé des
œuvres peu nombreuses, mais assez estimées. On lui doit
quelques mélodies, marches, etc., un concerto pour piano
en la mineur, deux ouvertures de concert, les Travail-
leurs de la mer et Love's Laboufs lost ; une sorte d'épi-
thalame musical, Royal Wedding serenata; un oratorio,
Gédéon. A. E.
CUSPARIA (Cusparia Humb.) (Bot.). Genre de Ruta-
cées, synonyme de Galipea Aubl. (V. ce mot).
CUSSAC. Com. du dép. du Cantal, arr. et cant. de
Saint-Flour ; 504 hab.
CUSSAC. Com. du dép. de la Dordogne, arr. de Ber-
gerac, cant. de Cadouin ; 341 hab.
CUSSAC. Com. du dép. de la Gironde, arr. de Bor-
deaux, cant. de Castelnau; 1,309 hab. Vins estimés.
CUSSAC. Com. du dép. de la Haute-Loire, arr. duPuy,
cant. de Solignac-sur-Loire, sur une colline dominant la
vallée de la Loire ; 688 hab. Gisement de plombagine près
de Malpas. Chaux. Château gothique. Pavés des géants,
masses de basaltes prismatiques qui couvrent le soi auprès
du hameau de Malpas.
CUSSAC. Com. du dép. de la Haute-Vienne, arr. de
Rochechouart, cant. d'Oradour-sur-Vayres, non loin de la
Tardoire et du ch. de fer de Saillat-Rôchechouart à Bus-
sière-Galant ; 2,097 hab. Foires mensuelles. L'église parois-
siale possède une abside à pans coupés avec d'étroites fenê-
tres, en style roman du xiii® siècle. D'autres parties, comme
le clocher octogone, appartiennent au gothique du xv^ siècle.
C'est dans cette commune que se trouvent le monastère de
Boubon et le château de Cromières qui date de la seconde
moitié du xv® siècle.
CUSSANGY. Com. du dép. de l'Aube, arr. de Bar-sur-
Seine, cant. de Chaource ; 508 hab,
CUSSAY. Com. du dép. d'Indre-et-Loire, arr. de
Loches, cant. de La Haye-Descartes ; 888 hab.
CUSSET (Cussiacus). Ch.-l. de cant. du dép. de l'Al-
lier, arr. de La Palisse; 6,762 hab.Cusset est le siège du
tribunal de première instance; il possède un collège communal
et une école primaire supérieure de filles, deux hospices
civils et des eaux thermales dont il sera parlé ci-dessous ;
ses foires, qui attirent toute la population de la montagne
bourbonnaise, sont importantes et il s'y tient deux marchés
chaque semaine, le mercredi et le samedi ; il existe dans son
territoire plusieurs carrières fournissant des pavés d'une
grande résistance, qui s'expédient fort loin. Emmenius,
évêque de Nevers, fonda à Cusset un monastère de femmes
et obtint de Charles le Gros qu'il sanctionnât cette fondation
par des lettres datées du 17 août 886, En 1184, Philippe-
Auguste se fit associer par l'abbesse Florentia à ses droits
de suzeraineté sur la ville, qui devint le siège d'une
prévôté royale relevant du bailliage de Saint-Pierre-le-
Moutier; en 1204, l'abbesse Alasia fit rédiger, du consen-
tement des bourgeois et avec l'approbation du roi, les
coutumes anciennes et récentes de Cusset, et en 1236,
Hugues, évèque de Clermont, y étabht un chapitre de
chanoines qu'il plaça dans la dépendance de l'abbaye, avec
le droit pour l'abbesse de présider au chœur. A la suite de
la guerre du Bien pubHc, Louis XI fit fortifier Cusset et ce
fut un Cussetois, Jean de Doyat, gouverneur d'Auvergne,
qui dirigea les travaux. Il n'épargna rien pour que les
murailles fussent à la fois belles et solides, ainsi qu'on
peut en juger par les restes d'une tour servant aujourd'hui
de prison. Cusset était une des treize bonnes villes qui
députaient aux Etats du bas pays d'Auvergne ; il fut, en
1790, le chef-lieu d'un district. Ses armoiries sont : de
gueules semé d'écussons d'or, A. Vayssière.
Eaux minérales. — Ces eaux proto thermales, bicar-
bonatées sodiques fortes (4 à 5 p. 1000), ferrugineuses
faibles, carboniques fortes, présentent beaucoup d'analogie
avec celles de Vichy ; elles s'emploient à l'intérieur, en
bains ou en douches de vapeur, enfin on fait des appHca-
tions générales et locales d'acide carbonique. Les eaux de
Cusset possèdent à peu près les mêmes vertus physiologi-
ques que celles de Vichy et servent dans les mêmes mala-
dies : affections abdominales, du tube digestif et de ses
annexes, des voies génito-urinaires, chlorose, goutte, dia-
bète, intoxication paludéenne. Elles sont contre-indiquée"
chez les personnes pléthoriques et celles prédisposées aux
congestions (V. Vichy). D"^ L. Hn.
CUSSET (Pierre), célèbre imprimeur et écrivain, né à
Chalon-sur-Saône en 1599 ou 1600, mort en 1663. On lui
attribue la plupart des pièces qui composent V Illustre
Orbandale, ou Histoire ancienne et moderne de la ville
et cité de Chalon-sur-Saône, enrichie de recherches
curieuses et divisée en éloges (Chalon, 1662, 2 vol. in-4).
Il eut pour collaborateur à ce curieux ouvrage le minime
Rertaut (Léonard) d'Autun. P. C.-C.
BiBL. : Lelong et Fevret de Fontette, Bibliothèque
historique de la France.
CUSSET (Joseph), homme politique français, né à Lyon
le 26 mars 1759, mort à Paris le 10 oct. 1796. Il était
négociant en soieries à Lyon, quand les électeurs du dép.
du Rhône-et-Loire l'envoyèrent siéger à la Convention.
Dans le procès de Louis XVI il opina contre l'appel au
peuple, pour la mort, contre le sursis. D'août à nov. 1793
il fut envoyé en mission près des armées du Rhin et de là
à Marseille. Après la session de la Convention, il se fixa
k Paris, fut impUqué dans la conspiration du camp de Gre-
nelle et condamné à mort par jugement de la commission
militaire du 18 vendémiaire an V. F.-A. iV.
CUSSEY — CUSTINË
eu
CUSSEY-LES-FoRGES. Corn, da dép. de la Côte-d'Or,
arr, de Dijon, cant. de Grancey-le-Château ; 330 hab.
CUSSEY-suR-LisoN. Corn, du dép. du Doubs, arr. de
Besançon, caîit. de Quingey; 125 hab,
GUSSEY-suR-L'OGiNON. Com. du dép. du Doubs, arr.
de Besançon, cant. de Marchaux ; 230 iiab.
CUSSY. Com. du dép, du Calvados, arr. et cant. de
Bayeux ; 127 hab.
CUSSY-EN-MoRVAN {Cussiaciim). Com. du dép. de
Saôue-ct~Loire, arr. d'Autun, canL de Lucenay-l'Ëvèque ;
2,424 hab. Moulins, huileries, four à chaux. La terre a
appartenu anciennement aux de Ganay. Les habitants
furent affranchis par le roi de France en 1555, L-x.
CUSSY-LÀ-CoLONiNE. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr.
de Beaune, cant. de Bhgny-sur-Ouche ; 132 hab.
CUSSY~LES~FoRGEs (Cuciacum). Com. du dép. de
l'Yonne, arr. d'Avallon, cant. de Guillon ; 643 hab. Son sur-
nom est dû aux forges autrefois établies près d'un étang. Ce
village appartenait en 1301 aux sires de Grancey. Eglise
Saint-Martin, du xv° siècle, à une seule nef; dans la
sacristie, dalle avec un squelette sculpté, du xvi^ siècle.
Maison du xv^ siècle. M. P.
BiBL. : CouRTÉPÉE, Descvlptioji du duché de Bour-
gogne^ éd. 1848, t. IV, p. 6,
CUSSY-sur-Arroux, Com. du dép. de la Côte-d'Or,
arr, de Beaune, cant. d'Arnay-le-Duc ; 287 hab.
CUSTER (George-Armstrong) , général américain, né
à New-Rumley, comté de Harrison, Etat d'Ohio (Etats-
Unis) , tué dans le combat de Little-Big-Horn Hvré contre
les Indiens Sioux le 25 juin 1876. Elève de West-Point,
il prit part comme lieutenant de cavalerie à la première
bataille de Bull~Run (1861). Capitaine après le combat de
Chickahomioy, et aide de camp du général Mac-Clelian, il
fit toute la campagne de 1862, combattit ensuite à Antietam,
puis à Chancelîorsville, s'acquit la réputation d'un très bril-
lant officier de cavalerie, fut fait brigadier général et se
distingua à Gettysburg. On le retrouve en 1864 dans les
batailles livrées par Grant autour de Richmond et de
Petersburg. Après la guerre, il fut nommé heutenant-
coloncl dans l'armée régulière avec le rang de major général,
et fit pendant les dix années suivantes le service de gar-
nison dans les régions de l'Ouest. En 1876, les Indiens
Sioux s'étant soulevés, le général Custer reçut l'ordre de
marcher contre eux. Au passage d'une rivière, il fut surpris
par les Peaux-Rouges au nombre de près de trois mille,
et périt avec tout son détachement. Il avait écrit un livre
intitulé My Life on the plains qui fut publié en 1 877. Une
Vie du général George Custer^ par Fr, Whittaker, a paru
en 1878. Aug. M.
CUSTINE (Adam-Philippe, comtede), général français,
né à Metz le 4 févr. 1740, mort à Paris le 28 août 1793.
Instruit dès son enfance au métier des armes, il assista, à
l'âge de huit ans, au siège de Maestricht par le maréchal
de Saxe, Capitaine aux dragons de Schomberg, il se com-
porta si Yaillannnent en AYestphalie que Clioiscul lui donna
à commander un régiment de dragons qui porta désormais
le nom de son colonel (1761). Yers cette époque, il voyagea
en Prusse, assista aux manœuvres de Potsdam et s'entre-
tint avec le grand Frédéric de la tactique allemande dont
il était si engoué que plus tard il envoya son fils à l'Aca-
démie militaire des nobles. Epris des idées du comte de
S^int-Germain, il se montra très dur envers le soldat. Il
prit part, à la tête du régiment de Saintonge-infanterie, à
la guerre de l'Indépendance américaine, et fut, à son retour,
nommé maréchal de camp (1781), Député aux Etats géné-
raux par la noblesse du bailliage de Metz, Thionville, Sar-
relouis et Longwy,il s'y montra favorable à la Révolution,
mais vota avec la droite dans les questions de la vente des
biens du clergé, du droit de paix et de guerre, des lois
contre l'émigration. Nommé lieutenant général le 6 oct.
1791, il rechercha la popularité, flatta le soldat autant
qu'il Pavait rudoyé jadis, et i^eçut, pour son air de brus-
querie martiale, le surnom de général Moustache, Dès
le 29 avr. 1792, un détachement commandé par lui s'em-
para de Porrentruy. Le 5 juin suivant, il fut nommé géné-
ral de l'armée du Bas-Rhin, en remplacement de Luckner.
Il se trouvait sous les ordres du vieux général Lamorlière,
avec lequel il protesta contre la journée du 20 juin par
une lettre au roi en date du 4 juil. 1792. Appelé à com-
mander le camp de Soissons (2 août 1792), il ne protesta
pas contre la chute du trône, refusa d aller à Soissons, et
fut renvoyé à Parmée du Rhin sous les ordres de Biron.
Ses succès furent brillants. Il s'empara de Spire (29 sept.
1792), puisde Worms. Ses proclamations révolutionnaient
les pays conquis ; en même temps il mêlait la diplomatie à
la guerre, cherchant à détacher le roi de Prusse de la coa-
lition. On l'a appelé un Dumouriez inférieur. Le 21 oct.,
Mayence lui ouvrit ses portes, et, le 23, il s'empara de
Francfort, d'où les Prussiens le chassèrent bientôt. Mais il
se maintint d'abord dans les pays qu'il avait conquis et
s'occupa avec ardeur de les organiser révolutionnairement.
Le 11 ayr., ayant subi un échec mihtaire, il perdit la tête
et se retira précipitamment sous le canon de Landau, lais-
sant dans Mayence une garnison de vingt mille hommes.
Des accusations de trahison éclatèrent contre lui et furent
encore fortifiées par une infructueuse tentative pour déblo-
quer Blayence. Il accusa Beurnonville de l'avoir mal secondé
et envoya sa démission. Mais la Convention la refusa en
termes flatteurs (4 avr.). Le 9 avr. il écrivit au président
de la Convention une lettre incohérente où il demandait un
dictateur (on affecta de ne pas prendre garde à cette lettre).
Le même jour, il envoya au comité de Salut public un plan
do campagne où il conseillait de réunir l'armée de la Mo-
selle et une partie de celle du Rhin à l'armée des Ardennes
et du Nord afin d'écraser les Autrichiens et de reconquérir
la Belgique. Des négociations avec la Prusse et la Bavière
nous ôteraient pendant ce temps toute crainte du côté du
Rhin. Ce plan fut accepté. La négociation secrète avec la
Prusse fut confiée à Desportes. Custine fut nommé général
en chef de l'armée du Nord (13 mai 1793). Avant de se
rendre à son poste, il attaqua vainement la gauche de
l'armée autrichienne commandée par Wurmser. Arrivé à
Cambrai à la fin de mai, il trouva les affaires dans le
pire état. Le camp de Famars avait été évacué, Valenciennes
était investie. Malgré les ordres du comité, Custine ne crut
pas devoir reprendre l'offensive et il temporisa, La reddi-
tion de Coudé (12 juil.) fit suspecter sa conduite. Il fut
mandé à Paris et décrété d'arrestation (22 juil.). A la nou-
velle de la capitulation de Mayence, il fut décrété d'accu-
sation (28 juil.). Le tribunal révolutionnaire le condamna
à mort, le 27 août suivant, comme coupable « d'avoir en-
tretenu des manœuvres et intelligences criminelles avec les
ennemis de la République, tendant, soit à faciliter leur
entrée sur le territoire français, soit à leur livrer des
places, magasins appartenant à la France », Assisté par
l'abbé Lothringer, il passa ses derniers moments dans les
pratiques d'une piété exaltée : sur les degrés de la guillo-
tine, il s'agenouillait et priait encore. F.-A. A.
CUSTINE (Renaud-Philippe de), diplomate et général
français, né en 1 760, mort le 4 janv. 1 794, fils du précédent.
11 était entré d'assez bonne heure dans la diplomatie, où, avec
un extérieur plein de grâces et de séduction et une intelli-
gence très cultivée, il était fait pour réussir. Au commence-
ment de 1792, le ministère feuillant lui donna une mission
délicate : M. de Narbonne le chargea d'aller offrir au nom du
roi le commandement des troupes françaises au duc de
Brunswick, pour le détacher de la coahtion qui se formait.
Cette mission a été signalée par les auteurs de Mémoires con-
temporains, Lafayette (Mémoires, IV, p. 445), d'Allonville
{Mémoires secrets, II, 219),Mallet du Pan (1,259-261),
mais tous en ont dénaturé le caractère : on aurait voulu, selon
eux, substituer Brunswick à Louis XVI. Il faut reconstituer
la vérité avec la correspondance inédite du diplomate, con-
servée aux archives nationales et au ministère des affaires
étrangères. C'est ce qu'a fait M. Sorel, récemment.
Voici maintenant l'histoire exacte de cette mission ;
— 655 —
CUSTINE — CUSTODïA
l^idée première en vint à Narbonne, quand il vit la France
prête à s'engager, sans grands généraux, dans une guerre
européenne, et qu'il connut la sympathie des Français pour
Brunswick, le meilleur général du temps. Ciistine s'ofirit
à la réaliser ; il avait voyagé dans l'Allemagne du Nord ;
il remit un mémoire au roi, où il exposait, d'après ses
renseignements, les chances d'un tel projet. Après quelque
hésitation, Louis XVI approuva le projet et chargea Cus-
tine de se rendre auprès du duc de Brunswick pour le
sonder, avec beaucoup de réserve, sans engager d'ailleurs
la France. Custine partit au début de janv. 1792, s'arrêta
d'abord à Francfort pour examiner la possibilité d'un
emprunt : les banquiers ne lui donnèrent aucun espoir. U
arriva le 13 janv, à Brunswick et aborda le 20 janv., dans
un entretien secret avec le duc, l'objet de sa mission. Deux
Jours après, il s'éloigna de Brunswick, mécontent de ces
premiers entretiens, mais prêt à les reprendre, si la cour
l'y autorisait. La cour, le 12 févr., le chargea d'aller à
Berlin continuer les efforts faits par M. de Ségur auprès
de la Prusse, pour la détacher de l'alliance autrichienne.
Il ne comptait pas y réussir, mais il y alla, après avoir
encore une fois vainement essayé de convaincre le duc de
. Brunswick. Très lié avec le prince Henri de Prusse, recom-
mandé par sa belle-mère, M^^^ de Sabran, au roi Frédéric-
Guillaume, il fut bien accueilli à Berlin, mais n'obtint
rien. Les seuls résultats de sa mission furent les rensei-
gnements précis qu'il communiqua au ministère sur les
dispositions et les préparatifs de la Prusse.
La guerre déclarée, il revint prendre sa place dans
l'armée du Rhin, auprès de son père, comme aide de camp.
Sa santé le força à quitter l'armée en janv. 1793. Mais,
pendant le procès de son père (29 juil.-28 août 1793), il
eut l'occasion de montrer tout son courage ; si bien qu'il
fut à son tour dénoncé le 22 nov. à Fouquier-Tinville, et
décrété d'accusation sur le rapport de Robespierre (26 déc).
Sa défense devant le tribunal révolutionnaire fut coura-
geuse, habile, éloquente même : le public prit parti pour
lui. Un moment, on s'écria dans la salle: « Il est sauvé! »
Mais il reprocha rudement au président Dumas de tronquer
ses dépêches ; ses juges étaient exaspérés ; il fut victime
de leur colère, condamné le 3 janv. 1794, exécuté le 4.
BiBL. : A. SoREL, la Mif^sion de Custine à Brunswick^
dans Rev. historique, t. 1, 1876. — Sybel, Histoire de l'Eu-
rope pendant la. Révolution française. — Louis Blanc,
Histoire de la Révolution française^ t. VI, p. 249.
CUSTINE (Adolphe, marquis de), littérateur français,
né à Niederwiller (Meurthe) le 18 mars 1790, mort près
de Pau le 29 sept. 1857, fils du précédent. Esprit déUcat et
raffiné, il voyagea beaucoup, en Angleterre, en Ecosse, en
Suisse, en Italie (1811-1822), en Espagne (1835), en Russie
(1839), et écrivit en d'intéressants volumes le résultat de
ses observations. Mémoires et Voyages ou Lettres écrites
à diverses époques pendant des courses en Suisse, en
Calabre, en Angleterre et en Ecosse (Paris, 1830, 2 vol.
in-8); V Espagne sous Ferdinand Vil (1838, 4 vol.
in-8); la Russie en i 839 {iSA'è, 4 vol. in-8). Ce der-
nier ouvrage, qui contient des indiscrétions piquantes sur
les moeurs de la cour et de la haute société de Saint-Péters-
bourg, a obtenu un grand succès. Ses autres écrits, surtout
ses romans sont moins estimés. Nous citerons : Elhel
(Paris, 1839, 2 vol. in-8) ; le Moyide comme il est (1835
2 vol. in-8); Beatrix Cenci (1833, in-8), tragédie en
5 actes et en vers; Romuald ou la Vocation (1848,
4 vol. in-8). On a publié en 1870 (Bruxelles, in-8) ses
Lettres et Varnhagen d'Ense et Racket Varnhagen
d'Ense.
CUSTINES. Corn, du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr.
et cant. (E.) de Nancy; 819 hab.
CUSTIS (Charles -François), historien belge, né à
Bruges le 28 mai 1704, mort à Bruges le 26 févr. 1752. Il
étudia le droit àLouvain et devint ensuite échevin de sa ville
natale et juge des domaines du prince. Il a publié : Ephé-
mérides de la ville de Bruges, contenant les circons-
tances les plus notables de son histoire (Bruges, 1738,
Custode (le cuivre érnailie, fabricj[uôe
à Limoges.
2 vol. in-12 [en flamand]). Il a laissé plusieurs manuscrits
importants, relatifs à l'histoire civile et ecclésiastique de la
Flandre. Ils sont déposés à la bibliothèque de l'université
de Gand. D'autre part, la bibliothèque royale de Bruxelles
possède des travaux considérables de bibliographie, dus à
Custis et demeurés également manuscrits. E. H.
CUSTODE. I. Archéologie. — On entendait par cus-
tode au moyen âge toute espèce d'enveloppe ou d'étui ser-
vant à conserver et protéger un objet. C'est ainsi qu'on lit
dans un inventaire du duc de Bourgogne : « Trois custodes
de cuir paintes
d'or où a, en chas-
cune custode, deux
fluctes d'yvoire
que grandes que
petites. » Spécia-
lement la custode
était une petite
boîte de métal ren-
fermant les hosties
(V. CiBomE). Les
custodes sont gé-
néralement ron-
des, avec un cou-
vercle conique sur-
monté d'une croix;
les custodes de
cuivre émaillé fu-
rent fabriquées en
très grand nombre
du xn'^ au xiv® siè-
cle à Limoges. Les
custodes sont par-
fois montées sur
un pied, par exem-
ple celle qu'on
conserve dans le
musée grand-ducal de Darmstadt, et dont on trouvera
l'image dans Hefner-Alteneck {Trachten^ etc., t. Il,
pi. 90 a, 2^ éd.) , Custode est aussi synonyme de mons-
trance dans les inventaires. Enfin ce mot désigne le voile
qui abritait les tabernacles en forme de colombes suspendu
au-dessus des autels. M. P.
IL Carrosserie. — Partie intérieure de chaque côté du
fond ou des panneaux d'une voiture de luxe et sur laquelle
on peut s'appuyer. Les custodes varient de forme avec les
difïérents genres de voitures. Souvent, les glaces des portes
ne pouvant descendre dans les portes se logent dans le
panneau de custode (V. Coupé). L. K.
III. Histoire ecclésiastique. — Anciennement, on appe-
lait ainsi celui qui devait veiller à la sonnerie des cloches
et prendre soin du pain et du vin nécessaires à la messe,
de l'encens, des ornements, des luminaires et de tous les
différents meubles à l'usage de l'église. Il était entièrement
subordonné à l'archidiacre, qui pouvait le destituer. Le
concile de Tolède fit sur les fonctions du custode un règle-
ment qui le montre, en outre, chargé de partager entre les
frères les oblations, aumônes ou dîmes ; il recommande
la concorde entre l'archiprêtre, l'archidiacre et le custode.
CUSTODl (Pietro, baron), économiste italien, connu
par la publication de son grand recueil, contenant les écrits
des principaux économistes itahens de 1582 à 1804. Cette
collection a paru sous le titre de : Scrittori classici ita-
liani di economica politica (Milan, 1803-1816,48 vol.
in-8). Cette collection suffit à elle seule pour attester le haut
degré de culture de l'Italie, en particulier au xviii^ siècle,
ainsi que la part considérable qui revient à l'Italie dans le
développement de l'économie politique, longtemps avant
les économistes français et anglais. Elle se divise en deux
parties : la première dite parte antiqua, comprenant
sept volumes et la seconde parte moderna, comprenant
quarante-deux volumes y compris un volume de tables.
CUSTODÏA (Droit). Le mot custodia désigne dans le
CUSTODIA — CUTÉRÈBRE
6m —
langage de certains jurisconsultes une forme spéciale de la
diligentia, c.-à-d. du soin que doit apporter tout débiteur
dans l'accomplissement de son obligation. On entend, en
effet, par là les soins que le débiteur doit donner à la garde
et à la conservation de la chose due, soit en la préservant
de toute dégradation, soit en la mettant à l'abri du vol ou
de toute usurpation de la part des tiers. En règle générale,
il n'y a aucun intérêt pratique à distinguer la custodia de
la diligentia^ l'étendue de la responsabilité du débiteur
étant la même dans les deux cas, sauf l'hypothèse où, par
suite d'une convention particulière entre les parties, la
custodia à laquelle s'est obligé le débiteur impliquerait une
responsabilité exceptionnelle. — On appelle aussi custodia
(bonorum) le droit de garde et de surveillance attribué à
une personne sur les biens d'un tiers . Cette custodia ne
donne au gardien ni le droit d'administrer, ni la posses-
sion. C'est ce qui arrive lorsqu'un créancier obtient du
magistrat la missio in possessionem dans les biens du
débiteur {pignus prcetorium), cas auquel ce créancier n'a
que la custodia rerum et observatio.
BiBL. : 2 § 1, 3, Dig., De Peric, et comm,, XVIIL 6. — 35
§ 4, Dig., De Contrah. emt,, XVIII, 1. ~ 5 § 5, 6, Dig.,
Commod., XIII, 6. — U § 2, Dig., Loc. cond., XIX, 2. — § 3,
Inst. Just., De Emt. et vend.^ III, 23. — Dïrksen, Manuale
latinitatis ; Berlin, 1837, in-4, art, Custodia. — Mainz, Cows
de droit romain ; Bruxelles, 1877, t. II, § 172, p. 9 ; § 211 et
la note 3, 3 vol. in-8, 4» éd. — Kuntze, Cursus der rômi-
schenRechts; Leipzig, 1879, § 613, in-8. — 48, Dig., De Adm.
et peric. tut.^ XXVI, 7; — 3 § 23, Dig., De Acq, rer. poss.^
XLL 2.— DiRKSEN, Ma?nfa/e latinitatis ; Berlin, 1837, in-4,
art. Custodia. — May, Eléments de droit romain ; Paris,
1890, t. II, n-' 399, 3^ 2 vol. in-8. — Baron, Institutionen
and Civilprocez; Berlin, 1884, § 60, p. 115^ § 100, p. 179, in-8.
CUSTOS URBIS (V. PRyEFECTUS).
CUSTOS OU GUSTODIS (Dominicus Bâltens de Cos-
TERE, dit), graveur allemand d'origine flamande, né à
Anvers en looO, mort à Augsbourg en 4612. Fils de
Pierre Baltens ou Pierre-Balthazar de Coster, qui fut à la
fois poète, acteur, peintre et graveur (V. Balten), il se
réfugia à Augsbourg, y épousa la veuve de Barthélémy
KiHan, orfèvre et graveur, et établit un grand commerce
d'estampes que ses beaux-fils et fils développèrent encore.
Il s'adonna principalement à la gravure de portraits et en
pubHa des suites entières sous forme de livres ; nous devons
signaler ceux de la famille Fuggcr {Fuggerorum et Fug-
gerarum Imagines^ 4593, 64 pi. in-foL). On lui doit
aussi la très rare suite de reproductions des Armures du
château d' Ambras (Innsbruck, 1603, 126 pi. in-foL).
Comme graveur, il appartient à l'école des Wierix. — Ses
trois fils, David^ Joseph et Raphaël^ furent ses collabo-
rateurs ; ce dernier (mort en 1651) a gravé nombre de
portraits. G. P-i.
CUSTOZA (Batailles de). Le village de Custoza, à [6 kil.
de Vérone, sur un des points culminants d'une chaîne de
collines située entre le Mincio et l'Adige, a donné son nom
à deux batailles des Italiens contre les Autrichiens, l'une
en 1848, l'autre en 1866, toutes deux fatales aux armes
italiennes.
La première bataille de Custoza dura trois jours, du 23
au 25 juil. 1848. Charles-Albert, qui, maître de Pes-
chiera, voulait forcer Mantoue, avait considérablement
étendu sa ligne pour atteindre cette place sans abandonner
le plateau de Rivoli. Radetzky, au contraire, après avoir
reçu des renforts et laissé partout des garnisons suffisantes,
avait concentré le gros de son armée autour de Vérone. Le
22 juil., les Piémontais repoussèrent une première attaque
contre Rivoli, mais, dans la nuit, ils évacuèrent la position.
Le 23, les Autrichiens, s'avançant en forces, attaquèrent les
hauteurs de Sommacampagna, Sona et Custoza : ils s'en
emparèrent après une lutte très vive. Le général de Son-
naz, ne se voyant pas secouru par le roi, se décida à
repasser le Mincio à Peschiera. Charles-Albert, mal ren-
seigné sur les forces et la situation de Radetzky, avait voulu
couper ses communications avec Vérone, et, détachant une
partie des troupes qui bloquaient Mantoue, il les avait diri-
gées, par une chaleur accablante, sur Villafranca, où elles
avaient dû faire halte. Le 24 au matin, les Autrichiens for-
cèrent le passage du Mincio à Sahonze, occupèrent Ponti
et Monzambano sur la rive droite, puis Valleggio sur la
rive gauche, et coupèrent ainsi par le miheu la ligne des
Piémontais. Ceux-ci, partis de Villafranca sous le comman-
dement du général Bava, battirent une brigade autri-
chienne sortie de Legnago et reprirent toutes les hauteurs
depuis Custoza jusqu'à Sommacampagna. Radetzky fit aus-
sitôt exécuter à son armée un changement de front en
arrière et appela de Vérone la brigade Haynau. Le 25,
Bava, n'ayant pas assez de forces pour attaquer Valleggio,
attendit longtemps l'appui du duc de Savoie, établi à Cus-
toza, et du duc de Gênes, posté à Sommacampagna. Par
suite de retards dus à des ordres mal donnés ou mal com-
pris, la concentration ne put s'opérer. Le duc de Gênes
lutta héroïquement toute la journée à Sommacampagna. Le
duc de Savoie, après avoir pris hardiment l'offensive, fut
obligé de se replier sur Custoza. Bava attaqua vainement
Valleggio. Sonnaz, trompé par un faux ordre, restait inactif à
Voila. Vers les cinq heures du soir, les Autrichiens parvinrent
à s'emparer de Custoza. Bava ordonna alors la retraite : le
duc de Savoie, qui la protégeait, ne céda le terrain que
pied à pied. A huit heures, les Piémontais s'arrêtèrent à Vil-
lafranca. La dispersion de leurs forces les avait réduits à
combattre pendant les deux derniers jours, au nombre de
20,000 contre 54,000 Autrichiens. Ils avaient perdu
1,500 hommes, et leurs adversaires environ 2,500. Mais
l'armée piémontaise, manquant de vivres et de munitions,
était démoraHsée. Le lendemain, le sanglant combat de
Volta compléta le désastre. La retraite de Ciiarles-Albert
sur Milan et la capitulation de cette ville (5 août) termi-
nèrent la campagne.
La seconde bataille de Custoza eut heu le 24 juin 1866.
Le 20, l'Italie, alliée delà Prusse, avait déclaré la guerre
à l'Autriche, et, le 23, l'armée, sous le commandement en
chef de Victor-Emmanuel, ayant pour chef d'état-niajor
La Marmora, avait passé le Mincio sans rencontrer de
résistance. Le 24, les Italiens, croyant l'ennemi concentré
derrière l'Adige, voulurent occuper les hauteurs si con-
nues de Custoza et de Sommacampagna pour séparer Tune
de l'autre les places de Peschiera, de Vérone et de Man-
toue. L'archiduc Albert, qui commandait l'armée autri-
chienne, n'avait nullement passé l'Adige. Il massa ses
troupes, au nombre de 70,000 hommes, sur les fortes
positions vers lesquelles s'acheminaient les Itahens. Les
trois corps de Durando, de Cucchiari et de Délia Rocca,
en ordre de marche, et à de grands intervalles, vinrent se
faire battre successivement par des forces bien inférieures
aux trois corps réunis, mais de beaucoup supérieures à
chacun d'eux isolé. Les troupes italiennes se comportèrent,
d'ailleurs, admirablement. Les fils du roi faisaient leurs
premières armes. Humbert, prince de Piémont, attaqué
par deux régiments de uhlans, repoussa la charge au milieu
d'un bataillon formé en carré. Amédée, duc d'Aoste, fut
blessé, La lutte, commencée à huit heures du matin, ne finit
qu'à cinq heures du soir. Les Italiens, au nombre d'environ
160,000, mais dont une grande partie n'avait pas donné,
avaient perdu 8,000 hommes, morts, blessés ou prisonniers.
La division Bixio, soutenue par la cavalerie de ligne, pro-
tégea la retraite, qui s'effectua en bon ordre. L'armée ita-
lienne repassa le Mincio dans la nuit. La bataille de Sadowa,
gagnée en Bohême par les Prussiens (3 juil.), mit fin à
la campagne sans que les Italiens eussent pu prendre leur
revanche. Félix HexNneguy.
CUSTRIN (V. KusTRiN).
CUSY. Corn, du dép. de la Haute-Savoie, arr. d'An-
necy, cant, d'Alby; 1,190 hab.
CUSY. Com. du dép. de l'Yonne, arr. de Tonnerre,
cant. d'Ancy-le-Franc ; 244 hab.
CUTÉRÈBRE (Entom.). Sous le nom de Cuterebra,
Bracy-Clark (Essay on the bois of horses and other ani-
mais; Londres, 1815-1816) a étabh un genre de Diptères,
de la famille des OEstrides, qui a pour synonyme le genre
— 657
CUTÉRÈBRE — CUTTER
Cuterebra apicatis G. Mén.
(grandeur naturelle).
Irypoderma de Wiedemann {Diptera exotica Killise,
d 821). Tel qu'il aété restreint depuis lors par Brauer (Mo-
nogr. der OEstriden^ 1 863) , ce genre est caractérisé surtout
par les ailes munies d'une nervure transversale terminale,
par la trompe coudée à la base, par les antennes à troisième
article oviforme ou elliptique, à style plumeux supérieure-
ment, par l'abdomen voûté, par les tarses larges, aplatis,
fortement velus. Les espèces qu'il renferme, au nombre
d'une quinzaine, habitent spécialement le continent améri-
cain. Ce sont de grosses Mouches ayant un peu l'aspect
des Taons, au corps brun ou noir, couvert de poils le plus
ordinairement de même couleur, mais souvent argentés ou
jaunes, avec l'abdomen parfois noirâtre, bleu ou roux.
Leurs femelles pondent leurs œufs sur diverses espèces de
Kanguroos, d'Ecureuils, de Lièvres, etc. Les larves qui en
sortent pénètrent dans un follicule, arrivent sous le derme
et donnent lieu à une tumeur cutanée dans laquelle elles
acquièrent tout leur développement. A ce moment, elles
sont oviformes, épaisses, massives, mamelonnées et cou-
vertes de spinules, sauf sur le premier et le dernier anneau.
Les deux espèces principales du genre sont : le C. cuni-
culi Clark, dont la
larve se rencontre
communément, en
Géorgie, sous la peau
des Lièvres et des
Lapins, et le C. ema-
smlator Fitch., qui
vit à l'état de larves
dans le tissu cellu-
laire sous-cutané
d'une espèce d'Ecu-
reuil, le Sciurus striatus. Nous figurons le C, apicatis
G. Mén., d'après Maurice Girard, Traité d'Entomologie,
pi. CXIII, fig. i. Ajoutons qu'en 4862, MM. Coquerel et
Salle ont décrit et figuré deux larves de Cutérèbres
trouvées, au Mexique, l'une sur le Sciurus aiireo-g aster
Bachm., l'autre sur le Lepus mlustins Bachm. (V. Ann,
Soc, ent. France, 4862, p. 784). Mais on n'en connaît pas
encore les Insectes parfaits. — Quant au 6\ noxialis
Goud., dont les larves sont bien connues en Colombie et
au Brésil sous le nom de Vers macaques, il constitue l'es-
pèce type du genre Dermatobia Brauer (V. Dermatobie).
CUTHBERT (Saint), évêque de Lindisfarne. La date et
le lieu de sa naissance sont inconnus. Il se fit moine et
résida successivement à l'abbaye de Melrose sur la Tweed
et au monastère de Ripon. Plus tard, il renonça au monde
et vécut en ermite, à l'île de Farne. Pendant qu'il était
dans cette retraite, Egfrid, roi de Northumbrie, lui offrit
l'évêché de Lindisfarne. Cuthbert fut consacré à York en
685. Mais, deux ans après, le goût de la solitude le reprit
et il retourna à son ermitage de Farne, oii il mourut
en 687. Au ix*^ siècle, ses reliques furent transportées à
Durham. Elles furent longtemps l'objet d'une vénération
toute spéciale, en Grande-Bretagne. G. Q.
CUTHBERT, archevêque de Ganterbury, mort en 758.
Il joua un grand rôle dans l'histoire ecclésiastique de l'An-
gleterre sous les rois iEthelbald et Eadberth. On a de lui
une lettre à Lullus, archevêque de Mayence, à propos du
meurtre de son prédécesseur Boniface, et deux petites
pièces de vers latins conservées dans les Gesta Regum de
William of Malmesbury.
CUTHÉENS ou COUTHÉENS. Nom que les Juifs appli-
quèrent dans une intention malveillante aux Samaritains,
qu'ils considéraient comme schismatiques. L'origine de
cette désignation s'explique ainsi : après la ruine de Samarie
(720 environ av. J.-C.) les souverains assyriens intro-
duisirent sur le territoire de l'ancien royaume des dix
tribus des colons venus de l'intérieur de l'Asie, notamment
d'une province de Cutha, qui semble avoir été située dans
la basse Mésopotamie ; de là serait résulté un mélange de
populations. L'appellation de Cuthéens dans la bouche des
Juifs jérusaîémites a donc pour objet de contester la pureté
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIIÏ.
de race des Samaritains et d'insinuer que leur culte offrait
un mélange d'éléments étrangers et païens (V. 2 Rois,
xvir, 24 et suiv., et Esdras, iv, 4 et suiv.). M. Vernes.
CUTICULE (Bot.) (V.Ecorce).
CUTIDURE (Art vétér.) (V. Bourrelet).
CUTI NE (Chim.). Nom donné par Fremy à la cellulose
qui constitue la cuticule des feuilles. D'après ce chimiste,
on la prépare en faisant bouillir les feuilles dans de l'acide
chlorhydrique faible, lavant à l'eau d'abord, puis successi-
vement par le réactif de Schweizer, l'eau, l'acide chlorhy-
drique, la potasse diluée, l'alcool et l'éther. Elle n'est
attaquée ni par l'acide sulfurique, ni par l'acide chlorhy-
drique ; elle ne se dissout pas dans la liqueur cuprammo-
nique, ce qui la distingue de la cellulose. Pour Payen, la
cutine est de la cellulose ordinaire imprégnée de matières
étrangères, notamment de corps gras et azotés. Ed. B.
BiBL. : Fremy, Compt. rend., t. XLVIII, 569. — Payen,
id.,t. XLVIII, 893.
CUTLERIA {Cutleria Grev.) (Bot.). Genre d'Algues de
Tordre desPhaeophycées-Phœosporées, détaché des Z)i(î%o^a.
Les représentants présentent une fronde membraneuse en
forme de lanières étroites, déchiquetées au sommet, de cou-
leur vert oHvâtre. Les sporanges, portés sur des pédicules
Cutleria dichotoma Grev.
(port).
Cutleria dichotoma Grev.
(sporanges).
hyalins et formés de petits corps oblongs divisés en huit
loges, renfermant chacune une zoospore, sont réunies en
groupes nombreux sur les deux faces du thalle, ainsi que
les anthéridies qui sont portées par des individus différents
de ceux qui portent des sporanges. Espèce type : Cutleria
dichotoma Grev. Genre voisin peu différent : Zanardinia.
CUTOLY-CoRTiccHiATo. Corn, du dép. de la Corse, arr.
d'Ajaccio, cant, de Sarola-Carcopino ; 900 hab.
CUTRY. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Soissons,
cant. de Vic-sur-Aisne ; 468 hab.
CUTRY. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr. de
Briey, cant. de Longwy; 348 hab.
CUTS (Cusia), Com. du dép. de l'Oise, arr. de Com-
piègne, cant. de Noyon ; 830 hab. Eglise de l'époque de
transition. Château avec parc. Tombelles aux lieux dits
Butergnot et la Montignette. Nombreuses antiquités ro-
maines. Patrie de Pierre Ramus. Filature de coton, fabriques
de toiles et de cahcots. C. St-A.
CUTTER (Mar.). Appellation anglaise du cotre (V. ce
mot) . Le cutter est plus spécialement le cotre de plaisance taillé
et gréé pour la course, et surtout le cotre de guerre. Le
terme s'emploie ainsi autrement que par simple angloma-
nie. Pour beaucoup, le cutter est un cotre plus fin, meilleur
marcheur. Les annuaires de la marine de guerre appellent
cutters les cotres de l'Etat. Autrefois les escadres compre-
naient plusieurs cutters qui jouaient le rôle des mouches
actuelles, pour le service des dépêches et des communica-
tions pressées. Ils étaient également très appréciés comme
42
CUTTER -. CUVE
- 658 "^
éclaireurs combattants; on en parle souvent dans les rela-
tions des guerres navales du commencement du siècle, et
dans les romans spéciaux de la même époque.
En 1849, au moment où la vapeur commençait à révo-
lutionner la marine, on comptait encore sur les rôles de
guerre quinze cutters dont six armés. Aujourd'hui les états
de la flotte n'indiquent plus que trois cutters pour le ser-
vice de garde-pêche. Ce sont VAlcyone^ VEperlan et le
Capelan (VEperlan a 49 m. de long, 5 de large,
2"*80 de tirant d'eau, jauge 71 tonneaux, porte
deux pièces d'artillerie et comprend vingt-quatre hommes
d'équipage). — Le cutter était aussi le navire de prédilec-
tion des corsaires et des contrebandiers ; ces derniers
savaient en utiliser les qualités qui faisaient dire au capi-
taine de vaisseau Théogène Pache : « Tout dans ce joli
navire est disposé pour lutter contre les éléments et l'en-
nemi ; il est extrêmement ras sur Feau ; à la moindre brise
sa coque disparaît entre les lames, à l'abri des boulets... »
Pour la navigation de plaisance, le cutter est très goûté ;
le Yachting français en compte aujourd'hui près de six cents.
Le gréement du cutter, qui a été décrit au mot Côtre, pré-
sente de telles analogies avec celui du sloop, que l'on
emploie souvent ces deux termes l'un pour l'autre, confon-
dant les navires qu'ils désignent. Cependant le beaupré du
cutter est mobile et peut « se rentrer à travers une douille
fixée sur le côté de l'étrave », tandis qu'il est fixe pour
le sloop. De plus, un des focs du cutter s'amure directe-
ment sur l'étrave, ce qui n'a pas lieu pour le sloop. En
outre, la flèche manque souvent au sloop. — Quelquefois
on ajoute à l'arrière du cutter un mâtereau tape-cul. Au
commerce, ce bateau, ainsi gréé en galiote, devient un
côtre tape-cul; dans la navigation de plaisance, un cutter-
dandy ou yawl.
CUTTURA. Gom. du dép. du Jura, arr. et cant. de
Saint-Claude; 291 hab.
CUTWA. Ville de l'Inde anglaise, présidence du Bengale,
prov. de Burdwan, sur l'flougly ; 8,000 hab.
CUTWODE (Thomas), poète anglais de la fin du xvi® s.
On a de lui un curieux poème satirique intitulé Caltha
Poetarum : or the Bumble Bee, précédé d'une préface
adressée aux poètes vaniteux de son temps (1599).Cenvre
fut condamné par l'archevêque de Canterbury et livré aux
flammes, en juin 1599, avec le Pygmalion de Marston et
les Epîtres d'Ovide de Marlowe. Il a été réimprimé pour
le Roxburghe Club par Richard Heber en d815.
CUVA6E. I. Viticulture. — Lorsque la cueillette des
raisins est effectuée et que, selon les habitudes locales et
le climat, on a pratiqué ou non l'égrappage, le moût de la
vendange mélangé aux rafles est porté dans des récipients
spéciaux appelés cuves^ où il subit la fermentation alcoo-
lique. Lavoisier représentait ainsi cette transformation :
Sucre =: acide carbonique + alcool.
Gay-Lussac la formula ainsi :
Ci^Hi^Qi^ _. 4C0-2 + 2{C4H«0^)
M. Pasteur reconnut que cette équation qui devait don-
ner 48,8 d'acide carbonique et 51,2 d'alcool était inexacte,
qu'il y avait formation de petites quantités d'acide succi-
nique et de glycérine et qu'en réalité cent parties de
sucre étaient converties en :
Acide carbonique 46.6
Alcool 48.4
Glycérine 3.2
Acide succinique 0.6
Perte, 1.2
100.0
Les expériences célèbres de Tyndall sur l'altération des
liquides fermentescibles ont indiqué, d'une façon précise,
la présence, sur la pellicule du raisin, de ferments spéciaux,
notamment du Saccharomyces ellipsoïdus^ qui doivent
provoquer la transformation du sucre en alcool. Dans la
pratique, cette transformation et l'ensemble des circons-
tances qui l'accompagnent portent le nom de cuvage» Pour
que le cuvage s'accomplisse dans de bonnes conditions, il
est nécessaire : 1^ que la transformation du sucre en alcool
soit absolument complète ; 2^ que cette transformation ne
soit pas d'une durée qui puisse nuire aux qualités essen-
tielles du vin ; 3° que toutes mesures pouvant empêcher ou
prévenir les altérations subséquentes soient prises. Pour
que la transformation complète du sucre en alcool puisse
avoir lieu, la température du local dans lequel se trouvent
les cuves ne doit pas s'abaisser au-dessous de 15<>. Dans
les pays septentrionaux où la culture de la vigne est
quelque peu pratiquée et dans les années où le raisin n'at-
teint pas sa complète maturité, il est quelquefois absolu-
ment nécessaire de maintenir artificiellement cette tempé-
rature. D'un autre côté, on remarque que, lorsque le
thermomètre dépasse 25^ dans les celliers, la fermentation
devient tumultueuse, trop rapide, et peut donner naissance
à des produits qui, ultérieurement, seront plus suscep-
tibles de subir des altérations. Dans ce dernier cas, au
lieu de chauffer, il faut refroidir, procédé coûteux auquel
doivent souvent recourir les viticulteurs du midi de la
France, de l'Algérie et de la Tunisie. Il est évident que
c'est lors de la construction des celliers que doivent être
prises les précautions susceptibles d'obvier à ces inconvé-
nients. Lorsque la fermentation se prolonge trop longtemps,
il peut en résulter de sérieux inconvénients. Le contact pro-
longé des matières tanniques avec le vin donne à ce dernier
une astringence qui lui enlève une grande partie de sa
valeur commerciale. Le cuvage dure plus ou moins long-
temps selon que les vins que l'on désire obtenir sont des
vins fins ou des vins communs. Pour les vins fins, il peut
avoir selon les régions une durée de quatre à huit jours et
celle-ci doit être d'autant plus longue qu'on s'éloigne
davantage des pays chauds.
Les vins communs, qui doivent avoir plus de résistance
et plus de couleur, peuvent séjourner plus longtemps dans
la cuve. Pour éviter autant que possible les altérations et
maladies subséquentes des vins, il importe de choisir un
procédé de cuvage qui empêche aux parties solides du rai-
sin, désignées sous le nom de chapeau, d'être en contact
trop prolongé avec l'air. Lorsque le chapeau subit ce con-
tact, l'acétification est à craindre. Dans les pays du Centre
et du Nord, où la transformation complète du sucre en
alcool est assez longue à cause des froids qui surviennent
souvent à l'époque de la vendange, on devra, lors de
l'établissement des cuves, tenir grand compte de cette der-
nière observation. Les vins blancs, ou les raisins rouges
faits en blancs, ne subissent pas la fermentation dans les
cuves. Aussitôt que la cueillette est faite, le moût est
séparé des rafles et placé dans les tonneaux. C'est là qu'il fer-
mente. On lui donne des soins spéciaux que nous examine-
rons au mot Vinification, en même temps que la fabrication
des vins de sucre et des vins de seconde cuvée. C.Michaut.
IL Teinture. — Cuvage d'indigo (V. Indigo).
BiBL.: Batilliat, Traité -pratique des vins de la France;
Paris, 1846, in-8. ~ Ladrey, l'Art de faire le vin ; Paris,
1865, in-18. ~ D'' Jules Guyot, Cvlture de la vigne et
vinification; Paris, in-18, 2« éd. —Etudes des vignobles de
France pour servir à l'enseignement mutuel de la viti-
culture et de la vinification française ; Paris, 1866, 3 vol.
in-18. — Portes et Ruyssen, la Viqne et le Vin ; Paris,
1887, 2 vol.
CUVÂT. Com. du dép. de la Haute-Savoie, arr. et cant.
(N.) d'Annecy; 350 hab.
CUVE. I. Technologie. -— Les cuves sont des vases gé-
néralement cylindriques, composés de planches rassemblées
et cerclées dont on se sert pour faire le vin, la bière, teindre
les étoffes, etc. La fabrication des cuves ne diffère de celle des
tonneaux que par les soins particuliers qu'exigent les dimen-
sions, souvent énormes, des vaisseaux qu'il s'agit de cons-
truire.. Pour les petites cuves, on prend du merrain de
différentes dimensions, suivant la grandeur que l'on veut
donner au vaisseau et on le dresse ; mais, comme la forme
de la cuve approche un peu de celle d'un baquet qui serait
produit par un grand tonneau coupé sur le bouge, on ne
diminue les douves de largeur qu'à une seule de leurs ex-
— 659 —
CUVE
tréniités, c.-à-d. à celle qui doit former la partie inférieure
de la cuve. Ensuite, on fait le clain comme à l'ordinaire,
puis on creuse un peu la planche dans la partie qui doit se
trouver à l'intérieur et l'on rend convexe la face qui doit se
trouver à l'extérieur. Pour bâtir les grandes cuves^
on emploie du bois de sciage : c'est un chêne refendu à la
scie et nommé gobillard dans certaines forêts ; les planches
ont de 41 à 46 centim. de largeur sur 20 à 24 millim.
d'épaisseur ; elles servent à faire des cuves qui contiennent de-
puis quatre tonneaux jusqu'à soixante. Mais alors, au lieu que
la partie la plus resserrée se trouve près du fond comme aux
tonneaux, on fait à certaines cuves la partie du jable plus
large que le haut de la cuve, ce qui s'appelle une cuve
en tinette. Cette disposition procure un grand avan-
tage ; en effet, le bois de la cuve venant à sécher, les
cercles ne coulent point et on peut les rabattre, la cuve
restant en place, sans être obligé de la renverser pour les
serrer. Souvent on goujonne les douves entre elles, soit
avec du bois, soit avec des clavettes de fer ; ces goujons
donnent plus de solidité à la cuve. Dans certaines provinces,
on fait les cuves carrées ; dans ce cas, pour serrer les
douves, on se sert de moises et de coins, au lieu de cercles.
Les cuves ainsi faites sont moins sujettes aux réparations
que les cuves cylindriques. Les cuves de très grandes dimen-
sions sont cerclées de barres de fer qui se resserrent avec
des écrous ou des clavettes. Elles durent plus longtemps
que celles qui sont cerclées de bois ; mais il arrive quel-
quefois que ces cercles viennent à se rompre, et comme il
y en a fort peu sur la cuve, la rupture d'un seul peut
amener la perte du liquide contenu, L. Knab.
IL Agriculture. — La fermentation du moût de rai-
sin s'opère dans des récipients appelés cuves. Quelquefois
ce sont les vases vinaires dans lesquels doit plus tard être
placé le vin qui servent à cette opération, mais, dans la
plupart des cas, ce sont des réservoirs spéciaux dont la
construction, la forme, le volume, diffèrent selon les
régions. Dans le midi de la France, le cuvage a lieu dans
d'immenses vases vinaires appelés foudres. Il y a, par
leur emploi, une économie considérable de main-d'œuvre
et d'installation. Dans le centre de la France, on emploie
les cuves en maçonnerie et les cuves en bois désignées
souvent sous le nom de baignoires. Nous ne pouvons
décrire ici la construction de ces récipients : disons seule-
ment pour les cuves en maçonnerie qu'il est absolument
indispensable de les badigeonner à la chaux chaque fois
que l'on veut s'en servir. Cette simple opération a pour
effet de détruire les germes de maladies qui pourraient
se trouver sur les parois. Les cuves en bois sont ouvertes
ou fermées. Elles diffèrent seulement en ce que les unes
sont munies d'un couvercle qui isole la vendange de l'air,
tandis que les autres n'en ont pas. Nous avons vu au mot
cuvage qu'une des altérations les plus fréquentes du vin
résultait de l'acétification du chapeau. Pour parer à cet
inconvénient, M. Michel Perret a imaginé une cuve spé-
ciale, dite cuve à étages^ qui peut rendre de signalés
services dans les pays du Centre et du Nord. Cette cuve
porte, fixes sur son fond, deux montants verticaux qui eux-
mêmes peuvent supporter des claies horizontales que l'on
dispose au fur et à mesure de la vendange. On conçoit
que, lorsque la vendange entre en fermentation, ces claies
retiennent le marc, qui, par suite, est couvert par le
liquide et ne peut s'acétifier au contact de l'air. Le nombre
de claies à disposer dans la cuve est déterminé par la
quantité de vendange. La cuve Perret, par le contact pro-
longé du marc avec le moût, accélère la fermentation,
augmente l'intensité de couleur du vin, et met ce dernier
à l'abri de toutes les altérations. C. Michaut.
lïl. Archéologie. — Cuve baptismale. Au centre du
baptistère (V. ce mot), était placée la piscine baptis-
male, presque toujours octogone, quelquefois ronde ou
en forme de croix. Creusée dans le sol, elle se trouvait à
fleur du pavé ; on y descendait du côté droit par trois ou
quatre marches ; à gauche, il y avait d'autres marches
pour sortir. D'ordinaire, au-dessus^de la piscine, s'élevait
un petit édicule porté sur des colonnes ; cet usage sub-
sista en France jusqu'à l'époque romane, en Italie jus-
qu'au xni® siècle. Suivant que l'on procédait au baptême
par immersion ou par infusion, la cuve baptismale était
plus ou moins grande : dans le premier cas, la piscine était
assez profonde pour qu'un adulte y eût de l'eau jusqu'aux
genoux ; plus tard, quand l'usage s'introduisit de baptiser
les enfants en bas âge, on se contenta de cuves de dimen-
sion plus réduite. Parfois, on utilisa des cuves antiques,
telles que cette cuve de porphyre rouge provenant de Poi-
tiers et conservée à Saint-Denis jusqu'à la Révolution. Lors-
que le baptistère cessa de former un édifice séparé et fut
introduit dans l'église même, la piscine baptismale dispa-
rut. A sa place, "il y eut des cuves baptismales ou fonts
baptismaux, tantôt reposant directement sur le sol comme
une véritable cuve, tantôt ayant la forme d'une vasque
montée sur un pied. Ronds ou carrés au xi® et au xn^ siècle,
ces fonts ont au xni® etau xiv^ siècle généralement la forme
polygonale ; souvent ils sont décorés à l'extérieur d'arca-
tures et de feuillages et pourvus d'un couvercle conique
parfois extrêmement lourd. D'ordinaire ils sont en pierre,
particulièrement en France et en Angleterre ; plus rarement
ils sont en métal, surtout en Belgique (fonts de Saint-Bar-
thélémy à Liège) et en Allemagne (fonts d'Hildesheim). A
partir du xiii^ siècle, la forme de vasque supportée par
une ou plusieurs colonnes l'emporte ; et les fonts pédi-^
culés, c.-à-d. montés sur pied, remplacent de plus en plus
les cuves baptismales (V. Fonts baptismaux). Ch. Diehl.
IV. Architecture. — Cuve de bain. Grand vase de
forme allongée et circulaire, en pierre, en marbre, en granit
ou en porphyre, portant souvent des anneaux sculptés à la
partie supérieure et des stries ou des canaux sculptés à la
partie inférieure, et qui servaient de baignoires dans les
thermes des anciens Romains. La ville de Rome compte,
dans ses musées, dans ses jardins ou sur les places publi-
ques, un certain nombre de ces cuves souvent converties
en vasques de fontaines et dont les deux plus remarquables
sont les deux cuves de granit de la place Farnèse. On en
conserve aussi une fort belle de porphyre dans le vestibule
du cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale de Pans;
cette cuve provient de l'ancienne abbaye de Saint-Denis oU
on l'appelait la cuve du roi Dagobert. Ch. Lucas.
V. Métallurgie. — On donne le nom de cuve à la partie
cylindrique de certains fourneaux employés dans l'industrie,
mais principalement en métallurgie. Dans les fours à cuve,
le combustible et la matière à traiter sont chargés par la
partie supérieure, par couches alternatives. Comme la com-
bustion ne se fait qu'à la partie inférieure, les produits de
la combustion traversent de bas en haut toute la cuve, et
sortent après avoir concouru aux modifications chimiques
opérées. On peut donc considérer dans les fours à cuve
deux courants : le courant solide descendant formé des
matières chargées à la partie supérieure, s'échauffant peu
à peu au contact du courant gazeux, changeant de compo-
sition chimique et physique et arrivant dans la partie infé-
rieure à l'état demandé par l'opération ; le courant gazeux
ou ascendant, se composant des produits de la combustion,
plus ou moins altéré au contact des matières solides et
ayant perdu la plus grande partie de sa chaleur nomi-
nale. Le haut fourneau est le vrai type du four à cuve, le
minerai de fer, chargé avec du coke ou du charbon de bois
à la partie supérieure, s'échauffant peu à peu au contact
des courants gazeux à mesure qu'il descend davantage ; en
même temps, il se transforme complètement en fer métal-
lique aux dépens de l'oxyde de carbone et des gaz qu'il
transforme en acide carbonique. Le cubilot est également
un four à cuve ; on y charge des couches alternatives de
fonte et de coke; la combustion se fait à la partie infé-
rieure, et le courant gazeux, qui se compose en majeure
partie d'oxyde de carbone, n'a dVutre action que la fusion
de la fonte. Le four à chaux est encore un four à cuve ;
on le charge à la partie supérieure en mettant des couches
CUVE — CUVETTE
— 660
alternatives de calcaire et de combustible ; à la partie infé-
rieure a lieu la combustion, il se forme de Foxyde de
carbone qui traverse la cuve en échaufîant peu à peu
le calcaire, dont l'acide carbonique est entraîné au dehors;
la chaux produite est tirée par le bas ; dans cet exemple,
il n'y a pas d'action chimique directe du courant gazeux
sur le courant solide. Les tours à cuve sont, parmi les
appareils industriels, ceux qui utilisent le mieux le com-
bustible. On admet que, dans la fabrication de la fonte ;
l'utilisation de la chaleur disponible dans le coke atteint
80 o/o. L. Knab.
CUVE. Corn, du dép. de la Haute-Saône, arr. de Lure,
cant. de Vauvillers; 317 hab.
GUVELAGE (Mines) (V. Avaleresse).
CUVELIER, trouvère qui vivait dans la seconde moitié
du XI v^ siècle. On ne sait rien de sa biographie ; son nom
même est douteux, les manuscrits hésitant entre les formes
Cuvilier^ Cuvelier et même Cimelier. Il est probable que
Philippe de Maizières vise notre trouvère quand il parle,
dans le Songe du vieil Peleriri, de « faiseurs honnestes et
prudhommes qui font les beaus dictiez de Dieu et de la
Vierge Marie et des histoires honnestes, morales et dévotes,
comme estoit le povre homme appelé Cime lie?' ». Quoi
qu'il en soit, Cuveher n'est connu aujourd'hui que comme
auteur d'un long poème (22,790 vers dans le ms. le plus
court) consacré à Thistoire de Duguesclin. Ce poème est
jeté dans le moule des anciennes chansons de geste (tirades
monorimes de vers alexandrins) et il constitue le spécimen
le plus récent de ce genre de composition. Mais il n'a guère
de valeur poétique et ne peut être considéré que comme un
document historique. Il paraît avoir été composé dans les
premières années du règne de Charles VI ; il a été de bonne
heure mis en prose et le succès de la chronique qui en a
été tirée a fait tomber le poème dans l'oubli. Il a été publié
pour la première fois en 1839 par Charrière dmsh Collec-
tion des documents inédits (2 vol. in-4). Ant. Thomas.
CUVELIER (Hugues), architecte et sculpteur, qui tra-
vaillait à la fin du xv® siècle, mort en 4522. En 1495, il
succédait à Martin Chambiges, architecte de la cathédrale
de Sens, et construisait sur les plans de son maître le por-
tail d'Abraham. On lui doit aussi la « Librayrie du cha-
pitre »de Sens, achevée en 1516.
CUVELIER DE Trye (Jean-Guillaume-Antoine), litté-
rateur français, né à Boulogne-sur-Mer le 15 janv. 1766,
mort à Paris le 27 mai 1824. D'abord avocat dans sa ville
natale, il quitta le barreau pour l'armée, fit les campagnes
de Prusse et de Pologne, puis renonça pour raison de santé
à le vie militaire pour s'adonner à la littérature. Il a com-
posé un nombre considérable de mélodrames, pantomimes,
mimodrames, ballets, qui obtinrent de son temps un fort
grand succès. Çiivelier dut à sa fécondité prodigieuse le
surnom de Crébillon du boulevard. Il se piqua d'écrire
aussi des romans qui ne valent guère mieux que ses drames.
Nous citerons : Adolphe de Halden ou VOrpheline du
château (Paris, 1813, in-8), mélodrame en trois actes;
la Femme magjianime ou le Siège de La Rochelle
(1812, in-8), id. ; la Fille sauvage ou V Inconnu des
Ardennes (1812, in-8), id.; VOiu^s et l'Enfant ou la
Fille bannie (1819, in-8), id.; la Pucelle d'Orléans
(1814, in-8), in-8), pantomime en trois actes; le Vol-
can ou r Anachorète du Val des Laves (1811, in-8), id. ;
le Damoisel et la Berger et le ou la Femme vindicative
(1795, in-8), roman; le Bandit sans le vouloir et sans
le savoir (1803, 3 vol. in-12), id. ; Nouvelles^ contes^
historiettes el mélanges {i SOS, 2 vol. in-8). On trouvera
dans Quérard, France littéraire, t. II, une liste, non com-
plète, mais assez étendue des œuvres de Cuveher de Trye.
CUVELLE (Céram.). Petite cuve ; on nomme ainsi, dans
les manufactures de céramique, les petits baquets de bois
cyhndriques, avec fond, les tinettes, qui entourent la cuve
principale du mouHn à broyer et qui sont disposées pour
recevoir, avant et après le broyage, les matières destinées
à composer la pâte céramique. F. de M. ;
CUVER6N0N. Corn, du dép. de l'Oise, arr. de Senlis,
cant. deBetz; 302 hab.
OUVERT ou CULVERT. Nom qu'on donnait au moyen
âge à une certaine catégorie de serfs. Ce mot paraît venir
du latin collibertus. Le chapitre C des Etablissements de
Saint-Louis, intitulé d'ome estrange, commence ainsi :
« Se gentis hom a hom mesqueneii en sa terre, se il ser-
voit le gentil hom et il mourust, h gentis hom avroit la
moitié de ses meubles. » Une autre rédaction des Coutumes
d'Anjou porte : « Se gentil homme a homes cuvers en sa
terre... » Ainsi, cuvers z. le même sens que mesqueneu,
qui désigne un aubain, c.-à-d. un étranger. Dans le Livre
de Jostice et de^ Plet (VIII, 2), on trouve l'expression
cuverte pour désigner une serve. Quant au mot culverta-
gium employé plusieurs fois par Mathieu Paris pour dési-
gner la peine qui frappait ceux qui refusaient de se rendre
à l'armée, ce mot paraît avoir le sens de confiscation des
biens. Dans la littérature, cuvert a le sens de vil, infâme,
perfide, misérable. Cuve^'lage esiVétBX du cuvert; cuver-
tise, la redevance que payait le cuvert. M. P.
BiBL. : Etablissements de Saint-Louis, éd. Viollet, t. IV,
p. 68. ~ Viollet, Précis de VHistoire du droit français,
p. 313, note 8. / v i
CUVERVILLE. Corn, du dép. de l'Eure, arr. et cant.
des Andelys ; 203 hab.
CUVERVILLE. Com. du dép. de la Seine-Inférieure,
arr. de Dieppe, cant. d'Eu ; 359 hab.
CUVERVILLE. Com. du dép. de la Seine-Inférieure,
arr. du Havre, cant. de Criquetot-l'Esneval ; 306 hab.
CUVES. Com. du dép. delà Manche, arr. d'Avranches,
cant. de Brecey; 715 hab.
CUVES. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr. de
Chaumont, cant. de Clefmont; 144 hab.
CUVETTE. I. Construction.— Récipient fait autrefois de
plomb battu, fait aujourd'hui le plus souvent en fonie ou en
zinc et servant à recevoir les eaux d'un chéneau et à faciliter
leur écoulement dans un tuyau de descente. Les cuvettes ont
des formes différentes suivant qu'elles sont appliquées sur
la partie droite d'une façade ou placées à l'angle de deux
corps de bâtiments : ces dernières sont dites cuvettes
d'angle. Les unes et les autres sont susceptibles de rece-
voir une certaine ornementation dont le motif principal est
généralement une tête de lion ou de loup dont la gueule
ouverte laisse passer un petit tuyau servant de décharge
au trop-plein de la cuvette.— On dispose aussi des cuvettes
à chaque étage des maisons, dans les cuisines ou sur les
paliers d'escaliers, afin de recevoir les eaux ménagères;
mais ces cuvettes consistent le plus souvent en appareils à
bascule, logés dans l'épaisseur des murs et qui ne forment
cuvettes que lorsqu'ils sont rabattus. Ces appareils s'ap-
pellent cuvettes à bascule. — On donne encore le nom de
cuvette aux boîtes en fonte, de formes diverses, placées
au bas des tuyaux de descente et qui, munies d'un gril-
lage et forniant le plus souvent siphon, servent à la con-
duite des liquides au ruisseau ou à l'égout, tout en retenant
les matières solides qui pourraient en obstruer l'écoulement.
Enfin les pierres plates, creusées en rond ou en ovale, et
destinées à recevoir les eaux d'un tuyau de descente et à
les conduire par une goulette au ruisseau, portent aussi le
nom de cuvette, lorsque leur cavité est entourée d'un
rebord ; dans le cas contraire, on les appelle cuiller ou
culière. Charles Lucas.
IL Economie domestique. — On appelle cuvette un vase
en faïence, porcelaine, verre, métal, etc., généralement de
forme ronde, quelquefois ovale, employé aux ablutions et
complémentaire du pot à l'eau. L'usage de la cuvette re-
monte au xiv^ siècle, mais elle n'était pas alors destinée aux
soins de propreté du visage et des mains, elle servait à rece-
voir l'eau des bassins à laver ou encore, remplie de glace,
à rafraîchir le vin. C'est à la fin du xvni« siècle que l'on
a commencé à donner au mot cuvette le sens que nous lui
appliquons aujourd'hui.
III. Photographie. — ■ Les cuvettes photographiques
— 661 —
CUVETTE — CUVIER
sont des vases plans à large surface, de forme rectangulaire,
à bords peu élevés et presque verticaux, qui servent à faire
agir les solutions sur les plaques ou papiers photogra-
phiques. Les plus employées et les meilleures sont en por-
celaine; on en fabrique également en verre moulé, en car-
ton durci, en pâte à papier, en zinc, en ébonite et en tôle
émaillée. Quand les bains qui sont dans les cuvettes doivent
être agités, on place celles-ci sur des supports, auxquels un
mouvement d'horlogerie ou un pendule communiquent un
mouvement oscillatoire. Dans le développement des photo-
types négatifs, on emploie parfois des cuvettes verticales
en verre moulé qui permettent de suivre par transparence le
développement des clichés. D. B.
BiBL.: Fabre, Traité encyclopédique de photographie.
1889-91, 4 vol. in-8.
CUVIER (Econ. dom.). Cuve de moyenne dimension qui
sert dans les ménages à faire la lessive, etc. (V. Cuve).
CUVIER. Com. du dép. du Jura, arr. de Pohgny, cant.
de Nozeroy ; 300 hab.
CUVIER (Georges-Léopold-Chrétien-Frédéric-Dagobert),
zoologiste et paléontologiste français, né à Montbéliard le
24 août 1769, mort à Paris le 13 mai 4832. Son père
avait servi en France dans un régiment suisse et vivait de
sa pension à Montbéliard, alors au duc de Wurtemberg ;
il était décoré de l'ordre du Mérite militaire, remplaçant
celui de Saint-Louis pour les officiers qui n'étaient pas
catholiques. Ses parents destinaient le jeune Cuvier au
préceptorat ou à l'état ecclésiastique. Il témoigna d'une
grande précocité de l'inteUigence et occupa le premier rang
au gymnase de sa ville natale ; un parent lui enseigna le
dessin et il y devint de première force ; on raconte qu'il
coloriait avec une grande exactitude les figures de Buffon,
simplement d'après les descriptions ; c'est ce genre
de travail qui fit naître en lui le goût de l'histoire natu-
relle. Quoi qu'il en soit, ses succès en tous genres attirè-
rent sur lui l'attention de la belle-sœur du duc de Wur-
temberg qui lui obtint, en 1784, une bourse à l'académie
Caroline de Stuttg'art que l'empereur Joseph II venait
4'ériger en université. Là il étudia la philosophie pendant
deux ans, puis choisit l'étude de la science administrative
à laquelle se rattachait l'enseignement théorique et pra-
tique de l'histoire naturelle. Un de ses professeurs lui fit
cadeau d'un Systema naturce qui constitua quelque temps
toute sa bibliothèque ; il rédigea un journal, Diarmm
%oologicum^ de ses observations d'histoire naturelle et
avec Pfaff, Autenrieth, Jaeger, etc., fonda une sorte
d'académie d'histoire naturelle qu'il présida. Il revint à
Montbéliard en avr. 1788, mais sans aucun espoir d'emploi.
Peu après,en 1 791 ,il entra comme précepteur dans la famille
d'un gentilhomme protestant de la haute Normandie, le
comte d'Héricy, qui habitait Caen et passait la belle saison
au château de Fiquainville,près de Fécamp et de Valmont.
Il eut ainsi l'occasion d'étudier la faune maritime et d'en-
richir ses connaissances en histoire naturelle; il profita
aussi de sa position pour étudier les dates, les généalogies,
le blason, Thisloire, et fit, dans des réunions soi-disant
populaires à Valmont, où l'on ne parlait guère que d'agri-
culture, la connaissance de l'agronome Tessier, de V Encyclo-
pédie^^ qui s'était réfugié à Fécamp et y dirigeait un hôpital
militaire. C'est grâce à Tessier que Cuvier lut mis en relation
avec Geoffroy Saint-Hiluire, auquel il envoya ses cahiers
d'études et ses manuscrits. Celui-ci, alors âgé de vingt-
deux ans, s'enthousiasma pour Cuvier, crut découvrir en
lui un nouveau Linné et l'engagea vivement à venir à
Paris; il y vint en effet en 1795 avec son élève. Les cir-
constances le favorisaient singulièrement; l'étude de la
zoologie était alors fort négligée à Paris. Millin, directeur
du Magasin encyclopédique, Jussieu, Lacépède, Lamarck
aidèrent Cuvier de leur influence ; cependant Lamarck ne
voulut pas de lui pour aide. A ce moment la chaire d'ana-
tomie comparée du Muséum était occupée par le chirurgien
Mertrud qui était âgé et peu préparé à l'enseignement
dont on l'avait chargé. Cuvier, quoique fort peu versé dans i
l'anatomie humaine et guère plus dans l'anatomie compa-
rée , science qu'il devait plus tard porter si haut , lui
fut adjoint comme suppléant en 1795. C'est aussi en 1795
qu'il devint membre de la Société d'histoire naturelle et, ce
qui est extraordinaire pour un jeune savant qui n'avait
presque rien publié, il fut nommé le 30 déc. de la même
année, grâce à Lacépède, membre de Tlnstitut qui venait
d'être organisé; quelques années après, il fut désigné
pour être l'un des quatre inspecteurs généraux et sous
le Consulat fut élu secrétaire perpétuel de la première
classe de l'Institut (1803). En 1796, il fut nommé pro-
fesseur d'histoire naturelle à l'Ecole centrale du Pan-
théon, place qu'il abandonna en 1800, puis membre de la
Commission des arts et de la Société philomatique ; en
1801, il remplaça Daubenton dans la chaire d'histoire
naturelle du Collège de France; en 1802, il fut nommé
titulaire de celle d'anatomie comparée du Muséum; enfin,
il fit, pendant plusieurs années, un cours d'histoire natu-
relle àl'Athénée. Cuvier avait alors une trentaine d'années ;
c'était une fortune sans exemple et qui ne peut guère
s'expliquer que par la pénurie de zoologistes à cette
époque ; comme le fait remarquer de Blainville, du reste
peu bienveillant pour Cuvier, Millin, qui aurait pu lui
disputer ses places, s'était lancé dans l'archéologie; Pinel
qui avait fait, lui, de l'anatomie comparée, s'était tourné
du côté de la médecine; Bichat ne s'occupait que d'ana-
tomie appliquée à la pathologie; les autres naturalistes
français, CI. Richard, Bruguière et Olivier étaient absents
de France, le premier à Cayenne, les deux autres en
Perse, et les absents ont toujours tort. Il faut dire cepen-
dant cfue Cuvier était déjà connu par quelques essais
d'application de la méthode naturelle de classification aux
animaux, d'où naquit, en iSi6, son célèbre Règne animal^
et par des travaux d'anatomie comparée et de paléonto-
logie, sciences qu'il fit beaucoup progresser grâce à l'ap-
plication du principe si fécond de la subordination des
caractères et dont il peut être considéré comme le créa-
teur, sans oublier pour cela les mérites de Vicq d'Azyr,
de Blumenbach, de Camper, de Pallas, de Soulavie, etc.
Cuvier cumulait donc un grand nombre d'emplois et,
ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est qu'il put, grâce à une
extrême activité, toujours suffire à des tâches si variées.
Lié avec Bonaparte, il fut nommé par lui inspecteur général
de l'instruction publique lors de l'avènement du Consulat
et eut pour mission d'organiser les lycées de Bordeaux, de
Marseille et de Nîmes ; il se démit de ses fonctions en
1803. En 1808, il devint membre du conseil supérieur
de l'Université après avoir remis à l'empereur un rapport
sur le progrès des sciences, et contribua, grâce à sa nouvelle
situation, à la création de la faculté des sciences de Paris ;
en 1809-10, il reçut, avec Coiffier et deBalbe, la mission
d'organiser les universités de Gênes, de Pise, de Parme,
de Sienne, de Florence et de Turin ; en 1811, il se rendit
en Hollande avec une mission analogue; en 1813, à Rome.
En 1818, Cuvier refusa le ministère de l'intérieur et
devint membre de l'Académie française et peu après
membre de l'Académie des inscriptions. Sous la seconde
Restauration, il présida deux fois la commission de l'ins-
truction publique qui dépendait du ministre de l'intérieur ;
en 1824, lorsque Frayssinous fut nommé grand maître de
l'Université, Cuvier fut chargé des fonctions de grand
maître à l'égard des facultés de théologie protestante ratta-
chées au ministère de l'intérieur; enfin, en 1827, il devint
directeur pour les cultes non catholiques à ce même mi-
nistère. Rappelons qu'on doit à Cuvier l'établissement
des comités cantonaux pour l'instruction primaire (1816),
des concours d'agrégation pour le recrutement des corps
enseignants et l'introduction dans l'enseignement secon-
daire classique des cours d'histoire, de langues vivantes et
d'histoire naturelle.
Cuvier remplissait encore d'autres fonctions officielles ;
il fut nommé en 1813 maître des requêtes au conseil
d'Etat; en 1814, conseiller d'Etat; en 1817, président àx\
CUYIER - 66^2
comité de l'intérieur. Il prit part à Félaboration des
projets de loi et en prit souvent la défense devant les
Chambres en qualité de commissaire du roi ; on a principa-
lement remarqué les discours qu'il a prononcés pour sou-
tenir les projets de loi électorale en 1816 et 1820. En
1815, il réussit à adoucir la rigueur des cours pré vo-
tâtes ; il fit supprimer l'article des complots secrets et
par son abstention empêcha le principe de la rétroactivité
d'être admis. Ennemi de la censure, il refusa en 1827,
sous le ministère Polignac, les fonctions de censeur de la
presse. Enfin, pour en finir avec la vie politique de Cuvier,
il fut appelé à la pairie après la révolution de Juillet, en
1832, peu avant sa mort.
Le dernier épisode remarquable de sa vie, ce fut sa lutte
mémorable avec Geoffroy Saint-Hilaire, en 1830. Nous y
reviendrons plus loin.
Les publications de Cuvier se rapportent à diverses
branches de l'histoire naturelle et comprennent : 1° des
travaux historiques ; 2*^ des recherches d'anatomie;
3<* des recherches paléontologiques ; 4° des travaux de
zoologie proprement dite et de classification des animaux.
Travaux historiques. En première ligne se présente
son Rapport historique sur les sciences naturelles depuis
il 89 et sur leur état actuel^ présenté au gouvernement
le 6 féyr. 1808 (Paris, 1810, in-4 et in-8; 1827, in-8);
de Blainville critique beaucoup cet ouvrage d'un homme
trop jeune et disposant d'un temps trop court pour en
concevoir le plan et en exécuter les détails dans les pro-
portions voulues. Le même savant reproche encore à Cuvier
d'avoir montré de la partiaHté, parfois même une entière
incompétence dans les rapports annuels présentés à l'Aca-
démie sur les progrès des sciences physiques (chimie, his-
toire naturelle, médecine, agriculture) qu'il publia sans
interruption de 1803 à 1830. Cuvier, en sa qualité de
secrétaire perpétuel de la première classe de l'Institut, pro-
nonça une série considérable d'éloges {Eloges historiques
des membres de V Académie royale des sciences^ lus
dans les séances publiques de l'Institut de France depuis
1800 jusqu'en 1827, précédés de Réflexions sur la
marche actuelle des sciences et sur leurs rapports
avec la société^ lues dans la première séance annuelle des
quatre Académies le 24 avr. 1816; Paris et Strasbourg,
1819-1827, 5 vol. in-8) ; ces notices sont toutes très
importantes au point de vue de l'histoire de la science.
Enfin, dans les Annales du Muséum (1803, t. II),
Cuvier a donné un article historique sur les collections du
Muséum. Avant la nomination de Cuvier, le Muséum ne
possédait que quelques pièces anatomiques éparses, les
unes provenant des dissections entreprises par les anciens
académiciens, les autres dues à Daubenton, d'autres encore
rapportées de Hollande par les armées françaises, etc. De
1798 à 1803, Cuvier porta le nombre des préparations qui
servaient à ses travaux et à ses démonstrations de 102 à
2,998 ; en 1833, peu de temps après sa mort, le nombre
en était de 13,313. De Blainville, qui lui succéda, ne sut
pas maintenir les collections réunies par Cuvier à leur véri-
table niveau, et c'est à lui qu'il faut attribuer leur déca-
dence, du reste purement momentanée.
Travaux d'anatomie. Le plus beau titre de gloire
de Cuvier, ce sont certainement ses travaux d'anatomie
comparée. Négligeant ou plutôt supposant connue la phy-
siologie, c.-à-d. la fonction de Forgane, il porte son atten-
tion de préférence sur l'animal lui-même ; ce qu'il
recherche, c'est l'ordre d'apparition <les divers systèmes
anatomigues, leur dépendance. Par exemple, étudiant
l'appareil respiratoire, il le décrit avec soin chez le mam-
mifère et chez les autres vertébrés, et montre que la quan-
tité de sang qui subit l'action vivifiante de l'oxygène de
l'air dépend de la disposition des organes de la respiration
et de ceux de la circulation, qui peut être simple ou
double ; il fait remarquer que chez les oiseaux la quantité
de respiration est encore supérieure à celle des mammifères,
parce que non seulement ils présentent une circulation
double et une respiration aérienne, mais encore parce
qu'ils respirent par d'autres cavités que les poumons, l'air
pénétrant dans tout le corps et baignant les rameaux de
l'aorte aussi bien que ceux de l'artère pulmonaire ; puis il
démontre comment chez les insectes la respiration n'est pas
localisée dans certains organes, mais se fait à l'aide d'un
système qui traverse tout le'corps ; ensuite, comment chez les
crustacés le sang répandu à la surface du corps sert en
quelque sorte à la respiration, jusqu'à ce qu'enfin chez les
animaux les plus simples, placés au bas de l'échelle, la res-
piration s'effectue, par tout le tégument. Par des applications
multiples de cette méthode, Cuvier a été amené à formuler
des propositions générales d'une importance capitale pour
les progrès de la science. Reprenons l'exemple ci-dessus ; il
fait voir clairement que dans un organe une modification ne
se produit jamais isolément, mais est toujours accompagnée
d'autres modifications dans d'autres organes. Si la respira-
tion s'accomplit dans un organe spécial, le sang devra y
aflluer, grâce à un système développé de vaisseaux; si celui-ci
fait défaut, ce n'est plus le sang qui va rechercher l'air,
c'est l'air qui vient chercher le sang. Il y a donc une corré-
lation évidente entre les modifications qui se présentent ici
dans l'appareil respiratoire et l'appareil circulatoire et en
général dans tous les organes ; en d'autres termes, une
modification dans l'une des parties d'un organisme entranie
des modifications de toutes les autres parties. Une loi lie
ces modifications entre elles, c'est la loi de la corrélation
des parties, qui donna à Cuvier des résultats si remar-
quables, surtout en paléontologie. Physiologiquement, cela
veut dire que si une fonction se modifie, les autres fonc-
tions se modifient corrélativement ; en d'autres termes, il
n'y a harmonie physiologique que là où il y a harmonie
anatomique. Il y a donc des conformations d'organes qui
s'appellent et des conformations d'organes qui s'excluent ;
donc, comme dit Cuvier, « celui qui posséderait rationnel-
lement les lois de l'économie organique pourrait refaire
tout l'animal en commençant par l'un des organes ».
Nous verrons plus loin ce que cette dernière proposition
présente d'excessif (V. Leçons d'anatomie comparée,
2® édit. publ. par Duméril, Laurilkrd et Duvernov; Paris,
1835-45, 9 vol. in-8).
Cuvier a, de plus, introduit dans Fanatomie comparée
une foule de faits de détail fort intéressants; citons entre
autres la description du larynx des oiseaux, la disposition
des narines et celle de l'oreille interne chez les cétacés,
l'existence de rates multiples chez les marsouins, les dis-
positions diverses de l'encéphale chez les animaux à sang
rouge, puis des recherches sur la formation des dents, sur
Fostéologie des grands mammifères, la tête osseuse des
vertébrés, des observations sur les Reptiles douteux
(Paris, 1807, in-4, av. pi.) pourvus à la fois de poumons
et de branchies, enfin un grand nombre de travaux ana-
tomiques sur les invertébrés, en particulier sur les mol-
lusques, entre autres : Mémoire pour servir a Vhistoire
et a Vanatomie des mollusques (Parîs, 1816, in-4,
av. pL).
Travaux paléontologiques. Avant Cuvier on croyait
assez généralement que les restes fossiles d'animaux appar-
tenaient à des espèces vivantes ; Camper, Sœmmerring, Blu-
menbach et autres avaient entrevu la fausseté de cette opi-
nion et affirmé la différence entre les animaux vivants et les
fossiles. C'est à Cuvier que revient l'honneur d'avoir prouvé
par ses recherches et par des comparaisons anatomiques
approfondies que cette différence est réelle. Avant de fournir
cette preuve, il dut étudier les animaux vivants et s'oc-
cupa particulièrement des gros quadrupèdes ; c'est là
l'origine de la collection d'ostéologie du Muséum. Lorsqu'il
eut examiné à fond les êtres actuels, il se mit à l'étude
des êtres fossiles et put alors constater les différences ; il
observa, par exemple, que le mammouth se rapproche
assez de l'éléphant des Indes pour être rangé, malgré les
différences, dans le mmiQ genre que lui; que le masto-
donte a également des ressemblances avec l'éléphant, mais
— 663
CUVIER - CUVILLER
en diffère beaucoup plus que le mammouth; que le palsBO-
therium ressemble par quelques points au tapir, mais s'en
distingue à d'autres égards, et ainsi d'une foule d'autres;
enfin il étudia des types tels que Fanoplotherium qui s'é-
loignent encore plus des animaux vivants. Cuvier avait
ainsi été amené à faire ressortir les moindres différences,
plutôt que les ressemblances des animaux fossiles et
actuels. Il admettait, il est vrai, des révolutions terrestres,
mais pour lui la vie animale y disparaissait pour un temps,
puis reparaissait sous des formes nouvelles. Depuis Cuvier
la science a marché; il est prouvé que chaque époque
géologique est représentée par des formes particulières, et
l'avenir prouvera que ces formes se rattachent les unes
aux autres à travers les âges géologiques ; il s'agissait
donc ici de rechercher les ressemblances plutôt que les
différences; du temps de Cuvier les naturalistes ne dispo-
saient pas de matériaux suffisants pour envisager la ques-
tion sous cette face.
La loi de corrélation des organes permit à Cuvier de
reconstituer un grand nombre d'animaux fossiles. Mais il
serait évidemment antiscientifique de vouloir pousser
trop loin les conséquences des principes généraux, si
utiles à la science, qu'il a formulés. Les panégyristes de
Cuvier se sont laissés entraîner à l'exagération, à l'hy-
perbole, d'oti un certain ridicule qui a rejailli sur les
travaux les plus sérieux de l'éminent zoologiste, d'où une
réaction que ses ennemis et ses détracteurs se sont em-
pressés de mettre à profit. De Blainville n'était pas, à vrai
dire, l'ennemi de Cuvier, mais à la suite de dissentiments
il fut amené à lui faire une guerre plus ou moins ouverte.
Voici le titre du principal ouvrage que Cuvier a consacré à
l'étude des animaux fossiles : Recherches sur les ossements
fossiles des quadrupèdes^ où l'on arétabli les caractères
de plusieurs animaux dont les révolutions du globe
ont détruit les espèces (Paris, d 812, 4 vol, in-8 ; 2® édit.
très augm., Paris, 4824 et ann. suiv., 7 vol. in-4, av.
300 pL). Ici se rattachent : Description -géologique des
environs de Paris, av. A. Brongniart (Paris, 4822, in-4,
2 cart. et 46 pi. ; 3® édit., 4835) et Discours sur les révo-
lutions de la surface du globe et sur les changements
qu'elles ont produits dans le règne animal ; nou\, édit.
avec des notes et un appendice, d'après les travaux récents
de MM. Humboldt, Flourens, Lyell, Lindley, etc., rédigé par
le D^ Hœfer (Paris, 4854, in-8, av. 6 pi. et 2 tabl.).
Nous avons vu plus haut que Cuvier a mis hors de doute
la succession des époques géologiques par la considération
des espèces fossiles qui y vivaient, et s'il a cru prouver en
même temps, sous certaines réserves toutefois, que l'exis-
tence de l'homme ne remonte pas à plus de six mille ans,
cela tient surtout à ce que les matériaux d'une étude
sérieuse à ce sujet lui faisaient défaut.
Iravaux de zoologie systématique. Des tentatives
de classification des animaux ont été faites de bonne heure
par Cuvier; tel est son lableau élémentaire de l'histoire
naturelle des animaux (Paris, 4798 et 4799, in-8) ;
le premier volume de ses Leçons d'anatomie comparée
renferme également des tableaux détaillés; enfin, c'est
dans son Vêgne animal distribué d'après son organi-
sation pour servir de base à l'histoire naturelle des
animaux et d'introduction à Vanatomie comparée
(Paris, 4846, 4 voL in-8, 45 pL; nouv. édit., 4830)
qu'il faut chercher les idées définitives qu'il avait sur la
zooclassie et qu'il mit en pratique dans divers ouvrages
tels que : Histoire naturelle des poisso7is, av. Valen-
cienne (Paris et Strasbourg, 4 828 et ann. suiv. , in-8 et in-4) .
Ses travaux d'anatomie comparée avaient amené Cuvier à
reconnaître que les organes les plus importants sont les
plus constants dans leur forme; s'appuyant ensuite sur
la « subdivision des signes distinctifs », c.-à-d. la subor-
dination des caractères, quoiqu'il se rendît compte de tout
ce que la subdivision avait d'artificiel, il classa les formes
animales d'après un signe distinctif mal choisi ; il en résulta
une classification artificielle (4795), fondée sur les organes
de la génération et de la nutrition. Plus tard, en 4842,
suivant l'exemple de Virey et de de Blainville, il fit du
système nerveux le véritable zoomètre, le centre dont la
conservation est le but propre de tous les autres systèmes ;
on verra à l'art. Zoologie ce que la classification de Cuvier
présentait de nouveau, ce qu'elle renfermait de bon ou de
mauvais. Disons seulement que l'embryologie étant encore
trop peu avancée à Fépoque de Cuvier, il n'y a rien d'ex-
traordinaire à ce qu'il considérât le classement d'un
animal comme dépendant uni(|uement du plan de structure
qui se révèle en lui. L'induction ne pouvait guère le mener
plus loin. Il ne faut pas s'étonner que, ne se basant que
sur des faits d'observation pour arriver à des propositions
générales, il ait combattu les idées de Geoffroy Saint-Hilairo
sur l'unité de type ou de composition organique, les reje-
tant avec toutes les généralisations antérieures dans le
domaine des rêves métaphysiques. C'est sur cette concep-
tion théoricfue de l'unité de composition ou de plan, iden-
tifiée ensuite avec la théorie des analogues, que porta la
fameuse discussion c[ui eut lieu. en 4830, entre Cuvier et
Geoffroy Saint-Hilaire. Gœthe s'intéressa vivement à cette
discussion dans laquelle il se plaint que Cuvier ait mis
presque en accusation la philosophie de la nature, ajou-
tant que Geoffroy Saint-Hilaire pouvait compter sur l'adhé-
sion de tous les défenseurs de cette philosophie.
Cuvier, créateur de l'anatomie comparée et de la paléon-
tologie, a exercé, sur les progrès de la zoologie, une
influence considérable, qui n'a pas peu contribué à trans-
former cette science. On peut bien lui reprocher d'avoir,
dans quelques circonstances, laissé les croyances religieuses
empiéter sur le domaine scientifique ; mais il faut recon-
naître que, généralement, il s'en est tenu aux faits observés
par lui et que, s'il a formulé des lois générales, c'est en
procédant par induction légitime qu'il y est arrivé et
qu'il s'est en somme peu livré aux spéculations métaphy-
siques. D' L. Hahn. '
BiBL. : Lee, Mémoires du baron Georges Cuvier,
publiés eh français par Th. I.acordaire ; Paris, 1833, in-8.
~ Dareste, art. Cuvier de la Nouv, Biogr. gén,^ 1855.
— Carus, Histoire de la zoologie, trad. fr. par P.-O.
Hagenmuller ; Paris, 1880, in-8. — Ducrotay de Blain-
ville, Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire ; Paris, 1890, in-8.
CUVIER (Frédéric), naturaliste fran<jais, frère du pré-
cédent, né à Montbéhard le 28 juin 4773, mort à Stras-
bourg le 47 juil. 4838. Il fut membre de l'Académie des
sciences, directeur de la ménagerie au Jardin des plantes,
professeur de physiologie, inspecteur général de l'Univer-
sité, etc. Fr. Cuvier a publié d'intéressants ouvrages
parmi lesquels : Dents des mammifères considérées
comme caractères zoologiques (Paris, ^825, in-8);
Suppléments à l'histoire naturelle deBuffon(Cétdicé^)^
4834-46, in-8, avec 42 pi. ; Histoire naturelle des
mammifères,, en collaboration avec Geoffroy Saint-Hilaire
(Paris, 4824, 7 vol. in-foL), ouvrage auquel le caractère
anecdotique donne un charme particulier sans nuire au
côté scientifique. D' L. Hn.
CUVIER (Kodolphe-Eberhard-Nicolas), pasteur protes-
tant, né à Etupes, près de Montbéliard, le 22 janv. 4785,
mort à Montbéliard le 30 juil. 4867. Il fit ses études de
théologie à l'académie de Strasbourg. Ayant été d'abord
pasteur, puis professeur du lycée à Nancy, il devint,
en 4830, pasteur de l'Eglise luthérienne de Paris, et
en 4853, inspecteur ecclésiastique; en 4 850, il fut nommé
membre du conseil supérieur de l'instruction publique. Il
collabora avec Matter (V. ce nom) et quelques autres
théologiens à une nouvelle traduction de la Bible, et pu-
blia en 4845 un Catéchisme des doctrines distinctives
de l'Eglise évangélique et de l'Eglise romaine^ traduit
de l'allemand.
CUVILLER ou CUVILLIÉS (François), le père, archi-
tecte et graveur à l'eau-forte, né à Soissons en 4698, mort
à Munich en 4768. Appelé en Bavière par l'électeur, plus
tard empereur Charles VII, Cuviller père y travailla surtout
à l'ornement des bâtiments de ce prince, genre dans lequel
CUVILLER — CUXAC
— 664
il avait acquis une réputation méritée. Il fut nommé, en
4763, architecte directeur des bâtiments de la couronne.
— Son fils François a publié, gravés par eux-mêmes ou
par divers autres artistes, les dessins de son père et les
siens.
CUVILLERS. Corn, du dép. du Nord, arr. et cant. de
Cambrai; 354 hab.
C U V 1 L L I E R-Fleury (Alfred- Auguste) , littérateur fran-
çais, né à Paris le 18 mars 1802, mort à Paris le 18 oct.
1887. Fils d'un commandant de l'Empire, Louis Cuvillier-
Fleury, très lié avec Louis Bonaparte, il fut emmené en
Hollande à peine âgé de quatre ans, et en revint orphelin
en 1810. U entra en 1813 à Louis-le-Grand comme bour-
sier impérial, obtint en 1819 le prix d'honneur de rhé-
torique au concours général, et ayant terminé ses études
retrouva en Louis Bonaparte un protecteur éclairé qui l'atta-
cha à sa personne avec le titre plutôt honorifique qu'effec-
tif do secrétaire. Cuvillier-Fleury séjourna ainsi pendant
deux années (1820-1821) à Milan, à Florence et à Rome,
où il se perfectionna dans les lettres latines pour lesquelles
il avait une véritable passion. En 1823, il devint préfet des
études à l'institution Sainte-Barbe et y fit preuve de telles
qualités que le duc d'Orléans le choisit en 1827 pour pré-
cepteur de son fils le duc d'Aumale. Cuvillier-Fleury s'ac-
quitta merveilleusement de ces délicates fonctions qui lui
valurent l'amitié de son élève et celle de la famille royale.
Lorsqu'il eut terminé l'éducation du prince, le duc d'Or-
léans l'emmena en Afrique (mars 1840) et c'est lui qui
fut chargé de rédiger et d'analyser les notes, dépêches et
lettres relatives à l'expédition. Depuis 1834, il était entré
au Journal des Débats^ où il se fit comme critique litté-
raire une brillante réputation. Vers 1845, il eut quelques
velléités d'aborder la vie politique, entama même des polé-
miques, et posa, en 1846, sa candidature à la Chambre
devant les électeurs de Guéret. Il échoua et la révolution
de 1848 ne lui permit pas de renouveler sa tentative.
Demeuré fidèle à la famille d'Orléans, il s'enferma dans la
plus stricte retraite, se consacrant uniquement à la littéra-
ture, et soutenant autant qu'il le pouvait, dans son journal,
la cause des princes exilés. Le 12 avr. 1866, il était élu
membre ' de l'Académie française où il remplaçait Dupin
(récept. le 11 avr. 1867). Il continua de collaborer au
Journal des débats dans lequel il publia même, après le
16 mai et pendant une période de dix-huit mois, des articles
politiques signés A. Il devint aveugle pendant les dernières
années de sa vie, mais ne cessa pas de suivre assidû-
ment les séances de l'Académie où il avait eu la joie de
retrouver en 1873 le duc d'Aumale. La plupart de ses
articles Httéraires ont été réunis en volumes. Nous cite-
rons : Notes historiques sur le général Allard et sur le
royaume de Lahore (Paris, 1836, in-12) ; Portraits poli-
tiques et révolutionnaires (iSM, m-l'^); Voyages et
Voyageurs, iSSl-ISU (1854, in-12); Etudes histo-
riques et littéraires (1854, 2 vol. in-12); Nouvelles
Etudes historiques et littéraires (1855, in-12); Der-
nières Etudes historiques et littéraires (1859, 2 vol.
in-12); Historiens, Poètes et Romanciers (1863,2 vol.
in-12) ; Etudes et Portraits (1865-1868, 2 vol. in-12) ;
Marie-Caroline- Auguste de Bourbon^ duchesse d'Au-
male (1870, in-8); Posthumes et Revenants (1878,
in-12). Sous le titre de Mélanges de critique et d'histoire
(Paris, 1852-1865, 11 vol. in-i2),on a donné un recueil
des ouvrages précédents publiés jusqu'à 1865. Le duc
d'Aumale a écrit dans le Livre du Centenaire des Débats,
une très curieuse et très intéressante biographie de son
ancien précepteur. — W^^ Juliette Cuvillier-Fleury, née
Bouton, a donné quelques livres sous le pseudonyme d'Ob-
vier Lavoisy. Nous citerons : la Petite Mamaii (Paris,
1866, in-12); Sur les geyioux de grand-mère (1868,
in-12) ; Monsieur et Mademoiselle Bébé (1867, gr.
in-8).
eu VILLON (Jean-Baptiste-Philémon de), violoniste, né
'^ Dunkerque le 13 mai 1809, Entré au Conservatoire de
Paris en 1824, il suivit les leçons d'Habeneck pour le \io-
lon, de Reicha pour le contrepoint et la fugue. Il eut le
deuxième prix de violon de 1825, et le premier en 1826,
en partage avec Becquier. Issu d'une très noble et ancienne
famille, il avait reçu une éducation et une instruction des
plus complètes. Tout en travaillant la musique, il étudiait
le droit. De 1843 à 1848, il fut nommé professeur adjoint
au cours d'Habeneck. Il tint également Femploi de premier
violon à la Société des concerts. On lui doit une Fantaisie
brillante sur des motifs d'Auber pour violon avec piano
ou orchestre, des concertos, morceaux de salon, etc. A.E.
CUVILLY. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Compiègne,
cant. de Ressons-sur-Matz ; 549 hab. Cuvilly, uni à Sey-
chelles, aujourd'hui simple hameau, formait une seigneurie
considérable qui appartenait dès le xni^ siècle à la maison
de Soyecourt, Arnauld de Corbie, chancelier de France,
l'acquit vers 1380 et un procès ayant surgi après sa mort
entre son héritier, Jean de Corbie, et un représentant de
l'ancienne maison de Séchelles, le roi d'Angleterre, maître
alors du pays, mit fin à ce procès en 1431, en confisquant
la seigneurie qu'il donna à Jean F^ de Poix, de qui elle
passa aux d'Albert de Luynes, puis à diverses familles,
entre autres à celles de Moreau de Séchelles, ministre sous
Louis XV, qui bâtit le château actuel, et de Hérault de
Séchelles, qui périt sur l'échafaud révolutionnaire. L'église
de Cuvilly est une vaste construction gothique ; le portail et
le chœur sont du xvi^ siècle. On a trouvé des armures au
lieu dit le Champ-Dolent. Tuileries, ganterie. C. St-A.
eu VIN 01 (Louis-Joseph), ingénieur et homme politique
français, né à Liancourt (Oise) le 1®"^ juin 1837. Entré à
l'Ecole polytechnique en 1855, il en sortit dans le corps
des ponts et chaussées, servit utilement le gouvernement
de la Défense nationale, à Paris, puis à Tours, pendant
la guerre de 1870-1871, fut nommé directeur de la navi-
gation de la Seine et des ponts de Paris en 1878, devint
directeur du cabinet et du personnel au ministère des
travaux publics en déc. 1877, fut élu sénateur par le dép.
de l'Oise en 1879, siégea constamment dans les rangs de
la gauche républicaine et fut réélu le 5janv. 1888.
GUXA (Saint-Michel de). Abbaye bénédictine du diocèse
d'Elne, sur le territoire de la com. de Codalet. Saint-Mi-
chel de Cuxa fut fondé, vers 880, par des rehgieux échappés
au cataclysme mystérieux qui avait détruit le monastère
de Saint-André d'Exadala. L'abbaye fut donnée, le 4 juin
1494, par Alexandre Borgia à son fils César. Uni à lamense
épiscopale d'Elne en déc. 1704, le monastère en fut séparé
peu après, le saint-siège ayant refusé d'approuver cette
union. Les édifices de Saint-Michel sont en ruine et
occupent un site admirable. L'église a été remaniée à plu-
sieurs reprises ; les bas côtés paraissent avoir été ajoutés
et les grandes arcades ne répondent pas à l'agencement
de la voûte. La voûte avait d'abord de simples doubleaux;
on la refit sur ogives, puis en berceau. Des deux clochers
qui flanquaient ce chevet, un seul reste debout, imposant
par sa masse carrée et légèrement incliné. Le cloître, en
marbre rouge, était couvert d'un simple toit ; les colonnes
étaient trapues, à chapiteaux historiés: les débris ont été
dispersés ; on retrouve des arcades jusqu'au delà de Per-
pignan. La porte extérieure du monastère et surtout la
porte du logis abbatial sont couvertes de sculptures à
relief bas, dignes de l'attention des archéologues.
BiBL. : Abbé Font, Histoire de Saint-Michel de Cuxsl,
et surtout Delamont, Histoire de Prades.
CUXAC-Câbardès (Cucciacum). Com. du dép. de l'Aude,
arr. de Carcassonne, cant. de Saissac ; sur la Dure, affluent
de la Rougeanne, qui tombe elle-même dans le Fresquel ;
921 hab. Le nom de Cuxac ne paraît pas avant le
xni® siècle, mais la localité est bien plus ancienne ; elle est
mentionnée dès le ix^ siècle sous le nom de Sainte-Cécile,
vocable de l'église paroissiale. Donnée à l'abbaye de Mon-
toHeu, l'église lui appartint jusqu'à la Révolution. A côté
du fief ecclésiastique s'était constituée, probablement au
XJ® siècle, une seigneurie laïque. Confisquée au xni® siècle
665 —
CUXAC — CUYP
par le roi sur le dernier possesseur hérétiçjue, elle fut
cédée par la couronne en 4296 à Guillaume de Voisins, en
échange de Limoux; la seigneurie de Cuxac appartenait
encore aux descendants de ce Guillaume, au xyh^ siècle, et
elle était régie comme les autres terres de la conquête par
les coutumes de la vicomte de Paris (hommage de 1440).
Une partie du territoire de Cuxac appartint aussi, du
xvi^ au XVIII® siècle, à une branche de la puissante maison de
Hautpoul. Sur le territoire de la commune actuelle > on
remarque La Bonde, ancienne manufacture royale de draps,
Gazelles, paroisse indépendante, le fief et château des
Escoussons. Le bien de Cuxac était administré avant 4789
par trois consuls choisis par les seigneurs sur une liste de
six noms dressée par la communauté. L'église, de style
gothique, a été en partie reconstruite au xvi*^ siècle. L'his-
toire de Cuxac est assez obscure ; pris et pillé par les hu-
guenots eu 4563, puis repris par les catholiques, ce lieu
fut de nouveau occupé par les réformés dix ans plus tard
et réoccupé par les ligueurs ; les royalistes le réduisirent
en 4595. — Prairies artificielles, carrières de schiste.
BiBL. : Mahul, Cartulaire de Carcassonne^ IV, 410-428.
CUXAC-d'Aude {Cucciacum). Com. du dép. de l'Aude,
arr. de Narbonne, cant. de Coursan ; sur l'Aude, comme
l'indique son nom ; 2,837 hab. Ce lieu est mentionné dès
le milieu du x® siècle ; il appartenait à cette époque en
partie aux comtes de Carcassonne, en partie à l'archevêque
de Narbonne, Ermengaud. Celui-ci* donna sa part vers 4005
à la cathédrale de cette ville, et les droits du chapitre furent
solennellement reconnus en 4032 parle vicomte deBéziers,
en 4457 par le roi de France, Louis le Jeune. Mais la com-
munauté de Saint-Just ne paraît pas être longtemps restée
en possession de cette terre. Dès 4023, on trouve des sei-
gneurs de Cuxac, vassaux des vicomtes de Narbonne, et en
4242, un concile tenu à Narbonne restitua aux clercs de
Narbonne la propriété de l'église même et de ses dépen-
dances. Un peu plus tard!, en 4271 , le vicomte Aimeri
reconnaît tenir en fief de la couronne de France le lieu de
Cuxac, qui dès lors fit toujours partie de la vicomte. —
Cuxac est aujourd'hui un gros bourg agricole ; la principale
culture est celle du blé.
CUXHAVEN. Ville maritime d'Allemagne, dépendant de
Hambourg (à 403 kil. au N.), mais enclavée dans le ter-
ritoire prussien, à l'embouchure de l'Elbe ; 4,500 hab.
C'est un avant-port de Hambourg avec des chantiers de
construction et une station balnéaire fréquentée. On y a
annexé, en 1873, Ritzebuttel qui comprend le promon-
toire de ce nom et ses vieilles fortifications.
GUY. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Compiègne, cant.
de Lassigny ; 204 hab.
GUY. Com. du dép. de l'Yonne, arr. de Sens, cant. de
Pont-sur-Yonne ; 322 hab.
G U Y-Saint-Fiacre. Com. du dép. de la Seine-Inférieure,
arr. de Neufchâtel-en-Bray, cant. de Gournay-en-Bray ;
446 hab. ,
GUYABÂ. Riv. du Brésil, dans l'Etat de Matto Grosso,
affluent de la rive gauche du Sam Lourenço, qui se jette
dans le Paraguay.
GUYABÂ. Ville du Brésil, ch.-l. de la prov., aujourd'hui
Etat de Matto Grosso, sur la rive gauche du Cuyabâ, par
45^36' de lat. S. et 58« 25' de long. 0. de Paris (La-
cerda)à46l m. d'alt. sur le niveau de la mer (contre-
amiral Leverger); environ 20,000 hab. (4890). Cour
d'appel ; une ligne de paquebots brésiliens relie Cuyabâ à
Rio de Janeiro à travers le Paraguay et la Républicjue
Argentine. Cuyabâ n'était d'abord qu'un village fondé en
4722 par des chercheurs d'or venus de SâoPaulo.En4727
elle devint un bourg (villa) et eut dès lors un conseil
municipal ; en 4818, elle reçut le titre de cité (cidade), et
devint, à partir 4820 le ch.-l. de la capitainerie, puis pro-
vince (4824-4889), et aujourd'hui Etat de l'Union brési-
lienne. R.-B.
CUYGK (Albert de), prince-évêque de Liège, qui régnait
vers la fin du xii® siècle, La charte que ce prince accorda
à ses sujets en 4498 est le plus ancien monument du droit
public liégeois. Elle consacre l'inviolabilité de la demeure
du bourgeois, de sa propriété et de sa personne, plus
complètement qu'aucune autre loi de la même époque.
Albert de Cuyck, prince rapace et simoniaque, vendit
fort cher aux Liégeois leurs nouveaux privilèges. E. H.
BiBL. : FouLLON, Historia Leodiensis per episcoporum
seriem digesta ab origine populi usque ad Ferdinandi
Bavari tempora ; Liège, 1735-^^6, 2 vol. in-fol. — Chapea-
viLLE, Gesta pontificum leodiensium ; Liège, 1612-1616,
3 vol, in-4. — MoKE et Hubert, Histoire de Belgique,
1886, iii-8. — A. Namèche, Cours d'histoire nationale,
1852-1889, 24 vol. in-8.
GUYGK (Frans van Mierop van), peintre flamand, né en
4640 à Bruges, mort à Gand après 4687. Il se perfec-
tionna dans 'son art à Gand. Bien qu'il ait peint quelques
portraits, il est surtout connu comme peintre d'animaux et
particulièrement de poissons. Il a également gravé un petit
nombre de planches qui sont assez recherchées des ama-
teurs.
CUYGK (Pieter van), peintre et dessinateur, né en 4687,
à La Haye, où il reçut les leçons de Terweste. J. Punt
a gravé sur cuivre un de ses dessins représentant les Fur
nérailles du prince Guillaume ÎV d'Orange, On ignore
l'année de sa mort. — Ses deux fils, îiarel etPiter (V. ci-
après) et sa fille Maria cultivèrent également la peinture.
GUYGK (Pieter van) le Jeune, peintre, fils du précédent.
Cet artiste, né à La Haye en 4720, est mort en 4787.
On vante la solidité de son savoir. Cuyck est, en outre,
l'auteur de deux ouvrages intitulés, l'un Beschrijving
van eenige Oudheden (Amsterdam, 4780) ; l'autre,
Brieven over Texel (Delft, 4789).
GUYLENBURGH on GUYLENBORGH (Abraham van),
peintre hollandais, dont on trouve le nom inscrit sur les
listes de la gilde d'Utrecht en 4637 ; la date 4664 portée
sur un de ses tableaux appartenant à la galerie de Co-
penhague prouve qu'il peignait encore à ce moment. Ses
tableaux d'un coloris agréable et moelleux rappellent la ma-
nière de CornelisPoelenburgh qui, étant comme lui d'Utrecht,
fut sans doute son maître. Ils représentent également
des scènes mythologiques, des nymphes courant ou se bai-
gnant dans des grottes, avec des statues ou des débris
antiques. Les musées de Brunswick, de Schwerin, de La
Haye, de Cologne, de Prague, etc., possèdent des tableaux
de cet artiste et M. W. Bode en a dressé le catalogue dans
ses Studien %ur Geschichte der holldndischen Malerei.
GUYLENBURG (Cornelis van), peintre hollandais, né à
Utrecht en 4754, mort en déc. 4824 à La Haye, où il
s'était établi. Il a joui en son temps d'une certaine vogue
comme portraitiste et le musée d'Amsterdam possède de
lui trois portraits d'après des amiraux hollandais.
GUYN AT (Claude-Simon), né à Avallonle 28 févr. 4774,
mort à Chalon-sur-Saône le 34 déc. 48o3. Médecin mili-
taire (de 4792 à 4837), et géographe. H a laissé des tra-
vaux considérables dont un grand nombre sont encore à
l'état de manuscrits dans la bibliothèque de la ville de
Dijon et dans celle de Chalon-sur-Saône. Ceux qui ont
été imprimés ont été publiés dans les Mémoires de l'Aca-
démie de Dijon. Voici les principaux : Topographie de
Barcelone (4844-4842) ; Histoire morale, physique et
topographique de la Catalogne de IBM ci i827
(4843-1844) ; Topographie des Asturies (4849) ; Essai
philosophique sur la douleur ; Etudes sur les abcès du
foie consécutifs aux lésions traumatiques générales
(4844-4842), etc., etc. P. C.-C.
GUYO. Région de la République argentine, ancienne
province de la vice-royaulé de Buenos Aires, quelque
temps rattachée au Chili ; elle a été subdivisée en trois
Etats : San Juan, Mendoza, San Luis,
GUYOS (Iles). Petit archipel au N. de Palaouan; la
principale de ces îles est Gran Cuyo ; elles exportent
l'huile de coco, des nids d'hirondelles, des trépangs, etc.
GUYP (Jacob-Gerritsz) le Vieux, peintre hollandais, né
à Dordrecht en déc, 4594, mort à Dordrecht en 4654 ou
CUYP
- me
d652. Il était le cinquième des six enfants du premier ma-
riage de Gerrit Gerrit|z Cuyp, originaire de Venlo, qui
s'était fixé à Dordrecht où, à la date du 49 janv. 4585, il
figure sur les listes de la gilde de Saint-Luc en qualité de
peintre-verrier. C'était un homme considéré et qui fut
chargé d'importantes commandes pour les églises du voisi-
nage, à Wondrichem, à Niervaert. Il avait acquis une
certaine aisance, car tout en élevant sa nombreuse famille,
il était possesseur d'une maison, d'un jardin et de quelques
tableaux. Peut-être était-il en mesure de donner à son fils
ses premiers enseignements artistiques, mais il avait en-
suite confié son instruction à Abraham Bloemaert, le peintre
d'Utrecht, qui jouissait alors d'une grande réputation et
attirait chez lui beaucoup d'élèves. On ignore combien de
temps Jacob y demeura. En tout cas, à l'âge de vingt-trois
ans, il était établi dans sa ville natale et inscrit le d8 juil.
464T à la gilde de Saint-Luc. L'année suivante, le43nov.
4648, il épousait une jeune fille d'Utrecht qu'il avait sans
doute connue pendant son séjour dans cette ville et il se
fixait définitivement à Dordrecht. Peu à peu, il s'y faisait
connaître comme portraitiste et, bien qu'assez rares, ses
œuvres en ce genre justifient la réputation qu'il avait ac-
quise. Les portraits de lui que possèdent les musées de
BerHn, de Cologne, de Francfort, d'Amsterdam, de Stock-
holm, de l'Ermitage, du Belvédère et surtout les deux
pendants du musée de Metz datés de 4654, probablement
les derniers qu'il ait peints, sont remarquables par la fran-
chise du dessin, l'éclat de la couleur et la force de l'ex-
pression. Dans leur mâle sobriété, ils rappellent et ils
égalent presque ceux de Th. de Keyser et comptent parmi
les meilleures productions de l'école hollandaise. Cuyp,
d'ailleurs, n'était pas moins habile à peindre le paysage et
les animaux, et nous connaissons de lui un grand tableau
appartenant à M. A. de Rothschild qui représente les dif-
férents membres d'une même famille groupés en plein air
dans une campagne avec des vaches qui broutent çà et là
et qui sont rendues avec une grande vérité. Les treize
planches d'animaux gravées par Persyn ont été exécutées
d'après ses dessins. On voit que sur ce point il a pu donner
à son fils Albert d'utiles enseignements. Entouré de l'estime
de ses confrères, Jacob Cuyp avait été, en 1637, chargé de
l'administration de la gilde de Saint-Luc comme doyen et
comme comptable, et avec le concours de trois autres artistes
il avait réorganisé cette association pour donner à son
fonctionnement plus de convenance et de régularité.
CUYP (Benjamin-Gerritsz), peintre hollandais. Il était,
comme le précédent, fils de Gerritsz Cuyp, mais d'un se-
cond mariage de celui-ci, né en 4642 à Dordrecht, mort à
Dordrecht au mois d'août 4652. Dès le 27 janv. i 634 il était
membre de la gilde. Son talent, sur lequel l'attention a été
plus particuHèrement attirée en ces derniers temps, dif-
fère complètement de celui de son frère et de son célèbre
neveu. Il aimait à traiter des épisodes empruntés à l'his-
toire ou à la mythologie et il appartenait à ce groupe
d'italianisants qui cherchsiient alors en Hollande à accom-
moder les traditions de l'art classique avec le réalisme de
leur pays. Comme la plupart d'entre eux, il apportait dans
ces recherches des préoccupations de clair-obscur qui
donnent à plusieurs de ses compositions une certaine ana-
logie avec celles de la jeunesse de Rembrandt et vers la
fin il a certainement subi l'influence de ce maître. Sa pein-
ture très empâtée est souvent assez rude et un peu gros-
sière, son coloris cru et diapré à l'excès. Mais parfois,
au contraire, ses intonations assorties à dessein pré-
sentent une harmonie très distinguée. Il a peint, toujours
avec entrain et largeur, les sujets les plus variés : à
Stockholm, des Anges au lombeau dulChrist ; à Berlin,
une Adoration des Bergers ; à Amsterdam, un Joseph
expliquant les songes ; à Paris, chez le comte Mniszech,
un Intérieur de corps de garde traité presque en gri-
saille, et, chez M. Haro, un Episode de l'histoire de Cam-
byse^ d'une couleur énergique, un peu brutale, mais d'un
aspect vraiment magistral. Emile Michel.
CUYP (Albert), célèbre peintre hollandais, né à Dor-
drecht en 4620, mort à Dordrecht en nov. 4694. Il était fils
unique de Jacob Cuyp et par conséquent neveu de Benja-
min. II fut élève de son père et, dans ses ouvrages, cette
filiation se manifeste par des analogies positives dans
l'exécution, ainsi que le prouvent des vues de dunes de
cette période primitive (musée de Berlin) et le paysage
montagneux du musée d'Amsterdam : les intonations y
sont encore pâles et les arbres exprimés par un gribouillis
timide et informe. Mais peu à peu l'exécution de l'artiste
devint plus ferme et son style plus personnel. Il excellait
à peindre l'atmosphère humide des environs de Dordrecht
et presque toujours à l'horizon de ses paysages il s'est plu
à représenter le grand clocher de sa ville natale, à demi
noyé dans une brume dorée, émergeant des grasses prai-
ries où reposent nonchalamment des vaches repues et
placides, serrées les unes contre les autres au soleil. Le
musée du Louvre possède plusieurs de ces tableaux dans
lesquels Cuyp a si bien rendu la lumière dorée et tami-
sée des grands ciels hollandais et l'impression de calme qui
se dégage de cette tranquille nature. La plaine s'étend au
loin sans obstacle et ce n'est que bien rarement que l'ar-
tiste, remontant le Rhin jusqu'aux confins de l'Allemagne,
a disposé çà et là quelques rochers ou quelques côtes qui
rompent la monotonie de ces vastes étendues. Avec une
grande souplesse de talent, il aborde d'ailleurs les sujets
les plus variés. Au Louvre encore, on peut admirer deux
de ces tableaux qui lui valurent de son temps une vogue
légitime et dans lesquels il nous montre, partant pour la
chasse ou arrêté devant la porte d'une auberge, quelque fils
de famille ou quelque riche seigneur dans un accoutrement
un peu bizarre, monté sur un de ces grands chevaux à
tête petite et busquée, et à forte encolure dont Cuyp a sans
doute un peu exagéré la disgracieuse apparence. Malgré
tout, il était tenu pour l'arbitre de l'élégance par la haute
société de Dordrecht et il reçut d'elle de nombreuses com-
mandes en ce genre. Il aimait d'ailleurs lui-même les che-
vaux, et plusieurs des tableaux qu'il nous a laissés, au
musée de Rotterdam et chez le duc de Bedford notamment,
nous prouvent qu'il allait les étudier dans les écuries ou
dans les manèges. Dans la première de ces collections, l'une
de ces études, par sa franchise et son éclat, rappelle les
célèbres croupes de Géricault. Avec la richesse de ses apti-
tudes et les ressources de son talent, Cuyp était à même de
reproduire les aspects les plus divers de la nature. Tantôt
c'est une barque violemment secouée par l'orage (musée
du Louvre), avec un éclair qui sillonne les nuées amonce-
lées ; tantôt c'est la silencieuse majesté d'une nuit pure et
la clarté douteuse que la lune épand du haut du ciel sur
la mer apaisée, comme dans le beau paysage de la collec-
tion Six; ou, dans la même collection, la gaieté, l'anima-
tion de la rade de Scheveningue à l'arrivée de Maurice de
Nassau par une après-midi d'été, au milieu des salves et
des acclamations, des bâtiments pavoises qui lui font es-
corte ; ou bien encore, au Rijks Muséum, c'est ce combat
d'un coq contre un dindon, et sous le ciel assombri la
lutte vraiment épique des deux volatiles qui, de leurs becs
et de leurs ongles, font autour d'eux voler les plumes.
Pour se distraire, Cuyp a également peint des natures
mortes et à voir la perdrix du Retour de la chasse au
Louvre ou les saumons qui entourent le sire de Roovereau
musée de La Haye on pouvait bien prévoir la supériorité
dont il y ferait preuve et dont le Gibier mort du musée
de Rotterdam nous fournit un témoignage éloquent. Mais
ce serait faire injure au maître que de lui attribuer les
tableaux de fruits de ce même musée et dont les initiales
A. C. que portent ces tableaux lui avaient pendant long-
temps imputé la paternité :ils sont, en réalité, d'un peintre
assez médiocre nommé Alexandre Cosemans. Enfin, A. Cuyp
a peint aussi quelques portraits, qui sans égaler ceux de
son père ne sont pas indignes de son talent. Homme d'ordre
et très laborieux, il avait peu à peu ajouté à la considéra-
tion déjà ancienne de sa famille et sa position de fortune
667 -
CUYP --. CUZÏEU
s'était aussi élevée graduellement. A la mort de ses pa-
rents, il avait hérité de tous leurs biens et le mariage qu'il
contractait, à l'âge de trente-huit ans, avec la veuve de
Jean van den Corput, qui appartenait à la haute société de
Dordrecht, le mettait lui-même au rang des premières
familles. C'est sans doute ce qui a pu accréditer le bruit
qu'il n'était pas peintre de profession et que cette occupa-
tion n'était pour lui qu'un délassement. Ses croyances reli-
gieuses, très ferventes, n'avaient fait qu'accroître l'estime
dont il jouissait dans cette ville un peu puritaine, siège de
l'orthodoxie protestante, et que les longues controverses
du synode de 1648 avaient rendue célèbre. En 4680-1682,
il est promu à l'une des charges les plus recherchées de la
contrée, celle de membre de la cour et du tribunal de la
Hollande méridionale. On le voit, il était devenu un person-
nage et il s'est représenté lui-même, dans un tableau qui
fait partie de la collection du duc de Bedford, dessinant au
milieu de la campagne, pendant que près de là un domes-
tique tient par la bride deux beaux chevaux qui ont amené
son maître et lui. Ce n'est pas dans cet équipage que nous
sommes habitués à retrouver les paysagistes de cette époque,
et Cuyp est un des rares favorisés qui aient échappé à la
misère, le lot de la plupart d'entre eux. Deux ans après la
mort de sa femme, il mourait lui-même chez Arendina près
de laquelle il s'était retiré et qui avait épousé Pieter On-
derwater, propriétaire de la Brasserie des Lys. Les œuvres
de Cuyp sont nombreuses, et, bien que la plupart des musées
de l'Europe en possèdent, le plus grand nombre se trouve
en Angleterre; à Paris, outre le Louvre, MM. de Rothschild,
Rothan, Kann, ont aussi quelques-uns de ses meilleurs
tableaux : mais le plus remarquable, à notre avis, est la
grande Vue de Dordrecht, au soleil couchant, qui appar-
tient à M. Holford. Nulle part l'artiste n'a su rendre avec
cette perfection et ce charme l'impression de recueillement
et de doux éclat de ce moment du jour pour lequel il avait
ime prédilection marquée. Les dessins faits par lui d'après
des vaches ou d'autres animaux sont exécutés largement,
et le musée Fodor à Amsterdam, la collection Teyler à
Harlem en possèdent, ainsi que le Louvre, d'intéressants
spécimens. Emile Michel.
BiBL. : C'est à M. G.-H. Veth de Dordrecht que la cri-
tique est redevable de la plupart des documents découverts
récemment sur la famille des Cuyp et qui ont profondé-
ment modifié les dates et les détails biographiques con-
cernant cette famille. Après une première étude donnée
dans Oud. Holland (II, p. 233), M. Veth a pu compléter
ses précieuses informations par un nouveau travail inséré
dans ce même recueil.
CUYPER (Jean-Baptiste de), sculpteur belge, né à
Anvers en 4807, mort à Anvers en 4852. Elève de Jean
Van der Neer le jeune, il fut aussi le disciple favori de
Féminent sculpteur Van Brée. La Belgique, la Hollande,
la France, l'Angleterre et même l'Amérique possèdent de
nombreux monuments, statues et bustes de cet artiste,
excellemment composés et d'un grand caractère. Les plus
connus sont : la statue de Léopold P^, en marbre, placée
à Anvers, et celle de son maître M.-J. Van Brée^ au musée
de la même ville. Ad. T.
CUYP ERS (Petrus-Josephus-Hubertus), architecte hol-
landais, né à Roermond en 4827. Fils d'un peintre de
talent, M. Cuypers a été élève de Dentz et de l'académie
d'Anvers où il remporta le prix d'excellence en 4849 ; puis
il se fixa à Amsterdam et se fit bientôt remarquer comme
Fun des plus fervents adeptes de la renaissance de l'archi-
tecture du moyen âge. C'est, en effet, en s'inspirant des
divers styles de cette période qu'il construisit de nombreuses
églises (la plupart catholiques) dans les Pays-Bas, entre
autres: Féglise Sainte-Catherine, à Vindhoven; l'église
Saint-Lambert, à Vechel ; Féglise Sainte-Barbara, à Breda ;
deux églises à Altmaar ; Féglise Saint-Boniface, à Leu-
warden ; la nouvelle église Saint- Jacques, à La Haye et
l'église des Seigneurs à Amsterdam. M. Cuypers fut de plus
occupé à la restauration d'anciennes églises parmi lesquelles
la cathédrale de Mayence, dont il publia une monographie
en 1878 ; mais son œuvre la plus remarquable et la plus
importante est le Rijks Muséum ou nouveau musée na-
tional d'Amsterdam, élevé de 4877 à 4885 dans le style
de la renaissance hollandaise. M. Cuypers est depuis 4866
membre honoraire de l'institut royal des architectes bri-
tanniques. Charles Lucas.
BiBL. : R&Due générale de l'architecture ; Paris, 1873,
t. XXX, in-4.
eu VU NU FI. du Venezuela (V. Venezuela).
CUZAC. Com. du dép. du Lot, arr. et cant. de Figeac;
4,507 hab.
CUZÂNCE. Com. du dép. du Lot, arr. de Gourdon,
cant. de Martel; 489 hab.
CUZCATLAN ou CUSCATLAN. Ancien nom du pays de
l'Amérique centrale qui forme la république de San Sal-
vador et était peuplé par les Cuzcatecs, parents des Tol-
tèques. H a été conservé par une ville et un département
de la répubhque. La ville est auprès de San Salvador
(V. ce nom) qui l'a remplacée.
CUZCO. Ville et département du Pérou. La ville, ancienne
capitale des Incas (V. Pérou), est située dans le bassin de
FApurimac, à 3,488 m. d'alt., dans une vallée où se forme
le rio Gachimayo, au pied de hauts escarpements. Elle
compte environ 20,000 hab. (en 4876), en grande major-
rité Indiens ; ils sont laborieux ; les principales industries
sont la fabrication de lainages et cotonnades, la passe-
menterie, la joaillerie, la sculpture sur bois, la distillerie.
La ville est régulièrement bâtie et l'une des plus belles du
Pérou, certainement la plus curieuse. Elle a encore cour-
servé quelque chose de l'aspect qu'elle avait au temps des
Incas ; autour de la place centrale rayonnent les rues ; les
maisons indiennes ont été seulement surélevées ; les anciens
édifices, bâtis généralement au bord du ravin de Huatanay,
ont été adaptés par les conquérants à leurs besoins. Le
temple du Soleil (Curi-Gancha) est devenu couvent et église
de Saint-Dominique ; les temples secondaires (des planètes
et des puissances célestes), construits autour, ont été livrés
aux commerçants, transformés en ateliers, etc. Le palais
des Vierges du soleil est devenu couvent de Santa Catahna;
le palais du roi Viracocha a été démoli pour faire place à
la cathédrale (4572-4654) ; on montre encore les restes
colossaux du Colcampata, palais de Manco-Capac, fondateur
de Cuzco (au xi^ siècle) et de la puissance des Incas ; ces
édifices seront étudiés au mot Pérou (Archéologie) où Fon
exposera les particularités de ces constructions en pierres
polygonales ; nous n'énumérons que les principales. Les
églises européennes sont peu intéressantes. En dehors de
Cuzco, la colline qui domine la ville au N. est couverte
par les fortifications du Sacsahuaman avec leur triple
muraille et leur triple terrasse.
Le dép. de Cuzco a 40,936 kil. 3. et 238,445 hab. (en
4876), en majorité des Indiens Quichuas; il se subdivise
en quatorze provinces, plus la capitale. Il offre de très
grandes différences selon les altitudes des sommets des
Andes aux plaines de l'Amazone (V. Pérou).
. C U Z E N T (Paul) , écuyer et musicien français, né en 4844,
mort à Saint-Pétersbourg le 5 juil. 4856. Issu d'une
famille d'écuyers et resté orphelin de bonne heure avec
trois sœurs qui suivirent la même carrière : Armantine,
née en 4848, Antoinette, née en 4820, et Pauhne, qui
devint la plus fameuse; il entra en 4834, avec les deux
aînées, au Cirque du boulevard du Temple. En 4842, il
monta un manège et partit pour l'Allemagne et la Russie,
où ce genre de spectacle, absolument nouveau, fit littéra^
lement fureur. A son retour à Paris, il entra au Cirque avec
succès; il joignait à son talent d'écuyer un goût très vif pour
la musique, il composait les airs de son spectacle, et Fon a
conservé de lui quelques morceaux agréables. Ces divers
talents ne lui suffisaient pas, et il composa un petit opéra,
r Habit de noces, qui fut représenté en 4855 au théâtre
Lyrique. Appelé en Russie à l'occasion du couronnement
d'iilexandre II, il fut enlevé en quelques jours par le choléra.
GUZIEU. Com. du dép. de l'Ain, arr, de Belley, cant.
de Virieu-le-Grand ; 4,405 hab.
CUZIEUX — CYANHYDRIQUE — 668
CUZIEUX. Corn, du dép. de la Loire, arr. de Mont-
brison, cant. de Saiiît-Galniier ; 668 hab.
CUZION. Com. du dép. de l'Indre, arr. de La Châtre,
cant. d'Eguzon; 1,102 hab.
CUZORN. Com. du dép. de Lot-et-Garonne, arr. de
Villeneuve-sur-Lot, *cant. de Fumel ; 267 hab.
CUZY. Com. du dép. de Saône-et-Loire, arr. d'Autun,
cant. d'Issy-l'Evêque ; 535 hab.
CUZZONI (Francesca), cantatrice dramatique italienne,
née à Parme en 1700, morte en 1770. Elève de Lanzi,
elle devint une des chanteuses les plus célèbres de toute
l'Italie. Appelée à Londres en 1722, par Haendel, qui diri-
geait le théâtre italien de cette ville, elle y fit fureur pen-
dant quatre années, notamment dans Othon, opéra de ce
compositeur. Mais ses écarts terribles de caractère finirent
par indisposer celui-ci, qui lui donna une rivale dans la
personne de la Faustina. Le public s'étant partagé en deux
camps, au sujet de ces deux cantatrices, et les représenta-
tions étant à chaque instant troublées par les manifestations
auxquelles elles donnaient lieu, la Cuzzoni, qui était de-
venue l'épouse du compositeur Sandoni, se vit obligée de
quitter Londres, et, après avoir chanté à la cour de Vienne,
retourna en Italie. En 1780, elle était à Venise, où, en
compagnie du célèbre sopraniste Farinelli (Carlo Broschi),
elle chanta avec beaucoup de succès dans Idaspe, opéra du
frère de ce chanteur, Riccardo Broschi. Quelques années
après on la retrouve en Hollande, où elle est mise en prison
pour dettes. En 1748, vieillie et fatiguée, elle reparaît à
Londres, mais sans aucun succès, et bientôt retourne de
nouveau en Italie, où elle finit par tomber dans la misère
la plus profonde.
CYAME (Cyamus Latr.) (Zool.). Genre de Crustacés, de
Tordre des Laemodipodes, établi par Latreille pour de curieux
animaux qui reçoivent vulgairement le nom de Poux de
baleine. Ces crustacés ont la tête petite, soudée au pre-
mier anneau du thorax, qui est beaucoup plus large qu'elle ;
les deux paires d'antennes comptent quatre articles, mais
celles de la seconde paire sont extrêmement courtes; le
thorax est formé de six anneaux très distincts les uns des
autres et fort larges : il paraît former le corps tout entier
et l'abdomen est réduit à une sorte de tubercule, à l'extré-
mité duquel se trouve l'anus. Il existe sept paires de pattes :
la première est grêle, formée de cinq articles, elle est
insérée sous la gorge ; la seconde est grosse, crochue, et
la main qui la termine est très renflée; les deux paires
suivantes sont représentées par des appendices qui jouent
le rôle de branchies et dont la forme est variable; enfin,
les trois autres paires, sont insérées sur les trois derniers
anneaux du thorax, et ressemblent, aux dimensions près, aux
pattes de la seconde paire. Les diverses espèces de ce genre
vivent en société sur la peau des Baleines, Dauphins et
autres Cétacés. Tel est notamment le C, ceti Latr. qui est
YOuiscus ceti de Linné. R. Montez.
Equiv. . (C^AzHO"-)^
Atom . . (CAzHO)^.
Syn. : Acide cyanique insoluble^ Acide cyanimque
insoluble.
Abandonné à lui-même, l'acide cyanurique libre se po-
lymérise spontanément et se transforme en une masse
blanche, amorphe, porcelanique, insoluble dans tous les
dissolvants neutres. Elle donne à la distillation de l'acide
cyanique; les alcalis la dissolvent avec formation de
cyanurates ; elle se dissout aussi dans l'acide sulfu-
rique concentré sans altération, car une affusion d'eau la
précipite; mais si on chauffe, il se dégage de l'acide
carbonique et la liqueur contient du sulfate d'ammoniaque ;
l'eau n'y détermine plus alors de précipité, et, au bout
de quelques semaines, il se dépose des cristaux d'acide cya-
nurique.
BiBL. : LiEBiG, Poggend. Ann.^ t. XV, 561
CYAMÉLIDE (Chim.). Form.
Weltzien, An. der
CYAMÉTHINE (Chim.). Form.
t. XX, 381. -
und Pharm., t. CXXXII, 221.
Equiv.. Ci^H^AzS
Atom,. CWAz3.
La cyaméthine est le polymère du cyanure de méthyle
et l'homologue inférieur de la cyanéthine :
3(C2IF.C^Az)=:Ci2H^Az3.
Cloëz la prépare en faisant réagir le chlorure d'acétyle
sur le cyanate de potassium ; il se dégage de l'acide car-
bonique et il se produit du chlorure de potassium :
SC^H^CIO-^ + 3C2AzK02 zzi 3KC1 -f- SC^O^ + C^^H^Az^.
Baeyer fait tomber goutte à goutte de l'acétonitrile pur
sur du sodium : il se fait du cyanure de sodium et la cya-
méthine forme les deux tiers du poids de l'acétonitrile
employé. Ainsi préparée, elle est volatile, sublimable, donne
des sels cristallisables, dont les solutés sont précipités par
les alcalis. Ed. Bourgoin.
BiBL. : Baeyer. Bidl. Soc. ch., t. X, 413. — Cloëz, Rép.
de ch.jnire.lSm.'lSQ.
CYANAIVIIDES (Chim.). Au cyanate d'ammoniaque et
aux cyanates d'alcalis organiques répondent les amides cya-
niques ou cyanamides. Tous ces corps sont formés avec
élimination d'eau. Le plus important est V acide cyanique
ou cyanamide :
C^AzHO^.AzH^ — H^O'^ — C^Az^H^.
c— • ''-.jSi:;;;:;;:;; ««;
Il a été découvert par Bineau en faisant réagir le chlo-
rure de cyanogène gazeux sur le gaz ammoniaque ; on l'ob-
tient plus facilement en dissolvant ce dernier dans l'éther
anhydre (Cloëz et Cannizzaro) :
C^AzCl + 2AzH3 =: AzH^Cl -4- C^Az^H^.
On sépare par filtration le sel ammoniac et on évapore
au bain-marie la liqueur filtrée. Le cyanamide est en petits
cristaux blancs, hygrométriques, fusibles à 40'', solubles
dans l'eau, l'alcool et l'éther. Avec le temps, il se trans-
forme en un polymère, le param (C^Az^H^)^ ; chauffé vers
i90°, il se convertit en un autre polymère, le cyanura-
mide ou mélamine, qui n'est autre chose que Famide de
l'acide cyanurique (C^Az^H^)^. En additionnant la solution
éthérée de quelques gouttes d'acide azotique, il y a forma-
tion de nitrate d'urée :
C^Az^H^ + H^O^ r= C^H^Az^O^
La facilité avec laquelle le cyanamide se combine avec
plusieurs corps a été mise à profit pour réaliser plusieurs
synthèses intéressantes. C'est ainsi qu'en le chauffant avec
le sel ammoniaque, Erlenmeyer a obtenu du chlorhydrate
de guanidine :
C^AZ^H^ + AzH^Cl rrr C^H^Az^.HCl.
L'oxyammoniaque engendre Voxy guanidine fi'^E^Az^O^;
les alcalis organiques, les guanidines substituées; le
giycocolle, la glycocyamine, homologue de la créatine, etc.
BiBL. : BEILSTEI^• et Geuther, Param. An. der Ch. und
Pharm., t. CVIII, 88. — Bineau, An. ch. et phys., t. LXVII,
234. — Cannizzaro et Cloëz, Préparation., Compt. rend..
t. XXXII, 62. — Dreschel, Préparation, Soc. ch., t. XXIV,
467. — HoFMANN, Désulfuration de la sxdfo-urée., ib., t. XIÏI,
511. — Henke, ib., An. der Ch. und P/i., t. CVI, 286. —
Knopp, Camb. avec aldéhydes, ib., t. CXXX, 253. —
Strecker, Glycocyamine. Handw. derChern., t. lï, 286(3).
— VoLARD, Prép. par la siUfo-urée, Soc. ch., t. XXil, 126.
CYANEA (ZooL), Genre fondé par Péron etLesueur, type
d'une famille de l'ordre desAcalèphes, embranchement des
Cnidaires. Ces Méduses, qui appartiennent à différentes
mers, ont le corps circulaire, hémisphérique, profondément
lobé, présentant huit corps marginaux et huit faisceaux
de cirrhes sous-marginaux ; les bras buccaux entourent
un orifice quadrangulaire, ils sont au nombre de quatre à
huit, très larges, plissés ; il existe quatre ovaires, la cavité
stomacale est à quatre lobes pourvus de cœcums. Ex. :
Cyanea capillata^ de la Baltique. R. Mz.
CYAR ECU LA (Ornith.). Nom latin du genre Gorge-bleue
(V. ce mot).
CYANHYDRIQUE (Acide). I. Chimie.
"—!£:::::::::: Sïï
Syn. : Acide prussique, Nitrile formique.
L'acide cyanhydrique a été découvert par Scheele en
1782 ; on le rencontre dans la nature, notamment dans les
— 669 —
CYANHYDRIQUE
eaux distillées préparées avec les feuilles du laurier-cerise,
du saule à feuilles de laurier, des feuilles et surtout des
fleurs de pêcher, des amandes amères de l'amandier, de
l'abricotier, du merisier, du prunellier et autres arbres à
noyau, des racines du Jatropha manihot. C'est ordinaire-
ment par le dédoublement d'une substance neutre, l'amyg-
daline ou un principe analogue, contenu dans ces végétaux,
que l'acide cyanhydrique prend naissance : la présence de
Feau et celle d'une substance albuminoïde spéciale sont
nécessaires pour effectuer la réaction. Ces faits paraissent
avoir été connus des anciens, car on a supposé que les prêtres
égyptiens préparaient leurs terribles poisons, pour les opé-
rations de l'art sacré, avec les feuilles et les fleurs de
pêcher. L'acide cyanhydrique se forme synthétiquement :
\ ^ lorsqu'on fait passée pendant quelque temps de fortes
étincelles dans un mélange à volumes égaux d'azote et
d'acétylène, les deux gaz s'unissant directement, sans con-
densation (Berthelot) :
C^H^ + Az^rzzSC^AzH.
Tout gaz ou vapeur organique étant susceptible de for-
mer de l'acétylène sous l'influence de l'étincelle, il en résulte
que la synthèse de l'acide cyanhydrique peut être effectuée
avec l'azote pur et un corps hydrocarboné quelconque;
â** lorsqu'on chauffe au rouge sombre un mélange d'hydro-
gène et de cyanogène (Berthelot) :
CW + H^ — ^G^AzH.
La même réaction s'effectue sous l'influence de l'étin-
celle ou de l'arc électrique ; mais, dans ce dernier cas,
elle est incomplète, une portion du cyanogène se changeant
en acétylène et en azote (B.) :
C^Az2 + H2™C4H2-f-Az%
combinaison directe qui dégage -+-7^,8.
3^ lorsqu'on fait réagir le chloroforme sur l'ammoniaque :
AzH3 + C2HC13 =z 3HCH- G^AzH.
L'action est facilitée par l'addition au mélange d'une
petite quantité de potasse alcoolique (Hofmann). Pour pré-
parer l'acide cyanhydrique dans les laboratoires, on distille
10 p. de ferrocyanure de potassium avec 8 p. d'acide sul-
furique, étendu au préalable de 450 p. d'eau, le tout placé
dans un ballon muni d'un réfrigérant à reflux et garni
d'eau tiède. Les vapeurs passent d'abord dans un flacon
laveur contenant une solution saturée de sel marin, puis
dans un tube rempli de chlorure de calcium, le flacon et
le tube étant maintenus à une température comprise entre •
50 et 60** ; on les reçoit ensuite dans un matras entouré
d'un mélange réfrigérant, où elles se condensent à l'état
d'acide cyanhydrique anhydre. On peut aussi plus simple-
ment chauffer le mélange dans un ballon qui communique
directement avec un matras refroidi, mais l'acide est alors
accompagné d'eau. Un autre procédé fort commode consiste
à chauffer dans une cornue un mélange formé de 2 p.
d'acide chlorhydrique et de 3 p. de cyanure de mercure
pulvérisé ; on dirige les vapeurs dans un tube horizontal,
dont le premier tiers est rempU de fragments de marbre
destinés à arrêter l'acide chlorhydrique, et les deux autres
tiers de chlorure de calcium fondu pour absorber la vapeur
d'eau. On recueille l'acide cyanhydrique dans un tube ou
dans un matras bien refroidi. L'opération marche bien, si
on a soin d'ajouter du sel ammoniac, quia pour effet de fixer
le sublimé formé, à l'état de sel alembroth, AzH^HgCP.
CvHg + HClznCyH-f-HgCl
HgCl + AzH^Cl =: AzH^Cl.HgCl.
L'acide cyanhydrique est un liquide incolore, mobile,
limpide comme de l'eau, doué d'une odeur d'amandes amères,
11 se prend en cristaux à — 44^ et bout à 26°4 ; sa densité
à 48^ est de 0,697. Il se dissout dans l'eau en toutes pro-
portions ; chose curieuse, ce mélange est accompagné d'un
abaissement de température et d'une contraction. Cette
solution est un poison terrible ; cependant, très diluée, au
~^ par exemple, elle est parfois employée comme médi-
cament. L'acide cyanhydrique pur se conserve indéfiniment
en tubes scellés ; quelques traces d'ammoniaque l'altèrent
spontanément, surtout sous l'influence de la lumière : le
liquide jaunit, brunit, laisse déposer une matière noire,
insoluble, non vénéneuse. Les dissolutions très étendues
n'éprouvent pas ce genre d'altération. Soumis à une série
Appareil pour la préparation de l'acide cyanhydri(iue.
d'étincelles, l'acide cyanhydrique gazeux se décompose par-
tiellement en acétylène et en azote. L'hydrogène naissant,
l'amalgame de sodium par exemple, le convertit en mé-
thylamine (Mendius) :
C^AzH + m^ ™ C^fPAz :=: (^m\kzW),
L'acide iodhydrique le transforme en formène et ammo-
niaque vers 280« (Berthelot) :
C^HAz -f- 3H2 ^ C^H^ + AzH3.
Sous l'influence de l'eau et plus rapidement en présence
des acides minéraux, comme l'acide chlorhydrique concen-
tré, il s'hydrate, se dédouble en acide formique et en am-
moniaque (Pelouze) :
C^AzH 4- 2H202 ~ C^H^O^ + AzH^.
Cette réaction fondamentale conduit à considérer l'acide
cyanhydrique comme le nitrile de l'acide formique. Il est
attaqué par le chlore ou pai^ le brome, avec production de
chlorure ou de bromure de cyanogène et d'hydracide :
C^AzH H- Cl^ ™ HCi + C'-AzCl.
L'oxygène et le soufre sont sans action à froid ; mais lors-
qu'on chauffe les cyanures alcalins, soit avec les oxydes
réductibles, soit avec le soufre, il y a formation de cya-
nates ou de sulfocyanates. Avec le potassium, à chaud, il
se produit du cyanure de potassium et un dégagement
d'hydrogène :
C^AzH-HKr=:C2AzK-+.H.
En sa ([uaUté de corps incomplet, l'acide cyanhydrique pur
s'unit intégralement aux hydracides pour former les combi-
naisons suivantes :
HCl.C^AzH
HI.C^AzH
2HBr.3C2A2H.
(Pour les caractères distinctifs de l'acide cyanhydrique,
V. ci-dessous § Toxicologie,) Ed. Bourgoin.
IL Toxicologie. — L'acide cyanhydrique ou prussique
est le poison le plus violent et le plus rapide que l'on
connaisse; il suffit de verser une seule goutte d'acide
cyanhydrique anhydre sur la conjonctive d'un chien pour
foudroyer l'animal en quelques secondes; il en est de
même si on applique l'acide sur la langue ou par simple
inhalation. La mort arrive moins lentement quand on em-
ploie de l'acide cyanhydrique dilué. L'action foudroyante
observée avec l'oxyde anhydre est difficile à expliquer.
Cl. Bernard admettait volontiers qu'il s'agissait dans ce
cas d'une action sur les centres réflexes par l'intermé-
diaire direct des nerfs sensitifs, la douleur jouant un rôle
considérable, les animaux chloroformisés résistent en eftet
beaucoup plus à Faction toxique. Avec des doses faibles,
on peut mieux étudier le mécanisme de la mort qui sur-
vient dans ce cas par un arrêt respiratoire précédé d'une
diminution de plus en plus marquée de l'amplitude et du
nombre des respirations, le cœur continuant à battre
quelque temps encore après l'arrêt respiratoire. L'injection
dans les veines d'une solution très diluée correspondant à
huit millièmes de centimètre cube d'acide pur suffit pour
tuer un chien de 40 kilogr. en dix-sept minutes (Gréhant).
Avec les solutions très diluées, la mort surviendrait sans
convulsion et s'expliquerait par des phénomènes d'inhibi-
CYANHYDRIQUE — CYANOCITTA
— 670
tion sur les centres respiratoires» Cl. Bernard a montré
queFamygdalineet l'émulsine injectée successivement dans
les veines d'un lapin se combinent pour former de l'acide
cyanhydrique qui amène la mort de Fanimal, si la dose
d'acide formée est suffisante.
Les empoisonnements par Facide cyanhydrique pur sont
assez rares, mais on a noté des accidents graves à la suite
d'absorption de certaines substances qui renferment cet
acide. L'eau de laurier-cerise, utilisée en thérapeutique
comme sédatif du système nerveux,doit renfermer 50 centigr.
d'acide par litre, elle pourrait, d'après Gréhant, occasionner
des accidents même à faible dose : on ordonne générale-
ment 25 à 30 gr. dans une potion pour les vingt-quatre
heures ou la nuit. Le kirsch naturel renferme également
de l'acide prussique, mais on le fabrique artificiellement,
en ajoutant à de l'alcool à 85^ de l'eau distillée de laurier-
cerise, on obtient ainsi des liqueurs très riches en acide
prussique, jusqu'à 80 centigr., tandis que le vrai kirsch
en renferme 5 à 6 au plus. Ainsi s'expliquent les empoison-
nements observés à la suite d'une forte quantité de kirsch
falsifié. Sur les animaux ou les individus empoisonnés par
l'acide prussique, on ne constate aucune lésion anatomique
et le poison lui-même, qui se trahit par son odeur immé-
diatement après la mort, est rapidement éliminé par suite
de sa volatilisation extrême .
Contre-poison, Les phénomènes d'intoxication sont si
rapides que l'on a rarement le temps d'intervenir ; si l'em-
poisonnement est plus lent : inhalation et injection sous-
hypodermique d'éther; inhalation de chlore liquide. Bouchar-
dat conseille en outre d'administrer un mélange d'hydrate
de protoxyde et de sesquioxyde de fer. D' P. Langlois.
BiBL.: Chimie.™ Berthelot, Compies rendus, t. LXVII,
1141. — Berthollet, Mém. Acad. des sciences^ 1787, 148,
— BussY et BuiGNET, An, ch. et phys,, t. III, 232 (4). —
Gautier, ih., t. XVII, 122 (4). — Gay-Lussac, ih.,
t. LXXVII, 128; t. XGV, 136. — Mendius, ib., t. LXV, 125
(3). — Pelouze, z6., t. XLVIÏI, 395. — Proust, An. de
chim.^ t. LX, 185, 225. — Scheele, Opuscula^ t. II, 48.
Toxicologie. — Cl. Bernard, Leçons de physiologie
opératoire, — Gréhant, Recherches sur l'acide cyanhy-
drique. Société de biologie, 1890.
CYANlLlQUE(Chim.). Form.
Equiv.. (C^AzHO^)^
. Atom.. (CAzHO)'^.
Isomère de l'acide cyanurique obtenu par Liebig en 4834
en faisant bouillir l'hydromelfon avec l'acide azotique. Il se
dépose par ébuUition, concentration et refroidissement de la
liqueur sous forme de prismes rhomboïdaux obHques,efflores-
cents,plus solubles dans l'eau que l'acide cyanurique. Dissous
dans l'acide sulfurique et précipité par l'eau, il ne fournit
plus à la cristalHsation que de l'acide cyanurique ordinaire,
tandis que la distillation le transforme en acide cyanique.
Sa solution ammoniacale est-elle précipitée par le nitrate
d'argent, on obtient un cyanilaie monoargentique,, alors
que le sel potassique donne avec le même réactif un cya-
7iilate diargentique. Les sels alcalins et alcahno-terreux,
traités par les acides minéraux énergiques, reproduisent
l'acide cyanihque hbre (Liebig, An, der Ch, und Pharm,
t. X, 32). Ed. BouRGOiN.
CYANINE (Chim.). Syn, : Bleu de quinoléine^
lodure de pélamine.
Nom donné par Gr. Williams à une magnifique matière
colorante bleue, malheureusement peu stable, qui prend
naissance lorsqu'on fait réagir l'iodure d'amyle sur les
bases formées dans la distillation de la quinine, de la cin-
chonine, de la strychnine avec l'hydrate de potasse. La
cyanine cristallise en prismes dont les faces sont douées
de l'éclat métallique à reflets dorés ; elle est fort peu soluble
dans l'eau, encore moins dans l'éther, facilement dans l'al-
cool. La solution alcoolique est d'un bleu magnifique, avec
des reflets bronzés par réflexion ; elle est précipitée par
les alcalis en bleu foncé. C'est un mélange d'un iodure
C^^H^^Az^I, dérivé de la lépidine, et d'un iodure dérivé de
la quinoléine, ayant pour formule C^^H^^Az^I. Ces deux
iodures ne peuvent être séparés qu'après leur transforma-
tion en chlorures et précipitations fractionnées par le chlo-
rure platinique (Hoffmann). La cyanine est très altérable,
surtout sous l'influence de la lumière. D'après Schœnbein,
l'air azonisé la fait virer au bleu-jaunâtre, mais les agents
réducteurs, comme l'acide sulfureux, rétablissent la colo-
ration bleue; semblablement, la solution de cyanine se
décolore en présence des acides, même les plus faibles, et
la coloration apparaît de nouveau en présence d'une base
(V. Bleu, t. VI, p. 1429). Ed. Bourgoin.
Bibl, : HoFMANN, Compt. rend., t. LV, 849. ~ Schœn-
bein, An. Ch. et Phys., t. VII, 462 (4). ~ Williams Gre-
VILLE, Jowrn. ofthe Chem. Soc, t. I, 375 (2).
CYAN.QUE (Acide). For.. I !£_... C^W.
Syn. : Carbimide,
Acide monobasique entrevu par Vauquelin en 4848,
obtenu à l'état de pureté en 4 822 par Wohler, étudié en-
suite par plusieurs chimistes, notamment par Wohler et
Liebig. Il prend naissance dans plusieurs réactions : lors-
qu'on calcine à l'air les cyanures alcaHns, ou mieux en
présence de corps oxydants, comme le peroxyde de man-
ganèse ; lorsqu'on fait réagir le cyanogène sur les alcalis,
les alcalino-terreux, ce qui fournit un mélange de cyanure
et de cyanate (Gay-Lussac); dans la distillalion de l'urée
avec l'anhydride phosphorique (Weltzien), ou encore du
xanthamide (Debus) ; par l'action de la chaleur sur l'urate
de mercure ou mieux sur un mélange d'acide urique, d'acide
sulfurique et de peroxyde de manganèse (Liebig) ; enfin,
lorsqu'on soumet à l'action de la chaleur des polymères
l'acide cyanurique, l'acide cyanilique, l'acide cyanique. On
peut le préparer en soumettant le cyaméHde à la distilla-
tion sèche, mais il est préférable de distiller dans une petite
cornue l'acide cyanurique parfaitement desséché. L'acide
cyanique est un liquide incolore, doué d'une odeur vive et
irritante, rappelant celle des acides acétique et formique ;
il est caustique, très soluble dans l'eau, qui ne tarde pas
à se décomposer avec formation d'acide carbonique, d'am-
moniaque et même d'urée ; il est également soluble dans
l'alcool et dans l'éther. Il ne peut être conservé, même à
basse température, car il se transforme spontanément en
cyamélide, avec dégagement de chaleur. Dissous dans l'al-
cool, il s'y combine à chaud pour engendrer Véther allô-
phmiique de Liebig et Wohler. Son instabilité en présence
de l'eau ne permet pas de l'extraire directement de ses
sels. Les cyanates métalliques sont pour la plupart solubles
dans l'eau ; ceux de plomb, de cuivre, de mercure et d'ar-
gent sont peu solubles ; les acides étendus les dédoublent
en acides carbonique et en ammoniaque ;
C^AzHO^ -4- H'^O^ ™ C^O^* -+- AzH^.
Les cyanates secs sont assez stables, même à une tem-
pérature élevée; plusieurs subissent avec le temps une
polymérisation, h^ cyanate d'ammonium, C^Az(AzH'^)0^,
se prépare en dirigeant des vapeurs d'acide cyanique dans
du gaz ammoniac sec ; chauffé, ou même spontanément, il
se transforme en urée. Le cyanate de potassium s'obtient
en chauffant fortement le cyanure de potassium sec avec
les oxydes métalliques :
C^AzK-l-0^=:C2AzK02,
réaction qui dégage soixante-douze calories, à partir de
l'oxygène hbre (Berthelot). On peut aussi fondre 8 p. de
ferrocyanure de potassium sec avec 3 p. de potasse, et
incorporer dans la masse encore liquide, mais en partie
refroidie, 45 p. de minium. C'est un sel fusible, très soluble
dans l'eau, que celle-ci transforme rapidement en ammo-
niaque et en bicarbonate de potassium :
C^AzKO^ -H 2H202 — AzH^ + CT{HO^.
Ed. BouRGom.
BiBL.: Bœyer, An. der Ch. und Phys., t. CXïV, 166. —
Bruning, ib., t. CIV, 198. — Liebig, i&., t. XV, 561, 619.—
Liebig et Wohler, An. Poggend., t. XX, 369. —Weltzien,
An. der Ch. undPh.,t. CXVII, 219. — Wohler, An. de
Poggend., t. 1, 117; t. V, 335.
CYANOCITTA (Ornith.). Le genre Cyanocittaàe Strick-
land {An7i, Nat. Hist,, 4845, t. XV, p. 264), qui équi-
vaut au genre Cyanogarrnlus de Bonaparte (Consp, Av.,
4850, 1. 1, p. 376) qui comprend des Corvidés américains
qui ressemblent aux Geais (V. ce mot) par leurs mœurs, par
leurs dimensions et leurs formes générales, mais ont le
bec moins épais [et qui portent une livrée où le bleu plus
ou moins foncé est toujours la teinte dominante et s'asso-
cie à du blanc, à du gris lilas et du noir. Cette dernière
couleur est souvent répartie sur les ailes et sur la queue
sous forme de raies transversales. Les espèces peu nom-
breuses du genre Cyanocitta sont propres à l'Amérique du
Nord ; les plus connues sont la Cyanocitta cristata L, des
Eats-Unis, le C. Stelleri Lath. de la Californie et le C. dia-
demata Bp. du Mexique. E. Oustalet.
BiBL. : Daubenton, PI. Enl. de Buffon^ pi. 259. -- Wil-
SON, Am. Ornith., t. I, p. 11 et pi. 1, fig. 1. — J.-J. Audu-
BON, Orn. Biogr.^ t. Il, p. 11 et t. IV, p. 453 ; B, Amer.^
pL 102 et 362, et éd. in-8, t. IV, p. 110 et pi. 221. — Levail-
LANT, Ois. de Paradis, pi. 43. -— R.-P. Sharpe, Cat. B.
Brit. Mus., 1877, t. III, p. 106.
CYANOFORME(Chim.).
Ce corps, qui correspond au chloroforme, mais qui n'est
pas encore connu avec certitude, se formerait, suivant
Fairley, lorsqu'on chauffe à 400^ le chloroforme avec le
cyanure de potassium, en présence d'un peu d'alcool. Sui-
vant Pfankuch, il est sous forme d'une masse dure,
amorphe, ou bien en petites aiguilles, que l'acide chlor-
hydrique transforme au bain-marie en acide méthine-tri-
carbonique, G^H^O^^ G. Bouchardet, Kolbe, Clauss et Brodie
n'ont pu confirmer les indications de Fairley et reproduire
les combinaisons obtenues par Pfankuch. Ed. Bourgoin.
CYANOGARRULUS (Ornith.) (V. Cyanocitta).
CYANOGÈNE. I. Chimie.—
F..V.»].. S Equiv.... C4Az2={Cy)«
Formules. I^H^^^^^^ G^Az^ ^
Syn. : Amide oxalique.
Le carbone et l'azote peuvent se combiner pour donner
naissance à un corps très important, le cyanogène, décou-
vert en 1845 par Gay-Lussac. C'est le premier exemple
d'un composé qui se compwte à la manière d'un corps
simple, d'un radical, le chlore, par exemple, dans la plu-
part de ses réactions. En réalité, le cyanogène est le nitrile
oxalique, c.-à-d. de l'oxalate d'ammonium, moins de l'eau :
C*(AzH4)208 =: C^Az^ -f- 4H202.
De fait, ce sel et son dérivé immédiat, l'oxamide, four-
nissent du cyanogène à la distillation sèche. Le cyanogène
se forme synthétiquement dans plusieurs circonstances :
4° lorsqu^on combine l'azote libre avec l'acétylène, sous
l'influence de l'arc électrique ou de l'étincelle (Berthelot) :
G^H2-|-Az2— 2C2AzH.
Il se forme ainsi de l'acide cyanhydrique, qu'on transforme
en cyanure de mercure, celui-ci étant ensuite soumis à
l'action de la chaleur ; 2*^ en faisant passer un courant
d'air sur un mélange de charbon et de potasse, à une tem-
pérature élevée, l'azote est absorbé et on observe la pro-
duction d'un cyanure alcaHn (Desfosses) ; 3<* lorsqu'on fait
simplement passer un courant de gaz ammoniac à travers
du charbon incandescent, ce qui donne lieu à du cyanhy-
drate d'ammonium (Kuhlmann) :
C2 4- 2AzH3 = C^^Az. AzH* ■+■ H^.
4° dans la réaction du sulfure de carbone sur l'ammo-
niaque GéHs) :
C^S^ + 2AzH3 — H^S^ — C2Az(AzH4)S^
On transforme ce sel ammoniacal en sel potassique, qu'on
désulfure au rouge par un métal pour obtenir finalement
un cyanure :
C^AzKS^ + âPb ™ 2PbS -4- C^AzK.
Les cyanures, d'ailleurs, font partie de la destruction ultime
d'un grand nombre de matières organiques azotées : lors-
qu'on chauffe au rouge une substance volatile azotée ; qu'on
calcine les matières animales avec les alcalis, ou en pré-
sence d'une petite quantité de nitre ; qu'on détruit brus-
quement des composés explosifs, comme le fulmi-coton, le
picrate de potasse, etc. Quant à l'acide cyanhydrique, et
par suite au cyanogène, il prend naissance dans plusieurs
- 674 - CYANOCITTA - CYANOGÈNE
réactions (V. ce mot). Pour préparer le cyanogène, il
suffit de chauffer dans une petite cornue du cyanure de
mercure bien desséché ; on recueille le gaz sur la cuve à
Appafeil pour la préparation du cyanogène.
mercure. Le cyanure se dédouble en cyanogène qui devient
libre, et en mercure qui se condense en gouttelettes dans
la cornue :
C^AzHg=rHg-|-C^Az.
Toutefois, il reste ordinairement mélangé au métal un corps
brun, qui présente exactement la composition du cyanogène :
c'est un polymère auquel on a donné le nom de paracya-
nogène. On peut encore chauffer au bain-marie 2 p. de
sulfate de cuivre et 4 p. d'eau, puis faire arriver peu à peu
dans le soluté une solution concentrée de cyanure de potas-
sium. Il se fait du cyanure euivrique, corps instable qui se
détruit en donnant du cyanure cuivreux et du cyanogène.
Ajoute-t-on du perchlorure de fer au mélange, le reste
du cyanogène se dégage (Jacquemin).
Le cyanogène est un gaz incolore, d'une odeur piquante,
rappelant celle du kirsch ; sa densité est de 0,806. 11 se
liquéfie dès la température ordinaire sous une pression de
4 à 5 atmosphères ; il est alors sous forme d'un liquide
incolore, très mobile, bouillant à — 20^,7 ; à basse tem-
pérature, il se prend en une masse solide, radiée, cristal-
line, aussi limpide que de la glace, fusible à *— 34<*,4. L'eau
absorbe 4,5 volumes de gaz à 20^ ; l'essence de térében-
thine, 5 volumes ; l'alcool jusqu'à 23 volumes. Abandon-
née à elle-même, la dissolution aqueuse se colore peu à peu
en brun, puis dépose une poudre brune, Vacide azul--
mique ; la réaction est très complexe, car la liqueur con-
tient, en outre, de l'acide carbonique, de l'acide cyan-
hydrique, de l'ammoniaque, de l'urée, de l'oxalate
d'ammoniaque (Wôhler). Le cyanogène brûle avec une
flamme d'une couleur pourprée, caractéristique, en don-
nant de l'azote et de l'acide carljonique :
C^AZ^ + 40=^ rrr 2C20^ + Az^.
11 est à noter qu'il est formé, depuis les éléments, avec
une absorption de chaleur égale à — 74,4 calories pour la
molécule C^Az^, circonstance qui explique sa grande acti-
vité chimique et son rôle de radical (Berthelot).
Si on fait éclater un peu de fulminate de mercure dans
une atmosphère de cyanogène, ce gaz détonne violemment
et se sépare en ses éléments, carbone et azote, avec un
grand dégagement de chaleur (B.).
Traversé par une série d'étincelles électriques, il se dé-
double entièrement en carbone et en azote ; chauffé modé-
rément vers 400<*, il se transforme partiellement en para-
cyanogène^hquà reproduit son générateur à la distillation.
Au rou^e sombre, le cyanogène s'unit à l'hydrogène, avec
production d'acide cyanhydrique :
C4Az2 4~H2=2C2AzH.
Le chauffe-t-on vers 280*^ avec de l'acide iodhydrique, il y
a production d'hydrure d'éthylène et d'ammoniaque (Ber-
thelot) :
C4Az24-6H2=C4flf-f-2ÂzH3.
Avec le chlorure, le brome et l'iode, il produit par voie
indirecte un chlorure, un bromure, un iodure de cyanogène.
CYANOGÈNE — CYANOSE
— 672
U s'unit directement avec le potassium (Gay-Lussac) et les
autres métaux (Berthelot), soit à froid, soit à chaud, pour
engendrer des cyanures :
C^Az -h M = C^AzM — CyM.
Avec le potassium, par exemple, la réaction a lieu à froid
avec un dégagement de -f-67, 5 calories (B.). Les cyanures
ainsi formés sont d'ailleurs isomorphes avec les chlorures,
bromures et iodures correspondants. L'oxygène est sans
action à la température ordinaire ; au rouge, il y a for-
mation d'acide carbonique et d'azote ; toutefois, on peut
fixer indirectement de l'oxygène et obtenir l'acide cyanique
C'^AzHO^, par exemple, en chauffant simplement à l'air le
cyanure de potassium :
C-2AzK + 0«:=zC2AzK0«.
Une réaction analogue s'effectue en chauffant le cyanure de
potassium avec du soufre (Porrett) :
C^AzK + S^ zzz C^AzKS^ ™ C^AzS.SK .
Il se fait ainsi du sulfocyanate de potassium.
En sa qualité de nitrile, le cyanogène peut fixer les élé-
ments de l'eau. Au contact de l'acide chlorhydrique con-
centré, il se change d'abord en oxamide, C^^R^At^^O^* :
C^Az^ + 2H202 = C^H^Az^O^ ;
puis, par une hydratation plus profonde, en oxalate d'am-
monium :
L'acide iodhydrique agit de la même manière, mais il se
sépare de l'iode et on trouve dans les eaux mères, en outre,
de l'acide cyanhydrique et de l'iodure d'ammonium (Schmitt
et Glutz). En présence de l'alcool, l'acide chlorhydrique
transforme le cyanogène en sel ammoniac, oxalate et chlo-
rure d'éthyle, avec un peu d'acide formique (Volhard).
Lorsqu'on chauffe à 100<» une solution d'acide acétique
ordinaire, saturée de cyanogène, il se dépose à la longue
des cristaux d'oxamide au sein du liquide ; l'eau mère, éva-
porée dans le vide, laisse une masse cristalline, fusible à
60^, sublimable, formée par l'union des acides cyanhydrique
et cyanique, C^AzH.C^AzHO^. Le cyanogène s'unit encore
à une foule d'autres corps, à l'aniline, à la triphénylguani-
dine, aux acides amidés, etc., pour engendrer des produits
d'addition ou de substitution, à la manière des halogènes,
dérivés qui ont été étudiés avec soin par plusieurs chi-
mistes, notamment par Hoffmann et Griess. Ed. Bourgoin.
II. Thérapeutique et Toxicologie (V. Cyanure).
BiBL. ; Berthelot, Formation, Soc. c/i.,t. XXXIL 385;
Hydrogénation, i5., t. IX, 178. ~ Bunsex, Oxydation, An.
ch. et phys., t. XXXVlII, 357 (3). — Gay-Lussac, ib.,
t. LXXVII, 128 ; t. XCV, 136. — Liebig, Action de Veau,
Rép. ch. pure., 1860, 128, 181. — Pelouze et Riciiardson,
Paracyanogène, An. der Ch. und Ph., t, XXVI, 63. —
Troot et Hautefeuille, i6., Comp. rend.^ t. LXVI, 735,
795. -— Wôhler, Comb. snlfhydriqiies, An. Poqqend.,
t. XXIV, 167. — WôLCKEL, ib., t. LXII, 115 ; t. LXifl, 96.
CYA NO MÈTRE. On désigne sous ce nom un appareil
destiné à mesurer l'intensité de la couleur bleue du ciel.
De Saussure, qui s'est occupé de cette question, avait con-
struit un cercle comprenant cinquante-trois cases contenant
du bleu en nuances de plus en plus foncées, allant du
blanc au noir, et il comparait la couleur du ciel aux nuances
de son cyanomètre. U n'est pas besoin d'insister pour mon-
trer l'insuffisance de ce procédé. Les cyanomètres que l'on
emploie aujourd'hui sont des polarimètres (V. ce mot).
Le cyanomètre de Biot se compose d'une lame de mica d'une
épaisseur convenable pour donner un bleu pur ; cette lame
est placée entre un analyseur et un polariseur ; suivant
l'angle de leurs sections principales, la nuance bleue est
plus ou moins mélangée de blanc, on la compare à celle de
la partie du ciel que l'on étudie. Cet appareil peut d'ail-
leurs servir pour d'autres couleurs que le bleu ; il suffit,
pour cela de changer la lame de mica ou plus simplement
de l'incliner plus ou moins sur la direction des rayons lumi-
neux qui la traversent. Le cyanomètre d'Arago n'est autre
que son polarimètre devant lequel on place une feuille de
papier blanc (devant la pile de glace) ; une lame de cristal
de roche de 5 millim. d'épaisseur peut donner une colora-
tion bleue, quand on tourne convenablement la section prin-
cipale du prisme biréfringent par rapport à la pile de glace.
L'inclinaison de la pile de glace sur l'axe de la lunette,
mesurée à l'aide d'un cercle gradué, permet de déterminer
la proportion de blanc mélangé au bleu, quand on a amené
la teinte vue dans la lunette à avoir la même intensité que
le point du ciel que l'on examine. Pour la théorie et la
description des appareils, V. Polarimètre.
CYANOPHYCÉES (Bot.). Ordre d'Algues (A. bleues) à
thalle toujours simple dans la forme et cloisonné dans sa
structure, répondant à trois types d'ailleurs susceptibles de
variations suivant les mibeux\ Le plus ordinairement c'est
un filament constitué- par des cellules bout à bout, ou
bien c'est une assise ou un massif de cellules nu ou enve-
loppé de gélatine, associé ou non, mobile ou immobile. Le
filament peut subir aussi des modifications, se gélifier dans
toutes ses cloisons ou dans quelques-unes d'entre elles,
s'allonger en ligne droite, se pelotonner sur lui-même en
tous sens ou s'allonger en hélice. A cause de cette diver-
sité d'aspects on a institué dans la famille des Cyano-
phycées une foule de genres, mais beaucoup d'entre eux
doivent être rayés ou conservés seulement momentané-
ment. Ces Algues bleues n'ontpas d'œufs.Leurmultiplica-
tion a lieu par des kystes provenant de cellules ordinaires
du thalle qui grandissent, épaississent leur membrane et
passent à l'état de vie latente, ou par des spores immo-
biles naissant dans chaque article, s' enveloppant d'une
membrane propre assez épaisse et après une période de
vie latente mises en liberté par la résorption de la mem-
brane primitive. D'après ces deux modes de reproduction,
on peut diviser les Cyanophycées en deux familles : la
première, répondant à la multiplication par kystes, est celle
des Nostocacées, le plus souvent pourvues de chlorophylle;
la seconde, où la reproduction se fait par spores .endogènes,
est celle des Bactériacées en très grande majorité dépour-
vues de chlorophylle. La division de l'ordre en deux
familles basée sur la présence des kystes ou de spores est
préférable à celle qu'on pourrait édifier sur l'existence ou
l'absence de la chlorophylle, car il est des Cyanophycées
vertes qui ne peuvent en aucune façon être séparées des
Bactériacées dont elles ont tous les autres caractères. Les
Cyanophycées sont toujours dépourvues de noyaux et de
chromoleucites et le pigment qui les colore en vert bleu
parfois nuancé de brun, de violet ou de noir, imprègne
uniquement le corps protoplasmique. Habitat : eaux douces
et salées, terre humide. H. F.
CYANOSE. I. Minéralogie. — La cyanose est le
nom donné par les minéralogistes au sulfate de cuivre
hydraté des laboratoires. Triclinique, a -, b :c = 0,^66 :
4 : 0,550; a = 77«37^ |3 =z 97<>39', y =z 106^49'.
Les formes les plus habituelles sont : p, m, t, /i^,
g^, «S etc. Clivages difficiles suivant m et t. Eclat vi-
treux ; transparente ou translucide , bleu de Prusse ,
poussière incolore. Densité, 2,2 à 2,3. Dureté, 2,5. La
bissectrice aiguë négative fait des angles de 81 ''3 F avec
t, de 43^4 r avec m; de 72^52' avec b^z, 2V ™ 56^.
p < u. Elle constitue le produit de décomposition habi-
tuel des sulfures de cuivre. On la trouve dans les galeries
des mines où ces minerais sont exploités. On la rencontre
également à la surface des laves de l'Etna, du Vésuve. La
cyanose renferme presque toujours une quantité variable
de sulfate de protoxyde de fer qui n'altère pas sa forme.
On a donné le nom de pisanite à une variété renfermant
14 ^/o de FeO, et qui est monoclinique, avec formes très
voisines de celles de la mélantérie (sulfate de fer à 7
équivalents d'eau). A. Lacroix.
IL Médecine. — Pris dans son acception la plus large, le
mot cyanose sert à distinguer toute coloration bleuâtre due
à la stase du sang veineux, quelle que soit du reste la
cause organique qui la produise, mais depuis longtemps on
le réserve pour dénommer la coloration bleue qui accom-
pagne souvent les communications congénitales établies
entre les deux systèmes circulatoires veineux et artériel.
Considérée de ceUe façon, la cyanose ou maladie bleue
— 673
CYANOSE — CYANURE
ou ictère violet est une maladie congénitale caractérisée
par une coloration bleue de la peau et des muqueuses, par
des palpitations cardiaques et par une dyspnée continue ou
intermittente, mais dont le principal caractère est de se
présenter de temps à autre sous la forme d'accès de suffo-
cation. Cet ensemble symptomatique est produit par toute
une classe de lésions que l'on peut classer ainsi : l^' per-
sistance du trou de Botal, et absence plus ou moins com-
plète de la cloison interauriculaire ; 2*^ j)erforation de la
cloison interventriculaire ; 3<» cœur réduit à deux cavités
par suite d'une anomalie des deux cloisons ; ¥ anomalies
vasculaires : dilatation ou rétrécissement de l'artère pul-
monaire, embouchure des veines pulmonaires dans l'oreil-
lette droite ou dans la veine cave supérieure, etc. ; 5° per-
sistance du canal artériel. Ces malformations sont le plus
souvent congénitales, elles peuvent être le résultat d'une
endocardite fœtale, mais il en est quelques-unes qui se dé-
veloppent accidentellement plus tard à la suite d'un travail
morbide. Dans la cyanose, les malades présentent une teinte
bleue noirâtre de la peau, plus marquée au voisinage des
muqueuses, à la face, aux mains et aux pieds, qui aug-
mente pendant la marche et les quintes de toux et diminue
beaucoup par le repos. Ils sont oppressés au moindre exer-
cice et éprouvent souvent des accès de dyspnée qui peuvent
aller jusqu'à la suffocation et être suivis de syncope ; la
durée de ces accès peut être de plusieurs heures ; ils revien-
nent soit périodiquement soit à la moindre occasion. Le
cœur est dilaté et hypertrophié ; tantôt l'auscultation fait
percevoir un souffle au premier temps, et tantôt un simple
bruissement sourd qui remplace les bruits normaux. Les
palpitations sont fréquentes, le pouls est petit, inégal et
irrégulier, l'appétit est conservé, mais les digestions ont
pour effet d'augmenter la dyspnée. Beaucoup de malades se
plaignent de céphalalgie, ils sont sensibles au froid et pré-
sentent un refroidissement réel qui peut être d'un à plu-
sieurs degrés. La cyanose se déclare habituellement peu
de jours après la naissance, mais il n'est pas rare de la
voir se manifester après plusieurs années à la suite d'une
fatigue, d'une émotion morale ou d'une maladie des voies
respiratoires. Une fois caractérisée par des troubles fonc-
tionnels, la maladie suit une marche régulière, s'aggravant
toujours, et les malades succombent après quelques mois
ou quelques années de souffrances, soit à la suite d'une syn-
cope, soit comme des cardiaques ordinaires. On a vu des
individus atteints de cette maladie vivre cependant au delà
de quarante ans. Le trou de Botal peut même persister
pendant toute la vie sans produire la cyanose. Les mala-
dies des voies respiratoires sont particulièrement graves
au cours de la cyanose et il est à remarquer que les phleg-
masies ont une tendance à se terminer par de la gangrène.
La gravité du pronostic de la cyanose est tempérée par la
durée de la survie qui peut être considérable ; elle varie
donc suivant les allures de la maladie. Le traitement est
purement symptomatique et préventif; il consiste à éviter
les accès de dyspnée par une hygiène sévère et à traiter
ceux-ci par des antispasmodiques. D'^ Georges Lemoine.
CYANURE. I. Chimie. — - Les cyanures résultent de la
combinaison du cyanogène avec les métaux. La combinaison
a lieu directement avec le potassium (Gay-Lussac) ; et avec
le rouge sombre avec la plupart des métaux, ou même à
une température de 400" (Berthelot); toutefois, avec le
mercure, d'argent. For et les métaux analogues, elle ne
s'effectue que par voie indirecte. On obtient encore les
cyanures dans plusieurs circonstances : par la réaction des
bases sur l'acide cyanhydrique ou même du cyanogène ; en
dirigeant un courant d'azote ou d'ammoniaque sur du
charbon chauffé au rouge, en présence des alcahs ou des
carbonates alcalins ; lorsqu'on chauffe fortement les ma-
tières organiques azotées avec les alcalis caustiques. Les
cyanures alcalins et terreux sont solubles dans l'eau ; les
premiers, ainsi que celui de mercure et plusieurs cyanures
doubles, sont solubles dans l'alcool ; aucun d'eux n'est
soluble dans l'éther. Ils sont très stables, en dehors du |
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
contact de l'air ; calcinés à l'air ou au contact de l'oxygène,
ils se convertissent en cyanates. Ils se décomposent à
chaud en présence de l'eau, soit en s'hydratant avec pro-
duction d'ammoniaque et d'acide formique, comme les
cyanures alcalins, soit en dégageant de l'oxyde de carbone,
de l'acide carbonique, de l'ammoniaque, et en laissant le
métal libre ou mélangé à du charbon. Ce sont des corps
réducteurs par excellence, propriété qu'on met à profit
dans l'analyse au chalumeau ; c'est ainsi que les oxydes
de plomb, de cuivre, d'antimoine, d'étain, sont aisément
ramenés à l'état métallique lorsqu'on les chauffe avec un
cyanure alcalin, celui-ci passant à l'état de cyanate. Les
acides minéraux les décomposent avec dégagement d'acide
cyanhydrique ; le chlore et l'iode les convertissent, pour la
plupart, en chlorure et en iodure de cyanogène. Ils sont
isomorphes avec les chlorures, les bromures et les iodures,
avec lesquels ils se combinent pour engendrer des cyanures
doubles ; ils s'unissent également à d'autres sels, notam-
ment aux azotates et aux chromâtes. En général, les cya-
nures simples, insolubles dans l'eau, se dissolvent dans
les cyanures alcalins pour former des sels doubles cristal-
lisables, solubles dans l'eau. L'importance de tous ces
corps est très grande dans la science, comme dans l'indus-
trie ; d'après leur nature, ils se divisent en deux grands
groupes : les cyanures simples et les cyanures doubles.
Voici les plus importants :
Cyanures simples. — Cyanure de potassium^
CyK z=i C^AzK. Il se prépare en chauffant au rouge, dans
un creuset de fer, le ferrocyanure de potassium sec;
on traite par l'alcool bouillant le produit résiduaire, on
filtre et on concentre. Le sel est plus pur lorsqu'on fait
réagir l'acide cyanhydrique sur une solution alcoolique
très concentrée de potasse ; le dépôt est lavé à l'alcool
fort, exprimé et séché rapidement. Il est en cristaux
cubiques, déliquescents, caustiques, très vénéneux, déga-
geant à l'air une légère odeur d'amandes amères ; sa den-
sité est de 4,52. A l'air humide ou en dissolution dans
l'eau, il s'altère assez rapidement, avec production de car-
bonate de potassium, de formiate,de matières brunes, etc.
Il est aisément décomposé par les acides, même les plus
faibles, parce que l'acide cyanhydrique étendu avec la
potasse étendue ne dégage que peu de chaleur, environ
trois calories, et aussi parce qu'il est partiellement décom-
posé par l'eau. Il dissout plusieurs métaux, avec dégage-
ment d'hydrogène, production de cyanures doubles et mise
en liberté de potasse ; avec le zinc, par exemple, on a la
réaction suivante :
2C2AzK + Zn + H^O^ = C^AzK. C^AzZn H- KHO^ + H.
Il fait la double décomposition avec les sels de zinc, de
cuivre, de plomb, d'argent, d'où résultent des cyanures
qui se dissolvent dans un excès du réactif pour produire
des sels doubles solubles. Ceux de potassium et d'argent,
de potassium et d'or sont utilisés dans l'industrie pour
l'argenture et la dorure.
Cyanure de zinc, C^AzZn ou CyZn, Obtenu par double
décomposition en versant peu à peu dans une dissolu-
tion de sulfate de zinc une solution de cyanure de potas-
sium, jusqu'à cessation de précipité. Sel blanc, insipide,
insoluble dans l'eau, soluble dans l'ammoniaqne, moins
vénéneux que les cyanures alcalins.
Cyanure de mercure, C^AzHg ou CyHg. Il a été
obtenu pour la première fois par Scheele en faisant réagir
l'oxyde mercurique sur une solution étendue d'acide cyan-
hydrique, en excès; on évapore et on fait cristalliser; on
le prépare généralement en faisant bouiUir avec de l'eau
un mélange finement pulvérisé d'oxyde mercurique et de
bleu de Prusse ; on filtre, on évapore et on fait cristalliser.
On peut encore faire bouiHir pendant un quart d'heure
4 p. de ferrocyanure de potassium avec 3 p. de sulfate
mercurique et 8 à 40 p. d'eau (Desfosses).
Le cyanure de mercure est en lon^s prismes incolores,
anhydres, inodores, à saveur métallique nauséeuse; il se
dissout dans 8 p. d'eau à 49'* et seulement dans 2 p. d'eau
43
CYANURE
d74-
bouillante ; il est soluble dans 20 p. d'alcool et dans 4 p.
de glycérine. C'est un sel très yénéneux, inaltérable à l'air
et à la lumière, mais que la chaleur décompose en mercure,
cyanogène et paracyanogène. Il dissout l'oxyde mercu-
rique avec formation d'un oxycyaniire^ CyHg.HgO, corps
très soluble qui se dépose sous forme d'écaillés cristallines.
Il engendre des sels doubles avec la plupart des cyanures,
des chlorures, des bromures et des iodiires. L'affinité de
l'oxyde mercurique par l'acide cyanhydrique est telle que
la potasse est déplacée par cet oxyde dans le cyanure de
potassium dissous, et que l'acide lui-même décompose une
dissolution étendue de chlorure mercurique, ce qui tient à
ce que l'union de l'acide cyanhydrique avec l'oxyde mercu-
rique dégage + lo^^^^S, alors que le même acide ne
dégage que 4- 3 calories avec la potasse (Berthelot).
Cyanures doubles. — Les cyanures doubles peu-
vent être divisés en deux séries, suivant qu'ils sont aisé-
ment décomposables ou qu'ils résistent aux agents de décom-
position : ceux de la première division, comme le cyanure
de potassium et d'argent, se dédoublent facilement sous
l'influence des acides dilués, avec précipitation du cyanure
insoluble et dégagement d'acide cyanhydrique :
CyK.CyAg -4- AzO^Hr^ AzO^K -+- CyH -H Cy.Ag.
-Les cyanures de la seconde classe se comportent tout
différemment : les acides dilués déterminent simplement la
substitution de l'hydrogène ou métal alcalin, ce qui fournit
un cyanure double d'hydrogène et d'un métal lourd, se com-
portant comme un véritable hydracide. Ces corps, qui sont
fort importants, ont été étudiés par plusieurs chimistes,
notamment par Gay-Lussac et par Gmelin. M. Berthelot a
démontré que leur stabilité est duc au dégagement de
chaleur considérable qui accompagne leur formation. En
efiTet, l'union de trois équiv. d'acide cyanhydrique avec un
équiv. d'oxyde de fer et de deux équiv. de potasse pour
former le ferrocyanure dégage + 39*^,3, tandis que leur
union avec trois équiv. de potasse dégage seulement -h 9^.
11 en résulte que Foxyde de fer déplace immédiatement la
potasse dans le cyanure de potassium, contrairement à ce
qui arrive dans la plupart des cas, où la chaleur de neu-
tralisation de la potasse surpasse au contraire celle de
l'oxyde de fer. Les cyanures complexes de cet ordre ne
possèdent pas les réactions des cyanures simples, ni celles
du métal qui constituent le groupe spécial, mais ils con-
servent les réactions de l'autre métal constituant la combi-
naison saline. Tels sont les ferro et les ferricyanures, les
manganocyanures, les cobalti et les chromicyanures, les
platicyanures ; les premiers sont les plus importants.
Ferrocymmre de potassium :
^ ( Equiv . CyFe. 2CyK H- 3Aq ru: Cy^FeK^ + 3Aq
î^^^«^' î Atom. CfFe.4CyK + 3H^0. ^ ^
Syn. : Prussiate jaune de potassium, Cyanure j aime ^
Cyanoferrure de potassium.
On le prépare en calcinant en vase clos des matières
animales azotées et du carbonate de potassium ; on enlève
par l'eau bouillante le cyanure de potassium^ on ajoute du
sulfate ferreux et on fait cristalliser. On peut encore plus
simplement faire bouiUir la liqueur avec du fer, ou ajouter
celui-ci à l'avance, avant la calcination. Il cristaUise en
tables qui appartiennent au système du prisme rhomboïdal
oblique ; il est jaune citron, transparent, fragile, soluble
dans 4 p. d'eau à 45^ et seulement dans 2 p. d'eau bouil-
lante; la densité est de 4,833. Chauffé graduellement, il
blanchit et perd son eau de cristallisation vers 400°; au
rouge, il se détruit en donnant du cyanure de potassium,
et un carbure de fer. En solution aqueuse, les oxydants le
transforment en ferricyanure, tandis que l'acide chlorhy-
drique le convertit en acide ferrocyanhydrique :
Cy^FeK^ 4- 2HC1 =z 2KC1 + CySFeH^.
Pour effectuer cette réaction, on ajoute l'hydracide à la
solution du sel récemment bouillie pour la priver d'air ; en
agitant le tout avec de l'éther, celui-ci laisse déposer
l'acide ferrocyanhydrique sous forme d'un corps blanc,
cristallin, qui bleuit aisément au contact de l'air (Posselt).
Le ferrocyanure de potassium fait la double décomposi-
tion avec la plupart des sels, de manière à échanger son
potassium contre les métaux lourds ; il en résulte des fer-
rocyanures divers, peu ou point solubles, parfois caracté-
ristiques, renfermant ordinairement trois équivalents d'eau,
comme leur générateur. Exemples :
Le ferrocyanure de zinc, Cy^FeZn^ -+- 3 Aq, précipité
blanc.
Le ferrocyanure de cuivre^ Cy^FeCu^ + 3Aq, qui est
marron et constitue un bon réactif du cuivre, etc.
Parfois, la moitié seulement du potassium est déplacée,
comme avec les métaux alcalino-terreux. C'est ainsi que le
baryum et le calcium engendrent des composés cristallins,
peu solubles, ayant pour formules :
Cy^FeKBa-h 3Aq, Cy^FeKCa +3Aq.
Pai'mi les ferrocyanures vient également se ranger le bleu
de Prusse (V. ce mot., t. VI, p. 4444).
Ferricyanure de potassium, Form,) AtmlJ' r'^i^p 2T(g
Syn. : Prussiate rouge^ Cyanure rouge, Cyanoferride
de potassium.
Il a été préparé par Gmelin en faisant passer un cou-
rant de chlore dans une dissolution étendue de ferrocya-
nure, jusqu'à ce que la liqueur ne donne plus de précipité
bleu avec les persels de fer :
2Cy3FeK2 + Cl — KCl -h Cy^Fe^K^.
On concentre et on purifie le résidu par plusieurs cristal-
lisations.
Il est en prismes rhomboïdaux obMques, d'un rouge de
sang, transparents et anhydi^es ; sa densité est de 4,84. Il
est insoluble dans l'alcool, soluble dans 2,5 p. d'eau
à 45^; cette solution aqueuse, altérable à l'air, donne à
chaud du bleu de Prusse avec l'acide chlorhydrique et se
conduit comme un oxydant. Le ferricyanure se comporte
d'ailleurs comme le ferrocyanure : il fait la double décom-
position avec divers sels métalliques pour engendrer des
précipités parfois caractéristiques, ayant pour formules :
Cy^Fe^lVP ; on peut le considérer comme un sel bibasique,
dérivé d'un acide ferricyanhydrique, Cy^^Fe^IP. Toute-
fois, il ne précipite pas les sels ferriques, mais seulement
les sels ferreux avec lesquels il forme un précipité bleu, le
ferricyanure ferreux ou bleu de Turnbull, Cy^Fe2(Fe3).
Lorsqu'au lieu de traiter le ferrocyanure de potassium par
le chlore on fait réagir l'acide azotique, on obtient les
nitroprussiates de Playfair, sels qui développent une
belle couleur pourpre avec les sulfures alcalins. Le plus
important est le nitroprussiate de sodium,
Cy^Fe^ (Az02) Cy^Na^ + 2H^0%
sel rouge qui cristallise en beaux prismes droits rhomboï-
daux. Ed. BOURGOIN.
IL Chimie industrielle. — Nous avons à nous occu-
per ici du ferrocyanure de potassium, du ferricyanure de
potassium, du cyanure de potassium, du cyanure d'argent,
du cyanure d'or et du cyanure de mercure; ce sont les
seuls cyanures ayant un intérêt industriel.
Ferrocyanure de potassium. — Le ferrocyanure de
potassium ou prussiate jaune de potasse est un corps très
important au point de vue industriel ; il sert à la fabri-
cation du bleu de Prusse.
Matières premières. Toutes les matières organiques,
végétales ou animales, peuvent servir à la préparation du
ferrocyanure de potassium. On emploie seulement dans
l'industrie les déchets de peu de valeur tels que : les cornes
défectueuses, les ongles et les sabots des ruminants et des
solipèdes, les rognures de corne ; les poils, les chiffons,
les rognures de cuir neuf ou vieux et les tendons. Dans
le principe, on faisait usage du sang et plus tard de la
chair des animaux. Toutes ces substances sont préala-
blement calcinées.
Calcination des matières animales. Cette opération se
fait en vase clos ; les gaz de la combustion sont envoyés,
par un tuyau ajusté au couvercle de la chaudière de calci-
67S -
CYANURE
nation , dans une série d'appareils laveurs, ou ils aban-
donnent les produits ammoniacaux.
Potasse et fer, La potasse employée pour la préparation
du prussiate jaune est la potasse ordinaire du commerce.
C'est, on le sait, un mélange en proportions très variables
de carbonate de potasse et d'autres sels de la même base.
On ne doit pas employer les potasses qui renferment beau-
coup de sels de soude comme, par exemple, les potasses
brutes extraites des mélasses de sucre de betterave. Enfin,
une dernière matière première est le fer. Celui-ci est employé
à l'état métallique ; on utilise pour cet usage la limaille et
les rognures de fer-blanc.
Préparation, On soumet à la calcination un mélange de
100 parties de potasse brute, de 100 parties de limaille
de fer et de 400 parties de charbon de cornue, dans des
cornues en fer ou des fours à réverbère. Les cornues, qui
autrefois étaient les seuls appareils employés, ont la forme
d'une poire. Le fond repose sur la maçonnerie du four par
un prolongement venu de fonte, en forme de tourillon qui
permet de retourner la cornue ; le col est engagé dans une
ouverture pratiquée dans le mur de façade. On a presque
partout remplacé la cornue par des chaudières en fonte
chauffées dans un four à réverbère. En Angleterre, on
emploie de préférence des chaudières à ouverture rétrécie
placée verticalement dans un four. Ce dispositif demande
moins de main-d'œuvre que les appareils précédents, car à
Fagitation à bras d'homme qui est nécessaire dans la cal-
cination au moyen de cornues ou des fours à réverbères
on peut substituer l'agitation mécanique.
La calcination est l'opération la plus délicate de la fabri-
cation ; son succès dépend de la réunion de deux conditions
principales : une température voisine du rouge blanc, néces-
saire pour que la réduction de la potasse puisse s'effectuer,
et le maintien de la masse à un état de fluidité suffisant
pour que les éléments du mélange puissent réagir les uns sur
les autres. L'opération est habituellement conduite de la
manière suivante : les cornues sont chargées d'abord avec
la potasse, puis on y introduit par pelletées les matières
animales. Un autre procédé moins avantageux cependant
consiste à jeter le mélange préparé à l'avance, dans les cor-
nues chauffées au rouge. Dans les fours à réverbère, la cou-
pelle en fonte est chauffée au rouge, puis on introduit la
potasse et on continue à chauffer jusqu'à ce qu'elle soit
complètement fluide. Lorsqu'elle est arrivée à ce point, on
commence à charger les matières organiques, en les mélan-
geant immédiatement avec la masse en fusion. La réaction
est très vive et accompagnée d'une effervescence et d'un
bouillonnement dus au dégagement d'un volume énorme de
gaz et de vapeurs. Pour diminuer la température du mélange
et éviter que la réaction ne soit trop vive, on charge rapi-
dement une nouvelle quantité de charbon animal. Quand
on a ainsi introduit dans la coupelle la moitié des matières
organiques, on interrompt le chargement pendant une demi-
heure environ, pendant laquelle on brasse le mélange, jus-
qu'à ce qu'il soit redevenu fluide. Ce résultat atteint, on intro-
duit le reste de la charge en deux ou trois fois. Après une
nouvelle demi-heure de chauffage, la masse est coulée dans
des moules à l'aide d'une cuiller en fer. Le produit de la
calcination de la potasse et du charbon animal présente l'as-
pect, après le refroidissement, d'une masse poreuse, noirâtre,
légèrement verte, qui dégage, sous l'action de l'humidité de
l'air, des vapeurs d'ammoniaque et d'acide cyanhydrique.
Il présente, d'après Karmrodt, la composition suivante :
Cyanure de potassium 8,20
Sulfocyanure de potassium 3,33
Cyanate de potasse 2,46
Carbonate de potasse et de soude 57,56
Sulfate de potasse , 2,82
Silice 3,10
Résidu insoluble 18,11
Reste , 4,42
100,00
Lorsqu'on traite ce produit par l'eau chaude, le cyanure
de potassium réagit sur le fer et se combine avec lui pour
former le prussiate jaune. Celui-ci reste dissous et on peut
l'extraire par évaporation.
Lessivage. Le produit de la calcination des matières
organiques avec le fer et la potasse est concassé et les
fragments sont jetés dans des marmites en fonte ou dans
des chaudières en tôle ; on les recouvre d'eau et on chauffe les
chaudières pendant douze ou quatorze heures, soit à feu nu,
soit à la vapeur, entre 60 et 80**. L'opération est considérée
comme terminée lorsque tous les morceaux solides ont
disparu et lorsque le liquide marque 20-24° B. Après
quatre heures de repos, on décante le liquide clair, et on
achève d'épuiser le résidu par deux lavages à^ l'eau pure
Les solutions très faibles ainsi obtenues servent dans des
opérations ultérieures. La première lessive possède une
coloration verte ou vert noirâtre, due à une combinaison
du sulfure de potassium ou du sulfure de fer. Lorsqu'on la
porte à l'ébullition, elle se colore ou brunit et, lorsqu'on la
concentre davantage, elle se décolore et devient gélatineuse.
Pendant l'évaporation, il se dégage constamment de l'am-
moniaque ; cette opération se fait dans des chaudières chauf-
fées par la chaleur perdue des fours de calcination. Par
l'évaporation de la lessive verte , on obtient le sel brut ,
qui se présente sous forme de petits cristaux grisâtres. On
le fait égoutter dans des paniers d'osier et on le purifie
ensuite par une nouvelle cristallisation. Les eaux mères,
concentrées à 40° B, laissent encore déposer des cristaux
plus fins (et sels gras plus impurs) que les précédents. La
nouvelle eau mère ne contient plus que des traces négH-
geables de ferrocyanure ; mais l'excès de potasse qui y est
dissous doit en être extrait.
Raffinage. Le sel gras est dissous dans l'eau ; la solution
est concentrée à 30°B, et abandonnée à la cristallisation.
On obtient de cette façon un sel analogue au sel brut qui
se dépose dans la première cris talhsation. L'eau mère con-
centrée à 40° laisse déposer un sel double de chlorure et
de cyanure de potassium employé dans les fabriques d'alun.
Le mélange des sels gras est dissous à chaud dans une
quantité d eau telle que la liqueur marque 32° B. La solu-
tion tient en suspension des matières insolubles, dont on la
débarrasse par filtra tion. La cristallisation se fait dans des
bacs en tôle ou en bois ; les cristaux que l'on obtient laissent
encore à désirer pour l'aspect et pour la forme, on les
nourrit avec une nouvelle charge de liqueur filtrée. Quand
ils sont suffisamment gros, on les détache, on les lave à
l'eau pure et on les dessèche. Les cristaux livrés au com-
merce sont d'une couleur qui varie du jaune citron clair au
jaune orangé.
Procédés divers. Les procédés suivants ont apporté un
important perfectionnement au mode de calcination en vue
d'augmenter le rendement. Ils sont basés sur ces faits
que : lorsqu'on fait passer un courant de gaz ammoniac
sur un mélange de charbon et de carbonate de potasse,
chauffé au rouge, on obtient du cyanure de potassium ; et,
d'un autre côté, que les produits ammoniacaux qui se
dégagent des matières animales pendant la calcination , ne
contribuent que très faiblement à la production du cyanure.
On pensa que le dégagement tumultueux et relativement
très rapide des gaz, ainsi que la faible épaisseur de la charge
dans la cornue ou dans la cuvette, devait réduire, dans
une certaine mesure, l'efTicacité de l'action des produits
volatils sur la potasse et le charbon. Pour obvier à cet incon-
vénient, M. Bruniquell se servait d'abord de deux cornues
en fer, superposées et mises en communication par un tube
vertical ; le mélange, préparé comme à l'ordinaire, était
placé dans la cornue inférieure. Lorsqu'on chauffe cette
cornue, les produits volatils qui se dégagent traversent la
cornue supérieure remplie d'un mélange de charbon animal
et de potasse et qu'on avait préalablement portée au rouge.
Les deux cornues étaient disposées dans deux compartiments
séparés du four. L'inventeur modifia cette disposition et
rendit son procédé plus commode. Il remplaça les cornues
CYANURE
— 676 —
par un cylindre, dont la moitié inférieure reçoit la charge
ordinaire, tandis que la partie supérieure est reînplie avec
un mélange de charbon et de potasse. Le cylindre est sus-
pendu par des chaînes dans un four spécial, elles per-
mettent de monter ou de descendre l'appareil, suivant que
l'on veut chauffer la partie supérieure ou la partie intérieure.
C'est par la partie supérieure que l'on commence. Karmrodt
a cherché à utiliser pour la fabrication du cyanure les pro-
duits qui se dégagent pendant la calcination des matières
animales ; et, à cet effet, il a combiné la fabrication du
cyanure avec celle du noir animal. A côté de la cornue
verticale où se fait là calcination est placé un cyHndre qui
reçoit une charge de charbon imbibé de lessive de potasse.
Ce dernier appareil est mis en communication à volonté
avec la cornue. On commence par chauffer le cylindre, puis,
lorsqu'il est au rouge, on chaufîe la cornue. Les produits
ammoniacaux volatils passent de la cornue dans le cylindre
et y circulent de haut en bas, pour s'échapper ensuite dans
le foyer. Lucas fait passer l'ammoniaque dans des cylindres
chauffés au rouge, qui renferment un mélange de limaille
de fer et du charbon de bois imprégné de potasse. Il obtient
de cette façon du cyanure de potassium qui, par le lessivage,
se transforme en prussiate. M. Gelis a fondé un procédé
de préparation du prussiate jaune sur le fait suivant : lors-
qu'on mélange du sulfure de carbone et du sulfure d'am-
monium, on obtient une véritable combinaison de ces deux
corps. Si l'on distille ce produit avec du sulfure de potas-
sium, il se produit du sulfocyanure de potassium, avec
dégagement de vapeurs de sulfhydrate de suliure d'ammo-
nium. Les produits gazeux sont recueillis dans de l'ammo-
niaque et utilisés dans une opération ultérieure. Le résidu
fixe composé de sulfocyanure de potassium est desséché
puis calciné avec de la limaille de fer. Le produit obtenu
donne par le lessivage une solution de ferrocyanure de
potassium et un précipité de sulfure de fer. Gautier-Bou-
chard se sert, pour la préparation du prussiate, du mélange
de Laming, qui a servi à l'épuration du gaz d'éclairage. Ce
mélange est composé actuellement de bleu de Prusse, de
sulfocyanure de calcium et de peroxyde de fer. En le trai-
tant par la chaux, on obtient, après lessivage, une forte
proportion de cyanoferrure de calcium, que l'on transforme
par addition de potasse en cyanoferrure de potassium.
On a cherché à employer l'azote de l'air pour la prépa-
ration du prussiate jaune. L'idée première de cette utilisation
est due à Clark, qui constata scientifiquement, en 4887, le
fait connu de la présence constante du cyanure de potas-
sium dans les produits des hauts fourneaux. En 4845,
Bunsen et Playfair ont étudié cette importante question,
et constaté que la formation du cyanure a lieu dans une
région déterminée des hauts fourneaux. Ces chimistes con-
clurent, à la suite de leurs essais, que l'azote du cyanogène
ne pouvait pas provenir de la houille ou de l'ammoniaque
formée, et que par conséquent sa source était nécessai-
rement l'air atmosphérique. Cette conclusion est mise en
évidence par l'expérience suivante : dans un tube, ren-
fermant un mélange de deux parties de charbon de sucre
et une partie de carbonate de potasse pur, amené à une
température suffisante pour produire la réduction du potas-
sium, on fait passer d'abord un courant d'acide carbonique,
puis un courant d'azote ; avec le premier gaz, il ne se pro-
duit rien, tandis qu'avec le second on obtient un dépôt
abondant de cyanure de potassium. On peut considérer
comme un fait acquis que l'azote de l'air atmosphérique est
susceptible de former du cyanogène en passant sur un
mélange de charbon et de carbonate de potasse, chauffé au
rouge, si la température nécessaire pour la réduction de la
potasse est atteinte. D'après Riecken, pour atteindre ce but,
on doit préalablement chauffer l'azote. Lorsque dans l'expé-
rience on fait intervenir la vapeur d'eau , on favorise la
formation de l'ammoniaque et, par suite, celle du cyanure
de potassium. Le cyanure de potassium obtenu de cette
manière est traité ensuite par des sels de fer, pour être
transformé en ferrocyanure.
Un grand nombre de brevets ont été pris pour l'appli-
cation du principe de l'utilisation de l'azote de l'air ; mais
aucun des procédés proposés n'a encore donné de résultats
pratiques. Dans l'industrie, on ne se sert que de l'ancienne
méthode.
_ Ferricyânure de potassium. — Le ferricyanure de potas-
sium ou prussiate rouge sert dans la teinture et dans
quelques autres industries. La découverte est due à Gmelin.
On le prépare au moyen du prussiate rouge, auquel on
enlève de la potasse. A cet effet, on fait passer un courant
de chlore gazeux dans une dissolution de ce sel. Il se forme
du chlorure de potassium et du ferricyanure. On ne doit
pas prolonger trop longtemps l'action du chlore et l'arrêter
au moment précis où tout le ferrocyanure est transformé
en ferricyanure, sans quoi on aurait une perte très sensible,
par suite de la formation d'une matière verte, insoluble,
très complexe, le vert de Berlin. Dans l'industrie, on fait
passer une quantité déterminée de chlore dans une solution
filtrée de ferrocyanure marquant 42«B. On essaye, de
temps en temps, la liqueur avec un sel de fer; lorsqu'elle ne
donne plus naissance à un précipité de bleu de Prusse, mais
qu'elle se trouble légèrement, en se colorant en brun clair,
on considère l'opération comme terminée.
Cristallisation. La solution obtenue dans le traitement
précédent est portée à l'ébullition et on la maintient à
cette température pendant toute la durée de l'évaporation,
qu'on arrête quand elle marque SS'^B. A ce moment, on
l'abandonne au repos pendant deux ou trois jours. La
plus grande partie du sel se dépose et l'eau mère peut
fournir une deuxième et troisième cristallisation. On
arrête la cristallisation lorsque les cristaux de chlorure de
potassium commencent à se déposer. L'eau mère traitée
par le sulfate de fer donne un précipité de bleu de Prusse,
que l'on sépare par décantation ; du liquide qui reste on
extrait le chlorure de potassium. Lorsque l'opération est
bien conduite, on obtient de beaux cristaux, rouge foncé,
très réguliers et longs de 2 à 3 centim. Théoriquement,
480 parties de prussiate jaune devraient donner 77,9 par-
ties de prussiate rouge ; dans la pratique, on n'en obtient
guère que 70.
Préparation du ferricyanure de potassium par
voie sèche. Par ce procédé on traite le prussiate jaune en
poudre par le chlore. Le cyanure ne doit pas être com-
plètement débarrassé de son eau de cristallisation qui
favorise l'action du chlore. Le prussiate jaune est pulvé-
risé sous des meules et tamisé ; puis on le dispose en
couches minces, sur lesquelles on dirige un courant de
chlore, tant qu'il se produit une absorption. Les mêmes
réactions que dans le procédé par voie sèche se produisent.
Le sel obtenu est livré au commerce sous forme de
poudre; souvent même on n'en sépare pas le chlorure de
potassium. Cette opération se fait par cristallisation.
Cyanure de potassium. — On prépare habituellement ce
sel en décomposant le ferricyanure de potassium ou en
faisant agir l'acide cyanhydrique sur la potasse. Lorsqu'on
opère par le premier procédé, le prussiate jaune est des-
séché pour le débarrasser de son eau de cristallisation,
puis on le calcine dans une cornue en fonte, jusqu'à ce
qu'il ne se dégage plus d'azote. Le résidu de cette opération
est un mélange de cyanure de potassium et d'un carbure
de fer. La température ne doit pas dépasser la chaleur
blanche naissante, afin d'éviter que le cyanure se décom-
pose à son tour. Le carbure se dépose sur les parois de la
cornue; le cyanure de potassium reste fondu au milieu et
il cristallise en cube par le refroidissement. On le purifie
en reprenant le sel brut par l'eau ou par l'alcool et éva-
porant ensuite la liqueur filtrée. Pour préparer le cyanure
de potassium au moyen de l'acide cyanhydrique, Wiggers
sature la potasse par l'acide, obtenu par le procède de
Pissina et condense les vapeurs dans une solution alcoo-
lique de potasse, dont la température est maintenue très
basse par un mélange réfrigérant. Le cyanure de potassium
étant peu soluble dans l'alcool, se précipite à mesure qu'il
677 —
CYANURE-CYANURIQUE
se forme. On décante la partie liquide lorsque Fopération
est terminée, et on lave le sel à 1 alcool froid. On a essayé
de produire du cyanure de potassium en utilisant Fazote
de Tair ; à cet effet, M. Bunsen emploie un fourneau
rempli de charbon et de potasse en couches superposées,
on chauffe à une haute température au moyen d'un puis-
sant ventilateur. Le cyanure produit s'écoule dans un réci-
pient placé au fond du fourneau. Il est très impur et ne
peut être utilisé que pour la préparation du cyanoferrure
de potassium. Le cyanure de potassium est employé dans
les arts pour la préparation d'un certain nombre de cya-
nures métalliques. Les orfèvres se servent d'un liquide à
base de cyanure de potassium pour nettoyer les pièces d'ar-
genterie qui ont jauni. Voici une des recettes de cette
liqueur : cyanure de potassium, 30 gr.; hyposulfite de
soude, 20 gr. ; ammoniaque , q[uantité suffisante pour
rendre le bain bien alcalin ; eau distillée, 1 litre. La solu-
tion se fait à froid ; on la conserve à l'abri de l'air.
Cyanure d'argent. — Ce sel, employé dans l'argenture
galvanique, se prépare en précipitant une solution d'azo-
tate d'argent par du cyanure d'argent, ou mieux en faisant
passer un courant de gaz cyanhydrique dans une solution
d'azotate d'argent. Le cyanure d'argent est un sel blanc ;
insoluble dans l'eau et l'acide azotique étendu ; soluble
dans l'ammoniaque et les cyanures alcalins. C'est en solu-
tion dans le cyanure de potassium qu'il est employé dans
les arts. Dans ces conditions, il se forme un cyanure
double de potassium et d'argent.
Cyanure double d'argent et de 'potassium. Ce sel se
prépare, comme nous l'avons dit plus haut, en dissolvant
le cyanure d'argent dans le cyanure de potassium, à chaud.
Par le refroidissement, il se dépose en lamelles disposées
en feuilles de fougère, ou en lames hexagonales. Le cyanure
double d'argent et de potassium est soluble dans 45 par-
ties d'eau à 45° et dans 25 parties d'alcool à 85^, à la
température de 20<*.
Cyanure d'or. — On le prépare en décomposant une
solution de chlorure d'or, aussi neutre que possible, par le
cyanure de potassium, en proportions atomiques. On
obtient ainsi le sel sous forme d'une poudre jaune inso-
luble.
Cyanure double d'or et de 'potassium. Ce sel, comme
le cyanure double d'argent et de potassium, sert dans la
dorure galvanique. Il prend naissance quand on dissout le
cyanure, ou l'oxyde d'or, ou l'or fulminant dans le cyanure
de potassium.
Le mode de préparation le plus commode est le suivant :
on dissout 7 parties d'or dans l'eau régale, on précipite
la solution par l'ammoniaque ; le précipité est bien lavé ;
c'est l'or fulminant. On l'introduit dans une solution
chaude faite avec 6 parties de cyanure de potassium pur,
sans le séparer du filtre. La dissolution se fait immédiate-
ment; elle est accompagnée d'un dégagement d'ammo-
niaque. On filtre, et si la liqueur est suffisamment concen-
trée, le cyanure double se dépose en cristaux par le refroi-
dissement.
Cyanure de mercure. — On le prépare en faisant bouillir
pendant un quart d'heure une partie de ferrocyanure de
potassium avec deux parties de sulfate mercurique et huit
parties d'eau. On sépare le dépôt qui se forme par filtra-
tion et on concentre la liqueur suffisamment pour que le
cyanure puisse cristalliser par le refroidissement. On peut
également ajouter de l'oxyde mercurique à une solution
d'acide cyanhydrique, jusqu'à ce que son odeur ait disparu.
La solution est évaporée jusqu'à ce que la cristallisation
se produise. Enfin on peut prendre, d*après le Codex,
3 parties de bioxyde de mercure, 40 parties d'eau dis-
tillée. On réduit le bleu de Prusse et l'oxyde en poudre
très fine ; on mélange les deux substances dans une cap-
sule de porcelaine, on y ajoute 25 parties d'eau dis-
tillée et l'on fait bouillir. Lorsque la masse présente une
couleur brune, on filtre et on ajoute 15 parties d'eau au
résidu ; on fait bouillir le tout pendant quelques minutes,
on filtre et on concentre le mélange des deux dissolutions.
Dès qu'il se forme une pellicule à la surface du liquide, on
cesse de chauffer et on laisse la cristallisation se faire
dans une pièce froide. Le cyanure de mercure est employé
en médecine.
Cyanure de nickel. ■— Ce corps s'obtient en précipitant
un sel de nickel par un cyanure soluble, ou l'acétate de
nickel par l'acide cyanhydrique.
Cyanure double de nickel et de potassium. On
l'obtient en dissolvant le cyanure ou le sulfure de nickel
récemment préparé dans le cyanure de potassium, et en
évaporant ensuite la liqueur jusqu'à son point de cristal-
lisation. Il peut également se former en chauffant au
rouge, dans un creuset couvert, un mélange de ferrocya-
nure de potassium pulvérisé et de nickel métallique en
poudre très fine. La masse est lessivée à l'eau chaude et
jetée sur un filtre ; la liqueur est concentrée jusqu'à cris-
tallisation. Ch. Girard.
lïl. Toxicologie. — Les phénomènes d'intoxication
avec les cyanures sont identiques avec ceux observés dans
l'empoisonnement par l'acide cyanhydrique, puisque ces
sels agissent sur l'organisme, parleur acide déplacé lui-même
par les acides du suc gastrique. Les accidents ou suicides
sont beaucoup plus fréquents avec les cyanures qu'avec
l'acide cyanhydrique. L'emploi industriel des cyanures,
surtout en photographie, a mis ces produits entre les mains
du public. Les cyanures de potassium, de zinc, de mercure
sont les plus fréquemment incriminés. Le dernier sert de
base à la liqueur antisyphilitique de Charnier, les deux
premiers ont été préconisés sous forme de pilules de 1 à
2 centigr. dans les affections nerveuses ; l'irrégularité de leur
action doit les faire rejeter de la thérapeutique.
CYANURIQUE (Acide) (Chim.).
Fnrm \ ^quiv (C^AzHO^)^^ C^Az^IPO^
^"^^"- I Atom CWAz^O^
Il a été découvert par Scheele en distillant l'acide urique,
retrouvé par SeruUas en décomposant par l'eau le chlo-
rure de cyanogène soHde, et préparé régulièrement par
Wôhler au moyen de l'urée. Il se produit d'ailleurs dans
un grand nombre de réactions : par l'action de l'acide hypo-
chloreux sur l'acide cyanhydrique (Balard); de l'acide
sulfuri(jue sur la mellamine, l'ammelide, Tammeline, le
cyamelide ; dans la déshydratation de l'urée par l'acide
phosphorique (Weltzien) ; dans l'attaque du mellonure de
potassium par l'acide chlorhydrique (Liebig). Pour le pré-
parer, Wôhler chauffe de l'urée dans une petite capsule,
jusqu'à ce que la masse fondue se soit transformée en une
masse sèche et grise :
3C^HMz^0^ =C6H3Az30« + SAzH^.
Il se dégage de l'ammoniaque et il reste un résidu qu'on
purifie par plusieurs cristallisations dans l'eau. Wurtz fait
passer un courant de chlore sec dans de l'urée fondue,
traite le résidu par l'eau froide pour dissoudre le sel am-
moniac formé, puis reprend par l'eau bouillante, qui aban-
donne par refroidissement l'acide cyanurique; d'après son
mode de préparation, l'acide cyanurique peut être con-
sidéré comme le tricarbimide. Il cristallise en petits
prismes rhomboïdaux obliques, retenant deux molécules
d'eau de cristallisation, qui se dégagent en partie à l'air;
il est efflorescent, inodore, légèrement acide, soluble dans
40 p. d'eau froide; l'alcool bouillant et les acides miné-
raux concentrés le dissolvent également et l'abandonnent en
petits cristaux brillants, anhydres. Il se volatilise vers
360^ et se transforme en son isomère, l'acide cyanique :
Une longue ébullition avec les acides énergiques le
dédouble en acide carbonique et en ammoniaque :
G6H3Az306 4. 3H2o^ _- 3^204 _^ s^zH^.
Il donne avec une solution de cuivre ammoniacale un
précipité violet ; le perchlorure de phosphore le change en
chlorure de cyanogène solide (Beilstein). L'acide cyanu-
rique est triatomique et tribasique, les cyanurates font
CYANURIQUE — CYATHUS
~ 678 --.
assez stables et forment trois séries de sels, tribasiques,
bibasiques et monobasiques :
C^Az^M^O^ G^Az^HMW; C^Az^HW.
Les cyanurates s'obtiennent en combinant directement
l'acide avec les bases. Il sont presque tous peu solubles
dans l'eau, les acides forts en séparent l'acide cyanurique.
Ils fondent à chaud et se transforment en cyanates, avec
dégagement d'azote, d'acide cyanique et de cyanate d'am-
monium. Les cyanurates alcooliques ou éthers cyanu-
riques, étudiés par Wurtz, donnent en général, sous l'in-
fluence des réactifs, les mêmes réactions que les cyanates
alcooliques correspondants. Ed. Bourgoin.
BiBL. : Toxicologie. — Liebig, Ann. ch. et phys.,
t. 358, XLV. —- Liebig et Vôhler, Ann. Poggend., t. XV,
622. — ScHEELE, Opuscula^ t. II, 77. — - Serullas, Ann.
ch. et phys., t. XXXVIII, 379. — Wôhler, Ann. der Ch.
und Ph., t. LXI, 244. — Wurtz, Co7npt rend., t. XXIV, 486.
CYAPHÉNINE (Chim.).
T, , l Equiv.... (C^mMzf=zC^m^'^Az^
Formules } ^^^^^ ^ ^ ^ ^ pH5Az)3 =:. C^xH^^Az^.
La cyaphénine est un polymère du benzonitrile, obtenue
par Cloez en faisant réagir le cyanure de potassium sur le
chlorure de benzoyle. Elle se forme encore : lorsqu'on
chauffe le bromure de benzonitrile avec de la chaux (En-
gler); dans la réaction du benzonitrile sur le zinc-éthyle
(Frankland); lorsqu'on chauffe la benzimidamide (Pinner et
Klein), ou encore en faisant réagir l'ammoniaque sur le
chlorhydrate de l'éther isobutyhque du benzimide. La cya-
phénine cristallise en petites aiguilles fusibles à 231^; elle
est insoluble dans l'eau et dans l'acide chlorhydrique,
dilué, peu soluble à froid dans l'alcool et dans l'éther, fort
soluble dans l'iodure d'éthyle. Ed. Bourgoin.
BiBL. : Clôez, Prëp. Bull. Soc. ch., t. I, 100. — ExXGler,
Soc. ch., t. IV, 150; t. XII, 303. — Evans et Frankland,
Chem. Society, 1880, 563. -— Klein et Pinner, Deuts.
chem. Gesells., 1878, 4.
CYATHAXONIA (Paléont.). Genre de Polypiers fossiles
faisant partie des Zoantharia Inexpleta et devenu le
type de la sous-famille des Cyathaxonince qui présente
les caractères suivants : Polypiérite turbiné ou en forme
de corne, toujours simple. Cloisons rayonnées bien déve-
loppées à l'intérieur du calice. Le genre Cyathaxonia
(Michelin) est en forme de cône avec une épithèque.
C, cornu est du calcaire carbonifère de Belgique. Lmd-
stromia (Nicholson) est un genre voisin du silurien
d'Ecosse ( L. lœvis Nich.) et du dévonien de l'Amérique
du Nord. Les genres Buncanella (Nicholson) du silurien
supérieur et Duncania (de Konig) du calcaire carbonifère
appartiennent à la même sous-famille (V. ANTuozoAmES
et ZOÂNTHAÏRES), E. TrT.
CYATHEA (Cyathea Sm.). L Botanique. — Genre de
Fougères arborescentes, à larges frondes naissant du
sommet des troncs et élégamment divisées ; les sporanges
sont surbaissés et triangulaires, et leur anneau a ses stries
obHques par rapport à la direction des bords du sporange
au lieu de les avoir perpendiculaires à cette direction. Le
caractère principal du genre est fourni par l'indusium com-
plet, univalve, indéhiscent, c.-à-d. cupuliforme, et par le
réceptacle entier. On connaît plus de quatre-vingts espèces
de Cyathea répandues dans les régions équinoxlales. Les
Cyathea sont très recherchées pour orner les serres
chaudes.
IL Paléontologie (V. Cyathocârpus).
CYATHÉAGÉES (Bot.). Famille de Fougères ordinaire-
ment arborescentes, à tige dressée recouverte d'innombrables
racines et pouvant atteindre jusqu'à 45 m. de hauteur.
Elles croissent dans les régions équinoxiales à des altitudes
variant entre 300 et 1,"2Ô0 m. Le sommet est couronné
par une rosette de frondes finement découpées. Les stipes
de ces frondes sont ordinairement revêtus de longues
écailles brunes à leur partie inférieure. Les sporanges des
Cyathéacées ont un anneau complet, longitudinal et s'ou-
vrent par une fente transversale. Ils peuvent être rappro-
chés en sores nus (Alsophila), on entourés d'un indusium
bivalve (Dicksonia) ou cupuliforme (Cyathea), H, F.
CYATHEITES (Paléont.) (V. Cyathocârpus).
CYATHIDIUM (V. Holopus).
CYATHOCARPUS (Weiss) (Paléont.). Genre de Fougères
fossiles, voisin des Pecopteris., dont il se distingue par des
spores arrondis ou subglobuleux, situés au milieu ou au som-
met des nervures et n'offrant pas de fissure. Il a été établi
pour une espèce, C. eucarpus Weiss, découverte dans les
sphérosidérites de Berschweiler (Prusse rhénane). Weiss
réunit à ce genre plusieurs espèces de Pecopteris, entre
autres le P. arborescens Brongn., qui comprendrait selon
lui les Pecopteris aspidioides^Br ongn. et P. platyraehis
Brongn., les Cyathea Brongn., les Cyatheites Schlo-
theimiGce])}). et C. lepidorachis Gœpp., enfin VAsple-
nites nodosus Gœpp. D^ L. Un.
CYATHOPHYLLUM (Paléont.). Genre de Polypiers fos-
siles créé par Goldfuss, et qu'on peut considérer comme
type de la sous-famille des Pleonophora de Dybowsky qui
se distingue à'Amplexus (V. ce mot) et des genres voisins
par les caractères suivants : Planchers incomplets, limités
au centre ; à la périphérie le squelette est formé par un
tissu cellulaire vésiculeux. De nombreux genres paléo-
zoïques appartiennent à ce groupe. Le genre Cyathophyl-
Cyatophyilum hexagonum.
htm, à polypier simple ou composé, rameux, fascicule ou
astréen, avec épithèque, est très abondant dans le silurien
et le dévonien (C. cœspitosum, C. hexagoniim). Les
autres genres sont Hallia, Aulacophyllum, Omphyma,
Caninia., Campophyllum, Diphyphyllum, Lithostro-
tion, Axophyllum, Lonsdosleia, Cyclophyllum, Acervu-
laria {Y, v.e mot), Phillipsastrœa,Stauria, etc. (V. Zoan-
THAiREs). E. Trt.
CYATHOSERIS (V. Lophoseris etFuNGiA).
CYATHUS (MétroL). Petite mesure de capacité chez les
Grecs et les Romains, évaluée généralement à 0 lit. 0456. Ce
Cyathus.
Cyathus avec manche mobile.
mot désigne aussi un vase employé à table pour puiser le vin
dans les cratères et le verserdans les coupes; les Grecs avaient
~~ 679 -
CYATHUS -^ CYBISTETER
un verbe pour désigner cette opération , xuaGti^a); Tesclave
qui s'en acquittait était le xuaôdxrjç, en Isâïn pincerna, et
dans les inscriptions son nom est accompagne des mots A
cyatho. Le cyathus était en métal ou en ivoire ; il avait la
forme d'une grande cuiller ou d'une écope à puiser l'eau
dans les bateaux. Le manche était fixé à la petite coupe ou
mobile, et celle-ci variait de forme et de grandeur. Sui-
vant Varron (L., 1. V, d24), le cyathus des Grecs se subs-
titua chez les Latins au simpuhm que l'on garda dans les
sacrifices.
CYAXARE (latin, Cyaxares; grec, XuaÇapyjç ou 0?a-
^prii), le troisième roi de la dynastie touranienne desMèdes,
s'appelait en médique Vak-istirra ou Vak-istarra, « por-
teur de lances ». LesMèdes ariens traduisirent ce nom en
Perse, Arstibara, et Ctésias donna cette traduction comme
nom du roi, tandis que ce terme n'exprime que le sens du
mot touranien en langue arienne. Le nom médique fut aria-
nisé en Vvakhasatara, ce qui signifie « possédant de beaux
mulets », et c'est sous cette forme que le nom paraît dans
l'inscription de Béhistoun ; les Assyriens, qui avaient quelque
raison pour connaître ce roi, le nomment, en s'appuyant
sur l'original médique, Uvakistar. Cyaxare succéda à son
père Phraortes qui avait été tué devant Ninive, vaincu par
les Assyriens avec une grande partie de son armée en 635
av. J.-C, et régna quarante ans jusqu'en 595. Hérodote le
nomme le plus guerrier des rois mèdes, et immédiatement
après son avènement, il se prépara à venger la mort de
son père. Cyaxare fut un génie militaire; il réorganisa
r armée des Mèdes dans laquelle jusque-là toutes les diffé-
rentes parties avaient combattu pêle-mêle, et il les sépara
en phalanges distinctes, porteurs de lances, archers et
cavaliers. Ainsi disposé, il s'avança vers l'Assyrie, et avait
déjà battu les Ninivites à plusieurs reprises, quand il fut
attaqué par les Scythes qui, sous la conduite de leur roi
Madyes, avaient envahi son royaume. Ces barbares, chas-
sés par les Cimmériens de la Russie méridionale, étaient
venus en longeant la mer Caspienne du côté du Caucase et
avaient semé devant eux la dévastation et le pillage. Ils
avaient exigé des habitants de l'Asie des tributs pour qu'ils
leur laissassent la vie sauve et leurs propriétés, mais malgré
ces rançonnements, ils enlevaient aux nations des pays
envahis tout ce qu'ils possédaient. Pendant vingt-huit ans,
les Scythes occupèrent le sol de la Médie ; tandis qu'une
partie des envahisseurs se répandit dans les contrées du sud-
ouest et s'avança vers l'Egypte. Psammétik, roi d'Egypte,
arrêta ces hordes en Palestine par des cadeaux et des
prières ; celles-ci rebroussèrent chemin et pillèrent en pas-
sant le sanctuaire de la déesse syrienne à Askalon. Grâce
à ces pérégrinations, Cyaxare put à la fin se débarrasser
de ces étrangers incommodes, en massacrant leurs chefs
dans un banquet auquel il les avait conviés (607). C'est
alors qu'il s'allia à Nabopalassar, roi de Babylone, et les
deux armées mède et babylonienne prirent Ninive, détrui-
sirent pour toujours cette cité, et mirent fin à l'empire dos
Assyriens (606).
Après la chute de Ninive, Cyaxare se trouva maître de
toute l'Asie jusqu'au fleuve Halys; l'Asie Mineure, à FO.
de ce fleuve, étant entre les mains des Lydiens. La Baby-
lonie et la Susiane seules étaient indépendantes. Cyaxare
fit la guerre à Alyattes, roi de Lydie, et pendant cinq ans
les Mèdes et les Lydiens se firent la guerre, tantôt vain-
queurs, tantôt vaincus. Hérodote raconte (4 , 94) que pen-
dant une bataille, il arriva une éclipse de soleil prédite par
Thaïes de Millet, et que ce phénomène céleste mit fin à la
guerre. Un traité préparé par Syennesis, roi de Cilicie, et
Nabuchodonosor, roi de Babylone, rétablit la paix entre
Cyaxare et Alyattes, qui donna sa fille Aryenis à Astyage,
fils du roi mède. Cyaxare mourut quelques années après.
Depuis des siècles l'éclipsé en question a préoccupé les
savants, et encore aujourd'hui le problème est obscur et ne
sera éclairci que le jour où des textes originaux trancheront
la question. Six éclipses de soleil ont été proposées parmi
lesquelles nous citons celle du 30 sept. 610 (d'après Olt-
mans), celle du 9 juil. 597 et celle du 28 mai 585. Pline
(H. iV., II) cite, comme année de l'éelipse de Thaïes, la
quatrième année de la 48^ olympiade, qui tombe en effet
en 585 ; cette éclipse, déjà calculée par Newton et Kepler,
fut en effet totale en Asie Mineure. Mais Cicéron la place
sous le règne d'Astyage, et s'il est certain que cette éclipse
est bien celle que Thaïes ait prédite, il n'est pas du tout
certain que ce fût celle-là qui mit fin au combat dont nous
parlons. Si toute la chronologie médique n'est pas à modi-
fier, il faut admettre, ou que le combat eut lieu sous
Astyage et non pas sous Cyaxare, ou qu'Hérodote a con-
fondu l'écKpse totale de Thaïes avec une autre arrivée
quelques années auparavant. Or, il n'y a que l'écMpse par-
tielle du 9 juil. 597 qui satisfasse les exigences historiques
jusqu'ici seules justifiées. A l'époque de cette éclipse de
597, calculée par le P. Petau, Alyattes régnait et Cyaxare
vivait encore. Lors du phénomène mentionné par Phne
et qui, en effet, fut le plus considérable au point de vue
astronomique, Cyaxare était mort. Espérons donc qu'un
texte babylonien résolve la question, qui, malgré les nom-
breuses controverses qu'elle a suscitées, est encore à l'état
de problème.
Un autre Cyaxare fut le fils d'Astyage dont l'existence
nous est révélée par le roman de Xénophon, intitulé
la Cyropédie. Mais le personnage mentionné dans cette
œuvre semble être historique. Il n'y a rien d'extraordi-
naire dans le fait que le fils réclame l'empire de son père
détrôné. Ce qu'il y a de plus sérieux, c'est que l'inscription
de Béhistoun, en rendant compte de deux imposteurs,
Phraortes et Tritantaechmes, qui se révoltèrent contre Da-
rius en Médie, dit qu'ils se donnèrent tous les deux comme
Xathrites, en médique Sattarrita^ de la race de Cyaxare,
Il est difficile d'entendre sous ce nom le roi Cyaxare, car
les imposteurs se seraient vantés d'être de la souche du
dernier roi Astyage. L'existence de ce dernier Cyaxare
semble donc être hors de doute. J. Oppert.
CYBiCUS (Zool.). Genre d'Arachnides, de la famille des
Agélénides , proposé par L. Koch et voisin du genre
Cœlotes ; il en diffère par le céphalothorax plus étroit et
surtout par les filières très courtes, à peine distinctement
biarticulées, caractère exceptionnel dans la famille des Agé-
lénides. A certains égards les Cybœus se rapprochent des
Argyroneta, mais ils en diffèrent beaucoup par leurs
mœurs. L'espèce type, C. tetricus Hahn, est européenne ; elle
se trouve dans les grandes forêts, sous l'écorce dos vieux
arbres, où elle file une petite toile irrégulière. C. Smoi^f.
CYBEI (Giov.-Antonio), sculpteur italien, né à Carrare
en 4706, mort à Carrare en 4784. Fils d'un israéHte
converti, et resté orphelin de bonne heure, il se forma
d'abord sous la discipline du comte Baratta et plus tard
dans l'atelier de Cornachini à Rome. Dans la suite, entré
dans les ordres, il sacrifia l'art aux études littéraires, et
il fallut toutes les instances de ses admirateurs pour lui
faire reprendre le ciseau. Parmi ses ouvrages les plus
célèbres, on cite le groupe en marbre de Samson et Da-
lila, la statue de la Conception à Carrare, la Gloire des
Princes, à Naples; le groupe de Judith et de sa sui-
vante^ la statue équestre de François III et divers
bustes. Cybei forma en outre de nombreux élèves.
BiBL. : Campori, Memorie biografiche degli Sculton,
Architetth Pittori... nativi di Carrara; Modène, 1873.
CYBÈLE (Myth. gr.). Cybèle était un des noms de la
grande déesse de la Phrygie plus généralement appelée la
Mère des dieux ; la plus populaire de ses légendes est
celle où elle était associée à Attis ou Attès, En Grèce,
elle fut assimilée à Rhea, Nous étudierons l'ensemble de
ces cultes et des légendes qui s'y rattachent à l'article
Mère des dieux.
IL Astronomie (V. Astéroïde).
CYBELE (V. Encrinurus).
CYBISTETER {Cybisteter Curtis) (Entom.). Genre de
Coléoptères, de la famille des Dyticides, voisin des Dyticus
(V, Dytique), dont il diffère surtout par les tibias posté-
CYBISTETER - CYCADACÉES
— ^0 —
Cybisteter laterali-margi-
nalis De G. (un peu grossi).
rieurs courts et irréguliers, lobés entre l'éperon inférieur
et les tarses, dont le dernier article est terminé par un
seul crochet. Ce sont des
insectes de grande tail-
le, répandus surtout
dans les pays chauds,
où ils paraissent rem-
placer les Dytimis, L'es-
pèce type, C. laterali-
marginalis De Géer
(C. Rœseli FuessL), se
trouve communément en
Europe dans les étangs,
les mares et les pièces
d'eau. Il est long d'en-
viron 30 millim., dé-
primé en dessus, élargi
en arrière, d'un vert
olivâtre avec le des-
sous du corps, le labre,
les côtés du prothorax
et une bande le long
du bord externe des
élytres de couleur jau-
ne. Ses métamorphoses
ont été observées par Rœsel {îns, Belust. [Wasser-Ins.],
p. 9, pi. n,fig. i-â); Sturm {Deutsch, Faun., VIII, 65,
pi. 493) et Schiodte (Nat. lids., 1864, III, p. 185,
pi. VII, fig. 40-16). Ed. Lef.
CYBIUM (IchtyoL). Genre de Poissons osseux (Téléos-
téens), de l'ordre des Acanthoptérygiens Cotto-Scombri-
formes et de la famille des Scombridœj caractérisé par la
dorsale continue, avec des épines faibles, généralement
sept petits rayons à la suite de la dorsale et de l'anale ;
écailles rudimentaires ou complètement absentes ; dents
fortes, une crête longitudinale de chaque côté de la queue.
La forme la plus commune est le Cybium tritor, propres
aux côtes de l'Afrique occidentale, et il apparaît par bandes
innombrables. Sa chair est très estimée et diffère peu de
celle du Maquereau. Rocher.
BiBL. : GuNTHER, Studif of Fishes. — De Rochebrune,
Faune de la Sénégambie ; Poissons.
CYBO. Famille italienne d'origine grecque dont les prin-
cipaux personnages furent : Lamberto, qui combattit les
Sarrasins, leur reprit l'île de Capraja et s'établit à Gênes ;
Arano (4377-1457), vice-roi de Naples pour le roi René,
puis patrice et préfet de Rome; son fils Giambattista
devenu pape sous le nom d'Innocent VIII (V. ce nom) ;
son autre fils Francesco, comte de Ferentillo ; le fils de
celui-ci, Innocent (1494-4550) (V. ci-dessous) ; Aider ano
(1643-4700), nommé cardinal par Innocent X, mourut
doyen du sacré collège.
CYBO (Innocent), prélat italien, né en 4494, mort en
4550. Par son père, François, comte de Ferentillo, il était
petit-fils du pape Innocent VIII, et par sa mère, Madeleine
de Médicis, de Laurent le Magnifique. Il fut comblé dès le
jeune âge de bénéfices ecclésiastiques, surtout par le pape
Léon X, son oncle maternel, qui avait reçu le chapeau d'In-
nocent VIII. Il eut à la fois les archevêchés de Messine, de
Turin et de Gênes, huit évêchés et les deux abbayes de
Saint-Victor de Marseille et de Saint-Ouen de Rouen que
lui conféra François P^. Ce cumul scandaleux fut en partie
justifié par le mérite dont il fit preuve. Après le sac de
Rome par les troupes de Bourbon, il empêcha les cardinaux
affolés de transférer le saint -siège à Avignon (4527).
Après l'assassinat d'Alexandre de Médicis (1537), il gou-
verna la Toscane avec sagesse, et contribua à en trans-
mettre la souveraineté à Cosme de Médicis. Il prit une part
considérable à l'élection du pape Paul III et mourut à l'âge
de cinquante-neuf ans.
CYBORIUM (V. Ciborium).
CYBULKA ou CEBULKA,diplomatepolonaisduxiv® siècle.
On ignore le lieu de sa naissance et celui de sa mort. Il fut
chargé de diverses missions auprès du roi de Bohême et de
l'empereur, et contribua à déjouer les intrigues de l'em-
pereur Sigismond qui cherchait à séparer la Lithuanie de
la Pologne. L. L.
CYBULSKI (Adalbert), savant polonais, né à Konen
(grand-duché de Posen) le 40 avr. 4808, mort à Breslau
le 45 févr. 4867. Il fit ses études en Prusse ; en 4830, il
entra dans l'armée polonaise et lutta vaillamment contre les
Russes. Fait prisonnier, il ne fut mis en liberté qu'en 4834.
Après avoir pris le titre de docteur à Berlin, il alla en Au-
triche étudier les dialectes slaves. En 4844, il enseigna la
philologie slave à l'université de Berlin. En 4848, il prit
part au congrès slave de Prague ; en 1847, il fut député à
la Chambre prussienne. En 4860, il fut nommé professeur à
l'université de Breslau. Il a contribué à un grand nombre
de recueils polonais et publié à part: die Slawischen
Orstnamen derinsel Potsdam (Berlin, 1859) ; les Runes
slaves (en polonais, 1866). On a publié après sa mort :
les Dziady de Mickiewicz (Posen, 1863), et Leçons sur
la poésie polonaise dans la première moitié du xix« siècle
(Posen, 1870^; trad. en allemand, 1880, 2 vol.). L. L.
CYCADACÉES. I. Botanique, — (Cycadaceœ Lindl.).
Famille de Végétaux Dicotylédones, dont les représentants
tiennent à la fois des Palmiers par leur port, des Fougères
par leur préfoliation circinale et des Conifères par leur orga-
nisation. Ce sont des arbres ou des arbrisseaux à feuilles
longues, pennées, disposées en couronne au sommet du
tronc, roulées en crosse avant leur épanouissement. Les
fleurs, dioïques, sont disposées en chatons ou en cônes. Les
mâles sont formées d'écailies épaissies en forme de tête de clou
et portent à leur face inférieure de nombreuses étamines ré-
duites à des anthères uniloculaires ; les femelles sont sem-
blables aux mâles et portent alors, à la face inférieure de
chaque écaille peltée, deux ovules obliques ou renversés,
ou bien elles sont constituées par des feuilles avortées,
imbriquées en forme de cône sessile et munies, sur leurs
bords, de dents séparées, à l'aisselle de chacune desquelles
est inséré un ovule nu ou dressé. Les graines sont pour-
vues d'un albumen volumineux, au milieu duquel est placé
l'embryon.
Très abondantes aux époques géologiques anciennes, les
Cycadacées sont réduites de nos jours à quatre-vingt-dix
espèces environ réparties dans une dizaine de genres, dont
les principaux sont : Cycas L., Zamia L. et Encepha-
lartos Lehm. " Ed. Lef.
II. Paléontologie. — Au point de vue phylogènètique,
les Cycadacées, quoique susceptibles d'être rapprochées des
Conifères par la disposition ou la forme d'une partie de leurs
organes reproducteurs, se rattachent essentiellement au
stade « progymnospermique » de de Saporta et Marion,
et constituent même le seul type de la nature actuelle qui
soit dans ce cas. C'est un rameau détaché d'une souche
ancestrale diploxylée (V. Diploxylées) dont elles tiennent
le plan cauHnaire et le double faisceau foliaire. Par la
structure de leur tige, elles offrent en effet des rapports
éyidents avec les Poroxylées, les Cordaïtes et même les
Sigillarinées.
Cette structure est essentiellement caractérisée par l'exis-
tence d'un anneau ligneux ou bois primaire entourant la
moelle et dépourvu extérieurement de zones d'accroisse-
ment périphérique, mais entouré de parenchyme libérien
qui sépare ce bois des rangées de bois secondaire ou hm
cortical, d'origine postérieure et différente, et entre les-
quelles il pénètre, enfin d'un parenchyme cortical et d'une
dernière zone sus-épidermique ou d'accrescence périphé-
rique. De plus, quoique les feuilles de Cycadacées soient
pinnées ou bipinnées, la forme des carpophylles et des andro-
phylles, c.-à-d. des bractées foliaires supportant les parties
sexuées, permet de supposer que primitivement ces feuilles
étaient entières et simples ou lobées et incisées sur les
bords ou encore bipartites, d'où des analogies évidentes avec
les Cordaïtes et les Sahsburiées prototypiques.— Quoi
qu'il en soit, les Cycadacées dont on trouve les empreintes
-- 681 —
CYCADACÊES
Zamiostrobus
portanus Schimp.
Cône femelle.
et les restes silicifiés dans diverses couches géologiques,
n'ont jamais présenté des combinaisons très variées de
formes. Les paléontologistes ont établi des genres en se ser-
vant soit des feuilles, soit des inflo-
rescences, des fruits, des troncs;
mais les efforts faits pour rappro-
cher les genres créés isolément d'après
ces diverses parties n'ont amené que
la confusion et donné lieu à une
synonymie inextricable. De Saporta a
cherché à introduire quelque ordre
dans ce chaos ; les feuilles ou impro-
prement frondes, les pétioles et les
écailles gemmaires sont représentés
par les genres Cycadites Brgt, Po-
dozamites F. Br., Zamites Brgt,
Otommites F. Br., Sphenozamites
Brgt, Cycadorachis Sap. et Cyca-
dolepis Sap. ; les organes de la
fructification mâles et femelles par les
genres Androstrobiis Schimp., Cy-
cadospadix Schimp., Zamiostrobus
Endl. et Cycadeospermum Sap.; anfin les tiges ou frag-
ments de tiges par les genres Bolbopodium Sap., Cylin-
dropodium Sap., Platylepis Sap., Clathropodium Sap.,
Fittonia Carr. et Cycadomyelon Sap.
Les vraies Cycadacées, celles que nous venons d'énumérer,
ne remontent guère au delà du permien ou du carbo-
nifère supérieur. Mais l'origine du groupe est plus ancienne,
car nous voyons dès le car-
bonifère moyen apparaître
les Nœggerathia, du type
du N, foliosa Sternb. de
Radnitz, qui appartient au
carbonifère moyen ; c'était
une Cycadacée toute primi-
tive (V. Nceggerâthia).
Ad. Brongniart a en outre
signalé dans le carbonifère
des Cycadoxylées, autres
Cycadacées primitives, tel-
les que Colpoxylon
Brongn. et MeduUosa Coi-
ta, et ajoutons-y avec B.
Renault Cycadoxylon B.
Ben. (V. ces mots). En
somme , du carbonifère
moyen au permien et même
encore dans ce dernier terrain, les vestiges de Cycadacées
sont extrêmement rares. N'oublions pas cependant que
Grand'Eury a découvert une vraie Cycadacée dans le car-
bonifère supérieur de Monchanin (Saône-et-Loire), un Pte-
rophyllum Brgt, genre très puissant dans le trias, parti-
culièrement dans la couche keupérienne. Dans les terrains
secondaires, les Cycadacées deviennent de plus en plus nom-
breuses et même dominantes à l'époque jurassique ; ce sont
elles qui donnaient, avec les Conifères, leur caractère aux
forêts de cette époque, comme on le voit du reste sur des
coupes des dirt-beds de l'île de Portland. Le grès bigarré des
Vosges offre le Pterophyllum Hogardi Schimp. et Moug.
elle Zamites vogesiacus Schimp. et Moug., qui se conti-
nuent dans les marnes irisées en s'adjoignant de nouveaux
genres. Dans l'infralias ou rhétique, les genres sont nom-
breux; citons: Pterophyllum Brgt, Anomozamites
Schimp., Cte^iophyllumSohmi^.^ Pterozamites Schimp.,
Dioonites Born,, Podozamites F. Br., Cycadites, Cyca-
deospermum ; dans le lias on trouve : Glossozamites
Schimp., Cycadites^ Clathraria Schimp., Cycadospa-
diXf etc. , et en plus dans l'oolithe, l'époque de la plus grande
puissance des Cycadacées, Sphenozamites Brgt, Ptilophyl-
/wmMott, Cyclozamites,Rhombozamites, Zamiostrobus
Endl. , Beania Carr. , etc. Mais parmi ces nombreux genres,
les Cycadites et Podozamites seuls sont assez bien
Zamites epibius Sap.
Podozamites distans Presl.
connus pour permettre de déterminer leurs vraies affinités,
leurs rapports étroits avec les Cycas actuels et les Zamia
et Macrozamia 2ictne\s, et en même temps pourjeterdela
lumière sur les Cy-
cadacées secondaires
en général. On a du
reste trouvé au Groen-
land un vrai Cycas,
le G. Steenstrupi
Heer , extrêmement
voisin du Cycas re-
voluta actuel du Ja-
pon ; les Podozami-
tes étaient répandus
sur toute l'Europe,
la Sibérie et les ré-
gions polaires. Nous
devons une mention
spéciale au Beania
aracilis Carr., de
l'oolithe, et au Za-
miostrobus crassus
Schimp., du weal-
dien de l'île de
Wight. Le nombre
des Cycadacées est
déjà bien réduit dans
le corallien et dans le wealdien ; à partir de la craie supé-
rieure, on perd de vue les Cycadacées européennes, mais
comme le font remarquer de Saporta et Marion, les genres
secondaires aujourd'hui éteints ont dû y mener encore une
vie obscure et subordonnée, en sorte que leur disparition
définitive ne daterait que de l'âge tertiaire. En effet, dans
l'oligocène (miocène inférieur) ne restaient plus que le
Zamites epibiusSa^i. et le Zamiostrobus Saportanus
Schimp. ; ajoutons, comme l'une des dernières Cycadacées
de l'Europe, VEncephalartos Gorceixianus Sap., du mio-
cène de Koumi (Eubée), appartenant à un genre africain
actuel, qui a rétrogradé vers le S. avec bien d'autres
plantes. Ainsi, avancées jusque vers le pôle, les Cycadacées
ont été refoulées vers les zones
chaudes par suite du refroidis-
sement progressif des régions
polaires pendant la période ter-
tiaire, ainsi que les Fougères
arborescentes et les Palmiers
avec lesquels elles présentent
du reste une ressemblance de
port frappante ; en même temps
leur nombre a considérablement
diminué. L'Europe n'en possède
plus depuis la fin du miocène;
il en reste au sud du Japon, mais
elles ont disparu des îles plus
septentrionales et de l'île de
Sakhalien, également à l'époque
miocène.
Les Cycadacées se divisent en
quatre groupes naturels, parmi
lesquels les Encephalartées ne
sont représentées aux époques
géologiques que par l'espèce
ci-dessus citée et les Stangé-
riées n'ont pas encore été trou-
vées à l'état fossile. Il est donc
infiniment probable que les Cy-
cadacées fossiles se rapportaient
presque exclusivement aux deux familles des Cycadées
proprement dites et des Zamiées qui dominent égale-
ment aujourd'hui. Le nombre d'espèces fossiles connues
approche de trois cents. — Nous avons vu que le genre
le mieux connu de la famille des Cycadacées est Cyca-
dites Sternb. , dont les feuilles se rencontrent dans la
Zamites Moreaui Brgt.
CYCADACÉES — CYCLAMEN
^ 682 —
nouille, le lias, le jurassique et le wealdien ; on y trouve
également des inflorescences, des restes de fleurs femelles,
rarement des graines; d'après de Saporta les Cycados-
padix Schimp. ne sont peut-être que des inflorescences
de Cycadites et VAndrostrobus zamioides Schimp. se
rapporte peut-être à un Cycadites inconnu. Ce qui est
certain, c'est que les Cycadites sont voisins des Cycas,
sinon identiques avec eux ; nous avons mentionné plus
haut la seule espèce fossile connue de Cycas vrai.
11 y a lieu probablement de rapprocher des Cycadites
les Cycadoidea de Buckland, se rapportant à des troncs
trouvés dans le di^'t-bed de l'île de Portland (étage pur-
beckien du Jura supérieur) ; ce sont des tiges courtes et
épaisses, à peu près sphéroïdales, dont l'anneau (corps)
ligneux primaire embrasse un cylindre médullaire volu-
mineux, et qui par leur apparence extérieure rappellent
les troncs de Cycas actuels. Buckland en a décrit deux
espèces, le C. megalophylla et le C. microphylla; de
Saporta n'admet plus ce genre dont il disperse les espèces
parmi les genres Cylindropodium, Platylepis, Clathro-
podium, Fittonia^ etc. Quant à la famille des Zamiées,
le jurassique et le wealdien renferment des cônes ovoïdes
pédoncules, rappelant ceux des Zamia actuels; les carpo-
phylles sont scutiformes et hexagonaux, avec une ou deux
graines à la base ; ce sont les Zamiostrobus, Les terrains
secondaires, lias, jurassique, etc., renferment des frondes
qui se rapportent entre autres au genre Zamites^ voisin
des Zamia actuels, et caractérisé par des folioles entières
et lancéolées ; le Z. articus Gœpp. se trouve dans la craie
inférieure du Groenland ; au genre Podoza^nites^ à folioles
lancéolées , rétrécies intérieurement , le genre le mieux
déterminé de cette famille ; au genre Otozamites^ à folioles
lancéolées ou de forme diverse, ovale, ronde, etc., selon les
espèces ; les Oiozamites ne sont pas toujours faciles à dis-
tinguer de certaines Fougères, les Odontopteris et Cyclop-
teris par exemple. Les plus petites formes connues appar-
tiennent à ce groupe. On rapproche avec plus ou moins de
raison de ce même groupe précédent les Pterophyllum et
les Nilssonia Brgt connus seulement par leurs frondes et
s'étendant les premiers du houiller et du rothliegende au
wealdien, les autres du rhétien au miocène (de l'île Sakha-
lien). Ces deux genres, d'après de Saporta et Marion, se
rapportent probablement à un type de Cycadacées primitives
disparu (V. Pterophyllum et Nilssonia). D^L. Hahn.
BiBL. : Paléontologie. — Sghimper, Traité de paléont.
végét. — Heer, Flora fossiles arctica. — De Saporta,
Paléontol. française. — De Saporta et Marion, l'Evolu-
tion du règne végétal. Phanérogames., 1885.
CYCADITES (Paléont.) (V. Cycadacées).
CYCADOIDEA (Paléont.) (V. Cycadacées).
CYCADOPTERIS (Cycadopteris Schimp.) (Paléont.).
Genre de Fougères fossiles, de l'ordre de Neuroptéridées,
caractérisé par une fronde bipinnée, à rachis épais et
sillonné. On en connaît trois espèces de l'oolithe et de
l'infralias.
CYCADOXYLON (Paléont.). Genre de plantes fossiles,
créé par Renault pour une espèce du terrain carbonifère,
et dont la structure anatomique, observée sur un rameau,
offre de grandes analogies avec celle des jeunes tiges de
Cycadées. C'est le type du groupe des Cycadoxylées qui
renferme encore les genres Colpoxylon Ren. et Medullosa
Cotta (V. ces mots). Les Cycadoxylées peuvent être consi-
dérées comme des Cycadacées primitives, rentrant avec les
Poroxylées, les Cordaïtées, les Sigillarinées, etc., dans le
groupe des Diploxylées de B. Renaut. Seulement chez
eux l'anneau de bois primaire qui entoure la moelle est
discontinu et formé de lames éparses rayonnantes, ainsi
que l'anneau de bois secondaire ou cortical. D^ L. Hn.
CYCAS. L Botanique. — {Cycas L.) Genre de plantes
qui a donné son nom à la famille des Cycadacées (V. ce mot).
Il se compose d'arbres et d'arbustes, à tronc cylindrique,
couvert sur tout sa périphérie des cicatrices des feuilles
tombées. Les fleurs sont dioïques ; les mâles, disposées en
épis pédoncules, formés d'écaillés uniformes, serrées et
imbriquées. Les inflorescences femelles sont semblables pour
la forme aux inflorescences mâles. Les fruits sont des drupes
dont les graines sont pourvues d'un albumen abondant. —
Les Cycas habitent les régions chaudes de l'Asie, de l'Ar-
chipel indien et de l'Australie. Leur tronc renferme une
moelle centrale riche en fécule, qui fournit des sagous d'ex-
cellente qualité, très recherchés dans les Indes. Les espèces
Cycas circinalis L.
les plus importantes à ce point de vue sont le C. revoluta
Thunb. et le C. circinalis L., que l'on cultive fréquemment
dans les serres chaudes de l'Europe. Le C, circinalis
fournit, en outre, une gomme transparente, assez sem-
blable à la gomme adragante, qui est très employée aux
Moluques, dans le traitement des ulcères de mauvaise
nature. Ed. Lef.
IL Paléontologie (V. Cycadacées).
CYCHREUS (Myth.), fils de Neptune et de Salamis,
régna dans l'île de Salamine qu'il délivra d'un dragon.
Suivant Pausanias (I, 36, i), un dragon s'étant montré
pendant la bataille de Salamine, l'oracle déclara que c'était
le héros Cychreus qui avait revêtu cette forme.
C YC H R U S {Cijchrus Fabr.) (Entom.) . Genre d'Insectes-
Coléoptères, voisins des Carabus (Y. Carabe), dont ils dif-
fèrent surtout par les hanches
postérieures séparées et le der-
nier article des palpes très
grand, à face supérieure con-
cave. Le C. caraboides L.
[C. rostratus L.), que nous
représentons, est long de 16
à 48 millim. et d'un noir peu
brillant. Son corps est très
épais, très convexe, avec la
tête allongée, le prothorax pe-
tit, rétréci en arrière, les
élytres soudées, finement cha-
grinées, les pattes longues et
grêles. Il est commun en Eu-
rope, surtout dans les régions
montagneuses ; on le trouve
aussi, mais plus rarement, dans les forêts froides et les
bois humides des plaines, sous la mousse, les pierres, les
bois pourris, etc., otiil se nourrit de mollusques terrestres.
Quand on le saisit, il fait entendre une stridulation spé-
ciale, due au frottement de l'abdomen contre les élytres. Sa
larve a été décrite et figurée par Westwood (Introd. to
the modem Classif., I, 68, fig. 2). Ed. Lef.
CYCLADES. Groupes d'îles de V Archipel (V. ce nom),
bassin de la Méditerranée orientale ; il sera décrit au mot
Grèce, où seront énumérées les îles qui le composent ; les
détails relatifs à chacune d'elles seront donnés à son nom
(V. Andros, Delos, Naxos, etc.).
CYCLAMEN. I. Botanique. — (Cyclamen L.) Genre
de plantes de la famille des Primulacées, composé d'herbes
vivaces, dont la souche souterraine donne naissance à des
feuilles longuement pétiolées, épaisses, ovales ou suborbi-*
Cychrus caraboides L.
— 683 -
CYCLAMEN - CYCLE
Cyclamen europeeum L.
culaires, rougeâtres en dessous, vertes et souvent maculées
de blanc en dessus, et à des pédoncules grêles, plus ou
moins allongés, terminés chacun par une fleur penchée. Le
calice est quinquépartit , la corolle brièvement tubercu-
leuse, avec le limbe
divisé en cinq lobes lan-
céolés, dressés et con-
tournés en spirale avant
Fanthèse, puis réfléchis.
Le fruit est une capsule
qui s'ouvre à la matu-
rité en cinq valves pour
laisser échapper les
graines, qui sont albu-
minées. L'espèce type,
C, europœumh., qu'on
appelle vulgairement
Cyclame, Arthanita,
Pain de pourceau, croît
dans les bois mon-
tueux, en France et
dans plusieurs contrées de l'Europe. On la cultive très
fréquemment dans les jardins et les serres pour ses jolies
fleurs odorantes, roses, purpurines ou blanches. Il en est
de même des C. persicum MilL, C. Coum MiW. et C, re-
pandum Sibth. qui ont fourni, par les semis, de très
belles variétés. ^ Ed. Lef.
IL Thérâpeutique.^ — Le rhizome de* cyclame, quoique
mangé sans inconvénient par les cochons, d'où le nom de
« pain de pourceau », n'est pas sans danger pour l'homme.
Il renferme un principe irritant, la cyclamine. Frais , le
rhizome agit comme un drastique puissant et même comme
un poison acre et irritant, provoquant de la gastro-entérite,
des selles sanguinolentes, parfois des convulsions et la mort.
On l'a employé comme purgatif, emménagogue, résolutif, etc.;
le suc de cyclame faisait la base de l'onguent [d'arthanita
qui en frictions sur le ventre agit comme purgatif et vermi-
fuge. Les propriétés dangereuses du rhizome de cyclame
disparaissent par la dessiccation et on peut en retirer une
fécule ahmentaire abondante. L'action de la cyclamine a été
étudiée par un grand nombre de physiologistes, mais tandis
que les uns lui attribuent une action curarisante ou directe
sur le système nerveux central, pour d'autres, l'action est
purement celle d'un irritant local avec propagation de proche
en proche dans les tissus et intoxication du sang. 11 n'a
jamais été question d'une application thérapeutique de la
cyclamine. Les pêcheurs calabrais se servent du suc du
rhizome de cyclame pour prendre le poisson ; celui-ci
engourdi vient surnager et sa capture est aisée. D^L. Hn.
CYCLAMINE.LCHiMiE.^Form. j g^J^; cïSIo,
La cyclamine ou arthanitine est un glucoside trouvé
par Saladin dans le Cyclamen europœum, isolé à l'état de
pureté par de Luca ; d'après Mutschler, elle serait iden-
tique avec la primuline et probablement aussi avec la
saponine. On la prépare en épuisant par l'alcool à 70°
bouillant les tubercules de la plante ; par concentration,
elle se dépose sous forme d'une poudre blanche, qu'on
purifie par plusieurs cristallisations dans l'alcool, en pré-
sence du noir lavé. A l'état de pureté, elle est formée d'ai-
guilles enchevêtrées, groupées concentriquement ; elle est
hygroscopique, soluble dans l'alcool et la glycérine, inso-
luble dans l'éther et le chloroforme ; sa solution aqueuse,
qui est opalescente, mousse comme l'eau de savon et se
coagule à 60-70^, ou encore sous l'influence du chlore et
du brome. L'eau bouillante, les acides dilués, l'émulsine la
dédoublent en glucose dextrogyre et en cyclamirétine ;
d'après de Luca, une solution a(jueuse se transforme len-
tement en glucose et en mannite, ce dernier principe se
retrouvant seul dans les fermentations prolongées. L'acide
sulfurique dissout la cyclamine ; la solution rouge est-elle
additionnée d'eau, il se précipite de la cyclamirétine, corps
identique, d'après Mutschler avec la sapogénine. Tandis
que la cyclamine ne fond qu'à 236», en brunissant, la
cyclamirétine fond à 498°. Ed. Bourgoin.
IL Thérapeutique (V. Cyclamen).
BiBL. : Klinger, Journ. ch. met., t. VI, 417. — De Luca,
Compt, rend., t. XLIV, 723 ; t. XLVII, 295, 328. -
Mutschler, Soc, ch., t. XXIX, 77.
CYCLAMOR (Blas.). Grand anneau plat qu'on désigne
parfois sous le nom d'orle rond ; il n'est jamais en nombre
dans l'écu.
CYCLANTHÉES {Cyclantheœ Poit.) (Bot.) . Groupe de
Végétaux Dicotylédones, considéré par les uns (V. Van
Tieghem, Tr.de Botanique, p. 1358) comme une famille
distincte ; par les autres (V. Endlicher, Gen. plant, , p. 243)
comme une tribu de la famille des Pandanées, caractérisée
par les feuilles flabellées, partîtes ou pinnèes et par les
fleurs ordinairemement pourvues d'un périanthe. Ce petit
groupe renferme principalement les genres Carludovica B.
et Pav. et Cyclanthus Poit., dont l'espèce type, Cbipar-
titiis Poit., originaire de la Guyane, est cultivée dans les
serres chaudes de l'Europe. Ed. Lef.
CYGLAS (V. LuciNA et Cyrena).
CYCLE. I, Astronomie (V. Année).
IL Chronologie. — On nomme cycle une période de
temps après laquelle certains phénomènes astronomiques se
reproduisent dans le même ordre. Le mois lunaire et l'an-
née solaire forment ainsi des cycles ; mais en général on
a réservé le nom de cycle à des périodes plus étendues.
Dans la plupart des calendriers on a essayé de combiner
le cours du soleil qui règle les saisons avec celui de la
lune qui avait donné lieu à la divison de l'année en mois,
et qui de plus déterminait, dans presque toutes les reli-
gions, la date de certaines fêtes. Pour cela on devait recher-
cher des rapports qui permissent de coordonner l'année
solaire et l'année lunaire. C'est ce qui a donné naissance
aux principaux cycles.
Chez les Grecs oti les fêtes d'institution ancienne se
célébraient à des dates en relation avec les phases de la
lune, — tandis que, par suite de remaniements successifs,
l'année avait été amenée à être en concordance avec le
cours du soleil, — Méton observa que dix-neuf années
solaires comprenant deux cent trente-cinq lunaisons, après
dix-neuf années les mêmes phases de la lune revenaient
aux mêmes dates. Il suflîsait donc de fixer les dates des
fêtes lunaires dans une période de dix-neuf ans une fois
pour toutes. Le cycle de Méton fut adopté par les Grecs
en l'an 433 av. notre ère. Il fut remplacé environ un siècle
plus tard par le cycle de Callippe qui, pour plus de pré-
cision, donna à son cycle une durée de soixante-seize années
comprenant neuf cent quarante lunaisons.
Le calendrier ecclésiastique chrétien eut besoin de recou-
rir à des artifices analogues pour régler la célébration des
principales de ses fêtes religieuses empruntées au calen-
drier lunaire des Juifs, et dont il fallait déterminer la date
dans le calendrier solaire Julien. On imagina successive-
ment des cycles plus ou moins imparfaits de huit, de seize,
de quatre-vingt-quatre ans ; mais celui qui prévalut fut le
cycle de dix-neuf ^ ans, emprunté aux Grecs par l'Eglise
d'Alexandrie, et qui finit par être adopté au ix® siècle dans
toute la chrétienté. Il était nommé, par les anciens compu-
tistes, circulus decemnovennalis ou 7iombre d'or; on
n'est pas d'accord sur l'origine et l'explication de cette der-
nière dénomination gui n'a pas cessé d'être employée dans
le comput ecclésiastique et figure encore sur nos calen-
driers. On en avait fixé le point de départ à l'année de
la naissance de Jésus-Christ, par conséquent l'an premier de
notre ère correspond à la deuxième année du cycle de dix-
neuf ans. Les Israélites ont également adopté, depuis l'an
338 de notre ère, ce cycle de dix-neuf ans qui est devenu
la base de leur calendrier ; il ne diô'ère du précédent que
par le point de départ: le nombre d'or 1, ou première
année du cycle de dijc-neufans, correspond à l'an 17 du
cycle des Juifs; c'est à ce dernier qu'on applique plus spé-
cialement le nom de cycle lunaire.
CYCLE
— 684 —
Le cycle de dix-neuf ans permettait d'obtenir la corres-
pondance des quantièmes des dates du calendrier Julien
avec les phases de la lune; mais, comme les fêtes reli-
gieuses doivent être non seulement en relation avec le
cours de la lune, mais encore être célébrées un certain
jour de la semaine, cette période ne suffisait pas à déter-
miner exactement la date de leur célébration. On y a pourvu
à l'aide du cycle solaire. On nomme ainsi une période de
vingt-huit années juliennes après lesquels les jours de la
semaine se retrouvent aux mêmes quantièmes que dans
l'année correspondante de la période précédente. Si l'on
observe en eifet qu'une année commune se termine toujours
par le même jour de la semaine qu'elle commence, et que
tous les quatre ans une année bissextile vient ajouter un
jour à cette progression régulière, on arrivera au bout de
quatre fois sept ans à voir recommencer une série d'années
où la correspondance des quantièmes et des jours de la
semaine se reproduira dans le même ordre. Le rang d'une
année dans un cycle solaire étant donné, on avait la cor-
respondance entre les quantièmes et les jours en prenant
celle de l'année de même rang d'un cycle quelconque. On
voit que c'est très improprement qu'on a donné à cette
période le nom de cycle solaire, car elle n'a aucun rapport
avec le cours du soleil.
Si l'on combine le cycle lunaire avec le cycle solaire
(19 X 28) on obtient une période de cinq cent trente-deux
années après lesquelles les quantièmes, les jours de la
semaine et les phases de la lune se reproduisent et corres-
pondent entre eux dans le même ordre qu'auparavant. Dès
le VII® siècle on a utilisé cette période pour dresser des
tables de Pâques, aussi a-t-elle été appelée cycle pascal,
La réformation du calendrier en 4582 a naturellement
dérangé ces calculs. En ce qui touche le cycle de dix-neuf
ans, il n'est pas tout à fait exact de dire que dix-neuf
années solaires comprennent deux cent trente-cinq lunai-
sons ; elles comprennent en réalité environ deux heures de
moins et cette erreur accumulée pendant des siècles avait
apporté de graves perturbations dans le calendrier. On
remit les choses en place en 1 582, et l'on substitua le sys-
tème des épactes (V. ce mot) à celui du nombre d'or pour
fixer la date des fêtes de l'Eglise. Toutefois, la tradition fit
conserver depuis lors l'indication du nombre d'or dans le
calendrier.
Quant au cycle solaire, la suppression de Tinter calation
dans trois années séculaires sur quatre l'a complètement
modifié. La durée de la période récurrente d'intercalation
dans le calendrier Grégorien étant de quatre cents ans, ce
ne serait qu'après quatre cents fois sept ans, ou deux mille
huit cents ans que les jours de la semaine et les quantièmes
coïncideraient pendant des périodes d'années indéfinies.
Un cycle aussi long ne peut avoir aucune utilité. L'usage
a fait conserver l'ancien cycle de vingt-huit ans, qui ne
subit d'interruption qu'à chaque année séculaire rendue
commune par la réforme. L'indication de l'année du cycle
solaire figure encore sur presque tous les calendriers
qui l'empruntent à VAnmmire du Bureau des longi-
tudes, A. G.
III. Mathématiques. — On appelle ainsi un contour
d'intégration relatif à une fonction algébrique formé de
lacets choisis de telle sorte qu'à la sortie du dernier lacet
la fonction reprend la valeur qu'elle avait à rentrée du
premier. L'intégrale d'une fonction algébrique prise le
long d'un cycle est une période de cette intégrale.
M. Halphen a donné le nom de cycle à la courbe ou à
la portion de courbe réelle ou imaginaire représentée par
une équation de la forme
(1) y^b = k{X'-a)'^-V-'^{x — af-\-,„
a, h sont les coordonnées de V origine du cycle; n^ a, p,
... sont des entiers. Le premier est V ordre du cycle, enfin
A, B, ... sont des constantes. Le second membre de (1)
contient un nombre limité ou illimité de termes ; dans ce
dernier cas, il est convergent. La considération des cycles
est importante dans la théorie des courbes algébriques et
des fonctions abéliennes.
IV. Physique. — Cycle de Carnot, Lorsqu'un corps
change de volume, il y a en général dans ce phénomène
production ou consommation de travail mécanique. Mais,
dans la plupart des cas, il n'est pas possible de mesurer
directement le travail produit ou consommé, parce que, outre
le travail extérieur, il y a, en général, un travail intérieur.
Pour effectuer cette mesure, Carnot a fait passer le corps
par diverses modifications coordonnées de telle sorte qu'il
revient précisément à son état primitif. Alors, s'il y a eu
un travail intérieur dans quelques-unes de ces modifications,
il se trouve compensé dans les autres, et le travail exté-
rieur qui reste après ces modifications est la mesure exacte
de tout le travail produit. Clapeyron a eu l'idée de repré-
senter graphiquement ce procédé. Le cycle de Carnot,
représenté graphiquement, se compose de deux lignes iso-
thermes et de deux lignes adiabatiques (V. Chaleur et
Thermodynamique). A. F.
V. Botanique (V. Phyllotaxie) .
Vï. Littérature (V. Cycliques [Poèmes]).
VII. Enseignement. — Cycles ou Cercles concen-
triques, — Cette expression est entrée dans l'usage lors
de la création de l'enseignement secondaire spécial (loi du
21 juin 1865 et instructions ministérielles qui suivirent).
Elle désigne une façon particulière de concevoir les pro-
grammes et de répartir les matières entre les diverses
années d'études. « Le plan général des nouvelles études,
disait M. Duruy dans sa circulaire du 6 avr. 1866, diffère
essentiellement de celui des études classiques. Lorsqu'un
élève entre au lycée, c'est pour en suivre successivement
toutes les classes. Nous sommes donc assurés de son
attention et de son travail pendant sept ou huit ans, et
nous disposons nos méthodes en conséquence. Presque
tous les fruits de l'enseignement classique seraient perdus
pour celui qui n'achèverait pas le cours entier des études.
Mais l'enseignement spécial a été institué en faveur des
enfants qui ne peuvent disposer d'un aussi gros capital de
temps et d'argent. Beaucoup n'iront pas jusqu'à la fin des
cours ; quelques-uns même n'y resteront qu'une année ou
deux. Il a donc fallu distribuer les matières de cet ensei-
gnement de telle sorte que chaque année d'études formât
un tout complet en soi, et que les plus indispensables
fussent placées dans les premiers cours, afin que, sil es
exigences de la vie forçaient un élève à quitter prématu-
rément le collège, il fût assuré d'en emporter, à quelque
époque qu'il en sortît, des connaissances immédiatement
utiles. Les études des diverses années consacrées à cet
enseignement formeront ainsi comme un ensemble de
cercles concentriques, » L'intention était bonne, et, par
un vrai tour de force, plusieurs des programmes ainsi
conçus se trouvèrent excellents. L'idée est spécieuse et
bien qu'abandonnée peu à peu dans les remaniements qui
suivirent, elle hante encore plus d'un esprit. L'idéal ne
serait-il pas, en effet, dans l'organisation de l'enseignement
secondaire, de trouver un plan d'études convenant à la fois
à tout le monde, à ceux qui ont le temps et à ceux qui ne
l'ont pas, à ceux qui manquent d'aptitudes comme à ceux qui
en ont le plus ? Malheureusement, c'est la quadrature du
cercle. Toute éducation digne de ce nom est oeuvre de
longue haleine. Il y a quelque chose de paradoxal à orga-
niser un enseignement en pensant premièrement à ceux
qui n'auront pas le temps de le suivre, à demander aux
études à la fois de s'enchaîner et d'avancer, pour les élèves
qui restent jusqu'au bout et de former à chaque instant
un tout complet, un bagage immédiatement utilisable pour
ceux qui doivent ou qui veulent partir avant la fin. Je dis
qui veulent : car n'est-ce pas un peu inviter à la déser-
tion des études qu'on organise, que de les organiser
expressément de telle façon qu'on puisse toujours les
quitter sans s'apercevoir du préjudice ? C'était réagir à
l'excès contre le défaut d'ailleurs réel des études classi-
685 -
CYCLE - CYCLIQUE
ques, qui était alors^ qui est encore, malgré les réformes,
de faire attendre de longues années des fruits trop souvent
médiocres et quelquefois problématiques. La mesure reste
encore à trouver. H. M.
CYCLIDE (Math.). La cyclide primitivement définie et
étudiée par Dupin est la surface transformée d'un tore par
rayons vecteurs réciproques ; c'est aussi la transtormée par
rayons vecteurs réciproques d'un cône de révolution. On
peut la considérer comme l'enveloppe d'une sphère variable
tangente à trois sphères fixes. C'est la seule surface dont
toutes les lignes de courbure soient circulaires. En 4873,
M. Darboux a proposé de désigner cette surface sous le
nom de cyclide de Dupin et de comprendre sous le nom
général de cyclides toutes les surfaces du quatrième degré
qui admettent le cercle de l'infini pour ligne double. Comme
cas particulier, il peut arriver que le plan de l'infini fasse
partie de la surface et alors la cyclide proprement dite est
seulement du troisième degré, sans ligne double. Si une
cyclide possède, en dehors du cercle de l'infini, un point
double, elle est la transformée par rayons vecteurs réci-
proques d'une surface du second degré, autrement dit d'une
quadrique. Si la quadrique est un cône quelconque, la
cyclide a deux points doubles ; si la quadrique est de révo-
lution, la cyclide a trois points doubles, dont deux imagi-
naires. Pour la cyclide de Dupin, le nombre des points
doubles s'élève à quatre. L'équation générale des cyclides
est: {x^+y^^-hz^-hu^Y^tt^, en désignant par w^ un
polynôme homogène du premier degré et par u^ un poly-
nôme quelconque du second degré. Une cyclide peut, de
cinq manières différentes, être considérée comme l'enve-
loppe d'une série de sphères qui coupent à angle droit une
sphère fixe, tandis que leur centre décrit une quadrique.
A ces cinq modes de génération correspondent dix séries
de sections circulaires. La sphère fixe est appelée sphère
directrice et la quadrique se nomme surface déférente. Les
cinq sphères directrices sont orthogonales, et les cinq qua-
driques déférentes sont homofocales. Si l'on lait une trans-
formation par rayons vecteurs réciproques en prenant pour
pôle le centre d'une sphère directrice et pour module son
rayon, la cyclide demeure invariable ; elle est donc anal-
lagmatique de cinq manières différentes. Si l'on appelle
Si, S^, Sg, S4, S5 les puissances d'un point par rapport
à cinq sphères fixes, orthogonales, ayant pour rayons
Rj, R^, R3, R4, R5 ; si a|, a^, %, a^, «5 désignent cinq
constantes, et a un paramètre arbitraire, l'équation :
l-aMJ ^X-aXKj ^l-as\hj
±.(bY+-±-(^Y=0.
représente un système de cyclides homofocales. En chassant
les dénominateurs, on obtient une équation du troisième
degré en X, car le coefficient du terme en 1'^ est identique-
ment nul. Par conséquent, par un point de l'espace passent
trois cyclides du système. On démontre que ces cyclides se
coupent orthogonalement, et le théorème de Dupin permet
d'en conclure qu'elles se coupent suivant leurs lignes de
courbure, qui sont par suite algébriques. Il y a là une
généralisation remarquable des propriétés des quadriques
homofocales. Ces résultats ont été trouvés presque simul-
tanément en 4864 par MM. Darboux et Moutard. Il faut
ajouter qu'une cyclide peut être divisée en carrés infini-
ment petits par ses lignes de courbure. Enfin, les droites
situées sur une cyclide du quatrième ordre sont au nombre
de seize et forment huit cercles de rayon nul ; ces seize
droites sont les enveloppes des lignes de courbure.
L. Lecornu.
BiBL.: Darboux, Sur une Classe remarquable de courbes
et de surfaces algébriques ; Paris, 1873. — Humbert, Sur
les Surfaces cyclides^ dans le Journal de l'Ecole polytech-
nique^ 1885.
CYCLI N A (Malac). Genre de Mollusques-Lamellibranches,
de l'ordre des Vénéracés, établi par Deshayes en 4849
pour une coquille orbiculaire peu convexe, bien close, à
bords internes ordinairement simples; équi valve, inéqui-
latérale ; sommets développés, inclinés en avant ; charnière
large, composée de trois dents cardinales, petites, diver-
gentes, la postérieure canaliculée ; dents latérales nulles.
Ligament étroit, allongé, en partie caché. Impressions mus-
culaires grandes ; l'antérieure est ovale, la postérieure
semi-lunaire. Impression palléale profonde et anguleuse.
C. chmensis Chemnitz. Habite les mers de F Asie, côtes de
la Chine et de l'Inde. J. Mâbille.
CYCLIQUE. L Mathématiques. — Déterminant cy-
clique. On appelle déterminant cyclique un déterminant de
la forme
A=i:
«i a^ «3
a^ «1 a^
a^ a^ a^ ... a^
Si l'on suppose f{x) ==: % + a^^ + . . . -f- à^x^-^. et si l'on
appelle a,a^,... a^ les racines n de l'unité, on a
A=/-(«)A«') •••/■(«")•
IL Géométrie. — On appelle cycliques les courbes
du genre un et du quatrième ordre qui passent par les
ombilics du plan. M. Darboux a donné ce nom aux courbes
du quatrième ordre, résultant de l'intersection d'une sphère
et d'une surface quelconque du second degré, ainsi qu'aux
courbes planes qui se déduisent de celles-là au moyen
d'une transformation par rayons vecteurs réciproques. Les
cycliques planes comprennent : la cubique circulaire, les
ovales de Descartes, la cissoïde, la lemniscate, etc. Les
cychques sphériques comprennent : les coniques sphériques,
la fenêtre de Viviani, les sections sphériques du tore et des
cyclides, etc. Les cycliques possèdent, sur la sphère et dans
le plan, des propriétés analogues à celles des cycMdes dans
l'espace (V. Cyclide).
"Plans cycliques. On appelle plans cycliques d'une qua-
diique ceux qui coupent cette surface suivant des cercles
réels ou imaginaires. Les plans cycliques sont parallèles
aux axes de la surface. Soit f(x^y,%) ■=z 0 l'équation du
cône des directions asymptotiques d'une quadrique, s une
racine de l'équation obtenue en égalant à zéro le discri-
minant de f— s{x^ -\- y^ -\-^), Un couple de plans
cycliques sera donné par l'équation
Il y a donc, en général, six directions ou trois couples de
directions cycliques ; le point de contact d'un plan cyclique
tangent est un ombilic.
ni. Métrique. — Les poésies lyriques des Grecs pré-
sentent souvent des pieds plus longs que les autres, en ap-
parence au moins, par exemple des dactyles entremêlés
aux trochées. Il est certain que, dans les pièces chantées
et dansées, la longueur totale de tous les pieds doit être
égale, c.-à-d. que les trois syllabes du dactyle sont équi-
valentes aux deux du trochée, et qu'il se prononçait par
conséquent plus vite que le dactyle de l'hexamètre. Ces dac-
tyles rapides sont appelés d'ordinaire cycliques, chez les
métriciens modernes, qui se sont fondés surtout sur un
passage de Denys d'Halicarnasse {J)e Compos. verb. , 4 7). Ce
nom vient peut-être de ce que les pieds ainsi abrégés étaient
usités dans les chants accompagnant des danses circulaires.
Le dactyle cyclique se combine aussi avec les iambes, et
l'on trouve de même des anapestes cycliques. On a discuté
beaucoup sur la longueur proportionnelle des trois syllabes
du dactyle cyclique, mais on ne peut faire à ce sujet que
des hypothèses. Denys, dans le passage cité, dit même for-
mellement que l'on ne peut dire « de combien est abrégée
la longue ». (V. Christ, Métr., pp. 55 et 598.) A.Waltz.
IV. Histoire littéraire. — Poèmes cycliques dans
l'Antiquité, On désigne sous ce nom un ensemble de poèmes
grecs appartenant à un développement poétique dont
V Iliade et V Odyssée furent comme la base et le centre.
Le nom qu'on leur donne, Itciho; xuxXo;, apparaît pour la
première fois au 1^^' siècle de notre ère (Philostrate,
Ep. 73), mais il doit vraisemblablement être beaucoup
plus ancien et remonter au moins à Zénodote d'Ephèse
CYCLIQUE
- m6
qui, au commencement du ni*^ siècle av. J.-C, procéda à
une re vision des poèmes épiques. Ces poèmes ont disparu,
et il ne nous en reste que des fragments. Nous pouvons
toutefois nous faire une idée assez précise du contenu de
quelques-uns d'entre eux et avoir quelques renseignements
sur leurs auteurs, grâce à deux documents précieux, la
Chrestomathie àe Proclus et l'inscription Borgia. La
Chrestomathie de Proclus,run des maîtres de Marc-Aurèle,
était une sorte de Cours de littérature en quatre livres
qui nous est connu par une analyse sommaire faite par
Photius (Biblioth., Cod., 239) et par des fragments impor-
tants conservés dans des Scholies d'Homère (Codex Esco-
rialensis^ Codex Venetus, 454); l'inscription Borgia est
un fragment d'une table iliaque qui donne les noms des
poètes cycliques et les titres de leurs poèmes {C. L G.,
t. III, n^ 6126). En combinant les divers renseignements
fournis par ces sources, on a pu hypothétiquement recons-
tituer le classement alexandrin des poèmes du Cycle ; le
voici tel que le donneWelcker (Der Epische Cyclus,. . ; Bonn,
4830-35, t. I, p. 35) : 1, Titanomachie ; 2, Danaïde ;
3, Atthide m Amazonie ; 4, OEdipodie; 5, Thébakle ou
Expédition d' Amphiaraos ; 6, Epigones ou Alcméonide ;
7, Minyade; 8, Prise d'OEchalie; 9, Chants Cyprie?is;
40, Iliade d'Romève ; 44, Ethiopide ; 42, Petite Iliade;
43, Prise dllios; i^^, Retours; 45, Odyssée d'Eomère;
46, Télégonie, Cette liste, dont la restitution est purement
conjecturale, a été modifiée par certains critiques ; on y
a, par exemple, ajouté une Théogonie ; on a changé l'ordre
de quelques-uns des poèmes ; mais, sous une forme ou sous
une autre, elle ne nous offre qu'un classement purement
artificiel. Ce cycle épico-historique, commençant à l'union
fabuleuse du Ciel et de la Terre et finissant au débarque-
ment d'Ulysse dans Ithaque où il est tué par son fils Télé-
gonos, ne s'est pas formé dans cet ordre et sans interrup-
tion.
V Iliade et V Odyssée^ qu'on trouve dans la liste Al exan-
drine, étaient depuis longtemps achevées et avaient éclipsé
les antiques poèmes qui traitaient des événements de la
guerre de Troie négligés par Homère, lorsque, vers le milieu
du viii® siècle avant notre ère, des hommes de talent, peut-
être des rhapsodes homériques, entreprirent de raccorder
à V Iliade et à VOdyssée\(i?> anciens chants tombés en dis-
crédit, de rendre aux diverses parties des légendes leurs
proportions primitives et de ramener, pour ainsi dire, V Iliade
et V Odyssée à leur rang de simples épisodes dans un grand
ensemble. Cette entreprise fut menée à bonne fin vers le
commencement du vi® siècle ; elle avait demandé un travail
d'environ deux cents ans. Par quelles phases ce travail
avait-il passé ? Dans quel ordre chronologique ces poèmes
avaient-ils été composés? A quels auteurs chacun d'eux
doit-il être attribué? Ce sont là des questions auxquelles
il serait aventureux de vouloir donner des réponses rigou-
reusement précises . Il ne faut pas oublier surtout que tous
ces poèmes passèrent d'abord, aux yeux des Grecs, pour
des œuvres d'Homère, que, plus tard, quand l'esprit cri-
tique fut éveillé, ils furent souvent considérés comme ano-
nymes, et que, enfin, l'attribution de tel ou tel de ces
poèmes à tel ou tel poète repose simplement sur des con-
jectures parfois assez arbitraires, ou sur des documents
contestables. Ces réserves étant faites et les combinaisons
artificielles des critiques anciens étant laissées de côté, on
peut aborder l'examen des poèmes cycliques ; on reconnaîtra
sans peine qu'ils forment tout naturellement trois groupes
bien caractérisés différant les uns des autres par les rap-
ports plus ou moins étroits qu'ils ont avec VIliade et
V Odyssée,
Au premier groupe appartenaient les poèmes qui ont
pour sujet la guerre de Troie. Ces poèmes ont été dans l'an-
tiquité beaucoup plus populaires que les autres; ils nous
sont par conséquent mieux connus. Les plus anciens sont,
très vraisemblablement, VEthiopide et la Prise d'Ilios
attribuées à Arctinos de Milet qui vivait vers le milieu du
viu® siècle avant notre ère (Suidas, s. v* 'Apxxîvoç).
V Ethiopide (A'iôtoTciç) tirait son nom de l'Ethiopien Mem-
non, fils de l'Aurore, et se composait de cinq chants. Il
débutait immédiatement après la mort d'Hector, par l'ar-
rivée des Amazones à Troie avec Penthésilée. Achille tuait
Penthésilée, puis Thersite qui s'était moqué de l'amour
d'Achille pour l'Amazone. De là s'élevaient parmi les
Achéens des dissentiments violents ; Achille allait à Lesbos
se purifier de son crime. Dans le sixième chant, Memnon
arrivait à son tour pour secourir les Troyens ; il tuait Anti-
loque et à son tour périssait sous la main d'Achille ; mais
celui-ci succombait au moment même de sa victoire, atteint
mortellement par Paris. Dans la dernière partie du poème,
Arctinos décrivait les funérailles d' Antiloque et d'Achille,
la querelle entre Ulysse et Ajax au sujet des armes du
héros, querelle qui se terminait par la défaite et le suicide
d'Ajax. La Prise dUhos Çlllou Espaiç) en deux chants,
ou peut-être en trois, continuait VEthiopide et ne faisait
même qu'un avec elle, suivant Robert [Bild tmd Lied
dans les Philologische Enter suehung en ^ 4882, t. V,
p. 223). Elle comprenait les épisodes du cheval de bois,
de Laocoon, de Sinon; la prise de Troie, l'incendie et les
massacres tels à peu près que Virgile les a racontés (En.,
chant II). La Petite Iliade ('IXtàç p,ixpà) du Lesbien Les-
chès (vers 660-657) appartient au siècle suivant. D'après
Proclus, ce poème aurait eu quatre chants et aurait com-
mencé à la folie d'Ajax pour finir au moment où le cheval de
bois entre dans Troie, mais il a dû avoir une étendue beau-
coup plus considérable (V. Aristote, Poétique^ 23 ; Pau-
sanias, X, 25, 26, 27), et donner un récit de la destruc-
tion même de Troie. Le poème qui dans la liste Alexan-
drine précède VIliade^ et qui porte le nom de Chants
Cypriens (KiSrcpta), avait pour but de réunir dans un récit
continu les événements de la guerre troyenne antérieurs à
Faction de VIliade. Son nom est peut-être tiré du lieu d'ori-
gine de son auteur, Stasinos de Chypre ; sa date ne sau-
rait être fixée, mais elle est assurément postérieure à la
date à laquelle ont été composées les œuvres d' Arctinos et
de Leschès. Ce poème, en onze chants, commençait à la
naissance d'Hélène ; venaient ensuite le jugement de Paris,
l'enlèvement d'Hélène, le rassemblement des Achéens, leur
première expédition en Teuthranie, leur second départ
d'AuHs, le sacrifice d'Iphigénie, leur débarquement en
Troade et les neuf années de combat sous les murs de
Troie jusqu'à la querelle entre Achille et Agamemnon. Les
rares fragments des Chaiits Cypriens suffisent à prouver
que leur auteur, Stasinos ou tout autre, était doué d'un
remarquable talent de description. Dans ce groupe des lé-
gendes troyennes, VOdyssée a aussi exercé son influence.
Deux poèmes avaient été destinés à l'encadrer : les Retours
et la Télégonie, Les Retours (Ndatoi), en cinq livres,
œuvre d'Agias de Trézène, peut-être contemporain de Les-
chès, se rattachaient immédiatement à la Prise dllios
d'Arctinos et racontaient les aventures des Achéens, Ulysse
excepté, jusqu'au moment de leur rentrée dans leurs
foyers. Ménélas, Agamemnon, Diomède, Nestor, Calchas,
Léontée, Polypétis et Néoptolème étaient les héros de cette
épopée. La télégonie (TrjXsyovt'a) formait le dénouement
de VOdyssée comme les Retours en avaient fait l'introduc-
tion. Ce poème, dont le titre est tiré du nom de Télégonos,
fils d'Ulysse et de Circé, était en deux chants ; il avait pour
auteur Eugammon de Cyrène (vers 568-565), contemporain
de Solon et de Pisistrate. La Télégonie avait pour sujet les
nouvelles aventures d'Ulysse après le châtiment des préten-
dants, son second retour à Ithaque et sa mort par la main
de son fils Télégonos,
Les autres poèmes du Cycle avaient pour matières les
événements antérieurs à ceux qui faisaient l'objet de VIliade
et des Chants Cypriens; ils remontaient au moins jusqu'à
la lutte des Titans contre Jupiter. Parmi ces poèmes^ ceux
qui avaient pour sujet les légendes thébaines se rattachaient
d'assez près aux légendes troyennes, puisque plusieurs des
principaux héros achéens, Diomède et Sthénélos, en parti-
culier, se trouvaient parmi les vainqueurs de Thèbes. Ces
— 687 —
CYCLIQUE - CYCLOÏDE
poèmes, au nombre de trois ^ semblent avoir présenté de
grandes affinités avec Pépoque et l'école d'Homère. La
Thébaïde ou Expédition d'Amphiaraos (0r]6aEç ou
'A[x<piapaou l^eXaaiç) ne comptait guère moins de sept
mille vers; ce poème est anonyme et la date en est incon-
nue, mais elle était certainement très ancienne. Ce poème,
que Pausanias (IX, 9, 5) met sur le même rang que
l Iliade et V Ody ssée,2ySiii])0uv sujet l'expédition funeste que
le roi d'Argos, Adraste, conduisit contre le roi de Thèbes
Etéocle. Ce poème, comme V Odyssée , était encadré par
deux autres poèmes : l'un, servant d'introduction, avait pour
titre OEdipodie (OlâtTudSeta); il avait pour auteur Cinae-
thon, contemporain d'Arctinos ; l'autre, qui servait de dé-
nouement, avait pour titre les Epigones ('Eizi-^oyoi); l'au-
teur en est inconnu. Les derniers poèmes de la liste
Alexandrine offrent moins d'intérêt et ils ne sont, à ce qu'il
semble, rattachés les uns aux autres par aucun lien ; les
renseignements que nous avons sur eux sont extrêmement
rares* La Titanomachie (TiTavo{j.a)(^ta) attribuée à Eumé-
los de Corinthe^ à Arctinos, à Cinaethon, ou même consi-
dérée comme anonyme, avait pour sujet le combat des
Titans avec Jupiter. Les Danaïdes (Aavafç) racontaient
en cinq mille cinq cents vers la légende de Danaiis et de
ses filles. VAtthide ou Amazonie, dont l'existence dans
le Cycle est très problématique, aurait eu pour sujet l'in-
vasion des Amazones en Attique. LsiMinyade (Mtvuaç),
que Pausanias (IV, 33, 7) attribue à Prodicos de Phocée,
aurait roulé sur la lutte entre Hercule et le Minyen Orcho-
menos. La Prise d'OÉchalie (Oly^^aliaq aÀwŒiç) était
beaucoup plus célèbre que les poèmes précédents. Les
Alexandrins l'attribuaient au Samien Créophyle. Le sujet
en était l'expédition d'Hercule contre (Hchalie, ville du roi
Euryton qui, au mépris d'une promesse formelle, avait
refusé la main de sa fille lolé au héros légendaire.
Les fragments de ces poèmes avec l'analyse qu'en donne
Proclus ont été publiés, en pai^ticulier, par Dindorf à la
suite de l'édition d'Homère dans la collection Didot (Paris,
d 837-56) et plus récemment par G. Kinkel (Epicormn
Grœcorum Fragmenta ; Leipzig, 4877, 1. 1, pp. 4 et suiv.).
S. DossoN.
Poèmes eyoliques en France (V. Epopée).
V. Antiquité. — Chœur cyclique (V. Choeur et Danse).
BiBL. : Poèmes cycliques. ~ C.-W. Mûller, De Cyclo
Grœcorum epico ; Leipzig, 1829. — O. Jahn, Griechische
Bilderchronihen ; Bonn, 1878. — Ltjokenbach, Das Verhâlt'
nias der griechischen Vasenbilder zu den Gedichten des
epischen Kyklos, dans le Jahrhuch. f. Phil. SuppL, XI,
pp. 491 et suiv. — Willamowitz -Mollendorf, Home-
rische Untersuchungen, dans les Philol. Untersuchungen.
1884, t. VII. — H. Weil, Revue de Pnilologie^ 1887, t. XI,
pp. 1 et suiv. — A. et M. Croiset, Histoire de la littéra-
ture grecque; Paris, 1887, 1. 1, pp. 426 et suiv.
CYCLITE. La région ciliaire intermédiaire entre l'iris et
la choroïde reste rarement indemne lorsque l'une ou l'autre
de ces membranes sont atteintes : c'est l'envahissement de
cette région par la phlegmasie qui constitue la cyclite. On
conçoit qu'en raison des liens intimes qui unissent ces deux
membranes avec la région ciliaire, la cyclite n'existe guère
en tant que maladie distincte (irido-cyclite, irido-choroïdo-
cyclite). Nous avons du reste déjà remarqué ailleurs cette
particularité (V. Choroïde). Néanmoins 1 inflammation du
corps ciliaire paraît être caractérisée par une injection
perikératique intense avec dilatation des vaisseaux épisclé-
raux, un hypoaima marqué, escortés d'une sensibilité très
vive de la région ciliaire avec un abaissement considérable
de la vision. Mais encore une fois, le processus reste ra-
rement isolé et les symptômes deFirido-choroïdite dominent
bientôt la scène. Même traitement et même indication que
pour les choroïdites. D'' Ad. Piéchaud.
BiBL. : Abadie, Traité des maladies des yeux. — Von
Weoker, ib.
CYCLOCEPHALE(Térat.) (V. Cyclopie).
CYCLOCLYPEUS (ZooL). Genrede Foraminifères, delà
famille des Nummulitides établi par Carpenter. La coquille
des Cycloclypeus a la forme d'un disque biconvexe : autour
d'une loge centrale simple, sont des cycles à petites loges,
allongées dans le sens du rayon, disposées en une seule
épaisseur. Ce genre se rencontre à l'état fossile depuis le
miocène ; il en existe une seule espèce actuelle, qui vit
dans les grandes profondeurs des mers de la Sonde.
R. Montez*
CYCLOCRiNUS (Paléont.). Fossile rapporté d'abord
aux Foraminifères puis avec doute aux Crinoïdes (Cystoïdes)
Il est du silurien, mais se rencontre communément à l'état
remanié (moules externes) dans le diluvium du nord de l'Al-
lemagne.
CYCLO DER M A (Bot.). Genrede Ghampignons-Lycoper-
dinés exotiques à columelle adossée au centre du péridium
interne et n'atteignant pas le sommet du réceptacle, à capil-
litium en filaments rayonnant en tous sens de la columelle
vers la face interne du péridium interne. Celui-ci est libre,
papyracétrès mince. Espèce principale : C. Indicum. H. F.
GYCLODIATOMIE (Art. milit.). Mot emplo};é en balis-
tique, avec la signification de calcul des directions et des
inclinaisons des projectiles.
CYCLOÏDE (Géom.). C'est peut-être la plus remarquable
de toutes ^ les courbes après le cercle; elle est engendrée
par un point de la circonférence d'un cercle qui roule sans
glisser sur une droite (V. Roulette). Cette courbe a été
signalée à Fattention des géomètres en 1645, par le P. Mer-
senne. Galilée alors en détermina l'aire approximativement
en pesant un segment de cette courbe. C'est Roberval qui,
en 1644, en détermina rigoureusement l'aire ; Descartes et
Fermât lui menèrent la tangente, Pascal en découvrit
quelques propriétés, Huygens trouva sa développée et Jean
Bernoulli détermina la longueur d'un arc quelconque. Soit
AA' la droite sur laquelle roule le cercle de centre 0 dont
le point M engendre la cycloïde, laquelle se compose d'une
infinité d'arcs égaux à ACA^; soit A un point où la cycloïde
rencontre AA'' que l'on appelle la base ; le point décrivant
M passe en A et l'on a par définition du roulement sans
glissement AP = PM, P désignant le point de contact du
cercle mobile et de la base. Nous désignerons l'angle MOP
1/
C
\ C
\
0 j 1 \^^ /
A
par 9 ; si nous prenons AA^ pour axe des où et la perpen-
diculaire en A pour axe des i/, les équations de la cycloïde
seront, en appelant a le rayon du cercle générateur,
x=:a{(^ — sin<p), j/=i=a(l — C0S9).
En partant de ces équations, il est facile de prouver que :
1** la normale est MP ; ''2^ la tangente est MQ ; 3^ le rayon
de courbure MM' est double de la normale MP ; 4° la déve-
loppée de la cycloïde ACA^ est une autre cycloïde ABA^ ;
5° l'arc MC est double de MQ ; 6^ la distance du point M à
—2
CM
CQ est égale à -^; 7^ l'aire du segment ACA'' est égale à
trois fois l'aire du cercle générateur, soit 87ca^. Au point
de vue mécanique, la cycloïde jouit aussi de propriétés im-
portantes ; ainsi le centre de gravité de l'aire ACA' est à
une hauteur au-dessus de AA^ égale à ^a, etc. (V. Bra-
CHISTOCHRONE et TaUTOCHRONE).
Cycloïde allongée ou raccourcie. — Lorsqu'un cercle
roule sans glisser sur une droite, un point lié au cercle
décrit une cycloïde allongée ou raccourcie, suivant que
le point décrivant est extérieur ou intérieur au cercle rou-
lant ; il est facile de voir que
^izzacp — rsiïKp, î/rzza — rcosf
CYCLOÏDE — CYCLOPIE
— 688 —
sont les équations de la cycloïde allongée ou raccourcie ; a
est le rayon du cercle roulant, r la distance du point décri-
vant au centre de ce cercle, et o un paramètre variable
(V. Roulette). H. Laurent.
BiBL. : Les Traités d'analyse et de mécanique. — Œuvres
de Pascal, Histoire de la Roulette.
CYCLOÏDES (ïchtyoL). Agassiz désigne sous ce nom
les poissons osseux qui ont des écailles circulaires ou
elliptiques, formées de lames cornées, sans dentelures au
bord postérieur ; les Cycloïdes comprennent les Malacop-
térygiens et une partie des Acanthoptérygiens de Cuvier.
BiBL. : Agassiz, Recherches sur les "poissons fossiles^
t. V, p.l.
CYGLOLITES(V. Fungia).
CYCLOLOBUS (Paléont.). (V. Arcestes).
CYCLO MÉTOPES (Zool.). Nom d'une tribu deCrustacés-
Brachyures, établi par H. Milne-Edwards et qui correspond
à peu près à la section des Arqués, telle qu'elle avait été
antérieurement établie par Latreille. On comprend dans ce
groupe les cinq familles suivantes : Telphusides, Corystides,
Portunides, Eriphides et Cancrides . R. Moniez.
CYCLOMYCES (Bot.). Genre de Champignons-Hyméno-
mycètes, de la tribu des Agaricinées, à fruit charnu, éphé-
mère, à lamelles concentriques, non rayonnantes, souvent
anastomosées en longues alvéoles étroites près des bords
du chapeau. Habitat: troncs d'arbres. H. F.
CYCLONASSA (V. Buccin).
CYCLONE. Les météorologistes anglais appellent ainsi,
indistinctement, tous les grands tourbillonnements d'air
ascendants, caractérisés dans notre hémisphère par une
pression barométrique décroissante jusqu'au centre, et par
des vents convergents qui tournent en sens inverse du mou-
vement des aiguilles d'une montre. De là est venu, par
opposition, le mot anticyclone (V. ce mot). Cette défini-
tion a l'avantage d'être générale et de traduire clairement
la nature du phénomène. Elle n'est pas définitivement
adoptée partout. Les marins appelaient autrefois typhons
les violentes tempêtes tournantes des mers de Chine, oura-
gans celles de l'Atlantique équatorial, et cyclones celles
de la mer des Indes, donnant ainsi trois noms au même
phénomène. En France et en Europe, les météorologistes
ont adopté le mot cyclone pour toutes les tempêtes tour-
nantes de la zone torride, réservant le mot bourrasque aux
mouvements tourbilloanaires des régions tempérées ou
froides. Certaines différences assez importantes justifient
cette distinction : les cyclones se produisent surtout l'été,
les bourrasques sont assez rares en cette saison ; dans les
cyclones, l'abaissement de la pression barométrique au
centre est énorme, et la vitesse du vent dépasse 40 et
50 m. ; dans les bourrasques, la pression barométrique est
moins basse, les vents n'y soufflent en tempête que rare-
ment, et encore n'est-ce que dans leur moitié S. Il y
a pourtant identité de nature entre les deux phénomènes :
un cyclone formé dans la zone des alizés de l'Atlantique
N., par exemple, se transporte d'abord vers FO., puis
remonte au N., et ne s'éteint pas, se dirige ensuite vers
le N.-E. pour atteindre et suivre la route ordinaire des
bourrasques ; en même temps sa puissance diminue, et il
acquiert absolument tous les caractères d'une bourrasque plus
ou moins forte, ou même très faible. E. Durand-Gréville,
CYCLONEMA (Paléont.) (V. Turbo).
CYCLOPE. I. Mythologie. — Les cyclopes sont des
êtres légendaires de la mythologie grecque. Leur légende
est présentée de manière très différente par les divers auteurs.
Dans r Odyssée les Cyclopes sont représentés comme un peuple
de géants siciUens qui n'ont qu'un œil au milieu du front ;
c'est une race de pasteurs vivant du lait de leurs chèvres
et de leurs brebis, cruelle et impie ; ils sont anthropo-
phages. L'un d'eux, Polyphème, fils de Poséidon (Neptune),
s'empare d'Ulysse et de ses compagnons qu'il enferme dans
sa caverne ; le héros s'échappe en lui crevant son œil,
après l'avoir enivré. Cette légende homérique a été repro-
duite dans le drame satyrique d'Euripide, la onzième idylle
de Théocrite, Ovide, etc. — Hésiode en donne une autre ;
les Cyclopes sont des fils d'Ouranos et de Gaia, du groupe
des Titans; il en compte trois : Broutés, Stéropès et
Argès, personnifiant le tonnerre, l'éclair et les lueurs
électriques ; victimes d'Ouranos, ils sont délivrés par Zeus
pour qui ils forgent la foudre ; la foudre ayant frappé
Asclepios, fds d'Apollon, celui-ci tue les Cyclopes. Des
mythographes postérieurs voulurent concilier les deux
légendes en plaçant en Sicile les Cyclopes dont ils firent
les auxiliaires d'Hephaistos (Vulcain), plaçant leurs forges
dans les volcans de cette région, surtout sous l'Etna; on
en compte alors beaucoup plus de trois ; ils sont repré-
sentés avec un troisième œil au milieu du front. — Plus
tard, les Cyclopes furent regardés comme des construc-
teurs et on leur attribua les remparts colossaux des vieilles
cités grecques, Tirynthe, Mycènes, qui furent appelés cyclo-
péens ; rapprochés des Curetés et des Telchines, ils sont
regardés comme les types mythiques des ouvriers de la pé-
riode antéhistorique, architectes, inventeurs du bronze, etc.;
ce point de vue a été développé par les historiens pragma-
tistes (V. Mythologie). Schœmann cite quelques exemples
d'un culte des Cyclopes : le principal est l'autel qui leur
était élevé sur l'isthme de Corinthe. Les modernes ont pro-
posé diverses interprétations de ces légendes ; elles s'ap-
puient le plus souvent sur des hypothèses étymologiques.
On en trouvera l'indication dans la dissertation de Schœmann
et les traités de mythologie. Les littérateurs et les artistes
gréco-romains ont surtout insisté sur les amours de Poly-
phème et de Galatée (V. ce nom).
II. Tératologie (V. Cyclopie) .
III. Paléontologie (V. Cyclops).
BiBL. : Mythologie. — Schœmann, De Cyclopibus
dans Opuscula Acactemica, t. IV, p. 328.
CYCLOPHORUS.I. Malacologie.— Genre de Mollus
ques-Gastéropodes, de l'ordre des Prosobranches, établi par
Montfort, en 1810, pour une coquille plus ou moins
épaisse, épidermée, de forme turbinée, déprimée ou dis-
coïde ; plus ou moins largement ombiliquée; à sommet
peu aigu; ouverture circulaire, à péristome continu,
épaissi, parfois double, souvent évasé ou réfléchi. Opercule
corné, mince et multispiré. C. volvulus Mûller. Les Cyclo-
phores habitent l'Asie méridionale, l'Océanie.
IL Botanique. — > Genre de Fougères de la tribu des
Polypodiacées à fronde simple, ordinairement couverte sur
la face inférieure d'un revêtement laineux, à nervures sail-
lantes entre lesquelles les sores sont rangées en deux
séries. Chaque sore semble former un cercle vide au centre
et entouré de paraphyses. H. F.
CYCLOPHTHALMUS (Paléont. ). Genre d'Arachnides
fossiles de l'ordre des Scorpions et de la famille des Eos-
corpionidœ de Scudder, devenu pour Thorell le type de
la sous-famille des Cyclophthalminœ qui se distingue
par un tubercule oculaire très grand occupant près de la
moitié du céphalothorax : les yeux médians sont très grands.
Les yeux latéraux sont disposés en demi-cercle derrière
et sur les côtés des précédents. Le rachis des peignes est
formé d'un petit nombre de plaques sans feuillets inter-
médiaires. Le type du genre {CycL senior Corda) a été
trouvé dans le terrain houiller de Bohême. Le genre était
aussi représenté dans l'Amérique du Nord à la même
époque. Glyptoscorpiiis (Peach) a été rapporté avec doute
à ce groupe, mais son auteur le place parmi les Crustacés
{Gigantostraca) (V. Scorpion). E. Trt.
CYCLOPHYLLUM (V. Cyathophyllum).
CYCLOPIE (Térat.). Les monstres cyclopes rappellent,
par leur faciès, les êtres fabuleux de la mythologie grecque
en ce qu'ils ne possèdent, comme ceux-ci, qu'un œil unique
et médian. Bien qu'elle ne réponde rigoureusement qu'à un
degré ^ de l'anomalie que nous avons à décrire, la déno-
mination de cyclopie doit être préférée à celles de mo-
nopsie^ monophthalmie, etc., qui s'appliquent aussi bien
aux individus privés d'un œil, l'autre occupant sa place
habituelle. Elle caractérise d'une manière satisfaisante tout
un groupe tératologique dont les traits extérieurs les plus
689 —
CYCLOPIE
saillants sont : la fusion plus ou moins complète des or-
bites et des yeux sur la ligne médiane, et l'existence (non
absolument constante) d'une trompe nasale située au-des-
sus de l'appareil \isuel dans la région de la racine du nez.
I.-G. Saint-Hilaire a embrassé dans une définition d'en-
semble assez heureuse les diverses formes de la cyclopie,
lorsqu'il a dit que celle-ci résulte toujours du concours de
deux facteurs : P une atrophie des organes de la région
moyenne ; 2^ une tendance au rapprochement et à la fusion
des parties latérales de la tête et de la face. Les modifica-
tions observées portent non seulement sur les organes des
sens, les mâchoires et la bouche, mais aussi sur le crâne
et le cerveau. Les recherches embryologiques ont montré
que le point de départ de l'anomalie est dans un arrêt de
développement de l'extrémité antérieure du névraxe : c'est
une lésion primitive de l'encéphale qui tient sous sa dé-
pendance toutes les déviations anatomigues décrites chez
les cyclopes par les anciens tératolo^istes. Cette lésion
remonte à une phase très jeune de la vie embryonnaire et
se trouve exactement limitée à la vésicule cérébrale anté-
rieure. Lorsqu'on examine les centres nerveux d'un monstre
cyclope, on trouve que les tubercules quadrijumeaux, le
cervelet et la moelle allongée, issus du cerveau moyen et du
cerveau postérieur, sont normalemqet conformés, tandis
que toutes les parties dérivées de la vésicule antérieure
n'existent qu'à l'état rudimentaire, ou présentent en tout
cas des anomalies très prononcées ; leur aspect général
rappelle sensiblement celui d'un cerveau d'embryon de trois
ou de quatre mois. Les hémisphères, dépourvus de cir-
convolutions, forment une masse unique, creusée d'une ca-
vité commune (ventricule moyen et ventricules latéraux
réunis). Leur volume est très inférieur à la normale, si bien
qu'ils ne recouvrent ni le cervelet, ni les tubercules qua-
drijumaux ; ils se terminent en pointe à leur partie anté-
rieure, de sorte que leur région frontale fait à peu près
complètement défaut. La perturbation initiale de la nutri-
tion ayant frappé la paroi de la vésicule antérieure dans
sa totalité, l'évolution histogénique n'a pu s'eifectuer que
très imparfaitement : les corps striés et les couches opti-
ques n'existent qu'à l'état d'ébauche ; il en est de même
du corps calleux et du trigone. Les pédoncules cérébraux
sont grêles et comme atrophiés, ainsi que les bandelettes
optiques. Souvent on ne trouve ni chiasma ni nerfs opti-
ques ; ces derniers, lorsqu'ils sont formés, sont presque
toujours plus ou moins fusionnés. Les tractus olfactifs
manquent ou sont à l'état de vestiges. On observe parfois
l'hydrocéphalie, un amincissement très notable de la paroi
supérieure des hémisphères, etc. En partant de l'embryo-
génie normale de la tête et de la face (V. Embryon, Encé-
phale, (Mil), il est facile de se rendre compte du reten-
tissement qu'auront ces lésions centrales sur le développe-
ment de l'appareil nasal et de l'appareil visuel, et de voir
que les différents degrés de la cyclopie découlent directement
de l'altération primitivement subie par l'extrémité du tube
cérébro-spinal de l'embryon. L'état rudimentaire de la vé-
sicule cérébrale antérieure implique nécessairement un
arrêt de développement des vésicules oculaires et des lobes
olfactifs. Il peut arriver, dans les cas extrêmes, que la por-
tion de la paroi vésiculaire destinée à donner naissance
aux prolongements optiques ne se forme pas du tout ; il en
résulte l'anopsie complète. A un état de dégradation
moins avancé, les deux vésicules oculaires se fusionnent
en une seule, ce qui répond à la cyclopie proprement dite.
Suivant le degré de fusion et d'atrophie de la double
ébauche embryonnaire, on peut avoir : soit un œil médian
unique, plus ou moins incomplet, soit un œil à peu près nor-
mal, soit un œil offrant des traces de duphcité plus ou moins
accusée. Le globe oculaire est alors ovoïde, à grand dia-
mètre transversal ; souvent il renferme deux cristallins dis-
tincts ou soudés en huit de chiffre; la pupille, l'humeur
vitrée et la cornée peuvent également être dédoublées à
des degrés variables, mais il n'y a pas de corrélation ré-
gulière, à cet égard, entre les dispositions anutomiques de
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIIÏ.
la rétine et celles que présentent les parties d'origine mé-
sodermique ou le cristallin directement fourni par l'ecto-
derme.
On passe ainsi progressivement aux monstres possédant
deux yeux à peu près complets, soudés ou complètement
séparés, et placés l'un à côté de l'autre dans une cavité
orbitaire unique. Un pas de plus et l'on arrive à un
groupe placé à la limite supérieure de la cyclopie : il existe
deux yeux contenus dans deux cavités orbitaires séparées,
mais très rapprochées l'une de l'autre. Les sourcils se joi-
gnent sur la ligne médiane et sont surmontés en ce point
d'une trompe nasale. Dans toutes ces formes, la destinée
des annexes de l'œil est forcément liée à celle des globes
oculaires eux-mêmes : c'est ainsi que les muscles oculo-
moteurs sont simples ou doubles ou manquent même en-
tièrement ; il y a généralement deux glandes lacrymales,
mais les voies lacrymales, ainsi que les caroncules, font
presque toujours défaut. Les paupières sont habituellement
plus ou moins doubles, limitant un vaste orifice palpébral
de forme triangulaire ou losangique, suivant les cas.
Les défectuosités concomitantes du crâne et de la face
consistent essentiellement dans une atrophie des organes
avoisinant la ligne médiane. Les deux frontaux soudés
peuvent être assez rudimentaires pour constituer une pièce
osseuse moins étendue que l'os normal, et ne représen-
tant que les parties latérales de celui-ci. La région nasale,
alors, n'existe pas; on n'aperçoit aucun vestige du nez et
le cyclope est dépourvu de trompe. Plus généralement, le
frontal est très large, et l'œil médian est surmonté d'un
appendice charnu répondant à une ébauche informe du nez.
Chez l'homme, cette trompe ne présente que rarement un
petit enfoncement tapissé par une sorte de muqueuse ; chez
le porc, au contraire, son aspect rappelle souvent celui d'un
groin peu développé. (Par une interprétation bizarre des
anciens tératologistes, la trompe avait été considérée comme
un pénis ; certains auteurs avaient même trouvé dans la
région faciale des cyclopes tout un appareil sexuel mâle, et
avaient décrit comme une variété d'hermaphrodites les sujets
femelles affectés de ce genre de monstruosité.) En même
temps, l'ethmoïde, le vomer, la cloison et les ailes du nez,
les os lacrymaux font défaut. Le sphénoïde est plus ou
moins déformé et incomplet, et la paroi osseuse de l'or-
bite offre une composition variable suivant l'étendue de son
diamètre transversal. Il n'y a aucune trace de fosses na-
sales, et le maxillaire supérieur, dépourvu de son apophyse
montante, est souvent très petit et même rudimentaire,
ainsi que l'os incisif. Lorsque la mâchoire inférieure est
simultanément frappée d'un arrêt de développement, on a
des cyclopes très dégradés, à bouche nulle ou à peine
visible, et cette forme indique le passage aux monstres qui
présentent, outre les anomalies précitées, celles qui ré-
sultent d'une persistance de la première fente branchiale et
qui constituent la synotie (oreilles rapprochées ou réunies
sous la tête). Les cyclopes synotes et agnathes les plus dé-
formés peuvent être affectés, en même temps, d'anencé-
phalie et se rapprochent alors des monstres dont la tète et
la face sont alors à peu près méconnaissables et qui con-
finent aux acéphales (V. Triocéphalie).
D'après ces considérations, on peut se faire une idée
assez exacte de la place qu'occupent les cyclopes dans la
série tératologique. I.-G. Saint-Hilaire avait créé pour eux
la famille des cyclocéphaliens comprenant cinq genres,
auxquels il convient de joindre, avec la plupart des auteurs
et suivant la remarque de Dareste, les cyclopes affectés de
synotie (otocéphalie?is cyclopes du même auteur). D'autre
part, les cyclocéphaliens à orbites distincts, qu'ils soient
munis d'une trompe nasale (genre etmocéphale) ou dé-
pourvus de cet appendice (genre cébocépliale) ne rentrent
pas à proprement parler dans le groupe des cyclopes ; ils
sont du reste extrêmement rares. En modifiant en consé-
quence la classification de I.-G. Saint-Hilaire, les formes les
plus ordinaires de la cyclopie proprement dite viendraient
se grouper dans les six genres suivants :
CYCLOPIË — CYCLOSTOMES
- 690 -
A. Monstres affectés de cyclopie seulement (cyclocéphaliens
à orbite unique) :
l*' Sujets pourvus d'une trompe
nasale G, Rhinocéphale .
2^ Sujets non pourvus d'une
trompe G. Cyclocéphale.
3° Sujets pourvus d'une trompe ;
mâchoires r udimen tair es ;
bouche très imparfaite ou
nulle G. Stomocéphale .
B. Monstres affectés à la fois de cyclopie et de syaotie
(octocéphaliens cyclopes) :
4^ Mâchoire et bouche distinctes ;
pas de trompe G. Otocéphale.
^^ Mâchoires atrophiées; pas de
bouche ; une trompe G. Edocéphale.
6^ Mâchoires atrophiées; ni
bouche, ni trompe G. Opocéphale.
La cyclopie a été constatée, en dehors de l'espèce
humaine, chez divers mammifères (notamment le porc),
plus rarement chez les oiseaux. Les cyclopes appartiennent
dans la majorité des cas au sexe féminin (Tiedemann). Ra-
rement jumeaux chez l'homme, plus souvent multiples chez
les animaux multipares, ils viennent généralement à terme
ou un peu avant. Ceux qui naissent vivants meurent presque
aussitôt (sans doute par insuffisance cérébrale). Le tronc
et les membres sont généralement bien conformés. Les
anomalies concomitantes le plus fréquemment observées
sont la polydactylie (chez l'homme seulement), le pied-bot,
les hernies diaphragmatiques des viscères abdominaux,
l'inversion viscérale, l'éventration, la fusion des reins. (Pour
les otocéphaliens cyclopes, V. Synotie.) Les cas de cyclopie
signalés chez les arthropodes pourraient être susceptibles
d'une interprétation tératogénique autre que la précédente
(fusion des yeux) dans les groupes qui présentent un stade
cyclope au cours de leur évolution normale. G. ITebrmann .
CYCLOPS. L Zoologie. — On donne le nom deCyclops à
de très petits Crustacés mesurant au plus quelques milli-
mètres de long et qui abondent dans toutes les eaux douces,
où on les voit nager rapidement et par saccades. Ce genre est
représenté par un très grand nombre d'espèces, la plupart
cosmopolites ; il est caractérisé par les palpes mandibu-
laires, réduits à un tubercule qui porte deux soies ; les
palpes maxillaires sont atrophiés. La tête est soudée avec
le premier anneau thoracique. Les pattes de la cinquième
paire ne ressemblent pas aux pattes précédentes, et leur
forme est très caractéristique pour les différentes espèces.
Ces petits animaux n'ont pas, en sortant de l'œuf, la
forme des adultes, ils ne l'acquièrent qu'à la suite de méta-
morphoses et il est très fréquent d'observer dans les eaux
douces les différents stades qu'ils présentent successive-
ment. Les Cyclops seraient sans intérêt relativement à notre
espèce, n'était qu'un animal de ce genre est l'hôte inter-
médiaire d'un parasite très répandu dans tous les pays
tropicaux de l'ancien monde, la Filaire de Médine, très
long ver qui se loge dans le tissu cellulaire des extrémités
inférieures. La larve de la Filaire éclôt dans l'eau et gagne,
activement ou passivement, on ne sait, la cavité du corps
du Cyclops où elle se développe : c'est en avalant avec
l'eau de boisson ces imperceptibles Crustacés que l'homme
s'infeste de ce parasite. R. Moniez.
IL Paléontologie (V. Buccin).
CYCLOPSITTÂGUS (Ornith.). Il existe à la Nouvelle-
Guinée, dans les îles avoisinantes, sur quelques points du
continent australien et dans l'arcliipel des Philippines, des
Perroquets (V- ces mots) de petite taille, aux formes ra-
massées, au bec très élevé et comprimé latéralement, avec
la carène aplatie et fortement busquée, à la queue très
courte, coupée carrément en arrière ou légèrement arron-
die, au plumage veyt souvent rehaussé par des bords et des
plaques d'un bleu^ d'outremer, d'un jaune d'or, d'un noir
foncé ou d'un rouge vif sur le front, la gorge et les joues.
Cyclopstittacus Desmarestii.
Ces Perroquets, d'abord confondus avec les Psitt'acules amé-
ricaines, ont été placés par Jacquinotet Pucherandans un
genre particu-
lier qui a reçu
d'abord le nom
de Cyclopsitta,
puis le nom,
plus correct, de
Cyclopsit-
tacus. On en
connaît actuel-
lement seize es-
pèces dont les
plus remarqua-
bles sont les
C, Loxia Cuv.
ou C, lunula-
tus Scop. , le
C. Desmaresti
Garn. , le C»
diophthalmus
IL et J., le a
suavissimiis Sclat, le C. Saluadorii Oust, et le C.
Edwardî Oust. E. Oustalet.
BiBL. : BouBJOT Saint-Hilaire, Hist. nat. des Perro-
quets, ph 94. — HoMBRON et Jacquinot, Voy. au Pôle
Sud, ZooL, p. 107, et pi. 25, f. 4 et 5. — J. Gould, B N.
Guinea, livr. VIÏ, pi. 11 et 12, et livr. IX, pi. 4. — E. Ous-
talet, Nouv. Arch. du Muséum, 188t5, 2« série, t. VIII,
P-«P '^^rX^K^^' ~ ^^ ^- RiCHENow, Consp, Pittac, 1882,
p. 72. — T. Salvadori, Omit, delta Papuasia.
CYCLOPTERIS (Cyclopteris Ad. Brongn.) (Paléont,).
Genre douteux de Fougères fossiles, dont les représentants,
à fronde simple pédicellée, symétrique, entière ou lobée,
sans nervure médiane, se rencontrent dans le terrain houiller
ou jurassique. D^ L. Hn,
CYCLOPTERUS (IchtyoL). Genre de Poissons osseux
(Téléostéens) de l'ordre des Acanthoptérygiens-Gobiiformes
et de la famille des Dicobolé, ayant pour caractère un
corps épais, court, couvert d'une peau visqueuse, tuber-
culeuse; tête large, un museau court, des dents en velours
sur les deux mâchoires. Rochbr.
BiBL. : GuNTHER, Study of Fishes.
CYCLOSTIGMA (ùjclostigma Haught.) (Paléont.).
Genre de Lycopodiacées fossiles, caractérisé par le tronc
dichotome, couvert de cicatrices subglobuleuses ou planes,
circulaires. Le terrain houiller de l'île des Ours, de l'Irlande
et de TArkansas en a fourni quatre espèces. D^ L. Hn.
GYCLOSTOiVlATA(Paléont,)(V.BRYozoAiRES [Paléont.!).
CYCLOSTOMES. I. Zoologie. — Ichtyologie. Les
Cyclostomes [Cydostomata) forment la troisième sous-
classe des Poissons dans la classification de Gunther.
Cette sous-classe comprend des animaux à squelette car-
tilagineux, sans côtes. Les maxillaires et les intermaxil-
laires sont réduits à un état tout à fait rudimentaire ; les
palatins, réunis aux mandibulaires, forment un anneau
portant une lèvre épaisse^ constituant une sorte de bouche
demi-circulaire ; le corps est cylindrique en avant, com-
primé en arrière; les pectorales et les ventrales manquent;
les branchies ont la forme de sacs sans arcs branchiaux ;
le^ cœur ne présente pas de bulbe artériel; le canal
alimentaire manque d'appendice cœcal. Lès Cyclostomes
constituent très probablement un ancien type dont les
traces n'ont pas subsisté, et qu'on ne retrouve repré-
sentés dans les strates géologiques que par des dents
palatines peu probantes, malgré leur ressemblance avec
celle des Myxines actuelles. On divise généralement les
Cyclostomes en deux familles : les Petromizontidœ et les
Myxinidœ (V. ces mots). Rocher.
^ Malacologie. Genre de Mollusques-Gastéropodes de
l'ordre des Prosobranches-Pectinibranches, édité par Mon-
fort en 48iO pour une coquille plus ou moins épaisse,
lisse ou striée, turbinée, à sommet généralement obtus ;
ouverture arrondie, à péristome continu. Opercule calcaire,
ovale, à nucléus subcentral. L'animal est pourvu d'un long
^ 091 —
CYCLOSTÔMES - GYGNJIUS
mufle. Les tentacules sont subcylindriques, obtus à leur
extrémité ; les yeux sont placés à la base des tentacules et
sont latéro-postérieurs. Type : C, elegans Mtiller. L'ap-
pellation de Cyclostoma Draparnaud (1801) et Lamarck
(1803), doivent être, bien que antérieures, considérées
comme synonymes de Cyclostomus ; Lamarck ayant en 1799
employé ce même mot de Cyclostoma pour désigner les
coquilles, aujourd'hui connues sous le nom de Delphinula,
Les Cyclostomes habitent les endroits frais sous les pierres
et les plantes. Ils vivent en Europe, en Afrique et en Asie.
Bryozoaires, Ces Bryozoaires forment le premier sous-
ordre des Gymnolsemes. Les orifices des zoœcies sont
terminaux et arrondis, sans appendices. Beaucoup de
genres sont fossiles et les espèces vivantes sont confinées
dans les mers septentrionales. On les divise en Articulés
renfermant la seule famille des Crisiadœ et Inarticulés
renfermant les cinq familles des Diastoporidœ, lubuli-
poridœ^ Lichenoporidœ^ Frondiporidœ et Corymbopo-
IL Paléontologie. — Les Mollusques - Cyclostomes
{Cydostomidœ) fossiles ne sont pas très communs : les plus
anciens remontent au crétacé moyen. Le sous-genre Cyclos-
toma proprement dit, actuellement de la région méditer-
ranéenne et des Antilles, compte une douzaine d'espèces
tertiaires dans l'Europe centrale (C. elegans Férussac).
D'autres sous-genres, actuellement confinés dans les régions
chaudes du globe, étaient également représentés en Europe
à l'époque tertiaire. Tels sont : Otopoma (actuellement de
Madagascar et d'Arabie) ; Cataulus (de Ceylan), représenté
dans le crétacé de Rognac par Cycl. infundibuliferum ;
Megalomastoma (des Indes), représenté dans l'éocène
par C. Arnouldi; Leptopoma (des Indes, des Philippines et
de la Polynésie), représenté dans le crétacé de Rognac
par C. Baylei ; Cyclophoriis (des Indes et des Philippines),
représenté dans le crétacé et l'éocène d'Europe par C. Lu-
ndi et C. heliciformis ; Craspedopoma et Cyclotus sont
dans le même cas. Le genre Strophostoma (Deshayes)
n'est connu qu'à l'état fossile, dans le crétacé et le mio-
cène. — Orygoceras (Brusina), genre très curieux du mio-
cène supérieur d'eau douce de Dalmatie, à coquille lubuli-
forme, conique (0. cor^w<?oj?iâg), a été retrouvé parMore-
let vivant à Mayotte (genre Cyclosurus Morelet) . E. Trï.
BiBL. : GuNTHER, Ëtudy of Fishes.
CYCLOTELLA (Kutzing, 1833) (Bot.). Genre de Diato-
macées de la tribu des Gaillonellées, à frustules libres ou
réunis seulement deux à deux ; à zone d'emboîtement quel-
quefois ondulée ; à valves discoïdes tantôt planes , tantôt
convexes, souvent déprimées au centre, à stries plus ou
moins marquées et rayonnantes, n'atteignant pas toujours
le centre et formant alors une simple couronne marginale.
Presque toutes les espèces connues vivent dans les eaux
douces ou peu salées. P. Petit.
BiBL. : KûTziNG, Synopsis Diatom.acea.rum, 1833. — Du
môme, Bacillarien^ p. 50j et Species Algariim^ p. 18. —
EiiRENBERG, lïifusionsthier^ et MiUrogèologia, passim.
~ W.Smith, Synopsis Brit. Diat., vol. l,p. 27.
CYCLOTHURE (V. Fourmilier).
CYCLOTUS. I. Malacologie. — Genre de Mollusques-
Gastéropodes, de l'ordre des Prosobranches-Pectinibran-
ches, établi par Guilding en 1840. Coquille discoïde,
déprimée, très largement ombiliquée ; à tours arrondis lisses
ou ornés de côtes longitudinales ; ouverture circulaire, à
péristome continu, droit, parfois réfléchi. Opercule calcaire
un peu concave sur sa face interne et à nucléus subcentral.
Cyclotus planorbulus Lamarck. Les Cyclotus habitent les
contrées chaudes du continent asiatique et quelques-unes
des îles qui en dépendent. J. Mabille.
IL Paléontologie (V. Cyclostome).
CYCLURE. I. Ichtyologie. — Genre de Lacertiliens de
la famille des ïguanidœ (V. ces mots), différencié des
vrais Iguanes par l'absence de véritable fanon, par la queue
couverte d'écaillés vcrticillées, alternant avec des anneaux
d'épines, et par les dents tricuspides et non dentelées sur
les bords. Ce genre est propre à l'Amérique et localisé dans
la zone dite des terres chaudes. Le type est le Cychu^us
lophoma ; le corps et les membres présentent une teinte
générale d'un vert bleuâtre, les flancs sont ornés de
trois bandes d'un noir olivâtre, et la queue de bandes
verdâtres plus ou moins foncées et régulièrement distri-
buées. C'est un animal craintif et se nourrissant de végé-
taux. ROCHIÎR.
IL Paléontologie. — Les Cyclures sont des poissons des
terrains tertiaires moyens ; on en connaît trois espèces :
les C. Valenciennesi Ag. , de Menât; C. minor Ag.,
d'OEningen, C. macrocephalus Reuss., de Kutschhn, en
Bohème. La dorsale, très longue, atteint h caudale; les
écailles sont épaisses; la caudale, arrondie et d'apparence
homocerque, est, en réalité, hétérocerque, la colonne ver-
tébrale se relevant fortement dans le segment supérieur
de la nageoire. Agassiz, qui a établi le genre Cy duras,
le plaçait parmi les Cyprins, non loin des Tanches ; de
récentes recherches ont montré que les Cyclures sont des
Ganoïdes et qu'ils doivent rentrer dans la famille des
Amiadées. E. Sauvage.
BiBL.: Ichtyologie. — Sauvage dans Brehm, Reptiles*
— Ad. Francade, Duméril et Biberon^ Erpét. gêner.
Paléontologie. — Agassiz, Poissons fossiles, t. V, p. 44.
— Reuss, Geogr. Skiz. aus Bôhemen^ t. IV. — Gervais,
ZooL et paléoht, générales. — Hegkel, Beitr. z. Petref.^
t. VII. — Sauvage, Poissons tertiaires de l'Auvergne^ dans
Soc. hist. nat; Toulouse, 1874, t. VIII.
CYCNUS (Myth.gr.). I. Héros grec, fils d'Apollon et de
Thyria, transformé en cygne par son père. — IL Fils de
Mars et Pelopia ou de Pyène, tué en duel par Hercule près
d'Itone (V. Hésiode, Herc. Sent,, v. 345-4T0). — IH. Fils
de Neptune et Calyce tué par Achille qui l'étrangla, car
il était invulnérable. — IV. Fils de Sthenclus, ami de
Phaéton qu'Apollon transforma en cygne.
CYDIAS, de Kythnos, peintre grec du iv® siècle avant
J.-C, contemporain d'Euphranor. Il avait inventé un pro-
cédé pour faire de la couleur rouge avec de l'ocre brûlée.
Les anciens citent de lui un tableau remarquable repré-
sentant les Argonautes, tableau qui fut acheté 144,000 ses-
terces (environ 37,000 fr.) par l'orateur romain Hortensius,
lequel fit construire, exprès pour l'y installer, un pavillon
dans sa propriété de Tusculum. J. M.
Btbl. : OvERBECK, Schriftquellen, n»» 1967-1970.
CYDIAS d'Hermione, poète lyrique et musicien grec, de
la fin du VI® siècle av. J.~C. Il vécut longtemps à Athènes,
où ses poésies étaient encore populaires au temps d'Aris-
tophane, s'il faut en croire le scoliaste des Nuées (v. 967).
Il avait fait des vers erotiques que Socrate et ses contempo-
rains avaient dans la mémoire (Plat., Charm.^ p. 455 d),
CYDIPPE (Y. Pleurobrachia).
GYDNUS. I. GÉoCxRAPmE. — Fleuve de Cilicie (V. ce
nom) renommé pour ses eaux froides et pures, où Alexandre
faillit périr ; il arrosait Tarse.
IL Paléontologie (V. Hémiptères [Paléont.]).
CYDONIE. Ville de C7''ète (V. ce nom), sur la côte sep-
tentrionale de l'île, à deux lieues de la mer, peuplée par les
Cydones^ peuple connu d'Homère,
GYGN>€LIS. Famille d'ecclésiastiques, de militaires, de
magistrats finlandais, originaire de la paroisse de Joutseno
(lieu des c;^gnes), d'où les divers rameaux ont formé leur
nom suédois ou latinisé : Jousenius, Svan, Svanœus^
Zygnœus et Cygnceus. La souche de cette dernière branche
fut le fils de Johan-Finne Svahn, Zachris Gygnseus (4723-
4774), pasteur de Ma^ntyharju, paroisse qu'il continua
d'administrer après sa division en parties suédoise et russe
(4743), en s'eiïbrçant d'anéantir les vestiges du passé,
aussi bien le costume national que les superstitions païennes
(arbres sacrés, fontaines miraculeuses). — Son fils (4733-
4809) et son petit-fils (4763-4830), portant le même
prénom que lui, furent tous deux évoques de Borgâ, et le
dernier, en outre, président du consistoire luthérien supé-
rieur à Saint-Pétersbourg. — Le fils de ce dernier, Fr^-
drik Cygnseus, né à Tavastehus le 4^^' avr. 4807, mort à
Helsingfors le 7 févr. 4884, s'est fait connaître comme
poète et esthéticien en langue suédoise. Après avoir ensei-
CYGNJEUS — CYGNE -^ 692
gné dans diverses écoles, il fut docent (1839), puis pro-
fesseur (1854-67) à l'université de Helsingfors. Il légua
ses importantes collections artistiques et toute sa fortune
à l'Etat. Ses talents oratoires déteignent sur son style qui
est souvent trop brillant» On lui doit des ouvrages d'érudi-
tion : thèse sur Annibal en latin (1839) ; Êlatériaux
pour l'histoire des peuples du Nord, tirés des sources du
midi de l'Europe (1848) ; des biographies de Nervander
(1848), de J.'Z, Duncker (1858), de Franzëîi (1872) ;
des œuvres littéraires : Lumière et Ombres (1845-46) ;
Poésies (1851-70, 6 vol., dont les t. II et III contiennent
deux drames : Claes Fleming et son temps ^ Rêves de
ieunesse du duc Jean) ; des œuvres d'esthétique et de
critique, avec des mélanges : Sujets populaires (1852-
53); Erik XIV comme caractère dramatique (1853) ;
Sur les Récits de l'enseigne Stâl (1861) ; Sur la Litté-
ratuî^e et l'art (1867-68) ; Sur J.-L. Runeberg (1873) ;
Traits de notre civilisation et de nos idées du jour
(1874). Le recueil de ses œuvres se publie à Helsingfors
depuis 1881, sous la direction de E. Nervander, en trois
séries, dont il a paru deux volumes pour les travaux his-
toriques, trois pour l'histoire littéraire et les mélanges,
trois pour la poésie.
Son cousin, Vno Cygnseus, né à Tavastehus le 12 oct.
1810, mort à Helsingfors le 2 janv. 1888, fut d'abord pas-
teur à Sitka, Amérique russe (1839), d'où il rapporta à
l'université de Helsingfors des collections d'histoire natu-
relle, puis à Saint-Pétersbourg (1846). Chargé par le gou-
vernement d'étudier l'instruction publique dans les pays
Scandinaves et germaniques (1858), il publia, en 1860,
un Plan d'organisation d'une école normale et des
écoles primaires rurales, qui, malgré de vives polé-
miques, fut en grande partie adopté. Il devint inspecteur de
ces écoles (1861) et membre de la direction scolaire (l 870).
Il fonda l'école de Jyvaeskylse qu'il dirigea de 1863 à 1869,
et celles d'Ekenses et de Nykarlcby. Beauyois.
CYGNE. I. Ornithologie. — Les Cygnes {Cygnus L.)
appartiennent, à l'ordre des Palmipèdes et à la grande
famille des Anatidés (V. ce mot). Ils se distinguent facile-
ment par leur port, leurs allures et leur plumage, des
Canards et des Oies avec lesquels ils offrent de grands
rapports dans la conformation du squelette. Chez les Cygnes,
en effet, la tête est relativement petite, le cou très long
et très souple, le corps massif, la queue courte, arrondie ou
légèrement conique ; les ailes, très amples, ne dépassent
Cygne domestique (Cygnus olor Gm.).
point la queue ; le bec, assez long, ne se rétrécit pas sen-
siblement vers la pointe, mais présente souvent à la racine
des protubérances plus ou moins accentuées, en avant des-
quelles s'ouvrent les narines, vers le miheu de la mandi-
bule supérieure ; les pattes, de hauteur moyenne, sont
encore plus fortement rejetées en arrière que chez les Oies
et les Canards et ont leurs doigts antérieurs très dévelop-
pés et réunis par de larges membranes, leur pouce au
contraire très réduit et sans dentelures à son bord infé-
rieur. L'espace compris entre le bec et l'œil, ce qu'on
appelle le lorum, est dénudé de chaque côté, mais partout
ailleurs le plumage est abondant et serré. La tête et le cou
ont un aspect velouté et le corps est revêtu de larges
plumes recouvrant une épaisse couche de duvet qui donne
aux dépouilles des Cygnes les qualités d'une fourrure et
qui les fait rechercher dans le commerce des pelleteries.
Par suite de la disposition de leurs pattes, les Cygnes ont
une démarche gauche et incertaine, mais ils nagent avec
une grande aisance. Ils passent du reste la plus grande
partie de leur vie sur l'eau et se nourrissent de petits
mollusques, de vers et d'herbes aquatiques qu'ils peuvent,
grâce à la longueur de leur cou, aller chercher à une cer-
taine profondeur. Ce genre de Palmipèdes est représenté
en Europe par trois espèces : le Cygne sauvage {Cy-
giius férus Ray ou musicus Bescht.) ; le Cygne de
Bewick (Cygnus minor PalL), et le Cygne domestique
{Cygnus olor Gm). Le Cygne sauvage, qui mesure à l'âge
adulte ^ plus d'un mètre et demi de long, se reconnaît
immédiatement à son plumage d'un blanc pur, à ses pattes
noires, à son bec noir à l'extrémité et jaune à la base,
cette teinte jaune se terminant en pointe vers le bord anté-
rieur des narines et se prolongeant d'autre part sur l'es-
pace dénudé jusque dans le voisinage de l'œil. Les oiseaux
de cette espèce habitent pendant Pété les régions arctiques
de l'hémisphère boréal et descendent en hiver en Hollande,
en Belgique, en France, en Allemagne, jusque sur les
bords de la mer Noire. Comme tous leurs congénères ce
sont des oiseaux essentiellement monogames, qui nichent
au bord des marais ou à l'embouchure des fleuves et qui
pondent de gros œufs à coquille jaunâtre ou verdâtre, au
nombre de six à sept par couvée. Leurs petits sont revê-
tus d'un duvet grisâtre.
Le_ Cygne de Bewick, qui niche en Islande et en Sibérie
et qui se montre dans l'Europe occidentale pendant les
hivers rigoureux, ne difîère guère du précédent que par sa
taille plus faible et par l'étendue moindre de la teinte jaune
du bec qui s'arrête en arrière des narines. Au contraire,
le Cygne domestique se distingue assez nettement par son
bec rouge au milieu et noir sur les bords des mandi-
bules, sur l'onglet et sur la caroncule frontale, cette teinte
noire se prolongeant de chaque côté jusqu'à l'œil. En dépit
de son nom, cette espèce ne vit pas seulement à Pètat do-
mestique sur les pièces d'eau des parcs et des jardins
publics ; elle se rencontre aussi à l'état sauvage sur les
côtes de la Suède et de la Norvège et arrive chaque hiver
dans nos contrées.
^ Dans l'Amérique du Nord se trouvent deux autres es-
pèces, le Cygne américain [Cygnus americanus Sharp.)
qui ressemble à notre Cygne sauvage, mais qui a le bec
noir avec une tache jaune de chaque côté, en avant de Pœil,
et le Cygne trompette {Cygnus buccinator Rich.), ainsi
nommé à cause de sa voix retentissante et caractérisé par
sa taille plus faible et son bec entièrement noir. Quelques
espèces habitant le sud du continent américain se distin-
gmnt plus nettement des espèces européennes. Ainsi le
Cygne à col noir du Chili {Cygnus nigricoUis Gm.) a la
majeure partie de la tête et le cou d'un noir franc, le corps
et la région voisine des yeux d'un blanc pur, le bec et les
pattes d'un rouge écarlate, et le Cygne coscoroba {Cygnus
chionisWig, ou coscoroba Mol.) qui est commun au Chili
et sur le Paranâ et qui visite aussi l'archipel des Malouincs,
est tout blanc, avec le bec et les pattes d'un rouge tirant
au rose. Enfin la Tasmanie et les provinces méridionales
de l'Australie possèdent une dernière espèce de Cygne qui
a été récemment acclimatée en Europe et qui diffère de
toutes les précédentes par son mode de coloration. Cette
espèce c'est le Cygne noir {Cygnus atratus Lath.), dont
693 -
CYGNE — GYLINDRAGE
la livrée est d'un noir fuligineux avec les rémiges blanches,
le bec et les pattes rouges. E. Oustâlet.
II. Mythologie (V. Gycnus).
IIL Astronomie. — Constellation boréale renfermant
quatre-vingt-une étoiles environ, et dont les cinq qui sont
plus brillantes affectent la forme d'une croix (V. Croix du
Cygne). Elle est située entre la Lyre et le Lézard d'une
part, Céphée et le Renard d'autre part, et renferme une
des étoiles le^ plus curieuses de celles que nous connaissons :
c'est l'étoile double 61 du Cygne, dont la principale est de
cinquième grandeur et le compagnon de sixième grandeur.
C'est une des plus rapprochées du svstème solaire. L'étoile
a du Centaure a pour parallaxe 0 ,9 (ce qui signifie que
l'angle formé par les rayons visuels menés de la terre à
l'étoile a du Centaure en deux points opposés de son
orbite, à six mois d'intervalle, est peu inférieur à V^) : elle
nous envoie sa lumière en trois ans et demi, bien que le
chemin parcouru par le rayon lumineux soit de 300,000 kil.
par seconde. La parallaxe de 61 Cygne, d'après les tra-
vaux de l'illustre Bessel, vérifiés et contrôlés par Peters,
atteint 0^'',374. Pour nous transmettre sa lumière, cet
astre met quatre-vingt-sept ans, c.-à-d. que si cette étoile
disparaît ou cesse d'être lumineuse, nous ne pourrons nous
en apercevoir qu'après quatre-vingt-sept ans. Les coor-
données de la position moyenne de De^ieb ou a du Cygne,
l'étoile la plus belle de cette constellation, dont la grandeur
est comprise entre la première et la seconde, sont, d'après
la Connaissance des Temps pour 1891 :
M z=z m^ 37"^ 42%82 ; P ™ 45° 6' n'\\ .
L. B.
IV. Art héraldique. — Oiseau assez employé en armoi-
ries et toujours représenté d'argent ; il est presque toujours
becqué et membre de sable, quelquefois de gueules.
Ordre du Cygne* Créé en Prusse le 20 sept. 1442,
par Frédéric II, deuxième électeur de Brandebourg ; il se
composait, outre les princes, de trente gentilshommes et
de sept dames prenant l'obligation de célébrer les fêtes de
la Vierge. Les statuts furent approuvés en 1449, puis en
1458 ; en 1539 l'ordre fut éteint, mais le 21 déc. 1843,
le roi Frédéric-Guillaume de Prusse le renouvela solen-
nellement, déclarant qu'il n'avait pas été supprimé. Il est
aujourd'hui conféré à toutes les personnes prenant l'enga-
gemenf de secourir les malades et de soulager les pauvres.
La grande maîtrise appartient à la couronne d'Allemagne ;
l'ordre n'a pas de ruban, mais un collier qui, en certaines
occasions, est donné comme cadeau royal. G. G.
BiBL. : Ornithologie. — Swainson et Richardson,
Faun. bor. amer., 1831, t. IL — J.-J. Audubon, Ornith.
biogr., 1838 et 1839, t. IV et V, et Birds America, t. VI,
pi. 382 et 384.— J. Gould, B. Europ., pi. 354 à 356, et
B. Austral, t. VII, pi. 6. — G.-R. Gray et Mitchell, Gen.
of Birds, 1846, t. III, p. 610 et pi. 166. — Degland et Gerbe,
Ornilh. europ., 2« édit., 1867, 1. 11, p. 472.
CYGNES (Rivière des) (V. Swan River).
CYLICHNA. I. Malacologie. — Genre de Mollusques-
Gastéropodes, de l'ordre des Opistobranches , établi en
1846 par Loven pour un animal pouvant être contenu en
entier dans sa coquille, n'ayant pas d'yeux distincts;
pourvu d'un disque frontal déprimé et tronqué en arrière ;
à pied allongé. — Cylichna arachis Quoy. Les Cylichna
habitent toutes les mers et vivent ordinairement attachées
aux plantes marines. J. Mâbille.
II. Paléontologie (V. Bulla).
GYLINDRAGE. I. Industrie. — Cylindrage des étoffes
(V. Apprêts).
II. Travaux publics. — Cylindrage des chaussées.
Il y a quarante ans, l'emploi des rouleaux ou cylindres com-
presseurs n'avait lieu qu'exceptionnellement pour la mise
en état des chaussées neuves. Il en résultait que les ma-
tériaux mis dans la forme y conservaient pendant long-
temps leur mobilité, au grand dommage de la circulation,
Rouleau compresseur.
à moins qu'on ne répandît à leur surface une matière
liante, terre ou marne, dont la présence diminuait, sans le
supprimer, cet inconvénient ; de plus, de tels répandages
faits sur les pierres cassées mobiles pénétraient dans la
masse, s'accumulaient dans sa partie inférieure si le temps
était sec, en sorte qu'on arrivait à avoir une chaussée
malsaine, suivant l'expression consacrée, qui restait mau-
vaise indéfiniment. Le cylindrage des chaussées remédie à
ces inconvénients ; mais encore faut-il qu'il y soit procédé
avec la patience et les soins nécessaires. Les principales
règles à suivre sont les suivantes : faire passer le rouleau
d'abord à vide, puis à mi-charge, puis à pleine charge, en
commençant par les bords; arroser, répandre une matière
d'agrégation par petites parties, lorsque les pierres se sont
enchevêtrées de manière à perdre leur mobilité, en conti-
nuant l'arrosage. N'abandonner une partie de chaussée
que lorsqu'une pierre cassée jetée à sa surface s'y écrase
sous le rouleau, au lieu de pénétrer dans l'empierrement.
A partir du moment où le répandage des matières d'agré-
gation commence, il faut mélanger celles-ci à l'eau avec le
balai et veiller à ce que la bouillie pénètre partout dans
les vides. Le roulage ordinaire, les voitures d'agriculture
opéreront, sur la largeur de leurs roues, une compression
bien plus intense que celle du rouleau compresseur ; si les
CYLINDRAGE — CYLINDRE
694
^^ides n'étaient pas remplis à l'avance, une partie consi-
dérable de la pierre serait réduite en petits débris, et l'on
peut dire que dans les premiers temps l'usure serait très
onéreuse ; elle l'est encore malgré le garnissage des
joints, mais dans ma proportion bien moins forte. Au cas,
assez fréquent, où le répandage de la matière d'agrégation
commencerait trop tôt, ou constituerait la masse de la
chaussée à l'état de magma dans lequel les pierres voi-
sines seraient souvent séparées par de la marne ou de
la terre sableuse. En opérant bien, les pierres sont acco-
tées les unes contre les autres avant l'arrivée de la
bouillie dans l'épaisseur de la chaussée, d'oii il résulte
qu'on remplit les vides de celle-ci sans donner de la mo-
bilité à ses éléments constitutifs ; il n'y a plus de brassage
sous les roues des voitures lourdement chargées et l'émiet-
temcnt des matériaux est réduit au miuimum. — Ce sont
là des considérations très simples, mais qu'il est essentiel
do recommander à l'attention des agents chargés de la
construction des chemins, car faute d'en tenir compte on
ne fait une petite économie dans le présent qu'en provo-
quant des pertes de capital dont les conséquences grèvent
sérieusement l'avenir.
Les rouleaux compresseurs sont de différents modèles ;
ils ont tous pour organe principal un cylindre en fonte, ou
en forte tôle, dont l'axe tourne sur des paliers fixés à un
brancard auquel sont adaptées des caisses, dans lesquelles
on peut mettre du gravier, des moellons ou des pavés pour
augmenter à volonté le poids de l'appareil.
Le rouleau représenté par la figure pèse environ
3,200 kilogrammes à vide, et 6,400 à pleine charge. Le
diamètre du cyMndre est de 1^^20 et sa largeur de 4^10.
Valeur i ,500 fr. environ, un peu plus si la construction
est très soignée et les matériaux de très bonne qualité.
Il vaut mieux employer la tôle que la fonte. ■— Par cen-
timètre de largeur, cet appareil exerce une pression de
29 kilogr. à vide et de 58 kilogr. à charge entière. Les
cylindres compresseurs peuvent être des espèces de loco-
motives routières à roues très larges. Celui d'Aveliug et
Porter est assez répandu ; il a quatre roues, les deux de
derrière sont motrices, et celles de devant, pouvant
tourner autour d'une cheville ouvrière, sont directrices.
La largeur de chaque roue est deO'^^40 à 0"^60. Les pistes
des roues ne se recouvrent que très peu, en sorte que la
résistance se trouve assez également répartie entre elles ;
dans leur ensemble elles agissent sur 2 m. de largeur de
chaussée. La machine peut marcher indifféremment dans
les deux sens. — On comprend facilement les avantages du
rouleau à vapeur, qui peut avoir un poids considérable
sans être trop encombrant, tandis qu'il faudrait des atte-
lages démesurés pour traîner le même poids d'un autre
engin ; les désagrégations provenant des pieds des chevaux
se trouvent évitées ; la montée des rampes a lieu facile-
ment en augmentant le débit de la vapeur et diminuant la
vitesse. Par contre, le bruit de la machine et son aspect
effrayent les chevaux qui n'y sont pas encore habitués ;
on éprouve quelquefois de grandes difficultés à se procurer
toute l'eau nécessaire, la machine en ayant besoin pour
elle-même et le travail marchant plus vite; enfin, dernier
inconvénient qui restreint l'emploi du rouleau à vapeur,
celui-ci représente un capital de 14,000 à 15,000 fr., et
môme beaucoup plus lorsqu'il s'agit des énormes rouleaux
qu'on emploie dans certaines grandes villes. Si l'on re-
marque qu'un mécanicien habile est nécessaire, on voit
qu'il doit être souvent difficile d'opérer convenablement
sans l'engager à l'année; il faut en somme avoir beaucoup
de travail à lui donner pour que Temploi du cylindre à
.vapeur soit justifié, économiquement parlant.
ïl y a une remarque pratique sur laquelle il est essentiel
d'appeler l'attention, c'est que le rouleau compresseur peut
être utilisé dans l'entretien des chaussées comme à leur
premier établissement ; mais qu'il faut n'opérer que par
un temps humide, ou sur une chaussée artificiellement
J)ien détrempée lorsqu'on n'emploie qu'une faible épaisseur
de matériaux ; autrement la pierre serait prise entre l'en-
clume et le marteau. Il faut même n'opérer dans ce cas
qu'avec un appareil de poids modéré ; sans quoi les maté-
riaux seraient trop brisés; on obtiendrait une bonne
chaussée, mais dont la couche neuve s'userait très rapide-
ment.
Les ingénieurs des ponts et chaussées ont une tendance
marquée à faire l'entretien des routes par le système dit
de l'aménagement. Il consiste à laisser les chaussées s'user
pendant plusieurs années, en n'employant par petites
pièces que le minimum de matériaux nécessaire pour le
maintien de l'uni, et à rétablir tout d'un coup l'épaisseur
au moyen de rechargements cylindres. Comme il y a des
parties mal aérées, naturellement humides, où l'entretien
se fait plus difTicilement qu'ailleurs, on fait, entre temps,
quelques grands emplois cylindres partiels. — Ce système
est favorable au bon état des routes, diminue les entraves
que les emplois, dans le système ordinaire, apportent à la
circulation pendant l'automne, et enfin est économique ;
c'est en l'employant qu'on arrive à ne pas augmenter les
frais d'entretien, bien que depuis dix ou quinze ans la
circulation sur les routes nationales augmente plutôt
qu'elle ne diminue, alors que la main-d'œuvre et les ma-
tériaux ont généralement haussé. — Remarquons toutefois
que le système de l'aménagement n'est guère applicable
lorsque la circulation est très faible, puisqu'il ne serait
possible de récharger la chaussée que tous les dix ou quinze
ans, à moins d'accroître périodiquement son épaisseur, ce
qui n'est pas admissible. Pendant une si longue période,
sur des chaussées usant si peu, on ne pourrait maintenir
convenablement l'uni de la surface, si l'on voulait n'y
consacrer qu'une fraction plus ou moins faible des maté-
riaux correspondant à l'usure. — Il va sans dire que les
rechargements doivent être faits par demi-largeur de la
chaussée, pour ne pas entraver la circulation. Comme
toutes choses, le système de l'aménagement a quelques
inconvénients, à côté de ses sérieux avantages : dans les
parties bordées de caniveaux, il oblige à raidir la pente
transversale aux approches des bandes pavées latérales,
afin qu'à l'origine la chaussée refaite présente une saillie
suffisante, pour ne pas arriver à former cuvette avant le
rechargement suivant ; en outre, les grands approvisionne-
ments de matériaux qu'on est obligé de faire gênent sé-
rieusement les piétons; enfin, le détail des opérations étant
influencé par la température et par l'état hygrométrique, il
faut beaucoup d'attention et du coup d'œil pour opérer le
mieux possible; tous- les agents n'arrivent pas à remphr
complètement le but. On doit recommander tout particuliè-
rement de veiller à l'apprentissage de la direction des chan-
tiers de rechargement, et de ne jamais les confier à des
employés n'ayant pas opéré longtemps sous les ordres de
conducteurs habiles. M.-C. Lechalâs.
BiBL. : L. Marx et L. Durand-Claye, iîoiiJes et chemins
vicinaux; Paris, 1885, gr. in-8.
CYLINDRE, I. Géométrie. — Dans les éléments de géo-
métrie, on appelle cyhndre le solide engendré par la révo-
lution d'un rectangle autour de l'un de ses côtés ; le côté
qui tourne, dans chacune de ses positions, est ce que l'on
appelle le côté et la hauteur du cylindre ; les côtés per-
pendiculaires engendrent des cercles qui sont les bases du
cylindre. On appelle encore cylindres ou mieux surfaces
cylindriques les surfaces engendrées par une droite qui se
meut en restant toujours parallèle à une droite fixe, s'il
peut en résulter quelque confusion, le solide de la géo-
métrie élémentaire que nous venons de définir s'appelle
cylindre de révolution ou cylindre droit à base circulaire.
Le volume compris entre une surface cylindrique dont les
génératrices s'appuient sur une courbe fermée et deux plans
parallèles (et le cylindre droit à base circulaire est un cas
particulier de ce volume) a pour mesure le produit de la
section faite par l'un des plans ou base^ par la distance
des bases ou hauteur du volume cylindrique ; Taire de la
surface latérale (c.-à-d. prise en faisant abstraction de
— 695 —
CYLINDRE
base), d'un cylindre droit à base circulaire a pour mesure
le produit de la circonférence de la base multipliée par la
hauteur. Uéquation générale des surfaces cylindriques est
de la forme /* (P, Q) = 0, P et Q désirant deux fonc-
tions linéaires des coordonnées d'un point de la surface ;
leur équation différentielle est ;
dy
dx
désignant deux constantes ; elle exprime que le plan tangent
est parallèle à la génératrice ; il est d'ailleurs le même en
tout point d'une même génératrice ; les cylindres sont des
surfaces développables. H. Laurent.
IL Technologie. — C'est dans les fours où Ton fait
les verres à vitre en manchons ou cylindres, que l'on
fabrique les globes destinés à préserver de la poussière les
vases, bronzes, fleurs artificielles, objets d'histoire natu-
relle, etc., et auxquels on a donné le nom de cylindres^
parce que, en effet, on ne fit d'abord que des globes cylin-
driques; ces globes cylindriques ou cylindres n'étaient
simplement que des manchons non ouverts à l'extrémité
et dont on coupait le bonnet. Pendant longtemps, jusque
dans le commencement de ce siècle, on n'employait que ces
cylindres, dont la forme se prêtait très bien à couvrir des
objets de petite hauteur. Quand il s'agissait de couvrir des
objets de forme allongée, tels que pendules, on employait
des cages qui étaient fabriquées à Paris par des bombeurs
de verre (V. Bombeur, t. VII, p. 231). On eut alors l'idée,
après avoir soufflé un cylindre, de l'aplatir pour lui donner
une forme à peu près ovale ; à cet effet, ce cylindre non
encore détaché de la canne, était réchauffé dans l'ouvreau,
puis, le verrier le posait sur un plateau de bois blanc uni
et ensuite l'aplatissait en appuyant parallèlement au pla-
teau une palette en bois, pendant que Touvrier donnait
quelques petits coups de souffle pour maintenir sa forme
intérieure. Ce moyen était assez grossier ; on ne pouvait
ainsi arriver qu'à des dimensions approximatives, mais on
ne tarda pas à donner de la régularité à ce travail, en rem-
plaçant la palette par un autre plateau semblable au pre-
mier et maintenu à une distance déterminée, égale à l'épais-
seur que l'on voulait donner au globe ; et comme les globes
cylindriques étaient connus sous le nom de cylindres, on
appela cylindres ovales les cylindres aplatis entre deux
plateaux ; plus tard, au lieu de deux plateaux, on en as-
sembla quatre, entre lesquels on souffla le cylindre et on
obtint ainsi ce qu'on appelle cylindres carrés. Telles sont
les bases générales du travail des cyHndres.
Les cylindres usuels doivent être d'une égale épaisseur
dans toutes leurs parties, plutôt plus minces que plus épais
à la tête ou calotte ; cette tête doit être arrondie pour avoir
une forme gracieuse. Quand le manchon a été allongé par
le soufflage joint au mouvement de mouHnet, sa tête est en
pointe ; l'ouvrier doit alors chauffer de nouveau la tête du
cylindre, puis, le retirant de l'ouvreau, le placer dans une
situation verticale, tourner la canne sur elle-même, l'ex-
trémité du cylindre s'infléchit en dedans, parce que le verre
de la partie centrale cède à ce poids. L'ouvrier souffle alors
très légèrement et fait prendre à la tête une forme convexe.
Les cylindres ovales sont soufflés dans des moules, du
moins on appelle ainsi les deux plateaux fixés à une dis-
tance égale au petit diamètre que l'on veut donner au cy-
lindre ; ces plateaux sont des madriers de peuplier de 10 à
42 centim. d'épaisseur. On choisit ce bois comme étant le
moins fibreux, le plus homogène dans sa substance, n'ayant
pas de nœuds et se carbonisant sans laisser de côtes sail-
lantes qui feraient impression sur les faces du cylindre.
Les plateaux sont fixés aux diverses distances voulues au
moyen de vis de rappel. Pour les cylindres carrés^ le
moule est composé de quatre madriers. Les deux madriers
de côté forment calibre ; ils doivent être un peu plus étroits
du bas que du haut, pour la sortie du verre du moule. La
précision d'un ouvrier habitué à souffler des cylindres est
telle qu'il ne s'éloigne pas d'un demi-centimètre des me-
sures commandées et qu'il peut fabriquer des paquets de
cylindres ronds, ovales et carrés, entrant les uns dans les
autres, dans des limites extrêmement rapprochées.
Les cylindres ronds, d'un développement même assez
grand, n'ont pas besoin d'être recuits ; il n'en est pas de
même des cylindres ovales et carrés. On comprend que ces
derniers, lorsqu'ils viennent d'être terminés, ne sont pas à
une température uniforme dans toutes leurs parties, les
parties plates s'étant trouvées en contact avec le moule :
aussi, quand on essaye de couper le bonnet au fil de verre,
sans leur avoir fait subir une recuisson, la fissure qui s'ouvre
au point où l'on glace, au lieu de suivre la ligne sur laquelle
était posé le fil de verre, marche irrégulièrement et s'étend
jusqu'à la tête du cylindre. On recuit ces cylindres dans
une arche à tirer sur des plaques en tôle ou ferrasses.
Quand le travail est terminé et que les cylindres sont re-
cuits, le verrier coupe tous les bonnets au fil de verre et
on porte les cylindres au magasin. Avant d'être livrés aux
marchands qui portent encore le nom de bombeurs de
verre, les cylindres ont encore besoin de subir une opé-
ration avant de pouvoir remplir le but de leur destination.
Le bord coupé au fil de verre n'est pas très régulier, il faut
donc le dresser au diamant. Ce dressage se fait aujourd'hui
mécaniquement, à l'aide d'appareils semblables à ceux qui
servent pour rogner les manchons dans la fabrication du verre
à vitre (V. Verre a vitre). L. Knab.
III. Cylindre pour observations scientifiques (V, En-
registreur).
IV. Chemin de fer (V. Machine À vapeur).
V. Métallurgie. — Cylindre broyeur (V. Broyeur,
t. VIII, p.).
VI. Travaux publics, — Cylindre compresseur
(V, Cylindrage).
VIL Art militaire, — Le cylindre est la partie prin-
cipale de la fermeture de culasse dans les armes portatives
dites à verrou. Le cylindre fait généralement corps avec un
levier de manœuvre qui sert à le faire glisser suivant l'axe
de l'arme pour ouvrir ou fermer le tonnerre. Pendant le
tir, il est maintenu dans une position invariable au moyen
du levier rabattu dans une échancrure pratiquée sur le côté
droit de la boîte de culasse ; dans les armes de construc-
tion nouvelle, la fixité du cylindre est assurée d'une façon
symétrique par rapport au plan de tir, au moyen de deux
tenons portés par le cylindre et qui s'engagent dans des
mortaises de la boîte de culasse.
VIII. Pyrotechnie — Cylindre incendiaire, -^ Artifice
composé d'un faisceau de mèche à étoupilles lente et d'une
enveloppe en cretonne enduite d'une composition incen-
diaire. Les cylindres incendiaires se chargent, concur-
remment avec une certaine quantité de poudre, dans tous
les obus ordinaires. Lorsque le projectile, tiré par la bouche
à feu, éclate, les cylindres s'enflamment par les deux
bouts et brûlent environ une minute et demie.
IX. Archéologie assyrienne. — Ce nom de cylindre
est donné aujourd'hui à une classe très intéressante de petits
monuments généralement en pierre dure. Le nom provient
de leur forme cylindrique, et généralement ces cylindres sont
percés dans l'axe par un trou destiné à recevoir une tige,
moyennant laquelle on déroulait les cylindres sur la brique
molle. L'empreinte des figures et lettres, gravées dans
cette pierre dure, constituait les cachets des Babyloniens
et des Assyriens. Hérodote nous dit que chaque Babylo-
nien avait un cachet, et une quantité énorme de ces cylindres
a été trouvée. Ces monuments sont quelquefois très petits,
il y en a de 15 millim. de longueur, les plus longs n'at-
teignent pas 1 décim. Nous possédons des cylindres très
anciens remontant à 4,000 ans av. J.-C. et descendant jus-
qu'au dernier temps de l'existence de l'écriture cunéiforme.
De ces temps antiques, nous n'avons pas seulement des
cylindres, mais même déjà au xxiv® siècle, des empreintes
accompagnant les contrats et les jugements. Ces empreintes
sont aussi très nombreuses dans les documents en brique des
rois perses et des Séleucides. Les sujets gravés sur ces cy-
lindres sont généralement de nature symbolique. Dans les
CYLINDRE — CYLINDROGRAPHE
696
temps anciens on rencontre des sujets mythologiques, tels
que les héros nationaux étranglant des lions, terrassant
des taureaux, des adorations, des sacrifices offerts à la divi-
nité, et enfin une grande quantité de scènes mystiques.
Dans le vide (jue laissent ces scènes, se trouvent des groupes
de symboles isolés, tels que le soleil, la lune, les étoiles, les
animaux de différentes espèces, les parties sexuelles, des
ustensiles divers et autres. Le style de la gravure diffère
beaucoup selon l'âge et la provenance. Ce qui rend les cy-
lindres surtout intéressants pour nous, ce sont les inscrip-
tions qui s'y trouvent; l'immense majorité des cylindres
porte des inscriptions cunéiformes. On laissait libre un côté
du cylindre, et on le vendait ainsi aux particuliers qui y
gravaient leur nom, le nom de leur père et celui du dieu
protecteur ; c'est là la forme la plus usitée :
Ilituram,
Fils du
^ Serviteur du Dieu Siw.
Tous ces cylindres sont gravés à rebours, pour que
l'empreinte reparaisse à l'endroit. D'autres de ces cylindres
contiennent des formules magiques, plus ou moins longues
et sans nom de personnage. Parmi ceux-là, il y en a beau-
coup dont rinscription remplit tout le cylindre. Quelques-
uns des cylindres talismaniques sont gravés à l'endroit ;
mais néanmoins ils ont été destinés à être imprimés sur
brique, et la reproduction à rebours avait probablement
une signification superstitieuse.
Les Arméniens, les Mèdes et les Perses avaient imité
l'exemple des Assyriens; nous possédons par exemple un
superbe cylindre de Darius P^ avec une inscription trilingue.
Quelques autres cylindres ont reçu des inscriptions phéni-
Cylindre chaldéen.
ciennes, araméennes et hymiarites. Nous en avons même
beaucoup avec des inscriptions gnostiques; ces derniers
monuments n'étaient pas des cachets, et souvent la
forme des cylindres était changée en celle de prisme. On
en trouve quelques-uns qui avaient une anse pour être
Cjdindre perse.
portés au cou. La matière des cylindres est assez variée, et
probablement le choix de la pierre était subordonné aux
vertus magiques qu'on attachait aux divers minéraux. On
en trouve en hématite, sardoine, onyx, agate, cornaline,
jaspe, chalcédoine, îapis-lazuli, cristal de roche et d'autres.
Les cylindres se trouvent en grande quantité dipersés dans
toutes les collections de l'Europe et de l'Orient, et bien des
catalogues ont été dressés pour décrire ces monuments
curieux. j, Qppert.
CYLINDRELLA (Malac). Genre de Mollusques-Gasté-
ropodes, de l'ordre des Pulmonés-Géophiles, établi par
Pfeiffer, en 1840, pour une coquille cyhndrique, parfois
pupiforme, comptant un grand nombre de tours, dont la
croissance est régulière ; le dernier ordinairement détaché,
souvent presque libre ; ouverture subcirculaire à péristome
continu et réfléchi ; columelie souvent munie de un à trois
plis. — Cylindrella pruinosa Morelet. Ces Mollusques
habitent l'Amérique centrale et sont surtout abondants aux
Antilles.
CYLINDRIQUE (Potentiel) (V. Cylindre et Potentiel).
CYLIN PRITES (Paléont.) (V. Actéon).
CYLINDRO-CONIQUE (Hélice) (V. Hélice).
CYLINDROGRAPHE. Le cylindrographe, dont l'inven-
tion est due au chef de bataillon du génie P. Moëssard, est
un appareil photographique, qui permet de tirer un pano-
rama complet, des vues d'étendue quelconque et même des
groupes de plusieurs personnes. Avec des dispositions
spéciales dans l'appareil, on arrive facilement à exécuter,
et cela d'une façon précise, tous les levés topographiques.
Cet appareil est donc, non seulement un objet de passe-
temps, mais encore un instrument scientifique. De nom-
breuses et belles épreuves obtenues par M. Neurdein avec
cet appareil ont figuré à l'Exposition universelle de 4889.
Comme le cylindrographe est une chambre photographique
portative, une fois mis en station, il donne par une seule
visée l'image de tous les objets situés entre deux lignes
formant entre elles un angle de 470<»; il suffit donc, pour
avoir un panorama complet, de tirer deux épreuves, cha-
cune sous un angle de d70** et une troisième sous un angle
de 30 à 40^, cette dernière servant à raccorder les deux
premières.
Principe de VappareiL Sans rappeler ici la théorie des
lentilles épaisses de Gauss, disons toutefois qu'un objectif
photographique peut être considéré comme une lentille
simple et qu'elle sera définie par ses deux plans focaux
principaux et ses deux points nodaux, la position de ces
derniers sur Taxe ne variant pas tant que Fangle d'incidence
des rayons lumineux n'est pas trop grand. Il résulte en
outre de la théorie des lentilles que quand la distance
de l'objet au foyer principal est d'environ 45 m., la
distance de l'image de cet objet à son foyer principal est
de beaucoup inférieure à la profondeur du foyer et par
conséquent elle devient négligeable dans la pratique. Avec
un angle d'incidence relativement petit, le rayon émergent
est parallèle au a
rayon incident
tout en partant
de son point no-
dal. Soit alors / / X ^C
(fig. 4) un fais-
ceau de rayons
lumineux
A^'B.... l'ima-
ge de ce faisceau
se formera sur
l'arc de cercle
ah à^ centre w,
et si l'on fait
tourner l'appa-
reil autour d'un pig. i.
axe vertical pas-
sant par n\ les différents faisceaux A ^' B, B ?z' C... ^Xt,^
formeront leur image sur l'arc de cercle a, h, c... de
centre n , de sorte qu'en remplaçant le cercle a, b, c. par
une pellicule sensible, les impressions lumineuses engendre-
ront une figure qui sera la perspective cylindrique des objets
à photographier. Tel est le principe du cylindrographe.
Description de VappareiL Le cylindrographe se compose
de deux demi-cercles en bois (fig. 2) horizontaux et égaux
(plancher P et plafond P') réunis sur leur diamètre par un
cadre vertical C; une tige de laiton t assure la soMdité de
l'appareil en réunissant à l'arrière le plancher et le pla-
— 697 —
CYLINDROGRAPHE — CYLLÈNE
fond. Au centre de l'appareil, sur Taxe de suspension
qui est placé au milieu du cadre se trouve l'objectif; la
planchette porte-objectif est reliée à l'axe de rotation par
quatre vis de réglage permettant de faire avancer ou reculer
Fig. 2.
l'objectif sur Taxe ; ce système exécute son mouvement de
rotation au moyen d'une manivelle munie de deux pinnules
verticales ; cette manivelle elle-même est réunie à l'axe de
l'appareil par une charnière et elle sert à déplacer l'objectif
dans son mouvement de rotation. La partie antérieure de
l'appareil est formée d'un voile noir en étoffe caoutchoutée
interceptant lejour sans gêner les mouvements de l'objectif.
En avant de l'objectif se trouve un tube en laiton (para-
soleil) ayant une fente dans laquelle on peut introduire des
diaphragmes de différentes dimensions. Le châssis porte-
pellicule est rectangulaire et fait de matière élastique;
il est fermé en dessus et en dessous par deux rideaux car-
tonnés qu'on appelle rideau de pose et rideau de fond. Ce
châssis à forme cylindrique ferme hermétiquement la
chambre. Pour mettre au point, on se sert d'un petit
écran en verre dépoli qui peut se placer à un endroit quel-
conque entre les^ rainures du plafond et du plancher. Le
reste de l'opération s'exécute exactement comme pour les
autres appareils photographiques. La seule différence à
signaler consiste dans le mouvement de rotation qu*on
imprime à l'appareil. On amène la manivelle à l'un des
bouts de sa course avec la main droite ; alors, ayant enlevé
de la main gauche le bouchon de l'objectif, on met la mani-
velle en mouvement d'une façon assez accélérée et l'on
répète ce mouvement de droite à gauche et de gauche à
droite jusqu'au moment où l'on a atteint le temps de pose
nécessaire. En général, pour obtenir une seconde de pose
sur chaque élément de la surface à impressionner, il faut
cinq courses complètes, aller et retour.
Applications. Nous avons dit en commençant que le
cyhndrographe servait également, grâce à des dispositions
spéciales, aux levés topographiques. Sous cette deuxième
forme, il s'appelle cylindrographe topographique. Nous
n'entrerons pas dans les détails et nous nous contenterons
d'indiquer la marche à suivre. Le cylindrographe topogra-
phique réahsant une perspective cylindrique des objets qui
l'environnent permet d'établir : 4° le canevas topogra-
phique, 2° les détails et 3° les courbes de niveau. Il résout
de la sorte le problème du levé topographique et permet
en outre de déterminer l'azimut et l'angle de pente pour
chaque point que l'on vise, c.-à-d. les deux éléments néces-
saires pour la détermination de ce point. La photographie
présente pour ces différentes opérations des avantages fort
nombreux. Elle réduit les calculs, les tracés sur le terrain,
tracés qui deviennent souvent impraticables avec les mé-
thodes ordinaires, par suite des changements atmosphé-
riques. Pour le levé topographique, le travail extérieur,
quand on emploie la photographie, se réduit aux opérations
suivantes qui sont simples et purement mécaniques:
4° mise en station et calage de l'appareil ; 2° exposition
des pellicules sensibles. Quand on emploie la photographie
plane au levé de terrain on se trouve en présence de nom-
breux inconvénients. Ces derniers disparaissent avec la
photographie cylindrique, car il suffit de tracer sur le
cliché développé deux échelles à divisions égales, une pour
les azimuts, l'autre pour les angles de pente. Il s'ensuit
que la détermination de l'azimut et de l'angle de pente
correspondant s'obtient au moyen de simples mesures de
longueur sur des échelles déterminées. Le cylindrographe
topographique est muni de dispositifs spéciaux : le pied de
l'appareil est formé de trois branches ; chaque branche n'a
qu'une brisure ; deux de ces branches portent à la même
brisure une crémaillère, une vis de pression et un pignon ; on
peut alors faire varier la longueur de ces branches et rendre
la chambre horizontale. Cette horizontalité se constate au
moyen de deux niveaux à bulle d'air, placés à angle droit
sur le plafond. Les échelles de pentes et d'azimuts se tracent
d'elles-mêmes sur la pellicule au moyen d'un dispositif
spécial. Le plafond porte également une boussole topogra-
phique servant à l'orientation sur le méridien magnétique.
Ce qu'il y a de remarquable, c'est que l'échelle du dessin
seule est proportionnelle aii rayon du cylindre pei^pectif,
le dessin lui-même ne variant pas. La distance des images,
distance comptée sur l'horizontale du cliché, est propor-
tionnelle à la distance angulaire des objets correspondants ;
de plus, la grandeur des images est inversement propor-
tionnelle à la distance des objets à l'appareil. Dans l'étude
géométrique des clichés, tout se réduit donc à une question
de proportion, ce qui est une chose fort aisée pour toute
personne ayant un peu la pratique des levés. Il faut con-
clure de là que le cylindrographe topographique permet
d'exécuter facilement toutes les opérations nécessaires
pour l'exécution d'un levé. Enfin, il tire son principal avan-
tage de sa légèreté, de sa solidité et de la simplicité de sa
construction. E. Chotârd.
BiBL. : P. MoËssARD, le Cylindrographe^ appareil pa-
noramique ; Paris, 1889.
CYLINDROPHIS (Erpét.). Genre de Serpents colubri-
f ormes, de la famille des Tortricidce (V. ce mot), différencié
du genre Tortrix proprement dit par l'absence de dents
sur les os intermaxillaires et ses yeux tout à fait à décou-
vert, ce qui est absolument le contraire chez les Tortrix.
Le Cylindrophis Cuja, type du genre, atteint une lon-
gueur de 50 centim. Son corps est d'un bleu d'acier relevé
de bandes irrégulières d'un blanc pur, la tête et la queue
sont rouges, l'extrémité de cette dernière d'un noir pro-
fond. Cet animal est spécial à l'Indo-Chine et aux îles
de la Sonde ; il vit sous terre et se nourrit de vers et
d'insectes. Rocher.
BiBL. : Sauvage dans Brehm, Reptiles^ édit. franc. —
DuMÉRiL et BiBRON, ErpêL génér,
CYLINDROPHYMA (Paléont.). Genre d'Epongés fos-
siles, type de la famille des Anomocladina de Zittel et
appartenant à l'ordre des Lithistidœ (0. Schmidt). Les
spicules du squelette sont à quatre rayons ou plus, réunis
par un centre dilaté avec les extrémités bifurquées, dis-
position rappelant les Hexactinelles. Cyl. milleporata
(Zittel d'après Goldfuss) est du jurassique supérieur et
présente une forme cyUndrique. Melonella et Mastosia
(Zittel) appartiennent à la même famille et sont également
du jurassique supérieur d'Allemagne (V. Lithistides).
CYl\HDH0P0D\UM(?Silèont,){CylindropodiumS3ip.).
Genre de Cycadacées fossiles, dans lequel de Saporta fait
rentrer une partie des troncs fossiles décrits parles auteurs
antérieurs sous les noms de Mantellia.Bucklandia^ Cyca-
doidea^ Cycadites et Encephalartos, D^ L. Hn.
CYLLÈNE (Géogr. anc.) : L Montagne d'Arcadie, aux
CYLLÈNE »- CYMBULIA
698 »-
frontières de l'Achaïe, un des points culminants du Pélo-
ponèse, aujourd'hui Ziria; elle était consacrée à Hermès
(Mercure). — II. Ville de FElide, port d'Elée, aujourd'hui
Chiarenza.
CYLLOSOME (Térat.). Genre de monstres célosomiens
(V. Célosomie).
CYLON. Athénien de la race des Eupatrides qui vivait
au vii^ siècle av. J.-C. ; vainqueur aux jeux Olympiques,
beau-père de Téagène, tyran de Megène, il tenta de s'em-
parer de la tyrannie à Athènes ; avec des partisans armés,
il s'empara de l'Acropole; il y fut assiégé, affamé: il
s'échappa avec son frère ; ses partisans s'étaient réfugiés
au pied des autels, on leur promit une libre retraite, mais
on les massacra ; cette souillure fut regardée comme très
grave ; non seulement les Athéniens firent purifier la cité
par Epiménide (V. ce nom), mais ils proscrivirent les
meurtriers sacrilèges et leurs descendants ; cette mesure
tombée en désuétude fut plusieurs fois invoquée par la
suite.
CYMAISE (Archit. et peint.) (V. Cimaise).
CYMATOPLEURA (W. Smith, 1853) (Bot.). Genre de
Diatomacées de la tribu des Surirellées, à frustules simples
et libres ; à valves elliptiques larges ou étroitement allongées
et souvent contractées au centre ; à surface valvaire ondulée
transversalement et finement striée, munie souvent d'un
pseudo-raphé peu visible. Les Cymatopleura appartiennent
aux eaux douces, les espèces sont peu nombreuses.
BiBL. : W. Smith, Synopsis Brit. Diai.,p. 37. — Kûtzing,
Species Algarwïu, p. 34, et Bacillarien. — Brébisson, Con-
sidérations, p. 17. — Pritchard, /n/usoî^ia, p. 793, etc., etc.
CYMATOSIRA (Grunow, 1862) (Bot.). Genre de Diato-
macées, de la tribu des Fragilariées, à frustules réunis en
rubans ; à valves lancéolées, couvertes de ponctuations assez
fortes et disposées en quinconces, sans raphé ni pseudo-
raphé.
BiBL. : Grunow, Verhandlungen der Kais. Kœnig. Zool.
Botan. Gesellschaft ; Vienne, 1862, p. 377.
CYiVlBALAIRE(V. Linaire).
CYMBALE (Mus.). Instrument originaire de l'Orient,
composé de deux plaques circulaires de bronze de 40 centim.
de diamètre, ayant au centre une concavité à laquelle est
attachée extérieurement une lanière de cuir qui permet
de suspendre l'instrument à la main de l'exécutant. Le son
émis par les cymbales est très violent et peut dominer les
tutti d'un grand orchestre. Les cymbales doivent être
jouées par un instrumentiste spécial ; à ce prix, leur
sonorité prend un caractère saisissant. C'est donc un tort
d'accoupler les cymbales à la grosse caisse et de confier
à un seul artiste l'exécution des deux instruments. C'est
avec juste raison que Berlioz comparait le choc de deux
cymbales ainsi disposées au bruit que pourrait faire la
chute d'un sac de ferrailles ou de verre cassé (Traité
d'instrumentation). La cymbale est un instrument fort
ancien; il tenait une grande place dans la musique des
Hébreux. La Bible en fait souvent mention sous les noms de
sélselvm et de mesiltayim. On a trouvé des cymbales
assyriennes dans les ruines de Ninive, et, de nos jours, à
Pompéi, on a reconstitué une collection très variée de
petites cymbales antiques en bronze, de toutes dimensions,
rendant un son argentin délicieux. Berlioz a tiré parti de
cette sonorité nouvelle dans son scherzo fantastique de
Bornéo et Juliette.
Il y a différentes façons de jouer des cymbales. Outre
la percussion violente des deux plateaux, rendant un son
extrêmement sauvage (chœur de Scythes de Gluck), on peut,
en les frottant légèrement et les laissant vibrer longuement,
obtenir une sorte de bruissement d'un effet fantastique
extraordinaire (Bacchanale du Tannhduser de R. Wagner,
pp. 46, 51 et 52 de la partition d'orchestre). On peut
aussi séparer les deux cymbales et frapper un seul des
plateaux, suspendu à la main, avec la mailloche de la
grosse caisse ou les baguettes des timbales. Wagner a tiré
un effet nouveau de cette percussion (Partition de la Gôtter-
dâmmenmg). Il l'indique par cette phrase : Beckenmit
Cymbe.
Paukenschlàgeln. — La sonorité des cymbales a perdu
de sa réelle valeur esthétique par l'abus qu'en ont fait les
compositeurs vulgaires et les chefs de musique. Les com-
positeurs modernes tendent à réhabiliter les cymbales dans
l'orchestre et à ne s'en servir que dans des moments précis
où elles ont leur raison de paraître. La plupart du temps
elles viennent couronner le sommet d'un tutti grandissant
de l'orchestre. On pourrait citer à ce propos le coup des
cymbales de la grande scène d'amour dans VEsclarmonde
de M. Massenet. ' Charles Bordes.
Bronze de cymbale (V. Bronze, t. VIII, p. 146).
CYMBALLUM (Mus.) (V. Clavecin).
CYMBE. Vase à boire, en différentes matières, employé
chez les Grecs et les Romains dans les repas ou les sacri-
fices. Les savants
ne sont pas d'ac-
cord sur la forme
de ces sortes d'us-
tensiles, ni sur la
différence qui exis-
tait, au moins dans
l'origine, entre la
xu(x6r] et le xup.-
6(:ov. On leur attri-
bue en général une
forme ronde et pro-
fonde qui les rap-
proche de nos sé-
billes modernes
(V. l'art. Cymbe, Cymbion dans le Dictionnaire des
Antiquités de Saglio).
CYMBELLA (Âgardh, 4830) (Bot.). Genre de Diato-
macées, servant de type à la tribu des Cymbellées, à frus-
tules simples et libres. Les espèces qui appartiennent à ce
genre vivent toutes dans les eaux douces.
BiBL. : Agardh, Conspectits Criticus. Dia^om.,1, p. 9. —
KuTziNG, Bacillarien, p. 79. — W. Smith, Synops. Brit.
Diat.^ I, p. 17, et Species Algarum.
CYMBELLÉES (Bot.). Tribu de Diatomacées, compre-
nant des genres dont les frustules sont tantôt Hbres, tantôt
portés sur des pédicelles dichotomes, ou disposés en séries
dans une masse gélatineuse transparente, affectant la forme
d'un tube ; parmi ces frustules les uns sont simples, d'autres
réunis deux à deux par le bord le moins bombé ; d'autres,
à section transversale cunéiforme, sont réunis à un certain
nombre par la face valvaire et constituent alors une colonie
ayant la forme d'une moitié d'orange. Les deux valves des
frustules sont semblables, cintrées ou cymbiformes et asymé-
triques par rapport au grand axe ; leur surface porte des
stries plus ou moins rayonnantes ou des côtes ; elles sont
munies d'un raphé cintré, très rarement droit, avec nodules
au centre et aux extrémités ; quelquefois le raphé est angu-
leux, sans nodules et souvent n'atteint pas les extrémités
de la valve (Epithemia). L'endochrome est constitué par
une seule lame dont le milieu repose sur l'un des côtés de
la zone, il recouvre les deux valves adjacentes en laissant
libre l'autre côté de la zone; rarement les lames sont laci-
niées transversalement sur les valves (Epithemia), Cette
tribu renferme les genres suivants : Cymbella, Cocconema^
Encijonema^ Epithemia et Amphora. P. Petit.
CVlVIBOSIRA(Kutzing, 1844) (Bot,). Genre de Diatoma-
cées, de la tribu des Achnantliées , à frustules linéaires,
courbés en genou, formés par deux valves linéaires-
oblongues dissemblables, l'une munie d'un raphé avec
nodule, l'autre privée de nodule ; les stries sont transver-
sales. Les Cymbosira vivent dans la mer, fixés aux plantes
par un de leurs angles au moyen d'un coussinet gélati-
neux. P. Petit,
BiBL. : KùTziNG, Bacillarien, 1844, p. 77. — Grunow,
Verhand. Zool. Bot. Gesellschaft; Vienne, 1863, p. 146.
CYMBULIA (Malac). Ce genre, type de la famille des
ùjmbîdidœ, de la classe des Mollusques Ptéropodes, a été
établi par Péron et Lesueur pour un Mollusque à corps
oblong, pourvu de deux nageoires très développées ; tête
non distincte, ainsi que les yeux. Deux tentacules situées
en avant et au-dessous de la bouclie ; cette dernière infé-
rieure et circulaire. Les branchies sont placées sur les côtés
dans le manteau. Type : Cymbulia proboscidea Péi^on et
Lesueur. Régions chaudes de l'océan Atlantique ; océan
Pacifique, MéVjiterranéc.
CYMBURK ToYACROYSKY, jurisconsulte tchèque (V. To-
VACROYSKY.
CYME. I. Géographie ancienne (V. Kyme).
IL Botanique (V. Inflorescence).
CYMÈNES (Chim.). Form. ISm!;;; S".
La théorie indique l'existence de vingt-deux carbures d'hy-
drogène répondant à la formule G^^H^^^ On a donné le nom de
cymènes à ceux qui dérivent de la benzine par substitu-
tion méthyhque et propylique, par conséquent aux méthyl-
propylbenzines, lesquelles sont isomériques avec les tétra-
méthylbenzines, la diéthylbenzine, Fisobutylbenzine, etc.
699 — CYMBULIA — CYMYLAMINES
Il n'existe qu'un seul cymène dans la nature, mais d'autres
ont été préparés artificiellement : l'orthocymène, le méta-
cymène, l'isocymène de Jacobsen.
I. Orthocymène. — On chauffe légèrement, en présence
du sodium, une solution éthérée de toluène orthobromé et
de bromure de propyle normal. Dès que la réaction se ma-
nifeste, on refroidit à 8-1 0^, puis on distille sur du sodium :
Ci4iFBr 4- C^H^Br + Na^ =: 2NaBr + Cm^\
L'o-cymène est un liquide réfringent, bouillant à 181-
182°, donnant avec Facide sulfurique deux acides sulfonés,
incristallisables, qu'on sépare en passant par les sels de
baryum (Claus).
IL Métacymène. — Ce corps s'obtient comme le pré-
cédent, mais en substituant le toluène métabromé au
toluène o-bromé. Il possède une odeur aromatique, possède
une densité de 0,863 à i6'>, bout à 176-17705. L'acide
sulfurique le convertit en deux acides sulfoniques, qu'on
sépare par cristallisation des sels barytiques ; l'acide azo-
c.ch!'
CCH^
cc^h'
ce h"
tique fumant engendre un dérivé trinitré, cristallisable en
lamelles, fusible à W ; avec l'acide ordinaire, on obtient
de l'acide m-toluique, et de l'acide isophtalique avec le per-
manganate ou l'acide chromique (Claus). En distillant la
portion d'huile légère de résine de pins, insoluble dans la
soude, Kelbe a obtenu un cymène qui fournit de l'acide
isophtalique par oxydation, et qu'il considère comme le
m. -isopropyltoluène.
III. Isocymène. — Le cumène parabromé, dérivé del'iso-
propylbenzine, est traité par une solution éthérée d'iodure
de méthyle, en présence du sodium et d'un peu d'acétate
d'éthyle ; la réaction doit être faite à basse température, au
voisinage de zéro ; on recueille à la distillation ce qui
passe à 170-173° (Jacobsen). Ce cyamène bout à 171-
172^; sa densité à zéro est de 0,8702. Il fournit, comme
les précédents, deux acides sulfonés avec l'acide sulfurique.
IV. Paracymène. — Le paracymène, cymène ordi-
naire, cymol, est la p-méthy]propylbenzine. Il existe
naturellement dans le Cicuta virosa (Trapp), le Ptychotys
ajowan (Millier), le Thymus vulgaris (Lalmand), V Eu-
calyptus globulus et le Semen-contra (Faust et Home-
yer), le Thymus serpillum (Febvre), etc. Il a été obtenu
en attaquant le camphre parle chlorure de zinc (Gerhardt),
par le perchlorure ou le persulfure de phosphore (Pott),
ou par l'anhydride phosphorique (Dumas) :
C20H160a — IP0^r=:C^0Hl4.
Mais on le prépare surtout au moyen des térébenthines :
lorsqu'on les chauffe au réfrigérant ascendant avec de
l'iode (Kékulé); en les décomposant par Facide sulfurique
concentré (Amstrong); en décomposant directement leurs
bromures par la chaleur, ou bien au moyen du sodium et
de la potasse alcoolique. Pour préparer le cymène au moyen
du camphre, on chauffe avec précaution 2 p. de ce corps
avec 1 p. de pentasulfure de phosphore ; on distille, on
agite le produit distillé avec Facide sulfurique et on rectifie.
Enfin, Silva prépare synthétiquement le cymène en faisant
réagir le chlorure d'isopropyle sur le toluène, en présence
du chlorure d'aluminium. Le cymène est un liquide inco-
lore, bouillant à 175°, ayant pour densité 0,8732 à zéro.
Il fournit à l'oxydation de Facide p-toluique, C^^IFO^, et
de l'acide téréphtalique C^^H'^0^. Le brome en excès, en
présence du bromure d'aluminium, le dédouble en toluène
pentabromé et en bromure d'isopropyle (Gustavson):
C20Hi4 4_ sBr'î =, 4HBr + C^WBv^ + C^lFBr.
réaction intéressante, car elle offre l'exemple d'un carbure
aromatique qui se scinde, dès la température ordinaire,
en deux corps dont l'un appartient à la série grasse. Avec
l'acide nitrique concentrée on obtient deux dérivés mono-
nitrés, l'un liquide, l'autre qui cristallise en aiguilles
fusibles à 124^5 (Landolph). D'après ce qui précède, on
voit qu'il existe plusieurs cymènes isomériques, dont les
propriétés sont très rapprochées ; le plus important est le
cymène ordinaire, le seul qu'on trouve dans les essences
naturelles (Wright). Ed. Bourgoin.
BiBL. : Beilsi kin, Préparation, Soc. ch., t. XXI, 229. —
Brrtiielot, Action deîil^ ib., t. IX, 455.— Claus, Deuts.
ch. Gesells., 1880, 899. — Faust et Homeyer, ib., 1874, 63,
1427, 1429. — FiTïicA, Soc. ch., t. XX, 558. — Gustavson,
ib., t. XXX, 23, 435. — Jacobsen, Deuts. ch. Gesells., 1879,
429. — KÉKULÉ, Préparation, Soc. ch., t. XX, 297. — Kelbe,
Deuts. ch. Gesells., 1880, 1157.— Kraut, Transf. de l'alcool
cuminique en cymène. Soc. ch., t. XXXII, 462. — Pott,
ib,, t. XII, 481. — Riban, Action de l'acide sulfuriciue, ib.,
t. XIX, 242; t. XX, 100, 244; t. XXI, 4, 174. — Wright,
Identité des cymènes naturels, i6., t. XX, 298.
CYMIDINE (Chim.).
j. . ( Equiv... C20IIi5Az~C20lIi2(AzïF).
1 ormules | ^^^^ ^ ^ ^ C^ojiiSAz = CMl'^{Ml^),
Syn. : Amido-p-méthylpropylbenzoL
Elle a été préparée par Barlow en réduisant le nitrocy-
mène par le fer et Facide acétique :
G2oili3(AzO^0 + 3H2 :=: SH^O^ + C20IIi3(AzH^).
La partie du liquide distillé, soluble dans l'acide chlor-
hydrique, est traitée par la soude ; J'éther enlève un
liquide huileux, incolore, inodore, plus léger que l'eau,
bouillant vers 250^, neutre aux réactifs colorés. Le chlo-
rhydrate de cymidine, G^^H^^AzHCl, se forme lorsqu'on
dissout la base dans l'acide chlorhydrique concentré ; c'est
un sel huileux, cristallisable, colorant les tissus en rouge et
le bois de sapin en jaune. 11 est probable que la base de
Barlow n'est pas pure et qu'il existe plusieurs cymidines
isomériques, répondant aux cymènes isomériques (V. ce
mot). Elle est, d'ailleurs, isomérique avec la cumylamine
et avec la m-isocumidine. Ed. Bourgoin.
BiBL. : Barlow, Philos. Magazine, t. X, 454 (4).
CYMYLAIVIINES (Chim.). Syn. : Cumylamines,
Les cymylamines sont des ammoniaques composées qui
résultent de l'union de l'alcool cymyMque avec l'ammo-
niaque.
I . Cymilamine primaire .
CYMYLAMÏNES - CYNIPS
700
Formules
Equiv . . . C^oH^^Az == C^oHi^AzHs.
jj, I Az.
Elle prend naissance &r. même temps que la di et la tri-
cymylamine, lorsqu'on chauffe à 400^ le chlorure de
cumyle avec l'ammoniaque alcooHque. On chasse l'alcool,
on reprend par l'eau, qui laisse la tricymylamine indissoute ;
la solution aqueuse laisse d'abord déposer par concentration
le chlorhydrate de dicymylamine, tandis que le chlorhy-
drate de cymylaraine cristallise en dernier lieu. Czumpelik
l'a obtenue en attaquant par le zinc et l'acide chlorhy-
drique une solution alcoolique de thiocyminamide :
C^oH^fAzS^ + 21P — H^S^ + CSOH^^Az
La cymylamine est un liquide huileux, à peine soluble
dans l'eau, facilement soluble dans l'alcool bouillant et
dans l'éther ; elle bout vers 280" en le décomposant. C'est
une base énergique, qui attire vivement l'acide carbonique
de l'air, à la manière de la benzylamine (Rossi). Le chlor-
hydrate^ C^^^H^^AzHGl, est cristallin, assez soluble dans
Feau. Le chloroplatinate, C^^H^^Az.HClPtCl^, est inso-
luble dans l'eau froide, peu soluble dans l'eau bouillante,
l'alcool et l'éther.
IL Cymylamine secondaire ou dicymijlamine,
p . S Equiv . . . C40iï27Az =1 (C20H^2)2AzH3
l ormules | ^l^ ^ ^ ^ ^,o^,,^^ ^ (C/OEis^^AzR
Base liquide, dont le chlorhydrate cristallise en aiguilles,
solubles dans l'eau et dans l'alcool (Rossi).
IIL Cymylamine tertiaire ou tricymijlamine.
^ , (Equiv... C««Ii39Az = (C20iïi2)3AzH3.
1 ormules | ^^^^^^ ^ ^ ^ Ç^^W^kz =z [C^^ll^^fAi.
Elle cristallise en lamelles rhombiques, fusibles à 81-82°,
dépourvues de réaction alcaline. Elle est insoluble dans
Feau, soluble à chaud dans l'alcool et dans l'éther. Le chlor-
hydrate, C^^H^^AzHCl, cristallise en aiguilles, à peine
solubles dans Feau, solubles dans l'alcool. Le chloropla-
tinate, C^^H^^AzHClMCP, est visqueux, difficilement cris-
tallisable. Ed. Bourgoin.
BiBL, : Rossi, Répert. de chimie pure, 1860, 465. —
Comptes rendus, t. LI, 570.
CYMINDIS. L Ornithologie. — Ce nom par lequel les
anciens désignaient on ne sait trop quelle espèce d'oiseaux de
proie, a été appliqué par G. Cuvier (Règne animal, 4847,
p. 34 9, 4^® édit.), à un genre de Rapaces ayant pour type le
Petit Autour de Cayenne de Buffon ou Falco cayennenis
Gm.; mais comme la même dénomination avait été im-
posée antérieurement par Latreille (4806) à un genre d'In-
sectes Coléoptères, les Cymindis de Cuvier sont appelés
Leptodon ou Regerhinus (V. ce dernier mot).
IL Entomologie (6^?/wmc^isLatr.). Genre de Coléoptères
de la famille des Carabiques et du groupe des Lébiites. Ce
sont des insectes de taille médiocre, ordinairement variés
de fauve ou de brun, parfois bleus ou verts sur les
élytres. L'espèce type, C. humeralis Fourcr., se ren-
contre, mais rarement, aux environs de Paris, sous les
pierres des collines sèches.
CYMODOCE (ZooL). Genre de Crustacés-Isopodes, très
voisin des SpJiéromes (V. ce mot) et qui a été établi par
Leach.
CYMOPHANE (Miner.). La cymophane ou chrysobéryl
est un aluminate de glucine (GlAPO'^) orthorhombique.
a:b: c;= 0,580: 4 : 0,470; mw=: U^^m^pbVzziz
436<^32'. Les cristaux sont en général aplatis suivant jo et
présentent la combinaison j9^V2. Fréquemment, on observe
des macles (suivant m) de six individus : le groupement
possède l'apparence d'un minéral hexagonal. Clivage g^,
plan des axes optiques dans g^. Bissectrice aiguë positive
perpendiculaire à /i^ : p > u; 2V = 44^. Eclat vitreux;
couleur jaune d'or {chrysobéi^yl) , jaune verdâtre , vert
d'herbe, vert foncé [alexandrité) . Transparente ou trans-
lucide. La variété verte [alexandrité) présente toujours les
assemblages pseudohexagonaux, elle est très polychroïque ;
de plus, elle possède la propriété de changer de couleur
lorsqu'on l'examine à la lumière artificielle, elle devient alors
violette. On la trouve àCeylan, dans l'Oural; on l'emploie
dans la joaillerie : cette pierre a une assez grande valeur.
La cymophane jaune se ti'ouve dans les sables diaman-
tifères du Brésil, dans les granulites du Connecticut, etc.
Ce minéral est infusible au chalumeau et insoluble dans les
acides. Densité, 3,5 à 3,84. Dureté, 8,5. A. Lacroix.
CYMOTHOE. I. Zoologie. — - [Cymothoa). Genre établi
par Fabricius; c'est le type d'une famille de Crustacés
Isopodes dont beaucoup d'espèces vivent en parasite sur
les Poissons ; ils subissent avec l'âge des changements de
formes importants, mais ils ne sont jamais complètement
dégradés. Les Gymothœ, qui sont connus dans toutes les
mers, ont les pièces buccales organisées pour la succion,
comme les espèces des genres voisins; ils ont l'abdomen
élargi, formé d'anneaux courts, le dernier article est
carré, transverse, les pattes sont semblables entre elles et
munies de puissants crochets; les pattes abdominales
portent des lamelles branchiales. Ex. : C. œstrum, œs-
troides, de la Méditerranée, vulgairement appelés Poux
de mer par les pêcheurs et qui vivent cramponnés sur le
corps de différents Poissons. Schiodte et Meinert ont
publié une excellente monographie de la famille des Cymo-
thoïdes (4879-4883). R. Moniez.
IL Paléontologie. — Le genre Cymothœ proprement
dit n'est pas connu à Fétat fossile, mais des i/^idf^' proches
voisins vivaient dès l'époque jurassique (V. Arch^oniscus
et Isopodes [Paléont.]). E. Trt.
CYNAILIQUE (V. CmEN).
CYNAILURUS (V. Guépard et Chat).
CYNANCHUM {Cynanchum L.). (Bot.). Genre de
plantes de la famille des x^sclépiadacées. Ce sont des
herbes ou des sous-arbrisseaux volubiles, à feuilles oppo-
sées, à fleurs hermaphrodites et pentamères, pourvues
d'une couronne staminale, à cinq lobes lancéolés ou liguli-
formes, accompagnés chacun en dedans, d'une languette
ou d'une petite écaille. — Les Cynanchum ont des
représentants dans l'Europe méridionale, en Asie, en
Afrique et en Australie. Leurs tiges sont remplies d'un
suc laiteux, acre et amer, doué de propriétés émétiques.
Le C. acutum L., dont le C. monspeliense L. n'est
qu'une variété, croît dans la région méditerranéenne. Il a
passé pendant longtemps pour fournir la Scammonée de
Montpellier. (V. Scammonée). — Le C. Argel Del. ap-
partient maintenant au genre Solenostemma (V. ce mot).
Quant au C, vomitorium Lamk, dont les feuilles sont
employées en Amérique comme succédané de l'Ipécacuanha,
il fait partie du genre Tylophora. Ed. Lef.
CYNARA (Cynara Tourn.) (Bot.). Genre de Composées,
du groupe des Carduacées. Ses représentants sont des
herbes vivaces, dont les grandes feuilles pinnatipartites ont
le rachis canaliculé et ailé-foliacé. Les capitules, très volu-
mineux, terminent la tige et les rameaux. Leur involucre
est formé de larges bractées imbriquées, charnues à la base
et terminées par une petite pointe épineuse. Le réceptacle
est épais, charnu, garni de paillettes. Les fleurons sont de
couleur violacée, et les achaines, tétragones, sont surmontés
d'une aigrette caduque de soies longues et plumeuses. —
Les deux espèces principales sont le C. scolymus L. ou
Artichaut (V. ce mot) et le C. cardunculus L. Ce der-
nier, très répandu dans la région méditerranéenne, est
cultivé en grand dans les potagers sous les noms de Carde,
Chardonnette et Cardon (V. ce mot). Ed. Lef.
CYNAROCÉPHALES (Bot.). Nom donné par Vaillant à
une division des Composées, correspondant au groupe des
Carduacées. Ed. Lef.
CYNÉGÉTIQUE (Art) (V. Chasse).
CYNÉGIRE, fils d'Euplorion et peut-être frère du poète
Eschyle, fut tué à Marathon au moment où il saisissait un
navire ennemi (V. Hérod., VI, 444, et la légende racontée
par Justin, II, 9).
CYN HYÈNE (V. Chien, L XI, p. 2).
CYNICTIS (V. Mangouste).
CYN I PS. L Zoologie. — Les Hyménoptères-Térébrants,
— 701 —
CYNIPS
désignés par Linné sous le nom générique de Cynips, for-
ment aujourd'hui la famille des Cynipides, placée entre les
Braconides et les Ichneumonides (V. Ichneumon) et corres-
pondant aux Diplolépaires de Latreille. Ce sont de très
petits insectes, dont la taille varie entre 2 et 5 millim.
Leur coloration est en général assez uniforme, brune,
rougeâtre ou noire, rarement brillante. La tête, peu déve-
loppée, porte deux antennes droites, de douze à quinze
articles, plus longues chez les mâles que chez les femelles.
Le thorax est large, épais, ovoïde, avec l'écusson grand et
saillant. Les ailes antérieures offrent une cellule radiale
lancéolée et deux ou trois cellules cubitales ; les inférieures
n'ont qu'une seule et forte nervure inférieure en plus de la
nervure costale. L'abdomen, en général brièvement pédi-
cule, est comprimé latéralement; le premier segment est
très grand, les autres raccourcis ; les arceaux niférieurs
se prolongent tellement en dessous que la face ventrale
semble formée d'une seule pièce carénée, saillante à l'ex-
trémité et recouvrant la tarière qui est le plus souvent
cachée et dépasse à peine, au repos, le bout de l'abdomen.
L'histoire des Cynipides est des plus intéressante. Elle
mériterait, comme l'a dit très justement M. le professeur
Laboulbène, d'occuper une place d'honneur dans les études
entomologiques de notre époque. Certains de ces petits in-
sectes sont entomophages et pondent leurs œufs à l'intérieur
du corps de diverses larves. Mais dans le plus grand
nombre les femelles, à l'aide d'une tarière dentelée à l'ex-
trémité et mue par des muscles puissants, entament les
tissus végétaux: bourgeons,^ feuilles, fruits, troncs et
même racines, pour y introduire leurs œufs en même temps
sans doute qu'une certaine quantité d'un liquide spécial.
L'action de ce liquide et la présence des œufs déterminent
un afflux considérable de sève qui amène l'hyperthrophie
des éléments cellulaires et, par suite, la production d'ex-
croissances de formes très variées, bien connues sous le
nom de galles (V. ce mot), dans lesquelles se développent
une ou plusieurs larves charnues, aveugles, dépourvues de
pattes et d'anus. Tantôt ces larves vivent plusieurs mois
dans la galle et s'y transforment en insectes parfaits sans
qu'elle se détache du végétal ; tantôt la galle tombe et les
larves en sortent pour aller dans la terre se transformer
en nymphes. D'autres fois les larves se métamorphosent
dans la galle même et l'insecte parfait la perce d'un trou
arrondi et persistant pour s'échapper au dehors.
Toutes les galles végétales sont loin d'être produites par
les Cynipides ; mais c'est à ces insectes qu'appartiennent
les galles les plus connues et les plus répandues dans les
forêts, principalement sur les chênes. Citons, entre autres,
la galle à teinture d'Alep,
qui se développe sur la
Quercus infectoria Willd.
(fig. 2) à la suite des pi-
qûres du Cynips gallœ-
tinctoriœ L. (fig. 1 et 3) ;
la grosse galle en nèfle du
chêne Tauzin des Landes et
sa variété de Hongrie, dues
au C. argentect Hart. [C,
Tozœ Bosc) ; les galles dites
en artichaut, semblables à
des cônes de houblon, provoquées par la déformation des
bourgeons du chêne à la suite des piqûres du Cynips
fecundatrix Hart. ; les malci sodomitica ou mala
insana^ des bords de la mer Morte, produites par le
Cynips insana Westw. ; les galles chevelues des églan-
tiers et des rosiers ou Bédéguars (V. ce mot) dues aux
Rhodiies rosœ Hart., etc.
L'étude des Cynipides est donc étroitement liée à celle
des galles. Beaucoup d'auteurs, notamment Réaumur,
Hartig, Giraud, G. Mayr, ont fourni des matériaux très
importants pour cette étude, mais un grand nombre de faits
restent inexpHqués et la variabilité des galles provenant
d'un même insecte est une des causes qui rendent les re-
Fi^. 1. — Cynips gallae
tinctoriœ L. (femelle
grossie).
cherches des plus difficiles. D'un autre côté, de grandes
incertitudes régnent sur le mode de reproduction de beau-
coup de Cynipides. Il existe toute une série d'espèces chez
lesquelles on n'a encore trouvé aucun mâle. On a cru voir
Fig. 2.
- Galles produites sur le Quercus infectoria "Willd.
par le Cynips gallee tinctoriœ L.
Fig. 3. — Galle ou-
verte pour montrer
la larve du Cynips
gailœ tinctoriae L.
là une procréation sans fécondation préalable, une parthé-
nogenèse. Mais depuis les découvertes de H. Adler, on est
porté à admettre une génération alternante ; en d'autres
termes, une génération agame ne présentant que des indi-
vidus femelles, se développant dans
des galles de nature spéciale,
donne naissance à une génération
comprenant des individus mâles et
femelles en nombre égal , qui se
développent dans des galles de
nature toute différente des pre-
mières. C'est ainsi, par exemple,
que le Cynips quercus gemmte
L. ou C. fecundatrix Hart. agame,
c.-à-d. femelle, apparaissant en
avril et sortant des galles en artichaut qui se développent
à Faisselle des feuilles de chêne, pique les bourgeons des
chênes et détermine la formation de petites galles fixées
librement sur les chatons lors de la floraison. Ces galles
donnent naissance vers la mi-juin à VAndricus pîlosus
Hart. des deux sexes, dont les femelles reproduisent, par
la piqûre des bourgeons, les galles en artichaut primi-
tives, d'où naissent, au printemps suivant, des Cynips
fecundatrix agames. Il en est de même pour le JSeu-
roterus lenticularis Oliv. (iV. Malpighi Hart.). Ce Cy-
nipide éclôt, au printemps, de galles aplaties qu'on ob-
serve en automne à la face inférieure des feuilles de
chêne et qui tombent en hiver. On n'en connaît que des
femelles. Celles-ci piquent des bourgeons de chêne et pro-
duisent des galles charnues, transparentes comme des
grains de groseilles blanches , d'où sortent des Spathe-
gaster baccarum L. mâles et femelles ; ces dernières pon-
dent leurs œufs sur les feuilles et ces œufs sont entourés
de la galle àa Neuroterus lenticularis primitif. Ces faits,
extrêmement intéressants, ont été confirmés depuis lors
par Lichtenstein (Petites Nouvelles entomologiques ,
4^^ mai 1878), et par Cameron, dans EntomoL Monthly
magazine (juin 4878, p. d2). Ed. Lefèvre.
II. Paléontolotsie. — Des insectes de la famille des
Cynipidœ ont été signalés dans l'ambre tertiaire [Cynips^
Diplolepis), Des feuilles de marronnier provenant des
CYNIPS - CYNOCÉPHALE
— Î02
lignites de Salzhausen présentent des galeries semblables
à celles des Cynips ou des Pteromalus. A Florissant
(Amérique du Nord), on a trouvé des Galles et de nombreux
représentants tertiaires de cette famille. E. Trt.
CYNIQUE (Ecole). L'école cynique eut pour fondateur
Ariiisthène (V. ce nom) et pour principaux représentants
le fameux Biogène (Y. ce nom) de Sinope, Cratès, sa
femme Hipparchie et Métroclès, frère d'Hipparchie. L'his-
toire du cynisme part donc du iv^ siècle av. J.-C; elle se
prolonge jusqu'à la fin du iii^ siècle ayec Ménédème et
Ménippe. Les doctrines cyniques sont un mélange des doc-
trine de Socrate, des Eléatcs et des Mégariques. Avec
Socrate, les cyniques soutiennent qu'une seule chose vaut
qu'on s'en occupe, la bonne conduite de la vie. Tout le reste
est indifférent. Ils condamnent donc comme inutiles toutes
les sciences, telles que la logique et la physique, qui n'ont
aucun rapport avec la vertu. Or, le sens commun suffit
largement à apprendre à l'homme tout ce qui est nécessaire
pour bien vivre. Le reste n'est que vaine recherche et sub-
tilité. La science d'ailleurs est impossible, car on n'a le
droit de donner à un concept aucun autre concept pour
attribut. A chaque objet correspond un nom qui le désigne
en totalité : donner donc un attribut à un sujet, c'est non
pas exprimer un objet, mais dire que deux objets ou deux
noms sont un seul objet, ce qui est absurde. Le jugement
devient ainsi impossible et, par contre-coup, la science. Il
n'y a donc pas de science purement théorique qui soit légi-
time. Mais la science pratique a cependant le droit d'exister.
Cette science a pour but de donner à l'homme la vertu et,
par la vertu, le bonheur. Le bonheur est ainsi la fin der-
nière de la vie, mais il ne se sépare pas de la vertu ; la
vertu est le seul bien, le vice, le seul mal. Tout le reste
est indifférent. Le seul bien qui mérite ce nom est ce que
l'homme possède en propre, dont il est toujours le maître
et que rien ni personne ne peut lui enlever, c.-à-d. son
activité intellectuelle et morale. Tout le reste est hors de
lui. La richesse, l'honneur, le déshonneur, la mort dépen-
dent de la fortune et non de nous. Ce ne sont pas là des
biens pour nous, puisqu'ils ne sont pas vraiment nôtres.
La chose la plus vile et la plus pernicieuse du monde est
le plaisir ; aussi Antisthène se plaisait-il à répéter qu'il
aimerait mieux être en proie à la folio qu'au plaisir. Le
travail, au contraire, est un bien ; par lui l'homme apprend
à se maîtriser, à se dominer, à se posséder. Yoilà pour-
quoi les cyniques se mettaient sous la protection spé-
ciale d'Hercule, portant comme lui un manteau et un bâton
de chêne. La vertu consiste dans la sagesse qui nous en-
seigne ce c{ue la nature exige de nous ; or, la nature ne
saurait exiger de nous rien autre chose sinon que nous
demeurions nous-mêmes, indépendants de toute domina-
tion extérieure. La vertu est donc, avant toute chose, dans
Faction énergique et droite, dans la possession de soi. La
vertu se suffit donc à elle-même. Le sage se dépouillera
donc de sa fortune, s'il en a, ne la recherchera pas, s'il n'en
a pas, il vivra en mendiant, boira de l'eau dans le creux
de sa main, mangera le pain qu'on lui donnera, se conten-
tera d'un tonneau pour demeure et d'un haillon troué
pour vêtement. Il ne donnera à la nature que les satisfac-
tions indispensables et de la façon la plus simplifiée pos-
sible. Au nombre des satisfactions indispensables, les
cyniques, ainsi que tous les païens, mettaient les plaisirs
de Vénus. Ils condamnaient comme des embarras la famille
et le mariage. On voit aisément les conséquences d'une
pareille doctrine et on s'explique alors l'acte étrange et
répugnant que Diogène Laerte rapporte de son homonyme
cynique. Ils prétendaient supprimer ainsi tous les besoins
artificiels, et ils plaçaient parmi ces besoins non seulement
les règles de la civilité vulgaire, mais encore les exigences
les plus légitimes de la pudeur. Ils se croyaient en droit
d'agir en toute chose au grand jour et de satisfaire en
public tous leurs besoins. Ils condamnaient la vie publique
comme un embarras, la société comme un fait artificiel,
l'esclavage pour la même raison. L'esclavage n'a pas de
raison d'être, car nul homme n'a besoin d'un autre pour
être lui-même et se posséder. Les cyniques méprisaient
l'opinion des hommes et divisaient Thumanité en deux parts,
l'une, la plus nombreuse, composée des fous, l'autre, la
moins nombreuse et la seule cependant qui eût vraiment
une existence humaine, composée des sectateurs de la phi-
losophie cynique. Qu'importait au cynique que les fous se
moquassent de lui et l'appelassent chien, il savait de science
certaine que c'étaient les autres qui méritaient le nom de
fous et que lui seul possédait la véritable sagesse. Disons
pour terminer que le nom de cette école paraît lui venir
du Cynosarge, portique d'Athènes, où enseigna Antisthène,
à moins que les propos insolents et provocateurs des sec-
tateurs ne leur ait attiré la dénomination de chien de la
partdequelque/mUropvivementinterpellé. G. Fonsegrive.
BiBL. : V. surtout Zeller, Histoire de la philosophie des
Grecs, trad. française, t. III, pp. 260-305. On y trouvera
une indication complète des sources.
CYNOCÉPHALE {Cynocephalîis) , L Zoologie. — Genre
de Singes de l'ancien continent appartenant à la sous-famille
des Cercopithéciens et caractérisé par la forme du museau
qui se prolonge en avant comme celui du chien, d'oîi le nom
du genre (en grec, tête de chien). Chez ces animaux le nez
est placé à l'extrémité du museau qui se trouve tronqué
en avant comme chez les carnivores, ce qui leur donne
une physionomie plus bestiale que celle des autres Singes
à tête plus ou moins arrondie. Les Cynocéphales, que l'on
désigne vulgairement sous le nomade Babouins et de
Papions, sont, après les Anthropoïdes (V. ce mot),
les plus grands et les plus forts de tous les Singes. Leurs
proportions surtout sont plus robustes et plus trapues que
celles des Guenons et des Macaques, et leur queue, tou-
jours assez courte, est quelquefois réduite à un simple tron-
çon. La tête est grande et lourde par suite de l'allonge-
ment des mâchoires : les dents, en immQ nombre que chez
l'homme et les autres Singes, sont grosses et la dernière
molaire inférieure présente un cinquième tubercule comme
dans les autres genres de la sous-famille. Les canines sont
énormes et constituent des armes redoutables chez les
mâles adultes : les femelles, et surtout les Jeunes, les ont
Crâne du Man drille choras.
moins développées, et ces derniers ont d'abord la tête
arrondie comme les autres Singes mais bientôt déformée
par l'allongement des mâchoires : c'est là un phénomène
que nous avons déjà signalé chez les Anthropoïdes. —
Les callosités des fesses sont toujours bien développées et
souvent colorées en rouge ou en bleu ainsi que les autres
parties nues. Tous les Cynocéphales habitent la région éthio-
pienne, c.-à-d. l'Afrique au sud du Sahara, la vallée du
Nil et le sud de l'Arabie ; dans l'Afrique australe ils ne
paraissent pas dépasser la vallée du Zarabèse (Schlegel).
Le Cynopithecus niger, de l'île de Célèbes, que l'on a
quelquefois rapproché des Cynocéphales, se rattache plutôt
aux Macaques. Les Cynocéphales se tiennent ordinairement
à terre ou sur les rochers et montent assez rarement aux
arbres, se nourrissant d'ailleurs comme les autres Singes,
703 —
CYNOCÉPHALE
de fruits et de racines. Leur force les rend redoutables et
leur morsure est des plus dangereuses. On en connaît
actuellement neuf espèces que leurs caractères permettent
de répartir en quatre groupes ou sous-genres. Le sous-
genre Mormon (Lesson) ou Mandrilla (Desmarest), carac-
Cynocéphale Mandrille (Cynocephalus mormon).
térisé par sa queue très courte, rudimcntaire, comprend
deux espèces qui sont les plus grandes et les plus fortes du
genre : le Mandrille Choras (Cynocephalus maimon)^
atteint la taille des plus grands Chiens, et par conséquent
égale presque le Chimpanzé, mais avec des proportions
très différentes. La face est allongée et les joues, de chaque
côté du nez, sont marquées de quatre ou cinq sillons, colo-
rés en bleu chez le mâle adulte : l'extrémité du nez est
d'un rouge vif. Les callosités des fesses sont bleues. Le
pelage est d'un brun olivâtre plus clair dessous, avec une
petite barbe jaunâtre au menton. Les membres sont trapus,
fortement musclés, très robustes. La femelle est plus petite
et plus faible : son museau n'atteint pas le développement
qu'il présente chez le mâle, et ne se revêt jamais de cou-
leurs aussi vives ; par contre ses parties génitales, comme
celles du mâle, se gonflent et deviennent d'un rouge vif au
moment du rut. Les jeunes, des deux sexes, ressemblent
aux femelles : ils ont le museau moins saillant avec les
joues noires, faiblement teintées de bleu, et diffèrent assez
du mâle adulte pour que Buffon en ait fait une espèce à
part. Le Mandrille habite l'Afrique occidentale, notamment
l'intérieur du Gabon. Ses mœurs à l'état de liberté sont
peu connues. Les individus pris jeunes que l'on amène en
Europe, supportent bien la captivité et se montrent assez
dociles pendant les premières années. Mais dès qu'ils re-
vêtent les caractères de l'adulte, ils deviennent brutaux et
intraitables et se font remarquer dans les ménageries par
leurs mœurs Jibidineuses, Leur gardien doit toujours se
méfier d'eux, car leurs canines produisent des blessures
profondes et souvent mortelles. — Le Mandrille leucophe
ouDrill {Cyn. leucophœus), a la taille, et à peu de choses
Tète de Drill.
près, les proportions du précédent, mm en diffère par sa
face dépourvue de sillons et noire avec le bord de la mâ-
choire inférieure rouge chez le mâle adulte. Cette face noire
et ses proportions robustes lui donnent une certaine res-
semblance avec le Gorille, surtout de face, mais le museau
est aussi allongé que dans l'espèce précédente. Il habite
également l'Afrique occidentale.
Le sous-genre Chœropithecus (Reichenbach) comprend
quatre espèces de grande taille à formes trapues et robustes
comme les précédentes, mais à queue de la longueur du
tronc. Chez toutes, la face est noire avec les paupières
couleur de chair ; les poils du derrière de la tête sont
plus ou moins allongés. •— Le Chacma (Cyn. porcarius) a
Cynocéphale chacma.
le pelage d'un brun noirâtre. Il habite l'Afrique australe
sans qu'on soit bien fixé sur les limites exactes de sa
patrie, notamment dans la colonie du Cap. On en trouve
sur la montagne de la Table, mais il est possible que ces
individus descendent de Chacmas amenés de l'intérieur et
rendus à la liberté comme pour les magots du rocher de
Gibraltar. Les mœurs ressemblent à celles des Mandrilles,
et les adultes ne sont ni moins brutaux ni moins dange-
reux. Les colons de l'Afrique australe les redoutent beau-
coup à cause des ravages qu'ils font dans les champs culti-
vés. Cependant quand il sont pris jeunes on les dresse assez
facilement à rendre quelques services ou simplement à
remplacer les chiens de garde en avertissant de l'approche
des étrangers. — Le Papion anubis [Cyn. anubis) paraît
Tête de Papion (Cynocéphale sphinx).
remplacer l'espèce précédente, dans l'Afrique occidentale,
notamment à la Côte d'Or (Accra). Le pelage est moins
foncé et moins long, surtout à la tète, que celui du Chacma.
Le Doguera [Cyn, doguera) ou Babouin de Ruppel,
représente les précédents en Abyssinie. Sa face est plus
claire, tirant sur la couleur chair. Heuglin en a rencontré
des bandes nombreuses vivant sur les grands arbres qui
couvrent les montagnes du Simèn, puis dans la province
de Takadeh et le long du Bahr~el-Abiad. Le Papion sphinx
{Cyn. sphinx) ou Papion de Buffon se distingue par son
pelage beaucoup plus clair, tirant sur le roux. Il habite le
Sénégal. On voit souvent cette espèce dans les ménageries
CYNOCEPHALE — CYNODOJNTIA
704
où il se montre très intelligent, assez docile, mais remuant,
lascif et gourmand.
Le sous-genre Cynocephalus proprement dit comprend
deux espèces plus petites, à formes plus grêles et à queue
plus longue que les précédents. Le museau est aussi
moins proéminent. La face est noire, plus pâle sur le nez
et autour des yeux. La queue est un peu plus longue que
dans le groupe précédent. Le Babouin de F. Cuyier {Cyn.
babouin) a le pelage d'un fauve olivâtre, plus pâle en
dessous. Il habite l'Abyssinie (Dongola, Sennaar), et de là
s'étend jusqu'au Mozambique et au Zambèse. Le Cyn.
rubescens (Temminck) en diffère par son pelage d'un
roux rougeâtre. Il habite l'Afrique occidentale (côte do
Guinée). — Une dernière espèce, type du sous-genre Hama-
clryas (Lesson), le Tartarin (Cyn. hamadryas)^ a la
Cynocéphale haniadryas.
queue assez longue et pourvue d'un pinceau terminal. Le
pelage est très long sur la tête, les épaules et les flancs
du mâle formant une sorte de crinière. La face et les cal-
losités des fesses sont couleur de chair claire. Le mâle est
d'un gris cendré, tandis que les femelles plus petites et
dépourvues de crinière, sont comme les jeunes, d'un brun
clair. L'espèce habite, d'après lïeuglin, toute l'Abyssinie
jusqu'à 8,000 pieds dans les montagnes, se tenant sur les
rochers nus, même dans les forêts, mais ne grimpe pas sur
les arbres. Elle s'étend de là jusqu'à la côte, à travers le
pays de SomaH, et se retrouve dans l'Arabie méridionale
jusqu'au 20° de lat. S. Cette espèce, bien connue des an-
ciens Egyptiens, est représenté sur leurs monuments.
IL Paléontologie. — Les Cynocéphales, qui ne sont
plus connus qu'en Afrique, avaient des représentants en
Asie à l'époque tertiaire et quaternaire : tels sont les Cyno-
cephalus subhimalayanus et C. Falconeri du pliocène
de l'Inde. Le C. atlanticus (Thomas) est du pliocène d'Al-
gérie. E. Trouessart.
III. Archéologie égyptienne. -— Le cynocéphale ou
grand singe à tête de chien, nommé ââni par les Egyp-
tiens, est ^toujours peint en vert sur les monuments. Il
paraît avoir été consacré particulièrement à Thot dans
son rôle de Dieu-Lune, Thot-Lunus, car on le rencontre
tantôt coiffé du disque lunaire, tantôt tenant l'œil sacré,
emblème de la pleine lune. Les cynocéphales, appelés
quelquefois hati^ « les adorateurs », symboMsent aussi
l'adoration du soleil levant, comme, par exemple, au
chap. xvï du Livre des morts ou sur la base de l'obé-
lisque de Louqsor conservée au Musée du Louvre. Le haut
de la porte centrale du temple d'Ammon à Médinet-Abou
est orné d'une série de ces animaux, ainsi que la corniche
extérieure du grand temple dédié au Soleil à Ibsamboul.
Parfois un cynocéphale assis sur un trône, comme un
dieu, tient dans sa main un petit ibis, l'ibis étant l'em-
blème du dieu Thot ; et fréquemment il figure au sommet
de la balance du jugement de l'âme, comme représentant
de Thot qui a pour fonction d'enregistrer la sentence
suprême. P. Pierret.
BiBL. : Zoologie. — H. Sciilegel, Muséum des Pays-
Bas^ Singes, 1876, p. 122 (V. aussi au mot Singe).
CYNODICTIS (Paléont.). Genre de Mammifères Carni-
vores fossiles dont les débris sont très abondants dans les
couches éocènes en Europe et particulièrement en France.
Les dents sont en même nombre que chez les Chiens (V.
ce mot), mais avec un caractère plus ou moins carnassier,
qui rapproche les espèces tantôt des Civettes (Viverridœ)
tantôt des Martes {Mustelidœ), que les Cynodictis repré-
sentaient au commencement de l'époque tertiaire, et dont
la plupart avaient ^la taille et la démarche plantigrade.
Plusieurs se rapprochent des Renards (Vulpes) et même
des Chiens, notamment de certaines petites espèces améri-
caines. Le type le plus anciennement connu est le Cy^io-
dictis parisiensis décrit par Cuvier comme une civette
( Viverra parlsiensis) et qui provient des carrières à plâtre
(oHgocènes) de Montmartre. Tout en laissant les Cyno-
dictis à la base de l'arbre généalogique des chiens, on
doit aussi considérer certaines de leurs espèces comme
ayant donné naissance aux Viverridœ, aux Èlustelidœ et
même aux Felidœ. Les Cynodictis paraissent avoir donne
naissance aux Viverra, les Viverra aux Mttstela par
l'intermédiaire des Plesictis, des Stenoplesictis^ des Pa-
lœoprionodon. Les Mustela enfin auraient constitué,
après une grande simphfication de leur système dentaire,
les Felis par l'intermédiaire des Proailurus et des Pseu-
dailurus (Filhol). D'un autre côté les Cynodictis se rat-
tachent, par Galecynus et les petites espèces à'Amphi-
cyon, aux Renards et aux Chiens, de sorte que ce genre
présente une grande importance au point de vue de la
théorie transformiste en général et de l'évolution du type
des Carnivores en particulier (V. Chien).
BiBL. : H. Filhol, Mémoires relatifs à quelques mam-
mifères fossiles du Quercy {Bull. Société des Sciences
physiques et naturelles de Toulouse, 1879-80, V, pp. 59-
108). — R. Lydekker, Catalogue of fossil Mammalia in
Brit. Mus.y 1885, t. I. ~ E. Trouessart, Catalogue des
Carnivores {Bull. Soc. d'Etudes scient. d'Angers, 1885).
CYNODON. I. Botanique. •— (Cynodon Rich.) Genre
de plantes de la famille des Graminées et du groupe des
Chloridées. Ce sont des herbes vivaces, rampantes, carac-
térisées surtout par les épillets uniflores, disposés en épis
fihformcs digités. L'espèce type, C. dactylon Rich. (Pani-
cum Dactylon L.) est commune sur les coteaux incultes,
au bord des chemins, dans les champs sablonneux. On
l'appelle vulgairement Gros-Chiendent, Chiendent-Pied-
de-Poule. Ses rhizomes, très longuement traçants, jouissent
d'une certaine réputation dans la médecine populaire comme
dépuratifs et émolHents (V. Chiendent). Ed. Lef.
IL Paléontologie (V. Cynodictis).
CYNODONTIA (Paléont.). Famille de Reptiles fossiles
créée par R. Owen (1861), pour des animaux de l'époque
secondaire, qui se rattachent à l'ordre des Theromorpha
(ou Theromora Cope, 1880) et au sous-ordre des The-
riodontia (Owen) ou Pelycosauria (Cope). Cette famille
correspond à celle des Clepsydropidœ de Cope. -—Tous ces
Reptiles étaient carnivores et possédaient des membres ro-
bustes, également développés en avant et en arrière. Les
mieux connus sont des couches triasiques de Karoo (colo-
nie du Cap) et permiennes du Texas (Amérique du Nord) .
Les formes et les proportions varient beaucoup d'un genre
Crâne de Cynodonte (Galeosaurusplaniceps).
à l'autre, la taille est souvent comparable à celle des
grands Carnivores de l'époque actuelle. Le Galeosaurus
planiceps^ du gisement de Karoo, est remarquable par
son crâne aplati. — Les Reptiles de cette famille ne sont
connus en Europe que dans le Pwthliegende de Bohême
— 705 —
CYNODONTIA - CYNTHIA
et dans le permien des monts Ourals (gouv. d'Orenbourg)
(V. Théromorphes et Thériodontes).
BiBL. : K.-A. ZiTTEL, Handbuch der Palœontologie ^
V'o part., t. III (1889), pp. 574 et suiv.
CYNODRACO (V. Cynodontia).
CYN06ALE (V. Civette, t. XI, p. 510).
CYHQGlQSSE.l.BoTMmE,'- (CynoglosswmTonm,),
Genre de plantes de la famille des Borraginacées, dont on
connaît une soixantaine d'espèces de toutes les régions
chaudes et tempérées du globe. La plus intéressante est le
C. officinale L., qu'on appelle vulgairement Cynoglosse,
Langue de Chien, et qui croît communément en Europe,
dans les lieux pierreux, sur le bord des chemins, le long
des murs dans les villages. Elle se trouve également en
Sibérie et aux Etats-Unis. C'est une herbe bisannuelle,
dont la tige dressée, haute de 3 à 8 décim., rameuse au
sommet, est garnie de feuilles oblongues, lancéolées,
pubescentes-tomenteuses, très douces au toucher et exha-
lant, quand on les froisse, une odeur désagréable, légè-
rement musquée. Ses fleurs, d'un rouge violacé, sont
disposées en cymes unipares scorpioïdes. Sa racine, longue,
droite, charnue, a une odeur vireuse et une saveur fade.
IL Thérapeutique. — La Cynoglosse ne paraît pas
être douée des propriétés vireuses que divers auteurs lui
ont attribuées ; Diediilin et Setchenow assurent que l'extrait
alcoolique de la plante possède une action semblable à celle
du curare ; Buchheim et Loos pensent avoir isolé un alca-
loïde, la cynoglossine^ doué de propriétés curarisantes ;
ces faits sont douteux. Il est certain que la Cynoglosse
officinale est très peu active.
CYNOMETRA (Cynometra L.) (Bot.). Genre de Légu-
mineuses-Caîsalpiniées, du groupe des Copaïferées, com-
prenant des arbres et des arbustes à feuilles alternes,
paripennées, à fleurs petites, tétramères ou pentamères,
disposées en grappes courtes, naissant à Faisselle des
feuilles ou bien sur le bois du tronc ou des branches.
CYNOMORIUIVI (Cynomorium L.) (Bot.). Genre de
plantes de la famille des Balanophomcées (V. ce mot).
L'espèce type, C. coccineum L., connue sous le nom vul-
gaire de Champignon de Malte, est une herbe charnue
dont la tige, garnie d'é-
cailles alternes imbri-
quées, se termine par
un renflement en mas-
sue oblongue, d'un rou-
ge écarlate, tout cou-
vert de fleurs polyga-
mes sessiles, entremê-
lées de petites bractées.
Cette curieuse plante
croît dans la région
méditerranéenne, dans
les plaines salées et les
sables du voisinage immédiat de la mer, où elle vit en para-
site sur les racines de plantes très diverses. Ed. Lef.
CYNOPITHÈQUE (V. Magot et Cynocéphale).
CYNOPTÈRE (Cynopterus) (V, Roussette).
CYNOPUS (V. Mangouste).
CYNORRHODON. L Botanique. Nom pharmaceutique
des fruits de l'Eglantier ou Rosier sauvage {Uosa ca-
ninah,). Ed. Lef.
IL Pharmacie, — Les cynorrhodons étaient considérés
par les anciens comme un remède efiicace contre la mor-
sure des chiens (xuvo?, chien, et poSov, rose). Les cynor-
rhodons sont des fruits rouges, ovales, lisses, de la gros-
seur d'une olive. Ils sont formés d'un calice succulent,
charnu, contenant dans l'intérieur des carpelles secs ou
akènes, mélangés à des poils rudes et courts. La partie
charnue du calice, la seule employée on médecine, ren-
ferme les principes suivants : citrates, malates et sels
minéraux, gomme, matière résineuse, rouge, sucre incris-
tallisable (Bils). Pour préparer la jt?u/^(? de cynorrhodons^
on récolte les fruits un peu avant leur maturité, on rejette
GRANDE encyclopédie. — XIIL
Cynomorium coccineum L.
le limbe du calice, le pédoncule, ainsi que les akènes et
les poils intérieurs. On ajoute un peu de vin blanc, on dis-
pose le tout dans un lieu frais, en agitant de temps en
temps. Lorsque la masse est humectée et légèrement ra-
mollie, on la pulpe sur un tamis de crin. Cette pulpe sert
d'excipient pour quelques masses pilulaires; on l'utilise
surtout pour faire la conserve de cynorrhodons, qu'on
prépare avec 1 p. de pulpe et 2 p . de sucre pulvérisé, en
ayant soin de chauffer quelques instants au bain-marie,
pour avoir un produit homogène. Au xvi® siècle, les cynor-
rhodons étaient très recherchés et utilisés dans Part culi-
naire ; aujourd'hui encore, en Suisse et en Allemagne, on
s'en sert pour faire une confiture agréable. Ed. Bourgoin,
CYNOSARGE (V. Athènes [Topographie]).
CYNOSAURUS (Bot.) (V. Cretelle).
CYNOSCÈPHALES. Nom de deux collines de Thessalie,
présentant l'aspect de têtes de chien ; elles sont situées
près de Scotussa, dans la vallée de l'Apidanus, affluent du
Pénée ; c'est là que Flaminius défit, en 497 av. J.-C,
Philippe (V. ce nom), roi de Macédoine. Le résultat de
cette bataille fut l'étaMissement de la suprématie romaine
en Grèce.
CYNOSSEIVIA(Géogr.) ou Tombeau dji chien. 'Mom
d'un promontoire de la Chersonèse de Thrace et d'un pro-
montoire de Carie en face de l'île de Syme.
CYNOSURA. Promontoire de FAttique près de Mara-
thon. — Promontoire occidental de Salamine, en face de
l'île de Psyttalie. — Quartier de Sparte (V. ce nom).
CYNOSURE (Astron.). Ancien nom signifiant Queue du
Chien, donné par les Grecs à la constellation de la Petite
Ourse.
CYNTHIA. L Mythologie. — Surnom de Diane ou
Artémis et d'Apollon; il leur venait d'une colline de
Délos (V. ce nom).
IL Zoologie. — Groupe d'Ascidies simples, dont Savigny
a fait un genre à part ; ses caractères, étudiés et précisés
par Macleay, Heller, Transtedt, Lacaze-Duthiers et Delage,
sont les suivants :
Corps fixé, sessile ou pourvu d'un court pédicule,
rarement incrusté de grains de sable. Test coriace, rare-
ment cartilagineux. Orifices buccal et cloacal quadri-
lobes, sans taches oculiformes et armés. Tunique épaisse,
renfermant des faisceaux musculaires étroitement entrelacés
et disposés en deux ou trois couches distinctes. Tenta-
cules coronaux toujours ramifiés. Sac branchial pourvu, à
droite et à gauche du plan médian, de plus de quatre plis
méridiens (6 à 12), à réseau non interrompu. Stigmates
affectant la forme de fentes allongées et disposés réguliè-
rement. Raphé dorsal dentelé sur son bord libre ou pourvu
de languettes courtes, ou bien encore transformé en une
série de languettes plus longues. Tube digestif bien déve-
loppé et disposé en une 'anse très grande, s'étendant
presque jusqu'au niveau de l'orifice buccal. Cette anse est
formée de deux portions à peu près verticales et parallèles
dans une bonne partie de leur étendue. Foie distinct;
estomac non renflé, sans limites précises, sans côtes for-
tement saillantes à l'intérieur, sans gouttière stomacale,
sans ligament intestino-pylorique livrant passage au con-
duit excréteur de la glande pylorique ; ce canal excréteur
s'ouvre directement dans la paroi du tube digestif. Glandes
génitales de formes variables , développées à droite et à
gauche du plan médian sous forme de masses allongées,
simples ou lobées, la masse du côté gauche étant située
dans la concavité de l'anse intestinale. Nous ajouterons que
Roule a proposé de répartir les diverses espèces du genre
Cynthia en deux groupes : les Eticynthiœ et les Glo-^
•meratce. Enfin, le genre Cynthia appartient à l'ordre des
Tuniciers, que Lahille a proposé d'appeler : Stolidobran-
chiata. Les espèces les plus répandues sur les côtes de
France sont :
C. papillosa (Linné) ; C. pantex (Savigny) ; C, morus
(Forbes) ; C. scutellata (Heller) ; C. dura (Heller) ; C,
corallina (Roule).
4o
CYNTHIA — CYON
706 —
BiBL. : J.-G. Savigny, Mém. sur les animaux sans
vertèbres ; Paris, 1816, 2« part. — W.-S. Macleay, Linn.
Soc. Trans., 1823, t. XIV, p. 527. — G. Heller, Denk-
schr. der ftais., Akad. d. Wissensch. ; Vienne, 1877,
t. XXXII V. — Transtedt, Die einfachen Ascidien des
Golfes von Neapel^ Mitth. aus Zool. stat. zu Neape^lSSd,
t. IV. — L. Roule, Ann. des se. nat. ; Paris, 1885. — De
Lacaze-Duthiers et Y. Delage, Arch. de zool. expéri-
mentale, 1888, t. VII, 2" série. — Lahille, Recherches sur
les Tuniclers des côtes de France ; Toulouse, 1890.
CYNTHIANA (Vitic). Il n'existe aucune différence anipé-
lographique entre les deux cépages américains que l'on
désigne sous les noms de Cynthiana et Norton's Virginia. Le
Cynthiana, qui appartient au groupe des /Estivalis, a une
importance assez grande dans les vignobles de la Virginie
et des Etats du Sud des Etats-Unis d'Amérique. Il produit
les quelques vins, buvables pour des Européens, que con-
somment les Américains. Sa culture tend môme à remplacer,
sur les bords du golfe du Mexique, celle du Jacquez, et à
devenir exclusive avec celle de l'Herbemont. Les vins du
Cynthiana sont fortement colorés en rouge cristallin et alcoo-
liques, ils n'ont jamais la teinte violacée des Jacquez; les
Ilybrides-Bouschet donnent seuls des produits à intensité
colorante aussi accusée. Ce cépage a été cependant peu mul-
tiplié en France, parce que sa production est peu élevée et
qu'il reprend mal de boutures. Il ne prospère, en outre,
que dans les sols siliceux, caillouteux et rouges; iJ est infé-
rieur, comme porte-greffe, à beaucoup d'autres vignes amé-
ricames ; il est cependant très résistant au phylloxéra et
aux diverses maladies cryptogamiques. La grappe du Cyn-
thiana est moyenne, conique, souvcut ailée ; les grains oui
une grosseur sous-moyenne, ils sont globuleux, fortement
pruineux et d'un noir violacé intense ; le jus a une saveur
line et agréable. Les feuilles sont quinquélobées, gaufrées,
d'un vert foncé et luisant à la face supérieure, garnies sur
les nervures de la face inférieure d'un tomentum aranéeux
couleur rouille, que l'on observe aussi sur les rameaux, les
vrilles et le pédoncule, et qui donne à la plante un aspect
assez caractéristique. P. Viâla.
CYNTHIUS Cenetensis, commentateur de V Enéide de
Virgile (V, J.-M. Dozio, Cynthii Cenetensis in Vergil.
Aen, Commentar, e cod Ambras ; Milan, 4845).
GYNURÉNIQUE (Acide) (Chim.).
Formules \ ^'^''^^' • ' C^'lFAzO^ + H^O^.
1 oimules I Atom . . . Gi^iFAzO^ -f- ïl^O.
Syn. : Acide kynurénique.
Acide organique, azoté, appartenant à la série quino-
léique, découvert par Liebig dans l'urine du chien, oii il
remplace en grande partie l'acide urique, dernier corps
qu'on trouve dans l'urine des reptiles et en petite quantité
dans celle de l'homme. L'urine de chien le laisse parfois dépo-
ser spontanément ; en général, on la concentre au tiers, on
acidulé avec l'acide chlorhydrique et on abandonne le tout
dans un lieu frais ; on dissout le dépôt dans l'ammoniaque
étendue, pour laisser de côté l'acide urique, s'il en existe;
on décolore par le charbon, on précipite la liqueur filtrée
pas l'acide acétique et on fait cristalliser le produit dans
l'alcool (Schmiedeberg et Schulzen). L'acide cynurénique
est une poudre blanche, soyeuse, formée de petites aiguilles
brillantes, retenant une molécule d'eau, qui ne se dégage
qu'à 150^. Il est extrêmement peu solubledans l'eau pure
ou acidulée, assez soluble dans les acides concentrés et
dans l'alcool chaud. Il fond à 257-258^, mais en se décom-
posant, il dégage de l'acide carbonique et se transforme en
une base nouvelle, la cyanurine, G^^H'^AzO^, corps qui
cristallise en prismes clinorhombiques, brillants et trans-
parents :
C2oil7AzO« z=z C^^O* + C^^H^AzO^
Chauffé avec la poudre de zinc, dans un courant d'hy-
drogène, il donne de la quinoléine (Kretschy) ;
C^WAzO^ -^ n^ =:: C^04 ■+. H^O^ + C^siFAz.
L'acide azotique ne l'attaque pas, môme à chaud ; il en
est do même de l'acide iodhydrique au-dessous de 480^.
C'est un acide monobasique fusible, rougissant le tourne-
sol, mais qui se décompose pas le carbonate de baryum
(Liebig). Le 5^^ de potassium, C20H6I{AzO«^-|-2Â20^ est
en aiguilles soyeuses, efïïorescentes, très solubles. Le sel
de calcium , C^^H'^CaAzO^ -h H^O^, est en aiguilles fines
soyeuses, peu solubles. Le sel de baryum^
C2OH6BaAz06-i-2H^0^
est en aiguilles incolores, groupées en étoiles, encore moins
solubles que les précédentes. Il se dissout aisément dans
un excès de baryte, et le soluté, traité par un courant de
gaz carbonique, donne un dépôt de carbonate et de cynu-
rénate de baryum. Le sel de cuivre est un précipité jaune
verdàtre, à peine soluble à chaud, retenant deux molécules
d'eau. Le sel d'argent, C^^H'^AgAzO^-hH'^O^, est sous
forme d'un précipité blanc, insoluble dans l'eau. D'après
Meissner et Shepard, l'acide cyurénique est toujours accom-
pagné, dans l'urine des chiens, de l'acide urique, tandis que
d'autres observateurs n'ont rencontré ce dernier qu'après
une alimentation fortement animale (Voit et Richter).
Ed. BOURGOIN.
BiBL. : Brieger, Action du bromure, Zeiis. phys. chim..,
t. tV, 89. — Kretschy, Monats fur Chem., t. li, 57. —
LTKBiG, Ann. der Ch. und Pharm., t. LXXXVI, 125 ; t. CVIII ,
351;t. CXL, 143. — Schmiedeberg, Soc. ch., t. XVIII, 465.—
Richter et Voit, Arch. Aiiat. PhysioL, 1869, 381. —
Skepen, Inf. de l'alimentation, dans Wien Acad. Ber.,
t. XLIX, 249.
GYNURIE (Géogr. anc). District du Péloponèse, le long
de la côte orientale, au S. de l'Argolide et à l'E. de la
Laconie ; il fut longtemps disputé entre Argos et Sparte
(V. Laconie).
CYON (Nerf de). La découverte de ce petit fdet nerveux
a joué un rôle important dans l'étude de la physiologie gé-
nérale de la circulation. En 4866, Ludwig et Cyon recon-
nurent que chez le lapin il existait un très petit nerf qui,
partant de la surface interne du cœur, remontait vers le
pneumogastrique avec lequel il se confondait pour se
rendre à la moelle allongée. Accolé pendant la plus grande
partie de son trajet à la carotide avec le pneumogastriqiie et
le grand sympathique, il avait été longtemps pris pour une
branche de ce dernier système. Ce nerf existe évidemment
chez les autres animaux, mais il n'est pas isolé pendant
une partie de son trajet et ne peut ainsi être étudié sépa-
rément. 1^'excitation du bout périphérique, en rapport avec
le cœur, ne produit aucun effet sur la circulation, tandis
que l'excitation du bord central réuni aux centres bulbaires
détermine un abaissement notable do la pression intravas-
culaire, baisse qui ne persiste que pendant l'excitation.
C'était le premier exemple d'un nerf dépresseur.
Cette diminution de pression est due à la dilatation de
toutes les artérioles du corps, mais principalement des vais-
seaux qui se rendent aux viscères abdominaux. Le nerf
dépresseur est un nerf centripète, exerçant son action
comme les nerfs sensitifs, et il serait doué d'une certaine
action sur les centres nerveux. Outre la diminution de
pression on observe également une diminution dans la fré-
quence du pouls, mais ces deux phénomènes ne sont pas
liés nécessairement l'un à Tautre, car il suffit de sectionner
les pneumogastriques pour ne plus observer le ralentisse-
ment du rythme cardiaque. Quel est le mécanisme intime
de l'action du nerf dépresseur sur les vaisseaux périphé-
riques ? C'est là un point obscur ; son action sur des
centres bulbaires est certaine, mais quels sont-ils? Ces
centres vaso-dilatateurs, dont l'existence môme est con-
testée, recevraient par le nerf de Cyon une excitation éma-
née du cœur et agiraient activement sur les filets vaso-dila-
tateurs ou bien cette action serait-elle plus tôt inhibitrice
en se faisant sentir sur les centres vaso-constricteurs
qu'elle paralyserait. Quoi qu'il en soit du mode intime du
mécanisme, le résultat n'en est pas moins remarquable. Le
nerf dépresseur est en quelque sorte le frein servo-moteur
de la circulation. Quand sous une influence quelconque
physique ou psychique, il se produit une vaso-constriction
générahsée, la tension sanguine s'élève ; elle agit sur les
parois cardiaques et alors les terminaisons intra-cardiaques
du nerf dépresseur excitées déterminent une réaction
dépressive par l'interniédiaire du bulbe. C'est par Tinter-
médiaire de la moelle épinière et des nerfs splanchniques
que se transmet aux vaisseaux périphériques l'action dé-
pressive du nerf de Cyon, car cette dilatation ne se produit
plus après la section soit des nerfs splanchniques, soit de la
moelle. D^ P. LaxNglois.
BiBL. : LuDWiG et Cyon, Die Réflexe eines der sensibi-
len nerven des Herzens^ 1866. — Vulpian, Leçons sur les
vaso-moteurs^ 1875.
CY PAR ISS A (Géogr. anc). Ville de Messénie, aux
limites de l'Arcadie, habitée d'abord par les Caucones.
CYPARISSIA. Ville de Triphylie (V. ce mot) possédée
par les Nélides à l'époque homérique. — Ville maritime
de Laconie, aujourd'hui Castel Rampano.
CYPARISSUS. Ville de Phocide, sur le Parnasse, près
de Delphes.
CYPARISSUS (Myth.). Jeune héros grec de Céa, favori
d'Apollon, qui mourut de douleur après avoir tué un cerf
familier et fut changé en cyprès.
CYPERACÉES. 1. Botanique. — (Cyperaceœ DC.)
Famille de Végétaux Monocotylédones, dont les repré-
sentants sont des herbes ordinairement vivaces, à souche
souterraine constituée tantôt par des rhizomes rameux,
rapprochés en une masse compacte plus ou moins considé-
rable (souche fibreuse)^ tantôt par un ou plusieurs rhi-
zomes obliques ou horizontaux, souvent longuement traçants.
Les tiges aériennes ou chaumes,^ tantôt triangulaires, tantôt
cylindriques, sont, le plus ordinairement, pleines et dé-
pourvues de nœuds. Elles portent des feuilles tristiques,
composées d'une gaine dont les bords sont presque toujours
concrescents dans toute leur longueur en un tube fermé,
et d'un Hmbe hnéaire plus ou moins canaliculé, quelquefois
nul, très rarement pourvus d'une Mgule. Les fleurs, herma-
phrodites ou unisexuées, et dans ce dernier cas monoïques,
plus rarement dioïques, sont solitaires à l'aisselle dé petites
bractées écailleuses, distiques ou multifariées, réunies en
petits groupes dont l'ensemble constitue un épillet. Les
épillets, rarement sohtaires et terminaux, sont, le plus
souvent, groupés à l'extrémité des tiges en épis, en grappes
simples ou composées, en ombelles, etc., quelquefois accom-
pagnées à leur base de bractées plus ou moins développées
formant une sorte d'involucre ou de spathe. Le plus ordi-
nairement, la fleur est dépourvue de toute trace de périanthe ;
mais^ dans certains cas, elle est accompagnée à sa base d'un
nombre variable d'écaillés ou de soies que la plupart des
auteurs considèrent comme un périanthe rudimentaire.
L'androcée se compose de trois, plus rarement de deux
étamines hypogynes, à filets filiformes, à anthères basi-
fixes et introrses, déhiscentes par des fentes longitudinales.
L'ovaire, uniloculaire et uniovulé, devient à la maturité un
achaine à péricarpe membraneux ou crustacé, contenant
une seule graine, dont l'embryon très petit, lenticulaire ou
turbiné, est pourvu d'un albumen amylacé abondant.
Voisines des Graminées , les Cypéracées s'en distinguent très
nettement par leurs tiges aériennes dépourvues de nœuds,
par la concrescence en tube des gaines foliacées, par les
anthères basifixes et par la nature du fruit. Elles renfer-
ment un nombre considérable d'espèces (près de 2,500),
qui sont répandues, dans toutes les régions du globe et qui
croissent de préférence dans les lieux marécageux, sur le
bord des eaux, sur les plages maritimes, dans les prairies
humides, plus rarement dans les terrains sablonneux arides.
Ces espèces se répartissent dans soixante genres environ,
dont les principaux sont: Cyperus L., Carex L., Cla-
dium P. Br., Heleocharis H. Br., Scirpus L., Schœ-
71US L., Eriophorum L. , Fimbristylis Vahl, Elyna
Schrad., etc. Ed. Lef.
IL Paléontologie. — Quelques grands Carex, des
Scirpus, etc. , ont pris une large part à la formation des
tourbières. On en rencontre çà et là à l'état fossile dans
les terrains tertiaires ; Schimper désigne sous le nom de
Cyperacitcs tous les restes, fragments de rhizomes, do
chaumes et de feuilles de Cypéracées, dont la détermina-
?07 - CYON - CYt>HU8
tion est encore incertaine. Ce nom remplace avantageuse-
ment celui de Cyperites Lindl. et liutt, qui se rapporte à
des plantes carbonifères qu'on considère comme voisines
des Sigillariées. D'' L. Hn.
CYPERITES (V. Cypéracées).
CYPERUS. L Botanique. — {Cypênis L.) Genre de
plantes qui a donné son nom à la famille des Cypéracées
et dont les représentants sont désignés indistinctement,
dans le langage vulgaire, sous le nom de Souchets. Ce
sont des herbes, parfois de grande taille, à tiges aériennes
nues, pourvues à la base de longues feuilles engainantes
et terminées par l'inflorescence. Les épillets, multiflores,
sont i^éunis en fascicules plus ou moins longuement pédon-
cules, disposés en tète ou en corymbe simple ou composé,
et accompagnés à leur base de bractées foliacées formant
une sorte d'involucre. Les fleurs sont dépourvues de
périanthe et de soies hypogynes. — Abondamment répan-
dus dans toutes les régions du globe, les Cyperus ren-
ferment actuellement près de sept cents espèces, qui
croissent généralement dans les lieux humides et maréca-
geux, et dont plusieurs, notamment le C, hydra Micli.,
des Indes orientales, sont très nuisibles aux prairies et
aux plantes agricoles. Celles qui présentent le plus d'intérêt
sont : le C. longiis L., le C, esculentus L., le C. tage-
ti for mis Roxb. et le C. papyrus L. Cette dernière, qu'on
appelle vulgairement Souchet à papier. Jonc du Nil, croît
dans les marais en Egypte, en Sicile, en Calabre et en
Abyssinie. On la cultive fréquemment en Europe comme
ornementale et fait un très bel effet dans les bassins
(V. IL Joret, dans le Naturaliste, 4891, p. 34). C'est
avec sa tige que les anciens Egyptiens fabriquaient le
Papyrus (V. ce mot). — Le C, longus ou Souchet long,
S. odorant, est une espèce de la région méditerranéenne,
qui remonte en France jusqu'aux environs de Paris. Sa
souche épaisse, longuement traçante, noirâtre à l'extérieur,
rougeâtre à l'intérieur, a une saveur astringente et une
faible odeur de violette. Elle était préconisée jadis comme
tonique, stomachique, sudorifique et emniénagogue. -~
Appelé vulgairement Souchet comestible, S. Sultan, Amande
de terre, le C, esculentus L. croît dans la région méditer-
ranéenne. C'est le Trasi des Italiens et Vllabel Hassis
des Arabes. Sa souche rampante se renfle çà et là en
petits tubercules ovoïdes, jaunâtres au dehors, blancs en
dedans, qui contiennent une quantité notable de fécule
et ont une saveur douce et agréable, assez semblable à
celle de la châtaigne ou de la noisette. Ces tubercules se
mangent ordinairement cuits. Ils servent également à faire
une sorte d'orgeat très agréable. — Quant au C. tagetifor-
mis Roxb., c'est une espèce chinoise, dont les tiges sont très
employées à Canton pour la fabrication des paillassons (V.
Ïï.-E. Hance, Journ. Bot,, avr. 4877, p. 99). Ed. Lef.
IL Horticulture (V. Souchet).
CYPHELLE (Bot.). Genre de Champignons de la famille
des Téléphorés, tirant sa dénomination de /.uosXXa, creux
des oreilles, à cupule membraneuse, blanche,' campanulée,
recouverte (le poils très fins, attachée aux supports par
un petit stipe.L'hyménium est lisse ou un peu ridé, infère.
Habitat : Bois mort (troncs cariés de l'if), mousses, tiges
herbacées, feuilles pourries. H. Fournier.
CYPHON (V. Elâter et Tàupin).
GYPHOSOWA (V. Diadema).
CYPH US (Malac). GenredeMollusques Lamelhbranches,
de l'ordre des Pholadacés, créé par Guittarden 1770, pour
un Mollusque offrant les caractères suivants : une coquille
subglobuluse, bâillante de chaque côté; les valves étant
seulement appuyées l'une contre l'autre et non réunies par
une charnière ; chaque valve porte à l'intérieur des cuille-
rons allongés et aplatis. La coquiUe est enfermée dans un
tube épais, testacé, cylindrique et dont le diamètre exté-
rieur surpasse de beaucoup celui de l'extrémité postérieure.
Ce tube, droit ou courbé, divisé intérieurement par des
cloisons intérieures transversales, peut atteindre une très
grande longueur. Un exemplaire de la collection du Mu-
CYPHUS — CYPRIDINA
- 708
séum de Paris, brisé par le bombardement prussien, me-
surait 2 m. de longueur. L'extrémité antérieure, laquelle
contient la coquille, est fermée et convexe extérieurement;
la postérieure est divisée en deux tubes donnant passage
aux siphons de l'animal. Le genre Cyphus a pour syno-
nymes Furcella (Lamarck, d801); Septaria (Lamarck,
1818), en français, cloisonnaire. Les Cloisonnaires habi-
tent l'océan Indien et la Méditerranée. J. Mabille.
CYPR/EA. L Malacologie. — Genre de Mollusques-Gas-
téropodes, de l'ordre des Prosobranches-Pectinibranclies,
étabU par Linné en 1758 pour une coquille enroulée, ovale
ou ovale-oblongue, convexe en dessus, très brillante ; ouver-
ture longitudinale, étroite, terminée à ses deux extrémités
par un court canal; bord externe roulé en dedans, crénelé,
les crénelures ayant souvent l'apparence de dents ; bord
columellaire épaissi, denté ou crénelé. Type : Cyprœa
exanthema Lamarck. Les Cyprées habitent toutes les mers,
mais particulièrement les régions chaudes, elles vivent
dans la Méditerranée, la mer Rouge, sur les côtes de
l'Afrique, de l'Asie, dans l'Océanie, etc. J. Mabille.
II. Paléontologie. — Les Cyprœidœ ou Porcelaines
fossiles sont moins nombreuses et de moins grande taille
que celles des mers actuelles ; ce type n'est guère connu
avant le crétacé moyen ; il est plus abondant dans le ter-
tiaire et atteint son plus grand développement à l'époque
actuelle. Le genre Cyprœa est représenté dans le crétacé
et le tertiaire. On indique même une espèce de jurassique
supérieur de Sicile {G. titonica Stefani) : ce serait le re-
présentant le plus ancien de cette famille. Les sous-genres
Trivia^ Epona, Eratopsis, encore vivants, datent du
miocène (Trivia affinis Desh., du miocène de Touraine).
Le genre Ovula est représenté dans l'éocène (0. tiiber-
culosa Desh.). Erato date du crétacé. E. Trt.
CYPR>€US (Paulus Coppersmit ou), savant et diplomate
danois, né à Slesvig le 16 avr. 1536, mort le 2 juin 1609.
Conseiller du duc Adolphe de Gottorp, puis de ses trois
fils, et directeur du gymnase de Slesvig, où il enseigna le
droit. Comme il savait plus de dix langues anciennes et
modernes, il fut chargé de nombreuses missions en Espagne
(1583), en Danemark, en Hollande, en Allemagne, Il écri-
vit une description du Danevirke et des fouilles faites en
Slesvig en 1554 et 1588; Acta legationis Hispanicœ
(dans Beytrœge de Noodt; Hambourg, 1744, 1. 1) ; Com-
mentari'us in jus Slesvicense recentius^ publié par
P.-K. Ancher, dans sa Dansk Lovhistorie (Copenhague,
1776, t. II, in-4), et commença les Annales episcoporum
Slesvicensium (Cologne, 1634, in-8), achevées et publiées
par son fils Johan-Adolph Cyprâeus (né en 1592) qui,
après avoir été pasteur à Slesvig, se convertit au catho-
licisme à Cologne (1633). B-s.
CYPRE (V. Chypre).
CYPRELLA (Paléont.) (V. Cypridina).
CYPRÈS. I. Botanique. — {Cupressiis Tourn.) Genre
de Conifères, qui a donné son nom au groupe des Cupres-
sinées (V. ce mot). Ses représentants sont de grands arbres
toujours verts, à feuilles squamiformes, étroitement imbri-
quées, couvrant entièrement les rameaux. Leurs Heurs
sont monoïques, les femelles dressées et nombreuses dans
l'aisselle d'une des écailles de l'inflorescence, et les cônes,
subsphériques-anguleux, sont formes d'écaillés épaisses,
d'abord charnues et rapprochées, puis disjointes et sèches.
— On connaît quatorze espèces de Cyprès, qui habitent la
région méditerranéenne, l'Inde boréale et l'Asie centrale.
La plus répandue est le Cupressus scmpervirens L. ou
Cyprès commun, arbre d'un vert sombre, fréquemment
planté dans les jardins et les parcs, mais plus généralement
dans les cimetières. Son bois, très dur, d'un grain serré,
est très estimé des ébénistes. Ses cônes sont cueiUis avant
leur maturité et usités comme astringents sous le nom de
Noix de Cyprès. On cultive également en Europe le Cupressus
thuy aides L., ou Cèdre blanc, originaire de l'Amérique du
Nord ; son bois est très employé' aux Etats-Unis pour les
ouvrages de boissellerie nécessaires aux usages domestiques.
— Le Cyprès chauve ou de la Louisiane (Cupressus dis--
ticha L.) appartient au genre Taxodium (V, ce mot). Le
Petit Cyprès est une Composée du genre Santolina (V.
Santoline). Ed. Lef.
II. Paléontologie. — On a décrit des Cupressites
Ad, Brngt, dont deux espèces appartiennent certainement à
de vrais Cupressus, ce sont le Cupressites Li7ikianus
Gœpp., dont on a trouvé le chaton mâle isolé dans le succin
et le C. Brongniartii Gœpp., représenté dans les hgnites
de Wetterau par des rameaux, des fleurs et des fruits; les
autres espèces ne sont pas suffisamment déterminées ; on
peut en dire autant des Cupressinites Bowerb. de l'argile
de Londres et des Cupressoxylon des formations ter-
tiaires. D*^ L. Hn.
III. Archéologie. — Le cyprès dans l'antiquité était
considéré comme un symbole funéraire. C'était un arbre
consacré au dieu des morts, Hadès ou Pluton. Il est sou-
vent mentionné par les poètes dans les descriptions qu'ils
nous donnent des enfers et figure sur quelques monuments
funèbres. L'usage était de planter des branches de cyprès
devant les maisons mortuaires jusqu'au jour des funérailles.
Certaines peintures étrusques représentant les fêtes célébrées
en l'honneur d'un défunt donnent à penser qu'on plantait
aussi des cyprès dans l'arène où se livraient les jeux funé-
raires ainsi que près du tombeau où les parents du mort
se réunissaient en un banquet. J. M.
CYPRIAN (Ernest-Salomon), né à Ostheim (Franconie)
en 1673, mort à Gotha en 1745. Il fut un représentant
décidé de l'orthodoxie luthérienne. D'abord professeur de
philosophie à Helmstcdt, puis, en 1700, directeur du gym-
nase de Cobourg, il devint en 1713 membre et plus tard
président du consistoire supérieur de Gotha. Il combattit
les tentatives d'union entre les Eglises luthérienne et ré-
formée, que poursuivaient plusieurs princes allemands, et
écrivit contre le catholicisme : Ueberzeugende Belcerung
vom Urspruîigund Wachsthumder Pabstthwms [ilid).
Son Ilistorla der Augsburgischen Confession (1730) n'a
pas perdu sa valeur et est encore consultée avec fruit.
BiBL.: Fischer, Leben E.-S. Cyprian, 1749. — Schulze,
Leben Herzog Friedrich II von Gotha^ 1851.
CYPRIANUS, jurisconsulte du xii® siècle, né à Florence.
Il a professé à Bologne vers la fin du xii^ siècle. Cyprianus
a composé de nombreuses gloses sur toutes les parties du
corps de droit, notamment sur le volumen, qui avait été
peu étudié par les glossateurs. Il a également fait des
authentiques pour les trois derniers Uvres du Code, où
d'ailleurs il en existe très peu.
BiBL. : De Savigny, Histoire du droit romain au moyen
âge^ trad. par Cli. Guenoux; Paris, 1839, t, IV, p. 78.
CYPRICARDIA (Malac). Genre de Mollusques-Lamelli-
branches, de l'ordre des Vénéracés, établi en 1819 par
Lamarck, pour une coquille plus ou moins régulière, oblon-
gue, équivalve, très inéquilatérale, solide; côté antérieur
très court, le postérieur allongé, anguleux ou caréné ; sur-
face des valves striée concentriquement. Animaux marins
vivant dans le sable, dans la vase, perforant même les
pierres et les madrépores. Les Cypricardes habitent l'Océan
Indien, les côtes de l'Australie, la mer Rouge. Le type est
le Cyprieardia rostrata Lamarck. J. Mabille.
CYPRIOTE fossiles (V. Cypris).
CYPRIDELLA (V. Cypridina).
CYPRIDINA. I. Zoologie. — Genre établi parBaird en
1850, type d'une famille de Crustacés-Ostracodes ; il a été
subdivisé en plusieurs autres genres (Philomedes, Cylin-
droleberis, Bradycinetus, etc.). La famille des Cypridi-
nides est caractérisée par la profonde échancrure du bord
antérieur de la carapace, destinée à laisser passer les secondes
antennes, très développées chez ces animaux et qui jouent
le principal rôle dans la natation. R. Moniez.
IL Paléontologie. — Les Cypridinidœ fossiles sont
très nombreuses dans le calcaire carbonifère ; on en trouve
également dans le crétacé et le tertiaire. Cyprinida est
connu dans le carbonifère (C. primœvwm) et le crétacé.
Le genre éteint Cypridella^ dont les deux extrémités sont
— 709 —
CYPRIDfNA - CYPKIEN
en forme de bec, est du carbonifère d'Angleterre et de Bel-
gique. Cypridellina et Cypridella portent des tubercules
arrondis sur les flancs. Sulcima^ Cyprella sont égale-
ment du carbonifère des Iles-Britanniques ; Braclycinetus
date de la même époque ; Rhombina et Entomonchus
sont éteints. E. Trt.
CYPRIEN (Saint) {Thascius Cœcilius Cijprianus),
évêque de Carthage, né à Carthage en 210, décapité à
Carthage le 14 sept. 258. Il fut un des hommes les plus
considérables de l'Eglise au in^ siècle, non par la part qu'il
a eue dans l'élaboration des dogmes, mais par sa conduite
comme évêque et par le rôle qu'il a joué dans les ques-
tions de hiérarchie et de discipline. Sur le terrain des
dogmes, son importance se réduit à deux points. Il est le
premier Père de l'Eglise qui ait admis l'utilité de baptiser
les enfants dès leur naissance, non pas qu'il crût à leur
participation au péché d'Adam (l'Eglise n'en était pas
encore là), mais pour ne pas les priver même un seul jour
des dons spirituels attachés au baptême. Il est le premier
aussi qui ait fait valoir, en faveur du dogme de la Trinité,
le célèbre verset de saint Jean {i'i'^ Epitre, v, 7) qui
manque à tant de manuscrits, que n'a cité aucun écrivain
ecclésiastique antérieur, et qu'aucun autre ne citera pendant
plus de deux cents ans encore, malgré toutes les occasions
qu'ils ont eues de le faire, ce qui autorise à penser qu'il
n'avait été introduit dans l'Epître que peu de temps avant
l'époque où Cyprien a écrit, et sur bien peu de manuscrits
seulement.
Arrivons maintenant à l'homme et à Févêque. Cyprien
était né vers 210, dans la province d'Afrique, d'une famille
payenne et riche comme celle de Tertullien, qu'il devait
plus tard proclamer son maître, quoique son esprit fût
aussi calme et pondéré que celui de Tertullien était em-
porté et fougueux. Fin lettré et avocat distingué, il était
devenu par ses talents, autant que par sa fortune, un
des hommes les plus considérables de Carthage, quand
vers l'âge de trente-cinq ans il se convertit au christia-
nisme, sous l'influence de son ami, l'évêque Caecihus, son
parent peut-être, qui devait en mourant lui confier la tutelle
de sa femme et de ses enfants. En 245, Cgecilius lui conféra
du même coup le baptême et la prêtrise, trop heureux
d'attacher à son église un homme de cette importance.
Cyprien dès lors se sépara de sa femme, partagea tous ses
revenus avec les pauvres et ne vécut plus que pour la
charité et pour l'enseignement de la foi. Aussi, quand
Csecilius mourut trois ans après, les fidèles et le clergé de
Carthage élurent presque à l'unanimité Cyprien pour son
successeur. Le choix était heureux, et l'épiscopat du nouvel
évêque devait marquer dans l'histoire de l'Eglise. Un an
plus tard éclata la persécution de Dèce, après une tranquil-
lité de quarante années pendant lesquelles le nombre des
fidèles s'était singulièrement augmenté, sans que la quahté
des recrues malheureusement répondît toujours à leur
quantité. Aussi à l'heure du péril les défaillances furent-
elles nombreuses. Les apostasies publiques abondèrent, et
maint fidèle, maint évêque même, dit-on, paya en secret
la police pour n'être pas dénoncé par elle. Puis, quand au
bout d'un an la persécution eut cessé, tous ces faillis^
comme on les appelait, revinrent frapper à la porte de
l'Eghse pour y être admis à nouveau ; et Cyprien, qui
s'était tenu à l'écart pendant la tourmente pour ne pas
risquer de laisser par sa mort son troupeau sans guide, se
trouva en face d'une situation où son autorité d'évêque
risqua de sombrer. Le plus simple bon sens lui commandait
d'espacer ces réintégrations, pour ne les accorder qu'à bon
escient; mais les faillis avaient intéressé à leur cause,
par des m.oyens de toute sorte, les confesseurs qui avaient
survécu aux tortures, et ceux-ci, fiers de leur titre de
martyrs et du respect qu'ils inspiraient à tous, afiichaient la
prétention de donner eux-mêmes des lettres de réhabili-
tation à qui ils jugeraient bon de le faire, sans attendre
l'autorisation de l'évêque. La situation était d'autant plus
grave pour Cyprien, que ceux de ses prêtres qui avaient
été jaloux de son élévation trop rapide à l'épiscopat, pre-
naient parti pour les confesseur^, dont ils opposaient
l'héroïsme à ce qu'ils appelaient sa trop prudente retraite,
et s'empressaient d'absoudre les faillis sur la seule vue
d'une lettre des martyrs. Outre son devoir de maintenir
intacts contre eux les droits de l'épiscopat, qu'il jugeait
nécessaires à l'unité de l'Eglise, Cj^prien avait pour leur
résister un motif plus sérieux peut-être encore : il ne
croyait pas que qui que ce fût pût se substituer à Dieu
dans un cas quelconque, et absoudre un pécheur par la
seule vertu de sa parole {Liber de lapsis, ch. xvii, et
Lettres^ 56). A force de fermeté et de prudence tout en-
semble il finit par rester le maître du terrain, et par
obtenir l'assentiment général pour régler lui-même le
moment des réhabilitations d'après la gravité de la faute et
la sincérité prouvée du repentir. Mais après la victoire il
se trouva en présence d'une difiiculté autrement grave
encore ; et la conduite qu'il y a tenue a servi d'autorité
depuis à tous les adversaires de l'ultramontanisme.
Les prétentions des évêques de Rome à la suprématie
dogmatique sur les autres Eglises, en tant qu'héritiers des
privilèges de Pierre, et à la juridiction sur les autres
évêques, s'étaient manifestées dès le dernier tiers du
second siècle. Les Eglises d'Orient y avaient résisté dès le
principe, et, au sein même des Eglises latines, rejetons de
celle de Rome, Tertullien, quarante ans plus tôt, avait
rudement rappelé les papes à l'égalité des droits. Cyprien
était trop le disciple de Tertullien pour ne pas l'imiter à
l'occasion. Le pape Etienne ayant voulu imposer aux Eglises
d'Espagne et d'Afrique d'autres évêques que ceux qu'elles
avaient choisis, Cyprien, qui avait traité d'égal à égal avec
deux de ses prédécesseurs, lui écrivit fièrement que le choix
des évêques, ainsi que le jugement sur leur conduite, ne
regardait que les seuls fidèles de leur Eglise et les autres
évêques de la contrée, sans que celui de Rome eût rien à
y voir {Lettres 69, 73, 75). En même temps il composait
sur VUnité de l'Eglise un traité, invoqué depuis par tous
les adversaires de l'omnipotence papale, où il établissait
que le Christ n'avait conféré à Pierre qu'une primauté
(l'honneur, point de départ de l'unité de l'Eglise entière ;
que tous les apôtres avaient reçu du maître des pouvoirs
égaux ; que tous les évêques partant étaient égaux comme
héritiers de leurs sièges et de leurs droits, et qu'ainsi,
dans les discussions dogmatiques entre eux, c'était l'opinion
seule de la majorité qui pouvait servir de règle. Et ce que
Cyprien disait, il le faisait. Les Eglises étaient alors divisées
sur la question de savoir si les hérétiques convertis devaient
être baptisés une seconde fois avant d'être admis dans
l'Eglise. Cyprien, à l'exemple de Tertullien, pensait que
oui, au nom de la tradition des Eglises d'Afrique et d'Asie ;
le pape Etienne prétendait que non, en invoquant la tra-
dition de l'Eglise de Rome. Il somma Cyprien de se rétrac-
ter ; celui-ci refusa, et le pape alors l'excommunia.
Cyprien n'en persista pas moins dans son opinion, avec
l'assentiment des plus importants évêques de l'Orient, et
de ceux de la province d'Afrique (Lettre de saint Firmilien
à Cyprien) ; et quand arriva pour lui l'heure du martyre,
il n'avait rien cédé à son adversaire. Cette heure, d'ailleurs,
ne se fit pas attendre. Lorsque la persécution recommença
sous Valérien, en 257, il ne voulut pas s'exposer aux
mêmes reproches que sous Dèce, et resta simplement à son
poste. Cité une première fois devant le proconsul et con-
damné à l'exil, il se rapprocha bientôt de son troupeau et,
arrêté une seconde fois, il paya de la tête son refus de
sacrifier aux Dieux (14 sept. 258).
Aux mots Felicissimus, Novatus, Lâpsi et Libellatique
on trouvera des renseignements complémentaires sur plu-
sieurs des faits mentionnés en cette notice ; et aux mots
Evêque et Synode des indications sur la part prise par
Cyprien au développement de la hiérarchie et de l'organi-
sation de l'Eglise. — Cyprien est généralement considéré
comme l'un des écrivains qui ont le plus contribué à for-
mer et à fixer ce qu'on appelle la latinité ecclésiastique»
CYPRIEN — CYPRIS
— 7'JO
Il reste de lui soixante-seize lettres et treize traités dont
Fauthenticité n'est pas contestée : De Gratia Dei, — De
Idolorum vanitate^ — lestimoniorium adversus Jii-
dœos libri très, — De Disciplina et habitu virginum,—
De Uniiaie Ecclesiœ catholicœ, — De Lapsis, — De
()ratio7ie dominica, — De Mortalitate, — Ad Deme-
irium liber ^ — De Exhortatione martyr ii, — De Opère
et eleosymis^ — De Bono patientiœ, — De Zelo et
liuore. On lui a attribué, en outre, sept autres lettres et
un traité De Spectaculis, dont l'authenticité est discutée.
■— L'édition pr inceps de ses œuvres a été imprimée à
Rome en 447d et reproduite à Venise en 4471, avec
quelques améliorations. Une troisième, sans date, paraît
être à peu près de la même époque. La première des édi-
tions critiques est celle d'Erasme (Baie, 4520,i530,i4544);
la seconde, celle de Latino Latini (Rome, 1563). Viennent
ensuite, parmi les meilleures, les éditions de John Fell, avec
les commentaires de Pearson et Dodwell (Brème, i 690,
in-fol.); de Baluze et Maran (Paris, 4726, in-foL), impri-
mée au Louvre avec quelques altérations de texte et des
notes pour complaire à la cour de Rome. Editions
modernes : Besançon, 4836, in-8, à deux colonnes; Leip-
sig, 4838; Vienne, 4868-1874, 3 vol. in-8. — Traduc-
tions partielles : Jacques Tigeon (Paris, 4574, in-fol.);
Lambert (Rouen, 4746, 2 vol. in-4), reproduite par
Buchon, dans le Panthéon littéraire (Clioix des monu-
ments primitifs de V Eglise chrétienne; Paris, 4837,
in-8). Traduction des œuvres complètes : Guillon (Paris,
4837, 2 vol. in-8). V. Courdaveâux.
BiDL.: D. Maran, Vie de saint Cyprien, en tête de son
édition des Œuvres ; Paris, 1726, în-foi.— Poolê, Life and
tim.es of saint Cyprian ; Londres, 1810, in-8. — Fabre,
Saint Cyprien et l'Eglise de Carthage; Paris, 1848, in-8, —
L. RuFFET, Thascius Cyprien et les persécutions de son
temps, 1872. — Ewd.-Wn. Benson, art. Cyprianus, dans
le Dictionarij of Christian biography de SÀiith et Wace;
Londres, 1877-1887, 4 vol. in-8.
CYPRIEN (Saint), disciple de saint Césaire d'Arles,
évêque de Toulon vers 524, mort le 3 oct. 546.
BiBL.: Acta sanct. BolL, t. II d'octobre 1768, p. 164. —
Hist. litt. de la France, t. III et VIII.
CYPRIEN S (Chants) (V. Cycliques [Chants]).
CYPRIN (IchtyoL). Genre de Poissons osseux (Téléos-
téens) de Tordre des Physostomes et de la famille des
Cyprinidœ, qui a pour caractères principaux : des écailles
larges, une longue nageoire dorsale dont le premier rayon
est long, fort et denticulé, un museau arrondi, obtus, des
dents pharyngiennes disposées 3. 4.4. 4. 4. 3. et quatre
barbillons. Le type du genre est le Ctjprinus Carpio, la
Carpe bien connue de tous. D'après Gunther, elle serait
originaire d'Orient et très probablement de Chine où elle
existe à l'état sauvage dans les eaux douces ; elle aurait
été de là introduite en Europe et le même auteur fait re-
monter à l'année 4644 son arrivée en Angleterre. Quoi qu'il
en soit, la Carpe est l'un de nos poissons les plus communs
et les plus estimés. Sa fécondité est excessive; une Carpe
de taille moyenne produirait environ 700,000 œufs; de là
son excessive abondance dans les cours d'eau et certains
étangs. C'est un poisson que l'on peut classer dans la ca-
tégorie des animaux domestiques. Comme ces derniers, dit
Cohn, il présente de nombreuses variations; parmi les plus
remarquables, nous citerons la Carpe à miroir, à peau nue
et ne présentant que de larges écailles espacées, disposées
irrégulièrement, et la Carpe à tète de Dauphin, dont le
museau très raccourci rappelle le faciès du chien boule-
dogue. ROCHBR.
BiBL. : Gunther, Study ofFishes.
CYPRIN A. L Malacologie. — Genre de Mollusques-La-
mellibranches de l'ordre des Vénéracés, établi par Lamarck
en 4842 pour une coquille grande, épaisse, inéquilatérale,
équivalve, close, couverte d'un épiderme épais et brunâtre ;
charnière épaisse, composée, sur chaque valve, de trois
dents cardinales inégales et divergentes et d'une dent laté-
rale allongée, éloignée, reçue dans la fossette de la valve
correspondante. J. Mabille,
IL Paléontologie. — Les Cyprinidœ sont connues
avec certitude depuis l'époque jurassique ; les formes plus
anciennes sont douteuses. Les espèces fossiles sont beau-
coup plus nombreuses que celles actuellement vivantes. Le
genre Cyprina^ qui n'a plus qu'une seule espèce, a été
très nombreux dans les mers du Nord des deux hémis-
phères du jurassique au tertiaire. Les espèces éteintes pré-
sentent, dans la forme de leur charnière, des particularités
sur lesquelles on a fondé plusieurs sous-genres.
CYPRINID/E (IchtyoL). Famille de Poissons osseux (Té-
léostéens), de Tordre des Physostomes, à corps généralement
couvert d'écaillés. Tète nue, bords de chaque mâchoire
formés par les intermaxillaires ; pas de nageoire adipeuse ;
os pharyngiens inférieurs bien développés, falciformes et
parallèles aux arcs branchiaux, munis de dents disposées
en une, deux ou trois séries. La famille des Cyprinidse est
celle qui possède* le plus de formes propres aux eaux
douces de l'ancien monde et du nord de l'Amérique ; elles
sont réparties en un grand nombre de genres; aussi
Gunther a-t-il cru devoir diviser la famille en plusieurs
groupes, dont plusieurs ont été déjà étudiés, et dont beau-
coup d'autres le seront au fur et à mesure qu'ils se pré-
senteront à nos investigations. Rocinm.
BiBL. : Gunther, Study of Fishes. — Du même, Cat.
Fishes Brit. Mus.
CYPRINODON (Ichtyol.).Genre de Poissons osseux (Té-
léostéons), de l'ordre des Physostomes et de la famille des
Cyprinaduntidœ^ ayant pour caractères : l'ouverture de
la bouche petite, horizontale; museau court; dents de force
moyenne, sur une seule rangée ; écailles assez larges ;
anale insérée en arrière de la dorsale dans les deux
sexes ; toutes les nageoires plus développées chez les mâles
que chez les femelles; anale non transformée en organe
copulateur. On en connaît un nombre restreint de formes ;
quelques-unes sont propres aux eaux saumâtres du Sa-
hara. Rocmm.
BiBL. : Gunther, Study of Fishes.
CYPRIPEDIUM (Ùypripediiim L.) (Bot.). Genre de
plantes de la famille des Orchidacées, qui a donné son nom
à la tribu des Cypripédiées, caractérisée par les deux éta-
mines latérales fertiles, la centrale stérile et pétaloïde. Ce
sont des herbes terrestres, remarquables par leurs fleurs
à labelle très grand, gonflé en vessie et en forme de sabot.
L'espèce type, C. calceolusL., appelée vulgairement Sabot
de Vénus, Soulier de Notre-Dame, croît en Europe dans les
pâturages subalpins. Un grand nombre d'espèces exotiques
sont cultivées dans les serres chaudes pour la beauté de
leurs fleurs. Ed. Lef.
CYPRIS ou CYPRINE (V. Vénus).
CYPRIS. t. Zoologie. — C'est un genre très important
d'Ostracodes qui renfermait, avant qu'on l'eût subdivisé,
presque tous les Ostracodes d'eau douce ; il est caractérisé
par la première paire d'antennes, formée de sept articles et
pourvue de nombreuses et longues soies plumeuses ; ces
soies sont d'ordinaire insérées au nombre de quatre, à
l'extrémité des quatrième, cinquième et sixième articles ; un
faisceau de trois soies se trouve au dernier segment ; la
seconde paire d'antennes est formée de cinq pièces et ter-
minée par quatre forts crochets, longs et denticulés ; elle
porte, sur le deuxième article, un faisceau de cinq ou six
soies, dont la longueur variable joue un rôle important dans
la caractéristique des sous-genres ; le même organe porte,
au côté interne du troisième article, une sorte de baguette
tronquée, biarticulée, qui correspond à l'appareil vénéni-
fique de beaucoup d'Ostracodes marins. La deuxième paire
de mâchoires, préhensile dans le mâle, consiste, dans la
femelle, en un lobe court, sétifère, pourvu d'un palpe
simple ou indistinctement articulé, terminé par trois longues
soies ; elle porte une courte lamelle branchiale munie de
six soies respiratoires.
Les pattes des Cypris sont au nombre de deux paires ;
la première, robuste, formée de cinq articles, est terminée
par un ongle puissant ; la seconde, de rôle fout différent,
Ui —
CYPRIS — CYRANO
a son dernier article pourvu de trois soies d'ordinaire rap-
prochées de l'extrémité, dont deux divergentes ; l'une de
ces soies prend souvent la conformation d'un crochet. Le
post-abdomen est terminé par deux longues rames, qui
portent à leur extrémité deux ongles forts et légèrement
courbés ; les différences de détail que présentent ces organes,
suivant les espèces, offrent aussi des caractères impor-
tants à la classification. Un genre d'Ostracodes , qui vit
dans les eaux douces et présente beaucoup d'affmité avec
les Cypris, le genre Cypridopsis, a pour caractère diffé-
rentiel d'avoir ces rames post-abdominales rudimentaires
et sétiformes. L'ancien genre Cypris a été démembré en
plusieurs sous-genres : Cypria , Cyclocypris , Scottia,
Cypris, Eiyetocypris, Stenocypris^ Ilyocypris, Cypri--
notus Candona,
Les espèces du genre Cypris {sensu lat.) sont fort nom-
breuses; leur taille ne dépasse guère 2 millim. ; elles
abondent généralement dans toutes les"* eaux stagnantes,
oti elles nagent très rapidement entre les herbes, pour
chercher leur nourriture ; un certain nombre d'entre elles,
chez lesquelles les soies natatri{;es sont réduites, vivent
dans la vase ou rampent sur le fond. Chez l)eaucoup de
Cypris, les mâles ne sont pas connus ;, ils n'ont généra-
lement pas de caractères extérieurs ^ui permettent de les
reconnaître, ce qui fait qu'ils peuvent facilement échapper
aux recherches ; mais, sous le microscope, on ne peut
manquer d'être frappé par le bizarre appareil éjaculateur
que présentent tous ceux qui sont connus. R. Moniez.
IL Paléontologie. — Les Cypridœ fossiles datent du
silurien inférieur (Bairdia). Les formes d'eau douce se
montrent pour la première fois dans le terrain houiller.
Le Palœocypris Edwardsi (Brongniart) des couches car-
bonifères de Saint-Etienne, malgré sa petite taille (un
demi-millim.) est assez bien conservé pour qu'on ait pu
décrire et figurer l'œil, les antennes et les pattes. Cypris
date du miocène. Cypridea, genre éteint, est du pur-
bcckien et du wealdien. Candona date du carbonifère. Les
genres marins Bairdia et Pontocypris vivent encore.
Wdcrocypris est éteint.
CYPSE LA. Ville très ancienne d'Espagne, mejitionnée
par le seul Avienus comme étant déjà entièrement ruinée
do son temps; d'après l'indication de cet auteur, elle aurait
été un promontoire Celabendicum, le cap Bagur, au sud
du golfe de Rosas. E. Cat.
CYPSÉLIDES (V. Cypselus et Corinthe).
CYPSÉLIDÉS (Ornith.). Les Martinets que l'on con-
fondait autrefois avec les Hirondelles constituent en réalité
une famille naturelle, la famille des Cypsélidés, alhés aux
Trochilidés ou Oiseaux-Mouches et aux Coprimulgidés ou
Engoulevents (V. ces mots).
CYPSELUS, tyran de Corinthe, parent des Bacchiades
par sa mère, était fils d'Eétion. Comme l'oracle de Delphes
avait prédit qu'il serait funeste à sa famille, sa mère Labda
le cocha dans une armoire (xu^j^sXr]) , d'où son nom. Quand
ij fut grand, il chassa les parents de sa mère et prit la
royauté; mais il gouverna avec douceur, embellit Corinthe,
et après trente-neuf ans de règne, légua le pouvoir à son
fils Périandre en 658 av. J.-C. Le coffre de cèdre à l'aide
duquel il avait été sauvé fut consacré à Hera, dans son
temple d'Olympie, où on le rencontrait encore au ii^ siècle
de notre ère (V, Hérod., V, 92 ; Pausanias, V, 17-19),
CYRANO Bergerac (Savinien de), écrivain français,
né à Paris le 6 mars 1619, mort en 1655. Fils d'Abel de
Cyrano, sieur de Mauvières, écuyer, et de dame Espérance
Bellanger. Il fit ses humanités au collège de Beauvais, où
le docte Jean Grangier, qu'il ridiculisa dans sa comédie du
Pédant joiié^ lui enseigna la rhétorique. Lorsc[u'il eut
terminé ses classes, Cyrano mena à Paris une singulière
existence, alliant à un libertinage effréné les plus fortes
études, suivit avec Chapelle et Molière les conférences phi-
losophiques de Gassendi, fréquenta Campanella et Michel
de Marolles, dont les entretiens exercèrent une influence
considérable sur son esprit. Vers 1638, il entra dans la
compagnie des gardes, où il se fit une renommée de
ferrailleur, tint campagne contre les Allemands à Mouzon
(1639), fut blessé d'un coup de mousquet, figura au siège
d'Arras (1640), fut encore blessé d'un coup d'épée à la
gorge, et, dégoûté de la carrière militaire, quitta le ser-
vice en 1641. Depuis cette date, sa vie n'est guère connue.
Il eut des querelles et des duels innombrables, se brouilla
tour à tour avec Molière, avec Scarron, avec Loret, avec
Dassoucy, avec Montfleury; bref, se rendit insupportable
à toute la gent littéraire et même pourfendit, en un accès
de fureur, le singe de Brioché, aventure qui donna heu à la
relation burlesque bien connue : Combat de Cyrano de
Bergerac contre le singe de Brioché, au bout du Pont-
Neuf. Il entra, en 1653, dans la maison du duc d'Ar-
pajon comme secrétaire jntime ou gentilhomme ordinaire,
tomba bientôt gravement malade et se convertit, dit-on, à
ses derniers moments, grâce aux prières de sa parente, la
mère Catherine de Cyrano (Marguerite de Jésus), prieure
des Filles de la Croix, qui le fit enterrer dans son couvent,
rue de Charonne. Cyrano de Bergerac a passé, en son
temps, pour un fou et un visionnaire : le désordre de sa
vie et la singularité de ses œuvres ont pu inspirer ce juge-
ment, qui est loin d'ètçe juste. C'est un auteur bizarre, si
l'on veut, et désordonné, mais plein d'aperçus ingénieux
et de pensées originales. Les plus illustres écrivains n'ont
point dédaigné de le mettre à contribution. Molière lui a
pris les deux meilleures scènes des Fourberies de Scapin^
Corneille a imité son Agrippine^ Voltaire {Micromégas),
Swift (Gulliver) ^Fontmelk (De la Pluralité des Mondes) y
et bien d'autres ont puisé à pleines mains dans son Voyage
de la Lune et dans son Histoire comique des Etats du
SoleiL
Dassoucy a laissé un portrait assez méchant, mais assez
exact, do Cyrano : « Bergerac n'estoit ni de la nature
des Lapons, ny de celle des géans. Sa tête paroissoit
presque veuve de cheveux ; on les eût comptez de dix pas.
Ses yeux se perdoient sous ses sourcils ; son nez, large
par sa tige et recourbé, représentoit celuy de ces babillards
jaunes et verds, qu'on apporte de l'Amérique. Ses jambes,
brouillées avec sa chair, figuroient des fuseaux. Son eso-
phage pagotoit un peu. Son estomach étoit une copie de
la bedaine esopique. Il n'est pas vrai que notre auteur fut
malpropre ; mais il est vrai que ses souliers aimoient fort
madame la boue ; ils ne se quittoient presque point. »
Œuvres. — La Mort d'Agrippine, tragédie (Paris,
1654, in-4; id., 1656, 1661, 1666, in-12); le Pédant
joué, comédie (Paris, 1654, in-4; id., 1654, 1658,
1664, 1671,1683, in-12; Lyon, 1663, in-12; Rouen,
1678, in-12); Œuvres diverses (Paris, 1654, in-4), com-
prenant les Lettres et le Pédant ; Histoire comique ou
Voyage dans la Lune (s. 1. n. d., in-12), ou Histoire
comique des Etats et Empires de la Lune (Paris, 1656,
in- 12; id., 1659, 1663, in-12) ; Œuvres diverses
(Paris, 1661, in-12), comprenant les Lettres, le Pédant ^
V Histoire de la Lune (Rouen, 1676, in-12) ; Nouvelles
Œuvres, comprenant l'histoire comique des Estats
et Empires du Soleil et autres pièces divertissantes
(Paris, i66% in-12; 1676, in-12); Nouvelles OEuvres
et OEuvres diverses (Paris, 1662-1666, 5 part, en
1 vol. in-12); OEuvres complètes (Lyon, 1663, 2 vol.
in-12; Paris, 1676,2 vol. in-12; Amsterdam, 1699,
2 vol. in-12, etc., etc.) ; OEuvres choisies (Toulouse,
1855, in-12, avec notice par Le Blanc) ; Histoire comique
des États et Empires de la Lune et du Soleil (Paris,
1858, in-16, avec notice de P.-L. Jacob); OEuvres co-
miques, galantes et littéraires (Paris, 1858, in-16, par
le même), comprenant les Lettres diverses, les Lettres
satyriques, les Lettres amoureuses, les E^itretiens
pointus, des Poésies, le Pédant joué et la Mort d'Agrip-
pine; Voyages fantastiques (Paris, 1875, in-16, édit.
Jouaust). On mentionne encore une Histoire de r Etin-
celle, qui a été perdue. R. S.
BiBL. Henri Lebret, Préface au Voyage dans la Lune,
CYRANO — GYRÉNAÏQUE
— 712 —
1656. — MoRERi, Dictionnaire historique. — Jal, Diction-
naire critique ; Paris, 1872, gr. in-8, 2« édit. •— Ch. Nodier,
B.Desperriers et Cyrano de Bergerac; Paris, 1841, in-12. —
X. MÉRiLHOU, Cyrano de Bergerac ; Paris, 1856, in-8.~ Four-
geaud-Lagréze, Savinien Cyrano Bergerac; Paris,1876,in-8.
CYRENA. I. Malacologie. — Genre de Mollusques-La-
mellibranches, de la famille des Vénéracés, établi par
Lamarck en 1818, pour une coquille généralement épaisse,
arrondie ou trigone, équivalve, close, épidermée; Type :
Cyrena ceylmiica Chemnitz. Mollusques des eaux douces
ou saumâtres, les Cyrènes vivent dans les rivières, les
étangs et les marais de Filsie, de l'Amérique et de TOcéa-
nie. J. Mabille.
II. Paléontologie. — Les Cyrenidœ fossiles apparais-
sent dans le lias pour avoir leur apogée dans le tertiaire.
Le genre silurien Cycloconcha *iie peut être rapporté
qu'avec doute à cette famille. Cyrena proprement dit et
ses sous-genres Batissa, CorUcula, etc., se trouvent
dans les couches saumâtres et d'eau douce, crétacées et
tertiaires d'Europe. Corbicula menkei du lias est une
des formes les plus anciennes du groupe. Corbicula se-
mistriata (Deshayes) est caractéristique des marnes à
Cyrènes du bassin de Mayence. On ne compte pas moins
de quarante-huit espèces de ce genre dans le calcaire gros-
sier (éocène) du bassin de Paris. Sphœrium est connu
depuis la même époque, et on doit rapporter à ce genre
beaucoup de formes décrites comme Cyclds par les anciens
auteurs {C, gardanensis Math.). Pisidium^ genre d'eau
douce, date de Féocène (P. lœvigatum Desh.). E. Trt.
CYRÉNAÏQUE, CYRÈNE. L GÉoGRAPmEET msTOiRE.—
On donnait dans l'antiquité le nom de Cyrénaïque à une
région de la côte méditerranéenne de l'Afrique dont la colonie
grecque de Cyrène était la capitale. La Cyrénaïque était
située à l'O. de l'Egypte, entre ce pays et le golfe de la Grande
Syrte ; elle comprenait essentiellement le plateau de Barca
(V. ce nom), sur lequel étaient les cinq cités formant la
Pentapole^ dont le nom est souvent employé pour désigner
la région entière : ces cinq cités étaient : Cyrène, Barca,
Teucheira (plus tard Arsinoé), Hespérides (plus tard Béré-
nice) et Apollonia. Les limites de la Cyrénaïque du côté de
la terre furent assez indécises, étant formées par le désert
de Libye; à l'E., vers l'Egypte, la frontière était marquée
par la Grande Chersonèse (ras et Tin) ou Calabathmus
major (à la frontière actuelle de l'Egypte) ; à l'O., elle était
marquée par les autels des Philènes, à l'angle oriental de
la Grande Syrte; au S.-O., la Cyrénaïque s'étendait, théo-
riquement, jusqu'à la Phazanie (Fezzan). La partie essen-
tielle était la côte ; elle était divisée en deux sections par le
promontoire Boreum (aujourd'hui ras Teyonas, au S. de
Ben-Ghazi) ; à TO. de ce cap, la côte riveraine de la
Grande Syrte était peu peuplée; à l'E., était la Pentapole.
On rencontrait d'abord Hespérides (Bérénice, aujourd'hui
Ben-Ghazi), sur le petit fleuve Lathon, le seul de la contrée,
lequel naissait près des Sables d'Hercule, collines sablon-
neuses ; non loin, était le petit lac Triton ou des Hespé-
rides. Au N.-E., on trouvait ensuite Teucheira (Arsinoé,
aujourd'hui Taukra) , puis Pto lemaïs (aujourd'hui Tolmeita) ,
le port de Barca, qui devint au temps des Ptolémées la
capitale ; Barca était à cinq lieues dans l'intérieur. Après
le cap Phycus (ras Sem ou ras el Razat), le point le plus
septentrional de cette côte, sur la même latitude que le
cap Ténare (Matapan) était Apollonie (Marsa Sousa), le
port de Cyrène qui était à quatre lieues de la mer. A l'E. , sur
la côte, on trouvait successivement : la ville maritime de
Naustathmus (Marsa-al-Halal), le promontoire Zephyrium
avec la petite île d'Aphrodite ou Laia ; puis Darnis (Derna) ,
Axylis et, près du promontoire de la Grande Chersonèse,
Ja baie et Tile de Platea (aujourd'hui Bomba). Les mon-
tagnes de l'intérieur étaient appelées Sables d'Hercule^ le
long de la Grande Syrte; au S.-O. étaient les monts Velpi;
plus à l'E., sur la frontière méridionale, le mont Bœcolicus,
Dans le désert, on considérait l'oasis d'Augila comme une
dépendance de la Cyrénaïque,
La florissante colonie grecque de la Cyrénaïque remontait
au vii« siècle av, J.-C, Lorsque les relations commerciales
avec l'Egypte furent généralisées, les Grecs naviguant vers
le Sud furent poussés sur cette côte, située exactement au
sud du Péloponèse, Ils s'y établirent à demeure sur le
conseil de l'oracle de Delphes. Les premiers colons appar-
tenaient à la race dorienne et vinrent de l'île de Thèra, vers
630 av. J.-C. ; cette île étant en proie à la famine et aux
dissensions intestines, une partie de la population se décida
à émigrer. Le chef de l'expédition, œkiste ou fondateur
religieux et politique de la cité nouvelle, était Battus
(V. ce nom), de la race des Myniens, Le récit des origines
de Cyrène a été donné par l'historien Ménèkles, dont l'écrit
ne nous est pas parvenu (Schol, de Pindare, Pyth. IV) et
par Hérodote ; la tradition locale attribuait un rôle prépon-
dérant aux Cretois, qui, certainement, fournirent un gros
contingent de colons, et faisait de Battus un petit-fils du
roi Cretois d'Assus. Les colons de Thèra, tirés au sort dans
les sept districts de l'île, vinrent sur deux pentecontères ;
ils étaient donc peu nombreux ; effrayés de la distance, ils
retournèrent chez eux, mais on leur interdit de débarquer,
et Battus les ramena sur la côte de Libye, Le premier éta-
blissement fut installé dans l'île de Platea; il ne prospé-
rait pas ; Battus se rendit à Delphes se plaindre à l'oracle
(jui lui avait dit de se faire éleveur de bétail, ce qui était
impossible en cet endroit ; il reçut l'ordre de continuer ses
efforts. Il passa alors sur le continent dans le district
boisé et bien arrosé d'Aziris, en face de Platea ; bientôt
les colons se transportèrent un peu plus loin dans l'inté-
rieur, à six jours de marche de leur premier établissement
et fondèrent Cyrène sur le plateau, à 550 m. d'alt., sur un
sol calcaire arrosé par des pluies régulières et couvert d'une
belle végétation, auprès d'une belle source qui fut consacrée
à Apollon ; son nom de Cyre fut donné à la ville, et, plus
tard, la légende fit de Cyrène une nymphe thessa tienne
aimée d'Apollon et venue en Libye sur un char attelé de
cygnes. Les indigènes Asbystes, qui habitaient ce pays,
accueillirent bien les nouveaux venus. Il se forma une po-
pulation mixte gréco-libyenne, comparable à celle des co-
lonies grecques d'Italie et de Sicile et à celle de Carthage ;
l'élément grec, renforcé par une immigration considérable,
resta prépondérant.
La colonie prospéra très rapidement ; l'agriculture y était
dans d'excellentes conditions ; sur les différentes terrasses
du plateau, on produisit du blé, du vin, de l'huile, on éleva
du bétail ; le monopole du Silphium (V. ce mot) fut aussi
une cause de richesse très appréciée. Les ruines considé-
rables qui jonchent encore le sol attestent la grandeur de
cette civilisation disparue. Les Grecs vivaient surtout dans
les villes ; au voisinage étaient leurs exploitations agricoles
auxquelles participaient quelques peuplades sédentaires :
les Asbystes, près de Cyrène ; les Auschis», au S. de Barca ;
les Cabales, près de Teucheira; enfin les nomades erraient
librement alentour, promenant leur bétail et leurs cha-
riots attelés de chevaux d'excellente race ; les Nasamones
faisaient des caravanes vers l'oasis d'Augila, commerçant
avec l'Afrique centrale. Dans les cités, les Grecs étaient
la population dominante ; mais les mariages mixtes avaient
été nombreux et, très probablement , la dynastie royale
des Battiades était demi-africaine. Les noms de Battus et
d'Arcésilas alternent chez ses huit rois. La colonisation
complète de Cyrène et la grandeur de la ville datent de la
sejîonde immigration qui eut lieu entre les années 574 et
554 et renforça l'élément grec ; on appela des colons de
toutes les parties de la Grèce sans distinction, leur pro-
mettant des lots de terre. L'antagonisme avec les Libyens
s'accentua, et un roi indigène appela le roi d'Egypte Apriès,
dont l'armée fut battue, ce qui provoqua sa ruine; les
Libyens subirent la loi du plus fort. Le nouveau roi
d'Egypte, Amasis, fut un philhellène qui épousa une femme
de la race battiade. Mais, peu d'années après, une scission
se fit entre les Grecs ; les frères du roi Arcésilas II fondèrent
Barca (vers 550) avec l'aide des Libyens, à 413 kil. de
Cyrène ; peu après, fut fondée Hespérides. L'armée d'Ar-
713 —
CYRÊNAÏQUE
césilas fut exterminée et 7,000 hoplites cyrénéens restèrent
sur le champ de bataille. A la suite de ce désastre, les
Cyrénéens furent très affaiblis et la famille des Battiades
impuissante à les gouverner. Alors eut lieu sous le règne
de Battus III une révolution intérieure qu'on peut placer
vers l'an 543 av. J.-C. Sur le conseil de l'oracle de Delphes,
les Cyrénéens appelèrent de Mantinée un réformateur. Dé-
monax, qui leur donna une constitution nouvelle, classa
les Grecs en trois tribus (Thériens, Cretois et Péloponé-
siens, insulaires de la mer Egée), forma un sénat, un
conseil d'éphores, organisa la colonie sur le modèle des
Etats dorions. La dynastie royale subsista sans autorité
réelle. La veuve (Phérétyme) et le fils de Battus III (Arcé-
silas III), voulant rétablir l'ancien régime, furent chassés;
Arcésilas III, s'appuyant sur le prince libyen de Barca et
de nouveaux colons recrutés à Samos, rétablit son pouvoir,
puis fut tué. Peu après, le roi perse Cambyse, maître de
l'Egypte, reçut la soumission de la Cyrénaïque. La mère
d' Arcésilas, Phérétyme, obtint l'appui du satrape perse
Aryandès, lequel s'empara de Barca après un siège de
neuf mois et déporta les habitants en Bactriane. Cyrène
échappa à la vengeance, mais il semble que la constitution
de Démonax ait été abolie. Au siècle suivant, la race des
Battiades fut définitivement déposée vers 450 av. J.-C.
Arcésilas IV, son dernier représentant, gouverna en tyran
(V, ce mot), s'appuyant sur des mercenaires, combattant
l'oligarchie. Après sa mort, son fils Battus s'enfuit à Hes-
pérides où il fut tué. Un nouveau ban de colons rint de
Messénie, mais la plupart périrent dans les guerres civiles.
L'histoire de Cyrène à cette époque nous est à peu près
inconnue. Elle prospérait et partagea avec Carthage la côte
nord d'Afrique, fixant la limite à l'O. de son comptoir
d'Automala au point où fut élevé V autel des Philènes
(V. Carthage, t. IX, p. 599).
En 331, les Cyrénéens se soumirent volontiers à
Alexandre. Mais la décision pour le rappel des exilés dans
les cités grecques occasionna de grands troubles. Les
exilés de Cyrène appelèrent Ihimbron^ meurtrier à'Har-
pale (V. ce nom), qui s'était établi en Crète avec le trésor
et les 6,000 mercenaires du satrape Thimbron, occupa
Apollonie, battit les Cyrénéens, s'allia à Barca et tenta de
se créer un royaume en Cyrénaïque ; trahi par son officier
Mnasiclès, il perdit Apollonia et sa flotte, mais occupa
Teucheira, appela des mercenaires du Péloponèse et défit
l'armée de Cyrène qu'il assiégea. Les oligarques appelèrent
Ptolémée, maître de l'Egypte ; celui-ci envoya une armée
commandée par Ophellas ; Thimbron fut vaincu et pendu,
Ptolémée vint visiter sa conquête, dont Ophellas devint vice-
roi (322). Une insurrection des Cyrénéens échoua en 312
et leur ville, contenue par une citadelle qu'occupait une
garnison égyptienne, ne put recouvrer sa liberté. Ophellas,
aUié à Agathocle, entreprit avec lui une grande expédition
contre Carthage et lui amena son armée par terre. L'aven-
turier sicilien le tua en trahison et rembarqua ses colons
amenés de Cyrène, lesquels se noyèrent en mer (307).
La Cyrénaïque, où Ophellas aurait pu se rendre indépen-
dant, resta donc une dépendance de l'Egypte ptolémaïque.
Cette période fut pour elle très favorable ; les Ptolémées,
selon leur politique, foiidèrent de nouvelles cités ou du
moins en favorisèrent d'autres aux dépens des anciennes :
Barca fut éclipsée par son port Ptolémaïs qui devint la ca-
pitale, Cyrène fut dépassée par Apollonia, Hespérides prit
le nom de Bérénice, Teucheria celui d'Arsinoé ; la Penta-
pole fut donc formée de ces cinq cités (Cyrène, Apollonia,
Ptolémaïs, Arsinoé, Bérénice). En l'an 117, la Cyrénaïque
fut érigée en royaume au profit d'un bâtard de Ptolémée
Physcon, du nom d'Apion. Quand il mourut en 95 ou 96,
il légua son rojjaume aux Romains. Ceux-ci garantirent
aux cités leurs libertés, occupant seulement le domaine
royal et exigeant un tribut. Les querelles intestines pro-
voquèrent l'intervention de Lucullus et décidèrent les Ro-
mains à réduire la Cyrénaïque en province ; elle fut jointe
à la Crète (67). Sous Auguste ce fut une province sénato-
riale à laquelle on préposa depuis lors un propréteur avec
titre de proconsul, assisté d'un légat et d'un ou deux
questeurs. Sous Constantin, la Cyrén^uque devint une pro-
vince distincte appelée Libye supérieure et confiée à un
président. — Le développement pris par la Cyrénaïque est
attesté par sa numismatique, par les ruines dont le sol est
encore encombré, par les grands hommes qui y naquirent :
le philosophe Aristippe, Callimaque, Eratosthènes et plus
tard Synesius. Le grand événement de son histoire au
temps de l'empire romain fut l'insurrection des Juifs (sous
Trajan) ; ils massacrèrent 220,000 Romains et Cyrénéens,
et ne furent domptés qu'à grand'peine. Lorsque l'Empire
ajffaibli ne put plus défendre ses frontières, les gens de la
Cyrénaïque devinrent les victimes des perpétuelles incur-
sions des Libyens ; les nomades du désert ruinèrent peu à
peu les populations sédentaires. Synesius, évêque de Pto-
lémaïs au V® siècle, a décrit les misères du pays. En 616,
le Perse Chosroës dévasta la Cyrénaïque, dont la conquête
arabe acheva la ruine (647). Les villes ont disparu sauf
Bérénice aujourd'hui Ben-Ghazi. Ses ruines ont été décrites,
particulièrement celles de Cyrène.
II. Numismatique. — La Cyrénaïque a une longue et riche
série de monnaies d'or, d'argent et de bronze qui s'éche-
lonnent depuis l'an 630 avant notre ère environ, jusque
sous Auguste. Les types les plus ordinaires de ces mon-
naies sont la tête cornue de Zeus Ammon et la fameuse
plante de sili)hium, représentée en tige, en fleurs ou en
graine. Les villes qui ont frappé ces monnaies sont Cyrène,
Barcé, Evespéris et Teuchira ; on attribue aussi quelques
rares pièces à Balagrse (Balis), à Darnis et à Héraclée.
Enfin, il est des monnaies anépigraphes et dont l'atelier est
indéterminé ; il en est d'autres frappées au nom de la com-
munauté (xotvdv) de la province, et sans nomde ville, mais
émises sans doute par l'atelier de Cyrène.
Les monnaies les plus anciennes de la Cyrénaïque (630
à 530 environ) sont anépigraphes ; ce sont des pièces
d'électrum et d'argent de poids euboïque (drachme de 4^^20)
qui attestent les rapports commerciaux des Cyrénéens avec
l'Eubée, la Crète , Rhodes et une partie de l'Asie Mineure.
Quelques-unes de ces monnaies même pourraient aussi
bien convenir à la Lycie qu'à la Cyrénaïque. Au droit,
le silphium , en fleur ou en fruit ; au revers , un carré
creux partagé en quatre parties, ou bien une rosace ana-
logue à celle des monnaies de Milet. Les monnaies de la
deuxième époque (530-480) commencent avec le règne
d'Arcésilas III, et confirmant les données de l'histoire ; elles
nous révèlent une alliance avec Cyrène, Samos et lalysos
Fig. 1. — Monnaie de la Cyrénaïque.
dans l'île de Rhodes. Ce sont des pièces d'argent de poids
euboïque, encore anépigraphes. Outre le silphium , paraît,
comme type, la nymphe Cyrène, Héraclès, Zeus Ammon, une
tête de lion, une tête d'aigle, une gazelle. Le type le plus
remarquable représente Héraclès et la nymphe Cyrène dans
le jardin des Hespérides (fig. 1). Les monnaies de la troi-
sième époque sont de poids phénicien (drachme de 3s^36), et
la plupart portent l'inscription KYPA. Le type ordinaire
est, au droit, la tète de Zeus Ammon ornée des cornes de
bélier, et au revers, la tige de silphium. Avec la quatrième
période (431-321) paraissent de belles monnaies d'or. Les
statères ont, au droit, la légende KYPANAION avec la
Victoire dans un quadrige, et au revers, Zeus Ammon
debout, sacrifiant devant un thymiaterion ; les hémi-statères
sont au type du cavalier et de la tige de silphium. Les
CYRÉNAÏQUE — CYRIACUS
-» 714 —
monnaies d'argent de cette série sont à l'effigie de Zeus
Ammon de profil ou de face, ou celle de Dionysos; les
bronzes ont la tête de la nymphe Cyrène, une gazelle, un
cavalier . Au revers , outre le silphium , on a la Victoire,
Hermès, une roue. Sur toutes ces pièces, un nom de
magistrat monétaire qui varie. Les monnaies de la cin-
quième période (321 à 96) comprennent celles qui ont été
frappées sous l'autorité des Ptolémées d'Egypte. Ce sont des
pièces d'or, d'argent et de bronze, de poids attiquo, ayant,
outre les types précédents, la tète de Pallas des monnaies
d'Alexandre le Grand, celle d'Apollon, une Victoire debout,
un palmier, une lyre, un cheval au galo}). En légende, on
lit KYPANAldN ou KYPA et quelquefois lÎTOAE-
MAIOT. En 308, Magas ayant été nommé gouverneur de
la Cvrénaïque, fit frapper des monnaies avec BASIAEO^
riTbAEMAIOT,etmême avec BASIAEOS MAEA.
La tête de sa fille Bérénice figure aussi sur des monnaies
de Cyrène. C'est peu après cette époque qu'on place les mon-
naies cyrénéennes qui ont pour toute légende KOINON.
A partir de l'avènement de Ptoléméc IV Pliiiopator jusqu'à
2. — ïotradrachme de la Cyrénai'que.
la mort de Ptolémée Apion en 96, les monnaies frappées en
Cyrénaïque n'ont plus aucun caractère national et elles se
confondent, pour les types, avec les monnaies frappées en
Egypte. La sixième période comprend les monnaies de
bronze frappées en Cyrénaïque par les gouverneurs romains
de cette province. Ces pièces, les unes en caractères grecs,
les autres en caractères latins, portent les noms des gouver-
neurs : L. LoUius, A. Pupius Rufus, L. Fabricius, Patel-
lius, Scato, Palicanus et Capito. Leurs types sont, au droit,
les tètes d' Ammon, d'Apollon, d'Artémis et d'Auguste, et
au revers, une chaise curule, un chameau, un cerf, un
bélier, un caducée, une couronne, un serpent, etc.
Toutes les monnaies dont il vient d'être parlé ont été
frappées à Cyrène, la capitale de la province. Celles de
Barcé sont généralement aux mêmes types, mais elles por-
tent, en légende, BAPKAION, avec un nom variable
de magistrat (fig. 2). Les monnaies d'Evespéris ont pour
légende ET, ETES, EYESIIEPITAN. Les drachmes
très rares de Teuchira ont seulement TE, avec une tige de
silphium et la tète de Zeus Ammon. Les monnaies classées
par Muller aux autres villes énumérées plus haut sont
d'attribution incertaine. E. Babelon.
Ecole cyrénaïque. — L'école cyrénaïque tire son nom
de la patrie à'Arisiippe (V. ce nom), son fondateur. Elle
paraît être issue du mélange des doctrines morales de
Socrate et des sophistes. Ses principaux représentants
sont : Aristippe, sa fille Arété, le fils de celle-ci, Aris-
tippe le Jeune, Théodore l'Athée, Anlipater, ïïégésias,
Annicéris, Bien, Evhémère, le célèbre libre penseur grec,
et Aristote de Cyrène. Cette philosophie paraît avoir duré
du iv^ à la fin "^du iii'^ siècle av. J.-C. Les cyrénaïques
négligent les recherches théoriques pour ne chercher dans
la science que ce qui peut être utile à la pratique. Le but
unique de la philosophie est le bonheur de l'homme, et ce
bonheur consiste dans le bien. Or, le bien est dans le plai-
sir. Le plaisir est donc le but suprême de la vie. Rien n'est
bon ni désirable que comme moyen d'arriver au plaisir.
Selon eux, le plaisir résulte d'un mouvement harmonieux
et lent ; si le mouvement se précipite, la douleur survient,
le repos de l'être est un état indifférent, sans plaisir comme
sans douleur. Le but de la vie consiste donc à entretenir
en elle ce mouvement doux. Il n'y a pas d'autre bien que
celui-là, car que serait un bien qui ne serait pas agréable?
Il n'y a d'autre mal que la douleur, car que peut faire un
mal sinon apporter du désagrément ? Et cela est si vrai que
tous les êtres sentants, tous les animaux, tous les hommes
recherchent le plaisir et fuient la douleur. C'est la loi uni-
verselle de l'action. Or, comment connaissons-nous ce qui
nous fait plaisir et ce qui nous procure de la douleur ? Ce
ne peut être que par la sensation et non par le raisonne-
ment. La sensation seule est donc la mesure de la vérité.
Les choses sont bonnes ou mauvaises selon que nous les
sentons telles. C'est par là que l'école cyrénaïque arrive à
rejoindre Protagoras (V. ce mot). Le plaisir étant dans la
sensation ne peut être que présent. Le passé ni l'avenir ne
sont sentis. Le bonheur est donc dans le présent. Le sage
ne s'inquiète ni du passé ni de l'avenir, il ne songe qu'au
présent. A cette considération de la volupté présente, tout
doit être subordonné. Cependant les cyrénaïques ne purent
s'empêcher de remarquer qu'un petit plaisir présent pou-
vait causer de grandes peines dans l'avenir. Ils furent donc
amenés à dire que, dans ces cas, il fallait sacrifier le pré-
sent à l'avenir. Aussi l'homme intelligent s'abstiendra-t-il
de toute action punie par les lois civiles ou par la réproba-
tion publique. Ils allaient même plus loin et, constatant
que l'intelligence des choses procurait un véritable plaisir,
ils recommandaient la culture de l'esprit et même en
quelques endroits la spéculation désintéressée pour les
esprits qui y trouvaient leur agrément. L'école cyrénaïque
apprenait à ses disciples à jouir de la vie et de tout ce
qu'elle offre de bon.^ Le cyrénaïque aime la bonne chère,
le luxe de Thabillement et de l'habitation, par-dessus tout
la richesse qui permet de se procurer tous les plaisirs. Il
veut avoir la jouissance, mais, comme il la veut sans trouble,
il la possède et n'en veut point être possédé. Il use de la
vie et de tous ses biens comme un hôte d'un banquet, y
prenant plaisir, mais prêt aussi à en sortir sans trop de
regrets. Le plaisir n'est pas là où manque la mesure, où
le mouvement des sens est trop vif. Il demeurera donc élé-
gant et délicat même au sein des orgies et, s'il se prête
volontiers à tous les genres de volupté, il ne le fait pas
sans garder un air de hauteur et de détachement.
G. FONSEGRIVE.
BiBL. : GÉOGRAPHIE. — Della Cella, Viaggia da Tri-'
poli di Barberia aile Frontieri occidentali dell'Egitio;
Gênes, 1819. — Beechy, Expédition to explore the Nor-
thern coast of Africa from Tripoli Eastward; Londres,
1828, 4 vol. — Pacho, Relation d'un voyage dans la Mar-
mariqiie^ la Cyrénaïque^ Paris, 1827-1829; 4 vol. — Barth,
Wanderungen durch das Punische und Kyrenaische Kûs-
tenland; Berlin, 1849. -- Gottschick, Geschichte und
Grûndung des hellenischen Staals in Kyrenaika; Leipzig,
1858.— Haimann, Cyrenaica; Rome, 1882.
Nuîmismatique. — L. Muller, Numismatique de l'an-
cienne Afrique^ t. 1 et supplément. — E. Babelon, dans la
Revue numismatique de 1885. — Reg. Stuart-Poole,
the Ptolemies Kings ofEg/yp^ (Catal. du British Muséum).
— Barclay V. Ueab, Historia nummorum. — Ferd. Bom-
POIS, Médailles grecques autonomes frappées dans la
Cyrénaic[ue.
Ecole cyrénaïque. — V. surtout Zeller, Uist. de la
philosophie des Grecs.^ trad. fr., in-8, t. III, pp. 305-347.
On y trouvera une indication complète des sources.
CYRÈNE. I. Géographie (V. Cyrénaïque).
II. Histoire (Y. Battus).
CYRÈNE. I. Mythologie. — Nymphe chasseresse, fille
d'IIypseus. Apollon la transporta du Pélion en Libye, où
elle donna son nom à la ville de Cyrène, et mit au monde
Aristée (V. ce nom). — Une autre Cyrène donna à Ares un
fils qui fut le Thrace Diomède, roi des Bistoniens.
IL Astronomie (V. Astéroïde).
CYRIACUS, patriarche de Constantinople, mort en 602.
Il prit comme son prédécesseur, Jean IV le Jeûneur auquel
il succéda en o9o, le titre de patriarche œcuménique,
malgré les véhémentes et persévérantes protestations de
Grégoire I®^ de Rome. Lorsqu'en 602, Phocas s'empara du
trône, Cyriacus protesta contre l'exécution de la veuve de
l'empereur Maurice et de ses trois filles qui s'étaient réfu-
— 745 —
CYRIACUS — CYRILLE
giées dans l'église Sainte-Sophie, tandis que Boniface lïl
de Rome se commettait avec Phocas pour obtenir que le
titre de patriarche œcuménique fût aboli et que Rome fût
reconnue comme Caput omnium ecclesiarum. Cyriacus
mourut avant que cet édit fût rendu. F. -H." K.
CYRIAQUE d'Ancône, dont le nom de famille est
Pizzicolli, antiquaire italien, né à Ancône vers 4391,
mort à Crémone vers 4450. Ses occupations commerciales
l'obligeant à de lointains et fréquents voyages, il en profita
pour décrire les monuments antiques qu'il avait l'occasion
de rencontrer. Il parcourut la Sicile, les côtes de la mer
Adriatique, la Grèce et les côtes d'Asie Mineure. La re-
lation de ses voyages qui n'a été publiée que trois siècles
après sa mort, manque parfois de critique, mais elle est
précieuse en ce qu'on y trouve la description de monu-
ments qui ont disparu depuis lors. Elle est renfermée dans
les ouvrages suivants : Kyriaci Anconitani Uinerarium,
... locupletavit Laurentius Mehus (Florence, 4742,
in-8) ; Inscriptiones et epigrammata grœca et latina
(Rome, 4747, in-fol.); Fragmenta cum notis Pompeii
Compagnonii (Pesaro, 4763, in-fol.). Tout récemment,
M. J.-B. de Rossi a retrouvé dans les bibliothèques du
Vatican, de Naples et de Parme des notes inédites de
voyages de Cyriaque d'Ancône, notamment une description
détaillée des ruines de Cyzique que Cyriaque visita en
4434 et en 4444. Cette description a permis à M. Théo-
dore Reinach d'écrire une intéressante restitution du grand
temple d'Adrien à Cyzique, dont il ne subsiste plus au-
jourd'hui que d'informes débris [Bulletin de correspon-
dance hellénique^ 4890). E. Babelon.
CYRILLE (Saint), évêque de Jérusalem, né vers 315,
mort le 48 mars 386. Ordonné diacre en 334 et prêtre en
345, il prêcha devant les catéchumènes de l'église de
la Résurrection à Jérusalem, une série de Catéchèses
qui forment le document le plus complet et le plus impor-
tant pour l'étude du culte chrétien au iv° siècle ; elles
ne sont pas moins intéressantes pour l'histoire des dogmes
chrétiens. A. -A. Touttée en a préparé la meilleure édition,
publiée après sa mort par P. Maran (Paris, 4720, in-fol.)»
Ces conférences catéchétiques, précédées d'un discours d'in-
troduction, sont au nombre de dix-huit et sont suivies
de cinq discours d'initiation aux mystères chrétiens,
adressés aux néophytes. Le style, parfois un peu lourd, est
généralement clair, souvent familier, toujours populaire.
En 350, Cyrille fut élevé au siège épiscopal de Jérusalem.
Alors commence pour lui une vie agitée dont une grande
partie se passa dans l'exil. Cela tient autant à la rivalité
entre le siège de Césarée et celui de Jérusalem qu'à la
querelle de ï'arianisme (V. ce mot) qui troublait alors
l'Orient. Cyrille était opposé aux ariens. Après la mort de
l'empereur Valens (378), il rcoccupa définitivement son
siège et assista, en 384, au concile œcuménique de Cons-
tantinople. Outre ces Catéchèses^ on lui attribue une
homéUe et une lettre à l'empereur Constance ; mais l'au-
thenticité de ces deux documents est douteuse. F. -H. K.
BiBL. : A. -A. TouïTÉE, Dissertationes Cyrillianœ^ c^ans
redit, des Œuvres de Cyrille citée ci-dessus. — Tillemont,
Mémoires pour servir à l'histoire ecclés. ; Paris, 1695,
t. VIIÏ. — J.-Tiî. Plitt, De Cyrilli Hierosol. orationibus
catacheticis ; Heidelberg, 1855.
CYRILLE (Saint), patriarche d'Alexandrie, né vers 376,
mort en 444. Fête le 28 janv. Il succéda en 442 à son
oncle Théophile comme patriarche d'Alexandrie. D'un ca-
ractère extrêmement violent, il fit fermer les églises des
novatiens (V. ce mot), expulsa, en 445, les juifs
d'Alexandrie et participa au meurtre à'Hypatie (V. ce
mot). Sa lettre pascale de 429 déchaîna la querelle nesto-
rienne. Ce qui envenima le débat, ce fut le recours de
Nestorius (V. ce nom) à l'évêque de Rome, Célestin P^,
qu'il traitait de pair, et le rapport presque obséquieux que
Cyrille adressa au même Célestin. Ce pape renia sa doctrine
et celle des docteurs occidentaux contemporains, qui se
rapprochait infiniment de celle de Nestorius, et, obéissant
à son antipathie politique contre le siège de Constantinople,
prit le parti de Cyrille. Le patriarche d'Alexandrie réunit
donc, en 430, un synode dans sa résidence et prononça
contre Nestorius douze anathèmes qu'il publia ensuite
(V.Mansi, Concilior, collect.jt, IV, pp. 4081 et suiv.). Au
troisième concile œcuménique d'Ephèse (juin 434), convoqué
par l'empereur Théodose^ qui était favorable au patriarche
de sa capitale, Cyrille, avec une cinquantaine d'évêques
qui lui étaient dévoués, se hâta de condamner et d'excom-
munier Nestorius, avant l'arrivée des évoques syriens, par-
tisans de la doctrine du patriarche do Constantinople
(V. pour la suite Ephèse [Concile d']). Arrivé à ses fins, la
déposition de son rival de Constantinople, Cyrille signa,
en 433, un compromis impérial, chef-d'œuvre d'amphibo-
logie (V. Mansi, ouv. cité, t. V p. 781), où les Syriens
pouvaient trouver leur doctrine, mais non pas Cyrille la
sienne. Plusieurs hommes convaincus de son parti, comme
Isidore de Péluse et Acace de Méhtène, ne le lui pardon-
nèrent jamais. — Parmi les écrits de Cyrille (édités par
J. Aubert en 7 vol. in-fol., à Paris, 4638 ; réimprimés dans
la coll. de ligne, aux vol. LXVI à LXXVII), il convient de
citer son ouvrage apologétique contre l'empereur Julien ;
il n'en reste que les dix premiers chapitres et quelques
fragments des dix chapitres suivants ; il y en avait trente. La
grande valeur de ce document réside dans le fait que Cyrille
cite textuellement les Discours contre les Galiléens de
Julien, dont il ne reste pas d'autres traces. Puis il faut
mentionner les importantes Epîtres de Cyrille, au nombre
de 87 ; enfin, au nombre de ses traités théologiques, ceux
qui expriment le plus nettement sa doctrine, comme un
dialogue sur V Incarnation, un autre sur V Unité du
Christ, son traité polémique Contre ceux qui ne veulent
pas donner à la sainte vierge le titre de Osotoxoç,
et son livre sur la Trinité. La plupart des écrits de Cyrille
se font remarquer par un style abondant et imagé et par
l'abus de l'allégorie et de la typologie, deux caractères
qui masquent souvent le manque de clarté de la pensée
et un certain défaut de loyauté dans Pexpression des con-
clusions. F.-H. Kruger.
BiBL. : Eus. Renaudot, Historia patriarch. Alex.-Jaco-
bitarum ; Paris, 1703, in-4. — W. Cave, Scriptorum eccl.
hist. litteraria; Londres, 1668, in-fol., t. I, pp. 391 et suiv.
— C. OuDiN, Comm. de script. cccZes.; Leipzig, 1722, in-fol.,
1. 1, pp. 1007 et suiv. — J. Koppalik, Cyrillus von Alexan-
drien; Mayence, 1881, in-8.
CYRILLE, jurisconsulte grec qui vivait au commence-
ment du règne de Justinien. Il fut le chef le plus ancien
du collège de professeurs qui marquèrent à cette époque
le retour à la science du droit. Il reçut dans les travaux
des interprètes postérieurs les titres de Magnus et de
Communis orbis terrarum Magister. Au sujet de ses
travaux, nous savons par Patricius qu'il aurait écrit un
Commentarium deflnitionum, ouvrage dogmatique sur
diverses parties de la jurisprudence et fort remarquable
pour l'époque, où il aurait traité avec méthode et précision
les matières relatives aux pactes. Des passages du com-
mentaire de Cyrille auraient été transcrits par un compila-
teur en dessous des lois du Digeste, et les Scholies impor-
tantes du livre XI des Basihques qui traite des pactes et
des conventions, leur auraient été empruntées. — Un juris-
consulte du même nom qui vécut peu de temps après
Justinien, a écrit sur le Digeste un commentaire dont le
texte des Basiliques et les Scholies nous ont conservé d'im-
portants fragments. G. R.
Btbl. : MoRTREuiL, Histoire du droit byzantin ; Paris,
1843, 1. 1, pp. 258 et 301.
CYRILLE (Saint), apôtre des Slaves au ix"^ siècle, né
en 827 à Salonique où son père était fonctionnaire impé-
rial, mort à Rome le 44 févr. 869. Sa famille était peut-
être grecque, peut-être slave ; car, à cette époque, comme
aujourd'hui, Salonique était une ville bilingue. Son véri-
table nom était Constantin. Il fit ses études à Constanti-
nople; il eut entre autres pour maître le célèbre Photius.
Il se fit remarquer par une brillante discussion contre les
iconoclastes ; sa science lui valiit le surnom de Philosophe,
CYRILLE — CYRTARACHNE
— 716 ~
Il devint bibliothécaire de Sainte-Sophie et se fit prêtre. Il
enseigna à Constantinople la philosophie. Sa science théo-
logique lui fit conférer une mission religieuse chez les
Khazares; il trouva dans leur pays, à Cherson,les reliques
ALPHABET CYRILLIQUE ET GLAGOLITIQUE.
Cyrillique
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V
(La transcription et le nom des lettres sont donnés d'après
l'orthographe slave où le j a le son de l'i, Vu celui de
l'ow, ch celui de Vh fortement aspirée, et où il n'y a pas
d'e muet. L'a et Te avec une cédille représentent les
sons nasaux on et ain.)
vraies ou supposées du pape saint Clément, qu*il ramena
en Moravie et plus tard à Rome, après cette mission, qui
aurait abouti à la conversion du khan des Khazares, il vé-
cut quelque temps à Constantinople comme prêtre de l'église
des Saints-Apôtres. Vers 862, l'empereur Michel reçut une
lettre du prince de la Grande-Moravie, Rostislav, qui lui
demandait des missionnaires pour convertir son peuple et
lui prêcher le christianisme en langue slave. Michel désigna
Cyrille et son frère Méthode (Y. ce nom). A cette occa-
sion, les deux frères entreprirent de créer, pour la langue
slave, un alphabet et commencèrent une traduction des
écritures. Ils furent accueillis avec enthousiasme par les
habitants de la Grande-Moravie, mais leur succès irrita les
prêtres allemands, qui les dénoncèrent au saint-siège
comme introduisant dans l'Eglise des nouveautés dange-
reuses, notamment l'usage d'une langue barbare, qui n'avait
pas figuré sur la croix du Sauveur. Cyrille et son frère se
rendirent à Rome, apportant avec eux les reliques de saint
Clément. Ils se justifièrent sans peine devant le pape
Adrien II, qui autorisa l'usage de la liturgie slave dans la
Grande-Moravie et constitua ce pays en un diocèse dont
Méthode fut le premier évêque. Cyrille, fatigué par ses
pénibles missions, se retira dans un monastère, à Rome,
où il mourut. Le pape, après des funérailles solennelles,
fit déposer son corps dans l'église de Saint-Clément. Mé-
thode, qui ne devait mourir que seize ans après, retourna
dans la Grande-Moravie pour y continuer l'œuvre com-
mune. Cyrille et son frère sont également honorés par les
deux Eglises romaine (5 juin) et orthodoxe (6 juin).
On a longtemps considéré Cyrille comme l'inventeur de
l'alphabet dit cyrillique, qui est encore aujourd'hui usité
chez les peuples russe, serbe et bulgare. Cet alphabet a
pour base l'alphabet grec augmenté de quelques signes
nécessaires pour rendre les sons chuintants ou les demi-
voyelles. Dans ces derniers temps, les recherches paléo-
graphiques paraissent avoir établi l'antériorité d'un autre
alphabet slave, l'alphabet glagolitique^ qui dériverait aussi
du grec, mais des lettres minuscules, tandis que l'alphabet
cyrillique dériverait des lettres majuscules. Cette question
controversée a provoqué de vives polémiques (Y. Glagoli-
tique). L'alphabet cyrilhque ou gréco-slave, modifié au
xvni*^ siècle, sous Pierre le Grand, est devenu l'alphabet
russe actuel sous le nom de grajdanskaïa azbouka,
alphabet civil, par opposition à l'alphabet ecclésiastique. La
langue serbe y a ajouté quelques lettres nouvelles. Sans
entrer dans le détail des polémiques qui se sont élevées
à ce sujet, nous donnons ci-contre le tableau comparatif des
deux alphabets. L. Léger.
BiBL. : Les éléments de la vie de saint Cyrille se trou-
vent dans un grand nombre de légendes qui ont, en géné-
ral, une haute valeur historique. Elles sont en latin, en
grec et en slavon. Elles ont été réunies dans le livre de
Ginzel et dans le tome II des Fontes rerum bohemicarum'^
Prague, 1873. Les publications auxquelles les deux apôtres
ont donné lieu sont fort nombreuses. Les principales ont été,
dans notre siècle, Dobrowski^ Cyrill und Method; Prague,
1823. — GiNZEL, Geschichte der Slawenapostel ; Leitmeritz,
1857, et Vienne, 1881. — Racki, l'Œuvre des apôtres slaves ;
Zagreb, 1857. — Louis Leger^ Cy^nlle et Méthode ; Paris, 1867.
— Lavrovsky, Cyrille et Méthode (en russe) ; Saint-Pé-
tersbourg, 1863. — BiLBASOv, Cyrille et Méthode ; Saint-
Pétersbourg, 1868-71. — BoDiANSKY, Cyrille et Méthode ;
Moscou, 1873. — Le recueil intitulé Methodievsky Sbornihy
publié en 1885, à Varsovie. — Pypine, Histoire des litté-
ratures slaves; Paris ^\SQ1^ édit. franc. — La collection de
VArchiv fur Slavische Philologie^ et les travaux cités
au mot Méthode.
CYRILLE LuKARis, patriarche de Constantinople (Y. Lu-
KARIS).
CYRILLIQUE (Alphabet) (Y. Cyrille, apôtre des
slaves).
GYRRH ESTES (Andronicus) (Y. Andronicus).
CYRTARACHNE (Zool.). Genre d'Arachnides de la fa-
mille des Epeirides, proposé par Keyserling (sous le nom de
Cystogaster^ faisant double emploi) et comprenant un grand
nombre d'espèces répandues principalement dans l'Asie
tropicale, la Malaisie et l'Océanie. Les Cyrtarackne dif-
fèrent des Epeira par leur abdomen pourvu de fossettes
ocelliformes et leurs pattes mutiques; ils diffèrent des
Gasteracantha par leur céphalothorax plan et leurs
— 717 —
CYRTARACHNE - CYRTOPHORA
filières non tabulées. Le type est C. bispinosa Keyserl.,
d'Australie. E. Simon.
CYRTAUCHENIUS (Zool.). Genre d'Arachnides, de la
famille des Avicularides, proposé par Lucas (sous le nom de
Cyrtocephalus^ faisant double emploi), et voisin du genre
Cteniza Latr., dont il diffère principalement par ses tarses
garnis de scopulas et ses yeux formant un groupe étroit
et transverse. Le type de ce genre, C. Walckenaeri Lucas,
se trouve en Algérie, en Espagne et en Sicile ; d'autres
espèces sont propres au nord de l'Afrique. Tous les Cyr-
tauchenius creusent un terrier simple, sans branchement,
le plus souvent formé d'un opercule mobile comme celui
des Cteniza (C, Walckenaeri), quelquefois pourvu de deux
opercules dont le second intérieur, et d'une structure spéciale
très ingénieuse (C. artifex E. Sim.); dans certains cas, le
terrier lui-même est prolongé à l'extérieur en forme de longue
colonne cylindrique (C. Latastei E. Sim.), plus rarement il
est dépourvu d'opercule (C. inops E. Sim.). E. Simon.
CYRTIA, CYRTINA (Y. Spirifer).
CYRTIDA (Paléont). Les Radiolaires du groupe des
Cyrtides sont très abondants dans les couches géologiques
et très remarquables par la variété et l'élégance de leurs
coquilles. Ils sont généralement en forme de casque ou de
tiare percés de trous (pores). Ces animaux microscopiques
forment de véritables sédiments dans les dépôts des an-
ciennes mers : le gisement miocène de la Barbade (Antilles)
ne contient pas moins de deux cent soixante-deux espèces
de Radiolaires, dont les quatre cinquièmes sont des Cyr-
tides et particulièrement des Stichocyrtida. Cette richesse
semble indiquer que ce groupe a eu son apogée à l'époque
tertiaire. Les genres les plus remarquables sont : Peta-
losyris, Dictyomitra, Anthocyrtis, Eucyrtidiimi, Pte-
rocodon, Pterocranium, Podocyrtis, etc., la plupart dé-
crits par Ehremberg et provenant de la marne tertiaire de
la Barbade. La plupart de ces genres vivent encore dans
l'itlantique. E. Trt.
CYRTIDES {Cyrtida) (Zool.). Groupe de Protozoaires-
Radiolaires établi par Haeckel, pour renfermer de nom-
breux genres marins dont les principaux sont les genres
Carpocanium, Cyrtocalpis^ Cladospyris, Anchocyriis,
Pterocodon^ Podocyrtis, etc. Ces Radiolaires sont caracté-
risés par leur squelette, formé d'un test treillage de forme
très variable, souvent divisé en plusieurs parties par des
étranglements transversaux, mais dans lequel on peut
toujours reconnaître un axe longitudinal idéal : la coquille
affecte une forme différente aux deux extrémités de cet
axe : l'un des pôles est voûté en coupole et recouvert par
le treillage, l'autre est ouvert, ou possède un treillage tout
différent. La capsule centrale est placée dans la partie
supérieure de la coquilUe. Les caractères extérieurs de ces
animaux sont des plus curieux, leur structure interne est
encore très insuffisamment connue. R. Montez.
CYRTOCALPIS (Zool.). Genre de Radiolaires, de la
tribu des Cyrtides, établi par Haeckel pour des espèces à
coquille entière, treillissée, de forme plus ou moins ellip-
soïdale, plus longue que large, rélrécie vers la bouche, qui
est dépourvue d'appendice. Ce genre est voisin des Pylos-
phœra, Hseckel cite deux espèces vivantes trouvées dans
la mer à Messine, les C. obliqua et amphora etil rapporte
au même genre le C. cassis {Coimutella cassis Eliren-
berg), fossile dans la craie marneuse en Sicile.
CYRTOCARENUM (Zool.). Genre d'Arachnides, de la
famille des Avicularides, proposé par Ausserer et très
voisin du genre Cteniza Latr., dont il diffère surtout par
la forme de l'aire oculaire, plus étroite en avant qu'en
arrière et affectant ainsi la forme d'un trapèze. Le terrier
des Cyrtocarenum ressemble à celui des Cteniza ; il est
profond, cylindrique et fermé d'un opercule mobile. Le type
du genre estC, lapidar lus Lucas, de Grèce. Presque toutes
les espèces habitent les régions méditerranéennes orientales,
où elles remplacent les Cteniza et les Cyrtauchenius ;
quelques autres se trouvent dans l'Afrique australe.
CYRTOGERAS (Paléont.). Genre de Mollusques Cépha-
lopodes fossiles, du groupe des Nautiles (V. ce mot),
devenu le type de la famille des Cyrtoceratidœ, caracté-
risée par une coquille simplement arquée, plus ou moins
allongée, à ouverture simple ou composée. Le plus connu
des genres à ouverture simple est Cyrtoceras (Goldfuss),
à coquille arquée, pointue en arrière, à cloisons concaves
simples, à siphon submarginal, généralement ventral. Ce
genre ne diffère d'ailleurs à'Orthoceras que par la cour-
bure de la coquille et la position du siphon. La coquille
est lisse ou striée, plus rarement sculptée. Le silurien de
Bohême a fourni à lui seul deux cent vingt-huit espèces de
ce genre. Les plus anciennes sont du cambrien de Trema-
doc, en Angleterre ; leur nombre diminue dans le dévonien
et le carbonifère, et la dernière espèce connue est du
Zechstein. Nous citerons C, Murchisoni et C. corbulatum
du silurien de Bohême. Les genres voisins, Oncoceras^ Mœlo-
noceras, etc., décrits par Hyatt comme types de familles
particulières, se distinguent par la forme et l'ornementation
de la coquille. Rutoceras présente des sculptures saillantes
et un bord buccal dentelé. — Le genre à ouverture en forme
de fente ou composée est Phragmoceras, à coquille forte-
ment arquée ou faiblement enroulée, comprimée, à dernière
loge très grande, à ouverture contractée en forme de fente,
de T, ou plus ou moins lobée. Les espèces sont du silurien
de Bohême, d'Angleterre et de l'Amérique du Nord. Nous
citerons Phragmoceras Broderipi (Barrande) et Ph, Pan-
deri (Barr.) du silurien supérieur de Bohême (V. Nautile,
Paléo7itologie). E. Trouessârt.
CYRTOLITES (V. Bellerophon).
CYRTOMETOPUS (V. Cheirurus).
CYRTOMÈTRE. Le cyrtomètre est un instrument per-
mettant de faire la mensuration des voussures et des dé- ■
pressions de certaines parties du corps, plus particulière-
ment de la poitrine. Le plus connu de ces instruments a
été imaginé par le docteur Woillez. Il se compose d'une
série de petites pièces de 2 centim. de longueur, réunies
entre elles à peu près comme dans les mètres de poche que
tout le monde connaît. Pour se servir du cyrtomètre dans
le cas le plus ordinaire, il suffit de l'appliquer contre la
poitrine en lui faisant suivre exactement toutes les saillies
ou dépressions qu'elle présente ; comme les diverses pièces
de l'appareil sont à double frottement, celui-ci conserve
l'incurvation des parois thoraciques lorsqu'on le retire ; il
est alors facile, en portant la courbe sur un papier d'en
reproduire avec un crayon les principales sinuosités. Le
cyrtomètre a sur le simple ruban métrique l'avantage de
donner, en même temps que les dimensions d'ensemble, le
tracé des sailhes ou dépressions de la poitrine et surtout
les changements de diamètre. De nombreuses observations
ont montré que le cyrtomètre est peu utile pour le dia-
gnostic des affections de la poitrine, des maladies très
avancées du poumon pouvant ne s'accompagner d'aucune
déformation sensible. L'instrument est par contre assez
précieux pour l'étude de la marche de la maladie , car,
comme l'a constaté Woillez, l'ampliation croissante de la
poitrine annonce en général le progrès de la maladie, l'am-
pliation stationnaire persistante, son prolongement, sa dé-
croissance, la résolution. A défaut de cyrtomètre on peut,
dans certains cas, recourir à une simple bande de toile
imprégnée de silicate de potasse : on fait deux ou trois
circulaires superposés autour de la poitrine avec la bande
humide ; on laisse sécher, et on coupe en un point quel-
conque. La bande enlevée donne la courbe très exacte de
la poitrine. Ce procédé facile à improviser n'a que l'in-
convénient d'être un peu plus désagréable pour le malade
que le cyrtomètre de Woillez. D'' Alphandéry.
CYRTOPHORA (Zool.). Genre d'Arachnides, de la famille
des Epeirides, proposé par nous-même et ayant pour type
VEpeiî^a opuntius L. Dufour, espèce répandue dans la
région méditerranéenne et une grande partie de l'Afrique,
où elle recherche, pour établir sa toile, les plantes dures
et épineuses, telles que les Agaves et les Opuntias. — Les
Cyrtophores diffèrent des Epeires par la disposition de leurs
CYtlTOPHORA - CYRÙâ
— 718 —
yeux et la forme de leur abdomen. Ils s'en éloignent aussi
beaucoup par leurs mœurs ; leur toile, en efîet, n'est pas
orbiculaire, elle consiste en une trame de tissu serrée,
maintenue horizontalement par un double réseau irré-
gulier. E. Simon.
CYRTOSTOMA {Cijrtostommn, orthographe vicieuse)
(Zool). Genre de Protozoaires hifusoires, de la famille des
Paramécides, établi par Stein pour des animaux de forme
ovalaire, à bouche latérale, dont le pharynx est armé de
dents; le corps est mou, élastique. Type: C, leucas {Bur-
^an'a Ehrenberg), espèce commune, tantôt de couleur
verte, tantôt incolore, longue de O^^'^IS qui a souvent
été étudié par les naturalistes. R. Montez,
GYRTULUS (Malac.) (V. Clayellâ).
CYRUS. Ce nom perse {Kurus, signifiant « soleil ») est
porté par trois personnages historiques, dont le second est
le grand fondateur de la monarchie des Perses .
L Le premier Gyrus fut le fds de Téïspes, fils d'Aché-
ménès et père de Cambyse, grand-père de Cyrus. Héro-
dote le ^lentionne comme père de Cambyse, et il dit qu'il
n'était pas d'une extraction élevée. Une inscription babylo-
nienne de Cyrus le nomme, au contraire, dans la généalogie
de ce dernier, et dit qu'il était, comme son père et son
fils, roi de la ville d'Ansan. Le grand Cyrus étant égale-
ment qualifié par Nabonide de roi d'Ansan et de roi des
Perses, il est évident qu'Ansan, une ville en Perse, peut
être Pasargades, la ville sacrée des Achéménides.
IL Cyrus le Grand ^vo\ des Perses, figure sous les noms
grecs Kupoç, latin Cyrus ^ babylonien Kurass ou Ihirras^
hébreu Koresch, Les Persans modernes ne connaissent pas
le fondateur de leur empire. La naissance de Cyrus comme
celle d'autres grands hommes a été de bonne heure entou-
rée de légendes. Différentes versions couraient sur l'ori-
gine de Cyrus. D'après Ctésias, qui puisait aux sources
officielles des archives perses, son nom primitif était Agra-
datès, et il n'avait aucuu lien de parenté avec le roi mède
Astyage, ce que Hérodote aurait affirmé contrairement à la
vérité ; mais l'authenticité du récit d'Hérodote a reçu les
plus brillantes confirmations par les textes émanant du roi
lui-même qui se nomme fils de Cambyse, fils de Cyrus. Le
témoignage de Ctésias, suivi par Nicolas de Damas, est
donc moins concluant que celui d'Hérodote. On peut égale-
ment douter de la version que Cyrus aurait changé son
nom d'Agradatès contre celui de Cyrus, à cause du fleuve
Cyrus au bord duquel il aurait gagné la bataille contre
Astyage. D'autres nomment Agradatès le berger dont il
sera question tout à l'heure, La version connue prove-
nant d'Hérodote est que Cyrus était le fils de Cambyse et
de Mandane (perse Mandânâ, à la couleur de gris), fille
d 'Astyage. Le roi mède aurait vu en songe une vigne
sortant du sein de Mandane et couvrant de son ombre
toute l'Asie. Les Mages auraient expliqué ce songe par la
naissance d'un fils de Mandane qui détrônerait son grand-
père. Astyage aurait donné alors à Harpagus, l'un de ses
familiers, l'ordre d'exposer le nouveau-né qui aurait été
trouvé par un berger et allaité par la femme de celui-ci,
nommée Spaco « chienne » (perso i/phkd). Grandissant
comme fils du bouvier, il aurait eu de bonne heure une
énergie peu commune et aurait été élu roi en jouant avec
ses camarades ; il aurait fait fustiger le fils d'Artcmbarès,
noble mède, qui n'aurait pas voulu lui obéir. A l'occasion de
la plainte portée devant le roi, la chose se serait découverte,
et Astyage, feignant une grande satisfaction, aurait invité
Harpagus avec son jeune fils pour fêter la reconnaissance
de Cyrus. Le cruel monarque aurait fait massacrer et cuire
l'enfant d'Harpagus qu'il aurait donné à manger au propre
père, lequel aurait également dissimulé son courroux jus-
tifié. Tout ce récit est plus ou moins fabuleux et Ctésias,
malgré d'autres incorrections, peut avoir raison en niant
la parenté d'Astyage et de Cyrus. Faut-il donc se rappeler
que les Persans modernes prétendent qu'Alexandre le Grand
{Iskender roumi), fils do Philippe {Filicus), était par sa
mère petit-lils de Darius IH (Dard). Une inscription con- I
temporaine de Nabonide dit que Gyrus, serviteur d^As-
tyage, se révolta contre son souverain, et ne l'appelle pas son
petit-fils. Après sa reconnaissance, Cyrus serait rentré en
Perse chez son père Cambyse qu'il n'avait peut-être jamais
quitté. En tout cas, dès Tannée 660 ou 659 av. J.-C, Cy-
rus prêcha la révolte contre les Mèdes pour délivrer les
Perses d'un joug qu'ils subissaient depuis le règne de
Phraortes, H convoqua les chefs des tribus de la Perse à
une assemblée, et se disant d'abord satrape institué par le
roi des Mèdes, il leur peignit leur mauvaise situation sous
le joug de ces étrangers touraniens. H se déclai^a indépen-
dant, se fit nommer roi et, comme Arrie, il rétablit le
mazdéisme, la religion de Zoroastre. H gouverna le pavs
pendant sept ou huit ans jusqu'en 552, époque à laquelle
Astyage marcha contre lui pour le soumettre. Une première
bataille fut livrée près Pasargades (perse Paisiyavâdd) .
Les Mèdes furent refoulés, les Perses marchèrent alors vers
Ecbatane, en Médie, où Harpagus, chef des Mèdes, fit dé-^
fection et causa ainsi la prise de la capitale et la capture
d'Astyage. Le vieux roi fut traité avec mansuétude par
Cyrus, qui avait ainsi mis fin à l'empire des Mèdes (552).
Nous avons un long récit de Nicolas de Damas sur la ba-
taille de Pasargades, lequel porte le caractère d'un roman.
H n'est pas bien sûr que ce combat précédât imnjédiatement
celui d'Ecbatane, il est possible qu'il marqua la première
levée de boucliers des Perses en 559. Une inscription du
roi babylonien Nabonide mentionne les déprédations d'As-
tyage (istuvëgu) enChaldée et dit « qu'après trois ans du
règne de Nabonide, le roi des Mèdes (nommé Sab-Mandu,
horde des Mandu) fut défait par son serviteur Cyrus ». Cette
donnée indiscutable prouve que, contrairement aux récits
d'Hérodote, Astyage ne fut pas un roi sans énergie au-
cune, ce que du reste d'autres données classiques sem-
blent déjà indiquer. D'après les récits arméniens, le
roi d'Arménie, Dikran (Tigranes),se serait joint aux Perses
pour renverser la puissance des Mèdes. Xénophon men-
tionne le même roi. Cyrus était ainsi maître de toute
l'Asie comprise entre l'Indus et l'Halys, sauf la Chaldéc et
l'Elam qui furent bientôt soumises au joug des Perses. Mais
sa puissance ne pouvait être assurée, qu'autant que le grand
royaume que la race de Mermnados avait fondé en Lydie
et dans toute l'Asie Mineure jusqu'au fleuve de l'Halys, no
pourrait plus menacer la domination des Perses, Très forte
et surtout très riche, la dynastie lydienne avait fait sentir
sa prépondérance jusqu'en Europe ; elle-même se sentait me-
nacée par le puissant empire qui venait de se fonder dans
riram, Crésus régnait depuis quelques années en Lydie.
Déjà Cyrus avait soumis le peuple de Colchis et d'autres
nations au sud du Caucase; Crésus, malgré des conseils
contraires, franchit l'Halys et attaqua les Perses. Une pre-
mière bataille à Ptéria fut indécise, mais Crésus, après de
grandes pertes, se retira dans sa capitale de Sardes où il
se croyait à l'abri. Mais Cyrus, trompant l'attente du roi
lydien, le suivit immédiatement, et arriva sous les murs
de la capitale, après avoir livré à Thymbrée une bataille
victorieuse. Les secours que Crésus attendait d'Egypte, de
Babylone et de Sparte ne pouvaient arriver avant que Cy-
rus, avec une foudroyante rapidité, n'envahît la Lydie. Les
sorties de la cavalerie lydienne furent repoussées et Sardes
prise d'assaut (542). Crésus fut fait prisonnier et le royaume
de Lydie avait cessé d'exister. Une légende grecque prétend
que Cyrus voulait brûler vif son ennemi vaincu, qui aurait
été sauvé par un miracle et traité par Cyrus en véritable
ami ; le récit romanesque d'Hérodote ressemble beaucoup
à un mythe. Après la soumission de la Lydie, ce fut le tour
du reste de l'Asie Mineure. Les villes grecques offrirent leur
soumission à Cyrus aux mêmes conditions « sous lesquelles
elles avaient été sujettes à Crésus »; Cyrus n'accepta
pas ces restrictions en leur faveur, elles réduisit tout sim-
plement en son pouvoir. Milète seule conserva son ancienne
autonomie. Les villes ioniennes de la côte organisèrent une
résistance en se réunissant au Panionion ; 'les Spartiates
intervinrent auprès de Cyrus, qui était encore à Sardes,
— 7d9 —
CYRUS
« et menacèrent le roi perse s*il osait toucher à leurs
compatriotes ». Q^rus leur répondit avec hauteur, emmena
Crésus avec lui à Ecbatane et laissa tout le pays sous la
garde des garnisoi^ perses. Après son départ, les villes se
soulevèrent ; quelqhes-nnes d'elles furent sévèrement châ-
tiées. Les habitants de Phocée égorgèrent les garnisons perses
et firent voile vers leurs colonies de Marseille et de Corse. La
Carie et la Lycie furent soumises par Harpagus; Aranda,
plus tard Xanthus et Caunus résistèrent héroïquement au
général perso Harpagus et se brûlèrent dans leurs mai-
sons avec leurs femmes et leurs enfanls. Pondant qu'Har-
pagus réduisit ce qui restait encore indépendant de l'Asie
Mineure, Cyrus se tourna en personne vers l'Est, et soumit
tous les peuples de l'Iram jusqu'à l'Indus, ne laissant
aucun pays indépendant. Malheureusement nous ne sa-
vons rien sur ces campagnes qui précédèrent immédia-
tement la destruction de l'empire chaldéen.
Babylone était alors la grande ville de l'Asie ; Nabucho-
donosor avait soumis tous les territoires entre l'Euphrate
et la Méditerranée, et même Nabonide avait gardé des
possessions jusqu'à la frontière d'Egypte. Aucune posses-
sion à l'est n'était assurée pour Cyrus aussi longtemps
qu'une puissance de nationalité assyrienne pouvait la me-
nacer. Cyrus attaqua donc Babylone, et, après avoir tra-
versé le Gyndès (Dîyaleh), il commença le siège do Ba-
bylone. « Les habitants de la grande ville pouvaient
soutenir un siège très long ; Faréale de 500 kil. q., entouré
par un mur, contenait une grande surface de terrain cultivé
pouvant nourrir les habitants en temps de siège. » Aussi
Cyrus n'en serait-il pas venu à bout, sans de grands travaux
de canalisation qui détournèrent l'Euphrate en amont de
Babylone, et en créant un ht nouveau. Les Perses purent
pénétrer dans la ville par le fleuve mis presque à sec, et
sans être aperçus des habitants riverains qui auraient pu
les prendre comme dans un fdet. Selon Hérodote, les Ba-
byloniens furent surpris par leurs ennemis pendant qu'ils
célébraient une grande fête. Une partie de la ville était
prise tandis que les autres ignoraient ce fatal événement.
Selon les fragments de Berose, Nabonide s'enferma dans
Borsippa qui fut également occupée, et le roi de Babylone
aurait été envoyé en Carmanie. Mais un récit babylonien
très curieux raconte les faits autrement. Cyrus, selon ce
récit, marcha contre Babylone et livra dans le mois de
Tammuz (juillet) une bataille contre la ville de Rut. Sip-
para fut prise sans combat et Nabonide s'enfuit de là. Le
46 du mois, Gobryas, préfet de Goutie, entra sans bataille
avec l'armée de Cyrus dans Babylone où Nabonide fut pris.
A la fin du mois, Esaggil (la pyramide) tomba entre les
mains des vainqueurs, et le 3 Marschesoun (octobre) ,
Cyrus lui-même entra dans la ville, en promettant à tous
les habitants la paix et le pardon, ce qu'il fit immédiatement
après, en réintégrant dans leurs sièges les dieux que Nabo-
nide avait emmenés avec lui à Babylone. D'après ce
même récit, le roi de Babylone serait mort le 11 du même
mois, jour de l'entrée de Gobryas à Babylone. Après un
deuil de sept jours, un mois plus tard, Cambyse, fils de
Cyrus, arriva et présida un grand festival. Voilà les données
babyloniennes très précises à l'égard des dates et très cir-
constanciées pour les détails. Celles-ci sont confirmées par
les textes juridiques, car nous avons des documents du
mois de Tisri (septembre) de Sippara et du mois de Kis-
lev (novembre); dans ce dernier Cyrus s'intitule déjà roi de
Babylone. Ce récit authentique, émanant évidemment d'une
source sûre des Perses, met à néant toutes les hypothèses
au sujet de la reddition de Babylone par Belsazzar ou Bal-
thasar (V. ce nom), et notamment la version donnée comme
certaine par Lenormant, gue Belsazzar aurait été vaincu à
Babylone par Cyrus, tandis que Nabonide se serait rendu
à Borsippa. Cyrus se géra comme roi de Babylone, il prit
le titre de roi de Babylone et des nations, et il eut à cœur
de respecter tous les sanctuaires et rites des Chaldéens, en
faisant oublier aux habitants de la ville sacrée d'Accad
qu'il était aryen, et qu'il avait, en Médie, rétabli le culte
de Zoroastre et le dualisme mazdéen. Un long texte en assy-
rien, le seul qu'on possède du grand conquérant, rend
suffisamment compte de ses agissements et nous le fait
connaître comme un homme de gouvernement, tolérant par
nécessité pohtique.
Immédiatement après la prise de Babylone (538 av.
J.-C.), Cyrus, mû par un mobile d'un autre ordre, rendit
la liberté aux juifs emmenés en captivité par Nabuchodo-
nosor. Le monothéisme juif se rapprochait du mazdéisme plus
qu'aucune autre croyance des peuples antiques ; il savait,
par cette généreuse mesure, répondre à ceux de ses com-
patriotes qui pouvaient l'accuser de trop de condescen-
dance envers les rites païens. L'édit par lequel il permit
aux juifs de retourner à Jérusalem et de réédifier leur
temple nous a été conservé par le livre d'Esdras ; il porte
jusque dans sa forme le cachet de son authenticité. La
formule du commencement : « Ainsi dit le roi Cyrus »
se retrouve dans tous les décrets de ses successeurs. Un
nommé Sesbazar conduisit à Jérusalem les premiers émi-
^rants auxquels Mithridate, le préfet de Cyrus, dut res-
tituer les vases enlevés cinquante ans auparavant par le
destructeur du premier temple. Les entraves que sous les
successeurs de Cyrus les ennemis païens suscitèrent aux
juifs n'avait pu qu'augmenter la reconnaissance des Israé-
lites envers un roi qui leur avait témoigné une bienveil-
lance aussi complète qu'efficace. Il est'^ probable que le
même esprit de tolérance politique s'affirma envers les
autres nations que Cyrus avait soumises à son joug et qui
étaient toujours prêtes à réclamer et à reprendre leur indé-
pendance. Les neuf dernières années de sa vie semblent
avoir été consacrées à organiser les conquêtes qu'il avait
faites, de donner surtout des institutions à la Perse et de
rétablir sur des bases solides le culte d'Ormuzd et la doc-
trine de Zoroastre. La mansuétude que Cyrus montra lui
valut, selon Hérodote, d'être regardé comme le père de
son peuple, et la légende orientale Fentoure de l'auréole
d'un roi sage. Cela explique comment Xénophon ait ])u
peindre, dans la Cyropédie, la vie de Cyrus comme celle
du modèle de tous les monarques, et répandre autour de
sa mémoire la glorieuse légende d'un conquérant philosophe.
Cette contradiction fut la cause, déjà du temps d'Héro-
dote, de bien des récits divers sur la mort de Cyrus. Il la
donne, comme la version « que lui paraît la plus digne de
foi ». Il est probable que Cyrus, dans l'intérêt du repos de
ses frontières du Nord, voulut mettre un terme aux incur-
sions des barbares des steppes de l'Orient et de la mer Cas-
pienne. Le roi put entrer peu après en campagne contre les
Scythes Massagètes, peuple habitant les rives du Yaxarte.
D'après la narration d'Hérodote, une reine, nommée Tomy-
ris, régnait alors sur ce peuple nomade. Cyrus avait fait
un festin, ce qui aurait déterminé les Massagètes à attaquer
le camp mal défendu à dessein. Les Scythes se seraient
rués sur le retranchement, auraient massacré les Perses
qui y étaient restés, puis enivrés par les boissons du camp,
auraient été surpris et capturés par les Perses, Parmi ces
prisonniers se serait trouvé le jeune fils de Tomyris
nommé Spargapises. Cyrus aurait voulu rendre à Tomyris
son fils. Mais le fils se serait suicidé, et Tomyris
aurait attaqué Cyrus, battu l'armée perse, et le roi aurait
trouvé la mort dans ce combat. La tête de Cyrus aurait
été trempée dans une outre remplie de sang, mais les Perses
auraient recouvré les restes do leur roi. D'après Ctésias,
Cyrus aurait été tué dans une guerre contre la tribu des
Derbices. Le corps de Cyrus fut enseveli dans un superbe
monument à Pasargades, où des mages étaient chargés de
le garder, Cambyse avait construit ce tombeau qui fut
pillé par les Macédoniens et restauré par les ordres
d'Alexandre. Les détails que Strabon (XVI, 3) et Arien
(VI, 29) nous ont transmis sur ce fait nous montrent que
le récit d'Hérodote n'est pas complètement historique,
attendu que le corps fut trouvé en entier. Le tombeau
renfermait des lits en or et des tapisseries de prix et portait
l'inscription suivante, probablement en perse, en médiquo
CYRUS — CYSTIDÉES
720
et en assyrien, et qui offre le caractère des textes perses
connus : « 0 homme! je suis Cyrus, fils de Cambyse, qui
a établi la suprématie des Perses, et qui a régné sur
l'Asie. Ne me prive pas de ce monument. » On a voulu
retrouver le tombeau de Cyrus dans une construction cé-
lèbre à Mourgab que les Persans modernes attribuent avec
raison à une femme et qui s'appelle le trône de la mère de
Salomon. Le monument de Mourgab est probablement le
tombeau de Cassandane, la femme de Cyrus, qui mourut
avant lui et qu'il pleura beaucoup. La ville de Pasargades
ne peut pas être très près de Pcrsépolis et au N., mais doit
être au S.-E., non loin des frontières de Carmanie.Il est plus
que probable que Pasargades était non loin de Darab-Djerd
et que ces ruines s'appellent aujourd'hui Qualat-i~Dara.
Des circonstances de sa vie, nous savons seulement qu'il
fut malade des yeux et qu'il fit venir un ocuHste d'Egypte.
Cyrus eut de Cassandane, fille de Pharnaspe, deux fils :
Cambyse, qui lui succéda, et Smerdis. Une de ses filles,
Atossa, fut la femme de Smerdis, puis de Cambyse, ses
frères; elle épousa, plus tard, Darius, fils d'Hystaspe, et
fut la mère de Xerxès. Cyrus avait régné vingt-neuf ans
dont près de neuf ans à Babylone. La fin de son règne
tombe au mois d'Ab (judlet-août);le dernier document daté
de son règne est du 27 Tammuz (juillet) et le premier de
Cambyse, son successeur, date du 42 Elut (août). Les an-
ciens portent sa vie à soixante-dix ans ; il aurait donc été
roi à quarante ans environ, ce qui serait en contradiction
avec la légende de sa naissance, puisque Astyage ne régna
que trente-cinc[ ans. Cyrus est une des grandes figures de
l'histoire, quoique la vérité historique sur son règne et sa
personne soit loin d'être établie avec certitude ; mais il est
certain qu'il fut en même temps grand homme de guerre
et grand administrateur. A ses qualités de politique, il semble
avoir joint un esprit de mansuétude peu commun chez un
despote asiatique ; il n'existe dans l'antiquité que peu de
figures auxquelles la postérité a, à tort ou à raison, attaché un
souvenir aussi favorable. Mais, par un caprice inouï du sort,
ses propres compatriotes d'aujourd'hui ne se souviennent
plus du fondateur de leur puissance. Les Persans modernes
ont oublié le nom de Cyrus et par une vague réminiscence
ils ont transporté au fabuleux et antique Kaikhosran le
souvenir du grand créateur de leur puissance.
in. Cyrus le Jeune. L'un des quatre fils de Darius II,
Ochus ou rillégitime (Nothus) et de ParysatisÇV. ce nom).
Il était né en 424 av. J.-C, peu de temps après l'avène-
ment de son père. Il reçut dans sa seizième année le
commandement de tous les pays environnant la plaine de
Castolis, en Asie Mineure. Parysatis, sa mère, avait voulu
procurer la royauté à Cyrus, sous le prétexte qu'il était né
le premier après l'avènement au trône de Darius, et Cyrus
semble avoir compté sur cette succession. Mais, n'étant
pas présent en Perse lors de la mort de son père, le fils
aîné monta sur le trône sous le nom d'Artaxerxès II
(Mnémon). Cyrus rassembla, parmi les auxiliaires des
Perses en Asie, une petite armée, et suscita une conspira-
tion pour s'emparer de la couronne. Ses menées furent dé-
couvertes. Mais le roi pardonna à son frère, et l'institua
de nouveau satrape dans l'Asie Mineure. Malgré cela,
Cyrus rassembla une armée assez nombreuse et se mit en
marche, sans trahir les projets qu'il préparait. Il partit de
Sardes, traversa la Lydie et la Phrygie, rassembla treize
mille Grecs de différents pays, et trouva dans la plaine du
Caystre la femme du roi de Sihcie (Syenesis), Epyaxa,
avec laquelle il noua des relations politiques et autres.
Poursuivant sa marche, il s'allia à différents roitelets, sur-
tout au roi de Cilicie ; il eut à réprimer plusieurs muti-
neries parmi ses troupes et s'approcha à travers l'Arménie
et la Mésopotamie. Artaxerxès, ayant été renseigné sur les
préparatifs de guerre de son frère, concentra à Ecbatane des
forces bien supérieures à celles de Cyrus, marcha tout droit
contre lui, et le trouva à Cunaxa, dans la plaine de Ba-
bylone. Une bataille s'engagea, les troupes grecques défi-
rent l'armée royale, qui, à son tour, fut victorieuse contre
les auxiliaires asiatiques. Cyrus trouva lui-même la mort
dans cette bataille, tué, selon une version, par son frère
royal (404). Les auxiliaires grecs conduits par Xéno-
phon, après une marche pénible et célèbre sous le nom de
la retraite des Dix Mille, atteignirent enfin la mer Noire. La
vie et la guerre de Cyrus, ainsi que la retraite des Grecs,
ont été décrites dans le livre de Xénoplion intitulé VAna-
base. Cyrus avait, à sa mort, à peine vingt-quatre ans.
L'histoire le dépeint comme un homme de haute qualité
et d'une grande énergie. J. Oppert.
CYRUS, évêque de Phasis en 620, puis patriarche
d'Alexandrie de 630 à 640 ou 641 . Après quelques hési-
tations, il consentit à seconder et finalement seconda très
activement les projets de l'empereur Héraclius pour la
suppression des divisions suscitées par le monothélisme.
En 633, il parvint à conclure avec les théodosiens, dissi-
dents d'Egypte, et à faire approuver par un concile tenu à
Alexandrie un compromis en onze articles, ayant pour
objet de concilier les définitions du concile de Chalcédoine
avec la doctrine des monophysites. Mais comme le septième
article de ce pacte déclarait que un seul et même Christ^
le Fils, avait accompli les œuvres propres h Dieu et à
l'homme pur une seule opération théandrique (fxia
OaavSpcxrj Ivcpysta), les orthodoxes estimèrent qu'il reniait
la foi catholique, et l'accommodement n'aboutit qu'à raviver
les dissensions. En 639, un concile d'Alexandrie renou-
vela les tentatives de pacification, en approuvant FEc^/i^szs
d'Hérachus, mais pareillement sans succès. A la fin de
l'année suivante, Alexandrie fut prise par les mahométans
secondés par les divisions des chrétieus. Cyrus mourut peu
après. En 684, il fut frappé d'excommunication posthume
par le VP concile œcuménique (V. Constântinople [conciles
de], p. 628, col. 4). — Il reste de lui, outre le Libellus
satisfactionis avec les théodosiens, mentionné plus haut,
trois lettres à Sergius, patriarche monothélète de Constânti-
nople. Ces documents se trouvent dans les Acta conciliorum
de Labbe, t. VI, pp. 946, 949, 952, 953. E.-H. Yollet.
BiBL. : Gibbon, Histovy ofthe décline and fall of Roman
empire ; Londres, 1854-1858, 8 vol. in-8. — Neander, Allge-
meine Geschichte der Christt. Religion ; Hambourg^ 18*26-
1845, 10 vol. in-8. — Siiarpe, Histovy of Egypt.
CYS-LA-CoMMUNE. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de
Soissons, cant. de Braisne, 474 hab.
CYS0IN6 {Cisonium). Ch.-l. de cant. du dép. du Nord,
arr. de Lille, sur la Marcq; 3,240 hab. Fabriques de toiles
et spécialement de linge de table, de lainages légers, de
molletons, de cotonnades. Tanneries, huileries. L'abbaye
de Saint-Calixte de Cysoing fut fondée vers 838 par saint
Everard. Il en subsiste seulement l'église de construction
moderne. Une maison de campage a pris la place des bâti-
ments conventuels. On y a conservé une pyramide (mon.
hist.) haute de 47 m., élevée par les moines en 4745 en
commémoration de la bataille de Fontenoy.
BiBL.: î. DE CoussEMAKER, Cartulaive de l'abbaye de
Cysoing et de ses dépendances; Lille, 1886, in-8.
CYSTAEIS (V. Lizzia).
CYSTECTOPIE (Térat.). Hernie congénitale de la ves-
sie à travers une fissure anormale de la paroi musculaire
de l'abdomen (V. Vessie [Exstrophie de la]).
CYSTENCÉPHALE (Térat.). Monstre caractérisé par
un arrêt de développement du cerveau avec hydrencéphalie
(V. Hydrocéphalie).
CYSTICERQUE (Méd.) (V. T^nia et Cestode) .
CYSTIDE. On nomme cystides des cellules stériles qui
accompagnent les basides et sont à celles-ci ce que les para-
raphyses sont aux thèques dans les Ascomycètes. Elles
renferment des granulations de diverse nature, hyalines ou
colorées et parfois de petits cristaux octaédriques d'oxalate
de chaux. Ces cellules sont de dimensions considérables en
largeur et en hauteur. H. F.
CYSTIDÉES ou CYSTOÏDES (Paléont.). Ordre de la
classe des Crinoïdes (V. ce mot), complètement éteint dès la
fin de l'époque paléozoïque, et caractérisé par un calice sphé-
rique ou ovalaire, formé de plaquettes plus ou moins nom-
- m —
CYSTIDÉES
breuses, rarement disposées régulièrement ; à tige courte ou
sessile, très rarement libre. Les^bras peu développés ou nuls,
Cystoïde (Glyptosphœrites Leuchtembergi) (dessus).
insérés autour ou près de la bouche placée au sommet. Outre
cette bouche entourée des sillons ambulacraires, il y a une
seconde ouverture avec plaquettes (anus ?) et une troi-
sième plus petite (ouverture ovarienne?). Souvent les
plaquettes, ou du moins un certain nombre d'entre elles,
présentent des pores ou hydrospires. — Les formes de ces
animaux sont assez variables : les uns ressemblent à des
Encrines à bras peu développés, d'autres à des Oursins,
quelques-uns à des Astéridés. Le nombre des plaquettes
varie de treize à cent et plus, disposées irrégulièrement,
sauf au sommet où la symétrie radiaire quinaire se montre
dans les sillons ambulacraires. Le genre Protocriniis est
seul libre et sans tige. Les bras
sont toujours peu développés, et
l'on a cru pendant longtemps que
tous les Cystoïdes en étaient dépour-
vus ; ils sont ici plus rapprochés
du sommet et de la bouche que
chez les Crinoïdes. Ces bras varient
de deux à cinq et ne sont jamais
ramifiés ; ils ont rarement des pin-
nules comme dans les Comarocys-
tites). Ces bras sont quelquefois
portés sur une petite facette arti-
culaire à laquelle aboutissent les
sillons ambulacraires. Dans d'autres
genres {Agelacrinus , Callocys-
tites) (V. ces mots), etc., les sil-
lons ambulacraires sont garnis
des deux côtés de rangées de plaquettes portant des pin-
nules articulées souvent sur deux rangs ; ces sillons am-
bulacraires représentent la gouttière ventrale des bras des
Callocystites Jewetti.
^^ystoide (Callocystites Jewetti) (sommet grossi). La
bouche est au centre des sillons ambulacraires ; an,
anus; gr, ouverture génitale; r/i, losanges cannelés.
Crinoïdes, et Billings les décrit comme des bras soudés au
calice. Même dans les genres où les bras sont inconnus,
de petites facettes, situées près de la bouche, rendent leur
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. -— XIIL
Losanges poriféres : a, d'E-
chinosphœrites \ d, de
Caryocrinus.
existence probable. — Les pores, qui caractérisent les
Cystoïdes, sont doubles et situés sur une éminence ou dans
une légère dépression des plaquettes. Les losanges striés
que présentent beaucoup de formes sont encore plus re-
marquables : ces losanges sont formés par des rangées de
pores ou fentes appartenant à deux plaques contiguës ; ces
pores traversent toute l'épaisseur des plaques, s'ouvrant
au dehors librement, ou suivent des canaux superficiels,
recouverts d'une peau mince. Les losanges isolés appar-
tiennent toujours par moitié à deux plaques voisines, sépa-
rées quelquefois par un inter- ^
valle lisse {Callocystites) ; "
plus rarement on voit des
demi -losanges triangulaires
dont la moitié symétrique fait
défaut. D'autres fois les deux
moitiés sont dissemblables,
l'une triangulaire, l'autre ré-
niforme ou en croissant, etc.
On a comparé les organes qui
forment ces losanges aux pores
calicinaux des Pentacrimis,
qui portent l'eau au canal an-
nulaire ambulacraire central.
D'autres les assimilent aux
bandes ciliées des larves d'Echi-
nides, et J. MûUer les consi-
dère comme représentant les
pores respiratoires des Asté-
ridés. Cette dernière opinion est
la plus généralement admise, et
Billings désigne ces organes sous le nom à' hydrospires, et
les orifices, suivant leur forme, sous celui de pores, fentes
ou spiracula. Ces pores ne s'ouvrant pas directement dans
la cavité du corps, mais dans des
canaux de communication dont la
paroi poreuse est seule en rap-
port avec l'intérieur, on ne peut
les considérer comme des pores
ambulacraires.
Le genre Caryocrinus est le
seul qui ait une tige longue ; sou-
vent même le calice est fixé par un
simple tubercule saillant {Echi"
nosphœrites) ou par toute sa
face inférieure (Agelacrinus).
La tige, quand elle existe, est
ronde, avec un large canal nour-
ricier, formée d'articles emboîtés
comme les tubes d'un télescope ;
elle s'amincit par le bas et ne
porte jamais d'épaississement ni
de bouquet radiciforme, ce qui
indique une fixation très incom-
plète. Ces tiges ont été décrites ^^'^^ de Pleurocystites.
sous le nom de Cornulites.
On ne peut se faire une idée de l'organisation interne
des Cystoïdes qu'en les comparant aux Crinoïdes avec les-
quels ils ont de grands rapports par la position de la
bouche, la situation des sillons ambulacraires, l'existence
de bras et d'une tige articulée, la structure en plaquettes
du calice, etc. Mais les Cystoïdes diffèrent des Crinoïdes
par les pores et les losanges poreux répandus sur tout le
corps, et notamment sur le côté dorsal, la disposition irré-
gulière des plaquettes, la structure incomplètement radiée
et le faible développement des bras. La troisième ouver-
ture, considérée comme ovarienne, indiquerait aussi que
les organes génitaux étaient dans la cavité du corps et
non dans les bras, comme chez les Crinoïdes. Les sillons
ambulacraires à pinnules, des genres Calocystites, etc.,
considérés comme des bras fixés par leur côté dorsal, res-
semblent aux espaces pseudo-ambulacraires des Blastoïdes,
de sorte que la démarcation entre ces deux tvpes est encore
" 46
CYSTIDÉES — CYSTITE
— nî ~
Clyptosphœrites Leuch-
tembergi ; 6, dessous ; c,
plaquettes avec pores
doubles grossis.
moins nette que celle qui sépare les Cystoïdes des Cri-
noides ; le genre Codonaster forme parfaitement le pas-
sage aux Blastoïdes par la forme de son calice, de sorte
que le caractère des hydro-
spires^ ne communiquant
jamais par des fores avec
les champs ambulacraires
(comme c'est la règle chez
les Blastoïdes), est le seul qui
empêche la fusion des deux
ordres en un seul. — D'un
autre côté, les genres Caiyo-
crinus (V. ce mot), Poro-
crinus^ etc., forment le pas-
sage aux véritables Crinoïdes
et peuvent être considérés
comme ayant la même ori-
gine que les types les plus
anciens de ces derniers.
On connaît environ qua-
rante genres de Cystoïdes :
les plus anciens sont du cam-
brien des Iles-Britanniques
(Protocystites , Macrocys-
tella), des couches primor-
diales de Bohême et des
couches contemporaines du
Canada. Le maximum du développement de cet ordre a eu lieu
dans le silurien moyen et supérieur, et le type s'éteint déjà
dans le carbonifère. En Europe, c'est le Vaginatenkalk des
provinces baltiques de la Russie qui a fourni les exem-
plaires les plus nombreux et les mieux conservés. Echi-
nosphœrites et d'autres formes aussi très communs dans
le silurien de Suède. Les couches de la môme époque sont
aussi très riches dans rAmérique du Nord. — J. Millier
divise cet ordre en trois groupes : 4^ Aporitidœ, à pla-
quettes du calice sans pores doubles ni losanges striés ;
i^ Diploporitidœ^ dont le calice présente des pores doubles,
dont plusieurs sont souvent sur une seule et môme pla-
quette ; 3<^ Rhombiferi ou Echinosphœrilidœ, dont les
plaquettes du calice.ont des losanges de pores ou de rhombes
striées (V. Agelacrinus, Achradocystites, Câllogystites,
GLYPTOSPHyERITES, ECHINOSPH/ERITES, CaHYOCRINUS, etC, et
Crinoïdes [Paléont.]). E. Trouessart.
BiBL. : V. Crinoïdes.
CYSTIGNATHES (Zool.).Genre de Batraciens Anoures de
la famille des Cystignathidœ,Siy8intçonv caractères une tête
non cuirassée à tympan plus ou moins visible, des dents
au palais, une vessie vocale, les apophyses transverses de
la neuvième vertèbre non dilatées mais cylindriques, et
une langue grande, ovale, toujours libre en arrière. Le
Cystignathus ornatiis, type du genre, originaire de la
Géorgie et de la Caroline du Sud, atteint environ 3 centim.
de long ; le dos est d'un rouge brun orné de taches d'un
brun foncé et bordées de jaune d'or; le ventre est d'un
blanc d'argent tacheté de gris ; les membres sont rougis
de brun. Rocher.
BiBL. : Sauvage dans BREHiM, Reptiles, édit. franc.
CYSTlGNATlDi€. Famille de Batraciens Anoures, voi-
sine de celle des Rassidae. Elle en diffère notamment en
ce que les orteils restent libres et que les apophyses
transverses des vertèbres sacrées sont cylindriques. Genres
principaux : Cystiyîtatus Wagl., dont l'espèce type est
le C. ocellatus L., du Brésil; Pleurodema Tsch., Lym-
nodynastes Fitz. et Peltocephalus Tschudi, qui a pour
synonyme Calyptocephalus Dum. Bibr.
CYSTINE (Chim.).
Formules S Equiv. . C^H^ÂzS^04:=r:CW(AzH3)(H«S^)0^,
^^™^^^^ JAtom., C3rAzS02.
La cystine a été trouvée en 1840 par Wollastone dans
un calcul urinaire. Elle est très rare bien qu'elle se ren-
contre souvent, mais à l'état de traces, dans les sédiments
urinaires, dans le foie, le rein de bœuf (Cloetta) ; sa for-
mule a été établie par Gmelin et par Grote. Les calculs de
cystine ( xùatts, vessie) sont jaunâtres, translucides,
triables, à structure cristalhne. On les purifie facilement
en les faisant digérer avec une dissolution alcaline éten-
due, qu'on précipite ensuite bouillante par l'acide acétique ;
on peut encore plus simplement abandonner à une évapo-
ration lente une dissolution ammoniacale. Elle cristallise
en lamelles ou en tables hexagonales caractéristiques ; elle
est insoluble dans l'eau, l'alcool et l'éther, les acides végé-
taux et le bicarbonate d'ammonium, soluble dans les alca-
lis, l'acide oxalique et les acides minéraux ; chauffée gra-
duellement, elle fond, se boursoufle, dégage des vapeurs
fétides, qui brûlent avec une flamme bleuâtre. L'hydro-
gène naissant en dégage à froid de l'hydrogène sulfuré ;
elle se combine aux acides pour former des sels peu stables
et mal définis (Lassaigne). Mise en suspension dans l'eau,
elle est attaquée par l'acide nitreux, qui la transforme en
acide sulfurique et en acide glycéramique ou serine; Krâ-
mer a fait remarquer qu'elle ne diffère de ce dernier prin-
cipe que par la présence de 2 cq. de soufre remplaçant
2 éq. d'oxygène :
•Acide glycéranique C^lPAzO^
Cystine C^IFAzO^^S^
Cristaux de cystine.
Les alcalis bouillants et concentrés séparent le soufre à
l'état de sulfure ; l'eau de baryte à 150^ donne un sulfure
et un sulfite. La recherche de la cystine dans un sédiment
urinaire ou dans un calcul est très facile ; sa solubilité dans
l'ammoniaque, la forme hexagonale de ses cristaux sous le
microscope, l'odeur fétide qu'elle répand à chaud, consti-
tuant des caractères distinctifs. Ed. Bourgoin.
BiBL. : Cloetta, Ann. Chem. Pharm., t. XCIX, 289. —
Devar et Gamgee, Pharm. Journ. Trans., 1870, 385 ; 1872,
144. ~ KiJLz, Essais de synthèse, Jahresb. T hierchmen,
1872, 866. ~ Lassaigne, An. ck. etphys., t. XXIII, 328. —
Malaguti, Présence du soufre, Journ. pharm. et ch.,
t. XXIV, 683.— Marchand, id., Journ. prakt. Ch., t. XYI, 255.
— ScHERER, Présence de la cystine dans le foie, Jahresb.
Chem. ,l%bl,b%\.—TB.AULo\y, Composition, An. Ch.undPh.,
t. XXYII, 197. — WOLLASTON, An. Chim., 1810, t. LXXVI, 22.
CYSTIPHILLUM (Paléont.) (V. Cyatophyllum).
CYSTIQUE (ZooL). On àésigm sousle nom de cystique on
ver cystique une des formes du développement des Cestodes
et particulièrement des Tœnias (V, ces mots) que l'on
rangeait jadis dans une famille particulière {Cystici). Cette
forme est caractérisée par la présence d'une grosse vési-
cule, en l'un des points de laquelle se creuse une fossette
au fond de laquelle apparaît un scolex ou tête de taenia
(Cysticerque). Parfois il y a plusieurs scolex [Cœnure),
CYSTISPONGIA (ZooL). Genre d'épongés fossiles, voisin
de Camerospongia (V. ce mot).
CYSTITE (PathoL). Inflammation purulente (Guyon) de
la vessie urinaire.
Ètiologie^ prophylaxie. Les recherches modernes éta-
blissent que la cystite est d*origine microbienne. Le plus
souvent le point de départ est Furèthre, en état de blen-
norrhâgie (80 °lo) aiguë, chronique ou latente; d'autres fois
rinfection est importée par un cathétérisme septique ou
inoculateur des microbes pathogènes qui colonisent dans
Furètre sain. Quelquefois le point d^origine est Tutérus ou
le vagin, rendus infectieux par l'accouchement, les suites
de couches, une blennorragie. Il ne peut être qu'excep-
tionnellement rapporté aux reins. La résorption de la
cantharide détermine une cystite à évolution rapide.
L'infection se produit d'ailleurs dans les conditions ba-
nales de l'irritation ou de la congestion vésicale : la fatigue,
les excès génitaux, les trauraatismes, la distension ou la
détention brusques, les lésions par un calcul inégal, brisé,
un cathéter, une sonde à demeure, la rétention d'une urine
devenant de plus en plus apte à l'infection, les altérations
des organes situés en aval (urètre rétréci, prostate hyper-
trophiée), les troubles trophiques d'origine médullaire (frac-
ture de la colonne, myélite), les tubercules et les néo-
plasmes vésicaux, enfin et rarement les maladies générales
(rhumatisme, goutte, fièvre typhoïde, choléra, scarla-
tine, etc.). Ces conditions n'ont pas de puissance effective et
la cystite qu'on eût pu leur attribuer a toujours été recon-
nue" à l'étude comme due à une intervention infectieuse
qu'il est essentiel d'empêcher et d'arrêter (Tufiier, Leçons
sur r asepsie urinaire et la réceptivité des vessies dis-
tendues),
Anatomie et physiologie pathologiques, La cjrstite
commence par une excitation de la circulation. Les tissus
vésicaux se vascularisent, s'hyperhémient. La muqueuse,
aux orifices du trigone et à l'entour , comme à l'urètre
profond antérieurement atteint, rougit, s'œdématie. Les
cellules épithéliales se gonflent et tombent en partie. Des
leucocytes se multiplient, sont mis en liberté. Un peu
plus tard, les tuniques s'infiltrent de cellules embryon-
naires. Parfois les granulations hérissent la surface de la
muqueuse. Plus rarement de petits abcès vésiculeux su-
perficiels se forment et ouverts laissent une exulcération.
Quand les lésions rétrocèdent en peu de temps, elles ont cons-
titué la cystite aiguë.
Quand elles persistent, elles modifient leurs caractères
et deviennent la cystite chronique. Alors le bas-fond
vésical est gris ardoisé, souvent plaqué de noir aux orifices,
veinule, hyperhémié, parsemé d'ecchymoses sous-mu-
queuses. La muqueuse est épaissie, ramollie, avec des bour-
souflures, des décollements, des places desquammées, des
granulations, des villosités, rarement des excroissances
fongo-vasculaires. Elle sécrète un pus abondant. La tuni-
que musculeuse est hypertrophiée, indurée, rouge strié de
gris. Le chorion muqueux, le tissu cellulaire interstitiel
sont infiltrés de cellules embryonnaires. Puis ils se sclé-
rosent, s'épaississent, s'indurent. Les vaisseaux sont partout
distendus et gorgés de sang. Parfois la muqueuse est re-
couverte de fausses membranes {cystite pseudo-mem-
braneuse), Celles-ci surviennent dans les cystites aiguës et
les poussées aiguës des cystites chroniques. Elles sont
formées d'exsudat fibrineux ou très rarement d'une ex-
foliation plus ou moins étendue et profonde de la mu-
queuse (moule vésical). Elles sont gris jaunâtre, friables,
hsses, mais tomenteuses à leur face profonde, chargées de
sels phosphato-calcaires, diversement adhérentes, ou déta-
chées, flottantes et faisant quelquefois obstacle sérieux à la
miction. Quelquefois du pus s'est collecté en abcès sous-
muqueux intra ou extra*musculaires, ou bien rarement
s'infiltre dans la paroi tout entière. Dans les vieilles cys-
tites, le péritoine vésical s'enflamme (péricystite).
Les lésions sont en général limitées à la région du col
vésical {C, du col), La cystite du corps n'est pas ordi-
naire ; elle n'est que secondaire à la première et d'une
importance accessoire.
Séjournant dans la vessie malade, l'urine est modifiée par
les produits morbides, quelquefois elle contient du sang
ns — CYSTITE
(C, hémorragique dans la blennorragie, les néoplasmes).
Toujours, caractère pathognomonique, elle contient du pus
(pyurie). Au début, ce sont des leucocytes isolés ; plus tard
et de plus en plus, l'urine au repos étant claire, le pus
forme masse liquide, se déposant au fond des vases en
couches verdâtres, visqueuses, adhérentes (C, purulente ,
catarrhe de la vessie). Dans certaines cystites anciennes,
on voit flotter dans Furine des masses glaireuses, filantes
(transformation ammoniacale, cystite ammoniacale).
L'urine peut alors être fétide, comme aussi dans les cystites
pseudo-membraneuses avec rétention.
Normale par ailleurs, même dans sa quantité totale, elle
renferme de nombreux microbes, la bactérie septique
(Clado) qu'on trouve chez tous les urinaires, le micrococ-
cus urese (Pasteur) , le gonococcus blennorrhagique (Ro-
senbach), des microbes pyogènes vulgaires, et des micro-
cosmes indéterminés. Aucun d'eux n'est spécial à la
cystite.
Syrnptomatologie, La pyurie est le signe nécessaire de
la cystite : sa prédominance dans le premier tiers du jet uri-
naire indique l'urétrite profonde et la cystite du col ; dans
le deuxième tiers, une cystite étendue au corps ; dans le
dernier tiers, elle indique un dépôt purulent s'accumulant
dans le bas-fond vésical. Les autres signes dépendent de
l'état d'irritabilité de la vessie ; l'hyperesthésie des tissus
produit la fréquence des besoins (pollacuriej et la douleur,
particulièrement celle des mictions (dysurie).
La pollacurie est variable. Elle peut être extrême. Les
besoins se renouvellent à chaque instant, jamais satisfaits,
impérieux, n'attendant pas l'urinai, ils jouent l'inconti-
nence, fausse, parce qu'elle est sentie. La quantité de chaque
miction est en raison inverse du nombre des répétitions.
La douleur, faible dans les cystites anciennes, peut
devenir très grande jusqu'à empêcher tout mouvement. Elle
est à la vessie et s'irradie au bout de la verge, au péri-
née, à l'anus, même aux membres. Elle est spontanée ou
provoquée par le contact, la pression hypogastrique, rectale,
vaginale, intra- vésicale (cathéter), parla distension ou le
retrait brusque de la vessie et enfin par la miction. La
dysurie commence avec la miction, mais elle a son maxi-
mum à la fin. La compression des parties malades, parfois
cruentes, par des muscles surexcités, contractures, provoque
de vives douleurs. L'émission peut devenir impossible et
la maladie jouer cette fois la rétention. A ce ténesme vé-
sical se joint du ténesme rectal, d'où efforts involontaires
de défécation, quelquefois effectifs. Le malade prend des
attitudes bizarres, s'accroupit, s'arc-boute. Son visage se
congestionne, s'altère, parait profondément souffrant.
Dans ces conditions les mictions se répètent et ne laissent
par un instant de répit (C, douloureuse).
Telle est la triade symptomatique de la cystite (pyurie^
pollacurie, dysurie). Il s'y joint très accessoirement une
certaine excitabilité nerveuse, de l'insomnie, de la dyspep-
sie, etc. Jamais de fièvre (Guyon).
Diag7iostic, Les éléments de cette triade caractéristique
n'ont pas toujours des intensités respectivement paral-
lèles. De là des irrégularités qui rendent le diagnostic
diflicile. Cependant on doit en faire les différenciations
suivantes. La pollacurie domine ; l'absence de pyurie fera
reconnaître, si la prostate est hypertrophiée, qu'elle en
est l'effet, sinon, qu'elle est névropathique (cystalgie) ; les
prostatites, séminalites, épididymites concomitantes, le
défaut d'étiologie propre à la cystite, l'examen bacillaire
la feront attribuer à la tuberculose vésicale. La dysurie
domine ; l'absence de pyurie fera penser à une myélite
(ataxie) ; si elle n'est que diurne, à l'hystérie; à un
calcul, si elle est accompagnée d'accidents spéciaux pen-
dant la marche. La pyurie prédomine ; alors la pyélo-
néphrite se reconnaîtra au mélange exact et total du pus
à l'urine, à la tuméfaction et à la douleur du rein, à la
fièvre d'accès.
Pronostic, Quand la cystite dure de une semaine à
deux ou trois mois, elle est dite cystite aiguë. Il n'est pas
CYSTITE - CYSTOTOMIE - 1U —
rare qu'il n'y ait alors qu'une guérison apparente, ou que
la maladie ne persiste manifestement : la cystite aiguë
blennorragique se transforme en cystite chronique tubercu-
leuse (cas limites de Guyon). La cystite chronique est de
durée indéterminée, incommodant peu d'ailleurs, sauf dans
les poussées aiguës, mais menaçant toujours d'une propa-
gation à l'uretère et au rein. Cette cystite est donc
grave en elle-même, alors que l'aiguè n'a de gravité qu'au-
tant qu'elle est douloureuse.
Traitement, Trois séries d'indications :
d^ Contre la pyurie septique, dans la cystite aiguë, on
exécutera l'instillation de nitrate d'argent au 50®, dix à
trente gouttes tous les deux jours, avec Fmstillateur Tuffier ;
accessoirement on peut faire des injections peu volumi-
neuses de solutions alcalines, balsamiques (faible dose).
Dans les cystites chroniques, avec une sonde de gomme
et la seringue chirurgicale, on lavera la vessie, non sans
précautions, jusqu'à la sortie d'un liquide limpide ; on se
servira d'eau ayant bouilli, tiède, froide ou chaude, bori-
quée ou mieux d'une solution au 500® de nitrate d'ar-
gent. On pourra parfois se trouver bien des balsamiques
pris à l'intérieur.
2<> Contre les douleurs et la révolte vésicale, on re-
courra aux bains, cataplasmes, suppositoires calmants
(morphine), quelquefois aux sangsues, rarement aux ins-
tillations de morphine ou de cocaïne, etc. Enfin dans les
cystites extrêmement douloureuses, à défaut de ces moyens,
on tentera d'obtenir lé repos et l'évacuation de l'organe
au moyen de la dilatation du col, surtout chez la femme,
ou d'une fistule artificielle établie par taille vésico-vaginale
(colpocystotomie) ou hypogastrique.
3^ Contre les conditions de la cystite, on atténuera ou
supprimera le rétrécissement de l'urètre, les néoplasmes
vésicaux ; on décongestionnera la vessie par des lavements
intestinaux, les circulations vésicale et intestinale étant so-
lidaires. On évitera toutes les irritations en prescrivant un
régime approprié, lait, régime doux, tisanes diluantes, al-
calines, etc. D^ Clermont.
BiBL. : BoNNAviT, CystUe des calculeux, th. 1883. —
Clade, Bactérie septique de In. vessie^ th. 1886-87. —
Geffrier, Cystique blennorragique, dans Revue de Ch.,
1882. — GuiARD, Transformation ammoniacale des urines,
th. 1883. — Guyon, Cours sur les maladies de la prostate
et de la vessie, 1884. — Du même, Des Voies urinaires,
1885. — Hache, th. 1884. — Hartmann, Cystites doidou-
reuses, th. 1887. — Leprovost, Cystite blennorragique,
th. 1884. — MoNOD, Cystite dans la m^ossesse et Vaccou-
cfiement, Annales Gynécoi.,1880. — Tuffier, Congestion
dans les m.aladies de l'appareil urinaire, th. 1885. — Bull.
Soc. anat., 84-90, passim.
CYSTOBLASTUS (Zool.) (V. Cystidées).
CYSTOCARPE (Bot.) (V. FnmT et Floridées).
CYSTOCIDARIS (Paléont.). Genre d'Echinodermes fos-
siles, de la classe des Oursins (Echinoïdes),créé par Zittel
pour les Echinocystites de W. Thomson (nom préoccupé),
et devenu le type d'un ordre à part sous le nom de Cysto-
cidaridœ (Zittel). Thomson considère ce genre, encore in-
complètement connu, comme formant le passage des Cys-
toïdes (V. ce mot) aux Echinoïdes. Le corps est ovoïde ou
sphérique avec d'étroites aires ambulacraires. Les aires
interambulacraires sont larges, à nombreuses plaquettes
disposées en rangées irrégulières, minces, écailleuses, mo-
biles, avec des tubercules portant de grandes et de petites
radioles. Bouche au centre de la face inférieure avec une
mâchoire puissante ; anus interradial, entre la bouche et
le sommet. Plaque madréporique grande, située au som-
met. Appareil apical inconnu. — Deux espèces : C. pomum
et C. uva représentent ce genre dans les couches silu-
riennes supérieures d'Angleterre. E. Trouessârt.
CYSTOCLONIUM (Bot.). Genre d'Algues de la famille
des Gigartinées, à thalle massif, composé d'une couche
médullaire et d'une couche corticale, à cystocarpes ren-
fermant un nucléole arrondi et resserré vers le milieu de la
fronde.
CYST0-FLA6ELLÉS (Zool.). Les Cysto-Flagellés for-
ment un ordre restreint d'Infusoires Flagellâtes, caractérisé
par l'existence d'une, cuticule très résistante qui limite le
corps ; cette cuticule est tapissée d'une couche protoplas-
mique d'où se détachent des filaments ramifiés, qui se
dirigent vers le centre, où le protoplasme est plus dense
et où se trouve le noyau, avec une ou plusieurs vacuoles
contractiles ; ces filaments limitent de très vastes vacuoles.
Il n'existe qu'un flagellum, parfois accompagné d'un ten-
tacule; l'ordre des Cysto-Flagellés ne comprend qu'une
famille hmitée à deux genres dont l'un, très anciennement
connu, est le genre Noctiluca; le second, décrit il y a une
dizaine d'années seulement, est le genre Leptodiscus {V . ces
mots). R. MoNiEz.
CYSTOÏDES (Zool.) (Y. CrsTmÉEs).
CYSTOLITHE(Bot.) (V. Cristal [Bot.]).
CYSTOMONAS (Zool.). Genre d'Infusoires Flagellés éta-
bli par R. Blanchard pour un organisme mal connu (C. uri-
naria) qui serait parasite de l'Homme ; l'animal mesure de
i0-l5 [X de longueur. Ce parasite, dont on ignore les effets
pathologiques, aurait été trouvé « dans l'urine fraîche d'un
malade atteint de pyélite chronique consécutive à une
opération de la taille » et aussi, une fois, dans le mucus
vaginal. De nouvelles observations sont nécessaires au sujet
de cet animal. R. Moniez.
CYSTOPHRYS (Zool.). Genre de Protozoaires établi par
Archer pour des Radiolaires d'eau douce remarquables par
leurs caractères; leur corps, muni de petits appendices
siliceux, est arrondi ; il est formé d'un grand nombre de
cellules sphériques noyées dans une substance protoplas-
mique homogène qui forme, autour de l'ensemble, une sorte
d'enveloppe de laquelle partent, en rayonnant, des rhi-
zopodes nombreux très souvent ramifiés. Ce genre, par ses
caractères, rattache les Héliozoaires aux Radiolaires. Ex. :
Cystophrys Hœckeliana. R. Moniez.
GYSTOPHYLLUM (Cystophyllmn Agh.) (Bot.). Genre
d'Algues de la famille des Fucacées (V. ce mot). Les frondes,
ramiformes, sont dichotomes, pinnées ou rameuses; les
feuilles se convertissent en rameaux et se transforment en
réceptacles terminaux ; les vésicules renfermées dans les
feuilles sont ellipsoïdes, solitaires et réunies entre elles
comme les anneaux d'une chaîne.
GYSTOPTÉRIS (Bot.). Genre de Fougères de la famille
des Polypodiacées et de la tribu des Aspidiées à spores dor-
sales avec indusium fixé seulement par la base. Habitat :
endroits élevés et frais des montagnes (Europe et régions
chaudes). H. F.
CYSTOPUS (Bot.). Genre de Champignons de l'ordre
des Urédinées, à réceptacle composé de petites cellules
irrégulières en forme de plateau couvert de vésicules cylin-
driques terminées par plusieurs spores sphériques ou cubi-
ques disposées en chapelet. Genres principaux : Uredo can-
dida, U. Cubica, U. floriformis, H. F.
CYSTO S I P H 0 N (Bot. ). Genre d'Algues parasites à mycé-
lium entophyte, à cloisons rares ou nulles, à zoosporanges
globuleux ou oblongs développés dans les cellules périphé-
riques delà plante nourricière, à zoospores oblongueset à
deux cils (antérieur et postérieur), à oogones sfjhériques,
terminales avec une oospore solitaire, à anthéridies uni-
cellulaires. Espèce typique : C. jpythoides^ parasite des
frondes dn Lemna arrhiza {mdirSiis de la Sologne). H. F.
CYSTOT^ENIA (Zool.) (V. Cystique).
CYSTOTOMIE. I. CmRURGiE. — Opération que l'on pra-
tique pour ouvrir la vésicule biliaire ou la vessie. La pre-
mière a été décrite au mot Cholégysïotomie ; nous n'aurons
en vue ici que la cystotomie de la vessie, ou cystotomie
proprement dite, ou taille vésicale. Cette opération se pra-
tique suivant plusieurs méthodes et procédés. On peut en
effet atteindre la vessie de plusieurs côtés : chez l'homme,
par le rectum (taille rectale), par le périnée (taille prérec-
tale et périnéale), par la région hypogastrique (taille sus-
pubienne ou hypogastrique) ; chez la femme, par cette der-
nière voie et par le vagin ou l'urètre. Les procédés sont
surtout nombreux pour la taille prérectale, qui est médiane,
ou unilatérale, ou bilatérale, ou latéralisée. Actuellement,
725
CYSTOTOMIE — CYTISE
on préfère la lithotritie à là taille, et on réserve celle-ci
pour les cas où la lithotritie est impossible. L'opération a
pour but de retirer un calcul de la vessie, ou d'enlever une
tumeur de cet organe, ou de remédier à la contracture du
col vésicaL Dans ce dernier cas, c'est toujours à la taille
périnéale que l'on a recours. Pour l'ablation des tumeurs,
on ouvre la vessie par la région hypogastrique, ce qui per-
met d'avoir une voie plus large. Pour l'extraction des cal-
culs, la taille est préférable à la lithotritie lorsque les calculs
ont plus de 5 centim. de diamètre ; lorsqu'ils sont friables,
on taillera à 4 centim. pour les calculs d'urates, et à
2 centim. pour les calculs d'oxalates, leur dureté rendant
l'opération trop longue pour que Ton puisse faire la litho-
tritie et exposant les instruments à se briser; lorsqu'ils
sont enchatonnés ou engagés dans le col ; lorsqu'il existe
une irritabilité de la vessie, un rétrécissement de l'urèthre,
une hypertrophie de la prostate, une cystite suppurée, une
néphrite, lorsque les malades sont cachectiques ; chez les
enfants et les femmes, la taille est aussi préférable à la
lithotritie. Les chirurgiens sont très partagés au sujet du
choix à faire entre les procédés de la taille périnéale ; en
général, la taille bilatérale semble réservée pour les gros
calculs, et la taille médiane pour les moyens. Chez la femme
adulte, on peut pratiquer la taille vaginale, mais chez les
filles vierges il faut choisir entre la dilatation de l'urèthre
et la taille hypogastrique. D** L.-H. Petit,
II. Art vétérinaire (V. Uréthrotomie).
CYTHÈRE (Géogr. anc.) (V. Cerigo).
CYTHEREA. I. Malacologie. — Genre de Mollusques
Lamellibranches établi par Lamarck en 1805, pour une
coquille épaisse, ventrue, lisse ou ornée de sillons concen-
triques, de forme ovale ou subtriangulaire ; lunule bien
définie"; charnière composée sur chaque valve de trois dents
cardinales ; de deux dents latérales antérieures sur la valve
droite, et d'une dent latérale antérieure sur la valve gauche ;
ligament extérieur et saillant. Impressions musculaires
grandes ; la palléale sinueuse. Type : C. petichialis La-
marck. On les rencontre sur les côtes de l'Europe, de
l'Amérique, etc. Elles vivent dans le sable à une faible
profondeur.
IL Paléontologie (V. Vénus),
CYTHÉRIDES. I. Zoologie, — Famille de Crustacés, de
l'ordre des Ostracodes, formée principalement par les genres
Cythere, très riche en espèces, Limnicythere, Cytheridea,
Ilyobates, Loxoconcha, Xesioleberis, Cytherùra^ Cythe-
ropteron, Bythocythere, Paradoxostoma, etc. Tous ces
genres sont caractérisés par une coquille dure et com-
pacte, à surface rugueuse ; la première paire d'antennes
formée de cinq à sept articles, porte de courtes soies et la
seconde paire, très développée, est terminée par plusieurs
forts crochets : elle ne porte pas le faisceau de soies nata-
trices inséré sur le deuxième article chez les Cypridés, par
exemple, aussi ces organes sont-ils fort peu aptes à la
natation ; il existe trois paires du pattes ambulatoires
(une de plus que chez les Cypris) : ces pattes sont sem-
blables entre elles et dirigées en avant. Le post-abdomen
est rudimentaire, formé de deux lobes courts.
Les Gythérides sont marines; toutefois, il est intéressant
de noter que, des cinq espèces qui forment le genre Lim-
nicythere^ quatre vivent dans l'eau douce et que la cin-
quième, L. incisa Dahl, vit dans les parties les moins
salées de la Baltique. Quelques autres espèces habitent
aussi l'eau douce ou l'eau saumâtre, comme la Cytheridea
torosa ; la Cythere castanea recherche l'eau saumâtre,
de même que la Loxoconcha elliptica ; cette dernière a
aussi été trouvée dans l'eau douce. R. Moniez.
IL Paléontologie. — Les Cytheridce fossiles sont con-
nues depuis le silurien, mais ne deviennent communes que
dans les couches tertiaires marines. Cythere est surtout
abondant dans le crétacé et le tertiaire, ainsi que son sous-
genre Cythereis, — Cytheridea s'étend du jurassique à
l'époque actuelle. — Les Cytherellidce, famille voisine,
datent du silurien supérieur d'Angleterre où elles sont
représentées par- Mchmina et Cytherelliiia, Le genre
Cytherella s'étend du calcaire carbonifère à l'époque
actuelle (V. Ostracodes). E, Trt.
CYTHERIUS (Géogr. anc). Petite rivière de i'Elide,
affluent de droite de l'Alphée qui arrosait le territoire de
Pise.
CYTHERUM (Géogr. anc). (V. Cytorus).
CYTHNUS (Géogr. anc). Ile de la mer Egée, l'une des
Cyclades, située entre Ceos et Seriphos ; son nom actuel
est Thermia, Vaste de 76 kil. q., escarpée et montueuse
(294 m. d'alt. maxima), mais bien cultivée, elle compte
actuellement 3,000 hab. environ, lesquels vivent surtout
de leurs vignes ; dans l'antiquité leurs fromages étaient
renommés. Le nom actuel est dû aux sources thermales
sodiques magnésiennes (-f- 40 à -h 55«) qui se trouvent
sur la côte N.-E. Cette île a eu une histoire assez obscure.
Elle avait été colonisée par les Dryopes. A la bataille de Sa-
lamine, les Cythniens fournirent une trirème et une pen-
técontère. Subordonnés à Athènes, ils suivirent la destinée
des Cyclades. Lors de la guerre entre Rome et Philippe
(200), une garnison macédonienne occupait l'île qui fut
assiégée par les Rhodiens et Attale, lesquels ne purent la
prendre. Après la mort de Néron, un imposteur y parut qui
prit le nom de l'empereur et eut un certain succès. La
ville de Cythnus, capitale de l'île, était située à l'intérieur,
près de la côte occidentale, au point culminant de l'île ; les
ruines subsistent au lieu dit Hebrœokastrox.
CYTINACÉES (Cytinaceœ Lindl.) (Bot.). Groupe de
Végétaux Dicotylédones que M, H. Bâillon {Hist. des PL^
IX, p. 10) réunit à titre de simple tribu (Cytineœ) à la
amille des Aristolochiacées. Ses représentants sont des
herbes charnues colorées, vivant en parasites sur des ra-
cines. Leurs fleurs petites, unisexuées ou polygames, sont
solitaires ou en épis et accompagnées d'écaillés colorées.
L'ovaire, infère, est uniloculaire avec des placentas parié-
taux portant un nombre indéfini d'ovules orthotropes. Le
fruit est une baie renfermant de nombreuses graines albu-
minées. — Les Cytinées renferment seulement les deux
genres Cytiniis L. et Apodanthes Poit. Le premier a pour
espèce type le Cytinusriypocistis L, ou Cytinelle^ qui se
trouve communément dans la région méditerranéenne, où
il vit en parasite sur les racines de difierentes espèces de
Cistes. Ed. Lef.
CYTINIUM (Géogr. anc). Ville de l'ancienne Doride,
une des quatre qui formaient la Tétrapole et, semble-t-il,
la plus importante. Elle était située à l'entrée de la plaine
d'Amphissa au lieu dit Gravia, entre deux ravins ; elle
commandait un défilé menant du golfe Maliaque au golfe de
Crissa
CYTINUS (Bot.) (V. Cytinacées).
CYTIS (V. FRONmpoRA).
CYTISE [Cytisus L.). I. Botanique. — Genre de
Légumineuses Papilionacées, du groupe des Génistées, dont
les représentants sont des arbustes caractérisés par le calice
presque bilabié,les étamines monadelphes, à tube complet et
l'ovaire pluriovulé, surmonté d'un style glabre, incurvé. —
Les Cytises sont propres aux régions tempérées de l'Europe,
La plupart sont doués de propriétés émétiques et purgatives.
Plusieurs sont fréquemment cultivés pour l'ornement des
jardins et des parcs. L'espèce la plus répandue est le
C. Laburnum L., qu'on appelle vulgairement Faux-
Ebénier, Aubour, Cytise à grappes. Son bois dur et d'un
grain serré est recherché des ébénistes et des tourneurs.
II, Thérapeutique. — Les feuilles, les fleurs, les gousses
et les graines de cytise sont douées de propriétés éméto-
cathartiques ; ces premiers effets sont accompagnés d'une
légère excitation du système nerveux, suivie d'une diminu-
tion du pouls et de l'envie de dormir, A forte dose, d'après
Gray, le cytise absorbé arrive dans la circulation, puis agit
sur les centres nerveux et sur les centres respiratoires,
entravant l'oxygénation du sang et déterminant la paralysie
des centres respiratoires, et consécutivement la paralysie
du cœur. On a vu, chez des enfants qui avaient avalé en
CYTISE — CYZICÈNE
726
jouant des fleurs et des graines non mûr^ de cytise, sur-
venir des symptômes cholériformes, de la cyanose, de l'affai-
blissement du pouls, des convulsions et même la mort dans
le coma. Gray a, paraît-il, employé avec succès le cytise dans
les dyspepsies bilieuses, avec vomissements périodiques et
alternatives de diarrhée et de constipation, dans les vomis-
sements des enfants, les quintes de toux de la bronchite, de
Fastlime et de la coqueluche, les vomissements de la gros-
sesse, enfin, à haute dose, dans le traitement du prurigo.
La cytisine, principe actif du cytise, surtout abondant
'dans les semences, détermine des nausées, des vertiges et
des convulsions, enfin la mort par asphyxie. D^ L. Hn.
BiBJL. : Gray, dans Edinb. med. Joitm., 1862. — L. Haiin,
Dict. encycl. se. méd., 1880, t. XXV, l-^^sér.
CYTISINE (Chim.). La. cytisine, entrevue par Cheval-
lier et Lassaigne, est la matière amère du Cytisus labur-
num, Husemann et Marmé l'ont préparée à l'état de pureté
de la manière suivante : On fait macérer pendant deux
jours les graines pulvérisées avec de l'acide sulfurique
étendu; au liquide filtré neutrahsé par la chaux, on ajoute
un excès d'acétate de plomb, on enlève le plomb dissous
par l'hydrogène sulfuré, on neutralise par le carbonate
sodique et on précipite par le tanin. Le tanate, bien lavé,
est chauffé avec de l'eau et de la litharge, jusqu'à ce qu'une
prise d'essai ne se colore plus par les persels de fer ; on
évapore, on épuise le résidu par l'alcool ; ce dernier, à
l'évaporation, laisse un liquide sirupeux qu'on additionne
d'acide azotique et d'alcool : il se dépose bientôt de beaux
cristaux d'azotate de cytisine.
Séparée de ses sels, la cytisine est une base huileuse,
qui cristallise facilement dans l'alcool ; elle est amère ,
vénéneuse, caustique, soluble dans l'eau et dans l'alcool
étendu; elle fond à 154<^,5, puis se sublime en longues
aiguilles. Elle est assez énergique pour décomposer les sels
ammoniacaux. Ses solutions précipitent en jaune orangé par
l'eau de brome et l'iodomercurite de potassium ; même colo-
ration avec l'acide nitro-sulfurique alors que l'acide sulfu-
rique pur est sans action. Le chlorhydrate et V azotate
de cytisine sont seuls cristallisables ; Husemann et Marmé
attribuent à la base la formule C^^^H^^Az^O^. Ed. B.
BiBL. : Husemann, Zeitsch. Chem.^ 1869, 677. — Las-
saigne et Chevallier, Journ. de Pharm.. t. IV, 340;
t. VU, 235.
CYTOLEICHUS (Zool.) (V. Sarcopte).
CYTOPLASME (Bot.) (V. Cellule).
CYTORUS (Géogr. anc). Ville de la côte septentrionale
de l'Asie Mineure située entre Amastris et le cap Carambis
vers le lieu dit Kidras ; c'était probablement une colonie de
Sinope bien qu'on attribuât sa fondation à Cytorus, fils de
Phriûcus (V. ce nom).
CYTTARIA (Bot.). Genre de Champignons Discomycètes
qu'on peut classer dans la tribu des Pezizées à côté des
Helvelles, et caractérisé par une cupule périphérique s'ou-
vrant par rupture de son épiderme, des asques amples,
finalement libres, entremêlés de paraphyses, des sporidées
pâles. Parasite du hêtre (ChiH, Patagonie). H. F.
CYZ DE CoMBÉ (Marie-Madeleine de) (V. Combé).
CYZICÈNE. On donne le nom de cyzicènes ou de sta-
ter es cyzicéniens (KuÇixrjvot Gtat^psç) aux monnaies
d'électrum ou d'argent, frappées dans la ville de Cyzique,
antérieurement à la domination romaine sur l'Asie Mineure.
Dans le langage usuel des numismatistes, le nom de cyzi-
cène prend une acception plus restreinte et il s'applique
seulement aux monnaies d'électrum de Cyzique, frappées
avant la conquête d'Alexandre : c'est de ces monnaies que
nous allons parler tout d'abord.
Un très grand nombre des villes que baignaitla mer Egée,
particuMèrement les ports qui se trouvaient échelonnés sur
la côte occidentale de l'Asie Mineure, firent fabriquer dès
le vi*^ et même la fin du vii^ siècle avant notre ère, et jus-
qu'à la conquête d'Alexandre, des monnaies en électrum,
caractérisées non seulement par ce métal particulier, mais
par l'extrême épaisseur du flan monétaire et l'irrégularité
des contours, qui contrastent souvent avec l'admirable per-
Fig. 1. — Statère de Cyzique.
(Electrum.)
Fig. 2.:-
■ Statère de^ Cyzique.
(Electrum.)
fection artistique et l'extrême variété des types. Les
monnaies de Cyzique se distinguent de celles de même
métal et de même aspect, qui étaient émises dans d'autres
ateliers, comme Pho-
cée, Clazomène, Milet,
Mitylène, etc., par la
présence, à côté du
type principal, d'un
thon, qui constituait,
en quelque sorte, les
armes de la ville. Le
thon (%7]Xa[jnjç) est un
poisson qui était con-
sacré à Aphrodite Astarté, mais il est douteux qu'il paraisse
sur les monnaies de Cyzique à cause de ses rapports avec
cette déesse ; il est plus probable que, s'il figure constamment
comme symbole accessoire sur ces médailles, c'est parce
que ce poisson était l'objet le plus important du commerce
de Cyzique. C'est pour
la même raison, par
exemple, que le sil~
phium paraît sur les
monnaies de la Cyré-
naïque, et l'épi de blé
sur celles de Métaponte .
V électrum ou or
blanc, xpuaoç Xeujjo'ç,
comme l'appelle Héro-
dote, était un métal
naturel que fournissaient le cours du Pactole et les mines
du Tmolus et du Sipyle (V. Electrum). La proportion d'or
et d'argent dans le métal des cyzicènes est variable : parfois
on constate 52,25 o/o d'or, et quelquefois seulement 27 «/o
du même métal. Le poids du statère d'électrum, dans chaque
ville, variait et dépendait de l'étalon d'or et d'argent; on a
conséquemment des monnaies d'électrum dans les systèmes
phénicien, éginétipe, babylonien, euboïque.phoeaïque.
Les statères de Cyzique pèsent en moyenne 46 gr. au moins
etparaissentserattacherausystème phocaïqued'or. L'échelle
des divisions était la suivante :
Statère i6,20
Hémi-statère 8,40
Tiers de statère (trité) 5,40
Sixième de statère (hecté) 2,70
Douzième de statère (hémi-hecté) 4,35
L'hémi-statère et la trité paraissent n'avoir pas été
frappés : c'étaient des monnaies de compte.
Vers l'an 400 avant notre ère, le statère d'électrum de
Cyzique, pesant 46^^ 20, était considéré comme l'équi-
valent de la darique d'or pur, qui pesait 8^^ 40. Au temps
de la retraite des Dix Mille, les soldats de Xénophon sont
payés indifféremment une darique ou un cyzicène par mois.
Cependant, le cours du statère d'électrum de Cyzique était
sujet à des fluctuations de bourse : le cyzicène valait sur le
marché d'Athènes 32 drachmes, tandis qu'il ne valait que
28 drachmes athéniennes à Panticapée. Les cyzicènes per-
dirent de leur valeur vers la fin du iv« siècle^ et cette dé-
préciation vint de la diffusion des belles pièces d'or pur de
Philippe de Macédoine.
L'abondance des cyzicènes dans l'antiquité était devenue
proverbiale et l'on disait satiriquement à Athènes que Cy-
zique était remplie de statères. Les comptes des trésoriers
du Parthénon renferment très fréquemment la mention de
payements en cyzicènes, et la réserve métallique de l'Acro-
pole était en grande partie composée de monnaie de cette
espèce. Çest là un reflet de l'activité et de la prospérité
commercialede Cyzique, particulièrement aux v® et iv^ siècles.
Il est diflîcile de dire avec précision à quelles époques
commence et finit le monnayage d'électrum de Cyzique.
Cependant, le plus ancien statère est bien déterminé : il
représente, au droit, un thon entre deux bandelettes ; le
revers est occupé par deux carrés creux allongés (fig. 4), Cette
-^ ni —
pièce, dont un exemplaire pesant 16s'^32 est conservé au
Musée britannique, peut être placée immédiatement après le
temps où Crésus inaugura sa monnaie d'or, en 560 av. J.-C.
Tous les cyzicènes postérieurs diffèrent du précédent par le
poids, qui"^va s'affaiblissant, et par la forme du carré creux
qui est à côtés égaux et partagé en quatre compartiments
affectant la forme d'ailes de moulin. Les types du droit sont
extrêmement variés et témoignent de l'abondance de ce
monnayage, dont la patrie est rendue certaine par la pré-
sence du thon ou pélamyde en symbole accessoire. Tantôt,
ce sont des types nationaux qui rappellent les origines
mythiques de Cyzique, ou le culte des divinités adorées
dans cette ville : le héros éponyme Cyzicus, l'expédition des
Argonautes, Jason, Cerbère, la Gorgone, les Cabires, Cléité,
l'épouse de Cyzicus, Briarée et les géants ses frères, Phobos
(fig. 2), Hercule et Iphiclès, Oreste, Déméter et Perséphone,
Apollon et Artémis, etc. Tantôt les types des cyzicènes se rap-
portent aux villes étrangères et reproduisent les types moné-
taires des cités avec lesquelles Cyzique entretenait des rapports
commerciaux, en y adjoignant le thon comme symbole.
Nous retrouvons ainsi à Cyzique les types de monnaies de
Thurium, de Tarente, de Gelas, de Syracuse; le Pégase de
Corinthe, la tête de Pan de Panticapée, la chimère de Si-
cyone, le demi-Pégase de Lampsaque, le lion de Milet, le
taureau de Samos, le sanglier ailé de Clazomène, le griffon
d'Abdère, etc. Cette variété de types (on en connaît près
de deux cents) et la perfection souvent idéale de leur style,
rend l'étude des cyzicènes des plus attrayantes pour les
numismatistes. L'apparition de la monnaie d'or de Philippe,
père d'Alexandre le Grand, porta un coup funeste à la
vogue de la monnaie d'électrum dans le bassin de la mer
Egée. Les beaux statères d'or d'Alexandre, plus encore
que sa domination sur la Grèce et l'Asie Mineure, ache-
vèrent de ruiner le crédit commercial des cyzicènes ; ce
n'est plus qu'exceptionnellement et pour l'usage local qu'on
frappa encore des pièces d'électrum, monnayage auquel
mit fin définitivement la conquête romaine.
Les monnaies d'argent de Cyzique, beaucoup moins ré-
pandues que les pièces d'électrum, reçurent aussi parfois
dans l'antiquité le nom de cyzicènes. Les plus anciennes
ont, au droit, la tête de Cybèle ou d'Atys, et au revers,
CYZICÈNE -- CZACKI
Fig. 3. -~ Monnaie de Cyzique. (Argent.)
les lettres KY ou K, à côté d'une tête de lion ; les tétra-
drachmes de cette espèce pèsent 42^^75 (fig. 3). Plus tard,
c.-à-d. peu avant l'époque d'Alexandre, Cyzique adopta pour
ses monnaies d'argent un autre système ; elle donna au
tétradrachme H^^dO, Ces nouvelles espèces répondent à
la description suivante : Tête de Proserpine ou de Coré,
sous le nom de SQTEIPA ; i^ tête de lion et thon, avec
des monogrammes variés de magistrats monétaires. D'autres
fois, le revers est occupé par l'image d'une longue torche
dans une couronne ou celle d'Apollon citharède assis sur
l'omphalos, mais ces dernières pièces sont postérieures à
Alexandre. Sous la domination romaine, Cyzigue ne fabri-
qua plus que des monnaies de bronze, à l'effigie des empe-
reurs romains. E. Babelon.
BiBL. : Cil. Lenormant, Essais sur les statères de Cy-
zique^ dans la Revue numismatique^ 1856. —■ Sestini,
Descrizione di stateri antichi. — Fr. Lenormant, dans ia
Revue numismatique de 1861, et dans le Dictionn. des
Antiq. gr . et rom. de Daremberg et Saglio (art. Cyzi-
ceni)\ surtout W. Greenwell, dans le Numismatic
Chronicle, 3« série,t. VIÏ (1887), et B. Head, Historia Nu-
morum ; Londres, 1887, in-8.
CYZIQUE. Colonie milésienne en Phrygie, à l'isthme
d^une presqu'île de la Propontide, appelée Dolion (aujour-
d'hui Kaputaghi). Elle avait deux portes, Panorme à FO.,
Chytas au pied des montagnes connues sous le nom de
Dyndimon et Arctos. Son importance, médiocre jusqu'à la
guerre du Péloponèse, grandit rapidement après la chute
de Milet et d'Athènes. La domination des Perses ayant pris
fm en 365 av. J.-C, la ville fut solidement fortifiée, ren-
due plus forte par l'adjonction de l'île voisine de Procon-
nèse; elle put braver les attaques d'autant mieux qu'elle
fut protégée par l'amitié des rois de Pergame et on consé-
quence par celle des Romains. La fidélité de Cyzique pen-
dant la guerre de Mithridate, au cours de laquelle Lucullus
la dehvra d'un siège rigoureux, lui valut les privilèges de
hbera civitas. Elle perdit sa liberté une première fois en
20 av. J.-C, puis définitivement sous Tibère, en punition
de mauvais traitements infligés à des citoyens romains.
Elle demeura une ville opulente jusqu'à sa'^prise par les
Arabes en 675. On voit encore sur son emplacement les
ruines de vieilles murailles, d'un amphithéâtre et du temple
d Adrien, consacré en 167 ap. J.-C On cite ses monnaies
d or valant 28 drachmes et appelées cyzicènes (V. ce mot),
et un parfum fabriqué avec l'iris sous le nom de fxupov
KufffXTjvdv. Le nom de Cyzique se rattache aussi à l'expé-
dition des Argonautes (V. ce mot). Suivant Apollonius,
ces héros, en quittant Samothrace, arrivèrent, par FHelles-
pont, à l'Ile de Cyzique et reçurent l'hospitalité de Cyzicos,
roi des Dolions. Quand ils eurent quitté ces parages, une
tempête nocturne les rejeta sur la même île, et ils engagèrent
un combat avec les Dolions qu'ils ne reconnurent pas. Le
roi Cyzicos y périt, sa jeune épouse se tua et fut pleurée
par les Nymphes des bois environnants; de leurs larmes
naquit une source qui porta son nom (KÎ^Eiir)). A. W.
CZACKI (Thadée), célèbre publiciste polonais, né à
Poryck, enVolhynie,le 28 août 4 765, mort à Dubno le 8 févr.
4813. Son père, nonce à la diète de Pologne, avait joué
un certain rôle pohtique. Il fit ses études à l'université de
Cracovie, et entra dans la magistrature. Lié avec Àlber-
trandy et Naruszewicz, il prit dans leur société le goût
des études historiques. En 4786, il fut nommé membre de
la commission des finances ; après le dernier partage de la
Pologne, l'empereur Paul lui fit restituer ses biens 'confis-
qués. Il réunit une bibHothèque considérable dans son
domaine de Poryck, et se livra désormais uniquement à
l'étude. En 4802, il résida à Varsovie, et fut l'un des
principaux organisateurs de la Société des amis des sciences.
Il fut en 4803 nommé inspecteur des écoles des gouverne-
ments de Volhynie, de Podohe et de Kiev. En '4805, il
fonda le célèbre lycée modèle de Krzemieniec (Kremenets),
et fit organiser deux commissions chargées de pourvoir aux
besoins de Tinstruction publique en Lithuanie. L'empereur
Alexandre permit aux habitants de cette province de frapper
une médaille en son honneur. Sa bibliothèque ne compre-
nait pas moins de 42,000 volumes polonais et de 4,000 ma-
nuscrits. Après sa mort, elle fut réunie à celle de Pulawy
et incorporée à celle de Saint-Pétersbourg. Les principaux
ouvrages de Czacki, tous rédigés en polonais, sont : la Légis-
lation lithuanienne et polonaise (Varsovie, 4800-4804,
2 vol., réimprimé à Cracovie en 4804); Dissertation sur les
.;m/s(Vilna, 4807, Cracovie, 4800), et un grand nombre de
dissertations éparses dans différents recueils. Les œuvres
complètes de Czacki ont été publiées par Raczynski (Posen,
4843-45, 3 vol.). -— Son neveu, Félix Czacki", a pubhé en
français des Etudes sur la Révolution française (Paris,
^^^'^)' L. L.
BiBL.: OsiNSKi, la Vie et les ouvrages de Czacki (en poL:
Krzenneniec, 1816. — BALmsiu, Etudes historiques; Vilna
185b. — EsTREiCHER, Bibliographie polonaise du xix« siècle.
CZACKI (Vladimir), cardinal polonais, né à Poryck le
46 avr. 4834, mort à Rome le 9 mars 4888. Neveu de la
princesse Odescalchi, il gagna la faveur du cardinal Anto-
nello qui le préposa aux affaires ecclésiastiques ; très apprécié
du pape Pie IX et souvent employé dans les négociations
diplomatiques, il fut envoyé comme nonce à Paris en oct.
CZACKI -- CZARNKOW
728 —
4879, assista à Texécution des décrets contre les congré-
gations; il fut créé cardinal par LéonXIÏI le 25 sept. 4882.
GZAHROWSKl de Czahrow (Adam), écrivain et soldat
polonais du xvi® siècle. Il paraît être originaire de la
Podolie. Il se mit au service de Maximilien d'Autriche qui
aspirait à la couronne de Pologne. Après l'insuccès de ce
prince, il alla guerroyer en Hongrie. Il publia à son retour
le récit do ses aventures en vers sous ce titre : Thrènes
et aventures dans les pays hongrois et croates (Posen,
4597 ; Léopol, i598, deux éd.). L. L.
CZAJKOWSKI (Michel, Sadyk pacha), hç,vhdm et sol-
dat polonais, né à Halczyniec (Galtchinets) , en Volhynie,en
4808,mortàBorki (Ukraine) le 18 jauv. 4886. Sa famille
avait donné plusieurs officiers à l'armée cosaque. Il fit des
études fort incomplètes à Kremenets (Krzemieniec), et servit
en 4834 dans l'armée polonaise contre la Russie, puis il
émigra en France où il publia un certain nombre d'écrits ;
en 4848, le prince Czartoryski l'envoya à Constantinople.
Il fut quelque temps attaché à l'ambassade de France. Il
étudia l'organisation de la Turquie, et soumit au gouver-
nement turc un certain nombre de mémoires o fi il proposait
d'importantes réformes au point de vue civil ou mihtaire.
A la suite d'aventures romanesques, il se fit musulman, et
prit le nom de Sadyk. Lors de la guerre d'Orient, il reçut
le titre de pacha, organisa un corps de Cosaques qui se
signala au siège de Silistrie et dans la Dobroudja. Il fut
nommé gouverneur de Bucarest et commandant des troupes
turques en Bessarabie. Il avait espéré ressusciter au profit
de Turquie et de la Pologne l'antique organisation des
Cosaques. N'ayant point réussi, il se découragea; en 4872,
il demanda l'autorisation de rentrer en Russie ; il reçut
une pension de l'empereur et s'étaWit en Ukraine. Accusé
de trahison par ses anciens compatriotes, il prit la vie en
dégoût et se suicida. Czajkowski est surtout célèbre par ses
récits de la vie cosaque. Il y a fait preuve d'un talent ori-
ginal, mais incorrect. Ses œuvres sont fort nombreuses et
ont eu plusieurs éditions. Les principales sont : Contes
cosaques (Paris, 4837), traduits en français par M.Ladis-
las Mickiewicz; Wernyhora (P^is, 1838, 2 vol.); Kird-
jali (4839); Âniia (4840); Etienne Czarniecki (iSAO);
le S Mai{iSU); VEetman de VUkraine (4841); Kos-
zowata (4841) ; Nouvelles (1844) ; la Bulgarie (Leipzig,
1872); Nemolaka (Leipzig, 4873); Légendes (iSSf).
Il a en outre donné une brochure sur VInfluence des
Kosaks sur la littérature et la civilisation (en français;
Paris, 1835); les Cosaques en Turquie (signé : X. K. ;
Paris, 1857) ; les Vies étranges des Polonais et des Polo-
naises (Leipzig, 1865). La librairie Brokhaus a publié une
série de ces œuvres revue par l'auteur (Leipzisj, 4862-
4873, 44 vol.). ^L. L.
BiBL. : EsTREicRER^ Bibliographie polonaise duxix^ siè-
cle. — Jez, Etude sur Czajkowki dans le supplément du
Kraj, févr. 1886.
CZAKAN. Instrument de musique usité en Bohême et en
Transylvanie, et appartenant au genre flageolet ; les Alle-
mands l'appellent parfois Stockflôte^ c.-à-d. « flûte-
bâton ». On le construisait d'habitude au diapason de la.
Son étendue était de deux octaves environ, à partir du si
bémol grave de la flûte. Le czakan se composait essentiel-
lement d'une embouchure de flageolet formant angle droit
avec le corps de l'instrument, lequel, légèrement conique,
allait en diminuant de diamètre, un peu comme celui des
anciennes flûtes. Le doigté était intermédiaire entre celui
de la flûte et celui du hautbois. L'aspect général était ana-
logue à celui d'une canne munie d'une poignée. On a dit
que cet instrument, tombé en désuétude, avait été ignoré de
tous les musiciens jusqu'en 1825. Ce qui est certain, c'est
qu'il eut une grande vogue à Vienne vers 4830 ; c'est d'ail-
leurs en 4830 que Kramer publia une méthode pour le
czakan. A. E.
CZAKÔ (Sigismond), dramaturge hongrois, né en 4820
à Deés, mort à Pest en 4847. Sa courte existence fut
tourmentée et finit par le suicide, malgré les succès qu'il
obtint un moment au Théâtre National dont il était l'inten-
dant. Ses drames principaux sont : le Négociant et le
Marin et le Testament {\U^),^Leona (1850). E. S.
CZAPEK (Jean), en tchèque Capek^ célèbre chef hus-
site du xv^ siècle. Il commandait les troupes de la secte
des Orphelins, et prit part à diverses expéditions en
Bohême et en Moravie. En 1433, il servit dans l'armée
polonaise contre les chevaliers Teutoniques ; il revint ensuite
en Bohême, et prit part à la bataille de Lipany, où les
Taborites furent définitivement vaincus. Il fut ensuite
chargé de mission auprès de l'empereur Sigismond. On
perd sa trace à dater de 1442. — Un autre Czapek (Jean),
prêtre hussite, est Fauteur de quelques cantij^ues tchèques,
dont l'un notamment a été attribué à Jean Zizka. L. L.
CZAPKA. Mot polonais (corrompu en czapsku) qui sert
à désigner la coiffure spéciale portée par les lanciers ou
uhlans dans la plupart des armées qui ont conservé des
régiments de cette arme, supprimée en France à la date du
8 août 4871. La czapka encore en usage en Allemagne, en
Autriche, en Angleterre, en Belgique et en Russie, est une
sorte de schako à cylindre étranglé surmonté d'une tablette
carrée. Il est généralement recouvert de drap de couleur
distinctive et orné d'attributs métalliques variés, d'un pom-
pon demi-sphérique auquel s'ajoute en grande tenue un
plumet de crin retombant, enfin de jugulaires de métal et
de cordons, dits fourragères, qui empêchent le cavalier de
perdre sa coiffure. La czapka est un couvre-chef de forme
bizarre et incommode répondant peu aux exigences d'une
coiffure militaire parce qu'il est instable et ne protège que
médiocrement la tête du cavalier; il tire son origine de
l'ancien bonnet national de la milice polonaise que les
modèles actuellement en service ne rappellent d'ailleurs que
de fort loin ; ils ont varié souvent de forme et surtout de
hauteur. Les premiers régiments qui aient paru dans notre
armée coiffés de la czapka étaient les chevau-légers-lan-
ciers levés en Pologne en 4808. Depuis le partage de ce
royaume (4794), la Prusse y recrutait un régiment de
cavaliers légers armés de lances, appelés d'abord lowarcys,
avant de prendre la dénomination d'uhlans déjà en usage
en Autriche et en Russie.
CZAR (V. Tsar).
CZARNECKl (Edouard), écrivain et pédagogue polonais,
né à Szczuczynen 4774, mort à Varsovie en 1831. Il
entra dans la carrière ecclésiastique, devint directeur de
collège, membre de la Société des amis des sciences et
administrateur du diocèse de Varsovie. Il a laissé des ser-
mons, des écrits pédagogiques et des notices (sur Samuel
Janocki, Alexandre Sapieha, etc.). L. L.
BiBL. : EsTREicHER, Bibl. polonaise du xix« siècle.
CZARNIECKI (Etienne), célèbre général polonais, né
à Gzarnça, palatinat de Sandomir, vers 1599, mort à Soko-
lowka, en Volhynie, le 12 févr. 1664. Son père, Christophe
Czarniecki, remplissait les fonctions de staroste à Lywiec en
Lithuanie. Etienne, entré jeune au service, se distingua en
1634 au siège de Smolensk, et devint colonel en 1644. Il
prit part à de nombreuses expéditions contre les Cosaques,
les Tatares, les Suédois, et en Transylvanie. En 1648, d fut
fait prisonnier par les Tatares. Devenu mestre de camp
(obozowy), il fut castellan de Kiev en 1655. Il ne réussit
pas à défendre Cracovie contre les Suédois et dut capituler
(4655). Il prit sa revanche aux combats de Kozienice,
Urarka, Gniezno, Varsovie, Chojnice, etc. En 1658, il poussa
jusqu'en Danemark, et s'empara de l'île d'Alsen. Puis il
retourna guerroyer contre les Cosaques. Il reçut le titre de
voiévode de Kiev. Il venait d'être nommé hetman quand il
mourut. Il fut enterré au village de Czarnça. Un monu-
ment lui a été élevé en 4755 à Tykocin. L, L.
Bibl. : Pasek, Mémoires. — Krajewski, Histoire de
Czarniecki; Cracovie, 1787. — Jenike, dans le recueil
Ksiega S-wiata ; Varsovie, 1855.
CZARNKOW (Jean de), homme d'Etat et historien polo-
nais du xiv« siècle, né à Czarnkow, dans la Grande-Po-
logne, mort vers 1387. Il fut chanoine de Posen et de
Wloclawek ; en 4365, il fut envoyé à Avignon par l'évêque
— 7â9 —
GZARNKOW -- CZARTORYSKI
de Cujavie. En 1367, il devint archidiacre à Gnizno. Il fut
pendant quelque temps sous-chancelier de Casimir le Grand.
n commença vers 1376 à écrire une chronique latine fort
intéressante pour l'histoire du xiv® siècle. Elle a été publiée
en 1 730 par Sommersberg, et récemment dans les Mo7iu-
menta historica Poloniœ édités par Bielowski (Léopol,
t. II). L. L,
CZARNKOWSKI (Stanislas), homme d'Etat polonais, né
en i^W, mort en 1602. Il fut secrétaire du roi Sigis-
mond le Vieux ; son éloquence lui valut le titre de TuUius
polonais. Sous Sigismond Auguste, il devint référendaire
de la couronne, et fut chargé de diverses missions. Après
la mort de ce prince (1572), il s'efforça de faire donner
la couronne à l'empereur ; il renouvela ces intrigues après
le départ d'Henri de Valois. Etienne Batory le dépouilla de
toutes ses fonctions. Il mourut dans une condition misé-
rable. L. L.
CZARNOCKI (Adam), savant polonais, connu également
sous le nom de Zoryan Dolenga ChodakowskU né aux en-
virons de Nieswiez, en Lithuanie, en 1784,mortàPetrovo
Selo en 1825. Il fit ses études à Sloutsk (Sluck), et fut
clerc chez un avoué à Novogrodek et à Minsk. Ayant voulu
quitter son pays pour aller s'enrôler dans les troupes polo-
naises du grand-duché de Varsovie, il fut enrégimenté dans
l'armée russe et envoyé à Omsk. Fait prisonnier par les
Français en 1811, il servit ensuite dans l'armée polonaise
et fit avec elle la campagne de Russie. Après la paix, il
résida en Galicie et entreprit des recherches archéologiques
qui appelèrent sur lui l'attention de la famille Gzartoryski ;
recommandé au chancelier Roumiantsov, il reçut une pen-
sion de 3,000 roubles pour continuer ces recherches. Il fit
des voyages considérables et recueillit de nombreux docu-
ments sur l'archéologie, l'onomastique et la littérature popu-
laire. Privé de sa pension dans les dernières années, il dut
se faire intendant pour vivre. Il a publié quelques travaux
en polonais, en russe : les Slaves avant le christianisme
(Cracovie, 1835); les Anciennes Routes fluviales en
Russie (1837), des articles dans les recueils scientifiques.
Après sa mort, ses manuscrits passèrent à l'historien
russe Pogodine. L. L.
CZARTORYSKI. Célèbre famille polonaise qu'on fait des-
cendre du prince lithuanien Korygiello, mort en 1390.
Son nom lui vient de son principal domaine, Tchertorysk
(en polonais Czartorysk) dans le gouvernement actuel de
Volhynie. Elle apparaît dans l'histoire au xv® siècle. Ses prin-
cipaux représentants ont été : Alexandre Fédorovicz
Czartoryski qui se distingua par sa valeur contre les Ta-
tares et joua un rôle important à la diète de Lubfin (1569).
— Georges Czartoryski (mort vers 1620) qui, le premier
de la famille, embrassa le catholicisme romain. — Flo-
rian Czartoryski, mort en 1 674 ; il fit des études de théo-
logie à Rome, devint évèque de Posen et archevêque de
Gniezno. — Au xviii® siècle, la famille des Czartoryski,
qui avait reçu le titre de prince du saint-empire romain dès
1623, commença à jouer en Pologne un rôle prépondérant.
Frédéric-Michel Cz2LHory ski, né en 1696, mort en 1775,
s'efforça de placer la maison des Czartoryski à la tête de
la République : alliée aux Poniatowski, aux Sapieha, aux
Radziwill, la famille (comme on l'appelle dans les docu-
ments polonais) tenta en 1733 de mettre sur le trône
Stanislas Leszczynski, mais elle n'y réussit point. Michel,
sous-chancelier du royaume, crut devoir, pour relever son
pays, s'ap})uyer sur la Russie. Les Czartoryski se trou-
vèrent ainsi amenés à lutter contre les Potocki qui repré-
sentaient le parti national. Pour défendre leur politique et
leurs intérêts, ils recoururent à des actes de violence. La
politique de la famille aboutit à l'élection de Stanislas
Poniatowski, l'homme lige de Catherine IL — Auguste^
Alexandre^ palatin de la Russie rouge et lieutenant général
de l'armée (1697-1782), suivit la même politique que son
frère. R crut devoir comme lui s'appuyer sur la Russie.
Adam-Casimir Czartoryski, fils du précédent, né à
Danzig le 1^^ déc. 1731, mort à Sienawa en Galicie le
22 mars 1823, fut, grâce à l'influence de la Russie et de
l'Autriche, nommé président de la diète de 1763 qui élut
Stanislas-Auguste Poniatowski, son cousin germain. Il se
montra partisan décidé de l'influence russe. En 1764, il fut
nommé directeur du corps des cadets. En 1 775, il fit partie de
la commission d'éducation ; en 1782, il émigra en Galicie :
Joseph II le nomma feld-maréchal. En 1788, il fit partie
de la diète dite de quatre ans; en 1812, il fut nommé ma-
réchal de la diète do Varsovie ; en 1813, il se retira dans
son domaine de Pulawy où il réunit de belles collections.
Il se plaisait à s'entourer de savants et de littérateurs, et
à jouer vis-à-vis d'eux le rôle d'un Mécène généreux. En
1817, il passa en Gaficie. Il a laissé quelques travaux
littérai-res, notamment des Règles morales pour l'école
des chevaliers qui ont eu deux éditions. — Sa femme,
Isabelle Czartoryska, fille du comte Flemming, née en
1746, morte à Sieniawa en 1835, se fit remarquer par son
goût pour les sciences ou les lettres ; elle assembla à Pu-
lawy une précieuse collection d'antiquités nationales ; pen-
dant l'insurrection de 1831, elle transforma son château
en ambulance. Sous ce titre, le Pèlerin à Dobromil,
elle a écrit une histoire populaire de Pologne qui a eu
plusieurs éditions. — Leur fille, Marie-Anne, née en 1768,
morte à Paris en 1854, avait épousé en 1784 le prince
Louis de Wurtemberg ; elle divorça lorsqu'il entra au
service de la Russie. Elle a laissé un roman, Malwina
(Varsovie, 1818), qui a été traduit en français.
Adam-Georges Czartoryski, fils aîné d'Adam-Casimir,
né à Varsovie le 14 janv. 1770, mort à Mcntfermeil,
près de Paris, le 16 juil. 1861, a été le membre le plus
remarquable de la famille. Après avoir fait ses études en
France et en Angleterre, il prit part aux luttes suprêmes
de la Pologne pour l'indépendance. Après le partage de
1795, il fut emmené comme otage à Pétersbourg avec son
frère Constantin. Il se lia avec le grand-duc Alexandre.
Devenu empereur, Alexandre P*" nomma son ami adjoint au
ministère des affaires étrangères et curateur des établisse-
ments scolaires de la Lithuanie et delà Russie blanche. Un
instant Adam Czartoryski put croire qu'il pourrait re-
constituer une Pologne autonome, sous la protection de
la Russie. Ses espérances furent déçues. En 1807, il donna
sa démission, mais il conserva la faveur de l'empereur qui,
en 1815, le nomma sénateur palatin du royaume de Polo-
gne et curateur de l'université polonaise de Vilna. Il fut
dépouillé de cette fonction en 1821 et se retira à Pulawy.
En 1831, il fut élu président du gouvernement national
polonais; il donna sa démission au mois d'août 1831 et
servit comme simple soldat sous les ordres du général
Ramorino. Exclu de l'amnistie par l'empereur Nicolas, il
vit ses biens confisqués ; il s'établit à Paris et fut dé-
sormais considéré comme le chef moral du parti aristocra-
tique dans l'émigration polonaise. En 1854, il entama
vainement des négociations pour lier les intérêts de son
pays à ceux des puissances liguées contre la Russie. Il
avait épousé en 1817 la princesse Anna Sapieha. Ses biens
avaient été confisqués dans le royaume de Pologne ; mais
il avait conservé en Galicie la terre de Sieniawa ; en
1848, il affranchit ses paysans de la corvée et les rendit
propriétaires. Il publia des Etudes sur la Diplomatie
(Paris, 1857), et a laissé des Mémoires intéressants qui
ont été mis au jour en 1887. — Son fils, le prime Ladis las
Czartoryski, né le 3 juil. 1828, est considéré comme le
chef de l'aristocratie polonaise émigrée. Il avait épousé en
1855 une fille de la reine Marie-Christine; il s'est remarié
en 1872 avec la princesse Marguerite d'Orléans, fille du
duc de Nemours. Il est président de la Société d'histoire et
de littérature polonaise de Paris et membre de la Chambre
hongroise des magnats. Les précieuses collections d'art
qu'il a réunies se trouvent partie à Paris, à l'hôtel Lambert,
et partie à Cracovie. Il a été nommé, en 1 891 , correspon-
dant de l'Institut de France (Académie des beaux-arts).
Constantin Czartoryski, frère d'Adam, né à Pulawy en
1773, mort à Vienne en, 1860, fut successivement attaché
CZARTORYSKI - CZELAKOVSKY
- 730 -
au service de la Russie et à celui du grand-duché de Var-
sovie, n se distingua en 4812 aux affaires de Smolensk et
de la Moskowa. En 1816, Alexandre P^ l'appela à Péters-
bourg et le nomma adjudant général. En 1832, il se retira
à Vienne. — De ses deux fils, issus d'un second mariage,
l'aîné, Constantin^ né en 1822, fut vice-président de la
Chambre des magnats d'Autriche; le second, le prince
Georges^mm 1828, est depuis 1867 député à la diète do
Galicie et depuis 1873 député au Reichstag de Vienne;
il a dirigé le journal viennois Wanderer. — Du pre-
mier mariage, avec la princesse Angelica Radziwill, était
issu le prince Adam-Constantin, né à Varsovie en 1804,
mort en Galicie en 1880. Il prit part à l'insurrection po-
lonaise de 1831 et se montra toujours bon patriote. — Son
fils aîné, le prince Roman, né en 1839, mort en GaHcie
en 1887, devint en 1871 député au parlement de l'empire
allemand et fut longtemps le chef du groupe polonais.
BiRL. : Outre les travaux relatifs à Fhistoire de Pologne
au xviiie siècle, consulter : l'Empereur Alexa7idre J»»'
et le prince Adam Czartoryski ; Paris, 1863. — Wali-
szEwsKi, les Potockl et les Czartoryshi (en'pol.) ; Cracovie,
1887. — Mémoires du prince Adam Czartoryski et Corres-
pondance avec Alexandre /«'' ; Paris, 1887, 2 vol.
CZASLAW (Caslav, en al. Czaslau on Ischaslau), Ville
de Bohème, ch.-l. d'une capitainerie de cercle. Sa popu-
lation dépasse 8,000 hab. Elle a joué un rôle considérable
dans les guerres des hussites. Zizkay fut enterré.
GZECH, personnage légendaire qui aurait été le premier
chef de la nation bohème ou tchèque, et l'aurait introduite
dans le pays qu'elle occupe encore aujourd'hui. Il figure
pour la première fois dans la Chronique de Cosmas sous
le nom de 'pater bohemus. Il a été inventé pour expliquer
l'origine du nom des Tchèques (Gechy), dont on ignore
encore la vraie étymologie. L. L.
CZECH (Svatopluk) ou CECH, écrivain tchèque con-
temporain, né à Ostredek, près de Bcnesov en Bohème, le
21 févr. 1846. Il fit ses études à Leimeritz et à Prague. Fort
jeune encore, il se fit remarquer par des poésies publiées
dans différents recueils, notamment par un poème, les
Adamites. Il a dirigé les revues Lumir et Kvety (les
Fleurs). Ses compatriotes le considèrent actuellement comme
l'un des premiers représentants de la poésie nationale. Ses
principales publications sont: Poésies (Prague, 1874) ;
Nouveau Recueil de vers (id., 1880) ; Chants du matin
(1887) ; Nouveaux Chants (1888). Son œuvre capitale
est l'épopée romantique intitulée Dagmar, Il a également
publié des romans et des nouvelles estimées : Nouvelles et
Arabesques (1878-1883, 4 vol.) ; le Candidat à Vim-
mortalité (iSS^;) ; Esquisses de Voyage (1884); Sou-
venirs d'Orient (1883) ; un récit satirique, Excur-
sion de M. Broucek dans la lune (1888) ; Excursion
de M. Broucek dans le xy^ siècle, etc. (1889). L. L.
CZECHOWICZ (Martin) , théologien polonais du xvi^ siècle.
Après avoir été curé à Kurnik, il embrassa la doctrine des
frères bohèmes et devint pasteur à Vilna et à Lublin ; il
mourut en 1613, laissant un certain nombre d'écrits théo-
logiques en latin et en polonais. L. L.
CZECHOWICZ (Simon), peintre polonais, né à Cracovie
le 22 août 1689, mort à Varsovie le 21 juil. 1775.
Orphelin de bonne heure, il trouva un Mécène éclairé dans
la personne du comte Ossolinski, chanceher de la couronne
de Pologne, qui l'envoya à Rome, où il étudia, sous la
direction de Maratta, les chefs-d'œuvre de la Renaissance.
Ses premiers travaux furent couronnés par l'académie de
Saint-Luc. Après un séjour de trente ans en Italie , il
revint dans son pays natal où il entra, déjà très âgé, dans
les ordres, et ne cessa de travailler avec ardeur jusqu'à sa
mort. Czechowicz, qui cultivait presque exclusivement la
peinture religieuse, a laissé un très grand nombre de
tableaux dans les principales villes et dans les châteaux
de l'ancienne Pologne. Les meilleurs sont au couvent des
Visitandines et au couvent des Carmes de Varsovie, chez
les Piaristes de Cracovie et à l'égUse des PP. Jésuites à
Vilna. Le château de Podhorce, appartenant au comte
V. Rzewuski, en possédait plus de cent, dont quelgues-uns
ne manquent pas de valeur. Czechowicz fut un artiste plus
remarquable par sa prodigieuse fécondité que par son
talent. On sent trop dans ses toiles l'imitation servile des
maîtres italiens. Mais il a, en revanche, le grand mérite
d'avoir fondé la première école gratuite de peinture en
Pologne, et d'avoir, par cette fondation comme par ses
propres travaux, propagé le goût des arts dans ce pays. Il
est considéré à bon droit comme le père de la peinture
polonaise. F. Tràwinski.
BiBL. : Ed. Rastawiecki, Diction, des peintres polonais
(en polonais); Varsovie, 1850. — Saunders, la Vie et
VŒuvre de Czecliowicz, dans le Journal de Vilna (polo-
nais); 1815, II.
CZECZOT (Jean), littérateur polonais, né vers la fin du
xviii» siècle, mort à Druskienice en 1847. Il fit ses études
à Novogrodek avec Adam Mickiewicz ; il le suivit à l'uni-
versité de Vilna et fit partie de sociétés d'étudiants qui
provoquèrent les rigueurs du gouvernement russe. Il fut
interné à Orenbourg. Il a publié plusieurs recueils de
chansons populaires et un recueil original intitulé Poésies
d'un paysan. L. L.
CZEGLÉD. Ville de Hongrie de 24,800 hab., impor-
tante par son champ de manœuvres pour la cavalerie, et
comme gare de bifurcation des chemins de fer hongrois, à
73 kil. de Budapest. E. S.
CZELAKOVSKY (François-Ladislas), poète tchèque, né à
Strakonice le 7 mars 1799, mort à Prague le 5 août 1852,
Fils d'un modeste artisan, il fit ses études à Pisek et à Bud-
weis, puis à Linz et à Prague. Il se lia dans cette ville avec
quelques jeunes poètes, Kamaryt, Chmelenski, Vinaricky ;
à leur exemple il entreprit d'écrire des vers tchèques,
après avoir jeté au feu les vers allemands qu'il avait jus-
qu'alors composés. En 1822, il publia des mélanges poé-
tiques et trois volumes de chansons populaires. En 1827,
il rédigea l'almanach littéraire Dennice (l'Aube). En 1829,
il donna les Echos des chansons russes. Cette publication
fut un véritable événement littéraire. Mais la poésie ne
suffisait pas à nourrir le poète ; il dut accepter une place
de correcteur auprès d'un journal religieux et traduire
pour le consistoire les Confessions de saint Augustin. Il
songea un instant à se rendre en Russie pour occuper une
chaire de littératures slaves ; mais ce projet échoua. 'En
1 834, il devint rédacteur de la Gazette de Prague ; en 1 835,
il fut nommé suppléant de la chaire de langue tchèque à
l'université de cette ville. Un article énergique contre
l'empereur Nicolas lui fit perdre sa place de rédacteur. En
1840, il donna les Echos des chansons tchèques et la Rose
à cent feuilles. En 1842, le gouvernement prussien le
nomma professeur de la chaire (îe langues et de littératures
slaves à l'université de Breslau. En 1849, il fut rappelé à
Prague et occupa la chaire de langues et de littératures
slaves à l'université de cette ville. Il rédigea à cette époque
une intéressante compilation : la Philosophie du peuple
slave dans les proverbes (Prague, 1852). un a publié après
sa mort : Leçons de grammaire comparée des langues
slaves (Prague, 1853) ; Leçons sur les commencements
de rhistoire de la civilisation et de la littérature des
Slaves (Prague, 1877). Sa Correspondance a été publiée
en 1865. Sa correspondance avec Bohuslava Rajska est
comprise dans le volume intitulé : Zlet probuzeni (les
Années de réveil; Prague, 1872). Le rôle de Czelakovsky
dans la renaissance intellectuelle de la Bohème a été des
plus considérables. Il a été avec Kollar le chef d'une école
vraiment nationale ; quelques-unes de ses œuvres ont eu jus-
qu'à six éditions, chiffre considérable pour une littérature
aussi restreinte que celle du peuple tchèque. — Ses deux fils,
Ladislas et Jaromir, occupent un rang honorable dans la
littérature tchèque. M. Ladislas Czelakovsky a publié un
grand nombre de travaux relatifs à la botanique ; M . Ja-
romir, professeur d'histoire du droit bohème à l'université
de Prague, a donné diverses monographies relatives à
l'étude des institutions et des textes juridiques. L. L.
BiBL. : Hanusz, Czelakovsky ; Prague, 1862.— Backovsky,
- 731 —
CZELAKOVSKY — CZCERNÏG
la Littérature tchèque au xix« siècle (en tchèque). --
L. Léger et J. Frigz, la Bohême historique ; Paris, 1867.
CZENSTOGHOWA. Ville de Pologne, située dans le gou-
vernement de Piotrkov, sur la Warta et sur le ch. de fer
de Vienne à Varsovie. Elle possède depuis le xiv® siècle
une image de la Vierge attribuée à saint Luc et qui est
l'objet de nombreux pèlerinages. Cette image était gardée
dans un monastère fortifié qui a Joué un rôle considérable
dans l'histoire de Pologne. Il est surtout célèbre par la
résistance héroïque et efficace que sa garnison, composée
de 70 moines et de 150 soldats, sous les ordres du prieur
Kordecki, opposa à 10,000 Suédois (1655). La population
de Czenstochowa est de 15,000 hab.
CZERAMOSZ. Riv. de l'Autriche-Hongrie , affluent de
droite du Pruth. Elle prend sa source dans les Carpates et
sert de frontière entre la Galicie et la Bukovine.
CZERMAK (Jaroslaw) (V. Cermak),
CZERMAK (Johann-Nepomuk) (V. Cermak).
CZERNAHORA. Montagne de la chaîne des Carpates
(2,000 m.).
CZERNIEWICZ (Stanislas), vicaire général de la Com-
pagnie de Jésus, reconstituée en Russie (V. Brzozowski
[Thaddée], t. VIII, p. 292).
CZERNIN ou CERNIN. Grande famille de Bohême qui
remonte au xiii^ siècle. Ses principaux représentants ont
été Herman Czernin, né en 1579, mort en 1651. Il fit en
1598 un vovage en Palestine, en Egypte et au mont Sinaï.
En 1663, ifdevint chambellan de Rodolphe IL En 1616, il
fut envoyé en ambassade auprès du sultan Achmet. Lors
delà révolte de Bohême (1618) il resta fidèle à l'empereur.
En 1623, il fut fait baron de l'Empire et en 1644 comte.
Cette même année, il fut chargé d'une seconde mission en
Turquie. Le journal de son ambassade à Constantinople a
été publié par M. Miklosich dans la Slawische Bibliotek
(t. II), en 1856 dans le journal Lumir, — Jean-Rodolphe
Czernin, né en 1757, mort en 1845, fut président de
l'Académie des beaux-arts de Vienne et forma une galerie
renommée. — Charles-Eugène Czernin, né en 1796 à
Vienne, mort en i868, a constitué à Indrichuv Hradec
d'importantes archives. Il fut lié avec Gœthe, Dubrovsky,
Palacky, et collabora à quelques-uns des travaux de cet
historien. L. L.
CZ E R N 0 W ITZ (en roumain Cernauti) .Ville del'Autriche-
Hongrie, capitale de la Bukovine. Elle est située sur le
Pruth, à 200 m. d'alt. sur le ch. de fer de Lv^ow (Lemberg)
à lassy. Sa population , qui est d'env. 45,000 hab., se
compose de Ruthènes, de Roumains, de Polonais, d'Ar-
méniens, d'Allemands et d'Israéhtes. Elle fait un grand
commerce avec la Russie et la Roumanie. Elle est le siège
d'une université (fondée en 1735) qui compte environ trois
cents étudiants, du gouvernement de la Bukovine, du com-
mandement d'une brigade, d'une cour d'appel, d'un évêché
orthodoxe, etc. Ses principaux édifices sont la cathédrale
orthodoxe et l'église arménienne. L. L.
CZERNY ou'CERNY (Jean), en latin Niger, médecin
tchèque du xvi® siècle. Il appartenait à la secte des frères
bohèmes et a laissé quelques livres de médecine et de
théologie, notamment un herbier qui a eu trois éditions.
— Czèrny (Jean), en latin Mgr anus, théologien tchèque
du XVI® siècle. Appartenant aussi à la secte des frères
bohèmes, il dut émigrer en Pologne. Il créa les archives de
la secte qui sont conservées aujourd'hui à Herrnhut et à
Prague. Il revint à diverses reprises incognito en Bohême
et en Moravie. Il a laissé quelques écrits. L. L.
BiBL. : JiRECZEK, Maïiuel de littérature tchèque; Prague,
1875, t. I.
CZERNY (Charles), musicien d'origine tchèque, né à
Vienne le 21 févr. 1791, mort à Vienne le 15 juil. 1857.
Il fut l'élève de Beethoven et de Clémente et le professeur
de la reine Victoria. Il a publié environ 1,000 composi-
tions pour le piano, notamment une méthode qui est deve-
nue classique ; il a écrit en allemand Umriss der Musik-
geschichte (Mayence, 1851) et Praktische Schule der
Composition (Bonn, 1840). L, L.
CZERSKI (Jean), l'un des fondateurs des communautés
de catholiques allemands (V. ce mot), né à Warlubien,
dans la Prusse occidentale, le 12 mai 1813. Il passa par le
séminaire de Posen et fut ordonné prêtre en 1842. Il se
démit de ses fonctions de vicaire à Schneidemiihl (Silésie)
en août 1844, et fonda, avec une partie de son troupeau
et indépendamment de l'agitation créée alors par Ronge
(V. ce nom), la première communauté libre catholique
allemande. Czerski se rallia d'abord à Ronge ; mais dès le
premier concile catholique allemand, réuni à Leipzig en
mars 1845, il protesta contre les tendances dogmatiques
trop négatives selon lui. En juil. 1846, onze communautés
silésiennes se séparèrent, sous l'inspiration de Czerski, du
concile de Leipzig et du parti de Ronge. Après être resté
dans l'ombre pendant quelques années, il entreprit depuis
1860 des tournées annuelles de conférences, servant ainsi
de trait d'union personnel entre les diverses communautés
libres allemandes. Une de ses brochures, Der Nachlass
des sterbenden Pabsttums (Schnpidemilhl, 1 870, 1 2<^ édit.)
eut un certain succès. F.-H. K.
CZERWENKA ou CERVENKA (Mathieu), théologien
tchèque, né en 1521, mort en 1569. Il est aussi connu
sous le nom d'Erythrœus, qui est la traduction de son nom
slave. Il entra dès l'âge de douze ans dans la secte des
frères bohèmes ; il fut le collaborateur à'Augusta (V. ce
nom). Il fut envoyé en mission auprès des théologiens de
Strasbourg et entra en rapports avec Calvin ; il fut égale-
ment envoyé en Pologne auprès des membres de la secte.
Il a laissé quelques écrits en tchèque. L. L.
BiBL. : JiRECZEK, Manucl de littérature tchèque; Pra^^ue,
1875.
CZERWENKA ou CERVENKA (Joseph), hautboïste
tchèque, né à Benadek (Bohême) le 6 sept. 1759, mort
à Vienne le 3 juin 1835. Elève de Stiasny de Prague, il fut
appelé par son oncle François Czerwenka, bassoniste dis-
tingué, à la chapelle du prince Esterhazy, dirigée par
Haydn (1790) ; il passa à la chapelle impériale et au
théâtre de la cour de Vienne, devint professeur au Conser-
vatoire ; pour son instrument il était incomparable.
CZESKALipA (en allemand Bcehmisch Leipa). Ville du
nord de la Bohême, ch.-l. de capitainerie de cercle. Elle
est située sur le ch. de fer de Prague à Dresde; sa popu-
lation dépasse 10,000 hab.
CZESLAW, saint polonais, né en 1186, mort à Bresïau
en 1242. Il fit partie de l'ordre des dominicains et fonda
un grand nombre de monastères, en Pologne, en Silésie,
en Moravie et en Bohême. Il était le frère de saint Jacek
ou saint Hyacinthe. L. L,
CZETZ (Jean), général hongrois, né à Gidofalva en Tran-
sylvanie en 1822. Après avoir fait ses études militaires à
l'académie de Wiener Neustad, il entra dans l'armée autri-
chienne. En 1848, il fut rappelé en Hongrie et devint
aide de camp de Meszaros. Kossuth le nomma chef de
l'état-major en Transylvanie. Il joua un rôle considérable
dans l'armée de Bem qui, en 1849, lui fit donner le titre
de général et le commandement de la Transylvanie. Blessé
à la jambe, il ne put prendre part à la campagne contre les
Russes. Après la catastrophe de Vilagos, il réussit à se
cache?, puis à s'enfuir à Hambourg d'où il gagna l'Angle-
terre. Il a publié: Anleitungzur Erlernung der Ungaris-
chen Militcersprache fur deutsche Offlziere et Memoiren
ûber Bems Feldzug (Hambourg, 1850). L. Léger.
CZŒRNIG VON CzERNHAusEN (Karl), statisticien autri-
chien, né à Czernhausen, en Bohême, le 5 mai 1804,
mort à Gôrz le 5 oct. 1889. Après avoir servi dans l'admi-
nistration à Trieste et en ItaUe, il devint directeur de la
commission centrale de statistique à Vienne. Il fut chargé
de diverses missions à l'étranger, et représenta son gou-
vernement dans les congrès statistiques. Il a publié un
grand nombre d'ouvrages relatifs à la statistique dont les
principaux sont : Statistisches Handbuch fur die OEster-
reichische Monarchie (Vienne, 1861, 4^ éd.); OEster-
reichs Neagestaltung (Vienne, 1859; Das Land Gœrz
CZOERNIG — CZYNSKI
732 —
und Gradiska (Vienne, 4873-4874, 2 vol.); Die alten
Vœlker Oberitaliens (Vienne, 4885) ; Die ethnologischen
Verhœltnisse desœster. Mstenlands (Trieste, 4885). Le
plus important de ses travaux est son Ethnographie der Os-
terr. Monarchia (Vienne, 4855-4857, 3 vol.). L'empereur
d'Autriche l'avait élevé dès 4 852 au titre de baron. L. L.
CZORTKOW. Ville de l'empire d'Autriche. Elle est située
en Galicie, sur le Sereth. Sa population est de 4,000 hab.
CZUC20R (Gregor), poète hongrois, né à Andod le
47 déc. 4800, mort à Budapest du choléra le 9 sept.
4866. Il s'adonna d'abord aux études théologiques, plus
tard à la philologie magyare, car il fut l'un des principaux
rédacteurs du Dictionnaire de l'Académie. Mais ce qui l'a
rendu célèbre, ce sont ses poésies épiques, dont le prin-
cipal héros est Jean Hunyade, et ses pièces lyriques popu-
laires. L'une de celles-ci lui valut un emprisonnement de
deux ans (4849-4854). Il a composé aussi des fables, une
Vie de Washington^ et des traductions d'auteurs latins en
magyar. Ses poésies complètes ont paru à Budapest (4858,
3 vol.). E. S.
BiBL. : ToLDY, A Magyar Kœletszet.
CZYNSKI (Jean), publiciste polonais, né à Praga, près
de Varsovie, en 4804, mort à Londres en 1867. Il était
avocat lorsque éclata la révolution de 4830 ; il y prit une
part active et dut émigrer en 4834; il s'établit à Paris,
où il pubha en français un grand nombre d'ouvrages :
le Grand-Duc Constantin, ou les Jacobins polonais
(4833-4834, 2 vol.); la Russie pittoresque (1837,
2 vol. in-4) ; Histoire de Pologne (4838); Kopernik
et ses travaux (1847) ; plusieurs romans : le Kosak
(4836, 2 vol.), le Roi des Paysans (4838, 2 vol.), etc.
Il a donné au théâtre le Roi des îles, le Bouffon, écrit
quelques ouvrages polonais et dirigé plusieurs journaux,
notamment la Pologne (4863-4864). L. L.
LA
GRANDE ENCYCLOPÉDIE
^^ef5oii,in\f
i. Ms. anglo-saxon du vu® siècle.
2. Sacramentaire de Gellone, Ms. visigothique du yiii*^ siècle.
3. Sacramentaire français du ix^ siècle.
4. Ms. anglo-saxon du x*^ siècle.
5. Ms. français du xni^ siècle. Bibl. de Laon.
6. Ms. ital. du xm^ siècle.
7. Ms. français du xiu^ siècle. Bibl. de Soissons.
8. Ms. français du xi\® siècle. Bibl. de Laon.
9. Lettre historiée du xiv^ siècle. Ms. de Laon.
10. Bibl. de Wittemberg.
Jl. Gothique des livres de chœur du xvi® siècle. Ms. du
Mont-Cassin.
12. Néogothique du xvj^ siècle.
LA GRANDE ENCYCLOPÉDIE
D
D. I. Phonétique. — Celte lettre, dans la classification
scientifique de l'alphabet, appartient à la catégorie des
explosives parmi lesquelles elle figure à titre de dentale
douce non aspirée. Pour qui considère le développement et
la distinction des sons vocaux comme le résultat d'une
évolution dont les gutturales ont été le point de départ, bien
des indices témoignent encore des rapports qui relient à celles-
ci les dentales et particulièrement le d. C'est en grec que
les traces en sont restées le plus visibles, par exemple dans
la variante a<^OL^ de la racine acpay « égorger » (aoàî^oi
auprès de ocpayri) ; citons encore la particule ôs, variante
de T£, qui correspond au sanscrit ca et au latin que.
D'autres faits, tels que le rapport du sanscrit duhitar
« fille » avec le grec GuvàTrjp ; du sanscrit dvar « porte »
avec le grec 66pa ; du latin deus et du sanscrit devas
« dieu » avec le grec Gsdç, etc., font voir que le d s'est
substitué dans beaucoup de cas à l'ancienne aspirée den-
tale forte que représente le 6 en grec. Enfin, l'adoucisse-
ment pur et simple du ^ en c? est attesté par le rapport
déjà signalé en grec de Zé et de Te ; en latin, de quod
avec le sanscrit kat, demendax avec mentior^ de qiiadru,
dans quadrupes^ avec quatuor, etc.
Dans les langues germaniques, cet adoucissement s'est
souvent produit après la chute d'un s qui précédait la den-
tale. C'est ainsi que s'explique le rapport de l'allemand
decken « couvrir » avec le grec gts'yw, de dampf « fu-
mée » avec l'anglais steam, de dumpf « sourd » avec
stumpf« obtus », etc. La plupart des faits qu'on rattache
à la loi dite de Grimm ou de substitution des consonnes,
du moins à l'initiale des mots, ont leur raison d'être dans
l'adoucissement d'anciennes consonnes fortes qui s'est pro-
duite par l'effet de conditions analogues à celles dont
l'indication précède. Comme les autres explosives, le d, à
la fin des mots dans les langues d'origine indo-européenne,
tend à devenir muet et à disparaître, sinon dans l'ortho-
graphe, du moins eu égard à la prononciation. En grec,
on n'en trouve plus de traces en pareil cas, comme on le
voit par t( pour xiâ, xd pour toS, etc.
En français, il s'écrit encore mais ne se prononce plus
dans grand, gourmand, il prend, etc. ^La prétendue
insertion d'un 8 euphonique dans le grec àvôpd;, génitif
d'âvrjp, n'est rien moins que prouvée ; du moins, le rap-
prochement avec av6pto7coç donne tout lieu de croire que
ayr[p est pour «vStjp d'un plus ancien avGrjp, de même que
le sanscrit nar « homme » serait pour ndar, La même inser-
tion apparente dans les mots français comme gendre,
auprès du latin gêner, tendre auprès du latin te7ier, etc.,
est sans doute due à l'analogie de finales en dre comme
rendre, mordre, etc., oU le d est étymologique. Comparer,
d'une part, les patois qui n'insèrent pas le 3 et disent genre
pour gendre, tenre pour tendre et, en sens inverse, les cor-
ruptions comme amandre pour amande, etc. P. Regnaud.
II. Paléographie. — Il y a peu de lettres dont la déri-
vation ancienne soit aussi visible que celle du D. De l'idéo-
gramme égyptien, les Phéniciens ont fait un triangle qui,
sans autre modification que la suppression d'une queue qui
aurait pu le faire confondre avec l'A et avec le P, est de-
venu le delta des Grecs. Il suffit ensuite que la base du
triangle fût placée à gauche et que l'angle du sommet fût
arrondi pour lui donner la forme de la lettre latine. On
trouve déjà ces caractères dans certaines inscriptions éolo-
doriennes, argiennes et attiques. Introduit en Italie par les
colonies chalcidiennes du midi de la péninsule, ce caractère
ne subit, en devenant une lettre de l'écriture latine, aucune
transformation. Son absence dans l'écriture étrusque et
dans les écritures dérivées de l'étrusque est une des raisons
de croire que l'alphabet latin dérive, non pas des anciennes
écritures italiques, mais directement de l'écriture grecque,
importée en Italie par les colonies grecques. Le tableau n^ 1
rend sensible la dérivation que nous venons d'indiquer.
Du D capital latin dérivent toutes les formes de la même
lettre qui furent en usage chez les peuples de l'occident de
l'Europe. Le D capital de nos caractères d'imprimerie est
exactement le même que celui des inscriptions latines de la
bonne époque ; mais, dès l'antiquité, la nécessité de le
tracer rapidement et d'un seul trait a donné naissance à
des formes différentes qui ont produit à leur tour la double
forme qui s'est conservée dans l'écriture moderne. Les graf-
fiti de Pompéi, les tablettes de cire et certains papyrus
nous ont conservé les formes altérées qu'avait déjà ce carac-
tère dans la cursive de l'antiquité. Déjà, dans les rouleaux
d'Herculanum et dans les graffiti de Pompéi, on voit se pro-
longer la partie supérieure de la panse au-dessus du trait
vertical qui formait la corde de l'arc, et cela donne à peu
près au D la forme qu'il affectera dans les écritures pos-
térieures. Cette forme s'accuse naturellement davantage
dans l'écriture onciale qui est une écriture capitale où les
traits se courbent et où les angles s'arrondissent. Le D est
même une des lettres caractéristiques de cette écriture, une
de celles qui la distinguent le mieux de l'écriture capitale.
Le trait vertical qui fermait la panse du D capital, s'incurve
lui-même à droite et devient une boucle, et l'ancienne panse
D
— 736
se transforme enhaste arrondie, incurvée à gauche au-dessus
de la boucle. Cette forme s'accuse davantage encore dans
l'écriture semi-onciale. La haste tend à se redresser et à
devenir verticale dans cette^écriture et dans la minuscule ;
la boucle ou panse formée à gauche diminue en même temps
de dimension; elle est le plus souvent fermée, mais parfois
4. ORIGINE ET DÉRIVATION DU D LATIN
VwnlcicAV
A^
OolO'(SûZi0tx.
-9
^A
I>DA
t> D
D D
aussi ouverte à sa partie supérieure, lorsqu'elle est liée à
une lettre qui la précède. La haste s'allonge parfois déme-
surément par le haut, surtout dans les écritures de chan-
cellerie ; quelquefois aussi elle se prolonge un peu au-
dessous de la boucle. Dans les écritures minuscules, cette
haste demeure tantôt verticale et tantôt s'arrondit et se
LX.e siècle .
X^ siècle.
XP siècle .
2. ÉCRITURES DE LA PREMIÈRE PÉRIODE DU MOYEN AGE
Écritures
antiques . .
V^ siècle. .
YP siècle .
VIP siècle.
VïIP siècle
d)
D
D
D
D
D
D
)\
o
?
u
b
DD
D
i
D
ô
Do
b
/
.<!»
bel
d
y
\
penche à gauche au-dessus de la boucle comme dans les
formes onciales. Notre tableau n** 2 donne une idée de ces
transformations depuis l'antiquité jusqu'à l'époque romane.
Les mêmes formes se sont conservées à l'époque gothique;
elles sont naturellement devenues anguleuses comme celles
de tous les autres caractères, mais n'ont pas subi de modi-
— 73T ^
3. ÉCRITURES GOTHIQUES
XIP siècle,
XIII« siècle .
XIV^ siècle .
jK0^t4àciueô
XV® siècle.
x>
DfUiûUjf>Ï44t0
D
5.
cectu^
D
Jttlêuiàcaùr
îl
Cun^âi^
>
J
9a
ÎX^ 3^
4. ÉCRITURES MODERNES
DZcû^^wlcjuc
J^OHuxiA^e^
OtûJcicfue/
OcKÂiwU'ieà J&ut!k
Jôaiondc/
m
Dd
Dd
^)>
2>7
5. ÉCRITURES DITES NATIONALES
Mérovingienne. . .
Lombarde
Visigothique.
Irlandaise.
Anglo-Saxonne .
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XllL
Ccupitcx^
thtdûJic^
Cwulvc^
JïCUuâSaJbè/
û
6
a
U
D
ô
j
î>4
D
^b
ei c
cJ
t)
T»
^
4
D
b
4
a
i) — DABEAUX
— 738
lications profondes. Au xn® siècle, cependant, dans les écri-
tures minuscule et cursive, la haste arrondie a pris souvent
un grand développement et est devenue une sorte déboucle,
tandis que l'ancienne boucle ou panse inférieure, réduite
à un caractère rudimentaire, ne sert plus guère que de
liaison avec la lettre précédente. Les différentes formes du
D dans les écritures gothiques sont réunies dans notre
tableau n° 3.
Les deux formes du D minuscule et cursif, employées
concurremment pendant tout le moyen âge, ont persisté
dans récriture moderne. La première s'est finie dans le
romain des caractères typographiques, mais toutes deux
sont demeurées en usage dans l'écriture ordinaire, en
France du moins. La seconde, plus rapide et qui n'exige
qu'un trait de plume, y est d'un emploi plus fréquent que
la première dans l'écriture courante. Il est curieux de
remarquer que les mêmes transformations se sont produites
dans l'écriture grecque et y ont donné naissance à la
double forme du delta minuscule qui se rapproche beau-
coup des deux formes du D des écritures latines.
Le D n'a eu de forme spéciale dans aucune des anciennes
écritures dites nationales. On peut voir seulement, par le
tableau n" 5, comment ses formes ordinaires s'y sont ac-
conimodées aux caractères propres à chacune de ces
écritures.
Les calligraphes et les enlumineurs du moyen âge n'ont
guère utilisé pour leurs lettrines et leurs grandes lettres
ornées ou historiées que les deux formes capitale et onciale.
Notre frontispice donne une idée du parti qu'ils ont su en
tirer. "^^^
m. Logique. — En logique la lettre D, initiale du mode
darii de la première figure du syllogisme, est donnée pour
initiale aux noms des modes des autres figures qui doivent
se modeler sur le mode darii, quand on veut les ramener
à la première figure.
IV. Musique. — Cette lettre représentait la note ré
dans l'alphabet dit de Boèce ; elle n'avait pas de clef
comme Vut et le fa ; dans la notation en Allemagne elle
désigne le ton de ré majeur.
V. Mathématiques. — Signe de la différenciation (V.
Différentielles). En chiffres romains, D vaut 500,
DâA (Ludvig-Christensen Daae, ensuite), publiciste et
homme politique norvégien, né au presbytère de Saltdalen,
à Fiskevaag (Nordland), le 19 août 1809, mort le 12 juin
1877. Etant docent à l'université de Christiania (1835),
il se vit préférer (1837) P.~A. Munch et Schweigaard
pour les chaires d'histoire et d'économie politique; il se
jeta dans le journalisme, fut élu député d'Akershus (1842),
devint président de l'Odelsthing (1845), mais rentra dans
l'enseignement comme adjoint à l'école cathédrale de Chris-
tiania (1850). Il devint lecteur (1862), puis professeur
d'histoire à l'université (1866). Le musée ethnographique,
dont il fut directeur depuis 1863, s'accrut notablement par
ses soins. Outre de nombreuses publications politiques et
pédagogiques et de remarquables articles de journaux et de
revues, on lui doit : Relations des familles lithuanienne
et slave (1851) ; Analogies entre les langues des tri-
bus septentrionales de l'ancien et du nouveau monde
(Christiania, 1 857 ; en anglais, dans Transactions of the
philo logical Society, Londres, 1857) ; Magnus Falsen
(1860) ; les Germains ont-ils émigré en Scandinavie
par le Nord ou le Sud? (1869) ; Développement des
nationalités (I, 1869); Esquisses de la Laponie, du
littoral karélien et de la Finlande (1870), qui est la
relation d'un voyage fait par lui en 1867. B-s.
DAAE (Ludvig), homme poU tique norvégien, né à
Borgund (amt de Romsdal), le 24 avr. 1829. Après avoir
été receveur du Sœndmœre (1869), il y devint juge du
canton septentrional (1876), puis caissier de la douane à
Christianssand. Libéral modéré, il a joué, en qualité de
député du Romsdal (1859-1879) et des villes d'Alesund et
de Molde (depuis 1886), un rôle important au Storthing
dont il présida une des sections, le Lagthing (1872). Il fut
ministre de la guerre dans le cabinet Sverdrup (1884-
1885). On lui doit quelques études historiques. B-s.
DAAE (Ludvig-Ludvigsson), savant historien norvégien,
né au presbytère d'Areraark le 7 déc. 1834. Après avoir
enseigné àDrammen (1860-63) et dans divers établisse-
ments à Christiania, notamment à l'école militaire (1872-
1880), il devint professeur d'histoire (1876) à l'université
de Christiania, dont il était déjà bibliothécaire (1869).
Outre de nombreux mémoires dans la Revue de la Société
historique norvégienne, dont il fut l'un des fondateurs
(1869), et dans d'autres recueils, il a publié : Histoire
ecclésiastique du diocèse de Throndhjem depuis la
lié formation jusqu'en i8i4 (Throndhjem, 1863) ;
V Ancienne Christiania, i624-i8i4 (Christiania, 1871;
nouv. édit,, 1890-91) ; Esquisses his toriques (iSl S, 1878,
I, II); les Saints de la Norvège (1879); Histoire de
Christian /®^ comme roi de Norvège, i44S-i458 (1 879);
Gerhard Schœning (1880); les Norvégiens émigrés en
Hollande et en Angleterre (1880) ; VHumaniste et sati-
riste JohanLauremberg (1 884) ; Ludvig Holberg (1886);
et plusieurs bons manuels d'histoire. Les résultats de ses
fructueuses recherches dans les archives de la Scandinavie et
de l'Allemagne sont consignés dans : Choix de lettres écrites
par des Norvégiens distingués à R, Nyerup (1861) ;
Extraits des papiers de Joh. von Bûlow (1864) ; Docu-
ments pour l'histoire de VEglise norvégienne au
xviii^sféc/g (1864); Lettres écrites par des danois et
des Norvégiens après la séparation des deux pays
(Copenhague, 1876); Matricules des étudiants sep-
tentrionaux aux universités étrangères (Christiania,
1885); SymbolcB ad historiam ecclesiasticam provin-
ciarum septentrionalium magni dissidii synodique
Constant iensis tempo ribus pertinentes (1888). Il a
aussi édité : Traditions locales de la Norvège (1870, I;
1^ édit. 1881 ; 1872, II). Beâuvois.
DAALDER (MétroL). Monnaie holland. qui vaut3 fr. 25.
DAAREN, DÂREN (lac de). Lac Vert ou de Sulzern
{Bar en See, 1570). Lac vosgien de la Haute-Alsace, d'une
superficie de 423 ares, et d'une profondeur de 8 à
10 m., situé à une altitude de 1,044 m., au pied de
la roche du Tanet, à 9 kil. au N.-O. de Munster. Ses
eaux, dont l'écoulement est réglé par une digue en maçon-
nerie élevée au-dessus d'une moraine frontale, se dé-
versent dans la Fecht et contribuent à alimenter les nom-
breux étabhssements industriels de la vallée de Munster.
Tous les ans, vers le mois de juillet, les eaux se troublent
et prennent pour quelques semaines un aspect verdâtre ;
de là le nom de Lac Vert. Kirschleger {Flore d'Alsace,
t. III, p. 291) attribue ce curieux phénomène à la mul-
tiplication rapide d'une conferve très mucifère. L. W.
DABAN. Chaîne de collines qui s'étend sur la côte occi-
dentale de la mer Caspienne. Sa longueur est d'environ
75 kil. Elle est couverte de forêts de pins.
DABBEH (A1-). Bourg de Nubie, sur la r. g. du'Nil,
dans le Dar-Dongola. C'est la dernière localité de la Nubie
dans la direction du S. ; au delà on entre dans le domaine
des langues nègres. Al~Dabbeh doit son importance, qui a
été considérable au temps de l'expansion de la domination
égyptienne vers le Kordofan et le Darfour, à ce qu'elle
devint une étape importante des caravanes ; c'est vers ce
point que bifurquaient leurs routes vers le Kordofan et
vers Khartoum (par le village d'Ab-Dom à 20 kil. à l'E.
sur le Nil).
DABEAUX (François), homme politique français, né à
Aurignac (Haute-Garonne) le 18 mai 1796, mort à Paris
le 10 juin 1864. H était avocat à Saint-Gaudens lorsqu'on
1834 il fut élu membre du conseil général de son dépar-
tement. Dès la première session il demanda la publicité
des séances et le droit d'émettre des vœux politiques. En
1841, il s'opposa violemment au recensement. Lorsqu'il
fut élu à la Constituante en 1848, il était candidat répu-
blicain. Il siégea pourtant au centre et, quand il fut réélu
à la Législative, il se déclara partisan de la pohtique de
739
DABEAUX — DABCECIA
l^Elysée. Après le coup d*Etat du 2 déc, il obtint les faveurs
de Napoléon Bonaparte. Maître des recjuêtes au conseil
d'Etat en 4852; préfet de FAude en 4858, il fut mis à la
retraite en 4864, et élu député comme candidat officiel.
Il fit partie de la majorité gouvernementale jusqu'à sa
mort. Louis LuciPiA.
DABERT (Nicolas-Joseph), évêque de Périgueux, assis-
tant au trône pontifical, né à Henrichemont (Cher) en
4844, Œuvres principales : Histoire de saint Thomas
de Villeneuve (Lyon, 4855, in-8, 2^ édit.); le Mois de
saint Joseph (Lyon, 4862, in -4 8); le Mois du saint
Enfant Jésus (Lyon, 4864, in~48).
DABICKA (Etienne), roi de Bosnie, de la fiti du
Xîv® siècle. Il succéda, en 4394, à son oncle Tvrdko. Il
eut à lutter contre le sultan Bajazet P^ qui le chassa de
Bosnie. Il mourut en 4396 après la bataille de Nicopolis.
Sa veuve entra dans un monastère. L. L.
DABIJA (Eustrate), prince de Moldavie, mort en sept.
4666. Ancien vornik de ce pays, il fut élevé au trône à la
mort d'Etienne, fils de Basile le Loup, grâce à l'appui du
vizir Kiupruli et à la recommandation des boyards. Il prit
part à l'attaque des Turcs contre la ville d'Ujvar (Hongrie)
avec son collègue Grégoire Ghika, en Yalachie. Il sut se
faire bien venir des Turcs qui lui permirent cle revenir à
Jassy. Il bâtit le monastère de Barnova et étabht une
fabrique de monnaie à Suceawa.
DABITIS. Terme de logique qui désigne un mode de la
quatrième figure du sî/Z/o^m?t^ (V. ce mot), où la majeure
est universelle affirmative (A), la mineure particulière
affirmative (I), et la conclusion également particulière affir-
mative. Exemple : (Juiconque dit vrai mérite d'être suivi ;
quelque fou dit vrai ; donc il y en a qui méritent d'être
suivis et ne laissent pas d'être fous. La lettre D marque
que, pour être prouvé, ce mode doit être ramené à un
darii de la première figure ; la lettre S indique que cette
opération devra se faire en convertissant simplement la
conclusion.
DABLING. Village du Bissahir (Inde septentrionale),
sur le Satledj (Himalaya occidental), à peu de distance de
la frontière du Tibet chinois. Lat. 34° 45', long. E. 76M9'.
Pays très fertile. Alt., 2,870 m. Cultures de céréales,
de noyers, d'abricotiers, de cerisiers. Les hivers y sont
très froids et les étés aussi chauds que dans les plaines de
l'Inde. Un autre petit village nommé Doubhng est consi-
déré comme un faubourg de Dabling. M. n'E.
DABNEY (Richard), poète et érudit américain, né dans
l'Etat de Virginie vers 4786, d'une famille ancienne dont
la souche avait donné les deux branches des d'Aubigné en
France et des Daubeneyen Angleterre. Dès 4842, il publiait
un petit volume de poèmes originaux et de traductions en
vers d'après les lyriques et épigrammatistes grecs, latins
et italiens. Une nouvelle édition, considérablement aug-
mentée et corrigée, a paru à Philadelphie en 4845.
DABO (Dasborc, 4094 ; Castrum de Tagisburc, 4426),
en allemand Dagsburg. Com. vosgienne de la Lorraine alle-
mande, cant. de Phalsbourg, arr. de Sarrebourg, située
à une ait. de 514 m. au milieu d'immenses forêts ;
2,745 hab. Commerce de bois très important ; scieries ;
verres à montre. Le pays de Dabo, habité dès les temps
préhistoriques et successivement occupé par les Meèioma-
trici de race celtique, les Triboci germains, les Romains
et les Francs, est extraordinairement riche en curiosités
archéologiques. Dans ses vastes forêts on a découvert plu-
sieurs monuments mégalithiques, des dolmens, des men-
hirs, une forteresse soi-disant pélasgique, consistant en
un double mur reliant deux rochers et une antique for-
tification, utihsée tour à tour par les Romains, les Alle-
mands, les Suédois et les Français, ainsi que l'on peut
en juger par maints débris d'armes, des monnaies de
toutes les époques et jusqu'à des éclats d'obus. Dans dif-
férentes localités près du village, on a mis à jour les sub-
structions de plusieurs forteresses romaines, dominant la
grande voie de Strasbourg à Metz, le long de laquelle on a
trouvé trois nécropoles gallo-romaines, avec de nombreuses
antiquités (V. la bibliographie). Ces antiquités ont disparu
en grande partie et sont disséminées dans plusieurs mu-
sées; en même temps que les ruines des temps féodaux,
elles ont été étudiées et décrites par Schœpflin, D. Calmet,
Beaulieu, L. Benoît, Goldenberg et Schneider.
Dabo était le siège d'un comté qui, dès le x® siècle, rele-
vait de l'empire et faisait partie de 1 Alsace. L'origine des
seigneurs de Dabo est fort obscure. La tradition les fait
descendre de la famille d' Athic, père de sainte Odile , Ils
avaient un manoir sur le Leonsberg, près de Walscheid,
abandonné de bonne heure, et, en même temps, probable-
ment sur l'emplacement d'une fortification romaine, dans
une position presque inexpugnable, un château fort sur la
roche, dominant le village actuel de Dabo. D'après une
vieille tradition que le nom de Dagsburg semble confir-
mer, ce manoir aurait été construit par le roi Dagobert
(V. Schœpffin, Als. ilL, II, 494). Vers la fin du x^ siècle,
Hugues III, comte d'Eguisheim, épousa Heilwigdis, fille
unique du comte Louis de Dabo, prit sa résidence'^ dans les
terres de son épouse et devint le fondateur de la famille
d'Eguisheim-Dabo. Brunon, urt de ses fils, né en 4002,
suivant les uns à Eguisheim (Haute -Alsace), suivant
d'autres à Dabo {in flnibus dulcis Elizatiœ, dit le chro-
niqueur Wibert), devint pape sous le nom de Léon IX.
Adelbert III, le dernier comte de Dabo-Eguisheim, mourut
en 4244. Gertrude, sa fille unique, épousa en troisièmes
noces Simon, comte de Linange, et mourut sans héritiers,
en 4225. Après de longues contestations, le comté de Dabo
échut, à titre de fief des évêques de Strasbourg, aux comtes
de Linange qui habitèrent le château fort de Dabo jusqu'en
1679, époque à laquelle ce vieux manoir, pris en 467T
par le baron de Montclar, fut rasé sur les ordres de
Louis XIV. Un arrêt, rendu en 4680 par le conseil supé-*
rieur d'Alsace, enleva les droits régaliens aux comtes de
Linange, ce qui ne les empêcha pas de rester en possession
de Dabo jusqu'en 4793. Après avoir été mis sous sé-
questre, le comté fut définitivement réuni à la France par
le traité de Lunéville en 4804 et annexé au dép. de la
Meurthe. Pour attirer des colons dans le terntoire de
Dabo, en majeure partie couvert de forêts et ne présentant
que quelques terres arables, les frères Jean-Louis et Phi-
lippe-George, comtes de Linange, concédèrent, en 4643,
des droits forestiers considérables aux habitants de Dabo ;
jusqu'à ce jour, grâce à ce privilège, ceux-ci tirent leur
principal moyen de subsistance du produit des forêts com-
munales qui couvrent 42,334 hect. d'un seul tenant.. Sur
le rocher de Dabo, d'une ait. de 654 m., c.-à-d. sur l'em-
placement de l'ancien château féodal dont il ne reste plus
de traces, s'élève une chapelle consacrée à saint Léon,
bâtie eh 4825. L. Will.
BiBL. : Merian, Topogr. ats., 1663, p. 13, avec deux
vues. — Schœpflin, AlsatiailL, I, 458, 529, pi. XIII; II,
194-105. — Calmet, Notice de la Lorraine, I, 806-307, pi. L
— Grandidiee, Œuvres inédites, ¥,320. — Schweighaeu-
SER, Annuaire du Bas-Rhin, 1822, 304. -- L. Benoît, JRë-
pertoire archéologique du dép. de la Meurthe ; Nancy,
1862, pp. 26-27. — Dugas de Beaulieu, Recherches sur le
comté de Dachsbourg ; Paris, 1858, 2« éd. ■— Schneider,
Beitrœge zur Geschichte der alten Befestigungen in den
Vogesen ; Trêves, 1849, pp. 20 et suiv. ~ Colle, Notice
sur le comté de Dabo ; Sarrebourg, 1852. — Salmon, les
Usages du comté de Dabo, dans Mém. de l'Acad. deMetz^
1866 et 1867. — Pariset, Monographie d'une famille de
bûcherons de l'ancien comté de Dabo, dans les Ou-
vriers des deux mondes, t. V, 2« part, pp. 387-458. —
Lehr, l'Alsace noble, I, 329. — Klein, Saverne et ses en-
virons ; Strasbourg, 1849, pp. 156-169. — L. Benoît, Notes
sur une excursion archéol. dans le comté de Dabo, dans
Mém. de la Soc. d'archéoL ioî^r. ; Nancy, XVIII, 384 et
suiv. — Revue d'Alsace, 1859, p. 123. —-BuU. de la Soc. pour
la conserv. des mon. hist. de l'Alsace, l»-» série, III, 143 \
2« série, I, 114, 117. — A. Benoît, le Schneeberg et Dabo en
1118 ; Strasbourg, 1878. — F.-X. Kraus, Kunst und Al-
terth. in Els.-Lothr. ; Strasbourg, 1889, III, 79-85. — H. Ga-
nier et J. Frœlich, Voyage aux châteaux historiques de
la chaîne des Vosges ; Paris et Nancy, 1889, L 299-320,
327-352.
U^BŒ.C\^{DaboeciaG, Don) (Bot.). Genre d'Ericacées,
DABOECIA — DACCA — 740 —
du groupe des Rhodorées. L'unique espèce, D.polifolia,
G, Don (Erica Daboeci L. ; Menûesia polifolia Juss.)
est une plante sufïrutescente à petites feuilles alternes,
blanches en dessous, à fleurs -violettes, tétramères, avec
huit étamines et un ovaire quadriloculaire, qui devient à
la maturité une capsule oblongue, à déhiscence septicide.
Le D. polifolia croit dans le sud-ouest de l'Europe. On le
cultive très fréquemment dans les jardins comme orne-
mental. Ed. Lef.
DABORMIDA (Giuseppe, comte), général et ministre
piémontais, né à Verrua di Torino le 21 nov. 1799, mort
à Buriasco di Pinerolo le 10 août 1869. Elu député
d'Avigliana, il fit partie, comme ministre de la guerre et de
la marine, du cabinet Alfieri (22 août-27oct. 1848), puis,
pour quelques heures seulement, du cabinet de Launay.
Aide de camp du roi (avr. 1850), vice-président de la
Chambre, il reçut le portefeuille des affaires étrangères
dans le second ministère Azeglio (mai-nov. 1852), et le
conserva dans le ministère Cavour jusqu'au 10 janv. 1855,
où, contraire à l'expédition de Crimée et n'ayant pu obtenir
dans le traité d'alliance avec les puissances occidentales
une clause favorable à l'Italie, il donna sa démission.
Il fut alors nommé lieutenant général et appelé deux mois
après au commandement général du corps d'artillerie. Après
la paix de Villafranca, il tint pour la troisième fois le
portefeuille des affaires étrangères dans le ministère La
Marmora-Rattazzi (juil. 1859 - janv. 1860). Le 24 juin
suivant, un comité d'artillerie ayant été substitué au com-
mandement général de cetîe arme, il en eut la présidence.
Sa santé l'obligea à prendre sa retraite le 24 oct. 1866. Il
était sénateur 'depuis le 7 nov. 1852, et avait été fait
comte en 1863.
DABORNE (Robert), auteur dramatique anglais, mort
le 23 mars 1628. Il entra dans les ordres vers 1617 et fut
doyen de Lismore (1621). De ses œuvres, qui furent nom-
breuses, subsistent seulement les deux pièces suivantes : A
Christian turn'd Turke (1612, in-4) ; the Poor-man's
comfort (1655, in~4), qui furent jouées à Drury Lane. Sa
correspondance nous apprend qu'il avait écrit, en 1613,
quatre autres pièces : Machiavell and the Deuil; the
Arraignment of London; the Bellman of London ; the
Oîvl\
DABOS (Laurent), peintre français, né à Toulouse en
1761, mort à Paris en 1835. Elève de F. -A. Vincent, cet
artiste envoya pour ses débuts deux petits tableaux repré-
sentant des Jeunes Femmes occupées à peindre^ aux
Expositions de la Jeunesse, en 1788 et 1789. Il fit ensuite
le portrait de Louis XVI écrivajit son testament, et celui
du jeune Louis XVII y au Temple, pendant la captivité de
la famille royale. Il cultiva simultanément le genre his-
torique, le genre familier et le portrait, et, dans aucune
de ces formes de la peinture, il ne sut éviter complètement
le goût prétentieusement sentimental et chevaleresque de
son époque. On peut citer comme les plus intéressantes, à
des titres divers, de ses productions: les portraits du
Cardinal du Belloy, archev. de Paris (S. 1806 ; à Ver-
sailles) et du Prince Cambacérès, archichancelier de
l'Empire, travaillant au Code Napoléon (S. 1808) ;
une Allégorie sur le mariage de l'archiduchesse Marie-
Louise avec Sa Majesté impériale et royale ; le Grand
Corneille revenant de la cour se trouve dans un
moment d'inspiration {^. 1810); V Inauguration des
beaux-arts en France par François /^'^ (S. 1817) ; un
portrait de Mirabeau tirant de son portefeuille l'adresse
à Louis XVI (S. 1833) et la Dot de la petite-fille
(S. 1834; musée de Narbonne). Parmi les très nombreuses
toiles que L. Dabos envoya aux Salons annuels, sans inter-
ruption, de 1791 à 1835, les portraits officiels figurent
pour la majeure partie. Ad. T.
BiBL. : E. Bellier DE LA Chavignerie, Notes sur l'Ex-
position de la Jeunesse, qui avait lieu chaque année à
Paris^ etc.; Bruxelles et Paris, 1864,in-8.
DABOU. Comptoir français de la Côte de l'Ivoire (Gui-
née), sur une crique de la côte septentrionale de la lagune
d'Ebrié, au sommet d'une petite coUine couverte de prai-
ries et de bois, sur la Hsière des grandes forêts, à 93 kil.
0. de Grand-Bassam . Un poste français y^fut établi vers
1845, puis retiré en 1870. Il avait été construit pour con-
tenir la tribu remuante des Bourbouri, établis au fond de
la lagune, dans le voisinage des Jack-Jack. Depuis 1870,
la maison Verdier, de La Rochelle, a maintenu à Dabou
l'influence française et conservé à la France cette région.
Le territoire fournit de très grandes quantités d'huile de
palme.
DABRA TABOR (Mont Tabor). Nom du plateau sur
lequel se trouve la ville de Samara, la capitale militaire
de l'Abyssinie depuis Théodoros en 1855. Ce plateau, situé
dans la prov. d'Amhara, en Abyssinie, fait partie du ver-
sant méridional des monts Beghemeder, à l'E. et non loin
du lac Tsana. La ville est à environ 2,500 m. d'alt. et a
une population de 3,000 hab. Elle fut brûlée par Théo-
doros en 1868. — Dabra^ en éthiopien « montagne », entre
dans la composition de plusieurs autres noms de collines sur
lesquelles sont bâtis des couvents célèbres dans les fastes
religieux et historiques de l'Abyssinie, tels que Dabra
Libânos, Dabra Maryam, Dabra Berhân, Dabra Abbaï,
Dabra Ouark, Dabra Kanâcel, Dabra Karbé, Dabra
Dàino, etc. E. D.
DABROWA. Bourg de Galicie (V. Dombrowa).
DABROWSKI (V. Dombrowski).
DABRY DE Thiersânt (Claude-Philibert), diplomate et
orientahste français, né le 5 avr. 1826. Sorti de Saint-
Cyr, entra d'abord dans l'infanterie de marine. Capi-
taine au 51*^ régiment d'infanterie depuis le 16 déc.
1856, il fut nommé commissaire du gouvernement fran-
çais à Chusan et à Tien-tsin. Chargé de la gestion
du consulat de Han-kao le 28 juil. 1862, il fut nommé
consul de deuxième classe le 11 déc. 1865 et chargé, le
9 déc. 1868, de la gérance du consulat de Changhaï. II
alla ensuite à Canton (27 nov. 1869), où il fut élevé
à la première classe de son grade (2 août 1871), puis
fut envoyé à Guatemala comme consul général et chargé
d'aflaires le 26 janv. 1878. Il s'est retiré avec le
grade de ministre plénipotentiaire de première classe le
30 nov. 1884. Il a pubHé sur Textrêrae Orient des travaux
estimés. L. F.
DAÇA (V. Daza).
DA CAPO (Mus.), Cette indication, empruntée à la langue
italienne, et qu'on représente souvent par les lettres D. è.,
signifie que l'exécutant doit reprendre le morceau de
musique depuis le début, « depuis la tète ». On emploie
surtout ce signe dans les morceaux formés de deux mou-
vements, à la fin de la seconde partie, pour indiquer que
la première doit être reprise en manière de conclusion.
DACCA. I. Province. — Présidence du Bengale, nord-est
de rinde, limitée au N. par l'Assam, les Garros et les
Kassias, à l'E. par la principauté de Manipour et la Bir-
manie, au S.-E par la province de Tchittagong, au S. par
le golfe du Bengale, à l'O. par les provinces de Calcutta et
de Radjchàhî. Superficie 40,456 kil. q. ; population
9,517,498 hab., en y comprenant le Silhet et le Katchar.
La province de Dacca est divisée en quatre districts :
Mymchsing ou Maïmansing, Dacca, Faridpour et Backer-
gandsj. Les deux districts de Silhet et de Katchar ont été
récemment rattachés à l'Assam. Comme le Bengale, le
Dacca est un pays plat et marécageux, traversé par de
nombreuses rivières qui pendant les crues inondent le pays
entier. Le climat est humide, malsain ; les habitants sont
laids etchétifs, mais laborieux; la culture du riz est leur
principale occupation.
II. Ville. — Capitale de la province de Dacca,
ch.-L de district; à 240 kil. N.-E. de Calcutta (Bengale,
Indes anglaises), sur la Dalasseri, affluent du Brahma-
poutra. Lat. N. 23° 43^ long. E. 88« 5'; 69,210 hab.
Marché de riz très important, d'indigo, de bois du Tippe-
rah et des thés de l'Assam. Il y a à Dacca quelques fa-
741 —
DACCA — DACHSTEIN
briques de cotonnades, de soieries, de mousselines, des
teintureries, etc. Ses monuments sont en ruine, M. d*E.
DACE (Pierre de) ou Petrus de Dacia, savant du
xiv^ siècle, d'origine danoise. Il vint étudier à Paris, s'y
acquit une haute réputation d'éloquence et de savoir et fut
mis à la tète du collège dit de dace (V. Dagiâ), fondé en
4275 pour ses compatriotes. Elevé en 4326 au rectorat
de l'université de Paris, il eut, pour en défendre les privi-
lèges, à soutenir des luttes où il déploya autant d'énergie
que d'adresse. Il mourut dans sa patrie, chanoine de la
cathédrale de Ribe. Il a laissé un Comput et un Traité du
Calendrier (en français, mss. de la bibl. de Copenhague).
Le premier ouvrage a été imprimé en latin dans les Smp-
tores rerum danicarum (t. VI).
DACELO (Ornith.). Ce genre, défini par Leach (ZooL
Miscell.^ 1815), renferme les oiseaux que l'on désigne
vulgairement sous le nom de Martins-Chasseurs (V. Alcé-
DJNiDÉs et Martjn-Pêcheur).
DACES (V. Dacje).
DACH (Simon), poète allemand, né à Memel le 29 juil.
1605, mort à Kœnigsberg le 15 avr. 1659. Il fit ses études
à Kœnigsberg, à Wittenberg et à Magdebourg, devint
ensuite « collaborateur » (1633) et directeur-adjoint (1636)
de l'Ecole cathédrale de Kœnigsberg, et enfin professeur de
poésie à l'université (1639). Tout en enseignant la poé-
tique de l'école de Silésie à laquelle il appartenait, il célé-
bra dans ses vers la maison de Brandebourg, qui venait
de faire l'acquisition delà Prusse ducale. Il reçut du grand-
électeur, à qui il avait demandé « un champ et une chau-
mière », le petit domaine de Kuxheim. En 1656, il fut
nommé recteur de l'université de Kœnigsberg. Les poésies
qu'il avait composées en l'honneur de la maison de Bran-
debourg furent réunies sous le titre de Churbrandenlmr-
gische Rose, Âdler, Lôw und Scepter, et comprises plus
tard dans les Poetische Werke (Kœnigsberg, 1696). Les
meilleurs de ses lieder ont été mis en musique par son ami
IMmkh Albert (V. ce nom), et font partie du recueil inti-
tulé Arien oder Poetisch-musikalisches Lustwdldlein.
La chanson d'Annette de Tharau, composée pour le ma-
riage du pasteur Portatius avec Anna Neander, est restée
populaire. — Un choix des œuvres de Simon Dach a été
publié par OEsterley (Leipzig, 1876) ; une collection plus
complète se trouve dans les Publikationen des litterari-
schen Vereins (Stuttgart, 1877, n^ 130). A. B.
Bibl. : Gebauer, Simon Dach und seine Freunde als
Kirchenliederdichter ; Tubingue, 1828.
DACHA. Nom donné dans l'Afrique méridionale au
chanvre sauvage, qui est fumé seul ou avec du tabac.
DACH AU. Bourg de Bavière, prov. de Haute-Bavière, à
505 m. d'alt., près de l'Amper, à 18 kil. N.-O. de Munich,
sur la route vers Augsbourg et Ingolstadt; 3,100 hab.
Brasseries, papeteries. Château. Dachau fut au moyen âge
le centre d'un comté dont les possesseurs appartenaient à
la maison de Scheyern. Otton I®'' de Wittelsbach l'acheta
à l'extinction de cette famille. Le 3 oct. 1647, Jean de
Werth y surprit Turenne et Wrangel. — A l'O. du bourg,
sur la rive droite de l'Amper, s'étend jusqu'à l'Isar un
vaste marécage, le Dachauer Moos, long de 18 kil., large
de 6 à 12, presque inculte.
Banques de Dachau. — On appela banques de Dachau
une série de banques fondées à Munich de 1871 à 1873
sur le modèle de celle créée par Adèle Spitzer dans la rue
de Dachau (à Munich). Elles servaient aux déposants
d'énormes intérêts, puisés dans le capital apporté par eux,
et réussirent ainsi pendant quelque temps à provoquer des
apports de plus en plus considérables.
DACHERY (Dom) (V. Achery [Jean-Luc d']).
DACHEV, en polonais Daszow. Ville de Russie, Elle
est située dans le gouvernement de Kiev, sur la rivière
Sob. Un combat sanglant y fut livré en 1831 entre les
Russes et les Polonais.
DACH KO V (Catherine Romanovna, princesse), écrivain
russe, née à Saint-Pétersbourg en 1743, morte à Moscou
en 1810. Elle était fille du général comte Vorontsov. Elle
épousa fort jeune encore le prince Michel Dachkov, ofiicior
de la garde, membre d'une famille qui prétendait descendre
de Rurik. Attachée à la grande-duchesse Catherine, elle prit
part aux événements qui l'amenèrent sur le trône (1763),
et fut d'abord en grande faveur auprès d'elle. Son mari
mourut en 1764. Restée veuve, elle se consacra à l'éduca-
tion de ses enfants, à des travaux littéraires, à des intri-
gues politiques. Son activité porta ombrage à l'impéra-
trice : elle dut voyager à l'étranger. Elle se lia avec une
foule d'hommes distingués, notamment avec Voltaire. En
1782, elle rentra en grâce et fut nommée directrice de l'Aca-
démie des sciences, présidente de l'Académie russe ré-
cemment fondée (qu'il ne faut pas confondre avec l'Aca-
démie des sciences). Elle prit fort au sérieux ses fonctions
et collabora même au Dictionnaire étymologique publié
par l'Académie et rédigea pendant quelque temps le jour-
nal Sobesiednik (l'Interlocuteur). Vers la fin de sa vie
elle tomba encore en disgrâce et en 1 793 elle se retira à
Moscou. Elle avait formé une magnifique bibliothèque
qu'elle légua à la ville de Moscou. Ses œuvres littéraires
sont fort nombreuses (V. \q Dictionnaire bibliographique
des femmes auteurs russes par le prince N. Galitsyne ;
Saint-Pétersbourg, 1889). En dehors de sa collaboration
aux travaux de l'Académie il faut citer : l'Homme sans
caractère, comédie (1786), et surtout ses Mémoires écrits
primitivement en anglais et traduits en français par M. A.
des Essarts (Paris, 1859, 4 vol.) qui constituent une lecture
des plus instructives. — Son fils, Paul Mikhaïlovitch, mort
en 1807, fut le dernier des Dachkov, Il laissa en mourant
sa fortune à son cousin Hilarion Vorontsov qui, avec l'au-
torisation de l'empereur Alexandre P*", prit le nom de Vo-
rontsov-Dachkov. L. Léger.
Bibl. : L'ouvrage ci-dessus cité du prince N. Galitsyne
donne l'Indication des principaux travaux dont la princesse
a été l'objet. — Souvorine, la Princesse Dachkov; Saint-
Pétersbourg, 1888 (en russe).
DACHKOV (Dmitri Vasilievitch), homme d'Etat russe^
né dans le gouvernement de Riazan en 1784, mort en
1839, Sa famille n'avait rien de commun avec la famille
princière du même nom. Il entra en 1801 aux archives
de Moscou; en 1810 il passa au ministère de la justice,
puis en 1816 à celui des affaires étrangères. Il organisa
les consulats russes dans le Levant, devint associé du mi-
nistre delà justice, puis enfin (1832) ministre de la jus-
tice. Il y rendit de grands services (organisation des tribu-
naux de commerce, des archives, du Sénat, etc). Il prit
part au mouvement littéraire de son temps, fit partie de la
société Arzamas et combattit l'école littéraire dont Schich-
kov était le représentant. Ses œuvres littéraires sont
aujourd'hui oubliées. L. L,
DACHKOVITCH ou DASZKIEVICZ (Ostap), hetman
des Cosaques Zaporogues au xvi® siècle. Après avoir servi
dans les armées polonaises, il passa en Moscovie (1503).
Plus tard, il rentra au service du roi Sigismond. Il se dis-
tingua à diverses reprises dans les guerres contre les Mos-
covites et les Tatares. L. L,
DACHKOVKA. Bourg du gouvernement de Mogilev
(Russie). En 1812 elle fut le théâtre d'un combat entre
les troupes de Davoust et de Raevsky.
DACHSTEIN. Montagne d'Autriche sur la limite du
Salzbourg, de la Styrie et de la haute Autriche. C'est un
massif remarquable par ses sites pittoresques (vallée de
Gosau, lacs du Salzkammergut), ses mines de sel (Ischl,
Hallstadt), sa constitution géologique (plateaux pierreux
nommés Karrenfelder, csiimre spécial triasique dit
Dachsteinkalk), et ses six petits glaciers (1,002 hect. en
tout), les derniers des Alpes vers le N.-E. Le Karlseisfeld
mesure 3,700 m. de longueur sur 2,400 m. de largeur,
et toute son eau de fonte est absorbée par les fissures du
sol calcaire sous-jacent. — Les deux principaux sommets
sont le Thorstein (2,946 m.) et le Hoher^-Dackstein
(Grand Dachstein, 2,996 m.). E.-A. Martel.
Bibl. : Professeur Simony, Das Daehsteiû-Gebiet ;
DACFISTEIN - DAGIER
— 742 —
Vienne et Olmûtz, 1889, in-4. — G. Geyer, Dachstein-
Fûhrer; Vienne, 1886, in-18. — Fbeytag, Carte du Dach-
stein au 50^000^; Vienne, 1886. — Annuaires du Club alpin
français (1882) et des clubs alpins autrichiens (passim). .
DACHSTEIN (Dabechenstein, 4017). Corn, delà Basse-
Alsace, arr. et cant. do Molsheim, sur la Bruche et le che-
min de fer de Strasbourg à Saales ; 577 hab. Eglise mo-
derne avec chœur gothique du xiv^^ siècle. Dachstein était
autrefois une petite ville fortifiée des évêques de Stras-
bourg, protégée par un château fort que l'évêque Henri II
y fit élever en 4214. Elle fut brûlée en 4262 par les Stras-
bourgeois en guerre avec l'évêque Walther de Geroldseck,
dévastée par les Armagnacs en 4356, et pendant la guerre
de Dachstein, en 4420, entre la ville de Strasbourg et la
ligue des nobles, elle servit de lieu de retraite, ouvert par
l'évêque Guillaume de Diest aux seigneurs de Miillenheim,
de Zorn et de Wangen, ses alliés. Le château, détruit en
4402 et reconstruit en 4478, fut pris, en 4592, par
les Lorrains, en 4633 par les Suédois et enfin, en 4675,
par Turenne, après un bombardement de quatre jours
(V. Avolsheim). Bientôt après, les fortifications furent dé-
molies. Il n'en reste plus que deux tours au bord de la
Bruche. La petite ville de Dachstein, qui avait été pendant
longtemps un chef-lieu de bailliage des évêques de Stras-
bourg, fut cédée à la France par le traite de Ryswick
(4697). L. WiLL.
BiBL. : Strobel, Geschichte des Els.^ l, 481 et passim.
— ScHWEiGHAEUSER et GoLBÉRY, AntiQ. de l'Als.y 11,89.
~ Wilh. LoTz, Kunst-Topographie Deutschlunds ; Cas-
sel, 1863, II, 88. — Bull, de la Soc. pour la conserv. des
TYion. hist. de C Alsace., P^ série, II, 163; 2« série., I, 86,
104.
DACHT-I-KABIR. Désert sablonneux du nord-ouest de
la Perse, superficie d'environ 440,000 kil. q., couvert en
partie par plusieurs rangées de montagnes et de lagunes
saumâtres.
DACIA. Nom du Danemark et même toute la Scandinavie
dans le latin du moyen âge ; de là vient le nom de Colle-
gium Dacicunii donné à l'un des plus anciens collèges de
Paris. B-s.
DACÎCKY (Nicolas), écrivain tchèque, né en 4555,
mort en 4626. Il fit la guerre contre les Turcs et mena
comme beaucoup de ses contemporains la vie d'un cheva-
lier aventureux. Ses mémoires en langue tchèque (PamMi)^
après être restés longtemps inédits, ont été publiés par
M. Rezek dans les Monuments de Vanciemie littérature
tchèque (Prague, 4878-4880, 2 vol, in-42). L. L.
DAGIE. Ce nom désignait dans l'antiquité romaine une
grande région de l'Europe centrale, sur la rive gauche du
Danube inférieur, dans la portion comprise à peu près
entre le Temes et le Pruth; vers le N., du côté des
Carpates, elle n'avait pas de limites précises. Aujourd'hui
le plateau de Transylvanie, la plaine de Valachie, une por-
tion de la Hongrie et de la Moldavie, correspondent à la
Dacie ancienne. Les premiers habitants que les Grecs aient
connus dans ces régions lointaines, au cours du v® siècle
avant J.-C, s'appelaient les Agathyrses, les Scythes, les
Gètes, les Daces. Cette dernière tribu, qui était campée
dans les montagnes et qui était de même race que les
Thraces, fit, vers le milieu du i^^ siècle avant notre ère,
sous la conduite de son roi Bœrebistes (Burvista), la con-
quête de la majeure partie de la région du Danube infé-
rieur, à laquelle on donna alors son nom. De bonne heure,
le voisinage de ces tribus belliqueuses fut un danger pour
la domination romaine établie sur la rive droite du fleuve.
A partir d'Auguste, à peu près tous les empereurs furent
obligés de réprimer les incursions des Daces, jusqu'au
jour où Trajan so décida à planter les aigles d'une ma-
nière définitive au nord du fleuve et dans la région des
Carpates. Commencées en 401, suspendues un moment,
après une première conquête, en 404, les guerres daciques
se terminèrent en 406 par le suicide du chef des Daces,
Décébale, et le triomphe de Trajan. Un peu plus tard, entre
407 et 409, l'empereur fit de sa conquête la province
romaine de Dacie. Le pays fut promptement colonisé ; les
mines qui étaient exploitées depuis la plus haute antiquité
dans la région montagneuse, en particulier les mines de
sel et d'or, attirèrent de nombreux émigrants. Les princi-
pales cités de la région étaient : Sarmizegetusa (ruines de
Varhely), ancienne capitale de la Dacie indépendante ;
Apulum (Karlsburg), située dans le voisinage des mines
d'or et séjour d'une légion (la XIll^ gemina) ; Potaissa,
Âpoca, Porolissuniy Malva. Gouvernée par un légat im-
périal, prétorien ou consulaire suivant les époques, la pro-
vince forma plusieurs circonscriptions administratives :
sous Adrien, la Dacia super ior et hDacia inferior; un
peu plus tard, probablement sous Antonin le Pieux, la
Dacia Apulensis, la Bacia Malvensis, la Dacia Poro-
lissensis, ainsi appelées des villes oh résidait le procura-
teur de chacune d'elles. La Dacie, qui avait été la première
acquisition de l'Empire, en fut aussi la première perte;
après s'être révoltée plusieurs fois, elle parvint à s'affran-
chir solis le règne de Gallien, vers 256 ; les Romains furent
réduits alors à quelques postes fortifiés dans la région du
Temes et du Danube, jusqu'au jour où l'empereur Auré-
lien, vers 274, réunit tous les colons et les soldats qui
restaient encore au N. du Danube et les transporta sur
la rive opposée, en deçà du fleuve, dans la région qui
s'appelait alors la Mésie. Le nom de Dacie s'appliqua dé-
sormais à la région qui correspond à peu près aujourd'hui
à une partie de la Serbie et à la Bulgarie; plus fard, on
distingua dans cette nouvelle province la Dacia Ripensis,
le long du fleuve, et la Dacia Me diterranea ou Dardania,
dans la région montagneuse des Balkans. Au commence-
ment du v^ siècle, elle formait l'un des diocèses de la pré-
fecture du prétoire d'Illyrie. La Dacie proprement dite,
c.-à-d. la Dacie transdanubienne, n'avait été occupée par
les Romains que pendant cent soixante ans environ, de
Trajan à Aurélien ; cependant la langue latine y avait été
assez profondément implantée par les soldats et les mar-
chands de Rome, pour que les habitants actuels de la
majeure partie de cette région parlent encore un dialecte
latin et s'appellent eux-mêmes les Roumains (V. Rou-
manie). G. L.-G.
BiBL. : KiEPERT, Manuel de géographie ancienne. —
Th. MoMMSEN, De provinciœ Daciœ origine et fine., dans le
Corpus inscript, latin., III, p. 160 et suiv. -— Th. Momm-
SEN, Histoire romaine, t. IX de la traduct. franc, {les
Provinces romaines). — Xénopol, îes Guerres daciques de
l'empereur Trajan {Revue historique., 1886). —• V. aussi la
bibliographie du mot Roumanie.
D ACIER (André), érudit français, né à Castres le
6 avr. 4654, mort à Paris le 48 sept. 4722. R était fils
de Jean Dacier, avocat protestant, qui avait présidé le
synode de 4654 et mourut vers 4692, et de Suzanne Fal-
(jueroUes. Lorsque le collège de Castres eut été confié aux
jésuites (47 nov. 4 664), il alla étudier à Puylaurens, puis
à l'académie protestante de Saumur sous Tanneguy Lefèvre
qu'il perdit en 4672, ayant vingt et un ans. Venu à Paris
pour étudier le droit, il y continua ses études d'érudition
et se fit connaître par un premier volume de sa traduction
d'Horace (Paris, 4684) qui ne devait être achevée qu'en
4709 (40 vol. in-42) et par des Remarques sur Longin
que Roileau inséra dans la seconde édition de sa traduction du
Traité du sublime (Paris, 4683). La même année il publia,
dans la collection des classiques anciens Ad usum Del-
phini, les traités de Festus et de M. Valerius Flaccus, De
Verborum sig?iificatione (Paris, 4684, et Amsterdam,
4699, in-4). L'année suivante parut son édition avec
traduction latine des Anagogicœ contemplationes in
Hexœmeron d'Anastase le Sinaïte (Londres, 4682, in-4).
Son mariage avec la fille de son ancien maître, Tanneguy
Lefèvre, qui eut lieu en 4683, accrut encore entre les
deux époux une émulation de science qui s'était montrée
déjà dans leurs précédents travaux. Après un séjour de
deux ans en Languedoc, pendant lequel il abjura le protes-
tantisme à Castres, il reprit le cours de ses travaux d'éru-
dition par une traduction des Réflexions morales de
MarC'Aurèle (Paris, 4694, 2 vol. in-42), entreprise à
l'instigation du premier président de Harlay et pendant
qu'il était son commensal dans sa propriété de Ménilmon-
tant. Cependant les honneurs venaient 4e chercher en
foule. En 1694, il avait été nommé garde des livres du
cabinet du roi, à la place de Fabbé de Lavau mort le 13 févr.
En juin 1695, il remplaça Féhbien à l'Académie des ins-
criptions, et la même année, le 23 juin, il fut élu membre
de l'Académie française, en remplacement de François de
Harlay, archevêque de Paris, et reçu le 28 déc. par l'abbé
de Clérembault. Il avait été chargé, avec Tallemant et
Tourreii, de travailler à VHistoire métallique du règne
de Louis XIV, ce qui lui valut, le 4 mars 1702, une pen-
sion de 1,000 livres. Ses autres travaux n'en furent pas
ralentis; il publia successivement: la Poétique d'Aris-
tote avec des remarques critiques (1692, in-4) ; VOEdipe
et VElectre de Sophocle (Paris, 1693, in-12) ; les OEtwres
d'Hippocrate (1697, 2 vol. in-12); la traduction de
quelques Dialogues de Platon (1699, 2 vol. in~12); les
Vies de Pytfiagore et d'Hiérodès avec la traduction des
Symboles et des Vers dorés du premier (1706, 2 vol.
in-12, dédiés au roi) ; le Manuel d'Epictète, avec les
traités de Simplicius (1715, 2 vol. in-12) qu'il dédia
au régent. Mais l'œuvre capitale de sa vie, avec la traduc-
tion d'Horace, fut celle des Hommes illustres de Plu-
tarque qui l'occupa pendant vingt-six ans, et dans laquelle
il fut aidé par sa femme. En 1654, il en avait donné
un premier essai (Paris, in-4); mais l'œuvre complète
ne parut qu'en 1721 (8 vol. in-4). C'est pour défendre
cette traduction qu'il publia dans le Journal des savants
(sept.-oct. 1718)une Réponse aux critiques insérées dans
V « Europe savante, >> En général, ses commentaires sont
supérieurs à ses traductions. Aussi respecté pour son carac-
tère qu'estimé pour son talent, il avait été élu secrétaire
perpétuel de l'Académie française (9.nov. 1713) en rem-
placement de Régnier Desmarais, et eut pour successeur
dans ces fonctions l'abbé Dubos. C'est en cette qualité que
le 29 avr, 1718 il alla au nom de la compagnie dénoncer
au régent le livre de l'abbé de Saint-Pierre et demander
son exclusion. Cruellement frappé, en 1720, par la mort
de la compagne de sa vie, de ses travaux, il lui sur-
vécut deux ans seulement. Dans les derniers mois de
sa vie, il avait offert sa main à W^^ Delaunay qui
en sourit un peu dans ses Mémoires. Indépendam-
ment des écrits ci-dessus énumérés, on a encore de
lui deux Mémoires dans le Recueil de V Académie
des inscriptions (H, 199, et III, 108), et des Réponses
aux discours de réception de Cousin (15 juin 1697),
et de Boze (30 mars 1715) à l'Académie française.
De son mariage, il avait eu trois enfants : un fils mort à onze
ans, alors qu'il donnait déjà de grandes espérances, et deux
filles, dont l'une mourut également avant lui et l'autre se fit
rehgieuse au monastère de Longchamp. Eugène Asse.
DACI ER (Anne Lefêvre, M"^^), femme du précédent, née
à Saumur, rue du Paradis, n° 1, en mars 1654, morte à
Paris le 17 août 1720. Elle était fille deTanneguy Lefèvre,
le célèbre humaniste, et de Marie Olivier qu'elle perdit de
bonne heure. D'heureuses dispositions qu'elle montra pour
l'étude des langues, en assistant aux leçons données à son
frère, engagèrent son père à lui apprendre le grec et le
latin, dans lesquels elle fit des progrès rapides. Elle eut
pour compagnon d'études le jeune André Dacier, élève de
son père. Mariée très jeune à un libraire de Saumur nom-
mé Jean Lesnier, cette union fut de si courte durée que,
dit un de ses biographes, « elle ne perdit pas son nom de
fille ». Après la mort de son père, en 1692, elle se ren-
dit à Paris, où, patronnée auprès du duc de Montausier,
gouverneur du dauphin, par Huet, sous-précepteur de
ce jeune prince, et par Chapelain, amis de ses parents, elle
fut choisie par lui pour travailler aux célèbres éditions
des classiques anciens Ad usum Delphini, Celle qu'elle
donna de Florus (Paris, 1674, in-4) fut même la première
qui parut , dans cette collection, en même temps qu'elle
publiait une édition avec scolies et traduction latine de Calli-
— 743 - DACIER
maque (1675, in-4). Bientôt suivirent pour la même entre-
prise :Aurelius- Victor (1681, in-4), Eutrope (1683, in-4),
Dictys Cretensis (1684, in-4). En 1681, parut sa pre-
mière traduction française, celle d'Anacréon (Paris, 1681,
in-12), que suivirent celles de trois comédies de Plante,
l'Ampliytrion, le Rudens, VEpidicus (1683, 3 voL
in-i2), du Plutus et des ISuées d'Aristophane (1684,
in-12) et de Térence (1688, 3 vol. in-12). En 1683,
elle avait épousé André Dacier, ce qui fit dire alors
plaisamment que c'était le mariage du latin et du grec.
Deux ans plus tard, les deux époux abjurèrent le protes-
tantisme à Castres (sept. 1685), où, pendant ce temps, ils
s'étaient donnés tout entiers aux études religieuses et sans
qu'on puisse attribuer leur résolution au désir de plaire
au roi, La pension de 500 écus que ce prince accorda
peu après à M. Dacier (févr. 1686) ne semble avoir été
que la juste récompense de ses travaux d'érudition. Admi-
rablement préparée par ses traductions antérieures,
W^^ Dacier entreprit alors celle d'Homère. Ce travail lui
coûta de longues années, et ce ne fut qu'en 1699 que
parut V Iliade (Paris, 4 vol. in-12) et V Odyssée neuf ans
plus tard (Amsterdam, 1708). Très remarquable, cette
traduction, même aujourd'hui, n'est pas à dédaigner. « A
force de savoir et de bonne foi, a dit Sainte-Beuve,
M^® Dacier atteint dans l'ensemble à un certain effet
homérique ; il y a une certaine naïveté et magniloquence
qui se retrouve dans sa langue naturelle plus qu'élé-
gante... Elle est peut-être, encore aujourd'hui, pour l'en-
semble, le traducteur qui donne le plus l'idée de son
Homère. » M. Egger, qui lui est un peu moins favorable,
a dit^ : « Comparée aux précédentes, sa traduction est la
première complète, par le soin qu'elle met à tout repro--
duire ; c'est la première vraiment française par la correc-
tion du style... Un défaut cependant nous choque dans
l'honnête prose de M«^® Dacier : elle répand sur les choses
et sur les personnages homériques je ne sais quelle teinta
de fade élégance qui rappelle les romans de La Calprenède
et de W"" de Scudéry. » Au moment où M'"'^' Dacier
terminait ïlliade, elle perdit sa fille, et sa douleur s'est
exprimée dans la préface du livre en une des pages les
plus touchantes et les plus simples que l'on puisse hre.
Cette traduction d'Homère qui porta à son comble la
réputation de son auteur, eut aussi pour effet de rouvrir
pour la seconde fois la querelle des Anciens et des
Modernes. En 1714, La Motte ayant publié son Iliade en
vers, réduite de vingt-quatre à douze chants, et l'ayant
fait précéder d'un Discours sur Homère, dans lequel il
admettait en quelque sorte le poète à correction, M°^^^ Dacier
prit sur tous les points la défense du poète qu'elle esti-
mait sans défaut, dans un livre qui parut la même année :
Des Causes de la corruption de goût (1714, in-12).
Dans sa réponse, La Motte mit les formes de son côté,
mais les arguments soHdes restèrent du côté deM^^ Da-
cier, qui, après avoir combattu l'adversaire d'Homère,
s'attaqua à un maladroit défenseur du poète dans son
Homère^ défendu contre l'Apologie du P, Hardouin
(1716, in-12). La mêlée était devenue générale avec la
Dissertation critique sur r Iliade (1715) de l'abbé
Terrasson, et V Homère en arbitrage du P. BufTier
(1715) : mais la paix se fit bientôt, du moins entre
M"^^ Dacier et La Motte, par les soins d'Etienne Fourmont
et de Valincourt, qui, le 5 avr. 1716, réunirent les deux
antagonistes dans un souper. « On but à la santé d'Homère
et tout se passa bien. » Son mari, croyant qu'elle lui sur-
vivrait, avait obtenu pour elle un brevet de 10,000 écus
et la survivance de sa place de garde des livres du cabinet
(22 nov. 1717), lorsqu'elle mourut d'apoplexie au Louvre,
où elle demeurait, à soixante-sept ans moins quelques
mois. Trois ans auparavant (déc. 1717) était mort à
Saumur son frère unique, converti depuis 1711, et qui
avait rempli diverses missions en Suisse et en Angleterre.
Saint-Simon nous représente ainsi M"^^ Dacier : « Elle
n'était savante que dans son cabinet ou avec les savants ;
DACIER - DACNITIS
— T44 —
partout ailleurs simple, unie, avec de l'esprit, agréable
dans la conversation, où on ne se serait pas douté qu'elle
sût rien de plus que les femmes les plus ordinaires. )>
Eugène Asse.
BiBL. : BozE, Hist. de VAcad. des Inscr. 1740, II, 276. ~
KicÉRON, Mém.. III. — Saint-Simon, Mém., III, 248. —
Dangeau, Journal, II, 395 ; V, 330. — Bodin, Recherches
hisl. sur Saumur, 1812, II, 233. — Burette, Eloge de
jVfmo Bacier. — Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, IX,
388. — Egger, l'Hellénisme en France, 1869, II, 131. —
M»"« DE Staal-Delaunay, Mém. ~- Mt"" de Lambert,
Œuvres. — Froguier, Poemata. — La Motte, Œuvres. —
H. RiGAULT, Hist. de la querelle des Anciens et des Mo-
dernes ; Paris, 1856. — V. Fournel, Biogr, générale.
DACIER (Bon-Joseph, baron), érudit français, né à Va-
lognesle 1^^ avr. 1742, mort le 4 févr. 1833. En 1772, il
publia sa traduction des Histoires d'Elien, Reçu la même
année membre de l'Académie des inscriptions et belles-
lettres, il fut en 1782 nommé secrétaire perpétuel. En 1777,
il donna sa traduction de la Cyropëdie, Nommé au commence-
ment de la Révolution membre du corps municipal de Paris,
il renonça à ces fonctions pour diriger l'établissement du
nouveau système des contributions directes. En 1795,
Dacier fut nommé de l'Institut. En 1800, il fut choisi
comme conservateur de la Bibliothèque nationale. En
1823, il fut nommé membre de l'Académie française.
Outre les travaux cités plus haut, nous devons signaler
son Rapport surJes progrès de V histoire et de la lit-
térature ancienne depuis i789 (Paris, 1870), des
Dissertations philosophiques, des Mémoires historiques
et de nombreux Eloges d'académiciens.
BiBL. : La Notice qui est en tête du Catalogue des livres
imprimés et manuscrits composant la bibliothèque de feu
M. Dacier. — Julien Travers, Annuaire du département
de la Munche, 1835, p. 220. — S. de Sac y. Notice (Mé-
moires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres ,
t. XII, 1>^« part., p. 467. — Tissot, l'Eloge de Dacier., par
son successeur à l'Académie française.
DACITE (GéoL). Terme appliqué aux andésites quand
elles deviennent quartzifères (V. Andésite).
DACKE (Nils), chef de la jacquerie suédoise de 1542-
43, nommée d'après lui Backefejden. Il appartenait à une
bonne famille de propriétaires, mais irrité d'avoir perdu un
procès, il tua le juge, s'évada et se joignit aux paysans du
Smâland soulevés, depuis 1537, contre Gustave Vasa. Il
pilla les châteaux, en massacra les possesseurs ainsi que les
fonctionnaires et, à la tête de dix mille révoltés, il re-
poussa les troupes royales et s'avança dansl'OEstergœtland.
Pendant un armistice, il entra en négociations avec plu-
sieurs princes ennemis des Vasas et notamment avec
Charles-Quint. En 1543, ses bandes cju'il n'avait pas réussi
à discipliner assiégèrent Kalmar, mais Jurent repoussées de
l'CEstergœtland. Surpris lui-même à Asunden et blessé, il
s'efforça vainement après sa guérison de rallier ses parti-
sans. Les uns disent qu'il fut pris et fusillé dans le Ble-
king; les autres qu'il s'en fut en Allemagne, rentra en
Suède longtemps après et fut incarcéré à Stockholm, où
il seraitmort de la peste en 1580 (G. -A. Ling, OEfversigt
af Backefejden., 1869). Beauvois.
DACNIS (Ornith.).Les Passereaux américains, qui cons-
tituent le genre Dacnis de Georges Cuvier {Règne ani-
mal, II, 817, l^^éd., 1. 1, p. 3^5) et dont on connaît
actuellement quatorze espèces, présentent des affinités avec
les Nectariniidés, grâce à la conformation de leur langue,
qui est pénicillée à l'extrémité, mais ils se rapprochent
plutôt des Dicéesque les Soni-Mangas typiques; ils ont aussi
des liens de parenté avec les Tangaras, avec les Mnio-
tiltidés et plus encore avec le Cœreba ou Guitguits
(V. DicÉE, Soui-Manga, Mniotiltidés et Tangarâ). La
plupart des auteurs modernes les rangent même avec les
Cœreba dans la famille de Cœrebidœ. — Comme les Guit-
guits et les Sucriers (Certhiola), les Dacnis habitent
les régions tropicales du nouveau monde et se nour-
rissent de la pulpe de certains fruits et plutôt encore
des menus insectes qui sont attirés par le nectar dans
l'intérieur des fleurs. Ils ont à peu près la taille de
nos Fauvettes, avec un bec plus conique, des pattes plus
courtes, et sont revêtus d*un plumage brillant, dont les cou-
leurs varient assez fortement d'un sexe à l'autre pour que le
mâle et la femelle d'une même espèce aient été décrits
Dacnis.
sous deux noms différents. C'est ainsi que le mâle du Dac-
nis cayana L., qui porte une livrée d'un bleu vert (cendre
bleue) éclatant, rehaussé par du noir sur le front, la gorge,
les ailes et la queue, a été nommé par Buffon Pit-pit bleu
de Cayemie, tandis que la femelle, revêtue d'une livrée
verte, recevait le nom de Gidmpereau vert du Brésil, Le
Dacnis cayana est en effet répandu depuis le Brésil méri-
dional et même depuis la Bolivie jusque dans l'Etat de Ni-
caragua. D'autres espèces, encore plus remarquables sous
le rapport du plumage, comme les Dacnis venustaL2iVfr,
et pulcherrima Sclat. se trouvent sur l'isthme de Panama,
dans l'intérieur de la Colombie et dans la république de
l'Equateur. Dans cette dernière espèce le cou est entouré
d'un collier d'un jaune d'or et chez le Dacnis venusta les
plumes des jambes sont d'un rouge écarlate, et les parties
inférieures du corps d'un noir de velours contrastant avec
la teinte bleue des parties supérieures. E. Oustalet.
BiBL. : Ph.-L. ScLATER, Cat. B. Brit. Muséum, 1886,
t. XI, p. 18.
DACNITIS (ZooL). Genre de Nématodes, créé en 1845,
par F. Dujardin.Enl850, dans leSystema helmiîtthum,
Diesing incorpore ces Nématodes au genre Cucullanus
O.-F. MûUer, opinion que Schneider partage encore en
1866. Pourtant dans la Révision der Nemaioden, publiée
en 1860, Diesing adoptait la manière de voirdeDujardin.
— Ce sont des Vers blancs, cylindriques, amincis en arrière.
La tête est aussi large, parfois même plus large que la
partie antérieure du corps et pourvue de papilles peu sail-
lantes. La bouche est une large fente verticale, située
entre deux lèvres charnues ; le bord de celles-ci est arrondi
et peut être soutenu par un arc cartilagineux, lisse ou
bordé intérieurement d'une rangée de petites dents.
L'œsophage est très épais, en forme de pilon, à canal tri-
quètre. L'intestin débute par une dilatation. L'anus s'ouvre
à quelque distance de l'extrémité ; la queue est conique. —
Le mâle est presque aussi grand que la femelle ; sa queue
est recourbée, aiguë et porte des papilles latérales ; il
possède deux spicules. La femelle a la queue droite ; la
vulve s'ouvre environ aux trois cinquièmes de la longueur
totale. Les œufs sont elliptiques ou oblongs, àcoque lisse et
mesurent 76 à 95 (x de longueur.
On connaît actuellement douze espèces de Dacnitis,
dont trois au moins (D. fusiformis Molin, D. gadorum
Van Beneden et 1). squali Dujardin) méritent d'être sou-
mises à un nouvel examen. A l'exception de D. falconis
rufl von Drasche, qui habite l'intestin d'un Oiseau (Circus
ru fus), toutes ces espèces sont parasites des Poissons :
neuf se rencontrent chez les Poissons osseux (D. atte-
nuata Molin , de Leuciscus caredanus ; D, hians Bm-^
jardin et D. <?c>7i5f^r Van Beneden, de Conger vulgaris;
— 745 -
DACNITIS — DACRYDIUM
D. platessce Van Ben., de D. platessa vulgaris^ etc.);
tine autre (D. sphaerocephalannà»), chez divers Ganoïdes
{Acîpenser sttirio^ A. sckijpa, A. Giieldenstœdti), une
dernière (D. squali Duj.) chez un Plagiostome (Galeus
canis), R. Bl.
DACOIT. Brigands de l'Inde qui torturent leurs prison-
niers pour leur extorquer de Targent. Le brigandage, fléau
de rinde il y a un demi-siècle, a décru beaucoup (V. Inde).
DA COSTA. Nom de divers personnages portugais
(V. Costa [Da]).
DA COSTA (Uriel et José) (V. Acosta).
DA COSTA (Isaac), poète et apologiste hollandais, né le
14 janv. 1798 à Amsterdam, mort le 28 avr. 1860. Issu
d'une famille israélite originaire du Portugal, Da Costa fit
ses études de droit ; il fut reçu docteur en 1821, et la
même année se convertit au christianisme. La fortune qu'il
hérita de son père lui permit de se livrer entièrement à
l'art et à ses études de prédilection. Avant 1817, déjà,
quelques-uns de ses essais poétiques avaient attiré sur lui
l'attention deBUderdijk(\. ce nom). Ce poète dirigea tout
le développement ultérieur de Da Costa, au point qu'on a
pu reprocher à ce dernier de manquer d'originalité. Beau-
coup cependant le placent au-dessus de son maître, et au
premier rang parmi les poètes néerlandais modernes. Ses
œuvres sont remarquables surtout par le souffle élevé,
national et chrétien à la fois, qui les porte ; même les
adversaires de Da Costa admirent la noblesse de son esprit.
Ses poésies ont été réunies en trois volumes {Kompleete
Dichtwerken; Haarlem, 1861-1862); ses études histo-
riques et théologiques en quatre tomes {Opstellen van
godgeleerden en geschiedkundigen inhoud, 1862).
Parmi ces poèmes on doit citer Politieke poezij et De slag
van Nieuwpoort qui célèbre la victoire de Maurice
d'Orange sur les Espagnols. Parmi ses études en prose, il
faut mentionner Karâkter van Prins Maurits (1824).
Ses Bezwaren tegen den geest der Eemv (1823),
« Plaintes sur l'esprit du siècle » et Israël en de Volken
(1849), « Israël et les nations » peuvent servir de transi-
tion à ses ouvrages d'apologétique chrétienne. Ceux-ci sont
tous populaires et dirigés pour la plupart contre l'école
de Baur (V. ce nom) et le libéralisme des théologiens de
Grœningue et de Leyde. Ils ont été beaucoup lus à leur
temps, et plusieurs ont été traduits en allemand et en an-
glais, particulièrement Over de Eenheid en Overeenstem-
ming der Evangelien (1840, 2 vol.), « De l'unité et de
l'accord des évangiles »,
BiBL. : H.-J. KoENEN, Levenshevicht, dans Handellngen
van de Maatschappij der Nederl. Letterkunde ; Amster-
dam, 1860, pp. 305-3(58. — Kate, BUderdijk en Da Costa;
Amsterdam, 1862.
DACRE (Léonard), homme politique anglais, mort en
1573, d'une puissante famille du nord de l'Angleterre,
partisan de Marie Stuart. Après la rébellion de 1569, il
se fortifia dans son domaine de Naworth Castle, et tint la
campagne avec 3,000 hommes. Battu par lord Housdon, il
s'enfuit en Ecosse, puis en Flandre, où il reçut une pen-
sion de Philippe IL II fut enterré dans l'église Saint-Ni-
colas de Bruxelles. Ch.-V. L.
DACRE (Baron) (V. Cârlïsle [Comte]).
DACRE (BarbarinaBRAND, lady), femme poète anglaise,
née en 1768, morte en 1854. Elle était fille de l'amiral
sir Chaloner Ogle. Elle composa plusieurs drames, dont
deux imités de Florian : Gonzalvo of Cordova et Peda-
riaSj des imitations de Pétrarque et d'autres poètes ita-
liens et français, ainsi que des poésies originales. Ses deux
volumes, imprimés en 1821, sous le titre de Bramas^
Iranslations and occasional Poems, ne furent pas mis
dans le commerce, non plus que ses Translations from
the Italian (1836). Lady Dacre avait en outre un joli talent
de sculpteur et excellait à modeler les animaux, surtout
le cheval. B.-H. G.
DAG R E OF THE South (Lords). Ancienne famille anglaise.
La baronnie de Dacre appartint d'abord à la puissante
maison de Vaux (V. ce nom) ; elle passa à la famille
Fiennes avec sir Richard, qui fut lord chambellan de la
reine sous Edouard IV.
Le huitième baron, sir Thomas Fiennes^ prit part à la
répression de la rébellion de Perkin Warbeck (1496-97) ;
il mourut en 1534. — Le neuvième, sir Thomas, petit-fils
du précédent, succéda à son titre en 1535. C'est une victime
célèbre de l'injustice et de la cruauté du roi Henry VIII.
Dans la nuit du 30 avril 1541, lord Dacre et quelques amis,
au cours d'une partie de plaisir, se prirent de querelle avec
des inconnus dont l'un fut tué on ne sait par qui. Le roi
força son conseil privé à poursuivre le gentilhomme qui fut
jugé le 27 juin à la cour du banc du roi présidée par le lord
chancelier Audley de Walden. Après avoir protesté de son
innocence, lord Dacre, suivant des conseils perfides, se re-*
connut coupable et se remit à la merci du roi. Il fut con-
damné à mort, mais ses juges implorèrent sa grâce. Henry
la refusa obstinément. Lord Dacre fut exécuté à Tyburn le
29 juin 1541. Cet effroyable événement causa une vive
émotion populaire. — Son fils, Gregory^ né en 1539, mort
à Chelsea le 25 sept. 1594, fut rétabli dans tous ses titres
et biens par acte du parlement, en 1558. Il épousa Anne
Sackville, fille du trésorier de l'Echiquier de la reine Elisa-
beth, dont il n'eut pas d'enfants. Son héritage passa à sa
sœur Margaret, femme de Sampson Lennard, qui fut créée
baronne Dacre en 1604. Le titre passa donc aux Lennard,
puis aux Barret-Lennard, aux Trevor, aux Brand. Il est
actuellement porté par le vingt-deuxième baron Dacre,
Thomas -Crosbie -William -Brand Trevor, né en 1808,
ex-lord-lieutenant du comté d'Essex, sous-gouverneur du
comté d'Hertford. R. S.
DACRES (sir Richard James), maréchal anglais, né en
1799, mort en 1886, fit sa carrière dans l'artillerie, prit
part aux batailles de l'Aima, de Balaclava et d'ïnkermann
en Crimée, Retraité en 1869, il fut appointé constable de
la Tour de Londres. Ch.-V. L*
DACRES (sir Sydney Colpoys), amiral anglais, né en
1807, mort en 1884, frère du précédent, prit part aux
guerres de Morée et de Crimée. Il est mort directeur du
Greenwich HospitaL Ch.-V. L.
DACRIDIUM (Malac). Genre de Mollusques Lamelli-
branches, de l'ordre des Sollinacés, établi par Torell en 1859
pour une coquille de forme plus ou moins trapézoïde à
portion antérieure courte, dilatée en arrière, à test recou-
vert d'un épidémie lisse, peu épais ; un ligament interne
logé dans une fossette située sous les crochets ; une char-
nière composée de deux dents crénelées, dont l'antérieure
obtuse a la forme d'un tubercule, tandis que la postérieure
est allongée et parallèle au bord. Ce genre, encore peu
nombreux en espèces, habite les mers du Nord, l'océan
Atlantique. J. Mâbille.
DACRYDIUM. L Botanique. — • {Dacrydiiim Soland.).
Genre de Conifères, du groupe des Taxinées, dont les
représentants habitent principalement l'archipel Indien et la
Nouvelle-Zélande. Ce sont des arbres ou des arbustes tou-
jours verts, à feuilles très petites, opposées en croix, et à
fleurs dioïques, les mâles disposées en chatons terminaux,
entourés à leur base de bractées imbriquées, et formés de
nombreuses étamines bractéiformes, dont la partie dilatée
supporte deux loges d'anthères. Le fruit, entouré d'un
disque cupuliforme charnu, ouvert au sommet, renferme
une seule graine pourvue d'un albumen farineux. — Le D.
ciipressinum Soland. est un grand arbre à rameaux pen-
dants, couverts de petites feuilles linéaires et piquantes,
ordinairement de couleur brune ou rougeâtre. Il est origi-
naire de la Nouvelle-Zélande, oti on l'appelle Bimu. On le
cultive en Europe dans les jardins et les parcs. Il en est
de même du D. elatum Wall., qui croit dans les îles de
la Sonde et aux Moluques. Ed. Lef.
II. Horticulture. — Les espèces de ce genre sont re-
cherchées pour Tornementation des serres tempérées et des
orangeries. On cultive surtout : D. elatum Wall., et D,
cupressinum Soland. On multiplie ces arbres au moyen de
boutures étouffées.
DACHYOBOLUS - DACTYLIDTA
746
DACRYOBOLUS (Bot.). Champignon de la famille des
Perisporiacées à périthèce mou, céracé, globuleux, à orifice
ombiliqué et couronné par un globule gélatineux sphérique,
contenant des spores petites, ellipsoïdes, hyalines. Ex. : D.
Suclans Fries, ancien Hydnum ; D. incarnat us Blanc, à
péridiole rose carné. Espèces lignicoles, H. F.
DACRYOCYSTITE (Pathol.) (V. Lacrymales [Voies]).
DACRYOLITHE (V. Lacrymales [Glandes]).
DACRYOMYCES (Bot.). Genre de Champignons de la
famille des Trémellinées, caractérisé par un réceptacle géla-
tineux, globuleux, homogène, formé tout entier de filaments
conidifères, à sporophores bifurques, à spores cloisonnées,
OYoides (D, deliquescens)» Quatorze espèces lignicoles ou
épiphytes. H. F.
DACRYOPS. Les kystes de la glande lacrymale sont de
deux ordres : ceux qui ont pour cause des hydatides dé-
veloppés dans la glande elle-même ; ceux qui proviennent
de l'obstruction d'un des conduits excréteurs et de la ré-
tention des larmes. Les kystes hydatiqiies sont excessi-
Yement rares. Ils n'ont été observés que par Schmidt,
Jones, Bénédict et Dupuytren. Par leur développement
considérable ils peuvent occasionner des troubles sérieux
du côté de l'œil et de l'orbite, et il importe de les extirper,
quand on les a une fois reconnus. Le dacryops, ou tumeur
kystique formée aux dépens d'un conduit excréteur de la
glande lacrymale qui s'est dilaté en ampoule au-dessus de
l'obstacle, se reconnaît à sa situation à la partie supéro-
externe de la paupière, à la saillie qu'il fait à travers le
tégument, ainsi qu'à sa transparence et à sa fluctuation,
lorsqu'on le découvre. Il est facile, d'ailleurs, en renver-
sant la paupière,de retrouver à la surface les orifices des con-
duits. Si ces derniers ne sont pas entièrement obstrués, la tu-
meur se vide en partie par la compression ; elle augmente,
au contraire, sous l'influence d'une excitation artificielle
de la conjonctive ou de la glande, telle que des attouche-
ments, l'exposition à une lumière vive ou aux rayons solaires,
les efforts même que faille patient pour pousser des cris.
Traitement. Le dacryops peut s'ouvrir spontanément
par la peau ; il s'établit alors un trajet fistuleux qui a de
la peine à guérir. La ponction à l'aide d'un trocart très
fin ne donne que des résultats insuffisants ; le kyste se
vide et se reproduit bientôt après. L'excision d'une por-
tion de la paroi du kyste est encore incertaine, à cause de
la facilité avec laquelle les tissus se cicatrisent. Mieux
vaut, comme le faisait von Graefe, passer à travers le
conduit, dilaté artificiellement, une aiguille courbe munie
d'un fil de soie qu'on fait ressortir à 4 ou 5 millim. de là,
et qu'on serre avec force. Au bout de huit ou dix jours on
retire le nœud, et si la portion de paroi n'a pas été coupée
par le fil, on la divise d'un coup de ciseaux. Après avoir
pris quelques précautions pour empêcher l'accolement des
lèvres de la plaie, on obtient généralement une large fis-
tule permanente, suffisante pour le passage des larmes et
l'affaissement de la tumeur. L'extirpation de la glande,
que M. von Wecker a faite une fois avec succès, peut être
employée comme dernière ressource. D^ Ad. Piéchaud.
DACRYTHERIUM. Mammifère fossile (V.Anoplothère).
DACTYCOTYLE (ZooL). Genre de Trématodes marins,
créé par P.-J, Van Beneden et Hesse, en 1863, et appar-
tenant à la famille des Polystomidœ et à la sous-famille
des Octocotylinœ. Le corps est allongé ; il présente deux
petites ventouses sur les côtés de la bouche et se termine
en arrière par un disque sur le pourtour duquel s'insèrent
de chaque côté quatre pédoncules massifs, libres et rétrac-
tiles, terminés chacun par une ventouse. Les œufs portent
deux filaments, dont l'un est terminé en crosse. Trois
espèces sont connues : D. pollachii^ long de 5 miUim.,
vit sur les branchies du Merlan jaune {Merlangus polla"
chius) ; D. liiscce^ long de 6 à 7 millim., vit sur les branchies
du Merlus barbu (Mo?rhua hisca) ; D. phycidis Parona
Qt^erugm est parasite de Phycis blennioides. R. Bl.
DACTYLE. I. Métrologie. — Le dactyle est un pied du
genre égal, c.-à.-d. composé de deux parties d'égale durée.
La partie forte, qui précède, est représentée par une syllabe
longue, et la partie faible par deux brèves, — kj ^ >
Lorsque ces deux brèves se contractent en une longue, le
pied devient un spondée. L'étymologie du mot dactyle
(doigt) est très incertaine . Aristide (De^Ius.^p. 26) sup-
pose qu'il provient de l'analogie entre les trois syllabes du
pied et les trois phalanges du doigt. On rattache encore
cette origine aux dactyles de l'Ida (V. Dactyles [Myth.]).
Le plus vraisemblable' est que ce pied, le plus ancien de
tous et longtemps le seul usité, a été désigné ainsi parce
que le doigt comme le pied servait à marquer la mesure.
Son caractère tranquille et majestueux lui donne un rang
intermédiaire entre les pieds lyriques et ceux qui revien-
nent le plus fréquemment dans la prose. Aristote dit qu'il
ne convient pas à la langue parlée (llhét., III, 8). Dans la
poésie grecque le dactyle est d'un très grand usage. Il
entre d'abord comme unique élément dans un certain
nombre de vers dactyliques, dont les principaux sont étu-
diés à leur place dans la Grande Encyclopédie. Leur carac-
tère commun est d'être composé de dactyles ou de spondées,
formant chacun un mètre, et d'être toujours terminés par
un pied incomplet. Les plus usités sont l'hexamètre et le
pentamètre. Dans les vers lyriques datcyliques, le spondée
est plus rare, et comme ils sont considérés comme les
membres d'une période poétique, le dernier pied peut être
un dactyle : nous citerons l'aîcmanique de quatre pieds ou
de trois pieds et demi. Les lyriques font usage aussi des
tripodies, des pentapodies complètes ou catalectiques
(V. Hexamètre, Pentamètre, Alcmanique, Tripodie, etc.).
Le dactyle entre encore dans les vers iambiques, tro-
chaïques, anapestiques, à la place de l'iambe, du trochée
et de l'anapeste; son usage y est soumis à des condi-
tions déterminées (V. Iamrique, Trochaïque, Anapes-
tique). Enfin il entre dans un grand nombre de combi-
naisons lyriques et il joue un rôle essentiel dans les vers
éoliens dits logaédiques, où il se combine avec le trochée.
Dans ce cas il est considéré comme cyclique^ c.-à-d.
comme d'une durée équivalente à celle du trochée lui-même
(V. Cyclique et Logâédique) (Cf. W. Christ., Metrik der
Griecken imd Rômer, § 175-276). A. Wâltz.
II. Botanique (V, Dactylis).
DACTYLES (Myth.gr.). Divinités grecques secondaires,
localisées autour du mont Ida de Phrygie, du mont Ida de
Crète et d'Olympie. En Phrygie, les Dactyles sont des
géants, métallurgistes et magiciens, au service de Rhea
(V. ce nom) ; on leur atribue l'invention du fer, que,
d'après Diodore, ils auraient portée à Samothrace ; on en
fait également les inventeurs de la musique, des formules
magiques d'Ephèse, du rythme appelé dactyle, de la lyre.
On' nomme parmi eux Acmon, Damnameneus, Kelmis,
Titias, Cyllenus, etc. Les Dactyles de l'Ida crétois, connus
d'Hésiode, sont considérés par les mythographes comme
originaires de Phrygie. Ils sont mêlés à la légende de Zeus
avec les Curetés et les Corybantes. A Olympie, Héraclès
ou Hercule, fondateur des jeux, est considéré comme un
Dactyle ; on racontait qu'il était venu avec ses frères,
Peoneus, Epimédès, Jasias et Idas, de l'Ida crétois.
BiBL. : Welcker, Griechische Gœtterlehre, t. IL —
LoBECK, De Maris Dactylis^ dans VAglaophamus,
DACTYLETHRA (Erpét.). Genre de Batraciens Anoures,
de l'ordre des Aglosses, caractérisé par une tête arrondie
en avant, aplatie ; une pupille ronde, le palais lisse, le
tympan caché, les parotides nulles ; les doigts sont coni-
ques, pointus, entièrement hbres; les orteils sont large-
ment palmés. Ce genre comprend trois formes, parmi les-
quelles on peut citer le Dactylethra capensis. Son dos est
d'un brun roussâtre, portant souvent des marbrures brunes
et de petites taches grises ; le ventre est blanc. Les femelles,
d'après Sauvage, se distinguent des mâles par la présence
de trois plaques dermiques près de l'anus. Les larves por-
tent de chaque côté de la bouche deux sortes de tentacules
allongées. Rochrr.
DACTYLIDIA (Paléont.) (V. Olive).
— 747 --
DACTYLÏOGLYPHES — DACTYLOPTÈRE
DACTYLIOGLYPHES. Nom sous lequel les anciens
désignaient les graveurs des pierres dont les anneaux des
personnes riches étaient ornés ; ils se servaient aussi pour
désigner les mêmes artistes du terme Lithoglyphes, Ces
deux mots équivalent à la désignation actuellement employée
de graveur en pierres fines. F. Courboïn.
DACTYLIOGRÂPHIE. Description des anneaux, et, par
extension, des pierres gravées. Quelques auteurs ont appli-
qué à tort le nom de dactyliographie à Fart de la gravure
en pierres fines plus proprement désignée sous le nom de
glyptique. F. Courboin.
DACTYLIOMANCIE (V. Divination).
DACTYLIOTHÈQUE. Transcription d'un mot composé
grec qui signifie baguier, écrin à bagues. L'usage dépor-
ter une ou deux bagues et souvent davantage étant fort
répandu dans le monde élégant de Rome, il était nécessaire
d'avoir sous la main une boîte où l'on pût les déposer pro-
visoirement, soit pendant la nuit, soit lorsqu'on était obligé
d'avoir l'entière liberté de ses doigts. On concevait si peu
qu'on pût avoir des bagues sans baguier, que les juristes
romains traitaient la question de savoir si l'attribution des
bagues par testament n'entraînait pas nécessairement l'at-
tribution de la dactyliothèque au légataire. On ne sait pas
exactement quelles formes avaient les dactyliothèques. Ces
formes, du reste, devaient être assez variables, comme le
sont aujourd'hui celles de ce qu'on appelle les vide-poches.
D'après un texte de Pline, l'usage des dactyliothèques se
répandit à Rome vers l'époque de Sylla. Aujourd'hui ce mot
désigne un cabinet, une collection de pierres gravées. L M.
DACTYLIS {Dactylis L.). I. Botanique. — Genre de
Graminées, du groupe des Festucées, dont on connaît une
trentaine d'espèces d'Europe et des régions septentrionales
de l'Asie et de l'Amérique. Ce sont des herbes annuelles
ou vivaces, caractérisées surtout par les épillets compri-
més latéralement, composés chacun de deux à sept fleurs
hermaphrodites et formant, par leur réunion, une panicule
compacte, unilatérale. L'espèce type, D. glomerata L., est
commune en Europe dans les prairies, les pâturages et les
lieux herbeux. Tant qu'elle n*est pas en fleur, elle constitue
un excellent fourrage recherché des bestiaux. Ed. Lef.
II. Agriculture. — Le dactyle pelotonné ou aggloméré,
est assez commun dans les bons herbages et dans toutes les
prairies à faucher, sauf toutefois dans celles qui sont très
sèches ou très humides. C'est une plante vivace, qui végète
de bonne heure, qui est en outre très rustique et très pro-
ductive. Elle a des racines profondes et des tiges rudes,
formant de grosses touffes ; elle repousse très bien après
la fauchaison et après avoir été été coupée par la dent du
bétail. Le dactyle est la graminée la plus estimée des prairies.
Il donne un foin un peu gros, mais d'excellente qualité.
D'après Ritthausen et Scheven, le foin de dactyle renferme
0,48 p. 400 d'azote. Alb. L.
BiBL. : Agriculture. — Vianne, Prairies et plantes
fourragères, 1870, p. 128.
DACTYLOBDELLA (ZooL). Genre d'Hirudinées, de la
famille des Ichthyobdellides, créé par P.-J. Yan Beneden
et Hesse en 4864. Les caractères sont ceux des Ponto-
bdelles, avec cette différence que la tète est couronnée d'une
double rangée de prolongements digitiformes qui servent
sans doute à la respiration. La seule espèce connue, D. mus-
teli^ vit sur un Squale {Mustelus Icevis), R. Bl.
DACTYLOGERA (Latreille,4829)(V. Phrosinâ).
DAGTYLOCOCCUS (Bot.). Genre d'Algues inférieures,
dont l'espèce principale, D. infusionum^ a un mode de
division différent de celui des Protococcus (Y. ce mot).
DACTYLOCRINUS (Paléont.) (V. Taxocrinus).
DACTYLOGRAPHE. Instrument à clavier qui permet de
transmettre, par le toucher, les signes de la parole. Chaque
touche représente une lettre de l'alphabet qui, élevée par
l'effet d'un mouvement qui lui est imprimé, se fait sentir
dans la main de la personne avec laquelle on veut établir
une conversation. Le dactylographe est un excellent moyen
de faire converser les aveugles et les sourds-muets.
DACTYL06YRUS (Zool.). Genre de Trématoâes, créé
par Diesing en 4850, pour des Vers de petite taille appar-
tenant à la famille des Gyrodactylidm et vivant en para-
sites sur les branchies des Poissons osseux. Le corps est
subcylindrique, assez rétréci en avant et pourvu de quatre
tentacules rétractiles; il se termine en arrière par un disque
biparti, armé de deux grands crochets chitineux sur la
ligne médiane et de cfuatorze petits crochets marginaux. On
en connaît environ vingt-quatre espèces : D. auriculatus
von Nordmann vit sur la Carpe, la Brème et la Tanche; D,
anchoratus Dujardin et D. elegans von Nordmann, sur la
Carpe; D. tuba \on Linstow, mv Squalius cephalus,
DACTYLOLOGIE. Mot à mot, « langage des doigts » :
tout système de signes manuels, particulièrement celui dont
se servent les sourds-muets. Ces signes peuvent être,
comme les signes écrits, alphabétiques ou syllabiques, selon
que chacun exprime une seule lettre ou un son complet. Il
y a donc divers systèmes possibles. On attribue l'invention
du premier en date au bénédictin espagnol Ponce de Léon
(fin du xvi^ siècle), (V. Sourds-Muets, Bonet [Juan-Pablo],
Dalgarno, Rodrigues Pereire). h. m.
DAGTYLOMYS (Zool.) (V. Echimys).
DACTYLOPIUS (Dactylopius Costa) (Entom.). Genre
d'Hémiptères Homoptères, de la famille des Coccides (V.
Cochenille), placé par V. Signoret {Ann. de la soc, eut,
de France^ 4874, p. 306) non loin des Cochenilles
vraies^ dont il se rapproche par le corps allongé, à
segments distincts, recouvert d'une abondante sécrétion
cireuse blanche et pulvérulente. Les Dactylopius ne se
fixent jamais et pondent leurs œufs en un ou plusieurs
amas séparés, recouverts de la même sécrétion cireuse. Les
antennes sont formées de dix articles chez le mâle adulte, de
huit chez la femelle adulte, de sept chez la larve mâle et
de six chez la larve femelle. On en connaît une quinzaine
d'espèces, dont les plus importantes sont : D. adonidum
L., D. citri Boisd. et D. vitis Nied. — La première est
bien connue des horticulteurs sous les noms vulgaires de
Pou blanc des serres, Puceron laineux. Puceron cotonneux
des serres. Elle est très répandue dans les serres chaudes
et vit indistinctement sur une foule de plantes. Le moyen
le plus efficace pour s'en débarrasser consiste, d'après
Boisduval, dans des badigeonnages d'alcool à 35° appliqués
au pinceau. — Voisin du D, adonidum^ le D. citri se ren-
contre abondamment dans le midi de la France, surtout
dans le Var, les Alpes-Maritimes et la Corse, oti il cons-
titue un des grands ennemis des orangers et des citron-
niers ; il couvre les branches, les feuilles, les fruits de son
vêtement cotonneux et anéantit souvent les trois quarts de
la récolte des oranges ou des citrons. Il est d'autant plus
nuisible qu'il favorise le développement de la maladie du
noir ou morphée, plus connue sous le nom de Fumagine
(V. ce mot). Il en est de même du D. vitis ou Cochenille
blanche de la vigne, qui, d'après plusieurs auteurs
(V. Planchon, Bull. Soc. des agric, de France, n° du
45 juil. 4870) serait l'insecte dont parle Strabon (livre VII,
chap. v) comme produisant la maladie désignée par les
anciens Grecs sous le nom de (pôsipt'wcjiç. Cette espèce,
commune en Orient, oti elle est souvent très nuisible, vit
sur le tronc, les sarments, le revers des feuilles et les
fruits de la vigne. On la trouve dans toute la région de
l'olivier, mais elle ne paraît pas s'être beaucoup multipliée
jusqu'ici dans le midi de la France ; peut-être par suite de
l'emploi que l'on fait du soufre contre Voidium, Ed. Lef.
BiBL. : Valéry-Mayet, les Insectes de lavigne^ 1890, p. 39.
DACTYLOPOGON (Paléont.) (V. Scopelus).
DACTYLOPTÈRE (ïchtyol.). Genre de Poissons osseux
(Téleostéens) , de l'ordre des Acanthoptérigiens Cotlo-
Scombriformes et de la famille des Cataphracti, ayant
pour caractère : corps allongé, conique, couvert de grandes
écailles rudes, fortement carénées, et formant par leur
ensemble des séries longitudinales de crêtes tranchantes.
Museau court, bouche petite ; pectorales très grandes,
pouvant s'étaler en une sorte d'aile plus large. Le Dacty--
DACTYLOPTÈRE — D/EDAL^A
— 748 —
lopterus volitanSy type du genre, habite la Méditerranée
ainsi que les côtes du Brésil et des Antilles. 11 peut atteindre
la taille de 30 à 40 centim. Le corps est en dessus d'un
brun rougeâtre, tacheté de bleu ; les flancs sont rouges,
le ventre' rosé. Les pectorales brunâtres sont tachetées de
bleu. RocHBK.
BiBL. : Sauvage, dans Brehm, édit. fr. ; Poissons. —
GuNTHER, Stiidy of Fishes.
DACTYLOPUS Glaus. (Malac). Genre de Crustacés Copé-
podes marins de la famille des Harpactides. Ils ressemblent
par la forme du corps aux Canthocamptus, dont ils diffèrent
principalement par les caractères de la première paire de
pattes, qui porte des piquants robustes en forme de cro-
chets, au lieu des faibles aiguillons que l'on observe dans
ce dernier genre ; la structure de cet organe les rapproche,
au contraire, des Harpacticus, Claus a enrichi ce genre
de nombreuses espèces de la mer du Nord et de la Médi-
terranée. R. Mz.
DACTYLOSPORlUiVI (Bot.). Genre de Mucédinées à
filaments noirâtres, droits, cloisonnés, surmontés par un
capitule de spores noirâtres et cloisonnées, ovales ou muri-
formes. H. F.
DACUS (Dacus Meig.) (Entom.). Genre de Diptères Bra-
chycères, de la famille des Muscides. L'unique espèce, D.
oleœ Fabr. , est une petite mouche d'environ 4 millim. de lon-
gueur, dont les antennes ont le troisième article trois fois
plus grand que le deuxième. La têie est d'un blanc jau-
nâtre avec un point noir de chaque côté ; le prothorax, de
couleur cendrée , est traversé par trois lignes noires ;
l'abdomen est fauve avec trois bandes noires interrompues.
Ce Diptère se trouve en Toscane et en Provence, où on
le connaît de temps immémorial sous le nom de Keiron ou
Keiroun. C'est un des Insectes les plus nuisibles à l'oli-
vier. Les femelles pondent leurs œufs dans les olives et
causent ainsi des dégâts considérables.
BiBL. : Laugier, Bull. Soc. d'agriculture de Nice et des
Alpes-Maritimes^ 1884, p. 132.
DADA (Myth. gr.). Femme du Cretois Samon, allié du
Cretois Scamandre, le premier roi des Troyens ; après la
mort de son mari, elle fut violée et se tua {Fragm, hist,
grœc, III, p. 369, 21).
DADAR. Ville du Beloutchistan, prov. du Katch-Ganda-
nava, sur la rivière Boian, vers 29^ 28^ lat. N., 65^ 14'
long. E. Environ 2,000 hab. Région environnante très
fertile. Température excessivement élevée.
, DADDI (Bernardo), dit Bernardo da Firenze, célèbre
peintre italien, né vers la fin du xin^ siècle, mort à Flo-
rence vers 1350. Il était fils de Taddeo di Simone et
élève de Giotto. Son œuvre comprend des fresques et des
tableaux de chevalet, d'un style tour à tour sévère ou
gracieux. A Pise, il peignit plusieurs fresques au Campo
Santo. A Florence, il orna la porte Saint-Nicolas d'une
Madone tenant fE^ifani^ ouvrage qui subsiste encore.
La galerie des beaux-arts de Sienne possède deux précieux
tabernacles de lui. L'un, un petit triptyque, représente
au centre la Vierge assise sur un trône, entourée
d'anges et de saints, avec l'enfant Jésus dans les bras,
et sur les deux volets : la Nativité, la Crucifixion et
deux Scènes de la vie de saint Nicolas. D'autres trip-
tyques se trouvent dans l'église d'Ognissanti à Florence et
à l'académie des beaux-arts de la même ville. Le tableau
de la Crucifixion, autrefois conservé dans l'église San
Giorgio à Ruballo, se trouve aujourd'hui en Angleterre.
Daddi peignit des Scènes de la vie de sahit Laurent
dans la chapelle des Berardi à Santa Croce, et un taber-
nacle à Or San Michèle (1346). Il prit une part active à la
fondation de la Compagnie des peintres à Florence, dont il
devint un des premiers conseillers.
BiBL. : Vasari, le Vite. — Crowe et Cavalcaselle,
Histoire de la peinture en Italie.
DADDI (Cosimo), peintre florentin, né vers la fin du
xvi^ siècle et mort à Volterra en 1630. Il était élève de
Naldini. Après avoir travaillé quelque temps à Florence, il
s'établit à Volterra sur les instances du vicomte Sarquidi
et y peignit un grand nombre de toiles, parmi lesquelles
on cite, comme son œuvre maîtresse, la Visite de sainte
Elisabeth à saint Linas, Il fonda une école dont sortit
entre autres le Volterrano.
DADE (William), antiquaire anglais, né à Burton-
Agnes (Yorkshire) vers 1740, mort le 2 août 1790,
recteur de Barmston, près Bridhngton. Il fut élu membre
de la Société des antiquaires de Londres en 1783 et il
publia la même année : Proposais for the History and
Antiquities of Holderness (in -fol.). Après sa mort,
G. Poulson compléta l'œuvre en publiant d'après les notes
de Dade, the History and Antiquities of the Seignory
of Holderness (2 vol. in-4).
DADÉ NiELSSON, érudit islandais, né le 28 août 1809,
mort le 8 déc. 1856. Bien qu'il n'eût pas fait d'études en
règle, il fut surnommé frodé (le savant) et fit de pré-
cieuses collections chronologiques et biographiques. C'est
en partie sur celles-ci qu'est fondée la Liste des curés et
des prévôts de l'Islande par Svein Nielsson (Copenhague,
1869). Il laissa en manuscrit beaucoup de poésies, no-
tamment la Chanson des fiancés et Rimes sur Tor-
denskjold. B-s.
DADIN DE Hauteserre (Antoine), i//as^rm, canoniste
à tendances ultramontaines, né à Cahors en 1602, mort en
1682. Il fut professeur de droit dès 1644. (Euvres prin-
cipales : Innoceniius Ul, seu Commentarius perpetuus
in singulas decj'etaleshujusce Pontifias qiiœper libres V
Decretalium sparsœ suiit (Paris, 1666, in-foL); In libros
Clemitinarum Commentarii (Paris, 1680, in-4; Halle,
1782); Ecclesiasticœ juridictionis adversiis Car. Fevreti
etaliormn tractatns « De Abiisu » (Paris, 1703, in-4).
Toutes ses œuvres ont été réunies et éditées à Naples,
Opéra omnia (1776-1780, 11 vol. in-4). E.-H. V.
DADON (Saint), évêque de Rouen (V. Ouen [Saint]).
DADONVILLE, Coin, du dép. du Loiret, arr. et cant.
de Pithiviers ; 1,600 hab.
DADONVILLE, DADOUVILLEou D'ANDOUVILLE (Jac-
ques), poète français, qui vivait dans la première moitié
du XVI® siècle et sur la vie duquel on ne possède aucun
détail précis. Ses ouvrages sont devenus très rares et
recherchés. Nous citerons : les Regrets et Peines des mal
avisés (Paris, s. d., pet. in-8 ; Lyon, 1542, pet. in-8) ;
les Moyens d'éviter mélancolie, soi conduire et enri-
chir en tout état par Vordonnance de raison (Paris,
s. d., pet. in-8), réimprimés dans les Joyeusetés publiées
par Techener et à part (Paris, 1830, in-16), et dans le
recueil de M. de Montaiglon ; l'Honneur des nobles bla-
sons et p7vpriété de leurs armes (s. 1. n. d., pet. in-8) ;
les Ironipeurs trompés par trompeurs {^. 1. n. d., pet.
in-8) ; la Défaite des faux monnayeurs (s. 1. n. d., pet.
in-8) ; les Approches sont du bon temps (s. 1. n. d.,
pet. in-8).
DADOIL Riv. du Tarn (V. Tarn [Dép.]).
DADOXYLON (Paléont.). Eudhcher a décrit sous ce
nom et Gœppert sous celui à' Araucaintes (V. ce nom) des
bois silicifiés qui rappellent à la fois la structure des troncs
de Cordaïtes et de Conifères. Ce sont des bois composés
exclusivement de fibres vasculaires séparées par des rayons
médullaires simples et courts, comme dans les gymnos-
permes en général; les faces radiales des fibres sont
percées de ponctuations aérolées disposées comme dans
les Araucaria. Le terrain carbonifère renferme entre
autres le Dadoxylon Brandlinghii Lindl. et Hutt., le
D. Vogesiacam Ung., le D. Stephanense Gr. Eury, etc.
Grand 'Ëury identifie les Dadoxylon avec les Cordaïtes ; il
leur a trouvé fréquemment des écorces de Cordaïtes et des
moelles à'Artisia. Il y aurait donc avantage à remplacer le
mot Dadoxylon par le terme Cordaixylon proposé par
Grand'Eury. D^ L. Hn.
D/CDALŒA (Bot.). Champignon Hyménomycète de la
famille des Polyporées, à chapeau ordinairement subsessile,
plus rarement stipité ou étalé, tubéreux coriace, à trame
floconneuse se continuant sans modification dans l'hyménium
— 749
DyEDALOEA — DAFFINGEH
qui est à Forigine entièrement formé de pores réguliers,
allongés, flexueux, labyrinthiformes. Spores blanches,
ovoïdes. Espèces principales : D. cinerea, D, unicolor,
D, quercina. Cette dernière, sessile, de couleur rousse,
pâle ou grisâtre, atteint parfois 40 centim. de diamètre,
sur une épaisseur de 5 à 40. Très commune sur le tronc
des arbres (le chêne surtout), elle est employée en guise
d'étrillé douce pour les chevaux (Moyen). H. Fournier.
DAEGE (Eduard), peintre d'histoire allemand, né à
Berlin le 10 avr. 1805, mort à Berlin le 6 juin 1883. Il
fit ses premières études sous la direction de Wach et les
termina en Italie. Outre ses peintures religieuses, Daege
s'est fait remarquer par des tableaux de genre de petite
dimension. Ses ouvrages principaux se trouvent dans les
églises de Rostock et de Sigmaringen et dans la chapelle
du château de Berlin.
D A EH LIN G (Heinrich), peintre allemand, né à Hanovre
le 19 janv. 1773, mort à Berlin le 10 sept. 1850. Après
s'être établi dans cette dernière ville, en 1794, comme pro-
fesseur de dessin, il se rendit à Paris en 1802 pour étudier
la peinture. De retour en Allemagne, il fut élu, en 1811,
membre de l'académie de Berlin et, en 1814, professeur
auprès de la même compagnie. Parmi ses compositions
religieuses on cite une Descente de croix et le Christ
appelant à lui les pauvres et les misérables. La Gallerie
de Berlin possède plusieurs de ses tableaux de genre
et de paysages.
DAEIRA (Myth. gr.). Fille d'Oceanus, père d'Eleusis,
héros éponyme de la ville d'Eleusis, qu'elle eut du dieu
Hermès (Pausanias, I, 38) ; c'était une divinité locale,
assimilée à Héra, Aphrodite ou Déméter.
DAELDER (MétroL). Monnaie usitée à Hombourg, vaut
3 francs.
DAELENS (V. Delen).
D>€MONOROPS (Dœmonorops Bl.) (Bot.). Genre de
Palmiers, du groupe des Lépidocaryées, caractérisé surtout
par les spadices entourés de plusieurs spathes complètes.
Les fleurs sont polygames-dioïques, avec six étamines fer-
tiles dans les fleurs mâles. Les fleurs femelles présentent
un ovaire triloculaire, qui devient à la maturité une baie
couverte d'écaillés imbriquées et renfermant, par avor-
tement,une seule graine à albumen ruminé. — Les Dœmo-
norops habitent les Indes orientales et les îles de la
Malaisie. Leurs tiges longues et grêles, ordinairement grim-
pantes, portent des feuilles pennées à pétioles couverts
d'épines. L'espèce la plus importante est le D, Draco
Mart. {Calamus Draco Willd,), ou Rotang-Jernang, qui
croit surtout dans les îles de Sumatra et de Bornéo. Ses
petites baies globuleuses exsudent, à leur maturité, une
résine rougeâtre qui constitue le Sang-Dragon des Molu-
ques, très employé comme hémostatique, dentifrice et
astringent (V. Sang-Dragon). Ses tiges sont importées en
Europe sous le nom de Rotins et utilisées pour faire des
cannes. Ed. Lef.
DAENDELS ^erman-Willem), général hollandais, né
à Hattem le 21 oct. 1762, mort sur la côte de Guinée
le 2 mai 1818. Il exerçait la profession d'avocat dans sa
ville natale, lorsque se produisit, en 1787, un vif soulève-
ment contre le stathouder. Le gouvernement sortit vainqueur
delà lutte; Daendels, qui s'était rangé du côté des patriotes,
fut banni. Il se réfugia à Dunkerque et s'y occupa d'afl'aires
commerciales. Au début de la Révolution française, il s'en-
gagea dans les troupes de Dumouriez et fit la campagne des
Pays-Bas. Il y montra une grande valeur, devint général
de brigade dans le corps d'armée de Pichegru, et se dis-
tingua à la prise de Courtrai en 1794. La même année, il
battit un corps anglais à Boxtel, prit Crèvecœur, ZaltBom-
mel, Heusden, et reçut le gracie de lieutenant général. Son
rôle fut moins brillant dans la campagne de 1799 ; on attri-
bua à son ignorance de la topographie plusieurs échecs
subis par sa division. Il prit bientôt sa revanche, notam-
ment à Langendyk,' à Hoorn, à Medemblik, à Opmeer et à
Winkel. Peu satisfait de la manière dont le gouvernement
appréciait son mérite, il donna sa démission après la paix
d'Amiens, et entreprit une exploitation agricole. Mais ces
occupations paisibles ne convenaient pas à sa nature
ardente, et, en 1806, il offrit ses services au roi Louis.
Celui-ci le réintégra dans son grade, puis le promut au
maréchalat, lui conféra la grand'croix de l'ordre de la
Réunion, et, en 1807, l'envoya aux Indes comme gouver-
neur général. L'administration de Daendels fut féconde en
heureux résultats pour la colonie. Il créa des routes, cons-
truisit des forts, creusa des ports, annexa Bonkam et res-
serra les liens de vassahté du sultan de Djokjokarta. On
lui reprocha d'autre part d'avoir eu recours trop facilement
aux moyens violents et d'avoir manqué d'humanité. On
l'accusa même d'avoir songé à se proclamer souverain indé-
pendant dePInde. Après l'annexion delà Hollande à l'Empire,
Napoléon le rappela, approuva sa gestion et le fit grand
officier de la Légion d'honneur. En 1812, Daendels com-
manda une division de la grande armée, protégea la retraite
de la Berézina et contribua à arrêter le corps de Wittgen-
stein. Nommé gouverneur de la place de Modlin, il ne se
rendit qu'à la dernière extrémité. En 1814, il passa au
service des Pays-Bas et le roi Guillaume le chargea de
prendre possession des colonies de la côte d'Afrique resti-
tuées à la Hollande. Daendels y réprima vigoureusement la
traite et établit d'immenses plantations qui ne tardèrent
pas à prospérer. La mort vint le surprendre au milieu de
cette féconde activité. Daendels avait publié deux ouvrages
importants : Rapport des opérations de la division du
lieutenant général Daendels, depuis le 22 août jus-
qu'il la capitulation de Varmée anglaise et russe,
le i8 oct, i799 (La Haye, 1808), et Mémoire sur l'état
des possessions néerlandaises dans les Indes orientales
de iSOS à iSil (en hollandais; La Haye, 1814,4 vol.
in-fol.). E. H.
BiBL. : VONK, rinvasion des Russes et des Anglais en
Hollande (en hollandais); La Haye, 1825, in-8. — van der
Aa, Histoire de la guerre de 1193 à 1802 (en hollandais) ;
Harlem, 1840, 2 vol. in-8 ; Mémoires sur la cour de Louis^
Napoléon et sur la Hollande; Paris, 1823, in-8. — De
JoNGE, Histoire de la marine hollandaise (en hollandais);
Leyde, 1850, 3 vol. in-4. '
DAENDLIKER (Charles), historien suisse, né à Staefa
le 6 mai 1849, prof. extr. à l'université de Zurich (1887),
auteur d'une Histoire de la Suisse en 3 vol. (1883-1887).
H a également écrit : Luitprand de Crémone et ses sources
historiques (en collaboration avec J.-J. Muller, 1871);
les Causes et le Prélude des guerres de Bourgogne (1 876);
la Jeunesse et la vie privée de Hans Waldmann (1878) ;
la Diète d'Uster et le mouvement politique dans le
canton de Zurich en iSSO (1882). Ernest Stroëhlin.
D AEG DON (Paléont.) (V. Brontotuerium).
DAERSTETTEN. Village du canton de Berne, dans le
district du Bas-Simmenthal, sur la rivière la Simme ;
973 hab. Il existait autrefois dans cette contrée sauvage
bordée de hautes montagnes une abbaye de moines augus-
tins dont il est fait mention dans une bulle de 1223. Les
célèbres bains de Weissembourg sont situés dans la com-
mune de Daerstetten.
DAËT. Ville de l'Ile espagnole de Luçon (Philippines) ;
marché de riz et de chanvre de Manille.
D/ETONDAS, sculpteur grec. Originaire de Sicyone,
Daetondas n'est connu que par une seule œuvre, la statue
de Théotimos, vainqueur au pugilat des enfants, qui était
consacré à Olympie. Théotimos était fils de Moschion, un
des officiers d'Alexandre le Grand qui prirent part à l'expé-
dition d'Asie. Daetondas est, par suite, contemporain de
Lysippe, sans que toutefois la tradition le rattache à l'école
du maître sicyonien.
BiBL. : Brunn, Gesch. der Griech. Kûnstler, î, p. 418.
DAfFlNGER (Moritz-Michael), miniaturiste autrichien,
né à Vienne le 25 janv. i 790, mort à Vienne le 22 août
1849. Elève de Fiiger, il travailla pendant quelque temps à la
fabrique de porcelaine de Vienne ; dans la suite, il se con-
sacra à la peinture de portraits et plus spécialement à la
miniature. Il devint le favori de l'aristocratie autrichienne.
DAFFINGEtl — DAGNAN
- 7B0 -
Outre ses nombreux portraits, il représenta les spécimens
de la flore d'Autriche. Cette collection, composée de deux
cents types de fleurs à FaquareUe, est aujourd'hui con-
servée à l'Académie des beaux-arts de Vienne.
DAFFORNE (James), publiciste anglais, mort le 5 juin
1880. Collaborateur à ÏAH Journal pendant trente-cinq
ans, il a réuni en volumes un grand nombre de ses articles.
Nous citerons : The Pictures of Daniel Maclise; thePic-
tures of William Mulready ; the Pictures of Clarkson
Stansfield; the Life and works of E, M, Ward (4879).
Il avait traduit en anglais les Arts au moyen âge de
P T acroix
'dAFFRY (Comtes) (V. Affry [D']).
DAFILA (Ornithol.) (V. Souchet).
DAFIR. Le territoire occupé par cette tribu nomade de
l'Arabie est situé au N. du Nedjd et à l'E. du Djôf. Les
Dafir se divisent en six fractions principales qui obéissent
à un chef commun et peuvent mettre sur pied environ
4,800 cavaliers et 3,000 fantassins. Ils sont turbulents et
pillards, ce qui les fait redouter de leurs voisins les Chômer
et surtout des pèlerins persans qui, venant par Meched-Ali,
passent à proximité des vallées habitées par ces nomades.
DAFLAS, DAPHLAS ou DUFFLAS. Tribu barbare de
l'extrême orient de l'Himalaya, au N. de l'Assam. Ils se
nomment eux-mêmes Banghin et occupent les vallées boi-
sées à FE. du pays des Abors, entre la Soubanjirî et la
Soundri, au-dessus de la vallée du Brahmapoutra et du
district de Lakimpour. Ils sont séparés au N. du terri-
toire tibétain par la tribu des Akas. Ils sont de race tibé-
taine sans mélange ; peuple très primitif, sans organisation
politique et sans chef régulier, n'ayant ni prêtres ni sor-
ciers, pratiquant la polygamie et la polyandrie selon les
cas. Les Dattas vivent de chasse et de brigandage.
DAGANA. Poste établi en iS'li sur la rive g. du
Sénégal, ch.-l. de cercle, à 433 kil. N.-E. de Saint-Loiiis
et à 24 kil. de Richard-ïoll ; presque en face de l'endroit
011 le lac Cayar se décharge dans le fleuve par deux mari-
gots ; en communication directe avec Saint-Louis par
bateaux à vapeur (5,275 hab. en 4885.) — Fort cons-
truit au milieu de jardins ; commerce de gommes et de
cuirs, échangés contre les produits de l'Europe. La tempé-
rature y oscille entre les extrêmes 21*^3 et 28^3. .
D'AGAR (Jacques), peintre français (V. Agard).
DAGELET (Ile). Petite île de la mer du Japon, entre la
Corée et Nipon, plus connue sous le nom japonais de Mat-
sou-sima que sous celui de Dagelet que lui donna Lapé-
rouse ; elle est montueuse et boisée.
DAGHESTAN. Vaste région du Caucase comprise entre
410 15/ _ 430 22 lat. N. et 42« 55^ — 46^8'' long. E.,
limitée au N. par la province du Terek, à FO. et au
S. par les gouvernements de Tiflis, Elisavetpol et Bakou,
et s'étendant à FE. jusqu'à la mer Caspienne. Superficie
totale, 28,540 kil. q. ; 593,500 hab. presque tous Les-
ghiens. La région est traversée dans toutes les direc-
tions par de hautes chaînes de montagnes (d'où son nom :
Daghestan, pays des montagnes), dont les principales,
les monts d'Anoukh et d'Andi, occupent un espace d'en-
viron 5,500 kil. q. Un grand nombre de sommets sont
couverts par des neiges perpétuelles. Toute la partie
haute du Daghestan, comprenant environ deux tiers
du territoire, est impropre à la culture. Les froids y sont
excessifs et l'élevage des bestiaux constitue presque l'unique
ressource de la population. Dans les parties basses,
au contraire, le sol est très fertile. Au point de vue admi-
nistratif, le Daghestan forme une province divisée en
neuf districts : Andi, Avar, Gounib, Kazikoumouhh, Darghin
et Samour pour la région élevée; Temir-khan-Choiira,
Kaïtago-Tabasseran et Kurine, pour la partie basse du
pays. Le nombre des lieux habités est de 4,030 ; les
villes principales sont : Temîr-khan-Choura (4,400 hab.),
Petrovsk (3,600 hab.) et Derbend, sur la mer Caspienne
(45,000 hab.) (V. Caucase).
DAGLAN (Daglonium), Coin, du dép. de la Dordogne,
arr, de Sarlat, cant. de Domme, au confluent du Céon et
de la Lausse; 527 hab.
DAGMAR (Marguerite, surnommée), reine de Danemark,
morte au château de Ribe le 24 mai 4242, et inhumée à
Ringsted. Fille du roi de Bohême Przemysl Ottokar le^*,
elle fut mariée en 4205 à Valdemar II le Victorieux, à
qui elle donna (4209) un fils, Valdemar, qui fut élu roi
en 4245, mais mourut avant son père. Les belles ballades
populaires oti elle figure exaltent sa tendresse conjugale,
sa douceur, sa piété. B-s.
DAGMAR (Marie-Sophie-Frederîkke), impératrice de
Russie, née à Copenhague le 26 nov. 4847. Fille du roi
de Danemark Christian IX, elle fut d'abord fiancée (4864)
avec l'héritier présomptif du trône de Russie, le grand-
duc Nicolas, et, après le décès de celui-ci (4865), mariée
avec son frère puîné Alexandre (III), le 9 nov. 4866.
Sous les prénoms de Maria Feodorowna (fille de Frederik,
Fun des noms de Christian IX), qui lui furent donnés à
son entrée dans l'Eglise grecque, elle appartient à l'his-
toire de Russie. B.-s.
DAGNAN (Isidore), peintre français, né a Marseille en
4790, mort à Paris en 4873. Cet artiste, auquel on ne
connaît pas de maître, commença par étudier les paysages
de sa province natale et peignit pendant plusieurs années
des études, sèchement exactes et sans intérêt. Il voyagea
ensuite en Suisse et en Italie, et de cette époque date Fessor de
son talent. Son tableau Jeunes Filles romaines écoutant
un berger qui pince de la guitare (S. 4849) fut remar-
qué pour sa belle vigueur d'exécution et son grand sen-
timent de la couleur. Mais ce fut le Salon de 4834 qui mit le
sceau à sa réputation ; la Vue de Paris, prise du quai de
la Cité, parut, avec sa couleur sobre et énergique,d' un puis-
sant réalisme, et reçut une médaille de première classe. Parmi
les très nombreux paysages que I. Dagnan envoya à une
quinzaine de Salons, entre 4822 et 4870, les meilleurs
sont, après le précédent : Vue de Lausanne, prise du
bois de Montrneillant (S. 4822; méd. de 2^ cl.) ; Inté-
rieur de la forêt de Fontainebleau (S. 4827; mus. de
Grenoble) ; le Pont de Saint-Bénezet,^ sur le Rhône, au
soleil levant (S. 4834; mus. d'Avignon); la Plage
d'Aren, ci Marseille (S. 4835; mus. d'Orléans); le Lac
de Genève, à Vevey (S. 4857; mus. de Montpellier), etc.
DAGNAN -BouvERET (Pascal -Adolphe -Jean), peintre
français contemporain, né à Paris en 4852. Elève de
M. Gérôme, cet artiste rompit bien vite avec la manière de son
maître, et ce fut plutôt à son intimité avec Bastien-Lepage
(ju'il faut rapporter l'origine de sa façon large, ample et
indépendante de rendre la nature ; liberté qui n'exclut pas
la fermeté du dessin et la fine observation des types et des
attitudes. Après un début modeste au Salon de 4875, il
obtint un deuxième grand prix de Rome en 4876 ; il ne
poussa pas plus loin ses tentatives académiques, et son
tableau la Mort de Manon Lescaut (S. 4878 ; méd. de
3^ cl.) le montre déjà en possession de ses formules nou-
velles ; U7îe Noce chez le photographe (S, 4879) fut
admirée pour l'entente de la composition et le rendu spiri-
tuel qui y étaient déployés ; mais ce genre, frisant la
caricature, n'était pas pour retenir longtemps M. Dagnan.
Au Salon de 4880, il montra son talent sous une forme
plus sérieuse : Un Accident (méd. de 4'® cl.) est resté
jusqu'à présent une des œuvres maîtresses de cet artiste :
la vérité des types, des expressions, surtout pour la figure
du jeune garçon blessé, la simplicité de la composition,
furent très admirées ; la Bénédiction des époux avant
le mariage en Franche-Comté (S. 1882), et Hamlet et
les Fossoyeurs (S. 1884) oti l'artiste s'est représenté lui-
même dans le personnage du prince de Danemark, mon-
trèrent un talent toujours égal, mais non plus l'excellente
inspiration du précédent tableau. Depuis cette époque,
M. Dagnan paraît s'être épris d'une affection un peu exclusive
pour les types et les costumes de la Bretagne : le Pardon
en Bretagne (4887); Paysan breton (4888). Ses tableaux
deviennent de simples études, sans grande recherche de
- 751
DAGNAN — DAGOBERT
composition, où les rudes et massives figures du Finistère
et du Morbihan sont rendues avec une sincérité un peu
dure. Le musée du Luxembourg possède deux toiles de cet
artiste : Chevaux à V abreuvoir (S. 4885) et le Pain
bénit (S. 1886). Citons encore de lui deux portraits, celui
de M. de la Rochetaillée (S. 1878), celui de i¥. Gustave
Courtois (S. 1884), et une figure, celle de Saint Her-
bland, pour l'église de Bagneux, Ad. Thiers.
DA6NEUX, Com. du dép. de FAin, arr. de Trévoux,
cant. de Montluel; 871 hab.
DAGNY. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr. de Cou-
lommiers, cant. de La Fer té-Gaucher; 779 hab.
DAGNY-Lamberty. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de
Laon, cant. de Rozay-sur-Serre ; 393 hab.
DAGÔ ou Dagden. lie de la mer Baltique, sur la côte de
Russie, gouvernement d'Estonie ; 955 kil. q., 15,000 hab.
Elle a la forme d'un quadrilatère tournant ses quatre
pointes vers les points cardinaux. Dagherort à l'O., Sim-
perness au N., Sarve à FE.et Serro au S.; elle a 47 kil.
du N. au S. et 55 de l'E. à l'O. Elle est plate et très ma-
récageuse au N.-E., oti les marais couvrent 14,000 hect.;
les bois de pins couvrent le quart de l'île, dont 7,500
hect. sont cultivés, 33,000 occupés par des prairies. Les
deux tiers des habitants sont estoniens, les autres suédois
(au N.) et allemands. Les principales locahtés sont les
petits ports de Hohenholm et Trefenhossen. Enlevé au
Danemark par la Suède en 1645, Dago fut acquis par la
Russie en 1721.
DAGOBERT l«^ roi des Francs Austrasiens de 622 à
632, des Francs de Neustrie et de Bourgogne de 628 à
638. C'est le dernier Mérovingien qui ait gouverné par
lui-même. En l'année 622, Dagobert fut associé par son
père Clotaire II au pouvoir royal; il reçut le royaume
d'Austrasie ; toutefois, son père conserva le pays à l'O. de
TArdenne et des Vosges ; il avait été forcé de concéder
à la noblesse austrasienne un roi particulier, mais gardait
le plus de territoire possible sous son autorité directe.
Sous le nom du jeune Dagobert, le pouvoir fut exercé par
les chefs des l'aristocratie, l'évêque Arnulf de Metz et Pépin
(dit l'Ancien), maire du palais. Quelques hostilités avec les
Saxons troublèrent à peine la paix. Dagobert exerçait en
Austrasie la plénitude de l'autorité royale, y compris le droit
.de vie et de mort. En 625, il réclame la restitution des pro-
. vinces démembrées de l'Austrasie. Il vient avec ses leudes
à Clichy où il épouse Gomatrude,sœur de la reine Sichilde.
Trois jours après le mariage, violente querelle entre le fils
et le père, au sujet des possessions enlevées à l'Austrasie.
On choisit douze grands, dont Arnulf, pour trancher le dif-
férend. Ceux-ci réconcilient Clotaire II et Dagobert ; on
rend à l'Austrasie tout ce qui en avait été démembré, du
moins au N. de la Loire, revenant aux limites de Sige-
bert, mais Clotaire II garde la Provence et les districts de
l'Aquitaine. C'était un succès pour l'aristocratie austra-
sienne. En 627, quand Arnulf se retire, l'évêque de Cologne,
Cunnibert, succède à son influence. L'année suivante, la
mort.de Clotaire II amène Dagobert au premier plan. Il
ajoute à l'Austrasie la Bourgogne et la Neustrie ; son
frère Caribert (V. ce nom) ne reçoit que l'Aquitaine (628).
Ce partage inégal était contraire à la tradition mérovin-
gienne; il ressort des textes que Dagobert accomplit
presque une usurpation ; il réunit ses leudes et se prépara
à entrer en campagne, envoya en Neustrie et en Bour-
gogne pour s'y faire reconnaître. Il vint à Reims, puis à
Soissons où il reçut l'hommage des grands laïques et ecclé-
siastiques de Bourgogne.il se rendit alors dans ce royaume,
.à Langres, puis à Dijon, à Saint-Jean-de-Losne, à Cha-
lon-sur-Saône; sa venue intimida les leudes, fut saluée
avec joie par le peuple et les faibles dont le roi était le
protecteur naturel ; il accomplit son rôle de justicier, entre
temps il fit tuer l'oncle maternel de Caribert, Brodulf ; puis
il revint à Paris par Autun, Auxerre et Sens ; il renvoya
à Reuilly la reine Gomatrude et la remplaça par une fille
de sa maison, Nantechilde.En 629, il fit sa chevauchée en
Austrasie et y prit pour femme Ragnetrude qui lui donna
un fils, Sigebertlll (629). Enfin il se décida à fixer sa ré-
sidence à Paris, comme avait fait son père. Les historiens
burgondes et austrasiens, tel que Frédégaire, déclarent qu'à
dater de ce moment, Dagobert empira, corrompu par la
vie facile des Neustriens. Pour se procurer de l'argent, il
en prit aux églises et même aux grands, mais il le distribua
largement aux pauvres; d'autre part il avait à la fois trois
femmes légitimes, Nantechilde ou Nanthilde, Wulfgunde
et Berchilde. En réaUté, ce qu'on lui reproche c'est de
s'être affranchi de la tutelle des grands, laïques et ecclé-
siastiques. Pépin, grâce à sa prudence, évita quelque temps
la disgrâce du roi. En 629 il fut chargé de conduire le
petit Sigebert à son oncle Caribert qui lui servit de
parrain (à Orléans). Mais Dagobert ne lui permit pas
de retourner en Austrasie ; il le retint avec ses partisans
dans la région d'Orléans. Cet exil dura jusqu'à la mort du
roi. En 630, la mort de Caribert II, bientôt suivie de celle
de son fils Chilpéric, fit de Dagobert le seul roi des Francs ;
l'Aquitaine fut réunie à ses Etats, y compris la Vasconie.
Des difficultés surgirent du côté de l'E. Le marchand
F'ranc Samo y était devenu le chef des Slaves de Bohême
et de Moravie. Ses attaques contre la Thuringe provo-
quèrent une guerre. Trois armées attaquèrent les Slaves ;
celle des Alamans et celle des Bavarois furent victorieuses,
mais celle des Austrasiens complètement défaite (630). Le
mécontentement des Austrasiens en fut très accru. Le
massacre de 9,000 réfugiés bulgares fut une piètre compen-
sation. Dagobert se rendit à Metz et se mit à la tête de
l'armée, mais ne dépassa pas Mayence. 11 fit remise aux
Saxons du tribut de 500 vaches que leur avait imposé
Clotaire P^, afin de les engager à garder la frontière contre
les Wendes (631), L'année suivante, les ravages des
Slaves Wendes s'aggravant, Dagobert se rendit de nouveau
à Metz et céda au désir des Austrasiens d'avoir un roi
distinct ; il leur donna son fils le petit Sigebert, sous le
nom duquel gouvernèrent l'évêque de Cologne Cumfert et
le duc Adalgisih (632). Lorsque en 633, Nanthilde donna
au roi un second fils Clovis, on procéda sur-le-champ,
d'accord avec les grands, à un partage éventuel de la suc-
cession ; les chefs des Austrasiens jurèrent de reconnaître
Clovis pour roi de Neustrie et de Bourgogne ; mais on
promit de rendre à Sigebert III tous les districts d'Aqui-
taine et de Provence possédés par Sigebert P^; la Provence
de Marseille, le Poitou, l'Auvergne, le Quercy,et de plus,
semble-t-il, la Touraine, le Bourbonnais, le Velay, le
Gévaudan, l'Albigeois, leRouergue, l'Uzège, Avignon, Aix
et Vence, possédés par Théodoric. Cependant'' il fallait
guerroyer sur les frontières, contre le duc de Thuringe, les
Vascons, les Bretons. De sa cour de Clichy, le roi expédiait
des ordres ; c'est là qu'il reçut les hommages du roi breton
Judicaël (635) et du duc des Vascons, Aigyna (636). Il
mourut dans sa résidence voisine d'Epinay. On sait peu de
chose du caractère de Dagobert, malgré la légende qui l'a
popularisé. Il semble avoir été assez doux et prudent, dévoué
à l'Eglise; il fut un des principaux bienfaiteurs de l'abbaye
de Saint-Denis. Ses principaux conseillers furent le référen-
daire Dado et le fameux saint Eloi{Y,ce nom). A.-M.B.
Numismatique. — Un petit nombre de monnaies mé-
rovingiennes présentent le nom de Dagobert, gravé sur
l'une de leurs faces. Ce sont toutes des sous et des tiers
de sou d'or. L'absence de date sur ces monuments en rend
l'attribution difficile à l'un des trois rois qui ont porté ce
nom. Toutefois, l'on ne peut douter que les monnaies qui
off'rent à la fois le nom de Dagobert et celui d'Eloi ne doi-
vent être attribuées à Dagobert ¥^, Les ateliers d'où sont
sorties des monnaies au nom de Dagobert P*" sont : Paris,
Marseille, Viviers, Uzès, Agaune, Bannassac, Limoges,
Verdun, Tours. A Dagobert II, on peut donner un tiers
de sou de Clermont en Auvergne. Sur un certain nombre
de tiers de sou, on trouve avec le nom du roi celui
d'un monétaire ; on ne saurait décider auquel des trois
Dagobert il convient de les attribuer. M. P.
DAGOBERT — DAGUE
75"i —
BiBL* : V. MÉROVINGIENS et de plus : Double, le Roi
Dagobert ; Paris, 1878. — Albers, Kœnig Dagobert in
Geschichte, Legend und Sage; Kaiserslautèrn, 1884.
DAGOBERT II, roi des Francs d'Austrasie , fils de
Sigebert III et petit-fils de Dagobert P^. Il fut, à la mort
de son père, détrôné par Grimoald et relégué dans un
monastère irlandais. Il passa en Angleterre oîi l'archevêque
d'York Wilfrid le protégea. En 674, les Austrasiens aux
prises avec Ebroïn (V. ce nom) le rappelèrent, après la
mort de Childéric ; il fut assassiné en 678.
DAGOBERT 111, roi des Francs de 714 à 71o ; c'était
un enfant d'une douzaine d'années quand il succéda à son
père Childebert III ; après la victoire de Testry, Pépin
d'Héristal lui donna pour maire du palais son petit-fils
âgé de six ans. Il laissa un fils nommé Thierry.
DAGOBERT, archevêque de Pise (V. Daimbert).
DAGOBERT de Fontenille (Luc-Siméon-Auguste),
général français, né à La Chapelle-en-Juger (Manche) le
8 mars 1736, mort à Puigcerdâ le 18 avr. 1794.11 entra
au régiment de Tournaisis comme sous-lieutenant et prit
part à la guerre de Sept ans. Maréchal do camp en 1792,
il fut employé à l'armée du Var et, sous Biron et sous
Brunet, il remporta d'éclatants succès à Sospello (févr.-
mars 1793). Sur la réquisition du représentant en mission,
Rouyer, le général Brunet envoya Dagobert à Perpignan
(6 mai 1793) pour y servir sous les ordres du général
Fiers, dans l'armée réunie à la hâte sur la frontière des
Pyrénées-Orientales contre l'invasion espagnole. Noble et
royaliste, Dagobert n'en montra pas moins un zèle héroïque
à défendre le territoire de la République. Ses hardis coups
de main sont restés célèbres. « L'amour qu'il avait inspiré
à ses soldats, dit Fervel, était sans exemple. C'était un
culte superstitieux. » Au printemps de 1794, il fit une
incursion victorieuse en Espagne, entra à Puigcerdâ le
1^"^ avr. 1794, s'avança dans la vallée du Sègre, enleva
aux Espagnols la position presque inexpugnable de Mon-
teilla et entra dans la ville de la Séu d'Urgel, mais ne
put en prendre la citadelle, faute d'artillerie. Atteint d'une
fièvre violente, il battit en retraite et se fit transporter en
litière à Puigcerdâ, où il mourut le 29 germinal an IL
Barère fit son oraison funèbre à la tribune de la Convention.
Il y a à la préfecture de Perpignan une remarquable
esquisse de Gamelin qui représente le général Dagobert à
l'époque de sa campagne contre les Espagnols : on en
trouvera une reproduction photographique en tête du t. Il
de V Histoire de la Révolution dans les Pyrénées-Orien-
tales par P. Vidal. F. -A. A.
DAGOMARY (Paolo), mathématicien italien {(V. Abaco
[Paolo dall']).
DAGON. Une des divinités nationales des Philistins. Il
était représenté avec la tète et le buste d'un homme et la
partie inférieure du corps en queue de poisson. (Certains
auteurs font d'ailleurs dériver son nom de l'hébreu dâg,
({ui signifie poisson.) Il est probable que son culte prit
naissance dans des contrées maritimes ; beaucoup de peuples
anciens, du reste, adoraient des divinités à forme de pois-
sons (V. Hérodote, II, 72, Xénophon, Anab., I, iv, 9,
Strabon XVII, 812, etc.). C'était la principale divinité
masculine des Philistins, tandis qu'Astarté en était la
divinité féminine. Dagon était adoré à Asdod, à Gaza et à
Ascalon. Il est mentionné plusieurs fois dans la Bible
(Juges, XVI, 23 ;1 Samuel, v, 1,1 Macchabées, x, 83,
84). Ce dieu présente beaucoup d'analogie avec le dieu,
moitié homme, moitié poisson que les Babyloniens adoraient
sous le nom d'Odacon. L. IL
DAGON EAU (Jean, Gabriel et Olivier). Ces trois frères
prirent une part très active au mouvement de la Réforme
dans le Maçonnais. Jean, receveur particulier des imposi-
tions, fut arrêté, après le massacre de la Saint-Barthé-
lémy, et, sur l'ordre de Claude de Guise, abbé de Cluny,
incarcéré à Mâcon. On lui attribue le pamphlet qui parut
en 1574 contre Claude de Guise, alors abbé de Saint-Nicaise
de Reims, sous le titre de Légende de Saint-Nicaise
(in-8). Après sa mort, — il fut empoisonné, croit-on, —
Gilbert Regnault, son ami, publia une nouvelle édition de
cette pièce, qu'il intitula Légende de dont Claude de
Guise, abbé de Cluni (1585, in-8) ; il y ajouta le récit
des longues souffrances et de la fin malheureuse de Jean
Dagoneau, L-x.
DAGONVILLE. Corn, du dép. de la Meuse, arr. et cant.
de Commercy ; 253 hab.
DAGOTY (Les). Famille de graveurs dont les membres
principaux sont : Jacques Gauthier^ né à Marseille en 1717,
mort à Paris en 1785. Demi-savant et demi-artiste, ses
estampes et ses écrits sont également médiocres. Il a publié
différents traités : Nouveau Système de l'Univers (1750) ;
Chromogénie, ou génération des couleurs ; Lettre sur
le nouvel art d'imprimer les tableaux avec quatre
couleurs (1749), etc. Ses principales gravures sont : le
portrait de M, Dufrémy ; Apollon et le Soleil levant, etc.
Il commença avec ses fils une Galerie française. Le prin-
cipal mérite de J.-G. Dagoty est d'avoir été l'initiateur de
la gravure en couleurs. Il a laissé quelques planches d'ana-
tomie aussi grossières au point de vue de l'art qu'insufli-
santes au point de vue scientifique. — Louis-Charles
Dagoty, fils du précédent, mort à Milan en 1784, surpassa
son père. Il a laissé quelques tableaux parmi lesquels les
copies d'une Halte en Egypte du Corrège et de la Vierge
à la chaise de Raphaël.
BiBL. : PoRTALis et BÉRALDi, GraveiiTS du xyiii^ siècle.
DAGOUNA (Bot.) (V. Eleusine).
DAGSBOURG (V. Dabo).
DAGUE. I. Archéologie. — Nom donné à partir du
xiv^ siècle au couteau ou poignard qu'on portait pendu à
la ceinture. La lame est toujours pointue, tantôt à deux
tranchants, tantôt à un seul; entre les deux tranchants
est pratiquée une gouttière; dans d'autres dagues la gout-
tière est remplacée par une arête médiane saillante ; au
xvi^ siècle, on fit des lames dont la section est triangulaire
avec faces évidées. A la même époque, on fit aussi des
dagues, appelées main gauche, parce qu'on s'en servait
dans les duels pour parer les coups de la main gauche, et
dont la lame se séparait en trois branches dès que l'on
appuyait sur un bouton placé à l'extrémité du manche.
On prétend que ces sortes de dagues sont d'origine
allemande ; elles auraient été en usage dans les séances
des francs-juges ; on faisait apparaître les trois lames au
moment où l'on prononçait le serment au nom de la Sainte
Trinité. L'appellation de main gauche s'appliquait aussi à
des dagues à lame simple. Les dagues du xiv® siècle ont
généralement un manche de bois dur sommé en haut
d'une rondelle et séparé de la lame par une autre
rondelle ou disque de fer formant garde. On rencontre
aussi des dagues dont le manche est orné à sa partie
supérieure de petites boules. Au xv*^ siècle, la fusée est
souvent séparée de la lame par des quillons. A la fin
du XV® siècle, on adaptait à l'une des faces de la garde une
coquille recourbée qui servait à engager et à briser la pointe
de l'épée de l'adversaire. Les dagues à oreilles, dont la
poignée se terminait par deux petits disques formant
oreilles, furent en usage en Italie, en Espagne et en France
de Louis XII jusqu'à Henri IV. Les poignées étaient en bois
ou en métal; on les ornait de ciselures, de pierres précieuses;
au XVI® siècle elles sont le plus souvent damasquinées. Les
fourreaux étaient en cuir ou en velours. Dans le costume
militaire la dague se portait pendue à la ceinture sur le
milieu du corps ; dans le costume civil on la portait à
droite ou sur les reins. Les lansquenets suisses du xvi® siècle
portaient sur les reins une grande dague, dont la gaine
était garnie de petits couteaux. La dague était d'ordon-
nance pour les piquiers encore au xvii^ siècle. M. Prou.
IL Vénerie (V. Cerf, t. X, p. 42).
BiBL. : Archéologie. — Penguilly-i/Haridon, Cata-
logue des collect. composant le musée d'artillerie, éd. 1886,
p. 41.3,— VioLLET-LE-Duc, Dictionnaire 7'aisonné du mobi"
lier français, t. V, p. 315. — Magasin jf)ittoresque, 1878,
pp. 120 et 330.— Gay^ Glossaire archéologique, p. 531.
753 -
DAGUENET — DAGUESSEAU
DA6UENET (Jacques-Adolphe), hoirimé politique fran-
çais, né à Saint-Jean-Pied-de-Port (Basses-Pyrénées) le
7 juil. '1801. Il fut magistrat pendant la Restauration et
pendant le règne de Louis-Philippe. Plusieurs fois élu dé-
puté, par le collège électoral de Saint-Palais, il se démit de
ses fonctions judiciaires à Favènement de la République en
4848. Pendant la durée de l'empire, il ne sortit pas de la
yie privée et ne reparut qu'aux élections générales du
8 févr. 4874. Elu par le dép. des Basses-Pyrénées avec
39,656 voix, il siégea au centre droit. Il s'associa à toutes
les mesures dirigées par les monarchistes contre la Répu-
blique; pourtant il vota la constitution de 4875. Aux
élections de 4876, lors de l'organisation du Sénat, il fut élu
sénateur par les Basses-Pyrénées étant à la fois candidat
des conservateurs et des républicains. Au Sénat, comme à
l'Assemblée nationale, il fit partie du centre droit. Il a échoué
au renouvellement triennal du 8 janv. 4882. L. Lu.
DA6UENET (Isidore-Jean-Pierre), ingénieur français,
né à Saint-Jean-Pied-de-Port le 45 mai 4848, mort à
Bayonno le 4 janv. 4882. Appartenait au corps des ponts
et chaussées. H est connu par les travaux de l'embouchure
de l'Adour, qu'il a conduits pendant de longues années
comme ingénieur ordinaire, puis dirigés en qualité d'ingé-
nieur en chef. Daguenet, mis en relation avec Napoléon III
pendant ses séjours à Biarritz, jouissait d'un grand crédit
auprès de ce souverain ; ce n'était pas un homme empressé
au point de vue politique, mais son amour du travail et sa
grande honorabihté attiraient l'attention et justifiaient
Festime dont il jouissait. On a de Daguenet, dans les An-
nales des ponts et chaussées, une Note sur la poche de
la montée d'anguilles (4880, 4^^ semestre). M.-C. L.
DÂGUENIÈRE (La). Com. du dép. de Maine-et-Loire,
arr. d'Angers, cant. des Ponts-de-Cé ; 935 hab.
DA6UERRE (Louis-Jacques-Mandé), pemtre et physi-
cien français, né à Cormeilles-en-Parisis (Seine-et-Oise)
le 48 nov. 4789, mort à Petit-Bry-sur-Marne le 40 juil.
4854. 11 se fit connaître d'abord comme peintre décorateur
et réalisa des progrès considérables dans la décoration
théâtrale : les Macchabées, le Belvéder, Elodie, le Songe,
la Lampe merveilleuse lui durent une partie de leur
succès. Il aida Pierre Prévost dans l'exécution de ses pano-
ramas de Rome, Naples, Londres, Jérusalem et Athènes.
Il dressa ensuite les plans d'un panorama d'une nouvelle
espèce, nommé diorama, qu'il fit bâtir par l'architecte Châ-
telain. C'était une salle circulaire pouvant contenir trois
cent cinquante personnes, et dont le plancher mobile tour-
nait sur un pivot. Les spectateurs se trouvaient transportés,
à chaque changement de vue, devant une ouverture d'avant-
scène au fond de laquelle ils apercevaient le tableau à une
distance de 40 à 42 m. Les effets d'éclairage s'ajoutaient à
ceux de la perspective pour produire l'illusion. Le diorama
eut une grande vogue de 4822 à 4839. Mais le 3 mars
4839, au moment où Daguerre achevait V Intérieur de
Sainte-Uarie-Majeure, un incendie détruisit le diorama.
C'est peu après qu'il fit connaître l'invention qui a rendu
son nom célèbre, la daguerréotypie. Il cherchait depuis
longtemps le moyen de fixer les images de la chambre
obscure dans le but de simplifier le travail de copie et de
mise en place du diorama ; mais il avait fini par se décou-
rager, lorsqu'on 1826 l'opticien Chevalier le mit en rap-
port avec Nicéphore Niepce, qui poursuivait depuis 4844
dos recherches analogues. Alors commença, entre les deux
chercheurs, une correspondance pleine de réserve. En
4829, Daguerre s'associa avec Niepce qu'il reconnaissait
« inventeur d'un moyen nouveau de fixer, sans avoir
recours à un dessin, les vues qu'offre la nature ». Niepce,
en effet, avait découvert un procédé qui est encore employé
aujourd'hui dans les applications de la photographie aux
impressions par les encres grasses. Niepce mourut en 4833.
Daguerre abandonna ses procédés et, six ans après, il
fit connaître un procédé nouveau, fondé sur la sensibilité
de Fiodure d'argent et l'existence de l'image latente (V. Da-
guerréotypie). Cette découverte excita l'enthousiasme
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
général ; Arago en rendit' cornpte à l'Académie des sciences
et demanda que le gouvernement fît l'acquisition du pro-
cédé. Le 15 juin, Daguerre était nommé officier de la
Légion d'honneur et le même jour un projet de loi était
présenté aux Chambres pour accorder aux inventeurs de
la photographie, à titre de récompense nationale, une pen-
sion viagère de 10,000 fr., soit 6,000 fr. pour Daguerre
et 4,000 fr. pour Isidore Niepce, fils de Nicéphore et
héritier de ses droits. Les Chambres, sur le rapport d'Arago
et de Gay-Lussac, adoptèrent le projet dans les séances des
9 juil. et 2 août 4839. Le 40 août, Arago faisait con-
naître dans tous ses détails le procédé de Daguerre par un
rapport remarquable, où il prévoyait presque toutes les
grandes applications photographiques. D. B.
DAGUERRÉOTYPIE. La daguerréotypie ou photogra-
phie sur plaqué d'argent, ainsi nommée du nom de son
inventeur Daguerre, est le premier procédé pratique de
photographie qui ait été proposé (août 4839). Ce procédé,
qui donne immédiatement à la chambre noire une épreuve
positive, diffère des autres en ce qu'il est fondé sur l'em-
ploi de réactifs agissant à l'état de vapeurs. Il a été très
employé pendant une dizaine d'années, puis est tombé en
désuétude. En voici la description. Une feuille de métal,
doublée d'argent poli, est exposée aux vapeurs d'iode jus-
qu'à ce qu'il se forme une couche jaune d'iodure d'argent ;
cette plaque est soumise à l'action de la lumière dans la
chambre noire ; on la retire après un temps variant de
deux à trente minutes. A ce moment on ne voit encore
rien à la surface de la préparation; mais, en l'exposant
aux vapeurs émises par le mercure chauffé à 50°, l'image
se dessine peu à peu. On la fixe ensuite au moyen d'un
réactif ; ce réactif fut d'abord le chlorure de sodium, puis
l'hyposulfite de soude.
Cette méthode repose, comme on le voit, sur la décou-
verte, capitale en photographie, de l'image latente. Elle
donne des images d'une extrême finesse, mais miroitantes
et fatigantes à regarder. M. Fizeau montra peu après (mars
4840) que l'on pouvait donner à l'image un éclat beau-
coup plus vif en déposant sur la plaque une légère couche
d'or. L'argent qui, par son miroitement, formait les noirs
de l'image, était bruni par la mince couche d'or qui le
recouvrait ; les noirs étaient donc renforcés. Le mercure,
au contraire, qui formait les blancs, augmentait d'éclat et
de solidité par son amalgame avec For. L'image se trou-
vait ainsi plus fixe et plus brillante. Les plaques pour
daguerréotypie, qui se trouvaient autrefois chez les mar-
chands de produits photographiques, avaient un demi-milli-
mètre d'épaisseur. La plaque normale avait 24 centim. de
longueur sur 48 centim. de largeur. Ce format avait reçu
le nom de plaque entière ; les formats inférieurs, dits
demi-plaque et quart de plaque, étaient également
usités. Ces dénominations se sont conservées jusqu'à nos
jours pour les diverses dmiensions des glaces.
Les épreuves daguerriennes s'altèrent facilement, et il
n'existe plus aujourd'hui qu'un très petit nombre d'origi-
naux. Toutes les actions sulfurantes de l'air agissent de
la même manière que sur les pièces d'argenterie. Les
épreuves dorées se conservent assez longtemps ; les images
qui n'ont pas subi cette préparation s'effacent bientôt par
l'influence de l'air et de la lumière. On les conserve en les
mettant sous verre et en interceptant le passage de l'air
par les bandes de papier collé. On revivifie les vieilles
images en les lavant à l'alcool, puis en les immergeant
dans une dissolution à 4 % de cyanure de potassium et en
lavant à grande eau. D. B,
BiBL. : Davanke, ?a Photographie^ 1886-1888, 2 vol. in-8.
— Fabre, Traité encyclopédique de photographie, 1889-
1891, 4 vol. in-8.
DAGUESSEAU (Henri-François), chancelier de France,
né à Limoges le 27 nov. 4668, mort à Paris le 5 févr.
4754. Il appartenait au parlement par la famille de son
père et.par celle de sa mère. Son aïeule maternelle était la
nièce du célèbre avocat général Orner Talon. Son grand-
48
DAGUESSEAU — 1M —
père, Antoine Aguesseau, originaire de Saint-Jean-d'An-
gely, avait été successivement lieutenant criminel au Châ-
telet de Paris, président du grand conseil, intendant de
Picardie, enfin premier président au parlement de Bordeaux
en 1631. Son père, Henri Daguesseau (le premier dans la
famille qui prît la particule nobiliaire, en vertu du pri-
vilège attaché à vingt ans d'exercice dans la haute magis-
trature), après avoir été conseiller au parlement de Metz
et maître des requêtes au conseil du roi, avait reçu de
Golbert l'intendance du Limousin (1665), celle de la
Guyenne, puis celle du Languedoc (1672), où il se signala
par son équitable administration et par sa tolérance à
l'égard des protestants; rappelé à Paris en 1685, il devint
conseiller d'Etat, directeur général du commerce et des
manufactures de France (1695), président du conseil de
commerce (1700), enfin membre du conseil de régence
pour les affaires de finance : se faisant partout estimer par
la justesse et la droiture de son esprit, par l'énergie calme
et douce de son caractère. — François Daguesseau reçut
dans sa famille, avec une solide instruction littéraire, une
éducation morale et religieuse conforme à l'esprit de Port-
Royal. Il étudia le droit sous la direction de Domat, qui
était lié d'amitié avec son père, et dont l'influence se re-
trouve visiblement dans les écrits juridiques et dans
l'œuvre législative du chancelier. Le 20 août 1690, il fut
nommé avocat du roi au Châtelet, puis, au mois de novembre
de la même année, avocat général au parlement de Paris,
à l'âge de vingt-deux ans. Pendant dix ans, il exerça ces
fonctions de la manière la plus brillante ; ses plaidoyers et
ses discours, où l'élégance du style et le talent de l'expo-
sition étaient poussés à un point de perfection que n'avaient
atteint ni 0. Talon, ni Lamoignon, eurent un grand reten-
tissement et ouvrirent une ère nouvelle dans l'éloquence judi-
ciaire. En 1700, nommé procureur général au Parlement,
il quitta le ministère de la parole pour se livrer aux tra-
vaux administratifs que lui imposaient ces nouvelles fonc-
tions : dans les requêtes oti il revendiquait les droits du
domaine royal, dans celles où il défendait le pouvoir civil
contre les empiétements de l'autorité spirituelle (affaire du
cardinal de Bouillon), il fit preuve à la fois d'une grande
variété de connaissances historiques et d'une singulière
vigilance pour les intérêts du roi.
Mais Daguesseau ne montrait pas moins de zèle à dé-
fendre les droits et à relever la dignité du parlement, que
l'absolutisme de Louis XIV avait trop asservi. Non seule-
ment dans ses Mercuriales il rappelait éloquemment aux
magistrats leurs droits civiques en même temps que leurs
obhgations professionnelles, mais en toute occasion il les
poussait à reprendre, sinon l'influence politique qu'ils
avaient perdue parla suppression du droit de remontrances,
du moins, dans les conflits ecclésiastiques, leur rôle tradi-
tionnel de défenseurs des libertés gaUicanes. Dans l'affaire
du quiétisme, chargé en qualité d'avocat général de pré-
senter au parlement les lettres patentes qui autorisaient
la promulgation du bref pontifical par lequel était condamné
le livre des Maximes des saints, il réussit à force d'ha-
bileté à faire rétablir dans l'acte d'enregistrement la
clause qui réservait, à l'encontre du saint-siège, « les droits
de la couronne, libertés de l'Eglise gallicane, maximes et
usages du royaume ». Dans l'affaire de la constitution ou
bulle Unigenitus , que la majorité du parlement ne
voulait enregistrer qu'avec la même réserve, mandé en
qualité de procureur général par le roi pour forcer la
main aux magistrats, il osa, comme le premier président
de Mesmes, résister à cette injonction (juil. 1715) ; sa
disgrâce était imminente ; il n'y échappa que par la mort
du roi qui survint peu après.
Daguesseau accueillit avec joie l'avènement au pouvoir
du duc d'Orléans, qui promettait de rendre au parlement
ses prérogatives politiques. Il fut de ceux qui déterminèrent
cette assemblée à casser le testament du feu roi, et à con-
férer la régence au duc d'Orléans. Comblé de faveurs par
ce dernier, qui l'avait en grande estime et le savait
populaire, il devint d'abord membre du conseil de
conscience, puis chancelier de France, à la mort de
Voysin (l®'^ févr. 1717). Mais il ne garda pas longtemps
les sceaux ; compromis par les velléités d'opposition du
parlement dont il passait pour le défenseur le plus dévoué,
desservi auprès du régent par le banquier Law , dont il ne
goûtait pas les idées financières, par Dubois qui intriguait
pour devenir premier ministre, il dut quitter la chancel-
lerie le 28 janv. 1718 et fut remplacé par le marquis
d'Argenson. Retiré dans sa terre de Fresnes (en Brie), il
employa ses loisirs, soit à combattre le système de Law
{Mémoire sur le commerce de la Compagnie des Indes;
Considération sur les monnaies)^ soit à écrire pour son
fils les Instructions propres à former un magistrat et
V Institution au Droit public.
Cependant Law, nommé contrôleur général, alarmait le
public par la hardiesse de ses combinaisons financières. Un
édit, rendu sur le conseil de d'Argenson et réduisant de
moitié la valeur des billets de banque en circulation, pro-
voqua les vives remontrances du parlement. Pour sauver
Law, le régent sacrifia d'Argenson, et rassura l'opinion
publique en rappelant Daguesseau (7 juin 1720), Malheu-
reusement, l'honnête chancelier n'avait ni les moyens d'ac-
tion, ni l'énergie nécessaires pour rétablir l'ordre dans les
affaires de l'Etat. Il ne sut empêcher ni les mesures arbi-
traires par lesquelles Law favorisait l'agiotage, ni les
intrigues de Dubois, qui, pour obtenir le chapeau de car-
dinal, voulait forcer le parlement à enregistrer sans ré-
serve la bulle Unigenitus. Il fit même un acte de faiblesse
qui nuisit à sa réputation. Le parlement, réfusant de se
soumettre, avait été exilé à Pontoise : au lieu de se retirer,
comme on s'y attendait, Daguesseau resta au pouvoir et
approuva cette mesure; bien plus, il donna ouvertement
son appui au régent pour faire enregistrer au grand conseil
la constitution qu'il avait autrefois repoussée en plein par-
lement (sept. 1720), On traita de lâcheté ce revirement
qui lui était surtout inspiré par amour de la paix : car il
croyait en toute sincérité que l'enregistrement était devenu
nécessaire pour empêcher le schisme et la guerre religieuse.
Abandonné de ses amis, suspect à la cour où il gênait les
projets de Dubois, il fut, à propos d'une question de pré-
séance, invité par le régent à rendre les sceaux (1^^ mars
1722), — Son second exil à Fresnes dura cinq ans. Il le
passa dans la retraite, avec sa famille et quelques amis, Louis
Racine, Rollin, Maupertuis, Valincourt, écrivant sur les
sujets les plus divers, religion, droit civil, droit ecclé-
siastique, histoire, morale, belles-lettres, et se tenant
volontairement à l'écart du mouvement d'idées et des agi-
tations sociales qui troublaient la France depuis le com-
mencement du siècle. Cependant, il regrettait la vie pu-
blique : quand Fleury devint premier ministre (1726), des
amis négocièrent son rappel, et il fut nommé pour la troi-
sième fois chancelier le 15 août 1727; mais sous la
réserve que les sceaux seraient confiés à Chauvelin, secré-
taire d'Etat aux affaires étrangères.
Daguesseau resta au pouvoir jusqu'en 1750, époque où
sa santé l'obligea à se retirer. Pendant cette période de
vingt-trois ans, il dut encore plusieurs fois intervenir dans
les querelles théologiques qui tenaient en éveil l'opposition
du parlement ; en 1730, le cardinal de Fleury fit tenir un
lit de justice où, sur la requête du chancelier, la constitu-
tion Unigenitus fut pour la première fois enregistrée sans
restriction; en 1732, 1733, 1735, l'arrestation de plu-
sieurs conseillers suscita des colères que le chancelier
réussit à calmer par d'habiles négociations. En 1737, les
sceaux lui furent rendus, et à la mort de Fleury, ce fut lui
qui eut dans le cabinet la haute direction des affaires, pré-
sidant en l'absence du roi le conseil des finances et celui
des dépêches, indépendamment du conseil privé, du grand
conseil et du parlement dont il était le chef naturel. Mais
ce qu'il fit de plus important et de plus durable pendant
cette dernière période de sa vie publique, ce fut son œuvre
législative.
— 755 —
DAGUESSEAU - DAGUEX
Depuis longtemps déjà, le vœu de tous les esprits éclairés
était que Ton ramenât à l'unité, par une codification géné-
rale, les éléments multiples dont se composait le droit
français, dispersé dans les coutumes et dans les ordon-
nances royales. Cette pensée, qui reparaît sans cesse depuis
le XVI® siècle dans les vœux des Etats généraux et dans les
traités des jurisconsultes, que Marillac, Lamoignon et Col-
bert avaient en partie réalisée sous Louis XÏII et Louis XIV,
Daguesseau la reprit et y consacra, depuis 1727, vingt
années de labeur. Il voulait revoir et perfectionner les
ordonnances de Colbert sur la procédure civile, le droit
pénal et le droit commercial ; il voulait en outre introduire
dans le droit civil, que Colbert n'avait pas abordé, une série
de réformes, inspirées surtout des idées de Lamoignon, de
Domat et de Bretonnier. Il associa à ses travaux, outre ses
deux fils, le procureur général Joly de Fleury, les conseil-
lers d*Eta(; Le Voyer d'Argenson et Machault d'Arnouville,
l'abbé de Saint-Pierre, etc. Il consulta tous les parlements
de France sur les matières qui devaient faire l'objet de ses
premières ordonnances ; les mémoires de ces cours furent
concentrés à la chancellerie, dépouillés et annotés par
Daguesseau et ses collaborateurs. De ces efforts bien dirigés
sortirent les grandes ordonnances de 1731 sur les dota-
tions, de 1735 sur les testaments, de 1747 sur les substi-
tutions, dont les principales dispositions sont passées dans
le code civil ; le règlement de 1738 sur la procédure
devant le conseil privé, qui est encore en partie observé
devant la cour de cassation et la section contentieuse du
conseil d'Etat. Le temps ne permit pas à Daguesseau de
pousser plus loin le vaste projet de codification qu'il avait
formé.
Pour apprécier équitablement la vie et les œuvres de
Daguesseau, il faut le considérer tour à tour comme
homme privé, comme homme politique, comme législa-
teur, comme orateur et écrivain. Dans sa vie privée, il fut
au-dessus de tout éloge. Avec Rollin et Louis Racine,
il représentait cette école de Port-Royal qui conserva, en
plein xvni® siècle, les mœurs graves et la piété sincère de
l'âge précédent. Austère pour lui-même, indulgent pour
les autres, doux et calme dans ses relations, il pratiqua
sans cesse, au milieu des affaires comme dans sa solitude
de Fresnes, ces vertus de l'homme de bien, du chrétien
éclairé, du magistrat intègre, dont il traça l'image dans
son Discours sur la vie et la mort de son père^ et qu'il
s'efforça de transmettre à ses fils dans les Instructions
propres à former un magistrat^ « ce De Officiis de la
magistrature française». — Dans sa vie publique, comme
magistrat et chancelier, il montra de grandes qualités :
laborieux, incorruptible, ayant horreur de l'intrigue qui
répugnait à son esprit sincère et droit, il reçut et quitta
le pouvoir avec une égale dignité. Ce qui lui manqua, ce
fut l'énergie et le sens politique. C'était avant tout un par-
lementaire, ennemi du pouvoir absolu comme des doctrines
ultramontaines ; grâce à l'ascendant qu'il avait conquis sur
le parlement, il aurait pu discipliner ce corps et rendre
son opposition féconde : faute de décision et de fermeté, il
ne sut pas garder la confiance qu'il avait d'abord inspi-
rée. Etranger aux aspirations qui agitaient alors le peuple,
il n'eut aucun pressentiment de l'avenir; il consuma son
talent en vaines querelles sur une bulle, sans affermir en
rien les antiques principes de la monarchie que des mains
hardies commençaient déjà à ébranler. — Comme législa-
teur, il rechercha les abus avec patience et sagacité, il aima
profondément la justice. Mais il n'eut pas à un degré égal
le courage de réformer. Par ses ordonnances, il fit faire au
droit civd de notables progrès ; les préambules écrits de
sa main sont d'une inspiration élevée et respirent, comme
le Traité des lois civiles de Domat, une foi tranquille
dans le droit absolu. Mais il n'emprunta à la philosophie
du xviii® siècle aucune des idées humanitaires qu'elle pro-
pageait, il sembla ignorer les besoins réels du peuple et
agir sans cesse en vue d'un idéal abstrait ; il montra en
face des abus de l'organisation judiciaire trop de tolérance
et de placidité; il laissa subsister après lui la torture dans
l'instruction criminelle et la cruauté dans les supplices. —
Enfin, comme orateur et comme écrivain, il n'occupa qu'un
rang secondaire dans l'histoire des lettres. Il toucha dans
ses discours et dans ses écrits de littérature, de morale,
d'histoire ou de rehgion, les sujets les plus nobles ou les
plus élevés ; il les traita avec une érudition solide, un
esprit pénétrant, un ordre parfait dans le développement
des idées, un style oratoire qui procédait par phrases
amples et cadencées, avec la régularité solennelle du grand
siècle. Mais on y trouve peu d'idées originales; ses dis-
cours si vantés au Palais sont d'une élégance monotone,
sans passions vives, ni mouvements improvisés ; le style
de ses écrits, à la fois oratoire et raffiné, manque de natu-
rel et tombe aisément dans le bel esprit. En un mot, pour
la forme pas plus que pour le fond des idées, Daguesseau
n'appartient au xvm^ siècle; il continue, en l'afîaiblissant,
la tradition littéraire du xvii®. — Daguesseau a laissé des
œuvres considérables et une volumineuse correspondance,
dont la plus grande partie fut réunie par l'abbé André
en 13 vol. in-4 (1759-1790); une édition plus complète
a été donnée par Pardessus, en 16 vol. in-8 (1818-1820).
En outre, des Lettres inédites ont été publiées en 1823
par M. Rives, et quelques œuvres, également inédites, sur
la réformation de la justice et la composition des ordon-
nances de 1731, 1735 et 1747, ont été mises au jour par
M. Fr. Monnier, en 1858.
Daguesseau avait épousé, en 1694^ Anne Lefèvre d'Or*
messon, fille d'un maître des requêtes et petite-fille d'Oli-
vier Lefèvre d'Ormesson, qui sauva la vie à Fouquet. Il en
eut deux filles, dont l'une épousa M. de Chastellux, et
quatre fils, dont l'aîné, Henri-François-de-Paule Dagues-
seau, fut avocat général au parlement de Paris, et le
second, Daguesseau de Fresnes, conseiller au même parle-
ment. On doit à ce dernier un Discours sur la vie et la
mort^ le caractère et les mœurs de son père (1778,
in-12). — Un petit-fils du'chancelier, i/^^n-Carc^m-Jmn-
Baptiste^ comte Daguesseau, né à Fresnes en 4746, mort
en 1826, fut, avant la Révolution, conseiller d'Etat et
avocat général au parlement de Paris ; il entra à l'Académie
française en 1789. Député de la noblesse du bailliage de
Meaux aux Etats généraux, il donna sa démission en 1790,
devint sous le Consulat président de la cour d'appel de
Paris, puis ministre plénipotentiaire à Copenhague, séna-*
teur en i 805, enfin pair de France sous la seconde Res-
tauration. L'une de ses filles épousa M. de Ségur, qui prit
depuis le nom de Ségur-Daguesseau. Ch. Mortet.
BiBL. : BouLLÉE, Histoire de la vie et des ouvrages dit
chancelier d'Aguesseau ; Paris, 1835, 2 vol. in-8. — Fr,
Monnier, le Chancelier d'Aguesseau, sa conduite et ses
idées politiques ; Paris, 1860, in-8; 2« édit., .'1863. — Mé- '
moire sur un ouvrage inédit duchanc. D'A.; Mesures sur
les ordonnances de D'Ag. (Séances et travaux de FAcad,
des sciences morales, t. XLIÏ, p. 335; t. XLVI, pp. 273 et
367; t. XLVIIÏ, p. 47.— O. de Vallée, le Duc d'Orléans
et le chancelier d'Aguesseau; études morales et politiques ;
Paris, 1860, in-8. — L. Thézard, De VInfluence des travaux
de Pothier et du chancelier d'Aguesseau sur le droit civil
moderne; Paris, 1866, in-8. — E. Falconnet, Etude bio-
graphique sur d'Aguesseau^ en tête des Œuvres choisies
de d'Aguesseau; Paris, 1865, 2 vol. in-8.
DAGUET (V. Cerf, t. X, pp. 45 et 4-8).
DAGUET (Théodore), opticien suisse, né à Vuippens
(canton de Fribourg)le 22 juin 1795. D'abord pharmacien
au Locle, puis associé du célèbre verrier Guinaud, il fonda
à Soleureen 1830 une fabrique de lentilles achromatiques,
qu'il transporta à Fribourg en 1862. Artiste autant qu'in-
dustriel, il s'est acquis Une grande réputation par la trans-
parence et les dimensions inusitées de ses objectifs. L. S.
DAGUET (Alexandre), historien et pédagogue suisse, né
à Fribourg le 12 mars 1816. Il fut élevé au collège des
jésuites dont il devait, parvenu à l'âge viril, combattre avec
une persévérante énergie les principes éducateurs, et se
voua à la carrière de l'enseignement. Il subit le contre-coup
des événements politiques en 1837, 1848 et 1857. Le
constant mauvais vouloir contre lequel vinrent se heurter,
DAGUET — DAHL
-- 756 —
auprès du parti dominant, toutes ses tentatives de réforme
pédagogique, l'engagea en 1864 à accepter la chaire d'his-
toire suisse à l'académie nouvellement réorganisée de
Neuchâtel, dont il est aujourd'hui (1891) le doyen d'âge
toujours vert et actif. L'ouvrage qui a rendu le nom de
Daguet justement populaire est son Histoire de la Confé-
dération suisse (Neuchâtel, 1851, 2 vol. in-4; 7® édit.,
Genève, 1879-1880; trad. en allemand, en itahen, en
espagnol). Il a publié encore un Manuel d'éducation
(1871 ; 5^ édit., 1885), de nombreuses notices biogra-
phiques et collaboré à un certain nombre de revues péda-
gogiques suisses et étrangères.
DAGUILHON-Lâsselve (Louis-Osmin), homme politique
français, né à Lavaur le 11 août 1810, mort à Lavaur le
2 mars 1887. Maire de sa ville natale en 1846, il fut élu
député du Tarn le 1^^ août de la même année, et prit rang
dans le tiers-parti. Il se présenta sans succès aux élections
pour la Constituante de 1848, mais fut élu le 13 mai 1849
représentant du Tarn à la Législative. Il ne s'associa pas
à la politique de l'Elysée et après la proclamation de l'Em-
pire prit nettement place dans l'opposition orléaniste. Il
échoua dans le Tarn aux élections du l®''mai 1863 contre
le candidat officiel Daguilhon-Pujol, son parent, et éga-
lement le 24 mai 1869 contre Emmanuel Daguilhon-
Pujol, fils du précédent. Mais il prit sa revanche le 8 févr.
1871 et fut envoyé à l'Assemblée nationale le premier sur
sept par 59,099 voix sur 78,096 votants. Il fit partie du
centre droit, combattit Thiers et soutint le cabinet de Bro-
glie. Aussi échoua-t-il lorsqu'il se représenta à Lavaur
en 1876. Les électeurs votèrent pour un républicain,
M. Marty.
D A G U l L H 0 N - Pujol (Pierre - Jean - Marie - Gustave) ,
homme politique français, né à Lavaur le 12 janv. 1792,
mort à Toulouse le 2 déc. 1882. Après ses études de droit
il entra dans la magistrature, devint avocat général à la
cour de Toulouse et fut mis à la retraite en 1862 avec le
titre de président honoraire de cette cour. Il avait été
nommé député du Tarn le 5 juil. 1851, avait appuyé la
politique gouvernementale, et après avoir échoué en 1854
et 1857, avait fait acte d'adhésion à l'Empire qui le fit
passer comme candidat officiel aux élections du 1^^ mai
1863, contre son parent Daguilhon-Lasselve. Il rentra
dans la vie privée en 1869. — Son fils, Pierre-Calixte-
Emmanuel, né à Lavaur le 2 juin 1828, élève de l'Ecole
polytechnique (d 848), capitaine d'artillerie en 1860, démis-
sionna en 1866 après avoir fait les campagnes de Crimée
et d'Itahe. Il fut élu le 24 mai 1869 député du Tarn au
Corps législatif, oti il remplaça son père. Il appuya la
politique de l'empire. En 1876, il se présenta aux élections
comme bonapartiste, échoua, mais fut élu le 14 oct. 1877
député de Lavaur. Il se représenta sans succès en 1881 et
1885.
DAGUIN (Pierre-Adolphe), physicien français, né à Poi-
tiers le 5 août 1814, mort à Toulouse le 20 nov. 1884.
Il fit ses études d'abord au collège de Poitiers où son
père était professeur de seconde et où il eut pour profes-
seurs le physicien Boisgiraud et Gascheau. Il termina à
Paris ses études avec Babinet, entra en 1835 à l'Ecole
normale et fut nommé à sa sortie de cette école au col-
lège de Moulins où il se fit remarquer dans son enseigne-
ment des sciences naturelles. Il se présenta à l'agrégation
en 1841, disputa vivement la première place à Jamin et
fut nommé au lycée de Tours. En 1846, il présentait ses
thèses à la faculté des sciences de Paris, devenait docteur
et était envoyé en d847 à Toulouse comme professeur
de physique à la faculté des sciences. Son cours était des
plus suivis ; sa parole facile, son talent du dessin contri-
buaient à faire briller son enseignement à une époque où
le matériel des laboratoires était restreint et où le profes-
seur devait suppléer à tout ce qui lui manquait. En 1866,
il fut nommé directeur de l'observatoire de Toulouse, et y
installa les services météorologiques. L'œuvre la plus
importante de Daguin a été la publication de son Traité
élémentaire de physique théorique et expérimentale,
avec les applications à la météorologie et aux arts
i7idustriels. Publié en 1860, cet ouvrage eut une seconde
édition en 1861, une troisième en 1862, et enfin une
quatrième en 1878. C'est un traité très bien fait où la
partie historique des découvertes est mise en relief et sert
à faire ressortir la marche de la science dans chaque
branche de la physique ; la partie expérimentale y est
plus développée que la partie théorique et l'auteur a
écarté à dessein les théories nécessitant des mathématiques
trop élevées. On a aussi de lui un Cours de physique élé-
mentaire (1863, in-8),;destiné à l'enseignement secondaire.
Les recherches de Daguin se rapportent surtout à des
questions de météorologie {Essai sur la grêle, 1858; ,^z^r
les Halos, 1860); elles sont publiées dans les mémoires
de l'académie des sciences de Toulouse. Il a aussi fait
quelques recherches d'acoustique sur le cornet acoustique,
le porte-voix, le mélodiaphone, l'acoustèle.
DAHABIEH. On donne ce nom aux barques en usage
sur le Nil pour le transport des voyageurs. La longueur
atteint parfois 30 m. et la largeur 5 m. ; la coque arrondie
à l'arrière s'amincit vers l'avant et se termine par un tailloir
légèrement recourbé ; un plancher couvre à Pavant le tiers
de l'embarcation ; une vaste cabine divisée par un couloir
en plusieurs chambres occupe l'arrière. La dahabieh est
munie d'un mât et d'une voile triangulaire. On peut voir
au musée du Louvre des modèles en relief des anciennes
barques égyptiennes qui donnent bien l'idée de ce que sont
encore aujourd'hui les dahabiehs. L. K.
DAHABS. Monnaie abyssinienne, qui vaut 5 fr, 40.
DAH/E (Géogr. anc). Peuple nomade qui occupait les
plaines voisines de la mer Caspienne ; on le retrouve
depuis l'époque d'Alexandre jusqu'au ii^ siècle ap. J.-C.
en Ilyrcanie, sur les rives de l'Oxus et de l'Iaxarte.
DAHIRAH. Sur ce district de l'Oman, situé au S. -E.de
l'Arabie, on ne possède que des renseignements assez
vagues fournis par les indigènes. Bereymah est le nom du
chef-lieu de cette province dont la superficie est estimée à
17,125 kil. q. et la population à 30,000 hab. Selon Pal-
grave, le Dahirah est occupé en grande partie par le massif
montagneux du djebel Oqdah. Le sol très tourmenté fournit
d'excellents pâturages, mais peu de terrains propres à la
culture ; aussi la population, d'ailleurs assez dense, se
livre-t-elle surtout à l'élevage des troupeaux.
D A H I R E L (François-Hyacinthe-Marie) , homme politique
français, né à Ploërmel le 15 oct. 1804, mort à Cannes le
6 févr. 1875. Magistrat pendant la Restauration, il
donna sa démission à Favènement de Louis-Phihppe et s'éta-
blit avocat à Lorient. En 1848, il fut le candidat des
légitimistes qui le firent élire avec 54,000 voix.
Souvent il s'associa à la politique de l'Elysée. Réélu à la
Législative, il continua à se montrer hostile à la Répu-
blique, pourtant il protesta contre le coup d'Etat du 2 déc.
et resta dans la vie privée jusqu'à la chute de l'empire.
Aux élections générales du 8 îevr. 1871, il fut élu re-
présentant du peuple à l'Assemblée constituante pour
le dép. du Morbihan. Il fit partie de l'extrême droite. Il
se signala surtout par ceci qu'il fut le seul représentant à
voter contre le projet d'emprunt national pour la libé-
ration du territoire. L. Lucipia.
DAHL (Michael), portraitiste suédois, né à Stockhohn
en 1656, mort à Londres en 1743. Elève d'Ehrenstrahl,
il continua ses études artistiques à Paris et à Rome, puis
s'établit (1688) en Angleterre où l'on conserve beaucoup
de ses portraits, remarquables par le coloris et la ressem-
blance. On cite notamment ceux des reines Christine et
Anne, de Charles XI à cheval, de Charles XII. Beaucoup
d'entre eux ont été gravés par Faber, Smith, Simon.
Il eut pour élèves Schrœder, L. Pasch l'Ancien et Hans
Hysing. B.-s.
DAHL (Christophen) , écrivain suédois, né à Saleby
(Isen de Skaraborg) le 17 mai 1758, mort à Naes le
4 déc. 1809. Ordonné prêtre en 1782, ilfutdocent (1784),
— 757 —
DAHL — DAHLBERG
prédicateur de la cour (1786), professeur de grec (4790),
recteur de l'université (4792, 4801 et 4808), pasteur de
Nses (4795). Il présida à cinquante-neuf thèses. Ses dis-
cours et ses programmes universitaires sont remarquables
par l'élégance du latin. Il publia des grammaires et des
lexiciues grecs et latins qui restèrent en usage pendant un
demi-siècle, et des Psaumes en suédois (Upsala, 4804),
dont une vingtaine ont été admis dans le Psautier de
1849. B-s.
DAHL (Heinrich von), historien allemand, né à Golden-
beck (Estonie) le 8 avr. 4770, mort à Varsovie en 4807.
Précepteur dans la famille du général Jasikov à Moscou,
courrier de cabinet du tsar Paul (1796), il a écrit: Welt-
geschichte aus ihrem hœchsten Gesichtspunkt betrach-
ht (Leipzig, 4804), et des souvenirs intéressants : Kurur
Abriss meines Lebens (Leipzig, 4804).
DAHL (Johan-Christian-Clausen), paysagiste norvégien,
né à Bergen le 24 févr. 1788, mort à Dresde le 14 oct.
1857. Il était en apprentissage lorsque ses compatriotes
se cotisèrent pour l'envoyer à l'académie des beaux-arts
de Copenhague (1811). Il étudia ensuite à Dresde (4848)
où il devint professeur à l'académie des beaux-arts (4824).
Il forma une école d'élèves distingués. Ses paysages d'Al-
lemagne, d'Italie et surtout de Norvège sont remarquables
par le dessin, la touche, le coloris et le caractère de réa-
lisme qu'il fut l'un des premiers à introduire dans ce
genre. Il fit apprécier aux étrangers les beautés pitto-
resques de la Norvège, et à ses compatriotes les mérites
de leurs monuments du moyen âge, dont il a décrit
quelques-uns dans divers recueils et dans Denkmale
einer sehr ausgebildeten Bolzbaukunst aus den frUhe-
ren Jahrhiinderten in den innern Landschaften Nor-
wegens (Dresde, 4836-37, in-foL). B-s.
DAHL (Vladimir-Ivanoviteh), écrivain russe, connu sous
le pseudonyme de Cosaque Lougansky^ né à Louganska
en 4804, mort à Moscou le 3 nov. 4872. Fils d'un méde-
cin d'origine danoise, médecin militaire en 4832, il entra
dans l'administration : il servit dans le gouvernement
d'Orenbourg; en 4843, il devint secrétaire du comte
Perovsky. Il prit sa retraite en 4872 et se retira à Mos-
cou. Depuis 1832 il avait cultivé la littérature : on
remarqua surtout en 4846 ses Récits du Cosaque Lou-
gansky. En 4853, il donna les Loisirs d'un matelot ; en
1861, les Loisirs du soldat, des Nouvelles, des Tableaux
de la vie russe; enfin, de 1861 à 1867, le Dictionnaire
explicatif de la langue russe (4 vol. in-4; 2® édit.,
1882), œuvre capitale, le plus précieux répertoire de la
langue russe qui ait été publié jusqu'ici, mais dont l'éty-
mologie et la partie historique laissent à désirer. On lui
doit encore un Recueil de Proverbes russes (1862;
2^ édit., Moscou, 1879). Dahl a été certainement l'un
des meilleurs connaisseurs de la langue et de la \'ie popu-
laires de la Russie. Un de ses romans a été traduit en
français sous ce titre : Kazak Luganski, Bikey et Maolmo
ou les Kirghiz Kaïssaks (Paris, 1845). Ses œuvres com-
plètes (romans et nouvelles) ont été réimprimées en der-
nier lieu par la librairie Wolf (Saint-Pétersbourg, 1883 et
années suivantes, 8 vol. in-8.) L. L.
BiBL. : Mejov, Catalogue de la librairie russe.
DAHL (Ludvig-Vilhelm), aliéniste norvégien, né à Ber-
gen le 18 oct. 1826, mort le 2 nov. 1890. Après avoir
pratiqué la médecine dans plusieurs villes et étudié les
hospices d'aliénés à l'étranger, il fut chargé de donner le
plan de celui de Rotvold (près Throndhjem), dont il fut
nommé directeur en 1871. A partir de 1875, il dirigea le
service médical civil du royaume. La loi actuelle sur la
zooïatrie est basée sur un de ses rapports. Outre de nom-
breux mémoires qui font autorité en psychiatrie, il a
pubhé : les Aliénés en Norvège (Christiania, 1859, in-8 ;
suite, 1862) ; Descriptioyi de V asile de Rotvold (1873) :
V Hygiène publique en Norvège (1879). B-s.
DAHL (Siegwald Johannes), peintre allemand, né à
Dresde en 1827, fils et élève de Joh.-Christian-Clausen.
Après un séjour prolongé dans l'atelier du fameux ani-^
malier anglais Landseer, il se fixa dans sa ville natale,
où il fut élu en 1864 membre honoraire de l'Académie
royale. Ses œuvres principales sont : Chiens, Perroquet
et Lapin, une Traversée en Norvège (1863), le Coup
manqué (1861), le Joueur d'orgue de Barbarie^
Partie de traîneau à travers un fjord, une Piéunion de
singes, etc.
DAHL (Balduin-Christian-Florus), compositeur danois,
né à Copenhague le 6 oct. 1 834. Directeur des concerts de
Tivoli depuis 1872, il a maintenu la réputation du brillant
orchestre de cet établissement, et composé environ deux
cents airs de danse. B-s.
DAHL (Walter-Scott), juriste, homme politique et écri-
vain norvégien, né à Melhus le 21 févr. 1839. Avoué à la
cour d'appel de (Mstiania (1864) et avocat à la cour
suprême (1866), il a été bien des fois élu député depuis'
1873 ; en 1883, l'Odelsthing le chargea de poursuivre de-
vant la haute cour les membres du ministère Selmer, qui
furent privés de leurs portefeuilles (1884), Nommé rece-
veur dans le Gudbrandsdal septentrional (1885), il fit partie
du cabinet Sverdrup comme ministre de la justice et de la
police, de mars 1888 à juil. 1889, après quoi jl devint
juge du Gulathing. On lui doit plusieurs ouvrages juri-
diques : Organisation communale des districts ruraux
(Christiania, 1878, in-8; 2® édit. 1883); h Jurispru-
dence relative à l'industrie rurale en Norvège (1 882)
et aux cours d'eau (1888); ainsi que des biographies
populaires : Einar Thambarskelver (1884) ; VEvêque
Nicolas Arnessœn (1884); Haakon Ladejarl(iSSl). —
Sa sœur, M^^® Vlrikke-Olufa-Antoinette Dahl, née le
10 déc. 4847, a publié deux romans : Lorsque f avais
vingt ans (1876); Arild Anker (4884). B-s.
DAHLAK. Ce nom est donné à un groupe d'Ilots de la
mer Rouge, situés au S. de Massaouah, dans la baie
d'Adulis. 4,500 habitants peuplent l'île principale, la seule
de quelque étendue et aussi la plus grande des îles de la
mer Rouge.
DAHLANDER (Gustaf-Robert), physicien suédois, né à
Gœteborg le 7 juin 4834. Après avoir enseigné à l'école
Chalmers des arts et manufactures dans sa ville natale
(1862), il fut nommé professeur à l'institut technologique
de Stockholm (4870), à la réorganisation duquel il a beau-
coup contribué. Outre de nombreux mémoires, notamment
dans la Revue de technologie (4859-66), puis de tech-
nique (1 867 et suiv.) et des manuels de Mécanique (4869)
et de Physique (4883-86), il a publié : Sur l'Enseigne-
ment technique dans divers pays de l'Europe (4866);
Introduction à la mécanique (4870; 2® édit., 4878);
la Thermologie appliquée (iSlS ; 2^ édit., 4883); Pro-
blèmes et exercices de physique (4878); l'Electricité
et ses principales applications techniques (4882; sup-
plément 4887-88). B-s.
DAHLBERG ou DAHLBERGH (Erik Jqenssœn, comte),
célèbre ingénieur et général suédois, né à Stockholm le
40 oct. 4625, mort à Stockholm le 46janv. 4703. Après
avoir étudié l'architecture militaire dans ses voyages et
pratiqué cet art comme conducteur des fortifications (4647)
et comme officier du génie à la fin de la guerre de Trente
ans et pendant la guerre de Pologne, il était lieutenant du
quartier-maître général de la grande armée et adjudant
général de Charles X Gustave, lorsqu'il le décida à tenter
la traversée des Belts sur la glace (4658). Il conduisit les
travaux de circonvallation pendant les sièges de Copenhague
et de Kronborg. Pendant la minorité de Charles XI, oublié
dans le poste de lieutenant-colonel du régiment de Sœder-
manland (4660), il déclina pourtant les offresde Charles II
d'Angleterre, devint en 4669 commandant de Malmœ, fit la
guerre de Danemark avec le grade de quartier-maître général
(4674), fut nommé en 4676 directeur général des forti-
fications et se distingua aussi bien en attaquant celles de
l'ennemi (Helsingborg, 4676; traversée delaDuna, 4700)
qu'en défendant (Riga, deux fois en 4700) et en améliorant
BAHLBERG ^ DAHLGREN
758
celles de la Suède (Gœteborg, Malmœ, Kalniar, Narva,
Reval, Riga, Neumiinde, Wismar, Stade, Karlsteii, Karls-
krona, etc.). On le surnomma le Vauban de la Suède. Le
corps des ingénieurs suédois fut formé par lui. Ses beaux
services lui valurent toute sorte de fonctions et de titres;
conseiller de guerre (1677), gouverneur du laen de Jœn-
kœping (1687), major général de l'infanterie (1687),
intendant de l'artillerie (1692), conseiller du roi, comte,
feld-maréchal, gouverneur général de Brème et de Verden
(1692), deLivonie (1696). Il prit sa retraite en 1702,
C'est de sa main que sont les dessins gravés en Hollande
du beau recueil intitulé Suecia antiqua et hodierna
(Stockholm, 1660-1716, 3 vol. in-fol. avec textes suédois
et latin, par P. Lagerlœf et 0. Hermelin ; 2® édit., 1856 ;
3^ éd. photolithogr. par H.-H. Mandel, Stockholm, 1864-65)
et de ['Histoire de Charles X Gustave, par Puffendorff.
Il écrivit un Sommaire et véridique Récit de sa vie
jusqu'au 24 mai i694^ aussi curieux que pittoresque
(publié par Gjœrvell dans Svenska Bibliotek^ 1757) et un
Journal des marches de Charles X Gustave en Pologne
et en Danemark, iôBB-iôGO, édité par S. Lundblad;
Stockholm, 1823. B-s.
BiBL. : Not. par Nordin, dans Svenska akademiens
handlingar^ 1, 1786 ; Eloges, par A. Fryxell (ibid.,t. XXIV,
1848), par E.-M.-C. Pontin, 1847. — Warmholtz, Bihl
hist sueo-gothica, n^^ 207, 4,632, 4,840, 4,863, 4,997, 5,019,
5,231,5,256,7,276.
DAHLBERG (Thure-Johan), poète finnois, né à Piela-
■vesi le 23 mars 1836, mort le 4 mai 1870. En se prépa-
rant à la carrière judiciaire, il traduisit élégamment en
finnois des nouvelles norvégiennes et allemandes, et il
publia une Epopée d'Hercule (Abo, 1862, in-8), dans le
mètre du Kalevala. B-s.
DAHLBORN (Anders-Gustaf), entomologiste suédois, né
à Hœrberga (OEstergœtland) le 3 mars 1806, mort à Lund
le 3 mars 1859. H fut docent (1830), adjoint (1841) enfin
professeur (1857) à l'université de Lund. 11 consigna dans
des thèses et des revues les importantes observations d'his-
toire naturelle qu'il fit dans de nombreux voyages, surtout
en Laponie, et publia : Hymenoptera europœa^ prœcipue
borealia {iSÀi-M) et Études zoologiques (1856-57). —
Un de ses fils, Vilhelm, est naturaliste; l'autre Johan-
Theophilus, né à Lund en 1853, mort à Copenhague
en 1888, était sculpteur; on cite parmi ses œuvres:
V Amour, Adam, la Moissonneuse, B-s.
DAHLE (Lors-Nielssœn), missionnaire et linguiste nor-
végien, né à Gryten (Romsdal) le 7 déc. 1843. Prédicant
depuis 1870 à Madagascar, où il dirige un séminaire d'in-
digènes, il a publié : Madagascar et ses habitants (Chris-
tiania, 1876-77, 3 vol. in-8) ; Spécimens of Malgasy
folk'lore, texte de chants et contes inédits, avec introduc-
tion en anglais (Antananarivo, 1877, in-8) et d'importants
articles dans the Antanmiarivo Annualand Madagascar
Magazine, ^ ^ B-s.
DAHLEN. Bourg de Saxe, district de Leipzig, sur le
ruisseau de Dabi, et le ch. de fer Leipzig-Riesa-Dresde ;
3,000 hab. Forteresse de la marche allemande au moyen
âge contre les Sorbes. Château où Frédéric II résida pen-
dant les négociations d'Hubertsbourg.
DAHLER (Métrol.) (V. Daâlder).
DAHLER (Jean-Georges), théologien alsacien, né en
1760, mort à Strasbourg en 1832. Il fut professeur à la
faculté de théologie et au séminaire protestant de Stras-
bourg, et professa surtout l'exégèse de l'Ancien Testament.
Il publia : De librorum Paralipomenon auctoritate
atque fide historica (1819), et une traduction du hvre
du prophète Jérémie, avec notes explicatives (1825-1830,
2 vol.). C. P.
DAHLGREN (Carl-Fredrik), un des poètes suédois les
plus originaux, né à Stensbruk (OEstergœtland) le 20 juin
1 791 , mort à Stockholm dans la nuit du 1^^ au 2 mai 1 844.
Ordonné prêtre en 1815, il devint pasteur adjoint (1816),
puis coministre (1824) à Stockholm. Ses confrères le
chargèrent trois fois de les représenter à la Diète. D'un
caractère gai et sociable, il prit part à la fondation de cinq
sociétés littéraires et finit, malgré sa situation gênée, par
ouvrir un salon fréquenté non seulement par les écrivains
et les artistes, mais encore par nombre d'autres person-
nages distingués. Outre divers recueils et calendriers poé-
tiques auxquels il collabora avec des amis, il publia quelques
volumes à part. C'est dans les genres lyrique, idyllique et
humoristique qu'il réussit le mieux. Il s'essaya non sans
succès dans la parodie, le drame burlesque, le roman fan-
taisiste et la critique littéraire. Dans les Epîtres de Moll-
berg (1819-1820) et la Mortd'Ulla Vinblad, il est par-
fois à la hauteur de Bellman ; mais il manque souvent de
goût et la composition laisse à désirer dans ses pièces de
quelque étendue. Le Recueil de ses œuvres, précédé de sa
biographie, a été donné par Arvidsson (Stockholm, 1847-
1852; 3« édit. 1875, 5 vol. in-8). B-s.
BiBL. : C.-F. Bagge, C. Ft. Dahlgrens SkELldeverk-
ScLunhet; Upsala, 1869.— Em. Carlén, Minnen, t. I.
DAHLGREN (John-Adolf), commodore américain, né
dans la Pennsylvanie en nov. 1809, mort à Washington le
12 juil. 1870. Lieutenant en 1837, capitaine de frégate en
1855. Il inventa les canons à gros projectiles qui portent
son nom. Lorsque éclata la guerre civile, il fut nommé
commandant de l'arsenal de Washington, directeur du ser-
vice de l'artillerie de marine en 1862, capitaine de vais-
seau, puis commodore et contre-amiral en 1863 ; il bloqua
pendant dix-huit mois la rade de Charleston. L'amiral
Dahlgren a publié divers ouvrages techniques : Report on
the S2pou7iders ofS2cwt (1850); System of boat ar-
mament in the United States Navy (1852); Naval per-
cussion locks and primer s (1852); Shells and shell
guns (1856). Aug. M.
DAHLGREN (Carl-Fredrik) , paléographe , linguiste et
érudit suédois, né le 20 sept.1816 àNordmark (Vaermland).
Après avoir été attaché aux archives nationales (1841-
1861), il devint secrétaire du protocole (1862), puis
directeur au ministère du culte (1871), chef de bureau
de l'assistance publique (1874), un des dix-huit de l'aca-
démie suédoise (1871), dont il rédigea les Actes depuis
1854 et dont il a pubhé le Vocabulaire suédois (1873 ;
4*^ édit., 1880). Il a formé de riches collections lexico-
logiques, tirées des écrits suédois du xvi® au xviii® siècle.
Il a édité : Chronique d'Erik XIV, par H. Hund(1847) ;
OEuvres de Geijer (1849-55, 13 vol.); Documents sur
l'histoire de ta Scandinavie (Stockholm, 1851-60,
t. XXX-XL ; 1861-66, t. I-V, nouv. série) ; les t. III et
IV de VHistoire de la guerre de Trente ans, par Chem-
mXz {i^m-m); Projets de lois sous CarllX (1864);
Légendaire en vieux suédois (1865-74); Lectures des
cloîtres au moyen âge (1874-75), ces deux dernièi^os
éditions pour la société de paléographie suédoise dont il
est secrétaire depuis sa fondation (1843). Ses Notes sur
les théâtres de Stockholm (1866) contiennent la liste de
toutes les pièces représentées de 1737 à 1863. Il a fait
jouer un opéra très populaire (Vœrmlandais, 1846;
3«édit. 1874) et deux autres pièces. Comme littérateur
attaché au théâtre royal de Stockholm, il a donné des tra-
ductions de l'anglais, du danois, de l'allemand, de l'espa-
gnol (1857-1861); mais ses meilleurs titres littéraires
sont des Chansons (1875; 2^ édit. 1876) dans le dialecte
de sa province natale. — Son fils, Erik-Vilhelm, né
en 1848, est bibliothécaire de l'institut Carolin (1887) et
attaché à la bibliothèque royale (1877). 11 publie la revue
anthropologique et géographique de Suède, Ymer, depuis
1883 ; le Catalogue des accroissements des bibliothèques
publiques de la Suède (depuis 1887) ; il a rédigé la Table
de la 1^® édition des OEuvres de Geijer (1855) et celle des
Mémoires de V Académie des sciences de Stockholm de
i826 à i88S (1884). B-s.
DAHLGREN (Ulric), fils de John-Adolf, colonel améri-
cain, né en Pennsylvanie en 1840, mort sur le champ de
bataille en mars 1864, pendant la guerre de Sécession, dans
un coup de main infructueux contre Richmond. Aug. M.
— 759
DAHLIA - DAHLSTJERNA
DAHLIA (Dahlia Cavan.). L Botanique. —Genre de
Composées, du groupe des Hélianthées, que M. H. Bâillon
{Hist, des PL, YIII, p. 49) considère comme une simple
section du genre Bidens Tourn. Ses représentants sont des
herbes de grande taille, à feuilles opposées et pennées. Leurs
capitules, pédoncules et terminaux, ont Finvolucre double,
les écailles du réceptacle bien développées, les fleurs du
rayon stérile et les achaines aplatis, surmontés de deux
pointes courtes. L'espèce type, D. variabilis Desf. (Geoi^-
gina variabilis Willd.) , originaire du Mexique, est la souche
des nombreuses et belles variétés de Dahlias cultivées dans
les jardins. Ses fibres radicales, renflées-fusiformes, réunies
en faisceaux, ont été préconisées comme alimentaires, malgré
leur saveur amère et poivrée. Ils renferment une grande
quantité à'Inuline (V. ce mot). Ed. Lef.
IL Horticulture. — Le dahlia est une plante de pleine
terre, demandant le grand air. Il fleurit abondamment sur-
tout en septembre et octobre, mais il souffre à la moindre
gelée; aussi, pour jouir plus longtemps de ses fleurs, on
peut l'installer dans de grands pots qu'on enterre dehors
pendant le beau temps et qu'on rentre sous abri dès que
le froid est à craindre. On multiplie le dahlia à l'aide de
ses tubercules ou de boutures ; il se greffe et se sème.
Les tubercules sont déterrés en novembre à l'approche des
grandes gelées et rentrés dans une cave saine où ils se con-
servent tout l'hiver, simplement posés sur le sol ou recou-
verts de sable. Au printemps, fin mars et dans le courant
d'avril, on les détache des tiges avec soin, et on les dis-
pose un à un la pointe de la racine en bas, en pots abri-
tés ou sous châssis, ou directement en place si les gelées ne
sont plus à craindre. Il faut au dahlia une terre substan-
tielle et bien ameublie et il suffit de recouvrir les tuber-
cules d'un ou deux centim. de terre et d'arroser légèrement
après la plantation. Lorsque les jeunes tiges ont atteint
quelques centimètres de hauteur, on conserve seulement
une ou deux des plus robustes qu'on attache à un tuteur.
Le bouturage se fait au moyen des sommités jeunes des
rameaux ou à l'aide des pousses nées sur les tubercules.
Les boutures, longues de quelques centimètres, sont plantées
en terre sableuse, dans des godets placés sur couche tiède
ou dans la tannée de la serre et recouvertes d'une cloche.
Privées d'air au début, on leur en donne peu à peu quand
elles ont repris et qu'elles s'allongent. On les empote un
peu plus tard dans des pots plus grands, et dès que la sai-
son le permet on les met en place. Les plantes nées de
boutures sont aussi belles que celles qui proviennent des
tubercules, mais il faut observer que les dahlias obtenus
tardivement par ce moyen n'ont pas le temps de mûrir
leurs tubercules et doivent être conservés jusqu'à l'année
suivante en pots abrités.
Le greffage se pratique en insérant les greffons dans des
fentes faites à l'aisselle des feuilles ; il ne conserve pas,
bien entendu, les variétés, puisque les parties aériennes
meurent chaque année. On peut aussi greffer sur tuber-
cule, et comme dans ce cas les greffons s'affranchissent en
s'enracinant, ce procédé revient en somme à un bouturage
compliqué. Le procédé consiste à insérer latéralement le
greffon sur le tubercule dont on a tronqué nettement le
sommet pour se débarrasser de ses bourgeons. On sème
les graines en mars sur couche chaude ou en terrines abri-
tées. Quand le plant a quelques feuilles, on le repique à
nu sur couche ou dans d'autres terrines et plus tard en
pépinière à un mètre en tous sens. Au moment de la flo-
raison on voit quels sont les pieds qui méritent d'être
conservés. C'est par le semis que s'obtiennent les variétés
nouvelles à fleurs doubles ou simples. Outre le D. varia-
bilis on cultive encore : D. Decaisneana Hort., D. im-
perialis Hort., plante assez délicate, réclamant la serre
tempérée en France, sauf dans les régions les plus chaudes
du littoral méditerranéen. D. arborea Hort., à capitules
d'un rouge sombre s'épanouissant en hiver ; il veut aussi
la serre tempérée. G. Boyer.
DAHLL (Lars-Christian), homme politique et écrivain
norvégien, né à Lier le 5 nov, 1823. Il était lieutenant-
colonel d'artillerie (1875) lorsqu'il devint ministre de la
guerre (3avr.-26 juin 1884) dans le cabinet Schweigaard.
Il a traité une foule de questions militaires dans les revues
spéciales et les journaux. B-s.
DAHLL (Tellef), géologue norvégien, né à Kragerœ le
10 avr. 1825. Directeur de mines (1850), puis maître
des mines du Sœndenfjelds (1872), il a fait des explora-
tions scientifiques, découvert de l'or dans le Finmark, de
la houille dans l'île d'Andœ, du nickel dans celle de Senjen,
et publié .plusieurs mémoires dans des recueils norvégiens,
français, allemands et quelques brochures. Il a dressé avec
Th. ^ Kjerulf la Carte géologique de la Norvège (Chris-
tiania, 1858-1865; partie septentrionale du royaume,
1866-1879). B-s.
DAHLMAN (Carl-Edvard), cartographe suédois, né à
Kœla (Vsermland) le 3 nov. 1828. Vice-métrcur-vérifica-
teur du Iwn de Stockholm (1856) et attaché au bureau de
la carte économique, il a publié beaucoup do cartes,
notamment: Vœrmland (1862); Lac Mœlar (1868;
3^ édit., 1875); Chemins de fer, postes, etc., de la
Suède (iS6S; nouv. édit. 1889); Carte routière de la
Suède avec les limites des dialectes, des végétaux, des
animaux, etc. (1876) ;Lœn de Vesternorrland (1889);
Plan de Stockholm, avecBrodin (1871, réédité presque
chaque année). B-s.
DAHLMANN (Friedrich-Christoph) , historien allemand,
né à Wismar le 13 mai 1785, mort à Bonn le 5 déc. 1860,
Il commença ses études à l'université de Copenhague (1802),
devint ensuite à Halle (1803) l'élève de F.-A. Wolf, à
Dresde (1809) l'ami deKleist, enseigna à Copenhague, fut
appelé à l'université de Kiel comme professeur extraordi-
naire (1812), devint secrétaire de la députation du Slesvig-
Holstein en 1815. l\ commença sa réputation par ses Foi'-
schungen auf dem Gebiete der Beuschen Gescliichie
(Altona, 1822-1823, 2 vol.) et l'édition d'une chronique
des Dithmarses (Kiel, 1827, 2 vol.). H fut nommé à l'uni-
versité de Gœttingue professeur de science politique, en
1829. Il fit alors paraître son fameux répertoire des sources
de l'histoire allemande, manuel qui est demeuré classique et
est regardé comme un modèle par tous les historiens {Quel-
lenkunde der deutschen Geschichte; Gœttingue, 1830;
rééd. par Waitz en 1875 et depuis). Cependant Dahlmann
se mêlait activement à la politique hanovrienne, rédigeant
Politik aufden Grundund das Mass der gegebenen Zu-
stânde (Gœttingue, 1835; 3° éd., 1847). Quand le nou-
veau roi Ernest-Auguste aboht la constitution de 1833 à
laquelle Dahlmann avait travaillé, celui-ci protesta et fut
destitué et expulsé du Hanovre (déc. 1837). Il se rendit à
Leipzig, puis à léna, enfin à Bonn, où il fut nommé pro-
fesseur d'histoire et de science politique. Il publia : Ge-
schichte Danemarks (Hambourg, 1840-1843, 3 vol.) ;
Geschichte der Englischen Révolution (Leipzig, 1844;
6® éd., 1853) ; Geschichte der Franzôsischen Révolu-
tion (Leipzig, 1845; 3^ éd., 1853); les deux derniers
sont des ouvrages de vulgarisation. En 1848, la Prusse le
délégua au Conseil fédéral (Bundestag) ; il fut élu au par-
lement national et devint un des leaders du parti qui vou-
lait fonder un empire allemand héréditaire, confié aux
Hohenzollern. Il fut, en sept. '1848, chargé de former
un cabinet, mais échoua (V. Allemagne et Prusse [His-
toire]), n continua de professer jusqu'à sa mort.
BiBL. : Springer, F.-C. Dahlmann ; Leipzig, 1870-1872,
2 vol.
DAHLONEGA. Petite ville des Etats-Unis, comté de
Lampkin, Etat de Géorgie, siège d'une des succursales de
la Monnaie des Etats-Unis depuis 1835 jusqu'à la guerre
civile, a été depuis concédée à un collège d'agriculture ou-
vert en 1873. Aug. M.
DAHLSTJERNA (Gunno Eurelius, anobli en 1702
sous le nom de), poète et cartographe suédois, né à OErs
dans le Dalsland le 7 sept. 1661, mort en Poméranie le
7 sept. 1709. A Leipzig, en 1687, il argumenta avec tant
DAHLSTJERNA - DAHOMEY
760 —
d'éclat (sur une thèse De Electro) qu'une chaire de pro-
fesseur à cette université lui fut offerte, mais il aima mieux
retourner dans sa patrie pour y reprendre ses modestes
travaux d'arpenteur. De 1681 à 1685, il avait pris part à
la mensuration des terres de la couronne aliénées en Livonie.
En 1690, il devint inspecteur du cadastre suédois, puis
directeur de la commission d'arpentage enPoméranie (1691),
enfin directeur du bureau topographique du royaume. Ses
cartes détaillées des provinces suédoises situées au S. de la
Baltique sont conservées en manuscrit ; il n'a publié que
la Poméranie avec Riigen (1691). C'est comme poète
qu'il est le plus connu, tant par une traduction du Pastor
fido de Guarini, que par Kunga-Skald (le poète royal),
thrênodie en octaves sur la mort de Charles XII, suivie
de sonnets sur la Passion et sur d'autres sujets religieux
(Stettin, 1697); le Roi Charles XII et maître Pœder
(Pierre le Grand), allégorie sur le siège de Narva, dans
le style des chansons populaires (Stockholm, 1701) ;
poèmes sur les victoires de Charles XII (1 706 ; introuva-
bles) ; des panégyriques en suédois ou en latin. Ses œuvres
originales ont été rééditées dans le tome VI (Upsala, 1863,
in-8) du Recueil de Hanselli. Il s'était formé sur le mo-
dèle des marinistes italiens et silésiens, qu'il est loin
d'égaler ; aussi ses oeuvres offrent-elles un singulier mé-
lange de beautés lyriques, de noblesse épique, de pathos
et de platitudes. Beau vois.
DAHLSTRŒM (Cari- Andréas), artiste suédois, né à
Stockholm le ^'1 oct. 1806, mort le 9 sept. 1869. Il était
sous-officier d'artillerie, lorsqu'un héritage le mit à même
de suivre sa vocation artistique ; mais, au lieu de fréquenter
l'académie, il voyagea en Italie, étudia la nature et les
vieux maîtres, surtout hollandais ; aussi le technique
laisse-t-il à désirer dans ses oeuvres. Il commença par
exposer des paysages (1831) ; plus tard il y mêla des
scènes de genre, ce qui était une nouveauté pour sa patrie.
La correction de ses figures le fit choisir pour peindre des
épisodes de la vie du roi Charles-Jean : la Revue de
i8S8; la Bataille de Leipzig en iSIS; celle de Liibeck
en i806; le Passage du Rhin en ilOô, tableaux où il
fit preuve de talents pour le groupement, la perspective
et la composition ; mais le coloris continuant à être son
faible, il échangea le pinceau contre le crayon et publia
toute une série d'albums lithographiques : Scènes de la
vie de Charles XIV Jean (1844 ; contin. 1849), de la
Guerre de Trente ans (1845-47; 1851-52, nouv. édit.),
de la Période Caroline (1847-51), de VHistoire des
Vasas (1854-55), de l'Histoire de Gustave 1/1(1861) ;
Tableaux des Epitres et des Chants de Fredman
(1851-52); A Stockholm [iSm) ; Scènes de la Vie po-
pulaire (1857), de la Vie gtiotidienne (iS^H) ; Mœurs,
usages et costumes du peuple suédois (1863 ; nouv. édit.,
1866-68). Les figures y sont peu caractéristiques, mais
les personnages bien groupés et les costumes assez fidèles.
Quelques années avant sa mort, les soucis et l'affaiblisse-
ment de sa vue avaient mis fin à sa laborieuse carrière ar-
tistique. Beauvois.
DAHME. Rivière allemande du Brandebourg, affluent de
la Sprée. Née dans le Flœming, elle coule vers le N.,
s'épanchant en lacs à travers des prairies, contourne le
Muggelberg et débouche dans la Sprée, sous le nom de
Wendische Spree, près de Kœpedick. Elle est navigable
pendant 41 kil., utilisable pour le canal de la Sprée à
l'Elbe.
DAHME. Ville de Prusse, district de Potsdam (Brande-
bourg), à 29 kil. de Juterbogk, près de la source de la
Dahme ; 5,400 hab. Ecoles et institutions agricoles. Le
7 sept. 1813, 6,000 Français y furent faits prisonniers
par Wobeser.
DAHN (Félix), historien allemand, né à Hambourg le
9 févr. 1834. Fils de l'acteur tragique Friedrich Dahn
(né à Berlin le 18 avr. 1811, mort à Munich le 9 déc.
1889, qui se fit connaître à Hambourg et surtout au théâtre
de la cour de Munich), il a professé successivement à
Wurtzbourg(1863),àI{œmgsberg (187^), et, depuis 1888,
à Tuniversité de Breslau. Il enseigne le droit, mais il s'est
fait connaître par ses études sur l'histoire germanique. Nous
citerons : DieKônige der Germanen :Wes en undGe-
schichte der âltesten Kônigthums der Germanischen
StdmmeÇ^mlzhmvg, 1861-1871, 6 vol.) ; Westgotische
Studien (Wurtzbourg, 1874) ; Longobardische St adieu
(1876) ; l'histoire de l'Allemagne, des origines à 843, dans
la Staatengeschichte de Giesebrecht ; une réédition en
2 vol. de la Geschichte der Vôlkerwanderung de Wie-
tersheim (Leipzig, 1880-1881); Urgeschichte der germa-
nischen und romanischen Vôlker (Berlin, 1881-1883,
3 vol.), dans la collection Oncken. Outre quelques écrits
juridiques d'un caractère philosophique, Dahn a écrit une
épopée, des poésies (Berlin, 1857; Stuttgart, 1872), des
romans historiques très goûtés {Ein Kampf um Rom
[récit de la ruine des Ostrogoths], 1876 ; Ohdins Trost,
1880, etc.), des nouvelles, des Hvrets d'opéra (Armin^
Der Schmied von Gretna-Green, etc.) ; des pièces de
théâtre comiques ou tragiques [Deîitsche Ireue, '1 875 ;
Staats-Kunst der Fraue, 1877, etc.). — Sa mère, Cons-
tance ^ et sa belle-mère, Marie, ont été des actrices répu-
tées, surtout comme amoureuses.
DAHN A. Ce mot arabe, qui sert à dénommer tout désert
sablonneux, est employé par les géographes comme nom
propre pour désigner l'immense région désertique de l'Arabie
bornée au N. par le Nedjd, à FO. par le Yémen, au S. par
le Hadramaut et le littoral de l'océan Indien et à l'E. par
le pays d'Oman et une partie du littoral du golfe Per-
sique. On connaît fort peu toute cette partie de l'Arabie ;
on sait seulement qu'elle est habitée par une tribu appelée
El-Morrah, qui y fait paître ses maigres troupeaux. Quelques
rares oasis qui entourent des puits mal approvisionnés
d'eau servent de lieu de refuge plutôt que de lieu de séjour
aux nomades El-Morrah qui, tout en appartenant à la race
arabe, ont le teint extrêmement foncé, des habitudes presque
sauvages et qui, vraisemblablement, ne pratiquent guère
l'islamisme, si même ils l'ont conservé comme religion.
Suivant les auteurs arabes, le Dahna donnerait d'excellents
et abondants pâturages durant les années pluvieuses et
serait alors envahi par toutes les tribus avoisinantes. Pal-
grave, qui d'ailleurs n'a traversé qu'un des bras du Dahna
en allant de Riâd à Hofhouf, dépeint ce désert sous les
couleurs les plus sombres ; suivant lui, ces immenses soli-
tudes, où le sol est presque partout recouvert de sable
rouge, sont l'effroi des voyageurs arabes qui ne s'y aven-
turent qu'avec les plus vives appréhensions, car on raconte
qu'un grand nombre de caravanes y ont été englouties
dans les sables mouvants.
DAHOMEY. Nom, sitqâtion, limites, superficie. — Le
Dahomey ou Dahomé est un petit royaume nègre qui fait
partie de la Côte des Esclaves (littoral du golfe de Bénin,
au fond du golfe de Guinée). Il compte à peu près une
cinquantaine de kilomètres de développement sur la côte
et cent cinquante dans Fintérieur des terres, vers le N.
Le nom de Dahomey signifie « ventre de Dah », selon la
légende ; on raconte, en effet, qu'au xviii® siècle un géné-
ral qui assiégeait la ville de Canna fit vœu de sacrifier son
roi Dah, s'il prenait la ville ; après sa victoire il exécuta
son vœu en massacrant le souverain et plaçant dans son
ventre ouvert la première pierre de son palais. Selon
d'autres auteurs le pays devrait s'appeler Danhomé ou
« ventre du serpent », et ce nom se rapporterait à la
légende d'un serpent fétiche.
Une série de pays, autrefois soumis au Dahomey, se sont
au cours du xix® siècle détachés de lui et, bien qu'exposés
à ses revendications et ses incursions guerrières, sont en
fait distincts et indépendants. Le territoire proprement dit
du Dahomey s'étend sur la côte de la « Bouche du Roi »
(à TE. de Grand-Popo), au lac Denham et au grau de Ko-
tonou et dans l'intérieur entre la rivière Abomé à l'O. et
la rivière Ouémé à l'E. ; il est limité, au N. d'Abomé, par
une frontière mal déterminée sur le territoire des Mahi.
764 —
DAHOMEY
La superficie du royaume est environ de i 0,000 kil. q. ;
la population, estimée d'habitude à 480,000 hab. (48 hab.
par kil. q.), semble, d'après les informations recueillies
dans la dernière campagne, ne pas atteindre 400,000 hab.,
et peut-être même pouvoir se chiffrer à 60,000 hab.
Le Dahomey, cinquante fois moins étendu que la France
et trois cent quatre-vingt fois moins peuplé, est donc un
fort petit Etat dont on a beaucoup exagéré la puissance et
les ressources.
Géographie physique. — La côte, La côte seule est
bien connue : fréquentée par les Européens depuis plus
de deux cents ans, elle a été relevée à plusieurs reprises
par les services hydrographiques. Son aspect physique est
le même que celui des autres côtes de Guinée. La mer est
basse et peu profonde ; elle repose sur un plateau de
sonde très étendu ; elle est bornée à plusieurs kilomètres-
du littoral par des alluvions et des matières organiques qui
répandent des miasmes pestilentiels et se déposent en for-
mant une barre très difficile à franchir même pour les
serf'boat^ embarcations spéciales et les pilotes locaux qu'il
faut employer. Le rivage de sable est plat et terne sans
découpures profondes ; à 20 kil. au large on ne l'aperçoit
pas; derrière, à l'abri d'une ligne de verdure, on trouve un
large réseau intérieur de lagunes et de marigots qui ne
communiquent avec la mer que par des graus peu fixes et
souvent comblés. Quelques points de la côte sont cependant
un peu plus accessibles : la Bouche du roi^ débouché de
la rivière Agomé et de la lagune de Grand-Popo, Whydah,
Avrekété, Godomé, et Kotonou. Les deux seuls ports qui
aient quelque importance sont Whydah et Kotonou. Why-
dah (appelée encore Fida, Hwedah, Ouida, Juda ou Ajuda)
est fort ancienne : dès le xvi® siècle les négriers portugais
la fréquentaient; ses habitants dits « judaïques » passaient
pour un reste des tribus dispersées d'Israël. Conquise en
4725 par les Dahoméens, elle leur appartient depuis sous le
nom de Gléhoué (Ferme) : mais le fétiche du roi de Daho-
mey lui défendant de voir la mer, il ne peut y venir. Il se
fait représenter par un yevoghan (chef des blancs) « qui
ouvre les chemins aux voyageurs » par des cabécères et un
agor (sorte de conseil municipal dirigé par l'agorgan qui
perçoit la douane). Mais l'influence européenne balance
depuis longtemps celle des chefs. La ville est double ; elle
se compose : 4^^ à l'intérieur d'une cité indigèue, à 3 kil.
de la côte, dans une sorte d'île rattachée à la terre par
d'étroites levées, oti l'on trouve des temples fameux con-
sacrés aux serpents pythons : cet animal sacré est un
fétiche auquel se rattachent des superstitions bizarres ;
jadis les arbres étaient aussi des fétiches, et il était dé-
fendu aux étrangers de couper du bois ; 2^ sur le litto-
ral, la cité européenne où s'élèvent des factoreries sur-
montées de drapeaux multicolores. L'influence portugaise
a longtemps dominé sur la ville : oflîciellement les Portu-
gais y ont renoncé en 4885 ; ils possèdent cependant en-
core un fort et une garnison qui dans la dernière guerre
a défendu nos commerçants. Les établissements anglais et
allemands sont nombreux (les Allemands n'ont pas été
arrêtés à l'ouverture des hostilités, ce qui les a fait soup-
çonner de s'entendre avec le Dahomey pour importer des
armes par Petit-Popo). Enfin les maisons de commerce
françaises sont en grand nombre et notre influence est
dominante ; le passé des établissements français à Why-
dah est très ancien : sous Louis XIV la compagnie du
Sénégal y fit construire en 4670, après une mission de
d'Elbée, un fort qui est tombé en ruine au xviii® siècle et
dont M. de Péronne a retrouvé les archives intactes dans
une armoire de fer, en 4838. En 4844, le gouvernement
loua ses terrains à la maison Régis de Marseille pour y établir
un comptoir, et depuis de nombreuses maisons françaises se
sont établies dans la ville. En décembre et janvier la rade
est couverte de navires venus pour le commerce, rendu
plus difficile par les vexations et les restrictions locales ; la
rade d'ailleurs n'est pas sûre. Whydah ne compte que
49,500 hab. — Kotonou (ou Appi) est le second point
important de la côte : elle est située au débouché du grau
par lequel le lac Denham communique avec la mer. Ce lac
(nommé parles indigènes Nokhoué ou maison de l'eai^ se si-
gnale par ses villages Avansori et Afotonou bâtis sur pilotis
par les habitants de Godomé fuyant au xviii® siècle devant les
Dahoméens. Le lac Denham reçoit au N. le Zounou (ou
rivière de So), dont le cours n'est pas connu par suite de
l'interdiction du roi de Dahomey aux Européens ; à l'E. le
lac est continué par les canaux de Toché et d'Aguégué, par
lesquels il communique avec la lagune de Porto-Novo et le
cours du fleuve Whemi (ou Ouémé). Le fleuve Whemi qui
forme la limite orientale du royaume, est le plus considé-
rable du Dahomey. Sa profondeur est de 4 m. et il est
navigable pour les bateaux d'un faible tonnage. L'adminis-
trateur anglais de Lagos, Dumarescq,ra remonté en 4877
jusqu'à Dogba; M. Foaet M. Tratbout l'ont remonté jus-
qu'à Oboa et le 9 oct. 4888 la canonnière française
VEmeraude a été jusqu'à Tohoué au N.-E. d'Abomé. Le
Whemi est une voie stratégique fort importante : il per-
met de tourner les marécages qui obstruent l'entrée du pays
par terre ; c'est aussi une voie commerciale très utile :
Kotonou, située au débouché des chenaux navigables du
labyrinthe lacustre de Nokhoué, de la lagune de Porto-
Novo et du Whemi, est l'entrepôt maritime de la ville
importante de Porto-Novo (qui a 30,000 hab. et un
commerce de dix millions). Kotonou a été cédé à la France
par le roi Glé-glépar les traités de 4868 et 4878 ; le roi
gardait le revenu des douanes et un agor indigène dans
la ville. Le Portugal, s'appuyant sur le protectorat qu'il
avait autrefois exercé, nous a disputé la possession de la
ville ; mais en 4886 il y a renoncé par une convention.
Le nouveau roi Béhanzin l'a revendiqué l'année dernière
(4890) au mépris des traités, et cette prétention a été l'une
des principales causes de la guerre : le traité signé en
oct. 4890 a rétabli nos droits; le seul inconvénient de
Kotonou est l'obstruction fréquente du grau qui le relie à
Porto-Novo : cette dernière ville doit alors détourner son
commerce vers l'E. par le chapelet de lagunes qui rejoint
Badagry et Lagos.
L'intérieur, L'intérieur du Dahomey n'est guère
connu, à l'exception des routes qui mènent de Whydah et
de Kotonou à la capitale Abomé (routes parcourues par de
nombreux voyageurs et commerçants européens) et du
cours du Whémi jusqu'à Tohoué. La route de Whydah
à Abomé traverse d'abord de nombreuses lagunes jusqu'à
Savi, ancienne capitale du royaume de Fida, aujour-
d'hui très déchue; la route s'enfonce ensuite dans une
forêt coupée par de rares éclaircies et des marécages
et gagne ainsi, en passant par Tolli (ou Tori), la ville
d'Allada où elle est rejointe par la route de Kotonou (qui
passe par Godomé, Abomé-Kalavi, Ouéga-Denou, Tanové-
Denou, Palimata, Torrikada, Ajaoué; Bayola suivi récem-
ment cette route). Allada est située sur un plateau salubre
et malgré sa ruine est restée la cité sainte du Dahomey. (Le
roi de Dahomey, qui prend le titre de seigneur d'Allada, doit
s'asseoir sur le tabouret de ses ancêtres dans la cité sainte
avant d'élever son palais dans Abomé ; Ardra n'est d'ail-
leurs plus qu'un marché pour les denrées locales.) La
route se change ensuite en sentier et traverse Henvi (ou
Heravi) et atteint à Epoué un marécage fangeux et boisé
nommé par les indigènes Ko et par les Européens Lama
(fange). Ce marais, large d'environ 42 kil., traverse proba-
blement le pays dans toute sa largeur et se prolonge peut-
être jusqu'à Âbéokouta, au delà du Whemi qui lui sert de
canal d'égouttement : c'est un obstacle très sérieux à l'en-
trée dans le Dahomey continental : pendant la belle saison
on peut le traverser à pied, mais dans la saison des pluies
il faut avoir recours à des porteurs qui enfoncent souvent
jusqu'aux aisselles dans la vase ; l'artillerie ne pourrait y
passer. Au xviii® siècle (en 4784) on avait construit des
ponts et des remblais aux endroits difficiles, mais ils se
sont affaissés dans la fange. Au N. du Ko on pénètre
dans le continent : le sol est rougeâtre et se continue en
DAHOMEY
— 762 —
collines couvertes de verdure ; on descend par les villages
d'Agrime et Zodobome, jusqu'à Kana, résidence d'été du
roi et de sa cour, groupe de maisons disséminées dans la
campagne entre des collines, dans un fond marécageux.
Kana a environ 5,000 liab.; c'est une sorte de cité sainte ;
en souvenir du massacre des Eyo, les anciens possesseurs
du territoire, le roi de Dahomey y avait institué jadis des
sacrifices humains. De Kana à Abomé, la capitale, on
trouve une route large de 30 m., longue de 12 kil., om-
bragée d'arbres superbes : quand les porteuses d'eau
royales passent, on doit se jeter hors de la chaussée en dé-
tournant la tète, sous peine de mort. Abomé est située à
325 m. de haut ; on arrive à la terrasse par une pente in-
sensible, mais au N. la ville domine à pic des plaines
humides cultivées en jardins maraîchers. Abomé (la cité
dans l'enceinte) occupe un large espace de terrain ; c'est
une ville forte, entourée de fossés, d'arbres épineux, fer-
mée par des portes monumentales. Sa population ne dé-
passe cependant pas 40,000 hab. Dans l'intérieur on trouve
de nombreuses ruines; l'agglomération des huttes qui
constituent le palais a 3 kil. de tour ; le mur de cette ré-
sidence était autrefois couvert d'un cercle de crânes.
A gauche du Whemi, à l'E. d'Abomé, on trouve une autre
résidence du roi, Kana-Gomé (ou Zagnanado). Tout autour
de Kana et d'Abomé les campagnes sont cultivées pour
l'approvisionnement de ces villes ; mais au delà les plaines,
ravagées par les expéditions dahoméennes, sont désertes.
Selon la tradition il règne dans les broussailles un roi fan-
tôme au nom duquel ont lieu la levée des impôts et les
vexations de toutes sortes : tout ce dont on peut se plaindre
est attribué à ce roi fictif, et tout ce dont il faut se réjouir,
les largesses et les bienfaits, est attribué au roi réel. Au
N. d'Abomé le pays s'élève doucement d'abord jusqu'à
800 m. puis plus rapidement et atteint 2,000 m. dans le
pays des Mahis ; après il tombe dans le bassin du Niger ;
on y trouve des dômes de granit et de basalte, et des dé-
bris glaciaires nombreux.
Climat. — Le climat est chaud et humide comme dans
toute la Guinée. La chaleur n'est pas excessive, mais sa
constance est très énervante ; la moyenne est de 26^,2 ; le
maximum constaté (en novembre) est de 35**, 2 et le mini-
mum (en mai) de 20^,5. On compte dans le Dahomey deux
saisons principales : i<* de mai à septembre, cinq mois de
sécheresse se succèdent; 2° d'octobre à avril, sept mois de
pluie ; sur ces sept mois les quatre premiers, d'octobre à
janvier, se signalent par de véritables déluges ; en janvier
et février, les chaleurs sont terribles ; le mois de mars est
marqué par les orages, fréquents en tornades. Pendant
l'hivernage l'atmosphère est saturée de vapeurs suffocantes
qui occasionnent une multitude de fièvres paludéennes et
d'ulcères. Les meilleurs mois de l'année sont ceux de juil-
let à septembre, où le vent sec et torride venu du Sahara,
l'harmattan, balaye les miasmes. Le Dahomey est cependant
le pays le moins insalubre de la Guinée : on n'y trouve pas,
comme à Lagos ou aux embouchures du Niger, des visages
pâles et émaciés, il n'y a pas d'épidémie permanente de
fièvre jaune et de typhus ; avec des précautions, en évitant
les excès, l'Européen peut y vivre pendant quelques années.
Flore. — La végétation est magnifique : c'est la
luxuriance des flores tropicales. Le Mttoral est bordé
d'euphorbes, d'orchidées et de fleurs merveilleuses. Dans
l'intérieur des forêts, de grands arbres enlacés de lianes
inextricables, des taillis de fougères obstruent tout pas-
sage. On trouve principalement des palmiers, des coco-
tiers, des arbres à pain et beurre, des cachoux, des
citronniers, des orangers, des arbres à caoutchouc et à
gomme, des bois d'ébénisterie comme l'acajou. On trouve
des karkum, arbres de 3 m. de diamètre et de 60 m. de
haut où l'on taille des planches de 2 m. d'épaisseur et
sans fissure; des palmiers avoira, d'où nous tirons de
l'huile de palme et que les indigènes exploitent, mangeant
le chou, tirant du vin du suc fermenté, faisant des lignes
pour pêcher, des chapeaux, des paniers, etc. Le sol est
fertile et peut produire en abondance le maïs, le riz, la
patate, la canne à sucre, les haricots, le manioc, les
citrouilles, les arachides, le tabac, l'indigo, le coton, le
café, le cacao, les épices. Le blé ne produit pas de grains
et la vigne pas de raisins. Au N. du Dahomey on pourrait
utiliser les savanes pour l'élevage. En somme, il semble
que l'on pourrait tirer du pays de grandes richesses agricoles.
Faune. — La faune, comme la flore, est très riche et
très variée. Les éléphants, les hippopotames, les rhino-
céros, les panthères, les lions, les loups, les sangliers, les
chacals, les chats-tigres, les buffles, les gazelles, les
léopards, les chats sauvages et agoutis sont très nom-
breux ; les grandes espèces de singes, les chimpanzés et les
gorilles peuplent les forêts. En revanche, les animaux
domestiques, les chameaux, les bœufs, les chevaux ne s'y
trouvent pas en grandes quantités à cause des mouches
tsetsés ; seuls les ânes y sont assez nombreux. Les oiseaux
sont représentés par des multitudes de pintades, poules
d'eau, pigeons, oies, poules, canards, pies, pélicans,
bécasses, flamants, aigles, cardinaux, perruches, cor-
neilles, moineaux, hirondelles, colibris, merles métal-
hques, foliotocoles à reflets d'émeraude, vautours, griffons.
Les reptiles les plus répandus sont les pythons, les ser-
pents, les lézards ; beaucoup de crocodiles. Les côtes sont
infestées par les requins. On y trouve beaucoup de poissons
et de coquillages ; et partout des escargots, innombrables,
hase de la nourriture des indigènes. Les insectes peuplent
l'air : ce sont de magnifiques papillons, des mouches, des
moustiques, dont les plus dangereux sont la tsetsé et la
chique ; des scorpions, des termites, des fourmis de
grande taille. On voit que la vie animale est aussi puis-
sante que la vie végétale.
Population et coutumes. — Les habitants, sur le
nombre desquels on varie beaucoup puisqu'on en compte de
six à dix-huit par kilomètre carré, sont assez clairsemés ; cela
tient aux guerres incessantes et aux massacres. Ils appar-
tiennent à la famifle nègre des Eoué (ou Ewlié ou Azighé)
qui peuple le pays entre la Volta et l'Agoun et dont
les Dahoméens constituent le groupe central et le plus intel-
ligent. Les Eoué sont d'une haute stature et bien propor-
tionnés : leurs traits sont assez réguliers et leur peau peu
foncée. Les indigènes sont d'une grande propreté, les femmes
surtout se baignent fréquemment et après le bain se
frottent le corps d'huile et d'onguents et se teignent en
rouge avec une poudre de bois. Pendant le deuil les ablu-
tions sont interdites; aussi désigne-t-on les pleureuses
sous le nom de « non lavées ». Cette propreté préserve
les habitants du littoral des maladies de peau si fréquentes
dans l'intérieur : une des maladies les plus répandues est
le krokro, sorte de lèpre qui se guérit facilement. Comme
tous les nègres, les Eoué ont fréquemment des hernies
ombilicales ; on rencontre chez eux d'assez nombreux
individus aux cheveux rouges et à la peau jaunâtre, par-
semée de taches blanches. — Les Dahoméens participent
à ces différents caractères des Eoué : ils se distinguent
par leur intelligence et leurs facultés d'assimilation. Les
mesures comparées de Broca ont établi qu'ils comptent
parmi les peuples ayant la plus forte capacité crânienne.
Ils apprennent sans difficultés les langues étrangères.
Laborieux et soumis ils sont assez doux, malgré leur répu-
tation de cruauté : ils ne frappent ni les femmes, ni les
enfants ; les assassinats sont rares. Leur pofitesse est raf-
finée et entretenue par une étiquette stricte qui indique les
paroles et les gestes de respect nécessaires : quand un
dignitaire se fait représenter par sa canne que porte un es-
clave, on rend à cet insigne les mêmes hommages qu'à son
possesseur. Le sentiment de la famille est très développé ;
les femmes aux pieds et mains petits et fins, ont de beaux
yeux ; très coquettes, elles portent aux bras et aux jambes
de lourds bracelets ; elles sont libres de pratiquer les
métiers des hommes, elles prennent part au gouvernement
et sont associées à l'armée. Cependant, une fois mariées
elles deviennent la propriété du mari qui les achète ; la
763
DAHOMEY
polygamie régnant, les pauvres n'ont pas de femmes et le
roi entretient pour eux un corps de courtisanes. Celui qui
séduit une femme mariée doit rembourser au mari le prix
de vente ou céder sa femme en échange ; s'il ne le peut on
le vend comme esclave ; et si le mari trompé est cabécère
le séducteur est mis à mort. Le culte des morts est sou-
mis à la hiérarchie : si le mort est pauvre, on le jette dans
la brousse en pâture aux fauves ; s'il est riche, on lui rend
de grands honneurs ; sa fosse est creusée sous son lit
mortuaire et jadis on égorgeait un enfant sur sa tombe
pour apaiser Liba, le gardien des morts. Les obsèques des
rois étaient accompapées de massacres. D'ailleurs, les
Dahoméens ne craignent pas h mort ; ils croient si com-
plètement à l'immortalité de l'âme qu'ils considèrent le
mort comme le passage à une vie plus réelle et éternelle.
Pour causer avec ses ancêtres le roi tuait jadis de sa main un
homme que la famille était très honorée de voir choisir
comme ambassadeur du roi. Les gens immolés sur les tom-
beaux étaient munis d'une bouteille de tafia et de cauris
pour les frais du voyage. La superstition des Dahoméens
est extrême, leur religion grossière et cruelle : les fétiches
(vodoun) et les féticheurs sont innombrables. A l'intérieur
des maisons on mêle le culte à tous les actes de la vie ; à
l'extérieur on rencontre à chaque coin de rue dans les
villes, sous chaque arbre dans les campagnes, de petites
bornes couvertes de poteries et d'offrandes : l'huile de
palme et les gâteaux de maïs y sont incessamment renou-
velés. On craint de s'adresser au « Seigneur des esprits »
qui est un trop grand dieu ; mais on adore Tâme des ancêtres
et les forces de la nature, lesgénies secondaires. Tantôt le
patron des villes est un serpent (le dangbé) qui représente
la bienveillance et le bonheur, tantôt un chien, un singe,
un caïman ; sur les bords de la mer, à Ajuda, on adorait
le dieu des vagues. Les Dahoméens adorent les âmes des
grands ; ils adorent leur propre âme non pas « quand elle
descend dans le ventre » mais « lorsqu'elle monte dans la
tête et remue des idées ». Chaque objet a son âme qui est
un fétiche ; la croix chrétienne est un fétiche respecté ;
de même les canons, les fusils.
Gouvernement. — C'est le roi qui représente essentiel-
lement le gouvernement; mais il se fait aider de quelques
dignitaires : le mingan, sorte de premier ministre ; deux
méo, ministres secondaires, et de nombreux cabécères
qui ont une, deux, trois ou quatre queues de cheval
d'après leur importance. Le roi se fait représenter à Whydah
par le yevoghan et par Vagor. D'ailleurs, ces différents
personnages n'ont pas d'autorité propre : ce sont de véri-
tables esclaves du roi. — Une des principales causes de
l'abaissement du Dahomey est le despotisme qui y règne,
comparable à celui des Achanti ; le roi et les grands ont
soigneusement appuyé leur pouvoir sur des cérémonies
religieuses. Le roi « lion d'Abomé », « cousin du Léo-
pard » est considéré comme un dieu ; son pouvoir est illi-
mité, il dispose de la vie et des biens de ses sujets ; il
hérite des morts. Autrefois il prenait ses repas en secret,
étant censé ne boire ni manger comme les simples mor-^
tels ; de même il écoutait les suppliques derrière un rideau
qui le dérobait à la vue de ses sujets. Il possède une armée
de femmes que la reine (dada) commande avec droit de vie
et de mort ; les fils de la reine sont seuls princes royaux,
les fils des autres femmes sont pages et on choisit dans
leur nombre les cabécères à qui il est interdit de révéler
leur origine. Dans le harem la gardienne du brasier où le
roi allume sa pipe, et la favorite qui tient le crachoir sont
des dignitaires du royaume. Les autres épouses sont des
esclaves qui s'occupent du ménage et de la cuisine. En
outre, quelques centaines de femmes installées dans le
palais composent la garde royale : ce sont des amazones
vierges gardées par des eunuques. Elles déclarent se con-
sacrer au métier d'homme et de soldat. Leur costume est
assez élégant : c'est une tunique de plusieurs couleurs, sur
laquelle se jouent des animaux fabuleux, en broderie, et un
pantalon vert ou rouge assez court. Leurs formes presque
masculines, leur courage, leur cruauté en font d'excellents
soldats. Elles exécutent avec une infatigable précision des
danses de guerre. La garde du roi se compose en outre de
2,000 guerriers armés de fusils à pierre; en cas de guerre,
il peut lever un maximum de 12 à 43,000 hommes. —
Le gouvernement se préoccupe uniquement d'entretenir la
cour et de faire la guerre ; mais ces dépenses dépassent
de beaucoup les revenus régulièrement perçus par impo-
sition. Aussi se procure-t-on des ressources comme on
peut, en dépouillant de temps à autre les maisons riches,
en arrêtant dans les rues les marchandises; à Whydah,
les habitants qui ont acheté des étoffes dans les factore-
ries apostent des gens de confiance pour savoir si les
gens du roi ne les guettent pas et ne vont pas les dé-
pouiller dans le trajet de retour à la maison : toute tenta-
tive de résistance est un crime. Le résultat des vexations
exercées contre les riches est une profonde misère dont
personne ne cherche à sortir. Au printemps, le roi em-
mène à la guerre la population valide qui pourrait récol-
ter l'huile de palme. On laisse volontairement le pays
sans routes ni canaux pour le fermer aux Européens. La
superstition des Dahoméens, l'habitude de la guerre et le
despotisme expliquent les coutumes sanguinaires que les
voyageurs ont souvent décrites. Une des plus féroces était
autrefois, la fête de la x< grande coutume » célébrée après la
mort du roi , occasion d'horribles massacres. Ces scènes
de carnage ont beaucoup diminué, mais il ne semble pas
qu'elles aient complètement cessé.
Histoire. — Le Dahomey « est une de ces formations
politiques si fréquentes en Afrique et quasi-caractéristiques
des races noires : groupements éphémères de constitution
variable, de limites indécises et flottantes, nés du hasard
des guerres et subordonnés à leurs vicissitudes ; agglomé-
rations de tribus plus ou moins nombreuses et plus ou
moins soumises selon la chance des combats ». (Mala-
vialle.) Il fut constitué au commencement du xvii® siècle à
l'intérieur des terres, autour de la ville d'Allada ou Ardra
qui lui donna d'abord son nom et est restée la cité sainte ;
située sur un plateau assez sain, au croisement de plusieurs
routes, c'était alors une cité commerçante où quelques Eu-
ropéens vinrent établir des comptoirs. Elle avait, dit-on,
15 kil. de tour. En 1724, quand les Dahoméens s'em-
parèrent de la route maritime, ils massacrèrent les habitants
et détruisirent la ville dont les ruines furent bientôt recou-
vertes par la forêt. Au xvni® siècle, les Dahoméens repor-
tèrent leur capitale plus au centre du royaume, à Abomé ;
en 1725, ils s'ouvrirentun débouché vers le littoral en
conquérant le royaume d'Ajuda avec sa capitale Savi (ou
Xavier) et son port principal, Fida (ou Whydah). Cette
dernière ville devint uncentre important pour le commerce
des esclaves ; appelée par les Dahoméens Gléhoué, par les
Portugais Ajuda, elle exportait environ 18,000 esclaves et
comptait à l'époque de sa plus grande prospérité 35 , 000 hab . :
des comptoirs et des forts portugais, anglais et français s'y
étaient établis. L'empire de Dahomey était alors le plus
puissant de la Côte des Esclaves et dominait le territoire
desEoué, l'Eouémé de la Voltaàl'Ogoun, entre les royaumes
des Achanti et des Fanti à l'O., des Nagos et des Egbas
(ou Yorouba) à l'E. [Les Eoué se subdivisent en cinq
groupes: 1^ Les Anlo (ou Anglo) à l'E. de la Volta ;
2° les Krepi (ou Anfoué) ; 3^ les Djedi (ou Ajuda); 4° les
Dahoméens (ou Daouma) ; 5° les Mahis (ou Makhi) au N.].
A partir de la fin du xviii® siècle la suppression de la
traite a beaucoup appauvri le Dahomey, démembré aussi à
plusieurs reprises. A l'O. les Anlo et les Krepi se sont
détachés en Etats indépendants, de forme républicaine ou
monarchique, sous l'influence des Européens (le pays de
Togo, protectorat allemand ; les postes de Agoué, Grand-
Popo, aujourd'hui français, et la confédération presque
républicaine des villes du bassin de l'Agomé qui sont dans
notre zone d'action) ; à l'E. le royaume de Porto-Novo
appartient encore à un prince dahoméen, mais il est sous
notre protectorat ; les petits royaumes de Pokra, Okéadan
DAHOMEY
— 764 —
et Addo, celui des Egbas avec sa capitale Abeokouta sur
rOgoun sont dans la zone d'action des colonies anglaises
de Badagry et de Lagos. Au N., les Mahis avec leur capi-
tale, Savalou, ont conquis une demi-indépendance.
Plusieurs puissances européennes ont eu des rapports
suivis avec le Dahomey. Les Portugais y ont fait longtemps
le commerce des esclaves et ont exercé une espèce de pro-
tectorat non reconnu jusqu'en 1886 où ils y ont renoncé.
L'Angleterre y avait établi des comptoirs' et des postes
qu'elle possède encore; en 1877, elle a manifesté quelques
velléités de s'emparer du Dahomey : elle a fait le blocus
de la côte et envoyé une canonnière (la Nelly commandée
par Dumarescq, administrateur de Lagos) jusqu'à Dogba,
sur le Whemi. La France, dès la fin du xvii® siècle, a eu des
relations commerciales avec le Dahomey (fondation d'un
fort à Whydah par d'Elbée, envoyé par la compagnie du
Sénégal). En 1670, le souverain d'Allada envoya à
Louis XIV un ambassadeur. Mais dans le cours du xviii'^ siècle
les établissements français furent ruinés et ce n'est qu'au
cours du XIX® que les relations reprirent; en 184i, les
maisons Régis et Fabre furent autorisées par le roi Ghézo,
grand-père du roi actuel, à s'installer à Whydah. En 1858,
le roi Glé-Glé, fils de Ghézo, fit bon accueil au lieutenant
de vaisseau Vallon (aujourd'hui contre-amiral et député
du Sénégal). En 1863, un fils de Glé-Glé, Dassi, devenu roi
de Porto-Novo sous le nom de Toffa, conclut alliance avec la
France et mit Porto-Novo sous notre protectorat. La ville,
d'abord occupée, fut abandonnée, mais réoccupée en 1883.
Le roi Glé-Glé nous avait entre temps cédé par des traités,
en 1868 et 1878, la ville de Kotonou, sous certaines condi-
tions ; les Français s'installèrent alors à Kotonou, à Godomé
et à Abomé-Kalavi malgré les réclamations du Portugal.
Les Allemands établis à Togo s'efforcèrent en 1889 de nous
supplanter près du roi de Dahomey à qui ils envoyaient des
cadeaux par le D^ Wolf qui se rendit de Petit-Popo à
Abomé,
A la fin de 1889, la France se trouvait en rivalité
avec l'Allemagne et l'Angleterre et en conflit avec le roi
Glé-Glé qui faisait subir à nos commerçants de Whydah et
de Kotonou d'insupportables vexations. Pour mettre fin à
cet état de choses et rendre la situation plus nette, le gou-
vernement français se décida alors à envoyer en ambassade
au roi de Dahomey le D"^ Bayol, lieutenant-gouverneur des
Rivières du Sud. Celi^-ci, arrivé à Kotonou, envoya son
hâton à Glé-Glé comme signe de ses pouvoirs : le roi lui
fit dire de venir à Abomé. Bayol se mit en route avec son
secrétaire Angot, mais arrivé à Abomé il fut reçu fort mal
par le prince Kondo, fils de Glé-Glé (alors malade) : le
D^ Bayol fut retenu pendant .trente-six jours presque en
captivité; on l'obligea à assister à des sacrifices humains;
(on le força même, dit-on, à signer un traité de renoncia-
tion à Kotonou, traité qu'il aurait brûlé plus tard). Bayol
parvint enfin à quitter Abomé, le prince craignant la ven-
geance de la France : le roi Glé-Glé mourut deux jours après
et le prince Kondo devint le roi Béhanzin. Sur la demande
de Bayol, que l'opinion publique appuyait, le gouvernement
envoya au Dahomey (févr. 1890), deux compagnies de tirail-
leurs sénégalais de cent vingt hommes chacune avec quatre
pièces de quatre et soixante tirailleurs gabonais commandés
par le commandant Terrillon ; ces troupes venaient ren-
forcer les cent cinquante hommes du poste de Porto-Novo.
Débarquées le 20 févr. à Kotonou elles s'emparent de la ville,
brûlent le village dahoméen et déclarent Kotonou posses-
sion française. Le 23 févr., l'armée dahoméenne est repous-
sée ; mais le 1^^ mars, une reconnaissance tentée jusqu'à
Zobbo est obligée de rentrer en hâte dans Kotonou devant
une attaque furieuse des Dahoméens, les amazones en tête.
Douze hommes avaient été tués et vingt et un blessés sur les
trois cent vingt hommes que comptait l'expédition. Le
25 mars, une sortie sur Godomé réussit. Par malheur, on
avait négligé de protéger les commerçants français de
Whydah qui avaient été capturés, enchaînés et dirigés sur
l'intérieur par les Dahoméens ; en même temps, l'opinion
publique s'alarmait, exagérait les forces de Parmée daho-
méenne (qui comptait en tout huit mille hommes dont un
quart armé de tusils) .
Cependant le roi Béhanzin renonçant à reprendre Kotonou
se tournait contre son frère Toffa, roi de Porto-Novo, décla-
rant que c'était à lui et non à la France qu'il en voulait :
notre résident à Porto-Novo, Ballot, demanda alors des
renforts. Le 26 mars, la canonnière l'Emeraude quitta
Kotonou pour gagner Porto-Novo et en passant soumit, aux
combats de Dangbo etDogla(28 mars), le Decamey dont le
roi autrefois allié de Toffa s'était uni contre lui avec le roi
de Dahomey. Le 29 mars, la canonnière remonte le Whemi
jusqu'à Danou, bombarde le village d'Azaouisse, puis Don-
koli et Gléhoué et rentre à Porto-Novo et Kotonou. En
avril, le D^' Bayol est rappelé en France, Ballot nommé
gouverneur civil de Porto-Novo et l'amiral de Cuverville
commandant la division navale de l'Atlantique, chargé à
bord de la Naïade de la direction de l'expédition. En atten-
dant l'arrivée de Cuverville, le lieutenant de vaisseau Four-
nierà bord du Sané, est chargé de l'intérim. Six vaisseaux
de ligne, le Sané^ le Kerguélen, V Ardent^ la Mésange^ le
Roland^ la Naïade^ gardent la côte du golfe de Bemn mise
en état de blocus entre le Togo et Lagos ; [Whydah reçoit
quelques bombes. De nouveaux renforts arrivent et nous
comptons en tout huit cent quatre-vingt-quinze hommes. Le
18 avr. le commandant Terrillon à bord àeVEmeraiide se
rend avec trois cent soixante-quinze hommes à Porto-Novo
qu'il met en état de défense, puis il atteint l'ennemi à Atiou-
pa, et livre le plus important et le dernier combat de cette
campagne : quinze cents Dahoméens sont tués ou blessés
et nous n'avons que huit hommes tués et cinquante-trois
blessés. Les Dahoméens se mettent en retraite, mais la sai-
son des pluies arrive, les troupes sont malades des fièvres,
et pendant mai, juin, juillet on ne peut reprendre les hos-
tilités (l'amiral de Cuverville était arrivé en mai et le Keute-
nant-colonel Klippfel avait remplacé le commandant Terril-
lon). Le 5 août, des renforts arrivent à Porto-Novo par
Lagos (la passe de Kotonou étant obstruée) et Klippfel
propose de remonter le Whemi, d'étaMir un fort à Faniré
et de marcher sur Abomé. Ces projets sont arrêtés par les
négociations. Les commerçants capturés à Whydah au
début des hostilités avaient été d'abord maltraités ; puis,
emmenés dans l'intérieur jusqu'à Abomé, ils furent mieux
traités et enfin le 30 avr. reçus par le roi Béhanzin dans
son camp à Kana-Gomé ; le roi leur expliqua qu'il n'en vou-
lait qu'à son frère Toffa et à Bayol qui l'avait méchamment
trompé ; il dit qu'il voulait bien laisser toute liberté aux
Européens à Kotonou et Whydah, mais sans céder ces villes ;
enfin il les remit en liberté avec des lettres pour « son
ami Ballot » (annonçant le retour des captifs en échange
des cabécères noirs pris en otage par les Français à Koto-
nou) et pour « son ami Carnot ». Les otages se hâtèrent
de rejoindre W^hydah où on fut très surpris de leur retour,
car on les considérait comme perdus. Ces dispositions paci-
fiques de Béhanzin facilitèrent la paix. Ballot envoya d'abord
à Abomé un noir civilisé, Bernard Durand, interprète de la
résidence ; mais Béhanzin qui était parti en guerre contre
les Egbas à Abeokouta, garda l'ambassadeur dans une demi-
captivité et ne lui accorda rien. Ballot expédia alors Sici-
liano, agent de la maison Régis, mais sans succès. Enfin
l'amiral de Cuverville chargea le 5 août 1890 le père Ber-
gère de négocier la paix. Celui-ci réussit et l'on signa le
traité de Whydah du 3 oct. 1890, signé pour la France
par M. d'Ambrières et le P. Dorgère, et pour le Dahomey
par Candide Rodriguez et Allexandre. « Art. 1®^ : Le roi
de Dahomey s'engage à respecter le protectorat français du
royaume de Porto-Novo et à s'abstenir de toute incursion
sur les territoires faisant partie de ce protectorat. Il recon-
naît à la France le droit d'occuper indéfiniment Kotonou.
— Art 2 : La France exercera son action auprès du roi de
Porto-Novo pour qu'aucune cause légitime de plainte ne soit
donnée à l'avenir au roi de Dahomey. — A titre de com-
pensation pour l'occupation de Kotonou, il sera versé annuel-
76S
DAHOMEY «. DAILLÉ
lement par la France une somme qui ne pourra en aucun
cas dépasser 20,000 fr, » Ce traité est soumis à la ratification
des Chambres en ce moment (4891). Il est assez critiqué :
on dit que nous avons l'air de solliciter la paix à tout prix,
que les difficultés subsistent, que l'on aurait dû exiger
l'établissement d'un résident au Dahomey, la renonciation
aux sacrifices humains, la protection du commerce à Why-
dah comme à Kotonou. A ces objections assez justes on
répond que pour obtenir un meilleur traité il fallait une
expédition plus sérieuse et coûteuse (la guerre a déjà coûté
916,000 fr.). Le Dahomey en vaut-il la peine ? On ne peut
en faire une colonie de peuplement, son intérêt n'est que
comme pays d'exploitation commerciale. Le traité de Why-
dah à ce point de vue suffit : il améliore la situation à Koto-
nou et la conserve à Whydah; nous achetons 20,000 fr.
par an les droits de douane. Notre protectorat sur Porto-
No vo est reconnu officiellement. Il n'a pas été question
jusqu'ici d'occuper le Dahomey; par nos positions sur la
côte de Guinée, nous préparerons peu à peu et pacifique-
ment le protectorat et l'annexion politique du royaume par
le développement des rapports commerciaux. Il semble en
efi'et que ce petit pays, que la nature a doué de ressources
considérables et qui est habité par une race intelligente
et énergique, quoique maintenue dans la misère et la
barbarie, pourrait être exploité avec avantage par les
Européens.
BiBL. : FoRBEs, le Dahomey et les Duhomîns (Journal
des missions chezle roi de Dahomey^ 18^:9-1850); Londres,
1851, 2 voL in-8. -— Vallon, le Royaume de Dahomey
(Revue maritime et coloniale^ août-nov. 1861). — Guille-
viN, Voyage dans Vintérieur du Dahomey {Nouvelles
annales des Voyages^ 1862). — D" Répin, Voyage au Da-
homey {Tour du monde^ 1863). — Béraud, Notes sur le
Dahomey ( Bulletin de la Société de géographie de Paris^
1866). — Abbé Laffitte, le Dahomé {Souvenirs de voyage
et de missions)\ Tours, 1873. — Bouche, la Côte des Es-
claves et le Dahomey {Bulletin de la société de géographie
de Paris^ 1874). — Tournafond, le Dahomey, 1875. —
Serval, le Dahomey {Revue maritime et coloniale^ 1878).
— Bazile Féris, la Côte des Esclaves {Archives de méde-
cine navale^ 1879, et Revue scientifique^ 9 juin 1883). —-
Elisée Reclus, VAfynque occidentale; Paris, 1887. —
Revue française, plusieurs articles de juin à déc. 1890.
— Matïeî, Bas-Niger, Bénoué, Dahomey \ Grenoble, 1890.
— Malavialle, le Dahomey ; Montpellier, 1891. — Mission
Ballot, Revue française, 15 janv. 1891. — Skertchley,
Dahomey as it is. — Duncan, Travels in Western Africa.
•^ Robert Norris, Dahomey. — HugoZôLLER, Das Togo-
land und die Sklavenhûste. — Richard Burton, Dahomé.
— Une communication a été faite par M. E. Foa, le 9 janv.
1891, à la Société de géographie de Paris sur le Dahomey
et Porto-Novo (^e pays, les habitants, les mœurs, le féti-
chisme, etc.); cette communication paraîtra prochainement
dans le Bidletin de la Société de géographie.
DAHOU ET. Village et port dépendant de la corn, de
Pléneuf, dép. des Côtes-du~Nord, à l'embouchure d'une
vallée et abrité par les falaises du côté de la mer. Bureau
de douanes. Le port, difficile d'accès, peut recevoir des
navires de 300 tonneaux. Il exporte des grains, des farines
et des bois, et importe surtout des vins et des eaux-de-vie.
On y arme pour la pèche de Terre-Neuve.
DAHRA. Région de l'Algérie, appartenant à peu près par
moitié au dép. d'Alger et par moitié à celui d'Oran. C'est
un massif montagneux, limité à l'O. et au S. par la vallée
inférieure du Chéliff, à l'E. par la vallée de l'oued Allala,
au N. par la Méditerranée. Son nom signifie le pays du
nord, ou, suivant une autre étymologie arabe, le dos
(dhahr). Sur le bord de la mer, il vient mourir en hautes
falaises ou quelquefois en collines arrondies. Vu de ce côté,
le Dahra apparaît comme composé de plusieurs plans suc-
cessifs de hauteurs ; ce sont d'abord des plaines étalées
les unes au-dessus des autres, puis de hautes collines
arrondies au sommet, mais aux flancs déchiquetés par les
efforts des eaux. L'aspect du Dahra est tout autre pour
qui le voit du sud, des rives du Chéliff; il se dresse comme
une énorme digue d'aspect uniforme, dans laquelle on ne
distingue ni sommets bien marqués, ni brèches profondes.
Que si l'on monte sur cette digue on a devant soi un pays
fortement accidenté et mamelonné, mais où ne manquent
ni les terres fertiles, ni les eaux vives, ni même les centres
habités. La ligne de partage des eaux ou le dos du pays
est à une ait. d'environ 600 m. et est beaucoup plus voi-
sine du Chéliff que de la mer. Les sommets les plus élevés
sont : le ras Amra (422 m.), près de l'embouchure du
Chéliff; le Souk-el-Had (616 m.) ; le djebel Tacheta
(756 m.); le djebel Allouda (819 m.) et le djebel Monra
(846 m.). Les rivières qui le parcourent sont de l'O. à l'E. :
l'oued el Abid, l'oued Ouadjem, l'oued Rouman, l'oued
Zerifa, l'oued Caddour, l'oued Khamis, l'oued Aberi, l'oued
Guetta, l'oued Melah, l'oued Allala, torrents qui tombent
dans la Méditerranée ; vers le ChéHff s'écoulent l'oued
Beloda, l'oued Ouarizan, l'oued Tefsi, Foued Ras et l'oued
Onayan.'Les sources sont partout abondantes et d'un débit
asse^ régulier.
Le Dahra est un pays riche et généralement assez bien
cultivé, surtout dans l'Ouest ; outre de beaux massifs de
genévriers de Phénicie, de lentisques, d'oliviers sauvages
et de chênes verts, on y remarque d'innombrables figuiers ;
c'est, on peut dire, la culture caractéristique de la région
et elle donne lieu à un trafic actif. La population, qui
s'élève à 38,000 individus, vit en partie sous la tente, en
partie dans des maisons ou gourbis ; les éléments ethniques
les plus divers s'y trouvent juxtaposés, mais c'est l'élément
berbère qui prédomine, notamment dans les tribus des
Zeriffa, des Achacha, des Beni-Zeroual et des Mediouna
(la plus forte du pays). Celle des Oulad-Riah est célèbre
depuis qu'un millier de ses membres, en 1845, furent en-
fumés par Pélissier dans des grottes voisines de Nekma-
ria. Le seul centre de population indigène qui soit remar-
quable est la ville berbère de Mazouna. Dans une région
aussi accidentée, on a eu quelque peine à établir les routes
nécessaires aux transports et à la sécurité; mais, depuis
1870, un réel progrès a été accompli et les villages de
Pont-du-Chéliff, Ouïllis, Bosquet, Cassaigne, Nekmaria, Re-
nault comptent de nombreux colons français ou européens.
— A l'époque romaine, le Dahra paraît avoir eu une cer-
taine prospérité, dont témoignent, outre des ruines nom-
breuses éparses çà et là, les vestiges des cités de Arsi-
maria et Quiza, mentionnées par les géographes. Au moyen
âge, ce pays exportait des grains, des figues, de la cire,
par les nombreux petits ports du littoral ; aujourd'hui,
celui de Mostaganem est mal abrité et insuffisant, et c'est
vers la vallée du Chéliff que s'écoule la plus grande partie
des produits de la région. E. Cât.
BiDL. : G. Bourdon, Etude géographique sur le Dahra
{avec carte au 400,000°), dans le Bulletin de la Société
de géographie de Paris, 1871, pp. 5-72, et 1872, pp. 59-91.
DAIGNAC. Com. du dép. de la Gironde, arr. de Libourne,
cant. de Branne ; 342 hab.
DAIGNY. Com. du dép. des Ardennes, arr. et cant. (N.)
de Sedan ; 510 hab.
D AIGUË (Etienne) (V. Beâuvais [Sieur de]).
DAILLANGOURT. Com. du dép. de la Haute-Marne,
arr. de Chaumont, cant. de Vignory ; 255 hab.
DAILLÉ (Jean), savant théologien et pasteur de l'Eglise
réformée de France, né à Châtellerault le 6 janv. 1594,
mort à Paris le 15 avr. 1670. Après avoir été choisi par
Duplessis-Mornay comme précepteur de ses petits-fils et
avoir parcouru avec eux les divers pays de l'Europe, il fut
consacré et exerça quelque temps les fonctions de pasteur
à la Forêt-sur Seine et à Saumur. A l'âge de trente-deux
ans, il lut appelé par le Consistoire de Paris à desservir
l'église qui s'assemblait au temple de Charenton, il y resta
jus(îu*à sa mort et défendit sa confession religieuse dans des
traités d'une solide érudition. Il eut l'honneur de présider
le dernier synode général que les protestants aient tenu en
France avec la permission du roi (à Loudun, 1659). Daillé
avait composé sept cent vingt-quatre sermons, dont plu-
sieurs ont été publiés, et des ouvrages dont les principaux
sont : Dernières Heures de Mornay (imprimé à la suite
de la Vie de Mornay, par Licques) ; Traité de l'emploi
des Saints Pères pour juger les différends religieux
(Genève, 1632) ; Apologie des Eglises réformées (Cha-
ÛAÏLLE - DAIMIEL
766
renton, 1633) ; De la Créance des Pères sur le fait des
images (Genève, 4641) ; Apologiapro duabus Ecclesia-
rum in Gallia Protestantium Synodis (Amsterdam,
1655, 2 vol. in-S), où il soutient la doctrine d'Amyraut
sur le salut universel ; Adversiis latinorum de cultus re-
ligiosi objecta traditionem Disputatio (Genève, 1664-
1665, in-4). G. Bonet-Maury.
BiBL. : Abrégé de la vie de M. Daillé, ministre à Cha-
renton, par son fils ; Paris, Î670, in-12. — Bayle, Diction-'
naire historique et critique. — Bordier, art. Daillé, dans
la France protestante^ 2«éd.
DAILLECOURT. Corn, du dép. de la Haute-Marne,
arr. de Chaumont, cant. de Glermont; 1,255 hab.
DAILLECOURT (Comte de) (V. Choiseul).
DAILLIÈRE (Julien), littérateur français, né à Brian-
çon le 21 déc. 1812, mort à Angers en 1887. Il fut bi-
bliothécaire à la Sorbonne. Parmi ses œuvres nous cite-
rons : André Chénier (Paris, 1844, in-8), drame en trois
actes, en vers ; Napoléon et Joséphine (1848, in-8),
drame en cinq actes en vers ; les Restes de saint
Augustin rapportés a Eippone (1856, gr. in-8), poésie;
Drames et Poèmes (Angers, d859, in-12) ; David
d'Angers (Toulouse, 1864, in-8), poème ; Drames^
Poèmes et Contes (Angers, 1885, 2 vol. in-8) ; la Mis-
sion de Jeanne d'Arc, drame en cinq actes, joué à l'Am-
bigu le 1^^ juin 1888.
DAILLION (Horace), sculpteur français, né à Paris en
1854. Elève de Aimé Millet; méd. de 2® cl. au Salon de
1882, pour le Réveil d'Adam (groupe plâtre) ; méd. de
1"^^ cl. et prix du Salon en 1885, pour le marbre du
groupe précédent et le Bonheur (groupe plâtre).
DAILLY (Alexandre-Michel, dit Armand), acteur fran-
çais, né à Paris le 17 oct. 1777, mort en cette ville le
10 sept. 1848. Elève du Conservatoire dès 1794, il le quitta
pour entrer au théâtre des Troubadours, puis au théâtre
Louvois, et suivit ensuite son directeur. Picard, à l'Odéon,
devenu le théâtre de ITmpératrice. Pendant seize années
qu'il y passa, Armand Daiily se fit remarquer à l'Odéon
par le talent qu'il déploya dans l'emploi des comiques.
Aussi après s'en être éloigné en 1824 pour se faire
engager au Gymnase, reçut-il un ordre de début pour la
Comédie-Française, oii il se montra pour la première fois
le 22 mars 1824, dans le rôle do Pourceaugnac, qui lui
valut un succès de fou rire. Il était appelé à remplacer
Baptiste cadet. Il se fit rapidement une situation enviable
sur notre grande scène littéraire, particulièrement dans
l'ancien répertoire, où il était excellent, fut reçu sociétaire
en 1831 et se retira le 1^^' avril 1842. A. P.
DAILLY (Joseph-François), acteur français, né à Paris le
8 août 1839. Fils d'un employé de l'Imprimerie nationale,
il fut d'abord ouvrier typographe. Il commença par jouer la
comédie en amateur, puis, en 1861 , entra au théâtre Dcjazet,
où il donna immédiatement des preuves d'originalité. Pen-
dant sept ans il établit à ce théâtre un grand nombre de rôles.
En 1871, à la suite des événements de la Commune, auxquels
il s'était trouvé mêlé, M. Daiily entra aux Variétés, y resta
peu de temps, puis passa trois années au théâtre du
Château-d'Eau, où il joua les Pommes d'or^ la Patte à
Coco, Aristophane, Forte eyi gueule, le Treizième coup
de minuit, la Mère Gigogne, Colin-Tampon,., C'est
à la Renaissance, où il parut en 1874 dans la Filleule du
Roi et la Petite Mariée, et surtout aux Variétés, où il
rentra l'année suivante, que M. Daiily commença à se faire
jour, qu'on apprécia sa rondeur, sa jovialité, sa bonhomie,
et que son talent s'imposa véritablement au public. Il joua
à ce théâtre les Jolies Filles de Paris, la Poudre d'es-
campette, le Docteur Ox, alla créer ensuite aux Menus-
Plaisirs la Boulangère, les Fils de Cadet-Roussel le, les
Menus-Plaisirs de l'année, se montra à la Gaîté dans le
Chat botté et dans Tartarin, et enfin se mit tout à fait
hors de pair en faisant à l'Ambigu quatre créations superbes
dans l'Assommoir, Robert Macaire, les Mouchards et
Nana. De là il va jouer aux Nouveautés Fleur d'oranger,
au Châtelet Michel Strogoff, passe un instant à la Porte-
Saint-Martin, et finalement est engagé au Palais-Royal.
DAIM. 1. Zoologie (V. Cerf).
IL Art culinaire. La chair du daim, quoique inférieure
à celle du chevreuil, est une excellente venaison, estimée
surtout des Anglais. La femelle est plus tendre que le mâle,
et la partie postérieure de l'animal, qu'on met habituelle-
ment à la broche après avoir été marinée et piquée de lar-
dons, est la plus recherchée. On prépare le daim comme
le chevreuil (V. ce mot), en civet, émincé, etc.
III. Technologie, — La peau de daim est employée par les
gantiers et les culottiers; elle sert aussi à frotter les objets
d'or et d'argent et à garnir les touches de piano. Toute-
fois, les peaux de daim que l'on trouve dans le commerce
ne proviennent pas toujours de l'animal dont elles portent •
le nom ; elles sont très souvent fournies par une sorte de
chevreuil qui vit dans l'Amérique du Nord. Ces peaux
américaines nous arrivent dans différents états. Quand
elles ont tous leurs poils, on les appelle vertes ; ce sont
les plus estimées. Quand, au contraire, elles sont dépitées,
on les nomme raturées. On les distingue encore en peaux
e7i terre et en peaux en moelle, suivant les moyens qu'on
a employés pour en assurer la conservation pendant les
transports. A cet effet, les premières ont été frottées et
malaxées avec une terre argileuse, tandis que, pour les se-
condes, on a employé la cervelle même de l'animal.
DAÏMACHUS, de Platées, écrivain grec, cité par Stra-
bon comme auteur d'écrits sur l'Inde où la fiction avait
trop de part, et où il est question particulièrement de sa
mission auprès du roi indien Allitrochadé, fils de Sandro-
cottus. Il écrivait par conséquent au temps de Séleucus.
Outre son ouvrage sur l'Inde, il composa un traité sur les
sièges, TtoXiopxrjTtxà ô^roprlp-axa ; il paraît aussi avoir
été l'auteur d'un livre intitulé tzz^X suaeSs^aç.
DAIMBERT ou DAGOBERT, évêque puis archevêque de
Pise, enfin patriarche de Jérusalem, né vers le milieu du
XI® siècle, mort en Sicile en 1107. En 1091, une bulle du
pape Urbain II rattacha à son diocèse, moyennant une
redevance de 50 livres, les églises de Corso qui, jusque-là,
avaient dépendu du saint-siège. En 1092, le même pape
lui conféra le pallium archiépiscopal. Daimbert assista,
Pan 1095, au concile de Glermont, et, en 1099 probable-
blement, il partit pour la Palestine avec d'autres croisés
pisans et génois. Le jour de Noël de la même année, dans
une assemblée de barons chrétiens, il fut promu au pa-
triarcat de Jérusalem, à la place d'un nommé Arnoul, qui
venait d'être déposé. Les chroniqueurs Albert d'Aix et
Sanuto afTirment que la simonie ne fut pas étrangère à son
élection. Godefroi de Bouillon avait dû lui céder la souve-
raineté du quart de la ville de Jaffa et du quartier de Jéru-
salem où s'élevait l'église de la Résurrection. Après la
mort de Godefroi, Daimbert essaya vainement de se faire
nommer au trône de Jérusalem. Une fois Baudouin désigné,
il intrigua avec tant d'acharnement contre lui que ce prince
le chassa en prétextant le vice de son élection, et rétablit
Arnoul. Daimbert se rendit alors en Italie, en compagnie
de Bohémond d'Antioche (1104), obtint du pape une sen-
tence qui le déchargeait des accusations portées contre lui.
Il se disposait à regagner la Terre sainte, quand il mourut
à Messine, le 14 mai 1107. — On a de Daimbert une lettre
au pape Paschal II, écrite en 1100, probablement sur les
victoires remportées par les croisés en Palestine (Migne,
Patrol. latine, t. CLXII, p. 448). C. Kohler.
BiBL. : Guillaume de Tyr, 1. IX, ch. xv. — Fouciier
DE Chartres, 1. I et II. — Albert d'Aix, 1. VII, ch. vu.
— M. Sanuto, ch. m. — Ughelli, Italia sacra, t. ÏII,
p. 371. — Baroîsius, Annales ecclesiast., an. 1095-1107.
— R. Tempesti, dans Fabroni, Uomini illustri pisani.
1792, t. III, pp. 1-52.
DAIMIEL. Ville d'Espagne, ch.-l. de district de la prov.
de Ciudad-Real (Nouvelle-Castille), sur une voie ferrée qui
rehe la ligne d'Andalousie avec celle de Madrid à Badajoz,
baignée par le rio Azuer, affluent du Guadiana. Située au
miheu d'un pays fertile en orge, lin, vin et pâturages, Dai-
767 —
DAIMIEL - DAIS
miel est un centre agricole actif (yins blancs renommés) et
a quelques manufactures de draps, de toiles et d'indienne.
Elle est assez bien bâtie, ne renferme aucun monument
ancien à remarquer, mais est depuis une vingtaine d'an-
nées en voie de progrès. Pop. : 9,652 hab. E. Cat.
DAÏMIO (V. Japon).
DAIMON (Mythol. gr.) (V. Démon).
DAI N (Métrol.). Mesure de longueur utilisée àRaiigoun ;
vaut 3^^396.
DAIN (Charles), homme politique français, né à la
Guadeloupe le 29 août 1812, mort à Bordeaux le 22 févr.
1871. Avocat à Paris, il entra dans le petit groupe des
phalanstériens et publia dans la Démocratie pacifique des
articles sur l'esclavage qui furent remarqués dans son
pays natal. Aussi fut-il élu le 21 avr. 1848 représentant
de la Guadeloupe à l'Assemblée constituante. Il ne. fut pas
réélu à la Législative, mais, le 10 mai 1850, il y entra
comme député de Saône-et-Loire et avec un programme
démocratique. Invalidé par la Chambre, il fut renommé
par ses électeurs avec une majorité considérable. Il siégea
à l'extrême gauche, mais se rallia plus tard à l'Empire
qui lui donna la place de conseiller à la cour de la Guade-
loupe.
DAINE (Nicolas- Joseph), général belge, né à Namur en
1782, mort à Charleroi en 1843. Il fit toutes les cam-
pagnes de 1792 à 1814 sous les drapeaux français. Général-
major au service de la Hollande depuis 1816, il se rangea
en 1830 du côté des Belges, et reçut du gouvernement
provisoire le grade de heutenant général, ainsi que le com-
mandement de l'armée de la Meuse ; il fut mis en déroute
par les Hollandais le 8 août 1831 ; accusé de trahison,
il comparut devant un conseil de guerre et fut acquitté.
Ses défenseurs firent valoir en sa faveur un seul argument :
son incapacité. En 1840, il fut rayé des cadres de l'armée,
parce que, ayant eu connaissance de la conspiration oran-
giste de Van der Smissen (V. ce nom) , il n'avait pas averti
le gouvernement des périls qui le menaçaient. Le général
hollandais Knoop s'est trouvé d'accord avec le général belge
Eenens pour porter sur Daine un jugement sévère.
BiBL. : Thonissen, Histoire de la Belgique sous Léo-
pold I«*'; Louvain, 1861,3 vol. in-S. ~ HÛybrechts, His-
toire politique et militaire de la Belgique en 1830-1831 ;
Bruxelles, 1856, în-8. — De Bavay, Histoire de la révo-
lution belge de 1830; Bruxelles, 1873, in-8. — Eenens,
les Conspirations tnilitaires de 1831 ; Bruxelles, 1875,
5 vol. in-8.
DAIN KO (Pierre), écrivain slovène, né en 1787 en
Styrie, mort en 1873 à Vehka Nedclja. Il embrassa la car-
rière ecclésiastique, publia en 1884 Lehrbuch der win-
dischen sprache (Graz) et un certain nombre d'ouvrages
d'agriculture et de piété. Il est considéré comme un des
restaurateurs de la nationalité slovène en Styrie. L. L.
DAI NOS. Chants populaires delà Lithuanie. Les dainos
sont presque toutes lyriques et leurs sujets sont peu variés :
à part quelques chants mythologiques et historiques, il n'y
a guère que des chansons à boire, des chants funèbres, des
chants de guerre et surtout des chansons d'amour. Hommes
et femmes les chantent en chœur ou en solo pendant leurs
travaux, dans les noces, les baptêmes, les enterrements.
Naïves et simples, les dainos sont tristes pour la plupart
et se chantent sur des mélodies généralement mélancoliques
(V. Lithuanie).
BiBL. : Recueils deRîiÉSA; Kônigsberg, 1825. — Nessel-
MANN ; Berlin, 1853. — Juchkèvitch; Kazan et Saint-Pé-
tersbourg, 1880-1883. — Bartsch ; Heidelberg, 1886-1889. Ce
dernier pour les mélodies, etc.
DAINTREE (Richard), géologue anglais, né à Heming-
ford Abbots (Huttingdonshire) en déc. 1831, mort le
20 juin 1878. Après avoir terminé ses études à Cambridge, il
voyagea en Australie, puis il entra dans le laboratoire du
D^ Percy à l'Ecole des mines (1856-1857) et étant revenu
en Australie en août 1857, fut nommé l'an d'après géo-
logue et chargé de lever le plan géologique du gouverne-
ment de Victoria. Il remplit les mêmes fonctions dans le
Queensland, de 1869 à 1872, date à laquelle il fut nommé
commissaire spécial de cette colonie à l'exposition de Lon-
dres. U fut encore agent général du Queensland à Londres,
de 1872 à 1878. Daintree a contribué grandement à la
prospérité de l'Australie par ses découvertes de mines de
charbon dans la Nouvelle-Galles du Sud et de champs d'or
dans le Queensland. Il a écrit : Notes on the Geology of
the Colony of Queensland; Lectures on gold delivered
at the Muséum of Practical Geology (1853), etc.
DAINVILLE. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr. et
cant. d'Arras; 139 hab.
DAINVILLE-Bertheléville. Com. du dép. de la Meuse,
arr. de Commercy, cant. de Gondrecourt ; 644 hab.
DAIPPÛS, sculpteur grec qui vivait à la fm du iv«
et au commencement du iii^ siècle. Fils de Lysippe et élève
de son père, il travailla comme lui le bronze avec habileté
et comme lui fit surtout des portraits. Les anciens citent
de lui plusieurs statues d'athlètes vainqueurs aux jeux
d'Olympie (Pausanias, VI, 12, 6 ; 16, 5; Pline, Histoire
naturelle, XXXIV, 51 ; m ; 87). J. M.
DAI RE (Louis-François), religieux célestin, né le 6 juil.
1713, mort le 18 mars 1792. Ses principaux ouvrages
sont : Relation d\m voyage de Paris à Rouen (Rouen,
1740, in-12); Almanach de Picardie, de 1753 à 1790
(Amiens, in-24) ; Histoire de la ville d'Amiens, depuis
son origine jusqu'à présent (Paris, 1757, 2 vol. in-4) ;
Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la ville
et du doyenné de Montdidier (Amiens, 1765, in-12);
Histoire littéraire de la ville d'Amiens (Paris, 1782,
in-4) ; Histoire ecclésiastique et littéraire de la ville
et du doyenné de Doullens (Amiens, 1784, in-12);
Histoire civile, ecclésiastique et littéraire du doyenné
de Grandvilliers (Amiens, 1784, ni-12) ; Histoire civile,
ecclésiastique et littéraire de la ville et du doyenné
d'Encre, aujourd'hui Albert (Amiens, 1784, in-12);
Histoire civile, ecclésiastique et littéraire du doyenné
de Picquigny, publiée par M. J. Garnier (Amiens, 1860,
in-12); Histoire civile, ecclésiastique et littéraire du
doyennéde Conty, publiée par M. J. Garnier Amiens, 1 856,
in-12). Il a aussi laissé des travaux manuscrits dont la biblio-
thèque d'Amiens possède un certain nombre.
Bibl. : Biographie des hommes célèbres, des savants,
des artistes et des littérateurs du département de la
Somme; Amiens, 1835, p. 216, in-8. — De Cayrol, Essai
sur la vie et les ouvrages du P. Daire, ancien bibliothé-
caire des Célestins; Amiens, 1838, in-8.
DAI R EAUX (Emile), publiciste français, né à Rio de
Janeiro le 21 avr. 1843. Après avoir fait ses études à
Paris, il revint au Brésil où il prit le grade de docteur en
droit à l'université de Buenos Aires et où il pratiqua
comme avocat de 1869 à 1883. Collaborateur de la Revue
des Deux Mondes, de la Revue britannique, de VEcono-"
mùie, et autres périodiques, rédacteur en chef de V Union
française, journal brésilien, il a écrit : Ruenos Aires, la
Pampa et la Patagonie (Paris, 1878, in-12); Etudes
sur les principes de droit international privé dans la
République Argentine (1885, in-8) ; la Vie et les Mœurs
à La Plata (1888, 2 vol. gr. in-8); El Abogade de si
mismo (1888), etc.
DAIRELLA (Bovallius, 1885) (Zool.). Genre type d'une
sous-famille de Crustacés Phronimides, caractérisé par la
tête presque ronde, les péréiopodes tous simples, ambula-
toires, les épimères non articulés; la première et la
deuxième paire de péréiopodes sont simples, avec des doigts
courts, les pédoncules des uropodes sont très larges, le
telson très court et large. Ex. : D. californica, D. latis-
sima, ce dernier de l'Atlantique, R. Mz.
DAÏRI (V. Japon).
DAÏS {Dais L.) (Bot.). Genre de plantes de la famille
des Thyméléacées, dont les représentants habitent le cap de
Bonne-Espérance et l'île de Madagascar. Ce sont des ar-
bustes à fleurs hermaphrodites, pentamères, réunies en
capitules terminaux, entourés de quatre grandes bractées
formant involucre. Les étamines sont au nombre de dix et
DAIS -" DAKOTA
— 768 —
le fruit est bacciforme. Le D. cotinifolia L., du Cap, est
fréquemment cultivé en Europe , dans les orangeries,
pour ses jolies fleurs roses. A Madagascar, on emploie
l'écorce du i). madagascariensis Lamk pour faire des
cordages. Ed. Lef.
DAIS. I. ARcmiECTURE. — L'usage d'abriter les statues
sous des dais de pierre remonte au xii*^ siècle. Ce genre
d'ornementation fut d'abord appliqué aux statues des por-
tails. A Moissac, les dais sont une simple dalle taillée sur
ses faces en forme d'arcade. Plus souvent, pendant l'époque
romane, les dais ont l'aspect de petits édifices ornés de
tours. Quand la statue est adossée à une colonne, le dais
se rattache à cette colonne et fait corps avec elle. Jus-
qu'au milieu du xm® siècle, chaque statue a son dais
particulier, et les dais d'un même portail sont variés. Au
contraire, à partir du milieu du xiii^ siècle, ils sont tous
semblables et forment une arcade continue. On trouve déjà
un exemple de cette disposition à la porte de la Vierge, à
la façade occidentale de Notre-Dame de Paris dont la con-
struction remonte à 1220 environ. Les dais du xiv® siècle
sont ornés de frontons triangulaires séparés par des cloche-
tons reposant sur des colonnettes; le dessous du dais est
taillé en voûte. Citons, par exemple, les dais du porche de
Saint-Urbain de Troyes et ceux du porche de l'église de
Semur en iluxois. C'est au xiv^ siècle que se répand l'usage
d'abriter sous des dais les statues qui ornent l'intérieur des
édifices. Au xv® siècle, les dais se surchargent de cloche-
tons et de pyramides entremêlés de contreforts; ces petites
constructions sont refouillées à l'excès. On fit encore des
dais au xvi® siècle, par exemple à l'église Saint-Michel de
Dijon et à la cathédrale de Tours. Au xn^ siècle, les sta-
tues de la Yierge, dans les églises ou dans le tympan des
portails, sont souvent abritées sous un dais en forme de
ciborium ou de niche. Citons la Vierge du retable de Car-
rières-Saint-Denis, celle du portail royal de Chartres, celle d
la porte Sainte-Anne à la cathédrale de Paris. M. Prou.
II. Liturgie et hiérarchie ecclésiastique. — Le Saint
Sacrement, certaines reliques, les plus hauts dignitaires de
l'Eglise et les souverains ont droit au dais ou baldaquin
portatif: le pape et ses légals, partout; l'évêque, en son
diocèse, lorsqu'il fait son entrée dans la ville épiscopale ou
sa première visite pastorale dans les paroisses. On a pareil-
lement coutume de recevoir sous le dais, à la porte de l'église,
l'évêque venant donner la confirmation. Les souverains
entrent sous le dais et le clergé va les recevoir procession-
nellement. La S. Congrégation des Rites a interdit le dais
pour toutes sortes d'images et pour toutes les rehques autres
que la Vraie Croix et les instruments de la passion qui ont
touché le corps de Jésus-Christ. Porter le dais est un hon-
neur qui appartient au clergé d'abord et aux notables ensuite :
en principe, ceux-ci ne peuvent tenir les hampes qu'au sortir
de l'église et au retour. — Des maires ont prétendu obliger
le curé à prêter le dais de l'église pour recevoir le préfet
à l'entrée de la commune : cette exigence n'est autorisée
par aucune disposition légale. E.-H. Yollet.
DAITON ou DAITÊS (Myth. ^r.). Héros ou demi-dieu
qui présidait aux repas ; on le cite à propos des Troyens
et surtout pour les repas publics à Sparte (Athénée, IV,
173 et suiv.).
DAIX. Coin, du dép. de la Côte-d'Or, arr. et cant.
(N.) de Dijon ; 271 hab.
DAJAKSCH. Poison végétal, extrait de plantes encore
inconnues, et employé à Bornéo par les indigènes pour
empoisonner leurs flèches. Son action physiologique se rap-
proche de celle de YUpas-Autiar. Il amène la mort par
arrêt du cœur en paralysant le ganglion cardiaque du grand
sympathique ; il supprime en outre la sensibilité et la
motilité. L'action de l'Upas, au contraire, épargne les gan-
glions sympathiques du cœur. Aucune application de ce pro-
duit n'a été faite jusqu'ici à la thérapeutique. D^' R. Bdl.
DAJBOG. Dieu de la mythologie slave. Il est mentionné
dans les chroniques. Son nom parait vouloir dire le don-
nant, le bienfaisant, sans doute le soleil.
BiBL. : Léger, Esquisse sommaire de la mythologie
slave ; FaTm,lSS2. v y
DAJKA (Gabriel), poète hongrois, né à Miskolcz en
1768, mort à Ungvâr en 1806. Ecclésiastique, puis pro-
fesseur de gymnase, il a composé des œuvres lyriques dont
quelques-unes comptent parmi les perles de la poésie ma-
gyare. Il n'a pas vécu assez longtemps pour donner la
mesure de son génie. E. S.
BiBL.: Toldy, Irodalom.
^ DAKAR (ou Le Tamarinier). Ch.-l. de cercle et port du
Sénégal français, sur la concavité méridionale de la pres-
qu'île du Cap-Vert ; dans une situation très pittoresque,
vis-à-vis et à 2,220 m. de l'île de Corée ; 2,500 hab. en
1887. Point d'attache d'un câble sous-marin. Dakar a
hérité des avantages de la situation de Corée, à l'extrémité
du Cap-Vert, quand la pacification du littoral a permis des
établissements fixes et des relations régulières. C'est en
1861 que cette partie de la côte a été déclarée française ;
en 1862 que les plans du port de Dakar ont été dressés ;
en 1867 que le port a été inauguré. La rade, déjà pro-
tégée par la presqu'île du Cap-Vert et par Corée, se com-
plète par un excellent port à deux jetées, dont l'une a
600 m. de développement par des fonds de 9 m. Appon-
tement auquel peuvent accoster les plus grands navires.
Dakar est le seul port véritable qu'offre la côte d'Afrique,
du détroit de Gibraltar au Cap. Cet avantage lui assure une
situation privilégiée, comme point de transit. Port de
relâche des paquebots des Messageries maritimes, de ral-
liement de la division navale, escale des transatlantiques
qui relient Bordeaux à l'Amérique du Sud. Ces éléments
de prospérité se sont accrus, en 1885, par l'ouverture du
chemin de fer qui relie Dakar à Saint-Louis, à travers le
Cayor. Dakar est ainsi devenu le port naturel de la capitale
du Sénégal. Dakar est la résidence d'un évêque, chef de la
mission de Sénégambie et de Guinée. — Le cHmat y est
peu salubre, la fièvre paludéenne y sévit en permanence.
De grands travaux sont entrepris pour assurer l'écoule-
rnent des eaux de pluie et modifier les conditions hygié-
niques. Au premier rang des améliorations que réclame
Dakar, il faut placer le développement de ses quais devenus
insuffisants, la construction de jetées, de bassins, de chan-
tiers. A ce prix, Dakar peut espérer remplacer un jour
Saint- Vincent (île du Cap- Vert) comme point de relâche de
FAtlantique.
DAKIKI (Abù-Mansuv-Mohammed), poète persan du
x^ siècle après J.-C, né à Tous dans le Khorasan (d'après
d'autres à Bokhara). Dakiki composa de nombreuses
pièces de vers, panégyriques, odes, chansons. Sur l'ordre
de son prince Nûh-ibn-Mansur, il entreprit de mettre en
vers le « Livre des Rois », une histoire de l'Iran, depuis
la création du monde jusqu'en 628. Dakiki n'avait pas
encore écrit mille vers de son ouvrage lorsqu'il fut assas-
siné par un esclave turc. Son œuvre fut achevée par
Firdousi et fut une des sources de son fameux poème
épique du Châhnâméh « Livre des Rois » (V. Firdousi).
L. H.
BiBL. : Hammer, Geschichte der schônen Redekûnsle
Persiens; Vienne, 1818. — Mohl, le Livre des JRoîs ; Paris,
1876, 2« édit. — Ethé, dans les Morgenlandischen For-
schungen ; Leipzig, 1875.
DAKOSAURE (Paléont.). Quenstedt a désigné sous ce
nom des dents de reptiles que l'on trouve dans les forma-
tions jurassiques supérieurs de Schnaitheim ; ces dents sont
un peu comprimées, tranchantes au bord, légèrement den-
telées, pointues, un peu arquées, acrodontes. Le type du
genre est le Geosaurus maximus de Plieningen ; on en
connaît deux espèces dans le jurassique supérieur d'Alle-
magne, d'Angleterre, de France. Les Dakosaures font partie
de la famille des Mosasauriens et n'ont aucun rapport avec
les Dinosauriens ni avec les Crocodiliens, comme Fiont cru
plusieurs paléontologistes. E. Sauvage.
BiBL. : Quenstedt, Der Jura^ 1867, 2" éd. -— E. Sauvage,
Bîdl. Soc. géol. fr., 1873, p. 330.
DAKOTA ou JAMES River. Rivière des États-Unis de
l'Amérique du Nord, affluent de gauche du Missouri. Elle
— 769
DAKOTA — DAKOTAS
prend sa source dans l'Etat de Dakota Nord, traverse cet
Etat ainsi que le Dakota Sud, et se jette dans le Missouri,
près de Yankton, Dans son cours supérieur la rivière Da-
kota arrose sur sa rive droite la ville de Jamestown (Da-
kota Nord). Son cours total est de 600 kil. Aug. M.
DAKOTA. Avant 1889, Territoire des Etats-Unis, sorti
de cette situation provisoire, en févr. 1889, par un vote
du Congrès qui a divisé la région en deux parties à peu
près égales, dans le sens de la latitude, et les a admises
l'une et l'autre comme Etats, sous les noms de North
Dakota et South Dakota qui désignent leur position géo-
graphique respective. L'ensemble de l'ancien Territoire est
limité au N. par la puissance du Canada, à l'E. par le Min-
nesota dont le sépare la rivière Rouge du Nord et au S.-E,
par riowa dont le sépare la rivière Big Sioux, au S. par
le Nebraska dont il est séparé par le Missouri et par son
affluent le Niobrara, à l'O. par le Montana et au S.-O. par
le Wioming. Cette vaste région dont les frontières artificiel-
lement tracées forment un rectangle assez régulier, a une
superficie de plus de 360,000 kil. q. Elle est arrosée dans
toute sa longueur, du N.-O. au S.-E., par le Missouri,
dont le cours sinueux s'y étend sur 1,200 kil., et par les
nombreux affluents de cette rivière, dont les plus impor-
tants sont, sur la rive gauche, le Big Sioux et le James ou
Dakota River, et sur la rive droite, le petit Missouri et les
rivières White, Grand et Big Cheyenne, celle-ci formée de
deux branches, Belle-Fourche et South Fork. Le sol est
extrêmement fertile dans la partie orientale, surtout dans
la vallée de la rivière Rouge et dans celle de la rivière
James. C'est là que se trouve une terre noire, profonde,
extrêmement propice pour la culture des céréales. Aussi le
Dakota est-il essentiellement un pays agricole. C'est une
plaine légèrement ondulée et qui se relève peu à peu vers
l'O. en se rapprochant des montagnes du Montana et du
Wyoming. Mais autant l'Est est fertile, autant l'Ouest est
stérile, désert. Les Bad Lands, Mauvaises-Terres, im-
propres à la culture, en occupent la plus grande partie.
C'est là, à l'angle S.-O., que se trouve le massif montagneux
des Black Hills dont les richesses minières n'ont été mises
au jour que depuis une génération. Le Dakota était com-
pris dans l'immense domaine que, sous le nom général de
Louisiane, l'Espagne rétrocéda à la France à la fin du der-
nier siècle, et la France aux Etats-Unis en 1803. Détaché
du Minnesota, le Dakota fut organisé en Territoire en 1861.
Il comptait alors pour toute population 2 ou 3,000
blancs et 30,000 Indiens. En d870, le chifi*re de la
population blanche s'élevait à 14,000, et en 1880 à
135,117, y compris 2,000 de couleur (nègres ou mu-
lâtres), 14,000 Indiens taxés et 240 Chinois, mais non
les Indiens libres. Dans le recensement fait en 1885 par
les autorités du Dakota, on obtint un total de 415,263 hab. ;
la population en cinq ans avait plus que triplé. Le 30 juin
1889, le gouverneur évaluait la population à 650,000,
chiffre exagéré. Jusqu'en 1880, la seule voie de commu-
nication avait été le Missouri, navigable dans toute l'éten-
due du Territoire par les steamers. Aussi la population
était-elle surtout massée dans l'angle S.-E., entre la fron-
tière de riowa et du Minnesota et le cours du Missouri, et
aussi sur les bords fertiles de la rivière James ou Dakota.
Au confluent de ces deux cours d'eau, près de la frontière
de l'Arkansas, au S., se trouvait Yankton qui fut la capi-
tale du Territoire jusqu'en 1883. Cet honneur lui fut en-
levé alors pour être conféré à la petite ville naissante de
Bismarck, située sur la rive orientale du Missouri dans la
partie nord du Dakota, une des stations principales du
chemin de fer Northern Pacific, qui depuis quelques années
traversait de FE. à l'O. cette région, reliant directement
le haut Missouri à Duluth, port du lac Supérieur et à
Minneapolis et Saint-Paul, les deux grandes villes de ITowa.
De nombreuses lignes de chemins de fer sillonnent toute
la partie orientale du pays ; les unes longeant la frontière
du S. au N. comme celle qui va de Fargo, station du Nor-
thern Pacific, à Pembina, frontière canadienne, et dessert
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIJI.
sur la rive gauche la vallée de la rivière Rouge, les autres
pénétrant de l'E. et lancées en avant vers l'O, par les
grandes compagnies dont les réseaux rayonnent de Chi-
cago et de Saint-Paul. La partie occidentale du territoire
est encore occupée principalement par les Indiens Sioux ou
Dakotas, disséminés en un grand nombre de « réserves »
et qui viennent s'approvisionner aux diverses « agences »
établies le long du Missouri entre Yankton et Bismarck. —
L'évaluation de la propriété, immobilière et mobilière en
1889, atteignait, pour tout le Territoire, un total de
164 millions de dollars. Le budget se soldait par 550,000
dollars, en dépenses et autant en recettes. A la même
époque, une dette de 1,250,000 dollars avait été contractée
pour la construction d'édifices publics à Bismarck.— 5ou^/i
Dakota, depuis févr. 1889, admis comme Etat dans l'Union.
Le Dakota Sud comprend la partie méridionale de l'ancien
Territoire et compte, en 1890, une population d'environ
350,000 hab. quilui donne droit d'envoyer deux délégués à
la Chambre des représentants de Washington. Le pays est
divisé en quarante-quatre comtés; les villes principales
sont : Pierre, la capitale, Sioux Falls (40,000 hab.).
Bonhomme, Yankton, Deadwood. — North Dakota,
partie septentrionale de l'ancien Territoire, admise en févr.
4889 comme Etat dans FUnion, en même temps que le
Dakota Sud. La population, en 1890, est d'environ
200,000 hab. Le pays est divisé en trente-trois comtés ;
les villes principales sont : Bismarck, la capitale, sur le
Missouri ; Mandan, située sur l'autre rive, en face de Bis-
marck ; Jamestov\rn sur la rivière James ; Fargo et Grand
Forks sur la rivière Rouge. Au 31 déc. 1888,1e territoire
entier était traversé par 4,463 milles (7,165 kil.) de che-
mins de fer, dont 1,215 milles de la compagnie Chicago
Milwaukee and Saint-Paul, 1,191 du Saint-Paul, Minnea-
polis and Manitoba, 837 du Northern Pacific, 758 du Chi-
cago and North- Western, etc. En 1889, le Dakota Nord a
produit 26 millions de bushels (36 litres) de blé et 9 mil-
lions d'avoine, le Dakota Sud 17 millions de bushels de blé,
22 millions de maïs, 11 millions d'avoine. La production
d'or dans les Black Hills a été en moyenne par année,
depuis 1877, de 3 à 4 millions de dollars. A. Moireau.
DAKOTAS ou SIOUX. Nation indienne de l'Amérique
du Nord, nom générique sous lequel sont souvent désignées,
en même temps que les Dakotas ou Sioux proprement dits,
d'autres tribus comme celles des Crows, des Arapahoes,
des Gros-Ventres, des Piegans, etc. Le terme de Dakotas
s'applique spécialement à la branche principale de cette
nation, occupant, à l'époque des premières explorations
européennes, le territoire délimité à l'E. par le cours supé-
rieur du Mississipi, au S. par l'embouchure de la rivière
Big Sioux et par la rivière Platte, à l'O. par les Black
Hills (Montagnes Noires) et plus loin par les Rocky Moun-
tains, au N. par la puissance du Canada. C'est au milieu du
xvii^ siècle que les Français, pénétrant dans le centre du
continent par le Saint-Laurent et les Grands Lacs, furent
avisés par les Algonquins de l'existence, à l'O., de nom-
breuses tribus indiennes connues sous le nom général de
Nadowessioux, d'où, par abréviation, le terme de Sioux.
Ces Indiens, qui vivaient au delà du Mississipi, furent
visités par des missionnaires français, Duluth, Hennepin,
Nicolas Perrot, Le Sueur, etc., de 1680 à 1700. Les Sioux
débordaient souvent sur la rive orientale du Mississipi.
Unede leurs tribus, les Winnebagos (hommes de l'eau salée,
d'après les traditions qui faisaient venir les Dakotas, origi-
nairement, de la cote du Pacifique), poussa à travers les
Algonquins jusqu'au lac Michigan; une autre, les Arkansas,
alla s'établir sur l'Ohio, mais fut repoussée ver s le Sud
par les Illinois dans la région qui porte son nom. Le mot
Dakota veut dire « allié » et les Dakotas ou Sioux for-
maient en effet une confédération. On les a divisés, un peu
artificiellement, en sept tribus principales: quatre de l'E.,
portant les noms de Andewakantonwans (gens du lac),
Wahpetonwans, Wahpecutes et Sititonwans ; trois de
rO,, les Yanktonwans, les Yanktonwannas et les Teton-
49
DAKOTAS — DALBARADE
-» 770 --
wans. D'autres divisions, plus populaires, distinguent
parmi les Sioux un grand nombre de tribus nommées
Assiniboines, Stone Sioux, Missouris, Omahas, Ponças,
lowas, Osages, Brûlés, Ogallalas, Kansas, Ottoes, Upsaro-
kas, etc., termes qui subsistent dans nombre de dénomi-
nations géographiques de la région. Les Sioux ont toujours
été nomades, réfractaires à la civilisation, pillards, super-
stitieux et cruels. Chassés peu à peu des immenses prairies
de la vallée du Mississipi, par l'invasion progressive des
blancs, ils sont refoulés aujourd'hui dans « les Mauvaises-
Terres » de la partie occidentale des deux Etats de Dakota
Nord et Sud, du Montana et du Wyoming où leur nombre
actuel est évalué à 47,000. En 4837, ils avaient aban-
donné par traité aux Etats-Unis toutes leurs terres à l'E.
du Mississipi. En 1851, par une nouvelle convention, ils
cédèrent à l'E. du Big Sioux (frontière occidentale du
Minnesota) 35 millions d'acres pour 3 millions de dollars,
dont le gouvernement leur doit le revenu. La' négligence
apportée par les agents du pouvoir fédéral dans l'exécution
des contrats, des malversations incessantes dans les fourni-
tures de vivres promises aux tribus, des abus sans nombre
dont sont victimes ces malheureux Peaux-Rouges, inca-
pables de lutter de ruse avec les fonctionnaires yankees,
ont provoqué de fréquentes hostilités. Le général Harney
battit les Sioux en 1835 ; les généraux Sibley et Sully en
détruisirent encore un grand nombre en 180'2. A la suite
de cette dernière guerre, tous les anciens traités furent
annulés et les Dakotas parqués en une multitude de
« réserves » disséminées à l'O. et même au N.-E. du
fleuve Missouri, terrains spécialement concédés aux Indiens,
mais dont ils ne doivent pas sortir, sous peine d'être
traités en ennemis. De 1868 à 1875, les blancs commen-
çant à se répandre dans les Black Hills à la recherche de
For, les Sioux se révoltèrent encore sous la direction du
chef Sitting Bull. Le général Custer périt avec un détache-
ment de réguliers dans une embuscade ; Sitting Bull dut
cependant passer la frontière et se réfugier dans le Nord-
Ouest Canadien. D'autres chefs sioux à la même époque
ont acquis une certaine célébrité, Red Cloud,Spotted Tail.
On les vit un jour à Washington (1875) avec Sitting Bull,
rendant visite au général Grant à la Maison-Blanche. xAucun
accord ne put s'établir entre le « Giand Père » et ses
« enfants rouges». En 1890, à l'entrée de l'hiver, une
grande agitation s'est manitestée dans toute la nation des
Sioux, les prophètes des tribus annonçant la venue du
« Messie » et organisant partout des danses religieuses, la
« Ghost Dance », pour exciter le fanatisme et préparer un
soulèvement général. Les prophètes déclaraient que le
Messie devait venir sur la terre des Sioux, se manifester à
ses fidèles, détruire les blancs en les écrasant d'une pluie
de boue, et ramener avec les buffles les bons temps anciens
oti l'Amérique appartenait aux Indiens. Des troupes ont
été réunies en hâte et concentrées sur divers points du
Dakota et du Wyoming. Les Indiens, affamés, épuisés par
les privations et par les horribles scènes de la « Ghost
Dance », ont été aisément battus et leur chef Sitting Bull,
tué. Mais pendant deux mois ils ont harassé de leurs dé-
prédations les confins extrêmes de la colonisation et arrêté
pour plusieurs années probablement le développement ma-
tériel du South Dakota. Des grammaires de la langue
dakota ont été publiées par Riggs (Washington, 1852),
Gabelentz (Leipzig, 1852) et Rohrig (Washington, 1873).
BiBL. : Hayden, Contributions to the Ethnography and
philology of the Missouri Valley ; Philadelphie, 1^62. —
PooLE, Among the Sioux of Dakota; New-York, 1881.
DÂKOUR. Ville de la province de Goudjerat (présidence
de Bombay, Indes occidentales), sur un affluent du Sa-
barmatî; 7,740 hab. M. d'E.
DALAÏ-NoR (Lac Saint) ou KOULOUN, lacduN.-E, de
la Mongolie, près de la frontière russe transbaïkaHenne,
reçoit au S. le Keroulen, à l'E. l'Ourson qui le met en com-
munication avec le Bouyr-nor alimenté lui-même par le
Kalka, et enfin au N. le Dalaï-gol qui se réunit au Kaïlar
pour former FArgoun, origine avec la Chilka du fleuve
Amour. H. Cordier.
DALARNE (Les Vallées), nom suédois de la Dalécarlie.
DALAYRAC ou D'ALAYRAC (Nicolas), musicien fran-
çais, né à Muret en 1753, mort à Paris en 1809. Destiné
au barreau, il n'en commença pas moins de bonne heure à
s'occuper de musique, et l'on raconte que, désireux de tra-
vailler le violon sans être interrompu dans son étude, il
avait coutume de s'installer la nuit sur le toit de la maison
paternelle, et que de telles séances incommodèrent telle-
ment un couvent du voisinage qu'une plainte fut adressée
au père du jeune artiste. Aussi ses parents l' envoyèrent-ils
volontiers à Paris (1774), où il entra aux gardes du comte
d'Artois. Il travailla l'harmonie avec Langié, et un opéra-
comique de lui, le Petit Souper, fut exécuté à la cour
(1781). En 1782, il fit représenter à l'Opéra-Comique
V Eclipse totale. La fécondité de Dalayrac ne fut même pas
interrompue par les grandes tragédies de la Révolution, car
c'est en 1793 qu'il écrivit Ambroise ou Voilà ma journée.
On trouvera la liste de ses œuvres dans Fétis ; nous nous
contenterons d'en citer les principales avec leurs dates d'exé-
tion : le Corsaire (1783), Mna (^1786), Azémia (1787),
Fanchette (1788), Raoul de Créqui^ les Deux petits
Savoyards (1789), la Soirée orageuse (1790), Camille
ou le Souterrain (1791), Adolphe et Clara (1799),
Maisoji à vendre (1800), Une Heure de Mariage (1804),
Gulistan (1805), le Poète et le Musicien (1811). — De
tous les ouvrages de Dalayrac, aucun n'a véritablement
survécu et ne mérite d'être admiré sans réserves. Mais
presque tous et certains particulièrement, comme Nina^
Azémia, Camille et Maison à vendre^ témoignent de
qualités fort délicates. Dalayrac est souvent trivial, pauvre
surtout au point de vue du souffle comme à celui de la
couleur, mais on lui doit une grande quantité de jolies
romances, d'aimables petits airs, répandus à profusion dans
ses œuvres, et dont la sentimentalité légère est parfois sus-
ceptible de charmer. Ajoutons que Dalayrac sut se faire
estimer par une grande générosité de caractère : c'est
ainsi que, ruiné par la faiUite d'un banquier — ou tout
comme — il n'en refusa pas moins de se conformer au tes-
tament de son père, qui l'instituait son héritier au préju-
dice de son frère cadet. On doit à Dalayrac une brochure :
Réponse de Dalayrac à MM. les directeurs de specta-
cles réclamant contre deux décrets de V Assemblée
nationale de J789... (Paris, 1791, in-8, 17 p.).
BiBL. : A. FouRGEAUD, les Violons de Dalayrac; Paris,
1856, in-8. — Adolphe Adam, Souvenirs d'un musicien^
Paris, 1857. — H. C. G. B {Renô-Charles-Giiilbert de^Pixé-
récoLirt), Vie de Dalayrac; 1840, in-12. — Fêtis (P.-J.)i
Biographie universelle des Musiciens ; Paris, 1875, t A,
in-8, 2a éd., et supplément, 1881, t. I, in-8.
DALBAN (Jean-Baptiste-Pierrc), littérateur français,
né à Grenoble le 14 déc. 1784, mort à Paris le 5 mai
1864. Prodigieusement fécond, cet auteur a abordé tous
les genres, surtout le genre dramatique, mais avec un
succès plus que médiocre. Nous nous contenterons de citer
de lui : les Préventions, comédie en trois actes repré-
sentée à Grcîioble en 1817 ; les Amants par procura-
tion, comédie en un diCie; Poésies diverses et pièces de
théâtre {iSU, m-i%', Hécube (Paris, 1829, in-8), tra-
gédie en cinq actes; Olinde et Sophro7iie (Paris, 1837,
in-8i, tragédie en cinq hcîqs ; Méléagre (1844, in-8), id.;
le Triumvirat (1845, in-8),id.; Alceste (1855, in-8), id.;
Bradamante (1851, in-S)^ id. ;Oreste (1853, in-8), id.;
Tigrane (1858, in-8), id.; plusieurs romans, entre autres:
les Malheurs de r amour (Paris, 1817, in-12); Cèles-
tine ou rRéroïne de roman (1827, 2 vol. in-12) ; la
Suite de Célestine (1858, in-'12).
DALBARADE (Jean), marin et homme politique français,
né à Biarritz vers 1741, mort à Saint-Jean-de-Luz le
30 déc. 1819. Capitaine de corsaires pendant la guerre de
Sept ans, il fut fait prisonnier en il6i après un héroïque
combat contre deux navires de guerre anglais. Dans la
guerre de l'Indépendance américaine, il commanda d'abord
-^ 771
la frégate V Aigle ^ construite et équipée aux frais des dames
de la cour, puis le vaisseau dé guerre le Fier^ qui trans-
porta des troupes de France dans l'Inde. Capitaine de vais-
seau, chevalier de Saint-Louis, inspecteur des classes des
côtes de FOcéan, il fut nommé adjoint de la 6^^ division au
ministère de lamarine sous Monge(10 févr. 1793), auquel
il succéda bientôt dans le poste de ministre de la marine
(10 avr. 1793). A la suppression de ce ministère (1^^ avr.
1794), il fut placé à la tête de la commission de la marine,
et exerça ses fonctions jusqu'au 2 juil. 1795. Comman-
dant d'armes à Lorient et accusé de négligence lors de l'in-
cendie du vaisseau le Quatorze- Juillet^ il fut révoqué,
traduit devant une cour martiale et déclaré déchu de tout
commandement (13 mai 1798). Républicain^ sincère, il
vota contre le consulat à vie et passa ses dernières années
dans l'obscurité, F.~A. A.
BiBL. : Biographie des ministres français; Bruxelles,
1826, in-8.
D'ALBEDYLL (Gustaf, baron), diplomate et écrivain
suédois, né à Stralsnnd (Poméranie) le 31 mars 1758,
mort à Lœfsund, près de Nykœping, le 11 août 1819. Après
avoir été chargé d'affaires à Saint-Pétersbourg (1780),
envoyé à la cour d'Espagne (1783), il était ministre en
second à Copenhague (1784), lorsqu'il fut rappelé (1789),
pour avoir protégé Benzelstjerna qui avait voulu incendier
la flotte russe. Il se justifia dans Pièces authentiques, etc.
(1794), réimprimées dans son Recueil de mémoires
(Stockholm, 1798, 1811, 2 vol. in-8). Il publia encore
en français : Nouveaux Mémoires (1798), et en suédois :
Mélanges politiques et historiques (Nykœping, 1799,
1810, 2 vol. in-8). Il laissa en manuscrit son autobio-
graphie et des mémoires et documents sur les règnes de
Gustave III et IV. Il avait épousé en 1795 Eleoîiora-
Charlotta Wrangoll, née à Stockholm en 1770, morte en
1770, morte en 1835, qui publia entre autres poèmes :
Gefion en quatre chants (Upsala, 1814, in-4). B-s.
DALBERG ou DALBUBG. Famille noble derAllemape
rhénane dont le nom paraît dès le xi® siècle dans la région
de Worms. Le premier fut un Heribert Dalberg, camérier
de Worms qui couronna l'empereur Henri II comme arche-
vêque de Cologne en l'an 1002 ; la lignée masculine s'étei-
gnit, mais un allié releva le nom. Les Dalberg avaient pris
une place traditionnelle dans la cérémonie du couronne-
ment de l'empereur ; le héraut appelait : « Y a-t-il un
Dalberg ? » Celui-ci se présentait et était armé par l'em-
pereur comme premier chevaHer de l'Empire. A partir du
xvin^ siècle, il y eut deux branches : Dalberg-Herns-
heimery aujourd'hui éteinte, et Dalberg-Dalberg^ conti-
nuée par la branche de Hessloch. Ses principaux membres
furent : Jean de Dalberg, né en 1445, évêque de Worms
en 1482, mort le 23 juil. 1503, protecteur de la société
Rhénan a fondée par Celtes, et correspondant de Trithème,
Reuchlin, etc., un des promoteurs <le la renaissance alle-
mande. — Wolfgang, archevêque de Mayence (1582-
1601). — ic?o/f (1678-1737), abbé de Fulda et fonda-
teur de l'université de cette ville. — Karl-Theodor- Anton-
Maria^ baron de Dalberg, né à Hernshein le 8 févr. 1744,
mort à Ratisbonne le 10 févr. 1817, un des principaux
personnages de l'Allemagne au moment de la Révolution et
de l'Empire. Fils de Franz-Eeinrich, administrateur de
Worms, très bien élevé, il étudia le droit puis la théologie,
entra dans les ordres ; nommé en 1772 administrateur
d'Erfurt par l'archevêque-électeur de Mayence, il fit mer-
veille. Ami ou protecteur de Wieland, Heidor, Gœthe, réor-
ganisateur de l'instruction publique, il s'affirma un des
hommes les plus éclairés de son temps. L'influence prussienne
le fit nommer, en 1787, coadjuteur de l'archevêché de
Mayence, puis des évêchés de Worms, de Constance
(1788) ; il fut nommé la même année archevêque de
Tarse. Il se lia avec l'empereur Joseph II, avec qui il eut
une correspondance intéressante. En 1800, il prit pos-
session de l'évêchéde Constance; en juil. 1802, de l'arche-
vêché de Mayence ; il fut le dernier électeur de Mayence,
DALBARADE - DALBËRGiA
car, dès 1803, la paix de Lunéville impliquait la sécula-
risation de son archevêché. On lui donna d'amples compen-
sations (Ratisbonne, Wetzlar, Aschaffenbourg) et il conserva
le titre d'archichancelier de l'empire, de métropolitain pour
l'Allemagne (sauf la Prusse et l'Autriche). Il se rendit à
Paris en 1804 pour traiter avec Napoléon et le pape
Pie VII, du nouvel état de l'Eglise d'Allemagne. Il devint
membre de l'Académie française. Quand le Saint-Empire eut
été supprimé, Dalberg (qui conservait F archevêché de Ratis-
bonne) entra dans la Confédération du Rhin, avec le titre
de prince-primat et la présidence ; on annexa à ses Etats
Francfort-sur-le-Main, la principauté de Lœwenstein-
Wertheim et le comté de Rheineck. En 1810, il dut céder
à la Bavière sa principauté de Ratisbonne, mais fut indem-
nisé sur celles de Hanau et Fulda. Napoléon P**, qui l'appré-
ciait fort, le nomma grand-duc de Francfort ; il est vrai
qu'il lui désigna, comme successeur présomptif, son beau-
fils le prince Eugène. Quand s'écroula l'échafaudage napo-
léonien, Dalberg perdit son duché et ne conserva que
l'archevêché de Ratisbonne où il se retira. C'était un des
esprits les plus éclairés de son époque, rationaliste et
cosmopolite, excellent administrateur. Il a écrit en français
et en allemand : Betrachtung ilber das Universum
(Francfort, 1777 ; 6« éd., 1819) ; Grundsœtze der
OEsthetik (Francfort, 1791), etc. ; il avait un goût très
vif pour les sciences. — Wolfgang-lîeribert^ baron
de Dalberg (1750-1805), frère du précédent, entré au
service de Bade, est connu comme protecteur de Schiller
et du théâtre de Mannheim. — Emmerich-Joseph^ duc
de Dalberg, né à Mayence le 30 mai 1773, mort à
Hernsheim le 27 avr. 1833, fils du précédent, mit ses
talents au service de la France. Il fut à l'école de son
oncle à Erfurt, vint à Paris comme ministre badois et acquit
l'estime de Talleyrand. Après 1809, il vint à Paris, adopta
la nationalité française, ses biens étant sur la rive gauche
du Rhin. Napoléon le nomma duc et conseiller VEtat
(1810), lui donna après son mariage avec Marie-Louise une
dotation de quatre millions sur la principauté de Baireuth.
Dalberg suivit la fortune de Talleyrand, se retirant lors de
sa disgrâce. Aussi son protecteur l'appela-t-ilenl814 dans
le gouvernement provisoire ; il proposa le rappel des Bour-
bons. En récompense, on le délégua au congrès de Vienne,
oti il joua un rôle effacé. Après la seconde restauration,
on le nomma pair de France et ministre d'Etat, puis ambas-
sadeur à Turin. Il acheva sa vie à Hernsheim. — Johann-
Friedrich-IIugo, baron de Dalberg (1760-1812), frère
puîné du grand-duc, oncle du précédent, se fit connaître
comme protecteur des artistes et des lettrés, et par ses
écrits et ses compositions musicales.
BiBL. : Zapf, Ueber Lehen und Verdieyiste Johanns von
Dalbcrgs ; Augsbourg, 1789. ~ Beaulieu-Marconnay,
Karl von Dalberg und seine Zeit ; Weimar, 1879, 2 vol.
DALBERGIA {Dalbergia L.f.) (Bot.). Genres de Légumi-
neuses PapiHonacces, qui a donné son nom au groupe des
Dalbergiées. Ce sont des arbres ou des arbrisseaux grim-
pants, à feuilles alternes, à fleurs nombreuses disposées
en grappes axillaires ou terminales. Les étamines, au
nombre de dix, sont tantôt monadelphes, tantôt groupées
en deux faisceaux égaux. L'ovaire, longuement stipité,
devient à la maturité une gousse oblongue, renfermant une
ou plusieurs graines réniformes, comprimées, à embryon dé-
pourvu d'albumen. — On connaît une soixantaine d'espèces
de Dalbergia, répandues dans les régions tropicales du
globe. Plusieurs, notamment les D. latifolia Roxb., I),
heierophylla L. f., i). ferruginea L. f. et D. Sissoo
Roxb., fournissent des bois durs, colorés, incorruptibles,
entre autres le bois de Sissoo, très recherché pour l'ébé-
nisterie. Celui du D. melanoxylon L. f., est connu dans
le commerce sous le nom d'Ebène du Sénégal. Enfin, on
s'accorde à penser que le véritable bois de Palissandre est
fourni par une espèce de ce genre, probablement par le
D. latifolia Roxb. — Le D. nionetaria Lamk, qui est
devenu le type du genre Ecastaphyllum P. Br., est une
DALBERGIA — DALÉCARLIE
— 772 —
espèce de l'Amérique du Sud, dont la racine donne une
résine ressemblant beaucoup au Sang-Dragon. Ed. Lef.
DALBIAC (Sir James-Charles), général anglais, né en
1776, mort à Londres le 8 déc. 1848. Entré dans l'armée
en 4793, il était parvenu au grade de lieutenant-colonel
des dragons lorsqu'il fut envoyé en Portugal (1809). Il
prit part à la fameuse charge de Talavera et fit les cam-
pagnes d'Espagne de 4810 à 1812. Il se distingua à la
l3ataille de Salamanca (22 juil. 1812) après laquelle il
revint en Angleterre. Colonel en 1814, il commanda un
district de l'Inde de 1822 à 1824 et fut promu major
général le 27 mai 1825. Il présida en 1831 la cour mar-
tiale chargée de juger la rébellion de l'armée. Il fut
nommé lieutenant général le 28 janv. 1838. Il représenta
Ripon au parlement de 1835 à 1837. Il a écrit : A Feiv
Words on the Corn Laws (Londres, 1841).
DALBONO (Carlo-Tito), littérateur italien, né à Naples
le 2 janv. 1817, mort depuis 1880. On a de lui quelques
ouvrages intéressants de vulgarisation historique : La Ver-
gine del castello, d'après une ancienne chronique (1832) ;
Il Narratore italiano (Rome, 1836) ; Le Tradizioni po-
polari spiegate con la storia e gli ediflci del tempo ;
Storia di Béatrice Cenci ; Masswio^ i suai tempi e le
sue scuole; Josafat, memorie brigantesche, avec une
biographie de Fauteur, etc. R. G.
BiBL. : Felice Bisazza, Carlo-Tito Dalbono, dans VInno'
minato^giornale messinese^^ janv. 1837. — Salvadore Mor-
mone, Biografia di Carlo-Tito Dalbone (en tète de Josafat).
DALBORGO (Flaminius), historien et juriconsulte ita-
lien, né à Pise le 5 oct. 1706, mort en 1768. Après avoir
étudié sous le célèbre professeur Giuseppe Averani, il se
rendit à Rome pour parachever sa connaissance de l'an-
cienne législation romaine, puis revint enseigner le droit
dans sa ville natale où il acquit une grande réputation.
Citons parmi ses ouvrages : Dissertazioni sopra l'istoria
pisana (Pise, 1761-1765, 1. 1, seulement en deux parties) ;
Dissertazione suW istoria dei codici pisani délie Pan-
dette di Giustiniano (Lucques, 1764); Raccolta di
scelti diplomi pisani (Pise, 1763); Dissertazione suit'
origine deW universitci di Pisa (Pise, 1765). R. G.
BiBL. : Fabroni, Memorie storiche de' più illustri Pisani ;
Pise, 1790, 2 vol. in-4. — Bihliotheca picena; Pise, 1796,
in-4. —F. Grassini, Biografia dei Pisani illustri; Pise,
1828, in-fol.
DALBY (Isaac), mathématicien anglais, né dans le
comté deGloucester en 1744, mort à Farnham (Surrey) le
3 févr. 4824. A trente ans, il n'était encore que professeur
d'arithmétique dans une petite pension de Londres. En
1781, il devint professeur de mathématiques à l'école
navale de Chelsea. Puis il prit part, avec le général Roy
et le colonel Williams, à d'importantes opérations de trian-
gulation pour la comparaison des méridiens de Greenwich
et de Paris et pour l'établissement du cadastre général
anglais. Enfin, en 4799, il obtint à l'école militaire de
Mariow la chaire de mathématiques qu'il conserva jus-
qu'en 4820. Outre de nombreux articles et mémoires dans
les Pliilosophical Transactioiis ^ les Astronomische
Nachrichtenet le Ladies'Diary, il a publié : Account of
the opérations for a trigonometrical survey ofEngland
and Wales (Londres, 4799, 3 vol. in-4) ; A Course of
mathematics (Londres, 4805, 2 vol. in-8). L. S.
DALE (Valentin), diplomate et juriste anglais, mort en
1589. On le trouve ambassadeur en Flandre en 1562-63,
en France de 1572 à 1576, membre de divers parlements
(pour Chichester) et de diverses commissions judiciaires
instituées par Elisabeth (affaires du Dr. Parry, d'A. Ba-
bington, de Marie Stuart à Fotheringay). Sa grande ha-
l)ileté juridique le fit souvent consulter par le chancelier
sir Chr. Hatton. Ch.-V. L.
DALE (Sir Thomas), marin anglais, mort en 1619, fut
envoyé en Virginie comme marsha Ida la colonie en 1609.
H se montra sévère, mais rétablit l'ordre. En 1618, à la
tète d'une flotte de la compagnie des Indes orientales, il
batlit les Hollandais devant Java. Il mourut l'année sui-
vante à Masulipatam des fièvres contractées pendant son
passage aux îles de la Sonde. Ch.-V. L.
DALE (David), industriel anglais, né à Stewarton
(Ayrshire) le 6 janv. 1739, mort à Glasgow le 17 mars
1806. Après une jeunesse assez dure, il réalisa rapide-
ment une fortune considérable dans la filature des cotons.
Il construisit tout un village, New Lanark, pour y loger
ses ouvriers. Il a doté les établissements de Glasgow très
libéralement et donné aux pauvres des sommes énormes.
Il est le fondateur de la secte religieuse des Old Indepen-
dents,
BiBL. : Breainer, Industries of Scotland , 1869.
DALE (Richard), officier de marine des Etats-Unis, né
à Norfolk (Virginie) le 6 nov. 4756, mort à Philadelphie
le 26 févr. 1826. Nommé en 1776 lieutenant de la marine
virginienne, il fut pris par les Anglais. Il s'évada à deux
reprises et réussit à rejoindre en France Paul Jones qui
le prit pour lieutenant à bord de son bâtiment le Bon-
homme Richard. Il se distingua dans le combat de Flam-
borough où ce navire fut détruit le 23 sept. 1779. En
1801, il était capitaine et reçut le commandement d'une
escadre envoyée dans la Méditerranée contre Tripoli. A son
retour en Amérique, en 1802, ayant une assez belle for-
tune, il résigna sa commission et passa le reste de sa vie
dans la retraite. Au g. M.
DALE (Thomas), doyen de Rochester, théologien an-
glican, né en 1797, mort en 1870. Dale était encore sur
les bancs de l'université de Cambridge, quand il pubHa
un volume de poésies, the Widow of Nain and other
poems (1817). Ce recueil qui eut un grand succès fut
suivi, peu de temps après, par the Outlaiv of Taurus,
et plus tard par Irad et Adah, a taie of the flood, with
spécimens of a new translation of the Psalms. — En
1822, il entra dans la carrière ecclésiastique. Il continua
à cultiver les lettres et occupa la chaire de littérature an-
glaise à l'université de Londres (1828-1830) et à King*s
Collège (1836-1839). (Quoique les charges du pastorat et du
professorat absorbassent une grande partie de son activité,
il trouva le temps de se livrer à des études fort multiples
sur des questions de dogme ou de littérature. Ses œuvres
théologiques sont, en partie, des discours et des sermons :
Sermons, practical and doctrinal, preached in the
church of Saint-Bride (1834) ; Access to God, five dis-
courses preached before the university of Cambridge
(4832); Address to the parishioners ofSaint-Pancras,
on the results of the parochial System (1847) etc., etc.
— Parmi ses travaux littéraires signalons, indépendamment
de ses poèmes originaux, sa traduction de Sophocle en vers
anglais, the Tragédies of Sophocles trafislated into
english verse (1824, 2 vol.) ; son introduction à un cours
de composition et de style, a7i Introductory lecture to
a course upon the principles and practice of english
composition (4828), et encore son édition de Cowpcr:
Poems of W. Cowper, with a biographical and critical
introduction by T. Dale (4859). G. Q.
DALÉCARLIE. I. Géographie. — La Dalécarlie (suéd.
Dalarna) correspond à la province suédoise intérieure de
Kopparberg, vaste de 30,044 kil. q., dont près de 4,800
sont occupés par les lacs. Elle compte 495,544 hab, (en
4889), soit 7 hab. environ par kil. Elle est arrosée
par le Dal, dont le bassin la comprend à peu près, La
seule ville est Falun, car celles de Hedemora et Sœter
sont à peine des bourgs. Les vastes forêts de cette contrée
sont régulièrement exploitées, l'agriculture est peu déve-
loppée, le bétail abondant ; la grande richesse vient des
mines de fer, de cuivre et de soufre ; de vastes établis-
sements métallurgiques existent à Falun, Domnarfvet, Wik-
manshyttan. Furudal, Svartnaes, Nyhammas, Avesta, etc. ;
des scieries à Korsna^s, Domnarfvet, Korjan, etc. Le
canal de Stromsholm relie le lac Nord-Barken au lac
Maelar ; des chemins de fer relient Falun à Goteborg,
Stockholm, Gefle, etc. (V. Suède). A.-M. B.
II. HiSTomE. — Les habitants de cette province, les
— 773 —
DALÉCARLIE ^ DALÏAS
vigoureux mais turbulents Dalkarlar^ ont joué un plus
grand rôle que ceux des autres dans l'histoire de Suède.
Ils furent les meilleurs soutiens d'Engelbrekt (i434-B6)
et des Sture dans leurs guerres contre les Danois. C'est
encore eux qui, à Mora, en 1521, proclamèrent Gustave
Vasa président de l'Etat suédois; mais peu après son
triomphe ils se soulevèrent contre lui (1524-25) et leurs
chefs, l'ex-chancclier Peder Sunnanvaider et maître Knut,
furent exécutés en 1527. Nouvelle révolte sous le Dal-
junkare en 1527-28 ; une troisième éclata en 1531 à
propos de l'obligation imposée à chaque paroisse de livrer
au fisc une de ses cloches ; la quatrième (Nœftâget) eut
lieu pendant la lutte du duc Charles IX et du roi Sigis-
mond, dont le représentant Jacob Naef fut égorgé à Tuna
en 1598. La cinquième fut appelée la Grande danse des
Dalécar liens, Lqs, insurgés, après s'être emparé de Falun,
s'avancèrent en bon ordre jusqu'à Stockholm (11-20 juin
1743), pour forcer la Diète à élire comme roi l'héritier
présomptif de la couronne danoise, Frederik (V), et à
châtier les généraux vaincus dans la guerre de 1741-43.
Le 22 juin, ils tirèrent sur les troupes qui les avaient
cernés, mais ils furent dispersés, 3,000 d'entre eux faits
prisonniers et six de leurs chefs exécutés. En 1788, Gus-
tave III se rendit à Mora, comme avait fait Gustave Vasa,
pour demander le concours des Dalécarliens dans la guerre
contre la Russie. Beauvois.
DALÉCHAMPS (Jacques), célèbre médecin, botaniste et
philologue du xvi® siècle, né à Caen en 1513, mort à Lyon
le 1^^ mai 1588. Ses principaux ouvrages sont : Historia
generalis plantarum, une traduction en latin des guinze
livres à' Athénée, une traduction en français du sixième
livre de Paul JEginète ; les Onze Livres d' administra-
tions économiques de Galien; Notes sur V histoire na-
turelle de Pline ; Traité sur la peste,
BiBL.: J. DE Cahaignes, Eloges des citoyens de la ville
de Caen, n<» 53. — P.-D. Huet, Origines de Caen^ et le
manuscrit du Père Martin, Athenœ Normannorum^ con-
servé à la bibliothèque de Caen.
DALÉKARLIE (V. Dalécârlte).
DAL-ELF. Fleuve considérable delà Dalécarlie (Suède).
Il sort des monts de la frontière norvégienne en deux
branches qui se réunissent près de Djuras, forme une longue
suite de lacs étroits, puis la cataracte d'Elf-Karleby, avant
de se jeter dans le golfe de Botnie, après un cours de
486 kil. Il est trop rapide pour la navigation, mais très
poissonneux.
DALEMBERT (Jean le Rond) (V. Alemberï [D']).
DALEN (Cornelis Van), graveur flamand, né à Anvers
en 1626, mort à Amsterdam vers 1670. On le dit à tort
élève de Cornelis Visscher, tandis quil eut probablement
pour maître Soutman. Excellent dessinateur, buriniste très
souple, il interpréta avec une rare perfection les œuvres
des maîtres. Parmi ses planches, il faut signaler : les
Quatre Pères de P Eglise, d'après Rubens ; la Vierge
allaitant l'Enfant Jésus, d'après Flinck ; et surtout les
portraits de VArétin^ de Boccace et de Giorgione, d'après
le Titien, et celui de Sebastiano del Piombo, d'après le
Tintoret. Il eut pour élève Abraham Bloteling. G. P-i.
DALENS (Dirk) (V. Delen).
DALER. Monnaie de divers pays ; en Hollande, elle
valait 5 fr. 40 ; à Baie, 4 fr. 26 ; en Norvège et en Dane-
marck, 3 fr. 31.
DALESME (Jean-Baptiste, baron), général français, né
à Limoges le 20 juin 1763, mort à Paris le 14 avr. 1832.
Fils d'un imprimeur, il fit avec distinction la campagne
d'Allemagne, sous les ordres de Scherer, et celle d'Italie.
Il fut grièvement blessé à Castelnuovo en 1799. Il était
parvenu au grade de général de brigade lorsqu'il fut
chargé de diriger le recrutement dans plusieurs départe-
ments, notamment dans l'Oise. Nommé député de la Haute-
Vienne au Corps législatif le 6 germinal an X, il siégea
jusqu'en 1809, fut créé baron le 23 juin 1810, par l'Em-
pire, puis promu lieutenant général le 20 oct. 1814 par
la Restauration, et nommé gouverneur de File d'Elbe pen-
dant les Cent- Jours. Il remit l'île aux Anglais après
Waterloo et rentra jusqu'en i 830 dans la vie privée. A sa
mort il était gouverneur des Invalides.
DALET (Louise-Françoise de Bussy-Râbutin, marquise
de CoLiGNY, comtesse de), née en 1642, morte au château de
Montjeu, près d'Autun, en 1716. Fille du célèbre Bussy-
Babutin (V. ce nom), elle épousa, en 1675, Gilbert de Lan-
geac, marquis de Coligny, qui mourut en 1676 au siège
de Condé. La marquise de Coligny habita alors avec son
père qui la chérissait fort, comme en témoigne cet extrait
du Discours à ses enfants, écrit vers 1690 : « Pour vous,
ma fille de Coligny, qui ne m'avez point quitté tant qu'à
duré mon exil et qui m'avez toujours tendrement assisté
de vos soins et même de votre bourse dans mes besoins,
vous avez été toute ma consolation et je prie Dieu qu'il
soit de tout cela votre récompense. » Le 19 juin 1681,
Louise-Françoise épousait secrètement, dans la chapelle du
château de Lanty, un gentilhomme de petite naissance qui
se faisait appeler le comte de La Rivière, sans avoir droit,
très probablement, à ce titre. Peu après, le mariage fut
avoué à Bussy qui entra dans une colère d'autant plus
effroyable que sa fille était grosse. Il était surtout frappé
de la mésalliance de la marquise de Coligny ; d'accord
avec elle (car elle s'était totalement abusée sur les mérites
de La Rivière), il porta devant le parlement un procès en
cassation de mariage qui produisit un scandale considé-
rable. Le 13 juin 1684, il perdit son procès. La marquise
fut condamnée à retourner auprès de son mari et à porter
son nom. Mais elle s'arrangea avec La Rivière qui, moyen-
nant la cession du revenu de la terre de Lanty, renonça
au bénéfice de l'arrêt du parlement. En 1690, elle recueil-
lit pour son fils du premier lit la succession du comte de
Dalet, son beau-père, et prit alors le nom de comtesse de
Dalet que devaient porter les aînés de la maison de Lan-
geac. Le fils de La Rivière était mort à l'âge de six ans.
Fran«çoise de Rabutin a joui de son temps d'une grande
renommée de femme d'esprit. Elle a laissé quelques poé-
sies et quelques apologues qui sont fort médiocres. R. S.
BiBL. : Bussy- Rabutin, Mémoires; Paris, 2 vol. m-12.
— Correspondance de Roger de Rabutin, comte de Bussy
avec sa famille et ses amis, éd. Ludovic Lalanne ; Paris,
1859, 6 vol. in-12. — La Rivière, Lettres choisies ; Paris,
1751, in-12. — De Burigny, Recueil de pièces fugitives de
différents auteurs; Rotterdam, 1743. — Sévigne, Corres-
pondance.
DAL-FIL (DermatoL) (V. Elephantusis) .
DAL6ARN0 (Georges), né à Aberdeen, mort à Oxford
en 4687, inventeur d'un perfectionnement de la dactylolo-
gie des sourds-muets, qui consistait dans l'emploi simul-
tané des deux mains et qui a subsisté dans l'usage en
Angleterre. Son système est idéographique, c.-à-d. vise à
exprimer par les signes, non pas les mots, mais directe-
ment les idées. Ses ouvrages sont : Ars signorum^_ vulgô
char acier univer salis et lingua philosophica (Lond.,
1661) et Didascalocophus (Oxf., 1681), c.-à-d. « l'ins-
tituteur des sourds-muets ». H. M.
DALGAS (Enrico-Mylius), agronome danois, né le 16
juil. 1828 à Naples où son père était consul. Ofiicier du
génie en 1853, il prit sa retraite en 1880 avec le grade
de lieutenant-colonel. Pendant qu'il construisait des routes
en Jutland, il en étudia le sol et, pour remédier à la sté-
rilité du plateau central, il fonda à Aarhus (1866) la So-
ciété des landes (Hedeselskabet), qui a rendu de grands
services en encourageant les travaux de dessèchement,
d'irrigation, de défoncement, de reboisement, en un mot
en fertilisant de vastes espaces jusqu'alors couverts de
bruyères. Parmi ses nombreuses publications il faut citer :
Tableaux géographiques des landes (Copenhague, 1 867-
68, 2 vol. in-8) ; les Plantations en Jutland (1877) ;
les Bois du passé et de V avenir dans les landes du
Jutland (1883-85). B-s.
DALHOUSIE (Comtes et marquis de) (V. Ramsây).
DALI AS. Yille d'Andalousie, prov. d'Almeri'a, district
de Berja, est à une douzaine de kil, de la Méditerranée, au
DALIAS — DALIN
774 ^
milieu d'une vega (plaine cultivée) assez riche, mais qui a
perdu la plupart de ses bois et est devenue de plus en
plus aride. La ville, assez mal bâtie, n'a point de monu-
ments remarquables et a mainte fois souffert des trem-
blements de terre, notamment en 4804. Sur le bord de la
mer est le port de Guardia Vega, avec un château fort et
des eaux sulfureuses. Pop. : 9,36i hab. E. Cat.
DALIBOR, chevalier tchèque du xv*^ siècle. S'étant em-
paré par violence des terres d'un de ses voisins, il fut jeté
en prison dans une tour du château de Prague qui porte
encore aujourd'hui le nom àeDaliborka. Pour charmer les
ennuis de sa captivité il apprit le violon et devint un cé-
lèbre musicien. Son nom est resté populaire en Bohême :
il a été donné à des œuvres et à des sociétés musicales,
DALI B RAY (Charles Vion, sieur de), écrivain français,
mort en 1655. Il jouissait d'une certaine réputation au
xvii^ siècle pour ses poésies pourtant fort médiocres, sur-
tout pour ses épigrammes qu'il tournait bien et pour son
amitié avec Faret et Saint-Amand. Nous citerons de lai :
la Musette (Paris, 1647, in-8) ; OFAwres poétiques
(^1653, pet, in-8), ouvrages rares et recherchés, et des tra-
ductions de l'espagnol et de l'italien, notamment les
Lettres d'Antonio Ferez (1669) et V Examen des
esprits pour les seiences^ deHuarte(1645).
DALI LA (V. Sâmson).
DALIMIL (Chronique de). On désigne sous ce nom une
chronique rimée en langue tchèque qui date du xiv® siècle.
Elle a été longtemps attribuée à un chanoine de l'église de
Boleslava appelée Dalimil Meziricky, d'oti son nom, mais
cette attribution est fausse : elle est plus probablement
l'œuvre de quelque chevalier. Elle va de la création du
monde jusqu'à l'année 1314. L'auteur est un homme ins-
truit qui connaît l'antiquité classique, qui a pieusement
recueilli les traditions religieuses, les renseignements héral-
diques et qui a la manie d'expliquer l'histoire par l'étymo-
logie. Il s'intéresse particulièrement à la noblesse à laquelle
il appartenait certainement. Il a dû écrire entre 1308 et
1318. Le premier événement dont il dit avoir été témoin
se passe en 1280. La chronique eut un tel succès qu'elle
fut dès le xiv^' siècle traduite en vers allemands {Die
Tutsch Kronik von Behemlant)» Elle est remarquable
par le farouche patriotisme de l'auteur et par la haine qu'il
professe contre les Allemands. La première édition fut
donnée en 1620 sous le titre de Chronique de Boleslava.
Dans notre siècle, elieaété plusieurs fois réimprimée, notam-
ment en 1877 par J. Jirecek (Prague), et dans le t. Ilïdes
Fontes Rerum bohemicmmm (Prague, 1882), Cette der-
nière édition, due également à M. J. Jirecek, est accompagnée
d'une introduction critique et de la traduction allemande. L. L.
BiBL. : Jos. Fricz et L. Léger, la Bohême histo-
rique et littéraire; Paris, 1867, et les histoires littéraires
citées à Tarticie Bohême.
DALIN (Olaf von), célèbre publiciste, poète et historien
suédois, né au presbytère de Vinberg (Halland) le 29 août
1709, mort à Drottningholm le 12 août 1763. Etant pré-
cepteur particulier (1726), puis employé aux archives na-
tionales (1731) et à la chancellerie (1732), il étudia à
fond le vieux suédois, prit beaucoup de notes historiques
et fit de sérieuses études généalogiques. Mais avant de
pouvoir les utiliser, il dut se faire un nom comme publi-
ciste. Il rédigea, de concert avec C. Carleson en 1733, et
seul en 1734 une feuille hebdomadaire (Then Svenska
Argus) imitée du Spectator à'Addkon et contenant, non
des nouvelles, mais des articles de fonds, parfois en vers,
sur des sujets politiques et moraux. Grâce à la nouveauté
du genre, à la clarté de l'exposé, à la pureté et à la viva-
cité du style et surtout au langage caustique, le succès fut
si grand que, dès 1734, les Ordres recommandèrent au
roi l'auteur anonyme. Nommé bibliothécaire royal (1737),
il vécut à l'étranger en 1739-40, surtout à Paris où il
s'imprégna du goût français dont il fut avec la reine
Louise-Ulrique, sœur de Frédéric le Grand, le plus zélé
propagateur en Suède. En 1744, les Ordres le chargèrent
d'écrire une Histoire du royau/me de Suède^ dont il ne
put d'abord publier que les deux premiers Yolumes [Svea
rikes historia; Stockholm, 1746-1750, 2 vol. in-4; 1763-
1765, 2*^ édit. ; traduit en allemand par J. Benzelstjerna et
I.-C. Dœhnert; Greifswald, 1757, in-4), ayant été nommé
(1751) précepteur du prince héritier, le futur Gustave III.
Il fut anobli la même année. Deux ans auparavant, il
avait commencé à se détacher du parti des Chapeaux, ses
premiers protecteurs, et à se rapprocher de la cour. Il
passait pour être Fauteur des discours du roi, qu'il engagea
(dans sa Pastorale en trois actes, 1752) à prendre les
rênes du quadrige (quatre Ordres). Il ne se gênait pas
pour critiquer dans ses mordantes satires en vers les
chefs du gouvernement parlementaire ; il refusa d'obéir
aux ordres de la chancellerie qui lui enjoignait de corriger
son poème épico-allégorique sur la Liberté suédoise (en
quatre chants; Stockholm, 1742; 1745, 2® édit.) et lio-
tannnent de modifier un passage où il quahfiait d'hérédi-
taire la couronne de la sœur de Charles XII; déplus,
ayant parodié les prédicateurs ridicules dans ses Sermons
de la calotte., il se vit intenter un procès capital devant la
Diète, qui se borna à le priver de ses fonctions de pré-
cepteur du prince et à lui interdire toute relation avec la
cour (1756). Mais la prohibition fut levée en 1761. Dès
1759, il avait été nommé conseiller effectif au collège de
chancellerie, et il devint chancelier de la cour en 1763,
quoiqu'il convînt peu pour ces fonctions où il aurait fallu
un diplomate mieux doué pour la parole et plus versé dans
les langues étrangères. Pendant sa retraite do cinq ans, il
s'était applicfué à justifier le titre d'historiographe du
royaume qu'il avait reçu en 1755, mais il ne put composer
qu'un nouveau volume, le troisième, qui s'étend jusqu'à la
mort de Charles IX (lôll*)' et dont les deux tomes paru-
rent en 1760 et 1762. C'est la première bonne histoire
générale en suédois moderne ; elle est bien ordonnée,
basée sur des recherches approfondies, d'ailleurs bien dé-
passées aujourd'hui, mais on la lit encore pour le style.
La Saga du cheval (Stockholm, 1740, in-4) est un amu-
sant récit allégorique des vicissitudes de la Suède sous les
Vasa. Les autres ouvrages de Dalin sont : V Envieux (1738),
comédie qui faisait espérer un émule de Holberg ; Brynilda
(1739), tragédie peu dramatique; Satire de notre fameux
temps (1740); Fables (1752); traduction (1755) des
Considérations.! etc., de Montesquieu; des Remarques
sur la poésie suédoise, dans le t. I (1755), des Actes
de l'Académie des belles-lettres, dont il fut secrétaire
depuis la fondation (1753) ; un mémoire, des discours et
des éloges dans les Actes de V Académie des sciences de
Suède dont il était membre (1742) ; des parodies de quel-
ques publications archéologiques ; des poésies religieuses,
satiriques; des chansons bien tournées, parfois dans le
genre des ballades populaires ; enfin une îbule de pièces
de circonstance, souvent improvisées pour égayer la cour
et les nobles qui recherchaient la société de ce poète pour-
tant taciturne et plutôt ami de la solitude ; elles ne sont
pas toutes réussies, mais elles peignent bien les mœurs
de la haute société d'alors. Beaucoup d'autres travaux de
Dalin périrent dans l'incendie de la bil)liothèque Râlamb
(1751) et, lors des persécutions politiques dont il fut
l'objet, il brûla lui-même son journal de voyages et les
mémoires qu'il écrivait depuis 1734. Ses poésies sont
froides et plus remarquables par la forme que pour le fond ;
la prose convenait mieux à son talent. Il a eu le mérite
d'assouplir le suédois et de fixer cette langue, comme le
faisait alors pour la nôtre Voltaire avec qui il a plus d'un
trait de ressemblance. Ses OEuvres littéraires en vers et
en prose ont été éditées par son frère utérin J. C. Bœkman
(Stockholm, 1767, 6 vol. in-8); ^es Poésies parP. Rudin
(ib., 1782-83, 2 vol.) ; ses Ecrits choisis par E. V.
Lindblad (1872). Beauvois.
BiBL. : Nécrologie par C.-G. Wran (1763). — Eloges par
Gustave III (inédit) ; par 01. Celsius le Jeune (1764) ;
par J.-V. LiLJESTRAHLE, daiis Actes de VAcadémie des
sciences de Suède, 17S0;t. III ; par K.-G. Noedin, dans
— 775
DALIN - DALLAGE
Actes de l'Académie suédoise-^ 1798, t. IL — C.-J. Schollin>
De Meritis Olavi von Dalin in linguam et poesin sveca-
nam ; Greifswald, 1805, in-4. — Notices par C.-F. Scheffer,
en tête de Fédit, de Rudin ; par Atterbom, dans Sv'enska
siare och skalder; Upsala, 1844, t. lïl; par B.-E. Malm-
STRŒM, dans Svenska, vitterhetens hist.^ 1866, 1. 1 ; par
A. Fryxell, dans Bersettelser ur svenska historien^ 1878,
t. XLIV et XLV ; par C. Eichhorn, dans Svenska studiei\
1869; par K.-J. Warburg, dans Del Svenska lustspelet
under frihetstiden^ 1876.
DALIN (Anders-Fredrik), lexicographe suédois, né à
Nseshiilta (Sœdermanland) le 16 mars 1806, mort à
Stockholm le 18 juil. 1873. Il traduisit nombre de ro-
mans, publia une nouvelle et composa huit dictionnaires,
notamment l'excellent Ordbok œfver Svenska sprâket
(Stockholm, 1850-53, 2 vol. gr. in-8) et le dictionnaire
français-suédois (1872). B-s.
DALISON (Sir William), juriste anglais, mort en 1539,
de Gray's Inn. Serjeant ai law dès 1552, juge au Banc
du roi en 1556, il fut enterré dans la cathédrale de Lincoln.
On lui doit un commentaire sur le statut de Henri Vlïl
relatif à la « dessaisine » (32 Henri VÏII, c. 33).
DALI US (Sveno Brynolphi), poète suédois, né à (Ers,
dans le Dalsland, en 1604, mort à Ed en 1693. Il suivit
Gustave- Adolphe en Allemagne comme receveur, fut sur le
point d'être enterré avec ceux qui étaient morts de faim
dans le fortin de Rolsdorf, servit ensuite comme capitaine
dans les guerres contre le Danemark. Quoique ses cinq
recueils de poésies n'aient paru que de 1661 à 1684, il
avait composé pendant la guerre de Trente ans quelques
chansons que l'on peut appeler historiques. Ses œuvres
comprenant une comédie (/fé^ms^^, traduite de l'allemand),
des cantiques, des chansons, des compliments, des mora-
lités, sa sincère autobiographie avec son épitaphe, ont été
reproduites dans le t. IX (1869) du Recueil de Hanselli.
Tandis que Sophie Brenner s'est inspirée de ces'rimes, d'autres
les ont parodiées à cause de la naïveté de l'auteur. B-s.
D A L J U N K A R E N ou le Gentilhomme Dalécarlien (Jœns
Hansson), prétendant au trône de Suède, né à Bjœrksta
(Vcstmanland), exécuté à Rostock en 1528. Il était pale-
frenier lorsqu'il se rendit en Dalécarlie (1527) et se fit
passer pour le dernier fils du président de l'Etat, Sten
Sture Nils récemment décédé. Quoique la mère de ce der-
nier eût désavoué l'imposteur, le tiers des Dalécarhens le
soutinrent; le reste refusa de le reconnaître et des luttes
intestines s'ensuivirent. Il dut se réfugier deux fois en
Norvège, au milieu des partisans du dernier roi de l'Union
Scandinave, Christian II, et il se rendait vers ce prince
dans les Pays-Bas, lorsqu'il fut arrêté à Rostock et déca-
pité à la demande de Gustave Vasa et de Frédéric P^. B-s.
D ALKEITH. Ville d'Ecosse, comté d'Edimbourg, à 20 kil.
S.-E. de la capitale, a(i confluent du N. et S.-E. ;
6,400 hab. Mines de houille, fonderies ; marché agricole.
Eglise gothique et beau château des ducs de Bucclengh
bâti au XVII® siècle.
DALKEY. Ile et bourg d'Irlande, comté de Dublin
(Leinster), à 3 kil. S. de Kingstown, port delà capitale;
2,600 hab. Bains de mer fréquentés. Ruines d'un fort
élevé pour tenir en respect les pirates de la mer d'Irlande.
Ruines d'une église et d'un autel des druides (?).
DALKISSOURL Rivière du Bengale (Indes anglaises)
ayant ses sources au S. de Patchete, dans le Tchola Nag-
pour, parcourt Bahcourah et Vishnoupour, se jette dans
î'Hougly après un cours de 275 kil. en formant le grand
estuaire de Tamlouk. M. d'E.
DALL (Roderick), poète écossais du xviu*^ siècle, le der-
nier des chantres eiTants, acheva sa vie après 1740 dans
le comté de Perth. Un grand nombre de ses poésies sont
demeurées populaires.
DALL (Caroline-Healy), écrivain américain, mariée en
1744 au pasteur Charles Dali, qui se fit connaître par sa
polémique contre l'esclavage et pour les droits des femmes.
— Son fils, William- Healy Dali, né à Boston le 21 août
1845, a publié Alaska and its Resources {Boston, 1870).
DALLA. Contrée fort peu connue du Soudan central ;
elle est située dans la boucle du Niger, à l'E. du Macina et au
N. du Mossi. Le capitaine Monteil, actuellement (1891) parti
de San pour aller à Say, rapportera dans un temps prochain
des renseignements sur ce district, à proximité duquel il
devra passer.
DALLAGE. I. Architecture. — Revêtement en dalles
de pierre ou de marbre et, par extension, en enduit de
ciment ou d'asphalte, du sol des voies publiques et des
cours ou des pièces intérieures des habitations (V. Dalle).
Les anciens employaient surtout les pierres dures et les
diverses variétés de marbre ou de granit pour le dallage
des voies publiques et des édifices, basiliques ou temples,
et des dalles antiques se voient encore, à leur place primi-
tive, aussi bien le long de certaines voies romaines que
l'on déblaie de nos jours des couches de débris qui s'y sont
superposées depuis près de seize siècles qu'à Fintérieur du
Panthéon ou de la basilique du forum de Trajan à Rome
et dans les carrefours ou les édifices de Pompéi. Les pre-
mières basiliques chrétiennes furent, elles aussi, dallées
en marbre, soit qu'elles aient conservé le dallage des basi-
liques antiques, soit à l'imitation de ces dernières, et cet
usage se conserva aussi longtemps que le permit l'abon-
dance des marbres anciens. De même, lorsqu'au xiii« siècle
on commença sous Philippe-Auguste, à paver les deux
rues transversales de la Cité dites la Croisée de Paris^
on emplova, pour ce pavage, de véritables dalles de
grès, de forme carrée, d'environ trois pieds et diemi de
côté et de six pouces d'épaisseur, dalles dont quelques-unes
étaient encore restées en leur place primitive avant les
grands travaux accomplis dans la Cité il y a quarante ans.
Mais, pendant le moyen âge, la rareté des marbres anti-
ques et l'inhabileté des constructeurs du nord-ouest de
Fig. 1. — Fragments de dallage provenant de Téglise de
Saint-Menoux, près de Moulins (xii« siècle).
l'Europe à employer la mosaïque firent adopter, pour
recouvrir le sol des sanctuaires, des dallages de pierre cal-
caire dure, que l'on décora, en y dessinant à l'aide de traits
gravés en intaille, des sujets, personnages ou attributs, et
l'on remplit ensuite ces dessins en creux de plomb et
surtout de mastics diversement colorés. Un ancien dallage
de cette époque, fait de pierre blanche incrustée d'un mastic
résineux noir, se voit encore à l'église de Saint-Menoux,
près de Moulins (V. fig. 1, un fragment de ce dallage).
Bientôt cet art du dallage à l'aide de pierres gravées et
incrustées se générahsa et se perfectionna et, entre autres
édifices dont le sol reçut, au xni^ siècle, une telle parure, oit
peut citer l'ancienne cathédrale de Saint-Omer et les cha-
pelles absidales de l'église de l'abbaye de Saint-Denis. Les
fragments ou les dessins qui nous retracent les importantes
compositions qui décoraient ces dallages nous les montrent
comme formés, pour la plupart, de dalles ofi'rant chacune
un dessin complet, au moins pour les dalles portant sujets,
lesquelles étaient parfois données par des personnes diffé
rentes dont les inscriptions ont conservé les noms. Mais les
nefs des grandes cathédrales ne purent, à cause de leur sur-
face, recevoir une telle profusion de sujets : aussi se borna-t-on
souvent à y alterner, comme à la cathédrale d'Amiens
DALLAGE — DALLAS
— 776 —
(V. fîg. % une travée du dallage de cet édifice), des dalles
carrées noires et blanches, d'un pied de côté et formant
une sorte de grecque ou tel autre dessin d'une extrême
Fig. 2. ~ Dallage de la cathédrale d'Amiens (xiii« siècle).
simplicité. — Ces dallages furent malheureusement enle-
vés, dans les siècles suivants, pour faire place à des dalles
tumulaires (V. Dalle) portant en creux ou en relief l'ef-
figie des personnages dont elles recouvraient le corps et
plus tard, on revint comme dans l'antiquité, à l'emploi de
dalles unies, de pierre ou de marbre, variées de couleurs
et n'offrant guère que des dessins géométriques.
On appelle aussi dallagesles couvertures formées de dalles
de pierre superposées, scellées à bain de mortier ou posées
à recouvrement sur les extrados des voûtes de nombreux
édifices religieux du moyen âge. Ces dallages, connus dès
l'antiquité grecque, offrent certaines variétés d'exécution
au point de vue de la taille et de la pose des dalles afin de
faciliter l'écoulement des eaux pluviales dans les chéneaux
et d'éviter les infiltrations sur les reins ou au travers des
joints des voûtes. Charles Lucas.
IL Construction. — Le dallage est ordinairement
composé de plaques de matériaux de peu d'épaisseur,
par rapport aux autres dimensions ; cette épaisseur varie
de i à 3 centim. pour le marbre, l'ardoise, la lave ;
de 5 à 10 centim. pour le calcaire, tel que le liais, les
schistes grossiers feuilletés non compacts, les dalles arti-
ficielles en matériaux moulés ; de 8 à 12 centim. pour le
granit, de 10 à 15 millim. pour la fonte, etc. Quant aux
dimensions horizontales des dalles, elles sont généralement
supérieures à celles des carreaux, c.-à-d. qu'elles ont
environ 0'^^30 et au-dessus. Certains dallages, des plus
économiques, sont faits avec des matériaux bruts, plaques
minces de calcaire ou de schistes, sans même être équarris,
de sorte que les joints présentent un dessin très irrégulier ;
en vue de l'économie aussi, on emploie les excédents qui
résultent du sciage de la pierre dure et qu'on appelle des
levées, lesquelles présentent donc un pavement uni et une
surface brute. Mais généralement on donne aux dalles une
forme régulière. L'opération du dallage doit être conduite
de façon que les matériaux meubles qui servent d'as-
siette, terre ou sable et mortier, soient refoulés vers les
bords libres de la dalle ; un refoulement en sens contraire
aurait pour résultat de soulever les parties déjà posées. 11
en résulte que, dans la pose de la dernière dalle, il faut me-
surer exactement ce que l'on doit laisser au-dessous ; c'est
là une question de coup d'œil. Du moment que l'on emploie
des dalles de formes régulières, on cherche à faire les
joints^ aussi minces que possible, en amenant les arêtes
supérieures presque au contact, tout en conservant au-dessus
une épaisseur suffisante pour être garnie de mortier très
fin dans la partie non vue ; on s'assure ainsi contre la
pénétration de l'eau ; pour obtenir ce résultat, la surface
du joint, dans l'épaisseur de la dalle, est oblique par rapport
à la surface du dallage, avec laquelle elle fait un angle
aigu ; c'est là ce qu'on appelle .démaigrir le joint. En gé-
néral, le garnissage ou coulage des joints par le mortier se
fait une fois le dallage terminé ; le joint étant déjà garni
à sa base par le refoulement du mortier pendant l'opération
de la pose de la dalle, on complète le remplissage en
versant un mortier fin et liquide sur la surface du dal-
lage, de sorte qu'il pénètre de lui-même dans le joint ;
avec une spatule mince on aide à la pénétration et on fait
échapper les bulles d'air afin d'assurer un garnissage
complet.
La pose du dallage terminée, si on veut un travail
soigné, il reste à régulariser par un polissage, étant
donné qu'on a pas à recouper la pierre, c.-à-d. que les
dalles sont bien placées et ont été bien posées. Le polissage
s'opère au moyen de grès fin mélangé d'eau ^ que l'on
étale sur le dallage, puis on promène dessus un bloc de
pierre dure ou de fonte, auquel on donne un mouvement
alternatif en y attachant de part et d'autre deux cordes que
deux ouvriers tiennent en main et tirent alternativement
sans soulever le bloc. Les grains de grès, entraînés par le
bloc, ghssent sur la pierre, l'usent en régularisant la sur-
face. On nettoie la surface du dallage, on jointoie avec du
mortier fin et si l'on veut un dallage très soigné, on para-
chève le polissage avec de la pierre ponce, puis on lave
de nouveau à l'eau pure ou légèrement acidulée par de
l'acide chlorhydrique.
Par extension, on donne le nom de dallage aux revê-
tements du sol au moyen de l'asphalte ou du ciment, mais
ce sont là à proprement parler des enduits, puisque le
travail est le même. En ce qui touche l'emploi de l'asphalte,
il est procédé comme pour la confection des trottoirs, seu-
lement dans les cours on lui donne plus d'épaisseur. Si on
emploie l'asphalte comprimé, on procède comme pour les
chaussées, mais en réduisant alors l'épaisseur. Relativement
à l'usage des ciments, on opère comme pour les enduits;
seulement, au lieu de confectionner une surface lisse, on la
divise en compartiments par des lignes en creux, dessi-
nant des bandes périmétriques et des carrés, de sorte que
s'il y a contraction de l'enduit, et par suite fendillement,
celui-ci devra se produire suivant ces lignes ; l'ouverture
des fentes est ainsi presque nulle et l'eau n'y passe pas. En
outre de la division par des lignes, on donne à chaque
compartiment l'apparence d'une surface bouchardée, en-
tourée d'une partie lisse analogue à une ciselure unie ; on
évite ainsi que la superficie soit glissante. Ce genre de
dallage s'est beaucoup répandu pendant ces dernières
années. L. K.
DALLAS. Ville des Etats-Unis, Etat de Texas, comté de
Dallas, sur la rivière Trinity. Centre du commerce dans
le nord du Texas ; 10,000 hab. en 1880. Aug. M.
DALLAS (George), jurisconsulte anglais né vers 1630,
mort vers 1702. Garde adjoint du sceau privé d'Ecosse
sous le marquis d'Atholl (1660). Il est l'auteur de a Sys-
tem of suies as now practicable in the Kingdom of
Scotland (1697, in-fol.), qui a été fort longtemps le livre
de chevet de tout homme de loi écossais.
DALLAS (Robert-Charles), écrivain anglais, né à la Ja-
maïque en 1754, mort à Sainte-Adresse en 1824. Allié
par sa sœur à la famille de Byron, il avait préparé un re-
cueil de lettres du poète à sa mère, qui ne put voir le
jour qu'après sa mort {BecMecMotis of the Life of lord
Byron from theyear i 8 08 ta the end of ÎBii). Dallas
est l'auteur de nombreux écrits en vers et en prose, réunis
en sept volumes de Miscellaneous Works and Novels
(1813). — - Son frère, Alexander-James Dallas (1759-
1817) a laissé aux Etats-Unis le renom d'un jurisconsulte
distingué et d'un polygraphe élégant et fécond. B.-H. G.
DALLAS (Sir Robert), né en 1756, mort en 1824.
777
DALLAS — DALLE
Juriste anglais, avocat de la compagnie des Indes, de lord
George Gordon, de Warren Hastings, il parut dans la plu-
part des grands procès de la fin du xviii^ siècle. Il occupa
de hautes positions dans la magistrature (Chief justice
of Common Pleas, en 4818). Ch.-V. L.
DALLAS (Sir George), publiciste anglais, né à Londres
en 1758, mort à Brighton en 1833. A son retour de
rinde, oti il avait fourni une brillante carrière adminis-
trative, il publia plusieurs écrits en faveur de la politique
des tories et contre la Révolution française, entre autres
Thoughts on our Présent Situation , with Remarks
upon the Policy of a War ivith France (1793). Il
siégea au Parlement de 1800 à 1802.
DALLAS (George-Mifflin), homme d'Etat américain, né
à Philadelphie le 10 juil. 1792, mort le 31 déc. 1864. Il
fut envoyé au Sénat fédéral en 1831. Jackson, en 1837,
le nomma ministre des Etats-Unis à Saint-Pétersbourg. A
son retour il fut choisi en 1844 par la convention natio-
nale démocratique comme candidat à la vice-présidence de
l'Union avec Polk pour la présidence. Ils lurent élus en
novembre contre Clay. Le terme de sa vice-présidence ex-
piré, il se renferma dans l'exercice de sa profession d'avo-
cat. En 1857, Buchanan le nomma ministre en Angleterre.
Il revint en Amérique en 1861, et se prononça avec
énergie, au début de la guerre de la Sécession, pour l'in-
tégrité de l'Union. Aug. MomEAu.
DALLAS (Eneas-Sweetland), publiciste anglais, né à la
Jamaïque en 1828, mort à Londres le 17 janv. 1879.
Après avoir fait de fortes études à l'université d'Edim-
bourg, il entra dans le journalisme où il ne tarda pas à
briller au premier rang. Collaborateur au Times ^ mi Daily
News, à la Saturday Review, à la PallMall Gazette, édi-
teur à'Once a Week, il se fit remarquer surtout comme
critique littéraire et écrivain politique. Il a dépensé dans
d'innombrables articles des qualités de premier ordre :
une grande pureté de style, une intelligence très compré-
hensive. Il fut correspondant spécial du Times à Paris pen-
dant l'Exposition de 1867 et pendant le siège de 1870. Il
a écrit quelques ouvrages : Poetics an Essay on Poetry
(Londres, 1852) ; the Gay Science (Londres, 1866, 2 vol.).
étude psychologique sur les éléments et la nature du plai-
sir causé à l'intellect par la poésie ; un abrégé de Clarisse
Harlowe (1868), et Book of the Table, a manual of
Cookery (Londres, 1877, publié sous le pseudonyme de
A. Kettner), traité de gastronomie dans le genre de celui
de Brillât-Savarin. R. S.
DALLASIA Stokes (ZooL). Genre d'Infusoires Holo-
triches, voisin des Orphryoglena (V. ce mot) d'abord
appelé par l'auteur Diplomastax et Diplomestoma.
DALLAWAY (James), publiciste anglais, né à Bristol le
20 févr. [1763, mort à Leatherhead le 6 juin 1834.
Entré dans les ordres, il devint en 1794, grâce à l'influence
du duc de Norfolk, chapelain de l'ambassade anglaise à
Constantinople. A son retour il devint secrétaire du duc
qui lui fit obtenir d'importants bénéfices ecclésiastiques,
entre autres ceux de Leatherhead et Slinfold. Il fut
membre de la société des Antiquaires. Il a publié un grand
nombre d'ouvrages parmi lesquels nous citerons : Inqui-
ries into the origin and progress of the science ofHeral-
dry in England (1792, in-4) ; Constantinople ancient
and modem with excursions to the Shores and islands
of the archipelago and to the Troad (Londres, 1797,
in-4), livre curieux qui obtint un grand succès ; Anecdotes
ofthe arts in England (1800, in-8); Observations on
english architecture (1806, in-8); Statuary and scul-
pture among the Ancients (1816, in-8) ; History of
Leatherhead (1821, in-8); William Wyrcestre redivi-
vus (1823, in-4) ; Discourses upon architecture in
England (1833, in-8); Antiquities of Bristol in the
middle centuries (Bristol, 1834, in-8). En outre, il a
édité History of the three Western Râpes of Sussex
(Londres, 1815-1830), aux frais du duc de Norfolk, et les
lettres de Rundle (1789), celles de Mary Wortley Montagu
(1803); les Anecdotes on Painting de Walpole, le
Catalogue of Engravers de Vertue (1826-28), etc. Sa
femme, Ïlarriet-Anne Jefferies, fille d'un alderman de
Gloucester, a écrit un Manual of Heraldry for Amateurs
(Londres, 1828) qui a obtenu une grande vogue. R. S.
DALLE. I. Archéologie. — Dalle tumulaire. On appelle
dalle tumulaire ou funéraire une dalle posée au ras du
sol et destinée tout à la fois à fermer une sépulture et à
la signaler. On rencontre ces monuments surtout dans les
églises et les cloîtres. Leur origine se rattache à l'usage
d^'enterrer dans les lieux consacrés. Aux premiers siècles
du christianisme les tombeaux des saints trouvèrent seuls
place dans les églises. Puis les fidèles voulurent reposer
près des saints, crovant par là s'assurer leur protection
immédiate. Dès 381", une loi rappela les fidèles au respect
des sanctuaires. Du \f au ix« siècle, plusieurs conciles
s'élevèrent contre cet usage d'inhumer à l'intérieur des
églises; ces prohibitions furent impuissantes à arrêter
l'envahissement des lieux saints par les tombeaux. Mais
comme les monuments funèbres, trop nombreux, encom-
braient les églises et devenaient un obstacle à l'accomplis-
sement du culte, on prit l'habitude de ne plus marquer les
sépultures que par une pierre encastrée dans le dallage.
C'est à tort qu'on a.regardé comme une dalle tumulaire la
pierre qui recouvrait les restes de Boëce, évêque de Car-
pentras, mort en 604; elle était ornée de pâtes de verre
qui eussent été brisées sous les pieds des fidèles; il faut y
voir, avec M. E. Le Blant, un couvercle de sarcophage. On
conserve au musée de Nantes une dalle en ardoise, légère-
ment plus large à la tête qu'au pied, ornée d'une croix
haussée sur un globe, accompagnée de figures géométriques;
tous ces ornements sont gravés ; c'était peut-être une
pierre tombale de l'époque carolingienne. Les premiers
exemples certains de tombes plates parvenues jusqu'à nous
ne remontent pas au delà du xi^ siècle. Parmi les plus
anciennes, il faut citer toute une série de pierres en grès
rouge, plus larges à la tête qu'au pied, conservées à Sainte-
Marie du Capitole à Cologne et dont l'ornementation
consiste en dessins géométriques. Une seule porte une
inscription : Hic jacet Conradus sacerdos. Orale pro
eo. Les inscriptions sont rares avant le xiii^ siècle, et
quand elles existent, elles sont toujours très laconiques,
ne donnant que le nom du défunt, sa qualité et quelquefois
la date du jour de sa mort. Citons par exemple cette ins-
cription relevée sur une pierre de l'église de Bonn (Prusse
rhénane) : Obiit Godescalcfus) di(aconus) VI id(us)
febrfuarii). La croix est, avec les figures géométriques,
l'ornement le plus fréquent des pierres tombales des xi«
et xii« siècles. Un calice gravé à côté de la croix indique
la sépulture d'un prêtre. Les pierres de la période romane
présentent le plus souvent la forme trapézoïdale ; quelques-
unes ont leur sommet amorti en pignon, comme celle de
l'évêque Richwinus de Naumbourg à Saint-Moritz en Naum-
bourg. Au xm'^ siècle, la forme rectangulaire est la plus
fréquente. On rencontre encore, mais exceptionnellement,
des pierres tombales ornées d'un simple symbole. On peut
voir dans l'église de Lévis, au diocèse de Paris, une dalle
du xni^ siècle avec inscription en français et dont le
champ est simplement orné de deux écussons armoriés.
Mais d'ordinaire les pierres funéraires du xiii^ siècle pré-
sentent gravée en creux l'effigie du défunt abritée sous
une arcature, le. plus souvent trilobée, soutenue par deux
colonnettes. Le défunt porte le costume particulier à sa
dignité; il a les mains jointes; si c'est un prêtre, il tient
uiî calice ; les pieds reposent sur un animal, un lion pour
les hommes, un chien pour les femmes, un basiMc pour
les prêtres. Au-dessus de la tête du défunt, une main
bénissante, symbole de Dieu ; dans les angles supérieurs,
entre l'extrados de l'arcature et le cadre extérieur de la
pierre, deux anges agitent des encensoirs. Enfin une ins-
cription en capitale gothique se développe en bordure sur
les quatre côtés de la pierre. Elle débute, quand elle est
en latin, par les mots HIC lACET, auxquels correspondent
DALLE
778 -
dans les inscriptions françaises les mots CI GIT. Au
XIV® siècle apparaissent dans les pays flamands et alle-
mands les inscriptions en langue vulgaire.
Dès la fm du xin*^ siècle Fornementation des pierres
tombales se complique. L'arcature est coiffée d'un gable
triangulaire dont les rampants sont ornés de crochets et
de feuilles contournées ; les colonnettes qui soutiennent
l'arc sont remplacées par des contreforts ornés de nicUes
abritant de petits personnages et se prolongent au-dessus
de l'arcade pour se terminer en flèches et clochetons. En
haut, trône Abraham, recevant dans un linge Fàme du
défunt représentée par une petite figure nue. Les petits
personnages des pieds droits sont ordinairement les
membres du clergé qui président aux funérailles : le prêtre,
le diacre, le sous-diacre, les acolytes tenant une croix,
un bénitier ou un cierge. Voici à titre d'exemple la
description d'une très belle tombe du xiv® siècle, aujour-
d'hui à l'Ecole des beaux-arts à Paris; c'est celle de
Jean, chanoine et chancelier de l'église Notre-Dame de
Noyon, mort en 1350. Le personnage porte le costume
sacerdotal; sa tête, coiffée de l'aumusse, repose sur un
coussin ; il tient un calice ; de ses pieds il écrase un dra-
gon, de la bouche duquel s'échappe une fleur grimpante
qui se déroule sur le champ de la tombe ; de l'autre côté,
le champ est tapissé d'une vigne chargée de grappes.
L'arcature, qui abrite le défunt, est surmontée d'un édi-
cule à trois niches, sous lesquelles sont représentés Abra-
ham et à ses côtés, saint Jean-Baptiste et saint Jean l'Evan-
géhste. De chaque côté de l'édicule des anges sonnent de
la trompette, les morts sortent de leurs tombeaux. Les
niches des pieds droits sont occupées par la figure d'un
bourgeois Jaqiiet et, en face, par celle àlsabeau, sa
femme, sans doute ; au-dessus, viennent deux saints dont
l'un est saint Julien ; enfin, saint Michel et saint Eloi. A
chacun des angles de la pierre, un quatre-feuilles enca-
drant l'emblème d'un évangéhste; au miheu de chacun
des deux grands côtés de la bordure, l'écusson du défunt
dans un quatre-feuilles interrompant l'inscription.
Dès la seconde moitié du xiii® siècle apparaissent les
tombes à deux personnages, ordinairement le mari et la
femme, représentés côte à côte, tantôt sous la même ar-
cade, tantôt sous deux arcades. Une dalle de la Sainte-Cha-
pelle, de 1381, représente sous deux arcades l'image de
Jean de Hestoumesnil, maître des requêtes, chanoine de la
chapelle royale, et celle de son neveu. C'est aussi au
XIV® siècle que s'introduisit l'usage, plus commun au siècle
suivant, de découp^er la tête, les mains, les pieds du person-
nage dans des morceaux de marbre blanc qu'on incrustait
dans la dalle. On agissait de même à l'égard des figurines
des pieds droits. Ces parties rapportées ont souvent dis-
paru. En Angleterre, on rencontre des pierres tombales
où l'effigie tout entière est découpée dans une lame de
métal. Au xv® siècle, le gable qui surmontait l'arcature est
remplacé par un dais à plusieurs pans figuré en perspective;
Farchitecture se complique de plus en plus, les inscriptions
sont en minuscule gothique. Nous pouvons citer comme
type d'une pierre tumulaire de cette époque celle de
Philippe de Reuilly, trésorier de la Sainte -Chapelle.
Le style gothique persista dans la décoration des pierres
tombales jusque dans le premier quart du xvi® siècle. Citons
par exemple, la tombe de Michel de Troyes, grand prieur
de Saint-Denis, mort en 4517. Mais sous l'influence de la
Renaissance l'ornementation des tombes plates se simplifia.
Sur la plupart des dalles du xvf siècle, l'image du mort est
ou bien abritée sous une arcade en plein cintre dans le
style classique, ou bien entourée d'un cadre décoré de
grecques, d'écussons et de fleurs. Ce genre de dalle était
encore en usage au xvii® siècle. Signalons la dalle d'An-
toine Guérin, dans Féglise de Villeron , au diocèse de
Paris ; cette dalle est du commencement du xvii® siècle.
Dès le XVI® siècle, on supprima Feffigie des pierres tom-
bales pour y écrire sur plusieurs lignes, et dans le champ,
une longue inscription, ordinairement eu latin et en écriture
capitale. Cet usage se répandit de plus en plus au xvii® siècle
et, au siècle suivant, fit complètement disparaître les tombes
à effigie. Au-dessus de l'inscription étaient gravées une croix
et les lettres D. 0. M. (Deo Optimo Maximo) ; au-dessous,
l'écusson du défunt.
Nous n'avons parlé que des dalles funéraires gravées. On
en rencontre, surtout en Allemagne, en Angleterre et en
Italie, à partir de la fin du xiii® siècle, qui sont ornées de
figures en relief, le relief étant pris dans une cavité faite
dans une épaisse dalle de pierre de façon à ne pas faire
saillie au-dessus du sol. Citons, en France, la tombe d'un
chevalier à Saint-Martin de Laon. On voit de ces sortes de
tombes dans les cathédrales de Mayence et de Wurzbourg
et dans l'église Sainte-Croix de Florence. Les pierres tom-
bales en mosaïque sont aussi exceptionnelles. Autrefois
Féglise Saint-Germain-des-Prés possédait la tombe de
Frédégonde, du xii® siècle, qui consistait en une plaque
de pierre de liais incrustée de fragments de pâtes de
verres et de pierres dures entremêlées de filets de cuivre.
Ce monument est aujourd'hui à Saint-Denis. On cite
encore une tombe trouvée à Saint-Bertin et datée de
1109 ; la tombe de Févêque d'Arras, Frumaldus, mort en
1180 ; celle de Wéric de Stœpel, abbé de Saint-Trond,
mort en 1180, dans Féglise Saint-Barthélémy à Liège.
On a fait aussi servir les carreaux émaillés à la compo-
sition des dalles tumulaires. Sur ces sortes de monuments
les effigies sont assez rares. On voyait cependant autrefois
dans l'abbaye de Fontenay, près Caen, une de ces tombes
composée de treize morceaux de brique et avec la figure
d'un chevalier. Dans Féglise de Mesnil-Saint-Père (Aube),
une dalle formée de carreaux émaillés, et qui date du
XVI® siècle, présente l'effigie d'un prêtre. Une dalle de la
même matière, datée de 1608, existe encore à Féglise de
Thennelières (Aube) ; sur un champ de couleur rouge se
détache en jaune une grande croix accostée de quatre
têtes de morts, également jaunes ; de la même couleur sont
les lettres de l'inscription qui se développe en bordure.
D'autres dalles du même genre et des xvx® et xvii® siècles
imitant des tapis à dessins géométriques, se voient dans
l'église de Géraudot (Aube).
Il nous reste à signaler les dalles en cuivre et en lai-
ton placées au ras du sol et où l'effigie du défunt, gravée en
creux, se détache d'ordinaire sur un fond orné de rin-
ceaux, de quadrillés, de losanges, ou bien semé de pièces
de blason, à la façon d'une tapisserie. Les traits du des-
sin sont remphs d'un mastic noir. Ces dalles sont rare-
ment d'une seule pièce, mais composées de plusieurs lames
reliées ensemble très habilement. Du xiv® au xvi^ siècle,
elles ont été très employées en Angleterre, en Flandre et
en Allemagne. On en cite dans l'éghse Saint -Nicolas
de Stralsund, dans l'église de Paderborn, dans la cathé-
drale de Lubeck. L'une des plus belles est à la cathé-
drale de Bruges, celle de Martin de la Chapelle, mort
en 1452. Un très grand nombre de pierres tombales ont
été détruites [dès le xvni® siècle; on n'avait plus de
goût pour ces vieilleries gothiques ; à ce dallage histo-
rique et varié on substitua dans beaucoup d'égUses un
dallage banal et réguher. Il arriva le plus souvent que les
architectes se contentèrent de faire scier les dalles tumu-
laires en morceaux réguliers et de les retourner. C'est ce
qui fut fait par exemple à la cathédrale de Sens de 1743
à 1769. Pour garder la mémoire des défunts on grava de
place en place, sur le carrelage, leurs noms avec la date
de leur mort, souvent mal transcrite. Aujourd'hui il importe
de conserver avec le plus grand soin, de dessiner et de
publier les trop rares dalles funéraires qui existent en-
core ; car ce sont des monuments de premier ordre pour
l'histoire de Fart, et spécialement pour l'histoire des
formes architectoniques et du costume, comme aussi des
documents précieux pour la biographie des personnages
des temps passés. M. Prou.
II. Architecture. — Tranche mince de pierre dure, de
marbre, de granit, de porphyre, de lave, d'ardoise, de
— 779 —
DALLE »- DALLERY
céramique, de glace, etc., débitée de plus grandes dimen-
sions que le carreau et employée, soit en revêtement sur
le sol ou le long des murs des voies publiques ou des édi-
fices (V. Carrelage, Dallage, Pavage, Maçonnerie et
Lambris), soit comme couverture (V. ce mot) et aussi
pour abriter les sépultures (V. Tombeau). L'usage d'em-
ployer les dalles pour créer une surface de niveau qui pré-
serve l'intérieur des édifices de l'humidité naturelle du sol
est aussi ancienne que les premiers essais de construction
et les cavernes préhistoriques, ainsi que les monuments
mégalithiques, qu'ils aient servi de tombeaux ou d'habita-
tions, présentent des dalles, à peine dégrossies, posées
irréguHèrement mais trahissant, parfois par leur extrac-
tion et toujours par leur transport et leur pose, les efforts
et les intentions des premiers constructeurs. De nos jours,
les Lapons et quelques autres peuples, restés incultes,
dallent ainsi leurs cabanes. Mais, au fur et à mesure des
progrès de la civilisation, on put constater, dans les an-
ciens monuments ou sur les voies publiques de l'Orient et
de l'Egypte, puis en Grèce et dans l'empire romain, l'em-
ploi de dalles faites de matériaux précieux (belles pierres,
marbres, granits et porphyres) et de plus taillées et posées
avec grande recherche tant au point de vue de la beauté
du dessin que de l'harmonie de la coloration des dallages
et des revêtements du sol ou des murs, des portiques et des
habitations. — Le moyen âge n'ayant pas à sa disposition,
surtout dans les pays de l'ouest de l'Europe, les admirables
marbres de l'antiquité, y suppléa en gravant en intaille des
dalles de pierre dure et en introduisant, dans les traits
ainsi gravés, des mastics colorés, ce qui permit la repré-
sentation, parfois fort expressive, de personnages, de bla-
sons, d'attributs, d'inscriptions, etc. : aussi ces dalles
(dalles de pavement ou dalles tumulaires) ainsi ornées
constituent-elles de précieux monuments pour l'étude des
arts et des coutumes pendant cette longue période. — Depuis
la Renaissance et dans les deux derniers siècles, l'emploi
des marbres, soit seuls, soit alternés avec la pierre, a re-
pris une réelle importance dans le dallage des édifices pu-
blics et aussi, surtout pendant le xviii® siècle, dans le revê-
tement des sanctuaires religieux ; en revanche, pour des
raisons d'économie, on a souvent, de nos jours, remplacé
les dalles de marbre par des dalles en ciment, en pierre
factice, ou, le long des murs, par des revêtements en
céramique, en stuc, en tôle vernie, etc., et, pour éclairer
des sous-sols, on a fait des dalles de verre offrant une
grande solidité et une grande résistance, tout en laissant
passer la lumière.
Dans l'antiquité et au commencement du moyen âge, on
a beaucoup employé les dalles de marbre blanc ou de
pierre pour en former les clôtures basses et les balus-
trades, pleines ou ajourées et parfois sculptées, disposées à
l'intérieur des basiliques ou des églises et les appuis des
terrasses ou des balcons. En outre, des dalles de pierre
dressées et formant partie de revêtement le long des murs de
soubassement ou le long des murs latéraux de la cella des
temples, reçurent fréquemment, dès l'antiquité reculée,
des inscriptions religieuses ou civiles qui fournissent au-
jourd'hui des textes de grande valeur et d'une incontes-
table authenticité pour l'étude des institutions publiques
des anciens, témoins les dalles portant la transcription du
testament de l'empereur Auguste sur les murs latéraux du
temple dédié à ce prince dans la ville d'Ancyre. Do nos
jours, on emploie encore des dalles de mince épaisseur,
faites de certaines pierres, de marbre, d'ardoise ou de
ciment, pour former des revêtements ou de petites cloi-
sons dans les pièces ou les petits édifices servant à usage
de bains ou à tout autre usage hygiénique dans les hospices
et dans les lycées ou sur la voie publique. Charles Lucas.
III. Géologie. — Dans certaines régions de l'est et du
nord de la France, Ardennes, Meuse, Aisne, Haute-Marne,
Vosges et Jura, l'expression dalle s'applique à des calcaires
fissiles, qui se délitent naturellement à la surface en pla-
quettes et se tiennent spécialement dans les étages batho-
nien ou callovien des terrains jurassiques. Dans le Jura,
par exemple, la dalle nacrée de Thurmann n'est autre
qu'un calcaire de ce type, dont les plaquettes sont cou-
vertes d'huîtres à reflets nacrés et qui constitue, au som-
met du bathonien, une zone de passage rapportée par cer-
tains auteurs au callovien; notamment par M. Choffatqui,
dans son Esquisse du callovich et de Voxfordien dans le
Jura occidental considère cette dalle nacrée comme un
faciès spécial de la zone à Ammonites macrocephalus, —
La dalle oolithique devient à son tour dans la Haute-
Marne, la Meuse et les Ardennes un faciès calcaire du
bathonien argileux qui donne naissance, sur l'emplacement
de l'ancien golfe jurassique du Luxembourg, à la grande
plaine vaseuse de la Woèvre, toute entière couverte de bois
ou d'étangs. Sous ce nom viennent en effet se ranger des
nappes épaisses de calcaires oolithiques fissiles dont la posi-
tion au sommet du bathonien a été bien fixée par M. Wol-
gemuth {Recherches sur le jurassique moyen dans l'est
d'il bassin de Paris ^ 1883) et qui donnent naissance,
depuis Chaumont (Haute-Marne) jusqu'à Beaumont (Ar-
dennes) à une large bande de plateaux calcaires, arides et
secs, couronnés de bois maigres ou de garennes, où les
rivières viennent se perdre au fond de gorges profondes
entamées dans les parties fracturées de ces calcaires. Tel
est le grand plateau oolithique du Bassigny entre Chaumont
et Neufchâteau, puis ceux qui se développent sous ce même
aspect bien caractéristique dans la direction des Ardennes,
oti la dalle oolithique désignée sous le nom impropre de
lave, devient l'objet d'une active exploitation dans les
grandes carrières d'Etain, de Senon, Mangiennes, Pillon,
Grand-Failly, Jametz, Stenay et Beaumont-en-Argonne.
Dans toute cette étendue la dalle oolithique ne contient
guère, avec la Terebratula [Dictyothiris) coarctata, que
VAvicula echinata et se montre franchement durcie et per-
forée quand elle supporte le callovien. Ch. Vélain.
BiBL. : Archéologie. — Caumont, Abécédaire ou rudi-
ment d'archéologie, arctiitecture religieuse, 5« édit., pp. 60,
329, 507, 540, 630, 703. — Reusens, Eléments d'archéologie
chrétienne; Louvain, 1885, t. I, pp. 205, 443; t. II, p. 270,
in-8. — VioLLET-LE-Duc, Dictionnaire raisonné de l archi-
tecture française, t. IX, au mot Tombeau. — H. Otte,
Handbuch der Kirchlichen Kunst-Archâologie ; Leipzig,
1883. in-8. — Lijbke, Vorschule zum Studium der kirch-
lichen kunst des deutschen Mittelalters ; Leipzig, 1873,
p. 178, in-8. — Gailhabaud, l'Architecture du v» au xvii«
siècle; Paris, 1858, t. III, in-4. — A. Murcier, /a Sépulture
chrétienne en France; Paris, 1855, in-8. —Le Mêtayer-
Masselin, Collection de dalles tumulaires de la Norman-
die; Paris, 1861, in-4. — Fichot, Statistique monumentale
du dép. de VAube; Troyes, 1884-88,2 voL in-8. — J.-G.
et L.-A.-B. Waller, A Séries of monumental brasses
from the thirteenth to the sixteenth Century ; Londres,
1864, in-fol.
DALLEMAGNE (Claude, baron), né à Périeux, près de
Belley, en 1754, mort à Nemours en 4813. Il s'engagea à
l'âge de dix-neuf ans dans le régiment d'infanterie de Hai-
naut, avec lequel il prit part aux guerres d'Amérique ; nommé
sous-lieutenant en 1790, il devint peu après capitaine, puis
chef de brigade, et commandait à ce titre, en Italie, la
fameuse 32® demi-brigade. Il reçut du Directoire un sabre
d'honneur, après la bataille de Lodi, sur la proposition du
général Bonaparte, se distingua encore par sa valeur à
Lonato, Castiglione, Roveredo, et fut nommé général de
division en 1797, commandant l'armée deRome^ Il y com-
prima la révolte des habitants ; il se rendit ensuite à l'armée
du Rhin, bloqua Ehrenbreitstein, et força la garnison à
capituler. Sa santé l'obligea à prendre sa retraite en 1802.
Il fut nommé conseiller général, puis député de l'Ain,
reprit temporairement du" service en 1807, lorsque les
Anglais menacèrent Anvers, puis retourna dans sa retraite.
DALLERY (Les). Famille de facteurs d'orgues français
dont le fondateur fut Charles Dallery, né à Amiens vers
1710. Simple tonnelier, il se prit de passion pour la fac-
ture des orgues et y déploya un rare esprit d'invention.
— Pierre Dallery, né en 1735, son neveu et son élève,
s'associa à Clicquot pour la construction d'orgues dans plu-
sieurs églises de Paris ; il fit seul quelques instruments
DALLERY — DALLOZ
- 780
renommés et fut le premier à construire de petites orgues
de chambre. — Pierre-François Dallery, né en 1764,
fils de Pierre, et Louis-Paul Dallery, né en 4797, fils de
Pierre-François, continuèrent avec moins de succès la
même carrière. — Thomas-Charles- Auguste Dallery, mé-
canicien français, fils du facteur d'orgues Charles Dallery,
né à Amiens le 4 sept, i 754, mort à Jouy-en-Josas (Seine-
et-Oise) le 4®^ juin 483S. Il montra tout jeune de grandes
aptitudes pour la mécanique, perfectionna la harpe, Torgue,
les clavecins, et fabriqua de minuscules montres à répéti-
tion. Mais son véritable titre de gloire est d'avoir, le pre-
mier, appliqué pratiquement l'hélice à la navigation à vapeur.
Du Quet dès 4727, Daniel Bernoulli en 4752, Paneton en
4768, Littleton en 4792, avaient seulement joroj9os^ divers
genres de propulseurs à vis. Dallery alla plus loin : il fit
construire à ses frais en 4803 un bateau à vapeur, le
munit d'un escargot (un des noms qu'il donnait à Thélice)
et le lança sur la Seine à Bercy. Ces expériences échouèrent
par suite de diverses imperfections dans le mécanisme de
la force motrice. Le gouvernement refusa tout subside pour
les renouveler et le malheureux inventeur, à bout de res-
sources, détruisit son bâtiment. Le brevet qu'il avait pris
constate d'ailleurs plusieurs autres innovations d'une très
grande importance, parmi lesquelles l'emploi de chaudières
à bouilleurs tubulaires verticaux. On lui doit aussi les mâts
rentrants et la ventilation des foyers au moyen d'hélices à
plusieurs spires. Une commission nommée en 4844 par
l'Académie des sciences de Paris et composée d'Ara go,
Dupin, Morin et Poncelet, a hautement proclamé le droit
de priorité de Dallery à ces diverses inventions. L. S.
BiBL. : Collection officielle des brevets' d'invention^ t. LIV.
— Comptes rendus de V Académie des sciences de Paris ;
ann. 1845, t. XX, p. 790.— La Presse, 21 mai 1853 et 29 juin
1854.— Ed. Gand, Biographie de Charles Dallery ; Amiens,
1856, in-12.
DALLET. Com. du dép. du Puy-de-Dôme , arr. de Cler-
mont, cant. du Pont-du-Château ; 4,066 hab. En 4438,
Alyre de Mezel, seigneur de Dallet, accorda aux habitants
de ce village des lettres de consulat et corps commun
(Chabrol, IV, 230), Eglise romane (xi^, xii^ siècles ; parties
modernes). — Les seigneurs de Dallet de la maison de
Mézel prétendaient descendre de saint Alyre. En 4444,
la seigneurie passa à Ponchot de Langeac qui avait épousé
la dernière descendante des seigneurs de Dallet, Alix de
Mézel. La maison de Langeac-Mézel garda la terre de Dal-
let jusqu'en 4728 où elle la vendit aux Montboissier. L.F.
DALLING AND BuLWER (Lord) (V. Bulwer).
DALLIN6ER von Dalling (Joh.-Baptist), paysagiste et
animalier, né à Vienne en 4782, mort à Vienne en 4868.
Cet artiste, qui travaillait dans la manière des animaliers
hollandais, se distingua dans la peinture des chevaux et
dans le paysage. Il fut nommé en 4834 directeur de la
galerie Lichtenstein à Vienne, oti Ton trouve, ainsi qu'au
musée du Belvédère, plusieurs de ses toiles.
DALLMEYER (John-Henry), opticien, né à Loxten,
près de Versmold (Westphalie) le 6 sept. 4830, mort en
mer, près de la Nouvelle-Zélande, le 30déc. 4883. Après
de bonnes études scientifiques à Osnabriick (Hanovre), il
alla se fixer en 4851 en Angleterre, fut d'abord ouvrier,
puis ingénieur chez l'opticien Andrew Ross et lui succéda
en 4859. Très habile constructeur d'instruments de préci-
sion, il dut surtout sa réputation à ses excellentes lentilles
achromatiques, qui ont rendu de grands services à la pho-
tographie solaire et à la micrographie.il était depuis 4864
membre de la Royal astronomical Society, L. S.
D A LION. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Saint-
Quentin, cant. de Saint-Simon; 346 hab.
DALL'ONGARO (Francesco) , écrivain et patriote italien ,
né à Mansuè dans le Frioul en 4808, mort à Naples le
40 janv. 4873. Entré dans les ordres, il remplit d'abord
consciencieusement ses devoirs de prêtre, mais, les trou-
vant bientôt incompatibles avec ses aspirations de citoyen,
il déposa l'habit ecclésiastique et se voua à l'apostolat du
patriotisme. Il se rendit à Trieste et y fonda la Favilla^
qui fut le premier journal italien publié dans cette ville. A
l'avènement de Pie IX, peu confiant dans le libéralisme
vanté du nouveau pape, il fit un voyage à Rome pour juger
par lui-même de la situation. Cherchant à propager par
la poésie les sentiments déinocratiques, il composa alors
ses Stornelli, qui le rendirent très populaire. Encouragé
par l'acteur patriote Gustave Modena, il fit aussi des
drames, qui eurent du succès, surtout le Fornaretto. Le
plus littéraire est Bianca Capello, En 4848, il quitta la
plume pour le fusil et prit part à la défense de Venise.
Lorsque le pape s'enfuit à Gaëte, Dall'Ongaro retourna à
Rome. Il fut élu membre de l'assemblée qui proclama la
république. Mazzini lui confia la direction du Monitore
officiale. Après la chute de la République romaine, il se
réfugia en Suisse et y publia VAlmanacco di Giano.
Il alla ensuite en Belgique, où il fit des conférences sur
Dante, puis en France (4856), où il collabora aux jour-
naux libéraux, travaillant sans relâche pour nourrir sa
sœur et les enfants orpheHns de son frère. Après 4859, il
retourna en Italie. On lui donna une chaire de littérature
dramatique à Florence. Il fit représenter dans cette ville
deux comédies : Fasma et le Tesoro^ celle-ci restitution
d'un chef-d'œuvre perdu deMénandre. Sa chaire fut trans-
férée plus tard à Naples, où il succomba, au bout d'un an,
aux fatigues de luttes incessantes. Dall'Ongaro avait réuni
ses drames et ses poésies en un volume sous le titre de
Fantasie clrammatiche e liriche, F. H,
DALLOZ (Victor- Alexis-Désiré), avocat et homme poli-
tique français, né à Septmoncel (Jura) le 42 août 4795,
mort à Paris le 42 janv. 4869. Inscrit au barreau de
Paris, il s'y fit remarquer en plaidant un grand nombre de
causes célèbres (conspiration du 49 août, affaire des
quatre sergents de La Rochelle, affaire des colons de Saint-
Dominique, entre autres). Il acheta en 4823 la charge
d'avocat à la cour de cassation. Mais il est encore plus
connu par la fondation du grand Répertoire de jurispru-
dence qui porte son nom (4824). Dalloz, partisan de la
Révolution de juillet, fut élu député du Jura le 4 nov. 4837,
réélu le 2 mars 4839 et le 4^^^ août 4846. Il siégea parmi
les conservateurs et s'occupa surtout de questions juridiques
sur lesquelles il fit des rapports remarquables. Il rentra
dans la vie privée en 4848. Dalloz avait continué depuis
4822 le Journal des audiences de la cour de cassation
et collaboré à la Thémis depuis 4849.
DALLOZ (Victor-Edouard), homme politique et juris-
consulte français, né à Paris le 24 mai 4826, mort à Bois-
Renaud (Indre-et-Loire) le 45 nov. 4886. Fils de Désiré
Dalloz (V. ci-dessus). Avocat à Paris, il fut, avec l'appui
du gouvernement, nommé député du Jura le 29 févr. 4852.
Réélu le 22 juin 4857, le 4 juin 4863, le 24 mai 4869,
il fut pendant sept ans secrétaire du Corps législatif et vota
constamment avec la majorité bonapartiste. Après 4870 il
rentra dans la vie privée. Il a écrit : Commentaire de la
loi de 1851 sur la garde nationale (Paris, 4854 , in-32) ;
Commentaire du décret du i^^ janv, iS52 et de la loi
de iSoO sur la garde nationale (4852, in-32) ; Consi-
dérations générales sur les mines (4860, in-8) ; De la
Propriété des mines et de son organisation légale en
France et en Belgique (4862, 2 vol. in-8) ; les Codes
annotés (4873, etc., in-4) ; il a collaboré encore au
Recueil périodique et au Moniteur universel où il a
donné des articles de littérature et d'économie politique.
DALLOZ (Paul), publiciste français, né à Paris le
48 nov. 4829, mort à Paris le 42 avr. 4887, frère du
précédent. Collaborateur au Moniteur universel en 4854,
il devint propriétaire et directeur de ce journal qui cessa
d'être l'organe du gouvernement en 4868, le redevint en
4870 et cessa définitivement de l'être depuis 4874. En
4864, Paul Dalloz fonda le Petit Moniteur universel^ en
4869, la Petite Presse et devint en 4874 directeur de la
Société anonyme de publications périodiques qui édita
tant de journaux. Paul Dalloz a écrit : l'Epargne par la
dépense (Paris, 4865, in-8), et dirigé la belle pubhcation
— 781 —
DALLOZ — DALMATIE
artistique intitulée : le Trésor artistique de la France
(Paris, 1883, in-foL).
DALMAN (Vilhelm-Fredrik-Achates),publiciste suédois,
né le 26 août 480i à Fledingstorp (laen de Kalmar). Il fut
employé à la chancellerie (1821-4866) en même temps
qu'avocat et publiciste. Comme membre actif de la Chambre
des nobles, il en donna aux journaux le compte rendu
six ans avant qu'une loi n'en autorisât la publication.
Parmi les nombreuses feuilles auxquelles il fut attaché, il
faut citer le Dagligt allehanda qu'il dirigea de 1833 à
1847. Outre beaucoup de brochures, il a publié à part de
curieuses Notices sur les diètes de i809 à i866 (Stock*
holm, 1874-79). B-s.
DALMAN IA-Dalmanites (Paléont.) (V. Phacops).
DALMAÔ ou DALAMAÔ. Ville de la province de Rai-
Barelli (Inde septentrionale), sur le Gange, à 87 kil. S de
Laknô; 5,650 hab. Ancienne citadelle hindoue. M. d'E.
DALMAS (Joseph-Benoit), homme politique et magistrat
français, né à Aubenas (Ardèche) en 1760, mort à Dra-
guignan le 10 août 1824. Avocat dans sa ville natale,
puis procureur général-syndic de l'Ardèche (1790), il fut
envoyé par ce département (1791) à l'Assemblée législative
où il défendit vivement la cause monarchique. Après le
10 août, retiré à Rouen, il publia en faveur del'ex-roi une
brochure intitulée Réflexions sur le procès de Louis XVI
qui lui valut d'être incarcéré pendant la Terreur. Président
du tribunal civil de TArdèche en 1795, destitué en 1798
pour cause de royalisme, membre du Corps législatif de
1805 à 1808, il fut nommé préfet de la Charente-Infé-
rieure après la seconde Restauration (13 nov. 1815), ré-
voqué en 1818 et appelé en 1823 à la préfecture du Var.
DALMAS (Pierre-Albert de), homme politique français,
né à Paris le 10 juin 1822. Entré en 1849 au ministère
des affaires étrangères, il s'acquitta avec distinction de
plusieurs missions diplomatiques dans l'Amérique du Sud.
Partisan enthousiaste du prince Louis-Napoléon, il fut
nommé sous-chef du cabinet du président en 1851 et sous-
secrétaire de l'empereur en 1852. Patronné par le gouver-
nement, il fut élu député au Corps législatif parle dép.
d'Ile-et-Vilaine le 18 déc. 1859 et réélu le 4 juin 1863
et le 24 mai 1869. D'abord très gouvernemental, il adhéra
au tiers-parti et appuya la tentative d'empire libéral. Rentré
quelque temps dans la vie privée après 1870, il fut
élu député de Fougères en 1876 après avoir échoué aux
élections sénatoriales du 30 janv. ; en 1877, sa candidature
ne fut pas appuyée par le gouvernement du 16 mai qui le
trouvait trop tiède et il ne se représenta pas. Il a écrit :
le Roi de Naples, sa vie, ses actes^ sa politique (Paris,
1851, in-8).
DALMATA (Giovanni), sculpteur du xv® siècle, d'ori-
gine dalmate, ainsi que l'indique son nom. On manque de
détails sur sa vie, mais un ouvrage important qui porte
sa signature nous apprend qu'il travaillait à Rome, en
compagnie de Mino de Fiesole, au temps du pape Paul II,
c.-à-d. vers 1470. Il y exécuta entre autres, pour le tom-
beau de ce pape, dans les cryptes du Vatican, le haut-relief
représentant VEspérance, On lui attribue en outre les
tombeaux du Cardinal Roverella, dans l'église Saint-Clé-
ment à Rome, du Cardinal Eroli, dans les cryptes du
Vatican, amsi que diverses autres sculptures. -
BiBL. : H. deTsgmudii, Jahrhuchder K. Preuss. Kunsi-
Sammlungen^ 1883, 1. IV. — E. Mûntz, Histoire de VArt
pendant la Renaissance^ t. I, pp. 575-577.
DALMATES (V. Dalmatie).
DALMATIA, peintre (V. Bencovich).
DALMATIE, Corn. d'Algérie, dép. d'Alger, cant. de
Blida, à 4 kil. N.-E. de cette ville et au pied de l'Atlas ;
terres fertiles, arrosées par l'oued Beni-Aza. Population :
883 hab., dont 345 Français. E. Cat.
DALMATIE. Province de l'empire d'Autriche. Elle
occupe une longue et étroite l)ande de terre le long de la
mer Adriatique". Elle est située entre 44°25' et 42k 0^ de
lat. N., et 12^46^ et 16^40^ de long. E. Elle est bornée au
N. par la Croatie, à FE. par la Bosnie, l'Herzégovine et le
Monténégro, au S, par l'empire ottoman. Sa plus grande
longueur est de 556 kil. Sa plus grande largeur de 74 kil.
Sa surface est de 12,832 kil. q. A deux endroits au S. de
Klek et au N. de Novi, la Dalmatie est coupée par des
enclaves de l'Her/igovine qui pénètrent jusqu'à la mer. A
la Dalmatie sont rattachées une cinquantaine d'îles dont
quelques-unes sont fort considérables. Les principales en
allant du N. au S. sont celles de Rab, Pag, Brac, Hvar,
Vis (Lissa), Korcula (Curzola), Lastovo, Mljet, Lun^a,
Incoronata, Brac (Brazza), Lésina, Curzola. Elles sont
orientées en général du N.-O. au S.-E. Le sol de la Dal-
matie est fort accidenté. Elle est dominée à l'E. et au N.
par les Alpes Dinariques qui envoient jusqu'à la mer une
infinité de contreforts (le Velebit et le Sveto Brdo, 1 ,754 m . ,
le Bio-Kovo, 1 ,766 m., le mont Mosor, 1 ,339 m. , le Prolog
et rOrien qui domine les bouches de Cattaro, 1,898 m).
La longue presqu'île de Pelcesac a 967 m, et les îles ne sont
que le prolongement de ces montagnes. Les côtes sont géné-
ralement blanches et rocheuses. Toutes sont de formation
calcaire. Les montagnes renferment de nombreuses grottes :
les plus célèbres sont celles d'Esculape et de Vrlicka. Les
principales rivières ou plutôt torrents sont : la Neretva
qui vient de l'Herzégovine, la Zrmjna, la Kerka qui a
de magnifiques cascades, la Skradina et la Cetina. Le
seul lac important est celui de Kransko (29 kil. q.),
dont l'eau est salée et qui est évidemment rattaché à la
melf par des conduits souterrains ; de petits lacs souvent
à sec ont des issues souterraines ; des plaines marécageuses
occupent environ 130 kil. q, La mer Adriatique forme un
grand nombre de golfes dont le plus intéressant constitue
les bouches de Cattaro. Le climat de la Dalmatie est le
plus doux de l'Etat austro-hongrois. La température des-
cend rarement au-dessous de 0. La moyenne est de 4- 14
à Zara, -4- 16 à Dubrovnik (Raguse). Il tombe environ
80 centim. de pluie ; les étés sont chauds, mais tempérés
par la brise marine. Les vents dominants sont le sirocco
(vent du S.), le mistral (vent d'E.) et la bora qui pro-
duit de terribles tempêtes. Les vallées marécageuses de la
Kerka et de la Neretva sont fort malsaines.
La végétation est très variée ; mais le manque d'eau et
l'absence des forêts (elles ont été coupées par les Véni-
tiens), la confinent dans des espaces assez restreints. La
terre arable occupe 11 o/^ du sol, les prairies 47 ^jo, les
vignobles 6,5%, les vergers 4%, les forêts, en général
très maigres, 5%. Les arbres du Midi, oliviers, figuiers,
pistachiers, orangers, citronniers, caroubiers, sont d'une su-
perbe venue. Mais les céréales sont insuffisantes. Les prin-
cipaux produits sont le vin (1,150,000 hectol, d'excellente
qualité), l'huile et les fruits. L'élève du bétail donne par
an 800,000 moutons et plus de 200,000 chèvres. Les îles
produisent un miel renommé. L'industrie est peu déve-
loppée, le paysan est très sobre. Les principales industries
sont la construction des navires, la distillation des liqueurs
(notamment du marasquin), la verrerie, la savonnerie,
l'élève des vers à soie. La Dalmatie possède plus de 500
bâtiments marchands (77,000 tonnes) et le mouvement
général de ses 54 ports est d'environ 20,000 bâtiments et
plus de 3 millions de tonnes. Le commerce se fait géné-
ralement en transit avec l'Herzégovine. Les routes sont
assez mauvaises : les meilleures ont été construites par le
maréchal Marmont. On en compte 2,500 kil. Les chemins
de fer comprennent: 1° une ligne de Spalato à Knin avec
embranchement sur Sebenico ; 2^ une ligne de Metkovic à
Konjica. Les principaux ports sont Spljct (Spalalo), Zara,
Sibenik, Gruz ; les ports de guerre sont : Vis (Lissa), Zara,
Raguse, Cattaro.
La population de la Dalmatie était en 1889 de 525,394
hab., soit 40 hab. par kil. q. On compte 17 villes, 60 bourgs,
812 villages. La nationalité dominante est la nationalité
croato-scrbe (97%). Dans les villes et les îles, les Italiens
constituent S^/o : on compte environ 1,200 Albanais et
quelques Juifs espagnols, ^ es Dalmates présentent de fort
MLMATIE — DALMATIQUE
— 782
beaux échantillons clu type jougo-sîave. Leurs costumes
sont très variés. Au N. ils ressemblent à ceux des Croates,
au S. à ceux des Monténégrins. Au point de vue religieux,
les catholiques (Croates) forment 83 "/o, les orthodoxes
(Serbes) 16 ^/^ ^/o de la population.
Au point de vue politique, la Dalmatie fait partie de la
Cisleithanie, malgré les revendications des Croates qui la
considèrent comme devant appartenir au royaume triunitaire
(Croatie, Dalmatie, Slavonie). Elle envoie 9 députés au
Reichsrat de Vienne. Elle est gouvernée par un lieutenant
impérial et royal. La diète de la province compte 43 mem-
bres. Le pays est divisé en 12 départements {Kotori) ^Zara,
Benkovac, Knin, Sibenico, Spljet (Spalato), Senj (Zengg),
Imoski, Makarska, Hvar (constitué par les îles de Hvar
et de Vis), Raguse (Dubrovnik) et Cattaro (Kotor), Les
villes les plus peuplées sont Zara, ch,-l. de la province,
Raguse, Senj, Spljet.
Les catholiques ont un archevêché à Zara, des évêques
à Sibenico, Spljet, Hvar, Raguse et Cattaro. 16% de la
population catholique ont conservé le privilège de célébrer
la liturgie en langue slavonne avec Falphabet glagoli-
tique (V. le tableau de cet alphabet au mot GymLLE).
Les orthodoxes ont un évêque à Zara et un à Cattaro. La
Dalmatie n'a point d'université; il y a une écolo nautique
à Raguse et à Cattara, 2 séminaires d'instituteurs, 7 gym-
nases classiques ou réals. Le chiffre de la fréquentation
scolaire est d'environ 70 "/o. La langue parlée est le
serbo-croate.
Les plus anciens habitants de la Dahnatie appartenaient
probablement à la race illyricnne dont les Albanais actuels
paraissent les derniers débris. Les rives furent colonisées
d'abord par des Phéniciens, puis par des Grecs. Une ville
nommée Dalmium ou Delminium parait avoir donné son nom
à la tribu des Dalmate, Au ii^ siècle avant l'ère chrétienne
les Romains, après avoir vaincu le roi Gentius, mirent le
pied en Dalmatie (168-156). En 117, Mctellus prit Salone,
en 79 la Dalmatie fut entièrement conquise, l^^lle se ré-
volta à diverses reprises et ne fut définitivement soumise
qu'en Fan 23 de l'ère chrétienne. Elle forma avec la Ly-
burnie et la Japydie la province d'Illyricum. La civilisa-
tion romaine y fit de rapides progrès. Elle fournit au
ui'' siècle un des plus célèbres empereurs, Diocléticn. Les
ruines romaines sont fort nombreuses. Apres le partage
de l'empire elle fut attribuée à l'empire d'Occident; peu
après la mort d'Honorius (423) réunie à celui d'Orient.
En 489, elle fut rattachée au royaume des Ostrogoths
puis reconquise définitivement par Narsès. A la fin du
vi^ siècle (569-598) elle fut occupée par les Avares.
Au vii° siècle, les tribus slaves des Croates et les Serbes
pénétrèrent en Dalmatie ; elles s'y organisèrent en joupa-
nies. Le siège du grand joupan était à Belgrade (Zara Vcc-
chia) . Les nouveaux arrivants furent convertis au catho-
licisme romain ; l'élément latin persista longtemps dans
les villes. Pendant le ix^ siècle, les bans ou joupans furent
tour à tour soumis à l'influence de l'empire ou à celle de
Byzance. Au x^ siècle, à dater deTomislav (912-940), le
titre de ban devint héréditaire. Au xi^ siècle, Zvonimir
prit le titre de roi (1076-1089). De 995 à 1 000, les Vénitiens
s'emparèrent d'un grand nombre de villes et d'Iles. Lorsque
la Croatie s'associa à la Hongrie (1102) par le pacte de
l'union personnelle, la Dalmatie suivit sa destinée. Kolo-
man se fit couronner roi de Croatie à Belgrade (Zara Vce-
chia) . Sous le règne de Bêla IV (1 235-1 270) , la Dalmatie fut
envahie par les Mongols qui furent d'ailleurs repoussés.
Louis le Grand (1342-1382) reprit aux Vénitiens tous les
territoires qu'ils avaient occupés. Au xv® siècle, Ladislav,
fils de Charles de Durazzo couronné roi de Croatie, vendit
la Dalmatie aux Vénitiens pour 1 00,000 ducats . Elle resta en
leur possession jusqu'à la fin du xvm® siècle. Leur domina-
tion donna aux villes dalmates une physionomie italienne ;
mais les masses populaires restèrent fidèles à la langue
slave et du xvi'- au xviii^^ siècle la Dalmatie produisit toute
une série de poètes nationaux. Après la chute de Venise
(1797) l'Autriche prit possession de la Dalmatie. Mais par le
traité de Presbourg elle dut abandonner la Dalmatie à Napo-
léon qui en 1809 l'incorpora dans le royaume d'illyrie. En
1 815, la Dalmatie fit retour à l'Autriche ; en 1848, elle fut
rattachée au gouvernement de la Croatie. A diverses reprises
les Croates, se fondant sur ce précédent et sur l'histoire, ont
demandé que la Dalmatie fit retour au royaume triunitaire.
En 1869 et en 1880 des insurrections assez graves écla-
tèrent chez les populations des montagnes qui ne voulaient
pas accepter le service militaire obligatoire. L'élément
indigène n'a d'ailleurs cessé de gagner du terrain depuis
que la langue serbo-croate a été introduite dans les écoles,
et le parti italien qui naguère était assez fort et aurait pu
un jour donner la main aux irrédentistes, s'affaiblit de
plus en plus. L. Léger,
BiBL. : FoRTis, Viaggio in Dcilmazici; Venise, 1774.
— Cattalinigh, Storia délia Dalmazia; Zara, 1835. ~-
LocicA, Manuale de Geografia délia Dalmazia; Sebenics,
1870. — - Levasseur, la Dalmatie moderne; Paris, 1861. —
Maschek, Manuale del Regno di Dalmazia; Zara, 1871-
1878. — Du mcme^ Prospetto eronologico délia storia délia
Dalmazia ; Zara, 1878. — Noe, Dalmatien; Vienne, 1870.
— DuAroNT, leBalkan et l'Adriatique; Paris, 1878. — Re-
clus, VEurope centrale; Paris, 1878. — Ch. Yriarte, les
Bords de l'Adriatique et le Monténégro ; Paris, 1878. •—
St. DE NoLHAc, la Dalmatie; Paris, 1882. — Cons, la Dal-
matie, province romaine; Paris, 1882. — Les jDublications
de l'Académie d'Agram, notamment la collection des Mo-
numenta historiain Slavo7'U7n meridionalium spectaniia.
•— Pypine et Spasovitch, Histoire des littératures slaves,
édit. française. — Œsterreich in Wort und Bild; Vienne,
1889-90. — PrsRNi, les Possessions vénitiennes en Dal-
matie; Paris, 1890.
D A L iVI ÂTl E (SouLT , duc de) , maréchal français (V. Soult) .
DALMATIN (Antoine), théologien slave du xvi^ siècle.
Ayant embrassé le protestantisme, il fut obligé de quitter
sa patrie, la Dalmatie, et se réfugia à Lublanija(Laybach).
Le réformateur Ungnad l'appela à Tubinguo ; il reçut une
pension du due de AVurtemberg pour traduire les écri-
tures en langue croato-serbe. Il publia : un Abécédaire
glagolitique et cyrillique (4564), un Catéchisme, le
Nouveau Testament en caractères glagolitiques (1562) et
en caractères cyrilliques (1563) et différents ouvrages de
théologie fort recherchés des biographes. En 4566, il
quitta le Wurtemberg et se retira à Ratisbonne. On ne
sait ce qu'il devint depuis cette époque. Ses publications
sont aujourd'hui très recherchées des bibliophiles. L. L.
BiBL. : J. Kostrencic, Urhundliche Beitrœge zur Ge-
schichte der Protest. Literatur der Sûdslaven; Vienne,
1873, -- Pypine, Histoire des littératures slaves; Paris,
1881, édit. française.
DÂLMAThN (Georges), théologien slovène du xvi^ siècle,
né à Gurkfeld (Carniole), mort à Lublanija (Laybach) le
31 août 1589. Il appartenait à la reMgion rélormèe et
fut élevé dans le Wurtemberg. Il fut pasteur à Lublanija
(Laybach) et à Auersberg. Il publia une traduction slovène
de la Bible d'après le texte hébreu (1584). Les frais de
cette impression furent payés par les états de Styrie, de
Carinthie et de Carniole. Il publia en outre des cantiques
Slovènes et quelques écrits théologiques.
DALMATIQUE.I. Archéologie. — Tunique longue, sans
ceinture, munie de manches. La dalmatique n'apparaît à
Rome qu'à Fépoque impériale, quand l'usage s'établit de
porter des vêtements étrangers. Cette tunique était, comme
son nom l'indique, originaire de Dalmatie. Lampride signale,
conlme une excentricité de l'empereur Commode, l'habi-
tude qu'il avait de porter ce vêtement en public et au
cirque. L'inscription de Thorigny, qui accompagnait une
statue élevée en 238 à un grand prêtre de Mercure, chez
le peuple gaulois des Viducasses, mentionne, parmi les
habillements de luxe offerts par l'empereur à ce person-
nage, une dalmatique de Laodicée. Des dalmatiques d'étoffes
diverses, les unes en soie, les autres en étoffe plucheuse,
sont mentionnées dans l'édit de Dioclétien sur le maximum,
en l'an 301. Elles se fabriquaient à Laodicée, à Tarse, à
Alexandrie de Commagène, à Byblos et à Scythopolis. Elles
étaient généralement ornées de bandes de pourpre, appe-
lées clavi, qui, partant des épaules, descendaient jusqu'au
m
DALMATIQUÈ - DALON
bord inférieur ; quelques-unes étaient munies de capu-
chons. Ce vêtement était commun aux deux sexes. Les
chrétiens Fadoptèrent, et la plupart des orants et orantes,
représentés dans les peintures des Catacombes, en sont
vêtus. Au iv^ siècle, par ordre du pape Silvestre (314-
325), la dalmatique remplaça le colobium^ qui était sans
manches, comme vêtement officiel des diacres de l'Eglise
romaine. Les laïques continuèrent cependant à le porter jus-
qu'au VII® siècle. Isidore de Séville définit la dalmatique,
une tunique blanche, munie de bandes de pourpre. A cette
époque, l'usage de la dalmatique, comme vêtement des
diacres, était devenu général dans l'Eglise chrétienne. La
dalmatique qui, d'abord, était presque aussi longue que
l'aube, se raccourcit peu à peu; de plus, elle fut fendue
sur les côtés. Elle perdit aussi de son ampleur, de sorte
que, au xix® siècle, ce n'était plus qu'un sarrau avec des
manches très larges. L'ornementation consistait d'ordinaire
en deux bandes de passementerie, qui tombaient des épaules
devant et derrière ; une passementerie semblable ornait le
bord de l'ouverture des manches. En outre, sur la poitrine
et dans le dos, ces deux bandes étaient réunies par une
autre bande d'étoffe ou une broderie assez large, appelée
plagula; le bord inférieur était orné de la même façon.
Du bord inférieur pendaient des houppes, remplacées plus
tard par une frange continue, multicolore. Les échancrures
latérales ne cessèrent de gagner de plus en plus vers les
hanches. Un type de dalmatique, de la fin du xiii^- siècle,
nous est fourni par celle de Louis d'Anjou, évêque de
Toulouse en 1296, conservée en l'église do Brignolles
(Var). Elle est faite d'un taffetas tramé en bleu sur chaîne
rouge. Etroite à l'encolure, elle s'élargit par le bas. Elle
est fendue sur les côtés, à partir des hanches. Sa décora-
tion consiste en claves de galons d'or et de soie ; les bords
sont frangés de soie. Au xv^ siècle, les claves sont très
larges ; les inventaires les désignent sous le nom decolo7ines.
Ces bandes sont ornées de figures de saints, abritées sous
des dais superposés, ou bien encore d'inscriptions pieuses.
Les dalmatiques modernes, depuis le xvii"^ siècle, sont
fendues jusque sous les bras, de sorte qu'elles ont l'aspect
. d'un double tablier retombant sur la poitrine et sur le dos ;
les manches sont réduites à l'état de larges ailerons.
La dalmatique était aussi l'une des pièces de l'habille-
ment impérial et royal. On conserve encore deux dalma-
tiques impériales, l'une à Saint-Pierre de Rome, l'autre
dans le Trésor impérial de Vienne. Le roi de France, à son
sacre, était revêtu de la dalmatique, au milieu des onc-
tions, avant que le prélat officiant ne procédât à l'onction
des mains. L'inventaire de Charles V mentionne « ung
dalmatique de satin azuré, semé de fleurs de lys, orfoisié
(bordé) à perles tout autour et doublé comme dessus (d'un
satin vermeil), fermant sur les deux espaulles à quatre gros
boutons de grossettes perles, et en chascun d'iceulx à ung
chaton d'un ballay d'Orient au miHeu ».
Dans les textes français du moyen âge, la dalmatique
est désignée par les mots dalmaie, dalmaire, damare,
damoire, M. Prou.
II. Liturgie. — Aujourd'hui la dalmatique est réservée
aux diacres, aux sous-diacres et aux évêques lorsqu'ils
sont à l'autel. La dalmatique des évèques est de soie, sans
broderies ni dorures, et recouverte de la chasuble ponti-
ficale ; celle des diacres et des sous-diacres est ornée d'or-
frois, c.-à-d. de bandes de galons ou de brocart. E.-II. V.
BiBL. : BooK, Geschlchte des liturgisch. Gewanders, t. I,
p. 94.— «Mariott, Vestiarium christianum^ p. lv. — Qui-
CHERAT, Histoire du costume en France^ passim. — Kraus,
Realencyclopedie der christ. Alterthûmer^ au mot Klei-
dung. — OTTE^ Handbuch der Kirchlichen Kunst-Archào-
loçjie des deutschen Mittelalters^ 1883, t. I, p. 268. — Gay,
Glossaire archéologique^ au mot Dalmatique. — Reusens,
Eléments d'archéologie chrétienne., t. I, pp. 276, 520; t. II,
p.474, 2«édit. — Boisserée, Ueber die Kaiser-Dalmatika
in der S. Peterskii^che zu Rom^ dans Abhandlungen der
Akademieder Wlssenschaften; Munich, 1843, t. III, p. 556.
DALMATIUS (V. Delmatius).
DÂLMATIUS, évêque de Rodez, mort vers 580. Il fit
un voyage en 531 à la cour du roi des Visigoths Amalaric,
qui le reçut avec de grands honneurs, assista en 535 au
concile de Clermont, en 541 , au quatrième concile d'Orléans.
Nous avons sa vie écrite par un anonyme, mais de beau-
coup postérieure à sa mort (Labbe, BibL nov.. t. II, app.),
DALMATOV. Ville de Russie. Elle est située dans le gou-
vernement de Perm (district deStchadrine). Elle renferme
un monastère célèbre qui, en 1774, fut assiégé par Pou-
gatchev. Pop.,. 5, 000 hab.
DALMATOV (Vasili) ou DOLMANOV, diplomate russe
du xv« siècle. Il jouit de la confiance des grands princes
Ivan III et Vasili Ivanovitch. Il fut chargé \le missions à
Tver (1476), en Lithuanie (1495), enDanemarck (1500),
à Pskov (1509-1510). Il assura à Moscou robéissancedes
habitants de Tver et de Pskov et remporta dans la capitale
la cloche du Vietché de cette ville, symbole des libertés
perdues. En 15215, il fut chargé d'une mission auprès de
l'empereur Maximilien : il refusa de s'y rendre, alléguant
sa pauvreté. Vasili Ivanovitch le fit jeter en prison à Bieloo-
zero. Il y mourut peu de temps après. L. L.
DALMAU (Luis), peintre espagnol, très probablement
originaire de la Catalogne, mais dont on ignore le lieu et
la date de naissance. Il est l'auteur d'un important tableau
votif, conservé aujourd'hui aux archives de l'Ayunta-
miento de Barcelone, après avoir été enlevé de l'église de
San Bliguel où il était resté jusqu'à la désaffecta'tion de
cette église. Il représente la Vierge avec l'Enfant Jésus,
assise sur un trône gothique, dans une chapelle du même
style, richement décorée d'ornements et de statuettes, et
accompagnée do saint André et de sainte Eulalie, patrons
de la ville de Barcelone. Devant la Vierge sont agenouillés
cinq conseillers du municipe. Cet ouvrage remarquable, et
d'un grand intérêt pour l'histoire de l'art espagnol, est
peint dans le style de l'école des Van Eyck. Les personnages
y sont représentés de grandeur naturelle ; les conseillers
sont peints d'après nature, dans le costume de leur fonc-
tion, et chacune de leurs physionomies, très particularisées,
est évidemment un portrait. Dans les bas côtés de la cha-
pelle, à droite et à gauche du trône, des groupes d'anges
et de vierges, tenant des rouleaux de musique, forment des
chœurs. Au bas du trône, on lit en caractères gothiques
l'inscription suivante : Sub anno 1445, per Ludovicum
Daknau, fuisse pictum. Il résulte d'un document con-
servé aux archives de la municipalité de Barcelone que
l'ouvrage fut commandé à l'artiste en 1442, à l'occasion
de l'élection des conseillers Juan Lull, Ramon Savall,
Francisco Lobet, Antonio de Vilatorta et Jaime Destorrent.
Ce document désigne simplement le peintre par son nom de
Dalmau. Mais dans un acte notarié, daté de 1453, où il
figure comme caution de mosem Juan Calom, prêtre et
sculpteur, il est désigné sous le nom de Ludovici Balmati
de Viu, peintre, demeurant à Barcelone. P. L.
DALMISTRO (Angelo), littérateur italien, né à Murano,
près de Venise, le 9 oct. 1754, mort à Coste d'Ascoh le
25 févr. 1839. Il fut successivement professeur à Asolo,
dans la province de Trévise, puis à S. Cipriano de Murano.
Il était ecclésiastique et il rempHt en diverses paroisses les
fonctions de curé, ce qui ne l'empêcha pas de rédiger, en
même temps que des sermons, quantité de vers et surtout
des contes à la manière de Poggeet de Straparole. Passano
cite: // Giudice vénale (Trévise, 1812) ; / Due Medici,
imprimée très souvent, notamment dans les Cento Novelle
di autori moderni (Foligno, 1839) ; il Timoré, novella
friulana (Livourne, 1870). R. C.
BiBL. : G. Passano,/ Noveltieriitaliani inprosa ; Turin,
1878, 2 vol. in-8. ' '
DALON. Village de la corn, do Sainte-Trio, dép. de la
Dordogne. Ruines d'une abbaye d'hommes de l'an-
cien diocèse de Limoges, fondée en 1114 par Géraud do
Salis, mort en 1120, unie à l'ordre de Cîteauxvers 1162.
Bertrand de Boni entra à Dalon sur la fin de sa vie et y
mourut.
BiBL. : Rov-PiEiiREi-TiTJE, Monasièves da l.imousin,
lbl)/-i<S63.
DALOT — DALOU
784
DALOT. I. Construction. — Petit aqueduc fait ou
recouvert de dalles, employé dans la construction des
routes. Les dalots se font généralement en maçonnerie,
quelquefois en fonte ou on poterie; ces derniers prennent
le nom de conduits ou siphons. On emploie les dalots
toutes les fois que, étant limité par la hauteur, on veut
avoir pour l'aqueduc la plus grande section possible ;
comme une voûte, aussi surbaissée qu'elle soit, diminuerait
la section, on la remplace par une dalle, reposant sur
deux pieds droits. — Voici les deux cas principaux dans
lesquels on emploie ces aqueducs : i^ lorsqu'une route
étant peu élevée au-dessus d'un petit ruisseau ou d'un pli
de terrain qu'elle traverse, il faut évacuer les eaux d'a-
mont qui s'accumuleraient par les crues, les pluies, les
neiges ; 2^ quand deux routes se croisent, on doit faire
écouler les eaux des fossés de l'une dans les fossés de
l'autre ; on est alors obligé de faire passer l'aqueduc sous
la chaussée de l'une d'elles. Dans ces deux cas, on le voit,
la hauteur est limitée par la distance entre le fond du
ruisseau, des fossés et le dessous de la chaussée.
Voici la façon la plus commune d'établir les dalots :
Sur un radier de béton ou de maçonnerie, on élève deux
pieds droits, en briques ou en moellons, à la distance que
l'on a calculée ; on recouvre alors de dalles en fonte ou en
pierre dure reposant sur les pieds droits de 40 à iScentim.
de chaque côté. La chaussée se trouve immédiatement au-
dessus de la dalle. — Le peu de charge que supporte le
radier permet de l'établir, même sur un terrain peu
solide, sans fondations spéciales. Cependant, lorsque le
dalot devient un peu plus grand, on place le radier sur
une plate-forme reposant sur racineaux ou grillages. — Il
est en général inutile de calculer l'épaisseur du radier,
mais, lorsqu'il arrive à une largeur un peu considérable,
surtout s'il repose sur un terrain friable, on peut en cal-
culer l'épaisseur, en le considérant comme un solide,
encastré à ses deux extrémités, soumis à la flexion, sous
une charge uniformément répartie, représentée par la
pression exercée par les plus hautes eaux. Pour les murs
de culée ou pieds droits, la poussée des terres peut être
considérée comme nulle, étant donné leur peu de hauteur,
qui atteint rarement 1 m. ; il suffira donc de calculer
leur épaisseur pour la résistance à l'écrasement. Quant
aux dalles, elles doivent être assez résistantes pour suppor-
ter la charge des matériaux reposant au-dessus, ainsi que
les charges accidentelles, telles que celles produites par les
voitures, chariots, etc. Les dalles ayant une longueur et
une résistance limitées, lorsqu'on est obligé d'avoir une
grande section, la hauteur étant toujours faible et déter-
minée, on accouple deux ou trois dalots, séparés seulement
par des murettes assez larges pour supporter la double
portée des dalles. F. Gaudez.
IL Marine. — Le dalot est un canal à section carrée ou
circulaire, destiné à permettre l'écoulement à l'extérieur des
eaux de lavage ou des eaux de pluie. Autrefois les dalots
traversaient la muraille du navire et se raccordaient exté-
rieurement avec un tuyau métallique qui conduisait les eaux
jusqu'à la flottaison. Mais ce système était sujet à avaries.
Un choc quelconque, l'accostage d'un quai ou d'un chaland
de charbon nécessitait des réparations. Aussi préfère-t-on
creuser le canal dans la membrure elle-même. On le gar-
nit d'un tuyau métallique qui débouche dans les environs
de la flottaison. Quand la pente de la muraille le permet,
on fait simplement déboucher le canal à l'extérieur, comme
dans le premier cas ; mais on remplace le tuyau d'orgue
par une sorte de gargouille qui déverse l'eau assez loin de
l'extérieur pour que la peinture n'ait pas à en souffrir. Au
besoin, aux heures du lavage des ponts, on place sur ces
gargouilles des sortes de manches en toile, qui conduisent
l'eau jusqu'à la mer et empêchent le vent d'éparpiller tout
à l'cntour l'eau chargée de sable, qui a servi au briquage
des ponts et des objets en bois. D'autres ouvertures, dites
dalots de meTy beaucoup plus étendues, sont pratiquées
dans les parois pour laisser écouler les paquets de mer I
pendant les mauvais temps. Les orifices en question doivent
présenter une section considérable et s'ouvrir prompte-
ment afin de déverser à la mer, le plus promptement pos-
sible, de grandes masses d'eau qui peuvent, dans certains
cas, nuire à la stabilité du bâtiment.
DALOU. Com. du dép. de l'Ariège, arr. de Pamiers,
cant. de Varilles ; 547 hab.
DALOU (Jules), sculpteur français, né à Paris le 34 déc.
4838. Elève d'Abel de Pujol, de Duret et de Carpeaux.
Entré à l'Ecole de beaux-arts en 4853, il se vit d'abord
obligé de se consacrer presque exclusivement à l'art indus-
triel ; pour la première fois, au Salon de 4864, il exposa
une statue en plâtre : Dame romaine jouant aux osse-
lets. En 4864, il exposa un médaillon de Diane chasse-
resse; en 4867, un Baigneur, statue plâtre; en '1869,
Daphnis et Chloé, groupe plâtre ; en 4870, la Brodeuse,
statue plâtre, qui fut remarquée et lui valut une médaille.
Les événements de la Commune, en 4871, furent cause
de l'exil de M. Dalou en Angleterre, pendant plusieurs
années ; sous le coup de poursuites pour usurpation de
fonctions, il dut se réfugier à Londres. En effet, il avait été
l'un des trois sous-délégués nommés par Delescluze à la
conservation du Louvre ; son rôle administratif se borna à
préserver nos trésors artistiques et à empêcher l'établisse-
ment d'un dépôt de fusées dans le sous-sol du Musée.
Les principales œuvres exécutées par M. Dalou en Angle-
terre sont les suivantes : Joie maternelle, statue plâtre
(1872) ; Paysanne allaitant son enfant, groupe plâtre
(4873); xam Berceuse, statue plâtre (4874); la même
Berceuse, statue marbre (4875) ; Femmes boulonnaises
à Véglise, groupe terre cuite (1878). La reine Victoria
chargea aussi M. Dalou de sculpter un groupe représentant
cinq de ses eiifants morts gardés par un ange, destiné
à la chapelle privée du château de Windsor. Vers 4878,
il fut nommé professeur au Kensington-Museum. De retour
en France après l'amnistie, M. Dalou se révéla comme un
grand artiste dans le concours ouvert pour la statue de
la République ; le modèle en plâtre de son Triomphe de
la République exposé dans la salle Melpomène, à l'Ecole
des beaux-arts, en 4879, fut très admiré; cependant
on trouva que cette œuvre excédait les conditions imposées
par le programme, et ce fut M. Morice qui obtint le pre-
mier prix. Au Salon de 4883, M. Dalou exposait le modèle
en plâtre du bas-relief des Etats généraux destiné à la
Chambre des députés, et le haut-relief en plâtre intitulé la Ré-
publique, La critique d'art fut alors unanime à le reconnaître
comme un maître de la statuaire contemporaine, la grande
médaille d'honneur lui fut décernée, et il fut nommé che-
valier de la Légion d'honneur. L'année suivante, en
4884, il obtenait une des deux primes de 6,000 francs
dans le concours du monument à Gambetta pour le projet
qu'il avait exécuté en collaboration avec l'architecte Faure-
Dujarricr ; ce fut le projet du sculpteur Aube et de l'archi-
tecte Boileau qui remporta le premier prix. Voici la liste des
autres œuvres de M. Dalou ayant figuré au Salon : le buste
en bronze du Docteur Charcot (4884) ; le Triomphe de
Silène, groupe plâtre, et la statue couchée de Blanqui,
bronze (4885) ; Projet de tombeau pour Victor Hugo,
à ériger au Panthéon (4886) ; buste en bronze de Auguste
Vacquerie et buste en bronze de Paul Avcnel (4887) ;
buste en bronze de Henri Roche fort (4888) ; buste en
plâtre de André Theuriet (4889). M. Dalou a, de plus,
exposé comme membre de la Société nationale des beaux-
arts, au palais du Champ de Mars : un modèle de la statue
de Victor Noir pour son tombeau ; un modèle de la statue
de Lavoisier exécutée pour la Sorbonne ; buste en marbre
de Charles Floquet; Tête d'enfant, en marbre; les Châ-
timenls,h'ds-reM bronze (1890) ; Scèîie bachique (pro-
jet de fontaine); bustes eu bronze de M, L., d'Albert
Wolff, du préfet de police Lozé; buste en plâtre de W^^ de
Escandon (4894). La ville de Paris lui a commandé l'exé-
cution en bronze du groupe le Triomphe de la Répu-
blique, d'après la maquette du concours de 4879; le mo-
785
DALOU — DALRYMPLE
dèle en plâtre de cette œiivre colossale a été inauguré sur
la place de la Nation (ancienne place du Trône), le 21 sept.
4889. Le co^mité du monument à Eugène Delacroix
l'ayant chargé de ce travail, l'artiste a imaginé de rendre
hommage à l'illustre peintre, en créant un groupe allégo-
rique représentant le buste de Delacroix couroîiné par
la Gloire que le Temps élève jusque lui^ tandis que le
Dieu des arts^ sous la figure d'Apollon, applaudit à ce
triomphe. Toute la statuaire de ce monument est en
bronze, et forme le motif central d'une fontaine placée
dans l'avenue des Platanes au jardin du Luxembourg.
L'inauguration du monument d'Eugène Delacroix a eu lieu
le 5 oct. 4890. La ville de Paris a chargé aussi M. Dalou
de l'exécution en marbre du grand bas-relief de la Répu-
blique exposé en 4883. M. Dalou a obtenu un grand prix
à l'Exposition universelle de 1 889 et la croix d'officier de la
Légion d'honneur, la même année. Maurice Du Seigneur.
DALPHONSE (François- Jean-Baptiste, baron), homme
politique français, né à Bonny (Loiret) le 22 oct. 4756,
mort à MouHns le 24 sept. 4821. Avocat au parlement de
Paris, il devint, en d773, receveur du grenier à sel de
Souvigny (Allier), adopta les principes de la Révolution et
fut nommé membre du directoire de l'Allier en 4790, puis
procureur-syndic du district de Moulins (4794) et président
de l'administration départementale (4794). Il fut élu par
ce département le 24 vendémiaire an IV député au conseil
des Anciens, dont il fut un moment secrétaire et inspecteur
(actuellement questeur). Réélu le 23 germinal an VII, il
adhéra à la politique de Bonaparte et fut désigné par le
Sénat comme député de l'Allier au Corps législatif (4 nivôse
an VIII). Mais il préféra la carrière administrative à la
législative, et fut successivement préfet do l'Indre (44 ven-
tôse an VIII), du Gard (ventôse an XII), du Loiret (ger-
minal an XII). Le 9 mars 4840, il était créé baron de
l'Empire, entrait au conseil d'Etat comme maître des requêtes
(48nov. 4840), remplissait les fonctions d'intendant en
Hollande (4 841). Ces faveurs ne l'empêchèrent pas d'adhérer
à la déchéance de Napoléon qui le fit néanmoins rentrer au
conseil d'Etat pendant les Cent- Jours. Il demeura ensuite à
l'écart de la vie politique jusqu'en 4849, date à laquelle il
fut élu député de l'Allier. Il fit partie de l'opposition. On a
quelquefois orthographié son nom d'Alphonse. On lui doit :
Mémoire statistique du département de l'Indre (Paris,
an XII, in-foL).
DAL-PRATO (Francesco di Girolamo), peintre, sculp-
teur, orfèvre et médailleur italien du xv!"" siècle, né à Flo-
rence, mort en 1562. Vasari parle avec éloges des travaux
que cet artiste exécuta pour le duc Alexandre de Médicis,
entre autres une armure damasquinée. Le chef-d'œuvre de
Dal Prato fut la gemme que les Milanais offrirent à Charles-
Quint à l'occasion de sa visite dans leur cité. Dal Prato
modela diverses médailles représentant des princes et des
papes : Alexandre de Médicis, Clém^ent VIL II exécuta
aussi plusieurs crucifix remarquables par la pureté du style.
BiBL. : Vasari, le Vite dei Plttori^ Scultori ed Archi-
tetii. — Armand, les Médailleurs italiens des xv^ et
xvi« siècles ; Paris, 1883.
DALRYMPLE (Sir James, })remier vicomte Stair),
juriste et homme d'Etat écossais, né en 1619, mort en
1695, d'une vieille famille protestante de l'Ayrshire. Ré-
gent en l'université de Glasgow de 1641 à 1646, puis
avocat à Edimbourg, la protection de Monck le fit élever
par Cromwell à une magistrature (1657) où il fut main-
tenu après la restauration de Charles IL En 1669, sa
fille, mariée depuis un mois seulement à un laird de
Wigton, mourut; c'est elle que Walter Scott a choisie
comme héroïne de son roman Lucie de Lamermoor, où
Dalrymple paraît sous les traits peu flattés de sir W.
Ashton. Président de la Court of session en 1670, il eut
avec le barreau d'Edimbourg de retentissants démêlés ; on
l'accusait généralement d'hypocrisie. Quand Jacques II eut
entamé la persécution des Covenanters d'Ecosse, et fait
passer le Test Act de 1681, Dalrymple, menacé dans sa
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
foi puritaine, s'enfuit en Hollande. A Leyde, il employa
ses loisirs forcés à rédiger ses fameuses Institutions of
the laiv of Scotland qui ont grandement contribué à
former le corps actuel du droit privé écossais, bien plus
simple, bien mieux arrangé de nos jours que le droit an-
glais. Il publia aussi à Leyde une Physiologia nova ex--
perimentalis^ souvenir de ses leçons aristotéliciennes de
l'université de Glasgow. En 1688, Dalrymple fut du voyage
qui amena la flottille de Guillaume d'Orange d'Helvoets-
luys à Torbay. Guillaume III, toujours fidèle à ses amis,
replaça ce partisan de la première heure à la tête de la
Court of session, et, en 1690, le créa vicomte. Les
dernières années de la vie du nouveau lord furent attris--
tées par toutes sortes de soucis. Il perdit sa femme, odieuse
aux catholiques etaux jacobites comme protectrice des prédi-
cants presbytériens, et qu'on appelait famifièrement à Edim-
bourg «la sorcière d'Endor»; et il fut violemment attaçjué
par les justiciables qui l'accusaient d'être un juge partial.
L'année de sa mort, il écrivit un pamphlet théologique, en
collaboration avec deux pasteurs réformés. Le portrait que
fit de lui sir John Médina et qui appartient aujourd'hui à Fun
de ses descendants, a été fréquemment gravé. Ch.-V. L.
DALRYMPLE (Sir John, premier comte Stair), fils aîné
du précédent, né en 1648, mort en 1707. Il fut d'abord avo-
cat à Edimbourg. Persécuté pendant l'exil de son père en
Hollande (1682), il fut mis en prison, sur la dénonciation
de Graham de Claverhouse, comme secrètement favorable
aux puritains. Toutefois, en 1685, il entra au service du
roi qui vit en lui un intermédiaire propre à ménager la
paix entre les éléments catholiques et presbytériens en
Ecosse. Mais il n'en fut pas moins l'un des premiers et
des plus ardents partisans du prince d'Orange. Très élo-
quent, habile tacticien parlementaire, c'était un homme
redoutable. Il enleva l'Ecosse à la cause des Stuarts. Mais
il était détesté : des cathoHques, parce qu'il avait trahi
Jacques II après avoir reçu de lui des charges ; des pres-
bytériens extrêmes, à cause de sa sincère indifférence en
matière de religion et de sa tolérance. La haine dont il
était l'objet trouva en 1692 un prétexte plausible, car c'est
Dalrymple, secrétaire d'Etat, c[ui commanda et approuva
le fameux massacre du clan jacobite des Macdonalds de
Glencoe, sous prétexte de terroriser les rebelles par un
exemple mémorable. Cette exécution en masse lui fut vive-
ment reprochée ; il fallut qu'il en obtînt du roi des lettres
de rémission, comme d'un condamnable excès de zèle.
Sous la reine Anne, il n'exerça aucun office public, mais
il jouit de la confiance spéciale de Godolphin et continua à
être le principal conseiller du gouvernement pour les
affaires écossaises. 11 joua un grand rôle dans les négocia-
tions qui précédèrent l'acte d'Union : « Ainsi, dit Lockhart,
son ennemi, partisan décidé du home-rule écossais,
peut-il être appelé le Judas de son pays. » Ch.~V. L.
DALRYMPLE (Sir David), frère du précédent, mort en
1721. Solicitor gênerai sous la reine Anne, l'un des
commissaires qui rédigèrent en 1706 le traité d'Union,
« avocat de la reine » pour l'Ecosse en 1709.
DALRYMPLE (SirHew), frère du précédent, juriste écos-
sais, né en 1652, mort en 1737. D'abord avocat à Edim-
bourg, il fut nommé, par Guillaume ÏII, protecteur de sa fa-
mille"^ baronnet et président de la Court of session en
1698 ; il garda cette dernière dignité jusqu'à sa mort. Par-
tisan décidé de l'union de l'Ecosse avec l'Angleterre, il fut,
comme magistrat, d'une correction parfaite, sans éclat.
DALRYMPLE (John, deuxième comte Stair), général et
diplomate écossais, né en 1673, mort en 1747. Il fut élevé
en Hollande auprès de sir James Dalrymple, son grand-père
exilé, et il gagna, comme étudiant à l'université de Leyde,
la faveur du prince d'Orange. Il servit dans les guerres de
Guillaume III en Flandre, puis sous Marlborough. Il était
brigadier général à la bataille de Ramilîies, et colonel des
Scots greys (1706). Major général en 1709, il proposa,
après Malplaquet, de faire une pointe sur Paris avec sa
cavalerie. Il fut envoyé la même année comme ambassadeur
50
DALRYMPLE -. DALTON
en Pologne. A ravènement du parti tory, il fut rappelé
comme son chef Marlborough. Il se fixa à Edimbourg, où
il devint chef du parti whig, et se maria dans des circon-
stances très romanesques. George I®^, au couronnement
duquel il avait contribué, le réinstalla dans les plus hautes
fonctions de la vie active. Ambassadeur à Paris en 47-15,
il fut appelé à jouer un rôle capital dans le jeu diploma-
tique noué pendant la régence entre Stanhope et le duc
d'Orléans. Son faste princier fut alors célèbre, et il en-
tretint à grands frais une armée d'agents et d'espions.
C'est lui qui révéla au régent la conspiration de Cellamare
et obtint en revanche de lui l'expulsion du prétendant,
' Mais sa fortune reçut de fortes brèches par suite de spé-
culations malheureuses dans les affaires de Law; il fut
remplacé en 4720. Stair s'occupa dès lors avec activité
d'économie rurale dans ses domaines d'Ecosse, et mena
une campagne d'opposition contre Walpole. La chute de
ce ministre lui rouvrit encore une fois la carrière offi-
cielle. Comme Field-marshal, il dirigea les premières ma-
nœuvres des troupes anglaises dans la guerre de la Succes-
sion d'Autriche, et gagna la bataille de Dettingen. Il fut
enterré à Kirkliston (Linlithgowshire). Ch.-V. L.
DALRYWIPLE (Sir David), écrivain anglais, né à Edim-
bourg le 28 oct. 4726, mort le 29 nov. 4792, petit-fds
de sir David, ci-dessus. Il étudia à Eton et à Utrecht,
et fut admis au barreau écossais en 4748. Comme avo-
cat, il n'acquit de réputation que par ses consultations
écrites ; il parlait fort mal. Elevé à la pairie sous le nom
de lord Hailes et à la dignité de juge au civil et au cri-
minel en 4766, il s'acquitta de ses fonctions avec huma-
nité et avec dignité. Mais c'est à cause de son activité
littéraire qu'il est connu. 11 ne fut point lié avec Hume,
Adam Smith et Robertson, les plus beaux esprits de son
pays et de son temps ; son presbytérianisme rigide l'en
empêcha; mais il fut en correspondance avec Johnson,
Burke, Warburton, James Boswell. Retiré à la campagne,
il ne laissa guère passer d'années sans lancer dans la cir-
culation deux ou trois volumes nouveaux, traductions,
pamphlets, compilations historiques. Il se fit notamment
une spécialité des antiquités nationales de l'Ecosse et des
antiquités chrétiennes. Son ouvrage le plus important est
intitulé : Annals of Scotland (4776-79) ; il est imité
de V Abrégé chronologique du président Hénault et va
juscju'à l'avènement des Stuarts ; c'est une sèche énumé-
ration de faits, sans généralisations ni réflexions, mais de
faits soigneusement contrôlés, classés avec une exactitude
de juriste. On trouvera la liste complète de ses œuvres
dans le Dictionary of national biography de Leslie Ste-
phen, Xlïl, 405, c. 2. Ch.-V. L,
DALRYIVlPLE(Sir John), homme d'Etat et écrivain écos-
sais, né en 4726, mort en 4 840. Il publia divers pamphlets,
ouvrages historiques et manuels de chimie industrielle, tout
en exerçant les fonctions d'avocat au barreau d'Edimbourg,
puis, de 4776 à 4807, celles de baron de l'Echiquier. Son
meilleur livre est peut-être le premier en date : Essay
towards a gênerai history of feudal property in Great
Britain, (jui a passé par plusieurs éditions et qui a mérité
l'approbation de D. Hume. Ch.-V. L.
DALRYMPLE (Alexander), hydrographe anglais, frère
de lord Hailes, né à New-Hailes, près d'Edimbourg, le
24juiL 4737, mort à Londres le 49 juin 4808. Em-
barqué comme employé aux écritures sur un bâtiment
de la compagnie des Indes-Orientales, il arriva à Madras
en mai 4753, y résida six ans et fit de 4759 à 4764
divers voyages parmi les îles de la Sonde et les Phi-
lippines. De retour à Londres en 4765, il eut des dé-
mêlés avec l'amirauté, qui refusa de seconder ses aven-
tureux projets de colonisation australe ; il repartit pour
Bîadras on 4775 et revint définitivement en Angleterre en
4778, Nommé en 4779 hydrographe de la compagnie des
Indes-Orientales, il fut appelé aux mêmes fonctions
auprès de l'amirauté en 1795 et les conserva jusqu'en
4808, L'Institut de France le nomma correspondant de sa
786 -
section de géographie et de navigation le 16 déc. 4844,
trois ans et demi après sa mort. On lui doit de nombreux
travaux géographiques et hydrographiques, entre autres
une bonne carte de la partie orientale de la baie de Ben-
gale (4772), et d'intéressantes relations de voyages parmi
lesquelles il convient de citer : Discoveries in the South
Pacific Océan before i764 (Londres, 4767, in-8); His-
torical collection of South sea voyages (Londres, 4770-
4774, 2 vol. in-4) ; Historical relation of the several
expéditions, etc. (Londres, 4775, in-4). L. S.
DALRYMPLE (Sir Hew Whiteford), général anglais,
né en 4750, mort en 4830. Enseigne dès 4763, il était co-
lonel en 4790. Il fut l'un des trois généraux anglais qui
furent décrétés d'accusation pour avoir signé avec Junot
et Kellerman la convention de Cintra. Acquitté, il n'en vit
pas moins sa carrière brisée, Ch.-V. L.
DAL SEGNO (en abréviation D. S.). Terme de musique
emprunté à la langue italienne, qui indique que le pas-
sage doit être repris à l'endroit marqué du même signe.
DALSÈME (Achille), publiciste français, né à Nice le
4 sept. 4840. Membre de la Société asiatique, il se dis-
tingua en 4869 et 4870 parla campagne violente qu'il fit
contre le gouvernement impérial dans le Peuple de Mar-
seille. Il entra en 4870 dans la rédaction du Petit Journal^
en 1874 dans celle de la France, et collabora quelques
années au Temps, Il a écrit : les Mystères de l'Interna-
tioîiale, son origine^ son but, ses chefs, ses moyens
d'action, son rôle sous la Commune (Paris, 4874,
in-4 2); Paris pendant le siège et les soixante-cinq
jours de la Commune (4874, in-4 2); Histoire des con-
spirations sous la Commime (4872, in-4 2); r Affaire
Bazaine (4873, in-42); leSiègede Bitche{iS14^, in-42);
A travers le Palais, hommes et choses judiciaires (4884,
in-42); Paris sous les obus {iSS't};, gr. in-8); l'Envers
de Paris (4882, in-n); le Bâillon (4883, in-42); l'Art
de la guerre (4883, in-8); la Folie de Claude (4884,
in-42); Rose Mignon (4887), etc.
DALSÈME (Jules), publiciste français, né à Nice en
4845, frère du précédent. Elève de l'Ecole polytechnique,
il a été directeur du cours de mathématiques à l'Ecole
normale d'instituteurs de la Seine et secrétaire-rédacteur
à la Chambre des députés. Il a collaboré longtemps au
Petit Journal et à diverses revues scientifiques. Nous
citerons de lui : Premières Notions de géométrie (Paris,
4874, in-42) en collaboration avec FéHx Hément ; Elé-
ments de takymétrie (Paris, 4880, in-8) ; Leçons élé-
mentaires de géométrie (4883, in- 12) ; Leçons élémen-
taires d'algèbre (4883, in-42) ; la Monnaie; Histoire
de l'or, de l'argent et du papier (4882, in-12) ; l'En-
seignement de V arithmétique (4889, in-8). 11 a colla-
boré à divers ouvrages de son frère.
DALSGAARD (Christen), peintre danois, né àKrabbes-
holm,près Skive, le 30 oct. 1824. Maître de dessin à
l'académie de Sorœ (1863) et membre de l'académie des
beaux-arts de Copenhague (4872), il a exposé des tableaux
de genre, surtout des scènes de la vie rurale. Plusieurs
d'entre eux ont été reproduits par Ad. Kittendorff dans
Tableaux des peintres danois. R-s.
DALSLAND. Nom donné à la partie septentrionale du
lœn suédois d'Elfsborg, entre le lac de Wenern et la
Norvège. Superficie: 4^,003 kil. q. C. V.
DALTON. Ville d'Angleterre, comté d'York (V^est
Riding), à 3 kil. N.-O. d^Huddersfield ; 6,200 hab.
DALTON-iN-FuRNESs. Ville d'Angleterre, comté de Lan-
castre, au N. de la baie Morecamb ; 13,400 hab. Eta-
blissements métallurgiques.
DALTON-le-Dale. Ville maritime d'Angleterre, comté
de Durham, à 40 kil. S. de Sunderland ; 40,400 hab.
DALTON (Michaèl), juriste anglais, vivait encore en
4648. C'est tout ce qu'on sait de sa biographie. Il est
connu pour avoir publié, en 4648, un livre classique in-fol.
sur les fonctions de Justice of peace : the Country jus-
tice, à l'exemple de Fitzherbert. Ch.-V. L.
787 —
DALTON -^ DALVIMARK
D ALTON (John), poète et théologien anglais, néàCum-
berland en 1709, mort à Worcester le 22 juil. 1763.
Après avoir terminé ses études à Oxford, il devint précep-
teur de lord Beauchamp. Il arrangea alors pour la scène le
Cornus de Milton, qui fut joué avec grand succès à Drury
Lane le 5 avr. 1750 et resta longtemps au répertoire.
Cette pièce en vers a été imprimée sous le titre de Cornus
a Mask (Londres, 1738) et a eu de nombreuses éditions.
Dalton, grâce à l'influence du duc de Somerset, fut nommé
chanoine de Westminster en 1748 et recteur de Saint-Mary-
at-Hill de Londres. Il a écrit un certain nombre de poésies,
parmi lesquelles : Two Epistles (Londres, 1745) ; A Des^
eriptive Poem addressed to two ladies (1755), et publié
plusieurs sermons (de 1745 à 1751). R. S.
DALTON (John), capitaine anglais, né en 1726, mort
en 1811. Il servit dans l'Inde contre les troupes de Dupleix.
C'estluiqui soutint en 1753 le siège fameux de Trichinopoly.
Il prit sa retraite dès 1754 et vécut en Angleterre d'une
belle fortune qu'il avait amassée en Orient. Ch.-V. L.
DALTON (John), mathématicien, physicien et chimiste
anglais, né à Eaglesfield le 5 sept. 1766, mort à Man-
chester le 27 juil. d 844. Il reçut jusqu'à quinze ans l'édu-
cation dans sa ville natale ; il fut ensuite envoyé à Kendal
dans une école tenue par un de ses parents, où il montra pour
les sciences le goût le plus prononcé. A vingt-deux ans, il
commença une longue série de recherches météorologiques.
En 1793, il fut nommé professeur de mathématiques et
d'histoire naturelle au collège de Manchester. Il y enseigna
aussi la chimie à partir de 1804. Son enseignement était
fort apprécié ; ses admirables découvertes lui valurent une
pension du gouvernement et l'enthousiasme de ses amis lui
éleva de son vivant une statue, due à Chantrey. Ses dé-
couvertes les plus importantes se rapportent : en phy-
sique, à la chaleur ; en chimie, à la théorie atomique des gaz.
C'est à Dalton que l'on doit la découverte des propriétés
des vapeurs ; il montra que, lorsqu'un liquide se trouvait
dans un espace vide, il se vaporisait Jusqu'à ce que la ten-
sion de sa vapeur eût atteint une limite fixe ne dépendant
que de la température, et, à l'aide de quelques instruments
très simples, il détermina les valeurs de ces tensions
maxima pour divers liquides et à différentes températures.
Dalton montra aussi que dans un gaz les liquides se vola-
tilisent comme dans le vide, c.-à-d. en acquérant la même
tension limite, mais beaucoup plus lentement. Ce sont là
deux découvertes de la plus haute importance. Il étudia
aussi la dilatation des gaz, mais à une époque où l'on ne
savait ni les obtenir purs ni les dessécher, ce qui rend ses
observations inexactes. Il a aussi énoncé la loi suivante :
« Les vapeurs de tous les liquides ont la même force élas-
tique maximum à égale distance de leur point d'ébullition. »
Cette loi est inexacte en général, mais elle s'applique assez
bien pour les liquides de la chimie organique appartenant
à une même série, comme celle des acides gras, par
exemple. C'est aussi Dalton qui a donné les lois très impor-
tantes de la dissolution des gaz, qui a défini le coefficient de
solubilité. Dalton observa le premier certaines anomahes de
la vision qui font que les personnes qui en sont atteintes ne
peuvent distinguer certaines couleurs bien tranchées cepen-
dant pour d'autres, le rouge et le bleu par exemple ; cette
affection se nomme encore aujourd'hui du nom de celui qui
l'a découvert : c'est le daltonisme. Telle est, dans ses traits
principaux, l'œuvre du physicien Dalton.
Comme chimiste, Dalton découvrit l'une des lois fonda-
mentales de la chimie, la loi des proportions multiples.
Dans son nouveau système de philosophie chimique publié
en 1808 (Manchester, in-8), Dalton dit que : lorsque deux
corps se combinent en plusieurs proportions, si l'un d'eux est
considéré sous le même poids dans les différents composés,
les quantités pondérables de l'autre sont entre elles dans un
rapport simple. C'est sur cette loi et sur celle des proportions
définies qu est fondée la chimie ; il a vérifié cette loi en
analysant le gaz oléfiant et le gaz des marais dont l'un
contient, pour la même quantité de carbone, une quantité
d'hydrogène double. Dans le même ouvrage, Dalton dit que
tous les faits de la chimie s'expliquent facilement si l'on
admet que les corps sont formés de parties infiniment
petites, insécables, d'atomes en un mot, qui diffèrent
entre eux par le poids, et qui, au lieu de se pénétrer,
s'ajoutent les uns aux autres. La loi des proportions définies
et celle des proportions multiples ne sont nullement con-
traires à l'hypothèse de Dalton, dont elles semblent au
contraire découler naturellement. Mais Dalton alla plus
loin : il admit que les proportions suivant lesquelles les
corps se combinent représentent les poids relatiis de leurs
atomes, et il prit comme unité le poids de l'atome d'hydro-
gène ; analysant ensuite l'eau, il trouva que, pour 1 gr,
d'hydrogène, il y a 7 gr. d'oxygène (ce nombre, en réalité,
est égal à 8), et il admit que le poids de l'atome d'oyxgène
était 7. On voit d'après cela que le sens du mot atome
adopté par Dalton n'est pas resté ce qu'il était ; les atomes
de Dalton sont ce que Wollaston a appelé des équivalents.
On voit que l'œuvre de Dalton en chimie est encore de
plus haute importance que ses découvertes sur les vapeurs.
Dalton a publié de nombreux mémoires dans les Annales
de la Société philosophique de Manchester^ dans le
Philosophical Magazine, dans les Mémoires de l Aca-
démie des sciences, etc. Ses deux principaux ouvrages
sont : Meteorological Observations and Essays (Man-
chester, 1793, in-8), et New System, ofchemical Philo-
sophy (Manchester, 1808, in-8). Comme homme, Dalton
a laissé à ses élèves le souvenir d'un homme intègre, pro-
fondément dévoué à leur instruction, applaudissant le pre-
mier à leurs découvertes. Fulton trouva en lui un puissant
appui. Il fut membre de la Société royale de Londres et
de l'Institut de France. C'était un quaker rigide, mais san^
fanatisme. A. Joànnis.
BïBL.: Henry, Life and researches of Dalton; Londres,
1854.
DALTON (Alexandre, comte), général français, né à
Brive le 20 avr. 1776, mort après 1841. Il prit part
aux grandes campagnes du premier Empire, fut nommé
colonel du 59® de Mgne après Austerlitz (1806) et gêné-'
rai de brigade le 21 mars 1809. Il commanda un des
régiments qui soulevèrent les faubourgs de Smolensk en
1812 et y fut grièvement blessé. Nommé en 1813 gou-
verneur d'Erfurt, il défendit cette place contre les alliés
jusqu'en mai 1814. La Restauration lui fit de flatteuses
avances. Napoléon le nomma lieutenant général pendant les
Cent-Jours. Après Waterloo, il redevint maréchal de camp,
et fut nommé inspecteur général de l'infanterie en 1816.
Il remplit ces fonctions pendant de longues années avec dis-
tinction, et le gouvernement lui restitua en 1821 son grade
de lieutenant général. En 1831, on lui confia le comman-
dement des troupes des corps d'occupation d'Alger. Il fut
placé en 1841 dans la 2® section (réserve) de l'état-major
général de l'armée.
DALTON (John), historien irlandais né en 1792, mort en
1867. Il a laissé un nom dans l'érudition locale, grâce à
de nombreuses monographies insérées dans les Transac-
tions of the royal Irish Academy et dans VIrish Penny
Journal, Il a écrit l'histoire du comté de Dublin et de la
ville de Drogheda. Ch.-V. L.
DALTON (John-Call), physiologiste américain contem-
porain, né à Chelmsford (Massachusets) le 2 févr. 1825.
Il est depuis 1855 professeur de physiologie au collège de
médecine et de chirurgie de New- York. Dalton est univer-
sellement connu par ses remarquables travaux sur la
physiologie et l'embryologie. Son Treatise of hiiman phy-
siology (Philad., 1859, in-8), a eu une dizaine d'édi-
tions ; le Ireatise on physiology and hygiène, etc.
(New-York, 1868, in-8) a été traduit en français (Paris,
1870, in-18). D'' L. Hn.
DALTONISME (V. AchroMatopsie) .
DALUIS. Com, du dép. des Alpes-Maritimes, arr. de
Puget-Théniers, cant. de Guillaumes ; 403 hab.
DALVIMARE ou D'ALV.IMÂRE (Martin-Pierre), musî-
DALVIMARE — DALYELL
— im —
cien français, né à Dreux le 48 sept. 1772, mort à Paris
le 13 juin 1839. Fils d'un avocat au Parlement et receveur
des gabelles, il joua devant la reine à Versailles, à l'âge de
sept ans, devint garde du corps de Louis XVI et n'échappa
que par miracle au massacre du 10 août 1792. Un portier
de ses amis parvint à le cacher en le faisant passer pour
son fils. Il dessinait et peignait facilement et vécut quelques
années de la vente de petits portraits en miniature qu'il
exécutait. Sous le Consulat, il fut rayé de la liste des émi-
grés. Son talent de harpiste le fit entrer à l'orchestre de
l'Opéra (1800), puis on l'attacha à la musique particulière
de l'empereur, et, en 1807, il fut nommé maître de harpe
de Joséphine. Sa situation financière ayant changé, il
quitta toutes ses places en 1812 et partit pour Dreux. Il a
• composé un opéra-comique, le Mariage par imprudence
(1809), des romances, des morceaux sur les Méditations
de Lamartine, une symphonie concertante pour harpe et
cor (avec Frédéric Duvernoy), des duos, trios, airs variés,
sonates, scènes, fantaisies, arrangements, etc., où la harpe
joue généralement le principal rôle. On en trouvera le dé-
tail dans Fétis, Au point de vue biographique, il y a intérêt
à consulter le dictionnaire critique de biographie et
d'histoire de Jal (Paris, 1867, gr. in-8). Alfred Ernst.
DALWI6K (Karl-Friedrich Reinhard, baron de), homme
d'Etat allemand, né à Darmstadt le 19 déc. 1802, mort à
Darmstadt le 28 sept. 1880. Il se fit remarquer comme
administrateur de la Hesse rhénane (1845) et de Mayence
(1848), fut nommé ministre de l'intérieur de la Hesse-
Darmstadt en juil. 1850, et reçut aussi le portefeuille des
affaires étrangères et la présidence du conseil ; il dirigea
pendant vingt ans la politique hessoise, d'accord aVec
l'Autriche et contre la Prusse, refusa l'entrée dans la Con-
fédération de l'Allemagne du Nord ; il se retira en avr.
1871. A l'intérieur, son administration fut excellente
(V. Hesse),
DALY. Fleuve du Territoire du Nord de la colonie de
l'Australie du Sud ; il débouche dans la baie d'Anson ; sa
partie supérieure s'appelle rivière Katherine. — A Daly
Waters, dans le mèmQ Territoire, sur la ligne du télé-
graphe transaustralien, fut le camp de l'explorateur Stuart ;
on y a organisé l'élevage du bétail.
DALY ou O'DALY (Daniel), dominicain irlandais, né à
Kerry en 1595, mort à Lisbonne le 30 juin 1662. Entré
jeune dans l'ordre des dominicains de Lugo (Galice), il
fit de fortes études à Burgos et à Bordeaux. Professeur
au collège des dominicains de Louvain, il fut envoyé auprès
de la cour d'Espagne pour les intérêts de son ordre. Il
fonda alors un collège à Lisbonne (1634), puis un couvent
de religieuses à Belem (1639), La reine du Portugal, Luisa
de Gusman, femme de Jean IV de Bragance, le choisit en
1640 pour conseiller privé et pour confesseur. Envoyé du
roi du Portugal auprès de Charles P^' et de Charles II d'An-
gleterre, il remplit encore une mission diplomatique auprès
de Louis XIV en 1656. Après avoir refusé les archevêchés
de Braga et de Goa, il accepta celui de Coïmbre qui lui don-
nait la présidence du conseil privé du Portugal. Il a écrit :
hiitium incrementum et exitus familiœ Geraldinorum
(Lisbonne, 1655), qui a été traduit en français par l'abbé
Joubert, sous le titre de : Commencement^ progrès et
fin de la famille des Géraldins, comtes de Desmound,
et la description des persécutions des hérétiques (Dun-
kerque, 1697) et en anglais (Dublin, 1847, nouvelle édi-
tion, 1878), et qui contient d'intéressants détails sur les
persécutions subies par les catholiques en Irlande. Daly
s'appelait en religion Dominique du Rosaire. R. S.
DALY (Denis), politicien irlandais, en même temps
scholar et bibliophile, né en 1747, mort en 1791. Son
amitié avec Grattan a préservé son nom de l'oubli : c'était
un homme d'un jugement sohde, prudent, médiocre impro-
visateur, en un mot l'antithèse du type ordinaire du poli-
ticien irlandais.
DALY (Sir Dominic), homme politique anglais, né en 1798,
mort en 1868.11 fit sa carrière aux colonies, au Canada,
à Tabago, à l'île du Prince-Edouard. Gouverneur de l'Aus-
tralie du Sud en 1861, il mourut à Adelaide. Ch.-V. L.
DALY (César-Denis), architecte, archéologue et publi-
ciste français, né à Verdun (Meuse) le 17 juil. 1811.
Après avoir fait ses (liasses à Douai, M. César Daly entra,
en 1830, dans l'atelier Duban, puis à l'Ecole des beaux-
arts, tout en se livrant déjà au développement des ques-
tions sociales que favorisait alors la société dite la Pha-
lange, Il commença bientôt les nombreux et longs voyages
qu'il fit pendant plus de trente années, en Angleterre, en
France, en Italie, dans tout le bassin méditerranéen, en
Egypte, en Asie Mineure et dans l'Amérique, du Canada à la
Nouvelle-Grenade. Nommé en 1840 architecte des édifices
diocésains et des monuments historiques, il fut chargé des
travaux de restauration de l'église cathédrale Sainte-Cécile
d'Albi, dont il exposa de nombreux dessins au Salon de 1846
et à l'Exposition universelle de 1855. Mais l'œuvre maîtresse
de M. César Daly consiste surtout dans les 45 vol. gr. in-4,
parus depuis 1839, de la Revue générale de V Architecture
et des Travaux publics^ recueil illustré avec luxe des prin-
cipaux types d'édifices contemporains dus à l'art de Parchi-
tecte ou à la science du constructeur, en même temps que
répertoire archéologique et esthétique des plus variés et dans
lequel la part de collaboration de M. César Daly fut des plus
considérables. Autour de cette belle publication sont venues
se grouper, sous la direction de M. Daly, nombre d'autres
ouvrages constituant une véritable bibliothèque théorique et
pratique de l'architecte, tels que la Semaine des Construc-
teurs, journal hebdomadaire illustré des travaux publics et
privés (15 vol., gr. in-4, n. fig.) ; les Motifs historiques
d' Architecture et de Sculpture d'ornement (époques de
Louis XII à Louis XVI ; 4 vol. in-foL, 398 pL); V Architec-
ture funéraire (m-îo\., 120 pi.) ; les Théâtres de la place
duChâtelet, en collaboration avec feu G. Davioud (V. ce
nom) et de nombreuses conférences et brochures, parmi
lesquelles celles relatives aux Concours publics et aux
Hautes Etudes d'Architecture méritent une mention spé-
ciale. Des distinctions de toute nature et le titre de membre
honoraire de beaucoup d'académies ou sociétés d'architec-
ture et d'archéologie françaises ou étrangères honorent la
longue carrière de M. César Daly, dont un des fils, M. Marcel
Daly, ingénieur et architecte, seconde depuis plusieurs
années les efforts toujours ardents pour la direction de la
Revue générale de F Architecture et de la Semaine des
Constructeurs. Charles Lucas.
DALYELL. Nom patronymique des comtes de Carnwath,
titre créé en 1639 au profit d'un sir Robert Dalyell.
Les plus connus de la lignée sentie deuxième et le sixième
comte. Le second comte, mort en 1654, fut un des fidèles
partisans écossais des Stuarts. Le troisième, mort en 1737,
respectueux des traditions de sa famille, fut un zélé jaco-
bite; fait prisonnier à la bataille de Preston, il obtint de
George P»* grâce de la vie. Ch.-V. L.
DALYELL (Thomas), général anglais, né en 1599, mort
en 1685. Il prit part en 1628 à l'expédition de La Rochelle.
A la bataille de Worcester, en 1650, il commandait l'infan-
terie des royalistes et fut fait prisonnier, mais il s'échappa de
la Tour de Londres, et, exclu par Cromwell de toute mesure
d'amnistie, trouva un refuge sur le continent. Il prit du
service en Russie avec plusieurs autres officiers écossais,
et dirigea les troupes russes contre les Polonais, les Turcs
et les Tatares. En 1665, Charles II le rappela dans sa
patrie et l'établit commandant en chef des forces écossaises.
En cette qualité, il fut le fléau des Covenanters, qu'il
persécuta, dit Burnet, à la moscovite. C'était un homme
simple, sombre et rude ; il ne s'était pas fait raser depuis
le jour de Fexécution de Charles P^', et il ne portait pas
do perruque. On disait qu'il faisait rôtir les gens et qu'il
était sorcier. Dans sa vieillesse, il fit de fréquents séjours à
Binns, son domaine patrimonial, où il s'intéressait à la culture
des plantes rares. Charles II, qui lui pardonnait ses excentri-
cités, l'appelait familièrement « Tom Dalyell ». Ch.-V. L.
DALYELL (Robert), général anglais, né en 1662, mort
789
DALYELL - DAMAN
en itoS. Il appartenait à la famille des comtes de Carn-
wath. Colonel en 1708, il servit surtout en Espagne, et
ne prit sa retraite qu'en 1749. Ch.-V. L.
DALZEL (Andrew), écrivain anglais, né en 1742, mort
en 1806. Fils d'un charpentier, après de longues études à
l'université d'Edimbourg, il entra comme précepteur dans la
famille Lauderdale. En 1779, on le trouve titulaire de la chaire
de grec à l'université d'Edimbourg, où il contribua gran-
dement à relever le niveau des études. En 1783, il fut
l'un des fondateurs de la Royal Society of Edinburgh qni
le nomma l'un de ses secrétaires. « Il nous inspirait, dit
lord Cockburn, des aspirations littéraires vagues, mais sin-
cères, avec des rêves délicieux de vertu et de poésie. » Il
prit sa retraite en 180o. On a de lui de nombreux ou-
vrages pédagogiques, aujourd'hui sans valeur, dont on
trouvera la liste dans le Dictionary of national Mo-
graphyàe Leslie Stephen (XIII, 447, c. 2). Ch.-V. L.
D A MAC US (V. Orïbâte).
DAMAGE. Le damage des terres rapportées, du béton,
a pour but d'en bien rapprocher toutes les parties les unes
des autres. On fait cette opération à l'aide d'une dame,
outil composé d'un carré de bois ou de fonte, armé d'un
manche ; celui-ci est tantôt vertical, tantôt inchné, tandis
que le manche du pilon est toujours vertical ; ce dernier
outil a moins de surface frappante, et l'on peut, par consé-
quent, exercer avec lui un effort plus considérable sur un
point donné. Il est assez difficile de distinguer les cas dans
lesquels chacun de ces outils est préférable à l'autre ;
cependant on peut remarquer qu'il n'y a pas lieu de com-
primer fortement du sable mouillé, "^puisque c'est par le
moyen de l'eau qu'on arrive réellement à diminuer le vo-
lume de celui-ci. Le sable noyé n'a donc plus besoin que
d'être régularisé si l'on veut, par exemple, y poser un
pavage sans entamer sa surface, ce qui est la méthode
reconnue la meilleure, bien qu'elle ne soit pas pratiquée à
Paris ; il faudra donc, dans ce cas, damer et non pilon-
ner. Au contraire, il faudra pilonner un remblai crayeux
fait derrière un mur de soutènement, car il importe d'avoir
une masse aussi serrée que possible et à cet effet une
compression énergique, par petites couches, ne sera pas de
trop pour éviter qu'il ne reste des vides. M.-C. L.
DAMAGETOS, poète grec dont les oeuvres furent com-
prises dans le recueil de Méléagre (V. ce nom), et à qui
sont attribuées une douzaine d'épigrammes de \ Anthologie
d'après lesquelles cet auteur paraît avoir vécu peu après le
n® siècle (V. Anthologie grecque ^^à, Jacobs, II, 39).
DAMAIN (Jacques), historien français, né à Orléans en
1528, mort à Orléans le 20 mars 1596. Conseiller clerc au
présidial, chanoine à Orléans et scolastique des écoles de la
même ville, il s'occupa toute sa vie de l'étude des antiquités,
mais son nom est surtout connu par une Relation de ce
qui se passa a Orléans au massacre de la Saint-Bar-
thélémy^ souvent citée par les historiens de l'ancien régime.
Cetécrit, demeuré manuscrit, a disparu pendant la Révolution
et n'est plus connu que par les citations qu'on en trouve dans
divers ouvrages et particulièrement dans les /l<?temar%rwm.
DAM A LA. Bourg de Grèce, prov. d'Argolide et Corin-
thie, près des ruines de Trézène. Là se tint l'Assemblée
nationale qui élut président Capo d'Istria (V. ce nom).
DAMA LA (Jacques), acteur, tié à Athènes vers 1840,
mort à Paris le 18 août 1889. Pourvu d'une bonne édu-
cation, il occupa d'abord un poste dans le personnel diplo-
matique de son pays, puis vint en France avec l'idée
d'aborder le théâtre. Il connut M"^® Sarah Bernhardt, qui
entreprenait alors une grande tournée à travers l'Europe,
s'engagea dans sa troupe sous le nom de Daria^ et bientôt
l'épousa à Londres. De retour à Paris avec elle, il se
montra d'abord, à ses côtés, dans le rôle d'Armand Duval
de la Dame aux camélias, créa ensuite, à l'Ambigu, les
Mères ennemies, et enfin, engagé au Gymnase, obtint de
vifs succès dans le Maître de Forges, le Prince Zilah,
Sapho, la Comtesse Sarah.
DAMALAS, théologien grec, né à Athènes en 1842, Il
fît ses études en Allemagne, fut reçu docteur à Erlangen
(1863) et nommé professeur à l'université d'Athènes (1866).
Il a négocié la fusion des vieux catholiques avec l'Eglise
grecque et reçu mandat du saint synode d'Athènes à cet
effet pour le représenter à Bonn (1885). Il a écrit une
bitroduction au Nouveau Testament, des leçons de
V Herméneutique du Nouveau Testament, etc.
DAMALEVICZ (Etienne), théologien polonais du xvi®
siècle, né à Warta, mort à Kalisz en 1664. Il remplit
diverses fonctions ecclésiastiques et se fit moine. Il a écrit:
Vitœ Vladislaviensium episcoporum (Cracovie, 1642) ;
Séries archiepiscoporum gnesnensium (Varsovie,
1649) ; Constitutiones Canonicorum (Rome, 1655) ;
Vita S^ Bogumili (Rome, 1661 ; Varsovie, 1714 ; Kalisz,
1803), opuscule réimprimé dans les Acta Sanctorum des
Bollandistes, etc. L. L.
DAMALIS (ZooL). (V. Antilope).
DAMALIS (Gilbert), poète français du xvi® siècle. Ses
ouvrages sont très rares; nous citerons: Sermon du
grand souper (Lyon, 1554, in-8) ; le Procès des trois
frères (Lyon, 1558, in-8), tiré de Philippe Beroalde.
DAMALURIQUE(Acide).Form. ISÉVlcw!'
Acide encore mal connu, retiré par Stâdeler de l'urine
de vache, où il accompagne l'acide damolique. D'après
Werner, il serait isomérique dans les acides éthylcro-
toniques, hydrosorbique, pyrotérébique, hexylénique, etc. ;
il serait susceptible de se présenter sous deux formes iso-
mériques, et on l'obtient, comme produit secondaire, dans
la préparation de V acide taurylique (V. ce mot). Il cris-
tallise en aiguilles rhomboïdales, fusibles à 50-53*^. Dans
le vide, il se dépose en prismes fusibles à 40 o, mais dont
le point de fusion s'élève au-dessus de 50^ par une exposi-
tion prolongée à l'air. Selon Werner, la modification pris-
matique dévie à gauche le plan de polarisation de la lumière
polarisée, tandis que la modification ordinaire est dextro-
gyre. Ed. Bourgoin.
BiBL. : Stâdeler, Acides contenus dans Vurine de vache,
dans Ann. des ch. ind. pharm., t. XXVII,27. — Werner,
Sur r acide damaluriqiie, dans Soc. ch., t. XI, 170.
DAMAN (Hyrax) (ZooL). Genre de Mammifères du
groupe des Ongulés constituant une famille ou même un
ordre bien distinct et isolé dans la nature actuelle. Daman
est le nom que l'on donne, en Syrie, à l'espèce de ce genre
que les Hébreux ont connue sous le nom de Saphan (ou
Lapin des traducteurs de la Bible) et qui était considérée
comme un animal impur, dont la chair était, par conséquent,
sévèrement prohibée. L'espèce du Cap, désignée par les
colons hollandais sous le nom de Klipdaz (par abréviation
de Klip Daassie, c.~à-d. Blaireau de rochers), a été
d'abord rangée parmi les Rongeurs, et Kolbe et Buffon en
ont parlé sous le nom de Marmotte du Cap, Pallas classa
cet animal dans son genre Cavia (V. ce mot) jusqu'au
moment où Hermann en fit le type du genre Hyrax (1783),
adopté depuis par tous les zoologistes, bien que Storr eût
précédemment proposé (1780) pour le même genre le nom
de Procavia. Enfin, Cuvier (1798) démontra que ces ani-
maux, par leur dentition, appartenaient, non aux Ron-
geurs, mais aux Ongulés, et les plaça dans son ordre des
Pachydermes, à la suite des Rhinocéros dont leur sque-
lette reproduit, en miniature, les principaux caractères.
Les Damans sont des animaux de la taille du Lapin,
ayant à peu près l'apparence extérieure d'une Marmotte qui
serait dépourvue de queue, et leurs allures ressemblent à
celles des Rongeurs, mais ils en diffèrent beaucoup par
leur organisation interne. Lataste a montré que leur den-
tition complète devait être formulée de la façon suivante :
11 4 3
1.-, c. ^, pr. -, m. ^X2==36 dents;
mais la canine supérieure, qui est d'ailleurs très petite, est
caduque et fait généralement défaut chez l'adulte, bien
qu'elle soit toujours présente dans la dentition de lait, de
DAMAN
-. 790 ^
sorte que la dentition définitive comprend rarement plus
de trente-quatre dents. Les incisives supérieures sont à
pulpe persistante, mais prismatiques (et non aplaties comme
celles des Rongeurs), pointues, et non usées en forme de
ciseau ; celles de la mâchoire inférieure n'ont pas la pulpe
persistante. Le canal intestinal ressemble à celui des Che-
vaux et des Rhinocéros ; l'estomac est divisé en deux lobes :
le premier ou lobe cardiaque, qui est le plus spacieux, est
tapissé d'un épithélium épais et sa fonction est surtout
mécanique ; le second, ou lobe pylorique, est plus étroit
et plus allongé et la nature de sa muqueuse, qui secrète
abondamment du suc gastrique, indique que c'est là seule-
ment que se fait la véritable digestion, lin grand cœcum,
en forme de sac, se trouve au commencement du côlon, et
deux grands cœcums additionnels, coniques et pointus,
sont situés un peu plus loin. Les uretères s'ouvrent au fond
de la vessie comme chez les Rongeurs, mais les testicules
sont externes pendant toute l'année. La femelle a six ma-
melles dont quatre inguinales et deux axillaires. Enfin, le
placenta est zonaire (ou en ceinture) comme chez l'Elé-
phant et les Carnivores,
La conformation des membres est assez particulière et a
valu à ces animaux, en commun avec certains Rongeurs,
le nom de Siibongulés, Il y a quatre doigts en avant (le
pouce étant rudimentaire et dépourvu d'ongle), et trois en
arrière, comme chez le Tapir et le Cabiai (V. ce mot),
mais les doigts sont, comme chez les grands Ongulés (Elé-
phant, Rhinocéros) enveloppés par la peau du pied jusqu'à
l'ongle qui figure un petit sabot plat, sauf au doigt interne
des pieds de derrière qui porte un ongle très singulier,
recourbé obliquement, tranchant, et dont Fos de la pha-
lange qui le porte est fourchu, avec ses deux pointes
superposées. La plante des pieds antérieurs est munie d'une
sorte de semelle, séparée en plusieurs coussinets par des
rides profondes, qui s'étend jusqu'au bout des doigts et
constitue un appareil adhésif, analogue à celui des Geckos
et qui permet à ces animaux de grimper le long de surfaces
verticales et presque lisses en s'aidant de l'ongle recourbé
des pattes postérieures dont les doigts sont plus libres. Cet
appareil adhésif a été décrit par Dobson (Proc, zooL Soc.
Lond.^ 1876, p. 526). La queue n'est représentée que
par un moignon caché sous les poils. Le pelage est mou et
en, parsemé de soies plus longues. Les oreilles sont arron-
dies, médiocrement développées.
L'organisation singulière de ces animaux, notamment
leur placenta zonaire (qui les éloigne à la fois des Ron-
geurs et des Ongulés tels que les Rhinocéros dont ils se
rapprochent d'ailleurs parleur ostéologie), la conformation
si spéciale des pattes, etc., ont porté les naturalistes à con-
sidérer les Damans comme le type d'un ordre ou sous-ordre
à part que M. A. Milne-Edwards désigne sous le nom
àllyraciens (V. ce mot) et qu'Illiger (4814) avait déjà
proposé de distinguer sous le nom de Laminungula en
se fondant sur la forme des ongles. Nous considérons ici
les Damans comme constituant simplement une famille
(Hyracidœ) bien distincte dans Tordre des Périssodac-
tyles (V. ce mot), dont ils représentent un type primitif, à
caractères archaïques très prononcés et qui a survécu, sans
altération, jusqu'à l'époque actuelle.
Les Damans habitent exclusivement la région éthio-
pienne, c.-à-d. l'Afrique et la partie sud-ouest de l'Asie
(Arabie, Syrie), qui se rattache à cette région par sa faune.
Ils se divisent en deux genres assez distincts par leurs
mœurs : le genre Hyrax proprement dit habite les mon-
tagnes rocailleuses, arides et nues, où l'on voit ces ani-
maux se chauffer au soleil, couchés sur un bloc de rochers.
Effrayés, ils poussent un sifflement aigu qui rappelle le cri
des petits singés, glissent rapidement sur la paroi du rocher
et disparaissent dans un trou caché au milieu des pierres.
Le genre Bendrohyrax comprend des espèces qui, tout en
ayant la même conformation, habitent les forêts et vivent
sur ,les arbres où ils grimpent comme les autres Damans
sur les rochers, se cachant dans une crevasse du tronc ou
des grosses branches. Tous sont herbivores ou frugivores.
On les prend facilement au piège ou à l'aide d'un chien
dressé à cette chasse. Leur chair est excellente. En capti-
vité, leur caractère est assez doux, mais ils ne montrent
pas grande intelligence. Leur cerveau a peu de circonvo-
lutions. Le nombre des espèces a été porté, notamment par
Gray, à douze ou quinze, réparties en trois genres, chifire
qui est probablement exagéré. Nous admettrons seulement
les deux genres Eyrax et Dendrohyrax fondés surtout
sur la différence de mœurs.
Le genre Hyrax proprement dit, dont £'w%r<2^ (Gray)
ne diffère pas, comprend, comme nous l'avons dit, les
espèces qui habitent les régions montagneuses et les ro-
chers. Le Daman de Syrie (Hyrax syriacus ou sinaiticus
Hempr. et Ehremb.) est l'espèce connue des anciens et qui
habite la Syrie, notamment la Palestine, le mont Liban et
le nord de l'Arabie, au mont Sinaï. Son pelage est brun
fauve, long et soyeux, avec une tache dorsale allongée plus
claire et pointillé de blanc; sur la tête. L'//. ruficeps du
Dongola n'en est qu'une variété, d'après George, et l'on
en peut dire autant de VH. Bruce i (Gray), qui est d'Abys-
sinie. UH» habyssinicus (Burton) ou H, Burtoni (Gray)
en est plus distinct par son pelage rude, gris fauve, poin-
tillé de blanc. Il habite le nord-est de l'Afrique, l'Egypte,
l'Abyssinie et se retrouve, dit-on, au Sénégal. Une troi-
sième espèce, le Daman du Cap (H, capensis), une des
plus anciennement et des mieux connues, habite l'Afrique
australe et se distingue à son pelage brun foncé, finement
ponctué de blanc, avec la tache dorsale noire. — Les
H. Alpini, H. ferrugineus, H, iiroratus, de Gray, ne
diffèrent pas, d'après Blanford, de 1'//. Brucei que nous
avons rapporté à VH. syriacus^ et VEuhyrax abyssiniens
(Gray) ne différerait pas d'/f . capensis ; toutes ces pré-
tendues espèces sont d'Abyssinie. Une dernière (H, Welt-
witschii Gray), à pelage rude, est d'Angola, pays qui
possède aussi un Daman à pelage soyeux et de couleur
pâle [H. Bocagei Gray).
Les Damans d'arbres (Dendrohyrax Gray) diffèrent très
peu des précédents par leurs caractères ; cependant leurs
molaires sont plutôt semblables à celles des Palœothe-
rium, tandis que celles des Damans de rochers ressem-
blent à celles des Rhinocéros. D'après Temminck, ils
seraient nocturnes et non diurnes comme les autres Da-
Daman d'arbres (Dendrohyrax Emini}.
mans. On en connaît plusieurs espèces ; nous y comprenons
le sous-genre Heterohyrax de Gray. Le Dendr. dorsalis
(Fraser) ou H. sylvestris (Temminck) habite l'ouest de
l'Afrique, Fernando Po et le pays des Achantis ; son pe-
lage est noirâtre, dur, presque épineux, avec une tache
dorsale blanche. - Le D. arboreus (A. Smith), de l'Afrique
australe, s'étend jusqu'à Tête (Mozambique) ; il est d'un
roux fauve varié de blanc. Le D, mossambicus (Peters)
en est voisin et habite le même pays. Le D. Blainvillei
(Gray) n'est connu que par son crâne ; il est probablement
d'Abyssinie. Plus récemment, on a décrit les D. Emini
(0. Thomas), de l'Afrique centrale, à pelage long et
soyeux, d'un fauve très pâle, D. validus (True) de Kili-
mandjaro, qui est d'assez grande taille et de formes ro-
79i —
DAMAN - DAMARIS
bustes, comparé aux autres espèces du genre, et D. Grayi
(Barboza du Bocage) d'Angola. Le genre ïïyrax n'est pas
connu à l'état fossile, mais il a existé, à l'époque tertiaire,
dans le nord des deux continents, de petits Périssodac-
tyles plus ou moins analogues aux Damans par leurs
proportions et qui avaient peut-être aussi le placenta
zonaire. Tels sont le lapirulus hyracinus d'Europe et
les Dilophodon minusculus et Helatetes nanus de
l'Amérique du Nord. Un type, qui se rapproche aussi beau^
coup des Hyracidce par ses caractères ostéologiques, no-
tamment par sa dentition et la forme de sa mâchoire infé-
rieure, est le groupe des Toxodontes^ propre au tertiaire
de l'Amérique méridionale. E. Trouessart.
BiBL. : J.-E. Gray (Monographie du groupe), Ann. and
mag. nat. Hist.^ 1868, vol. I, sér. 4, pp. 85-50. — Du môme,
Catalogue of Carniv. Pack, and Edent. Mammalia in
Brit. Mus., 1869, pp. 278-294. — George, Monographie
anaiomique et zoologique du genre Daman {Ann. se. nat..,
Zool., 1874, I). — DoBSON, Proc. zool. soc., 1876, p. 526. —
Blanford, Proc. zooL soc, 1869, p. 638. — O. Thomas,
Proc. zool. soc... 1888, p. 15. -- True, Proc. U. S. national
Muséum^ 1890, XHI, p. 228. — F. Lataste, Sur le Sys-
tème dentaire du genre Daman {Annali del museo civico
di Storia naturale di Genova, 1886, IV, p. 5. — Le môme,
Zoologischer An2;eiger, 1887, n°* 251 et 252. — Barboza du
Bocage, les Damans d'Angola {Journal des Se. math.,
phys. et nat., Lisboa., 1889).
DAMAN. Longue et étroite plaine sur la frontière occi-
dentale du Pendjab (nord-ouest de l'Inde), entre les monts
Soleïmân et l'Indus. Elle s'étend sur une longueur de
480 kil. des monts Kala, au N., jusqu'à la frontière du
Sindh au S. Sa largeur moyenne est de 100 kil. de FE. à
rO. Sol stérile ne produisant naturellement que des herbes
ou des broussailles ; cependant, à l'aide de l'irrigation ar-
tificielle, il donne des céréales et des graines oléagineuses
et devient fertile. La chaleur y est très grande pendant
quelques mois de l'année. M. d'E.
DAMANHOUR. Ville d'Egypte, ch.-l. de la prov. Bahari
(Basse-Egypte), près du canal Mahmoudieh; 23,353 hab.
C'est un des entrepôts du commerce du coton et de la
laine. L'aspect de la ville desservie par le chem. de fer
est pittoresque.
DAWIÂO. Petit territoire portugais sur la côte occiden-
tale de l'Inde, enclavé dans la province de Goudjerat. Su-
perficie 80 kil. q. ; population, 40,980 hab. La ville de
Damâo, située à 462 kil. N. de Bombay, possède un bon
port formé par l'embouchure de la Daraanganga. Les Por-
tugais la possèdent depuis 1551. Il y a un palais du gou-
verneur. M. d'E.
DAMÂR. Ville du Yémen, à 100 kil. S.-S.-E. de Sanâa ;
5,000 hab. C'est une ville ouverte qui possède une grande
citadelle et des maisons fort bien bâties. Elle a une uni-
versité d'une certaine importance, fréquentée surtout par
des Zéidites. Le district dont Damâr est le chef-lieu est très
fertile en blé et renommé pour ses haras. Le nom de Damar
a été parfois attribué à la ville de Sanâa.
DAMARAS (Tissus) (V. Armoisin).
DAM ARAS. Peuple de l'Afrique australe occupant la
zone littorale de l'Ouest, dirigée obliquement du N.-O. au
S.-E., et comprise entre les 17^ et 23® degrés de lat. S.,
9^ et 15® degrés de long. E. ; ils sont limités : au N.-O.,
par les peuples qui occupent la rive droite du Cunéné
dans son cours inférieur, particulièrement les Ba-Simba ;
au N.-E., par ceux qui occupent sa rive gauche, dans son
cours supérieur, savoir, les Ovambo ; au S., par les
Grands-Namaquas ; à l'E., par les Boschimans. On distingue
les Damaras en ceux « des plaines », à l'O., et ceux « des
monts », à l'E. Les premiers sont dits encore « Damaras
du Bétail », ce sont les Ova-Herero, peuple bantou, gui
habitait exclusivement la région montagneuse, au miheu
du xvni® siècle, et qui, vers 1775, a émigré, en grande
partie, dans la direction du S., en pays hottentot. Les
idiomes des deux nations en contact ont donné lieu à un
patois hybride. Il y a eu aussi des conflits sanglants entre
les Herero, depuis qu'ils ont quitté le Kaoko, et les autres
peuplades. En lutte, d'abord, avec les Damaras des mon-
tagnes, ils les asservirent, puis ils furent, à leur tour,
réduits en esclavage, pour la plupart, par les Namaquas et
les Bastaards. Ils auraient même fini par disparaître, étant
mal armés, sans l'intervention accidentelle du voyageur
suédois Anderson. Leur territoire, limité par la mer à l'O.,
s'étend au S. jusqu'au Tsoakhoub, qui descend d'un grand
massif montagneux et se jette dans l'Océan un peu au N.
de la^baie de V^alfish. On compte six autres fleuves côtiers
jusqu'au Cunéné. Le pays des Damaras est assez bien connu.
Il a été visité, entre autres explorateurs, par Gatton , An-
dersen, Baines, Green, Palgrave, Duparquet. Au N.-E.
de la baie précédente, se trouve la plus haute cime de cette
région, l'Omatako, qui a une ait. de 2,300 m. La com-
position géologique de ces monts consiste en gneiss, schistes
micacés, calcaires cristaUins, granité, porphyres, même
des basaltes. C'est là qu'on trouve les gisements métaUiques.
La chaîne de ces montagnes, parallèle à la mer, laisse un
espace semblable à une plaine, dont la largeur est de
150 kil. en moyenne, de nature sablonneuse. A l'E. de la
baie de Walfish, il constitue ce qu'on nomme le Namieb,
que l'on croit être un ancien fond de mer, et qui offre des
dunes élevées vers l'intérieur. — Le nombre des Herero
est d'environ quatre-vingt-cinq mille. Le chef principal
réside, avec trente mille sujets, à Otyimbingue. On compte,
chez ce peuple pasteur, par camp de bestiaux menés au
pâturage, en moyenne trois cents personnes, y compris les
pâtres et leurs familles. Les Herero sont une des belles
races de l'Afrique ; ils emploient le cuir en lanières pour
leur costume ; leurs cheveux sont tressés et enduits de
graisse et d'argile rouge. On doit citer ici la coutume
qui défend de vendre le sel, parce qu'elle a donné lieu à
un événement, l'expulsion du pays, en 1879, des mis-
sionnaires catholiques, en raison de leurs propositions im-
prudentes d'achat, non à cause de la concurrence des
missionnaires protestants : il est vrai qu'aujourd'hui, les
Allemands, suzerains du pays, changent cet ordre de choses
à leur profit.
Les « Damaras des montagnes » ou Ova-Zorotoii,
habitent les plateaux élevés, isolés par des escarpements.
Ils se disent Haou-Damop ou « les vrais Damaras », ou
encore Haoïi-Khoïn ou « les vrais Khoïn », c.-à-d. Hot-
tentots, mais ils sont plutôt ressemblants aux Ovambo,
tout en étant déprimés par l'esclavage. S'ils parlent le
dialecte des Hottentots, ils le doivent à l'influence de ces
maîtres. Aujourd'hui, ils sont, comme les Damaras des
plaines, sous la souveraineté des Allemands. Ils sont petits,
maigres, ressemblent aux Bushmen, et se font remarquer
par leur sens de la musique. Leur nombre est de trente
mille environ.
Actuellement, le pays des Damaras ou Damaraland
forme avec le Gross-Namaqualand, du Cunéné à l'Orange,
le Sudwest-Afrika allemand et l'enclave anglaise Walfish
bay (V. Colonisation, t. XI, pp. 1115-17).'Desdifiicultés
suscitées par des agents anglais ont été apaisées et un
petit corps de troupes allemandes a été organisé.
Selon le docteur Goring, le Damaraland est un pays
salubre, fertile et bien arrosé, mais propre à l'industrie
pastorale plutôt qu'à l'agriculture. On y a trouvé du
cuivre et de l'or, mais les gisements jusqu'à ce jour ne
sont pas susceptibles d'être avantageusement exploités.
G. Delavaud.
BiBL. : Reglus, Géogr. universelle, Afrique mérid..
1888, t. XIII. — B. ScHWARZ JmDeutscherGoldland; Ber^
lin, 1889. — Von Stëinacker, Karte des Hererolandes
(Mittheilungen de Petermann, 1889). — F. Galton, Nar-
rative ofan Explorer of Tropical South Afrlca, being an
account of a visit to Damaraland In 1851 ; Londres, 1889.
— Ch. Demay, la Colonisation allemande; 1890.— Parfait,
la Côte S.-O. dAfrique dans Bullet. soc. géog. de Roche-
fort, 1890).— Le Mouvement géogr. dans Rev. de géogr.. de
déc. 1890.
DAMARIS. Nom d'une femme d'Athènes, qui fut con-
vertie au christianisme par la prédication de saint Paul
(ÀcteSy XVII, 34); on a voulu, sans raison plausible,
DAMARIS — DAMAS
792 —
faire de cette femme l'épouse du juge Denys TAréopagite,
nommé immédiatement avant dans le texte.
DAMAS (Dimischk-é-Scham) , Géographie. — Ville
de la Turquie d'Asie, ch.-l. du vilayet de Syrie, la cin-
quième ville de l'empire ottoman, située sur le versant
oriental deTAntiliban, à 700 m. d'alt.,par 33« 32'lat. N.
et 38^ 59' long. E., dans une vallée (El Goutah) célèbre
pour sa fertilité et sa beauté. Elle compte environ 450,000
âmes. La ville est située sur les deux rives du Barada,
l'ancien Crysorrhoas qui descend de l'Antiliban, fertilise
cette magaifique oasis, un des « paradis » les plus juste-
ment célèbres de l'Orient et va se perdre à l'E. dans des
marécages et un lac salé du désert. La vallée de Damas
est admirablement fertile, grâce à ses eaux qui y entretien-
nent une végétation luxuriante ; elle produit en grande
abondance des grains, des fruits de toute sorte. La ville
de Damas émerge du milieu des jardins et des arbres. Elle
est entourée de fortes murailles garnies de tours et de
fossés, ouvertes par neuf portes. L'aspect intérieur est dé-
cevant comme celui de la plupart des cités du Levant. Une
seule grande rue, rectiligne, longue de 2 kil., traversant
la ville de l'E. à l'O. ; ce doit être encore celle dont par-
lent les Actes des Apôtres. Les autres rues sont étroites,
tortueuses, sales, bordées de maisons aux murs boueux,
couverts de planches ou de nattes ; le tout dépenaillé et
misérable ; nulle grande place ni vue d'ensemble. En re-
vanche, Damas a bien le caractère d'une ville orientale ;
d'ailleurs de beaux palais, de belles mosquées, de vastes
bazars et caravansérails attestent la richesse de la ville.
Les anciens monuments sont rares ; ils ont péri dans
les guerres qui dévastèrent la Syrie ; on cite à peine un
aqueduc romain, quelques colonnes ; les mosquées sont au
nombre de deux cent cinquante environ. La plus célèbre
est celle des Ommeyades ; c'est un ancien temple corinthien
transformé en église de Saint- Jean, puis en mosquée. Elle
a été entièrement reconstruite sous Abd-ul-Malik (705-
745) et présente un des plus renommés spécimens de l'ar-
chitecture arabe. Quatre portes sont percées vers les quatre
points cardinaux ; le vaisseau central est porté par deux
rangs de quarante colonnes de marbre, de porphyre, de
granit ; trois minarets culminent au-dessus et l'un d'eux,
Màdinet'Isâ, doit recevoir au Jugement dernier la visite de
Jésus. On vénère encore la chapelle où fut le chef de saint
Jean-Baptiste. Au N.-O. de la ville s'élève le château
ou sérail avec ses murailles massives; bâti en 4249, il
sert de citadelle. Damas renferme les tombeaux de deux
des femmes du prophète (Selma et Habiba), de plusieurs
khaUfes, de saints , de poètes, de sages, des sultans
Noureddin et Salaheddin. Mais la ville est surtout très
bien aménagée pour plaire aux trafiquants qui s'y donnent
rendez-vous. Elle a de splendides cafés; ses bazars sont les
plus curieux du Levant ; on en compte plus de trente ; les
principaux sont autour de la mosquée des Ommeyades, for-
mant des passages couverts. De superbes caravansérails y
sont annexés, une Bourse, des bains, etc. Le plus grand,
adossé à la grande mosquée, comprend seize travées. Trois
faubourgs s'étendent au dehors de la ville au N., à l'O. et
au S.; ce dernier, nommé Meidan, est le plus grand.
La population de Damas est aujourd'hui bien moins
nombreuse qu'elle ne fut, car elle dépassait 400,000 âmes
au temps de sa prospérité et elle est réduite à 450,000.
De ceux-ci 6,000 sont juifs et 20,000 chrétiens (Armé-
niens, Grecs, Maronites, etc.) ; les musulmans sont assez
hostiles aux chrétiens dont le nombre a diminué depuis le
massacre de 4860. Damas est une des principales villes
industrielles de l'Asie occidentale ; elle produit surtout des
denrées de luxe: des pâtisseries^ des confiseries, de l'essence
de rose, des soieries; l'étoffe qui garde le nom de damas
s'y fabrique encore, mais ne vaut pas celle d'Europe ;
4,000 métiers tissent la soie ou la soie mélangée de coton;
on cite encore les superbes toiles blanches de coton, les
machelas, manteaux arabes en poil de chameau, les kefies
ou foulards en soie et coton ; les fils d'or et d'argent pro-
^ duits en grande quantité servent à faire des étoffes renom-
mées ; la sellerie l'est également ; de même les huiles, les
parfums, les baumes, les articles de toilette, les tapis.
Jadis l'acier de Damas jouit d'une réputation universelle
surtout pour les fines lames de sabre, mais depuis que
Timour-lenk a emmené les ouvriers, cette spécialité a dé-
cliné. — Le commerce est assez considérable, bien que les
routes de terre aient perdu leur ancienne importance
(V. Commerce) ; Damas est un entrepôt surtout entre les
ports de Syrie, Beyrouth, Tripoli, Saint-Jean d'Acre et
Bagdad. C'est une compagnie française qui fait les trans-
ports ; la route vers Beyrouth est excellente ; vers la Perse
et l'Arabie le commerce se fait par caravanes employant
annuellement 2,000 chameaux ; la principale caravane est
celle de La Mecque qui part en septembre ; les importations
sont évaluées à 42 millions, les exportations à 5 millions
(en 4884). Les principaux objets de commerce sont les
produits de l'industrie de Damas, les fruits (prunes, rai-
sins secs) de l'oasis, etc.
^ Histoire. — L'histoire de Damas est presque aussi an-
cienne que celle de la Syrie dont elle fut généralement la prin-
cipale cité. Nous savons que le roi David la soumit après une
guerre acharnée, que dès le règne de Salomon elle reprit son
indépendance. Bientôt les princes de Damas prirent leur
revanche sur les Israélites ; Benhadad P'', Benhadad II et
Hazael furent pour ceux-ci de redoutables ennemis. Mais
vers l'an 800 les Assyriens s'emparèrent de Damas ; dès
lors la ville ne recouvra plus une autonomie complète et
durable ; elle n'eut d'ailleurs pas à se plaindre des domi-
nations babylonienne et persane qui favorisèrent son com-
merce, et elle devint la plus riche ville de la Syrie. Après
les conquêtes d'Alexandrie, les cités nouvelles fondées par
les Grecs prirent l'ascendant et Damas déclina ; elle fut
peu sympathique aux Séleucides ; après la défaite d'An-
tiochus Dionysias, elle appela son vainqueur le prince
arabe Arétas ; celui-ci fonda une dynastie qui accepta la
suzeraineté romaine en 64 av. J.-C, et se perpétua jusqu'en
405 ap. J.-C; à cette date Trajan réunit la ville à la
province romaine de Syrie. C'est dans cette période
qu'eut lieu sur le chemin de Damas la fameuse conversion
de saint Paul. L'empereur Philippe donna à Damas le titre
de colonie romaine. Dioclétien en fit une place d'armes
(avec arsenal) pour contenir les Sarrasins. Un évêché y
fut établi. En 635, les Arabes la prirent après un siège de
deux mois dirigé par le khalife Omar qui résida alternati-
vement à La Mecque et à Damas. Moarviya y fixa définiti-
vement sa résidence et les khalifes y demeurèrent de 660
à 753, même les premiers Abbâsides, jusqu'à Almansor
qui se transporta à Bagdad. Les gouverneurs de Damas se
rendirent à plusieurs reprises indépendants; en 877,
Ahmed le Toulounide la détacha complètement du khalifat.
Les révolutions et les changements de dynastie y furent
fréquents. Les croisés ne purent s'en emparer (4448) ;
six ans après le sultan d'Alep Noureddin y réussit et la
transmit à son fils Salaheddin ; la capitale de la Syrie
suivit alors le sort de l'Egypte (V. Syrie) ; le 5janv. 4404
Timour-lenk y écrasa l'armée égyptienne et le 25 mars il
entrait dans la ville et la saccageait complètement. Elle
se releva, mais sans retrouver son primitif éclat. Les
Mamelouks se la virent enlever par le sultan turc SeHm V^
en 4546. Depuis lors Damas est resté le chef-lieu d'une
province de l'empire ottoman. Ibrahim pacha la conquit
en juin 4832 et son père en reçut la concession avec celle
de la Syrie (4833) ; mais dès 4840 il dut l'évacuer. Le
massacre des Juifs en 4840, celui des chrétiens du 9 au
46 juil. 4860 sont les événements les plus marquants de
la dernière période.
Tissu de Damas. — - Tissu de soie ou de laine qui
tire son nom de la ville de Damas où il était anciennement
fabriqué, et que l'on emploie encore de nos jours principale-
ment pour l'ameublement. Les principaux centres de fabrica-
tion sont, en France, Lyon et Tours. Les damas sont produits
par un fond en satin par effet de chaîne sur lequel se dé-
793 —
DAMAS
tachent des dessins, fleurs, bouquets, guirlandes, produits
par un satin, semblable à celui du fond, mais à effet de
trame ; le tissage nécessite l'emploi de grandes mécaniques
Jacquard qui produisent le dessin, combiné avec celui de
lames, actionnées par une mécanique d'armure pour effec-
tuer les liages du fond et du dessin. P. G.
Acier de Damas. — Acier d'une nature particulière
qu'on nomme aussi acier damassé^ acier Wootz (V. Da-
massé).
BiBL. : Kremer, Topographie von Damas ; Vienne, 1855.
— Porter, Fwg Years ïn Damas ; Londres, 1870, 2» édit.—
V. aussi les Guides en Orient et la Bibl. de l'art. Syrie.
DAMAS-Au-Bois. Com. dudép. des Yosges, arr. d'Epi-
nal, cant. de Châtel-sur-Moselle ; 748 hab.
DAMAS-et-Bettegney ou DEVANT-Dompaire. Com. du
dép. des Vosges, arr, de Mirecourt, cant. de Dompaire ;
601 hab.
DAMAS {Dalmacius,Dalmaiz^ Dalmas, Daumaix). Fa-
mille forézienne (xi®-xix® siècle). Porte d'or à la croix an-
crée de gueules. Devise : Et for lis etfidelis. La famille Da-
mas est une des plus anciennes et des plus considérables du
Forez. Parmi les historiens de cette famille, les uns (Favyn
et Guy Coquille) rattachent son nom à des souvenirs de la
croisade ; les autres (Imhof et Laine) lui donnent une ori-
gine languedocienne ou beaujolaise. Cette maison a eu plu-
sieurs branches.
Branche principale. — Elle s'est éteinte au xiv^ siècle
en la personne d'Alix de Cousan. Le chef en fut Damas
(Dalmacius), Ses descendants sont : Hugues Dalmas
(Ugo Dalmatius) ; Dalmas ÎU Hugues II Dalmas^ né
en 4190; Hugues /i/, qui étendit les possessions patri-
moniales et devint sire de Cousan, de Marcilly en Charol-
lais, vicomte de Chalon-sur-Saône ; Renaud P^ Damas
(1227-1 240), le premier qui prit le nom de Cousan ; Gui I^^
Damas ^ qui ajoute à son bien la seigneurie d'Urbize ; Gui II
de Damas (Dalmacii)^ mort sans postérité avant 1273.
Son frère, Renaud II, hérite de la branche aînée, mort
après 1301 ; après lui viennent Hugues IV de Damas,
mort après 1310. Son fils, Améon Amédée de Damas,
fut le premier signataire de la confédération conclue entre
les nobles de Forez et ceux de Champagne pour s'opposer
à l'émission de la mauvaise monnaie et aux subventions
arbitraires levées par Phihppe le Bel (i^^févr. 1314, v. st.),
mort en 1330, laissant Hugues V de Damas, mort en
1348, qui, par son mariage avec Alix, dame de La Per-
rière, acquit la moitié des seigneuries de Roanne et de
Saint-Haon. Gui IV, né vers 1330, fut grand maître et
grand chambellan de France (4 oct. 1401), défendit
Bourges contre les Anglais (Froissart, éd. Buchon, Ilï,
161), se signala à la bataille de Rosebecque, puis fut élevé
à la dignité de grand échanson (15 mai 1385) et pourvu,
l'année suivante, de la charge de souverain maître d'hôtel
du roi ; il mourut après 1419. Ses enfants, Hugues VI,
échanson du roi, qui brisait les armes paternelles d'une
fleur de lis au premier canton de la croix, et Gui F, mou-
rurent sans postérité, et tous les biens paternels passèrent
à leur sœur, Alix de Cousan, qui épousa Eustache de
Lévis (V. Lévis).
Branches latérales. — De la branche principale sor-
tirent trois branches latérales : l*' la branche de Cou-
langes, Vandenesse et la Razoille, issue de Robert de
Damas, deuxième fils de Dalmas P^ de Cousan (1089,
mort après 1106), elle dura jusqu'au xvi^ siècle avec Phi-
lippe et Edouard de Damas ; 2** la branche à'Auhière,
qui tire son origine de Hugues III de Damas Cousan et
s'éteignit à la tin du xv® siècle ; 3° la branche de Mar-
cilly, née de Robert Damas, fils puîné de Damas de Cou-
san, et qui disparut avec Ant.-François de Damas de Mar-
cilly en 1748, Ces branches se subdivisèrent en une infinité
de familles.
Des Coulanges naquirent : 1*^ les barons de Digoine
{1390-1674) qui formèrent à leur tour les d'Estieuges,
éteints au xvi"^ siècle ; 2^ les de Champléger d'où sortirent
les Damas de Vanoise, les Damas de Verpré, les Damas
de Saint'Rirand, les Damas de la Bastie et de la Pilon-
nière, les Damas du Roussel, qui durent encore, ainsi que
les Damas de Villiers, De la branche de Marcilly sont
issues les branches des marquis de Thianges et des comtes
de Chalencey (xvi^ siècle, 1708) ; celles des barons, comtes
et marquis d'Anlezy, éteinte en 1800, des Montaigu
(1373-xvi*^ siècle). De la branche d'Anlezy sortit la branche
des comtes de Crux, dont Et. Ch., duc de Damas-Crux, fut
le dernier représentant en 1816, et de celle des Montaigu
naquit la branche des sieurs de Brèves et de Maulevrier,
qui dura jusqu'au xvi^ siècle. Maurice Dumoulin.
Bibl. : Guichenon, Hist. de la souveraineté des Domhes,
— Favyn, Théâtre d'honneur et de chevalerie, p. 620. —
Imhof, Excellentium in Galliâ familiarum genealogia ;
Nuremberg, 1687. — P. Anselme, Hist. des grands officiers
de la couronne.,t. VIII, pp. 316-342. — La Chesnaye-des-
Bois, Dict. de la noblesse, t. IV, pp. 463-84, éd. in-4. — La
Thaumassière, Hist. du Berry. — Gourtépée, Hist. du
duché de Bourgogne. — De Courcelles, Hist. des pairs
de France, t. ÏII. — Laine, Généalogie de la maison de
Damas, 1839, pi. et ^rav. in-8. — P. Gras, Rev. forézienne,
1867-68-70. — Bulletin de la Diana, II, p. 252. — Ancien
Forez, t. I, II et III. — Il existe sous le n» 285 du t. XVII
des papiers de Guichenon à la BibL de la faculté de mé-
decine de Montpellier une généalogie mss. de la maison
de Damas.
DAMAS. Famille de maîtres d'œuvres et de sculpteurs
français du commencement du xvi® siècle.
Le plus anciennement connu, Pierre Damas, dit de Sois-
sons, probablement du nom de sa ville natale, fut amené
comme tailleur de pierre, en 1509, à Troyes, par Martin
Chambiges (V. ce nom), lorsque ce maître vint commencer
la construction du grand portail et des deux tours occiden-
tales de la cathédrale de cette ville. Pierre Damas fut
plus tard (d 531-1532) chargé de la direction de ces tra-
vaux avec son neveu Johan II Bailly (V. ce nom), gendre
de son frère cadet Jean Damas (V. ci-dessous), après la
mort de ce dernier.
Jean Damas, appelé aussi Jean de Soissons, frère cadet
du précédent, fut élève de Martin Chambiges, qui l'amena
également à Troyes, en 1509, lui confia la direction des
travaux du grand portail et des tours occidentales de la
cathédrale et lui donna, en 1520, une dfe ses filles en ma-
riage. Après avoir dirigé les travaux de la cathédrale et
aussi la reconstruction, avec Jehan Oudot et Jehan I^*^
Bailly (V. ce nom), des voûtes et du clocher de l'église
Saint-Jean de Troyes, Jean Damas fut, en 1510, définiti-
vement nommé architecte de la cathédrale de Troyes, au
salaire de 40 sols par semaine, plus 12 livres de pension
annuelle, mais à la condition expresse de se consacrer
entièrement à ces travaux jusqu'à sa mort, laquelle
arriva le 21 déc. 1531. Peut-être ce Jean de Damas est-il
le même qui, faisant en 1483 son tour de France, fut
employé alors quelques journées aux travaux de la ca-
thédrale , sur les comptes desquels on voit encore
figurer deux autres Damas, des noms de Laurent et
Claude. Charles Lucas.
Bibl. : L. Pigeotte, Etude sur la cathédrale de Troyes;
Paris, 1870, in-8.
DAMAS, acteur français, mort en 1834. Tout jeune
encore et presque adolescent, il fit ses premières armes,
peu d'années avant la Révolution, au petit théâtre des
Beaujolais. En 1793, on le trouve au théâtre de la Répu-
blique, avec Talma, Monvel, Dugazon, M^^^® Vestris, etc.,
et enfin, lors de la reconstitution de la Comédie-Fran-
çaise, en l'an VII (1799), il fait partie de la troupe de ce
théâtre, où il est aussitôt reçu sociétaire. Pendant plus
de vingt-cinq ans il parcourt à la Comédie-Française une
carrière extrêmement brillante, changeant successivement
d'emploi selon les exigences de l'âge et l'autorité du talent,
jouant d'abord les amoureux, puis les premiers rôles, puis
les pères nobles, et toujours bien accueilli du public, satis-
fait et reconnaissant des efforts que l'artiste ne cessait de
faire pour lui plaire. On peut dire de Damas qu'il fut l'un
des premiers comédiens d'un temps étonnamment fertile en
comédiens excellents. Il se faisait aussi bien remarquer
DAMAS -=. DAMASGHINO
— 794 —
dans la tragédie que dans la comédie et dans l'ancien que
dans le nouveau répertoire. On cite parmi' ses créations :
Hector^ VUellie, les Deux Vieillards^ le Prisonnier en
voyage^ V Enthousiaste^ la Revanche^ les Deux Gendres^
la Manie de l'indépendance^ V Abbé de VEpée, les Em-
barras du bonheur^ etc., et parmi ses meilleurs rôles du
répertoire : le Distrait^ le Mariage de Figaro^ le Festin
de Pierre^ Tartufe^ les Femmes savantes^ la Métro-
manie^ la Gageure imprévue, Nanine, la Femme ja-
louse, r Amant bourru...,])âm3iS])rïis'à retraite en 1825.
DAMAS (Anne-Hyacinthe-Maxence, baron de), homme
politique français, né à Paris le 30 sept. 1785, mort à
Paris le 6 mai 1862. A la Révolution, il émigra en Alle-
magne, entra en 1795 à l'école d'artillerie de Saint-Péters-
bourg et servit dans l'armée russe. Il fut blessé à la Mos-
kowa et il rentra en France avec l'armée des alliés. La
Kestauration lui permit d'entrer dans l'armée française où
il débuta avec le grade de maréchal de camp. Lieutenant
général du duc d'Angoulême, il fit avec lui la campagne du
Midi. Après Waterloo, il fut nommé commandant de la
8« division mihtaire (Marseille), puis il commanda une
division de l'armée de Catalogne. Créé pair de France, le
9 oct. 1823, il revint d'Espagne pour prendre le porte-
feuille de la guerre (19 oct. 1823), qu'il changea le
4 août 1824 pour celui des affaires étrangères. Il fit encore
l'intérim de la guerre du 21 août au 29 sept. 1825, et du
1^^ au 19 sept. 1826. Il quitta les affaires étrangères le
3 janv. 1828. Nommé gouverneur du duc de Bordeaux, il
le suivit en exil lors de la révolution de Juillet.
DAMAS -Cbux (Etienne-François, comte de), général
français, né au château deCrux (Nivernais) le 4 oct. 1735,
mort à Paris le 3 juil. 1814. Colonel du régiment de Foix
en 1760, il devint maréchal de camp le 1^^ mars 1780 et
exerça le commandement dans les Trois-Evêchés jusqu'en
1789. Il émigra en 1792, servit dans Farmée de Condé et
fut attaché spécialement au duc de Berry comme instruc-
teur militaire. Rentré en France en 1814, il reçut les
titres de lieutenant général et de premier gentilhomme de
la chambre du duc d'Angoulême. Il venait à peine d'être
nommé pair de France (2 juil. 1814) lorsqu'il mourut.
DAMAS -Crux (Etienne-Charles, comte, puis duc de),
général français, né au château de Crux le 10 févr. 1754,
mort à Paris le 29 mai 1846. Chevalier de Malte, il servit
d'abord dans les Indes et en Amérique, fut nommé à son
retour en France mestre de camp (1784), émigra et com-
battit dans l'armée de Condé. Promu maréchal de camp
par Louis XVIII en 1795, premier gentilhomme de la
chambre du duc d'Angoulême en 1801, il participa aux
opérations de ce prince dans le midi de la France en 1814
et devint lieutenant général le 22 août de la même année.
Il assista encore le duc d'Angoulêmependant la campagne de
1815 et il remplissait avec le baron de Vitroîles les fonc-
tions de commissaire du roi à Toulouse, lorsqu'il y fut arrêté
par le général Laborde et conduit à la frontière d'Espagne.
A la seconde Restauration, il fut nommé commandant des
11^ et 20® divisions militaires, commandant du corps d'ar-
mée des Pyrénées-Orientales, pair de France (17 août
1815), et on lui conféra le titre de duc (19 févr. 1816), Il
exerça encore les commandements de la 23^ division
(Corse) (26 sept. 1815) et de la 2« division (10 janv.
1816). Il ne voulut point reconnaître le gouvernement de
Juillet et fut mis à la retraite le 30 juin 1832.
DAMAS d'Antigny (Joseph-François-Louis-Charles-César,
duc de), homme pohtique français, né à Paris le 28 oct.
1758, mort à Paris le 5 mars 1829. Capitaine au régi-
ment du roi-infanterie en 1778, il fut nommé en 1780
aide de camp de Rochambeau et fit sous lui les campagnes
d'Amérique. Colonel de divers régiments de cavalerie, il fut
chargé par le marquis de Bouille de protéger avec ses
dragons la fuite de Louis XVI (fuite de Varennes), fut arrêté
le 21 juin 1791 et emprisonné à Paris. Remis en Hberté
lorsque le roi eut accepté la Constitution, il émigra et fut
nommé capitaine des gardes de Monsieur. Il servit dans
l'armée des princes en 1792 et 1793, passa en Italie en
1794, puis en Angleterre. Nommé maréchal de camp en
1795, il se disposait à prendre part à l'expédition de Qui-
beron lorsqu'il tomba avec Choiseul Stainville entre les
mains des républicains. Emprisonné à Dunkerque, il eut la
chance de recouvrer sa liberté et de rejoindre le comte
d'Artois qu'il accompagna en qualité d'aide de camp. Il
servit à l'armée de Condé de 1796 à 1801. A la Restau-
ration il fut nommé commandant de la garde nationale à
cheval de Paris, promu lieutenant général et créé pair de
France. Il suivit Louis XVIII à Gand en 1815. A la seconde
Restauration, il fut nommé commandant de la 18® division
militaire (10 janv. 1816), et pourvu du titre de duc le
30 mars 1825.
DAMAS d'Antigny (Joseph-Elisabeth-Roger, comte de),
général et homme politique français, né à Paris le 4 sept.
1765, mort à Cirey (Côte-d'Or) le 3 sept. 1823, frère du
précédent. Sous-lieutenant d'infanterie en 1779, il se fit
admettre, grâce à Finfluence du prince de Ligne, dans
l'armée russe, combattit contre les Turcs (1787-1788),
prit Otchakow, fit le siège de Bender (1789), et se dis-
tingua dans toutes ces opérations par sa témérité. Il devint
ensuite aide de camp du comte d'Artois, commanda une
légion dans l'armée de Condé (1795-1797), passa au ser-
vice du roi de Naples (1798-1801), puis séjourna à la
cour de Vienne jusqu'en 1814. Rentré en France à la Res-
tauration, il fut promu lieutenant général et gouverneur
de Lyon. Pendant les Cent-Jours il accompagna Louis XVIII
à Gand. Le 22 août 1815 il était élu membre de la
Chambre des députés par les dép. de la Côte-d'Or et de la
Haute-Marne. Le 10 janv. 1816, il fut nommé commandant
de la 19® division militaire et il apporta une très grande
sévérité dans la répression des troubles de Grenoble et de
Lyon.
DAMAS-HiNARD (Jean- Joseph-Stanislas-Albert de), litté-
rateur français, né à Madrid le 11 déc. 1805. Nommé en
1847 suppléant d'Edgar Quinet, dont le cours du Collège
de France venait d'être suspendu , il dut renoncer à
vaincre l'opposition bruyante de ses auditeurs et obtint le
30 déc. 1848 le poste de bibliothécaire au Louvre. En
1853, il fit partie de la maison de l'impératrice Eugénie
en qualité de secrétaire des commandements. M. Damas-
Hinard, qni avait débuté en 1824 par des Chants sur lord
Byron, suivis d'une Adresse au roi (in-8) et rédigé,
dit-on, pour Lamothe-Langon, les quatre premiers volumes
des Mémoires de M^^ du Barry (1829), se fit ensuite
connaître par des travaux plus estimables, tels que ses tra-
ductions de Calderon (1841-1844, 3 vol. in-12), de Lope
de Vega (1842, 2 vol. in-12), du Romancero espagnol
(1844, 2 vol. in-12), de Don Quichotte (1847, 2 vol.
in-12) et du Poème du Cid (Imp. impériale, 1858, in-4).
On cite aussi de lui une compilation intitulée Napoléon^
ses opinions et ses jugements sur les hommes et les
choses (1838, 2 vol.' in-8), réimp. et abrégé sous le titre
de Dictionnaire Napoléon (1854, in-8) et une étude de
critique littéraire : La Fontaine et Buffon (1861, in-12)
qui souleva de vives polémiques, auxquelles l'auteur répon-
dit par une nouvelle brochure, Buffon écrivain* A . M. Dé-
siré Nisard (1864, in-8). M. Tx.
DAMASCÈNE (Saint Jean) (V. Jean de Damas [Saint]).
DAMASGHINO (François-Théodore), médecin français,
né à Paris le 27 sept. 1840, mort le 22 déc. 1889. D'une
famille originaire de Corfou, il fit toutes ses études mé-
dicales à Paris. Interne en 1861, médaille d'or de Fin-
ternat, chef de clinique de la faculté en 1867, il est
nommé médecin des hôpitaux en 1872, agrégé la même
année et enfin professeur de pathologie interne en 1883,
membre de l'Académie de médecine en 1878. Il est l'au-
teur d'un certain nombre de recherches originales d'anato-
mie pathologique parmi lesquelles il faut citer : Des Diffé-
rentes formes de la pneumonie chez les enfants
(1867); Recherches anatomo-pathologiques sur la para-
lysie spinale de Fenfance, en collaboration avec M. Roger
_ 795 -"
DAMASCHINO -^ DAMASCIUS
(1871); Note sur les altérations nerveuses dans la
paralysie diphtérique (1875) ; Maladies des voies diges-
tives (1880). D' A. Bureau.
DAMASCIUS, néoplatonicien, dernier chef de l'école
philosophique d'Athènes, né à Damas vers 480. Ammonius
Saccas, fondateur de l'école d'Alexandrie en l'an 193, avait
cherché (peut-être sous l'inspiration de Potamon), à conci-
lier le système positif d'Aristote, la théorie idéaliste de
Platon et les doctrines philosophico-reMgieuses de l'Orient.
Il s'est rencontré parmi ses successeurs et ses disciples des
hommes dont la célébrité a franchi les limites du domaine
philosophique, Longin, Plotin, Porphyre, Jamblique, l'em-
pereur Julien, Olympiodore, Proclus, Marinus, Syrianus,
Zénodote. Cette école a compté aussi plusieurs femmes
illustres, Asclépigénie, la docte et malheureuse Hypatie,
Sosipatra, Edesia. Damascius, après avoir passé son enfance
et sa première jeunesse dans sa ville natale, vint étudier
au musée, — nous dirions aujourd'hui à l'université —
d'Alexandrie. Pendant trois ans, il y suivit les leçons de
rhétorique d'un certain Théon, puis professa la rhéto-
rique à son tour pendant neuf ans; mais la philosophie le
réclamait. Il eut pour maître Hermias, auteur de scholies
sur le Phèdre (publiées par FinckhJ et ses deux lils, Am-
monius qui lui enseigna l'astronomie et Héliodore, puis à
Athènes où l'école fut transportée vers 400 par l'Athénien
Plutarque, Marinus qui enseignait les mathématiques, Hé-
gias, Zénodote et enfin Isidore, professeur de dialectique.
Le grand ouvrage de Damascius, Doutes et Solutions sur
les principes, prouve que ces leçons ne furent pas perdues.
Au milieu des difficultés inhérentes à la matière que trai-
taient les néoplatoniciens, on y remarque une force de
raisonnement qui semblerait au premier abord incompatible
avec des subtilités métaphysiques presque insaisissables.
Nous savons qu'une étroite amitié unit Isidore et Damas-
cius. La Bibliothèque de Photius nous a conservé une bonne
partie de la Vie d'Isidore où le disciple fait l'éloge de son
maître. Ce morceau, seul débris d'une Histoire philoso-^
phique dont le Lexique de Suidas renferme plusieurs frag-
ments, a été reproduit à la suite du Diogène Laërce de la
collection Didot. Après qu'Isidore eut quitté l'école d'A-
thènes pour celle d'Alexandrie, Damascius resta fidèle à
la première, où Zénodote devait l'initier à la philosophie
platonicienne. Il lui succéda, mais, selon toute apparence,
il ne put jouir longtemps de cet honneur.
Dès l'année 529, écrit Hertzberg (Histoire de la Grèce
sous la domination romaine, trad. par P.-P. Huschard,
t. m, p. 490), l'année du consulat de Decius, en même
temps ou tout de suite après que les cours de droit furent
interdits, probablement entre lé l^'^ sept, et le 31 déc,
arriva à Athènes le décret (de Justinien) qui chassa pour
longtemps les lettres de la patrie de Platon et de Démos-
thène, qui plongea dans la nuit le dernier rayonnement
d'Athènes, qui fit enfin de la cité des morts illustres une
ville de province et une forteresse byzantine. En effet, ce
décret du brutal autocrate interdisait purement et simple-
ment que qui que ce fût enseignât désormais la philosophie
à Athènes; et pour que cette exécution eût un effet cer-
tain, on confisquait au profit du fisc toute la fortune patri-
moniale de l'école platonicienne. En Perse régnait alors le
roi Chosroès P^, le plus capable des Sassanides. Les pro-
fesseurs athéniens émigrèrent vers le commencement de
532 sans doute à Madaïn (Ctésiphon), la capitale de la
Perse, Dans le traité de paix conclu entre Justinien et
Chosroès au commencement de 533,1e roi obtint que «les
professeurs seraient admis à retourner dans leur patrie où
ils devaient vivre jusqu'à leur fin sans être inquiétés ».
A partir de ce moment, on perd la trace et de Damascius
et des six philosophes qui l'avaient accompagné en Perse,
Simplicius de Cilicie, Eulalius le Phrygien, Priscien de
Lydie, les Phéniciens Hermias et Diogène, Isidore de Gaza.
On croit que Damascius, dès son retour, se rendit en
Egypte et J. Matter suppose qu'il professa dans l'école
d'Alexandrie, qu'il y composa ses ouvrages et y termina
ses jours. La date de sa mort est demeurée inconnue.
Tout ce qu'on^peut affirmer, c'est qu'il avait cessé de vivre
lorsque Simplicius, son disciple et son ami, écrivit le com-
mentaire sur la Physique d'Aristote, où notre philosophe
est cité souvent avec éloge, et à l'époque où Olympiodore
le Jeune publia ses commentaires sur le Premier Alci-
biade et sur le Phédon,
Si l'on en juge d'après les textes qui nous sont parvenus,
Damascius n'était pas dirigé par un esprit de dénigrement,
comme on l'a cru et dit sur la foi de Photius ; il apportait
même une juste modération dans sa critique philosophique.
A la différence de Porphyre et de Proclus et à l'exemple
de Plotin, il ne s'attaque jamais à la doctrine chrétienne ;
seulement il s'abstient d'en parler. Il semble, en outre,
qu'on a singulièrement exagéré le caractère mystique de
ses écrits. S'il aime à creuser les questions de métaphy-
sique et de théodicée jusqu'à s'y perdre, il n'abuse pas de
l'extase comme plusieurs autres néoplatoniciens. Toutefois,
il faut le reconnaître, les deux seuls ouvrages de Damas-
cius que nous possédons le font voir sous deux aspects fort
différents. La Vie d'Isidore est une histoire anecdotique
où le merveilleux tient une grande place, où les mœurs et
la vie intime du monde philosophique sont décrites avec
complaisance, tandis que les Doutes et Solutions sur les
premiers principes révèlent un dialecticien consommé qui
se maintient d'un bout à l'autre de son livre dans les plus
hautes régions de la théorie. Photius lui reproche son
impiété, sans doute à cause du silence qu'il a gardé de
parti pris sur tout ce qui touche à la rehgion chrétienne.
Quant à la doctrine de Damascius, M. Jules Simon l'a
caractérisée de main de maître : « On sait, dit-il, la double
origine de la spéculation alexandrine. Plotin et ses succes-
seurs suivaient Platon dans son ascension dialectique et
arrivaient sinon avec lui, du moins par sa méthode, à l'unité
des Eléates; mais une fois parvenus à cette hauteur, au
lieu de se perdre dans le relatif, faute de pouvoir l'expli-
quer, ils acceptaient, au contraire, les données de l'expé-
rience et mettaient tous leurs soins à conciher les résultats
opposés de ces deux méthodes, c.-à-d. le Dieu puissant et
intelligent auquel le spectacle du monde nous conduit, et
le Dieu absolu, supérieur à l'intelligence et à l'être, que
nous donne la dialectique. Cette conciliation s'opérait dans
l'école d'Alexandrie au moyen de la théorie des hypostases
qui sauvait l'unité de Dieu par l'unité substantielle du prin-
cipe et la pluralité des points de vue par la Trinité. On
avait même poussé si loin l'abus de ces divisions inintelli-
gibles que Plotin et Porphyre n'admettaient pas seulement
une Trinité, mais une Ennéade. La solution proposée par
Damascius fut toute différente. Il repoussa cette supposition
d'une pluralité hypostatique qui n'altère pas l'unité subs-
tantielle; il laissa toute entière l'unité absolue de Dieu qui
le rend incompréhensible et ineffable, mais il soutint que
si nous ne connaissons pas sa nature, nous connaissons du
moins son gouvernement et son efficacité par rapport au
monde et à nous-mêmes. Selon lui, nous savons clairement
que Dieu est et qu'il est infini et incompréhensible ; par
les preuves que nous avons de la Providence, Dieu est bon,
intelligent, puissant. Ce n'est pas que nous arrivions par
cette voie détournée à comprendre Dieu, mais nous jugeons
par les effets de sa puissance qu'il n'y a rien en lui qui
ressemble à la négation de la bonté, de l'inteUigence, de
la puissance, etc. » Cet exposé, dont il faut hre la suite,
est complété par les pages que MM. Vacherot, Barthélémy
Saint-Hilaire, V. Cousin, F. Ravaisson, Ad. Franck et,
tout récemment, M. Ch, Levêque ont consacrées à Damas-
cius.
Les Doutes et Solutions nous ont été conservés dans un
manuscrit de la bibliothèque de Saint-Marc à Venise (n^ 246)
qui date du x® siècle, sinon du ix®, dont nous connaissons
vingt-neuf copies, directes ou indirectes, et où le texte est
divisé en deux parties séparées par une lacune. La pre-
mière seule avait été publiée jusqu'ici (Damascii philoso^
phi flatonici quœstiones de primis principiis,,, nunc.
DAMASCIUS — DAMASEN
796 —
primum edidit J. Kopp, Francof. ad M., 4826). J.-Chr.
Wolf en avait donné quelques fragments, ainsi que de la
seconde dans ses Anecdota grœca sacra ei profana
(Hambourg, 4722, t. Ill, pp. 495-262). M. Eyssenhardt a
placé dans le premier fascicule des Mittheilungen ans der
Stadtbibliothek zu Hamburg (pp. 4-32) le début alors
inédit de la seconde partie. L'auteur de cet article, après
en avoir publié et traduit neuf extraits dès 4864, vient de
faire paraître une édition complète de l'ouvrage (Paris,
4889-'J891 , 2 vol. gr. in-8) d'après le prototype de Venise.
Le texte qui dans ce manuscrit suit la lacune signalée plus
haut a reçu un nouveau titre : Doutes et Solutions sur
le Parménide de Platon. Cette division nous a paru inad-
missible et nous croyons en avoir fait justice. Les manus-
crits attribuent à Damascius des Parecbolœ ou extraits
sur le traité aristotélique De Cœlo que nous croyons devoir
être restitués à son disciple Simplicius. Ses écrits sur le
Temps, sur le Lieu, sur le Nombre nous ont été conservés
partiellement dans le commentaire du même Simplicius sur
la Physique d'Aristote. On ne possède que de rares frag-
ments de ses commentaires sur divers dialogues de Platon
(le Phédon, le Timée, le Premier Alcibiade), de ses bio-
graphies d'Aristote, d'Eudème et de Dorus, enfin de son
discours ou traité Sur les Choses singulières. D'autres
ouvrages lui ont été retirés par la critique, savoir : un
recueil de « problèmes » qui ne seraient peut-être que son
grand ouvrage des Doutes et Solutions où, en effet, le mot
:cpo6XT[[xaTa sert souvent à désigner les questions posées ;
le complément du commentaire de Proclus sur le Parmé-
nide, que nous proposons d'attribuer à Olympiodore le
Jeune (Archiv fur Geschichte der Philosophie, III, 3,
p. 386) ; un commentaire sur les Aphorismes d'Hippo-
crate, publié par Dietz qui en a établi l'inauthenticité ; un
commentaire sur les quatre premiers livres et le huitième
de h Physique d'Aristote, ouvrage dont l'existence même
est mise en doute; enfin une épigramme funéraire en l'hon-
neur d'une femme nommée Zosima. C.-E. Ruelle.
BiBL. : Phoïius, Bibliothèque ou Myriobiblion, cod. 242.
— J. Bru GKER, H istor la critica philosophiœ ; Leipzig, 1742,
t. II. — Ed. Zeller, Geschichte der Philosophie der Grie-
chen, 1881, t. III. — J. Matter, Hist. crit. de l'école d'A-
lexandrie, 1828 et 1840. — - J. Simon, Hist. de l'éc. d'Alex.,
1844-1845. — E. Vacherot, Hist. crit. de l'éc. d'Alex., IMQ-
1851. —Barthélémy Saint-Hilaire, l'Ec. d'Alex, (rapport
à l'Acad. des se. mor.), 1845. — Art. Damascius dans le
Dictionn. des se. philosoph., signé J. S. — C.~E. Ruelle,
le Philosophe Damascius, notice... suivie de neuf mor-
ceaux inédits avec trad. lat. (extr. de la Rev. archéoL,
1860-1861). — Ch. LÉvÉQUEj Damascius {Journal des sa-
vants, févr. 1891).
DAIMASCUS (Myth.gr.). Fondateur mythique de Damas,
fils d'Hermès et de la nymphe Halimède, qui serait allé d'Ar-
cadie en Syrie.
DAMASE l^'" (Saint), 39"^pape, élu le 1^^ oct. 366, mort
le 41 déc. 384. Sa fête se célèbre le 41 déc. Il était né en
Portugal vers 304, mais son père devint ensuite prêtre en
l'église Saint-Laurent à Rome. Quand Libère fut rélégué
en Thrace par l'empereur Constance, Damase le suivit, puis
l'abandonna pour se rallier à Félix II, successeur du pape
exilé ; quand Félix eut été disgracié à son tour, et que Libère
fut rétabli en son siège pontifical, Damase revint à Libère
et rentra, dit-on, en grâce auprès de lui. Néanmoins, après
la mort de Libère, un parti, composé en majorité des anciens
adhérents de Félix, s'empressa d'élire Damase. D'un autre
côté, les partisans de Libère élurent Ursicinus, qui fut
sacré par l'évêque de Tivoli. Ces dissensions déterminèrent
des tumultes dont un historien païen, Ammien Marcelin,
constate la violence, sans en attribuer la responsabilité à
l'un des deux rivaux plutôt qu'à l'autre. Mais une plainte.
Liber precum , adressée à l'empereur par des prêtres de
Rome, reproche à Damase d'avoir, le jour de son élection,
fait envahir la basilique Julienne par un bas peuple armé
de bâtons, et le 26 oct. suivant, d'avoir dirigé contre la basi-
lique Libérienne, occupée par ses adversaires, une attaque
oii cent soixante personnes furent frappées par l'épée. Le
préfet Juventius, incapable de réprimer cette émeute, quitta
Rome, et comme Damase était resté maître du terrain,
Ursicinus fut banni. Au mois d'oct. 367, il fut autorisé
par Valentinien à rentrer à Rome ; mais son retour ayant
suscité un nouveau conflit, il fut définitivement expulsé.
Le pontificat de Damase tient une place considérable en
l'histoire de la papauté. Il la doit : 1^ à la vigueur avec
laquelle ce pape agit contre les hérétiques et les schis-
matiques de diverses dénominations, notamment contre les
ariens, les apollinaristes, les priscillianistes ; 2^ à son zèle
pour le culte des saints et spécialement des martyrs, aux
inscriptions qu'il composa pour eux, aux travaux qu'il
ordonna pour découvrir leurs tombeaux, et à la grande
oeuvre qu'il accomplit dans les Catacombes (V. ce mot et
FuRius Dyonisius Filocalus , Inscriptions damasiennes) ;
3^* à son énergie pour le maintien de la discipline et des
bonnes mœurs ecclésiastiques ; 4° à la faveur qu'il accorda
au monachisme qui avait encore beaucoup d'adversaires en
Occident. — Saint Jérôme, l'ardent propagateur de ce
genre d'ascétisme, appelle Damase un homme illustre, le
docteur vierge de l'église vierge (ce pape avait été accusé
d'adultère, et ses adversaires prétendaient qu'il était le
favori des dames de Rome). Jérôme avait été le secrétaire
de Damase, et il en resta le constant ami; il entreprit sur
sa demande le grand travail de revision et de traduction du
texte de la Bible, d'où est sortie la Vulgate. Leur corres-
pondance commence en 376 et ne finit qu'en 384. Six des
lettres de Jérôme à Damase ont été conservées. — Ce pape
a assemblé à Rome plusieurs conciles. Les plus impor-
tants sont mentionnés en notre Encyclopédie dans les
notices affectées aux matières qu'ils ont réglées. Le 11^ con-
cile œcuménique (Constantinople, 381-382) se tint sous ce
pontificat ; mais il fut convoqué directement par Théodose P^
et il ne parait point que Damase y ait été représenté par des
légats. — Il avait composé sur la Virginité un poème qui
est perdu. Il reste de lui sept ou huit lettres, dont deux
sont jointes aux œuvres de saint Jérôme. Toutes les autres
qui lui ont été attribués sont aujourd'hui considérées comme
fausses, ainsi que les décrets mis sous son nom. Toutefois,
quelques auteurs modernes lui attribuent une partie du
document connu sous le nom de Décret de Gelase^ et en
particulier le catalogue des livres saints, célèbre en l'his-
toire du canon. Depuis longtemps, personne ne le suppose
plus être l'auteur du Liber pontificalis. Ses œuvres ont
été publiées à Rome (1632 et 4754) et à Paris (4672, avec
une vie, et 4845). Ses inscriptions dédicatoires se trouvent
dans le deuxième volume des Inscriptiones christianœ de
Rossi (Rome) ; ses lettres, chez Constant, Epistolœ roma-
norum pontificum (Paris, 4721, in-foL). E.-H. Vollet.
BiBL. : Baronius, Annales ecclesiastici ; Lucques, 1738
et suiv., 38 vol. in-fol. — Tillemont, Mémoir^es pour ser-
vir à l'histoire ecclésiastique des six premiers siècles ;
Paris, 1693-1712, 16 vol. in-4. — Cave, Historia litteraria
scriptorum ecclesiasticorum ; Oxford, 1740-1743, 2 vol. in-fol.
— Hefelb, Conciliengeschichte; Fribourg, 1873. — Thiel,
De Decretali Gelasii; Braunsber^, 1866. — Northcote-
Allard, Rome souterraine; Paris, 1877. — Artaud de
MoNTOR, Histoire des souverains pontifes ; Paris, 1847-1849,
8 vol. in-fol.
DAMASE II, 455« pape. Couronné le 47 juil. 4048, il
mourut à Palestrina vingt-trois jours après, empoisonné,
dit-on, par Benoît IX, pape déposé en 4046, mais qui avait
prétendu reprendre le siège pontifical après la mort de Clé-
ment II. Il était évêque de Brixen (Tirol) lorsque Henri III
dit le Noir le nomma pape et l'envoya à Rome pour suc-
céder à Clément IL Les Romains le reçurent avec honneur ;
mais aucune élection formelle ne paraît avoir ratifié le
choix de l'empereur. C'est pourquoi plusieurs historiens
contestent la validité de sa nomination. E.-H. V,
BiBL. : Platina, In vitas summorum pontificum ad
SixlUTn JV; Venise, 1479, in-fol., continué par Panvinio,
Epitome pontificum. romanorum usque ad Paulum IV;
Venise, 1567, in-4. — Hôfler, Die deutschen Pâpste; Ra-
tisbonne, 1839, 2 vol. in-8.
DAMASEN (Myth. gr.). Géant, fils de la Terre (Gaia),
élevé par Eris, armé par Ilithye, barbu dès sa naissance
{Nonn, Dion. , 25) ; on le rapproche à^Damysus (V. ce nom).
— 797 —
DAMASONIUM — DAMASSÉ
DAMASONIUM (Damasonîum Tourn.) (Bot.). Genre
d'Alismacées, voisin des Alisma (V. ce mot), dont il diffère
par le fruit composé de six à huit carpelles comprimés
latéralement, soudés inférieurement, puis divergents en
étoile. L'espèce type, D, stellatum Rich. {Alisma Dama-
sonium L.), est une herbe aquatique, commune en France
sur les bords des étangs et dans les lieux sablonneux
inondés l'hiver. Ed. Lef.
DAMASQUINAGE (Orfèvr.).Le damasquinage consiste à
incruster certains ornements, d'or ou d'argent, dans un
autre métal plus commun, comme le cuivre, le fer ou l'acier.
Après avoir fait bleuir sur le feu les vases ou les pièces
qui doivent être damasquinés, on y burine au poinçon ou
à l'eau-forte les lignes du dessin que l'on veut y repré-
senter. On incruste ensuite dans ces alvéoles des fils mé-
talliques que Ton frappe à l'aide d'un marteau, jusqu'à ce
qu'ils adhèrent complètement au fond du champ et qu'ils
fassent corps avec lui. On y passe enfin une lime douce
pour aplanir les bavures et pour polir la surface. On a
parfois recours à la galvanoplastie pour remplacer écono-
miquement le travail long et dispendieux du damasquinage,
mais ce travail n'a plus la même valeur artistique.
Dès l'antiquité on rencontre des pièces de métal incrustées
d'or et d'argent. Nos musées en possèdent de remarquables
spécimens qui proviennent de l'Egypte, de la Grèce et de
l'Italie. Une partie du mobilier retrouvé dans les fouilles
de Pompéi est de bronze incrusté d'argent. Ce travail était
réservé aux ciseleurs et on le désignait alors sous le terme
de cœlatura. Il fut moins pratiqué dans les siècles qui
suivirent les invasions des Barbares et il fut remplacé le
plus souvent, à l'époque du moyen âge, par les procédés
de l'émail champlevé dans le cuivre, qui n'est à proprement
parler qu'une sorte de damasquine obtenue au moyen d'une
matière fusible et de couleurs variées, étendue dans des
cloisons évidées par le burin.
Par contre le damasquinage prit un énorme développe-
ment dans les contrées orientales et les pièces les plus dé-
licates provenaient de la ville de Damas dont les fabriques
artistiques devinrent si florissantes au moyen âge. Les
villes du Caire et de Grenade, la Perse et différentes cités
de l'Asie Mineure s'adonnèrent à cette industrie, mais les
ouvriers les plus habiles résidaient à Damas, et quelques-uns
ont gravé leurs noms sur les beaux vases qui nous sont
parvenus et qui datent du xm® siècle. Le damasquinage
était un travail spécial à Damas et les Vénitiens introdui-
saient en Occident les armes et les vases, les verreries et
les étoffes à la façon de Damas,
Le goût des armures de luxe qui fut si général en Eu-
rope vers la fin du xv® siècle, amena dans nos contrées la
résurrection de cet art oublié. Les armuriers de Venise et
de Milan, ceux d'Augsbourg et de Nuremberg, ainsi que
ceux de Paris et de Lyon imitèrent d'abord les cimeterres
de Damas et de Grenade, mais ils ne tardèrent pas sinon à
surpasser la perfection des inimitables damasquineurs
orientaux, au moins à entreprendre des pièces considérables.
François P"* et Charles-Quint rivalisaient pour la somptuosité
de leurs harnais de guerre, comme ils le faisaient pour la
suprématie politique, et les plus grands artistes ne dédai-
gnaient pas de dessiner ces modèles qui étaient ensuite
damasquinés, ciselés et repoussés dans les ateliers de
Milan et d'Augsbourg. Rien de plus admirable que les ron-
daches, les casques, les cuirasses d'homme et de cheval et
les épées qui sont conservés à l'Armeria de Madrid, au
palais de Tsarskoé-Selo, aux musées d'artillerie de Turin et
de Paris et dans les grandes collections particulières. On
connaît aussi de nombreux coffrets et des cassettes précieu-
sement damasquinées à l'époque de la Renaissance. Lors-
qu'on eut renoncé aux armures de guerre, par suite des
progrès de l'artillerie, le travail de la damasquine n'eut
plus la même faveur et il fut peu à peu réduit à n'être
plus qu'un accessoire de la bijouterie et de l'orfèvrerie. On
incruste encore des lamelles d'or et d'argent dans les
cloisons burinées du cuivre ou du fer pour exécuter des
vases et des coffrets, mais les artistes qui se sont voués à
cette production artistique ne sont suivis que par un petit
nombre d'imitateurs. Nous ajouterons que les ouvriers de
l'extrême Orient qui se sont toujours distingués par leur
dextérité prodigieuse à travailler les métaux, nous envoient
des pièces remarquables de damasquinure. Les plus gra-
cieuses et les plus originales de ces œuvres proviennent de
l'empire du Japon. A. de Champeaux.
BiBL. : H. Havard, le Dictionnaire de l'ameublemenL
— P. BuRTY, l'Art décoratif,
DAMASQUINE (OEuvres à la) (V. Damasquinage).
DAMASQUINEUR. Ouvrier employé à exécuter le tra-
vail du damasquinage (V. ce mot).
DAMASQUINURE (Orfèvr.) (V. DAMASQmNAGE).
DAMASSÉ.I. Tissage. — Tissu employé pour la confec-
tion des linges de tables, nappes et serviettes, et présentant
des dessins analogues à ceux des damas, obtenus par les mêmes
procédés de tissage ; les matières employées pour la fabrica-
tion sont des fils de lin plus ou moins fins suivant la qua-
lité des tissus que l'on veut produire, soit blancs, soit
écrus, ou crémés ou teints. Avec des fils plus grossiers on
fabrique également des tissus damassés pour matelas et
literie, souvent à chaîne noire et trame blanche. Les linges
damassés se fabriquent dans toutes les régions, en Angle-
terre, Belgique, Hollande, Allemagne, Suisse, etc. En
France, les principaux centres de fabrication sont Lille,
Armentières, Pont-Remy, Hallencourt, Panissières qui
a donné son nom à des articles en fils jaunes tramés en
blanc. P. GoGUEL.
IL Métallurgie. — L'acier damassé est celui qui pré-
sente des moirures ou dessins sur sa surface, mise à nu par
une attaque aux acides etpoHe. Ce mot vient de Damas, ville
de Syrie, longtemps célèbre par la fabrication des lames
damassées. L'acier Wootz, ou acier damassé, sert surtout
à faire des lames de sabre très élastiques et très résis-
tantes. On l'obtient dans l'Inde de la façon suivante : on
prend des morceaux de fer affinés au bas foyer, on les
met dans de petits creusets d'argile avec un dixième en
poids de bois sec, fendu menu ; le tout est recouvert d'une
ou de deux feuilles vertes ; après quoi on bouche les
creusets avec une poignée d'argile crue, versée de manière
à empêcher l'accès de l'air. Le bois qu'on choisit toujours
pour fournir du carbone au fer est le Cassia auriculata
et la feuille qui recouvre le fer vient de VAsclepias gi-
gantea. Dès que l'argile est sèche, on forme avec les
creusets une voûte ; un tuyau d'argile relié à deux souf-
flets en peau de bœuf fonctionnant alternativement, pé-
nètre au fond du foyer. Le vent est donné pendant deux
heures et demie. Quand la fusion est achevée, la surface
du gâteau est recouverte de stries rayonnant à partir du
centre, sans qu'il y ait de trous ni de saillies raboteuses.
Si la fusion a été imparfaite, la surface offre l'aspect d'un
gâteau de miel et montre souvent des fragments de fer
encore à l'état malléable. Pour étirer en barres les gâteaux
d'acier, qui pèsent 1 kilogr. en moyenne, on les soumet
pendant plusieurs heures dans un peu de charbon de bois,
à une température à peine inférieure à leur point de fusion.
Le feu est activé par les soufflets et l'on fait agir le vent
sur les gâteaux, tandis qu'on les retourne devant le foyer.
On en a conclu que, pour assurer la fusion du métal du
creuset, il faut employer une dose de carbone plus forte
que pour l'acier le plus dur et qu'on est ainsi obligé d'en-
lever après coup l'excès de carbone introduit. Voici une
analyse d'acier damassé :
Carbone combiné 1,333
Graphite 0,342
Silicium 0,045
Soufre 0,181
Arsenic 0,037
Fer par différence 98,092
100,000
L'explication du damassage se trouve dans la différence
DAMASSÉ — DAMBONITE
— 798 —
cFaspecl que présentent les aciers, quand on les soumet à
l'attaque d'un acide et qu'ils renferinent plus ou moins de
carbone : plus l'acier est doux et plus sa teinte est claire,
plus il est dur et carburé, plus, au contraire, il y a de
dépôt de carbone et plus la teinte est foncée. Le vrai da-
massage est donc dû à une composition chimique et à un
défaut d'homogénéité spéciaux. On l'imite de la manière
suivante. On prend des tiges ou verges d'acier de diffé-
rentes duretés; on les entrelace d'une manière confuse,
on les soude en les tordant sous le marteau, puis on les
replie, de manière à obtenir une grande variété de figures
quand on polira et décapera la surface. C'est ainsi que se
font les canons de Paris pour fusils de chasse. On peut
produire un damassage superficiel, mais qui ne résiste pas
à un frottement un peu énergique et encore moins au re-
passage, en recouvrant certaines parties des lames de cou-
teau de chasse ou de rasoir, d'un enduit gras; puis on
traite par l'acide azotique qui attaque les parties seules
qui n'ont pas été touchées par le corps gras. On peut, par
exemple, tremper dans l'huile une brosse de peintre et on
frottant l'extrémité des poils avec une tige quelconque, il
se fait une pluie fine de gouttelettes d'huile qui vient frapper
irrégulièrement la lame d'acier et produire au décapage un
damassé brillant sur fond gris. Pour obtenir des dessins à
plus grands ramages, on cherche à étendre les parties hui-
leuses en employant différents moyens. L. Knab.
DAMASTÈS (Myth. gr.). Géant embusqué entre la
plaine d'Athènes et celle d'Eleusis, qui saisissait les voya-
geurs, les étendait sur un ht, les raccourcissant p'ils
étaient trop longs, les allongeant en les martelant s'ils
étaient trop courts; on l'avait surnommé Procmste, Il fut
tué par Thésée.
DAMAZAN. Ch.-l. de cant. du dép. de Lot-et-Garonne,
arr. deNérac; 4,734 hab. — Cette bastide, fondée par
Alfonse de Poitiers, porta durant quelques siècles le nom
de Caslel-Comtal. Ce tut un chef-lieu de baihiage de la sé-
néchaussée d' A gênais. Administrée par les Anglais dès la
fin du XIII® siècle, cette ville neuve fut réunie à la couronne
d'Angleterre en 1318, puis en 1342. Elle fut prise par
l'évêque de Beauvais, en 1343, reprise par le comte de
Derby en 1345. Jean, duc de Normandie, s'en empara en
1346, après quinze jours de siège. A la fin du xiv^ siècle,
elle fut confiée à Nompart de Caumont ; puis, étant tombée
aux mains des Français, elle fut reprise, en 1439, par le
comte de Fonthinton. Après sa réunion à la couronne de
France, Damazan lut cédé par Charles VI à Amanieu
d'Albret. Charles de Montpezat s'y établit par violence, ce
qui donna lieu à un procès qui dura pendant tout le règne
de Louis XII. Au cours des guerres de religion du xvi^ siècle,
Moulue, le vicomte de Turenne, Henri de Navarre occu-
pèrent successivement Damazan. — On peut juger encore de
la parfaite régularité du plan de la bastide de Damazan, assise
sur un haut plateau. La halle est élevée sur une place cen-
trale bordée d'iircades ; au premier étage se trouvent les
salles qui constituent Fhôtel de ville. L'ensemble de cette
construction rappelle les plus anciens types. G. Tholin.
BiBL. : J.-F. Samazeuilii, Dici. de Vavv. de Nérac ; Nérac,
1881, in-8.
DAMAZE DE Chaudordy (V. Chaudordy).
D A MAZE DE Raymond, littérateur français, né à Agen
en 1770, mort le 27 févr. 1813. Chargé d'affaires à Raguse
en 1802, il entra en 1812 à la rédaction du Journal de
V Empire, où il fit la critique littéraire et théâtrale et où
il se distingua par son âpreté et sa violence. Il fut tué en
duel. On a de lui : Réponse aux attaques dirigées contre
M. de Chateaubriand (Paris, 1812, in-8) ; Tableau his-
torique, géograpliique et moral de V empire de Russie
(Paris, 1812, 2 vol. in-8) ; une traduction de la Vie de
Marie Stuart de Gentz (1813), etc.
DAMAZONIUM (Bot.) (V. Damasonium).
DAMBACH (Tambacum, 1125). Com. de la Basse-
Alsace, arr. de Schlestadt, cant. de Barr, sur le chemin de
fer de Saverne à Schlestadt, au pied d'un contrefort des
Vosges, couronné par les ruines du château de Bernstein
(V. ce nom) ; 2,742 hab. Vignobles d'une superficie de
plus de 100 hect., produisant des vins estimés. Dambaeh
était autrefois une petite ville fortifiée, formée en 1340 par
la réunion des deux villages d'Altenheim et d'Oberkirch.
Les évêques de Strasbourg auxquels elle appartenait, la
firent entourer au xiv® siècle de murailles qui subsistent
encore en grande partie, ainsi que trois portes gothiques
surmontées de tours. Pendant le siège qu'elle eut à sou-
tenir en 1444 par les Armagnacs, le dauphin (Louis XI),
leur chef, fut blessé au genou par une flèche. En 1642, les
Suédois qui l'occupaient pendant la guerre de Trente ans,
y furent assiégés sans succès par les Lorrains. — A l'O.,
au milieu des vignobles qui dominent le village, s'élève
la chapelle de Saint-Sébastien, lieu de pèlerinage avec
tour romane, nef gothique, de belles verrières du xv^ siècle
et un curieux maître-autel en bois sculpté, style Renais-
sance. Dambaeh porte d'azur à un château d'or sur un
rocher d'argent. L. Will.
BiBL. : Grandidier, Œuvres inédites, V, 324 et suiv. —
Congrès archéologique de France, tenu à Strasbourg en
1859 ; Paris, 1860, 380, 384, 424. — Ch. Grad, A Travers
l'Alsace et La Lorraine, dans le Tour du Monde, 27 oct.
18b8, p. 268.
DAIVIBACH (Otto), administrateur allemand, né à Quer-
furt (Saxe prussienne) le 16 déc. 1831. Il fut appelé, en
1862, à l'administration des postes prussiennes, nommé,
en 1873, professeur de droit criminel et international à
l'université de Berhn. Il est l'auteur principal de toute
l'organisation et la législation de l'empire sur les postes et
télégraphes, sur les droits d'auteur, de reproduction, etc.
Il a écrit des ouvrages très appréciés, parmi lesquels nous cite-
rons Das Telegraphen-Strafrecht (Berlin, 1872), commen-
aire de la loi postale souvent réédité, ainsi que ses commen-
taires sur les diverses lois relatives aux droits d'auteur, etc.
DAMBELIN. Com. du dép. du Doubs, arr. de Montbé-
liard, cant. de Pont-de-Roide ; 360 hab.
DAM BEN 01 S. Com. du dép. du Doubs, arr. de Mont-
béhard, cant. ^d'Audincourt ; 151 hab,,
DAM BENOÎT. Com. du dép. de la Haute-Saône, arr.
de Lure, cant. de Luxeuil ; 383 hab.
DAMBLAIN {Dambelain). Com. du dép. des Vosges,
arr. de Neufchâteau, cant. de Lamarche, sur le Follot,
sous-affluent de la Meuse, et le chemin de fer de Nancy à
Langres ; 755 hab. Distillerie de betteraves, confection de
gants de peau, tannerie, huilerie, source minérale, carrières
de calcaire à gryphées arquées, dont les produits, connus
sous le nom de pierre de Damblain, sont employés pour
le pavage ; possédait autrefois un couvent de récollets et
un collège. Damblain était une ancienne seigneurie du
duché de Bar, érigée enbaronnie en 1720 et portait d'azur
à un arbre cVor fruité de même. Patrie de Jean Villot
(xv^ siècle), médecin de René d'Anjou ; de François Briot,
graveur en médailles, ciseleur et maître potier d'étain du
xvi^ siècle. L. W.
DAMBLAINVILLE. Com. du dép. du Calvados, arr. et
cant. de Falaise ; 344 hab.
DAMBONITE (Chim.).
^ ^^ (Equiv... c^m^^o^^—ù^m^oHcmw)^.
^^™- JAtom... CWW^ =rCWW(CH3)2.
Principe cristallisable, extrait par A. Girard du caout-
chouc du Gabon, en traitant par l'alcool ce produit hquide,
évaporé à une douce chaleur. La dambonite est une matière
blanche, très soluble dans l'eau et dans l'alcool faible, peu
soluble dans l'alcool absolu. Elle fond vers 190^ et se
volatilise au-dessus de 200^, sans altération. Par sublima-
tion, elle se présente sous forme de longues aiguilles, fines
et brillantes; l'alcool à 95^ l'abandonne en prismes anhydres,
appartenant au prisme droit rhomboïdal; dans l'eau, elle
cristallise en prismes obliques, qui retiennent trois molécules
d'eau de cristallisation.
A 100<*, l'acide iodhydrique la dédouble en inosite,
(]i3|ji2Qi2^ et en éther méthyliodhvdrîque :
- 799
DAMBONITE - MME
LWde chlorhydrique, à 410^, produit le même dédou-
blement. La dambonite est donc l'éther diméthylique de
Finosite. Véther monométhylique de l'inosite C^^H^^O^^
(C^H^O^) constitue la bornésite, matière sucrée, qu'on
extrait de la même manière du caoutchouc de Bornéo.
BiBL. : Aimé Girard, Sur un nouveau principe volatil
et sucré, trouvé dans le caoutchouc du Gabon^ Comptes
rendus, t. LXVII, 820. — Maquesme, Ann. de chim. et de
phys., t. XXII, p. 264.
DAMBOUL. Village de l'île de Ceylan,à 112 kil. N.-E.
de Colombo, sur la route de Trincomale. A environ % kil.
de Damboul se trouve le rocher de Damboulagalla, dans
Fintérieur duquel est caché le sanctuaire du Bouddha ré-
puté pour son antiquité, sa grandeur et la richesse de sa
décoration. Le rocher est un énorme amas de gneiss et de
micachiste, sans verdure, ayant la forme d'un crâne hu-
main vu par derrière. Sur le côté sud, à environ 30 m.
du sommet, s'ouvrent les cinq grottes d'inégale grandeur,
la plus grande ayant 50 m. de long sur 22 m. de large et
9 m. de haut. On les a transformées en chapelles où l'on
voit une énorme statue de Bouddha accroupi parmi d'autres
figures semblables, toutes taillées dans le roc, de nom-
breuses sculptures, et des illustrations coloriées du boud-
dhisme. Le temple a été restauré et embelli par Kirti Nis-
sanga qui y a fait mettre 72,000 statues de Bouddha.
DAMBOURNEY (Louis-Auguste), chimiste et botaniste
français, né à Rouen le 10 mai 1722, mort à Rouen le
2 juin 1795. Nommé en 1761 secrétaire de la classe des
sciences de l'académie de Rouen et vers la même époque
directeur du Jardin botanique de cette ville, il s'occupa
activement des applications de la botanique et de la chimie
à l'économie domestique et à l'industrie. Principales publi-
cations : Recueilde procédés et expériences sur les tein-
tures solides que nos végétaux indigènes communiquent
aux laines et aux toma^é?s (Paris, 1786, in-S ; 3^édit.
1793); Instruction sur la culture de la garance^ etc.
(Paris, 1788, in-4) ; le Coup d' œil purin (poème sati-
rique en patois normand ; Rouen, 1774, in-8). D'' L. Hn.
DAMBOVICIOARA. Grotte célèbre dans le district rou-
main de Muscel, près du village de Rucar. D'admirables
stalactites en décorent les parois.
DÂMBOVITSA. Rivière de Roumanie. Elle prend sa
source dans les Carpates, au mont Gesera (2,407 m.) (dis-
trict de Muscelu) et se jette dans FArgesû au village de
Budessci (district d'Ilfolvu), après avoir arrosé Bucarest.
Elle reçoit les eaux de la CoHntina, de la Ternica, du Riu-
thor, etc. La Dàmbovitsa est canalisée à Bucarest : elle
est loin cependant d'être navigable.
DAM B RAY (Charles-Henri, vicomte), magistrat et homme
politique français, né à Rouen le 11 oct. 1760, mort à
Montigny, près de Dieppe, le 12 déc. 1829. Avocat gé-
néral à la cour des aides en 1779, puis au parlement de
Paris en 1788, il s'était fait remarquer dans plusieurs
procès importants, lorsque la Révolution brisa une car-
rière qui promettait d'être îrès brillante. Fidèle à l'an-
cien régime, Dambray se retira dans ses terres et vécut
dans la plus profonde retraite jusqu'à la Restauration,
occupant ses loisirs à une vaste correspondance avec
les Bourbons. Il ne fut point inquiété, grâce, dit-on, à
la protection du conventionnel Alquier{V, ce nom). Le 28
vendémiaire an IV, les électeurs de la Seine le nommèrent
député au conseil des Cinq-Cents. Il démissionna aussitôt
et ne consentit à accepter que les fonctions de juge de paix
et de conseiller général de Seine-Inférieure. Dès sa ren-
trée en France, Louis XVIII nomma Dambray chancelier de
France et président de la Chambre des pairs (13 mai 181 4)
et lui confia les sceaux. Pendant les Cent- Jours, il passa en
Angleterre, puis à Gand. Après Waterloo, il reprit la pré-
sidence de la Chambre des pairs, mais non les sceaux qui
furent donnés à Cambacérès (20 mars 1815) et qu'il ne
posséda plus que par intérim, du 7 mai 1816 au 19 janv.
1817, Comme ministre, Dambray se montra royaliste
intraitable et partisan des mesures les plus impolitiques.
Comme président de la Chambre des pairs, il sut se conci-
lier toutes les sympathies par son impartialité. Ce fut un
très honnête homme, un orateur disert, mais un homme
d'Etat fort médiocre. Ce fut lui qui présida la cour des
pairs lors du procès du maréchal Ney et de la conspira-
tion de 1820. Il avait été nommé membre libre de l'Aca-
démie des inscriptions en 1816 ; il avait contribué la
même année, avec Barbé-Marbois et Guizot, au rétablisse-
ment du Journal des Savants.
BiBL. : H. DE SÉMONviLLE, Dlscours à l'occàsîon du
décès de M. le chancelier Dambray ; Paris, 1830, in-8. —
Laporte-Lalanne, Notice nécrologique sur M. C.-B. Dam-
bray, chancelier de France ; Paris, 1830, in-8. — Roux-
Laborie, le Chancelier Dambray dans Journal des Débats
du 17 avr. 1814.
DAMBRAY (Charles-Emmanuel-Henri, vicomte), homme
politique français, né à Paris le 21 janv. 1785, mort au
château de Montigny (Seine-Inférieure) le 26 févr. 1868,
fils du précédent. Maître des requêtes au conseil d'Etat,
conseiller d'Etat, grand maître des cérémonies des ordres
du roi, il fut promu pair de France le 17 août 1815. Il
refusa de reconnaître le gouvernement de Juillet et rentra
dans la vie privée jusqu'au 13 mai 1849, date à laquelle
il fut élu député de la Mayenne à l'Assemblée législative.
Il y siégea à droite ; mais, sans aucune sympathie pour le
prince Napoléon, il se retira de nouveau des affaires publi-
ques après le coup d'Etat du 2 déc. 1851.
DAMBRON. Corn, du dép. d'Eure-et-Loir, arr. de Châ-
teaudun, cant. d'Orgères; 228 hab.
DANIGKE (Berthold), musicien allemand, né à Hanovre
le 6 févr. 1812, mort à Paris le 15 févr. 1875. H vécut
à Hanovre, à Francfort-sur-le-Main, à Kreuznach, à Pots-
dam, Kœnigsber|, Saint-Pétersbourg, Bruxelles (où il se
maria), et à Paris depuis 1859, où il devint le corres-
pondant des journaux de musique russes et allemands. On
lui doit deux oratorios, Deborah et Noël; des chœurs pour
le Faust de Gœthe; une ouverture de concert; un opéra,
Kaetchen von Heilbronn (1845); des chants pour voix
seule et pour quatre voix d'hommes ; des thèmes variés,
des mélodies, des rondes sur des motifs d'opéra; six petites
pièces intitulées Intermezzi, et des morceaux caractéris-
tiques pour le piano, etc. Il a écrit des articles de musique
dans les revues étrangères, ainsi que dans la Revue et
gazette musicale de Paris* Admirateur et ami dévoué de
Berlioz, il fut l'un de ses exécuteurs testamentaires. Ajou-
tons qu'il a consacré tous ses soins à la belle édition des
œuvres de Gluck entreprise par M^^^ Pelletan. A, Ernst.
DAME ou DAM. I. ConstructioxN. — Mot venu du fla-
mand dam (chaussée) et qui désigne des espèces de digues
que l'on réserve, au fur et à mesure des travaux de creu-
sement d'un canal, afin de retenir l'eau et d'empêcher-
qu'elle ne gêne les travailleurs. On appelle aussi dame,
dans les travaux de fondation, de petits monticules ou des
langues de terre naturelle et munie de sa couche de gazon
que l'on conserve de place en place pour servir comme de
témoins de l'état primitif du terrain et permettre ainsi de
calculer le cube de terre enlevé. Ch. L.
IL Métallurgie. — On donne le nom de dame à la partie
du creuset d'un haut fourneau qui bouche l'orifice servant
à l'écoulement de la fonte et des laitiers et qu'on appelle
avant-creuset. On tend à supprimer les avant-creusets des
hauts fourneaux qui sont une cause de refroidissement pour
le métal et par suite à se passer de dame. La coulée de la
fonte se fait alors par un orifice spécial pratiqué dans la
partie antérieure de la muraille du creuset ; quant à la
coulée du laitier, elle a lieu d'une manière presque con-
tinue au moyen d'une tuyère métallique rafraîchie par un
courant d'eau. L. K.
III. Marine. — Tolets plats qui reçoivent entre eux les
avirons d'une embarcation. Les avirons s'installent aussi
quelquefois à l'aide d'un seul tolet métallique et d'une
estrope qui les retient au tolet. Sur les baleinières, la
dame est souvent remplacée par une simple fourche en fer ;
d'autres fois, la dame dépasse le plat-bord et reçoit inté-
rieurement une garniture en cuivre. Le but, dans ces dif-
DAME — DAMES
800 —
férents cas, est de créer un point fixe, de manière à em-
pêcher l'aviron de glisser pendant la nage. D'après Jal, le
mot dame viendrait de Fanglo-saxon dam, sorte de digue
résistante. Les tolets, en effet, servent de digue en mam-
tenant l'aviron au m^moi point.
DAME d'Onze heures (Bot.) (V. Ornithogale) .
DAME- Jeanne (Verrerie) (V. Bonbonne).
DAME-Sainte. Com. du dép. du Cher, arr. de Bourges,
cant. de Charost; 476 hab.
DAMÉ AS, de Crotone, sculpteur et fondeur grec de la
fm du VI® siècle. Il n'est connu que comme l'auteur d'une
statue représentant le fameux athlète Milon de Crotone
(Pausanias, VI, 44, 2; Philostrate, Vie d'ApolL de
Tyane, IV, 28) . On croit avoir retrouvé à Olympie la base
de cette statue (E. Lœwy, Inschriften griech. Bildhauer^
no 414). J. M.
DAM EL (Jean), peintre polonais, né en Courlande en
4780, mort à Minsk le 30 sept. 4840. Au sortir des
écoles il se mit à étudier le dessin et la peinture, d'abord
seul, à Mitawa, puis sous la direction de Smuglewicz
et de Rustem, à Vilna, où il resta jusqu'en 4820. Il
obtint même l'emploi de professeur suppléant de peinture
à l'université de cette ville. Impliqué par erreur dans un
procès, il fut déporté en Sibérie, où il resta deux ans, et,
s' étant concilié aussitôt la faveur du gouverneur, il se mit
résolument au travail, couvrant de ses peintures les murs
de l'église des Bernardins de Tomsk et du temple évan-
gélique de Tobolsk, et exécutant nombre de portraits. C'est
de cette période que date un très intéressant journal,
illustré par lui, de voyages à travers la Sibérie ; ce recueil
fait partie de la collection Tyszkiewicz. Rentré à Minsk,
Damel continua à produire plus que jamais . Indépendam-
ment des peintures religieuses (dont la plus importante est
le Christ au jardin des Oliviers^ placée au-dessus de
son tombeau), il a laissé plusieurs tableaux d'histoire, ainsi
que quantité de croquis et d'aquarelles représentant divers
épisodes de la retraite de Russie en 4842. C'est dans ces
menus travaux que se révèle surtout le talent de Damel.
Son dessin est presque toujours juste, quoique très hardi et
humoristique. Comme peintre il n'est que médiocre; son
coloris surtout laisse à désirer et son imagination, faute
de beaux modèles qu'il n'eut jamais l'occasion de voir, ne
s'est pas suffisamment développée. Deux de ses aquarelles,
V Entrée des Français à Vilna et les Français sur la
place de l'Hôtel de Vilna en i8i2, ont été gravées sur
pierre à Paris, par P. Adam et Bichebon. F. Trawinskï.
BiBL. : Rastawiecki, Dictionnaire des peintres polonais
(en polonais) ; Varsovie, 1850.
DAMELEVIERES. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle,
arr. de Lunéville, cant. de Bayon; 540 hab.
DAMEMARIE. Com. du dép. de FEure, arr. d'Evreux,
cant. de Breteuil; 459 hab.
DAMEMARIE. Com. du dép. d'Indre-et-Loire, arr. de
Tours, cant. de Châteaurenault; 435 hab.
DAMEMARIE. Com. du dép. de l'Orne, arr. de Mor-
tagne, cant. de Bellèmc; 547 hab. Eglise curieuse du
xv^ siècle avec diverses parties du xvi®.
DAMER (Anne Seymour), sculpteur anglaise, fille du
maréchal Henry Seymour Conway, née en 4748, morte
en 4828 à Londres. Devenue veuve en 4776, elle se consacra
à la sculpture. Ses œuvres les plus connues sont : la statue
colossale de George HI, à Edimbourg, les bustes, de dimen-
sions colossales également, de la Tamise et de VIsis à
Henley-Bridge, les bustes de Sir John Banks, son propre
buste au British Muséum, celui de sa mère à Sunbridge et
celui de la Vicomtesse de Melbourne à Panshanger, etc.
BiBL. : Redgrave, Dictionary of artists of the english
school.
DAMERAUCOURT. Com. du dép. de l'Oise, arr. de
Beauvais, cant. de Grandvillers ; 299 hab. La seigneurie
de ce lieu appartint successivement aux maisons de Lannoy,
de Saint-Simon, de Lameth et de Grasse. Le château était
un monument remarquable du xiv^ siècle. L'éghse est go-
thique; le clocher est une grosse tour carrée de style
gothique rayonnant. Souterrain-refuge. Chapelle dé(hée à
saint Denis dans le cimetière. C. St-A.
DAMEREY. Com. du dép. de Saône-et-Loire, arr. de
Chalon-sur-Saône, cant. de Saint -Martin-en-Bresse ;
4,740 hab.
DAMERGHOU. Contrée de l'Afrique centrale, au N.-E.
du Bornou, à laquelle Barth donne une longueur de 60 milles
géographiques et une largeur de 40 milles. Elle est partagée
en quatre districts principaux qui sont chacun administrés
par un chef à peu près indépendant du chef voisin. Ce-
pendant on peut considérer le chef qui réside à Kouîa
N'Kerki comme exerçant une suprématie sur ceux qui sont
étabhs à Tagheiel, à Oialoa et à Farara. Le pays est très
fertile et pourrait avoir une population assez dense s'il
n'était l'objet d'attaques continuelles de la part des Touaregs
au N. et des gens du Bornou au S. Placée entre ces deux
ennemis, la race noire, qui peuple le Damerghou et qui
paraît appartenir à la branche des Kanoris, ne se livre
guère ni au commerce ni à l'industrie et vit misérablement.
Le nom de Gamerghou donné à une des provinces du
Bornou a vraisemblablement une communauté d'origine
avec le nom de Damerghou et n'en est peut-être qu'une
variante dialectale.
DAMERON (Charles-Emile), peintre français contem-
porain, né à Paris en 4848. Elève de Pelouse, cet artiste
débuta au Salon de 4872 par une Cour d'auberge à
Cernay 'la- Ville ; les paysages qu'il a exposés depuis cette
époque sont empruntés pour un grand nombre à cette
vallée des Vaux de Cernay que notre école contemporaine
de paysage a reproduite tant de fois sous ses aspects les
plus variés. Les tableaux de M. Dameron, bien coupés au
point de vue des masses, d'un dessin observé et précis,
animés de personnages bien groupés, ont malheureuse-
ment presque tous un aspect cendreux, morne et terne,
qu'ils doivent à une gamme de valeurs et de tons excessi-
vement sombre et rabattue, sans transparence dans les
fonds. Voici les principaux de ses ouvrages : Au bord de
l'Aven (S. 4878; mus. de Quimper; méd. de 3® cl.);
Cabane de bûcherons ; Vallée des Vaux de Cernay en
automne (S. 4881 ; mus. du Luxembourg) ; les Fagots
(S. 4882 ; méd. de 2« cl.) ; Au bord de l'étang des Vaux
de Cernay-, Matinée d'automne (S. 4884; mus. de
Semur) ; les Bords de la Sarthe, le soir (S. 4886 ; mus.
de Senlis) ; Brouillard du matin ^ Franche-Comté
(S. 4889); le Marché du cours Masséna, a Antibes
(S. 4890). Cet artiste a obtenu une médaille de bronze à
l'Exposition universelle de 4889. Ad. T.
DAMERY. Com. du dép. de la Marne, arr. et cant.
d'Epernay; 4,905 hab. Stat. du chem. de fer de l'Est,
ligne de Paris à Strasbourg. Carrières de pierre meulière ;
argile à briques, calcaire et sables fossihfères. Vins mous-
seux très estimés. Moulins, tuileries, distilleries, tonnel-
lerie, minoterie, flottage de bois. Diverses substructions
antiques, une nécropole et de curieux ateliers monétaires,
remontant à l'époque gallo-romaine, ont été découverts à
Damery dans le courant de ce siècle. Jadis fortifié, le
bourg de Damery fut saccagé en 4230 par les barons
ligués contre le comte Thibaud IV, puis en 4359 par les
bandes d'Eustache d'Auberchicourt. Henri iV y établit son
camp lors du siège d'Epernay en 4592. — Belle église
gothique des xn^, xiii^ et xiv^ siècles ; curieux chapiteaux
sculptés; tableau de la Vierge et de VEnhM Jésus, peint
par L. Watteau. Patrie de la tragédienne Aérienne Lecou-
vreur (4692-4730). A. Tausserat.
DAMERY. Com. du dép. de la Somme, arr. de Montdi-
dier, cant. de Roye; 349 hab.
DAMERY (Walter), peintre, né à Liège en 4644, mort
après 4674. Il était élève de Simon Damery et de Pietro
da Cortona et a travaillé en Italie. Son tableau principal
est une Ascension du prophète Elie. F. Courboin.
DAMES. L Jeu. — Il est difficile de savoir quelle est
l'origine du jeu de dames. Il est certain pourtant que les
anciens ont connu des jeux plus ou moins analogues. On voit
804 -
DAMES
sur les parois du pavillon de Ramsès II, à Medinet-Abou,
un tableau qui représente le pharaon jouant à l'un de ces
jeux avec une de ses femmes. Le diagrammisnos des Grecs
et les latrunculi des Romains rentrent dans cette même
catégorie. Le jeu de dames actuel ne paraît pas remonter au
delà du XVI® siècle. Les ouvrages du moyen âge tels que
les livres d'Alphonse le Sage et de Nicolas de Nicolaï qui
traitent de tous les jeux de table alors connus (échecs, mé-
relles, trictrac, etc.) ne parlent pas des dames. Mais on trouve,
au milieu du xvi® siècle, un traité espagnol du jeu de dames
par Antonio Torquemada (1547). Le premier traité du jeu
de dames paru en France est celui de Pierre Mallet (4668);
il est relatif au jeu dit français. Le jeu de dames actuelle-
ment pratiqué (jeu à la polonaise) fit son apparition sous
la Régence et ne tarda pas à supplanter complètement
l'ancien jeu français. Les joueurs de dames se réunissaient
alors dans un café qui a pris depuis le nom de café Ma-
noury. Manoury, qui était premier garçon dans ce café,
devint lui-même le plus fort joueur de dames de son temps
et publia en 4770 un traité très estimé et plusieurs fois
réimprimé depuis. D'autres ouvrages parurent dans le^
années suivantes : Blonde, 4798; Lallement, 4804; Du-
four, 4808; Everat, 4844, etc. Le traité le plus complet
que l'on ait actuellement est celui de Balédent (Amiens,
4884-4886, 3 vol. in-8). On y trouve à peu près tous les
coups de dames publiés jusqu'ici ainsi qu'une bibliographie
et des extraits des principaux ouvrages parus dans les
diverses langues. 11 existe un certain nombre de revues et
journaux qui publient des problèmes de dames : le Monde
illustre', le Gaulois, le Siècle, la Stratégie, le Soir, etc.
D'autres tels que le Gil Blas, le Télégraphe, le Vol-
taire, etc., en ont donné pendant quelques années, mais ont
cessé aujourd'hui.
Le jeu de dames, en effet, bien que cultivé dans quelques
cercles et cafés de JParis et de la province, compte des ama-
teurs moins nombreux et moins passionnés que le jeu des
échecs qui lui est réputé supérieur par la variété et la pro-
fondeur des combinaisons. Cependant, nous devons men-
tionner l'opinion d'Edgar Poe qui, dans une page fort cu-
rieuse sur l'esprit d'analyse, déclare que « la haute puissance
de la réflexion est bien plus activement et plus profitablement
mise en jeu par le modeste jeu de dames que par toute la
laborieuse complexité des échecs. Dans ce dernier où les pièces
sont douées de mouvements divers et bizarres, la complexité
est prise pour de la profondeur. Dans neuf cas sur dix,
c'est le joueur le plus attentif qui gagne et non pas le plus
habile. Dans les dames, au contraire, les probabilités d'inad-
vertance sont moindres et les avantages remportés par
chacun des joueurs ne peuvent être remportés que par une
perspicacité supérieure. » Sans discuter autrement ces ré-
flexions plus piquantes que justes, nous rappellerons que les
joueurs d'échecs habiles saisissent assez bien tout le méca-
nisme du jeu pour jouer une ou plusieurs parties de mémoire
comme l'ont fait Philidor, Kieseritzky, Morpliy, etc. 11 n'en
est pas de même aux dames : Phihdor, qui était très fort,
essaya déjouer une partie de mémoire, mais vers le douzième
coup, il brouilla les pions.
Dans l'étude suivante, nous nous attacherons au jeu de
dames à la polonaise qui est le seul pratiqué actuellement
en France; nous ajouterons seulement à la fin de l'article
quelques mots sur les jeux dits français, anglais, etc.
Le jeu de dames à la polonaise se joue sur une tablette
carrée nommée damier et composée de cent cases alterna-
tivement blanches et noires.
Le damier se place entre les joueurs, de façon que chacun
ait la grande diagonale à sa gauche.
Il n'y a que cinquante cases qui reçoivent les pions des
joueurs; au début delà partie, chacun d'eux possède vingt
pions, c,-à-d. vingt petits disques blancs ou noirs, qu'il
place sur le damier en quatre rangées ou hgnes horizon-
tales. Il existe entre chaque camp deux lignes horizontales
de cases vides sur lesquelles se font les premiers mouve-
ments du jeu.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XllI.
On a l'habitude en France, en Belgique et en Angleterre
de placer les pions sur les cases blanches ; l'usage contraire
prévaut en Allemagne, en Hollande et en Russie. Cette
différence n'a d'ailleurs aucune importance.
Diverses notations ont été proposées pour le jeu de
dames ; la meilleure et la plus répandue est celle de Ma-
noury que reproduit la figure ci-dessous :
Damier.
Pour indiquer un coup, on écrit le numéro de la case de
départ et celui de la case d'arrivée de la pièce. La grande
ligne ou ligne du milieu est la grande diagonale composée
des dix cases blanches numérotées 5, 40, 44, 49, 23,
28, 32, 37, 44 et 46. Le trictrac est l'ensemble des
cases 4 et 6 pour le premier joueur, 45 et 50 pour le second.
Les coulisses sont les rectangles de cases dont les
sommets font partie des bandes. La somme des cases de la
hauteur et de la base de cIia(|uo rectangle est toujours de onze.
Règles du jeu. — Voici les règles du jeu : 4. Les deux
joueurs jouent alternativement et commencent chacun à son
tour ; ils tirent au sort celui qui commencera la première
partie, s'ils jouent au but; sinon, celui qui reçoit avantage
commence à toutes les parties. — 2. Le pion avance dia-
gonalement à droite ou à gauche d'une case blanche sur
une autre case blanche en ne faisant qu'un pas à la fois,
à moins qu'il n'ait une ou plusieurs pièces à prendre :
auquel cas il fait deux, quatre, six pas et même plus. Il
peut alors prendre en arrière. — 3. Tout pion touché doit
être joué, mais tant qu'on ne l'a pas quitte on peut le jouer
où l'on veut. Si l'on touclie pour l'arranger une pièce mal
casée, on doit dire avant de la toucher : « j'adoube ». —
4. Tout pion arrivé à la dernière ligne du jeu de l'adver-
saire reçoit le nom de dame; on le recouvre d'un autre
pion de môme couleur; mais il reste pion s'il ne s'y arrête
pas. — 5. kl dame marche en avant et en arrière; dh
parcourt toute la ligne et peut changer diagonalemeiit de
direction tant qu'elle se trouve en ligne droite avec des
pièces en prise. — 6. Un pion est en prise s'il se trouve
isolé sur la ligne occupée sur une dame ennemie ou en ligne
droite sans intermédiaire entre un pion ennemi et une case
vide. — 7. S'il se trouve plusieurs pions ennemis entre
chacun desquels il y ait une case vide, le joueur n'enlève
pas le premier pion après l'avoir pris, mais continue de
sauter par-dessus les suivants et se place sur la dernière
case vide. C'est alors seulement qu'il enlève les pièces
prises; sinon, il pourrait arriver qu'il prît plus de pièces
qu'il n'est permis. — 8. La pièce qui prend peut passer
plusieurs fois sur la même case vide ; mais elle ne peut
repasser sur un pion ou une dame qu'elle a déjà pris. —
9. Si, ayant plusieurs pions à prendre on no les enlève pas
54
DAMES
tous du damier, on ne peut reprendre ceux qui auraient dû
être ôtés que si l'adversaire le permet et celui-ci est même
en droit de souffler le pion qui a pris. — 40. Souffler, c'est
enlever du damier la pièce qui n'a pas pris ce qu'elle de-
vait prendre. On est libre de souffler ou de ne pas souffler.
On peut également souffler ou forcer l'adversaire à prendre.
Souffler n'est pas jouer, c.-à-d. que le joueur qui a soufflé
a encore son coup à jouer. — 44. Le joueur qui, ayant le
droit de souffler, a touché le pion qu'il a le droit de souffler,
ne peut plus forcer l'adversaire à prendre ; il est forcé de
souffler. — 42. Dans la prise, la valeur de la pièce ne
compte pas ; le plus grand nombre seul est obligatoire ; on
a le choix entre un pion et une dame ; on doit prendre
deux pions plutôt qu'une dame. — 43. Si, par erreur, un
joueur touche un autre pion que celui qu'il devait prendre,
l'adversaire a le droit de souffler le pion qu'il avait à prendre
et d'exiger que le pion soit joué. — 44. Quand deux
joueurs restent à la fm d'une partie, l'un avec une dame
sur la grande ligne, l'autre avec trois dames, la partie est
nulle. — 45. Si, au contraire, le joueur qui a trois dames
tient la grande ligne, on joue quinze coups quand on joue
à but, vingt si l'on joue à avantage et si la partie n'est
pas terminée, elle est déclarée nulle. — d 6. Si les deux
joueurs restent, l'un avec une dame seule, l'autre avec une
dame et deux pions ou deux dames et un pion, le joueur
de la dame unique peut damer le pion ou les deux pions
de son adversaire en les laissant à leur place et commencer
à compter le nombre de coups limités. — 47. Pour ga-
gner la partie, il faut s'emparer de toutes les pièces de
son adversaire ou l'enfermer, c.-à-d. le mettre dans l'im-
possibilité de jouer quand son tour est arrivé.
Telles sont les règles les plus généralement adoptées.
Il faut ajouter toutefois que la douzième règle n'est adoptée
en France que depuis l'apparition de l'ouvrage d'Everat
(4844). Auparavant, un grand nombre de joueurs admet-
taient, avec Manoury, que si l'on avait à prendre un pion
d'un côté, une dame de l'autre, on était forcé de prendre
la dame. Il est parlé dans ces règles d'avantages faits par
un joueur à un adversaire plus faible. Ces avantages sont
au nombre de trois : le pion, la remise, le pion et la remise.
Le premier consiste à donner un pion à son adversaire avant
de jouer ; le second à lui compter comme gagnées les par-
ties nulles ; le troisième à lui accorder simultanément les
deux avantages précédents. Si l'avantage du pion est trop
fort, on remet un demi-pion ou un tiers de pion ; on joue
à cet effet deux ou trois parties en donnant le pion dans
une partie seulement.
Telles sont les règles du jeu de dames; exposons-en
maintenant la théorie.
Théorie. — Les divers auteurs qui ont écrit sur le jeu
de dames recommandent au joueur de chercher avant tout
l'avantage de la position plutôt que de s'efforcer de faire
des coups brillants. Jouer la position, c'est disposer ses
pions de façon qu'ils occupent des positions gênantes pour
les pions adverses tout en conservant la faculté de se mou-
voir facilement.
L'avantage de la position s'obtient par une manœuvre
convenable des pions. L'expérience des joueurs les a con-
duits à formuler sur ce point quelques préceptes généraux.
Nous les classerons sous cinq rubriques : avoir le coup,
le tant pour tant, le coup de repos, les lunettes, le pion
en prise.
Avoir le coup. C'est disposer son jeu de manière à pou-
voir continuer à jouer sans désavantage, tandis que l'ad-
versaire ne peut jouer sans perdre un ou plusieurs pions.
Il est en général impossible au début de la partie de
savoir si l'on a le coup ; vers le miheu, il est difficile de le
prévoir; vers la fin de la partie, les bons joueurs voient,
en général, la chose du premier coup d'œil.
S'il ne reste plus que quelques pions, pour savoir si
Ton a le coup, on examine si son propre pion a l'opposi-
tion, c.-à-d. peut arrêter le pion adverse en allant à sa
rencontre. Dans une fm de partie pion contre pion, celui
qui a l'opposition a également le coup ; mais s^il reste plu-
sieurs pions, l'opposition n'entraîne pas l'avantage du coup,
car on peut être obligé de laisser à l'adversaire une lunette
ou la faculté de faire un pour un, ce qui ferait perdre le
bénéfice de l'opposition.
Remarquons qu'aucun joueur n'a l'opposition si les pions
peuvent éviter de se rencontrer en allant à dame» Sinon,
il existe une règle simple pour voir si on a l'opposition :
« Remontez la colonne verticale sur laquelle se trouve
votre pion jusqu'à la rencontre de la Hgne horizontale sur
laquelle se trouve le pion adverse ; si la case d'intersection
est noire, vous avez l'opposition si c'est à vous de jouer. »
Exemple : votre pion est sur la case 42, le pion adverse
sur la case 9, la case d'intersection est entre 7 et 8 ; elle
est noire, vous avez l'opposition si c'est à vous de jouer.
S'il reste deux pions de part et d'autre, par exemple 40
et 41 au blanc, 5 et 6 au noir, dont chacun pris isolément
a l'opposition sur le pion adverse, on pourrait croire que
celui qui joue le premier gagne : c'est le contraire qui
arrive.
, Tant pour tant. Le tant pour tant est le simple échange
de pion, un contre un, deux contre deux, etc. Ces échanges
se font pour débarrasser le jeu s'il est gêné, pour parer ou
préparer des coups, etc. On a remarqué que parmi les po-
sitions qui se trouvent dans les traités classiques et où la
partie est perdue malgré l'équilibre apparent des forces,
il en est peu qui n'eussent pu être parées au coup précé-
dent par un tant pour tant fait à propos.
Coup de repos. Le coup de repos est un coup que l'on
peut jouer à volonté et que l'adversaire est obligé de
laisser faire parce qu'il est forcé de prendre au même
moment.
Le coup de repos peut être livré par l'imprudence de
l'adversaire s'il entre dans une lunette, s'il attaque un
pion en prise, etc. Ou bien on peut se le procurer soi-
même si tout en ne donnant à l'adversaire à prendre qu'une
seule fois, on le met dans l'obligation de prendre une autre
fois en donnant à prendre un ou plusieurs pions servant
d'appui à d'autres pions qui, n'étant plus soutenus, se
trouvent en prise au coup suivant, en offrant à la fois
à deux pièces adverses deux prises qui ne peuvent
s'exécuter simultanément, en forçant un pion à venir à
dame sur une case d'où la nouvelle dame visera un pion
isolé au coup suivant, etc. Quand un joueur a un coup de
repos, c'est comme s'il avait le droit de jouer deux coups
de suite : circonstance qui permet évidemment des prépa-
ratifs qu'un seul coup ne laisserait pas le temps d'accom-
plir. Aussi, parmi les combinaisons les plus savantes, n'en
est-il presque pas qui ne renferment des coups de repos.
Voici une liste rationnelle des divers procédés par les-
quels on arrive aux coups de repos. Nous les empruntons
à l'excellent traité de Balédent en les classant sous deux
chefs : coups de repos livrés par Vimprudence du noir^
coups de repos que le blanc se procure.
A . Coups de repos Hvrés par l'imprudence du noir, qui
se met derrière un pion blanc en prise.
4. Pions noirs en 5, 7, 40, 47, 34, 36, 37 ; pion
blanc en 20; dame blanche en 49.
Blancs. Noirs.
.. .. 40 45
49 35 45 24
35 46 (gagne).
2. Pions noirs en 46, 47 ; dame noire en 46 ; pions
blancs en 26, 34, 43; dame blanche en 43.
Blancs. Noirs.
.... 46 32
43 35 32 49
34 27 49 24
35 49 (gagne).
^ 3. Double coup de repos livré par le noir qui, par le
déplacement d'un de ses pions, attaque deux pions blancs
à la fois; pions noirs en 42, 43, 44, 47, 24, 26, 36;
pions blancs en 21, 27, 39, 42, 44, 47.
^ 803 -
DAMES
Ëlâftcs,
NoirSi
26 34
47 26
34 22
24 33
42 38
38 33
33 29
39 40 (gagne).
B, Coups de repos que le blanc se procure lui-même :
4 . En donnant à prendre un pion servant d'appui à un
autre. Pions noirs en 8, 43, 46, 44 ; dame noire en 44 ;
pions blancs en 24, 22, 27 ; dame blanche en 39.
Blancs. Noirs.
22 48 d3 34
39 25 (repos) 46 27
25 46 (gagne).
En donnant à prendre les deux pions 48 et 27 au pre-
mier coup, le blanc laisse son pion 24 sans appui ; celui-ci
sera donc en prise au second coup.
2. En déplaçant un pion noir servant d'appui à un pion
blanc. Pions noirs en 7, 8, 9, 42, 47, 26; pions blancs
en 24, 27,38, 39.
Blancs. Noirs.
27 22 47 28
38 33 (repos) 26 47
33 4 (gagne).
3. En donnant à prendre à deux pions noirs à la fois.
Pions noirs en 6, 7, 44, 42, 43, 23, 26, 28 ; pions blancs
en 34, 37, 42, 45; dame blanche en 25.
Blancs. Noirs.
37 32 28 48
45 40 (repos) 26 37
40 34 48 30
25 32 (gagne).
Môme coup de repos gue le blanc se procure en donnant
à prendre à un pion noir et à une dame noire à la fois.
Pions noirs en 2, 4, 24, 29 ; dame noire en 49 ; pions
blancs en 43, 38, 43 ; dame blanche en 26.
Blancs. Noirs.
. 38 33 49 9 -
26 3 (repos) 29 38
3 42 (gagne).
4. En faisant aller le noir à dame. Pions noirs en 40, 45,
38; dame noire en 46; pions blancs en 24, 30, 35, 48.
Blancs. Noirs.
48 42 38 47
30 25 (repos) 47 20
25 5 (gagne).
5. En démasquant une dame noire. Pions noirs en 40,
20, 28 ; dame noire en 44 ; pions blancs en 30, 38, 44 , 49.
Blancs. Noirs.
38 33 28 39
30 25 (repos) 44 46
25 5 (gagne).
6. En faisant entrer une dame noire dans une lunette.
Pions noirs en 44, 30, 35; dame noire en 48; pions
blancs en 23, 32, 44, 45, 47; dame blanche en 46.
Blancs. Noirs,
47 42 48 49
46 49 (repos). 49 46
45 40 35 44
49 5
7. Double coup de repos que le blanc se procure par la
combinaison des procédés 4 et 4. Pions noirs en 7, 8, 42,
43, 47, 20, 24, 26; pions blancs en 24, 27, 29, 33;
dame blanche en 46.
Blancs. Noirs.
27 22 47 39
46 37 (repos) 26 47
37 48 (repos) 24 33
48 2 (gagne).
8. Double coup de repos que le blanc se procure par la
ombinaison des procédés 4 et 4. Pions noirs en 9, 44,
20, 23, 25, 26; dame noire en 40 ; pions blancs en 34,
32, 34, 37, 42; dame blanche en 46.
Blancs. Noirs.
32 28 23 44
46 49 (repos) 26 48
49 35 (repos) 48 30
35 36 (gagne).
9. Double coup de repos que le blanc se procure par la
combinaison des procédés 4 et 4. Pions noirs en 40, 42,
47, 20, 25, 26 ; pions blancs en 24, 34, 36, 42, 44, 45.
Blancs. Noirs.
36 34 26 48
44 40 (repos) 47 26
40 36 (repos) 48 30
35 4 (gagne).
40. Triple coup de repos que le blanc se procure parla
combinaison des procédés 4, 4 et 5. Pions noirs en 8, 40,
48, 49, 26 ; dames noires en 9, 44; pions blancs en 29,
34, 37, 42, 44, 45, 50 ; dame blanche en 46.
Blancs. Noirs.
29 24 49 30
44 39. (repos) 44 46
46 49 (repos) 26 48
49 40 (repos) 48 34
40 50 (gagne).
44. (Juadruple coup de repos que le blanc se procure
par la combinaison des procédés 4, 2, 4 et 5. Pions noirs
en 40, 42, 47, 22, 23, 26; dames noires en 43, 44;
pions blancs en 2d, 30, 34, 34, 37,38,44,42, 43, 50;
dame blanche en 49.
Blancs. Noirs.
34 29 23 25
43 39 (repos) 44 46
39 34 (repos) 26 48
49 40 (repos) 47 26
40 35 (repos) 48 30
35 5 (gagne).
des lunettes. Une lunette est une case vide sur une dia-
gonale, entre deux pions de même couleur et dans laquelle
peut se placer un pion ou une dame adverse. On distingue
les lunettes fermées et les lunettes ouvertes. Les lunettes
fermées sont celles qui n'offrent aucune pièce en prise. En
voici un exemple : plaçons des pions noirs en 7, 8, 28, une
dame noire en 37 ; des pions blancs en 47, 22, 33,
39. Les noirs viennent de pousser un pion dans la lunette;
dans cette position, les blancs gagnent en jouant de 47 à
42. Ces lunettes sont dangereuses, car, lorsqu'on s'en
approche, l'adversaire peut vous y envoyer au moyen d'une
ou plusieurs prises et vous faire perdre la partie. Un
certain nombre de problèmes de Blonde reposent sur des
combinaisons de ce genre. Les lunettes ouvertes^ c.-à-d.
celles qui, laissant un ou plusieurs pions en prise, cachent
souvent un piège de l'adversaire qui cherche à se procurer
un coup de repos.
Pion en prise. Le pion en prise est un pion qu'on
aventure et derrière lequel l'adversaire peut mettre un pion
ou une dame pour le prendre. C'est souvent un piège que
l'adversaire tend pour faire un coup ou gagner un temps.
Parfois, au lieu d'un pion, on peut en attaquer deux, trois
et même quatre ; il peut se trouver des cas où l'adversaire
en fasse le sacrifice pour disposer un beau coup qui le
fasse passer à dame.
Débuts. — Ces principes étant posés, nous allons aborder
les débuts. Le sort d*une partie dépend très souvent des
débuts. Les meilleurs joueurs débutent généralement par
des tant pour tant qu'ils font, soit pour se débarrasser
de l'attaque de l'adversaire, soit pour le gêner. Les théo*-
riciens recommandent d'occuper le centre du damier. Ce
principe est correct, mais il ne doit pas être suivi aveuglé-
ment; tout dépendant du jeu de l'adversaire, il peut être
plus avantageux de s'emparer de positions de flanc, qui le
gêneront. Il existe un certain nombre de coups qui font
perdre des pions dès le commencement de la partie ; on
DAMES
les désigne sous le nom de coups de mazelte. Ayant tout,
il est nécessaire de les connaître. En voici deux exemples :
Blancs. Noirs.
32 28 18 23
37 32 23 29
34 23 17 22
28 17 19 26
à vol. 11 22 (gagne 2 pions)
Deuxième exemple :
Blancs. Noirs.
33 28 18 22
39 33 22 27
31 22 19 23
28 19 17 30
35 24 20 29
43 39 14 23
39 33 43 18
33 24 23 28
32 23 18 20 (gagne 2 pions)
Ce coup peut être diversifié de diverses manières. Voici
un certain nombre de variantes ou coups analogues :
Première position* Pions noirs en 2, 3, 5, 6, 7, 8,
9, 10, 11, 12, 13, 15, 16, 17, 1^ 19, 20, 21, 23, 25 ;
pions blancs en 26, 27, 28, 31, 32, 34, 35, 36, 37,38,
39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 48, 49, 50. Le blanc joue 28-
22, 26-17, 34-29 et gagne deux pions.
Deuxième position. Pions noirs en 1, 2, 3, 4, 5, 6,
7, 8, 9, 10, 11, 12, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 24, 25;
pions blancs en 26, 27, 31, 33, 34, 35, 36, 38, 39, 40,
41, 42, 43, 44, 45, 46, 47,48, 49, 50. Le blanc joue
35-30, puis 27-21 ; le gain final n'est que d'un pion.
Troisième position. Pions noirs en 1, 2, 3, 4, 5, 6,
7, 8, 9, 10, 11, 13, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 23, 24;
pions blancs en 26, 29, 31, 32, 34, 35, 36, 38, 39,40,
41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50. Le blanc fait
prendre 29-24, puis 32-28, reprend trois pions pour
un pion et en gagne deux ,en fin de compte.
Quatrième position. Pions noirs en 1, 2, 4, 5, 6, 8,
9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,17, 18, 19,20, 23,25;
pions blancs en 26, 28, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39,
40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 48, 49, 50.
Blancs. Noirs.
28 22 18 27
32 21 16 27
34 30 25 34
40 16 (gagne 3 pions).
Cinquième position. Pions noirs en 1, 2, 4, 5, 6, 8,
9, 10, 11,12,13,14,15,16, 17,18,19, 20,23, 25;
pions blancs en 26, 27, 29, 31, 34, 35, 36, 38, 39, 40,
41, 42, 43, 44, 45, 46, 48, 49, 50.
Blancs. Noirs.
27 21 16 27
31 22 17 28
33 22 18 27
29 16
Sixième position. Pions noirs en 1, 2, 3, 5, 6, 7, 8,
9, 10, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 20, 24, 25, 26;
pions blancs en 27, 28, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38,
39, 40, 41, 43, 44, 45, 46, 48, 49, 50.
Blancs. Noirs.
34 30 25 34
39 19 13 24
27 21 16 27
31 4 (va à dame).
Le principal but que l'on doive se proposer au début de
la partie, c'est d'occuper les positions avantageuses ou de
les interdire à son adversaire. Ces positions sont assez
nombreuses; il en existe plusieurs qui sont classiques et
qu'on trouvera dans les débuts ci-dessous : ce sont les
positions dites du marchand de bois, d'enchaînement et des
trèfles.
Nous classerons les débuts en trois catégories : jeu du
centre, jeu de l'aile gauche, jeu de l'aile droite.
Jeu du centre* On cherche à joccuper le centre du
dajnier, qui est d'habitude le point de mire des parties
sérieuses.
Premier début (classique) :
Blancs. Noirs.
33 28 18 23
39 33 12 18
44 39 7 12
50 44 1 7
31 27
Ici le noir peut faire deux pour deux par 17 à 22, ou bien
jouer 24 à 20. La partie est égale, mais les deux joueurs
ont affaibli leur côté faible de droite. Ce début peut amener
une partie curieuse dans laquelle les deux joueurs s'enfer-
ment avec leurs pions. Dans ce cas, c'est celui qui avait le
trait qui perd. Voici cette partie :
Blancs. Noirs.
1^^ 33 28 18 23
2« 39 33 12 18
3« 44 39 7 12
¥ 50 44 1 7
5« 34 30 20 24
6« 40 34 15 20
7« 30 25 10 15
8« 34 30 17 21
9« 31 27 11 17
10« 37 31 23 29
11« 41 37 18 23
12« 44 40 21 26
13« 39 34 17 21
i¥ 49 44 12 17
15e 27 22 6 11
16« 31 27 7 12
17« 36 31 12 18
18« 46 41 2 7
19*^ 41 36 8 12
20« 43 39 5 10
21^ 48 43 3 8
22« 47 41 (enfermé). .
Deuxième début (classique) :
Blancs. Noirs.
33 28 18 23
38 33 13 18
42 38 9 13
47 42 4 9
34 30
Les noirs peuvent jouer, soit 17 à 22, 17 à 21, ou 20
à 25.
Ce début ne dégarnit pas, comme le précédent, le côté
faible du jeu ; la position est égale ; les deux jeux sont
très forts.
Troisième début (enchaînement du centre). La position
d'enchaînement du centre est dangereuse pour le joueur
qui la laisse prendre à son adversaire, car elle entraîne
généralement la perte d'un pion.
Blancs. Noirs.
l-^r 33 28 18 23
2'^^ 39 33 12 18
3« 33 29 20 25
¥ 33 38 14 20
5« 44 39 7 12
6« 42 38 1 7
7« 50 44 17 21
8« 47 42 20 24
9« 29 20 25 14
10« 32 29
Reprenant la position d'enchaînement du centre, qui
gênera constamment le noir s'il ne parvient pas à la dé-
truire. Au troisième coup, le noir devrait faire un pour un
par 20 à 24 ; au septième coup, il ne peut faire un pour un
par 17 à 22, car le blanc irait à dame après avoir ré-
pondu par un deux pour deux.
Jeu de Vaile gauche. Premier début (position du mar-
^ 805-
DAMES
chand de bois). La position du marchand de bois est avan-
tageuse à prendre, car elle entraîne généralement la perte
d'un pion pour l'adversaire ; toutefois, l'attaque est presque
aussi difficile à conduire que la défense.
Blancs. Noirs.
31 26 17 m
37 31 11 17
32 27 6 11
41 37 16
46 41 17 23
34 29 23 34
40 29
Le jeu du blanc consiste à empêcher le noir d'avancer
deux pions sur les cases 23 et 19, ce qui lui permettrait
de se dégager par un deux pour deux en jouant 17 à 21.
Dans cette partie, on doit avoir soin, lorsqu'il n'y aura
plus de pion à la case 50, de ne pas laisser le noir faire
un coup de dame en donnant son pion 16 pour jouer le
pion 22 sur 31.
Blonde termine cette ouverture en faisant perdre un
pion au blanc au quatorzième coup, ce qui ne doit pas
arriver si on joue les coups justes. Voici le début qu'il
donne ; il est utile à connaître, car on peut trouver à le
mettre en pratique :
Blancs. Noirs.
1^^ 31 26 16 22
2*^ 37 31 11 17
3« 41 37 6 11
4« 47 41 1 6
5« 32 27 20 25
6« 37 32 15 20
7« 41 37 10 15
8« 46 41 5 10
9« 34 29 19 23
10« 40 34 14 19
11« 44 40 10 14
12« 50 44 4 10
Le blanc perd un pion.
Cette façon de jouer appelle quelques observations. Au
quatrième coup, le blanc doit jouer 46 à 41 parce qu'il a
un pion sur la case 26 ; au sixième coup, si, au lieu de
37 à 32, le blanc jouait :
Blancs. Noirs.
34 30 25 34
40 29 19 23
44 40 23 34
40 29
il empêcherait le noir de lui enfermer son jeu et parvien-
drait par la suite à lui gagner un pion. Au onzième coup,
le blanc, au lieu de jouer 44 à 40, peut gagner un pion
par un coup de dame :
Blancs. Noirs.
11« 33 28 22 24
12« 27 22 17 28
13« 34 29 24 33
14« 38 29 23 34
15- 32 5 11 17
16«. 39 30 25 34
17« 44 40 4 10
18^ 5 11 6 17
19*^ 44 29
Deuxième début :
Blancs.
l^»* 31 26
2^ 37 31
3« 31 27
4^ 34 29
5« 41 37
6« 40 29
T« 46 41
8« 44 40
9*^ 40 29
10^ 29 20
Noirs.
20 25
15 20
10 15
19 23
23 34
14 19
19 23
23 24
20 24
15 24
11«
12«
Bla
.... 50
.... 33
ncs.
44
28
33
31
36 ^
39
18
27
27
Noirs. ,
5 10
10 15
13«
14«
.. . 39
.... 36
9 14
4 9
15«
16«
.... 41
44
15 20
18 22
17«
27
13 22
18«
19«......
.... 31
.... 36
22 31
(avec beau jeu)
On ne doit pas dégarnir son jeu d'un côté, comme le
fait le noir dans ce début, oU il ne touche à aucun pion de
son aile droite.
Troisième début (partie de similitude). Ce début est tiré
des notes de Blonde. Il offre peu d'intérêt au point de vue
du jeu de position, car il offre de grosses fautes. Il montre
seulement qu'il est très mauvais de jouer les mêmes coups
que ceux de son adversaire :
Blancs. Noirs.
i^' 31 26 20 25
2« 36 31 15 20
3« 41 36 10 15
4« 46 41 5 10
5« 35 30 16 21
6« 40 35 11 16
7« 44 40 7 11
8« 50 44 1 7
9« 31 27 20 24
10« 37 31 14 20
11« 41 37 10 14
12« 47 41 4 10
13^ 33 28 18 23
14« 39 33 12 18
15« 44 39 7 12
16« 49 44 2 7
17« 27 22 18 27
18« 31 22 12 18
19« 37 31 18 27
20« 31 22 24 29
21« 33 24 20 29
22« 39 33 14 20
23« 33 24 20 29
24« 32 27 21 32
25û 38 27 23 21
26« 34 5 (gagne).
Jeu de l'aile droite. Dans ce genre de débuts, il se pré-
sente deux positions très intéressantes : la première est
appelée position des trèfles, sans doute parce qu'elle consiste
à tenir enchaînés avec trois pions un nombre plus ou moins
grand de pions ennemis ; la seconde est une position d'en-
chaînement.
Premier début (position des trèfles). C'est une des
meilleures positions à prendre en même temps que des
plus faciles à conduire. Il est rare que l'adversaire puisse
s'en dégager sans perdre un pion :
Blancs. Noirs.
1«' 34 30 18 23
2«.... 30 25 12 18
3« 40 34 20 24
4« 34 29 23 34
5« 39 30 18 23
6« 32 28 23 32
7« 37 28
Tout le jeu du blanc consiste à empêcher le noir d'amener
un pion sur la case 23, tant que celui-ci n'aura pas joué
15 à 20, afin d'empêcher un tant pour tant par 14 à 20.
Et quand, par la suite, il sera forcé de jouer 15 à 20, le
blanc amènera un pion sur la case 34 pour l'empêcher de
faire un tant pour tant sur le pion 33 par 24 à 29, ou
bien il éloignera simplement le pion 33.
Deuxième début (position d'enchaînement). Cette ouver-
ture est difficile à jouer des deux côtés; elle demande un
jeu très correct et amène une partie égale.
DAMES
— 806
1^""... .
Blancs.
. . 34 30
2«
40 34
3«
44 40
4«
.... 33 28
5e
31 27
6«
7^ . . . .
27 22
50 44
8«
.... 32 42
9« 37 28
Noirs.
20 24
45 20
20 25
48 23
40 45
42 48
48 27
23 32
7 18
40^
44 39
Fins de partie. — Nous extrayons maintenant des ou-
vrages techniques quelques milieux et fins de partie offrant
d'heureux exemples des principales ressources du jeu :
création opportune d'une lunette, tant pour tant fait à
propos, sacrifice ou pion mis en prise, etc.
Position du marchand de bois : Pions noirs en 4, 9, 42,
43, 46, 47, 48, 49, 22. — Pions blancs en 25, 26, 27,
28, 34, 33,36, 38,48.
Blancs. Noirs.
25 20 4 40
48 43 40 44
43 39 44 25
26 24 47 37
28 8 43 2
38 32 37 28
33 4 (gagne).
La fin de partie suivante est donnée par Blonde comme
une étude propre à faire découvrir le côté faible d'une
position. Le blanc en jouant les coups justes force rapi-
dement la partie. Pions noirs en 4, 7, 8, 45, 25, 26. -^
Pions blancs en 46, 49, 28, 34, 34, 37.
Blancs. Noirs.
28 22 8 42 (forcé).
34 27 4 40
et le noir ne joue plus désormais que pour pousser le blanc
à changer la direction de la partie en lui offrant le passage
à dame par 49, 43, mais celui-ci gagne sûrement par
Blancs. Noirs.
37 32 45 20
32 28 40 45
27 24 26 47
22 2
Voici une fin de partie qui exige du blanc un jeu très
correct pour gagner : Pion noir en 35, dame noire en
23, — Pions blancs en 25, 39, 40, 44, dame blanche
en 49.
Blancs. Noirs.
39 34 23 28
49 46 28 50
46 24 35 44
24 49 50 45
49 40 45 50
40 44 (gagne).
On voit qu'il faut que le blanc perde un temps pour
venir à propos enfermer la dame noire à 50 en jouant
à 49.
Une dame blanche qui occupe la grande ligne peut, avec
le concours d'un pion blanc, arrêter trois pions noirs en
jouant de la manière suivante : les pions noirs sont en
36, 26 et 46. ~ Le pion blanc en 49, la dame blanche
en 40.
Blancs. Noirs.
49 43 26 31
43 38 46 24
40 5 24 27
5 32 (gagne).
car les blancs prendront le pion noir qui jouera sur la
grande ligne.
Voici une fin de partie qui montre l'avantage qu'on peut
tirer d'une lunette fermée : Pions noirs en 6, 40, 42, 43,
46, 49, 26, 34, — Pions blancs en 22, 27, 32, 37, 38,
43,44,49, , ^ , ? ^
Blancs. Noirs.
44 39 34 40
39 34 40 29
38 33 29 38
22 47 42 24
37 34 26 28
43 5 (gagne).
De la dame. — Jusqu'ici, nous nous sommes attachés
surtout au jeu du pion. Nous allons maintenant aborder
celui de la dame. La dame est une pièce si forte qu'elle
détermine le plus souvent le gain ou la perte d'une partie.
On ne saurait donner des règles pour aller à dame ; c'est
d'ordinaire le but de tous les coups qu'on entreprend. Tou-
tefois, le but du jeu étant de gagner, on ne doit pas faire
de sacrifices pour aller à dame sans s'assurer que la dame
pourra être conservée; la faculté (jue l'adversaire vous
laisse d'aller à dame peut être un piège qu'il vous tend.
A jeu égal, on ne doit pas hésiter à aller à dame pour
deux pions et même pour trois si on empêche son adver-
saire d'y aller et si la dame peut regagner les pions qu'elle
a coûtés. Lorsqu'on a fait une dame, il est important de
la mettre le plus rapidement possible en sûreté derrière ses
propres pions pour la faire agir en moment opportun. Plus
l'adversaire a de pions, plus la dame est exposée. Dans les
fins de partie où il ne reste que des dames en présence, il
est facile de déterminer d'avance le résultat.
Une dame contre deux annule forcément, même si la
dame unique n'occupe pas la grande ligne. Il n'existe que
deux pièges, faciles à éviter." Supposons les deux dames
blanches en 23 et 32 et la dame noire entre deux en 28,
on réalise V enfermé sur la grande ligne en jouant la dame
23 à 40, puis à 5 si la dame noire se retire à 46. — Soient
les dames blanches en 2 et 16, la dame noire à 49, les
blancs bloquent celle-ci en jouant à 35.
Une dame seule contre trois amène une partie nulle si elle
tient la grande ligne en faisant la navette de 5 à 46 ; elle n'a
qu'un piège à éviter, le trébuchet, qui est décrit plus loin.
Mais si la dame unique n'occupe pas la grande ligne, le
nombre de pièges qui existent pour la prendre est si grand
qu'il est nécessaire de faire jouer au moins vingt coups
avant de déclarer la partie nulle.
Toutes les positions décrites dérivent de quatre pièges
fondamentaux qui ont reçu les noms suivants : le trébuchet^
l'enfermé, le trictrac, les coulisses. On doit s'efforcer,
quelle que soit la position initiale, de restreindre le plus
possible le jeu de la dame noire, en lui supprimant un ou
plusieurs côtés des coulisses où elle se meut, par l'emploi
des quatre pièges précédents.
Le trébuchet est le piège le plus simple ; il est très
facile à éviter et on ne l'emploie guère. En voici un exemple :
plaçons la dame noire en 3, les dames blanches en 38, 46,
47, la dame 46 joue à 14 et la dame noire est prise par la
dame 47. Il offre une variante un peu moins évidente (la
souricière) et qui fournit une certaine quantité de problèmes
en déplaçant une des trois dames et surtout celle qui oc-
cupe la case 43. Soient la dame noire en 2, les dames
blanches en 40, 43, 44 ; pour prendre la noire, il suffit
de jouer
Blancs. Noirs.
43 30 2 35
44 49 35 44
49 (prend).
Cette position peut s'établir sur les deux petits côtés des
coulisses 2, 16, 49, 35 et 3, 26, 48, 25.
Voici quelques coups donnés par Blonde Manoury, Van
Embden c[ui offrent des exemples de trébuchet. C'est aux
blancs à jouer : 1 . Dame noire en 30 ; dames blanches en
37, 40, 49. — 2. Dame noire en 48 ; dames blanches en
4, 44, 24. — 3. Dame noire en 25 ; dames blanches en
9, 37, 42. — 4. Dame noire en 3 ; dames blanches en 49,
34, 38. — 5. Dame noire en 34 ; dames blanches en 44,
20, 47. — 6. Dame noire en 3 ; dames blanches en 24,
39, 40. Les deux premiers coups sont fort simples. Voici
807
DAMES
la solution du troisième coup, celles des coups suivants s'y
ramènent, le lecteur les trouvera facilement :
Blancs. Noirs.
9 27 25 48
27 21 48 25
21 43 25 48
37 26 (gagne).
Le piège de V enfermé consiste à obliger la dame noire
à occuper une case contre une des bandes du damier et à
lui opposer sur les deux extrémités des coulisses qu'elle
occupe, une dame blanche, de manière qu'elle soit bloquée.
Soit, par exemple, la dame noire en 27, les dames blanches
en 15, 37, 47 ; on joue la dame 37 à 31, et ensuite, la
dame 15 à 4. Ce coup peut se présenter sous une forme
moins apparente (le traquenard)^ parce que les trois dames
blanches sont en l'air, c.-à-d. qu'aucune d'elles n'est appuyée
sur une bande. Dans ce cas, l'enfermé se produit sur la
grande ligne.
Soit la dame noire en 34, les dames blanches en 14,
37, 38 ; on joue la dame blanche 38 à 29, la dame 34
en prend deux à son choix et se place sur la case 5 ou \Q
pour ne pas être prise sur le coup et la dame blanche res-
tante la bloque en se plaçant en 5 ou 46. Ce piège est très
employé pour forcer la dame noire à abandonner un des
côtés de la coulisse où elle se meut.
En voici trois exemples :
Premier exemple (Van Embden) : dame noire en 9 ;
dame blanche en 15, 21, 41.
Blancs.
Noirs.
l le noir est forcé
21 3
9 36 j de joaçr sur la
( coulisse 4-3G.
41 47
36 31
3 9
31 4
47 36
• • . .
Deuxième exemple (Blonde) :
dame noire en 30 ; dames
blanches en 3, 31, 44.
Blancs.
Noirs.
( I.e noir est forcé
44 35
30 48 \ de jouer sur la
( coulisse 25-48.
37 26
48 39
35 30
39 25
26 48
Troisième exemple (Manoury)
: dame noire en 15 ; dames
blanches en 32, 37, 41.
Blancs.
Noirs.
41 47
15 4
32 38
4 36 (forcé)
38 15
36 22
37 31
22 36
15 4
Le trictrac est un piège que l'on tend dans les coulisses
des trictracs 1, 6 et 45, 50. Plaçons la dame noire en 34,
les dames blanches en 6, 28, 49. On jouera
Blancs. Noirs.
49 40 34 45
6 1 45 50
1 6 (gagne).
On pourrait encore enfermer la dame noire en jouant
Blancs. Noirs.
49 40 . 34 45
6 1 45 50
28 6 50 45
6 50
Ce piège est souvent employé pour amener les coulisses;
il est très efficace pour forcer la dame noire à faire la na-
vette d'une case à une autre. En voici deux exemples donnés
par Blonde.
Premier exemple : dame noire en 6 ; dames blanches en
16, 18, 23.
Blancs. Noirs.
23 45 6 28
16 11 28 6
45 50 (gagne).
Deuxième exemple : dame noire en 40 ; dames blanches
en 6, 11, 19.
Blancs. Noirs.
19 35 40 23 forcé, car si le
noir joue à 49 il perd par 11 44
35 40 23 45
,.61 (gagne).
Pour réaliser le piège des coulisses, il faut que deux
dames occupent deux coulisses contiguës, comme les dames
47 et 48, de façon que l'une des deux, en se sacrifiant,
amène la dame noire sur la ligne occupée par l'autre : le
coup suivant, elle se trouve prise par le sacrifice de la troi-
sième dame. Voici la position : dame noire en 3, dames
blanches en 28, 47, 48. La solution est :
Blancs. Noirs.
47 20 3 25
28 39 25 43
48 (prend).
C'est à ce piège que se rattachent les solutions les plus
difficiles à trouver. Il peut se réaliser sous trois formes
différentes : la colonne, le triangle, la continuité.
La colonne est la position que l'on doit chercher à
prendre, car elle amène tous les autres pièges avec facilité.
En voici quatre exemples : 1. Dame noire en 3; dames
blanches en 28, 38, 48. — 2. Dame noire en 2 ; dames
blanches en 29, 39, 49.-3. Dame noire en 25 ; dames
blanches en 26, 27, 28. — 4. Dame noire en 35 ; dames
blanches en 16, 17, 18.
Dans ces quatre positions, en donnant le trait au noir,
la dame est prise de quelque côté qu'elle joue, car la dame
blanche du milieu de la colonne force la dame noire à venir
se mettre en face de celle qui est à la bande et, par le
sacrifice de la dame placée en tète, la dame noire est prise.
La triangle dérive de la colonne. En voici deux exemples
établis sur la base et le côté gauche du damier ; on les
étabhrait aussi facilement sur la bande droite et le côté
supérieur. 1. Dame noire en 8; dames blanches en 23,
48, 49. — 2. Dame noire en 30 ; dames blanches en 16,
26, 23.
La contiguïté est une position dans laquelle on a deux
dames sur deux coulisses contiguës de façon à donner lieu
au piège de la coulisse : 1. Dame noire en 11 ; dames
blanches en 21, 35, 40. La contiguïté est constituée par
les dames 35 et 40. — 2. Dame noire en 49; dames
blanches en 2, 17, 28, La contiguïté est constituée par les
dames 2 et 17.
Voici quelques exemples de coulisse :
Premier exemple (colonne) : dame noire en 48 ; dames
blanches en 41, 3, 13.
Blancs. Noirs.
41 23 (colonne) si 48 25
23 12 (trébuchet) (gagné).
.... si '48 43
13 30 43 25
23 14 (gagne).
Deuxième exemple (triangle) : dame noire en 8 ; dames
blanches en 18, 42, 49. ■— 42, 48 (triangle). Si le noir
joue sur la li^ne 2-35, le blanc donne la dame 48-30 et
puis 18-40, Si le noir joue sur la ligne 3-26, le blanc
donne la dame 49-21, puis la dame 18-31,
Troisième exemple (contiguïté) : dame noire en 8 ; dames
blanches en 23, 25, 40.
Blancs. Noirs.
40 35 (contiguïté) 8 26
35 8 26 3
23 14 (gagne).
Quatrième exemple (contiguïté) : dame noire en 48 ;
dames blanches en 41, 32, 14.
Blancs. Noirs.
14 25 48 31
41 36 31 26
25 3 (contig.) 26 48
36 31 48 26
32 21 (gagne).
DAMES
808 —
Enfin je vais donner quelques exemples classiques dans
lesquels les quatre pièges précédents se trouvent combinés.
Premier exemple (Harvant) : dame noire en 16 ; dames
blanches en '1, 32, 45. Le premier coup du blanc est
presque forcé; il joue 3"2 à 49 pour boucher la ligne d6-
49 et tendre l'enfermé du trictrac si la dame noire joue à
41. La dame noire joue à 2. Le blanc joue la dame 45 à
34 pour empêcher le noir de venir sur la ligne 2 à 35 ;
le piège des coulisses est alors tendu par 34-30 suivi de 1
à 40 et le trictrac existe du même coup ; la dame noire
n'a plus que la case 16 pour se placer. Le blanc joue 34
à 29 laissant toujours le piège du trictrac et le noir est
obligé de revenir à 2. Le blanc joue alors 49 à 35, formant
un dernier piège des coulisses que le noir ne peut plus éviter.
Blancs. Noirs.
.. .. 2 11
17 11 2
29 24 (gagne).
Deuxième exemple (Van Embden) : dame noire en 11 ;
dames blanches en 35, 40, 45. Il faut poursuivre la dame
noire en jouant
Blancs. Noirs.
45 50 11 16(lemeill.coup)
50 39 formant le trébuchet sur la
ligne 16, 49.
.... 16 2 (forcé)
39 33 (coulisses) 2 16 (forcé)
40 7 16 2 (forcé)
33 24 (gagne).
Troisième exemple (Blonde) : dame noire en 2 ; dames
blanches en 13, 28, 39. Comme dans les deux exemples
précédents, la dame noire se trouve sur la coulisse 2, 16,
35, 49, qui est dangereuse à cause du grand nombre de
pièges qu'on peut lui tendre. Voici la solution :
Blancs. Noirs.
13 35 2 7
28 6 (trictrac) 1 16 (meilleur)
35 49 pour empêcher le noir de s'échapper
.... 16 2 (forcé)i
6 1 (coulisses) 2 16 (forcé)
39 33 16 2 (forcé)
49 35 (coulisses) 2 11
17 11 2
33 24 (gagne).
Dans les deux positions suivantes, la dame noire se
trouve dans la coulisse 3, 25, 48, 26, qui est aussi dan-
gereuse que la précédente.
Quatrième exemple (Blonde). Dame noire en 25 ; dames
blanches en 17, 27, 37.
Blancs. Noirs.
17 26 (trébuchet) 25 3 (forcé)
37 28 (colonnes) 3 20
27 9 20 3
28 17 (gagne).
Cinquième exemple (Huguenin). Dame noire en 25 ;
dames blanches en 37, 41, 42. Cette position est regardée
par les théoriciens du jeu de dames comme la plus belle
qui ait été trouvée dans la partie d'une dame contre trois.
On connaît plus de quarante solutions différentes dans les-
quelles le blanc, en poursuivant le noir avec les dames 41
et 42, finit toujours par établir le piège des couhsses. « Ce
coup, dit le livre de Metz, dépasse tellement les autres par
sa profondeur et la multitude de ses combinaisons et la difïi-
culté de l'éviter que, si l'on pouvait en trouver deux ou trois
de la même force, la partie d'une dame contre trois pourrait
être regardée comme forcément perdue. » Je donnerai seule-
ment pour les noirs la défense d'Huguenin, qui est la meilleure.
Le premier coup des blancs, pour forcer la dame noire
à rester sur le côté 3, 25, est très caché.
37 19 enfermé, 25 3
42 26 pour empêcher la dame noire de s'échapper.
3, 20 ; si la dame noire allait à 25, le blanc jouerait
26 à 3 et formerait les couhsses.
Blancs. Noirs.
41 47 20 9
47 36 (coulisses) 9 25
36 9 25 3
19 8 (gagne).
Une dame contre quatre succombe nécessairement par deux
pièges qu'elle ne peut éviter. Le premier s'obtient en mettant
les quatre dames blanches en 16, 26, 27, 36 ; le deuxième,
en les mettant en 1 , 12, 39, 50. Deux dames contre deux
annulent; il n'y a que deux pièges faciles à éviter. Si les dames
noires sont en 26, 48, les blanches en 49, 25, le noir
perd s'il joue la dame 26 sur la ligne 26, 48. Si les dames
noires sont en 46, 37, les blanches en 41, 4, le noir perd
s'il joue 37 à 5. Deux dames contre trois annulent; il
existe quelques pièges difficiles à établir, surtout si l'une
des dames noires occupe la grande ligne ; aussi cette fin de
partie ne se joue-t-elle guère. Deux dames contre quatre
doivent annuler si le jeu est correct de part et d'autre ;
mais la partie donne lieu à des pièges qui se rapprochent
des coups d'une dame contre trois. Deux dames contre cinq
doivent perdre ; car, outre tous les coups de deux contre
quatre qui peuvent se présenter, il y a deux positions
principales qui doivent amener la perte du noir. Dans la
première, les dames noires sont en 1 et 50, les blanches
en 27, 36, 38, 46, 49; dans la deuxième, les dames
noires sont en 5 et 46, les blanches en 3, 4, 35, 36, 45.
La remise joue un rôle considérable dans le jeu de
dames ; il arrive même le plus souvent que deux joueurs
d'égale force terminent la plupart de leurs parties par une
remise. C'est un des grands défauts du jeu de dames.
Outre le jeu ordinaire de dames à la polonaise, on avait
imaginé autrefois certaines variantes qui sont presque
toutes abandonnées aujourd'hui, sauf la partie de qui perd
gagne. Ainsi, l'on donnait alternativement à chaque joueur,
en commençant la partie, une dame contre deux ou trois
pions, ou cinq dames et dix pions contre vingt pions, ou
bien dix pions contre vingt avec le droit de jouer deux coups
de suite, etc. Nous nous contenterons de dire, en ce qui
concerne la partie de qui perd gagne, que, si l'on donne
aux blancs vingt pions, aux noirs un seul pion, les blancs
gagnent forcément la partie en amenant le noir à dame sur
la case 50 et en le tenant emprisonné sur les cases 45 et
50 au moyen des quatre pions 34, 39, 40 et 44, ce qui
leur permet d'arranger leur jeu comme ils veulent, de
manière à faire prendre toutes leurs pièces.
Le jeu polonais est né en France, où il a pris de grands
développements et où il est à peu près le seul joué aujour-
d'hui. Il s'est étendu en Belgique, en Hollande, en Alle-
magne et en Angleterre. L'Angleterre et l'Amérique pra-
tiquent surtout l'ancien jeu de dames à la française. ^
Ancien jeu français. Ce jeu se joue sur un damier de
soixante-quatre cases, c.-à-d. sur un échiquier. Les règles
sont analogues à celles du jeu à la polonaise, mais le pion
ne peut jamais prendre qu'en avant; la dame ne fait pas
de plus grands pas que le pion, mais elle peut aller en
avant ou en arrière.
Jeu allemand. Ce jeu n'est autre que le jeu à la polo-
naise, joué sur un échiquier. Les règles sont, à très peu
près, les mômes.
Jeu russe. C'est le jeu à la polonaise sur un échiquier.
Si le perdant a des pièces enfermées, il paye une amende
pour chacune d'elles.
Jeu espagnol. Jeu à la polonaise sur l'échiquier. Comme
dans l'ancien jeu français, le pion ne prend qu'en avant ;
mais la dame marche comme dans le jeu polonais.
Jeu italien. Jeu à la polonaise sur l'échiquier. Une
dame ne peut jamais être prise par un pion. D. B.
IL Histoire. — Dames de la maison de la reine. —
Dès le XIV® siècle, la reine avait autour d'elle un certain
nombre de dames attachées à sa personne. Par l'art. 5
de l'ordonn. royale du 31 août 1322 sur la maison de
la reine, une somme de 180 livres tournois est accordée à
la reine pour les vêtements de soixante et une dames. L'or-
- 809 -
DAMES -.- DAMESME
donnance somptuaire du 49 mai 1S47 permit aux seules
dames et demoiselles de la suite de la reine et des prin-
cesses du sang de porter des draps d'or et d'argent. Dans
le procès- verbal de la coutume de Montfort-l'Amaury, en
4557, paraît « dame Claude de Beaulne, dame ordinaire
de la royne ». Voici quelles étaient en 4664 les dames de
la maison de la reine mère, Anne d'Autriche : une dame
d'honneur (marquise de Seneçay, et la comtesse deFlaix,
reçue en survivance), avec une pension de 4,200 livres ;
une dame d'atour (la comtesse de Noailles), avec 600
livres de pension; vingt-deux dames, dont les gages
étaient à la volonté de la reine ; les filles de la reine, sur-
veillées par deux gouvernantes; un certain nombre de
femmes de chambre, au nombre desquelles était rangée la
nourrice du roi. La maison de la reine Marie-Thérèse, en
4669, comprenait une dame qualifiée chef du conseil et
surintendante delà maison (la comtesse de Soisson s), avec
6,000 livres de pension, recevant le serment de fidélité des
officiers et officières de la chambre ; une dame d'honneur
(la duchesse de Montausier); huit autres dames portant
les unes le titre de dames d'honneur, les autres celui de
dames du palais ; une dame d'atour, avec une autre en
survivance ; sept filles d'honneur, qui servaient la reine à
table, à moins qu*elle ne fût pas habillée, auquel cas le
service revenait aux femmes de chambre ; une gouvernante
et une sous-gouvernante des filles; des femmes de chambre,
les unes Françaises, les autres Espagnoles. En 4673, une
charge de dame du lit fut créée pour W^^ Dufresnoy;
cette charge, supprimée après la mort de Marie-Thérèse,
fut rétablie en 4780 par Marie-Antoinette en faveur de
M"^^ de Laborde. Ses fonctions consistaient à ouvrir et
fermer les rideaux de Sa Majesté et à coucher au pied de
son lit. La dame d'atour présidait à la toilette de la reine et
dirigeait les femmes de chambre chargées de l'habillement
et de la coiffure. En cas de partage de la charge, la pre-
mière dame avait seule le soin des habits et de la garde-
robe. Ce partage eut lieu pour la première fois en 4680.
Saint-Simon rapporte (année 4692, éd. Boislisle, 1. 1, p. 86)
que la faveur de M"^*' de Main tenon « étoit telle au ma-
riage de Monseigneur (28janv. 4680), que le roi n'eut pas
honte de la faire dame d'atour de la nouvelle dauphine ;
mais, n'osant aussi l'y mettre en plein, il ne put trouver
mieux que la maréchale de Rochefort pour y être en pre-
mier, et pour s'accommoder d'une compagne si étrange-
ment inégale, et avoir cependant pour elle toutes les défé-
rences que sa faveur exigeoit. Elle y remplit parfaitement
les espérances qu'on en avoit conçues et sut néanmoins
avec cela se concilier l'amitié et la confiance de M'"^ la
dauphine jusqu'à sa mort, quoiqu'elle ne pût souffrir
M^^ de Maintenon, ni W^^ de Maintenon cette pauvre
princesse. » Saint-Simon, toujours préoccupé des ques-
tions de préséance, a consacré aux privilèges de la dame
d'atour une note, ajoutée au Journal de Dangeau, à propos
de la prétention que M"**^ de Bé thune, dame d'atour, avait
à baiser les filles de France. « Jamais dame d'atour ne
prétendit à saluer les filles de France. La dame d'atour de
la reine a un carreau à sa toilette et aux audiences, comme
en ont les femmes des maréchaux de France et celle du
chevalier d'honneur de la reine, et elles s'assoient dessus
si elles veulent ; mais il est rare qu'elles le prennent. Elles
préfèrent d'être debout à s'asseoir si bas tandis que les
duchesses et les princesses sont assises sur des ployants ou
des tabourets; car il n'y a point de différence pour ces
deux sortes de sièges sans dos ni bras. Le carrosse de la
dame d'atour et celui du chevalier d'honneur entrent dans
la cour comme ceux qui ont les honneurs du Louvre ; mais
ils n'ont rien de plus, point de carreaux même à la chapelle
comme en ont les duchesses et les princesses, les princes et
les ducs. M^® de Béthune crut tirer parti de la Pologne (son
mari avait été envoyé extraordinaire du roi en Pologne)
et faire de cela et de sa charge d'autrefois quelque chose
qui imposeroit, mais qui n'imposa point : elle baisa,
comme toutes les autres dames non titrées, le bas de la
robe de la princesse, et ne la salua point, c.-à-d. baiser et
en être baisée, honneur qu'ont les maréchaux de France,
comme officiers de la couronne, et leurs femmes, ainsi
que les ducs et les princes et leurs femmes. » (Saint-Simon,
éd. Boislisle, t. Ill, p. 373.) La reine et les filles de
France avaient seules droit à une dame d'atour, et Saint-
Simon signale comme une nouveauté étrange l'institution
par le roi, en 1692, d'une dame d'atour et d'un chevalier
d'honneur dans la maison de la duchesse de Chartres,
M^^"^ de Blois. Les dames de celte maison étaient : la
dame d'honneur, la dame d'atour, une première femme
de chambre et dix femmes de chambre. A cette même dale
de 4692, la maison de Madame comprenait : une première
dame ou surintendante, une dame d'honneur ; deux dames
d'atour, six filles demoiselles et un certain nombre de
femmes de chambre. En 4727, la maison de la reine
(Marie Leczinska) comprenait : une dame chef du conseil et
surintendante de la maison (M^^^ de Clermont), une dame
d'honneur, une dame d'atour, douze dames du palais, et
des femmes de chambre. Dans la maison de la duchesse
douairière d'Orléans, cinq dames d'accompagnement tenaient
le rang des dames du palais dans la maison royale. Enfin,
en d789, la maison de la reine Marie -Antoinette était
composée de la même façon qu'avait été celle de Marie
Leczinska, sauf qu'il y avait quatre dames du palais de
plus. M. Prou.
Paix des Dames. — Nom donné au traité signé à Cam-
brai, le 5 août 4529, entre François P^ et Charles-Quint,
et dont les conséquences furent considérables. L'origine
de cette appellation résulte de ce fait que les négociations
préparatoires du traité avaient eu lieu entre Louise de
Savoie, mère du roi de France, et Marguerite d'Autriche,
tante de l'empereur (V. Cambrai).
III. Ordres. — Dames chevalières de la Croix (V.
Croix étoilée).
Dames DE l'Instruction (V. Béates).
Dames esclaves de la Vertu. — Cet ordre fut fondé en
Allemagne en 4662 par l'impératrice Eléonore de Gon-
zague, veuve de Ferdinand II, afin de récompenser les
dames de sa cour qui se distinguaient par leurs sentiments
de piété et de sagesse. Elle s'en déclara grande maîtresse
et tiKale nombre des membres à trente dames qui devaient
faire preuve de noblesse. La décoration consistait en un
médaillon d'or représentant un soleil entouré de deux
branches ,de laurier. Lors de la création de l'ordre des
Dames chevalières de la Croix étoilée, en 4668, celui des
Dames esclaves de la Vertu y fut annexé. G. de G.
BiBL. : Jeu. — Manoury, Essai sur le jeu de dames ^ 1770,
1785, in-12. — Philidor, Traité du jeu de dames à la polo-
naise, 1785, in-8. — Embden, Traité du jeu de dames,
1785, in-8. — Blonde, Coups brillants et fins de parties^
1798, in-8. — Lallement, les Quatre Jeux de dames, 1801-
1802, 2 vol. in-8. — Dufour, Recueil de coups de dames,
1807-1808, in-12. — Everat, Manuel des amateurs du jeu
de dames^ 1811, in-12. — Van Tenac, Traité du jeu de
dames, 1845, in-12. — Grégoire, Nouveau Manuel du jeu
de dames, 1847, in-8. — Poirson-Prugneaux, Eîict/c/opédie
du jeu de dames, 1855, in-8. — G. Balédent, le Damier,
1881-1886, 3 vol. in-8.
DAMESME. Village d'Algérie, section de la com. de
Saint~Leu (dép. d'Oran). Cette section a une superficie de
4,550 hect. et une population de 447 hab., tous Euro-
péens dont 4i7 Français et 30 étrangers. E. Cat.
DAMESME (Edouard-Adolphe-Marie), général français,
né à Fontainebleau le 23 janv. 4807, mort à Paris le
29 juil. 4848. Elève de Saint-Cyr, il servit dans l'infan-
terie, fit la campagne de Belgique (4832), passa en Afrique
en 4833 et fut grièvement blessé dans l'Ouarsenis en 4843.
Rentré en France et promu colonel en 4847 et général de
brigade commandant la garde nationale de Paris en 4848,
il dirigea la garde mobile pendant les journées de juin et
eut la jambe cassée à l'assaut de la barricade de la rue de
l'Estrapade (24 juin). Il mourut des suites de cette bles-
sure, le mois suivant. Le 9 août, l'Assemblée constituante
vota en faveur de sa veuve, Aline de Jancigny, une pen-
sion de 2,000 fr. réversible sur son enfant, à titre de
DAMESME -- DAMIANl
^ 810 -^
récompense nationale. Une statue lui a été élevée à Fon-
tainebleau.
DAMETH (Claude-Marie-Henri), publiciste français, né
à Paray-le-Monial le 26 sept. 4842, mort à Genève le
44 août 4884. D'abord professeur d'histoire au collège
Louis-le-Grand (4833-1837), il se lança dans le jom^na-
lisme socialiste, collabora à la Phalange et à la Démo-'
cratie pacifique^ fut un des clubistes les plus zélés de
4848 et se fit deux fois emprisonner. En 4830, il s'établit
à Nice pour raison de santé et y rédigea en chef VAveNir
de Nice jusqu' en 4855. Poursuivi par l'Empire, il passa à
Turin, devint en 4858 professeur d'économie politique à
l'académie de Genève, professa à Lyon pendant l'hiver de
4864-4865 un cours d'économie politique sous les auspices
de la chambre de commerce et fut élu, en 4876, membre
correspondant de l'Académie des sciences morales et poli-
tiques. Parmi ses nombreux ouvrages, nous citerons :
Défense du Fouriérisme contre Proudhon, Cabet^
Louis Blanc^ etc. (Paris, 4842, in-48) ; Mémoire sur la
fondation des cités industrielles^ dites cités de T Union
(4849, in-8) ; le Juste et V Utile, ou Rapports de V éco-
nomie politique avec la morale (Genève, 4859, in-8);
V Economie politique et le Spiritualisme (Paris, 4862,
in-8) ; Mémoires sur la questioii du titre et du contrôle
dans le canton de Neuchdtel (Neuchâtel, 4865, in-8) en
collab. avec Sire et Challoudes ; Introduction à l'étude de
V économie politique (Lyon, 4865, in-8 ; 2^ éd., Paris,
4878, in-8) ; Résumé d'un cours en dix séances sur les
banques publiques d'émission donné à Lyon et à
Genève (Paris, 4866, in-8) ; le Mouvement socialiste et
V Economie politique (4869, in-42) : la Question sociale
(Genève, 487i, in-42) ; les Bases naturelles deVécono-
7nie sociale (4872, in-42).
DÂIVIETO (Juan), historien espagnol, docteur en droit
civil et en droit canon, né à l'île de Majorque à la fin du
XVI® siècle, mort en 4633. Il a laissé une bonne llistoria
gênerai del reyno balearico, qui va de l'antiquité jusqu'à
4344 et qui, imprimée à Majorque en 4632 (in-foL), a été
rééditée plusieurs fois, notamment avec des suites par
Vicente Mut et Jeronimo Alemany, à Palma (4840-4844,
3 vol. in-foL). On attribue aussi à Juan Dameto une Vida
de San Inigo. E. Cât.
DAM G AN. Com. du dép. du Morbihan, arr. de Vannes,
cant. doMuzillac; 4,329 hab.
DAMGAN ou DAIVIEGHAN. Bourg de la Perse- (Tabaris-
tan), sur le versant S. del'Elbourz; 36° 9' 53''' lat. N.,
520 4/ gz/zg loj^g^ E, xii^^ 4^174 j^^ Autrefois une des
plus importantes villes du N. de la Perse, Damgan n'est
plus aujourd'hui qu'un bourg do quelques centaines d'hab.
DAWIHOUDER (Josse Van), jurisconsulte flamand, né
à Bruges en 4507, mort à Anvers le 22 janv, 4584.
Il fut conseiller et commissaire des finances de Flandre.
Il est surtout connu par ses travaux sur le droit cri-
minel ; on peut dire qu'il est avec Carpzov un des deux
jurisconsultes qui ont exercé le plus d'influence sur le dé-
veloppement du droit pénal pendant les xvi® et xvii® siècles.
Sa Praxis rerum criminaliam a reçu de nombreuses
éditions (Louvain, ^1554; Anvers, 1556, 4562, 4570,
4604 ; Venise, 4572, 4575; Lyon,4558 ; Cologne, 4 59i);
elle a été traduite en allemand (Francfort, 4556, 4565,
4581, 4594) et en français (Louvain, 4555; Rotterdam,
4648-4650). On doit aussi à ce jurisconsulte un Enchi-
ridion rerum crimiîialium puhlïè à Anvers en 4640, et
une Practica rerum civilium qui a été traduite en fran-
çais (Anvers, 4572), On cite encore de lui une Declamatio
in processuum voracitatem. L'ensemble des œuvres de
Damhouder a été réuni et publié à Anvers en 1646. En
France les deux pratiques judiciaires de Damhouder, la
civile et la criminelle, ont été très populaires ; elles ont
exercé une influence notable sur la pratique, et plus tard
Imbert s'est souvent inspiré des travaux de Damhouder.
BiBL. : Allard, Histoire de la justice criminelle au
xvi» siècle j p. 464. — Haus, dans les Mémoires de l'Aca-
démie de Belgique, t. XXXI et XXXII. — Glassok, les
Sou7'ces de la procédure civile française, p. 43.
DAML Petite principauté de l'Inde anglaise, région du
Cissatledj (Pendjab), comprise entre la principauté de Bidji
au N., les territoires du radjah de Patrala à l'E. et au S,,
et la principauté de Bhagal à FO. Superficie environ 94 kil. q.
Population environ 3,000 hab., très pauvres. Le prince
hindou est sous le protectorat de l'Angleterre. M, d'E.
DAMIAN (Basile), chroniqueur moldave. On ne connaît
rien sur sa vie. Il écrivit avec Tudose Dubau l'histoire de
son pays, de Dabija-Voda à Nie. Mavrocordat (4662-4709)
(V. Cogalniceanu, Chroniques, t. II, 4 et suiv.).
DAiVIîANÂ. On emploie sous ce nom, en Amérique, les
feuilles et les branches fleuries d'un arbuste de la famille
des BixacéeSj le Turnera aphrodisiasaL,-¥ AN avà. Cette
plante est originaire des Andes occidentales et du Mexique.
La tige est ligneuse, les rameaux rougeâtres ; les feuilles
sont alternes, simples, entières, obovales ou oblongues,
longues de 4 à 4/2 centim. sur 4/2 centim. de large: les
fleurs sont régulières ; le fruit est capsulaire ; les graines
sont réniformes et munies d'un arille membraneux qui en-
veloppe leur base. Toutes les parties de la plante dégagent
une odeur forte et aromatique. Les principes essentiels
paraissent être, d'après Pearsons : 4" une huile volatile
(0,04 à 0,09 °/o) analogue à l'essence de térébenthine,
bouillant de 250 à 34 0^,*^ d'une densité de 0,970, et douée
d'une odeur de camomille ; 2^ une résine molle, soluble
dans Falcool, le chloroforme et Féther, et douée d'une
action irritante ; 3° une résine brune, presque insipide,
soluble seulement dans Falcool et probablement inerte ;
4<^ une substance amère, brune, amorphe, soluble dans
l'eau et Falcool, insoluble dans Féther et le chloroforme,
et n'off'rant les réactions ni d'un alcaloïde, ni d'un gluco-
side : c'est à cette dernière substance que paraissent se
rapporter les effets de la drogue. Le Damiana est surtout
employé comme aphrodisiaque : il agirait comme tonique
général et surtout nerveux. L'effet aphrodisiaque produit
n'est accompagné, dit-on, d'aucun des effets dangereux
qu'entraîne l'emploi des cantharides ou du phosphore. C'est,
en outre, un diurétique, et, à doses élevées, un laxatif.
Jusqu'ici, il n'a encore été employé qu'en Amérique et en
Angleterre.
Les formes sous lesquelles on emploie le Damiana sont
Fextrait fluide (2 à 4 gr. par jour), l'extrait sohde (0,30 à
0,60) et surtout Finfusion théifornie préparée avec4gr. de
feuilles pour 420 gr. d'eau bouillante (deux fois par jour).
Le Turnera diffusa Willd passe pour jouir des mêmes
propriétés. Les T. angustifolia Curt. et T. ulmifolia L.
sont regardés comme toniques et expectorants ; le T. opi-
fera Mart. , du Brésil , est employé comme astringent contre
les dysenteries, dans son pays d'origine. D''R. Blondel,
BiDL. : H. Pearsons, New Remédies, 1886. — Sciiimmel,
Berichte; Leipzig, 1887. — Dujardin-Beaumetz et Egasse,
Plantes m.édicinales, 1889.
DAÎVIlANiouDAlVIIEN (Pierre), cardinal-évéque d'Ostie,
ardent instigateur et collaborateur de l'œuvre entreprise
par Hildebrand, né à Ravenne , en une année diversement
rapportée entre 988 et 4007, mort le 22 févr. 4072, à
Fuenza, où il est honoré comme patron, quoiqu'il n'ait point
été canonisé. Abandonné à la charité de la femme d'un
prêtre, par sa famille très pauvre et chargée d'enfants, il
garda les pourceaux en sa première jeunesse ; recueilli en-
suite par un de ses frères qui était devenu archiprêtre de
Ravenne, il fit de brillantes études. Il était déjà professeur
renommé, lorsqu'il renonça aux avantages que le siècle lui
offrait, pour se retirer dans un monastère de camaldules à
Fonte Avelland. Dès 4044, il en devint abbé et il y intro-
duisit l'exercice de la flagellation, qu'il s'infligeait d'ailleurs
à lui-même avec une systématique atrocité (V. Flagellants) .
De ce monastère, il adressa au pape Grégoire VI (4044-
4046) une lettre violente contre les prêtres simoniaques.
En 4054, il dédia à Léon IX, le premier des papes qui se
soumirent à l'ascendant de Hildebrand , son Liber gomor-
rhianus, description accablante des désordres et des vices
— 841 —
DAMIANI — DAMIETTE
du clergé. Dès lors, Hildebrand Tassocia activement à la
lutte dans laquelle il fit engager la papauté, pour réprimer
la simonie , l'intervention des laïques dans la collation et
l'investiture des bénéfices ecclésiastiques, le mariage et le
concubinage des prêtres. Afin de l'enlever définitivement à
son monastère, où il aimait à se retirer, Etienne IX le con-
traignit, par menace d'excommunication, à accepter l'évêché
d'Ostie (1057). Bientôt après, Damiani présida le concile
de Milan, et à l'aide du bas peuple excité par les paterins
contre les prêtres mariés, il obtint la soumission de l'arclie-
vèque et du clergé, qui avaient jusqu'alors défendu contre
Rome l'indépendance du siège de saint Ambroise et le ma-
riage des prêtres (V. Célibat, t. IX, p. 1042, col. !)• 11 y fit
aussi condamner la doctrine de Bérenger contre la transubs-
tantiation. Au concile de Latran (1059) , il contribua à l'adop-
tion du décret qui interdisait aux laïques d'entendre la
messe dite par des prêtres qui avaient des femmes chez eux.
Dans le conflit entre Honoré II et Alexandre II, il détacha
l'impératrice Agnès du parti de Honoré et il provoqua la
réunion du concile de Mantoue qui déposa cet antipape.
En 1061, il s'était démis de l'évêché d'Ostie. Il devint le
confesseur d'Agnès, et en 1069, il amena Henri IV à re-
noncer à ses projets de divorce et à reprendre sa femme
Berthe. — Damiani avait pour la sainte Vierge une dé-
votion dont l'ardeur peut étonner de la part d'un homme
dont la foi paraît avoir été sombre et cruelle, mais qui s'ex-
plique par la ferveur de son admiration pour la virginité.
Il semble avoir concentré sur Marie tout ce qu'il avait de
tendresse ; dans ses sermons, il lui donne le titre de dei-
ficata^ il lui attribue toute puissance dans le ciel et sur la
terre , et il parle de sa beauté avec la verve d'un trouba-
dour. Il composa pour elle un Officium Beatœ Virgiîiis,
et il introduisit dans plusieurs couvents d'Italie la coutume
de consacrer le samedi à son culte. Cette innovation, qui
souleva d'abord des résistances, finit par être sanctionnée
et généralisée par le grand concile de Clermont (1095). —
Les œuvres de Damiani comprennent cent cinquante-huit
lettres, soixante-quinze sermons, des vies de saints et divers
traités ascétiques. Elles ont été imprimées à Rome (1606,
4 vol. in-foL), à Paris (1610, 1642, 1663) et à Venise
(1743). E.-H. VoLLET.
BiBL. : Mabillon, Annales ordinis S. Benedicti ; Paris,
1713-1729, 6 vol. in-fol. — Bollandistes, Acia Sanctorum^
février, — Laderchï, Vita S, P. Damiani ; Rome, 1702,
in-4. — Ch. ScHMiDT, Histoire de l'Eglise d'Occident pen-
dant le moyen âge ; Paris, 1885, in-8.
DAMIANI DE TuHEGLi, théologien hongrois, né en 1710,
mort vers 1776. Il fit ses études théologiques à Rome,
devint chanoine à Presbourg. Il a publié entre autres
ouvrages: Doctrina ver ce Christi ecclesiœ.., (Presbourg,
1762); Justa religionis coactio (Ofen, 1765). — Son frère
Guillaume, né en 1714, mort en 1760, fut également
prêtre et devint primat du royaume. Il a écrit en latin
contre les doctrines des luthériens et des calvinistes.
DAMIANISTES ou DAM lÂNITES, hérétiques (V. Da-
MiEN, patriarche d'Alexandrie).
DAMIANISTES ou DAMIANISSIMES ou Sœurs de
l'Ave Maria (V. CLAmE [Sainte], t. IX, p. 528, col. 1).
DAMIANO (Fra) de Bergame, célèbre artiste en mar-
queterie duxvi^ siècle, né dans la ville de ce nom, mort en
1549. Il entra jeune encore dans l'ordre de Saint-Domi-
nique. Son nom paraît pour la première fois en 1527. Un
grand nombre de villes italiennes, entre autres Bologne
et Pérouse, lui doivent de splendides stalles richement
sculptées et incrustées. Les portes qu'il exécuta pour l'éghse
Saint-Pierre de Pérouse forment de véritables tableaux
d'histoire, avec de nombreux personnages et des effets de
perspective aérienne des plus osés. Ce maître éminent
s'engagea en effet dans la voie la plus dangereuse, en
essayant de rivaliser avec la peinture à l'huile .
BiBL. : Vasari, le Vite de'Piltori. — Marchese, Memo-
rie dei più insigni Pittori, Scultori e Architetti domeni-
cani; Bologne, 1878, 1879, 4° éd. — E. Mijntz, Histoire de
l'Art pendant la Renaissance^ t. II.
DAMIATTE. Com. du dép. du Tarn, arr. de Lavaur,
cant. de Saint-Paul- Cap-de-Joux, sur FAgoùt ; 1,210
hab. Carrière de pierre à chaux, filature de laine. Bastide
fondée en 1295 par l'archidiacre de Narbonne et Aimeri
de Roquenegade, lieutenant de Jean de Montfort, seigneur
de Castres. Le nom de Damiatte rappelle évidemment celui
de Damiette en Egypte. L'histoire de cette localité est des
plus obscures durant tout le moyen âge ; au xvii^ siècle, le
maréchal de Thémines en fit détruire les vieilles fortifi-
cations. Damiatte faisait partie du diocèse de Castres.
DÂMIEN (Saint) (V. Cosme et Dàmien).
DAM I EN, patriarche d'Alexandrie, mort en 601. Il en-
seignait que les trois personnes de la Trinité ne sont point
Dieu par elles-mêmes et que leur divinité ne résulte en
elles que de leur réunion. Ceux qui adoptèrent cette doc-
trine sont ordinairement désignés sous le nom de damia-
nistes ou damianites.
DÂMIEN (Pierre) (V. Damiani).
DAMIEN S (Robert-François), régicide, né à LaTieuloy
(diocèse d'Arras) le 9 janv. 1715, écartelé à Paris le
28 mars 1757. Il avait, le 5 janv. 1757, sur les cinq
heures du soir, à Versailles, frappé Louis XV, dans la
région des côtes, de la petiie lame d'un canif. Il vou-
lait, dit-il , donner à Louis XV un avertissement salu-
taire. Le supplice du malheureux, entouré de circonstances
horribles, demeurera l'une des hontes de l'ancienne mo-
narchie. Le dossier du procès Damiens est conservé à la
bibliothèque de l'Arsenal {Arch. Bast,, 11979). La même
bibliothèque possède encore (Ju7\y in-4, 5227) un im-
portant recueil de pièces imprimées, estampes et relations
manuscrites concernant Damiens, entre autres une ter-
rifiante relation du supplice par l'un des ofiîciers qui y
assistèrent nommé Bouton. Frantz Funck-Brentano.
BiBL. : Pièces originales et procédures du procès fait à
Robert- François Damiens ; Paris, 1757, in-4. — G. d'Heil-
LY, le Parlement, la cour et la ville pendant le procès de
Robert-François Damiens ; Paris, 1875, in-12. — Fr. Ra-
vAissoN, Archives de la Bastille^ 1884, XVI, 425-484.
DAMIER. I. Botanique (V. Fritillaire).
II, Ornithologie. — Nom vulgaire du Pétrel du Cap
Procellaria ou Daption capensis L. (V. Pétrel).
m. Jeu (V. Dames [Jeu]).
IV. Tissage. — Les tissus à damiers sont ceux qui pré-
sentent des carreaux réguhers alternant de couleurs ou de
reflets par suite de contextures différentes. Les linges de
table dits ouvrés présentent cette disposition, les carreaux
étant formés alternativement par du satin à effet de chaîne,
et du satin sur la trame (V. Tissage) ; lorsqu'ils sont en
outre décorés de sortes de petites fleurs, ils prennent le
nom de damier fleuri.
DAMIETTE. Village d'Algérie, dép. d'Alger, arr. de
Médéa, à 3 kil. à l'E. de cette ville, fondé sur l'empla-
cement dit Aïn-Chellala. On y cultive des céréales, et
la vigne y donne des produits renommés. D'abord simple
annexe de Médéa, Damiette est devenue commune de plein
exercice par décret du 29 janv. 1887 ; elle a une super-
ficie de 9,599 hect. et une population de 2,642 hab., dont
345 Français, 23 étrangers et le reste d'indigènes.
DAMIETTE (arabe DurmycU). Ville d'Egypte, prov. de
Gharbieh, dans le delta du Nil, sur la rive droite du bras orien-
tal, dit de Damiette, à 8 kil. en amont de son embouchure,
près du lac Mensaleh; 43,616 hab. en 1882. Située dans
une région fertile et riche, c'est une ville bien bâtie et amé-
nagée presque à l'européenne ; sa forme générale est celle
d'un croissant. Les rues sont propres, de belles maisons
s'élèvent le long du Nil ; les mosquées, les bazars, les bains,
les casernes sont les principaux édifices. La population vit
surtout de commerce ; elle est active et généralement aisée,
Damiette sert de marché agricole pour la province dont le
riz, les fèves, le café, le lin, l'indigo s'exportent par là;
elle vend aussi à la Syrie beaucoup de poisson salé. La ville
actuelle est à quelque distance au S. de l'ancienne
Thamiatis^ dont il est souvent question au temps des croi-
sades, où les chrétiens tentèrent vainement de se consolider.
Saint Louis la prit (4249), mais dut la rendre. Jugeant
DAMIETTE — DAMIRON
— 812 —
cette clef de l'Egypte plus dangereuse qu'utile, le sultan
Bibars la rasa. Elle fut rebâtie un peu plus loin de la mer.
En 4798, les Français s'en emparèrent ; le i^^nov. 1799,
Kléber y remporta une grande victoire sur les Turcs ; elle
fut prise plus tard par les Anglais. En 1833, Mehemet Ali
se la fit céder par les Turcs.
DAMIGÉRON, auteur d'un lapidaire, très probablement
de l'Ecole d'Alexandrie, en tous cas des premiers siècles
de l'ère chrétienne. Son texte, reflet des traditions orien-
tales, est pénétré d'une influence chrétienne, et les pre-
miers écrivains qui le signalent, Tertullien, Arnobius, sont
du iii^ siècle, ce qui fixe assez approximativement l'époque
où il a vécu. Apulée l'appelle Damigéron le Mage ; c'est,
sans nul doute, le texte de son lapidaire où perçaient des
souvenirs des livres de Zoroastre connus d'Apulée, qui lui
a valu cette qualification. Damigéron est des premiers qui
aient fait d'un lapidaire un traité de médecine magique,
dans lequel sont venus puiser tous les auteurs du moyen
âge. Son nom n'était pas assez illustre pour que les écri-
vains qui vinrent après lui pussent s'appuyer sur son auto-
rité comme sur celle d'Aristote, de Pline, parmi les savants,
ou d'Enoch et de Salomon parmi les auteurs apocryphes du
peuple d'Israël : aussi ne le trouve-t-on signalé que par
des contemporains. C'est là un des motifs qui doivent faire
supposer que le texte qui nous est parvenu dans un ma-
nuscrit du XIV® siècle, bien qu'ayant subi, fort probable-
ment depuis le ii^ siècle, de notables modifications, a un
fond d'authenticité beaucoup plus certain que les lapidaires
attribués aux grands encyclopédistes de l'antiquité, par des
auteurs du xii® et du xiii^ siècle qui avaient besoin de se
servir de noms connus de tous pour faire admettre plus
facilement les légendes qu'ils répandaient. F. de Mély.
BiBL. : Cardinal Pitra, Spicileg. Solesmense ; Paris,
1885, t. III, pp. Lix et 324, in-8. — F. de Mély, les Reliques
du lait de la Vierge, dans la Revue archéologique^ 1890.
DAMIGNY. Corn, du dép. de l'Orne, arr. et cant. d'A-
lençon ; 77 hab.
DAMILAVILLE (Etienne-Noël), né à Paris le 21 nov.
1723, mort à Paris le 15 déc. ilBS. Garde du corps dans
la maison du roi, il fit, en cette qualité, les campagnes de
la guerre de 1741, et obtint ensuite la place de premier
commis au bureau des Vingtièmes, qui lui donnait le droit
de se servir du cachet du contrôleur général et de faire
circuler en franchise les lettres et paquets ainsi contresignés.
Cette licence, singulièrement préjudiciable aux intérêts de
l'Etat, le mit, vers 1760, fort avant dans les bonnes grâces
de Voltaire, qui recevait et transmettait par cette voie la
majeure partie de sa correspondance et qui en récompensait
Damilavilie par des billets comme lui seul savait les écrire.
Recherché pour le même motif par les adeptes du parti
philosophique demeurant à Paris, Damilavilie dut à sa
situation et à ses complaisances d'illustres amitiés : Diderot,
d'Alembert, d'Holbach l'avaient admis dans leur intimité
et il ne tint qu'à lui de se croire leur égal : c'est ainsi qu'il
se laissait attribuer le Christianisme dévoilé de d'Holbach,
ou bien encore une Honnêteté théo logique (1767), dirigée
contre la Sorbonne, à propos de Bélisaire^ et tout au moins
revue ou « rebouisée », selon le mot de Grimm, par Vol-
taire. On peut lui attribuer avec plus de certitude l'article
Vingtième dans Y Encyclopédie, bien que Grimm, qui
avoue ne l'avoir point lu, prétende que « tout ce qu'il y a
de bon dans cet article y a été fourré par M. Diderot ».
La vie privée de Damilavilie semble avoir été fort irré-
gulière, comme l'attestent de nombreux passages des lettres
de Diderot à M^^® Volland ; le philosophe est d'ailleurs le
seul de ses amis survivants qui n'ait pas pris après sa
mort la revanche de la considération intéressée qu'il lui
témoignait de son vivant. M. Tx.
BiBL. : Voltaire, Correspondance générale. — Diderot,
Lettres à M^^° Volland. — Grimm, Correspondance litté-
raire.
D A MINI (Pietro), peintre italien, né à Castelfranco en
1592, mort à Venise en 1631. Elève de Giamb. INovelli.
Fixé tout jeune à Padoue, il y obtint de vifs succès. Ses
toiles sont assez nombreuses, soit à Padoue même, soit à
Vicence, à Venise, à Murano, à Chioggia ou à Crémone.
Son chef-d'œuvre est un Christ en croix^ dans la basilique
de Saint-Antoine à Padoue.
DAMINOIS (Angélique- Adèle Huvey, dame), femme de
lettres française, née à Clcrmont (Oise) en 1795, morte en
1876. Elle défendit la cause de Fémancipation des femmes
dans de nombreux articles et dans des conférences faites à
F Athénée des Arts. Parmi les nombreux ouvrages qu'elle a
laissés, nous pouvons citer les romans suivants : Maria
(1819, 2 vol.); Alfred et Zaïda (d82'l , 3 vol.); Mareska
et Oscar (1823, 4 vol.); Lydie ou la Créole (1824,
4 vol.); Charles ou le Fils naturel (1825, 4 vol.); Alaïs
ou la Vierge de Ténédos (1826); une Ame d'enfer
('1828); puis : M^5 Souvenirs ou Choix d'anecdotes
(1827, 2 vol.); le Cloître au xix® siècle (1826), et un
vaudeville, la Chasse au renard (1829), donné en colla-
boration avec M. Vilain de Saint-Hilaire. C. St-A.
DAMIRI ou DEWllRl (Aboulbaka Mohammed ibn Mousa
Kemaleddin ad), naturaliste arabe, né au Caire en 1341,
mort au Caire en nov. 1405. Jurisconsulte châfiite, il pro-
fessa durant de longues années la science des traditions à
la chapelle Ruknia et à la mosquée Al-Azhar de sa ville
natale. Il a écrit la vie des animaux, Hayat alhayaouân,
sorte de dictionnaire compilé des ouvrages grecs et arabes,
mais qui renferme une foule de détails plus ou moins
étrangers à l'histoire naturelle et dont la connaissance est
précieuse. La Bibliothèque nationale possède plusieurs
exemplaires de l'édition complète et des éditions réduites.
Récemment l'ouvrage de Damiri a été imprimé à Boulaq.
Sylvestre de Sacy a traduit en français un Extrait de la
Grande Histoire des Animaux^ à la suite de la Chasse,
poème d'Oppien, traduit... par M. Belin de Ballu (Stras-
bourg, 4787). D'-L. Hn.
DAMIRON (Jean-Philibert), philosophe français, né à
Belleville (Rhône) le 10 janv. 1794, mort à Paris le 11 janv.
1862. Issu d'une famille très pieuse, condisciple, ensuite
élève, avec Jouffroy, de Cousin, il professa au collège Bourbon,
collabora au Globe et enseigna à la faculté des lettres la phi-
losophie ancienne, puis la philosophie, pour revenir enfin à
son histoire. Il remplaça en 1836 Destutt de Tracy à l'Aca-
démie des sciences morales et politiques. Accusé par Thurot
d'avoir appelé « sensuahstes » Cabanis, D. de Tracy,
Volney, etc., pour faire croire aux « femmes et aux gens
du monde » que c'étaient des auteurs obscènes ou licen-
cieux; par Leroux d'avoir mutilé Jouffroy en le publiant,
Damiron occupe une place secondaire dans son école, « dont
il est le moraliste et pour ainsi dire le prédicateur, » avec
justice, car ses œuvres n'ont aucune originalité. Elles ne
sont pas sans intérêt pour l'histoire des idées. Le premier
Essai montre avec quelles armes l'éclectisme combattit ses
adversaires, pour prendre la place des idéologues qui invo-
quaient la science, et des traditionalistes qui s'appuyaient
sur le catholicisme. Ainsi le gouvernement de 1830 main-
tint un «juste milieu» entre la république et la monarchie
absolue. L'histoire, subordonnée à la philosophie, n'a de
valeur que si elle aboutit à des résultats dogmatiques. La
religion et la philosophie enseignent les mêmes choses,
mais la première s'adresse aux faibles, à la foule; la
seconde, aux forts, à l'élite. D'ailleurs elles ont même
domaine et mêmes sujets : Dieu et ses attributs. Providence
et immortalité, examen de conscience, prière, expiation,
absolution, épreuve, nécessité de s'unir à Dieu, etc. Aussi
Damiron, dont les Discours sont pour lui des prédications
et pour d'autres des homélies, explique-t-il en partie l'In-
carnation et la Trinité ! Faut-il s'étonner si les éclectiques
à la façon de Damiron ont mécontenté les théologiens sans
satisfaire les savants et s'ils n'ont fait, ni en histoire, ni
en philosophie, œuvre originale et durable? Les œuvres de
Damiron sont : Essai sur rhistoire de la philosophie en
France au xix« siècle (1828; 3^ édit., 1834, 2 vol.) ;
Cours de philosophie (1834-1836); Essai sur l'histoire
de la philosophie en France au xvii® siècle (1846,
— 813 —
DAMIRON — DAMMARTIN
2 vol.) ; Mémoires pour servir à l'histoire de la philo-
sophie au xvm® siècle (4858, t. I-II; 1864, t. III, avec
introduction de Gouraud) ; Souvenirs de vingt ans
d'enseignement à la faculté des lettres de Paris
(1859). F. PlGAVET.
BiBL.: Ad. Franck, Moralistes et Philosophes^ 1872. —
A. HiMLY, Livret de la Faculté des lettres de Paris^ 1883.
DAMJ ANICS (Jean), général hongrois, né à Stasa (Fron-
tières militaires) en 1804, pendu à Arad le 6 oct. 1849. Bien
que d'origine serbe, cet officier se montra patriote magyar
dès le début de la révolution de 1848, qui suscita de redou-
tables conflits entre les races. Colonel des honveds^ il fit la
guerre aux Serbes avec une énergie qui lui valut le surnom
d'Homme de fer ; il terminait une proclamation par ces
paroles : « Si vous persistez dans vos intentions liberticides,
je vous poursuivrai aussi longtemps que sur le sol hongrois
un Serbe existera ; et alors, pour qu'il n'y reste plus la
moindre trace de votre race traîtresse, je me tuerai moi-
même. » Devenu général, il prit ensuite une part impor-
tante aux opérations militaires du Nord, à la victoire d'Isas-
zeg, à la délivrance de Komarom. Partisan de Kossuth et
de la déclaration d'indépendance, il reçut le commandement
de la forteresse d'Arad, qu'il garda jusqu'au 17 août 1849.
Alors, dans le désarroi final, blessé, malade, il rendit
cette place aux Russes. Condamné à mort, il marcha à la
potence avec une gaieté héroïque. E. S.
BiBL. : Iranyi et Ciiassin, la Révolution de Hongrie.
DAM LOUP. Com. du dép. de la Meuse, arr. de Verdun-
sur-Meuse, cant. d'Etain ; 274 hab.
DAMM ou ALT-DAMM. Ville d'Allemagne, royaume de
Prusse, district de Stettin (Poméranie), sur la branche
orientale de l'Oder, au bord du lac de Damm (54 kil. q.) ;
5,000 hab. Une chaussée établie en 1299 la rehe à Stet-
tin dont elle était la tête de pont sur la rive dr. de l'Oder.
Ses fortifications ont été rasées en 1874. On y fabrique
des toiles. Damm reçut une charte urbaine en 1276 et
prospéra rapidement ; elle rivalisa avec Stettin et voulut
dominer la navigation de l'Oder; elle eut le dessous dans la
lutte. Occupée par les Suédois (1630) qui s'y fortifièrent
(1646), elle déclina. En 1720, elle passa à la Prusse.
DAM MA. Ile de l'arcliipellndien, située sous le 7® degré
de lat. S. Elle est très fertile ; la noix muscade y croît
naturellement. Les hauteurs sont couvertes de magnifiques
forêts et à son extrémité N.-E. se trouve un haut volcan
en activité. La baie de Koulevatta est le port principal de
l'île. M. d'E.
DAMMAR. On a donné le nom de dammar ou de résiné
de Dammar a à divers produits résineux, analogues à nos
térébenthines, notamment aux suivants :
1^ Dammar des Indes (Dammar-puti ou Dammar-batu),
produit qui découle du Dammara alba de Rumphius
(Conifères), arbre très élevé ^ui croît sur les montagnes
d'Amboine et dans les îles environnantes.
C'est une résine incolore, odorante, devenant jaune avec
le temps; elle brûle en répandant une fumée acide, irri-
tante (II) ; elle commence à fondre vers 73° (Dulk). Elle
est soluble dans les huiles, partiellement dans l'alcool et
dans l'éther. L'alcool faible (Hssout un principe acide,
Vacide dammarylique, fusible à 50<*; le résidu parait
être formé par un anhydride, donnant avec les bases les
mômes sels que le précédent.
Dissoute dans l'essence de térébenthine, cette résine con-
stitue un vernis employé dans les arts.
2^ Dammar d' Australie. Elle découle du tronc du Dam-
mara australis Lamb., arbre très élevé de la Nouvelle-
Zélande. Elle nous arrive en masses blanches ou jaunes, à
cassure brillante ; elle est inodore à froid, mais pour peu
qu'on la frotte ou qu'on la pulvérise, elle répand une odeur
forte de térébenthine. Suivant Thomson, elle cède à l'alcool
bouillant de Vacide dammarique,^ le résidu constituant un
résidu neutre, la dammarane. Distillée avec la chaux, elle
fournit un carbure d'hydrogène, le dammarone.
3^* Dammar aromatique. Produit résineux qui découle,
suivant Rumphius, d'une conifère des îles Célèbes. Il est
dur, vitreux, aromatique au goiït, presque complètement
soluble à chaud dans l'alcool concentré bouillant, insoluble
dans l'éther, fort peu soluble dans l'essence de térébenthine.
Il est employé à la fabrication des vernis.
¥ Dammar selan ou Dammar friable.ll est produit par
un arbre des Moluques, le Vatica Selanica W. et Arn.
{Engelhardtia Selanica Bl.) ou Dammar selan de Rum-
phius, de la famille des Diptérocarpacées. Il est en larmes
plus ou moins volumineuses, mamelonnées, vitreuses et
incolores, exhalant à chaud une odeur aromatique assez
agréable, facilement pulvérisables. Il se ramolUt dans la
main, fond dans Peau bouillante, il est soluble dans l'éther
et dans l'essence de térébenthine, incomplètement soluble
dans l'alcool à 92**. Il est très recherché dans la fabrication
des vernis. Ed. Bourgoin.
BiDL. : Dulk, Journ. fïir prath. Chim.^ t. XLV, 16. —
GuiBouRT, Histoire des drogues simples^ t. IL 158, 290. —
Thomson, An. ch. et ph., t. IX, 499 (3).
DAMMARD. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Château-
Thierry, cant. de Neuilly-Saint-Front ; 274 hab.
DAM MARIE. Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. et
cant. de Chartres ; 247 hab.
DAMMARIE-EN-PuiSÂYE. Com. du dép. du Loiret, arr.
de Gien, cant. de Briare; 1,584 hab.
DAMMAR(E-les-Lys. Com. du dép. de Seine-et-Marne,
arr. et cant. de Melun ; 1,284 hab. Près de ce village,
situé sur une des routes les plus fréquentées par les tou-
ristes qui se rendent dans la forêt de Fontainebleau, sont
restées debout les ruines de l'abbaye du Lys, fondée par
Blanche de Castille pour des religieuses de l'ordre de
Cîteaux. Ces ruines ne se composent plus guère que du
chœur de l'église de l'ancien monastère, et elles offrent peu
d'intérêt.
DAMMARIE-suR-LoiNG. Com. du dép. du Loiret, arr.
de Montargis, cant. de Châtillon-sur-Loing ; 747 hab.
DAMMARIE-sur-Saulx {Domna Maria), Com. du dép.
de la Meuse, arr. de Bar-le-Duc, cant. de Montiers-sur-
Saulx, sur la Saulx, affluent de la Marne ; 625 hab. Etablis-
sements métallurgiques ; fabrique de vans. Faisait partie
autrefois du Barrois mouvant. Voie romaine.
DAMMARTIN. Com. du dép. du Doubs, arr. dcBaume-
les-Dames, cant. de Boulans ; 335 hab.
DAMMARTIN. Com. du dép. du Jura, arr. de Dole,
cant. de Montmirey-le-Château ; 214 hab.
DAMMARTIN [Domnus Martinus). Com. du dép. de la
Haute-Marne, arr. de Langres, cant. de Montigny ;
530 hab. — La seigneurie de Dammartin appartint suc-
cessivement, du xm^ au xvii^ siècle, aux maisons de
Choiseul, de Dinteville et de Baradat; en 1719, elle fut
érigée en marquisat au profit de Louis-Joseph Rose. Beau
château moderne qui a conservé quelques vestiges de l'an-
cienne forteresse féodale. A. T.
DAMMARTIN. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr. de
Mantes, cant. de Iloudan; 638 hab.
DAMMARTIN -EN-GoËLE. Ch.-l. do cant. du dép. de
Seine-et-Marne, arr. de Meaux; 1,710 hab. Stat. duchem.
de fer du Nord. Carrières de plâtre; fabriques de dentelles,
de blondes de soie, de tulle et do passementerie ; corderies,
vannerie, saboterie, etc. Ch.-l. d'un comté (V. plus bas);
avait un château, démantelé en 1632, sur l'emplacement
duquel on a planté de belles promenades. L'église Notre-
Dame, de la fin du xv^ siècle, a un beau portail et contient
le tombeau gothique et la statue de son fondateur, Antoine
de Chabannes ; l'église paroissiale est de la seconde moitié
du xiii^ siècle ; son portail latéral de la fin du xv».
Comté de Dammartin. — Il existait avec ce titre dès
le x*^ siècle. Après avoir passé en différentes mains, il
échut, au xui° siècle, à la maison de Trie, dans laquelle il
resta jusqu'à la fin du xiv^ siècle, puis entra par alliance
dans la maison de Nanteuil en la personne de Renaud,
partisan de Charles VII, sur lequel le comté fut confisqué
par les Anglais. Marguerite, fille unique de Renaud, rein-
DAMMARTïN - DAMNUM
— 814 —
tégrée dans ses droits, apporta le comté de Dammartin à
son époux, Antoine de Chabannes ; Françoise d'Anjou, leur
arrière-petite-iîlle, ayant épousé successivement Philippe
de Courtenay et Jean de Rambures, leurs héritiers se dis-
putèrent le comté de Dammartin qui finit, après un long
procès, par rester entre les mains du connétable Anne de
Montmorency, dans la famille duquel il resta jusqu'à la
condamnation du maréchal de Montmorency, en 1632.
Confisqué alors, Louis XIII l'ajouta à l'apanage des Bour-
bon-Condé auxquels il demeura jusqu'en 1789.
DAM MARTI N-sous-TiGEAux. Corn, du dép. de Seine-et-
Marne, arr. de Goulommiers, cant. de Rozoy~en-Brie ;
730 hab.
DAMMARTIN (Pierre de), prélat français du xu® siècle.
D'abord chanoine et doyen de Béarnais, il fut élu évoque
de cette ville en 1114. Louis le Gros l'envoya, en 1118,
comme ambassadeur à Rome, d'oti il revint l'année sui-
vante assister au concile de Reims avec le pape Calixte II
qu'il reçut ensuite à Beauvais. Il présida, en 1120, le troi-
sième concile de Beauvais, assista à celui de Troyes en
1128, fut de nouveau député à Rome auprès du pape Inno-
cent II qu'il eut aussi pour hôte en 1130, assista en 1131
au sacre de Louis Vil et mourut à un âge avancé dans sa
ville épiscopale en 1133. G. St-A.
DAM M ART i N (Antoine et Jean de Chabannes, comtes de)
(V. Chabannes).
DAM ME. Ville belge de la Flandre occidentale, à 6 kil.
de Bruges, sur le canal de Bruges à l'Ecluse; 1,100 hab.
Damme fut fondée en 1178 par le comte Philippe d'Alsace
et reçut une organisation communale analogue à celle des
grandes villes de la Flandre. La cité nouvelle acquit rapi-
dement une remarquable importance commerciale et devint
le centre des échanges entre les marchands de la Baltique
et ceux de la Méditerranée. En 1213, une flotte française
fut anéantie dans le port de Damme par les Flamands alliés
aux Anglais. Pour se venger, Philippe-i\.uguste détruisit
complètement la ville et le port ; mais tout se trouva réta-
bli en 1238. Au xv® siècle, Damme subit le contre-coup de
la décadence de Bruges, puis la mer se retira peu à peu,
et ce n'est plus aujourd'hui qu'une bourgade perdue au
milieu dos sables. Il lui reste comme témoignage de son
ancienne splendeur un hôtel de ville gothique du xiv^ siècle,
et l'église de Sainte-Marie, construite en 1180. Damme
a vu naître Jacques Van Maerlant, le père de la poésie
flamande (1235-1300); on lui a érigé une statue en 1850.
Les armoiries de Damme sont : de gueules à la fasce d'aï'-
gent chargée d'un chien courant de sable accolé de même.
Canal de Damme. — Il part du canal de Bruges à
Ostende et se termine au chenal du Zwyn près de l'Ecluse.
Sa longueur est de 14,200 m.; il a 24 m. de largeur à la
flottaison, 8 m. de largeur au plafond et 2"^74 de pro-
fondeur. E. H.
BiBL. : Warnkônig, Etude sur Damme^ dans le Messa-
ger des sciences historiques de Gand^ 1835. — Jean cFAr-
DENNE, la Côte de Flandre ; Bruxelles, 1888.
DAMIVIE (Pierre-Bernard Van), bibhophileet numisma-
tiste belge, né à Gand le 20 juin 1727, mort à Amsterdam
le 13 janv, 1806. Après avoir exercé la profession de
libraire à Amsterdam, il se forma une bibliothèque de nu-
mismatique importante, ainsi qu'un cabinet de médailles
grecques et romaines qui fut l'un des plus riches de l'Eu-
rope. En 1784, il écrivit une dissertation demeurée manu-
scrite sur les origines des armoiries; il a publié quelques
travaux insérés dans les Verhandelingen van het Zeeu-
lueschgenootschap. A sa mort, la plus grande partie de
ses collections numismatiques furent acquises par le musée
de La Haye. Le catalogue de la bibliothèque et du cabinet
de médailles de Van Damme a été rédigé et publié par Van
Westreenen de Tiellandt (La Haye, 1807, in-8).
DÂIVIMERKIRCH (V. Dânnemarie).
DAWiNIERSFELD ou TAMMERSFELD. Massif oriental
du Pihœn (V. ce nom), haut de 925 m. et couvert de beaux
pâturages.
DAMMERT (Anna-Johanna-Natalia Appèlgren, mariée
en 1860 au docteur), romancière finlandaise, née le 9
janv, 1837 à Helsingfors, morte à Taimo près Nâdendal le
17 juil. 1877. Restée veuve avec sept enfants (1873),
elle demanda des ressources à sa plume féconde, traduisit
ou composa en suédois pour les journaux Mandais divers
romans et nouvelles et publia à part le Foyer, notes d'une
paysanne (Helsingfors, 1876) ; la Dernière Moisson
(1878) contient ses œuvres posthumes en vers et en prose.
Quoique ces écrits se ressentent de la hâte avec laquelle
ils ont été composés, la chaleur du sentiment, le naturel
et la sincérité du récit placent l'auteur au nombre des
meilleurs écrivains suédois de la Finlande. B-s.
DAiVlNAMENEUS (Myth.gr.). Un des Dactyles de l'Ida
(V. Dactyles).
DAMNATION. On appelle ainsi, dans l'enseignement de
l'Eglise chrétienne, la sentence divine qui entraîne les
peines éternelles de l'enfer. Le lieu où les réprouvés subis-
sent ces peines est Venfer (V. ce mot) ; les tourments
atteignent à la fois le corps et l'âme et ils sont sans fin.
Cette doctrine s'appuie sur les déclarations du Nouveau
Testament, qui parlent d'un « châtiment éternel »
(Matth., XXV, 41. Cf. Jean, IH, 36), d'un « feu qui ne
s'éteint pas » (Marc, IX, 43,44, 46,48. Cf. Isaïe, LXVI,
24) et de la « mort seconde » (Apocal., XX, 10, 14, 15).
L'enseignement officiel de l'Eglise n'a guère varié sur ce
point ; l'inscription que Dante place sur la porte de l'enfer :
Lasciate ogni speranza est orthodoxe. Mais presque
de tout temps, des docteurs isolés ont essayé d'échapper à
cette conséquence terrible du jugement dernier (V. ce
mol). On peut distinguer dans l'opposition au dogme de la
damnation deux opinions principales : celle de Vapocatas-
tase ou restauration universelle^ mise en avant par Ori-
gène, au nom de l'inaliénable liberté humaine et de la
puissance illimitée de Dieu ; la plupart des disciples du
grand penseur chrétien acceptèrent cet enseignement:
Scot Erigcne, au ix^ siècle, tenta de concilier l'universalité
du salut avec les peines éternelles. Durant le moyen âge,
quelques groupes mystiques formulèrent de diverse manière
l'apocatastase d'Origène ; et jusqu'à nos jours, cette idée
conserve des défenseurs parmi les théologiens. D'autre
part, la théorie de la destruction finale des réprouvés,
indiquée déjà par quelques Pères de l'Eglise, a donné nais-
sance, dans les temps modernes, à ce qu'on a appelé Vim-
mortalité conditionnelle (V. ce mot). F.-H. Kruger.
DAM NU M (Dr. rom.) (V. Dommages-intérêts).
Damnum infectum. — Dommage qui n'est pas
encore réalisé par opposition au dommage déjà réalisé
(damnum factum). Au cas de dommage réalisé, prove-
nant de l'immeuble d'un voisin, par exemple de l'éboule-
ment de terrains ébranlés par une cause quelconque, ou
de l'écroulement d'une maison délabrée, le voisin lésé n'a
pas en principe d'action en dommages-intérêts. Tout son
droit est de retenir les décombres s'il n'est pas désinté-
ressé ; si on les lui laisse, il ne peut demander rien de
plus, de même que l'individu lésé par l'animal ou l'esclave
d'autrui doit se contenter de cet esclave ou de cet animal,
si sur son action on lui en fait l'abandon noxal. Le prin-
cipe est le même ; toute la différence est que la victime a
un moyen d'attaque, une action, pour le tort causé par les
esclaves et les animaux qui sont susceptibles de se déplacer,
et qu'elle ne paraît pas en avoir pour celui causé par les
immeubles. — Mais, quand le dommage n'est pas encore
réalisé, celui qui se voit menacé de subir un dommage par
suite du mauvais état de l'immeuble voisin, qui s'aperçoit
que la maison du voisin menace ruine ou qu'il y a fait des
travaux qui peuvent amener un éboulement, peut recourir
à des moyens préventifs dont l'idée remonte au plus ancien
système de procédure, à la procédure des Actions de la loi,
mais qui n'ont pris leur forme, historiquement connue, que
depuis l'introduction de la procédure formulaire, que dans
l'cdit prétorien.
I. Action de la loi. — D'après un texte formel de
Gaius, il existait, dès la période des actions de la loi, en
matière de damnum infectum, une procédure que Gaius
affirme même être encore théoriquement admissible de son
temps et être seulement abandonnée en pratique, à raison
de la commodité et de Fefficacité plus grandes du procédé
prétorien. De nombreux systèmes ont été proposés sur le
caractère de cette action de la loi, admise en matière de
damnum infectum^ et sur la raison qui Fa soustraite à
l'abrogation générale des actions de la loi portée par les
lois Juliae. Selon le système le plus récent, cette action,
qui paraît avoir eu pour but, comme Faction aquœ phiviœ -
arcendœ dont les textes la rapprochent, de faire remettre
les choses en état convenable, d'obtenir une restitution
aurait comporté la prononciation de paroles solennelles
adressées au propriétaire en dehors de la présence du ma-
gistrat et destinées à faire naître la créance de restitutio,
et ce serait précisément à cause de ce préliminaire, dont
on n'aurait pu se passer qu'à l'aide d'une fiction symétrique
à celle admise en matière de pignons capio^ que Faction
de la loi n'aurait pu être remplacée ici par une formule
écrite, délivrée par le préteur.
IL Stipulation prétorienne. — A côté de ce moyen
civil obscur, on rencontre, dès la fin de la République, le
système prétorien, établi peut-être d'abord par le préteur
pérégrin. Aux termes de Fédit du préteur, celui qui est
menacé de subir un dommage par suite de Fétat défectueux
d un immeuble voisin (uitio œdium, locij operis^arborum)
peut, en tant que le droit commun ne doit pas lui ménager
d'action, exiger une promesse de réparation du préjudice
éventuel (cautio damni infecti) en vertu de laquelle il
agira en dommages-intérêts si le préjudice se réalise.
La promesse peut être demandée par celui que menace le
préjudice, non seulement par le propriétaire du fonds
menacé, auquel il faut assimiler le possesseur de bonne
foi, mais par ceux qui ont des droits réels sur le fonds
et même par quelques autres intéressés. Elle est due
non seulement par le propriétaire, auquel il faut encore
assimiler le possesseur de bonne foi, mais par tous ceux
qui ont des droits réels sur la chose, sauf par les titulaires
actifs de servitudes prédiales. Elle est, comme toutes les
stipulations prétoriennes, faite par un contrat verbal, qui
d'ordinaire ne requiert pas la garantie de cautions, qui la
requiert dans certains cas exceptionnels, par exemple quand
la promesse émane non pas du propriétaire, mais du titu-
laire d'un droit réel. L'obligation ainsi créée se transmet
activement et passivement aux ayants cause à titre parti-
culier quant aux deux fonds. Mais, en revanche, elle n'est
faite que pour un délai déterminé par le magistrat, au
bout duquel il faut en provoquer le renouvellement, si le
danger subsiste. — Reste à savoir ce qu'il arrivera si le
défendeur refuse la promesse. Le chapitre xx de la loi
Rubria, de Gallia cisalpina, décide qu'en pareil cas le
dommage venant à se réaliser, la victime pourra exercer
une action fictice pour demander ce à quoi elle aurait droit
si la stipulation, inutilement l'éclamée, avait été accom-
plie. Mais ce n'est point là le système que nous rencon-
trons dans les textes du droit classique. En droit classique,
sur le refus de la promesse prescrite par le magistrat,
celui-ci rend un premier décret par lequel il envoie le de-
mandeur en possession de tout ou partie de l'immeuble, à
raison duquel la caution était demandée, mais d'ailleurs
dans le seul but d'assurer la conservation de ses droits et
de peser sur la volonté du défendeur sans que ce dernier
soit lui-même dépouillé. S'il persiste dans sa résistance, le
magistrat rend, au bout d'un certain temps, un second
décret qui, jure prœtorio^ lui enlève ses droits et les
transfère au demandeur, de telle sorte que celui-ci a dé-
sormais la propriété prétorienne de l'immeuble en atten-
dant d'en devenir propriétaire civil par usucapion, et que
l'ancien propriétaire ne peut plus le lui reprendre en offrant
la caution. — On remarquera que, à côté de cette pre-
mière hypothèse, oh la caulio damni infecti est requise
de quelqu'un à raison de la façon dont il se comporte sur
848 — DAMNUM -^ DAMOISEAU
son propre fonds, il y en a une autre où elle est requise
de lui, à défaut d'autre moyen de droit, à raison des actes
qu'il fait, par exemple en vertu d'un droit de servitude,
sur le fonds d'autrui. Dans cette hypothèse, moins impor-
tante, la sanction du défaut de promesse sera que Fon ne
laissera pas l'individu pénétrer sur le fond pour y faire les
actes dont s'agit. P.-F. Girard.
Damnum injuria datum (V. Aquilia [Lex]).
BiBL, : Damnum inpectum. — Burckiiardt, Die Cautio
dnmni infecti {continuation de Gluck, série des livres
XXXIX et XL, 2" partie), 1875. — Windsgiieid, Lehrbuch
des Pandehtenrechts, 1891, II, §§ 458-460, 7« édit. — Ac-
CÂRiAB, Précis de droit romain^ 1891, II, n" 719, 4» édit. —
Cf. sur la Legis actio M. Wlassak, Rômische Process^
gesetze^l8S8, I, pp. 238-272, et sur la loi Rubria les auteurs
cités dans Girard, Textes de droit romain, 1890, pp. 64-65.
DAM OC LÈS, courtisan de Denys r Ancien (V. ce nom),
tyran de Syracuse, qui fut l'objet d'un apologue célèbre.
Comme il vantait le bonheur du maître, celui-ci lui pro-
posa l'échange, lui fit goûter à sa place tous les plaisirs
qu'offrait son palais jusqu'à ce que, relevant la tète, Da-
raoclès aperçut au-dessus de lui une épée suspendue à un fil.
DAM OC RATES (Servilius), médecin grec du i^^ siècle
de l'ère chrétienne, dont le nom, d'après Pline, serait
Démocrates ; contemporain de Néron, il jouit à Rome
d'une réputation considérable. Il composa vers 65 plusieurs
ouvrages, perdus depuis, sur la matière médicale et la
pharmacologie, et écrits en vers trimètres iambiques.
Galion leur a fait de nombreux emprunts et Harless en a
réuni tous les fragments connus sous ce titre : Servilii
Damocratis quœ supersunt carmina medicinalia
(Bonn, 1834, in-4). D^ L. Hn.
DAMOH. Ville de la province de Djabalpour (Inde cen-
trale), ch.-l. de district à n kil. E. de Sagar; 8,200 hab.
Marché important pour les fers du pays qui sont très bons,
et les bois des monts Vindhya. Musée d'antiquités indiennes.
Le district de Damoh s'étend sur les hauts plateaux des
Vindhya entre la frontière méridionale du Bundelkand et
la Nerbada, Superficie : 7,249 kil. q. ; population,
269,650 hab. Très riches mines de fer. Yallées fertiles et
bien cultivées. Beaucoup de bêtes féroces. M. d'E.
DAMOISEAU (llist.). Titre qu'on donnait au moyen
âge aux fils des rois et des seigneurs. Les formes de ce
mot qu'on rencontre le plus souvent dans les anciens textes
français sont damoisel, douze l^ dansel^ toutes formes
qui dérivent du latin dominicellus, diminutif de domimis.
Dans une formule de Marcuîfe (II, 52), du vii^ siècle,
domnicillus désigne le fils du roi. Le mot domicellus
apparaît avec le même sens dans les lois d'Edouard le
Confesseur (cap. xxxv) où il est dit que ce prince retint
auprès de lui un jeune seigneur, le fit élever comme son
propre fils et que voulant en faire son héritier il l'appela
Etheliiige, synonyme de damoisel, titre que les Français
appliquent aux fils des barons mais que les Anglais réser-
vent aux fils de rois. Froissart parlant de Richard, fils du
prince Noir, et héritier de la couronne d'Angleterre, Fap-
pclle « le jeune damoisel Richard >>. Le chroniqueur Ro-
drigue de Tolède dit que c'était l'usage chez les Goths que
les enfants des grands, qu'il désigne par les termes domi-
celli et domicellce, fussent élevés à la cour du roi. De
môme, en France, tous les fils de seigneurs pouvaient être
quahfiés damoiseaux, mais ils ne portaient ce titre, du
moins au xin® siècle, que jusqu'au moment oii ils étaient
armés chevaliers. Dans une charte bourguignonne de
l'année 1233, un seigneur déclare que cet acte a été ré-
digé du consentement de ses fils, à savoir Hugues, déjà
chevaHer, Alain et Gautier, encore damoiseaux. Louis de
Beaulieu, chevaHer auvergnat, rappelle dans une charte le
temps oti il n'était que damoiseau « tempore quo eramus
domicellus et an te tempus militiaî nostrsB ». Voici encore
deux vers du poème do Garin le Lorrain qui étabhsscnt
que le damoiseau est le seigneur qui attend la chevalerie :
Et li denzel que Bues ot norris
Qui attendoient chevalier les feist.
Les damoiseaux qui possédaient une seigneurie ajoutaient
DAMOISEAU — DAMONA
— 816 —
à leur qualité le nom de cette seigneurie. Ainsi, en 1277:
« Jou Jehans d'Avesne, damoisiaus deHaynnau... » Du
reste, il arrivait que des seigneurs trop pauvres pour payer
les frais de chevalerie restaient toute leur vie damoiseaux;
ce qui explique qu'on rencontre dans les textes des men-
tions de damoiseaux, fils de damoiseaux. Le titre de damoi-
seau resta attaché à certaines seigneuries parmi lesquelles
celle de Commercy, en Lorraine, est la plus célèbre. Le
premier seigneur de Commercy qui ait porté le titre de
damoiseau est Aimé I^^ de Sar bruche, qui est ainsi quahfié
dans un acte de 1389; mais plus tard, par exemple dans
l'acte de foi et d'hommage qu'il rendit à l'évêque de Metz,
il prend les titres de chevalier et seigneur de Commercy.
Il ne semble donc pas qu'on puisse faire remonter jusqu'à
lui l'immobilisation du titre de damoiseau dans la famille
des sires de Commercy. En Béarn, les nobles se divisaient
en trois catégories : les barons, les chevaliers ou caveî^s,
les damoiseaux ou domengers. Le titre allemand qui cor-
respond à celui de damoiseau est Junker^ c. -à-dire jeune
seigneur. Au xvii® siècle, ce mot désignait dans plusieurs
armées de l'Empire un aspirant officier. Par extension dans
la poésie française, le mot damoiseau prit le sens de jeune
homme. M. Prou.
BiBL. : Du Gange, Glossar'ium^ au mot Domicellus. — •
De la Roque, Traité de la noblesse, 2^ éd., p. 7, — P. Da-
niel, Histoire de la milice française^ t. I, p. 130. — La
CuRNE de Sainte-Palaye, Dictionnaire historique de
l'ancien langage français^ au mot Damoiseau. — Dumont,
Histoire delà ville et des seigneurs de Commercy ; Bar-
le-Duc, 1843, in-8, t. I, p. 184.
DAMOISEAU (Marie-Charles-Théodore, baron de),
astronome français, né à Besançon le 9 avr. 1768, mort
à Issy (Seine) le 6 août 1846. Fils d'un officier général,
il s'enga^çea à vingt ans dans le régiment d'artillerie de La
Fère, émigra lors de la Révolution, servit successivement
dans les armées de Condé, sarde et portugaise, fut sous-
directeur de l'observatoire et associé de Facadémie des
sciences de Lisbonne et rentra en France en 1807 avec
l'armée du général Junot. Il reprit du service dans l'artil-
lerie, fut attaché aux sous-directions de Bastia et d'An-
tibes et au dépôt de la guerre à Paris, et se fit mettre à
la retraite en 1817 avec le grade de lieutenant-colonel.
Devenu directeur de l'observatoire de l'Ecole militaire et
membre du Bureau des longitudes, il fut élu le 1^^ août
1825 membre de Facadémie des: sciences de Paris. On lui
doit d'intéressantes études sur le retour de la comète de
1759 et sur les petites planètes, des Tables de la Lime
(Paris, 1824, in-4 et 1828, in-foL), des Tables éclip-
tiques des satellites de Jupiter (Paris, 1836, in-4), des
Ephémérides nautiques rédigées à la demande du gou-
vernement portugais et divers mémoires d'astronomie
publiés par les recueils de l'académie des sciences de Paris
et par la Connaissance des temps. L. S.
DAMOISELLE (Hist.). Titre qu'on donnait au moyen
âge aux fiUes des princes et des seigneurs non encore ma-
riées. Les filles des rois de Franco étaient appelées en latin
dominœ et en français dames. Du Tillet écrivait au xvi^
siècle : « Le surnom de France appartient aux filles des
rois de France, soient nées avant ou durant le règne. Vray
est que si elles sont nées auparavant, ne le prennent qu'après
l'avènement à la couronne, et si elles sont filles de fils
aisné du roy, sont appelées mesdames dès leur naissance,
pour l'asseurance de la couronne à leur père sans sa mort.
Les autres ne sont appelées que mesdamoiselles et, après
l'advenement mesdames, avec le surnom de France. » On
a aussi donné le nom de damoiselles aux femmes des damoi-
seaux. Les servantes dans les maisons d'un rang inférieur,
du moins au xiv^ siècle, étaient aussi dites damoiselles. Les
dames de la maison de la reine ont porté le même titre,
car la femme d'Enguerrand de Marigny, morte en 1200,
est qualifiée dans son épitaphe « damoiselle de la reine ».
Le mot damoiselle s'appliquait encore aux filles de mauvaise
vie. M. Prou.
BiBL. : Du Gange, Qlossariivm, au mot Domicella. — La
CuRNE DE Sainte-Palaye, Dictionnaire de l'ancien lan-
gage français., au mot Damoiselle.
DAMOISELLE À atourner (Mobilier). Sorte de petit
meuble, généralement en bois, quelquefois orné de peintures
et de dorures, servant à la toilette des dames. Il consistait
essentiellement en une plaque tournante supportant un
miroir, des bras métalliques ou des plateaux sur lesquels
se plaçaient les menus objets et tout en haut une marotte
pour les atours^ de la coiffure. On rencontre quelquefois
dans les inventaires des « damoiselles » en argent de petite
dimension qui alors devaient se poser sur une table.
DAM ON, musicien et philosophe d'Athènes, qui florissait
pendant la seconde moitié du iv^ siècle. La date de sa
mort est inconnue. Disciple du pythagoricien Pythoclide,
de Lampros et d'Agathocle, il devint le maître et l'ami de
Périclès et do Socrate. Platon (Rép., III) le présente comme
ayant savamment disserté sur la rythmique et la métrique
et plus loin {Rép,, IV), comme s'étant posé en conserva-
teur des vieilles traditions musicales. Dans le Lâches,
Socrate le propose à Nicias comme un excellent professeur
à donner à son fils pour lui enseigner non seulement la
musique, mais toutes les autres connaissances qui peuvent
former un jeune homme ; il rappelle que Damon a été le
digne élève du sophiste Prodicus et vante le talent avec
lequel il argumente sur la philosophie morale. S'il faut en
croire Plutarque (Vie de Périclès), Damon était un homme
« très instruit en matière de gouvernement ». Il fut banni
par l'ostracisme, selon certains historiens, parce qu'il favo-
risait la tyrannie [ibid.), suivant d'autres (Vie d'Aristide)
à cause de sa supériorité en prudence et en sagesse. Il
essuya les railleries de Platon le Comique. Dans le Dialogue
sur la musique (§ 16), Plutarque rapporte qu'on lui attri-
buait l'invention de l'harmonie hypolydienne (V. Musique
[Histoire]). C.-E. Ruelle.
DAMON ET Phintias ou Pythiâs, comme on l'appelle
souvent, étaient deux philosophes pythagoriciens qui vi-
vaient à Syracuse sous Denys le Tyran, ou sous Denys le
Jeune, et l'on n'est guère mieux renseigné sur leur philo-
sophie que sur la date de leur existence. Les auteurs ne
nous ont conservé qu'un seul trait de leur histoire. Da-
mon et Phintias étaient deux vrais amis du Monomotapa,
et leurs noms sont aussi inséparables que ceux d'Oreste et
de Pylade, doNisus etd'Euryale, d'Achille et de Patrocle,
de Thésée et de Pirithoiis. Phintias, condamné à mort par
le tyran, avait obtenu un sursis de quelques jours pour ré-
gler ses affaires, et Damon s'était rendu caution du retour
de son ami. Comme au jour fixé Phintias n'était pas de
retour, Damon resté à Syracuse se présenta au supplice.
Phintias survint au dernier moment. Alors s'éleva entre
les deux amis, et devant tout le peuple, un combat magni-
fique de générosité pour savoir lequel des deux devait
mourir. Tant de fidélité ébranla le tyran; il fit grâce,
et demanda aux philosophes d'entrer en tiers dans leur
amitié. Aristoxène dit qu'il ne l'obtint pas. — Ce récit
des auteurs anciens a tenté quelques modernes. Chapu-
zcau a fait représenter, en 1653, sur le théâtre du Marais,
une tragi-comédie intitulée Damon et Pythias. Lessing
s'cbt exercé sur le même sujet : son premier essai drama-
tique porte le nom de Damon und Pythias. La tou-
chante ballade de Schiller, Die Bilrgschaft, est inspirée
par la même légende. Enfin le marquis de Belloy a monté
avec un très vif succès, en 1847, une comédie en vers,
appelée elle aussi Damo7i et Pythias. J. Dubourdieu.
BiBL. : Cic, De Offîc, III, 10. — Jamblicus, Vie de Pij-
Ihagore. — Hygiî>;us, fable 257.
DAMONAj divinité gauloise qu'on ne connaît que par les
inscriptions de plusieurs autels votifs, découverts à Bour-
bonne-les-Bains, à Bourbon-Lancy et dans d'autres locahtés
ayant des établissemenls de bains. D'ordinaire associée à
un dieu appelé Borvo ou Bormo, qui était probablement un
équivalent gaulois d'Apollon, elle paraît avoir été, comme
celui-ci, une divinité tutélaire des eaux thermales. L. W.
BiBE. : Berger de Xivrey, Lettre à M. Hase sur une
inscription latine trouvée à Bourbonne-les-Bains ; Paris,
— 817 —
DAMONA — DAMPE
1833. — DuGAS DE Beaulieu, Mémoire sur les antiquités
de Bourbonne-les-Bains^ dans Bulletin de la Société des
antiquaires dé France^ 3« série, t. V, 1862, pp. 64-65. —
B^ E. BouGARD, BibUotheca borvoniensis ; Paris, 1865. --
J. Becker, Zur Urgeschicfite des Rhein- und Mainlandes^
dans Archiv fur Frankfurts Geschichte und Kunst^ nouv.
sér., vol. III, 1865, p. 19. — Chabouillet, Inscriptions et
antiquités à Bourbonne-Les-Bains. dans Revue archéolo-
gique, 1880 et 1881.
DAWIOPHILOS, artiste grec, dont le nom ne nous a été
conservé que par un passage de Pline FAncien (XXXV,
454). Pline dit que Damophilos, qui était à la fois sculp-
teur, modeleur et peintre, fut appelé à Rome, en compa-
gnie d'un autre artiste grec nommé Gorgasos, pour décorer
le temple de Gérés construit près du grand cirque. Ce
temple fut consacré l'an 261 de Rome (493 av. J.-C). On
ne sait si ce Damophilos doit être identifié avec un artiste
du même nom, originaire de la ville d'Himère, en Sicile,
et qui fut le maître du peintre Zeuxis {Hist. nat.^ XXXV,
461). En tout cas, il n'y aurait pas à cette identification
d'impossibilité chronologique. J. M.
DAMOPHON, sculpteur grec qui vivait dans la première
moitié du iy^ siècle av. J.-C. Il était de Messène. Pausa-
nias signale plusieurs de ses œuvres, dont quelques-unes
étaient conservées à Messène même. Il n'avait guère exé-
cuté que des statues mythologiques. Il avait fait, entre
autres statues, pour plusieurs sanctuaires, les images d'Es-
culape et de ses enfants.
BiBL. : OvERBECK, Schriflqucllcn, 1557-1564.
DAMOREAU (M^« Cinti) (V. CiNTi-DA.MoaEAu).
DAMOT. Province de VAhyssinie (V. ce nom), au S.,
dans la région de FAmhara, dans la courbe de l'Abaï;
ch.-l. Dembetja. Au moyen âge, la région située au S. de
l'Abaï en dépendait, et c'est à elle que s'appliquait ce nom,
transporté au N. de l'Abaï depuis les conquêtes des Gallas.^
DAMOUDA. Grande rivière du Bengale (Indes anglaises).
Elle a ses sources dans la province de Tchota-Nagpour à
rO., de Itazaribagh elle se dirige vers l'E. à travers la
vallée de Ramgarh. A 450 kil, de sa source, elle reçoit
le Barakar, son principal affluent, passe ensuite près de
Patchet et entre dans la province de Burdwan ; se diri-
geant ensuite vers le S. elle se jette dans le Hougly, après
un cours d'environ 460 kil. Dans la haute vallée de la
Damouda est le plus riche bassin houillcr de l'Inde. Les
mines, exploitées par plusieurs compagnies, fournissent
les chemins de fer du nord de l'Inde, auxquels elles sont
reliées par plusieurs Hgnes. M. n'E.
DAM OU R (Augustin- Alexis), minéralogiste français, né
à Paris le 49 juil. 4808. Entré comme employé au minis-
tère des affaires étrangères, il y devint sous-directeur et
donna sa démission en 4854 pour pouvoir se consacrer
tout entier à la minéralogie. On lui doit l'analyse chimique
de nombreuses substances dont la composition était encore
peu connue : plomb-gomme, roméine, faujassite, humbold-
tilite, périclase, cymophane, scorodite, érinite, liroconite,
aphanèse, oHvenite, jade oriental, brongniartite, predazzitc,
tantalite, descloizite, euklase, parisite, jakobsite, etc., etc.
Les résultats de ces importants travaux se trouvent consi-
gnés dans une centaine de mémoires qu'ont publiés les
Comptes rendus de V Académie des sciences de Paris,
les Annales des mines, les Annales de chimie et de
physique, le Bulletin de la Société géologique, le Bul-
letin de la Société philomathiqiie, etc. Correspondant de
l'Académie des sciences depuis 4862, M. Damour en a été
élu membre libre le 23 déc. 4878. L. S.
BiBL. : Notice sur les travaux scientifiques de
M. Damour; Paris, 1876, in-4,
DAMOUR (Charles), peintre et graveur français contem-
porain, né à Paris le 5 oct. 4843. Elève d'Ingres, il
quitta bientôt l'atelier pour voyager en Italie et en Sicile
(4836-37) ; à son retour, il peignit quelque temps des
paysages et des portraits, sans grand succès, puis il
s'adonna complètement à la gravure à l'eau-forte (1846).
Il contribua au développement de cet art en perfectionnant
le procédé dit au vernis mou et en le rendant capable de
supporter des travaux de longue haleine, au heu des
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIIL
croquis auxquels on Pavait restreint jusqu'alors. On cite
comme les meilleures gravures de M. C. Damour ; le Repos
au bois (S. 4849) ; les Rives du Tibre, près de Rome ;
Vue prise dans la villa Borghèse; Danse dans la cour
d'une maison de Grenade; trois planches d'après Chacaton
(S. 4852 ; 3® méd.) ; la Famille du menuisier^ d'après
Rembrandt (S. 4855). On doit encore à cet artiste une
suite de neuf planches, d'après les OEuvres inédites de
Bonington, et d'autres suites, d'après les dessins exécutés
par M. de Chacaton pendant ses voyages en Espagne et
en Orient.
DAMOURITE. La damourite est une variété de mica
blanc hydraté qui a été trouvée pour la première fois en
paillettes blanches, nacuées, sur le disthène de Pontivy
(Morbihan). Depuis lors, on l'a retrouvée dans un grand
nombre de gisements, constituant en général des épigénies
de divers silicates et notamment de feldspaths dans les
roches acides. Ce minéral a été dédié au minéralogiste
français Damour.
DAMOUS ou DAHMOUS (Oued). Riv.d'Algériequi prend
sa source au djebel Sidi-Aïssa, montagne de'^645 m. d'alt.
dans le massif au N. d'Orléansville, coule dans une vallée
encaissée et pittoresque et se jette dans la Méditerranée,
entre Cherchell et Ténès, à l'endroit dit El-Bordj, après
un cours d'une trentaine de kil. E. Cat.
DAMOUSIES. Corn, du dép. du Nord, arr. d'Avesnes,
cant. de Maubeuge ; 287 hab.
DAMOUZY. Com. du dép. des Ardennes, arr. de
Mézières, cant. de Charleville ; 374 hab.
D A M 0 Y E (Pierre-Emmanuel-Alphonse) , peintre français
contemporain, né à Paris en 4847. Après quelques études
à l'Ecole des beaux-arts, cet artiste renonça définitivement
à la figure pour se consacrer au paysage ; il eut pour
maîtres dans ce genre Corot et Daubigny! Il emprunta de
l'un une couleur harmonieuse et transparente, et de l'autre
une manière simple et large de voir la nature. Parmi les
œuvres principales de M. Damoye, les plus remarquables
sont : les Prairies de Mortefontaine (S. 4877) ; le Mou-
lin de Merlimont^ Pas-de-Calais (S. 4879; mus. du
Luxembourg), tableau oti l'espace est rendu d'une manière
excellente; le Moulin de Gouillandeur (S. 1884), oti
se retrouve également cette qualité maîtresse de l'artiste,
le sentiment de la perspective aérienne ; Etang en Sologne
(S. 4884), paysage plat, désolé, bien solognais dans sa
mélancolie, sous un grand ciel nuageux ; Com de marais
en Sologne (S. 4888) ; Après la giboulée, Soloqne
(S. 4889). "^ Ad. T.
DAM PARIS (UAbbaye-Dmnparis). Com. du dép. du
Jura, arr. et cant. de Dôle; 765 hab. Damparis posséda
un monastère de chanoines réguliers qui avait, paraît-il,
été fondé vers le milieu du xii^ siècle et qui fut réduit,
vers la fin du xiii^, à l'état de simple prieuré et uni à
l'abbaye de Saint-Vincent de Besançon. Vestiges de con-
structions gallo-romaines. Minerais de fer employés à Fou-
cherans. On exploite, au hameau de Belvoye, des carrières
de pierre à bâtir très importantes.
DAMPE ( Jacob- Jacobsen), agitateur danois, né k Co-
penhague le 40 janv. 4790, mort le 22 déc. 4867. Etant
dans l'enseignement privé, il travailla par des prédications
et des écrits à introduire le libéralisme dans l'Eglise et le
gouvernement. Une pétition qu'il ne put faire imprimer,
mais qu'il colporta, n'ayant obtenu que trois signatures, il
tenta de fonder une société, mais il fut arrêté lors de la
première réunion (4820) et condamné à mort pour crime
de lèse-majesté. C'est en vain qu'il demanda à subir cette
peine qui avait été commuée en détention perpétuelle. 11 ne
fut relâché qu'en 4844, après l'avènement de Christian VIII,
mais astreint à résider dans l'île de Bornholm et sou-
mis à une censure inepte qui publiait malgré lui ses
écrits après les avoir défigurés. Lors du triomphe des prin-
cipes pour lesquels il avait souffert, il recouvra complè-
temait la liberté (4848) et obtint de l'Etat une petite
pension. Il publia des Discours sur la religion (Copen-
'52
DAMPE — DAMPIERRE
- 818 »-
liague, 4830-51), mais il ne prit aucune part aux événe-
ments du règne de Frederik VIL Beâuyois.
DAWIPIER (Détroit de). Canal maritime de 90 kil, de
large, compris entre la côte N.-E. de la Nouvelle-Guinée et
de la côte 0. de la Nouvelle-Bretagne ; l'île Rook le divise
au milieu et le chenal occidental (détroit de Vitraz) est le
plus sûr, l'autre étant encombré de bancs de rochers et
d'îles. Ce canal fut découvert en 1700 par Dampier, de
même que le suivant. — Canal maritime compris entre
l'île Waigen et la pointe N.-O. de la Nouvelle-Guinée;
c'est le passage le moins dangereux de l'océan Indien à
l'océan Pacifique.
DAiVlPIER (Iles). Petit archipel de la côte N,-0. d'Aus-
tralie, par 20^ lat. S., 113H0' et 414«4T' long. E. ; il se
compose d'une vingtaine d'îles rocheuses (quartz ferrugi-
neux) ; la principale est Rosemary ; à travers l'archipel
passe le détroit de Mermaid. -— On appelle île Dampier
une petite île située au N.-E. de la Nouvelle-Guinée et
dominée par un volcan de 1,600 m. d'alt.
DAMPIER (Terre de). Vaste presqu'île de la côte N.-O.
d'Australie dans la colonie d'Australie occidentale, entre
16^25' et 18° lat. S.; elle est limitée à l'E. par la baie
de King; au N. est le cap Levèque, à l'O. la baie du
Reagle, les îles Lacépède, la baie Carnot, le cap Boileau.
L'intérieur a été exploré en 1879 par A. Forrest, en 1879-
1880 par Brockman; c'est un pa3js bien arrosé, avec des
prairies, des bois de palmiers, du gibier, etc.
DAMPIER (William), navigateur anglais, né à East
Coker (Somersetshire) en 1652, mort à Londres en 1715.
Orphelin de bonne heure, il navigua, d'abord comme
mousse, puis comme matelot, dans la marine royale. Après
avoir essayé d'une vie plus calme sur les plantations du
colonel Helyar, à la Jamaïque, il reprend la mer, abat des
arbres dans les forets du Yucatan,sefait pirate, boucanier,
revient se marier en Angleterre et rêve de faire le commerce
en grand avec les Antilles et l'Amérique centrale. Parti
dans cette intention au printemps de 1679, il cède à ses
instincts d'aventurier, promène le pillage sur toutes les
mers, du golfe du Mexique aux côtes de l'Inde et de la
Chine, incapable de s'astreindre même à la discipline des
pirates, abandonné par ses camarades dans l'île Nicobar,
trafiquant à Atchin et sur les côtes de Madras et du Ton-
kin, maître canonnier au fort de Bencoulen, et finalement
ne rapportant dans sa patrie qu'un Indien fort tatoué de
Fîle Menangis, sur l'exhibition duquel il comptait pour re-
faire sa fortune (1691). Sa vie offre ici une lacune de six
années. Peut-être les occupa-t-il à mettre en ordre ses
souvenirs et les notes qu'il n'avait jamais cessé de prendre
au milieu de toutes ses aventures; car en 1697 il publiait
son New Voyage round the world (in-8), dédié au pré-
sident de la Société royale, Charles Montagne, plus tard
comte de Halifax, un des mécènes de ce temps-là. Un second
volume suivit bientôt (1699), ainsi qu'un Discourse of
Winds, ouvrage très remarquable pour une époque où la
science météorologique n'était pas née. Le gouvernement le
chargea alors d'un voyage d'exploration entre Madagascar
et l'archipel malais. Mais il fit naufrage sur les côtes de
l'île d'Ascension, et fut rapatrié par un convoi de navires
anglais qui revenait de l'Inde. Condamné à une grosse
amende (1702) par une cour martiale pour avoir maltraité
et fait emprisonner son lieutenant, il n'en fut pas moins,
l'année suivante, envoyé, avec deux navires, faire la
course dans les mers du Sud. C'est à cette expédition que
se rapporte l'histoire du marin Alexander Selkirk, aban-
donné sur l'îlot Juan Fernandez et qui passe pour être le
prototype de Robinson Crusoé. Dampier ne sut ni mainte-
nir l'ordre, ni imposer sa volonté, toute violente qu'elle
fût, à ses équipages. Après une suite de querelles,
d'actes arbitraires et de mésaventures peu honorables, il
se trouva, à son retour en Angleterre, passionnément
attaqué dans une relation que venait de publier Funnell,
un de ses compagnons, revenu avant lui. Sa réponse,
qu'il intitula Vindication (1707), ne consiste qu'en as-
sertions contraires, aussi peu appuyées de preuves que
celles de l'accusation. Il s'embarqua de nouveau sur un
corsaire en 1708, mais cette fois en qualité de pilote, et
ne revint qu'en 1711. La meilleure édition de ses voyages
autour du monde est celle de 1729 (4 vol. in-8). Ils ont
été partiellement traduits en français (Amsterdam, 1711-
1712, 5 vol. in-12). Ses écrits, outre l'intérêt dramatique
dont ils sont pleins, méritent l'attention des savants par
les renseignements hydrographiques qu'on y rencontre ;
son style clair, franc et net, ses plans et ses cartes, d'une
précision extraordinaire pour le temps, lui assurent une
place parmi les grands écrivains de voyage et les grands
géographes. B.-H. Gâusseron.
DAMPIERRE. Corn, du dép. du Calvados, arr. de Vire,
cant, d'Aulnay-sur-Odon ; 409 hab.
DAMPIERRE. Com. du dép. du Doubs, arr. de Mont-
béhard, cant. de Pont-de-Roide ; 298 hab,
DAMPIERRE. CL-L de cant. du dép. du Jura, arr. de
Dôle; 932 hab.
DAMPIERRE. Com. du dép, du Loiret, arr. de Gien,
cant. d'Ouzouer-sur-Loire; 1,060 hab.
DAMPIERRE. Com. du dép. de Maine-et-Loire, arr. et
cant. de Saumur; 489 hab.
DAMPIERRE. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr. de
Langres, cant. de Neuilly-l'Evêque ; 803 hab.
DAMPIERRE (Domnus Petrus), Com. du dép. de
Seine-et-Oise, arr. de Rambouillet, cant. de Chevreuse ;
614 hab. Ce village, mentionné dès le xii^ siècle, n'est
célèbre que par son château, construit peu après 1550
pour le cardinal Charles de Lorraine et presque complète-
ment remanié au siècle suivant par Mansart. La seigneurie
appartint toujours aux ducs de Chevreuse et le domaine
est resté jusqu'à maintenant dans cette famille, car il est
la propriété de M"^^ la duchesse de Luynes.
BiBL. : L'abbé Lebeuf, Hist. du diocèse de Paris, t. III,
pp. 357-360 de l'édit. de 1883.
DAMPIERRE. Com. du dép. de la Seine-ïnférieure, arr.
de Dieppe, cant. d'Envermeu; 341 hab.
DAMPIERRE. Com. du dép. de la Seine-Inférieure, arr.
de Neufchâtel-en-Bray, cant. de Gournay; 532 hab.
DAMPIERRE-au-Temple. Com. du dép. de la Marne,
arr. de Chàlons, cant. de Suippes; 92 hab. Ancienne
commanderie de templiers, qui existait dès 1128 sur son
territoire, sur l'emplacement du village de la Neuville-au-
Temple, aujourd'hui détruit. A. T.
DAMPIERRE-de-l'Aube (Domnus Petrus). Com, du dép.
de l'Aube, arr. d'Arcis, cant. de Ramerupt; 620 hab.
Cette localité est fort ancienne. Des sépultures mérovin-
giennes y ont été découvertes à diverses reprises. Dès le
xii^ siècle, la maison de Dampierre comptait parmi les
plus importantes seigneuries de la région; elle réunit
quelque temps sous son nom, au siècle suivant, la seigneu-
rie de Bourbon et le comté de Flandre. En 1305, la sei-
gneurie de Dampierre passa dans la maison de Cliâtillon
par le mariage de Marguerite, fille de Jean II et d'Isabeau
de Brienne, avec Gaucher VI de Châtillon, seigneur du
Thour, fils du célèbre comte de Porcien et connétable de
France; elle entra ensuite dans la famille flamande de
Lannoy (1481) et dans celle du président Picot (1526) où
elle est demeurée jusqu'à nos jours : elle fut érigée en
marquisat vers 1645. Dampierre possédait une puissante
forteresse, remplacée aujourd'hui par un beau château mo-
derne, construit par Mansart en 1671, et précédé d'un
élégant portail de la fin duxvi^ siècle, composé d'une sorte
de tour rectangulaire cantonnée de tourelles ; un magni-
fique parc, arrosé d'eaux vives, entoure le château auquel
on accède par une large avenue plantée d'ormes séculaires.
L'église, intéressant édifice des xii^ et xvi^ siècles, ren-
ferme, avec quelques débris de vitraux de la Renaissance,
le remarquable tombeau et la statue couchée de Pierre de
Lannoy, baron de Dampierre, mort en 1522; la chapelle
Saint-Nicolas est afîectée aux sépultures delà famille Picot.
L'ancien prieuré bénédictin, donné vers 1100 par Thibaut
819 —
BAMPIERRE
de Dampîerre à Tabbaye de Marmoutier, fut réuni, dans le
courant du xviii® siècle, à la cure paroissiale, et les bâtiments
qui le composaient transformés en ferme. A. Tausserat.
BiBL. : A. Thévenot, Statistique générale du canton de
Ramerupt^ dans Mém. de la Soc. acad. de Troyes; Troyes,
1868, in-8, -- Ch. Savetiez, Dampierre-de-V Aube et ses
seigneurs^ dans Revue de Champagne et de Brie, 1884 à
1889.
DAMPIERRE-en-Bresse. Corn, du dép. de Saône-et-
Loire, arr. de Louhans, cant. de Pierre ; 642 hab.
DAMPIERRE-en-Crot. Corn, du dép. du Cher, arr. de
Sancerre, cant. de Yailly; 656 hab.
DAWIPIERRE-en-Grâçay. Corn, du dép. du Cher, arr.
de Bourges, cant. deGraçay; 337 hab.
DAMPlERRE-EN-MoNTÂGNE. Com. du dép. de la Côte-
d'Or, arr. de Semur, cant. de Vitteaux; 475 hab.
DAMPIERRE-le-Château. Com. du dép. delaMarne,
arr. de Sainte-Menehould, cant. deDommartin, sur la rive
droite de l'Yèvre ; 2o!ii hab. — Cette localité fut autre-
fois le siège d'une importante seigneurie et le chef-lieu du
comté d'Astenois, primitivement établi à Vieux-Dampierre,
et qui comprenait les anciens doyennés de Sainte-Menehould
et de Possesse. En 1096, Pierre, comte de Dampierre et
d'Astenois, prit part, avec Renard, son frère aîné, comte
de Touî, à l'expédition de Godefroy de Bouillon. Renard II
de Dampierre, en 4202, accompagna Thibaut IV de Cham-
pagne lors de la quatrième croisade, fut pris par les mu-
sulmans et retenu vingt-neuf ans captif à Alep. Le château
de Dampierre, situé sur une motte fort élevée qui subsiste
encore, fut détruit dans les guerres du xvi^ siècle. A. T.
BiBL. : A. DE Barthélémy, Chartes de départ et de
retour des comtes de Dampierre-en-Astenois, IV« et
y» croisades^ dans Archives de l'Orient latin, 1883. — Du
même, le Comté d'Astenois et les comtes de Dampierre-
le-Château^ dans Revue de Champagne, 1888-1891.
DAMPIERRE-LES-Bois. Com. du dép. du Doubs, arr.
de Montbéliard, cant. d'Audincourt ; 4,393 hab.
DAMPIERRE-LÈs-CoNFLANS. Com. du dép. de la Haute-
Saône, arr. de Lure, cant. de Vauvilliers ; 787 hab.
DAMPIERRE-sous-BouHY. Com. du dép. de la Nièvre,
arr. de Cosne, cant. de Saint -Amand- en -Puisaye;
4,456 hab.
DAMPIERRE-sous-Brou. Com. du dép. d'Eure-et-Loir,
arr. de Châteaudun, cant. de Brou ; 557 hab.
DAMPIERRE-sur-Auve. Com. du dép. de la Marne,
arr. et cant. de Sainte-Menehould; 43 hab.
DAMPIERRE-sur-Avre. Com. du dép. d'Eure-et-Loir,
arr. de Dreux, cant. de Brezolles; 615 hab.
DAMPIERRE-sur-Blévy. Com. du dép. d'Eure-et-Loir,
arr. de Dreux, cant, de Senonehes ; 274 hab.
DAMPIERRE-sur-Boutonne. Com. du dép. de la Cha-
rente-Inférieure, arr. de Saint- Jean-d'Angely, cant. d'Aul-
nay ; 607 hab, Dampierre a possédé trois églises ; il en
reste une seule, Saint-Pierre, rebâtie par les moines de
Saint-Cyprien, au xi^siècle etau commencement du xn^siècle.
Il faut mentionner surtout son remarquable château du
xv^ siècle, reconstruit sous la Renaissance,
BiBL. : Abbé Noguès, Dam.pierre-sur-Boutonne, mono-
graphie historique et archéologique; Saintes, 1883, in-8. -—
AuDiAT, Epigraphie santone et art. du Bulletin de la
Société des archives historiques de la Saintonge et de
l'Aunis, 1884, t. IV, p. 277; 1889, t. IX, p. 250. - Paysages
et monuments du Poitou^ photographiés par Georges Ro-
buchon. 107-109« livr., notice de Georges Musset : Paris,
1888.
DAMPlERRE-suR-LiNOTTE. Com. du dép. de la Haute-
Saône, arr. de Vesoul, cant. de Montbozon; 875 hab.
DAWlPlERRE-suR-MoivRE. Com, du dép. de la Marne,
arr. de Châlons-sur-Marne, cant. deMarson; 463 hab,
DAMPIERRE-sur-Salon (Domnus Petrus), Ch.-l. de
cant. du dép. de la Haute-Saône, arr. de Gray, sur le
Salon ; 946 hab. Carrières de pierre de taille. Moulin. Au
lieu dit La Rameuselle, sarcophages antiques contenant
des armes en fer. Ancienne petite place forte qui fut
assiégée et prise par les routiers de Jean de Chauffour en
4364, puis reprise par les seigneurs comtois en 4365. Le
château féodal, dont il subsiste, malgré sa destruction à la
fin du XV® siècle, quelques vestiges, a été le berceau de
l'importante maison de Dampierre dont le nom est lié à
l'histoire des croisades. La baronnie passa ensuite dans les
mains des Pontailler au xiv® siècle, des Marmier au xv®,
des Meligny au xvi**, des Tavannes aux xvii^ et xvin®. Dans
l'église, du xvin® siècle, belle chaire à prêcher en bois
sculpté. Lf-x.
DÂMPIERRE-sur-Vingeanne (Domni petra), Com. du
dép. de la Côte-d'Or, arr. de Dijon, cant. de Fontaine-
Française; 227 hab. Avant 4789, des diocèse, parlement,
intendance, bailHage et recette de Dijon. M. P.
BiBL. : CouRTÉPÉE, Description du duché de Bourgogne
éd. 1848. t. II, p. 183.
DAMPIERRE (Guillaume de), fils de Marguerite de
Constantinople, comtesse de Flandre, frère de Gui (V. ci- ,
après), prit la croix en 4248, figura à la prise de Damiette
avec saint Louis et mourut à Trazegnies le 6 juin 4254.
Il fut de 4247 à sa mort vingt et unième comte de Flandre.
BiBL. : J.-J. DE Smet, Notice historique et critique sur
Guillaume de Dampierre^ dans Bull, acad. de Belgique ;
Bruxelles, 1853, in-8. — Wauters, G. de Dampierre^ dans
Biographie de Belgique.^ 1884, t. VIII.
DAMPIERRE (Gui de), comte de Flandre, né en 4225
de Guillaume de Dampierre et de Marguerite de Flandre,
mort prisonnier du roi de France à Compiègne le 44 mars
4305. Il devint comté de Namur en 4263; associé par
sa mère au gouvernement de la Flandre dès l'an 4254,
ce ne fut que le 29 déc. 4278 que la comtesse Margue-
rite le mit solennellement en possession de son héritage.
Son règne est marqué par les luttes qu'il soutint contre
Florent V, comte de Hollande, pour la possession des îles
à l'O. de l'Escaut, et contre son suzerain Philippe le Bel.
L'origine de la guerre entre Philippe le Bel et Gui de Dam-
pierre est dans l'accord conclu en 4294 (34 août) par le
comte de Flandre avec Edouard F'' pour le mariage de
sa fille Philippine avec Edouard, fils du roi d'Angleterre.
Gui fut abandonné par la plus grande partie de sa noblesse,
bientôt par le roi d'Angleterre lui-même ; manquant d'ar-,
gent et d'énergie pour continuer la guerre, il vint se con-
stituer prisonnier entre les mains du roi de France en mai
4300. La lutte continua en Flandre sous la direction des
fils de Gui ; deux d'entre eux se signalèrent,^ Philippe de
Thiette par l'intelligence de son administration et de sa
politique. Gui de Namur comme capitaine habile et valeu-
reux. Le vieux comte mourut peu de temps avant la con-
clusion de la paix (traité d'Athies, juin 4305). Ce fut un
caractère faible et vaniteux. On a répandu nombre de fables
sur la rigueur de la captivité de Gui de Dampierre à Com-
piègne et de sa fille Philippine au Louvre ; la vérité est
que le comte de Flandre, entouré de seigneurs et d'une
domesticité nombreuse, menait, à Compiègne, une exis-
tence princière, et que sa fille fut élevée, avec les enfants
de Philippe le Bel, royalement. Gui de Dampierre avait
épousé, en premières noces, Mathilde, fille de Robert, sei-
gneur de Béthune et de Tenremonde, dont il eut cinq fils
et trois filles ; en secondes noces, il épousa Isabelle, fille de
Henri II, comte de Luxembourg, dont il eut trois fils et
cinq filles. Il est remarquable que Gui de Dampierre, qui
amena par sa politique la rupture entre la Flandre et la
France, ait été le fondateur de la branche des comtes de
Flandre que les Flamands ont surnommé leliaerds pour
caractériser leur dévouement à la politique française.
Frantz Funck-Brentano.
BiBL. : Anonyme, Chronique artésienne^ dans Corpus
chron. Flandrix, 1865, IV, pp. 44J-502 - Anonyme An-
nales Gandenses, dans Pertz SS, 1859, XVI, 559-597. —
Jacques Meyer, Commentarii sive Annales rerwn Flan-
dricarum; Anvers, 1561, in-fol. — Lambert Van derBur-
CHius, Guidonis Flandrise comitis vita, varn successus et
tristis tandem exitus ; Utrecht, 1615, in-8. -- Emile Va-
renbergh. Trois Filles de Guide Dampierre, dan^ les Ann.
de l'Acad. archéol de Belgique, 1868, pp. 607-642. — Emile
Van den Bussghe, Philippe le Bel et Gui de Dampierre,
dans la Flandre, 1883. — 0»^ de Limburg-Stirum, Cote
diplomaticus Flandrise ; Bruges, 1879-1889, 2 vol. m-4. —
V. en outré les Histoires de Flandre, écrites par Kervyn
DE Lettenhove, Ed. Leglay, Warnkœnig et Gheldolf.
DAMPIERRE — DAMPMARTIN
— 820
DAMPIERRE (Hugues de Châstillon, comte de), sei-
gneur de Sompuis et de Rollaincourt, homme de guerre
trançais, mort en 4390. Après avoir servi sous le chef de
compagnie Arnaud de Cervolles, quand celui-ci fut chargé
par le roi de France de protéger le Nivernais contre les
bandes navarraises en 4359, Dampierre guerroya en Lan-
guedoc sous le connétable Moreau de Ffennes en 1360.
Devenu grand maître des arbalétriers de France en 1363,
il battit les Anglais à Abbeville en 1369, mais fut bientôt
fait prisonnier par eux. Mis en liberté moyennant une
rançon de 8,000 livres que paya le roi de France, il fut
nommé lieutenant du roi et capitaine général en Artois,
Picardie et Boulonnais. Tombé en disgrâce en 1379, on le
voit plus tard servir sous le sire de Coucy en Picardie,
j)rendre part au siège de Gand, en 1381, et assister en 1382
à la bataille de Rosebecque, au gain de laquelle il contribua.
Rétabli dans sa charge de grand maître des arbalétriers
peu après, il l'exerça jusqu'en 1388.
DAMPIERRE (Jacques de Châstillon, sire de), né
en 1363, mort à Azincourt le 25 oct. 1-415. Succes-
sivement conseiller et chambellan du roi, il rendit de
grands services dans les conseils au roi Charles VI et se
distingua comme homme de guerre sous le comte de Saint-
Pol, Walerand de Luxembourg, en 1 405. La faveur du duc
de Bourgogne le fit pourvoir, le 23 avr. 1408, de la charge
d'amiral de France à la place de Louis de Brébant. Attaché
dès lors à la fortune de Jean sans Peur, il le suivit dans
son expédition contre les Liégeois et conclut en 1410 une
trêve à Boulogne avec les ambassadeurs du roi d'Angleterre.
Le parti d'Armagnac, arrivé au pouvoir, rendit à Louis de
Brébant la charge d'amiral, et Dampierre disgracié se re-
tira dans son château de Rollaincourt où il resta jusqu'en
1415. Lors de la nouvelle invasion des Anglais, il leva des
troupes, rejoignit l'armée royale et trouva la mort à la
bataille d' Azincourt.
DAMPIERRE (Antoine Esmonin, marquis de), né à Beau ne
(Côte-d'Or) le 7 jany. 1743, mort à Dijon le 12 sept. 1824.
Il fut conseiller, puis président au parlement de Bourgogne
et, après la Révolution, rentra dans la magistrature comme
président à la cour impériale de Dijon. Président du con-
seil général de la Côte-d'Or en 1817. On a de lui un sin-
gulier ouvrage intitulé Historique de la Révolution tiré
des Saintes Ecritures (Dijon, 1824, in-8). P. C.-C.
DAMPIERRE (Auguste-iïenri-Marie Picot, marquis de),
général français, né à Paris le 19 août 1756, mort à Valen-
ciennes le 9 mai 1793. Entré au service en 1772, il devint
lieutenant-colonel le 25 juil. 1791. Il se trouva, le 28 avr.
4792, à l'affaire de Quiévrain, où les soldats français se
débandèrent, et parvint à rallier la moitié du 5^^ régiment
de dragons qu'il commandait. Nommé maréchal de camp
par Dumouriez, le 22 août 1793, il commanda, au combat
de Valmy, la seconde division de la petite armée de Beur-
non ville. Mais c'est surtout à la bataille de Jemmapes qu'il
se distingua, quoique Dumouriez dans ses Mémoires ait
essayé de rabaisser ses mérites. « Il entraîna l'aile droite
et déploya tant de bravoure que les blessés demandaient
après la bataille s'il avait survécu et que les Montois lui
offrirent une couronne de lauriers. » (Chuquet, Jemappes,
p. 102.) Pendant que Dumouriez envahissait la Hollande,
Dampierre fut chargé, avec 15,000 hommes seulement, de
contenir les Autrichiens. Il dispersa son armée au lieu de
la concentrer et alla établir son quartier général loin du
gros de ses troupes à Aix-la-Chapelle. Ses lignes furent
forcées et il dut se replier sur Liège. A la bataille de Neer-
winden, il commandait le centre et se tint solidement :
mais la retraite de l'aile gauche entrama la sienne. Il resta
fidèle à la République au moment de la trahison de Du-
mouriez, et c'est lui qui lui succéda d'abord dans le com-
mandement de l'armée de Belgique (4 avr. 1793). 11 ralha
l'armée, fixa son quartier général au Quesnoy, occupa le
camp de Famars et, sur l'ordre du Conseil exécutif, évita
toute action générale. Maintenu dans le commandement de
l'armée du Nord, ex-armée de Belgique (25 avr. 1793), il
reçut du Conseil exécutif l'ordre de faire des mouvements
sur le flanc droit de l'ennemi en vue de reprendre le camp
de Maulde. Bientôt les représentants en mission lui enjoi-
gnirent d'essayer de débloquer la place de Condé. Repoussé
dans une première tentative (1^^ mai), il reprend l'offensive
le 8, et, au moment où à la tête d'une colonne il s'élance
vers les bois de l'abbaye de Vicoigne, où Clerfayt est
retranché, il tombe frappé d'un*boulet qui lui emporte la
cuisse. Ramené à Valenciennes, il y expira le lendemain.
La Convention lui décerna aussitôt les honneurs du Pan-
théon : mais ce décret ne fut pas exécuté. Inhumé dans la
redoute du Mont-Oui, le corps de Dampierre fut transféré
près de l'endroit où le général avait été blessé, au lieu dit
des Quatre-Ghemins, à l'embranchement des routes de Paris
et de Condé, et un monument y fut élevé par ordonnance
royale de 1836. — Tous les témoignages contemporains et
militaires s'accordent à représenter Dampierre plutôt comme
un brave soldat que comme un habile général. F.-A. A.
BiBL. : Chuquet, la Campctgrie de VArgonne ; Paris,
1886, in-8, pp. 154-156; Jemappes et U conquête de la. Bel-
gique ; Paris, 1890, petit in-8. — Paul Foucart et Jules
FixNOT, la Défense nationale dans le Nord; Lille, 1890, in-8.
— F.-A. AuLARD, Recueil des actes du comité de Salut
public, t. III.
DAMPIERRE (Jean-Baptiste-Eîie-Adrien-Roger, marquis
de), homme politique français, né à Sauve! erre (Lot-et-
Garonne) le 17 sept. 1813. Fils du marquis Elie-Louis-
Aymard, qui siégea à la Chambre des pairs de 1827 à 1830,
il se présenta sans succès dans les Landes aux élections
législatives de 1836 et de 1842 et fut élu représentant de
ce département à la Constituante le 23 avr. 1848. Il fit
partie de l'opposition royahste, protesta contre le coup
d'Etat du 2 décembre et se représenta vainement aux
élections pour le Corps législatif en 1852. Il s'occupa alors
de ses propriétés et ne rentra dans la vie publique que le
8 févr. 1871, date à laquelle il fut nommé député des
Landes à F Assemblée nationale. Il ne fut pas élu en 1876
et rentra tout à fait dans la vie privée. Il a écrit : les Eaux-
de-vie de Cognac (Paris, 1858, in-8) ; les Races bovines
de France, d'Angleterre, de Suisse et de Hollande
(1851, in-12; 2« éd. 1859); le R. P. de Ravignan
(1858, in-18) ; De la culture de la vigfie (1863, in-18).
DAMPIERRE delà Salle (De), littérateur français, né
à Paris en 1723, mort en 1793. Il fut munitionnaire des
guerres sous Louis XV. On lui doit un certain nombre de
pièces de théâtre qui ne sont pas sans mérite : le Bien-
fait rendu ou le Négociant (Paris, 1763, in-8, plus.
éd.); le Théâtre d'un amateur (Paris, 1787, 2 vol.
in-18) qui contient huit comédies en vers et en prose.
Nous citerons encore de lui : Lettre a M. le chevalier
Goudard (Londres, 1758, in-12); Lettre d'un a^icien
munitionnaire de vivres des troupes du roi (La Haye,
1777, in-8); Mémoire sur une question relative aux
vivres des troupes déterre (1790, in-8).
DAiVlPJOUX."Com. du dép. du Doubs, arr. de Mont-
béliard, cant. de Saint- Hippoly te ; 135 hab.
DAMPLEUX. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Sois-
sons, cant. de Villers-Cotterets ; 287 hab.
DÂiVIP MARTIN (Les), maîtres d'œuvres et sculpteurs
français des xiv® et xv® siècles. Le plus anciennement connu,
Drohet ou Drouet de Dampmartin, maître d'œuvres et
sculpteur à Paris, travaihaiten 1365 au château royal du
Louvre, sous la direction de Raymond du Temple (V. ce
nom), maître maçon du roi Charles V. Il fut appelé, en
1380, à Troyes, avec deux autres maîtres d'œuvres pari-
siens, pour donner son avis sur les travaux de maçonnerie
de la cathédrale de cette ville et particulièrement sur la
rose du transept méridional, et le 10 févr. 1383, le duc
de Bourgogne, Philippe le Hardi, le nomma maître général
de ses œuvres dans tous les pays soumis à son autorité.
C'est comme investi de cette fonction qu'il exerçait encore en
1396, que Drouet de Dampmartin visita avec Raymond du
Temple les travaux du château que le duc faisait construire
à Rouvres et que, avec Jacques de Neiiilly (V. ce nom),
821 —
DAMPMARTIN — DAMROSCH
son adjoint, il conduisit, de 1383 à 4391, la construction
de la grande chartreuse de Dijon et, en 4387, celle du
portail de la Sainte-Chapelle de cette ville. — Un autre
maître d'œuvres de Paris, Guy de Dampmartin, probable-
ment parent du précédent, travaillait également, en 1363,
au château royal du Louvre et un Guyot ou Guillot de
Dampmartin, peut-être fils de Guy, devint maître général
des œuvres de Jean de France, duc de Berry et comte de
Poitiers, et fit élever, de 1385 à 1390, l'ancienne hor-
loge monumentale de cette ville.
Jehan de Dampmartin, maître d'œuvres français, peut-
être de la famille des précédents, né à Jargeau, près Orléans,
vers la fin du xiv® siècle, mort à Tours en 1454. Nommé
maître d'œuvres de la cathédrale du Mans en 1421, Jehan
de Dampmartin fit élever le croisillon septentrional du
transept avec sa rose et, après la prise du Mans par les
Anglais, il vint à Tours, où, en 1432, il succéda à Nicole
de l'Ecluse comme maistre ou gouverneur de l'œuvre
de la massonnerie de l'église (la cathédrale) de lours^
fonction qi>'il remplit jusqu'à sa mort. C'est à ce maître
que l'on doit l'achèvement des dernières travées do la nef
et le commencement des travaux du grand portail de cette
cathédrale. Charles Lucàs.
BiBL : Bulletin arch. du Comité hist. des arts et monu-
ments; Paris, 1839, in-8, t. IL— Grandmaison, Documenis
inédits sur les arts en Touraine ; Paris, 1860, in-8.
DAMPMARTIN (Anne-Henri Cabot, vicomte de), homme
politique etpubhciste français, né à Uzès le 30 juin 1755,
mort à Paris le 12 juil. 1825. Entré dans l'armée, après
avoir été destiné aux ordres par sa famille, il était parvenu
en 1791 au grade de lieutenant-colonel des dragons de
Lorraine. En août de la même année, il prit part, sous les
ordres du général Choisy, à la répression des désordres
commis à Avignon par Jourdan Coupe-Tête. Il émigra en
1792, passa à l'armée de Condé oti il servit dans la cava-
lerie. Il séjourna ensuite à Bruxelles, à Amsterdam, à
Hambourg, puis à Berlin où Frédéric-Guillaume lui confia
l'éducation des enfants de sa maîtresse, la comtesse de
Lichtenau. Rentré en France après le 18 brumaire, Damp-
martin entra dans l'administration impériale. Conseiller de
préfecture à Nîmes (1807), censeur impérial (1811),
conseiller au conseil des prises (1811), il fut nommé dé-
puté du Gard le 6 janv. 1813. Comme il avait voté la
déchéance de Napoléon P^, la Restauration lui maintint sa
place de censeur (1814) et le créa même vicomte (26 nov.
1814). Pendant les Cent-Jours il s'abstint de politique,
remplaça en août 1815 Auger dans la commission de cen-
sure des journaux et fut nommé le 20 avr. 1816 biblio-
thécaire conservateur du dépôt de la guerre. Dampmartin
a beaucoup écrit. Il avait eu dès sa jeunesse beaucoup de
goût pour la littérature. Il avait été élu membre de l'aca-
démie de Nîmes vers 1790 et pendant son émigration il tira
parti pour vivre de ses dispositions littéraires, compo-
sant des romans, professant le français et le latin et
publiant même des journaux comme la Gazette française
et le Journal de littérature qu'il fit paraître à Berlin.
Nous citerons de lui : Idées sur quelques sujets mili-
taires adressés aux jeunes officiers (Paris, 1785, in-8) ;
le Provincial à Paris pendant une partie de l'année
(Strasbourg, 1790, in-8); Evénements quise sontpassés
sous mes yeux pendant la Révolution française (Leip-
zig, 1792, 2 vol. in-8); Esquisse d'un plan d'éducation
(Berlin, 1796, in-8); Essai de littérature à l'usage des
dames (kmsteràmi^ 1795, in-8); Fragments inoraux et
littéraires (Berlin, 1797, in-8); Brassman ou le Père
inexorable (Paris, 1801, 4 vol. in-12); là France sous
ses rois^ essai historique sur les causes qui ont préparé
et consommé la chute des trois premières dynasties
(Paris, 1810, 5 vol. in-8); Quelques Traits de la vie
privée de Frédéric-Guillaume II, roi de Prusse (Paris,
1811, in-8); De l'Education et du choix des institu-
teurs (Paris, 1816, in-8); Coup d'œil sur les cam-
pagnes des émigrés (1818, in-8); Jules ou le Frère gé-
néreux^ précédé d'un essai sur les romans (1821,
2 vol. in-12); Mémoires sur divers événements de la
Révolution et de V émigration (1825, 2 vol. in-8). Il a
encore donné diverses traductions de l'anglais, collaboré
avec Beaunoir aux Annales de V Empire français, etc.
DAM RM ES NIL Corn, du dép. de l'Eure, arr. des An-
delys, cant. d'Ecos ; 280 hab.
DAM PN ART. Corn, du dép. de Seine-et-Marne, arr.de
Meaux, cant de Lagny ; 787 hab.
DAMPNIAT. Com. du dép. de la Corrèze, arr. et cant.
de Brive; 979 hab.
/ DAMPREMY. Com. belge du Hainaut, arr. de Charleroi,
sur la Sambre ; 9,000 hab. Centre important d'extraction
houillère.
DAMPRICHARD. Com. du dép. duDoubs, arr. de Mont
béliard, cant. de Maîche ; 1,200 hab. Fabrique d'horlo-
gerie; ateliers de monteurs de boîtes; clouteries; tan-
neries.
DAM PS (Les). Com. du dép. de l'Eure, arr. de Lou-
viers, cant. de Pont-de-l'Arche ; 269 hab.
DAMPT (Jean-Auguste), sculpteur français, né à
Venarey (Côte-d'Or) en 1858. Il se fit connaître par un
Ismaël (1879) et un Saint Jean (1881; mus. du Luxem-
bourg), étudia en Italie la méthode des bronzes à cire
perdue, dont il exposa depuis plusieurs : Buste (1883),
A la Forge (1885), Avant la fantasia (iSS6) ; nous
citerons encore parmi ses autres œuvres : Jeune Fille
(statuette, 1884), Coquette (marbre, 1886), Diane
(marbre, 1888), Volupté (marbre, 1889), la Fin du rêve
(marbre, 1890), etc.
DAMPVALLEY-LES-CoLOMBES. Com. du dép. de la Haute-
Saône, arr. de Vesoul, cant. de Noroy-le-Bourg ; 165 hab.
DAMPVALLEY-Saint-Pâncras. Com. du dép. de la
Haute-Saône, arr. de Lure, cant. de Vauvillers; 90 hab.
DAMPVITOUX. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle,
arr. de Briey, cant. de Chambley; 267 hab.
DAM RÉMONT. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr.
de Langres, cant. de Bourbonne; 692 hab.
DAM RÉMONT. Village d'Algérie, dép. de Constantine,
arr. de Philippeville, à 6 kil. de cette ville, sur la rive
gauche du Safsaf ; il a été nommé ainsi en l'honneur du
gouverneur général tué à Constantine, et existe depuis
1844. La culture de la vigne y a très bien réussi; il y a
aussi une distillerie d'alcool d'asphodèle. Damrémont est
une section de la commune de plein exercice de Philippe-
ville et a environ 500 hab. E. Cat.
DAMRÉMONT ou mieux DAN RÉMONT (Charles-Marie
Denis, comte de), général français, né à Chaumont (Haute-
Marne) le 8 févr. 1783, lue devant Constantine le 12 oct.
1837. Sous-lieutenant de cavalerie en 1804, il fit avec dis-
tinction les principales campagnes de l'Empire, de 1 806 à
1814, devint colonel en 1813 et, en qualité d'aide de camp
du maréchal Marmont, eut le douloureux devoir de signer
la capitulation de Paris le 30 mars 1814. Il entra peu après
dans la maison du roi comme sous-lieutenant aux gardes du
corps (2 juin), suivit Louis XVIII à Gand en mars 1815,
fut nommé maréchal de camp (1821), puis inspecteur géné-
ral d'infanterie et prit part à l'expédition d'Alger sous
Bourmont (mai 1830). Après quelques hésitations, il se
rallia au gouvernement de Juillet, ce qui lui valut le grade
de lieutenant général (13 déc. 1830) et, quelques années
plus tard, la dignité de pair de France (sept. 1835).
Après l'échec du maréchal Clausel devant Constantine, il
reçut le gouvernement général de l'Algérie et fut chargé
de venger l'insuccès de son prédécesseur. Après de stériles
négociations avec Ahmet-bey, il dut mettre le siège de-
vant Constantine (6 oct. 1837). Déjà il avait pris toutes
ses dispositions pour une attaque décisive, lorsque, dans la
matinée du 12 oct., il lut tué d'un boulet de canon en
inspectant ses batteries de brèche. Le général Valée prit
aussitôt le commandement de l'armée et la place fut em-
portée d'assaut le même jour. A. Debidour.
DAMROSCH (Léopold) , chef d'orchestre et violoniste
DAMROSCH =-» DANA
allemand, né à Posen en 1832. Il étudia le violon avec
Ries et la composition avec Dehn. Comme chef d'orchestre
il est justement célèbre. Champion de la première heure
de l'école de R. Wagner, il consacra tous ses efforts à vul-
gariser l'œuvre du maître ainsi que celles de Berlioz et de
Lizt pour lesquelles il professait une grande admiration. Il
fut d'abord médecin à Posen. En 1854, il abandonna la
médecine pour se consacrer à l'art. Il s'établit d'abord à
Magdebourg (1855), puis à Berlin (1856). A la fin de
l'année 1856, il fut attaché à la chapelle ducale de Weimar.
Il fut ensuite directeur du théâtre de la ville de Posen. Plus
tard (1866), il remplit une fonction analogue à Breslau et
en 1871 il partit pour New- York où il dirigea la société
chorale Arion. Il écrivit quelques compositions : concertos
de violons, sérénades, ouvertures, lieder ; il collabora à la
Nouvelle Gazette musicale de Leipzig. Il fut ensuite
directeur de la Gazette musicale de New-York. — Sa
femme , M^^ Hélène Damrosch , a Ta réputation comme
chanteuse de lieder.
DAM VILLE (Damvilla, Adamivilla), Ch.-l. de cant.
du dép. de l'Eure, arr. d'Evreux, sur l'Iton; 1,201 hab.
Minerai de fer. Carrière de pierre de taille. Forges, mégis-
serie, sabots , serrurerie, toiles de lin. L'église a conservé
une tour de la Renaissance et des fragments de vitraux du
XV® siècle. Il reste à peine des vestiges de l'ancien château
téodal qui dominait le bourg. Construit au xi^ siècle, pris
et brûlé en 1173 et 1188 par le roi d'Angleterre Henri II,
il avait été rétabli en 1198 par Richard Cœur de Lion.
Possédée d'abord par la famille Crespin, la seigneurie de
Damville fut acquise par Pierre de La Brosse, et, lorsqu'il
tomba en disgrâce, confisquée sur lui par le roi Phi-
lippe III. Elle fut bientôt après (1285) concédée par Phi-
lippe le Bel à Mathieu de Montmorency, dans la famille
duquel elle resta fort longtemps. Erigée en baronnie, en
août 1552, pour Anne de Montmorency, le connétable, elle
devint duché-pairie en sept. 1610 pour Charles de Mont-
morency. La pairie, éteinte à la mort de Henri de Montmo-
rency, fut rétablie une première fois en nov. 1648 pour
Christophe de Lévis-Ventadour, comte de Brion, mort lui-
même sans postérité le 9 sept. 1661, et une seconde en
sept. 1694 pour le comte de Toulouse.
DAMVILLERS. Chef-lieu de cant. du dép. de la Meuse,
arr. de Montmédy, sur la Tinte, sous-affluent de la Chiers ;
791 hab. Charcuterie renommée; quincaillerie. — Cita-
delle luxembourgeoise, élevée vers le milieu du xiv® siècle
par les comtes de Chiny, pour la défense du couvent de
Dam, Damvillers eut à soutenir plusieurs sièges durant la
guerre causée par les prétentions du duc de Saxe sur le
duché de Luxembourg. Prise par les Français sous Henri II,
puis en 1637, sous Louis XIII, cédée par le traité des
Pyrénées (1657) et démantelée en 1673 sur les ordres de
Louis XIV, la petite ville faisait partie jusqu'en 1790 du
Luxembourg français et était le siège d'une prévôté. Au
moyen âge, elle possédait un atelier monétaire. Ses armoi-
ries étaient : en losange, mi-partie à dextre, burelé
d'argent et d'azur de dix pièces, au lion de gueules
losange d'azur, couronné et armé d'or, à la queue
fourchue. Lieu de naissance du maréchal Gérard (1774-
1855) et du peintre Bastien-Lepage (1848-1884).
DAWIVIX. Com. du dép. de la Vendée, arr. deFontenay-
le-Comte, cant. de Maillezais; 1,473 hab.
DAMYSUS (Myth. gr.). Un des géants, le plus rapide
à la course ; il fut enterré à Pallène ; Chiron prit sa che-
ville et la donna à Achille (Ptol. Heph., p. 195).
DAN. Rivière des Etats-Unis de l'Amérique du Nord.
Elle prend sa source dans le nord -ouest de la Caroline du
Nord, et arrose Banville dans la Virginie. Plus bas, elle
rencontre la rivière Staunton et forme avec elle le fleuve
Roanoke qui va se jeter dans l'Albermale Sound (océan
Atlantique). Le cours du Dan est de 320 kil. (V. Roanoke).
DAN, fils de Jacob et de Bala ou Bilha, servante de
Rachel, donne son nom à l'une des tribus Israélites, ainsi
qu'à une ville (Genèse, xxx, 3-6 ; Josué, xix, 40 et
suiv. ; Juges, xviii, 7 et suiv., 27 et suiv.). Les gens
de Dan, lors du partage du territoire chananéen après la
prise de possession de la Palestine, s'étaient vu attribuer à
la Hsière des gens de Juda, de Benjamin et d'Ephraïm, une
région exposée aux incursions et aux menaces des Phi-
listins, maîtres incontestés de ta côte maritime et qu'on ne
parvint pas à refouler, encore moins à détruire. Réduits
ainsi à une médiocre condition, ils jetèrent les yeux sur
une ville restée aux mains de la population indigène et sise
à l'extrême nord du territoire, près des sources du Jour-
dain ; s'étant emparés par un hardi coup de main de cette
ville, appelée Laïs, ils lui donnèrent le nom de leur
propre tribu et en firent le siège d'un établissement du-
rable. Dan devint, en même temps, le siège d'un sanctuaire
illustre, où la divinité nationale, Jéhova ou Yahvéh, était
adorée sous le simulacre ou emblème d'un taureau d'or,
de même qu'à Béthel ; c'est ce qu'on appelle le culte des
veaux d'or. Le clergé du sanctuaire de Dan se vantait de
remonter à Moïse dans la personne de Jonathan, fils de
Guersom, fils lui-même du Mbérateur et législateur d'Israël,
duquel il prétendait descendre (Juges, xviii, 30). Le juge
Samson appartenait à la tribu de Dan. La ville de Dan est con-
sidérée comme marquant l'extrémité septentrionale du terri-
toire occupé par les Israélites, comme celle de Bersabée en
marque la limite méridionale. La tribu de Dan n'a jamais joué
qu'un rôle effacé dans l'histoire d'Israël. M. Vernes.
DAN, éponyme du peuple danois, passait pour être
petit-fils de Rig, fils de Danp (éponyme des Goths du
Dniepr), ailleurs appelé Humbl ou Amal; et frère d'Angul,
l'ancêtre des Angles ; et pour avoir été le premier qui
reçut le titre de roi dans les pays Scandinaves. Aussi fut-il
surnommé le Magnifique. C'est lui qui, le premier en Da-
nemark, se fit inhumer dans un tertre avec tout ce qui
lui avait appartenu. Le même nom a été porté par deux
autres rois légendaires. B-s.
DAN l^^ prince de Valachie (1385-86), fils de Radu II,
frère de Mircea, qui lui succéda, à la suite d'une conspi-
ration des boyards.
DAN II, prince de Valachie, fils du précédent (1420-25).
Il vainquit à l'aide des Turcs son cousin Michel, fils et
successeur de Mircea et le mit à mort, ainsi qu'Etienne
Lovontz, général hongrois, son allié. Chassé par ses pro-
tecteurs (en 1428) et remplacé par Radu lïï, il remonta
sur le trône en 1427 (1430). Un fils de Mircea le tua
avec le secours d'une troupe de Byzantins et d'un parti
de boyards. C'est entre Vlad Dracul et Dan II que commença
la rivalité si funeste, entre la famille des Dan, descendants
du frère de Mircea, et ceWe des Draculesti, descendants de
ce dernier.
DAN III, fils de Dan IL H chassa le meurtrier de son
père en 1439, aidé par le célèbre Jean Carvin Huniady,
père du roi hongrois Mathias Corvin et Roumain d'origine.
Détrôné par les Turcs en 1442, il reprit le pouvoir en
1446, Son armée le trahit au combat du Campu-Mierlès
(1448) où il était l'allié des Hongrois, ce qui ne l'empêcha
pas de régner jusqu'en 1452. Il eut pour successeur son
fils Vladislas lÛ.
BiBL. : A.-D. XÉNOPOL, Histoire des Roumains de la
Dacie trajane (en roumain) ; Jassy, 1888-90, II.
DANA. Fleuve d'Afrique (V. Tâna).
DANA (Richard-Henry), publiciste et poète américain,
né le 15 nov. 1787, mort à Boston le 2 févr. 1879. Elève
de Harvard, Henry Dana étudia le droit dans l'office de son
cousin Francis Dana Channing, frère aîné du D^ Channing.
Admis au barreau à Boston, il s'adonna bientôt à la poli-
tique et devint, en 1811, membre de la législature du Mas-
sachusetts. La littérature le disputa ensuite à la politique.
Il faisait partie d'un groupe de jeunes écrivains, the Antho-
logy Club, et rédigea, de 1803 à 1811, la Monthly An-
thology. Le club donna naissance quelques années plus
tard (1815) à la North American Review, dirigée par
W^iiliam Tudor, puis par Willard Philips, Sparks et enfin
par Edward Tyrrel Channing, associé avec son cousin
— 823 —
DANA «- DANAÏDE
Richard-Henry Dana, jusqu'en 4819. Channing ayant été
alors nommé professeur au collège Harvard, Dana, trop
impopulaire comme fédéraliste, ne put conserver la direc-
tion de la North American Pieview. H publia quelque
temps un périodique, the Idle Man, écrivit des contes,
des essais, des poésies, se lia avec Bryant qui éditait la
Neiv-York Review, et collabora depuis lors à divers
magazines, La plupart de ses articles comme de ses poésies
ont été publiés successivement en volumes. Aug. M.
DANA (James-Dwight) , naturaliste et géologue amé-
ricain, né à Utica (New-York) le 12 févr. 1813. En
1838, il prit part en qualité de géologue et de minéralogiste
à l'expédition de Wilkes dans l'océan Pacifique. De retour
à Washington en 1842 , il publia des rapports sur les
zoophytes (1846), sur la géologie (1849) et sur les crus-
tacés du Pacifique (1852-54). En 1855, il passa à New-
Haven comme professeur d'histoire naturelle du Yale Col-
lège. Ses ouvrages sont importants : System of mine-
ralogy (1871, 5® édit.) ; text-hook of geology (Londres,
1864); Gorals and coral-islands (1872), etc. D^L.Hn.
DANA (Richard-Henry) junior, écrivain américain, fils de
Richard-Henry, né à Cambridge (Massachusetts) le 1®^ août
1815, mort le 6 janv. 1882. Ayant eu les yeux affaiblis par
une attaque de variole, il dut abandonner de bonne heure les
études. Pris d'un goût très vif pour les choses de la mer,
il s'embarqua à dix-neuf ans (1834) comme simple mate-
lot sur nn brick qui doubla le cap Horn, visita les côtes
de la Californie et rentra à Boston en 1836. Dana publia
en 1840 un récit de ce voyage sous le titre de 7wo Years
before the mast^ a personal narrative of Life at Sea.
Ce livre, tableau très simple, naturaliste, de la vie du
matelot, eut une très grande vogue, fut adopté par l'ami-
rauté anglaise pour les bibliothèques de navires et traduit
en diverses langues d'Europe. Dana reprit ses études à
Harvard, s'adonna au droit, devint avocat et eut un rapide
succès dans cette profession. Plus tard il se tourna du côté
de la politique et se distingua dans les rangs du Free Soil
Party^ constitué pour combattre la propagation de l'escla-
vage dans les Territoires. H prononça en 1854 un discours
célèbre à propos du nègre Anthony Burns, attitude coura-
geuse pour ce temps (même dans le Massachusetts), où
les abolitionnistes étaient honnis par la populace du Nord,
et qui lui valut une brutale agression dans la rue et un
coup de bâton qui faillit le tuer. Membre actif du parti
répubhcain depuis 1856, il prit part avec zèle aux cam-
pagnes électorales pour Lincoln (1860 et 1864) et pour le
général Grant (1868 et 1872). Grant le nomma ministre
des Etats-Unis à Londres, mais le Sénat ne ratifia pas sa
nomination. Dana a écrit une biographie du professeur
Channing et publié une nouvelle édition des Eléments of
international law de Wheaton (New-York, 1866).
DANA (Charles- Andersen), publiciste américain, né à
Hinsdale(New Hampshire) le 8 août 1819. Elève de l'uni-
versité de Harvard, il commença, en 1844, sa carrière
d'écrivain et de directeur de journaux. Avec George Ripley,
Parke Godwin et John S. Dwight, il édita de 1844 à 1847
the Harbinger^ recueil hebdomadaire consacré à la réforme
sociale et à la littérature générale. 11 fut un des collabo-
rateurs de la New-York Tribune qu'il dirigea de 1856 à
1861. En 1855, il commença avec George Ripley la publica-
tion de la American Cyclopœdia, a Popular Dictionary
of gênerai knowledge, entreprise par l'éditeur Appleton
de New- York, La première édition en fut achevée (16 vol.)
en 1863, la seconde en 1877, la troisième en 1881. De
1863 à 1865, C.-A. Dana fut employé au service du gou-
vernement fédéral comme sous-secrétaire de la guerre. En
1866, il prit la direction du Chicago Republican, journal
quotidien, et en 1868 celle du New-York Sun, Aug. M.
DANAÉ. I. Astronomie (V. Astéroïde).
IL Mythologie. — Fille d'Acrisius, roi d'Argos, et
d'Eurydice (fille de Lacédémon et de Sparte) ; Acrisius
apprit de l'oracle de Delphes que son descendant mâle, fils
de Danaé, le tuerait; il enferma donc sa fille dans une
chambre d'airain; mais Zeus en devint amoureux, se
transforma en pluie d'or et féconda Danaé ; de cette union
naquit Persée (V. ce nom) ; cette légende est une des plus
connues de la mythologie grecque ; elle a été traitée par
Hésiode (Bouclier d'Hercule^ 216), Pindare {Pyth., 12,
17), Sophocle (Antig., 944 etsuiv.), Apollodore (2, 4,1),
Phérécyde, Hygin, divers scoliastes, Ovide (i¥é^^., 4,611;
11, 117), Horace (0^., 3, 16), etc. ; une variante, connue
de Pindare, du scoliaste de Vîliade (XIV, 319) et d' Apol-
lodore, attribue la séduction de Danaé à Prœtus, fils
d'Acrisius. Le récit courant est qu'Acrisius, quand il dé-
couvrit la fraude, tua la nourrice, enferma Danaé et son
fils dans une caisse et les jeta à la mer ; ils furent poussés
à la côte de Seriphus, recueillis par Dictys ; le roi Poly-
dektes s'énamoura de Danaé; d'après les uns, il l'épousa;
d'après d'autres, fut pétrifié par Persée, revenu avec la
tête de Méduse. Danaé fut ramenée à Argos par son fils.
Plus tard, les Latins racontèrent qu'elle avait abordé sur
le rivage du Latium, épousé Pilumnus et fondé Ardéo,
capitale des Rutules ; Turnus eût été un de ses descen-
dants. Eschyle, Sophocle et Euripide firent des tragédies
sur Danaé ; sur leur exemple, Livius Andronicus et
Nsevius.
BiBL. : Outre les traités de mythologie, V. P. Schwarz,
De Fabula Danaeia; Halle, 1881'.
DAN>€A (V. Dan^ides et Danaé).
DAN^EIDES (Danœides Schimp.) (Paléont.). Genre de
Fougères fossiles, du groupe des Marattiacées, caractérisées
par les frondes pinnées, à nervures secondaires simples ou di-
chotomes, perpendiculaires à la nervure primaire, portant à
la face inférieure des sporanges adnés, sans anneau, et situés
sur les nervures secondaires. On en connaît trois espèces :
le D. asplenioides Gœpp., du schiste houiller de Silésie,
le Z). Schlotheimii Deh. et Ettingh., du crétacé d'Aix-la-
Chapelle, enfin le D. firmus Heer, du crétacé de Kome
(Grœnland). Ces Fougères, les deux premières surtout, sont
très voisines des Dancea^ représentés eux-mêmes dans
l'oolithe des Alpes vénitiennes par le Danœa Brongniartiz
Zign. et le Danœa Heerii Zign. D** L. Hn.
DANiCOPSlS (Danaœpsis Heer) (Paléont.). Genre de
Fougères peu diflërent des Danœa actuels, caractérisé par
de très belles frondes dont les pinnes sont dressées-étalées,
alternes, très longues et décurrentes sur le rachis ; la ner-
vure primaire est épaisse, les secondaires en partent à
angle aigu, se dichotomisent et s'anastomosent; les spo-
ranges forment des séries sur la face extérieure des pinnes.
Les quelques espèces que l'on connaît se rencontrent dans
les marnes irisées de l'Allemagne ; citons le Danœopsis
marantacea Heer {Tœniopteiismarantacea VresL) et le
D. Bumpfli Schimp. D"^ L. Hn.
DÂNAHOLM ou Hot-Danois, situé vis-à-vis de l'embou-
chure de Gœtaelf, à l'entrée de la rade de Gœteborg.
Contigu tout à la fois au Danemark, à la Suède et à la
Norvège, il était regardé comme un terrain neutre où les
anciens rois se réunissaient en été, tous les trois ans.
Dans un de ces congrès tenu vers 1050, le roi de Suède
Emund l'ancien et h roi de Danemark Svend Estridsen
conclurent un traité par lequel le Halland, le Bleking et la
Skanie étaient attribués au Danemark. On y a placé par
erreur le congrès de 1101 qui eut lieu à Konghelle en Nor-
vège. ,, B-s.
DANAIDE, L Mythologie (V. Danaus).
IL Technologie, — L'emploi de Feau comme moteur a
été appliqué dans l'industrie de bien des manières diffé-
rentes ; les roues à axe vertical, en particulier, connues
sous le nom de turbines^ ont reçu des perfectionnements
qui les ont mises au rang des meilleurs moteurs hydrau-
liques que l'on puisse employer (V. Turbine). M. Manoury
d'Ectot, avant l'application générale des turbines, avait
donné le nom de danaïde à une roue hydrauHque à axe
vertical dans laquelle le liquide parcourait des canaux
hélicoïdaux et donnait, par réaction, un mouvement de
rotation au support de ces canaux. Le parcours, à l'inverse
DANAÏDE — DANBY
824 —
Danaïs chrysippus.
de ce qui a lieu dans la turbine Fourneyron, par exemple,
se faisait du dehors au dedans, c.-à-d. que l'eau pénétrant
dans les canaux à une certaine distance de Taxe en sortait
après s'être rapprochée plus ou moins de cet axe. L'appa-
reil était réglé de façon que l'eau sortant sans vitesse, le
rendement était maximum. Cette machine n'a pas eu d'ap-
plications industrielles, car la disposition même des organes
s'opposait à ce qu'elle dépensât une grande quantité d'eau
et par suite donnât une force assez considérable pour être
utilisée .
DANAIDIA (Danaidia Link) (Bot.) . Genre de Liliacées,
du groupe des Asparagées, voisin des Ruscus (V. ce mot),
dont il diffère par les fleurs disposées en groupes racémi-
formes et non portées par les cladodes. L'espèce type,
D. racemosa Link {Ruscus racemosus L.), originaire
d'itahe, est fréquemment cultivée dans les jardins et les
parcs sous le nom de Laurier alexandrin. Ed. Lef.
DANAÏS {Banals Latr.). L Zoologie. — Genre de Lépi-
doptères Rhopalocères, qui a donné son nom au groupe des
Danaïdes, dans la famille
des Nymphalides. Ses re-
présentants se reconnais-
sent, à première vue, aux
points blancs caractéris-
tiques dont sont ornés la
tête et le prothorax. Leurs
chenilles portent, sur un
ou plusieurs anneaux, de
longs tentacules flexibles,
mais non rétractiles. —
On connaît une quaran-
taine d'espèces de ce genre,
répandues dans l'ancien et
le nouveau monde, mais
surtout dans les îles de
l'archipel Indien. Le Z).
chrysippus God. , que
nous figurons, se rencontre depuis les environs de Napies
jusqu'au cap de Bonne-Espérance et à l'E. jusqu'en Chine.
Sa chenille, d'un blanc violâtre, annelée de jaune et de noir,
vit sur diverses espèces d'Asclépiadacées. Ed. Lef.
II. Botanique. — {Da?iais Commers.). Genre de Ru-
biacées, du groupe des Cinchonées, composé d'arbustes
grimpants à feuilles alternes ou verticillées, stipulées, à
fleurs dioïques, pentamères avec cinq étamines dans les
fleurs mâles et, dans les fleurs femelles, un ovaire infère
qui devient, à la maturité, une capsule coriace, renfermant
des graines ailées. L'espèce la plus importante, D. fragrans
Commers., croît communément aux îles Mascareignes, où
on l'appelle vulgairement Bois à dartres. Son écorce, très
employée dans le traitement des maladies de la peau, est
substituée au quinquina. Ed. Lef.
DAN&KIL (Afrique) (V. Adal, t. I, p. 518).
DANALIA (Zool.). Genre créé par Giard en l'honneur du
naturaliste américain Dana (1876), pour des Crustacés Iso-
podes de la famille des Entoniscides, rangés auparavant
dans le genre Cryptoniscus ; ces animaux sont parasites
des Sacculines, autres Crustacés parasites de l'ordre des
Cirrhipèdes, famille des Peltogastérides, qui vivent aux
dépens des Crustacés décapodes. Océan, Méditerranée,
mer Rouge. Ces très curieux animaux sont rares, toujours
fort peu abondants dans les localités où on les rencontre.
DAN AU S (Myth. gr.). Père des Danaïdes, dont la
légende, détaillée dans l'épopée Banals^ devint une des
plus populaires de la mythologie grecque. Danaus était,
disait-on, fils de Bélus et d'Anchirhoé, petit-fils de Poséi-
don et de Libyas, frère d'Jilgyptus, Il eut de plusieurs
femmes cinquante filles ; son frère ^Egyptus avait cinquante
fils ; des querelles étant survenues entre les frères, Danaus,
conseillé par Athéné, construit un navire à cinquante ra-
meurs, s'y embarque avec ses filles et arrive à Argos. Il
y entame la lutte contre le roi indigène Gelanor ; des pro-
diges décident les Argiens à l'accepter et il fonde un temple
à Apollon Lycien. Danaus régnait sur Argos lorsque arri-
vent Jîgyptus et ses fils ; une réconciliation est négociée ;
on décide de marier les cinquante filles de Danaus et les
cinquante fils d'^Egyptus. Voici comment furent formés les
couples, au dire d'Apollodore : Lyncée et Hypermnestra,
Protée et Gorgophone, Busiris et Automate, Encelade et
Amymome, Lycus et Agave, Daiphron et Skaie, Istrus et
Hippodamie, Chalkodon et Rhodia, Agénor et Cléopâtre,
Chaitus et Astérie, Diokoryste et Pholodamie, Alkis et
Glauke, Alkménor et Hippomedusa, Hippothous et Gorge,
Euchenor et Iphimedusa, Hippolyte et Rhode, Agaptolemus
et Pirène, Kerkestès et Dorion, Eurydamas et Pharte ,
iEgius et Mnestra, Argius et Erippe, Àrchelaus et Anas-
cible, Menachus et Nelo, Kleitor (Clitor) et Kleite, Sthe-
nelus et Sthénèle, Chrysippus et Chrysippe, Eurylochus et
Antonoé, Phantès et Théano, Péristhènes et Electre,
Hermus et Cléopâtre, Dryas et Eurydice, Potamon et Glau-
cippe, Kisseus et Antheleia, Linus et Cléodore, Imbrus et
Erippe, Bromius et Euroto, Polyktor et Stygne, Chthonius
et Bryke, Périphas et Aktaia, OEneus et Podarke, iEgyptus
et Dioxippe, Metalkès et Adyte, Lampus et Okypète, Iclmon
et Pylarge, Idas et Hippodicé, Daiphron et Adiante, Pan-
dion et CalHdicé, Arbelus et Oime, Hyperbius et Cela^no,
Hippokoristès et Hypéripte. La nuit des noces, les Danaïdes
égorgèrent leurs époux, selon les instructions paternelles ;
seule, Hypermnestra épargna Lyncée. Les corps des maris
furent enterrés près de la ville, les têtes jetées dans le lac
de Lerne ; Athéné et Hermès purifièrent les Danaïdes de la
souillure. Elles se remarièrent ; mais, comme les fiancés
ne se présentaient pas, leur père institua des courses dont
leur main fut le prix ; mariées à des indigènes de race
pélasgique, elles furent la souche des Danaens ; Automate
et Skaia épousèrent les fils d'Achaeus. Plus tard, Lyncée
revint, tua Danaus et les Danaïdes. Celles-ci expièrent leur
crime par un travail sans fin, condamnées à verser de
l'eau dans un vase sans fond. On s'est demandé quel était
le sens de cette légende ; elle se rapporte probablement au
sol desséché et crevassé de l'Argolide, où les eaux s'en-
gouffrent et disparaissent sur-le-champ ; les Danaïdes
seraient les nymphes des eaux : d'autre part, on attribue
à Danaus le creusement des premiers puits ; on contait que
la Danaïde Amymone, maîtresse de Poséidon, obtint du
dieu qu'il fît jaillir la source de Lerne ; les torrents d'Ar-
golide, redoutables dans l'hiver, sont rapprochés du grand
fleuve d'Egypte ; dans la saison sèche, ils sont tués (dessé-
chés) par les nymphes du pays. On rapporte encore aux
Danaïdes l'origine de la fête des Thesmophories. — De
l'épopée qui relatait la légende des Danaïdes, nous n'avons
que peu de vestiges ; Archiloque, Phrynichus, Theodektes
y ont puisé ; Eschyle en a tiré, outre les Suppliantes^
deux pièces perdues, les Danaïdes et Amymone^ drame
satyrique.
DANBÉ (Jules), violoniste et chef d'orchestre, né à
Caen le 15 nov. 4840, ancien élève do Savard et de
Girard au Conservatoire de musique. Il a fait partie de
l'orchestre de l'Opéra, et, en 1871, il a fondé des concerts,
les Concerts Danbé^ qui, dans la salle du Grand-Hôtel,
ont obtenu un certain succès. Après avoir été chef d'or-
chestre du Théâtre-Lyrique, M. Danbé est aujourd'hui
(1891) premier chef d'orchestre de l'Opéra -Comique et
deuxième chef d'orchestre de la Société des concerts du
Conservatoire où il est en même temps chef d'attaque des
premiers violons. On lui doit quelques transcriptions pour le
violon et un petit nombre de morceaux de genre. A. E.
DAN BU RY. Ville des Etats-Unis de l'Amérique du Nord,
comté deFairfield (Connecticut) ; 11,666 hab. en 1880. Le
27 avr. 1777, au cours de la guerre de l'Indépendance,
cette ville fut brûlée par les Anglais. Le général des troupes
américaines fut blessé mortellement dans le combat. Fa-
briques de chapeaux et de machines à coudre. Aug. M.
DANBY (Comte de) (V. Danvers [Comte de]).
DANBY (William), écrivain anglais, né en 1752, mart
le 4 déc, 1833. Appartenant à une ancienne famille du
Gramle Encyclopédie _« Tome XUI
DANEMARK
ûrYcoe) e-^. J^/y?. pa^^ ErTiar^d. F'T'^ ISM .
Â'(7,/o 5 0
liAMlE/JJLI et C^^EèLteu
— sm —
DANBY — DANCE
Yorkshire,il fut en 4784 haut shérif de ce eomté. Il avait
réuni une belle bibliothèque et une importante collection
de minéraux. Il a écrit : Tkoughts chiefly on serions sub-
jects (Exeter, 4821, in-8 ; 2« éd., 4822, 2 vol. in-8) ; Ideas
and Realities (Exeter, 4827, in-8); Extracts from and
observations on Cicero's dialogues de Senectute and de
Amicitia, avec une traduction du Songe de Scipion (Exeter,
4829, in-8; Londres, 4832, in-8); Thoiights on varions
sub jects (Londres, 4834, in-8); Travelling Thoughts
(Exeter, 4834, m-^);Poems (Edimbourg, 4834, in-8);
Extracts from Yomig's night Thoughts with observa-
tions upon them (Londres, 4832, in-8). R, S.
DANBY (Francis), paysagiste anglais, né près de
Wexfordle46 nov. 4793, mort à Exmouth le 9 févr. 4864.
Il commença ses études à DubHn, se fixa ensuite à Bristol
et de 4830 à 4840 habita soit Paris, soit les environs de
Genève ; plus tard, il se fixa définitivement à Exmouth.
Ses ouvrages principaux sont : Coucher de soleil après la
tempête^ le Christ marchant sur les eaux^ le Déluge^
Vile enchantée^ F Age d'or, et surtout l'Arbre de Java.
D'ANCARANO ouD'ANCHARANO (Pierre), canoniste,
né vers 4330, mort en 4416. Il fut professeur et juge du
Podestat à Bologne et conseiller de la république de Venise.
En 4409, l'université de Bologne le délégua au concile de
Pise ; en 4444, Jean XXIII l'envoya au concile de Cons-
tance, avec trojs autres docteurs en Décret, comme advo-
catîis concilii. Il a écrit des commentaires sur les Décré-
tais de Grégoire IV et des Lecturœ sur le Sexte et sur
les Clémentines,
BiBL. : A. Tardif, Histoire des sources du droit cano-
nique ; Paris, 1887, in-8.
DANCART ou DANCHART, sculpteur sur bois et archi-
tecte, probablement d'origine française ou flamande. Il tra-
vailla en Espagne, et principalement à Séville, vers la fin du
xv^ siècle. Appelé par le chapitre de la cathédrale à secon-
der Nufro Sanchez, le sculpteur, pour la décoration des
stalles du chœur, il résulte des pièces de dépenses conser-
vées aux archives de la cathédrale, qu'en 4478, Dancart
reçut à compte, pour ses travaux de sculpture de la silleria,
cinquante mille maravédis ; de nouvelles sommes lui furent
également payées au cours de la même année, notamment
pour l'exécution des stalles qu'occupent l'évêgue et les
deux grands vicaires. En 1479, Dancart achevait la stalle
du doyen du chapitre. En 1480, la silleria étant complè-
tement terminée, à l'entière satisfaction du chapitre, Dan-
cart fut choisi pour remplacer Nuno Sanchez comme maître
des œuvres de sculpture de la cathédrale, avec dix
mille maravédis de traitement annuel. C'est en cette qua-
lité qu'il composa et arrêta en 1482 le projet et les dessins
du grand retable de la cathédrale, immense monument
d'architecture et de sculpture auquel Dancart travailla jus-
qu'en 1505. k cette date, son nom disparait des comptes
de dépense et l'on suppose que ce très habile artiste mourut
la même année. Le retable, commencé par Dancart, ne fut
terminé qu'en 1526 par le sculpteur Jorge Fernandez
Aleman, de Cordoue ; Cean Bermudez en a donné une
description détaillée dans son ouvrage sur la cathédrale de
Séville, édité à Séville en 1804. P. L.
DANCARVILLE (P.-Fr. Hugues) (V. Hâncarville).
DANCAY, DANSZÉ ou DANTZ>€US (Charles), diplo-
mate français, né vers 1510, mort en Danemark en 1589.
Il représenta Henri II à Copenhague, où il jouissait d'une
grande influence, s'efforça de mettre d'accord les rois de
Danemark et de Suède et ne contribua pas peu à leur faire
signer le traité de Stettin en 1570. Après avoir travaillé
à faire éhre Henri d'Anjou comme roi de Suède, il fut
envoyé près de lui en Pologne (1574), où il resta quelque
temps après sa fuite pour régler les affaires restées en
souffrance. Retourné en Danemark, il négocia une alliance
de famille entre les dynasties française et suédoise. Il fit
trois voyages en Suède et il était en intime relation avec les
savants comme Tycho-Brahé, A.-S. Vedel. Sa remarquable
correspondance jette beaucoup de jour sur la situation des
deux Etats Scandinaves; la partie relative aux années
1573-1586, conservée à Drottningholm, a été publiée
dans les Eandlingar rœrande Skandinaviens historia
(t. XI) ; ce qui concerne les années 1567-73 est à Copen-
hague. ^ Beau VOIS.
DAN CE (Danciacus). Com. du dép. de la Loire, arr.
de Roanne, cant. de Saint-Germain-Laval ; 305 hab. En
1293,Dancé appartenait à Guillaume d'Acre ; de l'archi-
prêtré de l'élection de Roanne, faisait partie de la séné-
chaussée de Montbrison et avait pour seigneur le duc
d'Harcourt et le comte de Saint-Polgues.
DAN CE. Com, du dép. de l'Orne, arr. de Mortagne,
cant. de Noce ; 581 hab.
DANCE (George) l'Aîné, architecte anglais, né en 1700,
mort à Londres le 21 janv. 1768. Architecte de la Cité de
Londres, Dance fit exécuter plusieurs édifices publics, dont
quelques églises, à Londres, pendant le milieu du xviii^ siè-
cle, entre autres: Téglise Saint-Luke (Old Street Road),
une des cinquante églises de la reine Anne, consacrée en
1733 ; Mansion House, résidence officielle dn lord maire,
conçue dans le style de la renaissance italienne de Palladio
(1739-1753); l'église Saint-Léonard (Shoreditch) (1740):
l'égUse Saint-Boîolph (Aldgate) (1741-1744) et les plus
anciens bureaux de l'Excise Office, dans Old Broad Street.
DANCE (SirNathaniel), peintre anglais, né à Londres en
1734, mort à Carnborough House, près de Winchester,
le 15 oct. 1811. Fils du précédent. Il commença ses études
sous la direction de Frank Haymann et les compléta en
Italie, où il séjourna huit ans. De retour à Londres, il se
consacra plus spécialement à la peinture de portraits. En
1768, il fut l'un des fondateurs de la Royal Academy,
Ses ouvrages principaux sont les portraits de George III^ de
la Reine Sophie-Charlotte, du Capitaine Cook, de Gar-
rick en Richard lïl (1771), et à' Ornai (gravé par Barto-
lozzi). Parmi ses peintures d'histoire on cite Orphée pieu-
rant Eurydice (1774). Il se retira de l'académie en 1790,
adopta le nom de Rolland, fut nommé député et créé
baronnet en 1800.
DANCE (George) le Jeune ^ architecte anglais, né à
Londres en 1740, mort à Londres le 14 janv. 1825.
Elève de son père, George Dance (V. ci-dessus), il
compléta ses études à Rome, après avoir voyagé en France
et en Italie et exposa, en 1761, à la Société des artistes,
un projet de décoration du pont de Black Friars. A la
mort de son père, il lui succéda dans l'emploi d'architecte
de la Cité de Londres, qu'il remplit de 1768 à 1815, et
ses principaux ouvrages sont : la reconstruction de la pri-
son de Newgate, une de ses meilleures conceptions, exé-
cutée de 1770 à 1780, restaurée après un incendie et
complétée de 1780 à 1782 ; le Giltspur Street Compter ou
maison de correction de la Cité, élevée en 1791 pour
recevoir les débiteurs et les condamnés à de courtes déten-
tions, et aujourd'hui démolie; l'hôpital de Saint-Luke, dans
Old Street Road, affecté aux aliénés, commencé en 1782
à l'aide d'une souscription ayant produit 1,250,000 fr. et
aujourd'hui considérablement agrandi ; enfin, en 4789, la
façade de Guildhall ou maison de ville delà cité de Londres,
siège de ses principales corporations et aussi de magni-
fiques réceptions. Elu, en 4 794, membre de la société des
antiquaires, George Dance fut un des quarante fondateurs
de l'Académie royale où il fut professeur d'architecture de
4798 à 4805, mais sans y donner aucune lecture. En
revanche, on connaît de nombreux portraits dessinés au
crayon par lui depuis 4793 et dont soixante-deux furent
gravés par Will. Daniel (Londres, 4814-4844, in-fol.).Les
restes de George Dance le Jeune reposent dans l'aile S. de la
crypte de la cathédrale du Saiat-Paul, non loin de ceux de
sir Christophe Wren et de ceux de l'Ecossais Robert Mylne,
l'architecte du pont de Black Friars. Ch. Lucas.
DANCE (Sir Nathaniel), marin anglais, né le 20 juin
4748, mort à Enfield le 25 mars 4827. Entré au service
de la compagnie des Indes en 4759, il fut nommé comman-
dant de vaisseau en 4787, commodore en 4804. La même
DANCE - DANCKERTS
— 826 —
année il fui chargé de conduire en Angleterre une flotte
de vaisseaux marchands qui, le 44 févr., rencontra dans les
parages de Poulo Aor une escadre française commandée
par l'amiral Linois. Dance rangea en bataille sa flotte et
réussit, par son attitude, à faire prendre le change à
l'amiral français qui se crut en présence de forces supé-
rieures et après un engagement dérisoire où les Anglais
perdirent un homme, battit en retraite. Dance eut l'audace
de le poursuivre quelque temps, puis il accomplit sa mis-
sion sans autre aventure. La nouvelle de cette incroyable
victoire causa en Angleterre le plus vif enthousiasme.
Dance reçut un présent de 425,000 fr. et une pension
annuelle de 42,500 fr. Il rentra alors dans la vie privée.
DANCE (Charles), ^auteur dramatique anglais, né en
4794, mort à Lowestoft le 5 janv. 4863. Il fut pendant une
trentaine d'années employé et principal clerc à l'ancienne
cour des débiteurs insolvables. Il a écrit seul ou en colla-
boration avec Planché et d'autres une foule de pièces,
dans le genre burlesque, qui furent jouées avec le plus
grand succès, principalement au théâtre Olympique. Parmi
les meilleures nous citerons : the Bengal Tiger, a Morn-
ing Call^ Who Speaks first, Naval Engagements,
Alive and Merry, a Wonderful Woman, Marriage a
Lottery, the Country Squire a match in the dark. Il
a fait aussi des drames et des comédies. Toutes ces pièces
ont été insérées dans VActing Edition of plays de Lacy,
dans le British Théâtre de Duncombe, dans VActing
national drama de Webster et dans le Modem Acting
drama de Miller. R. S.
DANGER (John), traducteur anglais qui vivait en 4675.
Il est connu par ses traductions de Nicomède de Corneille
(Londres, 4671) et cV Agrippa de Quinault (Londres,
4675), toutes deux en vers et qui furent représentées au
Théâtre royal de Dublin avec grand succès. Il a encore tra-
duit VAminta du Tasse (4660), des ouvrages de Rapin
(1672) et \q Mercure galant de 4672.
DANGER (Daniel), célèbre avare anglais, né à Pinner
en 4746, mort le 30 sept. 4794. Son grand-père et son
père étaient déjà connus comme de sordides avares : il réus-
sit à les dépasser. Ayant hérité d'eux d'une ferme et d'ex-
cellentes terres, il les exploita en réduisant la dépense au
minimum, mangeant à peine et s'habillant de haillons. Il
achetait une chemise tous les ans et poursuivit en justice un
marchand qui lui avait volé six sous. Il vécut longtemps
avec une de ses sœurs qui partageait tous ses travaux :
à sa mort, il prit un domestique qui se contenta de trente-
deux sous de gages par semaine. Il laissa sa fortune, qui
produisait 75,000 fr. de rentes, à la femme d'un
baronnet du Yorskhire qui avait pris soin de lui. Dic-
kens fait souvent allusion à cet original. R. S.
BiBL. : Biographîcal Curiosities, or varions pictùres of
human nature containing original and authentic memoirs
of Daniel Dancer ; Londres, 1797. — Strange
countable Life of D. Dancer; Londres, 18ÔL
DANGEVOIR. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr.
de Chaumont, cant. d'Arc-en-Barrois ; 601 hab.
DANGHART, sculpteur français (V. Dangart).
DANGHET (Antoine), littérateur français, né à Riom
(Puy-de-Dôme) le 7 sept. 4674, mort à Paris le 24 févr.
4748. Après avoir enseigné la rhétorique à Chartres et
rempli à Paris l'emploi de précepteur, il se consacra exclu-
sivement au théâtre. Il écrivit pour Campra de nombreux
livrets d'opéras et de ballets: Hésione (4700), dont le
succès même fut cause qu'il fut congédié par les parents
de ses élèves et qu'il dut leur intenter un procès pour
obtenir le payement d'une pension de 200 fr. que la mère
des deux orphelins dont il dirigeait l'éducation lui avait
reconnue par testament; Aréthuse (4701); Tancrède
(4702) ; les Muses (4703) ; Iphigénie en Tauride (4704)
avec Duché de Vancy; Alcine (4705); les Fêtes véni-
tiennes (4740) ; Idoménée (1742) ; les Amours de Mars
et de Vénus (4712); Télèphe (1743) ; Camille, reine
des Volsques (4717); le Jaloux trompé (ilM), etc. Ses
tragédies : Cyrus (1706) ; les Tyndarides (4708) ; les
Héraclides (4749) ; Nitétis (4724), sont profondément
oubHées et, du vivant même de l'auteur, aucune d'elles ne
se maintint au répertoire. Danchet fut admis, en 4705, à
l'Académie des inscriptions et succéda, en 4742, à l'abbé
Paul Tallemant, comme membre de l'Académie française,
honneurs qu'il dut moins à ses titres littéraires qu'à sa
bienfaisance. Voltaire, qui ne l'a ménagé ni en prose, ni en
vers, a dit, à propos de cette élection.
Qu'on peut gagner l'Académie
Comme on gagne le paradis.
Les Œuvres de théâtre de Danchet (1754, 4 vol. in-8)
renferment, outre les pièces énumérées plus haut et deux
ou trois autres non représentées, des poésies, des discours
prononcés à l'Académie française et quatre dissertations
lues à l'Académie des inscriptions. On lui attribue aussi la
rédaction du texte d'une publication officielle : le Sacre
de Louis XV dans l'église de Reims le 25 oct. i722
(s. 1. n. d., gr. in-fol., avec plans et estampes). M. Tx.
DANGK (Métrol.). Ancienne petite pièce d'argent de
35 cent., ayant cours en Perse.
DANGKELMANN. Famille prussienne connue depuis le
XVII® siècle. Le chef fut Eberhard-Christoph-Balthasar,
baron de Danckelmann, né à Lingen le 23 nov. 4643, mort
à Berlin le 34 mars 4722. Fils d'un fonctionnaire, il
devint précepteur du prince Frédéric, plus tard Frédéric P^,
et gagna la confiance et l'amitié de son élève et du père de
celui-ci, le grand électeur. Il fut nommé par Frédéric au
conseil d'Etat (4688), gouverneur de Clèves(4692), enfin
premier ministre (4695). L'empereur le fit baron ainsi que
ses frères. Il continua au dehors la politique du grand élec-
teur, géra bien les finances ; le mérite des meilleurs actes
de Frédéric III (Frédéric P^) lui revient (V. Brandebourg et
Prusse) ; mais les faveurs prodiguées à ses six frères ex-
citèrent une animosité générale contre la « pléiade
Danckelmann » ; peu favorable aux Hanovriens, il s'aUéna
l'électrice Sophie-Charlotte. Sa disgrâce survint le 27 nov.
4697 : il fut bientôt emprisonné et poursuivi; on releva deux
cent quatre-vingt-dix chefs d'accusation, mais après plusieurs
années de prison on ne put rien prouver ; Frédéric P^ le
condamna à la prison perpétuelle, mais le relaxa en 4702.
Frédéric-Guillaume P^ le rappela à sa cour et le consulta. Ses
frères n'avaient pas été enveloppés dans sa disgrâce. — Ni-
kolaus-Bartholomœus (1 650-4 730) , plénipotentiaire bran-
debourgeois à Vienne et à Ryswyk, est le seul qui ait fait
souche. — Bernhard de Danckelmann, forestier allemand,
né à Obereimer, près Armberg, le 5 avr. 1831, nommé
forestier général en 1868, a organisé la station et l'aca-
démie forestière d'Eberswalde, publié Zeitschrift filr
Forst und Jagdiuesen (depuis 4869) et plusieurs ouvrages
techniques estimés : Ablœsung und Regelung der Wald-
grundgerechtigkeiten (1880); Gemeindewald und
Genossenwald (4882); Grenzen der Servitutrechts
(4884), etc.
DANGKERTS (Ghiselin), contrepointiste néerlandais, né
à Tholen (Zélande). Il fut chanteur de la chapelle pontifi-
cale de 4538 à 4555. On connaît de lui deux livres de
madrigaux (Venise, 4559), deux motets insérés dans des
recueils de 4545 et 4555, et un canon très ingénieux
publié dans le Melopeo de Cerone. La bibUothèque Valli-
celhana, à Rome, possède de Danckerts un traité manuscrit
sur les genres de la musique antique. J.-A. de La Fage a
publié des extraits du traité de Danckerts dans ses Essais
de diphthérographie musicale. M. Br.
DANGKERTS (Les). Famille de graveurs hollandais des
XVI® et XVII® siècles, comprenant : Cornelis, dessinateur,
graveur au burin et éditeur, né à Amsterdam en 1567, qui
a travaillé à Anvers et a laissé comme œuvres principales :
les Boujx Sibylles., les Sept Planètes et les Sept Mer-
veilles du Monde., les portraits de Gustave- Adolphe^ de
Corneille de Witt^ etc. ~ Pierre., dessinateur et gra-
veur à l'eau-forte et au burin, fils du précédent, né à
Anvers vers 4600. Il a gravé : le Départ de Charles II
pour l'Angleterre; Vénus et Cupidon endormis, épiés
827
DANCKERTS — DANCOURT
par un Satyre; le Manège d'après Wouvermans, des
paysages^ etc. -— Juste ^ graveur au burin et éditeur
d'Amsterdam où il travaillait encore vers 1660, a laissé
quelques portraits, ceux de Casimir^ roi de Pologne, de
Guillaume îll d'Orange, le Port d Amsterdam, etc. —
Jean, fils aîné du précédent, travaillait à Amsterdam vers
1650. lia laissé quelques tableaux d'histoire et quelques
planches sans importance. — Henri, fils de Pierre,
peintre et graveur, né à La Haye, mort à Amsterdam après
16T9. Il commença par s'adonner à la gravure qu'il aban-
donna pour la peinture de paysage sur les conseils de son
frère Jean. Il a travaillé en Italie et en Angleterre où
Charles II lui accorda sa protection. Ses œuvres principales
sont : Un Concert, d'après le Titien, une Vue d'Amster-
dam, une Suite déports anglais, etc. F. Couhboin.
DAN G LA (Les), famille de musiciens français. Jean^
Baptiste-Charles Dancla, violoniste, professeur de violon
au Conservatoire de Paris et compositeur, né à Bagnères-de-
Bigorre le 19 déc. 1818. A dix ans, il joua devant Rode
le septième concerto de ce musicien, qui le fit entrer aussi-
tôt au Conservatoire (1828). Il devint élève de Bail lot et
obtint le premier prix de violon à quinze ans. L'an d'après,
il fut nommé, au concours, second violon solo de l'Opéra-
Comique. Halévy lui enseigna le contrepoint et la iugue et
Berton la composition. Il eut le prix de fugue en 1837 et,
en 1838, le second grand prix donné par l'Institut. En
1857, il fut fait professeur de violon au Conservatoire. Ses
œuvres, au nombre d'au moins cent cinquante et parmi
lesquelles nous citerons quatre symphonies concertantes
pour violon et orchestre, des concertos et airs variés, des
duos pour piano et violon ou pour deux violons, trios pour
piano, violon et violoncelle, quatuors à cordes, études,
l'Ecole de l'expression (dix-huit mélodies pour violon
seul), l'Ecole de la mélodie, l'Art de moduler sur le
violon (cent soixante-cinq préludes, en société avec Panse-
ron), des fantaisies, sonates, une Hymne à l'Agriculture,
pour quatre voix d'hommes, la Résurrection, le Vengeur
(chœurs pour voix d'hommes), Christophe Colomb
(scène dramatique instrumentale), Charles-Quint (ouver-
ture), etc., sont énumérées dans Fétis {Biographie univer-
selle des musiciens et Supplément) avec les récompenses
honorifiques accordées à l'auteur. On a aussi de J.-B.-Ch.
Dancla deux écrits, les Compositeurs chefs d'orchestre,
réponse a M. Gounod (Paris, 1873, in-8 de 7 p.) et Mis-
cellanées musicales (Paris, 1877, in-8), ainsi qu'une
Méthode élémentaire et progressive du violon, — Ar-
naud Dancla, violoncelliste, frère puîné de J.-B.-Ch.
Dancla, né à Bagnères-de-Bigorre le l®** janv. 1820, mort
à Bagnères-de-Bigorre en févr. 1862. Il fut élève de Norblin
au Conservatoire de Paris et a composé des duos, études
et mélodies pour violoncelle, une méthode pour le même
instrument, une fantaisie sur la Sirène d'Auber, etc. —
Léopold Dancla, second frère de Charles, violoniste habile,
né à Bagnères-de-Bigorre le 1^^ juin 1823. Elève de
Baillot au Conservatoire de Paris, il a composé des airs
variés, fantaisies, études pour le violon et trois quatuors
pour cordes. — Sa sœur, M"^ Laure Dancla, s'est acquis
de la réputation comme pianiste. A. Ernst.
D'ANCONA(V.Ancona [D']).
DANCOURT. Corn, du dép. delà Seine-Inférieure, arr,
de Neufchâtel, cant, de Blangy, sur l'Yères; 473 hab.
L'église, très ancienne, a conservé des fonts baptismaux
curieux. D'anciennes pierres tombales ainsi qu'une croix
remontant au xv^ siècle se trouvent dans le cimetière.
DANCOURT. Corn, du dép. delà Somme, arr. deMont-
didier, cant. de Roye; 117 hab.
DANCOURT (Florent Carton, sieur d'ANCouRT), acteur
et auteur dramatique français, né à Fontainebleau le
1^^ nov. 1661, mort à Courcelles-le-Roy (Loiret) le 6 déc.
1725. Issu d'une famille de vieille bourgeoisie, il descen-
dait par les femmes de Guillaume Budé, et ses parents
avaient abjuré la religion protestante. Elevé à Paris au col-
lège des jésuites et sollicité vainement par eux d'entrer dans
la compagnie, il fut reçu avocat à dix-huit ans, s'éprit de
la fille du comédien La Thorillière, l'enleva et l'épousa peu
de temps après : puis ils débutèrent tous deux, en 1685,
à la Comédie-Française. Il y tint pendant trente-trois ans
avec distinction les emplois de « financiers » et de « rai-
sonneurs » ; son meilleur rôle était, dit-on, celui d'Alceste
dans le Misanthrope, Doué en outre d'un remarquable
talent de lecteur et d'une grande facilité d'élocution, il
était chargé par ses camarades de leur présenter les pièces
nouvelles et de haranguer le public quand les circonstances
l'exigeaient. Louis XIV lui donna plusieurs marques
publiques de sa bienveillance, et cette faveur très enviée
dut consoler Dancoùrt des humiliations qu'un comédien
était alors forcé de subir, comme le 'jour où le marquis de
Sablé, pris de vin, croyant saisir dans un couplet une allu-
sion à son nom, alla souffleter l'artiste sur la scène. Vers
la fin de sa vie, Dancoùrt, qui n'avait point toujours
témoigné les mêmes sentiments, tomba dans une dévotion
profonde, et se retira au château de Courcelles où il entre-
prit une traduction des Psaumes, De son mariage il eut
deux filles qui furent elles-mêmes des actrices distinguées :
l'une d'elles, Mimi Dancoùrt, fut la mère de la première
M"^® de La Popelinière.
Dancoùrt n'a pas écrit moins de cinquante-deux pièces
de théâtre, dont on trouvera l'énumération dans les réper-
toires spéciaux; son chef-d'œuvre est, d'un avis una-
nime, le Chevalier à la mode (1687), comédie en cinq
actes et en prose, dont on a voulu, sans preuves, lui con-
tester la paternité, et où il a peint, sous un autre nom et
sous d'autres habits, ce personnage amphibie qu'un puis-
sant écrivain de nos jours a baptisé Monsieur Alphonse,
Mais à part diverses incursions dans la comédie de mœurs,
telles que les Bourgeoises de qualité (1700) et la Déso-
lation des Joueuses (1700), il s'est surtout attaché à
représenter les amours et les intrigues du village dans les
Vendanges de Suresnes (1694); la Foire de Bezons
(1695) ; le Moulin de Javel (1695) ; le Galant Jardi-
nier (1704); les Divertisseme?its de Sceaux (1705) ;
V Impromptu de Suresnes (1713) ; le Prix de l'Arque-
buse (1717), etc. Aussi Palissot IVt-il appelé le Téniers
de la Comédie, et Voltaire a dit de lui qu'il était « dans
la farce à l'égard de Molière ce que Regnard était à celui-
ci dans la haute comédie ». Les Œuvres de Dancoùrt ont
été plusieurs fois réunies ; l'édition la plus complète est
celle de Paris (1760, 12 vol. petit in-12). M. Tx.
BiBL. : A. Jal, Dictionnaire critique de biographie et
d'histoire. — Lemazurier, Galerie des acteurs du Théâtre-
Français, 1810, 2 vol. in-8.— E. Campardon, les Comédiens
du Roi de la troupe française,lH'79, iti-8. — Jules Lemaitre,
la Comédie après Molière et le Théâtre de Dancoùrt. thèse
de doctorat, 1882, in-8.
DANCOURT (Thérèse Lenoir de La Thorillière, épouse
Carton-), femme du précédent, comédienne française, née
le 15 juiï. 1663, morte le 11 mai 1725. Aussi célèbre
par son talent que par sa beauté, elle débuta à la Comédie-
Française, en même temps que son mari, en 1685, fut
bientôt, ainsi que lui, reçue sociétaire, et se fit remarquer
d'une façon toute particulière dans l'emploi des amoureuses,
qu'elle ne cessa de remphr jusqu'à sa retraite, qui eut lieu
en 1720, bien qu'elle approchât alors de la soixantaine.
C'était une actrice charmante, dont l'autorité sur le public
était considérable. Elle fit, dans le cours de sa longue car-
rière, un grand nombre de créations, parmi lesquelles on
cite surtout les rôles d'Araminthe dans l'Homme à bonnes
fortunés, de Lucile dans la Coquette, d'Angélique dans
le Joueur, de Claire dans le Distrait, de Criséis dans
Démocrite, de Glycérie dans VAndrienne, etc. ■— Cette
actrice eut deux filles, l'une et l'autre d'une beauté rare,
et qui comme elle appartinrent à la Comédie-Française, où
elles parurent d'abord tout enfants, en 1695, dans une
pièce de leur père, la Foire de Bezons, L'aînée, connue
sous le nom de Manon Dancoùrt, née vers 1685, débuta
sérieusement le 10 déc. 1699, demeura plusieurs années à
la scène, mais n'obtint que de médiocres succès, et se
DANCOURT — DANDOLO
- 828
retira pour épouser un commissaire des guerres nommé Fon-
taine. Elle mourut yers 1745. — La cadette, Marie-Anne^
connue sous le nom de Mimi Dancourt, plus jeune d'une
année, débuta ainsi que sa sœur le 40 déc. 1699 et fut
reçue aussitôt pour jouer Femploi des amoureuses comiques
et des soubrettes, où elle se fit une réputation brillante.
Elle ne se retira qu'en 1728, après avoir fait un grand
nombre d'importantes créations, notamment dans Démo-
crite, les Trois Cousines, le Mariage fait et rompit^
VImpatient, h Belle-Mère, VIndiscret, etc. Elle avait
épousé un nommé Deshayes et mourut, plus que nonagé-
naire, en 1780, Arthur PouG IN.
DANCOURT (L.-H.), acteur et littérateur français, né
vers 1725, mort à l'hospice des Incurables de Paris le
29 juil. 1801. Parent, selon toute vraisemblance, de Flo-
rent Dancourt (V. ci-dessus), il joua la comédie en province
et à l'étranger, tout en écrivant lui-même pour le théâtre.
Après avoir obtenu un ordre de début à la Comédie-Française
(1 761 ), il y fit représenter l'année suivante les Deux Amis,
comédie en trois actes et en prose, qui tomba le même
jour (11 août 1762) ; Esope à Cythère, opéra-comique
(Comédie-Italienne, 15 déc. 1766), musique de Trial et de
Vachon, n'eut pas un sort beaucoup plus heureux. Par
contre, les contemporains s 'accordèrent à placer au premier
rang des réfutations de la Lettre de Rousseau sur les
spectacles une brochure intitulée : L.-H, Dancourt, arle-
quin de Berlin, à J,-J, Rousseau, citoyen de Genève
(Amsterdam, 1759, in-8), dédiée à Frédéric II. Mais une
autre brochure : Lettre de l'Arlequin de Berlin à
M. Fréron sur la retraite de M. Gresset (Amsterdam,
1760, in-8), attribuée aussi à L.-H. Dancourt, a été res-
tituée par Barbier à P.-A. Laval, comédien français, qui
avait également réfuté Rousseau dans une lettre sur l Effet
moral du théâtre (1758, in-8). M. Tx.
DANCY. Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. de Château-
dun, cant. de Bonneval ; 446 hab.
DANDAIN ou DANDIN. Nom donné depuis le xv^ siècle
au grelot qu'on attachait au cou des bestiaux en pâture.
DAN D ELI N (Germinal-Pierre), ingénieur, né au Bour-
get en 1794, mort à Bruxelles en ^1847. Il faisait ses
études à l'Ecole polytechnique lorsque Paris fut investi par
les alliés ; il se distingua à la barrière de Clichy et fut
blessé en la défendant. La croix de la Légion d'honneur
vint récompenser sa belle conduite. En 1819, il entra dans
le corps du génie militaire des Pays-Bas, puis il devint, en
1825, professeur de mécanique à l'université de Liège.
Après la révolution de 1830, il rentra dans l'armée et reçut
le grade de colonel du génie. Il avait été appelé à l'aca-
démie royale de Bruxelles dès 1822. Ses principaux tra-
vaux sont : Mémoire sur quelques propriétés remar-
quables de la focale parabolique (Bruxelles, 1822, in-4) ;
Mémoire sur l'hyperboloïde de révolution et sur les
hexagones de Pascal et de Brianchon (Bruxelles, 1824,
in-4); Mémoire sur l'emploi des projections stéréomé-
triques en géométrie (Bruxelles, 1825, in-4) ; Leçons
sur la mécanique (Bruxelles, 1827, in-4). E. H.
Théorème de Dandelin. — On donne^'quelquefois le
nom de théorème de Dandelin, à un théorème très ancien,
en vertu duquel les sections d'un cône droit, à base cir-
culaire, par un plan qui ne passe pas par le sommet, sont
des ellipses, des paraboles ou des hyperboles. En réalité,
le théorème de Dandelin apprend que les foyers de la
section sont les points de contact avec les sphères inscrites
au cône, et surtout que les directrices de ces sections sont,
dans les plans de contact des sphères inscrites en question,
avec le cône.
BiBL. : QuETELET, NoticB s'uv Dàndel'm, dans V Annuaire
de VAcad. royale de Belgique de 1848. — A. Le Roy,
Liher memorialis de VUniversité de Liège; Liège, 1869,
in-8.
DANDENAC (Marie- François, chevalier), homme poli-
tique français, né à Saumur le 11 janv. 1750, mort à
Angers le 18 août 1830. Avocat à Saumur, vice-président
4u district en 1790, il fut élu membre de la Convention
par le dép. de Maine-et-Loire le 5 sept. 1792. Il vota pour
la réclusion du roi, entra au conseil des Anciens le 21 ven-
démiaire an IV, et après la session fut nommé adminis-
trateur de son département (25 germinal an VI), puis
commissaire du gouvernement par le tribunal d'Angers
(9 floréal an VII). L'Empire lui conféra le titre de cheva-
lier (5 avr. 1809) et le nomma procureur général à la
cour d'Angers, poste qu'il conserva jusqu'en 1818. — - Son
frère, Jacques, né à Saumur le 12 avr. 1752, mort à
Rou-Marson (Maine-et-Loire) le 23 mai 1825, était entré
dans l'armée. En 1789, il devint maire de Rou-Marson
et il fut, en même temps que son frère, élu membre de la
Convention. Il vota pour la détention, puis la déportation
du roi. Membre du conseil des Anciens (21 vendémiaire
an IV), il reprit après la session ses fonctions de maire
et fut en Fan VIII conseiller d'arrondissement.
DANDIN (V. Dandain).
DANDINI (Cesare), peintre italien, né à Florence vers
1595, mort en 1658. Il s'inspira de la manière de Passi-
gnano. On cite de lui, au dôme de Pise, une Déposition
de Croix,
DANDIN! (Vincenzo), peintre italien, né à Florence en
1607, mort en 1675. Il commença ses études chez son
frère Cesare et les termina à Rome, sous la direction de
Pierre de Cortone, Egalement famiharisé avec la peinture à
l'huile et la fresque, il fonda une école d'où sortirent des
artistes distingués. Il est représenté dans les environs de
Florence par une Aurore avec les heures (villa de Poggio)
et par un Sacrifice de Niobé (villa de la Petraja).
DANDINI (Pietro), peintre italien, né à Florence en
1646 ou en 1647, mort en 1712. Il était neveu (ou fils,
d'après Boni) de Vincenzo Dandini et devint son élève après
avoir travaillé quelque temps sous la direction de Valerio
Spada. Plus tard, il visita Venise, Modène et Rome. Il exé-
cuta de nombreuses toiles à sujets mythologiques, religieux
et historiques que l'on trouve à Florence et dans les envi-
rons. On lui reproche son maniérisme et son exécution
négligée.
DANDOLO. Famille de Venise. Ce nom appartient à
deux catégories de personnages historiques vénitiens :
1** doges de Venise, qui faisaient remonter leur origine à
l'époque romaine : en réalité, c'était une des douze familles
électorales dont les chefs, sous le nom de tribuns, auraient
d'après la tradition élu le premier doge en 697 ; 2<* sa-
vants et artistes.
DANDOLO (Enrico), doge de Venise, né vers 1105,
mort à Constantinople le 14 juin 1205. En 1171, il
fut envoyé à Constantinople, auprès de l'empereur Manuel
Comnène pour réclamer des vaisseaux et des sujets véni-
tiens dont ce prince s'était saisi. Manuel, irrité de cette
démarche, fit, dit-on, placer devant l'ambassadeur des
bassins enflammés qui lui brûlèrent les yeux et le rendirent
à peu près aveugle. Dandolo n'en fournit pas moins une
brillante carrière. Le 1®^ janv. 1192, il fut élu doge après
l'abdication de Sébastien Zani, et, la même année, à la
suite d'une bataille navale, il reprit aux Pisans la ville de
Pola en Istrie, dont ceux-ci s'étaient emparés par surprise.
La fin de sa vie est intimement liée à l'histoire de la qua-
trième croisade et l'on en trouvera les traits essentiels aux
mots Croisades et Constantinople (Empire latin de).
BiBL. ; V. les ouvrages cités au mot Croisades, et de
plus, BucHHOLZ, Gescnichte und PoU^zfe; Berlin, 1805, 1. 1,
p. 273. -— HoRMAYR. Archiv., 18U, n° 70. —- Cigogna,
Bibliot. veneziana, 1847, pp. 1878-1880, 2283. — H. Da-
NETTi, dans Calogerà, Raccolta d'opiiscoli scientifici et
filologici ; Venise, 17284754, t. XLV, pp. 1-12. — L'Istria,
Trieste, 1847, n« 50.
DANDOLO (Andréa), doge de Venise et chroniqueur,
mort le 7 sept. 1354. Sous son principat, Venise soutint
une longue guerre contre les Hongrois, à la suite de la
septième révolte de Zara contre la sérénissime république.
Alliée des Hongrois, Gênes envoya dans l'Adriatique une
puissante flotte sous le commandement de Paganin Doria,
qui ravagea les possessions vénitiennes, menaça Venise
— 829
DANDOLO — DANDY
elle-même. Dandolo en mourut de chagrin. Successeur de
Bartoloraeo Gradenigo (1342), il fut remplacé par Marine
Falieri. Il avait écrit deux chroniques latines sur Thistoire
de Venise : on les trouve au lome XII du recueil de Mu-
ratori, Rerum Italicarum Scriptores. R. G.
BiBL. : Daru, Histoire de la république de Venise. —
Storia dei Dogi di Venezia; Venise, 1864, in-4.
DANDOLO (Vincenzo), chimiste, pharmacien et homme
politique italien, né à Venise le W oct. 4758, mort à
Varese, près de Côme, le 12 déc. 1819. Après la chute de
Venise, en 1797, et le traité de Campo-Formio, il vint se
fixer à Milan et y fut élu membre du grand conseil de
la République cisalpine. Lors de l'invasion russe en 1799,
il dut se démettre de ces fonctions, pais en 1804 fut
nommé par Napoléon P^ gouverneur de la Dalmatie. Pen-
dant les cinq ans qu'il passa dans ce pays, il l'assainit, y
réorganisa l'instruction, y réveilla le goût du travail, etc.
En 1809, il revint à Venise avec le titre de comte et de
sénateur. Dandolo a fait beaucoup pour les progrès de
l'agriculture, de l'industrie, de Fhygiène publique, etc.
Ses ouvrages sont très nombreux. Citons seulement : Fun-
damenti délia scienza chimico-flsica applicatif etc.
(Venise, 1793, et nombr. édit.) ; les Hommes nouveaux
ou Moyens d'opérer une régénération morale (Paris,
1799; 2® édit., 1801); Discorsi sulla pastorizia, suW
agricoltura, etc. (Milan, 1806, in-8) ; Enologia (Milan,
1812, 4 vol. in-8) ; ilBuon Governo de' bachi da seta
(Milan, 1816, 2 vol.); Storia de' bachi da seta (Milan,
1818-19, 3 vol. in-8; trad. fr., 2« édit., Lyon, 1825,
in-8) ; ces deux ouvrages sur Fart d'élever les vers à soie
lui ont valu une réputation européenne. D"^ L. Hn.
DAN DOLO (Tullio, comte), littérateur italien, né à Varese
en Lombardie en sept. 1801, mort à Urbin le 6 avr. 1«70,
fils du précédent. On lui doit nombre d'ouvrages de phi-
losophie, d'histoire, de voyages, etc., parmi lesquels :
Viaggio per la Svizza (Milan, 1820-1836, 13 vol.) ;
Lettere su Roma e NapoU (Florence, 1827) ; Lettere su
Venezia (Livourne, 1830), Schizzi di costumi (Milan,
1836) ; Reminiscenze e fantasie (Turin, 1841, 2 vol.);
Studi sut secolo di Pericle e il secolo di Augusto.^
(Turin, 1835-1837, 2 vol.) ; Firenze sino alla caduta
délia Repubblica (Milan, 1834) ; Roma e Vimperio sino
a Marco-Aurelio (Milan, 4844); il Cristianismo na-
scente (Milan, 1854); S, Domenico (Milan, 1847) ; S.
Francesco d'Assisi (Milan, 1847); i Secoli di due
sommi Italiani, Dante e Colombo (Milan, 4852, 2 vol.);
Vîtalia net secolo passato (Milan, 1854, 2 vol.); l'Eu-
ropa e V America nel secolo passato sino al 1189
(Milan, 1854, 2 vol.) ; il Pensiero pagano e il pensiero
cristiano ai giorni deW imper io (Milan, 1855, 3 vol.) ;
la Signora di Monza e le streghe del Tirolo (Milan,
1855) ; Monacfiismo e leggende (Milan, 1856) ; Storia
del pensiero nel medio evo (Milan, 1857); Roma pa-
gana e cristiana (Milan, 1860) ; il Secolo di Leone X
(Milan, 1861); Storia del pensiero net tempi moderni
(Milan, 1864-1871, 3 vol.). R. G.
DANDOLO (Emilio), littérateur et patriote itahen, fils
du précédent, né à Varese en 1831, mort à Milan le
20 févr, 1859. Dans sa courte carrière, il se fit remarquer
par ses sentiments et son activité patriotiques, en 1848-49,
en 1855, oii il s'enrôla parmi les bersagîiers et fit la cam-
pagne du Piémont, Il avait fait, en 1851-54, un voyage
en Orient qu'il a raconté : Viaggio in Egitto, nel Sudan,
in Siria ed in Palestina (Milan, 1854, in-8). R. G.
BiBL, : G. Carcano, Biografia di Emilio Dandolo ; Tu-
rin, 1872, in-8.
DAN D RÉ ( An toine-Bathalzar- Joseph d'ANDRÉ, dit),
homme politique français, né à Aix-en-Provence le 2 juil.
1759, mort à Paris le 16 juil. 1825. Conseiller au par-
lement d'Aix, il fut élu député aux Etats généraux par la
noblesse de Provence. Membre de la minorité libérale de
son ordre, il siégea à la Constituante, parmi les constitu-
tionnels. Il parla et vota avec les patriotes, mais non sans
ménager la droite. Les contemporains l'appelaient le Cou-
teau à deux tranchants. « Son accent méridional, dit
un contemporain, et sa figure ignoble ne lui permettaient
pas de grands succès à la tribune ; mais, doué d'assez de
capacité, de prévoyance et surtout d'une grande flexibilité
d'opinion, il conserva toujours sur la majorité une certaine
influence; il fut nommé trois fois président et fit partie de
plusieurs comités. » Son rôle oratoire fut très secondaire
jusqu'au moment de la revision de la constitution. Il de-
vint alors le chef de la politique de réaction modérée qui
fut celle de la Constituante dans les derniers mois de sa
carrière. Il aimait à parler contre les clubs et les clu-
bistes. Les journaux avancés lui firent une réputation
d'intrigant. A la fin de la session de la Constituante, il
avait à Paris une boutique d'épicerie. Brissot et les pam-
phlétaires le prirent pour cible, et les caricaturistes le
coiffèrent d'un pain de sucre. Il émigra en 1792 et passa
en Angleterre où Monsieur le chargea de la direction de
ses affaires et de ses correspondances avec l'intérieur de
la France. Dandré, lors de la première Restauration, de-
vint directeur général de la police du royaume, avec rang
de ministre, et intendant des forêts et domaines de la cou-
ronne. Il reprit ces dernières fonctions lors du second
retour des Bourbons. F.-A. A.
DANDRÉ-Bardon (Michel-François), peintre et écri-
vain, né à Aix en Provence le 22 mai 1700, mort à Paris
le 13 avr. 1 783. Elève de J.-B. Vanloo et de Troy, Dandré-
Bardon fut reçu académicien le 30 avr. 1735, sur la pré-
sentation d'un tableau représentant : Tullie faisant pas-
ser son char sur le corps de son père (mus. de Montpel-
her); il fut nommé professeur adjoint en 1737, professeur
en 1752, recteur en 1778. Il avait occupé à Marseille, de
1748 à 1752, la charge de premier peintre des galères du
roi, et y avait fondé une académie de peinture. Ses princi-
paux tableaux sont : les Pèlerins d'Emmaûs; Jason au
champ de Mars (S2ilon 1738) ; la Mort de Socrate (Salon
1753); Jésus crucifié (mus. d'Aix), etc. Parmi ses nom-
breux ouvrages ou traités le plus important est : Costumes
des anciens peuples (Paris, 1772, 3 vol. in-4), ouvrage
orné de 360 planches gravées par Cochin ; Livre des
principes à dessiner (1754); Conférence sur l'utilité
que les artistes peuvent retirer d'un cours d'histoire
universelle (1751); Vie de Carie Vanloo (Paris,
1765), etc. F. Courboin.
BiBL. : Bellieb de la Chavignerie et Auvray, Dic-
lionnaire des artistes de l'Ecole française.
DANDY, DANDYSME. Pendant les trente premières an-
nées du xix^ siècle on donna le nom de dandys à un groupe
de jeunes gens appartenant à la haute aristocratie de Londres
qui avaient su s'arroger le pouvoir de donner le ton et de
régler la mode en fait de costumes et de manières. Le dan-
dysme est dans son principe exclusivement anglais : le
dandy est celui qui exerce la royauté de la mode. Le mot
fut inventé du temps de Georges Brummell (V. ce nom),
qui fut le véritable créateur de cette science singulière. Il
a énoncé quelques-uns des principes du dandysme : « Pour
être bien mis, il ne faut pas être remarqué. » Brummell
avait soin d'éviter toute excentricité dans sa toilette; il per-
fectionna la sobre élégance qui convient au costume mo-
derne; il ne se distinguait que par un soin extrême, qui
en faisait l'homme le mieux mis de Londres ; portant
beaucoup de goût et d'esprit dans sa toilette, il devint en
peu de temps l'arbitre de la mode, le roi des tailleurs et
des dandys, « ceux qui font les habits et ceux qui les
portent ». Il avait avant tout « la frivolité majestueuse »
(Barbey d'Aurevilly). Voici la règle de conduite qu'il recom-
mandait. << Dans le monde, tout le temps que vous n'avez
pas produit d'effet, restez; dès que l'effet est produit, reti-
rez-vous. » Il aimait mieux étonner que plaire. Brummell
fut le type du parfait dandy, et c'est sur lui-même qu'il
faut en étudier les caractères. Il entendait merveilleusement
l'impertinence polie, et excellait dans le sarcasme à ft'oid ;
il avait dans la conversation une ironie glaciale et continue.
Ses manières froides et languissantes ajoutèrent des nuances
DANDY -. DANEBROG — 830 —
k l'impertinence. Ce qui le distinguait, a-t-on dit, c'était une
imperturbable assurance, ce genre de fatuité dont tout le
sel est dans Fexcès même de l'affectation, et qui devient
spirituelle et inoffensive à force d'exagération.
« Le dandy, dit Paul de Saint- Victor, c'est le Prince Noir
de l'élégance, regardant le monde d'un œil vitreux comme
son lorgnon, souffrant d'un pli de sa cravate dérangée,
indifférent au cheval qu'il monte, à l'homme qui l'aborde
et qu'il parcourt un instant du regard avant de le recon-
naître, portant écrite sur son front — en anglais — cette
insolente inscription : « Qu'y a-t-il de commun entre vous
et moi ? » L'orgueil, l'indifférence, l'ironie sont les trois
vertus théologales du dandy. L'enthousiasme, l'admiration,
l'amour même, tous les sentiments qui pourraient rompre
la glace dont il s'enveloppe comme d'une armure, lui sont
interdits. Il regarde et il se fait voir. Son attitude dans le
théâtre du monde est celle d'un spectateur dédaigneux sur
lequel les acteurs même ont les yeux fixés. Il juge d'un
mot, il blâme d'un regard ; une convention mystérieuse lui
attribue l'infaillibilité sur les choses frivoles.
Le terme de dandysme s'est beaucoup élargi : on n'en-
tend plus seulement par là l'art de la mise en scène « une
heureuse et audacieuse dictature en fait de toilette et d'élé-
gance extérieure » (Lemaître) ; c'est cela, mais c'est aussi
bien davantage. On peut être dandy avec un habit râpé.
Le dandysme est toute une manière d'être.
Le dandysme est le fruit suprême de la vanité ; il renferme
une certaine affectivité, le désir de plaire aux autres, pour
soi, il est vrai, et non pour eux. Quand la vanité satisfaite se
montre, elle devient fatuité : le dandysme est la forme la
plus parfaite de la fatuité inventive.
« Un dandy, dit Byron, n'existe pas en dehors d'une
exquise originalité. » C'est en effet un des principaux
caractères du dandysme d'être indépendant, de produire
toujours l'imprévu. C'est pourquoi les hommes qui, aux dif-
férentes époques de notre histoire, se sont montrés servi-
lement élégants, les marquis, les petits-maîtres, les roués,
les incroyables, les lions, les fashionables, n'étaient pas
réellement des dandys. Barbey d'Aurevilly a très bien
exprimé ce caractère en disant : « Le dandysme, c'est la libre
pensée en fait de manières et de convenances du monde. »
Avec la hardiesse dans la conduite, l'impertinence somp-
tueuse, la préoccupation continue de l'effet extérieur, dit
M. Lemaître, le dandysme implique un extrême sang-froid.
Le dandy doit produire la surprise en gardant l'impassi-
bilité ; mais, pour plaire à ce jeu compliqué, il faut un don
individuel, indéfinissable ; il faut la grâce. L'œuvre que se
propose le dandy est très paradoxale et très difficile. Géné-
ralement on ne domine les hommes que par la puissance
matérielle, par le génie des arts ou des sciences. Les agré-
ments extérieurs, l'élégance des habits, la politesse des
manières, tout cela passe pour des avantages très inférieurs
à l'esprit, aux talents et à la valeur morale. Or le dandy
entreprend de modifier du tout au tout cette opinion. Déli-
bérément, il fait son tout de ces avantages prétendus futiles.
C'est aux choses qui ont le moins d'importance (ju'il se
pique d'en attacher le plus. Et cette vue volontairement
absurde du monde, il arrive à l'imposer aux autres. Il
réussit à faire croire à la partie oisive de la société que
d'innover, en fait d'usages mondains, d'habits, de manières,
c'est aussi rare, aussi méritoire que d'inventer et de créer
en politique, en art, en littérature. Il spirituafise la mode.
D'un ensemble de pratiques insignifiantes et inutiles, il fait
un art qui plaît et séduit comme un ouvrage de l'esprit.
Il se fait avec rien une supériorité mystérieuse que nul ne
saurait définir, mais dont les effets sont aussi réels et aussi
grands que ceux des supériorités classées et reconnues par
les hommes.
Le dandy est donc une sorte d'artiste : sa vie est son
œuvre. De même que l'écrivain plaît par ses livres, il plaît
par les apparences qu'il donne à son être physique. En
outre, la délicatesse des soins extérieurs est une présomp-
tion réelle et sérieuse en faveur de la délicatesse de l'es-
prit. C'est comme le cachet de la personnalité qui marque
ses manières d'un chiffre à elle. On peut apprécier le dan-
dysme, mais à condition qu'il ne soit pas une profession,
une spécialité exclusive. La préoccupation de son habit ne
doit pas empêcher le dandy de voir qu'il y a autre chose
au monde. Enfin, il ne faut pas qu'il soit dupe de lui-
même ; il doit avoir conscience du paradoxe et de l'ironie
de son œuvre. Ph. B.
BiBL. : Barbey d'Aurevilly, Du Dandysme et de G.
Brummel; Paris, 1887.
DAN EAU (Lambert), jurisconsulte et théologien protes-
tant de famille noble, né à Beaugency- sur- Loire vers
1530, mort à Castres le il nov. 1595. Il fut élève d'Anne
du Bourg (1559). Consacré ministre à Genève, Daneau a
exercé les fonctions de pasteur à Gien (1561-1572), à Ge-
nève (1572-1581) et à Leyde où il cumula les fonctions
de pasteur de l'Eglise wallonne et de professeur de théo-
logie (1581-1582), à Gand (1582-1583), à Orthez et à
Lescar (1584-1593) et enfin à Castres (1593-1595) où il
termina sa carrière mouvementée. Ce n'est pas seulement
au malheur des temps qull dut ces vicissitudes de sa des-
tinée, mais sans doute aussi à son caractère doctrinaire et
intolérant. — Daneau a publié une soixantaine d'ouvrages
dont les plus curieux sont : Deux Traités de Florent
Tertullien (Paris, 1565, in-8); les Sorciers, dialogue
très utile (Genève, 1574); Briève Remonstrance sur les
jeux du sort et principalement de Dez et Cartes (Ge-
nève, 1574); D. Aurelii Augustini Enchiridium ad
Lamentium de Hœresibus (Genève, 1576); Ethices
christianœ libri III {Genèwe, 1577); Iraité des Danses,
dédié à Henri de Navarre (Genève, 1579, in-8).
BiBL. : P. DE FÉLiGE, Lambert Daneau. — Ch. Dardier,
art. Daneau dans V Encyclopédie des sciences reliaieuses:
Paris, 1877-1882, 13 vol. in-8. ~ W. du Rieu, L. Daneau à
Leyde; Leyde, 1881.
DANEBR06 ou DANNEBROG, en vieux norrain Dana-
BRÔK, drapeau des Danois, qui passait pour être tombé du
cie], comme le labarum, pendant la bataille de Revel
(15 juin 1219) où les Esthoniens renégats luttèrent avec
acharnement contre les croisés danois commandés par Val-
demar II le Victorieux. Cette bannière rouge, marquée
d'une croix blanche et probablement envoyée par le pape,
servit à remplacer l'étendard royal qui avait été enlevé
par l'ennemi. Elle est figurée sur les sceaux de Valdemar III,
mais c'est seulement à partir du xv« siècle qu'elle est sans
cesse mentionnée comme la principale enseigne militaire
des Danois. En 1500, les paysans des Ditmarches, défen-
dant leur indépendance avec autant de succès que de bra-
voure, s'en emparèrent au combat de Hemmingstedt, et
elle resta suspendue comme trophée dans l'église de
Wœhrden, jusqu'à ce que le roi Frederik II la reprît
(1559) lors de la conquête des Ditmarches. Au commen-
cement de notre siècle, ses débris tombèrent de vétusté
dans l'église Saint-Nicolas à Kiel, où ils étaient conservés,
après l'avoir été dans la cathédrale de Slesvig. Mais la
croix blanche en champ de gueules continua d'être le pa-
villon de la marine danoise et elle figurait dans un coin
des drapeauxmilitaires.C'estaujourd'huil'emblème national.
Une tradition admise par V Annuaire royal danois
rapporte que Valdemar II fonda un ordre du Danebrog en
1219, mais on ne peut citer aucun chevaHer de cet ordre
avant 1671, où Christian V en nomma dix-neuf, entre
autres Griffenfeld et Cort Adelaev (12 oct.). Les statuts
promulgués le 1«^' déc. 1695 en Hmitent le nombre à cin-
quante exclusivement nobles ; les plébéiens y furent admis
après la revision faite le 28 juin 1808 par Frederik VI,
qui établit quatre classes : 1« les grands commandeurs (de
1 à 3 seulement à la fois) ; les grands-croix correspondant
aux anciens chevaliers ; 3*^ les commandeurs ; 4<> les che-
valiers, et en outre les Danebrog smœnd ou hommes du
Danebrog, qui se sont distingués dans une humble condi-
tion et qui sont susceptibles de recevoir des secours, ou
bien qui ont mérité de voir leurs autres décorations rehaus-
sées par la croix d'argent, ayant en ce cas la valeur de
8B1 -
BANEBROG - DANEMARK
notre médaille militaire décernée aux officiers supérieurs.
La croix du Danebrog, en or et portant les mots Gud o'g
Kongen (Dieu et le roi) est suspendue à un ruban blanc
à liséré rouge, d'où le nom de Chevalier blanc donné à
ceux qui en sont décorés, par opposition aux Chevaliers
bleus ou de l'Eléphant.
DAN EDI ( Giovanni- Stefano), surnommé Montaldo,
peintre italien, né à Treviglio en 1608, mort en 1689.
Elève de Morazzone, il ne tarda pas à surpasser son maître
par la délicatesse de son pinceau ; ses peintures sont peut-
être même un peu trop léchées. Il s'inspira aussi beaucoup
de son frère, avec lequel il collabora plus d'une fois. Ses
toiles ornent les églises et les palais de Milan. On cite
surtout les peintures qu'il exécuta dans le choeur et sur la
façade de l'église San Giorgio.
DAN EDI (Giuseppe), surnommé Montaldo, frère du
précédent et peintre comme lui, né à Treviglio dans le
Milanais en 1619, mort en 1689. Il fréquenta l'école de
Morazzone, mais imita plutôt la manière du Guide. Ses
meilleurs ouvrages se trouvent dans l'église Saint-Sébas-
tien à Milan. La galerie de Dresde possède son Saint
Antoine de Padoue caressant l'Enfant Jésus»
DANE6ELD. Nom donné par les Anglo-Saxons aux
lourdes rançons que leur imposèrent les pirates Scandinaves
à partir de 991 ; plus tard aux contributions fournies par
eux pour l'entretien des mêmes corsaires devenus maîtres
et défenseurs de l'Angleterre sous Knud le Grand et Har-
deknud (1014-1042); même après la fin de la domination
danoise, elles se perpétuèrent jusque sous le règne d'Etienne
de Blois (1135-1154) pour l'entretien de l'armée perma-
nente. B-s,
DAN EH CF. Ancien parlement danois auquel assistaient
les délégués des bourgeois et des paysans aussi bien que
les dignitaires et les nobles. En 1282, Erik Glipping dut
promettre de convoquer annuellement les Etats, engage-
ment renouvelé dans les capitulations de ses successeurs
jusqu'en 1376. Cette assemblée se réunissait tantôt à Ny-
borg en Fionie, tantôt à Ringsted ou à Kallundborg en
Sélande, ou bien en Jutland. A partir du xvi® siècle, les
ordres inférieurs ayant été exclus, elle fut appelée Herredag
(Jour ou Diète des seigneurs). B-s.
DAN EL (Pierre), maître d'œuvres français du commen-
cement du XVI® siècle. Fils de Jehan Danel, huchier de
Saint-Omer, Pierre Danel devint maître des travaux de
cette ville et commença, de 1502 à 1517, la reconstruction
de l'église d'Auxy-le- Château (Pas-de-Calais), qui avait été
presque entièrement détruite, en 1466, pendant le siège
de cette ville par les Anglais. Charles Lucas.
D A N E L AG (Juridiction danoise) . Nom donné par les Anglo-
Saxons à la partie de leur territoire (plus de la moitié) oc-
cupée par les envahisseurs danois en vertu du traité de
Wedmor (878) entre Alfred le Grand et Gorm. Le pays da-
nois s'étendait au N.-E. du Vâtlinga strât (ancienne voie ro-
maine de Londres à Chester), et comprenant le Northura-
berland, l'Estanglie, l'Essex et le nord-est de la Mercie. B-s.
BicL. : Joh, Steenstrup, Danelag (formant le t. IV de
Normannerne) ; Copenhague, 1882, in-8.
DANELLE-Bernardin, homme poHtique français, né à
Montreuil-sur-Blaise (Haufe-Marne) le 16 sept. 1826.
Maître de forges, il fut candidat de l'opposition en 1863 ;
élu à l'Assemblée nationale comme républicain le 29 mars
1874, il siégea au centre gauche ; élu député de Wassy
en 1876, 1877, 1881, en 'tête de liste pour la Haute-
Marne en 1885, il vota avec la majorité opportuniste, fut
élu sénateur le 13 mars 1887 et réélu en 1888.
DANEMARK (DAN MARK). —Géographie physique.
— Généralités. — Etat de l'Europe septentrionale, le plus
petit des trois royaumes Scandinaves. Il est situé sur la
mer Baltique et la mer du Nord, occupant la partie septen-
trionale de la presqu'île Cimbrique (dont la guerre de 1864
lui a enlevé la partie méridionale) et les îles adjacentes.
Sous sa forme actuelle il est compris entre 54^ 33^ et
57« 45' lat, N., 5'>45' et 10» 17' long. E. de Paris (ou
12** 50' si Ton tient compte de l'île danoise de Bornholm
assez éloignée du reste du royaume). La plus grande dis-
tance du N. au S., entre la pointe méridionale de l'île de
Falster et le cap Skagen, est de 435 kil, environ ; de l'E.
àl'O. (non compris Bornholm) elle est de 300 kil. entre le
Sund et la mer du Nord. La frontière est formée au S. du
côté de l'Allemagne, actuellement maîtresse du Slesvig, par
une ligne qui part de la mer du Nord en face des Iles
Manô, s'infléchit au N. en contournant le district danois
de Ribe, longe au N. le Kongeaa et atteint la mer Bal-
tique en face de l'île BrandsO, située dans le Petit-Belt ;
les bras de mer du Petit-Belt et du Fehmarn-Belt séparent
l'archipel danois des côtes du Slesvig et du Holstein. Au"
N.-E. et au N., le Sund et le Cattegat séparent le Danemark
de la Suède, le Skager Rak s'étend entre lui et la Norvège.
Le Danemark a dans ses limites une superficie de
38,345 kil.q. et une population de 2,172,205 hab. (recen-
sement de 1880) non compris les îles Fserôer ; celles-ci sont
pourtant considérées comme faisant partie du royaume et
portent sa superficie à 39,673 kil. et sa population à
2,185,159 hab. Il faut encore y ajouter l'Islande (102,872
kil. q. dont 42,000 habités, et 69,224 hab.), également
considérée comme province du Danemark, et les colonies, non
seulement des Antilles (Sainte-Croix, Saint-Thomas, Saint-
Jean) qui ont 359 kil. et 33,773 hab., mais le vaste désert
glacé du Groenland. Nous ne décrirons ici que le Danemark
proprement dit, renvoyant pour le surplus aux art. Colo-
nisation, Islande et Grœnland,
Le Danemark comprend essentiellement deux parties :
i^ h Jutland (Jylland), ou région continentale (dont le
nord forme d'ailleurs une ile depuis l'année 1825), vaste de
25,259 kil. q. et peuplé de 868,511 hab. ; 2<> les îles,
vastes de 13,085 hab. et peuplées de 1,100,528 hab.
Côtes et îles. — La côte de la mer du Nord est, au voisi-
nage de la frontière, encombrée de bancs de sable qui
rattachent au continent les îles de l'archipel frison septen-
trional ; de celles-ci les seules que le Danemark ait con-
servées et qui méritent une mention sont Choresand, Manô
et Fanô oti atterrit le câble télégraphique sous-marin qui
relie le Danemark à la France par Calais ; celui qui se
dirige vers l'Angleterre (Harwich) atterrit au N. de l'île à
Ebjerg ; là se creuse la baie de Hjerbing. La côte s'avance
vers rO. jusqu'au Blaavands Huk, le cap le plus occidental
du Jutland, puis se développe en une courbe régulière dont
la convexité est tournée vers la mer. Le caractère de ce
littoral a été parfaitement décrit par Ehsée Reclus. Tout le
versant occidental du Jutland n'était jadis, fait-il observer,
qu'une vaste lande doucement inclinée vers l'Océan jusqu'aux
dunes de la côte. Ces dunes ressemblent à celles des landes
de la Gascogne, mais elles ont un relief bien moindre, les
plus élevées ne dépassant pas 33 m.; elles sont aussi
moins mobiles en raison de la proportion de sable calcaire
qu'elles renferment. « Elles se sont pourtant avancées plus
d'une fois vers l'intérieur de la péninsule et même, tout près
de la pointe de Skagen se voit une ancienne tour d'église,
reste d'un édifice englouti par les sables avec le village qui
l'entourait. Au S. du Limfjord, les événements de ce
genre que racontent les chroniques ont été nombreux : les
dunes plus hautes n'y sont pas, comme dans le Jutland
septentrional, garanties des vents du N.-O. par le promon-
toire norvégien de Lindesnœs, De même que celles de
France, les dunes danoises ont dû être fixées par des plan-
tations d'arbres, surtout de pins ; on a dû aussi en maints
endroits construire des épis pour consolider le littoral. Par
le tracé de sa côte, le Jutland occidental ressemble égale-
ment aux Landes françaises. Sur un développement d'en-
viron 375 kil., la rive de la mer du Nord se compose
non pas, il est vrai, d'une seule plage rectiligne comme
celle qui s'étend de Biarritz à la pointe de Grave, mais
d'une série de plages faiblement infléchies, qui s'appuient
de distance en distance à des points résistants ; de saillie à
saillie, chaque plage est dessinée nettement en courbe géo-
métrique, comme si le compas avait tracé la ligne où vien-
DANEMARK
nent déferler les flots du large. Mais en dedans de ces
flèches régulières qui forment le littoral maritime, la
côte primitive découpe ses contours irréguliers dans l'inté-
rieur des terres. Des étangs, semblables à ceux des Landes,
se sont ainsi formés le long de la mer du Jutiand : ce sont
aussi d'anciens golfes d'eau salée que les apports des
rivières de l'intérieur et les pluies ont changés en réservoirs
d'eau douce, et que les alluvions comblent peu à peu ; ils
n'ont qu'une faible profondeur et même plusieurs d'entre
eux ont des fonds de vase qui, suivant les saisons et les
tempêtes, sont alternativement noyés et émergés ; des che-
naux navigables, étroites fosses qui serpentent au milieu
des bancs vaseux, pareils aux « crassats » de l'étang d'Ar-
cachon, donnent accès aux petites embarcations. »
La première de ces lagunes est le Ringkjobingfjord ou
Stavningfjord qui s'étend sur 300 kil. ^. et a 45 kil.
de long du N. au S.; le cordon littoral qui la sépare de la
mer du Nord pendant 40 kil. est la flèche de Klitlandet ou
Terre des Dunes; elle est ouverte au S. par la passe étroite
de Nymindegab qu'obstrue une barre très dangereuse, et
qui se déplace souvent de plusieurs centaines de mètres ; la
lagune et le chenal d'accès ne peuvent recevoir de bateaux
tirant plus de 2 m. AuN. du Ringkjobingijord est le
Stadiltjord qui communique avec lui par un canal peu pro-
fond et est relié de même à la lagune plus septentrionale
du Nissumfjord, qui mesure 49 kil. du S. au N, ; celle-ci
communique avec la mer par la passe de Thorsminde.
Nous trouvons ensuite le Limfjord qui n'est plus à pro-
prement parler un étang côtier puisque non seulement un
véritable chenal maritime le relie au Kattegat, mais que
depuis 4825 il communique aussi avec la mer du Nord de
manière à former un véritable détroit maritime qui fait
une île de la région septentrionale du Jutiand. Ce bassin
lacustre et maritime a unesuperficie totale de 4, 470 kil. q.
et l'on y distingue trois parties nettement tranchées : la
lagune occidentale, le lac ou étang central, le fjord ou
canal oriental. La lagune occidentale, appelée bassin de
Nissum, comparable à celles que nous avons énumérées,
mais allongée de rO. à l'E., est séparée de l'Océan par une
flèche sablonneuse, le Harboore Tange qui souvent n'a pas
un kilomètre de large ; cette flèche a été rompue par les
tempêtes plusieurs fois, par exemple en 4624, 4720 et
4760. Le 48 nov. 4825, une trouée fut ouverte près
d'Agger qui fut dénommée Nyminde; elle ne se referma
pas et les eaux salées de la mer pénétrèrent dans Fétang,
un courant s'établit, en peu de temps l'eau marine y rem-
plaça Teau douce, la faune changea, des bancs d'huîtres
se formèrent en divers points. En 4 863, au S. de cette pre-
mière brèche, il s'en creusa une seconde, celle deTybôron,
qui remplaça la première bientôt ensablée et asséchée depuis
4875; celle-ci put être utilisée par la navigation mieux
que l'ancienne où les barques passaient depuis 4834, mais
qui souvent n'avait pas plus de 4 "^50 de profondeur.
Ces modifications n'ont pas été accomplies sans de puis-
santes actions naturelles, car la ligne du rivage a été
refoulée de 2 kil. vers l'E. De la lagune occidentale du
Limfjord on passe dans le bassin lacustre central par
l'étroit chenal de l'Odde-Sund ; après un labyrinthe de
lacs poissonneux disposés autour des îlesVenô, Jegindô et
surtout de la grande île Mors, on parvient au bassin central
qui occupe une superficie de 460 kil. q.; on y remarque
les îles Livô et Fur ; il se ramifie au S. et au N. où par le
Feggesund on accède au bassin de Thisted (au N. de
l'île' Mors); au N.-O. du bassin central l'Aggersund con-
duit au lac Nibe qui entoure la presqu'île d'Ôland et l'île
Gjôl. A l'E. d'Aalborg commence la troisième partie du
Limfjord, un détroit allongé, analogue aux autres fjords
de la côte orientale du Jutiand. Si nous revenons au littoral
de la mer du Nord, nous constatons qu'il s'infléchit après
les promontoires du Hanstholm et du Skareklit formant une
concavité que baigne le Skagerak ; on y remarque la baie
de Vigsô, celle de Jammer, le promontoire du Hirtshals, enfin
lecapSkagen (Skagens Odde), extrémité septentrionale du
832 —
Jutiand. Toute cette côte de la mer du Nord est très inhospi-
talière ; et la comparaison avec celle de Gascogne se vérifie
jusqu'au bout ; le sol s'abaisse en pente douce au-dessous des
flots et il faut aller à 60 kil. pour trouver une profondeur
de 30 à 40 m. Les bas-fonds y abondent et seul un système
de phares et de balises peut en diminuer les périls, d'autant
que nul port ne s'y ouvre aux navires; la côte au N. du
Blaavands'Huk a été surnommée la Côte de fer ; des bancs
de sable qui la longent le plus redouté est le Hornsrev qui
s'étend à 37 kil. Dans la zone septentrionale le nom de
Jammer Bugt est significatif. On a multiplié les postes de
secours et amélioré le port d'Esbjerg.
A TE. du cap Skagen, après la fosse profonde du Skager
Rak, commence le Kattegat dont les côtes sont aussi dange-
reuses que les précédentes, car les courants en aggravent
les risques. Nous y signalerons la baie d'Albsek,ïes îlots
d'Hirtsholm, le port de Frederikshavn, la grande île Lseso
avec les îlots de Lange Rônnen et Hornfisk Rônner ; l'ou-
verture de Limfjord, le Manager fjord, long de 37 kil. ; le
Randersfjord, long de 22 kil.,' qui reçoit le Guden Aa ; au
centre de Kattegat la petite île d'Anholt, la presqu'île de
Randers terminée à l'E. par les caps de Stavnshoved et
Fornœs, au S. par celui de Sletterrhage ; l'exhausse-
ment du sol y a rattaché d'anciennes îles ; vient ensuite
le port d'Aarhuus et nous nous trouvons en face des
grandes îles de l'archipel danois que les différents belts
séparent du continent. Celui-ci, dominé en certains points
par des collines d'une centaine de mètres, est bordé de
magnifiques forêts de hêtres. Au S. du Gylhng Naes s'ouvre
le fjord de Horsens avec les îlots de Afrô et Hjarno ; la
baie d'Asvig, encadrée de forêts, échancre le Httoral;
après le promontoire de Bjôrnskunde celui-ci tourne vers
rO. ouvrant le profond fjord de Vejle que ferme au S. le
Trselde Nées. Après ce cap commence le Petit-Belt com-
mandé par la forteresse de Fredericia dans cette partie où
il a parfois moins d'un kilomètre de large ; le fjord de
Kolding est le dernier de cette côte danoise.
Les îles de l'archipel danois forment deux groupes net-
tement distincts, si l'on laisse de côté les petites îles du
Kattegat, Lsesô, Anholt, Hesselô, celles situées entre Aaor-
bour et le Grand-Belt : Samsô,Thuno, Endelave; le premier
de ces groupes est celui de Fionie (Fyen), le second est
celui de Seeland (Sjœlland); nous ne parlons pas de
Bornholm qui, au point de vue géologique, est une dépen-
dance de la Suède. — A l'île de Fionie on peut rattacher
les îles situées au S.-E., Taasinge, Mrô et Langeland,
sans parler des petites, Lijô, Avernakô, Dreiô, Skaarô,
Stryno, Turô, etc. Celles-ci en ont été détachées à une
époque relativement récente, et la profondeur entre elles n'at-
teint nulle part 5 m. De même Fionie a été détachée du Jut-
iand dont la sépare le Petit-Belt (Lille Bœlt) ; ce détroit assez
large dans sa partie méridionale n'a au N., en face de
Middelfart, que 625 m. de large et 8 m. de profondeur.
Tout le littoral de Fionie a été découpé par les eaux ;
outre les îles, nous signalerons, sur le Petit-Belt, les pres-
qu'îles de Helngesland et Horneland, encadrant la baie de
Horne, sur le Grand-Beit, la baie de Nyborg, le promon-
toire de Knudshoved, la presqu'île d'Hindsholm et le fjord
d'Odensee, le cap Agernses. L'île de Fionie a 3,005 kil. q.,
celle de Langeiand 284 kil. q.
Le groupe de Fionie est divisé de celui de Seeland par
le Grand-Belt (Store Bselt), plus large que le Petit ; en son
point le plus étroit, il mesure encore 45 kil.; on y accède
au N. par le Bselt de Samsô, au S. par le Baelt de Lange-
iand ; il forme au S.-E. la vaste baie de Vordinborg (le
Smaalands Havet) qui s'étend entre Seeland et les îles dépen-
dantes de Laaland et de Falsfer. Celles-ci ont certainement été
détachées de la grande île par les courants marins, de même
que l'île de Môen qui les prolongea l'E. Elles sont portées par
un plateau sous-marin qui leur sert d'assise commune et n'est
nulle part recouvert de plus de 5 m. d'eau. Toute cette
région s'exhausse d'ailleurs lentement, de 6 centim. par
siècle au moins. Fait curieux, c'est du côté méridional, le
— 833 -
DANEMARK
plus déchiqueté par les lames, que se trouvent les hauteurs
principales auxquelles s'adossent les pentes de File de
Seeland. Elles sont à FE. de cette île dans les falaises de
Stevns Klint et surtout dans celles de Môen, hautes de
430 m. Ces hauteurs, exceptionnelles dans le Danemark,
« se terminent au-dessus des flots par des parois verti-
cales, dont la craie rayée d'assises parallèles de silex,
comme les falaises de Normandie, réfléchit au loin les
rayons du midi; on le voit briller parfois jusqu'à 50 kil.
en mer. Des eftondrements d'assises ont donné à ces roches
abruptes les contournements les plus bizarres ; des strates
reployées, renversées même, y rappellent en petit les plis-
sements du Jura et des grandes Alpes. Les valleuses,
ouvertes de distance en distance dans la falaise, laissent
descendre les forêts de hêtres jusqu'à la mer. Les voyageurs
qui se rendent du grand bassin de la Baltique vers Wismar,
Kiel ou Ltibeck peuvent souvent distinguer à la fois les
murailles de Moen et les hauts promontoires de Rugen,
unis jadis, séparés maintenant par un détroit de 55 kil.
de large et de 20 m. de profondeur. Il paraît probable
que Môen, après s'être affaissée relativement au niveau de
la mer, s'est exhaussée de nouveau et maintenant encore
elle s'élèverait avec une grande lenteur. Elle se compose
en réalité de sept îles distinctes dont les détroits se sont
graduellement asséchés ; en 1100, elle était divisée en trois
fragments. » (E. Reclus.) Les falaises de Môens Klint
bornent l'île à FE., au S. la baie de Hjelm s'y creuse ; le
Grônsund la sépare de Falster, FUlvsund de Seeland. L'île de
Moen a 240 kil. q. ; celle de Falster en mesure 535 ; cette
Ile triangulaire, sans grand relief, est terminée au S. par
le Gjedser Odde, séparée de Laaland par le Guldborgsund.
L'île de Laaland, vaste de 1,191 kil. q., est de forme assez
irréguhère ; au N. sont les îles d'Asko, Fejô, Skalo, Raago,
Fano, Vejrô qui en dépendent. La grande île de Seeland
(6,988 kil. q.) a été profondément découpée par la mer, non
seulement dans la partie méridionale où se sont détachées
les îles dont nous venons de parler, mais sur toutes ses
faces. A l'O., sur le Smaalands Havet, s'allongent de petites
presqu'îles comme celle de Kundskov Odde; les îles d'Omô,
Aggersô signalent l'entrée du Grand-Belt sur lequel est le
port de Korsôr ; vient ensuite l'îlot de Musholm, puis la
baie de Jammerland, le promontoire Asnaes, celui de Refs-
naîs qui limite au N. le Grand-Belt ; sur la côte septentrio-
nale de Seeland, on remarque l'îlot de Nexelo, le promon-
toire de Vejrhoi (121 m.), l'île Sejro, dans la baie du
même nom, fermée par une longue et étroite presqu'île ;
à FE. de celle-ci s'ouvre le grand Issetjord qui s'enfonce
très avant dans File et y forme les fjords de Lamme à
FO. et de Holbsek au S., non moins avant s'enfonce
l'étroit fjord de Roskilde embranché sur FIssefjord. Après
le Gilbjerhoved commence le fameux détroit du Sund ou
OEresund ; continuant vers le S. nous trouvons File d'Ama-
ger séparée de Seeland par un chenal qui est devenu le
port de Copenhague ; l'île de Saltholm au milieu du Sund ;
la baie de Kjoge, les falaises de Stevns Klint, la baie de
Faxe ou Prsesto fermée au midi par le Jungshoved.
Les détroits qui séparent Fionie du continent (Petit-
Belt), Fionie de Seeland (Grand-Belt) et Seeland de la
presqu'île Scandinave (Sund) ont eu de tout temps une
grande importance comme portes de la Baltique. Leur
possession a été pour beaucoup dans la fortune du Dane-
mark. Le plus fréquenté de beaucoup fut toujours le Sund,
le moins dangereux d'ailleurs pour la navigation. Ce détroit
réunit le Kattegat à la Baltique ; il a 107 kil. de long du N.
au S. entre le cap Kullen et le cap Falsterbo, sur le littoral
suédois. Sa largeur est de 30 kil. entre Copenhague et
Malmô, mais entre Helsingôr ou Elseneur et Helsingborg,
il n'a qu'une largeur de 3,750 m. Des deux côtés de l'île
Saltholm, au large de Copenhague, les chenaux de Drogden
et Fiinterende ont encore 7 m. de profondeur. Le péage du
Sund, levé par le Danemark sur tous les navires qui pas-
saient par l'un des trois détroits, fut aboli en 1857 ; les
Etats-Unis ayant refusé de continuer à le payer (1855),
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — Xïiï.
une convention intervint entre le Danemark et quinze autres
puissances le 14 mars 1857 ; en échange d'une mdemnité de
60,952,650 couronnes (87,345,000 fr.), le Danemark
renonça au péage. Ces détroits sont éclairés par dix-huit
phares (quatre dans le Sund, douze dans le Grand- Belt, deux
dans le Petit-Belt) sans parler des douze phares placés sur
les côtes du Kattegat et des signaux de moindre importance.
L'île de Bornholm (V. ce nom), nettement distincte du
reste de la monarchie, forme un quadrilatère de 600 kil. q.,
au N. duquel sont les îlots d'Ertholmene, dont le principal
est Kristiansô ; on y a établi un port de refuge.
Géologie et relief du sol. — La structure géologique
du Danemark est assez homogène, exception faite pour l'île
de Bornholm et les îlots d'Ertholmene. Ceux-ci se ratta-
chent à la Scandinavie ; Ertholmene et le nord-est de Born-
holm sont formés de gneiss, prolongeant la Scanie dont
les sépare un détroit de 35 kil. ; des schistes, des grès
s'appuient à ces terrains primitifs, une couche très mmce
de terre végétale s'étend au-dessus; des ravins découpent
assez régulièrement le plateau insulaire que domine le Ryt-
terknsegten (169 m.) au centre de l'île; au N.-O. s'en
détache le promontoire de Hammeren.
Le sol du Danemark proprement dit, c.-à-d. du Jutland
et des grandes îles, se rattache par sa formation géologique
et son relief à la région allemande, et l'étroit fossé du Sund
marque la limite entre deux zones nettement différenciées ;
les formations paléozoïques de la Scandinavie ne se retrou-
vent pas en Danemark. Les assises inférieures au centre et
au nord du Jutland et dans les îles, sont formées de craie,
les assises supérieures d'argile et de sable, lesquels mélan-
gés de débris organiques forment un sol fertile. Le noyau
principal, formé de terrains miocènes et crétacés, est au
S.-E. du Jutland et s'étend jusqu'à Aarhuus et la pres-
qu'île de Randers ; la li^ne de faîte de la presqu'île est donc
plus près de la côte orientale que de l'autre ; la première
est d'ailleurs plus inégale. Les collines du Jutland septen-
trional sont formées de sables, d'argiles, de marnes pro-
venant de la décomposition des anciens terrains ; les blocs
erratiques y sont nombreux et considérables ; ce qu'il y a
de plus remarquable, c'est que ces collines, peu élevées,' ne
forment pas un système continu, mais plutôt des accidents
de terrain isolés, ce qui leur donne un relief plus sensible.
Nous citerons le Skammlings Banke (113 m.) au S. deKol-
ding, le Hagnsbjerg (121 m.) et le Môlohj (138 m.) à
l'O. de Vejle; au N. du Ijord de Horsens est FEjersbav-
nehôi (174 m.), le {joint culminant du Danemark et non
loin au N.~0., le Himmelbjerg (153 m.); au S. d'Aar-
lîuus, près du rivage, le Jelshôj (i28 m.), au centre
du Jutland, le Tandskor Bavnehôj (101 m.). Au N, du
Limfjord est une crête appelée Jydske Aas, qui atteint
113 m. et s'abaisse peu à peu vers le cap Skagen. La par-
tie méridionale et occidentale du Jutland diffère de l'autre ;
les assises inférieures sont formées de terrains carboni-
fères ; le sol est argileux et sablonneux avec du Hgnite et
de l'ambre sur plusieurs points; au N. du Limfjord, dans
l'île Mors et près de Thisted, sont des roches schistoïdes.
A la surface on rencontre des terrains de transport argi-
leux ou sablonneux, des landes, des dunes, des marécages
et des tourbières. Le sol argileux est le meilleur, il forme
les sommets les plus élevés dans le Jutland oriental et les
îles. Ces hauteurs sont en général isolées; au contraire,
celles que forment les terrains de transport sablonneux sont
alignées en collines ; on les trouve dans le Jutland recou-
vertes de landes, au S. de Fionie (au Frôbjœrg Bavnehôj
(131 m.), au N. de Seeland.
La partie occidentale du Jutland forme une vaste lande,
entamée aujourd'hui et transformée partiellement par les
cultures, mais quia conservé son aspect caractéristique;
le sol sablonneux est couvert de bruyères et d'arbustes
formant des fourrés; il n'a pas de pente et les mares s'y
forment dans les excavations, se transformant peu à peu
en tourbières ; sous le sable, les mares ou les bruyères, on
trouve presque à fleur de sol Falios imperméable.
53
DANEMARK
- SU -
La structure géologique des îles ne diffère pas de celle
du Jutland oriental ; le sous-sol et les falaises qui domi-
nent les îles sont formées de craie ; telles les falaises de
Moen et de Seeland ; dans la grande île près de Faxe (au
S.), dans l'îlot de Saltholm, on trouve le calcaire. Autour
de la craie et au-dessus sont des terrains modernes encom-
brés de débris de l'époque glaciaire, de blocs erratiques, etc. ;
le nord de Seeland, les petites îles du Kattegat sont for-
mées de ces terrains ; de même au S. les petites îles de
Laaland et de Falster. On signale à Fionie le bloc erra-
tique de Hesselager qui a 30 m, de tour et 6 m. de saillie.
Le plus haut sommet de Fionie est le Frô Bjaerg (131 m.) ;
ceux de Seeland, à l'O. de l'île, le Kloveshôj (104 m.);
leVerjhôj (124 m.); le Môrkemose (J05 m.); le Gylden-
hoveshôj (426 m.); le Dysted (424 m.) sont dépassés par
ceux de l'île Môen où FAborrebjîBrg atteint 444 m.
Hydrographie. — Le Danemark n'est pas assez large
pour qu'il ait pu s'y former des rivières considérables,
mais le climat humide lui vaut un grand nombre de petits
cours d'eau (dénommés Aa) et des lacs. Dans la mer du
Nord se jettent le Fladsaa qui arrose Ribe ; le Kongeaa
qui sert de frontière avec l'Allemagne, le Vardeaa grossi
du Holmaa qui se jette dans la baie de Hjerting, l'affluent
du lac Fils ; le Skjern ou Lonborg Aa, grossi du Omme Aa,
se perd dans la lagune de Ringkjobing ; le Stor Aa (75 kil.)
dans la lagune de Nissum. Dans le Limfjord se jettent le
Karup, Skals ou Sive Aa venu du S., le Store Aa et le
Lindenborg Aa ; au N. le Ryaa y aboutit également. —
Dans le Kattegat se jette le Vaars Aa, le Guden Aa, la prin-
cipale rivière du Jutland, longue de 430 kil., qui aboutit
au fjord de Randers après avoir traversé plusieurs lacs ;
les fjords de Horsens, de Vejle, de Kolding reçoivent les
Aas du même nom. Parmi les lacs du Jutland dont on
compte une trentaine, nous citerons le lac Mors dé-
versé par le Guden Aa, celui de Kolind dans la presqu'île
de Randers, et des deux côtés du Limtjord deux vastes ma-
récages qui se changent en tourbières : le petit Vild Mose
au S. (55 kil. q.) et le Grand Vild Mose au N. (69 kil. q.).
Deux canaux méritent une mention, celui de Silkeborg qui
longe le Gulden Aa ; celui de Frederik VII ou canal Skive
pour l'utilisation du Limfjord. — Dans les îles on trouve
trois cours d'eau de quelque développement : dans Fionie
rOdense Aa (60 kil.) canalisé à son embouchure ; dans
Seeland le Sus Aa (82 kil.) et l'Aamose Aa qui forme
îe lac Tis ; dans Seeland il faut encore nommer les lacs
Esrom, Arre etFure ; dans Laaland le lac de Maribo.
Climat. — Le climat est sensiblement le même dans tout
le Danemark oti ne sont pas de hauteurs bien accentuées
et qui n'occupe pas plus de trois degrés de latitude. C'est un
climat maritime relativement doux et modéré ; ces carac-
tères sont un peu plus marqués dans les îles que dans le
Jutland ; toutefois rien n'abritant des vents, le climat est
assez froid, plus qu'en Allemagne. Le vent du N.-O.,
qui souffle surtout au printemps, est appelé Skai ; il est
froid et sec, c'est lui qui pousse les dunes ; il a l'avantage
de dissiper le brouillard ; celui-ci, qu'on appelle Havguse
se développe surtout en été vers le coucher du soleil. On
compte cent cinquante jours de pluie (dont trente-quatre do
neige) par an ; à Copenhague une dizaine de plus. La chute
d'eau aunuelle est de 0,66 dans le Jutland occidental, 0,64
dans le Jutland oriental, 0,59 à Fionie et 0,58 à Seeland.
La température moyenne de l'année varie entre + 6^,5' et
•4- 8<*,5 ; elle est à Copenhague de 7^,4 ; le nord du Jutland
et même l'intérieur est sensiblement plus froid que les îles
méridionales, Jîrô, Langeland, Laaland et Falster ; en
revanche, elles ont quelques fièvres en été. L'hiver est sou-
vent rigoureux ; il pleut et neige beaucoup en janvier et
février ; la température varie de + 3° à — 4<', la moyenne
étant de — 0^,5 ; quand elle s'abaisse à — 45<', les détroits
s'encombrent de glaces. A plusieurs reprises ils ont été
entièrement gelés, surtout le Grand-Belt, qui fut pris du
4^^ janv. au 4^^ mars 4874 ; on sait qu'en 4658 le roi de
Suède, Charles X Gustave, passa sur la glace avec son
artillerie de Fionie à Langeland et Laaland. Le printemps
a une température moyenne de + 6**,5 à Copenhague; l'été,
qui dure de juin à août, est chaud (moyenne + 47^,25)
mais très variable, avec des nuits froides ; l'automne
(mo3renne + 9*^,5) est généralement beau, mais ne dure
que jusqu'en octobre. En novembre les vents soufflent en
tempête et ramènent la pluie.
Flore et Faune. — La flore et la faune de la presqu'île
et des îles danoises sont celles des régions voisines Slesvig
et Suède. On sait que pour l'archéologie préhistorique les
tourbières du Danemark ont fourni une quantité de rensei-
gnements précieux ; on a pu voir ainsi que le climat s'est
progressivement réchauffé ; au fond des tourbières la végé-
tation est celle de la Laponie actuelle, bouleaux nains, etc. ;
au-dessus se succèdent les étages des trembles, des chênes,
des pins ; actuellement le hêtre domine. Au moyen âge, vers
le x^ et le xii^ siècle, le Jutland fut couvert de forêts ; mais à
mesure qu'on a déboisé, les arbres ont été plus exposés à la
violence du vent qui les incline vers l'E., rase leur tête.
Les bois sont formés surtout de frênes, d'aunes, de chênes,
de bouleaux ; très peu de conifères ; de belles forêts de
hêtres sont sur la côte orientale ; Fionie a beaucoup de
petits bois, Seeland seulement vers le Sund ; Falster et
Bornholm sont bien boisées. Sur les côtes croissent des
salséolées comme la soude, des genévriers, des myrtilles ;
citons encore la festuca fluitans qui donne une marne
appréciée des habitants. Pour compléter ces détails, V. ci-
dessous Agriculture. — Il n'y a plus guère de grands
animaux sauvages : quelques sangliers, des cerfs et des
daims dans les parcs ; des renards, des martres, des
fouines, des rats ; beaucoup de gibier, surtout de plume ;
des oiseaux d'eau, canards et oies sauvages, coqs de
bruyère , perdrix , grives , bécassines ; sur le Limfjord ,
dans les îles de Bornholm et d'Amager, des cygnes vivent
en liberté. Sur les côtes du Belt vient hiveriier Feider.
Ethnographie. — Le Danemark est la terre classique de
l'archéologie préhistorique et nulle part cette science n'a
été plus étudiée ; les amas de coquillages des côtes (affalds-
clynger^ Kjœkkenmœddinger)^ débris abandonnés par les
anciens habitants, ont fourni un grand nombre de données;
quelques-uns de ces amas ont 300 m. de long sur 60 de
large et 3 de haut ; les tourbières ont aussi été méthodi-
quement explorées, ainsi que les tombeaux et les tumuli
mégalithiques ; sur l'âge de pierre, sur l'âge de bronze, les
documents recueillis en Danemark sont essentiels. Vers le
11^ siècle de notre ère, commença l'âge du fer, et simultané-
ment l'écriture r unique. Les primitifs habitants étaient
en tout ou en partie de race finnoise ; ils ont disparu (défi-
nitivement depuis le xvi^ siècle) devant la race actuelle ;
les origines seront indiquées ailleurs (V. Europe, Alle-
magne, etc.) ; la question des rapports entre les races
anthropologiques et linguistiques n'est pas élucidée. La
race danoise actuelle s'est constituée avec sa langue à la
fin du moyen âge ; le Danois est vaillant, patient, flegma-
tique ; il observe bien avant d'agir ; sauf pendant les fêtes,
il est silencieux ; son tempérament est poétique, il a le
goût de l'instruction et une véritable passion pour la litté-
rature nationale ; celle-ci, formée sur le fonds commun des
sagas Scandinaves, a adopté le dialecte de Seeland et s'est
élevée au rang de langue Httéraire après la Réforme. Le
Slesvig septentrional renferme plus de 450,000 Danois
que la force seule retient sous la domination allemande.
Le célèbre géographe Malte-Brun, Danois naturalisé en
France, traçait le portrait suivant de ses compatriotes :
« Il se pourrait que l'humidité de l'atmosphère et la quan-
tité de viande et de poisson salé dont il se nourrit, contri-
buassent à rendre le caractère de ce peuple lourd, patient,
difficile à émouvoir. Autrefois conquérant insatiable, aujour-
d'hui brave, mais pacifique, peu entreprenant, mais labo-
rieux et persévérant ; modeste et orgueilleux, hospitalier,
mais non pas officieux ; gai et franc avec ses compatriotes,
mais un peu froid et cérémonieux envers les étrangers.
Aimant ses aises plus que le faste ; plus économe qu'in-
— 835 -
DANEMARK
dustrîeux, imitateui» des autres peuples, observateur judi-
cieux, penseur profond, mais lent et minutieux, doué
d'une imagination plus forte que riche, constant, roma-
nesque et jaJoux dans ses affections ; capable d'un grand
enthousiasme, mais rarement de ces saillies d'esprit, de
ces finesses, qui surprennent le succès ou l'admiration ;
très attaché à son sol natal et aux intérêts de sa patrie,
trop peu soigneux de la gloire nationale ; accoutumé au
calme de la monarchie, mais ennemi de la servitude et du
pouvoir arbitraire : tel est le portrait du Danois. Au phy-
sique, il est généralement d'une taille moyenne, bien fait,
blond et d'une physionomie douce et agréable. »
Démographie. — La densité de la population danoise est
très inégale selon les régions. On s'en rendra compte par
le tableau suivant , lequel s'applique au recensement de 4 880 :
RECENSEMENT
DE 1880
Copenhague (ville)
— (bailliage)...
Frederiksborg
Holbœk
Sorô
Prœstô
Bornholm
Maribo
Odense
Svendborg
Total pour les îles..
Hjôrring
Thisted
Aalborg
Vilborg
Randers
Aarhuus
Veile
Ringkjôbing.
Ribe
Total pour le Jutland.
Total général
19,8
1.209,4
1.354,9
1.681,6
1.473,4
1.674,5
584,1
1.669
1.772
1.646,4
13.085,1
2.817,8
1.694,3
2.898,3
3.034,9
2.435,4
2.478,9
2.332,9
4.532
3.034,9
25.259,4
38.344,5
234.850
121.488
83.347
93.340
87.509
101.169
35.364
97.007
128.877
117.577
H"»
-< O f-
*-< S '^
1.100.528
100.548
64.007
96.204
93.369
104.321
140.886
108.513
87.406
73.257
.511
1.979.039
298
61
56
59
60
61
58
73
71
84^
36
38
33
31
43
57
47
19
24
34
51
Ou 66,6, non compris la capitale.
Le dernier recensement porte la densité pour les îles
(Copenhague non compris) à 70 hab. par kilomètre carré,
pour le Jutland à 37, pour le total à 57, mais la propor-
tion reste la même; il en résulte qu'à surface égale les
îles sont deux fois plus peuplées que la presqu'île, la den-
sité à Fionie est presque quadruple de celle du district de
Ringkjôbing. L'accroissement de population est très rapide,
4 <>/o par an environ. On en jugera par la comparaison des
trois derniers recensements décennaux ; les chiffres s'ap-
pliquent au Danemark et aux îles Faerôer.
4870 4.794.733
4880 4.989.259
4890 2.485.459,
Au commencement du siècle on ne comptait pas plus de
929,000 Danois sur le même espace. D'après le recen-
cernent de 4880, la population du Danemark proprement
dit se répartissait comme suit :
Sexe masculin.
Sexe féminin.
Célibataires
589.394
577.922
Mariés
340.373
340.534
Veufs
35.037
79.805
Divorcés
2.556
3.424
Total....
967.360
1.004.679
Voici quel a été de 4884 à 4888 le mouvement annuel
de la population ; les chiffres des naissances et des décès
comprennent les morts-nés :
4884. .
4885..
4886..
4887..
4888..
MARIAGES
SAISSAKES
DÉCÈS
EXCÉDENT
des naissances
45.970
45.645
44.834
44.726
45.094
70.272
69.547
70.030
69.447
69.220
39.529
39.053
40.044
40.645
43.664
30.743:
30.464
29.986
28.772
25.559
Sur le total des naissances, il y a environ 44 0/0 de
naissances illégitimes.
On remarquera que l'excédent des naissances sur les
décès tend régulièrement à décroître par la diminution du
chiffre des naissances et surtout par Taccroissement du
chiffre des décès ; le premier phénomène est peu sensible,
car dans la période quinquennale 4878-82 la moyenne
annuelle des naissances ne dépassait guère 65,000. La
situation reste donc satisfaisante, d'autant plus que l'émi-
gration n'augmente pas. Le nombre des émigrants depuis
dix ans a été en :
4880
. .. 5.667
4885
.. 4.346
4884
... 7.985
4886.,...
.. 6.263
4882
. .. 44.644
4887
.. 8.804
4883
... 8.375
4888
.. 8.659
4884
... 6.307
4889
.. 8.967
La plupart de ces émigrants se sont rendus aux Etats-Unis.
La population du Danemark est essentiellement rurale ;
en 4880, sur 4,969,000 hab., 564,000 seulement habi-
taient les villes, plus de la moitié de ceux-ci la capitale. —
La population comprenait 62,424 étrangers dont 42,007
originaires du Siesvig (Danois en grande majorité), 14,445
Allemands, 24,448 Suédois ou Norvégiens, 4,824 étran-
gers divers; de plus, 4,306 personnes nées dans les autres
contrées danoises, et quelques centaines de Kjeltringer,
population de race tatare ou tsigane campée dans les landes
du Jutland. Au point de vue de la religion, on comptait
4,954,543 luthériens, 4,362 réformés, 892 méthodistes
ou anglicans, 3,687 baptistes, 4,036 irvingiens, 2,985
catholiques, 646 autres chrétiens, 3,946 Israélites (dont
3,030 à Copenhague), 4,722 mormons, 8 musulmans,
467 de religion inconnue, 4,074 sans religion.
Au point de vue professionnel, la population se classait
de la manière suivante :
Carrières libérales ( em-
ployés, artistes, etc.). . . .
Rentiers
Agriculteurs \ J^xmalrés!
Pêcheurs... iSairës'.
Industriels.. P^'XIrës.
Gommer- ( Patrons —
çants ..... ( Auxiliaires.
Journaliers
Mendiants, assistés, etc...
Total
MEMBRES ACTIFS
Hommes Femmes
86.212
7.691
138.975
41.454
12.085
4.157
73.722
58.663
23.258
11.362
48.948
456.627
5.055
12.979
29.102
4.089
68
46
17.319
11.539
4.489
1.015
16.858
101.559
FAMILLES et DEPENDANTS
Hommes
24.280
3.968
159 566
32.684
11.058
1.114
65.354
28.879
20.012
4.013
42.679
14.685
408.292
Femmes
50.012
14.167
289.126
66.438
21.998
2.354
134.048
45.763
44.210
5.093
87.426
18.304
778.939
DOMESTIQUES
Hommes Femmes
374
88.495
428
156
1
4.731
48
5.841
36
42
102.541
18.236
5.168
74.275
520
840
28
10.681
472
14.712
731
518
121.541
181.684
44.347
925.152
53.905
451.219
134.272
195.471
32.989
1.969.039
DANEMARK
- 836 —
Géographie politique. — Divisions politiques ac-
tuelles.— Le royaume de Danemark est divisé en sept pro-
vinces ou diocèses {stift) lesquelles comprennent dix-huit
districts ou bailliages (amt) . La partie continentale com-
prend quatre provinces et neuf districts : Aalborg, ch.-l.
Aalborg; trois districts (Aalborg, Hjôerring et Thisted) ;
Viborg, ch.-l. Viborg, 1 district; Aarhuus, ch.-l. Aarhuus,
deux clistricts (Aarhuus, Randers) ; Ribe, ch.-L Ribe,
trois districts (Ribe, Vejle, Ringkjobing) . — La partie
insulaire comprend trois provinces et neuf districts : See-
land (Sjœlland), ch.-L Copenhague, six districts (Copen-
hague, Frederiksborg, Holbœk, Praestô, Sorô, Bornholm) ;
Fionie (Fyen), ch.-l. Odense, deux districts (Odense,
Svendborg) ; Laaland, ch.-L Maribo, 4 district. La vraie
division administrative est celle en districts ; ceux-ci se
subdivisent en cent trente-six arrondissements (herred).
Nous indiquons (juelle était au 1®^ févr. 4890 la population
des différentes parties de la monarchie danoise. Ces chiffres
empruntés à Talmanach de Gotha ne coïncident pas exacte-
ment pour les superficies avec ceux que nous avons adoptés.
Ville de Copenhague
SUPERFICIE
en kil. carrés.
HABITANTS
Sexe masculin. Sexe féminin.
TOTAL
HABITANTS
par kil. carré.
20
18.017
25.242
143.834
448.636
466.752
168.653
468.821
475.609
312.387
917.457
942.361
15.619
70
37
Iles
Jutland
Total pour le royaume de Danemark-.
Iles Fœrôer (dont 17 sont habitées).
Islande (42.068 kil. q. étaient habi-
tés à la fin de 1888)
38.279
1.059.222
1.112.983
2.172.205
57
1.333
104.785
88.100
21.833
8.617
5.440
6.225
4.838
8.647
5.757
485
6.729
5.383
9.783
8.632
459
12.954
69.224
10.221
18.430
14.389
944
9,7
0,7
0,1
84
> 167
17
Grœnland (territoire libre de glace
dans Tété 1888)
( Sainte-Croix...
Antilles (en 1880). J Saint-Thomas.
( Saint-Jean
Total pour les dépendances..
Total pour le royaume de Danemark
Total général
230.108
38.279
»
»
126.162
2.172.205
0,5
57
268.387
»
2.298.367
8,5
La population des principales villes atteignait :
hab.
Copenhague 342.387
— avec les faubourgs. . . 375.254
Aarhuus 33.308
Odense 30.277
Aalborg.... 19.503
Horsens 47.290
Randers 46.617
Helsin^ôr (Elseneur) 44. 082
Fredericia 40 . 044
On remarquera que toutes ces villes sont situées dans
les îles ou sur la côte orientale du Jutland et que deux
seulement, la capitale exceptée, ont quelque importance,
dépassant 30,000 âmes. Sur la côte occidentale, Ribe est
bien déchue de son ancienne prospérité, Thisted n'est
qu'un gros bourg; à FE., Aarhuus a supplanté l'ancienne
capitale Viborg, située au milieu des terres ; de même dans
Seeland l'ancienne capitale Rœskilde a décliné devant
Copenhague.
Gouvernement (V. Constitution, t. XII, p. 686). — L'or-
ganisation de la justice comporte les tribunaux de thing
dans chaque canton iflerred) et les tribunaux des villes ;
à Copenhague et à Viborg siègent deux cours d'appel ; une
cour suprême à Copenhague. Les peines sont la prison
simple, la prison avec jeûne au pain et à l'eau, la maison
de correction, les travaux forcés (Copenhague pour femmes,
Horsens pour hommes). La police est très nombreuse,
subordonnée dans les villes à des directeurs, dans les cam-
pagnes aux chefs de district.
Finances. — La monnaie est frappée à Copenhague.
Jadis l'unité était le rigsdaler de 6 marcs de 46 shellings ; le
système monétaire a été complètement transformé par la
convention du 27 mai 4873 avec la Suède, à laquelle la
Norvège adhéra le 46 oct. 4875. L'étalon est l'or. L'unité
monétaire est la couronne (kroner) correspondant à un
rigsdaler suédois, à un demi-rigsdaler danois, au quart d'un
spéciesdaler norvégien ; elle vaut environ 4 fr. 39. La
couronne se partage en 400 ôre. On frappe des pièces en
or de 5, 40 et 20 couronnes; celles de dO couronnes sont
au titre de 9/40 et pèsent 4^4803 ; 248 forment un kilogr.
d'or fin. La monnaie divisionnaire comprend des pièces
d'argent de deux et d'une couronne de 50, 25 et 40 ore;
des pièces de bronze de 5, 2 et 4 ore.
Le Danemark a encore son ancien système de poids et
mesures : le pied danois est le pied rhénan, long de 0^^344,
il se partage en 42 pouces et 444 Mgnes; l'aune vaut deux
pieds, la brasse 6 pieds. La mesure de superficie est la
tonne qui vaut 44,000 aunes carrées, soit environ 55 ares.
La mesure pour les céréales est le last de 22 tonnes (de
4,394 litres) ; la tonne de beurre pèse 442 kilogr.; la
tonne de charben 120 kilogr.; la tonne de bière jauge
4,344 litres; la barrique de vin comprend 4 oxhoft,
24 anker, 942 potter (de 0ïi*,966). La livre a été assimilée
au demi-kilogramme. Le mille danois vaut 7 kil. 53.
Les finances du Danemark sont depuis quelc|ues années
dans une situation médiocre, bien que ce petit pays soit
riche et proportionnellement moins chargé que la France,
par exemple. Le système d'impôts a été beaucoup simpHfié,
notamment par la loi du 20 juin 4850 qui substitua une
taxe unique de répartition à une dizaine d'anciens impôts.
Les contributions directes sont : l'ancien impôt dit Gam-
melskat, l'impôt territorial, l'impôt sur les édifices urbains,
la capitation nobiliaire ; les impôts indirects sont levés sur
l'alcool, le timbre, les douanes. Les ressources des com-
munes viennent d'un impôt immobilier sur les maisons
(villes) ou la terre et une taxe sur le revenu. Enfin
l'impôt hypothécaire mis sur les terres après la banqueroute
et l'organisation d'une banque nationale (4843-4848) a
été considérablement diminué.
Nous reproduisons ci-dessous le détail du budget de
l'année financière 4888-4889. Les chiffres sont donnés en
kroner ou couronnes valant 4 fr. 39.
Recettes,
Domaines, recette nette
(la recette brute est de 675.072).
Forêts (recette nette)
(recette brute 4.034.488).
Biens nationaux
Contributions directes
Contributions indirectes »
Postes et télégraphes
Loterie
Recette des îles Fœroé
Recettes diverses
Remboursements, etc
Total.
534.488
247.465
3.965.496
9.643.256
36.320.459
54.483
942.836
60.454
2.337.446
4.832.423
55.934.903
837
DANEMARK
Si le budget était établi en portant en compte les re-
cettes brutes et en inscrivant en dépense les frais d'ex-
ploitation, il serait majoré d'environ dix -huit millions de
couronnes, s'élevant par conséquent à plus de cent millions
de francs. En effet, sans parler des domaines et des forêts,
pour les chemins de fer la recette brute est de
14,881,608 kroner pour faire face à d 2,416,316 kroner
de frais d'exploitation ; les postes rapportent 4,786,478
kroner et en coûtent 4,604,658 laissant un léger bénéfice;
en revanche, les télégraphes rapportent 752,290 kroner et
en coûtent 879,627 laissant un déficit.
Dépenses,
Liste civile 1 .000.000
Apanages 223.240
Rigsdag (Parlement) 375 . 000
Conseil d'Etat 106.616
Dette publique JO. 406. 812
dont 8.190.222 pour la dette
intérieure et 2 . 21 6 . 590 pour la
dette extérieure.
Pensions civiles 2 . 469 . 400
Pensions militaires 967 . 227
Affaires étrangères 384. 851
Instruction publique et cultes. . . 2.096.341
Justice .. 3.245.171
Intérieur 2.875.850
Guerre 10.361J31
Marine.. 6.623.042
Finances 3.096.004
Administration de l'Islande 98.464
Travaux publics.. 2.782.793
Dépenses extraordinaires de Tinté-
rieur 1 . 041 .113
Dépenses extraordinaires de la
justice 653.490
Dépenses extraordinaires des cul-
tes et de l'instruction publique. 1 . 066 . 679
Dépenses extraordinaires de la
guerre 6.981.394
Dépenses extraordinaires de la
marine 2.137.426
Dépenses extraordinaires des fi-
nances 668.795
Avances, subventions, etc 501 .573
Total 60.162.412
Sur le total de ces dépenses, les dépenses extraordinaires
entrent pour 12,548,897 couronnes. Ainsi qu'on le voit, le
budget se règle en déficit. Cet état de choses, dû aux dé-
penses militaires, dure depuis plusieurs années. Voici les
chiffres pour les années précédentes :
Recettes. Dépenses.
1886-1887. . . . 54.769.601 58.091.294
1887-1888. . , . 54.333.290 59.868.223
La dette publique est relativement peu considérable.
Elle s'élevait au 31 mars 1889 à 190,331,149 couronnes.
Ce total se subdivise comme suit :
1 ° Dette intérieure 1 78,653,449 répartie en trois parties :
Dette non remboursable 1 02 . 828 . 970
Dette remboursable 74 . 420 . 778
Dette viagère 1 .403.701
2° Dette extérieure, 11.677.700, répartie en :
Emprunts à 3 «/^ 97.900
— à3 V2°/o.. •••... 535.650
— divers à 4 0/, 1.381.750
— anglo-danois à 4 % 4.406.400
— anglais à 4 ^U 5 . 256 . 000
(de 1850 à 1864),
En regard de ce passif de 190,331,149 couronnes dû
pour la forte part aux frais de construction des chemins
de fer (évalués à 160,240,632 couronnes), il convient de
placer un actif de 81,905,797 couronnes, comprenant le
fonds d'exploitation (45,359,727 couronnes), le fonds de
réserve, obligations et actions (17,821,796 couronnes) et
les actifs divers (18,724,274 couronnes).
Armée et marine. — Le service militaire personnel et obli-
gatoire a été établi par les lois du 6 juil. 1867 et du 25 juil.
1880.Le service commence à vingt-deux ans et comprend huit
années dans l'armée active et la réserve, huit années dans
le second ban. Le contingent annuel est de 11 ,000 hommes.
On leur fait faire six mois de service actif dans l'infanterie,
neuf mois dans la cavalerie ; pendant qu'ils sont dans la ré-
serve et le second ban, on les appelle de temps à autre, pour
faire des exercices d'une durée de trente jours au plus. L'ar-
mée est divisée en deux commandements généraux et cinq
brigades. Le premier commandement général comprend
Seeland et les îles voisines, le siège est à Copenhague ; il
dispose de deux brigades. Lé second comprend le Jutland
et Fionie ; il siège à Aarhuus, dispose de trois brigades
dont une à Fionie. Chaque brigade comprend deux régi-
ments d'infanterie (3 bataillons de 4 compagnies), un de
cavalerie (3 escadrons). L'état-major général comprend
25 officiers et 16 sous-officiers (guides). L'infanterie com-
prend un bataillon de gardes duWps et 10 régiments de
ligne, soit en tout 801 officiers et 33,192 sous-officiers et
soldats pour le premier ban ; en temps de guerre on forme
comme dépôts un bataillon de la garde et 12 de ligne
(245 officiers, 13,525 sous-officiers et soldats). La cava-
lerie a 5 régiments et 16 escadrons, 139 officiers,
2,420 sous-officiers et soldats ; en temps de guerre le dé-
pôt est formé par un escadron d'école, lequel existe déjà en
temps de paix. L'artillerie a 2 régiments de 12 batteries
à 8 canons et 2 bataillons de 6 compagnies, soit 175 officiers
et 4,755 hommes ; en temps de guerre elle forme comme dépôt
4 batteries et 5 compagnies, soit 49 officiers et 2,793 sous-
officiers et soldats. Le génie a un régiment, 61 officiers,
1,366 hommes. Le total de l'effectif du second ban est de
294 officiers et 16,318 sous-officiers et soldats. L'effectif
sur le pied de guerre s'élève donc à 59,562 hommes tout
compris. La seule forteresse est Copenhague avec la cita-
delle de Frederikshavn ; il y a quelques ouvrages près
d'Helsingor(Kronborg),à Fredericia, Korsôr, Frederikshavn
et Hais.
La marine danoise est encore relativement considérable.
En 1890, elle comprenait un total de 45 vapeurs de guerre
portant 294 canons et possédant une force de 48,929 che-
vaux ; 5 navires cuirassés de premier rang, d'une force de
14,900 chevaux, portant 89 canons; 3 navires cuirassés
de second rang (3,800 chevaux, 28 canons); un croiseur
de première classe (2,600 chevaux, 26 canons), 2 croi-
seurs de deuxième classe (7,500 chevaux, 30 canons);
6 croiseurs de troisième classe (8,1 56 chevaux, 56 canons);
8 canonnières en fer (2,440 chevaux, 34 canons), 10 tor-
pilleurs de première classe (8,180 chevaux, 15 canons);
10 torpilleurs de seconde classe (i ,400 chevaux, 10 canons),
en outre un vapeur à la disposition du roi, 6 navires-
écoles, 5 vieilles canonnières, 18 transports, 4 vaisseaux
d'exercice et d'habitation, 6 chaloupes du service de l'ar-
senal. Le personnel de la marine comprend : 1 vice-amiral,
2 contre-amiraux, 15 commodores, 36 capitaines de fré-
gate, 60 lieutenants de vaisseau, 22 sous-lieutenants et
145 enseignes de vaisseau, environ 4,000 matelots; de
plus, des corps d'artillerie (175 hommes), d'ouvriers
(540 hommes), de machinistes (21 8 hommes), etc. Le port
de guerre et l'arsenal sont à Copenhague.
Instruction publique. — L'instruction publique est très
développée en Danemark, comme, en général, dans les pays
luthériens. L'instruction primaire est obligatoire depuis
1814; tout le monde sait donc lire et écrire ; la popula-
tion scolaire est de deux cent mille enfants, dont trente
mille pour Copenhague et quarante mille pour les autres
villes. Une enquête sur l'hygiène des écoles a été faite en
1883 et a provoqué des améliorations considérables. L'en-
seignement secondaire est donné dans les gymnases des
villes et surtout dans des établissements privés ; des sémi-
naires forment d'excellents professeurs. L'université de
DANEMARK
838 —
Copenhague, fondée en 4479, a cinq facultés (théologie,
droit et économie politique, médecine, philosophie, sciences),
elle compte environ cinquante professeurs et treize cents
étudiants ; une école polytechnique lui est annexée ; des
académies d'éducation existent à Sorô et Herlufsholm ; il y
a encore un séminaire théologique, une école de chirurgie,
une école agronomique, des écoles militaires. L'enseigne-
ment professionnel est bien organisé dans les campagnes
(Hofskoler) et dans les villes, particulièrement pour les
femmes. Les sociétés savantes du Danemark sont très esti-
mées ; elles siègent à Copenhague (V. ce mot) où sont les
trois grandes bibliothèques du royaume. En 1882, on
publiait en Danemark, cent soixante-dix-huit journaux,
deux cent onze périodiques, deux mille trois cent soixante
et onze livres ou brochures.
Cultes. — La population presque entière appartient à la
religion luthérienne. Les diocèses (stift) sont au nombre
de sept (Islande non comprise): Févêque de Seeland, rési-
dant à Copenhague, est le primat du royaume ; son diocèse
comprend les districts de Seeland (moins l'île de Samsô),
Bornholm, les îles Faerôer et les Antilles ; le diocèse de
Fionie comprend cette île, celui de Laaland. Falster cor-
respond au district de Maribo ; les quatre diocèses du Jut-
iand sont Aalborg, Viborg, Aarhuus et Ribe, mais les
limites ne correspondent pas à celles des divisions admi-
nistratives. Les diocèses sont subdivisés en cantons {herred
ou birk) et en paroisses (sogn) ; chacune de celles-ci forme
une commune ; l'évêque commande d'accord avec le bailli ou
gouverneur de l'amt, où se trouve le ch.-l. du diocèse,
lequel porte un titre spécial ; ils composent avec les curés
le landemodet^ tribunal ecclésiastique. On compte soixante
et onze curés et mille deux cent vingt prêtres.
Colonies danoises (V. Colonisation, t. XI, p. 1110).
Géographie économique. — Mines.— Les ressources
minières du Danemark sont à peu près négligeables ; on
recueille de l'ambre sur la côte occidentale duJutland; un
peu de fer dans la presqu'île ; Bornholm participe du
caractère de la Scandinavie et fournit de la houille, du
vitriol, du salpêtre, de la craie, de l'argile à potier, de la
terre à porcelaine, des pierres à bâtir, un mauvais marbre,
du cristal de roche appelé diamant de Bornholm, etc. Le
principal combustible est la tourbe.
Ressources naturelles. — Les ressources naturelles sont
assez abondantes ; on trouve quelque gibier dans les forêts
et les landes, surtout beaucoup d'oiseaux aquatiques ; la
pêche sur les côtes et dans les lacs est très productive ; on
prend surtout des harengs, des thons, des cabillauds, des
merlans, des plies (autour du cap Skagen), des homards
(dans le Kattegat) et même des marsouins, etc. ; le sau-
mon se pêche surtout dans le Guden Aa ; dans les rivières
et les lacs, des anguilles, des écrevisses, des truites, des
brochets, etc.
Agriculture. —L'agriculture est le grand moyen d'exis-
tence des Danois ; l'humidité de l'atmosphère y favorise la
végétation, en particulier les herbages. Le total du terri-
toire agricole était en 4881 de 3,781,547 hect. ; la plus
grande partie étaient mis en culture : voici les chifîres :
hect.
Landes, tourbières, etc 670.000
Forêts et bois 205.000
Jardins, cultures maraîchères. 25.000
Prairies, pâturages 4 . 537 . 000
Champs labourés". 4 . 240 . 200
Les sufjerficies respectives, consacrées aux diverses cul-
tures, étaient les suivantes :
hect, hect.
Froment 55.700 Sarrasin....... 20.400
Seigle 266.900 Légumes 28.500
Orge 316.000 Pommes de terre. M . 600
Avoine 400 . 900 Chanvre, lin, etc. 4 5 . 800
Méteil 91.700
La valeur moyenne de la récolte annuelle en grain et
foin est de 300 millions de couronnes.
Le bétail est nombreux et constitue la richesse du pays.
On compte 350,000 chevaux d'une race vigoureuse, très ap-
préciée ; près de ^ ,500,000 têtes de race bovine: nul autre
pays d'Europe n'en posède une aussi forte proportion ; l'éle-
vage du Jutland obtient de grands succès ; non seulement il
engraisse beaucoup d'animaux pour la boucherie, mais il pro-
duit beaucoup de lait. Les moutons sont aussi très nombreux
(plus de 1,500,000) et les porcs (527,000 en 4881) ; il y
a également beaucoup d'abeilles dans le Jutland (433,000
ruches en 4884). La situation actuelle de la population
agricole du Danemark est très prospère. Au siècle dernier
les paysans étaient misérables, attachés à la glèbe par le
Vornedskab, sorte de servage, et sans propriété personnelle.
FrederiklII commença leur affranchissement; en 4784, la
communauté du sol fut abolie et le rachat des corvées au-
torisé ; le 20 janv. 4788, on abolit le Stavnsbaand qui
liait le paysan au service de son propriétaire. Puis on
dressa un cadastre méthodique. Un nouveau système d'im-
pôts fut organisé. On taxa les terres d'après leur richesse ;
l'unité fut la tonne de blé dur {hartkorn) ; on donna la
cote 24 à la meilleure terre, celle du village de Karlslunde,
près Copenhague, où sur une profondeur de 0°^47, l'analyse
donna 4/42 d'humus, 3/42 d'argile et 5/42 de sable ; on
admit que 283 ares de sol devraient payer une tonne de
blé dur ; dans les îles, la tonne de hartkorn correspond en
moyenne à 5 hect. 4/2; dans le Jutland à 44 hect. 4/2;
la moyenne générale est donc de 9 hect. 6. Bornholm est
resté en dehors de ce système, l'unité adoptée étant une
superficie de 49,350 m. et sa tonne valant seulement les 2/3
des autres. Le total des tonnes de blé dur, c.-à-d. des
unités de terre représentant le même rendement que 283
ares d'un bon sol, était pour le Danemark entier, en 4873,
de 376,454 (plus^ 8,780 tonnes de Bornholm). Voici
comment la propriété agricole était divisée en grande,
moyenne et petite propriété:
On comptait 4,856 propriétés de plus de 42 tonnes de
hartkorn représentant un total de 52,242 tonnes de hart-
korn, soit pour le Jutland 787 propriétés valant 48,289
tonnes et pour les îles 4,069, valant 33,953 tonnes. La
grande propriété appartient surtout à la noblesse ancienne.
La moyenne propriété de 42 à 2 tonnes comptait 54,606
domaines représentant les deux tiers du total, 245,776
tonnes de hartkorn, soit pour le Jutland 26,298 terres
valant 409,066 tonnes et pour les îles 25,308 terres valant
436,740 tonnes. La petite propriété comprenait 49,353
terres de 1 à 2 tonnes représentant un total de 28,043
tonnes et 431,462 terres de moins d'une tonne, représen-
tant seulement 38,840 tonnes ; de celles-ci on comptait
pour le Jutland 43,074 biens de 4 à 2 tonnes valant
48,878 tonnes et 63,588 de moins d'une tonne valant
20,22J tonnes ; pour les îles 6,279 terres de 4 à 2 tonnes
(9,435 tonnes) et 67,574 de moins d'une tonne (ensemble
48,583 tonnes). Enfin il y avait 34,253 maisons sans
terre, dont 19,405 dans le Jutland et 44,788 dans les
îles. Les propriétés évaluées de 4 à 42 tonnes sont les biens
ruraux par excellence ; depuis un siècle les paysans ont fait
d'immenses progrès : tandis qu'ils ne possédaient presque
jamais de terre ils en ont aujourd'hui la majeure partie.
Au4^^avr. 4873, ils détenaient 63,984 domaines repré-
sentant 282,448 tonnes de hartkorn, soit en toute pro-
priété, soit en fermage, mais avec droit de vente ou d'hypo-
thèque ; de plus, 8,831 fermes de 43,613 tonnes en
fermage héréditaire ou viager (surtout dans les îles). Quant
à la petite propriété, celle des biens de moins d'une tonne
(Katen) qu'on oppose aux autres, 106,477 de ces domaines
valant 31,482 tonnes appartenaient aux paysans en toute
propriété ou fermage héréditaire ; il y faut encore ajouter
49,638 maisons sans terre. Ces résultats, qui font le plus
grand honneur aux Danois, sont dus pour une gra'nde partie
à l'association privée ; depuis 1850, les privilèges accordés
aux domaines nobiliaires ont été supprimés ; on a interdit
d'annexer un bien de paysan à un grand bien seigneurial,
afin d'empêcher la reconstitution de la grande propriété ;
on a, d'autre part, permis de la morceler, mais pas au-dessous
de 2 tonnes. Des mesures bien combinées ont été prises
pour favoriser les ventes et encourager les paysans aux
achats ; on interdit de laisser les terres en friche ; celles
que le propriétaire ne cultive pas lui-même sont données en
fermage viager. La question des fermages si aiguë en 4849
a beaucoup perdu de sa gravité, quoique la démocratie ru-
rale du Danemark juge encore les charges mal réparties et
soit en conflit permanent avec le pouvoir exécutif. Sur le
modèle des Hollandais, on a asséché beaucoup de lagunes ou
de lacs intérieurs, gagnant ainsi à la culture plus de 2,000
hect. chaque année. La valeur de la propriété n'a cessé
de s'accroître ; un bien d'une tonne valait, de i 84S à 1850,
2,200 couronnes; de 1860 à 4870, on l'évaluait à 4,578 ;
actuellement il vaut 8,500 à 9,000 dans les îles et 7,000
à 7,500 dans le Jutland.
Industrie. — L'industrie manufacturière n'a pas dans le
Danemark un grand développement, en grande partie à
cause du manque de combustible. Mais il existe un bon
nombre d'industries agricoles prospères, et à Copenhague se
créent de plus en plus des établissements industriels de toute
sorte. Des distilleries de grain existent dans les villes ma-
ritimes ; elles sont en décroissance assez sensible ; la fa-
brication du sucre progresse au contraire, mais ne suffit
pas encore aux besoins de la consommation locale ; des
manufactures de tabac sont peu importantes, mais on en
compte près de quatre-vingts. Dans les villages du Jutland, [les
paysans font eux-mêmes la toile, les bas, les bonnets, les
souliers, la poterie destinée à leur usage personnel. Les
gants dits de Suède se confectionnent en grande partie à
Randers, La grande industrie employait en 4884 près de
2,800 machines à vapeur d'une force totale de 30,000 che-
vaux. On peut citer les fabriques de faïence, de porce-
laine, celles de machines (V. Copenhague). L'industrie fait
de grands progrès, surtout dans la capitale, et voudrait
s'abriter derrière des tarifs protecteurs.
Commerce. — Le Danemark est un pays commerçant,
non seulement parce que la mer le baigne de toutes parts,
mais aussi parce qu'il a un excédent de produits agricoles
à vendre et ne fabrique pas assez d'objets manufacturés
pour suffire à ses besoins, La politique commerciale suivie
depuis un siècle a été très libérale ; la loi douanière de
4797 l'était fort pour le temps ; celle du 4 juil. 4863, sup-
primant les taxes à l'exportation, a établi le libre échange.
Cette politique fut d'abord peu profitable, car le commerce
de Copenhague déclina jusque vers 4830. Mais depuis le
Danemark en a eu l'avantage ; les Anglais ayant accordé
la liberté commerciale, les Danois ont pu leur vendre une
quantité croissante de céréales et d'autres denrées alimen-
taires, bétail, beurre, etc. Les tableaux suivants présentent
le détail du commerce général avec les principaux pays et
pour les principaux articles. Les chiffres sont indiqués en
milliers de couronnes.
Grande-Bretagne
lUPORTiTlON
EXPORTATIOFÎ
62.548
100.281
37.747
5.715
25.630
6.402
5.890
5.180
2.241
786
9.657
346
12.041
116.126
35.670
17.847
7.743
3.516
1.013
818
1.590
2.537
1.090
1.979
155
2.641
Allemagne
Suéde
Norvège
Russie
Pavs-Bas
Belgique ,
France
Islande...
Grœnland et FserÔer
Etats-Unis ,
Antilles danoises
Autres pays
Total
274.364
4 000
192.725
2.500
Métaux précieux, etc
Total génébal..
278.364
195.225
Ainsi qu'on le peut remarquer, les importations dépassent
— 839 - DANEMARK
sensiblement les exportations ; seules l'Angleterre et la
Norvège prennent plus qu'elles ne rendent.
Importation en iS88.
Céréales 27.743
Objets métalliques 22 . 260
Tissus de laine 49.699
Houille 48.482
Tissus do coton 46.328
Beurre et graisse 42 . 640
Bois 44.569
Café 40.860
Bétail 4.835
Sucre 4.452
Poissons 4. 423
Tabac 4.038
Tissus de soie 3 .984
Exportation en i888
Beurre 50.662
Lard et jambon 35.094
Bétail 29.800
Céréales 44.786
Peaux et cuirs 7.443
Poissons 6 . 042
OEufs..... 4.643
Bois travaillé 3 . 694
Café 3.243
Objets métalliques 2.765
Tissus de laine 2.698
Eau-de-vie 2.245
Il résulte de ces chiffres que les objets de l'exportation
sont fournis surtout par l'agriculture, l'importation portant
d'abord sur les articles manufacturés ; il ne faudrait pas
généraliser les données relatives aux céréales : le Danemark
en vend plus qu'il n'en achète : dans la période 4878-82,
par exemple, l'excédent annuel des ventes de grains sur les
achats était de 25 millions de couronnes. Plus de la moitié
du commerce se fait par le port de Copenhague ; le reste par
ceux d'Aarhuus, Aalborg, Korsôr, Helsingôr, Frede-
rikshavn, Esbjerg, Randers, Odense, Nakskov et Svend-
borg. Le mouvement total de la navigation était repré-
senté en 4889 par les chiffres suivants, les cargaisons
étant évaluées en tonnes de registre anglais. Le total des
entrées était de 26,833 navires jaugeant 2,034,440 tonnes
(voiliers, 44,844, avec 699,044 tonnes; vapeurs, 44,992,
avec 4,335,099 tonnes); le total des sorties de 26,498
navires jaugeant 550,264 tonnes (voiliers, 44,344, avec
426,043 tonnes; vapeurs, 44,854, avec 424,248 tonnes).
Il faut ajouter à ces chiffres ceux du cabotage : entrées,
28,381 navires et 498,649 tonnes (dont 43^249 navires
à vapeur de 342,073 tonnes et 15,432 voiliers de486,576
tonnes) ; sorties, 29,617 navires de 473,375 tonnes,
43,299 vapeurs de 304,565 tonnes et 46,348 voiliers de
474,840 tonnes. La flotte marchande du Danemark com-
prenait, en 4890, 3,407 navires jaugeant 289,247 tonnes
(dont 344 vapeurs d'une force de 25,439 chevaux et d'un
tonnage de 403,824 tonnes, et 3,096 voiliers de 485,393
tonnes) ; en 4880, on comptait seulement 2,953 voiliers
de 203,459 tonnes et 192 vapeurs jaugeant 48,799 tonnes
et actionnés par 43,326 chevaux-vapeur. Le progrès
accompli dans cette période décennale a donc été très con-
sidérable. Le nombre des barques jaugeant 4 tonneaux au
moins était, en 4890, de 44,000.
Le commerce intérieur utilise, outre les canaux énumé-
rés précédemment (V. le § Hydrographie)^ les chaussées
larges de 9 à 43 m,; elles ont un développement de
3,000 kil. dans les îles et de 3,600 dans le Jutland. Les
chemins de fer avaient à la fin de 4889 une longueur de
4,969 kil. (en exploitation). La plupart des lignes appar-
tiennent à l'Etat. Les principales lignes sont : celles qui
longent les deux côtes du Jutland ; à FE. par Rolding,
Fredericia, Vejle, Horsens, Aarhuus, Randers, Aalborg,
Hjoiring, Frederikshavn ; à l'O. par Ribe, Esbjerg, Ringk-
DANEMARK
^ 840 —
jôbing, Thisted ; elles sont reliées par des voies transver-
sales Ésbjerg-Kolding ; — Longborg, Selkeborg-Aarhuus;
— Odde Sund, Skive, Viborg, Randers : la ligne côtière
occidentale ne dépasse pas le Danemark au S. ; celle de la côte
orientale se continue avec les chemins de fer allemands, elle
fournit un tronçon de la grande voie Hambourg-Copen-
hague interrompue seulement par la traversée du Pelit-
Belt et du Grand-Belt. La première se fait entre Fredericia
et Strib, la seconde entre Nyborg et Korsor. La ligne de
Strib Meddelfart à Nyborg passe par Odense d'où se
détachent les autres lignes ferrées de l'île de Fionie, vers
Svendborg, Faaborg, Assens,auS. ;Bogense auN.-O. L'île
de Seeland est sillonnée de chemins de fer; d'abord la grande
ligne de Korsôr à Copenhague par Roskilde; celles de
Roskilde à Holbsek et Kallundborg; de Copenhague à
Frederiksund, Copenhague avec Helsingôr, Roskilde vers
le S. à Kjôge, puis Faxe d'une part, de l'autre à Vording-
borg en face duquel commencent les chemins de fer de
Falster et Laaland par Orehoved, Nykjôbing, Maribo et
Nakskov. Nous omettons les embranchements secondaires.
Les lignes télégraphiques de l'Etat avaient, en 1889,
4,416 kil. de long et 162 bureaux sans compter les lignes
des chemins de fer et des particuliers (202 bureaux). Le
nombre des dépêches était de 1,535,000 environ se répar-
tissant en 545,493 dépêches intérieures, 960,908 inter-
nationales et 33,264 de service ; plus de la moitié des
dépêches internationales sont simplement en transit par le
Danemark, mais n'en émanent pas.
Les postes comptaient, en 1888, 782 bureaux ;le service
intérieur maniait 35,802,000 lettres, 488,000 cartes
postales, 1,709,000 imprimés ou échantillons, 1,713,000
lettres chargées ou mandats de poste d'une valeur de
338,745,000 ir. Par le service international passaient
7,448,000 lettres, 1,024,000 cartes postales, 2,150,000
imprimés ou échantillons, 224,000 lettres chargées ou
mandats de poste d'une valeur de 46,264,000 fr. ;
enfin le service de transit comptait 453,000 lettres,
43,000 cartes postales, 64,000 imprimés ou échantillons,
15,000 lettres chargées ou mandats de poste d'une valeur
de 10,389,000 fr. A.~M. B.
Histoire. — Grâce aux découvertes des antiquaires
danois qui tiennent une si belle place dans l'archéologie
primitive, nos notions sur leur pays remontent à bien des
siècles avant les plus anciens documents écrits, c.-à-d.
avant notre ère. Comme les monnaies exotiques n'y
avaient pas encore pénétré, il n'a été possible d'établir,
pour cette longue période préhistorique, qu'une chrono-
logie relative : âges de pierre, de bronze et de fer dont la
succession est certaine, quoique celle de leurs subdivisions
soit contestée et que l'on ne puisse assigner de dates, même
approximatives, aux plus anciennes. L'homme n'y parut
qu'assez tard, c.-à-d. lors(jue l'âge de pierre touchait à sa
fin dans le Levant ; les animaux dits fossiles n'y existaient
plus, mais il y avait encore des rennes, des élans, des
urus, des bisons, des ours, qui n'y sont plus représentés
depuis des siècles. La population était beaucoup plus
dense en Jutland que dans les îles et dans les provinces
skaniennes. L'agriculture et l'élève du bétail n'étant pas
encore connues, les aborigènes vivaient exclusivement de
pêche et de chasse ; ils avaient domestiqué le chien, et on
trouve les débris de leurs repas dans des amas de coquillages,
les kjœkkenmœddings, mêlés d'arêtes de poissons, d'osse-
ments de quadrupèdes et d'oiseaux, de grossiers instru-
ments de pierre non polis, de tessons et de charbons. S'ils
inhumaient les cadavres, ce n'était ni dans des tertres, ni
dans des caveaux de pierre, aussi n'a-t-on pas découvert
de sépultures de la première période de l'âge de pierre. La
seconde, dite mégalithique, est au contraire caractérisée
par de puissants caveaux, où l'on trouve des cadavres non
incinérés ; des instruments de silex généralement bien
taillés, souvent polis ; des parures, en os et en ambre, et
des ossements d'animaux domestiques. La population s'était
étendue jusque dans l'intérieur du pays et, à en juger par
le nombre de ses tombeaux et de ses armes et instru-
ments, elle a dû être fort dense et se perpétuer bien des
siècles ; elle doit avoir été contemporaine de la propaga-
tion du bronze dans les pays méditerranéens.
Ce métal ne pénétra en Danemark, avec l'or, que dans
l'âge suivant auquel il a donné son nom. Il était importé
soit brut, soit sous forme d'objets fabriqués au temps
où la métallurgie avait déjà fait de grands progrès
au S.; aussi les antiquités danoises ne sont-elles jamais de
pur cuivre, mais d'un alliage de ce métal avec environ un
dixième d'étain. Les ouvriers du pays le coulaient avec
une véritable habileté et en faisaient des armes fort élé-
gantes (épées, couteaux, pointes de lances et de flèches,
haches, boucliers), de curieuses trompettes et de brillantes
parures (colliers, diadèmes, bracelets, anneaux, fibules,
plialères), artistement décorées et souvent incrustées d'une
pâte résineuse. Les vêtements de laine tissée faisaient déjà
concurrence aux fourrures. Des embarcations, des charrues
traînées par des bœufs, des chevaux attelés à des voitures,
des moulins à bras, sont représentés par des glyphes
creusés dans le roc (en Skanie, en Bleking et dans l'île de
Bornholm) et qui sont tantôt des illustrations, tantôt une
écriture à la fois figurative et symbolique. La crémation,
qui devint peu à peu dominante, n'exigeait pas de grands
caveaux : quelques minces dalles, dressées et couvertes
d'une autre, ou des urnes suffisaient pour recueillir les osse-
ments retirés du bûcher, et des cercueils de chêne évidé pour
renfermer les cadavre? qui n'avaient pas passé par le feu ;
les tertres qui recouvraient ces diverses espèces de sépul-
tures n'avaient originairement rien de grandiose ; mais
comme on les surélevait au fur et à mesure des besoins,
ils sont souvent plus importants que dans l'âge précédent.
Avec l'âge de fer qui succède, nous commençons à avoir
des noms et des dates ; Ptolémée (vers l'an 128 de J.-C.)
mentionne les Aauy.Wvs; {Dan kian sur la fibule de
Charnay, du v^ siècle, Danakynm vieux norrain) , Ethicus
(au iv^ siècle) et Jornandes (au vi® siècle) parlent des Dani,
Procope (au vi^) des Aavoi. Envieux norrain, Da^nr signifie
à la fois Danois et géants ; aussi Jornandes dit-il que, en
raison de leur haute taille, ils disputaient la prééminence
aux Suédois dont ils étaient issus. Ils paraissent avoir été
la tribu qui réunit la Skanie avec les îles des Belts et le
Jutland, après avoir expulsé les Jarls (ducs ou petits sei-
gneurs, les Hérules de Procope). Une idée de supériorité
est en effet attachée par le Rigsmâl et la Heimskringla
au nom de Dan le Magnifique, leur éponyme. Celui-ci pas-
sait pour avoir remis en honneur les rites de l'inhumation
qui, en effet, supplantèrent peu à peu la crémation dans la
première période de l'âge de fer, laquelle eut à peu près la
durée de l'empire romain. Les cadavres étaient soit déposés
à la surface du sol, puis recouverts d'un tertre, soit
enfouis l'un à côté de l'autre dans des polyandres et
accompagnés de riches présents funéraires : vases de
bronze, gobelets de verre et d'argent, métal qui fait alors
sa première apparition dans les pays Scandinaves ; bijoux
d'or et d'argent, mais rarement des armes. Beaucoup de
ces objets venaient des provinces romaines nordalpines ;
quelques-uns sont d'un style classique. Les monnaies impé-
riales que l'on trouve dans les sépultures et dans les riches
dépôts des marais slesvigois, jutlandais et fioniens, témoi-
gnent de l'influence romaine dans la péninsule nordalbin-
gienne et les îles des Belts, influence qui cesse naturelle-
ment à la chute de l'Empire. Aussi les produits artistiques
sont-ils beaucoup plus barbares dans la seconde période
de l'âge de fer qui s'étend des grandes migrations terres-
tres du V® siècle aux expéditions maritimes du viu®. L'écri-
ture runique, qui remontait au moins jusqu'au milieu de la
période précédente, continue d'être en usage sous sa forme
ancienne (alphabet de vingt-quatre caractères, imités des
lettres italo-grecques). Les monnaies du Bas-Empire percées
ou pourvues d'une ansette furent employées comme décora-
tions, conjointement avec leurs imitations plus ou moins
barbares, frappées d'un seul côté, les bractéates. Dans cette
— 841 —
DANEMARK
période moyenne, les trésors sont plus nombreux et plus
riches que dans aucune des autres. Beaucoup des objets
retrouvés ont été fabriqués dans le pays, comme l'attestent
les outils et les approvisionnements de forgerons et de
bijoutiers ; mais, si ces artisans savaient forger le fer, ils
ne s'entendaient encore à couler que le bronze et en outre
à braser les métaux. Les Danois commencent à être mieux
connus. Quelques rois de leur dynastie des Skjoldungs
sont mentionnés et leurs mœurs décrites dans le poème de
Beowulf, composé chez les Jutes et les Angles, leurs
frères, qui s'étaient établis dans la Grande-Bretagne.
Les sources écrites deviennent plus nombreuses et sur-
tout beaucoup plus abondantes pour la dernière période de
l'âg-e de fer, qui s'étend du viii® siècle au triomphe du
christianisme vers l'an 4000 : les annales et chroniques
anglo-saxonnes, irlandaises, franco-latines, arabes, grec-
ques nous renseignent sur les vikings (corsaires) qui
ravageaient les cloîtres où elles étaient écrites ; les vieilles
traditions Scandinaves recueillies au moyen âge dans les
Eddas, la Heimskringla, le Landndmabok, les Sagas,
les Gesta Danorum de Saxo, ne sont pas toutes fabu-
leuses ; les hagiographies et Adam de Brème nous éclairent
sur les progrès du christianisme en Danemark aux ix^ et
X® siècles. Il nous reste d'ailleurs quelques inscriptions en
runes plus récentes (alphabet de seize lettres) gravées sur
pierre ; elles sont dans la langue que les autres Scandi-
naves eux-mêmes appelaient dœnsk tunga. Dans cette
période, en effet, les Danois avaient obtenu l'hégémonie qu'ils
disputaient aux Suédois dans la période précédente. Dès le
IX® siècle, Ragnar Lodbrok et ses fils ou leurs compagnons,
non contents de dominer dans toute la Scandinavie, avaient
porté leurs déprédations dans l'empire karolingien et jusque
dans le khalifat de Cordoue, conquis des Etats dans les îles
britanniques et contribué avec les Norvégiens à la fondation
du duché de Normandie. Mais leur contact avec les chrétiens
n'avait pas été sans leur faire perdre de leur originalité?
Quoique l'on puisse encore signaler dans cette période de
magnifiques tombeaux dans des tertres, les sépultures sont
généralement en pleine terre, comme dans les cimetières
des pays chrétiens. En Danemark l'odinisme perdit plus
tôt ses adhérents qu'en Suède et en Norvège et nous le con-
naîtrions fort peu, si nous n'avions que des documents danois
à notre disposition. Vers l'an 700, saint Willibrord avait
prêché l'Evangile au delà de FElbe ; Ogier le Danois, l'un des
preux de Charlemagne, rebâtit un monastère à Cologne ;
en 823, l'archevêque de Reims, Ebbo, fit des néophytes à
la cour du roi jutlandais Harald Klak, qui vint se faire
baptiser à Mayence et qui, en s'en retournant, emmena les
apôtres du Nord, saint Ansgar et Autbert (827). Des évê-
chés furent fondés à Slesvig, à Ribe, à Aarhus (Jutland)
vers 948, à Odense (Fionie) en 988, à Roskilde (Sélande)
en 1022, enfin à Lund (Skanie) en 1048. Gorm r Ancien,
arrière-petit-fils de Ragnar Lodbrok, fut le dernier roi
païen du Danemark. Sa femme Thyra était chrétienne et
leur fils Harald Blaatand se fit baptiser vers 960. Dans les
guerres civiles entre les roitelets qui se partageaient le
Jutland et les îles, plusieurs d'entre eux, comme Rarald'Klak,
s'étaient reconnus vassaux de l'empire franc, ([uoique God-
fred eût tenu tête à Charlemagne et que son neveu Hem-
ming eût conclu avec le grand empereur (811) un traité
par lequel l'Eider devait être à perpétuité la limite entre
les deux Etats. Le roi Gorm unifia de nouveau le Dane-
mark vers le milieu du x« siècle, et son fils Harald Blaa-
tand étendit sa domination sur toute la Norvège méridio-
nale ; mais, bien que sa mère eût restauré le Danevirke,
il ne put le défendre contre l'empereur Otton II, qui en brûla
les parapets en bois et s'avança jusqu'au Limfjord (974).
Svend Tveskjœg, fils de Harald, à qui il avait disputé le
trône, régna après lui non seulement en Danemark (985),
mais encore en Angleterre (1013). Il eut pour successeur
dans le premier de ces deux royaumes son fils cadet
Harald (1014), dans le second Knud le Grand qui, à la
mort de son frère (1018), réunit de nouveau les deux
Etats. Il se rendit maître d'une partie de l'Ecosse et du
pays vende d'entre l'Elbe et l'Oder ; il conquit aussi toute
la Norvège (1027), dont il donna le gouvernement à son
neveu, Hâkon Eiriksson, puis à son fils Svend. A sa mort
(1035), un de ses fils, Harald Harefod, fut proclamé roi en
Angleterre, un autre, Hardeknud, en Danemark. Celui-ci,
étant sur le point de livrer bataille à Magnus le Bon, roi
de Norvège, convint avec lui que si l'un d^'eux mourait sans
enfants, l'autre lui succéderait. C'est ce qui advint à son
décès (1042) ; en Angleterre où il avait remplacé son frère
(1040), il eut pour successeur F Anglo-Saxon Edouard, et en
Danemark, Magnus le Bon. Malgré son surnom, celui-ci ne
put supplanter chez ses nouveaux sujets l'affection pour
l'ancienne dynastie. Un membre de celle-ci, qu'il avait fait
jarl (duc) du Danemark, Svend, fils d'Estrid, sœur de Knud
le Grand, se révolta à plusieurs reprises contre Magnus
qui, à sa mort (1047), le reconnut pour son héritier en
Danemark. Il eut à lutter jusqu'en 1064 contre Harald
Hardradé, le nouveau roi de Norvège; ensuite contre
Guillaume le Conquérant auquel il disputa vainement l'héri-
tage de Knud le Grand ; enfin, contre les Vendes dont la
défaite à Lyrskov (1043) n'avait pas arrêté les incursions.
L'union, qui eût été si nécessaire pour résister aux ennemis
du dehors, n'existait même pas dans la famille royale, dont
tous les mâles, parvenus à l'âge de majorité, avaient des
droits égaux comme candidats à la couronne. C'est ainsi
que cinq des nombreux fils et bâtards de Svend Estridsen
montèrent l'un après l'autre sur le trône : Harald Hein
(1074-1080) ; Knud le Saint qui, se préparant à envahir
l'Angleterre, fut assassiné (1086) par des révoltés, proba-
blement à l'instigation de son frère et successeur, Olaf
Hunger(-\- 1 095) ; Erik Eiegod qui succomba (1 1 03) dans le
cours d'un pèlerinage en Terre sainte ; enfin Niels égorgé
(1134) dans une sanglante guerre civile provoquée par son
fils Magnus, roi des Vestergœtes, qui avait assassiné (1131)
le plus distingué des fils d'Erik Eiégod, Knud Lavard, duc
de Slesvig et roi des Obotrites. C'est un fils de ce dernier,
Erik Emune, qui s'empara de la couronne, après avoir
vaincu et fait mettre à mort son aîné Harald Kesia avec
sept de ses fils, et qui fut lui même tué dans une assem-
blée près de Ribe (1137). Son neveu, Erik Lam, qui fut
élu roi, triompha de son compétiteur, le seul survivant des
fils de Harald Kesia, Oluf qui avait soulevé la Skanie et
qui périt en 1142 ; mais, impuissant contre les Vendes, il
alla mourir dans un cloître (1147). La guerre civile con-
tinua de plus belle entre un petit-fils de Niels, Knud, qui
fut élu par les Jutlandais du Nord ; Valdemar, fils de Knud
Lavard, et le fils d'Erik Emune, Svend, qui, soutenu par
la Skanie et les îles, s'empara du Jutland méridional (plus
tard duché de Slesvig) et qui, pour s'assurer l'appui de
l'empereur Frédéric Barberousse, le reconnut pour suze-
rain. Ils finirent par se partager le royaume : Valdemar
le Grand eut la péninsule jutlandaise, Knud V les îles et
Svend Grade les provinces skaniennes. Ce dernier fit
assassiner Knud, mais il périt peu après (1157) dans une
bataille que lui livra Valdemar.
Pendant que les princes se querellaient, les Vendes, qui
occupaient tout le littoral au S. de la Baltique, sacca-
geaient le Danemark et s'attaquaient même à des villes
fortes comme Odense et Roskilde. Les particuliers durent
s'associer sous la conduite de Vetheman pour résister aux
pirates à qui ils enlevèrent plus de quatre-vingts navires.
Les affaires prirent une meilleure tournure dès que le der-
nier des trois prétendants, Valdemar P^, eut réuni toutes
les parties du Danemark. Pour ne pas être gêné du côté de
l'Allemagne, il rendit hommage à Frédéric Barberousse
(1162), en se réservant l'exemption de tout service mili-
taire. Il avait assez que de faire la guerre pour son propre
compte : il entreprit une vraie croisade avec indulgences
contre les corsaires vendes, dont il prit les citadelles
d'Arkona dans l'île de Rugen (1168), de Julin à l'embou-
chure de l'Oder (1177) et de Stettin (Poméranie). Son
intervention dans les affaires de Norvège lui valut la pos-
DANEMARK
-- 842
session du littoral du Sud-Est. Il eut à tenir tête à l'arche-
vêque de Lund, Eskil, aux prétendants Buris, petit-fils de
Svend Grade, et Magnus, fils d'Erik Lam ; et à réprimer les
Skaniens soulevés contre leur archevêque, le célèbre Absalon
(1181). Son fils Kniid VI, qu'il avait fait reconnaître pour
héritier présomptif dès 1170, lui succéda sans difficulté en
1182. Les Vendes de Poméranie, encouragés par Frédéric
Barberousse dont il avait refusé de reconnaître la suze-
raineté, ayant attaqué l'île de Riigen, il les battit (1184),
soumit la Poméranie antérieure, puis le Mecklembourg et prit
le titre de Rex Vandalorum (Vendernes Konge) qui est
resté à tous ses successeurs. Il étendit la croisade jusqu'à
l'Esthonie (1194-1196) qu'il conquit et fit évangéHser. Il
vainquit deux prétendants, Harald Skrseng, petit-fils de
Harald Kesia et chef d'une jacquerie skanienne, et l'évêque
de Slesvig, Magnus, fils de Knud V, soutenu par la Nor-
vège et par plusieurs princes allemands. Sa victoire sur ces
derniers le rendit maître du Holstein, de Hambourg et de
Liibeck. Son frère, Valdemar II le Victorieux , qui avait
largement contribué à ces victoires, lui succéda en 1202, Vou-
lant profiter des troubles des pays voisins, il intervint avec
peu de succès dans les affaires de Suède ; réussit mieux en
Norvège, où l'un des rois, Erling Steinvegg, lui rendit
hommage (1204) ; obtint de l'empereur Frédéric 11(1214)
la confirmation de ses conquêtes au N. de l'Elbe ; fit une
nouvelle croisade contre les Esthoniens renégats, s'empara
de l'île d'OEsel, soumit une partie de la Prusse (1210)
et reconquit l'Esthonie (1219). Il était ainsi maître de
presque tout le rivage méridional de la Baltique, mais cet
empire éphémère reposait sur des bases si fragiles qu'un
simple accident le fit écrouler. Après avoir été surpris à la
chasse (1223), il fut tenu en captivité pendant trois ans et
ne recouvra la liberté (1225), qu'en renonçant à la suze-
raineté sur le Holstein, Hambourg, Liibeck, le comté de
Schwerin. Il ne put prendre sa revanche à la bataille de
Bomhœved (1227) et il ne lui resta avec le Danemark que
l'île de Riigen, une partie du Mecklembourg et de la Prusse,
et l'Esthonie.
Ce n'était pas assez de ce démembrement de l'empire,
il fallut encore que Valdemar II lui-même morcelât le
royaume. En faisant proclamer pour héritier son fils Erik
(1231), il créa des fiefs personnels en faveur de ses autres
fils ; le duché de Slesvig pour Abel ; les îles de Laaland
et Falster pour Christophe ; le Bleking pour Knud ; le
Halland pour son petit-fils Niels. Erik Plovpenning était
à peine monté sur le trône (1241) que les nouveaux ducs
se déclarèrent indépendants. Il les fit rentrer dans l'obéis-
sance, soumit les Skaniens révoltés et fit une heureuse
expédition en Esthonie, mais il fut assassiné en 1250. Ses
deux frères, AbeU qui passait pour être l'instigateur du
crime, et Christophe /^^, régnèrent successivement, l'un
jusqu'en 1252, l'autre jusqu'en 1259. Ce dernier, ayant
été élu au détriment des fils d'Abel encore mineurs, dut
investir l'un d'eux du duché de Slesvig, qui fut ainsi de
nouveau séparé des domaines directs de la couronne. Aux
luttes à propos de ce fief se joignirent des querelles reli-
gieuses avec l'archevêque de Lund, Jacob Erlandsen.
Elles n'étaient pas terminées à la mort de Christophe P"*
(1259). Son fils, Erik Glippmg^ qui lui succéda sous la
régence de sa mère, l'énergique Marguerite Sprenghest,
eut à lutter contre le même prélat ; contre les ducs de
Riigen (Jarimar), de Sudjutland et de Halland, deux fiefs
qu'il réunit temporairement à la couronne ; contre Magnus
Lagabseti, roi de Norvège, à propos d'une dot ; enfin contre
sa propre noblesse qui le fit égorger (1286). Sous son fils
Erik Menved, les assassins bannis se coalisèrent avec le
roi de Norvège et l'archevêque de Lund, Jens Grand, qui
mit le royaume en interdit. La paix ne fut rétablie que
par les traités de Copenhague (1309) et de Helsingborg
(1310). Les expéditions contre les pays vendes, où il s'em-
para de Rostock et Wismar, et contre la Suède, furent
contrariées par la turbulence de la noblesse, l'hostilité de
l'archevêque de Lund, Esger Juel, et de son propre frère,
qui lui succéda (1319) sous le nom de Christophe IL Lors
de son élection, celui-ci, qui avait pour concurrent le duc
de Slesvig, Erik, dut confirmer par une capitulation les
privilèges de la noblesse et du clergé, mais il se hâta de
les violer. A la suite de ses luttes avec ses vassaux, il fut
expulsé (1326-1330) et remplacé pendant ce temps par
Valdemar III, duc de Sudjutland. Il ne recouvra la cou-
ronne qu'en aliénant la totalité de ses possessions directes.
A sa mort (1332), le royaume était divisé entre une douzaine
de grands vassaux, dont le plus puissant, Geert, comte
de Holstein, fut poignardé par le chef des Jutlandais sou-
levés, Niels Ebbesen (1340). Ce fut la fin d'un interrègne
de huit ans pendant lequel Otte, l'un des fils de Chris-
tophe II, avait tenté vainement de recouvrer le trône
paternel.
Les Jutlandais, délivrés du joug de l'étranger, élurent
pour roi l'un des fils de Christophe II, Valdemar III ^ qui
mérita le surnom de Restaurateur. Il reconquit, en effet,
ou racheta successivement tous les territoires démembrés ;
il annexa même au Danemark (1361) les îles suédoises
d'OEland et de Gotland, d'où le titre de roi des Goths
qu'ont porté tous ses successeurs. Il prépara l'union dano-
norvéglenne en fiançant (1363) sa fille Marguerite avec le
roi Hâkon ; mais, pour se procurer des ressources, il dut
vendre l'Esthonie aux chevaliers teutoniques (1346). Il fut
toute sa vie aux prises avec les princes voisins et les villes
hanséatiques qui lui imposèrent un onéreux traité de com-
merce (1370) et contre ses propres sujets, fatigués par ses
perpétuelles demandes d'hommes et d'argent. A sa mort
(1375), le royaume était puissant et prospère, malgré les
pertes causées par les guerres, les révoltes et la peste
noire (1350). Avec lui s'éteignit la descendance agnatique
de Svend Estridsen.
Ce ne fut pas le fils de sa fille aînée, Albert le Jeune,
duc de Mecklembourg, qui fut élu pour lui succéder, mais
bien celui de Marguerite Valdemar sdatter, sa fille cadette,
Oluf, qui devint aussi roi de Norvège (1380) à la mort
de son père Hâkon VI Magnusson. La régente, Margue-
rite la Grande^ se vit forcée de donner l'investiture du
Sudjutland à l'un des comtes de Holstein qui s'en étaient
emparés, à Gerhard VI, qui, le premier, prit le titre de
duc de Slesvig. A la mort de son fils (1387), elle fut
proclamée reine à vie en Norvège (1388) et, en Danemark,
régente jusqu'à l'avènement d'un roi. Elle fit élire en Nor-
vège (1389) le petit-fils de sa sœur aînée, Erik de Pomé-
ranie, qui avait pour concurrent son grand oncle Albert
de Mecklembourg, roi de Suède. Après avoir vaincu (1389)
et retenu celui-ci en captivité pendant sept ans, elle fit
élire en Danemark (1 395) et en Suède (1 396) son petit-
neveu et pupille Erik. Les trois couronnes du Nord se
trouvaient accidentellement placées sur la même tête ; pour
assurer la continuation de cet état de choses, elle fit con-
clure par les délégués des trois royaumes l'union de Kal-
mar (1397), qui ne fut pas troublée de son vivant. Mais
Erik, qui ne prit les rênes de l'Etat qu'après elle (1412),
quoiqu'il eût été proclamé majeur dès 1400, n'hérita pas
de son habileté politique. Il ne put venir à bout des comtes
de Holstein soutenus par les villes hanséatiques et il dut
céder à Adolphe, l'un d'eux, la possession viagère du Sles-
vig (1435). Les soulèvements d'Engelbrekt (1434) et de
Charles Knutsson (1436) lui firent perdre la couronne de
Suède ; il renonça à celle de Danemark, où le Conseil lui
faisait des difficultés et il se retira dans File de Gotland,
d'où il écuma la Baltique pendant dix ans. Après sa dépo-
sition (1439), son neveu Christophe III, dit aussi de
Bavière, fut élu d'abord président de l'Etat suédois, puis
roi de Danemark (1440), de Suède (1441) et de Norvège
(1442). Il dut reconnaître le comte Adolphe de Holstein
comme duc héréditaire de Slesvig et il réprima plusieurs
jacqueries (1439, 1441), mais il ne réussit pas à diminuer
les privilèges desHanséates. Il mourut sans enfants (1448).
Son plus proche héritier était Adolphe, duc do Slesvig,
qui refusa les offres des électeurs et désigna à leurs suf-
843 >-
DANEMARK
frages un de ses trois neveux, Christian d'Oldenburg, qui
descendait par les femmes du roi Erik Glipping (f 1286).
Christian î^ fut élu roi (4448) et successivement couronné
dans les trois royaumes, à Copenhague en 1449, à Thrond-
hjem en 1450, à Upsala en 1457, après la fuite de son
rival Charles VIII Knutsson. A la mort de son oncle
Adolphe (1459), qui ne laissait pas d'enfants, il n'opéra pas
le retrait dufief de Siesvig tombé en déshérence, mais il l'unit
au Holstein, afin de gagner les suffrages des électeurs de
ce comté. Il devint donc comte et duc, mais il eut à s'en-
detter pour désintéresser ses cohéritiers. En Suède, le
retour de Charles Knutsson (1463) lui fit perdre la cou-
ronne. Hors d'état de payer la dot de sa fille Marguerite,
mariée à Jacques III, roi d'Ecosse, il engagea à ce dernier
les revenus des Orcades et des Shetlands (1469), groupes
d'îles qui, n'ayant jamais pu être rachetés, furent perdus
pour la Norvège. Son fils Jean eut bien de la peine à lui
succéder quoiqu'il eût été jlfoclamé héritier des trois
royaumes et des deux duchés (le comté de Holstein avait
été élevé au même rang que le Siesvig en 1474). Son élec-
tion fut pourtant confirmée en Danemark (1481), en Nor-
vège (1483) ; mais, par les intrigues du président Sten
Sture, elle fut retardée en Suède jusqu'en 1497, quoiqu'il
eût cédé à ce royaume l'île d'CEland, danoise depuis 1361.
Les duchés, oîi il ne put être élu que conjointement avec
son frère Friedrich, furent partagés (1490) en parties
royale et gottorpienne ou ducale. Les deux ducs, dans
l'espoir de s'agrandir, envahirent la petite république des
Ditmarches, mais leur armée fut détruite (1500). A cette
nouvelle, les Suédois firent de nouveau défection (1501),
les Norvégiens les imitèrent (1502) et les villes hanséa-
tiques atta(jùèrent le roi Jean (1510), parce qu'il préten-
dait leur interdire tout commerce avec les révoltés. Il
mourut (1513) peu après avoir conclu la paix avec elles et
avec la Suède (1512). Quoique son fils Christian II eût
été reconnu comme héritier par les rigsraads des trois
royaumes et qu'il fût vice-roi de Norvège depuis 1506, il
ne fut proclamé roi de ces deux Etats qu'après avoir sous-
crit une onéreuse capitulation et s'être engagé à ne pas
faire désigner son successeur. De 1517 à 1520, il dut
faire plusieurs campagnes en Suède pour conquérir ce
royaume et à peine y fut-il parvenu que sa politique san-
guinaire provoqua l'insurrection des Dalécarliens sous
Gustave Vasa (1521). L'hostilité des Liibeckois et" du duc
de Gottorp et la révolte de l'aristocratie jutlandaise, qui
avait offert la couronne à celui-ci, forcèrent Christian II de
quitter le Danemark (1523). Ce n'est qu'au bout de huit
ans qu'il tenta un retour offensif en Norvège (1531) ; il
échoua, fut tenu cinq ans en prison et renonça à tontes
ses prétentions en 1536. Autant sa politique extérieure
avait été funeste, autant il mérita la reconnaissance des
Danois par ses réformes législatives et scolaires. L'union
du Danemark et de la Suède, rompue par sa faute, ne put
jamais être rétablie ; celle avec la Norvège, qui avait été
établie à perpétuité par le traité de Bergen (1450), con-
tinua sans opposition jusqu'en 1814.
Le duc de Gottorp, Frederik /^, oncle de Christian II,
ayant été appelé au trône (1522) par l'aristocratie, lui
conféra plus de privilèges qu'elle n'en avait reçus des rois
élus précédemment. A peine conserva-t-il les pouvoirs d'un
roi constitutionnel ou même d'un simple président. Chef
d'un parti, il eut à conquérir avec l'aide de l'étranger une
bonne partie du Danemark et toute la Norvège ; le peuple,
le marin Clément et Severin Norby tenaient pour Chris-
tian II, mais Frederik P^ avait à son service Jean Rantzau ; il
se mit d'accord avec Gustave Vasa (1524) et à sa mort
(1533), il y avait un an qu'il tenait sous les verrous l'ex-
roi Christian IL II avait continué l'œuvre commencée par
celui-ci en supprimant peu à peu le culte catholique, mais
le triomphe définitif du luthéranisme ne fut complet que
sous son fils, Christian lîL Après un an d'interrègne, ce
dernier, qui était avec ses frères duc de Gottorp, fut élu
roi par la noblesse et le clergé du Jutland (1534), tandis i
que la Sélande, la Fionie et les paysans jutlandais, sous
la conduite du marin Clément, s'étaient prononcés pour la
restauration de Christian II, avec l'appui des troupes
liibeckoises commandées par le comte Christian d'Olden-
bourg. Après que Jean Rantzau eut détruit les bandes du
marin Clément et remporté une victoire décisive en Fionie
(1535), la Norvège, la noblesse de la Sélande et celle de
la Skanie cessèrent de soutenir le roi détrôné ; Liibeck,
dont la flotte avait été battue, fit la paix moyennant de
nouveaux privilèges ; les villes de Malmô et de Copenhague
furent prises et Christian III resta seul maître des royaumes
de Danemark (1536) et de Norvège (1537) qu'il traita
en pays conquis. Pour récompenser ses auxiliaires, il aug-
menta l'autorité des nobles au détriment du peuple et leur
attribua une partie des dépouilles desévêques et des moines ;
il abolit le catholicisme (1536) et, parla suppression du
rigsraad de la Norvège, il la réduisit en province danoise
(1536). Il conclut avec la Suède la paix de Brœmsebro
(1541), partagea les duchés avec ses trois frères (1544)
et ^écut désormais en paix, tout occupé d'améliorer la
législation civile et religieuse.
Son fils aîné, Frederik II, qui avait été proclamé héri-
tier dès 1536, lui succéda sans opposition (1559). Con-
jointement avec son oncle Adolphe, duc de Gottorp, il
conquit les Ditmarches (1559), qui furent annexées au
Holstein. Pour ne pas continuer de morceler les duchés, il
obtint que son frère Magnus renonçât à sa part et il lui céda
en échange le diocèse d'OEsel-Wieck, qu'il venait d'acheter
de l'évêcpe ; son autre frère, Jean le Jeune, reçut, à titre
héréditaire, les îles d'Als et d'^Erœ, mais sans les droits
souverains dont jouissaient les autres copartageants des
duchés, en vertu du pacte d'Odense (1579). Si Frederik II
fut malheureux sur mer dans sa guerre de sept ans contre
la Suède (1563-1570), ses pertes furent compensées par
les succès de son général Daniel Rantzau. Par le traité de
Stettin (1570), il renonça à toutes les prétentions des rois
de l'Union sur la Suède qui, en revanche, abandonna les
siennes sur la Norvège, les provinces skaniennes et l'île de
Gotland. Son fils, Christian /F, âgé de onze ans, lui suc-
céda en 1588, mais il ne fut émancipé qu'en 1593 dans
les duchés et en 1596 dans le royaume. Il eut assez de
succès dans sa première guerre avec la Suède (1611-
1613) ; ses revers commencèrent lors de sa participation
à la guerre de Trente ans (1625-29) et s'accentuèrent après
l'invasion de la péninsule nordalbingienne par L. Torsten-
son (1643). La paix de Brœmsebro (1645) enleva à la
Norvège le Herjedal et le Jemtland, et au Danemark les
îles de Gotland et d'CEsel ; les péages du Sund furent en
partie supprimés et en partie réduits. Ses insuccès mili-
taires furent compensés par ses œuvres pacifiques et il est
regardé, avec les trois Valdemar, la grande Marguerite et
Christian II, comme l'un des plus grands souverains du
Danemark. A sa mort (1648), le trône resta vacant pen-
dant deux mois jusqu'à l'élection de son fils Frederik III,
interrègne dont le Rigsraad se prévalut pour arracher à
son élu la capitulation la plus onéreuse qui ait été signée
depuis Christophe IL Pendant que les Suédos étaient
occupés en Pologne, il les attaqua en commençant par leur
allié, le duc de Gottorp (1657), mais Charles X Gustave
s'empara du Jutland, puis des îles danoises (1658-59)
après le fameux passage des Belts sur la glace, et il dicta
la paix de Roskilde, qui. enleva au Danemark les trois pro-
vinces skaniennes avec l'île de Bornholm, et à la Norvège
le Bohus et le diocèse de Throndhjem ; et qui livra au duc de
Gottorp l'amt de Schv^abstaedt et le délia du vasselage pour
sa part du Siesvig. Regrettant bientôt d'avoir trop peu
demandé, il envahit de nouveau le Danemark, s'empara
par stratagème de Kronborg, mais échoua devant Co-
penhague (1659) et ses troupes ne purent prendre Frede-
rikshald en Norvège. Le traité de Copenhague en 1660
fut moins onéreux que le précédent pour le Danemark à
qui fut restituée l'île de Bornholm, tandis que la Norvège
recouvra le diocèse de Throndhjem.
DANEMARK
— 844 —
Le démembrement de la monarchie fut attribué à ceux
qui étaient les vrais souverains, à l'aristocratie qui avait
usurpé tous les pouvoirs. L'opinion publique, déjà excitée
contre les nobles, était d'autant plus favorable à la mo-
narchie que le roi s'était fort bien montré au siège de sa
capitale. A la diète de Copenhague (1660), l'accord du
clergé et de la bourgeoisie amena un changement de régime;
la royauté devint héréditaire avec une autorité illimitée.
Frederik III passa paisiblement le reste de sa vie à opérer
d'importantes réformes. Son fils Christian V (1670-
1699) fut le premier des rois de Danemark qui n'ait pas
eu besoin d'être élu pour monter sur le trône. Il hérita
des comtés d'Oldenbourg et de Delmenhorst en 1676 ; sa
tentative pour reprendre à la Suède ses récentes conquêtes
(1675-79) et pour replacer le Slesvig gottorpien sous sa
suzeraineté, lui valut plus de gloire que de sérieux avan-
tages, mais il réussit plus tard à se faire rendre hommage
par le duc de Gottorp (1689). Ses codes sont encore la
base de la législation en Danemark et en Norvège. Son
fils, Frederik IV (1699-d730), dépouilla momentanément
le duc de Gottorp (1700), mais il dut lui restituer ses
Etats quelques mois plus tard, à la paix de Traventhal.
Après les revers de Charles XII, il envahit la Skanie
(1710), prit Brème et Verden (1712), s'empara du Slesvig
gottorpien (17d3), participa à la prise de Riigen et de la
Poméranie (1715-16). La paix de Frederiksborg (1720)
ne lui laissa que la partie gottorpienne du Slesvig ; tout ce
duché fut réincorporé au Danemark (1721) avec la ga-
rantie de la France et de l'Angleterre, puis (1732) de la
Russie et de l'Autriche. Ce monarque s'efforça d'améliorer
la situation des paysans ; il protégea les lettres et fit de
bonnes finances. Le règne pacifique de son fils Christian VI
(1730-1746) fut illustré par un grand nombre de savants,
d'écrivains et d'artistes. Frederik V (1746-1766) régla
à l'amiable ses différends avec les princes gottorpiens,
devenus l'un roi de Suède, l'autre empereur de Russie ; il
encouragea l'industrie, le commerce et les arts, mais la
situation de l'agriculture et du trésor public fut mauvaise
sous son règne. Christian Vil (1766-1808), vit aboutir
les négociations pour l'échange du Holstein gottorpien
contre l'Oldenbourg et le Delmenhorst qu'il céda au grand-
duc Paul de Russie (1767) ; il devint bientôt incapable de
gouverner et le pouvoir fut successivement exercé par
Struensée et la reine Caroline-Mathilde (1770-72), par la
reine Juliane-Marie et Gulderg (jusqu'en 1784), enfin par
le prince héritier Frederik (VI) qui abolit le servage (1788-
1800). A part quelques hostilités avec la Suède (1788),
il maintint la paix au milieu de la conflagration générale
Jusqu'en 1801, où l'escadre de Nelson força le Danemark
de renoncer à la neutrahté armée. En 1807, une autre
escadre anglaise prit Copenhague et la flotte danoise. Lors
de la dissolution de l'empire germanique, le duché de
Holstein fut dégagé de tout lien avec l'Allemagne, Comme
allié de la Russie, Frederik F/, qui était monté sur le
trône en 1808, fit la guerre k la Suède (1808-1809), qui
refusa deux fois de réhre héritier présomptif de Charles XIII
(1809, 1810) et qui lui enleva la Norvège (1814). Son
alhance avec Napoléon lui fit, en outre, perdre File de
Heligoland. Il n'obtint en compensation que File de Riigen
et la Poméranie suédoise, qu'il échangea contre le Lauen-
bourg (1815). Il entra dans la Confédération germanique
pour ce duché et pour le Holstein, qu'il eut la faiblesse de
réunir au Slesvig sous un gouvernement commun, lors du
rétablissement des Etats provinciaux (1834).
Comme il ne laissait pas de fils, son cousin, l'ex-roi de
Norvège Christian-Frederik, petit-fils de Frederik V, monta
sur le trône sous le nom de Christian VIII (1839). Le Da-
nemark devint florissant sous ce règne pacifique et ne fut
troublé que par l'agitation slesvig-holsteinoise ; mais celle-ci
ne dégénéra en révolte que sous le roi suivant Frederik
VII (1848-1863). La guerre qui éclata à l'avènement de
celui-ci se termina en 1850 par l'écrasement des insurgés.
En 1849 fut promulguée une constitution très libérale pour
le royaume; en 1852 une constitution commune pour
le Danemark et les trois duchés, remplacée par une autre
en 1854. Comme il n'avait pas d'enfants, l'ordre de succes-
sion fut réglé dès 1851 par un pacte de famille auquel
adhéra le tsar Nicolas, comme chef de la maison de
Gottorp, lequel pacte fut confirmé en 1852 par la Suède
et les cinq grandes puissances, comme garantes de l'in-
tégrité de la monarchie. L'héritier désigné était le prince
Christian de Gliicsbourg, issu à la neuvième génération, en
ligne directe et agnatique, de Christian III, et marié à la
princesse Louise de Ïïessc-Philipsthal , arrière-petite-fille
de Frederik V. Trois jours après son avènement (15 nov.
1863), Christian IX sanctionna la constitution commune
au royaume et au duché de Slesvig, préparée sous le règne
précédent. Il eut à soutenir contre la Prusse et l'Autriche
(1864) une lutte inégale oui il perdit les deux duchés alle-
mands (Holstein et Lauenbourg) et la plus grande partie de
l'ancien Sudjutland ou duch#danois de Slesvig. La suite de
son règne, signalé par des progrès de toute sorte, n'a été
troublée que par d'interminables querelles parlementaires,
qui ont nui au développement de la législation et empêché
le gouvernement de pourvoir à la défense nationale, mais
la dynastie s'est fortifiée par les plus brillantes alliances
qui seront pour longtemps la sauvegarde du Danemark.
Littérature. — Avant d'avoir une écriture cursive
(car les runes ont surtout été gravées sur pierre, sur bois
et sur métal), les Danois possédaient déjà une riche litté-
rature populaire, dont il ne reste que des échos, des imi-
tations ou des traductions, soit en anglo-saxon (dans
Beowiilf, Widsid, Waldere), en vieux norrain (dans les
Eddas et quelques Sagas), et surtout en latin (dans les
Gesta Danorum de Saxo Grammaticus) ou dans les chan-
sons danoises du moyen âge. Outre les cycles qui leur
étaient communs avec les peuples congénères, ils en avaient
qui, sans leur appartenir exclusivement, les touchaient de
plus près ; ce sont les traditions historico-légendaires sur
Skjold-Gram-Hadding, sur Frode-Halfdan-Ro, sur Helge-
Rolf, sur Hamlet, sur Vermund-Uffe, sur Frode Fredegod,
sur Frode-In|'e-Starkad, sur Sigar, sur Harald Hildetand. Il
faut arriver jusqu'à la 'glorieuse période des premiers Val-
demar (vers 1200) pour trouver de vrais historiens (S\end
Aagesen et Saxo) et un poète (Andréas Sunonis) qui tous
se servaient du latin ; le danois n'était encore employé que
pour transcrire les lois (droit ecclésiastique et civil des
provinces) et les formules médicales (H. Harpestreng).
(iuant à la littérature populaire des premiers temps chré-
tiens (chansons, contes, proverbes, énigmes), elle était
purement orale et continua pendant bien des siècles à se
transmettre de bouche en bouche.
Vers la fin du moyen âge, beaucoup de livres de rehgion,
des parties de la Rible, des légendes, des cantiques, des
prières, des poèmes religieux, comme le Rosaire de la
Sainte Vierge, la Création et la Vie humaine par
Michael, prêtre d'Odense, un embryon d'encyclopédie, le
Lucidarius, des chroniques et des romans de chevalerie,
furent imités ou traduits du latin, du français ou de l'alle-
mand. La Chronique rimée, qui fut le premier livre
imprimé en langue danoise, parut en 1495 ; la collection
de Proverbes latins et danois de Peder Laale, en 1506 ;
les Chansons populaires recueillies par Anders Vedel,
en 1591.
Dans la première moitié du xvi® siècle, la presse fut
surtout au service des théologiens, catholiques comme
Paul Eliesen, ou protestants comme Christiern Peder sen,
Hans Tausen, Frands Vormordsen, Claus Mortensen, Hans
Spandemager, Peder Laurenssen, etc. Mais avant, pendant
et après les luttes de la Réforme, elle servit aussi à pro-
pager des œuvres littéraires, comme les Chroniques de
Charlemagne et à'Ogier le Danois par Christiern Peder-
sen ; de mordantes satires anticatholiques ; le conte rimé
sur Broder Rus ; la Danse des morts ; le roman du Re-
nard. Mais les plus anciennes œuvres dramatiques en
danois (Saint Knud, Dorothée, VEpouse infidèle et le
Jugement de Paris) sont restées longtemps inédites, ainsi
que d'utiles ouvrages historiques , comme Chronicon
Schibyense^ Seditionum Daniœ liber et les Collectanea
de Petrus Olai minorita. — Dans la seconde moitié du
xvi^ siècle, les écrits religieux en vers ou en prose tiennent
encore une grande place dans la littérature : Peder Palla-
dius, son frère Niels et N. Hemmingsen se distinguèrent
comme théologiens ; H. Thœmissœn et H. Sthen comme
psalmistes. P. Jensen Vinstrup publia une Messiade en
grec ; Erasmus Lœtus, Claus Lyschander, Johannes Fran-
cisci et J.-J. Sadolin des poèmes latins. La poésie en
langue vulgaire ne consistait qu'en pièces légères et de
peu de valeur. Les sciences mathématiques au contraire
prirent un grand essor avec Tycho Brahe et l'un de ses
disciples, P.-J. Flemlœse. La médecine est représentée par
Peder Sœrensen, la philosophie par A. Krag, le droit par
Erik Krabbe et Niels Kaas ; l'histoire Fest : en Norvège
par Absalon Pedersen Beyer ; en Danemark par Arild
Hvitfeld et les historiographes A. Vedel, traducteur de
Saxo et premier éditeur des chants populaires, R. Lsetus
etN. Krag. L'histoire de Danemark, écrite en latin par leur
prédécesseur H. Svane ou Svaningius l'Ancien, a péri sauf
la partie relative aux rois Jean et Christian IL
Le progrès continua au xvn^ siècle et la littérature da-
noise s'enrichit par la coopération plus active des Norvé-
giens. Le latin et souvent aussi l'allemand continuèrent de
faire concurrence à la langue nationale qui se détériorait
sous leur influence. D'un autre côté, les Danois, qui se ser-
vaient des idiomes exotiques, publiaient fort souvent leurs
ouvrages à l'étranger. Dans la théologie dominent les
noms de H.-P. Resen, J.-R. Brochmand, H. Rosenkrands,
J.-D. Jersin ; dans les sciences mathématiques, physiques,
naturelles, médicales, ceux de Caspar Barthohn et de ses
fils Rasmus et Thomas, ainsi que du fils de ce dernier,
Caspar Thomesen ; d'Ole Worm, Simon PauUi, Ole Borch,
Nie. Sténo, Jac. Winslœv, P. Kjlling, Chr.-S. Longo-
montanus, le plus célèbre des disciples de Tycho Brahe,
Nie. Helvâderus, Ole Rœmer, savants dont plusieurs jouis-
saient d'une réputation européenne. Pour le droit, il suffit
de citer Chr. Ostersen, Jens Bjelke, P. Galt et les rédac-
teurs des remarquables codes de Christian V : P. Lasson,
R. Vinding et le célèbre ministre P. Schumacher (Griffen-
feld). L'archéologie et la paléographie furent cultivées par
Brynjulf Sveinsson, Gudmund Andriesson, Ole Worm
et Th. Bartholin ; l'islandais par Runolf Jonsson, Magnus
Olafsson, P. Resen ; la linguistique et la littérature popu-
laires danoises par P. Vandal, B. Knudsen, TorkildBaden,
E. Pontoppidan l'Ancien, Stephanius, P. Syv, Karen Brahe,
H. Gerner, H. Mikkelsen Ravn, S. P. Gotlœnder ou
Judichœr; les langues orientales, surtout l'hébreu, par
N.-P. OErelœse, M.-P. Grum, Chr. Nold, Th. Petrseus,
A. Iversen Borch ; les langues et les littératures classiques
par Bertel Aquilonius, R. et P. Vinding, Bertel Bartholin,
R. Brochmand, Ole Borch, Birgitte Tliott, P. J. Roskilde,
M. -Chr. Ravn, H. Gerner. La géographie prend de telles
proportions qu'elle n'est plus confondue avec l'histoire,
mais forme une branche à part dans les traités des Norvé-
giens P. Claussœn Friis et J. Ramus, et du Danois Arent
Berntsen ; dans les relations de voyage de Jens Munk et
d'Ove Gjedde; dans la topographie du Danemark par P.
Resen. Outre les chroniques rimées de Lyskander et de
H. Gerner, et le Livre des preux (Ksempebog), il y a de
volumineuses histoires en prose danoise ou latine par les
Néerlandais J. Pontanus et J. Meursius ; par les Danois
Stephanius, Vitus Bering, P. Resen et N. Slange ; par le
Norvégien Th. Torfaeus ; par l'Islandais Arngrin Jonsson ;
de précieux mémoires par Leonora-Christina Ulfeld, Johan
Monrad et le général Jœrgen Bjelke. Outre les psalmistes
Arrebo, Kingo, E. Naur, les principaux poètes sont les
Norvégiens P. Dass et Dorothée Engelbrektsdatter ; les
Danois J. Worm, J. Sehested et A. Bording, dont le
Mercure en vers fut le premier journal du Danemark.
L'art dramatique, qui devait s'épanouir dans la période
; — DANEMARK
suivante, commençait à se dégager de ses langes dans les
pièces de H. Justesen Ranch, M. Skeel, P. Hegelund, P.
Thœgersen et H.-Th. Stege.
Aucun de ces écrivains dramatiques ne venait de la
Norvège où naissait Holberg (1684) qui devait les éclipser
tous. Ce grand polygraphe domine non seulement sur la
scène, mais encore dans les principales branches de la lit-
térature. Il était tout à la fois poète comique, satirique,
auteur d'une Utopie^ philosophe, moraliste, historien,
biographe, mémoraliste, géographe, topographe. Aussi la
première moitié du xviii^ siècle est-elle ajuste titre appelée
la période de Holberg. Dans les genres qu'il cultiva il
n'eut pas d'égaux, à peine quelques émules, comme Chr.
Falster dans la satire, Eilschov dans la philosophie, Hojer
dans l'histoire (en langue allemande). Mais les annales de
ce dernier et les histoires critiques de H. Gram, J. Lan-
gebck, E. Pontoppidan, L. Harboe, Joh. et Ole-Henrik
Mœller, B. Mœllmann sont plus érudites que littéraires.
Hœiberg, Fr. Rostgaard et Arnas Magnaeus firent de grandes
collections; P. Mylius, C.-P. Rothe, H. Paus, G. Treschow,
T. de Hofman, écrivirent des biographies et des généalogies ;
E. Pontoppidan, L. de Turah, Jonas Ramus, L. Debes,
Landt, des géographies et des topographies ; les Egede,
Olafsen et Povelsen, Horrebow, Fr.-L. Norden, K. Nie-
buhr, des relations de voyage. J.-T. Hœjsgaard traita de
la grammaire danoise ; J. Ursin et Math. Anchersen,
des langues sémitiques. Les autres sciences étaient en dé-
eadence ; pour la théologie on n'a à citer que Tychonius,
P. Hersleb, E. Ewald, E. Pontoppidan, P. Holm ; en droit,
que le Slesvigois A. Hojer et^ le Norvégien Chr. Stub.
Outre Holberg, les poètes de mérite sont Chr. Falster, Amb.
Stub, Th. Reenberg, J. Sorterup, Tychonius, V. Helt,
Fr. Horn, Chr.-Fr. Wadskiser et surtout le psalmiste
A. Brorson. On commençait à traduire des romans du fran-
çais, de l'anglais et de l'allemand, mais les seules fictions
originales sont Nie. Climius de Holberg et Mendoza d'E.
Pontoppidan. Plusieurs journaux politi([ucs et littéraires
en prose furent publiés en danois par J. Ries, A. Lundhoff,
F.-G. Eilschov ; en allemand par J.-E. Schlegel, en fran-
çais par L.-A. de la Beaumelle.
La seconde moitié du xviii® siècle est appelée en danois
la Période des lumières {Oplysningstidsalder); elle fut
brillante en effet ; non pas qu'elle ait produit d'hommes
comparables à Holberg, mais en choisissant parmi les dra-
maturges et poètes norvégiens (Tullin, J.-N. Brun, Bredal,
J. Wibe, Th.-R. de Stockfleth, P.-H. et Cl. Friman, Cl.
Fasting, Edv. Storm, J. Rein, J. Zetlitz, E. de Falsen), et
les Danois (P.-A. Heiberg, Th. Thaarup, P.-M. et P.-K.
Trojel, O.-J. Samsœe, Th.-Chr. Bruun, Chr. Olufssen,
Fr.-V. Wiwet, R. Frankenau, Chr.-A. Lund, Fr. Hœegh-
Guldberg, Charlotte Biehl), sans oublier le Holsleinois
Chr.-L. Sander et le Hambourgeois J.-Cl. Tode, on trou-
verait facilement quelques noms à joindre à ceux d'Evald,
Baggesen , Wessel pour former une vraie pléiade de
poètes distingués ; c'est pourtant moins à l'éclat de
ceux-ci qu'à la diffusion des doctrines de nos encyclopé-
distes qu'a trait le mot de lumières. Le rationalisme
envahit toutes les branches de la littérature ; les repré-
sentants ecclésiastiques ou laïques de l'orthodoxie luthé-
rienne: P. Rosenkrands-Goische, J.-A. Cramer, Ovellœegh-
Guldberg, Balle, furent vivement harcelés en prose et en
vers par Malte-Brun, 0. Horrebow et d'autres, tandis que
Chr. Bastholm et Birckner travaillaient à concilier la foi
et la raison. Ce dernier eut comme émules en philosophie:
J.-Sch. Sneedorff, J. Kraft, A, Schytte, J.-E. Gunnerus,
B. Risbrigh, Tyge Rothe, Chr. Ilornemann, A. Gamborg,
N. Treschow et Joh. Boye, P. Kofod-Ancher, H. Stampe,
J.-F.-W. Schlegel, Nœrregaard, écrivirent sur le droit ou
son histoire. L'étude des sciences mathématiques, natu-
relles et médicales, fut poussée très loin par l'astronome
et géomètre Th. Bugge, le physicien Chr,-G. Kratzens-
tcin, les botanistes Oeder, E.-N. Viborg, Rottbœll
et M. Vahl, le zoologiste P. Ascanius, les géologues
DANEMARK
~ 846 —
et minéralogistes M.-Th. Brûnnicli, J.-E. Gunnerus,
O.-Fr. Millier et 0. Fabricius, le mycologiste Th.
Holm, Fentomologiste J.-Chr, Fabricius, les médecins
J.-C. Tode, M. Saxtorph, Th. Buntzen, J.-D. Herholdt,
le chirurgien H, Callisen, le vétérinaire P.-Ghr. Abildgaard.
Langebek figure toujours, au moins pour l'érudition, en
tête des historiens qui sont : les Danois P.-Fr. Suhm,
O.Hœegh-Guldberg,A.Kall,N.-D. Ricgels, Fr.Sneedorff;
les Norvégiens G. Schœning et Fr.-V. Vedel-Jarlsberg,
le Slesvigois W.-E. Cliristiani, l'Allemand J.-H. Schlegel,
les Suisses Romands P.-E. Mallet et Reverdil, ce dernier
comme mémorialiste. 11 ne faut pas oublier les biographes
A.-N. Ryge, Ove ÎVIalling,^ P.-T. Wand, G. Treschow,
Chr. Gjossing ; les généalogistes T. Kleve et Oluf Rang ; les
bibliographes Jens Worm , Luxdorph, R. Nyerup , Haifdan
Einarsson ; les critiques Cl. Fastnig, P,-Chr. Stenersen,
Ad.-G. Carstens et P. Rosenstand-Goiske ; les linguistes
Jon Olafsson, Skule Thorlacius, B.-Chr, Sandvig, Jacob
Baden, W.-H.-Fr. Abrahamson, B.-J. Sporon et 0. Fa-
bricius. Les publicistes et les polémistes de talent ne pou-
vaient manquer à une époque où tant de nouvelles idées
religieuses, philosophiques, politico-économiques s'entre-
choquaient avec les anciennes aussi bien dans de volu-
mineux ouvrages que dans des pamphlets, des chansons,
des journaux et revues, et même des pièces de théâtre. Il
suffit de citer Fr. Liitken, Chr.-H. Pram, Kn.-L. Hahbek,
P.-x4. Heiberg et le futur géographe Malte-Brun.
Il était réservé aux deux premières générations du
xix^ siècle d'assister à l'épanouissement complet et simul-
tané des lettres et des sciences qui, jusqu'alors, ne s'étaient
pas développées parallèlement, et dont quelques branches
fleurissaient tandis que d'autres végétaient ou s'étiolaient.
Aussi bien les circonstances n'avaient-elles jamais été si fa-
vorables qu'elles le devinrent au commencement de notre
siècle : d'un côté, la censure ne s'exerçait plus guère qu'en
matière politique ; d'autre part, les journaux n'absorl)ant
pas encore l'attention du public, les livres étaient d'autant
plus lus ; la plupart des écrivains employaient toutes les
ressources de leur esprit à la composition d'œuvres pure-
ment littéraires ; aussi cette période est-elle l'âge d'or de
la littérature danoise, malgré les pertes que lit celle-ci
lors de la séparation de la Norvège en 1814. Baggesen
n'avait pas épuisé sa veine et, quoi qu'il ait souvent fait
infidélité à la langue danoise, il publia encore beaucoup de
poésies pleines de sel et d'esprit; mais, dès 4803, il eut
un concurrent dans le jeune Oehlenschlœger qui devait
bientôt l'éclipser. Leur rivalité, d'abord sourde, dégé-
néra bientôt en une querelle littéraire de sept ans (1813-
1820) à laquelle pourtant Oehlenschlgeger prit moins de
part que ses admirateurs et ses disciples. A côté de ces
maîtres s'élevaient d'éminents polygraphes : N.-S. Grundt-
vig, Ingemann, J.-L. Heiberg, J.-C. Hauch, Paul-M. Mœl-
1er. D'autres, sans se confiner dans un seul genre, se sont
un peu plus spécialisés, et l'on peut classer parmi les
auteurs de fictions en prose : M"^® Gyllembourg, St. St. Bli-
cher, le charmantconteur Andersen, G. Bernhard, M. Gold-
schmidt, P. Ghiewitz, G. Bagger, H.-P. Kofoed-Hansen,
V. Tlîisted ; parmi les poètes : Schack von Staffeldt, Ghr.
Winther, Fr. Paludan-Muller, G.-L.-E. Aarestrup, F.-R.-J.
Hansen, H.-P. Holst, G. Ploug,H.-V. Kaalund, Gl.Rosen-
hoff, G. Siesby ; parmi les auteurs dramatiques : H. Hertz,
C.-J. Boye, Overskou, J.-Chr. Hostrup, Ch.-K.-Fr. Mol-
bech, J.-M. Thiele ; parmi les théologiens : Fr. Miinter,
J. Mœller, J.-P. Mynster, H.-N. Glausen, A.-G. Rudelbach,
P.-Ghr. Kierkegaard ; parmi les philosophes : N. Treschow,
S. Kierkegaard, Martensen, Fr.-Ghr. Sibbern, Howitz ;
l'esthéticien P.-L. Mœller ; parmi les juristes : Hurtigkarl,
M.-H. Hornemann, A.-S. GErsted, Kolderup-Rosenvinge,
J.-E. Larsen, P.-G. Rang, T.-A. Ussing ; parmi les histo-
riens : G.-L. Baden, Nyerup, Ghr. Molbech, N.-M. Petersen;
parmi les érudits : Fr. Munter,Finn Magnusen,Werlauff, G.
Paludan-Muller, P.-O. Brœndsted, N.-I. Schow, F.-G. Peter-
sen, H.-F.-J. Estrup, Daugaard, H. Jahn, Weinwich ; parmi
les Hnguistes : Rask, Madvig, B. Thorlacius, Sveinbjœrn
Egilsson, Bredsdorff, Wester^aard, Ghr. Wilster, P. Hjort,
Tregder; parmi les statisticiens: Fr. Thaarup, Bergsœe ;
l'explorateur Graah ; parmi les archéologues : Ghr.-J. Thom-
sen, G.-Ghr. Rafn, J.-J.-A. Worsaae; parmi les numis-
mates : Ramus, Devegge, C.-L. Midler, Ghr.-T. Falbe.
Dans les sciences, il faut citer les mathématiciens et astro-
nomes : H.-G. von Schmidten, J.-Fr. Ursin, Ghr. Ramus,
H.-Ghr. Schumacher; le célèbre physicien H.-Ghr. OErsted
et G.-W. Holten ; les géologues : J.-G. Forchhammer et
W.-Ghr. Zeise ; les zoologistes : J.-H. Reinhardt, Fr. Faber,
Melchior, L.-L. Jacobsen, H.-N. Krœyer, D.-Fr. Eschricht,
0. Mœrch, P.-V. Lund; les botanistes: Moldenhawer,
G.-G. Rafn, Schousboe, F.-W. Hornemann, N. Wallich,
F.-Fr. Schouw, H.-Ghr. Lyngbye, O.-J.Hjaltelin, S.-Th.-N.
Drejer, Fr.-M. Liebmann ; l'éminent physiologiste et natu-
raliste Jap. Steenstrup; les médecins: J.-D. Rrandis,
G. Otto, L.-L. Jacobsen, D.-Fr. Eschricht, G.-B. Bendz,
A. Hannover, Fr.-W. Mansa, Fr.-G. Howitz, O.-L. Bang,
S.-M. Trier, A.-G.-P. Gallisen, Gundelach-Mœller, J.-S.
Saxtorph, P. Sclieel et J.-R. Hiibertz.
Les luttes internationales, politiques, sociales et écono-
miques, qui commencèrent en 1848 et qui paraissent devoir
remplir toute la seconde moitié de notre siècle, n'étaient
pas un milieu favorable pour la poésie ; à la vérité les sur-
vivants parmi les auteurs en renom ne se turent pas
du jour au lendemain : Ingeman, J.-C. Hauch, H. Hertz,
Andersen, Fr. Paludan-Muller, Ghr. Winther, Hostrup,
G. Ploug, Molbeeh fils, Hostrup, Goldschmidt continuèrent
les uns de chanter, les autres d'écrire des romans ou des
pièces de théâtre; mais leurs successeurs qui d'ailleurs
n'ont pas tous dit leur dernier mot, se sont rarement élevés
au même niveau. Parmi les nouveaux noms on remarque :
les poètes L.-A. Bœdtcher, Ghr. Richardt, H.Drachmann,
Garl Andersen, Chr. Arentzen, Ed. Lembcke,C.Gjellerap,
P. Faber, Wengel, G. Rode, J. Helms, S. Schandorph,
Rud. Schmidt, Fr. Bœgh, O.-G. Lund, J. Fibiger; les
auteurs dramatiques E. Bœgh, E. von der Recke, Heise,
E. Christiansen, E. Brandes, 0. Benzon, H, Bang, G. Es-
mann, A. Steenbuch, P.-A. Rosenberg, Skram, Top-
sœe, A. Larsen; les romanciers et nouvellistes H. Schar-
ling, V. Bergsœe, Garit Etlar, J.-J. Friis, T. Becker, J.-P.
Jacobsen, H.-F. Ewald, B. Dodt, Th. Lange, V. Topsœe,
P. Manager, A. Rosenkilde, H. Tolderlund, Niels Mœller,
Thyregod, A. Nielsen, Mads Hansen, et plusieurs dames :
Clara Andersen, Elisabeth Martens (L. Bjœrnsen), Clara
Raphaël (Mathilde Fibiger), Pauline Worm, Erna Juel Han-
sen. On distingue, parmi les philosophes, R. Nielsen, G.
Sibbern, Heegaard, H. Hœffding, K. Kroman ; parmi les
esthéticiens, les critiques et les historiens de la littérature,
Hœyen, J. Lange, P. Hjort, G. Brandes, Julius Paludan,
Rœnning, Fr. Winkel Horn, P. Hansen, V. Vedel ; parmi
les théologiens, Chr. Hermansen, G.-E. et C.-H. Schar-
ling, V. Rothe, H.-O.-G. Laub, G.-A.-H. Kalkar, J.
Paludan-Miiller, D.-G. Mourad, B.-J. Fog, N.-G. Blse-
del, Birkedal, Magnus Eriksson, A.-G. Larsen, Peder Mad-
sen; parmi les juristes, A.-Fr. Krieger, A.-V. Scheel,
Fr.~T.-J. Gram, F.-Ch. Bornemann, A. Aagesen, J.-M.-V.
Nellemann, Stemaiin, Goos, H. Matzen ; parmi les histo-
riens, C.-F. Allen, Velschow, Wegener, G. Paludan-Mul-
ler, Fr. Hammerich, Fr. Barfod, L.-Chr. Millier, Ed. Holm,
Ghr. Bruun, G. Rosenberg, Nielsen, A.-D. Jœrgensen,
Troels Lund, A. Thorsœe, J.-A. Fridericia, Ghr. Erslev,
Joh. Steenstrup, Thrige, Aagaard, R, Mejborg ; G.-T. En-
gelstoft, L.-N. Helweg, H.-F. Rœrdam, J.-E. Larsen, Ghr.-
L.-E. Stemann, V.-A. Sécher, G.-T. Sœrensen, O.-V.
'Vaupell, H.-G. Garde; parmi les biographes, Th,~H.
Erslev, Ph. WeiMch, V. Ingerslev, F.-L.-E. Smith, Bricka,
G. Bladt ; parmi les géographes, ethnographes, statisti-
ciens ou voyageurs, Chr. Erslev, Rink, J.-P. Trap, Kâ-
lund, Falbe-Hansen et V. Scharling, Galschiœt, le vice-ami-
ral Steen-Andersen Bille, Zeilau, Em. Bluhme, G. Holm
et V. Garde, Hovgaard, Tolderlund; parmi les archéo-
— 847 —
DANEMARK
iogues, J.-J.-A. Worsaae, Herbst, A. Strunk, C. Engel-
hardt, E. Vedel, Sehested, S. MûUer, V- Boye, Henrik
Petersen, A.-P. Madsen, J. Koriierup, 0. Blom, Zinck,
C.-G.-V. Faber, A. Feddersen ; parmi les linguistes et
démomatlies, Wesenberg, Nutzhorn, J.-L. Ussing, Aiidrae,
Jon Sigurdsson, K. Gislason, B. Grœndal, Vilhelm Thom-
sen, C.-A.-E. Jessen, Wimmer, P.-G.Thorsen, G. Stephens,
Sv. Grundtvig, Chr.-J. Lyngby, E.~H. Hagerup, J.-G.-E.
Kok, 0. Kalkar, Espersen, Feilberg, Dyrlund, C.-J. Brandt,
E.-T, Kristensen, Ant. Nielsen, Y. Fausbœll, Meliren,
Vald, Schmidt, Thor Lange. Les sciences mathématiques
et l'astronomie étaient naguère ou sont encore cultivées
par A. Steen, H.-G. Zenthen, J. Petersen, H.-L. d'Ar-
rest, Schjellerup, C.~E. Mundt, J.-C. Tuxen, V.-IL-O.
Madsen, P. La Cour ; la météorologie par N.-H.-G. HofF-
meyer ; la géologie par J.-Fr. Johnstrup, Chr.-V.Puggaard,
C.-J. Fogh, Thoroddsen ; k zoologie par J.-Chr. Sclijœdte,
Chr. Liitken, Fr. Meinert, P.-E. MuUer, J. Collin, J.-T.
Reinhardt, H. Krabbe, H. Bendz, C.~G.-A. Goseh ; la
botanique par A.-S. (Ersted, Chr .-Th. Vaupell, E. War-
ming, J.~M.-Chr. Lange; l'économie rurale par Dalgas,
Segelcke, Fjord, J.-C. La Cour, Bœggild ; la chimie par
Juîius et A. Thomsen, Trier, H.-Fr.-x4. Topsœe; la phy-
sique par C.-V. Holten, L.-A. Colding, L. Lorenz; la
médecine par A. Hannover, Fr.-V. Mansa, A.-Fr. Bre-
mer, P.-L. Panum, R. Bergh, F. Howitz, P.-Ant. Schleis-
ner, H. Krabbe, C.-J. Salomonsen, C. Tryde, B. Bang.
La matière était si abondante qu'il a fallu se borner à
jeter un rapide coup d'œil sur l'œuvre de chaque période,
sans entreprendre de caractériser les auteurs et leurs
ouvrages, ce qui eût d'ailleurs fait double emploi avec les
articles concernant la plupart d'entre eux. Cette nomencla-
ture suffira au lecteur pour s'orienter dans des recherches
éventuelles : si brève qu'elle soit, elle montre déjà que la
culture intellectuelle a été extraordinairement intensive en
Danemark. A ce point de vue, peu de pays d'une si mé-
diocre étendue et d'une si faible population peuvent lui
être comparés. Pour lui trouver un pendant, il faudrait
choisir quelque contrée privilégiée ou tracer une ceinture
arbitraire autour de quelque grand centre littéraire et scien-
tifique. On peut dire en résumé que si Copenhague a mérité
d'être appelée l'Athènes du Nord, il n'y a pas d'exagéra-
tion à rapprocher de la Grèce et de ses Cyclades les îles
et les côtes des Belts. .
Beaux- Arts. — Les plus anciens vestiges de l'art en
Danemark sont des bijoux et des parures des âges de
bronze et de fer, d'un style assez élégant pour que les
orfèvres contemporains les prennent pour modèles; mais
en fait de monuments des temps païens il ne subsiste que
des fortifications en terre, des pierres runiques et des tom-
beaux sans prétentions architecturales : les temples et les
demeures des chefs, étant en bois, ont depuis longtemps dis-
paru.. Il en est de même des premières églises qui devaient
être imitées de celles du pays des premiers missionnaires.
Il faut descendre jusqu'aux xi® et xii® siècles pour trouver
des édifices religieux (cathédrales deRibe, Lund, Viborg,
en pierres ; de Roskilde en briques) de style roman, bien-
tôt supplanté par le style dit ogival (cathédrales d'Odense,
de Slesvig, parties de celle d'Aarhus, église du monastère
de Maribo, toutes en briques). Au moyen âge, les décors
sculptés sont généralement de provenance exotique ou, s'ils
ont été exécutés dans le pays, c'est par des artistes étran-
gers. Le grand retable de Notre-Dame à Odense est dû au
Lûbeckois Claus Berg, mais Hans Briiggemann de Husum,
à qui l'on doit celui de la cathédrale de Siesvig (1514-4521)
et beaucoup d'autres œuvres, était un enfant du pays.
L'intérieur des édifices était ordinairement orné de pein-
tures murales dont un grand nombre, après avoir été pré-
servés par un badigeon, ont été remises à jour et restau-
rées dans le cours de la génération actuelle.
Après la Réformation, le style de la Renaissance fut
importé en Danemark (Uranienborg, château de Tycho
Brahe), avec les modifications qu'il avait reçues en France,
mais surtout en Hollande et dans la basse Allemagne. Les
formes gracieuses qu'il prit dans les constructions de Fre-
derik II et de Christian IV, l'ont fait appeler impropre-
ment style de Christian IV ; ses plus beaux spécimens sont
surtout des palais et des châteaux (Kronborg à Helsingœr,
Frederiksborg, Rosenborg et la Bourse à Copenhague), plus
rarement des édifices religieux (l'église de Trinité à Chris-
tianstad en Skanie). Les décors de ces monuments furent
naturellement sculptés sur place, mais surtout par des
artistes venus du dehors, notamment par les Steenwinkel,
originaires de la Hollande. Les mausolées des rois et les
tombeaux des grands seigneurs étaient d'ordinaire importés
tout faits. Sous Christian IV et Frederik III la peinture
(portraits, sujets religieux, tableaux historiques et allégo-
riques) fut cultivée par des Hollandais établis en Danemark
(Peter et Isac Isacs, Karel van Mander, Abraham V^^uch-
ters), et par des Danois formés à leur école ou ailleurs
(Jacob Lauritsen, Sœren Kjser, Peder Andersen) et la gra-
vure par Albert Haelwegh.
Sous Christian V et Frederik IV (1610-1730), l'influence
française prit le dessus et se fit sentir dans l'architecture
(Charlottenborg, l'ancien Amalienborg, l'église du Sauveur
à Christianshavn construite par Lamb. van Hawen), et la
peinture (Benoit Coff're, Jacob d'Agar), mais en sculpture
le Français Abr. Lamoureux eut pour concurrent le Bra-
bançon Th. Quellinus. Sous Christian VI (1730-1746) les
Danois Hausser, Thura, Eigtved, architectes l'un de l'an-
cien Christiansborg, le second du château de Hœrsholm, le
troisième des palais d'Amalienborg, s'inspirèrent tous du
rococo allemand, et plusieurs artistes furent appelés d'Alle-
magne (Petzold, V^ahl, Tuscher, J.-M. Preisler) et d'Italie
(Miani), tandis que le Flensborgois H. Kroghk se distinguait
comme peintre, et le Norvégien M. Berg comme sculpteur. Le
goût français domina à l'académie des beaux-arts fondée à
Copenhague par Frederik V (1754); le Français Saly, qui
en fut le premier directeur, exécuta la belle statue équestre
de ce monarque, et son compatriote Jardin, nommé inten-
dant des bâtiments, commença la magnifique église de
marbre à Copenhague, à l'achèvement de laquelle on tra-
vaille toujours. La peinture fut plus négligée et l'on n'a à
citer que des portraitistes : le Suédois Pilo et les Danois
P. Als et V. Erichsen.
L'art danois s'émancipe enfin dans le dernier quart du
xvm^ siècle; l'académie des beaux-arts n'eut pas seule-
ment des directeurs distingués comme le sculpteur Wiede-
welt, le statuaire Weidenhaupt, le portraitiste Jens Juel
et le peintre d'histoire N.-A. Abildgaard, et des professeurs
comme C.-Fr. Harsdorff, Chr.-Aug, Lorentzen, mais encore
nombre d'élèves dont beaucoup se firent un nom : le Sles-
vigois Asmus Carstens , les Ilolsteinois J.-L. Lund et Chr.-
W. Eckersberg, l'Islandais Thorvaldsen, les Danois Kra-
tzenstein-Stub qui peignit des scènes des Eddas et d'Ossian ;
E. Pauelsen, paysagiste, Clemens, graveur, Chr.-Fr. Hansen,
qui reconstruisit, dans le style classique, Christiansborg,
Notre-Dame et l'hôtel de ville à Copenhague.
Dans la première moitié du xix^ siècle, l'éclosion des arts
fut parallèle à l'épanouissement des lettres. Si l'idéaliste
J.-L. Lund eut quelques disciples, le réaliste Eckesberg forma
nombre de bons élèves: Marstrand, Rœrbye, Bendz, Petz-
holdt, Kiichler, A.-A. Muller, Kœbke, Const. Hansen,
Eddelien, Roed. Il faut encore citer Sonne, Simonsen,
E. Meyer, Buntzen, Gertner, J.-P. Mœller, Monnie, Schlei-
sner, Skovgaard, Rump, C.-A. Jensen, Lyndbye; Dalgas,
Melbye, Sœrensen, Exner, Vermehren, Dalsgaard, Ottesen
et deux disciples^ de Thorvaldsen, H.-E. Freund et H.-V.
Bissen. Les architectes les plus remarquables de cette pé-
riode sont P. Mailing, Hetsch et Bindesbœll.
Dans la génération contemporaine, on doit mentionner
parmi les sculpteurs Jerichau, Peters, Conradsen, Stein,
Saabye, Evens, Chr. Freund, L. Prier, Ring, V. Bissen,
Paulsen, Hasselriis; parmi les architectes Chr. et Th.
Hansen, N.-S. Nebbelong;, Tholle, Herholdt, F. Meldahl,
le restaurateur de Frederiksborg, Dahlerup, Ove et Vilh.
MNEMARK
— 848
Peter sen, Fenger, Holm; parmi les peintres C. Bloch,
Bâche, Godf. Christensen, J.-A.-B. La Cour, M"^« Jerichau,
T. Groenland, Frœhlich, H.-J. et W. Hammer, Blache,
Groth, Haslnnd, Edv. Petersen, Zacho, Krœyer, Chr.-And.
Schleisner, Niss, Helsted, C.-F.-E. Larsen, Tuxen ; le gra-
veur Ballin et les habiles dessinateurs Madsen et Magnus
Petersen.
Depuis une centaine d'années, le Danemark a produit
tant d'artistes en tout genre qu'il n'a plus besoin d'en em-
prunter aux pays étrangers ; il leur en a, au contraire, fourni
et des plus renommés, comme le peintre Carstens, le grand
sculpteur Thorvaldsen, l'architecte Theoph. Hansen. De
même, plusieurs bons artistes étrangers ont étudié à l'aca-
démie des beaux-arts de Copenhague dont les élèves ont
d'ailleurs l'habitude de se perfectionner en Allemagne, en
France et en Italie. En résumé, la place que les Danois
occupent dans les arts n'est pas moins honorable que celle
qu'ils tiennent depuis deux siècles dans les sciences et dans
les lettres. Beauvois.
BiBL.: GÉOGRAPHIE.— FALBE-HANSEN etSCHARLING,Dcin-
marks statistik ; Copenhague. — Bergsô, Den Danske stats
statistik; Copenhague, 1844-53, 4 parties.— Ersler, Den
Danske stat. ; Copenhague, 1855-57. — Trep, Statistik
topographisk Beskrivelse a/" Kongerigt Danmarhs ; Co-
penhague, 1872-79, 2« éd., 6 parties av. cartes. —■ Grove,
Danmarkf illustreret Rejsehaandbog; Copenhague, 1879,
3« éd., 8 parties ; trad. ail., Leipzig, 1874. — Both, Konge-
riqet Danmark, en historik-topografisk Beskrivelse ; Co-
penhague, 1882-85, 2« éd. 2 parties. — Elisée Reclus,
l'Europe Scandinave et russe. — V. aussi les cartes de
Fétat-major danois au 20,000° et les cartes d'ensemble au
160,000«. . ,. , ..
Antiquité. — Atlas de Varchêologie du Nord (âge
de bronze et de fer); Copenhague, 1858, 22 pi. in-4. — A.-P.
Madsen, Afbildnlnger af Danske Oldsager og Mindes-
mœrher; Copenhague, 1869-1876, 3 vol. in-fol. — N.-F.-B.
Sehested, Fortidsminder og Oldsager fra Egnen omBro-
hohn; Copenhague, 1878, in-4. — Du même, Archœologishe
Undersœgelser, 1818-1881; Copenhague, 1884, in-4.— Anii-
qvariste Annaler; Copenhague, 1812-1827, 4 vol. in-8. —
Tidsskrift for nordisk Oldkyndigked og Historié; Copen-
hasïue, 1826-1829, 2 vol. in-8. — Nordisk Tidsskrift for
Oldkyndigked; Copenhague, 1832-1836, 3 vol. in-8. — A?ï-
7ialer for nordisk Oldkyndigked; Copenhague, 1836-1863,
23 vol. m-8.— Aarbœger for nordisk Oldkyndigked og His-
torié; Copenhague, 1866-1891, 26 vol. in-8. — Mémoires de
la Société des antiquaires du Nord, 1836-1891. — J.-J.-A.
WoRSAAE, Nordiske Oldsd.ger^ 1859, gr. in-8, 2« éd. — Du
môme, Nordens Forhistorie ; Copenhague, 1881, in-8. —
Beauvois, les Antiquités préhistoriques du Danemark^
dans Revue contemporaine, 1863-1865. — C. Engelhardt,
Sœnderjydske Mosefund ; Copenhague, 1863, 1865, 2 vol.
in-4. — Du môme, Fynske Mosefund^ 1867, 1869, 2 vol. in-4. ~
Vald. Schmidt, le Danemark à, l'Exposition universelle de
1861, part, histor. ; Paris, 1867, in-8. — P.-G. Thorsen,
Dan<ke Runemindesmmrker, 1864, 1879, 2 vol. gr. in-8. —
G. Stephens, Oldnorthern runic monuments; Londres,
1866-1884, 3 vol. in-fol.— L.Wimmér, Runeskriftens Oprin-
delse og Udvikling i Norden; Copenhague, 1874, in-8. —
Du même, Die Runenschrift; Berlin, 1887, in-8, — Mémoires
de Worsaae, Herbst, Engelhardt, E. Vedel, V. Boye,
S. Mûller, h. Petersen, Zinck.
Histoire. — Scriptores rerum danicarum medii sevi^
éd. parLangebek, Suhm, L. Engelstoft et E.-C. Werlautf ;
Copenhague, 1772-1834, t. I-VIII, in-fol. — Regesta diplo-
matica historiée danicse^ l''^ série (822-1660) ; Copenhague,
1847-1870, 2 vol. in-4; 2° série (1522-1536), 1889, t. I.— Monu-
menta historiœ Danicae (surtout du xvp siècle), éd. par
H.-P. Rœrdam, l»"» série; Copenhague, 1873-1875, 2 vol.
in-8; 2« série, 1882-1888, 2 vol. — P.-F. Suhm, Samlinger
til den danske Historié, éd. par Sandvig; Copenhague,
1771-1776, 2 vol. in-4. — Du môme, Nye Samlinger, éd. par
Nyerup ; Copenhague, 1792-1795, 4 voi. in-4. — Danske Ma-
nazin; Copenhague, 1745-1886, 24 vol. in-4 en 4 sér. (table
générale dans le t. YI de la 4«, 1886) ; 5^ sér., t. 1, 1887-1889.
— De Èlldste danske Archiv-Registr attirer, éd. par T. -A.
Becker; Copenhague, 1855-1885, 4 vol. m-%. — Danske Sam-
linger, éd. par Chr. Bruun, O. Nielsen, A. Petersen et S.
Birket-Smith; Copenhague, l»-» sér., 1865-1871, 6 vol. in-8;
2^ sér., 1871-1878, 6 vol. — Danske Kancelliregistranter
(1535-1550); Copenhague, 1881, 1882, t. I, II. — Danske
Tractater (1751-1879) ; Copenhague, 1882, 1887, 2 vol. -
Kronens Skjœder paa afhsendet og erhvervet Jordegods
i Danmark (1535-1581) ; Copenhague, 1891, t. I, fasc. I. —
Medde^ei^ser fra Re7itekam.merarchivet, éd. par J. Grundt-
vig; Copenhague, 1871-1872 et 1873-1876, 2 vol. in-8. —
Aarsberetninger fra det K. Geheime-Archiv ; Copenhague,
1855-1883, 7 vol. in-8. — Meddelelser fra det K. Geheime-
arkiv for 1883-1888; Copenhague, 1887-1889, 2 vol. in-8. —
Historisk Tidsskrift; Copenhague, 1830-1886, 30 vol. in-8
en 5 sér. ; 6« sér., 1887-1891, 2 vol. — Saxo Grammaticus,
Historia danica, éd. par P.-E. Mûller et Velschow; Co-
penhague, 1839-1858, 2 vol. in-4. — C.-F. Allen, Haandbog
t Feedrelandets Historié; Copenhague, 1881, in-8, 8» éd. —
Du même, Hist. de Danemark, trad. par E. Beauvois ; Co-
penhague, 1878, 2 vol. in-8. — Fr. Barfod, Fortœllinger af
Fsedrelandets Historié; Copenhague, 1873-1874, in-8, 4« éd.
— L.-C. MiJLLER, Danmarks Historié; Copenhague, 1866-
1886, 6 voi. in-8, 3« éd. — N. Bache, Nordens Historié, 1882-
1887, 5 vol. in-8, 2» éd. — A.-D. Jœrgensen, Fyrretyve
Fortœllinger a f Fœdrelandets Historié, 1886, 20 éd. — N. -M.
Petersen, Danmarks Historié i Hedenold; Copenhague,
1834-1837, 3 vol. in-8. — Joh. Steenstrup, Normannerne ;
Copenhague, 1876-1882, 4 vol. in-8. — C.-F. Allen, De tre
nordiske Rigers Historié under Hans, Christiern H og
Frederik I (1^91-1526); Copenhague, 1864-1872, 5 vol. in-8.
— E'r. Barfod, Danmarks Historié fra 1319 til 1536;
Copenhague, 1885, 2 vol. in-8; continuation, 1891.— C. Palu-
DAN-MuLLER, De fœrsle Konger afden Oldenborgske Slsegt;
Copenhague, 1874, gr. in-8. — Troels Lund, Danmarks og
Norges Historié i Slutningen af det xvi'i-^ Aarhundrede;
Copenhague, 1879-1890, 10 vol. in-8. — E. Holm, Danmarks
indre Historié unde>' Énevœlden fra 1660 til 1120; Copen-
hague, 1885-1886, 2 vol. in-8. — Thrige, Danmarks Historié
i vort Aarhundrede; Copenhague, 1888-1890, 2 vol. in-8. —
N. Neergaard, Under Junigrundlov en. Det danske Folks
politiske Historié fra 18^8-1866; Copenhague, 1861, in-8.—
J.-P. Kœnigsfeldt, Genealogiske Tabeller over Danmarks,
Norges og Sverrigs Kongefamilier; Copenhague, 1856, in-4,
2° éd. — Kirkehistoriske Samlinger, 1"^ sér. : Copenhague,
1852-1856, 2 vol. in-8; 2« sér., 1857-1873, 6 vol. ; 3« sér., 1874-
1889, 6 vol. ; 4" sér., 1889-1891, t. I. — A.-D, Jœrgensen,
Den nordiske Kirkes Grundlœggelse og fœrste Udvikling ;
Copenhague, 1878, in-8. — L. Helweg, Den danske Kirkes
Historié til Reformationen; Copenhague, 1869-1870, 2 vol.
in-8, 2e éd. — Du même, Deyi danske Kirkes Historié ef-
ter Reformationen; Copenhague, 1882, 2 vol., 2^ éd. —
L. KoGH, Den danske Kirkes Historié i Aarene 'l811-185i;
Copenhague, 1883, in-8. — S. Elvius, Danmarks Prœstehis-
torie i Aarene 1869-188^1; Copenhague, 1885-1887, in-8. —
Daugaard, Om de danske Klostre i Middelalderen; Copen-
hague, 1830, in-4. ^ — Kolderup-Rosenvinge, Danske Rets-
historié; Copenhague,1832-1833,2voI. m-S,2^ éd.—J.-E.LAR-
SEï^, Samlede Skrifter ; Copenhague, 1857-1861, in-8, V'« sér.,
t. 111. — Chr.-L -E. Stemann, Den danske Retshistorie
indlil Christian V* Lov ; Copenhague, 1871.— Du môme,
Geschichte des œffentUchen und privât Rechts des Herzog-
thums Schleswig ; Copenhague, 1866-1867, 3 vol. in-8. —
0. Vaupell, Den danske Hœrs Historié; Copenhague,
1872-1876, 2 vol. in-8.— J.-C. Tuxen, Den danske og norske
Sœmagt; Copenhague, 1873-1875, in-8. — Personalhistorisk
Tidsskrift, puhl. par F. Krarup; l«-« sér., Copenhague, 1880-
1885, 5 vol, in-8; 2« sér., 1886-1890, 5 vol. — Daiisk bio-
grafisk Lexikon, publ. par C.-F. Bricka (de A à F); Copen-
hague, 1887-1891, vol. Î-VÎ. — A. Strunk, Samlinger til
en beskrivende Cataloq over Portraetter af Danske, Norske
og Holstenere; Copenhague, 1865-1882, 2 vol. in-8.— Autres
ouvrages cités dans : Bibliotheca historica dano-norve-
gica, par Sibbern ; Hambourg, 1716, in-8, — et dans Dansk-
norsk historisk Bibliothek, par G.-L. Baden ; Odessa, 1815,
in-8. — Bibliogr. historique génér. placée en tête de la trad.
franc, de ÏHist. du Dan, d' Allen et complétée par Chr.
Bruun qui, dans sa Bibliotheca danica, donne la liste com-
plète, juscfu'en 1830, des ouvrages de la Grande Biblioth.
roy. relatifs au Danemark. — Bibliogr. hist. annuelle dans
Historisk Tiddsskrift, par Mœllerup jusqu'en 1885 et
depuis par W. Christensen; en français, avec addit., par
E. Beauvois, pour les années 1881 et suiv., dans Revue
des quest. hist, t. XXXIII, XXXV, XXXVII, XXXIX,
XLI, XLIII, XL VI, XLVIII.
Littérature. — Nyerup et Kraft, Almindeligt Litte-
raturlexicon for Danmark, N orge og Island; Copenhague,
1820, 2 vol. in-4. — Th.-H. Erslew, Almirideligt For-
fatter-Lexicon for K. Danmark med Bilande fra ISl^i til
18kO; Copenhague, 1848-1853, 3 vol in-8; supplém., 1854-
1868, 3 vol. — Chr. Bruun, Bibliotheca Danica (l^i82-
iS50j; Copenhague, 1872-1891,3 vol. in-4. — Edvard Col-
lin, Anonymer og Psevdonymer i den danske, norske
og islandske Litteratur indtil 1860 ; Copenhague, 1869,
in-8. — N.-M. Petersen, Bidrag til den danske Literaturs
Historié; Copenhague, 1853-1861, 4 vol. in-8; 2^ éd, avec
table, par Sécher, 1867-1872.— C. Rosenberg, Nordboernes
Aandsliv (depuis les temps païens jusqu'au xvii» siècle);
Copenhague, 1878-1885, 3 vol. in-8. - Fr.-Winkel Horn,
Den danske Literaturs Historié; Copenhague, 1881, 2 vol.
pet. in-4. — P. Hansen, Ulustreret dansk Litteraturhis-
torie; Copenhague, 1886,2 vol. gr. in-8. — Du même, Den
danske Sktiej^lads; Copenhague, 1889-1891, gr. in-8. — Th.
Overskou, Den danske Skueplads ; Copenhague, 1854-1864,
5 vol. in-8; continué par Edgar Collin, de 1849 à 1874;
Copenhague, 1875-1878, t. VI et VII, 2 vol. in-8.— Flor,
Haandbog i den danske Literaiur; 9« éd. par P. Hansen;
Copenhague, 1886, in-8. — F. Rœnning, Rationalismus
Tidsalder. L Det Klopstockske Tidsrum, 1150-1110; Co-
penhague, 1886, m-8. — J. Paludan, Renaissancebevœgel-
sen i Danmarks Literatur isrnr i det XVIII^^ Aarhun-
drede; Copenhague, 1887. — Vald. Vedel, Studier over
Guldalderen i dansk Digtning; Copenhague, 1891, in-8. —
H. Fr. Rœrdam, Histovieshrivning i Danmark og Norge
(xvi» s.), Copenhague. 1867 in-8: — Fr. Bajer, Nordens po-
liiiskeDigtning 1189-180^; Copenhague, 1878.— C. Paludan-
MûLLER, Dansk Historlografi i det XVIIl^'' Aarhimdrede
(extr, de Historisk Tidsskrift^ 5« sér., t. IV); Copenhague,
1883, in-8. — Joh. Steenstrup, Historieskrivning i Dan-
mark {1801'1863}\ Copenhague, 1889, in-8.— P.-M. Stolpe,
Dagspressen i Danmark, dens Vilkaar og Personer (jus-
qu'au milieu du xyiii^ siècle) ; Copenhague, 1877-1882,
4 vol. in-8. — C.-C.-A. Gosch, Ùdsigt over Danmarks zoo-
loglske Literatur; Copenhague, 1870-1875, 3 voi. in-8. —
E. Warming, Bibliogr. de la botanique danoise jusqu'en
1880, dans Botanisk Tidsskrlft; Copenhague, 1881, t. XII,
pp. 42-138 et 158-247. — P.-Fr. Rist, Catal. d'ouvr. danois
concernant l'hist. de l'armée et de la marine de 1660 à 1800,
supplém. à Militalrt Tidsshrift; Copenhague, 1889.
Beaux-Arts. — Danske Mindesmarker, publ. par C.-F.
HoLM, H. Hansen, C.-F. Herbst, N. Hœyen, J. Korne-
RUP. C.-A. Strunk et J.-J.-A. Worsaae; Copenhague,
1860-1877, 3 sér, in-fol. — V. Dahlerup, H.-J. Holm et
H. Storgk, Tegninger a f seldre 7iordi sh Architeclur ; Co-
penhague, 1871-1884, 5 sér. in-fol.; 6» sér. par O.-V. Kocii,
V.-J. ÉIcerk-Hansen et E. Schtœdte, 1885-1887; nouv.
recueil, sér. 3-4, par les mêmes, 1888-1891.— L.-L. Thurah,
Den danske Vltvuvius; Copenhague, 1746-1749,2 vol. in-fol.
— F.-P. Trap, Beskrivelse af K. Danmark; Copenhague,
1871-1879, 6 vol. in-8 avec planches. — Weinwich, Maler-
Billedhugger-Kohberstik-BygningS'Og Stempelskmrerkon-
stens Historié iK. Danmark og Norge; Copenhague, 1811,
in-8. — Ph. Weilbach, Dansk Kunstner-Lexikon; Copen-
hague, 1877-1878, 2 vol. in-8. — N.-L. Hceyen, Skrifter, éd.
par J.-L. Ussing,- Copenhague, 1871-1876, 3 vol. in-8. — Jul.
Lange, Niitids-Kunst ; Copenhague, 1873, in-8. — Du même,
Billedkunst; Copenhague, 1883-84. — F. R. ¥riis, Bidrag til
dansk Kunsthistorie^ Copenhague, 1890-91. — V. Mœller,
Danske Kunslner-Porlrmter fra vore Dage; Copenhague,
1883, in-8. — Si^urd Mûller, Nyere dansk Malerkiuist;
Copenhague, 1882-1884, 20 fasc. in-fol., phototypies et
texte. — J.-L. Lœffler, Udsigt over Danmarks Kirke-
bygninger (période romane); Copenhague, 1883, in-8. — C.
Reitzel, Fortcgnelse over danske Kiinstneres Arbejder
paa de ved det K. Akademi for de skjœnnc Kiinster i
Aarene 1807-1882 afholdte Charlottenborg Udstillinger,
avec introd. de Jul. Lange; Copenhague, i883, in-8.
DANEO (Giovanni), poète et littérateur italien, né à
Saint-Remy, dans la province d'Aoste, le 16 mai 1824.
Un de ses biographes classe ainsi ses œuvres : i ** critique
didactique, oti il range : Alcune Considerazioni sut
bello lettere tre a Vittorio Bersezio (1877); 2^ drames
et romans, où Ton trouve : Memorie d' un convalescente;
Il Castello di Bardespina (1870); Zuleika, drame en
vers ; Adolfo ed Elisa di Montalpino, etc. ; 3° poésies,
comprenant un volume de vers et un poème, Gotama,
Depuis cette classification, Daneo a publié : Rafaello Sanzio
(Urbin, 1880); Memorie d' un galantuomo (1881) ;
Drammi e comédie : la zia Plnzochera; un' îdea deW
altro mondo ; Venerdi; il Mezzodi^ etc. (Florence,
1883); Poésie (Florence, 1885). Cet auteur a le mérite
d'une grande correction. R. G.
BiBL. : Mozzi, Notesu Giovanni Daneo ; Gênes, 1881, in-8.
DANEO (Felice), littérateur italien, né à San Damiano
d'Asti en 1825. Après avoir collaboré à différents re-
cueils, notamment à VAntologia de Florence, il publia des
études historiques et biographiques parmi lesquelles on re-
marque : Vite scelti di Piemontesi illustri (Turin, 1858,
2 vol.) ; la Monarchia italiana sotto lo scettro délia
casa di Savoia (Turin, 1861) ; Suor Maria Céleste
Galilei^ ossia Affetti e relazioni domestichedi Galileo
(Cuneo, 1864) ; Vita di Giuseppe Monticone^ pittore del
re Carlp-Felice (Turin, 1877). ^ R. G.
DAN ES (Pierre), helléniste français, né à Paris en
1497, mort le 23 avr. 1577. Elève de J. Lascaris et
Guill. Budé, il fut nommé, en 1530, professeur au Collège
de France oîi il eut pour élèves Amyot, les Brisson, les
Dorât, etc., se prononça contre Ramus en 1537 ; il fut
envoyé au concile de Trente en 1545, y prononça une
harangue très goûtée et revint siéger pendant toute la
troisième partie du concile où seul il représentait l'Eglise
française ; dans l'intervalle il avait été précepteur du dau-
phin (François II, fils de Henri II) et nommé évêque de
Lavaur. Il a édité Justin, Florus, Sextius Rufus, Phne
(sous le nom de P. Bellocirius).
DANESE (V. Cattaneo).
DAN ESTAI. Com. du dép. du Calvados, arr. de Pont-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
9 — DANEMARK — DANGEAU
l'Evêque, cant. de Dozulé, sur un affluent de la Dives ;
272 hab. Eglise du xiii® siècle; curieux fonts baptismaux
cyhndriques de la même époque dans le cimetière.
DAN ET (Jean) (V. Duvet).
DANETT (Thomas), écrivain anglais, né en 1566, mort
en 1601. Il est surtout connu par sa traduction abrégée
àeV Histoire des Pays-Bas (Londres, 1593) de Guichardini
et celle de Philippe de Commines (Londres, 1601) à
laquelle il a donné une continuation jusqu'à la mort
de Henri n (Londres, 1600).
DANEVIRKE, boulevard danois. Nom donné à un' im-
portant ensemble de fortifications élevées dans les temps
païens et restaurées plusieurs fois jusqu'en 1863 pour
protéger le Sud-Jutland ou Slesvig contre les incursions
des Vendes et des Saxons. La plus ancienne partie est le
Kuryrav ou Kurvirke (fossé ou rempart de garde) qui
s'étend au S. de Slesvig, entre le lac de Selk et les maré-
cages de Reide-Aa, sur une longueur de 6 kil. A 10 kil.
plus loin vers l'E., le vieux Danevirke ou OEstervold (rem-
part de l'est) fut élevé par le roi Gœtrik, au temps de Char-
lemagne, entre le Vindeby-Nor et d'CEsterbaek, pour couvrir
la péninsule de Svansen et, par suite, les passages de la
Slie. Le Danevirke proprement dit fut élevé par la reine
Thyra-Danebod, vers le milieu du x^ siècle, à quelques
kilomètres en arrière du Kurvirke ; il s'étend sur une lon-
gueur de 8 kil., du lac de Hadeby (le Slesvig primitif) aux
marais du Reide-Aa. Enfin, sous le nom de Krumvold
(rempart courbe), il se prolonge de 8 kil. à l'O. jusqu'à
Hollingstedt sur la Treene, qui était autrefois assez large
pour protéger la moitié occidentale de la péninsule jutlan-
daise. En 974, il fut vainement assiégé par l'empereur
Othon II, qui s'en empara quelques années plus tard, après
avoir fait brûler les parapets en bois. Vers 1080, Valdemar
le Grand en fit revêtir une bonne partie d'un mur de briques
et de pierres de 13 m. de hauteur sur 2 m. d'épaisseur.
Beaucoup plus au S., la hmite du Slesvig et de l'empire
d'Allemagne était marquée par le Danevirke méridional
s'étendant de l'Eider à la Lewensau. Ces fortifications
jouèrent un certain rôle dans les guerres du moyen âge :
en 1131 notamment, elles arrêtèrent l'empereur Lothaire,
mais on les négligea après que le Slesvig et le Holstein
eurent été réunis (1386). C'est seulement en 1861 que
l'on commença à le restaurer et à le pourvoir d'une série
de redoutes en prévision de la guerre avec TAllemagne
qui éclata en 1864. L'armée danoise tout entière, qui
y était postée, courait le risque d'être tournée, lorsque
le général de Meza l'en préserva en la faisant replier sur la
position de Dybbœl (5 févr. 1864). Beauvois.
BiBL. : Chr. C. Lorenzen, les Fortifications du Slesvig^
dans Annalen for nordisk Oldkyndighed ; Copenhague,
1850, pp. 1-125, avec une carte et 3 pi.; résumé dans Dan-
nevirhe og Omegn^ par le môme ; Hadersiev, 1863, in-18.
DANEZY (Vitic). Le Danezy ou petit Danesy est un
cépage de l'Allier, ne différant pas, pour certains auteurs,
du Pmot blanc ou Chardenay.
DANFORTH (Thomas), né dans le comté de Suffolk en
1622, mort à Cambridge (Massachusetts) le 5 nov. 1699.
Venu en Amérique en 1634, il s'établit à Cambridge dont
il fut élu représentant en 1657 et 1658. De 1679 à 1686
il fut sous-gouverneur du Massachusetts et le H mai 1681
fut élu président du Maine. Il remplit encore les fonctions
de juge à la cour suprême de Massachusetts. Chef du parti
populaire, il se montra le défenseur le plus convaincu des
libertés et de la charte provinciales. Il fut le premier tré-
sorier de Harvard Collège (1650-1658) et rendit de très
grands services à cet établissement.
DAN6É. Ch.-l. de cant. du dép. de la Vienne, arr. de
Châtellerault, sur la Vienne; 766 hab. Stat. du ch. de
fer d'Orléans, ligne de Tours à Bordeaux. Eglise du
XV® siècle dont le clocher à trois étages est surmonté d'une
flèche octogonale en pierre.
DANGEAU. Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. de Châ-
teaudun, cant. de Brou; 1,379 hab.
DANGEAU (Philippe de Courcillon, marquis de), auteur
DANGEAU ^ 850 —
français, né le 21 sept. 4638, mort le 9 sept. 4720.
Arrière-petit-fils du fameux Plessis-Mornay, il appartenait
à une vieille famille calviniste ; mais il se convertit de
bonne heure au catholicisme et entra au service. Il fit la
campagne de Flandre, sous Turenne, en 4658, en qualité
de capitaine de cavalerie ; puis, après la paix des Pyré-
nées, il entra momentanément au service de l'Espagne, se
distingua dans plusieurs combats contre les Portugais et
revint en France en 4663. 11 ne tarda pas à jouir d'une
grande faveur auprès du roi et des reines : discret, dé-
voué, modeste, probe, joueur habile et heureux — et on
sait quelle place tenait alors le jeu à la cour — il était
avec cela homme d'esprit et tournait les vers avec une ex-
trême facilité. On raconte qu'il fit un jour une pièce de
cent vers tout en jouant avec le roi au reversi, jeu où il
était de première force et qui semblait, néanmoins, devoir
absorber toute son attention. La reine mère Anne d'Au-
triche, et la reine Marie-Thérèse, de leur côté, lui savaient
un gré particulier de parler l'espagnol et d'avoir vécu à la
cour de Madrid. Choyé par tous, il n'attendit pas long-
temps les charges et les honneurs. Peu de temps après son
retour d'Espagne, il reçut le commandement du régiment
du Roi avec lequel il fit la campagne de France en 4667.
Puis il devint aide de camp de Louis XIV qu'il suivit dans
toutes ses campagnes. Il eut ensuite le gouvernement de
la Touraine et fut employé dans diverses négociations
diplomatiques, notamment auprès des électeurs du Rhin
(4673 et 4674) et en Italie où il négocia le mariage de la
princesse de Modène avec le duc d'York, depuis roi d'An-
gleterre sous le nom de Jacques IL Entre temps, il était
nommé premier menin du dauphin, chevalier d'honneur
de la dauphine, puis de la duchesse de Bourgogne, con-
seiller d'Etat d'épée, chevalier des ordres du roi, enfin
grand maître des ordres royaux et militaires de Notre-Dame
du Mont-Carmel et (en 4693) de Saint-Lazare de Jérusalem.
A ce dernier titre, il fonda plus de vingt-cinq commanderies
nouvelles et employa les revenus que sa charge lui procu-
rait à créer une maison où il faisait élever douze jeunes
gentilshommes pauvres. Ses fonctions militaires et ses
charges de cour n'empêchèrent pas Dangeau de s'intéresser
vivement aux gens de lettres dont beaucoup étaient ses
protégés, notamment Boileau qui lui dédia en 4665 sa
V® satire sur la noblesse. C'est à titre de grand seigneur
ami des lettres qu'il fut, en 4668, à la place de Georges
de Scudéri, nommé membre de l'Académie française, puis,
à la mort du marquis de l'Hôpital en 4704, membre ho-
noraire de l'Académie des sciences. Dangeau avait épousé,
le 21 mai 4682, une sœur de la maréchale d'Estrées,
Françoise Morin, fille de Morin, dit le Juif, seigneur de
Châteauneuf et fermier général. Il se maria en secondes
noces, en 4686, à Sophie Marie, comtesse de Lœwenstein,
une des plus jolies femmes de la cour, d'une branche mé-
salliée de la maison palatine de Bavière.
Saint-Simon a accablé Dangeau de railleries dans ses
Mémoires^ mais ses méchancetés paraissent ici comme en
beaucoup d'autres cas tomber tout à fait à faux. Le mar-
quis de Dangeau pouvait être un courtisan vaniteux et un
poète trop facile, mais la manière dont il parle de lui-
même dans son Journal et celle dont il raconte modeste-
ment et fidèlement ce qu'il a vu, donne de lui une idée
tout à fait différente de celle qu'on peut en avoir après
avoir lu Saint-Simon. Par une singuUère coïncidence, c'est
une copie du Journal de Dangeau copieusement annotée
par Saint-Simon qui a surtout servi aux éditeurs définitifs
de Dangeau, pour le publier; on en connaissait, du reste,
un certain nombre d'autres, soit dans les bibliothèques
publiques, soit dans les archives de certaines familles.
Jusqu'à cette édition définitive, terminée en 4860, on
n'avait publié que par extraits certains fragments du
Journal de Dangeau. Voltaire en avait, notamment, donné
quelques passages sous le titre de Journal de la Cour
(Londres, illO,m-H). Le Journal de Dangeau, commencé en
4684 et fini en 4720, est un document de la plus grande va-
leur. Pendant ces trente-six années, Dangeau inscrivit jour
par jour tous les événements dont il eut connaissance. C'est un
tableau aussi exact que naïf delà vie delà cour, c.-à-d. du gou-
vernement de la France sous Louis XIV. On y vit dans l'in-
timité du roi, que Dangeau a connu mieux que personne et
dont il nous fait apprécier les qualités d'homme, de père et
d'ami. A ce titre, le Journal de Dangeau est le complément
nécessaire, sinon la contre-partie, des Mémoires de Saint-
Simon, oeuvre partiale, véritable pamphlet qui trop souvent
défigure l'histoire au gré de sa passion. Au contraire, Dan-
geau enregistre les faits sans parti pris, et son Journal est
un des meilleurs documents que nous possédions sur cette
époque. C. Sï-A.
BiBL. : Journal de Dangeau^ publié par MM. Soulié,
DussiEux, DE Chenevières, Mantz, de Montaiglon et
Feuillet de Conchbs; Paris, 1854-1860, 19 vol. in-8.
DANGEAU (Louis de Courcillon, abbé de), frère du pré-
cédent, grammairien et écrivain français, né enjanv. 4643,
mort le 4 janv. 4723, Né calviniste, il fut converti par
Bossuet et entra dans les ordres ; puis il voyagea. La faveur
dont jouissait son frère lui profita ; il fut envoyé extraor-
dinaire en Pologne et, à son retour, acheta la charge de
lecteur du roi, ce qui lui donnait accès auprès du souve-
rain. Il usa de son crédit en faveur des gens de lettres ; La
Fontaine fut le seul qui ne trouva pas grâce à ses yeux,
soit à cause de ses contes licencieux, soit plutôt parce qu'il
avait été l'ami de Fouquet disgracié. Tous les ans, l'abbé
de Dangeau avait à présenter au roi le journal des grâces
accordées ; mais comme il osait dévoiler au monarque les
abus qui se commettaient dans la distribution de ses libé-
ralités, il se faisait des ennemis de ceux qui profitaient de
ces abus. Cela ne l'empêcha pas de faire son chemin à la
cour : en 4680, il obtint l'abbaye de Fontaine-Daniel ; en
4683, les prieurés de Gournay-sur-Marne et de Crespy-
en- Valois ; en 4740, l'abbaye de Clermont ; il devint ca-
mérier d'honneur des papes Clément V et Innocent Xïl ;
enfin il fut nommé, en 4682, à l'Académie française, à la
place de l'abbé Cotin, la victime de Boileau. Il s'y occupa
surtout des questions de grammaire. Outre le grec et le
latin, il savait l'allemand, l'italien, l'espagnol, le portu-
gais , etc. L'abbé de Dangeau fut le concurrent malheureux
de Fénelon au poste de précepteur du duc de Bourgogne ;
il se consola de cet échec en surveillant l'étabHssement dont
nous avons parlé plus haut, fondé par son frère pour l'édu-
cation des jeunes gentilshommes, et en recevant chez lui
tous les mercredis l'élite des hommes de son temps. L'abbé
de Dangeau a beaucoup écrit et la Bibhothèque nationale
conserve un grand nombre de ses manuscrits. Parmi ses
ouvrages imprimés nous citerons : Quatre Dialogues (théo-
logiques) (Paris, 4684, in-i^) ; Dialogues sur Vimmor-
talité de Vâme ; les Principes du Blason (4705, in-8) ;
Tables historiques.,, pour V histoire de la monarchie
française (in-8); Nouvelle Méthode de géographie his-
to7ique {i691 , in-foL, 4706, in-8) ; il imagina aussi un
Jeu historique des rois de France., sorte de jeu d'oie qui
égaya beaucoup ses contemporains à ses dépens et qui le fit
chansonner. Comme tous les érudits, l'abbé de Dangeau ne
manquait pas, en effet, d'un certain pédantisme. Ses tra-
vaux sur la grammaire sont nombreux ; on a de lui des
opuscules sur les voyelles, les consonnes, les verbes, les
particules, les mots Après, Quelque, Quelqu'un, les pré-
positions, enfin sur beaucoup de « bagatelles de l'ortho-
graphe » suivant l'expression dont se sert, en parlant de
lui, Saint-Simon qui, d'ailleurs, ne respecte jamais suffi-
samment ces bagatelles. Il est curieux de constater que l'abbé
Dangeau est un des précurseurs des modernes réformateurs
de Vortog7''ate et de la granmaire (c'est ainsi qu'il écrit ces
mots). La plupart de ces dissertations ont été réunies dans
les Essais sur la grammaire (4744) ou dans les Opus-
cules sur la langue française publiées en 4754 par 1 abbé
d'Ohvet. Vicomte de Caix de Saint-Aymour.
BiBL. : Journal de Dangeau^ 1854-60. — Nicéron, Mém.,
t. XV. — D'Alembert, Eloges. — Revue l'élrospective^
2« série, t. ÎV, 280.
-« 8Sl
DANGERANT -- DANHAUSER
ÛÂN6ERANT de Boisrigaut (Louis) (V. Boisrigaut).
DANGERS, Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. de
Chartres, cant. de Courville ; 202 hab.
DAN G EU L. Com. du dép. de laSarthe, arr. de Mamers,
cant. de Marolles-les-Braults ; 861 hab.
DANGEVILLE. Famille de comédieus dont pendant un
siècle environ les membres figurèrent sur la scène française
et y conquirent l'estime et l'admiration du public. — Le
premier acteur de cette famille dont il soit fait mention est
Claude-Charles Botot, dit Dangeville, né à Paris en 1665,
mort à Paris en 1743. Son père, procureur au Châtelet,
s'opposa très vivement à la vocation précoce de Claude-
Charles pour la comédie, mais ne put l'en détourner ;
en 1697, on le cite comme attaché en qualité de dan-
seur à la Comédie-Française où il débuta en 1702 dans
Wenceslas (rôle de Ladislas) : il abandonna bientôt le
genre tragique pour le comique qui convenait mieux à son
talent ; en 1704, il succéda à l'acteur Beauval et fut reçu ;
depuis cette époque, il remporta de nombreux succès : ses
meilleurs rôles paraissent avoir été ceux de Thomas Dia-
foirus, du maître de philosophie dans le Bourgeois gen-
tilhomme et de Chicaneau dans les Plaideurs, Il avait
conquis un grand ascendant sur ses camarades par la droi-
ture de son caractère et la pureté de sa vie ; ses vertus
morales le firent estimer à la ville autant que son talent
comi(îue au théâtre. Le 3 avr. 1740, il se retira avec la
pension de mille livres : de|)uis plusieurs années, il était le
doyen de la Comédie-Française. — Sa femme, Marie-Hor-
tense Racot de Grandval, dame Dangeville, née en 1682
et morte à Paris en 1769, fut reçue à la Comédie avant
lui, Tannée même de son début, en 1700. Elle remplissait
l'emploi des amoureuses de comédie et des princesses de
tragédie : son talent paraît avoir moins contribué à ses
succès que sa grande beauté et le charme de sa voix ; assez
nonchalante, elle se maintint cependant dans la faveur du
public et remporta encore vingt-six ans après son début
un grand succès de beauté dans le personnage de Vénus
du Pastorfldo. Le 14 mars 1739, elle se retira avec la
pension de 1,000 livres. — Antoine-François Botot, dit
Dangeville^ danseur de l'Opéra, peu célèbre par lui-même,
frère de Claude-Charles Botot, eut une femme, un fils et
une fille qui donnèrent, la dernière surtout, un vif
éclat au nom de Dangeville. — Sa femme, Christine Des-
mares, qui prit au théâtre le nom de M^^^ Antoine^ naquit
en 1688 et mourut en 1772 ; elle débuta sans grand
succès à la Comédie-Française le 23 déc. 1707 dans
Polyeucte où elle tenait le rôle de Pauline; en 1708, elle
fut reçue par ordre de la cour et, après quatre années de
services sans éclat, se retira avec la pension de 1 ,000 livres.
— Le fils de Christine Desmares, Charles -Etienne
Botot, dit Dangeville, naquit à Paris en 1707 et mourut
à Paris en 1787. Destiné au théâtre depuis sa jeunesse,
il témoigna d'abord plus de goût pour la dissipation que
pour l'étude. On le fit jouer cependant à Versailles devant
Louis XV en 1730, puis débuter le 17 avr. 1730 à la
Comédie-Française dans le rôle de Polyeucte ; il fut reçu
en mai : son peu de succès contre-balança longtemps l'es-
time que l'on avait pour son nom. Chargé du rôle des con-
fidents tragiques, il y recueillit plus de sifflets que d'ap-
plaudissements ; en 1746, il hérita de l'emploi de son
oncle, Claude-Charles Dangeville, et joua les comiques.
D'abord très outré, il finit par triompher de ses défauts et
par ses patients efforts conquit la faveur du public qui
raccompagna jusqu'à sa retraite qu'il prit en 1763 avec
une pension de 1,500 livres. — Sa sœur, Marie-Anne
Botot, dite Dangeville, née à Paris en 1714, morte à .
Paris en 1796, a laissé un long souvenir. Très intel-
ligente, elle parut sur la scène dès son enfance, à huit
ans, en 1722, dans V Inconnu de Thomas Corneille (rôle
de la Jeunesse), où son originalité précoce se manifesta.
En 1730, elle débuta dans une comédie de Destouches, le
Médisant (rôle de Lisette). Le 6 mars de la même année,
elle fut reçue par ordre pour doubler M^^® Quinault. Ses
traits charmants, sa grâce, son talent en ont fait le modèle
des soubrettes ; cet emploi n'a jamais été tenu depuis avec
autant de perfection. Pour se conformer à l'usage, elle
joua aussi quelques rôles tragiques, mais elle était surtout
inimitable dans la comédie. Ses contemporains lui rendaient
justice . Dorât et Voltaire l'ont célébrée, Lemazurier et
Mole ont rendu pleine justice à ses talents. En 1748,
Louis XV lui accorda une pension de 1,500 livres et, le
1*^*^ avr. 1763, elle se retira avec une pension de même
valeur. Adorée de ses camarades, elle eut la preuve de leur
attachement fidèle, dix années après sa retraite : les acteurs
de la Comédie-Française se réunirent chez elle le jour de sa
fête, le 15 août 1773, et jouèrent dans un bosquet de son
jardin de Vaugirard, la Partie de chasse de Henri IV, pe-
tite pièce qui n'avait pas encore été représentée en public.
Quelques années plus tard, le 2 oct. 1794, au Lycée des
arts, W^^ Dangeville assista vivante à son apothéose : son
buste, couronné de lauriers, fut exposé en public. Ph. B.
DANGICOURT (Pierre), mathématicien, né à Rouen en
1666, mort à Berlin en 1727. D'une famille de protes-
tants réfugiés, il acheva ses études scientifiques à Berlin,
fut le disciple, puis l'ami de Leibnitz, et fut nommé en
1701 membre associé, en 1724 directeur adjoint de
l'académie des sciences de Berlin. Il eut parmi ses con-
temporains la réputation d'un mathématicien très distingué ;
on ne connaît cependant de lui que deux études sur les
sections coniques et sur l'arithmétique binaire. L. S.
DAN G LARD (L'abbé Biaise- Jacques) , docteur es lettres,
professeur d'histoire, puis de littérature étrangère à la
faculté libre de Lyon, né en 1833 à Valbeleix (Puy-de-
Dôme). OEuvres principales : De Litteris apud Arvernos;
Stace et ses Silves (thèses de doctorat; Paris, 1864,
in-8) ; De Clermont à Genève, journal d'un prêtre
déporté (1856, in-18) ; le Déficit social de la Prusse
(1870, in-8, sous le pseudonyme de T. Aralde) ; articles
dans la Revue des questions historiques et dans Vins-
traction publique,
DANGOS (Jean-Auguste), astronome et physicien fran-
çais, né à Tarbes (Hautes-Pyrénées) le 13 mai 1744,
mort dans cette ville le 23 sept. 1833. Chevalier de l'ordre
de Malte, il résida longtemps dans l'île de ce nom, d'où il
aurait aperçu le 11 avr. 1784 une nouvelle comète; mais
Encke lui a contesté cette découverte. De retour en France,
il fut nommé en 1796 correspondant de l'académie des
sciences (section d'astronomie). Il a publié divers mémoires
sur l'emploi et les variations du baromètre et sur la réfrac-
tion terrestre. L. S.
DANGU. Com. du dép. de l'Eure, arr. des Andelys,
cant. de Gisors, sur l'Epte ; 476 hab. Stat. des chem. de
fer de l'Eure, ligne de Gisors à Vernon. Usine à bronze, à
cuivre et à zinc ; fabriques de dominos. Ferme et haras du
comte de Lagrange. Château construit en 1567 et qui
appartint au baron de Breteuil, restauré et agrandi de nos
jours; dans le parc, chapelle du xv^ siècle, sépulture de la
famille de Lagrange. Il ne reste aucun vestige de la forte-
resse féodale construite au xi« siècle sur la colline qui
domine la rive gauche de l'Epte et qui joua un grand rôle
dans les guerres du moyen âge, comme défense des fron-
tières de la Normandie. Possédé d'abord, comme tant
d'autres châteaux normands, par la maison de Crespin, il
était la propriété, vers 1400, de Jacques de Bourbon ; celui-
ci abandonna la vieille forteresse et en fit construire une
nouvelle qui, prise par les Anglais en 1411, ne fut recou-
vrée que trente ans plus tard par Charles VIL Le duc de
Mayenne pilla et incendia le château de Dangu en 1590. Il
passa au xvi® siècle à la maison de Ferrières et au
XVII® siècle à la famille de Montmorency.
DANGY. Com. du dép. de la Manche, arr. de Saint-Lô,
cant. de Canisy ; 853 hab.
DANHAUSER (François-Joseph), peintre d'histoire et
de genre, né à Vienne le 18 août 1805, mort le 4 mai 1845.
Son tableau principal le plus connu est Abraham chassant
Agar et Ismaël.
DANHAUSER - DANIEL
852
DANHAUSER, musicien français (V. Dannhauser).
DANI, musicien italien (V. Doni).
DANIC ou DANIK (MétroL). Poids usité chez les Arabes;
vaut 509 milligr.
DANIC AN (Auguste), général français, né en 1763,
mort à Itzehoe (Holstein) en déc. 1848. Entré au service
de bonne heure, il était encore simple soldat en 1789. La
Révolution le tira de Fobscurité. Devenu en peu de temps
colonel de hussards et général de brigade, il prit part à la
guerre de Vendée et, notamment, défendit Angers contre
les bandes royalistes en 1793. Traité en suspect et quelque
temps écarté de l'armée, il fut défendu par Dubois-Crancé,
qui se porta garant de son républicanisme. Aussi fut-il en
1795 chargé d'un nouveau commandement à Rouen. Au
fond, il était royahste et ne tarda pas à le prouver. Se
trouvant à Paris à l'époque du 13 vendémiaire, il se mit
à la tête des sections insurgées contre la Convention. Après
l'échec de sa ridicule échauffourée, il prit la fuite, fut
condamné à mort par contumace, alla trouver à Blanken-
bourg le prétendant, au nom duquel il revint comme agent
secret à Paris en 1797, répandit des brochures antirépu-
blicaines, se retira de nouveau après le 18 fructidor, fut
soupçonné de complicité dans le meurtre des plénipoten-
tiaires français à Rastatt, commanda un corps d'émigrés
français en Suisse pendant la campagne de 1799, fit, deux
ans après, de vains efforts pour soulever le midi de la
France et finit par se mettre sans réserve à la solde de
l'Angleterre, dont il seconda sans doute de son mieux
toutes les intrigues contre le Consulat et l'Empire. Après
la Restauration, il ne put rien obtenir des Bourbons. Il
retourna donc à Londres et vécut, dès lors, errant et
oublié, de la pension que lui faisait le gouvernement bri-
tannique. A. Debidour.
DANICAN-PmLiooR (V. PmuooR).
DANICHMEND et Danichmeîidides. Dynastie d'émirs
turcs qui ont régné en Cappadoce au xu® siècle à Mélitène,
Césarée et Sébaste. Ils sont contemporains des princes
francs des croisades, et des Comnène de Constantinople.
Quelques-uns de ces princes ont frappé des monnaies avec
légendes en grec et en arabe; ils ne sont connus que
depuis quelques années. Leur nom vient du fondateur
Danichmend^ simple maître d'école turcoman, élevé à la
dignité d'émir par le sultan Alp-Arslan en ^1063. Ses
successeurs sont : Mohammed Gumichtikin vers 1095, Me-
lik Ghazi (1106),Melik Mohammed (1135), Dolath (1143),
A. Tête de l'émir El Alem. En prrec : Indictiônos deuterlc
« deuxième indiction »; R. Légende grecque : o megas
Arriéras Doul Karnaïn « le grand émir Dhoul Karnaïn ».
Dans le champ, en arabe : El Alein Dhonl-Karnaïn aïn
eddaula. (Cabm. de France.)
Yaghi Arslan (1151), Dhoun-noun, El Alem Dhoul Karnaïn
fils de Dolath (1451-1170), Bahramchâh?On donne aussi
le nom de Danichmend/jefi à une petite dynastie mongole
qui a régné à Bokhara après les Djagataïdes vers 1350.
Le nom de Danichniend est également porté par plusieurs
personnages célèbres d'origine turque ou mongole ; on
peut citer l'émir mongol Danichmend Behader, général
d'Oeldjaïtou qui fut tué à Hérat en 1306. E. Drouin.
DANICIC (V. DANiTcmTCH).
DANIEL. Le livre de ce nom, ajppartenant à la troisième
section du canon de la Bible hébraïque, c-à-d. à la caté-
gorie des Kethoubim ou Hagiographes, rapporte une série
d'aventures dont un jeune Israélite, Daniel, est le héros :
ces scènes sont placées à l'époque de la déportation à Ba-
bylone, vi^ siècle avant notre ère. Nous en donnerons
l'indication succincte, mais exacte. — I. Nabuchodonosor,
vainqueur de Jérusalem, attache à sa personne quelques
jeunes Israélites que distinguent leur naissance et leur
bonne mine, à savoir Daniel et trois autres ; ces jeunes
gens, bien que, par scrupule religieux, ils refusent le vin
et la viande du roi et acceptent seulement des légumes, se
portent admirablement et font des progrès extraordinaires
dans les sciences, de façon à surpasser tous les sages de
la Chaldée. — IL Le roi somme ses astrologues de lui
donner l'explication d'un songe qui l'a troublé, mais dont
il a oublié le contenu. Ils en sont incapables; mais
Daniel, grâce au secours divin, raconte le songe et pro-
cède ensuite à son interprétation. Il s'agissait d'une statue
gigantesque, à la tête d'or, à la poitrine d'argent, au ventre
d'airain, aux jambes de fer, aux pieds partie de fer, partie
d'argile, qu'une pierre frappe aux pieds, c.-à-d. dans la
partie la plus fragile, et renverse ; la pierre, à son tour,
devient une grande montagne, qui remplit la terre. Cette
statue symbolise la succession de plusieurs empires à
partir du temps présent, et l'avènement d'un royaume
indestructible qui prendra leur place. -— III. Les trois
compagnons de Daniel sont jetés dans une fournaise pour
s'être refusés, par scrupule religieux, à adorer la statue
de Nabuchodonosor, mais ils traversent les flammes sans
en être touchés et l'épreuve tourne à la gloire du Dieu
d'Israël. — IV. Nabuchodonosor expose à tous les peuples
de son empire qu'à la suite d'un songe dont Daniel lui a
expliqué le sens, il a été momentanénient privé de raison
en punition de son orgueil; en conséquence, il s'humihe
devant le Dieu d'Israël, le « roi des cieux ». — V. Pendant
un grand festin que donne le roi Balthasar et où il pro-
fane les vases du temple de Jérusalem, une main trace sur
la muraille des caractères mystérieux ; Daniel les expHque
dans le sens d'une prochaine catastrophe. En effet, dans
cette même nuit, Darius s'empare de Babylone. — VI.
Daniel, ayant contrevenu à un édit du roi Darius, inter-
disant d'adresser pendant trente jours des prières à un
autre que lui-même, et continué ses exercices religieux
accoutumés, est jeté dans la fosse aux lions, d'où il sort
sain et sauf, ce qui amène la glorification publique du Dieu
d'Israël. — VIL Aux scènes ou épisodes précédemment
décrits succèdent des visions communiquées à Daniel. La
première, rapportée aux temps de Balthasar, a trait à
différents animaux féroces, symbolisant la succession de
différents empires ; le dernier d'entre eux se livre à des
violences inouïes contre les saints, c.-à-d. les Juifs, mais
Dieu intervient pour le châtier d'une façon terrible et éta-
blir à jamais le royaume glorieux des descendants de Jacob,
qui commanderont à tous les peuples. — VIII. Sous le
même règne de Balthasar, Daniel a une nouvelle vision, où
il est insisté sur la lutte entre un bélier (la Perse) et un
bouc (Alexandre), qui foule aux pieds le premier et fonde
un grand empire destiné à se briser bientôt en quatre
royaumes. Dans l'un d'entre eux on signale un roi, qui se
livre à d'abominables attentats contre le Temple de Jéru-
salem. Ce criminel ne restera pas impuni.— IX. Au temps
de Darius, Daniel médite sur la prophétie de Jérémie annon-
çant la restauration de Jérusalem au bout de soixante-dix
ans. L'ange Gabriel vient lui expliquer que ce chiffre dé-
signe non des années, mais des semaines ou septaines
d'années et lui expose les éléments d'un calcul, dont le
terme marquera la fin des épreuves imposées aux Juifs.
— X. Au temps de Cyrus, Daniel reçoit de nouvelles révé-
lations sur l'avenir glorieux qui succédera à d'aussi cruelles
souffrances. De longues indications sont données sur les
luttes entre les Ptolémées d'Egypte et les Séleucides de
Syrie ; le roi profanateur (Antiochus Epiphane) dont on a
déjà relaté les fureurs et les violences, succombera dans
un délai qui suivra de près le moment où il aura mis fin
aux cérémonies légales du culte à Jérusalem.
Cette brève analyse suffit à faire comprendre l'esprit du
livre. Le trait commun aux six récits, c'est la glorification
853 —
DANIEL
du Dieu d'Israël, qui arrache ses serviteurs aux plus
effroyables dangers et obtient l'hommage des monarques
païens par les preuves éclatantes de sa toute-puissance.
Les quatre visions qui remplissent le reste du livre roulent
sur la succession des empires à partir de Nabuchodonosor,
en insistant sur la fondation de l'empire d'Alexandre, sur
les faits relatifs au royaume des Séleucides et sur l'effroyable
persécution religieuse qu'un roi de cette dynastie dirigera
contre les Juifs et leur religion. Ce roi est visiblement
Antiochus Epiphane, dont le châtiment ou le « jugement »,
opéré par l'intervention surnaturelle de la divinité, mar-
quera l'inauguration de l'ère messianique. Avant cette
époque de glorieuse délivrance, se seront succédé quatre
empires, le chaldéen, le mède, le perse, le grec : c'est trois
ans et demi après la profanation infligée au temple par
Antiochus que la divinité se vengera d'une façon éclatante
en donnant aux Juifs l'empire de la terre. — Il résulte de
ces simples considérations que le livre de Daniel est un
pseudépigraphe ; que son auteur, qui vivait réellement à
l'époque d' Antiochus Epiphane (170 avant notre ère) a,
par une fiction ingénieuse, mis ses espérances sous le cou-
vert d'un personnage illustre du passé. Daniel passait, en
effet, pour un sage et un homme d'une piété extraordinaire
{Ezéchiel, xiv, 14). S'il subsiste encore quelques difficultés
d'interprétation dans le détail, notamment en ce qui con-
cerne le calcul des soixante-dix semaines, l'ensemble est
parfaitement clair et, sauf des opinions isolées, lesexégètes
s'accordent à placer la composition de ce livre entre 170
et 160 avant notre ère. La circonstance qu'il est écrit,
partie en hébreu, partie en chaldéen, est encore un indice
qu'il appartient aux derniers siècles qui précèdent le chris-
tianisme. C'est à tort que M. Ernest Havet conteste cette
date et prétend ramener le livre de Daniel aux temps
mêmes d'Hérodele Grand. La traduction des Septante, sur
laquelle s'est guidée la Vulgate, présente le même texte
avec d'importantes additions, qui consistent dans les prières
et chants d'Azarias et de ses compagnons dans la fournaise,
l'histoire de Suzanne et des deux vieillards, le récit de Bel
et du dragon. — Le livre de Daniel est resté le modèle
du genre apocalyptique et pseudépigraphe (V. Apocalypses
JUIVES et Apocryphes, Deutérocanoniques et Pseudépigra-
PHES de l'Ancien Testament [Livres]). Maurice Vernes.
BiBL. : En dehors des Introductions à V Ancien Testa-
ment ou Manuels des livres bibliques^ nous citerons ;
Gaussen, Daniel le prophète^ 1850, et Kranichfeld, Das
Buch Daniel erklsert^ 1868, ouvrages écrits du point de
vue traditionnel. — Dans un sens critique et historique,
Reuss, le Livre de Daniel {Littérature politique et polé-
mique des Juifs), 1879. — Ernest Havet, le Christianisme
et ses origines^ III, pp. 304 et suiv. — Maurice Vernes,
Daniel, dans Encyclopédie des sciences religieuses, 1878.
— Du môme, Histoire des idées messianiques, p\). 23 et
suiv., 1874. — Hartwig Derenbourg, les Mots grecs dans
le livre biblique de Daniel, dans les Mélanges Graux;
Paris, 1884 ; traduit en anglais dans les Hebraica ; New
Haven Conn., 1887.
DANIEL (Saint), surnommé le Stylite, né à Maratha,
près de Samosate, vers 410, mort en 490 près de Cons-
tantinople. Fête chez les Grecs, le 44 déc. Il fut le premier
imitateur de Simon le Styliie (V. ce nom), se fit con-
struire une colonne à quelques kilomètres au N. de Constan-
tinople et passa les trente-trois dernières années de sa vie
sur cette colonne. Il n'en descendit qu'une fois, en 476, pour
entrer à Constantinople afin de défendre devant l'usurpateur
Basilisque la foi de Chalcédoine contre le monophysisme.
DANIEL, architecte italien du commencement du
vi*' siècle, mentionné avec Aloïsius (V. ce nom) dans les
lettres de Cassiodore ( Fana, Rouen, 4679, in-fol. ),
comme l'un des architectes du roi goth Théodoric le Grand.
C'est surtout à Ravenne que ce roi employa Daniel dont
Cassiodore vante le talent à comhiner et à unir les diffé-
rents morceaux de marbre antique, lesquels avaient été
rassemblés de toutes parts pour former des revêtements
intérieurs dans les nombreux édifices que Théodoric fit
élever à Ravenne. Ch. L,
DANIEL, évèque de Winchester, mort en 745. Il passe
pour avoir été l'un des plus savants prélats de l'Eglise
anglaise au viii® siècle. Il établit le christianisme dans l'île
de Wight et assista Bède dans la composition de son His-
toire ecclésiastique. Mais il est surtout connu par ses rap-
ports avec Boni face (V. ce nom) ; une partie de sa corres-
pondance avec ce missionnaire est conservée (Jaffé, Moymm.
Moguntina, 4866). Daniel visita Rome en 721 et se
démit de ses fonctions épiscopales en 744.
DANIEL, dit le Pèlerin^ écrivain et prélat russe du
xii^ siècle. On ignore la date de sa naissance, mais on sait
qu'il mourut en 1422. Il fut hégoumène (abbé) d'on ne
sait quel monastère et probablement évêque de louriev. Il
alla en pèlerinage à Jérusalem au temps où le prince Bau-
doin régnait en Palestine. Il passa seize mois dans la ville
sainte, visita toute la Palestine, la Syrie et revint dans son
pays par Constantinople. Il écrivit le récit de son voyage
sous ce titre : le Pèlerin (palomnik) où Voyage de Daniel
hégoumène de la terre russe. Ce livre eut un grand succès
au moyen âge et fut souvent transcrit. Il a été publié dans
notre siècle par Sakharov dans les Skazania russkago
Naroda et par la commission archéographique de Saint-
Pétersbourg (4884). Il a été traduit en français par
M. Abraham de Norov (Saint-Pétersbourg, 4864). Il a été
réimprimé dans le recueil de la Société russe de Palestine,
et traduit de nouveau dans les Itinéraires russes en Orient
(Genève, 4889). L. L.
BiBL. : L. Léger, Russes et Slaves {les Débuts de la Ut"
térature russe)\ Paris, 1890.
DANIEL, prélat et homme d'Etat tchèque du xii® siècle.
Il avait fait ses études à Paris et devint évêque de Prague
en 4448. Il prit une part importante aux négociations qui
assurèrent au prince Vladislas la couronne royale. Il l'ac-
compagna dans l'expédition contre Milan et fut employé
par l'empereur à diverses missions diplomatiques. Il fut
emporté par la peste en 4467. L. L.
DANIEL (Arnaud), célèbre troubadour, né à Ribérac
(Dordogne) au milieu du xn^ siècle, mort au commence-
ment du xiii^ siècle. Il appartenait à une famille noble qui
lui fit donner une bonne éducation ; mais l'amour de la
poésie et aussi sans doute de la vie d'aventure, lui fit pré-
férer la carrière accidentée des jongleurs à l'existence des
jeunes seigneurs. Il fréquenta, en qualité de jongleur, la
cour de Richard Cœur de Lion, où il connut Bertrand de
Born et où il attira l'attention du maître par la désinvol-
ture de grand seigneur avec laquelle il s'appropria une
chanson composée par un confrère moins bien apparenté ;
cette anecdote montre que déjà on devait le considérer non
seulement comme jongleur, mais comme troubadour. On
sait d'ailleurs fort peu de chose sur sa biographie ; sa pré-
sence au couronnement de Philippe-Auguste est attestée
par une de ses poésies ; on peut supposer qu'il a franchi
les Pyrénées, puisqu'il a été amoureux d'une Aragonaise
du nom de Laure qu'il célèbre dans ses chansons ; il est
beaucoup plus douteux c[u'il ait visité l'Italie. — On pos-
sède d'Arnaud Daniel dix-huit poésies lyriques, dont dix-
sept sont des chansons d'amour. Déjà, de son temps, le
moine-troubadour de Montaudon lui reprochait de composer
des vers incompréhensibles. Il est certain que son goût
pour les rimes rares et pour les formes strophiques les
plus compliquées trouble singulièrement chez lui la clarté
de la langue et la propriété de l'expression ; son style est
des plus raflînés et ne peut plaire qu'à quelques dilettanti.
Dante fut de ce petit nombre et il place Arnaud Daniel
bien au-dessus de Giraud de Borneil, que la critique litté-
raire de son temps considérait comme le maître des trou-
badours. Ses œuvres ont été publiées, conformément à
toutes les exigences de la critique philologique la plus
sévère, par Canello, en 4883 : la Vita e le ofere del tro-
vatore Arnaldo Daniello (Halle, Niemeyer). L'édition
Canello est accompagnée non seulement d'une longue intro-
duction historique et littéraire et de variantes, mais d'une
traduction itahenne qui témoigne d'un effort vigoureux pour
éclaircir les obscurités du troubadour de Ribérac. Ant. T.
DANIEL — 854
DANIEL, prélat et écrivain serbe du moyen âge. Il
vivait à la fin du xiii® et au commencement du xiv^ siècle
sous les règnes d'Etienne Ouroch, Etienne Dragoutin, Milan
et Etienne Detchanski. Il a raconté Thistoire de ces princes
et de quelques-uns de leurs prédécesseurs dans un ouvrage
intitulé Rocloslov (généalogie) dont l'original est aujour-
d'hui au monastère de Khilandar au mont Athos. Il avait
été hégoumcne de ce monastère. Il fut chargé de diverses
missions diplomatiques et devint archevêque vers 1338.
Il est aussi connu sous le nom de Tsarostavnik. Son
Rodoslov a été continué par quelques-uns de ses disciples.
 défaut d'autres sources, c'est un document important.
Raïtch s'en était beaucoup servi. Il a été publié par Danit-
chitch (Vie des rois serbes; Zagreb, 1866).
BiBL. : Glasnik de Belgrade, t. VI.
DANIEL (Pierre), jurisconsulte et philologue français,
né à Orléans en 1530, mort à Paris en 1603. Il était ori-
ginaire d'une famille de robe orléanaise. Son père, François
Daniel, avait été le compagnon de Calvin à l'université
d'Orléans. Il resta par la suite l'un des plus fidèles amis
du réformateur. C'est un de ses frères, et non lui-
même, qui, à l'âge de dix-neuf ans, s'enfuit de la maison
paternelle pour aller retrouver, à Genève, l'ami de son
père. Ce coup de tête aurait brouillé ce jeune homme avec
sa famille, si Calvin n'était intervenu, écrivant à François
Daniel une série de lettres pleines de bonté et d'expansion.
Rien de touchant comme cette correspondance où le grave
réformateur montre une indulgence et une souriante bon-
homie qui ne lui sont pas habituelles. Il dirigea quelque
temps les études du jeune fugitif, qu'il hébergea durant
tout son séjour. Pierre alla-t-il également à Genève? C'est
ce qu'il est difficile de déterminer ; en tout cas, il se fixa
à Orléans et ne tarda pas à se distinguer comme avocat.
Il sembla par la suite s'éloigner plutôt des croyances calvi-
nistes; ce qui est certain, c'est qu'il ne les professa jamais
ouvertement. Le cardinal Odet de Châtillon le choisit comme
bailli de l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, fonctions que
Pierre exerça de longues années. En 1562, lorsque le car-
dinal fit fondre la plupart des objets d'art de cette commu-
nauté pour en faire de la monnaie destinée au prince de
Condé, et que les soldats calvinistes dévastèrent le couvent,
Daniel s'occupa de sauver ou de racheter le plus grand nom-
bre des volumes de^ la bibhothèque de l'abbaye, laquelle
contenait de précieux manuscrits. Tout ce qu'il put sauver
du pillage fut transporté à Orléans. Là, Daniel en tira
parti. C'est ainsi qu'il fut amené â publier, en 1564, l'it/-
lularia de Plaute, restée jusqu'alors inédite. Il accompagna
cette édition de notes et de commentaires savants. Succes-
sivement il publia, toujours d'après la même source, les
Commentaires de Servius sur Virgile^ en 1600, les
Epîtres de Loup, abbé de Ferrières, déjà éditées par Pa-
pire Masson, et le Justin, revu par Bongars sur d'autres
manuscrits. Les notes qu'il laissa sur le Satyricon de
Pétrone se trouvent dans l'édition donnée en 1629 de cet
auteur par Lotichius. Après sa mort, sa bibliothèque fut
dispersée.
BiBL.: Hagen (de Berne), Etude historique et littéraire
SUT Pierre Daniel d'Orléans^ traduite de Tallemand par
Paul de Félice, pasteur; Orléans, 1876. — Jarry, Une
Correspondance littéraire au xvp siècle. Pierre Daniel et
les êrudits de son temps^ d'après les documents inédits
de la bibliothèque de Berne ; Orléans, 1876, in-8. — Cor-
respondance de Calvin^ édition du Corpus reformatorum^
noB 3089,1 3138, 3163, 3206, 8368, 3465. - Abel Lefrano, la
Jeunesse de Calvin; Paris, 1888, in-8. — Bulletin de la
Société de l'histoire du protestantisme français^ 26» année,
pp. 174 et passim. — Moreri, Dictionnaire historique
(art. Daniel). — Ch. Lapierre, les Hommes illustres â,e
, l'OrléanaiS:, II, p. 76. — Baillet, Jugements des savants
sur les principaux ouvrages des auteurs, II, 333.
DANIEL (Samuel), poète et historien anglais, né à Taun-
ton (Somersetshire) en lo62, mort à Beckington le 14 oct.
1619. Fils d'nn maître de musique, il fit ses études à
Oxford, en sortit sans prendre ses grades et après quelques
années de préceptorat dans de hautes familles fut attaché
au service privé de la reine Anne, femme de Jacques P^.
Il écrivit quantité de sonnets, d'épitres, de comédies, de
tragédies et un long poème en huit chants, History of the
civil war between York and Lancaster, remarquable par
la pureté du style, la douceur et la limpidité des vers, mais
manquant de passion et de nerf. De là une diversité d'opi-
nion parmi ses critiques. Ben Johnson le prisait peu, tandis
que Drummond, Spencer, Coleridge, Lamb en font le plus
grand éloge. Ses œuvres, parmi lesquelles deux ouvrages en
prose, Apology for Rhyme et History ofEngland, ont été
réimprimées en 3 vol. (1883-1887). Hector France.
DANIEL (Le P. Gabriel), historien français, né à Rouen
le 8 févr. 1649, mort à Paris le 23 juin 1728. Entré en 1667
dans la congrégation des jésuites, il professa la théologie au
collège de Rouen et devint bibliothécaire de la maison
professe de Paris. Il est surtout connu par son Histoire
de France (Paris, 1713, 3 vol. in-fol.) qui obtint un suc-
cès considérable et lui valut la place d'historiographe du
roi et une pension de 2,000 livres, et par son Histoire de
la milice française (Paris, 1721, 2 vol. iû-4) qui a joui
également d'une grande renommée. Ces deux ouvrages ont
eu plusieurs réimpressions. Du premier nous citerons les
éditions de 1722 (10 vol. in-4), de 1755 (17 vol. in-4) :
celle-ci, publiée avec des notes par le P. Griffet, est la plus
estimée. Le P. Daniel a encore écrit : Abrégé de son his-
toire de France (1724, 2 vol. in-12), des Observations
critiques (1700, in-12) dirigées contre l'Histoire de
Mézeray et qui suscitèrent une polémique très vive, des
Entretiens de Cléandre et d'Eudoxe sur les Lettres pro-
vinciales (Cologne, 1694, in-12); un Recueil d'ouvrages
philosophiques, théo logiques , apologétiques et criti-
ques (1724, 3 vol. in-4) et un grand nombre de disser-
tations dans le Journal de Trévoux (1701-1721) dont
plusieurs ont été réimprimées dans la collection de Leber
(1838), R. S,
DANIEL, métropolitain valaque du xviii^ siècle (1720-
1723). Il a traduit et imprimé de nombreux livres religieux.
OEuvres littéraires et historiques (Bucarest, 1887, II).
DANIEL (William-Barker), publiciste anglais, né vers
1753, mort à Londres à la fin de 1835. Après avoir fait
ses études à Cambridge, il prit les ordres, mais n'exerça
jamais le ministère. Ce fut surtout un sportsman et il n'est
connu que par son ouvrage Rural Sports (1801, 2 vol.
in-4 av. pi.; nouv. éd.,^ 1812, 3 vol. in-8 av. un sup-
plément; 1813, in-4) qui a obtenu un succès considérable
et qui fut longtemps le livre de chevet des sportsmen si
nombreux en Angleterre.
DANIEL (George), écrivain anglais, né le 16 sept. 1789,
mort à Stokenewington le 30 mars 1864. Entré fort jeune
comme employé dans une maison de commerce, il se sentit
de très bonne heure une irrésistible vocation pour la
littérature. Dès l'âge de seize ans il pubhait des stances sur
la victoire et la mort de Nelson (1805). Depuis lors, et
sans quitter le commerce, il écrivit des poésies, des pièces
de théâtre, des pamphlets, avec une fécondité merveilleuse,
trouvant encore le temps de se constituer une collection de
livres rares et précieux qui atteignirent après sa mort des
prix fabuleux. Nous citerons de lui : Miscellaneous Poems
(Londres, 1812) ; Dick-Distich (1812, 3 vol.), roman très
humoristique ; R-y-l Stripes (1812) , satire contre
la liaison du prince régent avec la marquise d'Hertford,
qui fut saisie, et attira naturellement sur l'auteur l'atten-
tion publique. D'où une série de pamphlets de môme nature
et the Modem Dunciad{i%i^ ; 2« éd. 1816), satire contre
les rimailleurs et les mauvais journalistes qui fit grand
bruit; Doctor Dolus, sorte d'opéra-comique, mêlé de
farce, qui fut représenté le 21 juil. 1818 à l'Opéra anglais
avec un succès considérable ; the Disagreeable Surprise,
farce jouée à Drury Lanelel^^ déc. 1819; British Théâtre,
colossale collection éditée par Cumberland d'abord en 39 vol.
(1823-1831) puis en 64 vol. (1838) enrichie de notes
biogi^aphiques et critiques du plus haut intérêt ; Ophelia
Kean (1829), violent pamphlet contre Charles Kean, qui
fut Supprimé; Merrie England in theolden time{iS4'^,
855 —
DANIEL
2 voL); Love's last labour not losf (1863), etc., etc.
Daniel fut très lié avec Charles Lamb (V. ce nom). R. S.
DANIEL (Jacques-Louis), évêque de Goutances, né à
Contrières (Manche) en 4794, mort en d862. Principal
du collège de Goutances, proviseur du lycée de Caen,
recteur de l'académie de Caen, membre du conseil supé-
rieur de l'instr. publique, inspecteur général, ce fut un de ces
prêtres dont la carrière fut presque toute universitaire,
chose alors moins rare et moins paradoxale qu'elle ne l'est
devenue depuis. Il a écrit : Nouvel Abrégé chronologique
de l'histoire universelle (1830-1833), bon précis, sou-
vent réédité, et un Choix de Lectures (1837), composé de
morceaux classiques en prose et en vers, un des premiers
recueils de ce genre, oti l'on se soit proposé expressément
d'offrir aux enfants, dès l'école primaire, de vivantes
leçons de morale et de goût. H. M.
DANIEL (Du Commun du Locle, dit), sculpteur français
(V. Du Commun du Locle).
DANIEL (Hermann-Adalbert), géographe et théologien
allemand, né à Kœthen le 18 nov. 1812, mort à Leipzig
le 13 sept. 1871. Il professa à Halle de 1834 à 1870, et
a publié : 1^ deux grandes collections théologiques : Thé-
saurus Hymnologicus (Halle, 1841-56, 5 vol.) ; Codex
liturgicus ecclesiœ universœ in epitomen redactus
(Leipzig, 1847-56, 5 vol.); 2^ des manuels géograïjhique
célèbres : Lehrbuch de Géographie (Halle, 1845, soixante
fois réédité); Leitfaden filr den Unterricht in der
Géographie (Halle, 1850, réédité cent cinquante fois) ;
une géographie de l'Allemagne (Leipzig, 1878, 2 vol.,
5® éd.) ; Handbuchder Géographie (Francfort, 1859-61,
3 voL ; 5^ éd., 1881, 4 vol.).
DANIEL (Robert-Mackenzie), romancier anglais, né dans
le comté d'Inverness en 1814, mort à Londres le 21 mars
1847. Après avoir termine ses études à l'université
d'Edimbourg et songé quelque temps à faire sa carrière
dans le droit, il vint à Londres en 1836 et s'y occupa exclu-
sivement de littérature. Il devint fou en 1846 et mourut
à l'hôpital de Bethléem. Il a collaboré à un grand nombre
de journaux et de revues, et a dirigé le Court Journal et
le Jersey Herald. Il a publié divers romans : the Scottish
Heiress (1843); the Gravedigger (iS4iS) ; the Young
Widoîv (1844) ; the Young Baronet (1845). Ces deux
derniers ont été le plus prisés et ont acquis à son auteur
une certaine réputation. Sa femme, qui a écrit elle-même
plusieurs nouvelles, a publié un roman posthume de son
mari, the Cardinal's Daughter (Londres, 1847, 3 vol.).
DANIEL (Salvador), musicien d'origine espagnole, né
vers 1830, mort en 1871. Fils de Do7i Salvador Daniel,
officier carliste réfugié à Bourges, qui a publié une Gram-
maire philharmonique ou Cours complet de musique
(1836), Alphabet musical (1839), et Cours de plain-
chant dédié aux élèves-maîtres des écoles normales
primaires (1845). Salvador Daniel, lui, s'occupa surtout
de la chanson populaire, sur laquelle il avait des idées fort
ingénieuses et justes à bien des égards. Il a étudié aussi la
musique arabe. Ses ouvrages sont les suivants : la Musique
arabe ^ ses rapports avec la musique grecque et le
chant grégorien (Alger, 1863, in-8); Album de chansons
arabes^ mauresques et kabyles^ transcrites pour chant et
piano; A propos de chansons (1867), ou Lettres à
ïf^^ Thérésa, de VAlcazar. Des trois parties de ce
curieux travail, la première {le Personnage régnant)
était consacrée à la chanson guerrière; la seconde {la
Complainte de l'Ogre) à la chanson religieuse ; la troi-
sième {la Fête de la Saint-Jean), qui traitait des chan-
sons d'amour et de travail), n'a pas été publiée. En 1870,
Salvador prit part à l'insurrection du 31 oct. et y fut blessé;
pendant le second siège, il obtint d'être nommé directeur
du Conservatoire par le gouvernement de la Commune, en
remplacement d'Auber qui venait de mourir. Lors de l'en-
trée des troupes, il prit les armes et défendit, le 23 mai,
une barricade établie près de l'hôtel garni qu'il habitait,
43, rue Jacob, en tirant des fenêtres même de sa chambre.
Pris les armes à la main, il fut fusillé au pied de la bar-
ricade. On trouvera de nombreux détails sur le rôle de
Salvador au Conservatoire dans les Tablettes artistiques
de iBlO-iSH, publiées par M. Arthur Pougin dans le
Ménestrel-, les passages les plus importants en ont été
d'ailleurs reproduits par l'auteur au t. I du Supplé-
ment à la biographie universelle des musiciens de
Fôtis. Alfred Ernst.
DANIEL DE Beswick (George), poète anglais, né à Bes-
wickle29 mars 1616, mort à Beswick en sept. 1657. On
possède fort peu de détails sur lui; il vécut très retiré dans
son château du Yorkshire, au milieu de ses livres. Il est
l'auteur d'assez jolies poésies : Occasional Poems, Seat-
tered Fancies, Chronicles, EcloguesAl a composé aussi des
idylles et une paraphrase de rjEccMa5^<9. Ses œuvres, dont
le Musée britannique possède de splendides manuscrits enri-
chis de miniatures, ont été lumineusement éditées par le
D'^ Gossart: The Poems of George Daniel of Beswick
(1878, 4 vol. in-4). Un choix de chansons, de sonnets et
de vers fantaisistes de Daniel figure dans la collection
intitulée the Drolleries of the Restoration (1876, t. III).
DANIEL DE FoLLEviLLE (Louis-Audré) , jurisconsulte
français, né à Folleville (Seine-Inférieure) le4 janv. 1842.
Agrégé en avr. 1865, il fut attaché le 4 6 juin de la même
année à la faculté de droit de Gaén, puis le 24 sept, chargé
du cours du code Napoléon à la faculté de droit de Douai
et depuis 4887 professeur de droit civil à la faculté de
droit de Douai. Doyen de la faculté de Lille de 4879 à
4887, il fit entendre de telles protestations contre le
transfert à Douai du siège de l'Académie qu'il fut révoqué
en avr. 4887 parle ministre de l'instruction publique. 11
se présenta aux élections sénatoriales de juin 4887 avec
un programme de protestation et échoua. Il a publié :
Etudes sur les associations commerciales en partici-^
pation (Caen, 4865, in-8) ; Considérations générales sur
l'acquisition ou la libération par l'effet du temps
(Pans, 4869, in-8); Essai sur la possession des meubles
(4869, in.8) ; De l'Interdiction (4870, in-8) ; Pro-
gramme sommaire du cours de code civil (4874,
in-8) ; Des Clauses de remploi et de la société d' acquêts
sous le régime dotal (4875, in-8); un Mot sur le pro-
cès de M^^ la princesse de Bauff remont (4876, in-8) ;
De la Promulgation et de l'application des lois et des
décrets (4876, in-S) ; Traité théorique et pratique de
la naturalisation (4880, in-8) ; Recueil des règlements
des facultés de droit (4884-4884, in-8); Traité du
contrat pécuniaire de mariage (4882, in-8), etc., etc.,
et de nombreux articles dans la Revue pratique de droit
français, dans la France judiciaire et autres recueils
analogues français ou étrangers.
DANIEL DE Trévise, de l'ordre des frères mineurs,
archevêque de Bostra en Arabie, vivait dans la première
moitié du xiv® siècle. Vers 4338, le roi Léon d'Arménie
l'envoya à Rome auprès du pape Benoît XII, pour défendre
l'Eglise arménienne des erreurs dont les catholiques l'ac-
cusaient. Ce fut probablement à cette époque qu'il écrivit
son ouvrage intitulé Responsio fratris Danielis de Tar-
visio, ord. Minorum et legati Leonis régis Armenorum^
ad errores Armenis impositos, tempore Benedicti XII,
dont le texte se trouve dans un manuscrit de la Biblio-
thèque nationale de Paris (Col. 4653). Revenu en Arménie,
l'an 4344, il fut envoyé de nouveau en aml)assade vers le
pape Clément V, car Gui de Lusignan, successeur de Léon
au trône d'Arménie. Une lettre du paçe au roi Gui montre
que, dès 4345, Daniel reprit le chemin de l'Orient. Il fut
nommé en 4346 à l'archevêché de Bostra, qui dépendait
du patriarcat d'Antioche, avec mission de travailler à
l'union des Eglises grecque et romaine. On ignore l'année
exacte de sa mort. C. Kohler.
DANIEL de Yolterra (V. Ricciarellij.
DANIEL LE Moine (André [le Pannonien]), moine va-
laque du XVII® siècle. Il traduisit avec les Grecs Ignace
Pàtridôs, Pantéléiman Ligaridès et Païvie Ligaridès le Code
DANIEL — DANIELS
856 —
politico-religievx (Pravila) de Mateï Bassarab (le grand
code), sous le titre de Amélioration de la loi (Tirgo-
vishte, 4652). Ce docuirient a été réimprimé par M. Bu-
joreanu (Collection de législations roumaines ^L III).
DANIEL LE Prisonnier, écnyain russe du xii® ou du
xiii^ siècle. On connaît peu sa vie et l'on n*est même pas
d'accord sur l'époque où il a vécu. Tout ce qu'on sait de
certain, c'est que, étant tombé en disgrâce auprès de son
prince, il lui adressa une opitre mtiiuUa Epître de Daniel
le Prisonnier qui constitue un des monuments les plus
curieux de la littérature russe du moyen âge. Elle figure
dans la plupart des chrestomathies, notamment dans celle
de BouslacY. L. L.
BiBL. : Voir les histoires de la littérature russe, et
L. Léger, Russes et Slaves; Paris, 1890.
DANIEL RoMÂNOviTCH, roi de Galicie, né au commen-
cement du xiii*' siècle, mort en 1264. Il reçut d'abord en
apanage Vladimir de Volynie, se distingua par sa bravoure
à la bataille de la Kalka ; en 4229, il se fit reconnaître roi
de Galicie. Son règne fut troublé par une invasion des
Tartares, des Hongrois ou des Polonais et les révoltes des
boïars. En 4250, Daniel dut aller rendre hommage à la
Horde. Pour s'assurer des alliances en Occident, il négocia,
par l'intermédiaire de Plan Carpin, avec le pape Innocent
lïl et se déclara prêt à reconnaître l'union avec l'Eglise de
Rome. Le pape lui envoya iine couronne royale avec laquelle
il se fit couronner roi de Russie (4253) par le légat Opi-
zoni. Cette alliance pontificale n'eut pas les résultats que
Daniel en attendait. Il rompit avec la cour de Rome et maria
son fils Schvarn à la fille du prince litliuanien Mendog.
DANIELE (Francesco), historien et antiquaire italien,
né à San Clémente près de Caserte le 14 avr. 4740, mort
le 43 nov. 4842. Nommé historiographe royal après ses
travaux sur le Codice Federiciano (non édités), puis
secrétaire de VAccademia Ercolanense (ou d'Hercula-
num), il rendit de grands services lors de la publication
des premières découvertes faites à Herculanum et à Pom-
péi. Disgracié, en 4799, au retour des Bourbons, il fut
réintégré dans ses emplois et pensions par Murât, mais il
ne survécut que peu d'années, succombant au mal que les
habitants de la Campanie nomment salsedine et qu'Horace
appelait morbus campanus. Voici ses principaux ou-
vrages : le Forche Caudine illustrate (Caserte, 4778,
in--lbl.) ; i Regali Sepolcri del duomo di Palermo rico-
nosciuti ed illustrati (Naples, 4784, in-fol.) ; Monete
antiche di Capua (Naples, 4802, in-4) ; une nouvelle
édition très augmentée de la Cronologia délia famiglia
Carracciolo di Francesco c?^'Pz>^n (Naples, 4805, in-4) ;
la publication avec de savantes notes des ouvrages sui-
vants : Antonii Thylesii Consentini Opéra (Napks, 4762,
in-8) ; Ejusdem Carmina et Epistolœ (Naples, 4808,
in-8) ; Opuscoli di Marco Mondo (Naples, 4763, in-8);
Joannis-Baptistœ Vici (Vico) latinœ orationes (Naples,
4766), etc. R. G.
BiBL. : Giuseppe Castaldi, Vita. di Francesco Daniele;
Naples, 1813, in-8.
DANIELL (Thomas), paysagiste anglais, né àKingston-
on-Thames en 4 749 , mort à Londres le 4 9 mars 4 840 . Après
avoir fait ses débuts chez un peintre d'armoiries, il entra
en 4773 dans les ateliers de l'Académie royale pour s'y
consacrer au paysage et à la peinture de fleurs. Dix années
après, il entreprit un voyage dans les Indes. De retour en
Angleterre, il s'occupa "de publier avec son jeune neveu
William Daniell, qui avait été son compagnon de route,
VOrient Scenery (6 vol. in-foL, contenant cent quarante-
quatre planches, 4795-4807). Il est en outre l'auteur de
the Antiquities of îndia (4799-4808) et Hindoo Exca-
vations at Ellora (vingt-quatre planches).
DANIELL (William), paysagiste et graveur anglais, né
en 4769, mort à New Camden Town le 46 août 4837. A
l'âge de quatorze ans, il accompagna aux Indes son oncle
Thomas Daniell (V. ci-dessus). Il grava la plus grande partie
des Orient Scenery et se chargea d'un travail analogue
pour les dessins que son frère Samuel avait rapportés de
l'Afrique du Sud et de Ceylan. De 4844 à 4825, il publia,
d'après ses propres esquisses, un voyage à travers la
Grande-Bretagne. En 4826, il peignit la Bataille de Tra-
falgar^ couronnée par l'Institut britannique. Il faut encore
citer une Zoographie ^ des Vues de Londres^ un Pano-
rama de la ville de Lucknoiv et un Panorama de Ma-
dras^ en collaboration avec E.-T. Parris. Une de ses
meilleures toiles est la Vue du Long Walk à Windsor,
En 4822, il fut nommé membre de l'Académie royale.
DANIELL (Samuel), paysagiste anglais, frère du précé-
dent, né à Londres en 4775, mort à Ceylan en 4844.
Elève de Medland, il se consacra surtout à la représentation
des paysages et des types de l'Afrique et de l'Asie. Ses
compositions ont été gravées en partie par lui-même, en
partie par son frère William.
DANIELL (John-Frédéric), physicien anglais, né à Lon-
dres le 42 mars 4790, mort à Londres le 43 mars 4845.
De bonne heure il montra du goût pour les sciences ;
placé dans une raffinerie de sucre, il y apporta d'impor-
tants perfectionnements, mais prenant peu de goût à
l'industrie, il la quitta bientôt. Il fut nommé membre de
la Société royale de Londres à vingt-trois ans, et commença
presque aussitôt ses nombreuses publications sur la météo-
rologie. L'hygromètre qui porte son nom est le premier
appareil de ce genre donnant des résultats précis : le prin-
cipe sur lequel il repose était très ingénieusement mis à
profit. La Société d'horticulture lui accorda en 1824 une
médaille pour ses travaux sur les serres. En 4830, Daniell
construisit un baromètre à eau pour la Société royale de
Londres et un nouveau pyromètre qui lui valut la mé-
daille de Rumford donnée par cette société. Daniell pro-
fessa la chimie à Londres en 4831, au King's Collège et
s'attacha particulièrement à étudier les actions électriques.
La pile qui a gardé son nom, inventée à cette époque, lui
valut la médaille de Copley en 4836, donnée par la Société
royale. Il fit partie de diverses commissions, de celle,
entre autres, chargée de préserver les navires de la foudre ;
il montra les causes de l'altération des navires stationnant
en Afrique. Ses principaux ouvrages sont : Meteorological
Essays (4823) et Introduction to chemical Phîlosophy
(4839) ; ses recherches sont publiées dans le Quarterly
Journal of Science'^ la liste complète de ses travaux
dont nous avons rappelé les principaux se trouvent dans le
Catalogue of Scicntific Papers of the Royal Society .
DAN 1 ELLA {Daniella Benn.) (Bot.). Genre de Légu-
mineuses Csesalpiniées , du groupe des Amherstiées.
L'unique espèce, 2). thurifera Benn., est un arbre des
régions occidentales de l'Afrique tropicale, qui fournit une
résine appelée Bumbo ou Bungbo., analogue à la Résine
animée. Ses feuilles sont paripinnées ; ses fleurs, presque
régulières, sont disposées en grappes ramifiées terminales ;
son fruit est une gousse stipitée, ovale ou oblongue, dont
la graine est dépourvue d'albumen, Ed. Lef.
DANIELLO (Bernardino),littérateur italien, mort à Pa-
doue en 4565. Sa Poetica (Venise, 4536) eut quelque
autorité, moins cependant que celles de Vida ou de Sca-
liger. Il a donné, en outre, des éditions de Pétrarque
(Venise, 4544 et 4549); de Dante (Venise, 4568). Dans
ces deux publications, il eut pour collaborateur Trifon Ga-
briello. R. G.
BiBL. : Colle, Storia scientifiCci-letteraYia dello studio
in Padua ; Padoue, 1824-25, in 4.
D A N I E LS (Alexander- Joseph- Aloys-Reinhardt von) , ju-
risconsulte allemand, né à Dusseldorf le 9 oct. 4800, mort à
Berlin le 4 mars 1868. Il fit sa carrière dans la magis-
trature, à Rerlin, à partir de 4843; en 4844, il devint, à
l'université de cette ville, professeur d'histoire du droit ;
à la Chambre des députés (4848), puis à la Chambre haute
(1849) il soutint la politique ofiîcielle et cléricale. Ses prin-
cipales publications sont : Handbuch der fremdherrli-
chen Gesetze mid Verordnungen fur die Rheinpro-
vinzen (Cologne, 4833-43, 8 vol.); Gesch.und System
des franzœsischen imd rheinischen Civilprozessrechts
857 -
DANIELS — DANIEN
(Berlin, i849) ; Grundsœtxe des rheinischen und fran-
zœsischen Strafverfahrens (Berlin, 1849), ouvrages inté-
ressants pour l'étude et la critique du droit français ] Lehr-
buch des gemeiner preussischen Privatsrechts (Berlin,
1851-52, 4 vol., rééd. en 1862) ; System des preussischen
Civilrechts (Berlin, 1866, 2 vol.); de plus, un grand
ouvrage historique inachevé : Eandbuch der deutschen
Reichs-und Staatenrechtsgeschichte (Tuhingue, 1 859-63,
3 vol.). Daniels a pris une part active aux controverses
relatives au Sachsenspiegel et au Schwabenspiegel ; com-
battu par Homeyer et Ficker, il a eu le dessous.
DANIEN. La fin de la période crétacée dont l'époque
danienne représente le dernier terme a été marquée par
de grands changements dans la géographie terrestre. A
cette date, en Europe, la mer se présente, en effet, nette-
ment en retrait, c.-à-d. plus circonscrite que celle du séno-
nien qui précède et correspond à la plus grande phase d'ex-
tension des mers crétacées. En même temps les dépôts,
sauf en Belgique et dans le bassin de la Baltique, perdant
partout le caractère crayeux, se développent sous des faciès
très différents suivant les régions. C'est ainsi qu'on les
remarque saumâtres et lignitifères en beaucoup de points
du bassin du Rhône où disparaît le régime pélagique qui
avait si largement prévalu aux époques antérieures; et
quand reparaissent plus au S., de part et d'autre des Pyré-
nées, les formations marines de cet âge, elles se traduisent
le plus souvent par une récurrence bien marquée des bancs
à rudistes si développés dans les assises crétacées de la
région, mais alternant cette fois, soit avec des couches
lacustres, soit avec des calcaires remplis de foraminiières
{Milioles) dont les affinités tertiaires sont bien prononcées.
Il en est de même dans le nord-est de l'Adriatique où ces
alternances de barres à rudistes avec des calcaires à milioles,
bien développés, viennent attester que ce faciès spécial semble
avoir dominé dans toute la zone méditerranéenne, notam-
ment dans les points où comme, dans les environs de Trieste,
il s'établit une liaison continue entre les assises crétacées
et tertiaires. Dans le bassin de Paris, où les conditions lit-
torales ont prévalu pendant toute la durée de l'étage, ce
sont des gastropodes et des acéphales appartenant à des
espèces souvent bien voisines de celles du même type ter-
tiaire qui dominent dans les calcaires dits pisolitiquiBS. C'est
ensuite plus au nord en Belgique et surtout dans le Dane-
mark, où le danien est assez développé pour que Desor et
d'Orbigny aient choisi cette région comme type, qu'il faut
venir chercher, avec une persistance du faciès crayeux,
des formations marines plus homogènes dans leur compo-
sition.
Danien dans le nord de l'Europe. Le bassin de la Bal-
tique offre un type bien complet de ce faciès crayeux ; en
combinant les observations faites par M. Hébert en divers
points de la Scanie et du Danemark (Faxœ et l'île de Sal-
tholm) on obtient pour le danien les subdivisions suivantes :
Calcaires à silex de Saltholm et tuf-
feau de Faxœ (Nautilus DaniciiSy
Baculltes Faujasi).
Craie de Kôpinge, de Balsberg et
d'Ignaberga à Belemnitella subven-
tricosa.
Sur la craie blanche sénonienne à Belemnitella mucro-
nata identique à celle de Meudon, durcie et perforée comme
elle au sommet, les premières assises daniennes sont repré-
sentées en Scanie, à Balsberg et à Ignaberga par une craie
grise noduleuse qui renferme avec quelques espèces séno-
niennes persistantes, B. mucronata^ Ostrea vesicularis^
Terebratala carnea, des formes nouvelles dont les princi-
pales sont, Belemnitella subventricosa^ Baculites anceps,
Ostrea larva^ 0, acutirostris^ Crania Ignabergensis,
Fissurirostra Palyssi, Magas costatus, Terebratula Ion-
girostris; des Hemipneustes avec Cidaris Faujasi s'ob-
servent ensuite dans cette même craie à Kôpinge en Dane-
mark. Le danien supérieur, plus variable dans sa composi-
tion, peut être tantôt un calcaire compact rempli de gros silex
{Salthom-kalk)^ tantôt à grain fin friable {Limsteen)^h
II. Supérieur
(Garumnien)
I. Inférieur
(Maastrich-
tien)
plus souvent formé de coraux et de bryozoaires (Faxo-
kalk) ; quoi qu'il en soit, la faune reste toujours la même
et Caractérisée par un certain nombre d'échinodermes,
Ananchytes semiglobus, i. sulcata^ Themnocidaris
Danica, Cidaris Forchhammerij avec de nombreux gas-
tropodes, cyprées, cerithes, volutes d'aspect tertiaire, et
surtout Nautilus Danicus, Baculites Faujasi. La persis-
tance dans ces niveaux élevés des espèces sénoniennes pré-
cédemment citées, celle aussi, par places, de nombreux
crabes {Dronica rugosa) est un fait intéressant à noter.
En Belgique la mer, qui occupait alors tout le Limbourg,
en se poursuivant vers l'E. dans le Hainaut sous la forme
d'un golfe étroit passant à gauche, a partout déposé au début
une craie tendre blanche ou jaunâtre dite tuffeau, remar-
quable par la finesse et l'égalité de son grain qui la rendent
facile à tailler et très propre aux constructions. Dans le Lim-
bourg, celte roche, bien connue sous le nom de tuffeau de
Maëstricht, et largement exploitée dans les carrières célèbres
de la montagne Saint-Pierre et de Fauquemont, se montre
exceptionnellement riche en fossiles. Parmi ces espèces
maëstrichtiennes figurent de grands reptiles, Mosasaurus
Camperi, M. gracilis, des tortues (Chelonia) des croco-
diles, des crustacés et des poissons. Avec un grand nombre
de bryozoaires (Eschara^ Idmonea, etc.), il convient ensuite
de mentionner: Baculites anceps^B. Faujasi^ B.Belem,
cf. mucronata, Ostrea frons, 0. larva, Crania Ignaber-
gensis, Thecideapapillata^ Dentaliummosœ, Holostoma
ponticum^ Hemiaster prunella^ Hemipneustes striato-
radiatus, Cidaris Faujasi, enfin plus rarement des rudistes,
Hippurites radiosus, Sphœrulites Faujasi. Dans le Hai-
naut, ce tuffeau dit de Ciply devenu peu fossiUfère, se
trouve séparé d'une craie grise, riche en petits grains de
phosphate de chaux, et exploitée comme telle, par des lits
de gros nodules phosphatés et de fossiles roulés, agglomé-
rés en poudingues (P. de la Malogne, P. de Cuesmes), où
on rencontre à l'état de moule les espèces de Maëstricht.
Dans les assises supérieures de ce tuffeau on observe
ensuite avec des brachiopodes et de nombreux bryozoaires
maëstrichtiens, des gastropodes et des bivalves parmi les-
quels figurent de grands cerithes, et des espèces du cal-
caire grossier parisien (éocène moyen) telles que Voluta
elevata, Natica Parisiensis^ Cardita planicosta. Toutes
ces espèces se trouvent ensuite réunies en grand nombre,
dans un calcaire grossier jaunâtre situé dans le bassin de
Mons, entre la craie sénonienne et les sables landéniens
éocènes, et gui par suite a été, dans le principe, attribué à
la série tertiaire. On s'accorde maintenant pour synchro-
niser ce calcaire grossier de Mons avec les couches supé-
rieures du tuffeau de Ciply, de les placer au sommet du
danien où ces assises viennent représenter, sous le nom de
montien, un terme de passage entre le crétacé de l'éocène.
La faune de ce dépôt d'estuaire intéressant, dont l'exis-
tence, dans le sous-sol de Mons, n'a été révélée que par
des sondages entrepris pour la richesse de la houille, ren-
ferme en effet deux éléments distincts : des gastropodes et
des lamellibranches dont les affinités tertiaires sont sans
doute incontestables ; des espèces spéciales , Cerithium ino-
pinatum, Pseudotiva robusta, Cornetia Briarensis avec
des formes crétacées nombreuses, Lima texta, Pecten
Faujasi, Janira quinqœcosta, Terebratulina striata,
Cidaris distincta, G. Forchhammeri, Goniopygus mi-
nor; quarante espèces de bryozaires maëstrichtiens com-
plètent ensuite cette faune remarquable.
Dans la région parisienne la distribution du calcaire
pisolitique disposé par lambeaux isolés, le plus souvent
adossés à une falaise crayeuse, atteste que leur dépôt
s'est effectué dans un golfe étroit très encaissé. Tel est
celui de Laversine, près de Beau vais, où le calcaire, limité
à un affleurement de 100 m. de long sur 10 m. de large
avec 10 à 12 m. de'hauteur, presque tout entier formé de
fossiles brisés (Lima carolina, et radioles de Cidaris
Tombecki)y semble formé au pied d'un escarpement fourni
par la craie à micraster; il en est de même pour le lam-
DANIEN
858
beau de calcaire concrétionné de Vigny. On l'observe
ensuite plus épais et plus homogène près de Vertus, à
Falaise, Cliavot et surtout au mont Aimé, où le calcaire
blanc et chargé de silex renferme avec des poissons, des
reptiles en particulier, Gavialis macrorhynchus, A Mon-
tain ville, la roche devient plus dure; enfin plus prè^
de Paris,^ à Bougival, et surtout à Meudon le calcaire jaune
et rempli de débris de fossiles, directement superposé,
appliqué sur la craie sénonienne durcie et criblée de
tubulures, se présente au sommet décalcifié et passe à l'état
de marnes blanches qui renferment des espèces mon-
tiennes bien caractérisées, telles que Cerithium inopi-
natum, Cornetia Briarensis^ Pseudoliva robusta. La
faune de ces calcaires, bien différente de celle de la craie
sous-jacente, comprenant ensuite avec des moules de grands
cérithes qu'on ne peut attribuer au G. giganteum du cal-
caire grossier, cette association de formes daniennes et de
mollusques éocèhes qui devient le trait le plus caractéris-
tique du calcaire de Mons, permet d'attribuer au danien
supérieur tous ces lambeaux. Leur dépôt essentiellement
littoral s'est effectué ainsi après une phase d'émersion cor-
respondant au maëstrichtien, phase pendant laquelle, dans
notre région parisienne, la surface de la craie durcie s'est
montrée couverte, par places, de grandes forêts. Les tubu-
lures, si nombreuses au sommet de cette craie, à Meudon,
ne sont autres en effet que des traces laissées par les grands
arbres de l'époque. C'est ensuite bien loin au delà du centre
du bassin, sur sa bordure orientale dans le Cotentin, près
de Valognes, qu'il faut venir chercher la trace des assises
supérieures du danien. En ce point, en effet, qui marque le
terme extrême atteint dans le Nord par la mer danienne
(l'Angleterre qui fait face en étant complètement privée),
on observe des affleurements encore clairsemés et tous iso-
lés, d'un calcaire à baculites où se présentent encore nom-
breuses des espèces maëstrichtiennes {Hemiaster prunella
Crante Ignabergensis)^ associées cette fois à des mollusques
et à des bélemnitelles de la craie de Meudon (0. vesiciila-
ris, Janira quadricosta, Cranta antiqua), Fresville,
Picauville, Orglandes, Golleville, Néhou marquent tout à
la fois les points où se présentent les affleurements exploi-
tés de ces calcaires et les limites de l'espace qu'ils occu-
pent sous les calcaires éocènes en s'y montrant souvent
soudés, tandis qu'ils sont séparés, des grès verts cénoma-
niens sur lesquels ils reposent, par un lit de poudingues
dont les galets, bien roulés, sont fournis par les roches an-
ciennes de la région. Les céphalopodes, si rares dans le cré-
tacé du bassin de Paris, deviennent abondants dans ces cal-
caires où ils sont représentés avec le Bactdites anceps,
par Scaphites constrictus et des ammonites du groupe
important des Pachydiscus^ (P. Fresvillensis, P. Jacquoti,
P. colligatus). En même temps on y observe leMosasaii-
rus camper i de Maëstricht et de nombreux bryozoaires.
Danien dans les régions méridionales, A peine a-t-on
franchi, dans l'Ouest, le col du Poitou pour gagner les Cha-
rentes qu'apparaît, dans le danien, le faciès à rudistes des-
tiné à prévaloir, comme aux époques crétacées antérieures,
dans toute la zone méditerranéenne d'Europe. Cette appari-
tion commence à se manifester dès Royan, dans la falaise
de Meschers par l'intercalation de bancs à grands rudistes
(Hippurites radiosus, Var. major, Sphoerulites et Ra-
diolites) dans les grès et les calcaires dolomitic[ues dordo-
niens (V. ce mot) qui couronnent les calcaires crayeux
sénoniens peuplés d'oursins. Dans les Pyrénées centrales
ces mêmes hippurites développés par bancs lenticulaires
puissants dans les calcaires jaune nankin à orbitoïdes
d'Ausseing, de Gensac et de Roquefort (Haute-Garonne),
se localisent dans le danien inférieur. Alors se présente
pour terminer l'étage un faciès mixte caractérisé par
une succession de couches alternativement saumàtres, la-
custres, puis marines qui donnent naissance au Garum-
nien de Leymerie, et s'étend largement dans toutes les
petites montagnes qui bordent les Pyrénées dans le voisi-
nage de la Garonne.
Sur le versant espagnol des Pyrénées, en Catalogne, la
composition du danien avec son faciès garumnien terminal
reste la même, mais il en est tout autrement dans la direc-
tion opposée : quand on quitte la chaîne pour s'engager
dans les Basses-Pyrénées et les Landes, on voit nettement
prédominer le régime marin dans toute une série de cal-
caires marneux bien réglés où se présentent à la base, avec
des StegasterSj les céphalopodes des calcaires à baculites du
Cotentin {Pachydisaus Fresvillensis, P. colligatus, P. Jac-
quoti), tandis qu'au sommet le Nautilus Danicus de Faxoe
se trouve associé à une faune remarquable d'oursins dont
les espèces caractéristiques sont surtout fournies par le
genre Cor aster. Toutes autres sont les conditions de dépôt
dans les Pyrénées-Orientales, où dès le début de cette der-
nière époque crétacée des symptômes d'émersion se sont
manifestés ; déjà dans l'Ariège le calcaire de la base à hémip-
neustes se transforme en un grès jaunâtre {grès d'Alet),
où on ne rencontre plus, avec des empreintes végétales, que
des mollusques côtiers (Pecten, Cardium, Venus), puis
finalement, dans les Corbières, le garumnien devenu exclusi-
vement lacustre, n'est plus représenté que par des argiles
rutilantes, gypsifères, sans fossiles, alternant au sommet
avec de petits bancs calcaires où se tiennent des physes,
des cyclostomes, des paludines, des sauriens et des tortues.
Cette bande danienne se poursuit ensuite, en passant par
le Languedoc, jusqu'en Provence où de véritables couches de
houille et des lignites dans les bassins de Fuveau, du Plan
d'Aups et de Piolenc deviennent le produit direct du trans-
port, puis de l'accumulation, dans les eaux pures des lagunes
garumniennes, de végétaux palustres et fïuviatiles parmi
lesquels dominent des Rhizocaulées» Par places, comme
dans la mine de Trest, d'innombrables feuilles d'un Lotus,
analogue à celui qui peuple les lagunes des grands fleuves
chinois, se pressent sur la surface des lits charbonneux.
Cette remarquable série lignitifère, puissante d'environ
400 m., débute à Aix par des marnes et des calcaires bitu-
mineux remplis de mélanopsis et de cyrènes {M. gallopro-
vincialis. G, globosa) ; au-dessus viennent les couches de
charbon épaisses de 4 m. à i"^50, au nombre de dix-sept
à Fuveau où elles se montrent encaissées dans un système
de schistes bitumineux et de calcaires propres à la fabrica-
tion du ciment. Dans ces lits charbonneux la fréquence
d'ossements de reptiles atteste que des crocodiles et de
grands dinosauriens (Rhabdodon hypselosaurus) habi-
taient les rives d'une contrée verdoyante d'où la mer était
exclue. D'abord occupée par de vastes lagunes alimentées
par les crues périodiques d'un grand fleuve, la Provence
s'est vue ensuite couverte par un grand lac où sont venus
se déposer les calcaires de Rognac à Lychniis et à Physes
(P. galloprovincialis) si développés dans les Bouches-du-
Rhône, puis finalement des couches puissantes d'argiles
rutilantes qui s'accompagnent sur les bords du bassin do
brèches calcaires et de conglomérats; formations détritiques
qui témoignent de l'importance prise par les agents d'éro-
sion au moment où les mouvements du sol se résolvaient
par une émersion complète de la Provence. De ce nombre
sont, sur le flanc même de Sainte- Victoire, les brèches
anciennement arrachées aux escarpements de la montagne,
puis cimentées ultérieurement par un limon ferrugineux
qui ont donné lieu au marbre exploité, bien connu sous le
nom de brèche de Tholonet. Quant aux équivalents marins
de ces dépôts fluvio-lacustres, c'est vers le S., au delà de
la Méditerranée, en Algérie, dans la région des hauts pla-
teaux, en Tunisie, dans la Tripolitaine et jusque dans les
déserts de la Lybie, qu'il faut venir les chercher. Dans ces
régions, en effet, l'extension prise par des marnes et des
calcaires franchement marins et leur superposition directe
sur le sénonien atteste que ces régions n'ont pas participé
aux mouvements d'émersion qui successivement ont atteint
l'Espagne orientale, les Corbières, le Languedoc et la Pro-
vence, En même temps, des circonstances éminemment
favorables au développement des huîtres et des oursins ont
fait naître, dans toute cette étendue, un faciès spécial
859-
DANIEN - DANITCHITCH
propre à la région saharienne désigné par Zittel {Beitr.
%ur géologie der Libyschen Wûste; Cassel, 4883) sous
le nom d'africano-syrien. En Algérie, notamment sur la
lisière méridionale de l'Atlas, dans ces calcaires daniens qui
atteignent 160 m. d'épaisseur, les Echinobrissus^ en nombre
considérable avec des caractères tout particuliers, fournis-
sent un groupe d'espèces très remarquables ; un genre nou-
veau, Heterolampas, y apparaît, et avec lui de nombreux
Leisoma, Cyphosoma^ Codiopsis^ etc. Les huîtres très
abondantes et de formes variées sont principalement repré-
sentées par 0. Villei, 0, Peroniy 0. Overwegi^ avec les
espèces du danien du Nord, 0. larva^ 0. Matheroni, Dans
le désert de Lybie ces couches redevenues crayeuses (craie
blanche de Bâb-el-Jasmund) renferment des Ananchytes
et des Micvasters. On rencontre ensuite le Nautilus Dani-
eus de Faxôe dans les argiles feuilletées inférieures qui
séparent cette craie danienne du sénonien. Ch. Vélain.
BiBL. : MouRLON, Géol. de la Belgique, t. I, p. 185. —
Ubaghs, Descript. du terrain crétacé du Limbourg. —
RuTOT et Van den Bboeck, Recherches sur le terrain
crétacé du Hainaut, dans les t. XII et XIII des Ann, de la
Soc. geol. de Belgique, 1884-86. — Cornet et Briard, Sur
le Tuffeau de Ciply {Ann. de la Soc, R, malac. de Bel-
gique,, 1885, t. XX,). ~ HÉBERT, Sur le danien du bassin
de la Baltique (C. rend, de l'Académie des sciences. 1884,
t. XCXII).
DANILEVSKY (Nicolas -lakovlévitch), publiciste russe,
né à Moscou le 40 déc. 4822, mort à Tiflis le 49 nov.
4885. Il servit dans divers ministères et fut chargé de
missions concernant l'industrie de la pêche dans les mers
russes. Il a publié à ce sujet des ouvrages techniques fort
estimés, mais il s'est surtout fait connaître par son livre la
Russie et l'Europe, coup d'ceil sur les rapports intel-
lectuels et politiques du monde slave et du monde ger^
mano-roman,, pubHé pour la première fois en 4874. et
dont la 3® édit. (Saint-Pétersbourg, 4888) contient une
notice sur Fauteur et une bibliographie de ses travaux.
Cet ouvrage est considéré comme l'une des productions les
plus importantes de l'école dite slavophile. Il a en outre
laissé une importante étude sur le darwinisme (4885-87,
2 vol.).
DANILEVSKY (Grégoire-Pétrovitch), écrivain russe con-
temporain, né à Danilovka, gouvernement de Kharkov, le
26 avr. 4829, mort à Saint-Pétersbourg en 4894.11 fit ses
études à Moscou et à Saint-Pétersbourg. En 4859, il entra
comme fonctionnaire au ministère de l'instruction publique;
et 4867, il entra à la direction du Journal officiel russe
dont il devînt rédacteur en chef en 4884. Il a publié un
grand nombre de romans empruntés la plupart à la vie
de la Petite-Russie : les Réfugiés (4864) ; Mirovitch
(4879) ; rincendie de Moscou, qui a été traduit en fran-
çais dans la Bibliothèque universelle ; la Princesse Tara-
kanov ; les Annales de la Famille ; Potemkine sur le
Danube (iSI S) ; Catherine II sur le Dnieper (4878). On
lui doit en outre un important ouvrage sur les Antiquités
de r Ukraine (4866). Un certain nombre de ses romans
ont été traduits en français. Ses œuvres complètes ont
été publiées par Stasioulevitch. L. L.
DANILO (Petrovitch-Niégoch), prince de Monténégro, né
dans un village près de Cattaro le 25 mai 4826, mort près
de Cattaro le 44 août 4860. Il fit ses études à Vienne.
Comme successeur de son oncle, l'évêque Pierre, il devait
embrasser la carrière ecclésiastique (le Monténégro était
alofô gouverné par des princes-évêques). Se sentant peu de
goût pour la prêtrise, il fit un voyage à Saint-Pétersbourg,
et, d'accord avec le tsar, il sécularisa le gouvernement du
Monténégro (4854). Les réformes financières qu'il intro-
duisit provoquèrent chez une des tribus (celle des Piperi)
une insurrection bientôt réprimée. En 4853, il résista vic-
torieusement aux attaques d'Orner et d'Osman Pacha. En
4855, Danilo publia le code qui porte son nom et qui est
d'ailleurs fort court. Il comprend en tout quatre-vingt-
dix-huit articles. Pendant la guerre de Crimée il resta
neutre, mais après la guerre il vînt à Paris pour faire
valoir les prétentions de son pays. En 4858, une invasion
des Turcs fut repoussée au combat de Grahovo. Le Mon-
ténégro doit au prince Danilo des écoles, l'introduction de
l'élève des vers à soie et de sérieux progrès dans ra^ri-^
culture. Il fonda l'ordre qui porte son nom. Il fut assassiné,
pendant un voyage en Dalmatie, par un Monténégrin qu'il
avait exilé. Il avait épousé la fille d'un riche marchand
de Trieste, la princesse Darinka. Il eut pour successeur
son neveu, le prince Nicolas.
Ohdre de Danilo. — Ordre fondé en 4853 par le prince
Danilo, pour récompenser les services militaires et civils.
Il s'appela aussi l'ordre de l'Indépendance du Monténégro.
Il comprend quatre classes : grand-croix, commandeur
avec l'étoile, commandeur sans l'étoile, chevalier.
BiBL. (V. Monténégro).
DANILOV (Kircha ou Cyrille), littérateur russe du xvii«
siècle. C'était un Cosaque originaire des environs de Kiev ;
il rassembla un grand nombre de contes et de chants popu-
laires et écrivit lui-même quelques poésies originales. Ses
recueils restèrent longtemps inédits, mais il en circulait de
nombreux manuscrits. Ils furent publiés pour la première
fois à Moscou en 4804, puis en 4848, parles soins du comte
Roumiantsov. Kalaïdovitch édita les contes recueillis par
Danilov. En 4878, une commission établie auprès des
archives du ministère des affaires étrangères, a publié à
Moscou : Anciennes Poésies russes, recueillies par
K. Danilov. L. L.
DAN I LOVKA. Ville de la Russie d'Europe, gouvernement
d'Iaroslav, sur le chemin de fer de Vologda ; sa population
dépasse 5,000 hab.
DANILOWICZ ou DANILOVITCH (Ignace), historien po-
lonais, né à Hryniewicze en 4789, mort à Grefenberg en
4842. Son père était un prêtre uniate. Après avoir fait des
études à l'université de Wilna, il voyagea en Russie ; en
4823, il devint professeur de droit à l'université de Wilna.
Là, en collaboration avec Lelevell, il entreprit la publica-
tion des statuts lithuaniens. En 4834, il fut envoyé à
Kharkov, puis appelé à Pétersbourg pour compléter la
législation des gouvernements dits occidentaux. Il enseigna
ensuite le droit à Kiev et à Moscou. Il prit sa retraite en
4842. Il a publié en polonais : les Annales de laLithua-
nie et la Chronique russe (Wilna, 4827) ; Coup d'ceil
historique sur la législation lithuanienne (id., 4837) ;
la Diplomatie de la Lithuanie sous Sigismond Auguste
et Etienne Batocy (Moscou, 4838-4844, 4 vol.). Après
sa mort, J. Sidorowiz et Krupow^icz ont édité l'important
ouvrage : Trésor de diplômes,.., pour servir à l'éclair-
cissement critique de rhistoire de la Lithuanie, de la
Russie lithuanienne et des pays limitrophes (Wilna,
4860-4862, 2 vol.). Il a collaboré à un certain nombre de
revues polonaises et russes. L. L.
DANITCHITCH (Georges)ou DANICIC, philologue serbe,
né à Novi-Sad on Neusatz (Hongrie) le 6 avr. 4825, mort
à Agrani le 47 nov. 4882. H acheva ses études à Budapest
et à Vienne, où il fit la connaissance de Karadjitch. Il
s'appelait proprement Popovitch et prit le nom de Danicic
en l'honneur d'une fille de Karadjitch, appelée Danica. Ses
études finies, il se consacra à la philologie slave et parti-
culièrement serbo-croate. Il devint successivement biblio-
thécaire à Belgrade, secrétaire de la société des sciences
de cette ville et professeur à la haute école. Il compta parmi
ses élèves Stoïan Novakovitch (V. ce nom). En 4867, il
fut appelé à Agram comme secrétaire de l'académie sud-
slave, devint en 4873 professeur de philosophie slave à
Belgrade, et, retourné à Agram en 4877, fut chargé do
publier le dictionnaire serbo-croate édité par l'académie.
Il a mené jusqu'à la lettre D cet important ouvrage, aujour-
d'hui continué par M. Budmanni. Ses principaux ouvrages
sont : Syntaxe de. la langue serbe (4858), une traduction
complète de la Bible, des publications d'anciens textes,
notamment la vie de saint Siraéon (4868) et de saint Sava
(4866), un Dictionnaire de l'ancienne langue serbe
(Belgrade, 4862-4863, 3 vol.), les Thèmes de la langue
DANITCHITCH — DANNEMARIE
— 860 —
serbo-croate (Belgrade, 1876), les Racines delà langue
serbo-croate (Agram, 4877), etc. Il a pLil)Iié un grand
nombre de dissertations dans les Mémoires de l'académie
d' Agram et de la société scientifique de Belgrade. Ses
travaux ont puissamment contribué au rapprochement
intellectuel et littéraire des Serbes et des Croates.
DANIZY. Com. du dép. de TAisne, arr. de Laon. cant.
de La Fère; 422 hab.
D A N J 0 U (Jean-Louis-Félix) , érudit et musicien français,
né à Paris le 24 juin 4842, mort à Montpellier le 4 mars
4866. Bien que ne s'étant occupé de musique qu'après l'âge
de seize ans, il fut organiste de l'église des Blancs-Manteaux
dès 4830, et organiste de Saint-Eustache en 4840. Le
chant ecclésiastique, ses origines, ses transformations, son
influence au moyen âge attirèrent l'attention de Danjou,
qui parcourut toute la France pour y installer des orgues,
y réparer celles qui étaient en usage et rétablir les saines
traditions de la musique sacrée. En 4844, il publia à Paris
et à Bordeaux sa brochure De l'Etat et de V avenir du
chant ecclésiastique ; il fonda l'année suivante la Revue
de la musique religieuse populaire et classique, qui
disparut en 4848. Diverses catastrophes ruinèrent le labo-
rieux musicographe, dont l'ardeur fut ranimée cependant
par un voyage en Italie (4847), oti, de concert avec
M. Morelot, il trouva des documents précieux. C'est au
retour qu'il découvrit le fameux manuscrit de Montpellier,
qui remonte au xi® siècle, dans une bibliothèque de cette
ville, manuscrit à double notation, par neumes et lettres
romaines. L'injustice et l'envie lui firent perdre une grande
partie du bénéfice moral de cette belle découverte. Après
vingt ans de fatigues, Danjou se sentait découragé et
appauvri. Il se retira à Marseille, y écrivit dans un journal
politique, dirigea ensuite, à MontpeUier, le Messager du
Midi, revint à Paris, s'y occupa de télégraphie, puis
retourna à Montpellier. Outre de nombreux articles dans le
Dictionnaire de la Conversation, la Gazette musicale
de Paris, V Encyclopédie du xix® siècle, on doit à Danjou
la brochure citée plus haut, la majeure partie des quatre
volumes de la Revue de la musique religieuse, un Réper-
toire de musique religieuse (Paris, 4835, 3 vol.) ; les
Chants sacrés de l'office divin. Recueil de tous les plains-
chants du rit parisien en faux-bourdon à quatre voix
(4835, 8 vol.), deux Messes à quatre voix et orgue, une
Messe brève k trois voix sans accompagnement et un Tantum
ergo à quatre voix, avec basse solo et orgue. A. Ernst.
DANJOUTIN. Com. du territoire de Belfort, cant. de
Belfort; 4,690 hab.
DANKERTS (V. Danckebts).
DANKOV ou mieux DONKOV, ville de Russie. Chef-lieu
de district du gouvernement de Riazan; population, 3,000
hab. environ.
DANKOVSKY (Grégoire), philologue hongrois, né à
Teltsch le 46 févr. 4784, mort à Presbourg le 6 déc. 4857^5
Il étudia l'arabe et devint professeur de grec à Raab, pui
à Presbourg. Il a composé de nombreux écrits dont le but
était de reclaercher les origines de la race, de la langue et
de la constitution magyares, entre autres son Magyaricce
linguœ lexicon critico-etymologicum{?reshoi\rg, 4833).
Il a aussi laissé sur l'étymologie slave quelques travaux
qui sont aujourd'hui sans valeur. E. S.
DANNA (Casimiro), littérateur italien, né à Mondovi
(Piémont) en 4806, mort en 4885. Il a publié des études
biographiques : G,-B. Vasco (Turin, 4862) ; Giuseppe
Baruffi (Turin, 4876) ; des études de critique littéraire
et d'érudition : Introduzione allô studio délia lettera-
tura (Turin, 4855) ; Monografia intorno lacittà e il
circondario di Mondovi (Turin, 4856); Dell' arte tipo-
grafica festeggiata in Saluzzo e Mondovi (Mondovi,
4872) ; enfin un grand nombre d'articles de revue et de
brochures généralement bien renseignés, R. G.
BiBL. : Carlo DioNOsoTTi, Commemorazionedi Casimiro
Danna, dans Miscellanee di storia patria, 1885, vol. XXIV.
DANNECKER (Joh. Heinrich von), célèbre statuaire
allemand, né à Waldenbuch le 45 oct. 4758, mort à
Stuttgart le 8 déc. 4844. Fils d'un palefrenier du duc
Charles de Wurtemberg, il obtint la faveur de faire son
éducation à l'académie militaire de ïïohenheim. Comme il
montrait beaucoup de dispositions pour le dessin, il fut
admis dans la classe de sculpture et en sortit à l'âge de
dix-huit ans, après avoir remporté le prix. En '1780, il fut
nommé sculpteur de la cour ducale. Trois années plus tard,
il se rendit à Paris pour y compléter ses études sous la
direction de Pajou. De 1785 à 4790, il vécut à Rome, oîi
il fit la connaissance de Herder, de Gœthe et de Canova,
qui exerça une grande influence sur lui. Ses premiers
ouvrages en marbre datent du séjour en Italie : ce sont
une Cérès et un Bacchus. Avant son retour dans sa patrie,
Dannecker fut élu membre des académies de Bologne et de
Mantoue et, à peine rentré dans ses foyers, nommé pro-
fesseur d'art plastique à la « Karlsschule » de Stuttgart.
A partir de ce moment, il ne quitta plus le Wurtemberg,
si ce n'est pour des absences de courte durée, quelques
voyages entrepris à Paris, à Vienne, à Zurich. Malgré son
application, il produisit relativement peu, mais ses ouvrages
témoignent de sa constante préoccupation de concilier
l'étude de la nature avec le culte de l'antiquité. Les der-
nières années de sa vie furent assombries par la perte
presque absolue de la mémoire.
Les oeuvres principales de Dannecker sont : Deux
Femmes célébrant un sacrifice, une Sapho^ en marbre
(4796) ; l Amitié en deuil (^1804) ; une série de bustes,
entre autres ceux de Gluck, de Schiller (4793), de divers
princes. En d809, il commença son chef-d'œuvre, Ariadne
sur la panthère (en marbre), dans la collection à M. Beth-
mann à Francfort-sur-le-Main. C'est une création absolument
géniale, de même que son Christ, son œuvre de prédilec-
tion, qui l'occupa pendant près de huit ans. Il en fit deux
exemplaires en marbre, l'un en 4824 pour l'impératrice
Marie de Russie, l'autre en 4834 pour le prince de Tour-
et-Taxis à Ratisbonne. Plus tard prirent naissance V Amour
(4842), Psyché (4846), le Génie de r Astronomie (bas-
relief au Dôme de Ratisbonne) ; Cérès pleurant la perte
de son enfant (4848), mausolée du duc d'Oldenbourg;
VEvangéliste saint Jean (4826, mausolée de la reine
Catherine) ; les bas-reliefs de Lavater et de Jung-Stilling ,
de VHistoire et de la Tragédie, modelés à Rome en
4789 et répétés plus tard, à deux reprises, en marbre.
Pour bien définir le rang qu'occupe Dannecker parmi les
sculpteurs de son temps, il suffit de rappeler qu'il a puis-
samment contribué à la renaissance de la sculpture en Alle-
magne et qu'il a été dans son pays le premier champion des
idées nouvelles. Toutes ses œuvres témoignent d'une con-
naissance approfondie de la nature et d'une étude scrupu-
leuse de l'anatomie. Elles sont exécutées avec une habileté
parfaite et traduisent, au moyen d'expressions véritable-
ment nobles, les idées les plus pures ; elles se distinguent
par la vérité de l'accent, par un sentiment touchant que
l'on remarque particulièrement dans ses figures féminines
et dans ses portraits. — Dannecker fut conseiller de la
cour, chevalier de l'ordre de la Couronne wurtember-
geoise, directeur de la Galerie de Stuttgart, membre des
académies de Bologne, de Mantoue et de Saint -Luc à
Rome. Son portrait peint par Seybold a été modelé en
médaillon par David d'Angers.
BiBL. : C. Grîjneisen et Th. Wagner, Damiekers
Werke ; Hambourg. -— E. Muntz, le Courrier de l'Art,
1886, 17 déc.
DANNEMARIE. Com. du dép. du Doubs, arr. de Be-
sançon, cant. d'Audeux; 245 hab.
DANNEMARIE. Com. du dép. du Doubs, arr. de Mont-
béliard, cant. de Blamont; 494 hab.
DANNEMARIE. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr.
de Mantes, cant. de Houdan ; 87 hab.
DANNEMARIE (Domna Maria) , en allemand Dammer-
kirch, ch.-l. de cant. de la Haute-Alsace, arr. d'Altkirch,
sur la Largue, au-dessus de laquelle passe dans un pont-
— 864 —
DANNEMARIE — DANSE
canal le canal du Rhin au Rhône; 1,091 hab. Stat. du ch.
de fer de Belfort à Mulhouse qui traverse un terrain ma-
récageux sur un viaduc courbe de 35 arches, démoli au
début de la guerre de 1870 par la garnison de Belfort
et reconstruit depuis. Moulins ; tannerie ; tuilerie méca-
nique. — Dannemarie porte d'azur à une église d'ar-
gent, sur la couverture de laquelle il y a une Notre-
Dame d'or supportée d'un nuage d'argent, et formait
avant la Révolution avec quatre autres villages, une mairie
dépendant de la seigneurie de Thann, Le cimetière était
autrefois fortifié (V. Basler Chronik, p. 247). W.
DANNEMOINE. Com. dudép. de l'Yonne, arr. et cant.
de Tonnerre, près de FArmançon; 603 hab. Excellents
vins. Avant 1789, châtellenie du diocèse deLangres, par-
lement et intendance de Paris, élection de Saint-Florentin.
Eglise paroissiale de Notre-Dame, à trois nefs, du commen-
cement du XIII® siècle ; portail roman ; chœurs de la Re-
naissance ; nombreuses inscriptions tumulaires avec effigies
ou sujets sculptés. Au N. du village, chapelle de Notre-
Dame de Liesse, du xvi^ siècle. M. P.
DANNEMOIS. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr.
d'Etampes, cant. de Milly; 442 hab.
DANNEMORA. Localité du lœn suédois d'Upsal, avec
d'inépuisables mines de fer, exploitées depuis 1532 et
dans le voisinage desquelles se groupent les usines de
Loefsta, d'Oesterby et de Soerderfors, au bord du Dal-elf,
ainsi que les parcs et châteaux de leurs propriétaires.
DAN N EN B ERG (Hermann), numismatiste allemand, né
à Berhn le 24 juil. 1824. Il a publié de nombreux tra-
vaux, principalement sur les monnaies de l'Allemagne au
moyen âge. Ces écrits sont insérés dans les Berliner
Bldtterfilr Mimz-Siegeluhd Wappenkunde (1863-1873,
6 vol.); dans la Zeitschrift fur Numismatik, dirigé par
M. A. de Sallet et dans h Numismatische Zeitschrift de
Vienne. Le principal de ses ouvrages est le suivant : Die
Mûnzen der sachs. und frank, Kaiserzeits (Berlin, 1876,
2 vol. in-4) dans lequel se trouvent classées et critiquées les
monnaies derempired'Allemagne,depuis919 jusqu'en 1137.
DANNER (Louise-Christine Râsmussen, comtesse) (V.
Râsmussen).
DAN NES. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. de
Boulogne-sur-Mer, cant. de Samer; 510 hab.
DANNEVOUX. Com. du dép. de la Meuse, arr. de Mont-
médy, cant. de Montfaucon ; 588 hab.
DANNHAUER (Conrad), pasteur et professeur pro-
testant, né à Kendringen (Brisgau) en 1603, et mort à
Strasbourg en 1666. Devenu professeur de théologie à
Strasbourg, prédicateur à la cathédrale et président du
Kirchenconventy il fut un des théologiens luthériens les
plus distingués du xvii^ siècle, et ne se fit pas moins re-
marquer par sa prédication. Il déploya une grande science
dans la défense de l'orthodoxie luthérienne, qu'il exposa
dans sa Hodosophia (traité de dogmatique) et sa Theologia
conscientiaria (traité de morale) . Il polémisa contre les ca-
tholiques dans sa Hodomoria spiritus papœ, et contre les
calvinistes dans sa Hodomoria spiritus calviniani. C. P.
BiBL. : RoHERiCH, Mlttheilungen aur der elssisischen
Kirche, 1855, II, p. 271. — Tiioluck, Akademischer Leben
der 11 Jahrh., II, p. 126.
DANNHAUSER (Adolphe-Léopold) , professeur de sol-
fège au Conservatoire et inspecteur de l'enseignement du
chant dans les écoles de la ville de Paris, né à Paris le
26 févr. 1835. Elève de Bazin, Halévy et H. Reber, il
obtint en 1862 le second prix de Rome. Il se consacra fort
jeune à Fenseignement et ses compositions sont peu nom-
breuses. Il est l'auteur d'un solfège très apprécié : Théorie
de la musique (Paris, in-4).
DANOW (Ernest-Jacob), Danovius, théologien protes-
tant, né àKleinkatz près Dantzig le 12 mars 1741, mort
à léna le 18 mars 1782. Il fut professeur de théologie de
l'université d'Iéna, oh il occupa une position moyenne entre
l'école rationaliste de Semler (V. ce mot) et Fancienne
orthodoxie. Ses ïnstitutiones dogmaticœ (1772-1776,
2 vol.) ne sont pas sans mérite. Affecté d'hypocondrie, il
se noya dans la Saale, peu de jours après avoir condamné
le suicide dans son cours. C. P.
BiBL. : ScHÛTz, Leben u. Charakter des Herrn D. E. J.
Danovius^ dans Roustan, Briefe zur Vertheidigung der
chrlstlicfien Religion; Halle, 1783.
DANRÉE (MétroL). Ancienne mesure de superficie cham-
penoise ; valait 5^''^^5.
DANRÉMONT (V. Damrémont).
DANRY(V. Latude).
DANSANTE (Gonstruct.) Marche d'un escalier plus
étroite du côté du limon que du côté du mur, comme par
exemple toutes les marches d'un escalier en spirale ou en
limaçon et, dans un escalier dont une partie du limon est
courbe, les marches allant de cette partie courbe au mur.
Afin de corriger quelque peu ce qu'un tracé égal et régulier
de ces marches venant au centre du cercle ou aux foyers
de l'ellipse du limon offrirait parfois de trop exagéré,comme
étranglement des parties de marche joignant le limon, on a
l'habitude de tricher quelque peu dans ce tracé des marches
appartenant à cette partie curviligne et d'un certain nombre
des marches les précédant ou les suivant, afin d'augmenter
ainsi la largeur de ces marches près du limon ; ce genre
de tracé s'appelle faire danser les marches (V. Esca-
lier). Charles Lucas.
DANSE. I. Anthropologie. — Les hommes ont pro-
bablement dansé de tout temps. Dans sa forme la plus rudi-
mentaire, la danse dérive directement d'un besoin physiolo-
gique, du besoin impérieux d'épuiser par des mouvements le
surcroît d'influx nerveux engendré par toute émotion vive.
L'enfant qui saute, de joie esquisse la première danse ; ils
dansent aussi les mâles de tant de sortes d'oiseaux qui se
pavanent en saluant devant leurs femelles. Mais, de mani-
festation impulsive désordonnée, la danse s'est rapidement
élevée au rang de pantomime et est devenue un moyen
usuel de produire chez autrui les sensations et les sentiments
dont elle ne fut d'abord qu'une expression vague. Presque
partout, encore aujourd'hui, elle a une importance sociale
considérable et se présente sous quatre genres principaux :
comme exercice d'entraînement pour la guerre et la chasse,
comme pantomime amoureuse et comme cérémonie sacrée.
Chez beaucoup de peuples, même chez les peuples de race
blanche, elle est la cérémonie unique ou essentielle qui sert
à rehausser toutes les phases, tous les événements de la vie.
Les danses guerrières des Peaux-Rouges sont bien connues
par les sentiments de férocité qu'elles évoquent. Les Néo-
Zélandais dansaient aussi des danses guerrières qui, par
l'agitation des membres et des armes'' dans les combats
simulés, les invectives et les cris contre les ennemis, deve-
naient effrayantes. Dans les danses de chasse que pratiquent
même les Australiens, c'est la grossière pantomime, l'imi-
tation grotesque des animaux qu'on va poursuivre, qui sert
de thème principal et presque exclusif. La danse de guerre
survit chez des peuples où elle a perdu toute signification
d'exercice d'entraînement (chez les Arabes, au Caucase, etc.) .
La danse de chasse est de même devenue un simple amu-
sement chorégraphique, même chez des nègres où les rois
provoquent la joie admirative de leurs sujets en imitant
l'allure de certains animaux. La danse d'amour est assu-
rément la plus répandue. Toute danse où les femmes se
mêlent prend d'ailleurs généralement ce caractère. Chez
tous les peuples, même les plus civiHsés, la danse, faite ainsi
pour charmer et exciter les sens, devient aisément indécente.
Certaines danses sont même un spectacle des plus provo-
quants. On cite habituellement une danse polynésienne, la
timorodie, à laquelle les filles sont dressées presque
enfants, comme la plus caractérisée sous ce rapport. Beau-
coup de danses nègres ne le sont pas moins. Certaine danse
des Néo-Calédoniennes consiste uniquement dans quelques
mouvements obscènes. Une danse qui nous est bien connue,
la danse du ventre, peut être un tour de force singulier
ou risible que tout le monde peut voir ou un spectacle aussi
obscène que la danse des Néo-Calédoniennes. Les bayadères
MNSE - 862 -
de l'Inde sont dressées à des danses non moins provocantes,
mais plus raffinées. Toutes attachées à des temples, leurs
exercices revêtent d'ailleurs un caractère religieux. Mais
les danses religieuses, moins répandues, se rattachent en
général à des pratiques de sorcellerie ou sont des invoca-
tions d'une allure tantôt égarée, tantôt grave.
Les peuples enfants dansent avec frénésie. Tels sont en
particulier les nègres qui, au premier son de la plus rudi-
mentaire musique, se mettent à sauter sous le soleil le plus
ardent et passent habituellement des nuits entières à cet
exercice. Les peuples naturellement graves, aux moeurs
très réglées et aux habitudes actives, la dédaignent de plus
en plus. Les Chinois passent pour ne jamais danser et pour
considérer la danse comme un amusement ridicule et peu
digne. Chez nous, surtout dans nos grands centres urbains,
elle n'est plus qu'une survivance dénuée de signification.
Elle se maintient comme un amusement souvent peu d'accord
avec le sérieux de la vie ou comme l'accessoire décoratif
de certains spectacles. Zaborowski.
II. Antiquité. — L'art de la danse, chez les Grecs et
chez les Romains, comprenait tout ce que nous entendons
par le mot chorégraphie et par le mot pantomime^
c.-à-d. d'une part l'application du rythme musical aux
mouvements du corps, et de l'autre, la représentation dra-
matique réduite à la gesticulation {-/sipovoïkioL, gesticiilatio).
Le grec opxri<sx'i\<; et le latin saltator désignèrent indiffé-
remment quiconque exerçait l'un ou l'autre de ces arts.
Lucien a fait justice en quelques mots (De Saltatione, 7)
de toutes les fables relatives à l'origine de la danse : « Ceux
qui ont parlé avec vérité de son origine affirment qu'elle
prit naissance au temps même de la création de toutes
choses et qu'elle est aussi ancienne que l'Amour, le plus
ancien des dieux. » Certains peuples avaient une sorte de
renommée chorégraphique, notamment les Cretois, les
Phrygiens, les Arcadiens. De plus, chaque contrée avait
sa danse de prédilection. Chez les Athéniens, c'étaient les
chœurs et les rondes dionysiaques ; à Syracuse, les chœurs
iambistes, à Lacédémone, les danses guerrières exécutées
au son de la flûte. Les sexes étaient-ils toujours séparés?
Eustathe, dans son commentaire sur Homère, rapporte
que Thésée organisa des danses auxquelles prenaient part
les jeunes gens et les jeunes filles qu'il avait soustraits à
la voracité 'du Minotaure, ce qui reporterait la confusion
des sexes à une haute antiquité ; toutefois Athénée {Dip-
nosoph^ xiv, 15) rappelant que chez les Arcadiens il y
avait des danses où cette confusion était admise, nous
donne lieu de croire que c'était là une exception.
Les Grecs et les Romains avaient une façon toute diffé-
rente de considérer la danse, principalement la danse pro-
fane. Dans les cités grecques, elle était cultivée par les
citoyens les plus honorables et du rang le plus élevé. Un
danseur de profession, Aristodème, est envoyé en ambas-
sade par les Athéniens auprès du roi Phihppe. Ce même
roi épouse une danseuse, Larisséa. Socrate aimait la danse
et ne s'en défendait pas. Epaminondas était un bon dan-
seur. Rome tint longtemps cet art en mépris; vers 460
av. J.-C, Scipion Emilien proteste éloquemment contre l'in-
vasion de la danse profane au sein des écoles de gymnas-
tique (Macrobe, Saturnales, m, 14). Cicéron disait :
« Nul ne peut danser étant à jeun, à moins d'avoir perdu
la raison. » (Pro Murœna, 6.) Salluste cité par Macrobe
(Sa£., 8) après avoir rappelé les talents chorégraphiques et
musicaux de Sempronia, ajoute qu'elle y mettait beaucoup
plus de grâce qu'il ne convient à une honnête femme.
D'autre part, à Rome comme en Grèce, la danse figurait
dans les fêtes religieuses. En quoi consistait l'accompagne-
ment de la danse ? Dans Homère, elle est exécutée soit
avec celui d'un chant vocal, soit au son de la lyre, soit
encore aux sons de la lyre et de la voix. L'accompagne-
ment de la flûte vint plus tard de l'Orient ; toutefois il
apparait déjà dans Hésiode. Les danses dionysiaques récla-
maient plus particulièrement les instruments à percussion,
tels que tambourins, crotales et sistres.
Les anciens ont classé leurs danses de la manière sui-
vante (Athénée, xiv, p. 630) :
L Danses religieuses.
{ Tragique : Emmélie.
H, Danses dramatiques. . . , . < Comique : Cordace.
( Satyrigue : Sicinnis,
î Pyrrhique.
ni. Danses lyriques | Hyporchème.
( Gymnopédique.
IV. Danses particulières.
L'emmélie et la gymnopédique étaient graves et lentes ;
la cordace et l'hyporchème exprimaient la joie ; la pyrrhique
et la sicinnis se distinguaient par la véhémence .
C'est le lieu de marquer la différence entre l'orchestique
et la choristique. Le premier de ces termes, lorsqu'il est
employé dans un sens spécial, se rapporte aux pas et aux
gestes d'un seul danseur ou de plusieurs considérés isolé-
ment : le mot choristique désigne les mouvements circu-
laires exécutés par une troupe d'artistes dans les chœurs
religieux ou scéniques. L'union de la choristique et du
chant qui l'accompagne, c'est la chorodie. Le chef d'un
chœur est le npoopj7i(sxi\p, prœsultor. On en cite à qui
furent élevés des monuments funéraires (Lucien, De Sait. ^
44). Le paXXiajxo^ se rapproche plus de la choreia ou
choristique que de Yorchésis. iVthénée remarque (p. 362)
que le ballismos est toujours synonyme de choreia chez les
poètes Epicharme, Sophron et Alexis. De là l'italien ballo
et notre mot baL
Danses religieuses. On comprend exclusivement sous
cette appellation celles qui s'exécutaient à l'intérieur des
temples. Toutes les danses consacrées aux dieux Apol-
lon et Diane, personnification du soleil et de la lune, ou
plus généralement toutes celles qui se pratiquaient autour
d'un autel ou d'une victime, avaient un mouvement circu-
laire qui rappelait le mouvement apparent de ces deux
astres. On sait que léchant des bacchanales était le dithy-
rambe. Les hymnes dithyrambiques étaient toujours accom-
pagnés de danses exécutées au son des crotales. La danse
religieuse, à partir de Thespis, revêtit insensiblement une
forme de plus en plus rapprochée de la représentation
dramatique. Il est probable que le caractère liturgique se
conserva plus fermement dans le secret des mystères. La
tradition présente les Corybantes et les Curetés, prêtres
de Cybèle, comme les premiers qui pratiquèrent la musique
et la danse sacrées. A côté d'eux, se placent les Cabires, les
Dactyles, les Telchines. Les mystères d'Eleusis ayant fini
par absorber ceux de Bacchus, ouvrirent bientôt une brèche
à l'élément séculier et civil par le côté dramatique de ces
mystères (Ch.Maigmn, Origines du théâtre moderne ^p, 87) ;
c'est ainsi que la danse sacrée a produit la danse tragique,
ou emmélie, et la danse comique ou cordace.
A Rome, il en fut tout autrement. Les danses religieuses
ne sont pas là, comme chez les Grecs, destinées à se con-
fondre un jour avec les danses dramatiques. Dès les temps
les plus anciens elles avaient une place, accompagnées de
chants, dans les fêtes de Vitula, déesse de la joie et dans
celles de Volupia, déesse de la volupté, dans les lustra-
tions rurales et urbaines des frères Arvales et dans les
cérémonies des prêtres Salions qui furent institués en
l'honneur de Mars et d'Hercule, et dont le nom (Salii)
rappelle précisément ce détail particulier de leur minis-
tère (Satire). y ers l'an 200 av. J.-C, on réforma les jeux
mégalésiens consacrés à Cybèle (^ [xsyaXrj ôedç) empruntés
aux mystères phrygiens, jeux dans lesquels figurait le
sacrifice d'Attis. On y dansait au son des cymbales, du
tympanum et des flûtes « bérécynthiennes ». Les prêtres
nommés Galli étaient toujours mutilés comme Attis et
originaires de Phrygie, car cette mutilation aurait désho-
noré un citoyen romain. Les prêtres d'ïsis n'étaient que
tolérés. Affublés d'un costume étrange, ils parcouraient
les rues de Rome en demandant l'aumône et en exécutant
des chants et des danses avec accompagnement du sistre.
— 863 —
DANSE
Tite-Live parle de chœurs formés de jeunes filles qui dan-
saient en rond per manus reste data (xxvîï, 37).
Danses dramatiques. Les anciens Grecs faisaient venir
les mots l[xp.sXeia, xdpBaÇ et cr^xtvvtç des noms de trois
satyres ou prêtres de Dionysos (Lucien, De Sait.), Cette
étymologie indique l'intention de rattacher les danses dra-
matiques à une origine religieuse et notamment au culte
dionysiaque. L'emmélie, dénomination commune et aux
diverses sortes de danse exécutées dans la tragédie
et aux chants ou aux airs de flûte dont elles étaient
accompagnées, avait pour caractères la noblesse et la gra-
vité, on pourrait dire le recueillement (Platon, Lois^ vu).
On attribue à Eschyle son introduction sur la scène tra-
gique. D'ailleurs, Hérodote la lait danser par un jeune
Athénien, Hippoclide, à la cour de Clisthène, tyran de
Sicyone, vers l'an 500, pendant qu'une aulète fjoue un air
sur la flûte. Une variété de l'emmélie était le skiphismos
ou plutôt xiphismos. Le danseur, armé d'un glaive,
étendait la main comme pour porter un coup à son adver-
saire (Hésychius in voce; Eustathe, in Odyss. citant
Pausanias).
La cordace s'exécutait sur un rythme vif qui devait appar-
tenir au genre iambique ou double (rythme antique) ; car
Cicéron, d'après Aristote(Om^., 57) et Quintilien (tx, 4),
donnent le nom de « cordax » au trochée. Elle était,
comme l'emmélie, d'origine purement hellénique. Les
anciens la qualifient de oopTixd^, violente, et de (x(ssXyi\q^
licencieuse. Aristophane en fait un pas très libre où l'exé-
cutant jouait des hanches d'une façon comique et même
grotesque jusqu'à l'indécence. On a dit qu'elle devait se
retrouver dans la saltarelle dansée à Rome et dans la
tarentelle des Napolitains (Glaeser, Dissertation etc.). En
tout cas, elle se dansait encore pendant le moyen âge grec,
carNicétas parle d'un logothète appelé Camatère, qui «cor-
dacisait » (Manuel Gomnène, 1. III).
La sicinnis avait aussi un caractère religieux, diony-
siaque; elle était propre au drame satyrique, mais ce
n'est pas à dire qu'elle ne se rencontrât point ailleurs. Par
sa véhémence elle rappelait lesphyrrhiques ou danses guer-
rières. Entre autres origines, on l'a dite inventée enPhrygie,
par les prêtres de Bacchus-Sabazius. Une de ses princi-
pales variétés est la bacchique, exécutée dans le Pont et en
lonie (Lucien,!)^ Sait,, 22). Ce terme, pris génériquement,
comprend toutes danses où figurent Pan, satyres, silènes,
nymphes et ménades. Ses interprètes sont le plus souvent
dans un état voisin de l'ivresse. Ils sont désignés par les
termes de « satyristes» ou de « sicinnistes ». La sicinnis
romaine était en usage dès le règne des Tarquins (Denys
d'Halicarnasse, vu, 40). Le mot « Sicinnium » était déjà
ancien à l'époque du poète Attius (Aulu-Gelle, xx, 3).
Chez les Grecs, on dansait ce pas en s'accompagnant de la
lyre, du sistre ou de la voix ; mais à Rome, où il perdit
beaucoup de sa vivacité, le sicinniste et le musicien
n'étaient plus réunis dans la même personne (Aulu-Gelle).
Danses lyriques. On a vu plus haut que les danses
lyriques se divisent en pyrrhique, gymnopédique ethypor-
chématique. Le trait commun à ces trois catégories, c'est
que la danse est exécutée le plus souvent au son de la lyre
ou de la cithare. De plus, elles sont généralement consacrées
au dieu citharède Apollon, à Mars ou à Jupiter. Enfin, elles
admettaient le mélange des sexes.
La pyrrhique, suivant des traditions multiples, aurait été
inventée, les uns disent par Minerve, d'autres, par les
Dioscures, par Castor seul, par le dieu Bacchus,par les
Curetés, par Achille, par Néoptolème son fils, sans doute
à cause de son autre nom, Pyrrhus, par Lycurgue, par le
danseur crétois ou lacédémonien Pyrrhichus, enfin par
Thaïes qui, du moins, aurait composé les premiers airs
destinés à l'accompagnement de cette danse. On ne nous
demandera pas de choisir entre ces opinions. A Rome, on
lui donnait pour inventeur le roi Romulus. Elle s'y nom-
mait « belhcrepa » {festus, in voce), terme à rapprocher
des « bryaHstae » d'Hésychius, si l'on songe que (BpuaXiyp.o'^
signifie « bruit, cliquetis ». Il paraîtrait que cette danse,
dont les exécutants se frappaient avec des glaives, s'est
longtemps conservée en Italie. La pyrrhique tenait une
grande place dans l'éducation des Lacédémoniens. Leurs
enfants, d'après la législation instituée par Lycurgue,
devaient l'apprendre dès l'âge de sept ans. On la dansait
sur des airs composés dans le mode phrygien et au son de
la flûte. Il en était de même chez les Crétois. Primitivement
elle avait un caractère essentiellement militaire et violent,
c'était une danse armée. Plus tard, comme Fa remarqué
Athénée, il y eut une pyrrhique d'un mouvement beaucoup
moins vif. Si le texte d'Athénée est correct, elle figurait
dans les cérémonies dionysiaques. Ailleurs il la classe
parmi les danses comiques (p. 629). La pyrrhique où l'on
représentait la fable de Pasiphaé (Suétone, Néron, 12),
devait être une pantomime qui n'avait rien de la danse
guerrière. D'ailleurs, la mention d'une nijppixf] Ivo'TrXto^
(pyrrhique armée) notée par Meursius, donne lieu de croire
qu'il y en avait une autre qui ne l'était pas. Chez les Athé-
niens, elle avait son emploi dans les Panathénées, où de
jeunes « pyrrichistes » recrutés aux frais d'un riche citoyen
mimaient les combats qui s'étaient terminés à la gloire de
Minerve et de tout le nouvel Olympe. Platon (Lois, vu),
décrit dans tous les détails un combat de pyrrichistes. Cette
danse fut en usage dans tout le reste de la Grèce, en
Thrace et dans l'Asie hellénisée, au moins jusqu'aux der-
niers jours de l'empire romain. Elle est connue aujourd'hui
en Grèce, écrit M. Sathas, sous les noms ô Taa{jt.i}toç, ô
ap6av{tixo«; (l'albanaise), ô xX^^xixoç, ô XsGsvxixo; yopoç
etoxapxatXafxôfç. (Documents inédits relatif s à l'histoire
de la Grèce au moyen âge, t. IV, p. lxxvi.) Rappelons en
passant, d'après Ch. ]^h^và.(Coniectures étymologiques),
qu'au xvn^ siècle un célèbre maître à danser, Bocan, inventa
un pas qui reçut son nom (la bocane), contrefaçon ou cari-
cature de la pyrrhique ; de là viendrait l'ancienne expres-
sion « donner un boucan (donner une danse) ». Les femmes
exécutaient rarement la pyrrhique. Xénophon en cite un
exemple (Anabase, vi) . Dans VAne d'or d'Apulée et dans
les Ethiopiques d'Héliodore, on la voit danser par des
choeurs de jeunes gens des deux sexes. La description que
donne Apulée au livre X de ses Milésiennes rappelle à s'y
méprendre les figures de notre quadrille. Il est probable
que ce terme Tz\jppiyrr\ prit avec le temps une grande
extension. Le verbe nuppiitCBiv fut même assez souvent
synonyme à''opyjsXa^(xi,
Gymnopédie, C'était une danse que les jeunes garçons
de Lacédémone exécutaient, presque entièrement nus, dans
les cérémonies qui accompagnaient les fêtes de même nom,
célébrées en l'honneur d'Apollon Pythien, de Latone, de
Diane et même de Bacchus. Suivant les uns, ces danseurs
formaient des rondes autour de l'autel, situé dans l'Amy-
cléon, en se frappant mutuellement le dos et en chantant
des péans composés par Alcman et d'autres poètes . Les
coryphées ou premiers danseurs portaient des couronnes
de palmier. On les nommait Jhyréatiques, Oupsaxixo^ en
mémoire de la victoire remportée à Thyrea et des citoyens
morts dans cette journée. Selon Hésychius, la fête célébrée
encore de son temps sous ce nom par les Athéniens avait
lieu dans l'Agora. Les jeunes danseurs ne se frappaient
pas comme à" Sparte, mais ils étaient nus. Pausanias nous
apprend que la partie de l'Agora réservée à la gymnopédie
était ornée des statues d'Apollon Pythien, de Diane et de
Latone. Athénée donne le mot xprjTaa comme le premier
nom de cette danse. Elle avait, comme l'emmélie, un carac-
tère grave et sévère (Dipnosoph, xiv, p. 631).
Hyporchématique, C'était la danse lyrique par excel-
lence. Elle avait pour accompagnement des chants sacrés
ou « hyporchèmes » composés en l'honneur d'Apollon.
Athénée en trouve la forme primitive dans le passage de
VOdyssée (vm, 256) où Démodocus, à la cour d'Alcinoùs,
conduit un chœur de jeunes gens au son de sa voix et de sa
lyre, et dans ceux derj/m<i<^(xvni, 494 et 604) où déjeunes
citharistes accompagnent un chant et une danse exécutés
DANSE — 864
simultanément. Dans la période de perfectionnement, avec
Xénodème et Pindare, elle se divise en trois classes :
i ^ Monodie, un danseur ou une danseuse chante en solo
un hymne sacré, tandis qu'un autre artiste marque la
mesure avec les crenibales; 2<* Araébus (a{jLot6oç), hypor-
chème à deux voix et dansé à deux; 3** chœurs, danse à
plusieurs exécutants au son de la lyre ou de la cithare,
appartenant aux deux sexes, pris isolément ou mélangés.
Les choreutes tournaient autour de l'autel où les victimes
se consumaient, d'abord de gauche à droite, puis de droite
à gauche, et formaient une sorte de farandole animée.
Ces rondes étaient en grande faveur chez les Cretois, à ce
point que les hyporchcmes sont souvent appelés xprjxfxa
(Ath., Dipn,^ p. 181). Elles rappellent à s'y méprendre les
danses des Sahens.
Danses particulières. Les anciens, surtout les Grecs,
avaient une foule de ces sortes de danses destinées soit à
donner un attrait de plus à leurs festins, soit à les délasser
de leurs travaux rustiques et autres, soit à terminer des
fêtes de famille, naissances, mariages, obsèques, anniver-
saires, etc. Tantôt c'étaient des rondes, tantôt des pas,
des gestes, des sauts ou même des tours de force cadencés,
tantôt enfin de véritables pantomimes représentant sous
une forme simple et naturelle, parfois comique ou même
grotesque, les occupations du peuple, ses amours, ses
plaisirs et ses maux. Chaque contrée, chaque âge, l'un et
l'autre sexe, chaque condition sociale possédait sa danse
propre.
L'espace nous manque pour donner une description com-
plète et détaillée des danses particulières, mentionnées par
les auteurs grecs, surtout Athénée, et par les auteurs
latins, sans parler des nombreux monuments figurés qui
les représentent. Nous nous bornerons aux plus caractéris-
tiques. La même considération nous oblige à passer sous
silence les noms d'environ soixante-quinze danseurs qui
ont été mentionnés dans les écrits des anciens (V. Pan-
tomime). Vaposkélésis était une danse comique exécutée
par des enfants. A Lacédémone, les gens de bas étage
dansaient le mothon^ pas violent et grossier, même licen-
cieux, au son de la flûte, sur un air qui portait le même
nom. Les paysans chantaient la phrygienne et la dansaient
en s'accompagnant de la flûte, avec des sauts et des poses
grotesques, provoqués par d'abondantes libations. Les
bergers romains affectionnaient le tripudium pareillement
au son de la flûte en frappant du pied par trois fois (Cal-
purnius, Eclog,^ 14). Du reste le mot tripudium reçut
une acception plus générale. Vangélique^ où l'artiste
figurait un messager porteur d'une nouvelle, était une danse
Tîapot'vco?, c.-à-d. accompagnée de fortes libations. On la
pratiquait beaucoup à Sicyone et à Ithaque. Les Arcadiens
qui la dansaient un diadème posé sur leur tête, l'appelaient
cidaris, Vanthéma était une danse populaire accompa-
gnée de ce chant que nous a conservé Athénée (xiv,
p. 629) :
no'j [JLOi Ta l'a ; nou fjiot xà xaXà as'Xiva ;
Où trouverai-je les violettes? où trouverai-jedebeau persil
Plus anciennement on avait chanté : Iîo\j [xot xk
po8a, « où trouverai-je des roses ? » Vapokinos était autre
danse comique, nommée aussi mactrismos ou le
pétrin, caractérisée par un certain mouvement des reins et
des hanches. A cette classe appartiennent le bactriasmos,
Vaposeisis^ Vigdis^ le sobay^ le kalabousthai (xaXa-
6ouG0ai), le callibas, que l'on dansait en se frappant les
flancs, et le ricnousthai (pr/.vouaOat) ou jeu des hanches;
V ascoliasmos , qui consistait à sauter sur des outres
pleines (àaxoi) et frottées d'huile ; le baucismos, danse
ionienne inventée par le danseur Baucus; la bibasis,
exercice pratiqué à Lacédémone, pour lequel des prix étaient
décernés aux jeunes gens des deux sexes qui se frap-
paient le plus souvent du talon (Pollux, Onomast,, iv, 14);
Vépanconiasmos^ qui exigeait un vif mouvement des coudes
se heurtant contre ceux des voisins ; Vepilénios ou danse
du pressoir, pantomime exécutée au son de la petite flûte
ou syrinx, dont les pastorales de Longus (Daphnis et
Chloé) nous ont conservé une gracieuse description ; Tacite
a raconté une orgie présidée par Messaline {Annales, I. XI)
qui paraît être une parodie de ïépilenios ; Vhormus,
danse de caractère où les jeunes gens prenaient des atti-
tudes de guerriers et les jeunes filles exécutaient des pas
pleins de grâce (Lucien, De Sait,, 12); Apulée parle d'un
« hormus beUicosus » dansé au son de la flûte (Métamorph, ,
1.^ X) ; la kybistesis, où Ton marchait sur les mains.
L'artiste, qui était souvent une femme, lançait quelquefois
du feu par la bouche. C'était une des danses favorites des
Cretois. Une danse analogue, Veclactismos, était la spé-
cialité de certaines femmes qui élevaient leurs talons au-
dessus de l'épaule. La lamprotera se dansait avec accom-
pagnement de chants licencieux. Le morphasmos imitait
par des mouvements comiques, la démarche des animaux.
La danse des robes, duprâv opp<j^, originaire deBéotie,
devait avoir un caractère religieux et prenait place dans
les cérémonies funèbres. L. Dindorf prétend qu'elle se pra-
tique encore aujourd'hui en Grèce (H. Stephani, Thésau-
rus linguœ grœcœ, voce aupxoç). La thermystris, ou
danse du creuset, tenait de la pyrrhique et de la kybes-
tésis (Lucien, De Sait.). C'était une série d'exercices que
rappellent assez fidèlement ceux des clowns. Son nom lui
venait du « tricotement » des pieds, le lymphalicum tri-
pudium dont parle Apulée {Métam., 1. VIII).
Quant au costume des danseurs, il se confond générale-
ment avec celui des pantomimes (V. ce mot). Voltaire cite
la découverte d'une mosaïque, au pays de Vaux, repré-
sentant des danseurs, mais nous avons peine à le croire
lorsqu'il les dit « vêtus » précisément comme les danseurs
de l'Opéra {Diction, philosophique, art. Chant).
C.-E. Ruelle.
III. Moyen âge et temps modernes. — L'Église
chrétienne accueilht d'abord et renouvela dans ses fêtes les
représentations et les danses qui tenaient une si grande
place dans les cérémonies païennes ; elle conserva particu-
lièrement à la danse une importance considérable. On se
fondait pour la favoriser sur des textes de la Bible et les cou-
tumes hébraïques. Sans remonter jusqu'à David, on soutint
que saint Paul avait déclaré la danse utile dans le culte.
Grégoire le Thaumaturge l'y introduisit. Toutefois, tant que
les cérémonies chrétiennes furent célébrées à l'écart, la danse
y eut peu de développement. Les choses changèrent lorsque
le christianisme ayant triomphé put célébrer ses solennités
au grand jour et dans tout l'éclat d'une religion officielle ;
les danses servirent à les rehausser. Il est vrai qu'on ne les
accepta pas partout ; ainsi elles furent proscrites dans les
mariages, mais on les multiplia dans le culte public. Le
chœur des églises de cette époque était aménagé comme
une sorte de théâtre où se donnaient les danses religieuses
conduites par les prêtres à toutes les grandes têtes, parfois
même tous les dimanches ; on voyait même des évêques
diriger le chœur sacré. Théodose nous apprend qu'à
Antioche les premiers chrétiens dansaient non seulement à
l'église, mais aussi devant les tombeaux des martyrs. Les
progrès de ces usages sont attestés par ce fait que chaque
jour eut ses hymnes et ses danses propres. La veille des
grandes fêtes, les plus zélés fidèles se rassemblaient de
nuit à la porte de l'église, chantaient et dansaient. Les
pères de l'Eglise font l'éloge de la danse. Saint Basile
{Epist.I, Ad Greg.) dit que c'est par excellence l'occupa-
tion des anges dans le ciel. Cette organisation aimable des
fêtes chrétiennes facilita beaucoup la conversion des païens.
D'ailleurs, plusieurs dates des grandes fêtes de la religion
romaine officielle, de celle de Mithra, etc., avaient été
adoptées par les chrétiens qui se contentèrent d'en changer
rétiquette.
Telle était la situation au iv® siècle ap. J.-C. Elle dura
peu. Les danses nocturnes devinrent suspectes, non sans
motif, car elles donnaient lieu à de graves abus, à des
débauches ; les chefs de l'Eglise durent'les interdire. Ils ne
réussirent pas à les supprimer. Le concile de 692, qui
— 865 —
DANSE
interdit de célébrer les anciennes fêtes païennes des ca-
lendes de janvier (premier de l'an), des Brumalia, des
Vota, les anciennes Dionysiaques de la fm de février (car-
naval), prohiba expressément les danses publiques et pro-
vocantes des femmes et accusa ces fêtes et ces danses
d'être célébrées en l'honneur des faux dieux. Rien n'y fit :
dans les églises, dans les cimetières, les divertissements,
les chants et les danses continuèrent. Les papes Grégoire III,
Zacharie (en 744) les interdirent ; une foule d'écrivains les
blâmèrent. La danse religieuse conservait trop son carac-
tère païen ; de plus, elle avait été un élément essentiel des
cultes celtiques et germaniques, s'était maintenue dans les
usages populaires, se liant à ces superstitions vivaces que
le christianisme n'a pu déraciner, aux légendes des elfes et
de ces démons, sorciers et sorcières, que l'imagination po-
pulaire opposait aux saints et aux personnages divins du
christianisme. Plus s'accuse au vm^ siècle en Occident
l'antagonisme entre le paganisme et le christianisme épuré,
plus la danse est considérée comme occupation et céré-
monie caractéristique des démons et du diable, patron des
sorcières dont il préside les ébats nocturnes. On maudit la
danse, on en lit la condamnation dans l'Ecriture sainte ; on
évoque le souvenir d'Hérodiade qui dansa pour faire couper
> la tête de saint Jean-Baptiste. « Quand tu vois danser,
disait-on, songe à la tête sanglante de saint Jean, tu te
préserveras de la tentation diabolique. » EHminée gra-
duellement de l'église et des fêtes ecclésiastiques, la danse
religieuse disparaît. La danse sécuhère a beaucoup perdu
aussi, mais n'a pas disparu. Sans doute, les danses de
société ont été oubliées ; il n'y a plus ce qu'on appelle « le
monde » ; dans les cours féodales, les danses graves et
nobles ne se retrouvent pas. Les autres, vives ou lascives,
subsistent, mais sont mal vues ; on les juge corruptrices ;
on recommande de n'y jamais laisser aller sa femme ou sa
fille. Les danses les plus curieuses de cette époque sont
évidemment les danses populaires sur lesquelles nous
sommes peu renseignés et qui devaient avoir dès lors dans
chaque pays le caractère original ou composite que nous
retrouverons plus tard ; quant aux danses des sorcières
(V. ce mot), il en sera parlé ailleurs.
La danse en Italie au xvi® siècle. — La renaissance de la
danse (danses scéniques et danses de société) fut une con-
séquence de la Renaissance qui la remit en honneur avec
les autres divertissements antiques. On débuta par la danse
scénique ou dramatique, le ballet (V. ce mot). La pre-
mière manifestation fut la grande fête de 4489 offerte par
le gentilhomme Bergonza de Botta, à l'occasion du mariage
de Galéas Sforza, duc de Milan, avec Isabelle d'Aragon
(1489). Le ballet représentant la légende des Argonautes
et la conquête de la Toison d'or eut un immense succès et
fut admiré dans l'Europe entière. La description nous en a
été transmise par Tristano Calco dans son De Nuptiis
ducum mediolanensium. A la fin du xv^ siècle et au
XVI®, les ballets se multiplient ; on figure des personnages
héroïques ou classiques, bibliques ou allégoriques, Judith
et Thamyris, des ombres romaines, des fleuves, etc. ; on
représente par des danses mimées le Siège de Troie, le
Jugement de Paris, la Conjuration de Cinna, la Naissance
de Vénus, la Nuit, les Saisons; des groupes de danseuses,
habillées de môme (quadrilles) figurent par des pas, des
gestes et des expressions, l'action qu'il s'agit de repré-
senter ; on varie les instruments musicaux selon le carac-
tère de la danse. A la même époque, les pantomimes et les
danses comiques ont un vif succès et les masques ou types
de la comédie italienne se dessinent (V. Comédie). Les
fêtes c[ue prodiguaient à l'envi les fastueuses petites cours
d'Italie étaient très favorables à la danse ; plus que toute
autre dynastie, celle des Médicis la goûte ; chez eux, la
danse est sans doute un spectacle, mais c'est aussi un
plaisir auquel prennent part les seigneurs et les courtisans ;
après un banquet nuptial des Médicis, on dansa jusqu'à
une heure du matin. Soixante-douze jeunes dames, groupées
en six cohortes, dansèrent au son des tambourins et des
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — Xlîl.
autres instruments. La belle Lucrèce Borgia était une dan-
seuse passionnée. Souvent elle charma son père par la grâce
qu'elle déployait à la danse. Lors de son mariage avec le
duc Alphonse de Ferrare, elle descendit à plusieurs reprises
de la tribune officielle pour se mêler aux danseuses et
prendre sa part de leurs plaisirs au son du tambourin.
Les danses de la bonne société, qui ne prirent leur
plein développement qu'en France, étaient graves ; on les
appelle danses basses, parce qu'en s'y livrant on ne quit-
tait pas terre, on glissait sans sauter ni sautiller. Elles
étaient graves à ce point qu'on les accompagnait du chant
des psaumes ; le roi de France Charles IX préférait comme
musique de danse la mélodie du psaume 129. Les danseurs
avaient le manteau sur l'épaule, mais le rassemblaient sous
le bras gauche, l'épée au côté, la barrette à la main ; les
danseuses étaient vêtues de robes montantes à longue
queue traînante ; les mouvements étaient donc lents et ne
nuisaient en rien à la dignité des fjersonnages officiels,
aussi les plus hauts dignitaires ecclésiastijîues n'hésitaient
pas à figurer dans les bals à côté des dignitaires séculiers ;
on vit au bal donné par Louis XIÏ à Milan les cardinaux
de Narbonne et de Saint-Séverin ; le cardinal Hercule
d'Esté fut un danseur passionné ; le sombre Philippe II,
venu à Trente en 1562, y prit part à un bal avec tous les
pères du concile.
Au xvi® siècle, la danse est un art italien ; ce sont les
Italiens qui rédigent les préceptes et les descriptions, qui
fournissent des professeurs à toute l'Europe. Fabrizio
Caroso de Sermoneta est le principal écrivain chorégra-
phique; son Ballarmo (Venise, 1581), dédié à la belle
Bianca Capello, duchesse de Toscane, décrit un grand
nombre de danses. A cette époque, les danses de société
avec leurs mouvements d'ensemble lents et doux, leurs
petits pas de quatre pouces, diffèrent encore très peu du
ballet. Il n'y a pas de figures de danse usuelles qu'on
puisse comparer aux nôtres. Avant chaque fête, on règle
l'ordre et les pas comme pour une représentation scénique.
Ce qui attire le plus l'attention, ce qu'on règle dans le
plus minutieux détail pour les cavaliers accomplis, ce sont
les révérences.
Dans chaque ballet ou danse, la révérence comporte
huit mesures. Nous reproduisons la description qu'en
donne Czernewicz {Tanzkunstf pp. 49-53) afin qu'on
puisse se rendre compte des habitudes du xvi® siècle et des
principes adoptés alors. La révérence complète comprend
deux parties de quatre mesures chacune; la révérence [rive-
renxa) proprement dite et la contenance (continenza),
La révérence grave {river enza grave) a quatre temps :
le premier temps est la position d'attente, on se tient droit,
tourné vers la dame, le pied gauche dépassant de moitié le
pied droit distant de quatre pouces environ ; au second
temps, on retire le pied en arrière, les deux pointes en
ligne, les pieds posés à plat sur le sol, on incline légère-
ment la tête et le corps en tendant les jarrets ; au troisième
temps, on sépare les pieds et on fléchit les genoux gracieu-
sement ; au quatrième temps on se redresse, ramenant les
deux pieds côte à côte et relevant la taille et la tête. La
révérence est faite avec le pied gauche, celui du côté du
cœur, qu'on offre à sa dame, tandis qu'on s'appuie sur le
côté droit le plus fort et ferme du corps. Tout mouvement
de danse commence du pied gauche ; le droit est immobile
dans la révérence et toujours on le remue le moins pos-
sible . — La petite révérence {riverenza minima) est en
quatre demi-temps: position d'attente, retrait du pied
en arrière et salut, flexion légère des genoux, réunion
des deux pieds ; l'ordre suivi est le même que pour la révé-
rence grave. — On en indique une troisième dite des
cascardes ou de demi-mesure {riverenza semiminima in
balzetto fatta aile cascardé). Dans celles-ci on laisse pas-
ser les deux premières mesures en restant les pieds réunis,
à la troisième on avance un peu le pied gauche, puis on le
ramène, on saute légèrement des deux pieds et on retombe
au quatrième temps; ce mouvement de saut doit être
55
DANSE
- 866 -
accompli en une demi-mesure de musique. On peut encore
combiner cette révérence avec la première. — La révérence
achevée, le mouvement se continuait par la contenance cor-
respondante. La contenance grave {continenza grave)
occupe quatre mesures ; on glisse le pied gauche à quatre
pouces vers la gauche et on place parallèlement le pied
droit, ou bien encore on place le talon droit à la hauteur
du milieu du pied gauche ; simultanément on s'incline avec
grâce et on se relève comme dans la révérence, puis on se
rengorge. -~ La contenance simple (continenza minima)
est ia précédente abrégée en deux mesures. — A la cascarde
en deux temps correspond la puntata grave ou la pun~
tata minima. Au premier temps on avance le pied gauche
plaçant son talon vis-à-vis la pointe du pied droit à quatre
ou cinq pouces de distance et on se dresse de son ah' le
plus digne ; après une pause au milieu du deuxième temps
on ramène le pied droit à côté du gauche et on incline
légèrement le corps. La petite puntata s'exécute en un
temps et par suite on supprime la pause et on n'a pas le
loisir d'inchner le corps.
Les pas graves des ballets étaient tous en un temps ; on
commençait par avancer le pied gauche, on ramenait le
droit, les jarrets devaient être bien tendus et les pointes
des pieds parallèles ; les inclinaisons du corps accompa-
gnaient tous ces mouvements. La contredanse italienne,
dansée en ligne, cavaliers et dames se faisant vis-à-vis,
passa en Angleterre, où, combinée avec le rigaudon, elle
donna naissance à V anglaise.
On se ferait une idée très insuffisante de la chorégra-
phie italienne du xvi® siècle si on ne s'occupait que des
danses officielles d'un caractère plus ou moins scénique.
Dans le développement des danses de société qui se com-
pléta en France dans la période suivante, les danses popu-
laires ont fourni de nombreux éléments. Nous sommes
assez complètement renseignés à ce sujet par les descrip-
tions que nous ont laissées les danseurs Chiarampino et
Chiappino ; ils nous parlent d'une foule de danses siciliennes,
romaines et vénitiennes tombées en désuétude depuis lors.
Les principales étaient la gigue (giga), la gaillarde (ga-
gliarda) la tarentelle elle passamezzo. Les deux premières
étaient d'un caractère gai et d'un mouvement vif;
ia gaillarde ou romanesque est sur une mesure de trois-
deux, trois-huit ou trois-quatre, parfois même deux-quatre
ou quatre-quatre et comprend deux parties de douze me-
sures ; la dernière était une atténuation de la gaillarde,
d'un mouvement lent, où l'on faisait moitié autant de pas
que dans celle-ci: elle était glissée ou sautée selon le local.
Les instruments de musique employés étaient la guitare,
le tambourin, les castagnettes et le morte llo ; souvent
ils étaient maniés par le danseur lui-même. La tarentelle
était et est encore la plus caractéristique des danses popu-
laires itahennes. Elle se danse dans l'Italie méridionale,
notamment dans la région de Tarente et c'est peut-être de
là qu'elle vient. On lui donne une étymologie et une ori-
gine plus légendaires et sur laquelle les peuples méridio-
naux sont d'accord, la morsure d'une araignée venimeuse,
la tarentule (lycosa) , donnait une maladie nerveuse qui se
traduisait par une agitation extrême ; forcés de danser, les
malades n'étaient soulagés que par la musique qui ryth-
mait leurs pas. On leur faisait ainsi danser la tarentelle
dont le caractère particulier est un mouvement musical de
plus en plus rapide. H y a plusieurs formes de cette danse
et de sa musique ; on en énumère six, mais nous n'avons
pas la musique de toutes. Voici comment se danse encore
maintenant ia tarentelle à Naples et à Tarente. La mélodie
sur une mesure six-huit est très gaie :1e chant est accompagné
de castagnettes et de tambourins ; la danse est exécutée
par un couple ; le cavalier et la danseuse commencent
par se faire vis-à-vis en sautillant en mesure, puis ils
tournent, sautent, se poursuivent, changent de place avec
la plus extrême rapidité, cherchant à se surpasser l'un
et l'autre ; la vitesse vertigineuse à laquelle ils atteignent
étonne les étrangers. Les Siciliens dansent la tarentelle
avec moins de fougue, mais déploient une admirable légè-
reté, donnent à cette danse une allure et une signification
plus tendre; on l'a comparée chez eux au vol de deux pa-
pillons; au point de vue technique, la tarentelle, où l'on
meut tout le corps, bras et jambes, comporte une grande
fantaisie, la seule obhgation est de marquer nettement la
mesure. Une autre danse analogue, où tout le corps est
intéressé, est la saltarelle (saltarello)^à3iïïse populaire des
Romains. La musique est sur la mesure deux-quatre, d'une
allure de plus en plus rapide. La saltarelle se saute en mar-
quant fortement les temps ; les mouvements sont infiniment va-
riés ; la danseuse tient son tablier, ou une écharpe, déployant
sa grâce surtout dans les mouvements des bras ; le danseur
joue de la guitare ; au xv^ et au xvi® siècle, la saltarelle
fut introduite dans les cours; depuis elle s'est conservée
comme danse populaire, surtout à la campagne. ~- La sici-
lienne [siciliano) est une danse nationale de la Sicile, sur
la mesure six-huit, d'un mouvement ralenti ; elle contraste
avec la tarentelle dont elle diâere surtout par la musique.
La forlane ou furlane, sur la même mesure de six-huit, est
une danse vénitienne (plus exactement frioulaney des
gondoliers dansée par un couple ou deux et d'un caractère
très vif; elle n'a rien de bien original. La bergamasque
fut d'abord une danse des paysans de la province de
Bergame, considérés comme les plus turbulents de l'Italie ;
la musique qu'on renouvelait encore au xvni® siècle est
pour violon ; elle comprend deux parties de huit mesures
chacune. La volte est une espèce de gaillarde (V. plus
loin) tombée en désuétude. On cite encore la francesca^ la
monferine,, la seccarara^ le trescone^ la trevisane, etc.
La danse en Espagne. — La danse est l'occupation
favorite des Espagnols, leur passion nationale. Il n'est pas
de voyageur qui ne l'ait constaté, et depuis l'antiquité tous
sont d'accord à ce sujet. Les écrivains romains nous ont
décrit le pas des danseuses de Gadès (Cadix), très ana-
logue au fandango et au boléro avec les inévitables cas-
tagnettes. Dès cette époque la Bétique, qui correspond à
l'Andalousie, était regardée comme la terre classique
de la danse. Aujourd'hui encore chaque cité y a sa danse
caractéristique, le jaleo à Xerez, Vole gaditano à Cadix,
la rondena à Ronda, etc. Au xvi^ siècle, lorsque sévissait
l'Inquisition, on dansait autant que jamais et les érudits
rapprochaient le meneo de la crissatura romaine et le
zapateado ou le taconeo du lactisma. En tout cas, les
crotalia sont incontestablement les castagnettes, l'instru-
ment musical par excellence des Espagnols. De même on
rapproche du tympanum des anciens le tambour basque
(elpandero, la pandereta). Les danses des Basques ont
été décrites par J.-J. de Iztueta dans un traité en langue
basque sur « les anciennes danses du Guipuzcoa et leurs
règles » (Saint-Sébastien, 1824); il en expose en détail
trente-six, avec le chant et les attitudes. Une des princi-
pales est la danse des lances (pordon dantza) qui est
exécutée à la fête de Saint-Jean-de-Tolosa en souvenir de
la bataille de Beotibar (Guipuzcoanes contre Navarrais) par
des hommes maniant des bâtons en guise de lance ; ils
s'alignent, chantent et gesticulent vivement. La danse tient
encore une place essentielle dans les cérémonies du pays
basque et jusque de nos jours on ouvrait par un bal l'as-
semblée provinciale de Guipuzcoa. La danse nationale des
Basques est le saut basque qui comporte un grand nombre
de variantes.
Les Maures, conquérants de la péninsule espagnole, y
apportèrent leurs danses et leurs mélodies, lesquelles ont
conservé encore beaucoup de caractère dans le sud de l'Es-
pagne ; il est juste de rappeler que les populations à demi-
phéniciennes de ces contrées avaient déjà des danses
voluptueuses analogues à celles qui firent du temps de
l'empire romain la réputation des femmes de Gadès. On
considère la plupart de ces danses comme des formes affai-
blies de la chika^ la grande danse des nègres que l'on
retrouve dans toute l'Afrique. Elle a été portée en Amé-
rique par les esclaves noirs et trouve place dans toutes les
867 -
DANSE
fêtes religieuses des anciennes colonies espagnoles. La
mélodie en est particulière, le mouvement très rapide ; la
danseuse tient un mouchoir ou les coins de son tablier ;
leur grand art est dans les flexions des hanches et des
cuisses, tandis que le buste reste immobile ; le danseur
s'élance vers elle d'un saut, se retire, revient comme pour
s'en emparer ; on conçoit que ces attitudes voluptueuses
expriment par une mimique saisissante toutes les péripéties
de la lutte amoureuse et de l'existence progressive des
acteurs. On peut rattacher à la chika toute une série de
danses; un autre type est la moresque, danse très vive
avec sauts en hauteur et cabrioles, peut-être d'origine
grecque, qui est encore dansée, dans presque tous les pays
riverains de la Méditerranée, en Grèce, en Albanie, en
Serbie, en Corse, en Espagne, etc.; c'est une danse guer-
rière, d'un caractère dramatique ; en Corse et en Espagne
elle représente un combat contre les Sarrasins, la délivrance
de Jérusalem ou de Grenade, ou bien encore la prise d'AIeria
et de Mariana par le comte Hugues Colonna. Cette danse a
beaucoup de caractère ; elle paraît demi-religieuse et demi-
profane. Elle passa au xiv^ siècle en Angleterre et dans
toute l'Europe.
En somme, on peut distinguer en Espagne deux groupes de
danses, celles du Nord dont le type est donné par les danses
basques, celles du Midi qu'on dérive des danses maures-
ques. Parmi les premières, il faut citer celle du roi Alphonse
qu'on fait remonter au x® siècle et dont l'accompagnement
était une romance qui lui a valu son nom. Les jongleurs
et ménestrels jouant souvent des airs de danse (baladas,
dansas) ne se bornaient pas à chanter, mais aussi accompa-
gnaient des danses. Nous citerons parmi les danses espa-
gnoles du moyen âge, tombées généralement en oubli au
XVI® siècle : la gibadana ; Vallemanda , venue d'Alle-
magne, dont il sera parlé plus bas; Lope de Vega, dans sa
Dorothée, déplore l'abandon de ces deux danses anciennes ;
on nomme encore le tourdion (V. plus loin), dont la
vogue se dessina quand on en revint aux danses basses ;
ie piedegibao, etc. La principale danse de société des Espa-
gnols du XVI® siècle est la pavane ou pava d'Espagne ; la
pavane est une danse solennelle qualifiée par excellence de
grande danse ; les princes y figurent en manteau de gala,
les chevaliers avec le manteau et l'épée, les magistrats en
robes, les dames avec leur robe à longue traîne ; on les
compare au paon qui fait la roue ; de là serait venu le
nom de la" danse, à moins qu'on ne le dérive simplement
de la ville italienne de Padoue. La première étymologie a
l'avantage de bien répondre aux attitudes des danseurs :
ceux-ci se déplaçaient lentement, tournant selon un pas
grave et mesuré, relevant en arrière leur manteau à l'aide
des bras et de l'épée de manière à imiter exactement la
démarche du paon. En Allemagne, on joignait ordinairement
la pavane à la gaillarde, d'ailleurs plus légère, afin d'en
égayer le sérieux.
Parmi les danses populaires de l'Espagne au xvi® siècle,
on distinguait deux catégories, les bayles et les danzas ;
dans les premières on remuait autant les bras que les
jambes ; à cette catégorie appartenaient les danses les plus
légères oit l'on cherchait surtout la souplesse et l'agilité
(bayles picarescos). Il faut noter que tandis qu'en Italie
la danse dramatique eut pour origine des ballets organisés
par les archéologues de la Renaissance, en Espagne elle
eut, comme le théâtre, une origine populaire. Dès le moyen
âge et principalement au xvi® siècle, lors des fêtes reli-
gieuses, on joint aux autos des danses. On nous dit que
le cardinal Ximenes restaura à Tolède l'ancien usage des
danses dans le chœur de l'église pendant le service ^divin.
Cet usage s'est perpétué jusqu'à nos jours, et, à Séville,
par exemple, un corps de danseurs est attaché à la cathé-
drale. Ce sont des enfants de chœur de douze à dix-sept
ans, qu'on nomme seises ; ils ont encore l'ancien cos-
tume bleu et blanc avec feutre orné de plumes, le manteau
et l'écharpe ; ils exécutent devant le maître-autel une danse
grave au son de castagnettes d'ivoire accompagnée de
chants religieux ; on a rapproché cette danse de celle que
David exécuta devant l'arche.
A côté de ces danses d'un mouvement calme et d'un
caractère presque austère s'en développent d'autres plus
vives et plus voluptueuses que le peuple préfère, aban-
donnant totalement les anciennes, au grand désespoir des
écrivains. Ils énumèrent beaucoup de ces nouvelles danses
dont ils blâment l'allure lascive, las gambelas, et polio, le
rastroso, la gorrona, la perra mora, el zapateado, la
gira, etc. La plus en vogue était la gallarda ou gaillarde,
dont on appréciait surtout la gaieté. Elle se dansait sur la
mesure trois-quatre et comportait cinq pas ; comme la
pavane, elle avait trois reprises de quatre, huit ou douze
mesures ; elle était constamment accompagnée de chants,
parfois sans instrument de musique. A côté de la gaillarde
on ne peut omettre h sarabande, la chaconne et Vescar-
raman, d'un caractère plus voluptueux, qui eurent une
vogue presque exclusive sur toutes les scènes espagnoles à
la fin du xvi^ siècle et au xvii*^. La sarabande est consi-
dérée par les moralistes comme d'invention diabolique ; ils
obtinrent une interdiction qui ne fut pas observée. La sara-
bande était exécutée par des femmes seulement ; la cha-
conne l'était par des couples de danseurs et danseuses.
Elle avait été empruntée aux Basques et fut accueillie avec
grande faveur se propageant au xvii® siècle dans toute la
péninsule et remplaçant la sarabande, Cervantes, dans ses
Nouvelles, en fait l'éloge. Elle domina pendant tout le
XVII® siècle et ne fut détrônée qu'au suivant par le fan-
dango. D'Espagne elle s'était répandue en France et de là
dans l'Europe entière. Proscrite par le pouvoir comme
immorale, elle fut si énergiquement réclamée par le peuple
qu'on dut continuer de la tolérer sur la scène; le public
espagnol goûtait surtout la danse quand il assistait à une
représentation dramatique. A la chaconne et la sarabande
il faut ajouter comme danses analogues l'escarraman el le
zorongo.
Ces danses populaires ne demeurèrent pas en possession
du théâtre ; elles en furent chassées par les danses scé-
niques proprement dites, les grands ballets à la mode ita-
lienne, surtout à dater du règne de Philippe IV ; ceux-ci,
donnant lieu à des divertissements plus variés, à des mou-
vements d'ensemble et des combinaisons qui s'accordaient
mieux avec une action dramatique, triomphèrent et restè-
rent maîtres de la scène. La sarabande, la chaconne ont
donc à peu près disparu au début du xvni® siècle. Mais le
peuple conserva des danses analogues, d'un caractère un
peu moins libre. On les groupe sous le nom de seguidillas ;
combinant la danse et le chant, sur la mesure trois-quatre en
général, elles ressemblaient fort au boléro, qui a conservé
leurs figures, leurs refrains et leurs pauses, mais en ralen-
tissant l'allure. De ces seguidillas sont dérivées la plupart
des danses populaires actuelles de l'Espagne. Nous en indi-
querons donc sommairement les principaux traits. Aux
accords de la guitare, les danseurs, groupés en paires,
s'alignent face à face, séparés les uns des autres par une
distance de trois à quatre pas. Après un prélude, lorsque
le guitariste attaque l'air de danse, à la quatrième
mesure, on commence les mouvements accompagnés de
chant et de claquement des castagnettes. A la neuvième
mesure se place une pause où l'on n'entend plus que la
guitare ; puis on change de place ; après une promenade
accomplie avec une silencieuse gravité, la danse recom-
mence ; on revient à ses places ; la troisième partie de la
seguidilla est brusquement interrompue à la neuvième
mesure et l'usage veut que chaque danseur s'arrête instan-
tanément, comme figé dans l'attitude qu'il prenait à cet
instant. Les pas de seguidilla sont très variés ; on emploie
ceux du fandango, de la jota, d'autres danses, cambrant le
corps et les bras, danseurs et danseuses se rapprochent et
s'écartent alternativement ; de temps à autre, ils frappent
le talon bruyamment (taconeo). Une description ne peut
rien rendre de la grâce féerique que déploient dans leurs
moindres mouvements les danseuses andalouses ; leur sou-
DANSE
- 868
plesse et leur élégance dans ces attitudes surpassent infi-
niment le charme des mouvements trop géométriques de
nos ballets ; nul saut, aucun effort ni détour de force. Des
seguidillas vient le fandango^ danse lente sur la mesure
six-huit, exécutée par deux personnes, au son des cas-
tagnettes ; la précision des mouvements qui suivent exac-
tement la musique est très grande. Le fandango séduit par
sa mimique tendre et abandonnée au début, passionnée à
la fin ; il n'a pris toute sa grâce que lorsqu'il est devenu
une danse populaire affranchie de la correction sévère que
lui maintenait la bonne société. La tirana est une danse
andalouse, analogue au fandango, dont l'air n'a que quatre
vers. On en peut rapprocher encore la jota aragonaise,
exécutée par trois personnes qu'accompagnent deux chan-
teurs. Le boléro^ dérivé également des seguidillas, a été
inventé, dit-on, par le tameux danseur don Sébastian
Zerezo, en 1780. Comme le fandango, il est dansé par deux
personnes qui enchaînent leurs mouvements ; mais il a
conservé plus de retenue et de décence, la tendresse y pré-
vaut sur la passion. La mesure trois-quatre et le temps sont
ceux du menuet, le rythme est très accentué. Les différentes
parties du boléro sont la promenade ou paseo^ qui sert de
prélude ; les traversias ou changements de place ; les dif-
férencias 011 l'on exécute les pas de danse proprement
dits ; après un nouveau changement de place vient le finale
selon la règle posée pour la seguidilla. Souvent le boléro
est chanté avec accompagnement de guitare. Une des prin-
cipales difficultés de cette danse tient à la précision du
rythme. — La cachucha est dansée par un cavalier seul
ou plutôt par une dame seule avec accompagnement de
castagnettes ; les mouvements des bras et du buste lui don-
nent comme aux autres danses espagnoles sa grâce et son
expression. Fanny Elsler y fut inimitable. Par la combi-
naison du boléro et de la cachucha, on a créé les segui-
dillas toleadas. Parmi les autres danses andalou ses, on peut
nommer encore la guaracÂa exécutée par une seule per-
sonne, qui s'accompagne elle-même en pinçant sa guitare, sur
la mesure trois-huit ; la rapidité croissante de l'allure rap-
proche la guaracha des danses italiennes ; le vito, h cala-
feins de Cadjx, le chair o, le panaderos, le jaleo, etc.
Volé de Cadix paraît être la même danse qu'admiraient
les anciens Romains. Elle doit ce nom à l'exclamation
« Ole » dont on encourage la danseuse ; celle-ci y déploie
plus que dans aucune autre sa souplesse ; elle se ploie
jusqu'à toucher la terre des bras et des épaules, se ren-
verse comme pâmée et semble flotter sur le sol, se redresse
d'un bond en frappant ses castagnettes. Consacrons encore
une mention à h folie d'Espagne, danse plus grave, sur la
mesure trois-quatre en deux parties de huit mesures chacune,
composée par Corelli ; elle passionna la noblesse espagnole,
La danse est encore de nos jours un divertissement favori
de l'Espagnol, et, au théâtre, on l'exécute souvent après la
représentation dramatique; mais c'est dans les bals ou
académies populaires qu'il faut admirer le fandango ou le
boléro.
La danse en France. — L'évolution de la danse fran-
çaise a été, comme dans les autres pays, Hée à celle de la
chanson et de la poésie populaire (V. ces mots), et les
danses populaires n'ont cessé d'y fleurir à côté des danses
plus savantes ou artistiques des théâtres et des classes
supérieures. Mais ce qui donne à la danse française une
importance exceptionnelle, c'est que c'est elle qui élabora
les principales danses de société, en fixa les règles et les
transmit aux autres pays. Dans la mesure où la danse est
un art, c'est un art français. Pour celui-ci, il n'y a pas
lieu de remonter au delà du xvi^ siècle ; on ne le pourrait
guère pour les danses populaires qui ont conservé dans
chaque province leur originaHté.
Au xvi*^ siècle, les danses de société rentrent dans la
catégorie des danses basses ; les pas sont seulement glissés,
on ne saute pas et on ne s'enlève pas de terre. Ces diver-
tissements ont un caractère de gravité solennelle ; à la cour
de Charles IX, on les exécute au chant des psaumes ; la
mélodie préférée par le roi était celle du psaume 129. Les
dames, engainées dans leurs robes montantes à longue traîne,
paradent et se rengorgent, taisant la roue ; les cavaliers
ont l'épée au côté , le manteau sur les épaules , le ramènent
sous le bras gauche. La danse basse comprenait trois parties :
la basse danse proprement dite, le retour et le tourdion.
L'ensemble est de quatre-vingts mesures : deux fois seize
pour le début, seize pour le retour et deux fois seize pour
la conclusion. C'était ce qu'on appelait la danse régulière ;
lorsque l'air avait plus ou moins de quatre-vingts mesures,
la danse était dite irrégulière ; celle-ci brouille aussi l'ordre
des pas. Le poète provençal Antoine d'Arena (1500-1544)
nous a transmis un recueil de danses basses irrégulières, les
plus fréquemment employées ; la musique est sur la mesure
trois-quatre ; souvent on n'employait qu'un seul musicien
jouant du fifre et du tambour. Le cavaher donnait la main
droite à sa dame, la menait à la place qu'elle occupait pen-
dant la danse. Celle-ci débutait par la révérence (quatre
mesures) exécutée le pied droit en avant, puis venait le
branle (quatre mesures) ; le cavalier tenait les pieds réunis ;
à la première mesure il inclinait lentement le corps à
gauche, à la seconde à droite, puis de nouveau à gauche et
à droite (troisième et quatrième mesures) tout en regardant
sa dame. Venaient ensuite deux simples (quatre mesures) ;
on avançait le pied gauche (première mesure), on en rap-
prochait le pied droit (deuxième mesure), on avançait celui-
ci (troisième mesure), enfin on ramenait le gauche à côté.
Le double (quatre mesures) s'exécutait de même ; lorsqu'il
y avait deux doubles, le second se faisait en commençant
par le pied droit. Dans la reprise (quatre mesures), on
remuait les genoux légèrement comme tremblotant, le mou-
vement se faisait sur la pointe des pieds alternativement
celle du pied droit et du pied gauche. Après un nouveau
branle, on prenait congé de sa dame , la saluant et la rame-
nant à la place primitive pour commencer la deuxième
partie ou retour ; celle-ci comprenait les mêmes éléments :
branle , double, simple, reprise, mais on ne faisait pas de
révérence au début. Le tourdion, également sur la mesure
trois-quatre, avait un caractère plus vif et des pas moins
monotones. C'était, à dire vrai , une gaillarde dansée à la
manière des danses basses en gHssant au Meu de sauter.
La danse basse était généralement précédée à la cour
d'une pavane d'allure également grave, mais de technique
moins compliquée. Elle se réduisait à deux simples et un
double faits en avant et autant en arrière. Ecrite sur la mesure
deux-quatre, la musique était exécutée sur hautbois et trom-
bone. On faisait les pas en avant en commençant du pied
gauche, les pas en arrière en commençant du pied droit.
Nous avons indiqué en parlant des danses espagnoles le
caractère de la pavane. C'était la danse la plus majestueuse,
celle que Ton employait dans les ballets lorsque des dieux
ou des souverains entraient en scène. En raison même de
la sobriété des mouvements qu'il fallait exécuter avec une
grande précision, la pavane passait pour difficile.
Le branle était à la même époque très apprécié. Le
nombre des danseurs n'y était pas limité. Quiconque vou-
lait y prendre part s'avançait tenant sa dame de la main
droite et se plaçait à la suite des couples déjà formés.
Celui qui conduisait gardait ce rang jusqu'au bout. On
jouait des airs différents, d'une allure plus ou moins vive.
Les musiciens commençaient d'ordinaire par le branle double
et le branle simple pour les gens âgés ; ensuite ils jouaient
le branle gai pour les jeunes mariés et gens d'une trentaine
d'années ; enfin le branle bourguignon pour les tout jeunes
danseurs, les plus souples et les plus agiles. On terminait le
branle par une ronde générale. Dans le branle du haut
Barrois on mouvait non seulement les pieds mais les bras et
les épaules marquant la mesure par de petits sauts ; réservé
communément aux domestiques, ce branle était dansé encore
par les cavaKers et les dames dans les bergeries lorsqu'ils
étaient déguisés en paysans ou en bergers. Chaque province
avait son branle particulier. Les Bretons appelaient le leur
passepied. De plus, pour les ballets et les mascarades, on
— 869
DANSE
en inventait sans cesse de nouveaux, et ces branles mimés
étaient introduits dans les salons et dansés concurremment
avec les autres, avec les gestes et toute la musique qui
constituait leur originalité : tels furent le branle maltais, le
branle des blanchisseuses où l'on frappait dans ses mains
imitant le bruit des battoirs; le branle des ermites où l'on
se déguisait en moines ; le branle des torches ou des flam-
beaux sur le pas de l'allemande, etc. Tabouret, dans son
Orchésographie pubhée en i 588, imprime de grands détails
sur tous ces branles et donne leur musique. Ils ont un réel
intérêt au point de vue de l'histoire de la chanson populaire
(V. ce mot) ; beaucoup de chansons ont été à l'origine des
accompagnements de ces danses dont elles ont conservé
l'air, composé en dehors des règles de l'ancienne liturgie ;
ainsi Marlborough s'en va -t'en guerre où la mesure
trois-quatre s'est, il est vrai, changée en six-huit. Une danse
enfantine reproduit encore le branle des ermites, celle où les
enfants dansent rangés sur deux lignes, se faisant vis-à-vis,
croisant les mains sur la poitrine et s'inclinant en avant.
Plusieurs de ces chansons, de ces airs et de ces danses sont
restés populaires, non seulement en France, mais dans la
région rhénane. Par contre, le branle des flambeaux em-
pruntait son pas à l'allemande, ainsi que nous venons de
le dire. Un cavalier s'avançait un flambeau ou une torche à
la main, faisait un ou deux tours dans la salle, choisissait
une dame, dansait avec elle un moment, puis lui remettait
le flambeau et regagnait sa place en dansant. La dame
cherchait à son tour un cavalier, lui passait le flambeau et
ainsi de suitfe.
La gaillarde a été complètement décrite par Tabouret
comme le branle; elle comprenait cinq pas et une attitude,
et se dansait cavalier et dame séparés. La musique était
celle du tourdion, mais plus lente ; elle se sautait. La
variété des mouvements était illimitée ; les pas étaient ceux
de la vieille école française (ruade, grue, etc.), combinés
avec les cabrioles qu'on exécutait à la onzième ou à la dix-
septième mesure, sautant et frappant les pieds en l'air l'un
contre l'autre. La volte, d'origine provençale, était une
espèce de gaillarde dont la vogue fut générale dans toute
l'Europe au xvi^ siècle. Les pas et les mouvements s'exécu-
taient en sautant ou en réunissant les pieds. En voici la
description : le couple après avoir fait la révérence faisait
quelques pas de danse en se tenant par la main ; un pas
avec un petit saut sur le pied gauche, un pas plus grand du
pied droit et un grand saut à pieds joints. Pour tourner, le
cavalier quittait la main gauche de la dame, passait son
bras gauche derrière son dos, la saisissait à la taille avec
la main gauche, tandis que de la main droite il prenait son
corsage, appuyait sur la hanche gauche pour l'aider à
sauter ; la dame prenait de la main droite l'épaule ou le
collet de son cavalier, abaissant sa robe de la main gauche,
puis ils s'enlevaient légèrement, lui sautant sur le pied
gauche, elle sur le droit, le second pas plus allongé n'était
pas sauté ; ils l'exécutaient en changeant de pied, elle du
pied gauche et lui du pied droit ; puis ils faisaient un grand
saut en pivotant et retombaient en position les pieds joints,
ayant exécuté une conversion de trois quarts. Ils conti-
nuaient alors en reprenant les mouvements énumérés. On
se rendra aisément compte de la fatigue que comportait la
volte ; ses amateurs étaient souvent tellement échauffés et
mouillés par la transpiration , qu'il leur fallait changer de
linge pendant le bal. L'amour que le duc d'Anjou, plus tard
Henri III, conçut pour la belle Marie de Clèves, est rattaché
par la légende à un incident du bal du 44 août 1572 où
tous deux vinrent successivement changer dans le même
cabinet.
La courante, qui fut une des danses françaises les plus
aimées, avait un mouvement plus pressé que celui de la
volte, sur la mesure deux-quatre (et non trois-quatre) ; le pas
comprenait deux simples et un double vers la gauche, autant
vers la droite ou bien en avant et en arrière. On le sautait.
Ainsi le simple vers la gauche s'exécutait en sautant sur
le pied droit et faisant le premier pas du pied gauche ; pour
faire le second on sautait du pied gauche et retombait
pieds joints ; le simple vers la droite se faisait en sens
inverse ; pour le double à gauche, débutant par le saut du
pied droit et on terminait le premier pas avec le pied
gauche ; le second pas commencé par un saut du pied
gauche s'achevait avec le pied droit ; le troisième pas
répétait le premier et le quatrième s'achevait en retom-
bant les pieds joints. La courante se combinait avec des
danses mimiques, parmi lesquelles nous en indiquerons
une. Trois cavaliers et trois dames se mettaient en ligne ;
le premier cavaHer conduisait sa dame à Textréffiité de la
salle, puis revenait à sa place ; de même les autres. Quand
cavaliers et dames étaient ainsi séparés, le premier s'avan-
çait vers sa danseuse en sautillant et prenant les attitudes
les plus aimables, tendant le jarret et se rengorgeant, la
dame Fécartait du geste et lui tournait le dos ; le second
et le troisième cavalier répétaient cette figure isolément,
puis tous trois venaient s'agenouiller devant les dames qui
se laissaient fléchir et s'abandonnant à leurs bras dansaient
la courante selon les règles usuelles.
V allemande Qi2àt, comme son nom l'indique, une danse
germanique; nous l'avons déjà rencontrée en Espagne au
XVI® siècle et elle fut très à la mode également en Angle-
terre du temps de Shakespeare. C'était à proprement parler
la danse nationale allemande, d'où l'on a depuis lors dérivé
la valse. La question des origines de cette danse et de ses
différentes formes a été fort bien élucidée. La musique
comprenait deux groupes de huit mesures ou de quatre
mesures répétées ; cette période de quatre mesures est la
forme originelle de presque toutes les chansons populaires
et des airs de danse de l'Allemagne, non seulement au
moyen âge, mais jusqu'à nos jours. D'autre part, l'on cons-
tate que les danses de la Souabe sont depuis un siècle sur
la mesure trois-quatre et que d'une manière générale toutes
les danses de l'Allemagne du Sud sont sur la mesure de la
valse, alors que celle de l'allemande est quatre-deux.
Bœhme a établi que les Allemands du xvi® siècle avaient
ces deux mesures et que leurs danses nationales compre-
naient deux parties nettement distinctes ; à la première
danse sur la mesure quatre-deux d'un caractère paisible et
relativement cérémonieux, sur le type de notre contre-
danse, ils adjoignaient toujours une danse tournée sur la
mesure trois-quatre; au xvrn^ siècle, cette dernière seule
subsista chez eux. Au contraire, les Français qui avaient
la courante n'empruntèrent définitivement à leurs voisins
que leur danse marchée quatre-deux ou quatre-quatre qu'ils
appelèrent allemande. Nous verrons plus bas comment ils
reprirent ensuite Vallemande avec tours, puis la valse.
Pour nous en tenir aux danses du xvi® siècle, l'allemande
était exécutée par plusieurs couples à la fois, chaque cava-
lier donnant la main à sa dame et les couples se suivant
en file les uns derrière les autres, les mouvements étaient
trois pas et une « grue », où l'on levait le pied sans
sauter; arrivé à l'extrémité de la salle, on faisait une con-
version sans se quitter la main ; quand s'arrêtait la mu-
sique on faisait une pause s'arrêtant sur place et causant
en attendant la seconde partie, laquelle répétait la pre-
mière-; dans la troisième partie, l'allure était plus vive,
avec de petits sauts comme dans la courante. Parfois encore,
pour animer le bal, on admettait que les cavaliers pussent
se dérober réciproquement leurs dames, ce qui donna lieu
à des querelles.
A côté des danses de société dont nous venons de parler,
la cour des Valois témoigna un grand amour pour les
danses scéniques à la mode itahenne ; les ballets allégo-
riques, mythiques, historiques, comiques, firent fureur.
Catherine de Médicis, qui apportait en France tous les goûts
de sa patrie, exerça une influence considérable parce qu'aux
danses graves qui prévalaient à la cour elle en ajouta ou
en substitua d'autres plus vives, plus voluptueuses, contri-
buant ainsi par des réformes de costume à mettre en plein
relief les charmes des dames de son entourage. A la pavane
et au branle on préféra la gaiilai'de, la volte, la courante ;
DANSE
_ 870 —
les danseurs sautèrent les pas au lieu de les glisser, de
même les dames dont les robes furent raccourcies ; de
vastes mascarades prenaient la place des tournois cheva-
leresques ; leur principal charme vint des ballets. Ceux-ci
étaient loin d'être alors réglés aussi exactement qu'ils Font
été depuis, et il y eut en France, dans la seconde moitié du
XVI® siècle, une sorte d'anarchie chorégraphique qui donna
lieu à de curieux incidents. Dans les bals masqués on dan-
sait au chant des psaumes d'après la traduction de Clé-
ment Marot et la musique qu'on y avait adaptée; on vit
Diane de Poitiers chanter le De Profundis pendant qu'elle
dansait une volte sur l'air de laquelle Marot avait arrangé
les paroles. Cette combinaison de chants sacrés et funé-
raires avec des danses d'un caractère vif et d'une allure
qui frisait l'indécence n'était pas le moins curieux des
spectacles offerts par la cour des Valois. Elle eut alors un
très grand prestige, et particulièrement en matière choré-
graphique, ses usages firent loi dans TEurope occidentale ;
partout on imita ses ballets et ses danses. Une cause
essentielle de la suprématie que la France acquit alors çt
a conservé depuis trois siècles pour les danses de société,
tient à ce que dès cette époque et, à l'exemple des Italiens,
elle eut des écrivains qui s'efforcèrent de coordonner en
un système la série de ses danses. Le premier fut le cha-
noine Jean Tabourot, de Langres, auteur de VOrchéso-
graphie^ « traité en forme de dialogue par lequel toutes
personnes peuvent facilement apprendre et pratiquer l'hon-
nête exercice des danses ». Il ne se borne pas à une énu-
mération ou à une description vague, il rédige un manuel
technique dans lequel les figures et les pas sont notés; à
côté de chaque note de la mélodie il veut indiquer le
pas qui lui correspond. Lorsque Beauchamps et Feuillet
ont achevé l'exécution de ce plan, la Chorégraphie publiée
par ce dernier en 1700 reste comme le bréviaire d'un art.
Il ne faudrait pas croire qu'au xvi® siècle les danses
officielles et les ballets importés d'Italie eussent fait oublier
les vieilles danses nationales. Celles-ci étaient exécutées
même à la cour ; la sarabande des provinces méridionales,
le passepied des Bas-Bretons, la bourrée des Auvergnats,
le tambourin et le rigaudon des Provençaux, la gavotte
des Auvergnats. Souvent même pour ajouter au divertis-
sement de la cour on les faisait danser dans le costume
national de la province et au son de son instrument
favori, le violon pour la Bretagne, la cornemuse pour le
Poitou, le tambour basque pour la Navarre, le tambourin
pour la Provence, le hautbois pour la Bourgogne ou la
Champagne, etc. Enfin, les danses religieuses n'avaient
pas encore disparu ; elles avaient un regain de popularité
et trouvaient de vigoureux champions dans les rangs du
clergé. Ce n'est qu'au xvn® siècle qu'elles furent peu à peu
abandonnées jusqu'au jour oti le parlement de Paris les
interdit officiellement (3 sept. 4667).
Au début du xvii^ siècle, l'influence italienne est plus
considérable que jamais à la cour de France. Les ballets
que réglait du temps de Catherine de Médicis son cham-
bellan, le violoniste Balthazarini ou Beaujoyeux, sont de
plus en plus appréciés. Lorsqu'on procéda en 4610 à une
sorte de dénombrement, on constata qu'on en avait déjà
représenté à la cour plus de quatre-vingts, sans compte?
les mascarades et les bals. Il semble toutefois que les
courtisans et le public préférassent à ces danses scéniques
d'un caractère pompeux auxquelles ils ne prenaient qu'une
part minime, les bals proprement dits qui divertissaient
tout le monde et où l'on était à la fois acteur et spectateur.
La danse était alors la préoccupation principale des sei-
gneurs et des dames qui, d'un bout à l'autre de l'année,
s'exerçaient, étudiaient des figures et des pas pour les
exécuter dans la perfection. Il ne fallut pas moins pour
égayer la cour de Louis XÏII, malgré la tristesse du sou-
verain. Le grand artisan des ballets à cette époque, où les
déguisements en animaux furent un moment à la mode,
était l'Italien Ottavio Rinuncini.
L'âge d'or des ballets et de la danse à la cour royale
fut la seconde partie du règne de Louis XIV. Le roi était
un danseur passionné et dès sa majorité il le fit sentir. Son
maître était Charles-Louis Beauchamps, qui lui donna des
leçons pendant plus de vingt ans ; le roi ne laissait pour
ainsi dire jamais passer un bal sans y prendre part, et
pendant les dix premières années de son gouvernement
personnel on put croire que cette préoccupation primait
chez lui toutes les autres, elle s'accordait à merveille avec
le caractère fastueux de sa cour et la parfaite ordonnance
de la hiérarchie. Il avait déclaré que tout homme de qua-
lité pouvait sans déroger chanter l'opéra ou enseigner la
danse. Cependant, à partir de 1669, Louis XIV ne se mêla
plus aux danseurs ; le dernier ballet où il figura fut celui
de Flore représenté le 43 févr. On donna pour motif à
cette détermination le sentiment de sa dignité supérieure
un peu compromise en se mêlant directement à ses sujets
dans des ébats de ce genre et en entrant en rivalité de
grâce et d'agilité avec eux, et l'on assura que c'étaient
les vers de Racine dans Britannicus^ blâmant les amu-
sements de Néron, qui avaient frappé l'esprit du roi, au
point de le décider à renoncer à son plaisir favori. La
grande importance qu'eurent les ballets à la cour du roi-
soleil est attestée par ce fait que des hommes comme Lulli,
Quinault et Molière s'occupèrent de les composer et de les
régler, portant ainsi cet art à sa perfection. Nous ren-
voyons à la biographie de ces grands hommes et au mot
Ballet. A notre point de vue, les progrès réahsés dans la
technique de la danse sont spécialement intéressants, et
une mention spéciale est due au professeur de' Louis XIV,
ce Beauchamps qui obtint du parlement le droit de s'inti-
tuler « docteur de l'académie de l'art de la danse » (1664).
On sait que depuis deux ans il existait à Paris une acadé-
mie de danse (V. Académie, 1. 1, p. 227). C'est lui qui avait
dirigé les danses dans les Fâcheux de Molière, à la
fameuse fête de Vaux, le 19 août 1661. Il se montra
capable de suppléer Lulli et après l'éclatant succès de son
ballet des Amours déguisés (4664), le roi le nomma
directeur de l'académie de danse et surintendant du corps
de ballet. Il eut dès lors à la cour une importance égale à
celle de Lulli, de Quinault et de Molière avec lesquels il
collabora continuellement ; on sait que ces danses, imitées
de celles d'Espagne, furent la principale cause du succès
de la Princesse d'Ëlide ; aujourd'hui encore les connais-
seurs apprécient très haut celles de Monsieur de Pour-
ceaugnac, des Amants magnifiques, du Bourgeois
gentilhomme et de Psyché. Le ballet ne formait pas
encore une pièce théâtrale distincte, mais on sait que cette
conséquence naturelle du développement qu'il avait pris
fut réalisée par Lulli ; les danses combinées par Beau-
champs n'eurent pas moins de succès auprès des contem-
porains que la musique. C'est dans les Triomphes de
V Amour qu'on osa, pour la première fois, produire en
scène de véritables danseuses; jusqu'alors c'étaient des
hommes déguisés en femmes qui en avaient tenu l'emploi
et Beauchamps lui-même avait tenu un rôle de dame avec
le roi pour cavalier ; il était pourtant très hostile à ce
travestissement qui convenait peu à son physique et l'ex-
posait au ridicule ; il fit donc les plus grands efiorts pour
faire paraître de véritables danseuses et il y réussit. Parmi
les élèves de Beauchamps, qui vécut jusqu'en 4705, le plus
célèbre fut Blondy, son neveu. L'académie de danse, qui
ne comptait que treize membres, veillait au maintien des
bonnes traditions et au perfectionnement des danses. Nous
ne savons rien de Faction qu'elle exerça. Elle doit se con-
fondre avec celle de son chef. Le grand mérite de ce der-
nier fut de donner aux ballets une animation qui leur
manquait, d'en varier les figures et les pas, au point d'en
faire un divertissement complet se suffisant à lui-même au
lieu d'un simple intermède. La chorégraphie devint la
chose principale au lieu d'un accessoire. Les musiciens
s'engagèrent résolument dans cette voie, et par exemple,
la chaconne dansée dans le Cadmus de Quinault l'est sur
une musique tellement vive et tellement compliquée, que
871
DANSE
Quinault fut obligé d'en régler lui-même les pas, Beauchamps
y ayant renoncé. On voit que dans ce genre nouveau
du ballet le génie de Lulli et de Quinault faisait prévaloir
la musique sur la danse qui finit par lui être complètement
subordonnée dans les œuvres postérieures de ces maîtres.
Ces batUets comportaient une grande variété de danses;
on en compte plus de seize genres, et chaque danseur
brillait surtout dans un ou deux et même s'y spécialisait ;
Pécourt dans les sarabandes et les chaconnes, Ballou dans la
gigue et les entrées, Dupré dans les chaconnes et les pas-
sacailles, Blondy dans les furies, Dumoulin et M^^^ Salle
dans les musettes, M^^^ Gamargo dans les tambourins,
]\j[iiQ Prévost dans le passepied, etc. La supériorité des
danseurs sur les danseuses dura longtemps, mais finit par
disparaître complètement. Les entrées pouvaient être
complètement indépendantes de Faction dramatique, chaque
acte d'un ballet en comprenait de trois à douze ; elles
étaient exécutées par des quadrilles ou escouades de dan-
seurs vêtus de même ; les danses préférées étaient la sara-
bande, la chaconne, la musette, la gigue, la sicilienne. On
verra dans l'histoire du ballet et de l'opéra comment la
subordination de la danse à l'action dramatique fut réalisée
à la fin du xvui® siècle et quels furent les démêlés de Gluck
avec le fameux Vestris.
La chaconne j que la France adopta après l'Espagne, est
une danse populaire transformée en danse scénique et
en danse de société; les musiciens contribuèrent à en
modifier le caractère. Elle servit en général à clore le
ballet. Les danseurs étaient alignés sur deux colonnes,
dames d'un côté, cavaliers de l'autre ; ils dansaient tous
ensemble, mais chacun des deux groupes exécutait des
figures difiérentes ; de temps en temps le maître du ballet
exécutait un solo ou un pas de deux ; finalement tous se
réunissaient pour une figure d'ensemble. La musique était
formée d'une série de périodes, de quatre à huit mesures
avec retour fréquent d'une mélodie ; le mouvement était
lent et la mesure trois-quatre très accentuée. On en
trouve une bonne description dans le dictionnaire de J.-J.
Rousseau.
La sarabande est une danse d'origine espagnole qui
prit en France un caractère plus grave. A ce point de vue,
c'était par excellence la danse noble. C'est celle que dansa
le cardinal de Richelieu devant la reine Anne d'Autriche
dont il voulait gagner la faveur ; l'Eminence rouge s'était
déguisée en bouffon, avec culotte verte, des grelots aux
souliers et s'accompagnait de castagnettes.
La bourrée comprend deux mouvements : un pas marché
sur la pointe du pied ou demii-coupé et un demi-jeté. Elle
ne peut se danser qu'avec une jupe courte comme toutes
les danses sautées ; aussi dit-on que Marguerite de Valois
l'introduisit pour montrer ses jambes qu'elle avait fort
belles. La mode s'en maintint jusqu'au temps de Louis XIV.
Mais elle ne put se faire accepter comme danse scénique,
et elle est redevenue simplement une danse populaire.
Au xviii® siècle, la danse continua de développeras prin-
cipes posés à la fin du siècle précédent. La direction du
corps de ballet passa des mains de Beauchamps à celles de
Pécourt; très supérieur comme danseur, mais moins habile
dans l'arrangement des figures, celui-ci ne put faire oublier
son prédécesseur. Il obtint en revanche de grands succès
de salon avec ses « danses galantes » qui de la cour pas-
sèrent dans toutes les sociétés et jusqu'aux guinguettes ;
les plus connues sont la mariée, aimable vainqueur, la
bourrée d'Achille, Isisavoye, la bourgogne, le rigaudon
des vaisseaux, canary à deux, etc. Le canary était une
danse qui remontait au xvi® siècle et devait son nom à une
mascarade où les acteurs s'étaient parés de plumes multi-
colores. Un cavalier invitait une dame, dansait avec elle et
la conduisait au bout de la salle, puis il accomplissait
diverses évolutions sans la quitter des yeux, regagnant sa
place à reculons, s'approchant et s'écartant selon la cadence;
la dame ne restait pas immobile, elle aussi avançait ou
reculait tour à tour. Les danses de Pécourt sont réunies à
celles de Beauchamps dans la Chorégraphie ou VArt
d'écrire la danse par caractères, figures et signes
démonstratifs que publièrent en 1700 Feuillet et Dassais.
Avec les tableaux de Watteau et de Lancret,ils nous per-
mettent de revoir sans efforts toutes les danses fran-
çaises de la fin du xvn® et des premières années du
xviii^ siècle. On a remarqué avec beaucoup de raison que
toutes ces danses de caractère exigeaient une souplesse, un
sentiment de la mesure qui seraient bien rares aujourd'hui,
et par suite nécessitaient un long apprentissage. Les pas y
étaient beaucoup plus importants que les figures ; celles-ci
restaient symétriques, presque géométriques. Les danses
scéniques et les danses de société n'étaient pas encore
distinctes.
Le principal maître de danse de la première partie du
xvin® siècle, celui à qui tous les gens de société deman-
daient des leçons et confiaient leurs enfants était Marcel,
qui excellait surtout dans le menuet. A la fin de sa vie, il
était devenu podagre et enseignait de son fauteuil. L'im-
portance attachée à son enseignement s'explique par celle
qu'avait alors la tenue extérieure dans le monde. La cor-
respondance de lord Chesterfield montre combien on jugeait
un homme d'après sa grâce dans la démarche, sa manière
de se présenter, de saluer, de s'asseoir sur une chaise,
dans un fauteuil ; c'était alors ce qui faisait la distinction,
autant que de nos jours l'orthographe. Marcel contribua à
débarrasser son art de ces tours de force disgracieux par
lesquels les danseurs voulaient étonner les spectateurs. Il
professait que la marche et la physionomie du corps, que
les attitudes et les mouvements doivent correspondre aux
sentiments. Dans la danse il recherchait avant tout la
grâce. Ce qu'il enseignait, Dupré le réahsa. L'enthousiasme
qu'excita Dupré est d'autant plus remarquable qu'il étonna
ses contemporains par de simples effets de plastique, des
pas, des poses académiques qui le firent surnommer l'Apol-
lon de la danse. Il s'avançait lentement, en mesure, arron-
dissant les bras, déployant une grâce accomplie dans le
moindre geste, exécutait quelques pas, des battements à
mi-jambe, une pirouette, et s'éclipsait ; le tout en une demi-
minute ; il ne variait pas et jamais ne lassait les specta-
teurs ravis de la jouissance esthétique qu'il leur procurait.
La tradition créée par Dupré est demeurée celle de la danse
théâtrale française ; elle fit la gloire de Noverre puis des
Vestris.
Jean-Georges Noverre (1727-1810) fut le créateur du
ballet moderne auquel il assura son autonomie. Son nom
est peut-être le plus remarquable de l'histoire de la danse ;
non seulement il en releva le rôle et le mit au premier
plan, mais ses écrits théoriques firent loi. Elève de Dupré
et contemporain de Vestris, il brilla peu comme danseur du
Théâtre royal, mais se fit une réputationc omme arrangeur
des figures du ballet. Frédéric II l'appela à Berlin pour
organiser le ballet de son opéra italien. Il y resta peu de
temps, mais fut ensuite appelé par Garrick au théâtre de
Drury Lane ; Garrick, dont le goût était aussi sûr que celui
de Noverre, mit à sa disposition tous les moyens d'exécu-
tion. Le maître de ballet partit au moment de la guerre de
Sept ans ; il passa dans toutes les capitales de l'Europe, à
Vienne, à Milan, à Turin, à Naples, à Lisbonne, dans cette
brillante cour de Stuttgart où le duc Charles-Eugène se
ruinait en dépenses théâtrales et visait à éclipser l'Opéra
de Paris. Noverre revint enfin à l'académie royale de mu-
sique de Paris comme maître de ballet, et dans cet institut
musical et chorégraphique, le plus considérable de l'Europe,
il put appliquer toutes ses théories que l'on ne contestait
plus. Pendant la Révolution il se retira à Stuttgart, puis à
Londres. Ses théories sont consignées dans plusieurs ou-
vrages (Saint-Pétersbourg, 1803-1804, 4 vol. in-4) dont
le plus important est intitulé Lettres sur les arts imi-
tateurs en général et sur la danse en particulier (Lyon,
1760), souvent réédité, surtout à Paris en 1807. Aucun
traité théorique publié depuis n'a autant de valeur; la
technique y est sans rivale ; les gens du métier ont toujours
DANSE
872
ù y apprendre, soit dans les remarques et les indications
de pas et de mouvements d'une extrême finesse, soit dans
les règles ; les erreurs sont rares. Comme professeur il était
brutal et discourtois ; il ne pratiqua pas longtemps, et tout
son mérite est dans sa merveilleuse connaissance de son art,
de la scène et de l'orchestrique.
Les Vestris sont les contemporains de Noverre et acquirent
donc comme artistes autant de renommée que lui comme
théoricien. Le premier, Gaetano-Apolline-Baltasare (1729-
4808), était un Florentin venu dès son enfance à Paris où
il contribua à la révolution accomplie par les efîorts de
Noverre ; il fut le plus admirable des danseurs nobles ;
l'élégance et la dignité de ses altitudes étaient saisissantes
et, en môme temps, il savait émouvoir les spectateurs. Sa
réputation devint telle qu'il déclarait fièrement que son
siècle n'avait que trois grands hommes, Frédéric II, Vol-
taire et Vestris. Toute la noblesse lui demandait des leçons
de contenance et de révérences. Le fils du grand Vestris,
Auguste, né en 4759, se montra digne de son père, et fut
par ses caprices l'enfant terrible d'une société qui le choyait
et de temps à autre l'incarcérait. On trouvera dans sa bio-
graphie quelques anecdotes amusantes à ce sujet (V. Vestris) .
A la même époque brilla une danseuse, la Camargo, qui acquit
une vogue comparable à celle des Vestris. Elle était fille
d'un noble espagnol ruiné, parasite du prince de Ligne ; la
princesse qui l'adorait pour sa beauté en fit une danseuse
d'opéra, élève de M^^^ Prévost, dont elle devint bientôt la
rivale ; son nom est encore aujourd'hui l'idéal de la grâce
légère et expressive des danseuses, bien qu'elle n'ait pas
exercé une influence comparable à celle des Vestris.
La danse subit aussi au xviii® siècle l'influence de la
musique qui y détermina des changements sensibles. Déjà
LuUi avait mélangé à l'opéra des mélodies empruntées
aux chants populaires et des airs de danse ; les suites
et les sonates (V. ces mots) écrites à partir de ce temps
ont fixé la forme de l'allemande, de la courante, de la
gigue, de la bourrée, du passepied qui sont devenus ainsi
de véritables danses classiques. La suite resta jusqu'au
temps de Bach et de Hsendel la forme préférée pour la mu-
sique en chambre. La musique contribuait à conserver à la
danse son rythme grave et modéré, encore assez proche de
la musique ecclésiastique ; plus d'un musicien a fait d'un
choral un air de danse pour menuet ou gavotte. Les choses
changèrent tout à fait avec l'introduction des airs de danse
d'un mouvement pressé sur les mesures deux-quatre ou trois-
quatre que nous employons actuellement ; il y eut là une
véritable révolution dans la vie et les usages de la société
française.
Le menuet est la danse favorite du xviii^ siècle, et son
empire se maintint pendant plus d'un siècle. L'origine en
doit remonter vers l'année 4630. On admet qu'il fut créé
par un maître de danse de Poitiers à l'occasion des noces
d'argent d'un gentilhomme de la province. Apporté à Paris,
il fut mis en musique par LulH en 4653. Il était dérivé de
la courante à laquelle il se substitua malgré tous les efforts
de l'académie de danse parisienne. Pour l'enseigner, on
faisait apprendre d'abord les pas de la courante; quand
l'élève savait bien tenir les pieds en dehors, et était maître
de ses mouvements, on passait au menuet que l'on étudiait
pendant trois mois ; c'était la plus gracieuse et la plus
compliquée des danses de cérémonie, le chef-d'œuvre d'un
genre dont ne s'accommode plus notre nervosité. La musique
comme la danse du menuet eurent des formes très variées :
le menuet de Bohème, d'Espagne, d'Ecosse, en quatre, en
six, en huit, de la reine, de la cour, etc. En raison de son
rôle dans l'histoire de la musique, non moins que dans
celle de la danse, nous renvoyons les détails à un article
spécial (V. Menuet).
Il est indispensable d'esquisser en quelques traits la
physionomie des bals de cérémonie de l'ancien régime. Ils
étaient réglés dans le plus minutieux détail comme tout ce
qui concernait l'étiquette. Au commencement, tout le monde
était assis j les dames devant, les cavaliers derrière. A
l'ouverture du bal, le roi se levait, tous à sa suite ; il se
rendait au point où devait s'ouvrir le bal et dansait avec la
reine ou une princesse du sang. Tant qu'il dansait, tous se
tenaient debout, l'œil fixé sur lui ; quand il se rasseyait,
on pouvait en faire autant. Un prince, le premier dans la
hiérarchie, venait alors, saluait le roi, la reine et dansait
avec celle-ci. La première danse était d'habitude un branle,
puis venaient une courante, une gavotte, enfin le menuet
qui était la pièce de résistance. Après cha({ue danse, les
personnes qui venaient de s'y adonner restaient debout un
moment et saluaient celles qui devaient danser ensuite, les
y invitant en quelque sorte. Le cavalier n'allait pas cher-
cher sa dame, mais l'attendait ; il ne la reconduisait que
de quelques pas. Un bal de cérémonie ne se donnait pas
sans qu'il y eût là au moins un maître de danse pour en
surveiller l'ordonnance et veiller à ce qu'aucune faute ne
fût commise ou du moins à ce que le danseur averti pût la
réparer aussitôt. Cet usage s'était généralisé pour d'autres
bals qu'on désignait sous le nom de bals parés. On appe-
lait bal réglé un bal où des personnes de la noblesse ou de
la haute société reproduisaient l'étiquette des bals de céré-
monie de la cour ; on désignait un roi et une reine du bal
qui l'ouvraient solennellement ; après la première danse, le
cavalier priait sa dame de lui dire avec qui il devait conti-
nuer ; il invitait la dame ainsi désignée, lui désignait à
son tour un cavalier et ainsi de suite ; quand tous avaient
dansé, le premier couple recommençait. La personne invitée
ne devait pas remercier, mais seulement se rendre à la
place où s'engageait la danse et, si elle ne savait pas l'exé-
cuter, faire du moins quelques révérences. Souvent ces bals
étaient dirigés par un maître des cérémonies, muni d'une
canne à pommeau d'or, qui désignait en les saluant le cava-
lier et la dame destinés à s'apparier. Son autorité était
absolue. Une des danses préférées était la courante, dansée
par douze couples. Lorsque paraissaient des masques, on
leur faisait les honneurs du bal ; ils dansaient tous l'un
après l'autre, puis on reprenait la série au point où elle
avait été interrompue. Excepté pour la courante et le branle,
on ne laissait danser qu'un couple à la fois.
La courante, plus tard détrônée par le menuet, avait été
regardée comme la danse de société modèle, surtout au temps
où Louis XIV aflichait sa prédilection pour elle. C'est par cette
danse, d'une noblesse universellement reconnue, que la cho-
régraphie française établit son empire dans toutes les capi-
tales et relégua partout les danses nationales au rang de
danses populaires, tandis que la danse française devenait
une sorte de privilège et d'usage distinctif de la bonne
société. Au xviii*^ siècle, la courante fut peu à peu aban-
donnée et disparut malgré les efforts des maîtres de danse
qui en avaient fait la base de leur enseignement. Sa forme
classique du xvii® siècle diffère assez de celle du xvi® dont
il a été question plus haut pour qu'une nouvelle descrip-
tion soit utile. Le cavalier, tenant son chapeau de la main
gauche, offrait la droite à la dame et la conduisait au lieu
où commençait la danse ; tous deux faisaient la révérence
aux assistants, puis l'un pour l'autre ; le cavalier mettait
son chapeau sur sa tête, sa main droite sur sa hanche où
la dame avait placé la sienne, puis ils dansaient en combi-
nant leurs mouvements. On se plaçait dans la cinquième
position, le pied gauche en avant, ployant les jarrets ; on
décrivait une courbe avec le pied droit de manière à arriver
à la première position, le corps dégagé sur le pied gauche,
puis on tendait les genoux et on s'enlevait sur la pointe
des pieds amenant le pied droit en avant à la quatrième
position. Ces mouvements constituaient le pas grave ou
temps de courante ; on faisait coïncider les plies avec le
temps levé et les élevés avec la cadence de manière à ployer
avant la mesure et à se dresser exactement au moment de
la reprise de la mesure ; on levait les bras en se dressant
ou les abaissait en fléchissant. Après ce pas préliminaire,
on posait le pied droit (qui était sur la pointe dans la qua-
trième position) sur le talon, dégageant le corps sur ce pied
et ramenant le gauche à la première position. On fléchis-
— 873 —
DANSE
sait les deux genoux et en se relevant on avançait le pied
gauche ; c'était un demi-coupé. Le pied gauche bien posé
à terre et portant le corps, on ramène le droit d'un mou-
vement raide; on fléchit les deux genoux, on coupe en
avant avec le pied droit dégageant le corps sur lui et on
ramène le gauche sur le côté ; ceci est le coupé. On renou-
velle deux fois ces pas, on fait du pied gauche un pas
rigide en se tournant légèrement du côté gauche ; on exé-
cute un temps de courante du pied droit, un pas rigide du
pied gauche en ployant un peu le jarret, et encore un temps
de courante ; ces quatre pas se font vers la gauche. Les
figures que Ton dessine sont très simples ; on se forme en
carré, en octogone, en ovale, à moins que Ton ne se con-
tente de monter et descendre dans le sens de la salle. Après
avoir répété ces pas plusieurs fois, on recommence les
révérences pour conclure. — Dans une variante de cette
danse, après le compliment, le cavalier quittait sa dame
allant à gauche, elle à droite, puis tous deux se tournaient,
marchaient parallèlement, se rencontraient au bout du •
salon et renouvelaient ce mouvement qui, malgré son
apparente simplicité, ne pouvait être exécuté bien en me-
sure qu'après un apprentissage prolongé. La musique écrite
sur la mesure six-quatre était très bien cadencée.
La gavotte jouit d'une très grande faveur depuis le
XVI® siècle jusqu'au xix®. Vers la fin du xvi^ siècle, c'était
une danse nationale du Dauphiné, assez semblable au
branle du Haut-Barrois avec ses sauts. Elle n'avait pas sa
musique propre, mais se dansait d'après une série de
doubles branles dans la mesure simple, comprenant essen-
tiellement un double à gauche et un double à droite. On
intercala un pas de gaillarde. Une fois la danse engagée, un
couple se détachait, faisant face aux autres ; le cavalier
embrassait toutes les dames et la dame tous les cavaliers,
puis ils reprenaient leur place et le couple suivant répétait
cette manœuvre et ainsi de suite ; toutefois, il arrivait que
le privilège du baiser ne fût accordé qu'au premier couple.
Au xvn® siècle, la gavotte devint une danse scénique et fut
introduite dans les opéras et figura dans les suites et les
sonates. A peu près oubliée au 'xviii^ siècle, elle reparut
sous le premier Empire à Paris comme danse de société ;
les maîtres de danse en firent un pas de deux comprenant
treize variations, après un prélude et une conclusion formés
d'une révérence de menuet de huit mesures.
Au xvm® siècle se prononça la décadence des danses de
société qui se transformèrent complètement pour arriver à
leur forme actuelle. On renonçait à toutes ces danses
sérieuses et compliquées dont le principal avantage était de
déployer de l'élégance, de prendre de belles attitudes, de
se mouvoir selon les lois de l'esthétique. La contredanse^
beaucoup plus facile, gagne du terrain ; la courante dis-
paraît, puis le menuet déjà plus léger. On essaye des danses
anglaises d'un mouvement plus rapide où les pas sont
sautés, la mesure deux-quatre est préférée à la mesure
trois-quatre. On en vient enfin au quadrille dont les figures
sont plus variées que celles des anciennes danses, laissant
moins de temps pour voir ce que les mouvements des dan-
seurs peuvent avoir de gracieux ou de disgracieux. On en
vient enfin à notre contredanse ou quadrille français.
L'histoire du quadrille est curieuse et peu de danses ont
subi autant de changements. La première contredanse est
celle que décrit l'ouvrage de Feuillet en 1700 ; c'était un
pas de deux composé par Précourt, se dansant sur une
musique de gigue dans la mesure six-quatre. Bientôt le
nom fut appliqué à des danses d'ensemble comme celles
des ballets. L'étymologie est douteuse ; on a dit que con-
tredanse venait de countrydance, étant une danse importée
vers 4710 par un maître anglais; le caractère primitif
aurait été celui d'une danse pastorale, auquel répondent
encore les noms des principales figures : l'été, la poule, la
pastourelle et même le pantalon. A l'origine, il y eut un
très grand nombre d'airs, mais on se mit d'accord pour en
restreindre le nombre comme celui des figures et n'en
conserver que six. On exécuta alors les contredanses,
groupés en quadrilles, et les deux noms devinrent syno-
nymes, quadrille finissant par signifier une sonate de cinq
morceaux; ceux que l'on préférait finirent par exclure
tous les autres et les quadrilles furent tous exécutés sur
des airs de contredanse. Des tentatives ont été faites cepen-
dant pour séparer de nouveau le quadrille et la contre-
danse, notamment par Strauss.
Venons maintenant à l'historique de chacune des figures
du quadrille français. La première s'exécutait sur un très
vieil air dont les premiers vers étaient :
Le pantalon
De Toinon
N'a pas de fond.
On prit l'habitude même dans les salons de la désigner
par les premiers mots et même, lorsqu'on eut changé l'air
et les paroles, le nom de pantalon lui resta. — La seconde
figure a pris le nom du pas d'été qu'on dansait en 1 800 ;
trop compliquée, cette invention fut rapidement mise de
côté, mais le nom resta, — La troisième figure s'appelle
h poule; en 1802, une contredanse de Julien, dont la
seconde partie imitait le gloussement de la poule, fut par-
tout accueillie ; depuis, sa musique a été oubliée, mais le
nom s'est maintenu. — La quatrième figure fut inventée
vers 1800 par le célèbre danseur Trenitz; elle a été géné-
ralement supprimée. — Ldi pastourelle, qui est aujourd'hui
la quatrième figure, conserva longtemps ses airs de musique
villageoise. — La finale se danse sur un air très vif et d'après
un mouvement plus rapide qui doit à son pas le nom de
galop. C'est la seule qui ait conservé un pas original ; pour
toutes les autres de simples glissés suffisent.
Le quadrille français ou contredanse s'est trouvé
beaucoup simplifié par la suppression des différences de
pas ; dans les anciennes danses, chaque figure avait le
sien particulier ; aujourd'hui ils sont oubliés et remplacés
par des glissés en avant et des glissés en arrière ; la variété
ne porte plus sur l'exécution des figures. Celles-ci sont au
nombre de cinq : le pantalon, Vété, la poule, la pas-
tourelle et la finale, — Une sixième figure, la trénis,
qui occupait le quatrième rang entre la poule et la pas-
tourelle, a été abandonnée.
Pour former un quadrille, chaque cavalier va inviter
une dame et retient un autre cavalier, qui est également
pourvu d'une dame, pour lui faire vis-à-vis. Ces invitations
doivent être faites avant que le signal soit donné pour se
mettre en place.
Les quadrilles ne peuvent être formés à moins de deux
ou de quatre couples, mais ils se composent d'autant de
personnes que le salon ou la pièce dans laquelle on danse
peut en contenir. Si le salon est carré, les couples se
forment sur les deux faces et dansent deux fois alternati-
vement la figure. Mais si la pièce est plus longue que large
on procède autrement, et dans ce cas il n'y a nulle raison
pour limiter à quatre le nombre des couples du quadrille.
Ils se placent en ligne sur la longueur ; les mêmes per-
sonnes dansent quatre fois la même figure, à moins que
l'on n'abrège en décidant que l'orchestre jouera deux fois
seulement la figure au lieu de quatre fois. Les dames se
placent à droite des cavaliers.
1^ Le pantalon. Chaîne anglaise (huit mesures) et
balancé (huit mesures). Deux cavaliers et deux dames,
se faisant vis-à-vis, s'avancent, un couple vers l'autre, en
se donnant la main, qu'ils se quittent au moment de tra-
verser, et qu'ils se reprennent en se rejoignant ; puis les
deux couples reviennent chacun à sa place de la même
manière. Alors chaque cavalier balance vis-à-vis de sa dan-
seuse ou plutôt exécute avec elle un chassé-croisé en glis-
sant, le cavalier passant derrière sa dame. — Chaîne
des dames (huit mesures). Les deux dames qui se font
vis-à-vis changent de place et se donnent la main droite en
passant ; elles donnent ensuite la main gauche aux cavaliers
qui restent à leurs places. Chaque cavalier, au moment où
sa danseuse commence la chaîne, se porte à droite pour
offrir sa main gauche à la dame qui vient remplacer sa
DANSE
- 874 -
danseuse, puis quitte la main de la dame et offre la main
à sa danseuse qui revient prendre sa place. — Demi--
promenade et demi-chaîne anglaise (huit mesures).
Chacun des danseurs des deux couples donne la main
gauche à sa dame et traverse avec le vis-à-vis en obliquant
à droite. Pour retourner à leur place primitive, les deux
couples se quittent la main, et exécutent une demi-chaîne
anglaise en traversant, comme au commencement de la
figure. Si on a formé un quadrille carré , les deux couples
placés dans l'autre sens du salon exécutent à leur tour les
évolutions que nous venons de décrire (trente-deux mesures).
2° Uété (vingt-quatre mesures). En avant-deux
(quatre mesures). Un cavalier et la dame qui lui fait vis-
à-vis marchent deux fois en avant et en arrière pendant
quatre mesures, ce qui constitue deux avant-deux. —
Traversé et chassé-croissé (quatre mesures). Le cavalier et
la dame traversent ensuite et exécutent un seul chassé-
croisé en obliquant légèrement de droite à gauche. —
traversé et balancé (quatre mesures). Ils traversent de
nouveau et regagnent leurs places. La personne qui est
restée à sa place balance alors avec le danseur qui vient
la rejoindre.
Les deux personnes qui sont restées à leur place dan-
sent alors à leur tour ; puis les deux autres couples placés
dans le sens transversal de la pièce répètent la figure.
Il est généralement en usage, dans les salons trop petits
et où les danseurs sont trop nombreux, d'exécuter cette
figure deux à deux, comme nous l'avons décrite, afin de
ménager la place ; mais on peut la danser aussi les deux couples
à la fois. Les avant-deux deviennent alors des avant-quatre ;
les couples répètent ensemble deux fois la figure, au lieu
qu'elle soit dansée une fois isolément par chaque personne.
L'ordre suivi peut être encore en mêlant les évolutions des
couples : En avant-deux (quatre mesures) ; à droite et à
gauche (quatre mesures) ; traversé (quatre mesures) ; à
droite et à gauche (quatre mesures) ; retraversé et balancé
et tour de main (huit mesures).
3** La poule (trente-deux mesures). Bala7icé à quatre
(seize mesures). Un cavalier et la dame de son vis-à-vis
se dirigent l'un vers l'autre, et traversent. Le cavalier
faisant face à la dame de son vis-à-vis, lui offre la main
gauche et la main droite à sa danseuse, qui vient le re-
joindre, tandis que le vis-à-vis vient rejoindre sa dan-
seuse, à laquelle il offre la main droite. De cette façon les
deux couples se trouvent placés en Ugne, les cavaliers d'un
côté, les dames de l'autre, se faisant face. Dans cette posi-
tion, les deux couples balancent à droite et à gauche, puis
traversent en se quittant la main, chacun occupant la
place de son vis-à-vis.
Avant-deux, avant-quatre et demi-chaîne anglaise
(seize mesures). Les deux danseurs qui ont commencé la
figure font un avant-deux en avant et en arrière; le
cavalier vient offrir la main à sa dame et fait avec elle un
avant-quatre, puis les deux couples se quittent la main,
traversent et balancent en regagnant leur place. Ils peuvent
exécuter une demi-chaîne anglaise. C'est alors au tour des
danseurs qui n'ont pas engagé le balancé à répéter la figure ;
puis viennent les deux autres couples placés dans le sens
opposé.
¥ La pastourelle (cinquante-six ou soixante-quatre
mesures). Cette figure se divise en deux parties, compre-
nant la première, vingt-quatre ou trente-deux mesures,
et la seconde trente-deux mesures.
Avant-deux et traversé (huit mesures). Un cavalier
et sa dame, se donnant la main, vont deux fois en avant
et en arrière; la seconde fois, le cavalier conduit sa dan-
seuse à la gauche de son vis-à-vis et revient seul à recu-
lons à sa place.
Deux avant-trois et un demi-rond. Le vis-à-vis, qui
se trouve placé entre les deux dames , donne la main à
chacune d'elles, et tous trois vont deux fois en. avant et en
arrière, pendant quatre ou huit mesures; la seconde fois,
les dames pivotent en faisant un tour de main et viennent
donner la main au cavalier qui a engagé la figure. Le cava-
lier qui était resté seul, les conduit à son tour deux fois
en avant et en arrière, puis le vis-à-vis donne la main aux
dames (quatre ou huit mesures). Les quatre danseurs réunis
forment alors un demi-rond, pendant quatre mesures. Les
couples se séparent ensuite, chaque cavalier tenant sa dan-
seuse par la main, et retournent à leur place, en se quit-
tant la main pour traverser et en balançant lorsque chacun
a regagné sa place. Cette demi-chaîne anglaise et ce M-
/anc^ s'exécutent en quatre mesures. — Le vis-à-vis répète
ensuite la même figure, puis les deux couples, qui sont
restés en place, l'exécutent chacun à son tour. — Nous
décrivons ici la pastourelle telle qu'on l'exécute le plus
souvent ; mais elle a perdu de son originalité ; sous sa forme
classique, pour ainsi dire, cette originalité tenait à ce que
le cavaher resté seul exécutait un pas de fantaisie, où il
déployait toute son habileté. D'autre part, après l'en
avant-trois, c'était une dame qui restait seule et remplaçait
r avant-deux ou pas du cavalier seul par une révérence.
5^ La finale ou galop. Cette figure est la plus vive
du quadrille. A l'exception de quelques bals à étiquette où
on la marche, on la danse généralement en galopant, ce
qui lui a valu le nom de galop. Le pas du galop se com-
pose d'un glissé et d'un chassé. Le nombre des mesures
et des pas n'est pas aussi rigoureusement réglé que pour
les autres figures ; l'ordre peut même varier sensiblement
et nous ne donnons le détail qu'à titre de simple indication.
L'orchestre exécute d'abord seul les seize premières
mesures. Vers la fin, chaque cavafier passe le bras droit
autour de la taille de sa danseuse et lui soutient la main
droite dans sa main gauche ; le bras gauche de la danseuse
est appuyé sur l'épaule du cavaher. Dans les bals à céré-
monie, le cavalier ne tient pas sa dame par la taille et la
conduit seulement en la tenant par la main. Les figures se
font dans l'ordre suivant :
Promenade (huit mesures). Chaque couple, obliquant à
droite, passe à la place de son vis-à-vis et revient à sa
place de la même façon.
Deux avant-quatre (huit mesures). En avant et en
arrière ; la seconde fois, chaque cavalier change de dame
et de place.
Chaîne des dames (huit mesures).
Avajit-quatre et demi-promenade (huit mesures). Les
cavaliers exécutent un seul avant-quatre avec la dame de
leur vis-à-vis, puis ils reprennent la leur avec laquelle ils
reviennent à leur place sans traverser. Les deux premiers
couples exécutent deux fois ce galop et cèdent alors la
place à ceux qui sont placés transversalement, comme ils
l'ont fait pour les figures précédentes.
L'usage s'est étabM de remplacer souvent la finale ou
cinquième figure du quadrille par une boulangère à moins
qu'on ne l'ajoute à la précédente. On en trouvera l'exposé
à propos du quadrille américain où elle a également été
intercalée. Souvent encore, lorsque l'entrain est grand et
dans une certaine intimité, on termine le quadrille par un
galop général que tous les couples dansent à la fois. Le
pas est celui que nous avons indiqué ci-dessus ; le galop se
danse en tournant autour de la salle du bal ou bien en pivo-
tant sur place. On en a imaginé plusieurs variantes, une
entre autres sur un air de polka. Les danseurs étant placés
en rond autour du salon, la dame à la droite de son cavalier,
les danseurs polkent en rond en setenant par la main. Lors-*
qu'ils sont revenus à la place qu'ils occupaient, le conducteur
frappe dans ses mains ; alors chaque cavalier polke un tour
avec sa danseuse jusqu'à ce que les couples soient revenus à
leur place. A ce moment, chaque cavalier remet sa dan-
seuse à sa gauche, puis cavaliers et dames se remettent
à polker en rond en se tenant par la main. Sur un nouveau
signal, chaque cavalier se met à polker avec la danseuse
qui se trouve à sa droite et ainsi de suite, de telle sorte
que les dames font le tour du salon tandis que les cavaliers
restent à leur place. Lorsque chaque dame a fait le tour
complet et retrouvé son cavalier, on termine par un galop
875 ~-
DANSE
général. Plus compliquée que la boulangère, car il arrive
souvent que des danseurs inexpérimentés intervertissent
Tordre et aient quelque peine à se rejoindre, cette figure a
été abandonnée pour la boulangère. Comme le galop, on la
retrouve parfois dans le cotillon. Quoi qu'il en soit, lorsque
la finale ou galop formant la cinquième figure du quadrille
a pris fin, le cavalier offre le bras à sa dame et la recon-
duit à sa place en la saluant.
Nous avons signalé la suppression de la figure du qua-
drille portant le numéro quatre, la trénis ; nous en rap-
pelons la nature ; elle se composait de vingt mesures : en
avant et en arrière (quatre mesures) ; la dame traverse ; le
cavalier fait en avant et en arrière (quatre mesures) ; tra-
versé à trois (quatre mesures), retraversé pour regagner
sa place (quatre mesures), balancé et tour de main (quatre
mesures). Comme on le voit, elle faisait, dans une certaine
mesure, double emploi avec la pastourelle.
A Tépoque moderne, on ne s'est pas contenté des cinq
ou six figures du quadrille classique, telles qu'elles avaient
été fi.xées de 1800 à 1820. On a cherché à composer de
nouveaux quadrilles, parmi lesquels deux seulement ont
obtenu un réel succès, le quadrille des lanciers et le polo
ou quadrille américain. Nous les décrirons complètement en
ajoutant quelques détails sur le quadrille croisé et certaines
combinaisons essayées depuis une trentaine d'années.
Le quadrille croisé sq danse à huit personnes disposées
par paire sur les quatre côtés d'un carré. Les figures sont
celles du quadrille français, mais les couples dansent deux
à deux en combinant leurs mouvements. Ceux-ci doivent
donc être plus prompts et les couples doivent traverser
rapidement, se porter près de leur vis-à-vis et y rester
jusqu'à ce que les couples transversaux aient fait le même
mouvement, puis revenir promptement à leur place de façon
à ne pas gêner le retour du couple transversal. La musique
et le mouvement de la mesure étant les mêmes que pour le
quadrille ordinaire, les danseurs doivent faire leurs évo-
lutions en une fois moins de temps. Aussi l'exécution de ce
quadrille est-elle très vive, et les danseurs des quatre cou-
ples doivent-ils bien s'entendre pour ne pas embrouiller
les figures.
Dans la troisième figure, la poule, on a remplacé le ba-
lancé par un moulinet à l'anglaise; la figure se trouve
donc modifiée ainsi qu'il suit :
Ir averse (huit mesures). Un cavalier traverse avec la
dame de son vis-à-vis ; pendant ce temps, le cavalier
placé dans le sens transversal en fait autant. Les quatre
couples se trouvent réunis au milieu du salon, les dames au
centre.
Moulinet (huit mesures). Chaque dame donne la main
droite à la danseuse qui lui fait vis-à-vis (leurs mains sont
donc superposées et placées en croix), puis elles forment
un moulinet.
Avant-deux, avant-quatre, demi-chaîne anglaise et
balancé* Les dames se séparent, donnent la main gauche
à leur cavalier, qui est resté en dehors du cercle formé
par le moulinet, puis chaque couple se rend à la place oc-
cupée par son vis-à-vis. On exécute alors pendant seize
mesures un avant-deux, un avant-quatre, une demi-chaîne
anglaise et un balancé, comme dans le quadrille ordinaire.
Ensuite l'autre cavalier engage la même figure, puis
vient le tour des deux autres couples. De cette façon, le
moulinet se fait quatre fois.
Dans la quatrième figure du quadrille croisé, la pastou-
relle, on remplace la demi-ronde par une ronde générale.
Au bout des huit mesures, chaque couple se retrouve à sa
place initiale.
Le quadrille des lanciers fut inventé en 1856 à Paris
par le danseur Laborde, à l'imitation d'une danse anglaise ;
les maîtres du corps de ballet de Berlin voulurent en changer
le nom (l'appelant quadrille a la cour) et quelques détails,
mais ils durent renoncer à leur projet pour adopter pure-
ment et simplement le quadrille des lanciers tel qu'il s'exé-
cutait à Paris. Après avoir passionné la cour, oti on le fit
danser une fois par seize lanciers du régiment de Fontaine-
bleau, il fut admis dans tous les bals, où sa vogue n'est
pas épuisée. Il exige un peu plus de précision dans les
mouvements que le quadrille ordinaire. Il est dansé par
quatre couples disposés en croix sur les quatre côtés d'un
carré. Il comprend cinq figures : 1<* les tiroirs ; 2^ les
lignes ; 3° les moulinets ; 4** les visites ; 5^ les lanciers.
Cette dernière a donné son nom à l'ensemble du quadrille
comme étant la plus originale. La musique des quatre pre-
mières figures se joue quatre fois et celle de la cinquième
figure huit fois. Chaque figure se compose de vingt-quatre
mesures, sauf la troisième qui n'en contient que seize.
1° Les tiroirs. En avant-deux et tour de mains (hmt
mesures). Un cavalier (que nous nommerons premier ca-
valier pour la clarté de notre description) et la dame qui
lui fait vis-à-vis vont deux fois en avant et en arrière ; la
seconde fois, le cavalier offre la main droite à la dame^
qui lui donne la main gauche, et ils font un tour sur
place en se tenant ainsi (c'est ce que l'on nomme le tour
de mains), puis ils reviennent chacun à sa place. — liroirs
(huit mesures). Les deux couples, chaque cavalier don-
nant la main droite à sa dame, s'avancent l'un vers l'autre
comme pour la chaîne anglaise. Le premier cavalier et sa
dame passent la première fois au milieu, l'autre couple se
séparant pour leur faire place ; la seconde fois, le second
couple passe au milieu pendant que le premier se sépare.
— Balancé et tour de mains (huit mesures). Les cava-
liers des quatre couples qui composent le quadrille ba-
lancent avec les dames qui sont à leur gauche, font un
tour de mains avec elles et reviennent à leur place. — Les
trois autres couples répètent la même figure dans l'ordre
suivant : i^ h couple qui fait vis-à-vis avec le premier
cavalier; 2<> le couple qui est à sa droite; 3<» le couple
qui est à sa gauche. Cet ordre est observé dans tout le
quadrille ; nous le constatons donc ici un^ fois pour toutes.
2*^ Les lignes. En avant-deux (huit mesures). Le
premier cavalier va deux fois en avant et en arrière avec
sa dame ; la seconde fois, il place sa dame devant lui,
tournant le dos au cavalier qui lui fait vis-à-vis et s'éloigne
un peu en arrière. — Chassé et tour de mains (huit me-
sures). Alors ce cavalier et sa dame exécutent deux
chassés, l'un à droite, l'autre à gauche, puis tous deux
font un tour de mains et la dame va se mettre à côté du
cavalier placé à sa droite, tandis que le cavalier se met à
côté de la dame placée à sa gauche. Pendant ce temps, le
couple de vis-à-vis exécute le même mouvement, la dame
à droite et le cavalier à gauche. Les quatre danseurs se
trouvent ainsi disposés en deux lignes dans le sens opposé
à celui dans lequel la figure s*est engagée. — Lignes
(huit mesures). Les huit danseurs vont deux fois en avant
et en arrière. La seconde fois, chaque cavalier prend delà
main droite la main droite de sa dame et revient avec elle
à sa place. Les trois autres couples répètent la même figure.
3*^ Les moulinets. Avant-deux et salw^ (huit mesures).
Le premier cavalier et la dame de son vis-à-vis vont deux
fois en avant et en arrière ; la seconde fois, sur un point
d'orgue de Torchestre, le cavalier fait un salut et la dame
une révérence prolongée, puis chacun revient à sa place.
Demi-moulinet, tour de mains, demi-moulinet,
tour de mains (huit mesures). Les quatre dames qui
composent le quadrille se réunissent à la fois au centre et
les deux vis-à-vis se donnent la main droite (les mains
des dames se trouvent ainsi placées en croix et superpo-
sées) : les cavaliers restent à leur place. Dans cette posi-
tion, les dames font un demi-moulinel, se séparent pour
faire un tour de mains avec le cavalier qui leur fait vis-
à-vis, se rejoignent pour faire un autre demi-moulinet et se
quittent encore pour faire un autre tour de mains avec
leur cavalier et revenir ainsi à leur place. Pour faire ces
deux tours de mains, les dames donnent la main gauche
aux cavaliers. Les trois autres couples répètent la même
figure.
¥ Les visites. Visites (huit mesures). Le premier ca-
DANSE
876 ~
valier et sa dame vont se placer devant le couple de droite
(ce que l'on nomme faire visité) ; les deux cavaliers sa-
luent et les dames font la révérence (quatre mesures).
Sans s'arrêter, le premier couple va faire visite à celui
qui est placé à sa gauche et tous deux font les mêmes
saluts et révérences (quatre mesures). Pendant ce temps,
le couple qui fait vis-à-vis au premier cavalier exécute les
mêmes visites avec ceux placés à sa droite et à sa gauche.
— Chassé-croisé (huit mesures). Le premier couple fait
avec le couple placé à sa gauche un chassé-croisé, Fun à
droite, l'autre à gauche, pendant que le couple de vis-
à-vis exécute le même mouvement avec le couple placé à
gauche.
Chaîne anglaise (huit mesures). Le premier couple
fait ensuite une chaîne anglaise (comme dans le quadrille
français) avec le couple qui lui fait vis-à-vis.
■ Dans cette figure, les deux couples placés à droite et à
gauche de celui qui engage la figure ne quittent pas leur
place ; ils reçoivent les visites, chassent avec les deux
couples qui se sont placés devant eux et ne prennent pas
part à la chaîne anglaise. Il en est de même pour le pre-
mier couple et son vis-à-vis à la troisième et à la quatrième
répétition de la figure.
5*^ Les lanciers. Grande chaîne en rond (huit me-
sures). Les cavaliers se trouvent vis-à-vis de leurs dames
et leur donnent la main gauche. Au signal donné par l'or-
chestre, dames et cavaliers partent à la fois en avant, don-
nant à la personne qui vient au-devant d'eux la main qui
leur reste libre, puis l'autre main, puis l'autre encore (ces
mouvements prennent quatre mesures). Les dames et les ca-
valiers doivent alors rencontrer leur vis-à-vis, auxquels ils
font, l'une une révérence, l'autre un salut. Puis, les danseurs
recommencent la même chaîne avec les mêmes change-
ments de main jusqu'à ce que chaque dame ait rencontré
son cavalier auquel elle fait une nouvelle révérence, pen-
dant qu'il lui rend un salut (quatre mesures).
En raison de ces changements de main successifs, les
cavaliers et les dames passent alternativement à droite et
à gauche les uns des autres. Les danseurs, dans toute
cette figure, sauf les chasses-croisés qui se font en chas-
sant, marquent trois temps, comme dans le pas de polka,
sans cependant exécuter le pas de cette danse. — Chasses-
croisés (huit mesures). Le premier cavalier, conduisant
sa dame par la main gauche, fait avec elle une promenade
en obhquant un peu à droite et revient à sa place où tous
deux tournent le dos à leur vis-à-vis. Le couple de droite
en fait autant et se place derrière le premier couple, puis le
couple de gauche, qui se place à la suite; le couple de vis-
à-vis demeure immobile et se trouve naturellement placé
à la fin. Cette préparation dure quatre mesures. Dans cette
position, les huit danseurs exécutent, pendant quatre au-
tres mesures, un chassé-croisé à droite et à gauche, le
premier cavalier passant derrière sa dame, — Lanciers ou
promenade extérieure (huit mesures). Par stdte du
chassé-croisé précédent, les cavaliers se trouvent placés
en file d'un côté et les dames de l'autre dans la même po-
sition, le premier cavalier et la première dame en tête.
Chacun fait alors une promenade en dehors, les cavaliers à
gauche, les dames à droite ; puis, revenus en position, les
cavaliers et les dames se font face. — En avant-huit^
tour de main (huit mesures). Les cavaliers se tenant par
la main, d'un côté, les dames se tenant aussi parla main,
de l'autre, vont deux fois en avant-huit (quatre mesures).
Puis, tous les danseurs se séparent, les cavahers font un
tour de mains avec leur dame, qui leur fait vis-à-vis, et
les quatre couples reprennent leur place. — Les trois autres
couples répètent les mêmes mouvements, chacun dans
l'ordre que nous avons indiqué après la première figure.
Quelquefois on termine le quadrille des lanciers par
quelques tours de polka.
Le quadrille russe a été combiné par les professeurs
de danse parisiens Laborde, Cellarius, Lenfant, etc. Il
comprend cinq figures.
Dans la première figure (seize mesures) les deux couples
avancent en se donnant la main gauche, chaque cavalier
croise la main droite avec la dame qui lui fait vis-à-vis ;
dans cette position les deux couples forment un cercle et le
développent peu (quatre mesures) . Les deux cavaliers tra-
versent avec la dame de vis-à-vis la tenant de la main
droite (quatre mesures). Balancé à droite et balancé à
gauche (quatre mesures). — Demi-holubiec, Les cavahers
placent leurs dames, les tenant du bras droit, et tournent
deux fois en huit temps, le cavalier en arrière du pied
gauche, la dame en avant du pied droit (quatre mesures).
Cette figure ne se joue qu'une fois. — La seconde figure,
comprenant soixante-quatre mesures, se joue deux fois. Le
premier cavalier et la dame qui lui fait vis-à-vis s'avancent
(deux mesures), tournent à main droite, à main gauche
(quatre mesures) ; le cavalier prend de sa main droite la
dame par la main gauche et la conduit à la place de sa
dame (deux mesures) qu'il prend de la même manière pour
la conduire au cavaHer qui lui fait vis-à-vis (deux me-
sures), puis revient à la dame qu'il a placée d'abord (deux
mesures) ; puis les deux couples exécutent un demi-holubiec
(quatre mesures) ; le second cavalier recommence la figure
avec la dame qui se trouve vis-à-vis de lui, les deux dames
ayant repris leur place initiale (seize mesures) ; et ainsi des
deux autres (trente-deux mesures). — La troisième figure
comprend soixante-quatre mesures et se joue deux fois. Le
premier couple s'avance main gauche en main gauche vers
celui qui lui fait vis-à-vis ; le cavalier fait passer sa dame
à sa gauche sans lâcher sa main et prend de la main droite
la main droite de la dame qui lui fait vis-à-vis (quatre
mesures). Il revient à sa place ramenant les deux dames
devant lui (quatre mesures) ; balancé à trois sans se quitter
les mains (quatre mesures) ; les dames croisent leur main
libre et exécutent un tour entier à droite (quatre mesures);
elles séparent les mains qu'elles viennent de croiser, le
cavalier leur fait faire un tour en dehors et tous trois
s'avancent vers le cavalier resté seul (quatre mesures) ;
les cavaliers prennent leurs dames des deux mains et font
un chassé ouvert, s'éloignant l'un de l'autre sur le côté
(deux mesures) ; ils reviennent se placer face à face (deux
mesures) ; chaîne double, main droite et main gauche,
puis chacun reprend sa place (huit mesures) ; les deux
autres couples répètent la figure (trente-deux mesures). —
La quatrième figure comprend soixante-quatre mesures et
se joue deux fois. Le premier cavalier prend de la main
droite la main gauche de sa dame et s'avance vers le couple
qui lui fait vis-à-vis ; ils forment une ronde (quatre me-
sures), reviennent tous en arrière à la place du premier
cavalier (quatre mesures), forment un mouhnet de la main
gauche, tournant pendant un demi-tour ; le premier
couple se sépare pour laisser passer le second qui retourne
à sa place tandis que le premier cavaHer fait un demi-tour
main gauche en main gauche avec sa dame pour regagner
sa place (huit mesures). Chaque cavalier prend sa dame,
main gauche en main gauche, la fait passer devant lui en
avançant pour former un rond ; les dames tournent le dos
en dedans; après un demi-balancé, chaque cavalier fait
faire à sa dame un demi-tour, main gauche en main gauche,
pour regagner leur place (huit mesures) ; balancé à droite
et à gauche (quatre mesures) et demi-holubiec (quatre
mesures) ; les autres couples répètent la figure (trente-deux
mesures) . — La cinquième figure, qui ne se joue qu'une
fois, comprend soixante-quatre mesures. Au début, chaîne
des dames et ronde ; les dames se donnent la main droite et
font un tour au centre du quadrille et reviennent tourner
main gauche en main gauche avec leur cavalier (huit me-
sures) ; on exécute alors la première partie de la première
figure (seize mesures) ; on répète la chaîne des dames
(huit mesures) ; on exécute la seconde partie de la pre-
mière figure (seize mesures), puis une marche de seize me-
sures ; les deux couples avancent l'un vers l'autre, ils font
un mouhnet de la main droite, un demi-tour, un moulinet
de la main gauche, un demi-tour, reviennent à leur place
— 877 —
DANSE
en se tournant le dos et concluent par un demi-holubiec
et les révérences finales.
Le polo ou quadrille américain a été réglé par M. Paul,
professeur français ; l'origine de son nom est inconnue. Le
nombre des couples y est illimité, bien que d'ordinaire ils
se groupent quatre par quatre. Il y a cinq figures : la pro-
menade, la corbeille, le traversé, la pastourelle ou bou-
langère et le polo.
\o Promenade (vingt-huit mesures). Les quatre couples
se mettent en marche sur leur droite et se dirigent, en
se suivant, jusqu'à la place occupée précédemment par leur
vis-à-vis (quatre mesures). — En avant-quatre (quatre
mesures). D'abord par les deux premiers couples, ensuite
par les deux derniers. — Traversé (quatre mesures). Les
deux premiers couples d'abord, les deux autres ensuite
rejoignent leurs places primitives, les cavaliers s'écartant
pour laisser passerles dames au milieu. — Moulinet (seize
mesures). Les dames se tenant par la main droite forment
un moulinet au milieu du quadrille ; elles font ensuite un
tour avec le cavalier vis-à-vis en se donnant la main
gauche, puis reforment le mouKnet pour regagner leurs
places (huit mesures). Le même moulinet est repris par
les cavaliers (huit mesures).
2° Corbeille (vingt-quatre mesures). Les quatre couples
se donnant la main tournent en rond sur la gauche (huit
mesures). Les dames se placent au centre, appuyées dos
à dos et les cavaliers exécutent un rond autour (quatre
mesures). Chaque cavaher tenant ensuite sa dame par les
mains fait un demi-tour avec elle pour changer de place
(quatre mesures). Les dames répètent à leur tour le rond
qui vient d'être fait par les cavaliers, ces derniers se
trouvant maintenant placés au centre et dos à dos (quatre
mesures). La figure se termine par un tour de main de
chaque couple qui regagne alors sa place (quatre mesures).
S^* Traversé (vingt mesures). Les deux premières dames
placées en vis-à-vis changent de place entre elles, puis les
secondes exécutent le même mouvement (quatre mesures).
Les cavaliers en font autant à leur tour et en arrivant au
côté opposé ils offrent leur main gauche à leur dame et
leur main droite à la dame qui se trouve à leur droite, de
manière à former un rond au centre duquel ils tournent le
dos (quatre mesures). On exécute alors un balancé (quatre
mesures), en rétrécissant et en élargissant le cercle alter-
nativement. On tourne ensuite, sans se séparer, sur la
droite des dames, de manière que les couples revien-
nent à leurs places (quatre mesures). Puis les cavaliers
font un rond sur place avec leur dame en leur donnant les
deux mains et le terminent en faisant face à l'extérieur
(quatre mesures).
4^ Pastourelle, La nouvelle pastourelle, assez sem-
blable à l'ancienne, a été remplacée par la boulangère
dont voici la description : Les couples, se tenant par
la main, se placent de manière a former un rond; après
l'exécution des huit premières mesures, ils marchent
quatre pas' en avant pour aller à la rencontre les uns
des autres et quatre pas en arrière pour regagner leur
place de début. Chaque danseur, enlaçant alors la dame
qui se trouve à sa gauche, fait un tour avec elle et la
laisse à sa droite. Le cercle se trouvant formé de nou-
veau, il est procédé de la même manière que précédem-
ment et cela jusqu'à la fin de la figure.
5^ Polo, Cette cinquième figure, la plus mouvementée
de toutes celles qui composent le quadrille américain, a
beaucoup contribué à son succès. Elle se divise en cinq
parties :
Le grand rond (huit mesures) formé des quatre
couples qui galopent en tournant sur leur gauche. La
corbeille (huit mesures). Les dames se tenant par les
mains forment un rond au milieu du quadrille. Les cava-
liers passant leurs bras au-dessus de ceux des dames se
donnent les mains devant elles, et tout le monde galope en
rond sur la gauche. Les ponts (quatre mesures). Revenus
à leur place primitive, les cavaliers lèvent les bras de ma-
nière à permettre aux dames de passer dessous. Celles-ci
se placent dos à dos au miheu et les cavaliers continuent
à tourner. Tour sur place exécuté par chaque cavaher
avec sa danseuse qu'il enlace du bras droit au moment où
il est arrivé, en tournant, en face d'elle. Les moulinets
(huit mesures). Les cavaliers, entourant toujours de leur
bras droit la taille de leur dame, se donnent la main
gauche et tournent en galopant avec leur danseuse. Le
quadrille se termine par la reprise du grand rond.
Malgré leur variété et les combinaisons nouvelles inven-
tées par les maîtres de danse comme les quadrilles du
Prince impérial, des Variétés parisiennes, des Menus-Plai-
sirs, etc., toutes ces formes de la contredanse ne pour-
raient suffire à composer un programme de bal ; il y faut
une plus grande variété de pas et d'airs musicaux. Le
vide laissé par la disposition des anciennes danses de société
françaises a été comblé par les danses giratoires empruntées
à l'Allemagne. Par là s'est consommée la division profonde
aujourd'hui entre les danses de société et les danses scé-
niques. Les ballets sont d'ailleurs en décadence malgré le
talent déployé par des danseuses comme Marie Taglioni^
Fanny et Thérèse Elsler, Carlotta Grisi, Fanny Cerrito
(V. ces noms), etc. Cette forme de la chorégraphie en est
revenue trop souvent aux tours de force, leur sacrifiant les
belles poses (V. Ballet).
Le type des danses allemandes tournées est la valse^
la plus aimée des danses actuelles. Elle est dérivée de l'al-
lemande et de la forme appelée Langaus parce qu'on*
s'efforçait d'y parcourir le plus d'espace en longueur en
tournant le moins possible. Le Langaus dominait au
xviii'^ siècle et fut remplacé par notre valse il y a une
centaine d'années. Celle-ci fut mise à la mode en 1787 par
l'opéra de Vincent Martin, Una Cosa rara, qui l'emporta à
Vienne sur le Figaro de Mozart. La première forme de la
musique de valse qui comportait deux parties de huit me-
sures, fut modifiée comme le caractère delà danse par Weber
dont la fameuse Invitation, écrite en 4819, marque une
révolution dans la musique chorégraphique : le mouvement
de la valse tourbillonnante supplanta l'ancien. Strauss la
porta à sa perfection. La valse, telle qu'on la joue et la
danse depuis Weber, est d'un caractère absolument diffé-
rent des danses classiques françaises que nous avons étu-
diées jusqu'à présent. Dans celles-ci nous avons toujours
vu les pas exécutés selon des figures déterminées par un
couple ou par plusieurs, le cavalier restant très séparé de
sa dame, lui donnant à peine la main. Au xix*^ siècle, on
en revint au contraire aux danses populaires et l'on adopta
celles de l'Allemagne, ces danses tournées où danseur et
danseuse étroitement enlacés continuent ou accélèrent leur
mouvement jusqu'au vertige. Dès la fin du règne de
Louis XIV, on avait introduit l'allemande avec tours, forme
primitive de la valse, qui reproduisait d'ailleurs d'an-
ciennes danses françaises au point qu'on a soutenu que le
rythme et le nom même de la valse avaient passé de
France en Allemagne. Quoi qu'il en soit, c'est en Alsace que
la France les reprit au temps de Louis XIV. La musique
de l'allemande avec tours était sur la mesure deux-deux
(plus tard seulement trois-quatre) et le pas se décompo-
sait en trois « pas marchés » ou plutôt glissés ; les dan-
seurs étaient accouplés, ou groupés quatre par quatre ;
toute la danse était glissée, alternativement en avant et en
arrière. Très élégante et très gracieuse, l'allemande avec
tours était d'une exécution difiicile à cause surtout des
poses des bras. Au début du premier Empire cette danse eut
un regain de vogue extraordinaire. C'est alors aussi que les
galop fut amené d'Allemagne et définitivement acclimaté
en France. La valse s'y introduisit aussi et finit par régner
dans les bals. A la valse dite allemande ou à trois temps
s'ajouta la valse russe ou sauteuse à deux temps (bien que
la musique se joue à trois temps). Nous en reproduisons le
règles d'après la description donnée par Lemaitre dans le
Manuel Roret. La valse à trois temps se compose de deux
pas ; ils complètent le demi-tour de valse, qui se fait en
DANSE
«- 878 -
une mesure, et, répétés dans la seconde mesure, ils forment
un tour entier de valse. Ces pas diffèrent l'un de l'autre,
quoiqu'ils soient pour ainsi dire entrelacés, de manière à
empêcher les pieds de l'un des valseurs de heurter les
pieds de l'autre. Ainsi, pendant qu'un cavalier fait un pas,
la dame en tait un autre et les tours de valse s'exécutent
ainsi de suite sans interruption.
Pour exécuter le pas de la valse à trois temps, le cava-
lier avance le pied gauche devant la dame (1^^ temps),
ramène le pied droit derrière le pied gauche (2® temps),
puis, se soulevant légèrement sur les pointes, passe le
pied gauche devant le pied droit en troisième position
(3« temps). La dame, de son côté, avance le pied droit,
ramène le pied gauche et le passe devant le pied droit
en se soulevant un peu sur les pointes. Les deux danseurs
ont ainsi fait un demi-tour de valse en trois temps ou une
mesure. En répétant ce mouvement pendant l'autre me-
sure, le couple se trouve avoir exécuté un tour entier de
valse.
On peut voir par ces détails que cette valse ne se com-
pose que de deux pas principaux, le troisième servant de
préparation à la mesure suivante. Ainsi, lorsque l'un des
deux valseurs avance le pied droit pour commencer le pre-
mier pas décrit ci-dessus, l'autre valseur porte en même
temps le pied gauche en arrière pour commencer l'autre
pas, laissant au premier la facilité d'avancer le pied ; tous
les deux exécutent alors un demi-tour, puis l'on répète le
pas que l'autre vient d'exécuter dans le second demi-tour,
pour achever le tour de valse. Pour commencer la valse, le
cavalier doit passer son bras droit autour de la taille de la
dame et lui soutenir la main droite dans la main gauche à
la hauteur de la ceinture, le bras gauche de la dame étant
appuyé sur l'épaule de son cavalier. Lorsque les deux dan-
seurs sont en place, la dame à la droite de son cavalier,
celui-ci part du pied gauche en tournant devant sa dan-
seuse ; la dame exécute le mouvement inverse et la valse
est engagée. Quelques danseurs ont l'habitude de faire pré-
céder le départ d'une préparation qui consiste à balancer
légèrement sur le 3^etle4®'^tempsde la mesure. Pour bien
valser, tous les temps doivent être exactement marqués.
Les deux danseurs doivent faire attention à ce que chaque
demi-tour soit nettement et complètement exécuté, de ma-
nière qu'en le terminant ils se trouvent toujours du côté
opposé à celui où ils étaient placés en partant. S'il en était
autrement, les valseurs se jetteraient infailliblement les
uns sur les autres, ou sur ceux qui sont au milieu de la
salle, ce qui arrive souvent lorsqu'il se trouve de mauvais
danseurs dans la société, et ce cas est en France de beau- *
coup le plus fréquent.
Dans la valse à deux temps, le pas se compose simple-
ment d'un glissé et d'un chassé (deux mouvements) ;
néanmoins elle se danse sur une mesure à trois temps,
quoique d'un mouvement plus précipité que pour la valse
à trois temps. Ce serait une erreur de croire que, chaque
mesure de la valse contenant trois temps, les danseurs
doivent exécuter trois tours en deux mesures. Le glissé se
fait plus lentement que le chassé, le premier durant deux
temps, tandis que le second ne dure qu'un temps. Cette
valse est donc réellement à trois temps et devrait plutôt
s'appeler à deux mouvements, mais la locution vicieuse a
prévalu. D'après ce qui précède, il nous sera facile d'ex-
pliquer le pas de cette valse. Le cavalier, placé un peu
plus sur le côté de sa dame que pour la valse à trois temps
et légèrement courbé sur son épaule, glisse le pied gauche
en allongeant un peu la jambe, pour que, le pied droit
venant à chasser le pied gauche et à prendre sa place, le
danseur se trouve avoir exécuté un demi-tour de valse.
La dame, de son côté, glisse du pied droit et chasse du
pied gauche. Ce même pas étant exécuté à la mesure sui-
vante, les deux danseurs se trouvent avoir exécuté un tour
entier de valse. Les valses à deux ou à trois temps se
dansent ordinairement en avant, le cavalier partant du
pied gauche et la dame du pied droit. Mais les danseurs
qui ne redoutent pas la difficulté peuvent les valser à
droite ou à gauche, en avant ou en arrière, et même sur
place, si un obstacle se présente ou s'ils préfèrent ne pas
toujours tourner dans le même sens.
La polka est une danse originaire de Bohême, dont
Thistoire est assez curieuse. Elle lut inventée vers 4830
par une paysanne, notée par le professeur Neruda qui la
fit exécuter par des étudiants, puis l'apporta à Prague vers
4835 et lui donna son nom qui vient du mot tchèque
pûlka qui veut dire moitié et fait allusion au demi-
pas qui la caractérise. Elle fut dansée à Paris au théâtre
de rOdéon par Raab qui la mit à la mode, et se répandit
partout avec la plus extrême rapidité ; elle était d'ailleurs
très analogue à la schottisch ou valse écossaise, déjà connue
à Paris. Devenue ainsi une danse française de société, elle
fut réimportée partout, y compris à Prague. La première
musique de polka a été écrite par Hilmar de Kopidlno. La
polka se danse à deux temps, mais on décompose le pas en
quatre mouvements. D'ordinaire, on la danse en tournant
en avant, le cavalier de gauche à droite et la dame de
droite à gauche ; mais souvent on intervertit le sens, ne
fut-ce que pour éviter l'étourdissement, ou encore on prend
un mouvement rétrograde. Voici comment le pas se décom-
pose pour le cavalier : Il lève le pied gauche derrière la
cheville du pied droit, saute légèrement sur le pied droit et
glisse le pied gauche en avant (4^^ mouvement) ; puis il
ramène le pied droit derrière le pied gauche (2® mouve-
ment) ;^ il glisse le pied gauche en avant (3^ mouvement) ;
enfin, il ramène le pied droit derrière la cheville du pied
gauche (4^ mouvement). Le cavalier exécute ainsi un demi-
tour dans les trois premiers mouvements de la polka ; le
quatrième mouvement, comme le troisième de la valse, ne
sert qu'à préparer le départ pour la seconde mesure. Cette
fois, le cavalier, dont le pied droit se trouve placé derrière
la cheville du pied gauche, saute légèrement sur le pied
gauche en glissant le pied droit en avant (4^^ mouvement),
il ramène le pied gauche derrière le pied droit (2® mouve-
ment), il glisse le pied droit en avant (3® mouvement),
puis il ramène le pied gauche derrière la cheville du pied
droit (4® mouvement). Il se retrouve ainsi dans la position
initiale, après avoir accompli un tour entier sur lui-même.
La dame exécute le même pas que le cavalier, mais en sens
inverse, c.-à-d. que, pendant qu'il part du pied gauche, elle
part du pied droit et réciproquement. Elle suit la direction
que lui donne son cavalier à droite, à gauche, en avant ou
en arrière. Comme dans la valse et dans toutes les danses
tournées, le cavalier passe son bras autour de la taille de
sa danseuse, dont le bras gauche repose sur l'épaule du
cavaher ; en même temps, il lui soutient la main droite
dans sa main gauche, à hauteur de la ceinture.
Ldi polka tremblante, appelée quelquefois à tort polka
anglaise, est une danse populaire de Bohême (V. plus bas);
elle porte dans le pays le nom de trasdk. C'est le maître
de danse Allarius qui l'introduisit à Paris où ses quatre pas
do saut, son mouvement tournant de droite à gauche, ses
conversions inattendues, la firent préférer à la vraie polka.
Ce fut alors la danse vive par excellence, au point d'éclipser
le galop à qui on avait pourtant donné une allure aussi
rapide et désordonnée que faire se pouvait.
La schottisch ou valse écossaise est une danse assez
semblable à la polka qu'elle a précédée dans nos salons et
devant qui elle a dû céder, le rythme musical en étant
moins vif. On l'a appelée de noms fort, divers, depuis un
siècle qu'elle est pratiquée : gambade anglaise, gambade
française, sauteuse, polka rhénane, polka sauteuse. La
mesure est à deux temps comme celle de la polka, mais
d'un mouvement plus lent ; les temps sont très accentués,
surtout dans les mesures 3, 4, 7 et 8, où se placent huit
temps de sauteuse.
On décompose la schottisch en deux parties. La première,
qui se compose des deux premières mesures, s'exécute
avec deux mesures de polka ; la seconde, qui se compose
des deux mesures suivantes, s'exécute en sautant deux fois
- S79 -
DANSE
alternativement sur chaque pied, ce que Ton nomme pas
de sauteuse. Le cavalier part du pied gauche et la dame
du pied droit.
La schottisch se valse comme la polka, le cavalier et sa
dame étant placés de même que pour cette danse. C'est
principalement pendant les mesures de sauteuse que les
deux danseurs tournent sur eux-mêmes le plus rapide-
ment.
La mazurka est une danse polonaise que l'on a dépouillée
de presque toute son originalité en la combinant avec la
polka. Elle fut primitivement adaptée à la scène où ses
figures gracieuses et compliquées purent se déployer.
Lorsqu'on l'adopta dans les salons, il fallut la simplifier
et on fabriqua la polka-mazurka.
La polka-mazurka se danse sur une mesure à trois temps,
d'un mouvement modéré. Le pas s'exécute en six temps
pendant l'espace de deux mesures. Un cavalier, tenant sa
dame par la taille comme pour la polka, glisse le pied
gauche en avant (1®^' temps), chasse avec le pied droit en
même temps qu'il lève le pied gauche (2® temps), puis
ramène le pied gauche à la hauteur de la cheville du pied
droit (3^ temps). Pour la seconde mesure, il glisse de
gauche à droite avec le pied gauche, qui se trouve levé
près du pied droit (4® temps), chasse du pied droit enlevant
le pied gauche (5® temps), puis ramène le pied gauche à
plat près du pied droit, en sautant légèrement, tandis que
le pied droit se lève et vient se placer près du pied gauche
à la hauteur de la cheville (6^ temps). La dame exécute
les mêmes mouvements en sens inverse, c.-à-d. qu'elle
part du pied droit quand son cavalier part du pied gauche.
La polka-mazurka se valse ordinairement en avant, ou
se danse en ligne droite, lorsque la place manque. Pour
valser la polka-mazurka, les danseurs exécutent un tour
entier en pivotant de gauche à droite pendant les 4*^ et
5® temps de la seconde mesure, de façon qu'ils se retrou-
vent au 6^ temps dans la position initiale.
La redotva^ danse bohème (rejdovdk)^ bien dégénérée,
est une combinaison de la valse à deux temps et de la polka-
mazurka, qui a été à peu près abandonnée.
Le boston est moins une danse qu'une manière d'exé-
cuter les danses tournantes, quelle que soit la mesure
(valse, galop, polka, mazurka, etc.) et quelle que soit la
rapidité du mouvement. Ce qu'il a de particulier, c'est
d'exiger une grande connaissance des pas ; il se rapproche
ainsi de nos anciennes danses, tandis que jusqu'à présent
la tendance avait été de restreindre sans cesse la difficulté ;
il a néanmoins un grand succès. Le* cavalier pose sa main
à plat dans le dos de la danseuse, et non plus autour de sa
taille ; il doit toujours la faire aller en avant. Le pas se
compose de trois temps ; il se fait à droite ou à gauche de
l'une ou l'autre jambe, en avant ou en arrière. Pour le pas
en avant (jambe droite) dans le 4*^^ temps, on avance le
pied droit en ghssant (les deux pieds étant au moment du
départ sur la même Hgne) ; au 2® temps, on glisse sans
secousses, le pied gauche en avant pour le porter à hau-
teur du pied droit ; au 3^ temps, -on rapproche par un petit
mouvement le talon droit du gauche, en maintenant les
pieds peu ouverts.
Vient alors le pas en arrière ; ayant avancé d'un pas, il
faut reculer d'un pas également, pour revenir à la première
position et recommencer ensuite. Le pas en arrière s'exé-
cute à l'inverse du précédent. Dans le 4®^ temps, on
glisse le pied gauche en arrière ; dans le 2® temps,
on porte le pied droit en arrière, à hauteur du gauche ;
dans le 3® temps, on rapproche le talon gauche du talon
droit.
La chose la plus difficile est d'exécuter les changements
de pied nécessaires afin de ne pas faire toujours le mou-
vement dans le même sens. Quand *on a lait la dernière
partie d'un tour à droite par exemple, c.-à-d. le pas
en arrière et que l'on veut changer de pied, il faut effec-
tuer un deuxième pas en arrière en le commençant par
la jambe droite, amener, comme il a été prescrit dans
l'explication du mécanisme du pas, le pied gauche en
arrière à hauteur du droit et rapprocher le pied droit du
pied gauche, puis repartir du pied gauche ; le changement
se trouve opéré. Ce mouvement n'est gracieux que s'il
est exécuté avec une grande aisance.
Les tours se font un peu différemment de ceux des
autres danses, ainsi qu'il ressort des détails donnés sur le
pas ; on ne tourne pas sur place, on se déplace en décrivant
une sorte de carré dont on parcourt deux côtés en avant et
deux en arrière.
Le cancan ou chahut est une danse de fantaisie, sautée
ou selon le terme technique « pincée » dans les bals publics ;
les gestes et les balancements du corps sont censés imiter
la marche du canard. Il se danse sur les figures du qua-
drille, plutôt sur la première, mais les pas sont négligés
bien qu'on s'attache à observer la mesure. La caractéris-
tique est le dégingandage des danseurs et des danseuses
qui y déploient toute leur fantaisie. La forme contempo-
raine du chahut est relativement lascive, le grand art des
danseuses consistant à lever la jambe aussi haut qu'elles
peuvent. Ces acrobaties n'excluent pas une grâce provo-
quante très appréciée du public des bals (V. Bal, t. V,
p. 45).
Les contredanses et les danses tournées à l'aide des-
quelles on compose depuis un demi-siècle nos programmes
de bal ne suffisent pourtant pas à les égayer ; en dehors
des mascarades dont ce n'est pas ici le lieu de parler, on
a cherché à varier les agréments de la danse de société à
l'aide d'éléments pittoresques. C'est à ce désir que répon-
daient au début du siècle les danses de caractère et que
correspond aujourd'hui le cotillon. Les danses de carac-
tère qui passionnèrent nos grands-parents donnaient lieu à
des travestissements de tout genre ; elles avaient la pré-
tention de rendre le caractère d'une société ancienne ou
étrangère ; on les combinait sous formes de quadrilles,
créant des quadrilles espagnols, orientaux, vieux fran-
çais, etc. Après de longues répétitions on s'essayait à re-
produire les danses nationales ou les anciennes danses
tombées en désuétude. Bref, c'étaient là de petites repré-
sentations très voisines de la danse scénique ou du ballet.
Le cotillon^ inventé vers i820, est à proprement parler
un jeu de société qui s'exécute en dansant. C'est par ce jeu
que l'on a pris l'habitude de terminer les bals dont il est
aujourd'hui le principal élément de succès. Le nom est plus
ancien que le jeu ; il a été emprunté à un vieil air dont le
refrain était :
Ma commère, quand je danse,
Mon cotillon va-t-il bien ?
Cette danse était exécutée par un danseur, que l'on
pourrait retrouver dans notre conducteur du cotillon. Plus
tard le nom fut appliqué à une espèce de quadrille ; enfin
il a pris sa signification actuelle. Le cotillon se danse soit
en valsant, soit en polkant ou en alternant les deux me-
sures. Tous les danseurs y prennent part groupés en
couples ; il est d'usage d'inviter dès le début du bal ou
même longtemps à l'avance la dame qui dansera le cotillon
avec vous ; ce jeu se prolongeant longtemps, une ou deux
heures, la plupart des figures n'exigeant la participation
que d'une minorité, le cotillon devient une occasion excel-
lente de conversation et de flirtage. Tout le succès du co-
tillon dépend du conducteur qui donne le signal des mou-
vements et fait exécuter les figures ; c'est lui qui commande
à l'orchestre ; il faut pour ces fonctions beaucoup d'entrain
et de goût, d'imagination et de tact. Le cotillon commence
par une promenade valsée ou polkée que dirige le conduc-
deur, puis on exécute les figures. Elles varient à l'infini
selon l'imagination du conducteur. La plupart exigent des
accessoires spéciaux dont la fabrication est devenue à Paris
une industrie florissante. Quelques parvenus ont même le
mauvais §oùt d'employer des accessoires de grande valeur
et de saisir cette occasion de faire des cadeaux à leurs
invités. Nous indiquerons sommairement quelques-unes des
figures les plus usuelles et les plus typiques du cotillon. — »
DANSE
— 880
L'impair. Le cavalier conducteur choisit quatre ou cinq
dames qu'il place en ligne au milieu du salon, puis il
amène cinq ou six cavaliers et les place en ligne derrière
les dames, mais leur tournant le dos. Il doit y avoir un
cavalier de plus qu'il n'y a de dames. Au signal du con-
ducteur, dames et cavaliers se retournent et dansent en-
semble. Le cavalier solitaire revient se placer sur un côté
du salon, pendant que les couples dansent. — Le coussin.
Le conducteur fait asseoir une dame sur une chaise placée
au milieu du salon, remet un coussin, que la dame tient
devant elle par un coin. Chaque cavalier va s'agenouiller
sur le coussin. Si la dame ne veut pas danser avec le cava-
lier qui se présente, elle retire le coussin et le cavalier
s'agenouille à terre; sinon, elle laisse le genou du cavalier
poser sur le coussin, et fait avec lui un tour de valse. On
peut répéter cette figure et les suivantes autant de fois
qu'il y a de dames dans le cotillon. — Le miroir. Le
conducteur fait asseoir une dame placée au milieu du salon
et lui remet entre les mains un petit miroir. Chaque cava-
lier vient à son tour se présenter derrière la dame qui voit
la figure du cavalier se refléter. Si elle ne veut pas danser
avec lui, elle essuie le miroir avec son mouchoir ; le cava-
lier se retire et est remplacé par un autre, et ainsi de suite,
jusqu'à ce que la dame, se levant et posant son miroir sur
sa chaise, présente la main au cavalier placé derrière elle
et fait la promenade avec lui. — VéventaiL On place
trois chaises au milieu du salon, deux du même côté et
celle du milieu en sens inverse. Le conducteur choisit une
dame qui vient se placer sur la chaise du milieu, puis il
amène deux cavaliers qui s'asseoient sur les deux autres
chaises, en tournant le dos à la dame. Celle-ci remet son
éventail au cavalier avec lequel elle ne veut pas danser, et
danse avec l'autre, tandis que le premier les suit en les
éventant. On peut remplacer l'éventail par un verre de
punch que le cavalier dédaigné boit, par un mouchoir, etc.
— Le rond interrompu. Le conducteur après un tour de
valse laisse sa dame au milieu de la salle, et lui remet un
chapeau ou un bonnet de femme. Tous les cavaliers se
réunissent et se donnent la main en présentant le dos à la
dame ; ils exécutent alors un grand rond autour d'elle en
tournant assez vivement. Après un tour ou deux, la dame
place sur la tête du cavalier qu'elle choisit le chapeau ou
le bonnet qu'elle tient à la main, et danse avec lui au
centre, tandis que les cavaliers continuent le grand rond
jusqu'au signal du cavalier conducteur. On peut varier
cette figure en faisant tourner les dames autour du conduc-
teur et dans la même position. Après quelques tours, le
cavalier jette une écharpe ou une sortie de bal, dont il
s'est muni, sur les épaules d'une dame avec laquelle il
danse, tandis que le grand rond continue. — Les fleurs
ou les animaux. Le cavalier va trouver trois ou quatre
cavaliers et leur demande à voix basse quelques noms de
fleurs ou d'animaux ; puis il va trouver autant de dames
qui choisissent le nom qui leur plaît parmi ceux-là ; elles
dansent alors avec le cavalier dont elles ont ratifié le
choix. — Le jeu de cartes. Le conducteur prend les
rois, les dames et les valets d'un jeu de cartes. Il fait tirer
les rois et les valets à huit cavaliers et remet les dames à
quatre dames de la société. Les dames font la promenade
avec les rois de leur couleur, tandis que les valets suivent
les couples de même couleur en les éventant avec les éven-
tails des dames. — Les drapeaux. On distribue aux
dames une série de petits drapeaux dont les couleurs
ou les dispositions varient sans qu'il y en ait deux de
pareils. Une deuxième série des mêmes drapeaux est
répartie entre les cavaliers, et chacun va danser avec la
dame à laquelle est échu le drapeau semblable au sien. Cette
figure peut s'exécuter avec des cartes, fleurs ou toute
sorte d'autres accessoires. — Les mirlitoiis. Deux
danseurs munis chacun d'un mirhton se place à droite
et à gauche de la dame assise au milieu du salon et
exécutent à tour de rôle les variations les plus brillantes
sur leur instrument. La dame choisit l'un d'eux et danse
avec lui. — La clef des cœurs. On donne à une dame
un grand cœur en carton doré muni d'une serrure.
Deux^ cavaliers munis d'un petit cœur doré et d'une
clef s'avancent vers la dame et celui dont la clef ouvre
la serrure lui offre le petit cœur et danse avec elle. —
Les ailes. Un cavalier et une dame dansent ensemble.
Aux épaules de la dame sont adaptées des ailes en gaze
argentée, très légèrement fixées. Deux cavaliers, portant
de grands ciseaux de carton, essayent pendant la danse de
couper, en tournant autour du couple, les ailes de la dame.
Celui qui y parvient valse alors avec elle. — Les boules.
On remet à chaque danseuse une boule en carton-pâte, très
mince et remplie de petites rognures de papier d'une cou-
leur différente pour chaque danseuse. A un signal du con-
ducteur toutes les dames ensemble, écrasant la boule
qu'elles ont dans les mains, en jettent le contenu sur le
danseur qu'elles ont choisi et avec lequel elles font ensuite
un tour de valse ou de polka.
Parmi les figures qui comportent surtout des évolutions
un peu compliquées, la plupart se rapprochent de celle du
quadrille dont elles sont des variantes plus ou moins ingé-
nieuses, corbeille, moulinet, lignes, etc. Nous en indique-
rons deux : Le berceau. Le couple conducteur se place au
milieu du salon, et, s'éloignant l'un de l'autre, le cavalier
et sa dame forment un berceau sous lequel passent tous
les couples jusqu'au dernier en se tenant par la main. Dès
qu'un couple a passé, il forme le berceau qui se compose
d'autant d'arcades qu'il y a de danseurs. Le cavalier con-
ducteur et sa dame q[ui se trouvent alors les derniers, passent
à leur tour, et, sortis du berceau, ils font une promenade ; le
second couple les imite, puis le troisième, et ainsi de suite
jusqu'au dernier qui continue la promenade tant que le
signal d'arrêt n'a pas été donné. — Le changement de
dames. Tous les couples font une promenade en ayant
soin de bien conserver leur place. Au signal du conducteur,
les cavaliers quittent leur dame et continuent la promenade
avec celle du cavalier suivant, et ainsi de suite, jusqu'à ce
que chaque cavalier ait retrouvé sa dame.
Cette figure est en général la dernière du cotillon. Il se
termine par le salut que chaque couple vient adresser à la
maîtresse de maison en défilant devant elle.
Technique de la danse. — Nous compléterons cet
exposé en donnant quelques notions sur la technique de la
danse telle que Blasis l'a indiquée d'après Noverre. Les
attitudes et les mouvements décrits ne sont exécutés avec
perfection que par les danseurs scéniques dont c'est la
profession, mais les règles sont les mêmes pour tous. On
distingue cinq positions :
Première position. Les jambes sont très étendues, les
deux talons rapprochés l'un contre l'autre, les pieds com-
plètement en dehors et sur la même ligne. — Deuxième
position. Les jambes sont plus écartées, mais seulement de
la longueur du pied. — Troisième position. Les pieds
sont à demi-croisés, le pied droit recouvrant le pied gauche
jusqu'à la cheville. — Quatrième position. Les pieds
sont placés comme en troisième position, avec cette seule
différence qu'ils^ se croisent sans se toucher. — Cinquième
position. Les pieds sont rapprochés et se croisent entière-
ment de la pointe au talon. Dans toutes ces positions les
genoux doivent être tendus. Pour saluer, on fait porter le
poids du corps sur la jambe qui est en avant, on ramène
la seconde pour prendre la quatrième position, puis la trcâ-
sième, puis la seconde ; on porte alors le poids du corps
sur la seconde jambe et on ramène l'autre à la première
position, on fléchit les jarrets et on incline le corps et la
tête en laissant tomber les bras. Les dames, pour faire la
révérence, s'inclinent après que le pied a pris la première
position, afin de s'arrêter à la quatrième quand elles plient
les genoux et inclinent la tête.
Les pas, c.~à-d. les arrangements des jambes en mou-
vement sur un air de musique, sont très nombreux; beau-
coup ont été déjà décrits : les principaux sont les batte-
ments grands, petits, sur le cou-de-pied, l'assemblé, le
— 881 -
DANSE
jeté, le glissé, le coupé-dessus et dessous. Le battement
est le mouvement de la jambe qui est en l'air tandis que
le poids du corps porte sur l'autre. Les grands battements
se font en détachant une jambe de l'autre, et l'élevant à
la hauteur de la hanche dans toute son étendue. Après
l'exécution du battement, les jambes se placent de nou-
veau en cinquième position. On les croise derrière ou de-
vant. Les grands battements forcent le danseur à tourner
complètement ses jambes en dehors, et lui donnent beau-
coup de facilité pour les mouvements des cuisses, pour les
hauts développements et l'exécution des grands temps. Ils
se font en avant ou en arrière. Les petits battements se
font de même, mais au lieu d'élever la jambe en l'air, on
se contente de la détacher de l'autre jambe, sans que les
pointes quittent la terre : les battements sur le cou-de-
pied sont d'abord des mouvements de la hanche et de la
cuisse ; la hanche guide la cuisse dans son ouverture, et le
genou, par sa flexion, achève le battement en forçant la
partie la plus basse de la jambe de croiser, soit en avant,
soit en arrière de la jambe qui reste à terre. — V entrechat
est un pas léger où les danseurs du corps de ballet dé-
ploient toute leur agilité. Durant son exécution les jambes
du danseur se croisent rapidement, et retombent, soit à la
cinquième position, soit en attitude sur une jambe, comme
dans l'entrechat à cinq, à neuf, la cabriole, les brisés et
les ronds de jambes en l'air. Tous ces pas. Unissant alors
sur une jambe, doivent aussi se terminer par quelques-
unes des attitudes ou arabesques indiquées précédemment.
Les entrechats commencent généralement par un assemblé,
un coupé ou un jeté ; le corps s'élançant alors en l'air, les
jambes passent à la cinquième position pour se croiser et
se couper. Dans les entrechats, on peut couper quatre, six,
huit, dix et jusqu'à quatorze fois. Mais ces tours de force
exagérés nuisent à la grâce du mouvement. — L^^ pirouettes
que Vestris et Gardel ont développées les premiers, ont
été depuis lors variées de mille manières, et c'est le point
par oti les danseurs du xix*^ siècle ont dépassé leurs de-
vanciers; inférieurs dans les belles poses, ils l'emportent
pour la légèreté.
La danse en Allemagne. — Tacite nous parle de la
danse des épées qu'exécutaient les jeunes Germains ; on dit
aussi que la prophétesse Velleda sautait et dansait en pro-
mulguant ses oracles ; il y aurait donc eu dans l'ancienne
Germanie des danses de guerre et des danses rehgieuses.
On suppose aussi que les danses des sorcières du Brocken
sont le souvenir de danses religieuses des Saxons et des
Thuringiens célébrant de nuit le culte de leurs dieux. En
Allemagne comme dans le reste de l'Europe, l'Eglise et par-
ticulièrement les moines proscrivirent la danse considérée
par eux comme démoniaque. Ils ne purent la déraciner.
Dès le xii® siècle, nous voyons les danses allemandes fort
nombreuses. Elles se divisaient en deux catégories nette-
ment tranchées : les danses sautées et les danses mar-
chées ou glissées. Celles-ci, d'une allure plus calme et
plus décente, étaient regardées comme les danses de la
bonne société. Le cavalier prenait à la main une ou deux
dames et se promenait avec elles en glissant en cadence
accompagné par des instruments à corde et des chants ;
lui-même chantait, souvent la foule se contentant de répé-
ter le refrain. Les poésies du Tannhauser montrent la
popularité de la danse dans le moyen âge allemand ; le duc
d'Autriche, Frédéric le Belliqueux, composait des airs de
danse, les exécutait lui-même. Ces danses du xiii^ siècle
étaient graves, les mouvements lents et compassés, les
attitudes raides et guindées ; les robes à longue traîne des
dames, encombrant le sol, empêchaient tout pas rapide.
On formait des rondes tournant doucement en chantant,
ou bien le conducteur du chant et de la danse se mettait à
la tête d'une longue file dont il guidait tous les mouve-
ments, formant ou rompant le cercle, se déroulant à tra-
vers la salle. On dansait pour les fiançailles et les mariages.
Les paysans ont adopté la danse ghssée des nobles ; mais
ils en ont d'autres moins sentimentales, les danses sau-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XlII.
tées où ils s'ébattent gaiement; les noms et les airs de
plusieurs nous sont parvenus ; le plus grand nombre parais-
sent avoir été empruntés à la France. Ce qui caractérise
ces danses du moyen âge c'est que toujours elles étaient
accompagnées de chant et souvent elles n'avaient pas
d'autre accompagnement. La forme musicale d'une partie
des danses allemandes est aussi très originale, et nous
l'avons déjà signalée; elles comportent deux parties: la
première lente, sur la mesure quatre-quatre ; la seconde plus
accélérée, sur la mesure trois-quatre; la première est
généralement une promenade, la seconde une danse tournée.
Le type des danses glissées comportant ces deux parties
est V allemande (V. ci-dessus). On en connaît plusieurs
variantes : Schwœbische, Steyersche, Lœnderer, Zwei-
tritt, etc., dans l'Allemagne du Sud; dans la région orien-
tale prévalaient les danses slaves. Quelques-unes des danses
populaires de l'Allemagne méritent une mention spéciale.
Le Siehensprung ^ vieille danse religieuse exécutée par le
danseur, comportait sept mouvements : deux avec les pieds,
deux avec les genoux que l'on fléchissait, deux avec les
coudes que l'on frappait à terre, un avec la tête qui tou-
chait également le sol ; la musique était alternativement
en trois-quatre et deux-quatre. — La danse du mariage
(Hochzeitstanz) était la seule qu'eussent les Frisons
orientaux; l'air comportait un dialogue sentimental et
railleur tour à tour. Exécutée par deux couples, elle s'exé-
cutait avec des mouvements de la tête, des bras, des mains,
des jambes ; les hommes frappaient les mains l'une contre
l'autre, derrière leur dos, sur les cuisses ; les femmes les
imitaient ; la finale était lente et triste. — Dans la Basse-
Bavière et la Franconie se dansait le Trummertanz ou
Platztanz; sur la prairie on formait une vaste ronde où
chaque couple dansait à part et pour son compte ; les jeunes
filles tournaient d'abord autour des danseurs ; puis ils se
prenaient par la taille et se balançaient ensemble ; à un
autre moment les jeunes filles dansent seules, les gars
chantant et dansant autour d'elles. — Les Dithmarses ont
eu plusieurs danses très originales dont « une longue
danse » où les danseurs alignés en grand nombre (il y en
avait jusqu'à deux cents) répétaient sur-le-champ tous les
vers chantés et tous les gestes faits par le conducteur. —
Dans le Mecklembourg se danse encore la Schœndor und
stolz quadrille de deux figures : la première est un qua-
drille croisé, la seconde une promenade exécutée les bras
collés au corps. VAuskehr ou Grossvatertanz est une
espèce de polonaise. Le Riwkelreih est une danse de noces
dont le thème est l'expulsion de la fiancée du nombre des
célibataires; elle est très animée et bruyante. — Le
Schœfflertanz est une danse locale deMunich qui remonte
au moins au xiv® siècle. Elle est exécutée tous les sept ans
dans les rues depuis le premier dimanche qui suit les Trois-
Rois jusqu'au mardi gras; c'était une espèce de contre-
danse exécutée par une vingtaine de danseurs costumés. —
La Bavière a encore quelques danses locales, bien que le
gouvernement ait à peu près interdit cet amusement ; elles
sont sur le type de la valse à trois temps ; quelques-unes
(à six, huit ou douze personnes) sur celui du quadrille
français avec ses chasses-croisés et ses tours de main. —
Dans le pays de Salzbourg on danse VAufundab, chaque
couple évoluant sur une planche qu'il ne peut quitter ;
près de Ratisbonne on retrouve encore l'ancien Huettanz
ou Maitanz dont un chapeau est le prix. Sur les bords de
l'Inn, la passion chorégraphique est si vive qu'on dut la
limiter par ordonnance administrative en 1846, dans le
district de Rosenheim : les bonnes danseuses étaient sans
cesse invitées et ne pouvaient plus se coucher. Au con-
traire, dans le district de Ramsau, on ne danse que trois
fois l'an et les danseuses manquent presque complètement.
— La principale danse populaire dans la région danu-
bienne allemande est le Lœndler ou Lœnderer sur la
mesure trois-huit. Une forme originale en est le Hasen-
schlager dansé par un couple; la jeune fille tourne sur
elle-même les yeux pudiquement baissés; son danseur
56
DANSE
882
décrit des cercles autour d'elle en manifestant par une vive
pantomime son amour et sa joie, frappant en mesure du
pied, de la main sur sa cuisse, sur ses genoux et ses
talons, sautant, passant les bras au-dessus de la jeune fdle
que finalement il enlève dans ses bras. — La valse est la
forme la plus achevée de la danse allemande ; nous avons
déjà dit combien les musiciens de Vienne en ont modifié le
caractère au point d'en faire la plus entraînante des danses
de société. Pour tout ce qui concerne celles-ci, on peut
appliquer à l'Allemagne ce que nous avons ditdela France,
où elle n'a cessé de prendre modèle, comme toute la haute
société des différents pays d'Europe.
La danse en Angleterre. — L'Angleterre a eu une très
grande variété de danses populaires originales et, d'autre
part, en a naturalisé plusieurs empruntées à la France, à
l'Espagne et à l'Italie. Dans les drames de Shakespeare, il
est constamment question de danses, et le poète leur fait
une place considérable ; les importations étrangères ont
d'ailleurs fini par prévaloir et ont éliminé presque toutes
les autres danses. Le Dancing -Master publié au début du
xvjn^ siècle (Londres, 1716, 11^ éd., 2 vol.), donne les
airs de cinq cent soixante danses anglaises avec leur des-
cription et le détail des figures ; quelques-unes ont des noms
humoristiques : Excuse me^ ]\t Englesfield, New Horn-
pipe^ the Quakers Dance^ Green Sleeve and Pudding
Pies, etc. Le Hornpipe proprement dit est la danse des
matelots oti ceux-ci réalisent des prodiges d'équilibre : ils
agitent les jambes en immobihsant le buste, les bras croisés
sur la poitrine ou les mains dans les poches ; la musique
est sur la mesure deux-quatre ou encore six-huit. Le Cushion
Bance, danse du coussin, s'est perpétuée jusqu'à nos jours
et se danse encore dans l'intimité ; jadis elle figurait dans
toutes les noces sur l'air de Joan Sanderson. On formait
une vaste ronde ; un des danseurs portait un petit coussin
ordinairement rouge, courait dans la ronde, puis faisait une
pause et invitait une dame ; celle-ci s'agenouillait sur le
coussin et il l'embrassait ; elle prenait alors le coussin et
tous deux dansaient en chantant le refrain. Quand ils s'ar-
rêtaient, la dame continuait, invitant à son tour un dan-
seur ; tous trois dansaient et le second invité continuait ;
on allait ainsi jusqu'à ce que toutes les personnes de la
ronde fussent au milieu de la salle. Le Cushion Dance avec
ses demandes et ses répliques fixées d'avance, ne se danse
plus guère. Quant à l'usage d'embrasser sa danseuse, il est
encore général dans les campagnes. ■— Des danses importées
de l'étranger la plus répandue au xvi^ siècle fut la morisque
ou Morris Dance, que l'on exécutait spécialement le pre-
mier mai. Elle était ouverte par un masque déguisé en
nègre, coiffé d'un turban, avec des grelots attachés aux che-
villes. Il faisait quelques tours dans la salle, tandis que les
spectateurs marquaient le pas, soit du pied entier, soit avec
le talon seulement. Le jeune maure ne quittait pas le sol
de la pointe des pieds, se contentant de glisser en soulevant
le talon et faisant sonner ses grelots. La musique était sur
la mesure normale; d'après ces indications, le danseur
sautait quatre fois du talon sur le talon gauche, puis après
une pause renouvelait douze fois ce changement de pied et
terminait en frappant les talons l'un contre l'autre. — Les
danses frai!içaises acclimatées en Angleterre, la courante
avec ses tours rapides, la volte où deux danseurs tournaient
enlacés , étaient plus entraînantes , de même la berga-
mesque. Le passamezzo italien plaisait fort à la reine Eli-
sabeth ainsi que la majestueuse pavane (Pavin), A la cour
on dansait également des danses graves et rythmées, telles
que la mesure {Measurc) et le Trenchmore. La première,
à laquelle prenaient part les plus hauts dignitaires, avait
quelque chose de compassé ; la seconde était une contre-
danse qui se déroulait d'une extrémité à l'autre du bal, en-
globant tous les danseurs. — Plus tard fit fureur Vanglaise
qui avait été exécutée en Allemagne et en France avant de
se nationahser en Angleterre ; elle ressemble fort à l'écos-
saise avec sa mesure de deux-quatre ou de trois-huit ou
l'alternance des deux ; elle comprenait six ou quatre figures.
La DANSE EN Ecosse. — Le goût du peuple écossais pour
la danse est connu, et [d'autant plus remarquable qu'il
résista à tous les efforts tentés par l'éghse presbytérienne
pour le déraciner. On peut s'en faire une idée par les
romans de Walter Scott. Ce goût est surtout très vif dans
lesHighlands, parmi les populations de race celtique. Durant
les longues soirées d'hiver, il se tient de véritables écoles de
danse, où les jeunes gens et les jeunes filles affluent. Les
vieilles danses nationales s'exécutent au son de la corne-
muse ; ainsi celle des Highland-Reels, dansée par deux
couples à la fois , et V écossaise qui a perdu en se trans-
formant. Originairement, l'écossaise se dansait sur une mu-
sique de cornemuse selon la mesure trois-deux ou trois-
quatre ; son caractère était simple et grave, les tours brefs ;
les danseurs avaient les bras croisés sur la poitrine. Au
début de ce siècle, on en fit une danse de société, et pour
presser le mouvement, on adopta la mesure deux-quatre,
l'air entier comportant deux reprises de huit mesures cha-
cune. La danse des clay mores est demeurée un diver-
tissement national ; deux claymores sont posées sur le sol
en croix ; dans un cercle étroit , les danseurs se meuvent
avec la plus grande rapidité, variant sans cesse leurs pas,
sans jamais efïleurerles glaives. La danse des épées, qui s'est
conservée dans les îles, est un peu plus compliquée ; les sept
danseurs représentent les sept saints : Georges, Jacques,
Denis, David, Antoine, André et Patrick. Ils se présentent
d'abord isolément, l'épée nue à la main, et chantent quelque
vers ; puis saint Georges ouvre la danse ; tour à tour ses
compagnons lui succèdent , chacun appelant le suivant en
frappant son épée. Puis on forme le cercle, chacun tenant
l'épée de sa main droite, et de la main gauche la pointe de
l'épée de son voisin ; après avoir dansé une ronde, ils lèvent
les épées, formant une voûte sous laquelle ils passent rapi-
dement ; puis ils sautent par-dessus les épées, enfin ils
dansent une ronde. La seconde série de figures s'exécute
encore plus vivement : les sept danseurs déroulent une sorte
de procession, puis forment un tourbillon où chacun tourne
sur lui-même agitant l'épée autour de lui, poussant des cris
sauvages ; puis on reprend une allure plus calme au signal
de saint Georges ; les danseurs dansent dos à dos ou face à
face, entre-croisant leurs épées, etc.
La danse en Suède. — Les Scandinaves et parmi eux les
Suédois ont un grand nombre de danses populaires avec
leurs airs ; une collection imprimée à Stockholm en 1820
en réunit environ quatre cents ; bien que leur nom général
Polsker semble indiquer une origine polonaise, elles ont un
caractère nettement national et tout à fait distinct de celui
des danses slaves. Comme les Ecossais, les Suédois avaient
leur danse des épées qu'ils exécutaient entre deux rangées
d'épées nues. Les leçons en étaient données en même temps
que celles de l'escrime ; les ecclésiastiques même y pre-
naient part. On donnait une grande représentation annuelle
de la danse des épées à laquelle les jeunes gens se prépa-
raient par huit jours d'exercice. Ils simulaient un exercice
d'escrime, attaque et parade combinés avec des pas de danse
et des sauts cadencés ; puis ils formaient la rose, se ran-
geant en hexagone, paradant avec les épées au-dessus de
leur tète et activant sans cesse le mouvement ; l'accompa-
gnement était donné avec la flûte et des chants. On cite
encore une danse des elfes qui se conserva dans la Suède
méridionale jusqu'au xix^ siècle. On formait d'abord une
ronde générale, puis jeunes gens et jeunes filles se sépa-
raient en deux groupes, chacun restant immobile sur place
on frappant dans ses mains ; les danseurs s'unissaient de
main gauche en main gauche, puis de main droite en main
droite ; ils s'inclinaient et faisaient avec leur vis-à-vis une
double conversion ; enfin chacun tournait sur place.
La danse dans les Pays-Bas. — Les estampes nous
donnent de nombreux renseignements sur les danses usitées
dans les Pays-Bas. Les danses populaires et les danses de
société y sont figurées avec exactitude, et nous sommes
frappés de voir ce que les secondes ont d'artificiel. Parmi
les danses populaires, les plus curieuses sont celles des
— 88B —
DANSE
matelots. Ceux-ci s*y livrent en sabots et les bras joints
derrière le dos ; les pas concordent exactement avec l'air
qui est bref sur une mesure deux-quatre repétée deux fois.
On a mis cette danse en sabots à la scène, mais en l'écrivant
sur la mesure trois-quatre.
Là danse en Bohême. — La passion des Slaves pour la
musique et la danse est un trait fondamental de leur psy-
chologie. Les Slaves occidentaux, Tchèques et Polonais,
portent le plus loin cette passion. On constate déplus, chez
eux, l'alliance intime du chant et de la danse comme chez
les races méridionales. Jean Neruda et Alfred Waldau se
sont livrés à une enquête complète sur les danses natio-
nales de la Bohême ; ils en citent jusqu'à cent trente-six ;
pour beaucoup, on peut en suivre la trace pendant long-
temps, pour une même jusqu'au xiv^ siècle; à travers
toutes les vicissitudes de la vie politique et religieuse, elles
se sont maintenues avec les coutumes locales auxquelles
elles se rattachent. En premier lieu, il convient de citer
les deux danses des hussites ; elles sont totalement oubliées
au point qu'on en ignore les éléments, mais leur souvenir
est encore très vivace dans l'imagination populaire. La
Chodovska était la danse de guerre des paysans bohèmes
du Bœhmenvald, les Chodové, dont les massues garnies de
fer étaient très redoutées des Allemands. La Husistska
était la danse religieuse des hussites, solennelle et grave ;
les chants des frères moraves en ont conservé la tradition
lointaine, mais non la forme exacte ; on a retrouvé une
partie de la musique dans la patrie de Jean Ziska, mais les
pas sont inconnus. La danse des morts (U-ynrleç) remonte
en Bohême à l'époque païenne et se célébrait encore au
siècle dernier avec la macabre ironie de ses chants. — La
Skakava ou danse sautée était accompagnée d'un chant
religieux, d^ne mélodie très expressive; de même la Sou-
sedska qui dépouillait alors son caractère de grâce facile
pour devenir Rendre et sentimentale. — Le menuet est en
Bohême une danse originale; danseurs et danseuses se
tenaient par leurs mains croisées et marchaient en mesure,
s'avançant alternativement les uns vers les autres, et se
saluant de refrains où ils demandent à Dieu la santé, ou
le pardon de leurs fautes ou son affection. Malheureuse-
ment, à la fin du xvni^ siècle, la corporation des maîtres de
danse de Prague eut l'idée d'implanter une série de danses
nouvelles composées à l'aide d'éléments étrangers. Cela
était d'autant plus regrettable que cette corporation formée
d'artisans, particulièrement de cordonniers, se distinguait
par la possession de près d'une centaine de danses qui lui
étaient propres. L'importation de danses françaises fit périr
une grande partie de celles du pays, malgré la résistance
qu'opposèrent les classes populaires à cette transformation.
Elle s'accomplit, mais sans altérer complètement l'ori-
ginalité des divertissements nationaux, car en Bohême la
danse n*est pas un art isolé; elle est inséparable de la poé-
sie populaire et des plus profonds sentiments de la race.
Ainsi la Strasak perd la moitié de son charme à être jouée
dans un salon sur le piano sans l'accompagnement de chant
qu'elle a dans les villages. En voici la description. Elle
débute par seize mesures de polka que dansent les couples ;
puis cavaliers et dames se séparent et se placent face à
face, sautant sur place et marquant fortement le rythme
avec les pieds et en frappant des mains; ils se menacent
gaiement de la main droite, puis de l'index de la main
gauche et pivotent agilement sur les talons. Chaque cava-
lier empoigne alors la danseuse de son voisin et danse avec
elle seize mesures de polka; après quoi on recommence
jusqu'à ce que toutes les dames aient polké chacune avec
tous les cavahers. Quand ceux-ci sont revenus à leur pre-
mière danseuse on s'arrête. — Le Baborak ou Stajrys, pro-
bablement emprunté aux Bavarois ou aux Styrieris, est une
danse poétique d'un mouvement lent qui ressemble assez
à la valse. La polka nous est venue de Bohême, mais elle
est d^invention récente et a été transformée en danse de
société avant que la poésie populaire lui eût donné un air
national.
La danse en Pologne. — Les danses populaires des
Polonais sont, comme celles des autres Slaves septentrio-
naux, signalées par l'entrechoquement régulier des talons.
Les plus célèbres ont été adoptées par l'Europe entière
comme danses de société ; telles sont : la mazurka dont il
est parlé ailleurs, la craco vienne, enfin la polonaise^ pro-
menade solennelle que les couples de danseurs exécutent
autour de la salle de bal, s'y déroulant comme les anneaux
d'un serpent; on a renoncé aux figures plus variées qu'on
y joignait autrefois, formant par exemple avec les mains
croisées un pont sous lequel passait tout le cortège.
La danse en Russie. — Dans le vaste empire russe,
chaque province a ses danses populaires à elle, mais la
haute société ne danse guère que les danses françaises.
Dans la longue liste des danses populaires, on peut citer la
cosaque et la golubey, La première est exécutée par deux
personnes qui se rapprochent ou s'éloignent tour à tour
en déployant une mimique très accentuée; les bras sont
collés au corps, les pas fortement marqués, les mouve-
ments très amples ; la musique même, sur la mesure deux-
quatre, est dure.
La danse en Roumanie. — Parmi les danses populaires
roumaines, aussi intéressantes en Transylvanie qu'en Vala-
chie, la plus en vogue est la pumanieska. Les danseurs
forment un vaste cercle et se déplacent alternativement
vers la gauche et vers la droite ; chacun y peut entrer, et
on lui fait place avec plaisir, ou bien peut se retirer dès
qu'il est las. La musique est une sorte de mélodie indéfinie,
généralement exécutée par les tsiganes. Tous dansent
autant qu'ils le veulent ou le peuvent.
La danse en Hongrie et les tsiganes. ™- Les danses
des Magyars ressemblent à celles des Cosaques, autre
peuple jadis pasteur et nomade, et diffèrent profondément
de celles dont il a été question jusqu'à présent. Les mou-
vements des hanches, des pieds tournés tantôt en dedans,
tantôt en dehors, les chocs des éperons, des mains contre
les pieds qui accompagnent les pas de danse proprement
dits en changent l'allure. La danse nationale est la csdr-
dds; la musique débute par un andante, et le mouvement
s'accélère sans cesse ; chacun exécute les pas à sa fantaisie
sans que jamais la dignité de l'attitude soit oubliée. Le
nombre des couples de danseurs est illimité. Le cavalier
prend sa danseuse par la taille ou lui passe le bras autour
de l'épaule, et pendant tout le prélude, il se borne à la
faire tourner à droite et à gauche, lui souriant, tandis qu'il
sautille et frappe l'un contre l'autre ses talons éperonnés,
et soulève alternativement chaque jambe. La danseuse sau-
tille, la main appuyée sur son épaule. Tous ces mouvements
s'accomplissent sur place. Quand le rythme musical des
violons, des clarinettes, des cymbales, maniés par des
tsiganes, s'accélère, les danseurs se déplacent et tournent
rapidement. Chacun des couples danse pour soi, sans s'oc-
per des voisins, et la variété des attitudes ajoute beaucoup
à l'impression de cette danse, une des plus Hbres et des
plus entraînantes qu'il y ait. On s'y livre partout, non seu-
lement à la campagne ou dans les guinguettes, mais dans
les bals officiels, dans ceux de la cour où les magnats
hongrois y déploient toute leur élégance. Les musiciens
sont toujours des tsiganes (V. ce mot) dont la musique
sera décrite ailleurs. Ils ne la séparent pas de leurs danses ;
parmi celles-ci la plus usuelle est la gitana des Espagnols
que dans les contrées danubiennes on n'accompagne pas
de castagnettes. On cite encore la danse des œufs, la danse
de la paille où les gitanes se meuvent autour d'un tas de
paille, se penchant pour saisir la paille entre leurs dents
et s'en ceindre ou la jetant en l'air. Des anciennes danses
hongroises, une des plus curieuses était celle des trois cents
veuves décrite par Simplicissimus en 4683. Elle s'exécu-
tait aux enterrements parmi les pleurs et les lamentations.
De même la danse des morts où l'un des assistants repré-
sentait le cadavre, tandis que les autres faisaient le simu-
lacre de sa toilette funèbre tout en dansant autour.
La danse dans l'Europe orientale. — Dans les divers
DANSE
pays de la péninsule balkanique, on trouve un certain
nombre de danses populaires d'un grand caractère ; nous
n'avons pas le loisir de les décrire en détail. Les Slaves
dansent de préférence le /îTo/o, surtout les Serbes; c'est une
danse gracieuse qui tantôt déroule les files, tantôt les
groupe en une ronde. Les Grecs ont une prédilection pour
les pantomimes , telle que la danse des brigands des Alba-
nais que l'on a rapprochée de celle décrite par Xénophon
chez les anciens Magnètes ; un laboureur est, après une
longue résistance, entraîné par des brigands. Les Turcs ont
pour les danses vives et agitées la répugnance de l'Oriental
qui juge indécent ces mouvements excessifs. Ils ne dansent
guère, mais assistent avec grand plaisir aux ébats des
troupes de danseuses. Celles-ci, qui exécutent les danses les
plus voluptueuses, sont indispensables pour toute fête bien
ordonnée. Dans la romaïque, qu'on a pu prendre comme
type du genre, les pas et les mouvements des pieds sont
secondaires ; les mouvements des bras et des mains, les
inflexions du buste jouent plus de rôle ; les danseuses
entourent un danseur et déploient toutes leurs grâces,
prenant les poses les plus séduisantes jusqu'à ce qu'il jette
le mouchoir à l'une d'elles. — La danse religieuse des
derviches tourneurs (V. ce mot) a été bien des fois décrite.
C'est une sorte de valse exécutée par neuf, onze ou treize
personnes, pieds nus, pivotant sur le talon droit. Les
moines musulmans ont persisté dans cette coutume malgré
le peu d'estime où leur religion tient la danse. — En Egypte,
les danseurs appartiennent à la race ghawazi que l'on a
comparée à celle des tsiganes, et qui prétend remonter à
un Barmécide favori disgracié du khalife Haroun al Raschid.
Les danseuses ou ghaziehs et les chanteuses ou aimées
(V. ce nom) forment une race de parias vivant sous la
tente dans un quartier spécial. On les invite aux fêtes dans
les harems, on les emmène à la guerre ou au pèlerinage de
La Mecque. Depuis 4834, on leur a interdit de danser sans
voile dans des lieux publics ; on n'y voit plus guère que des
danseurs Yêtus en femmes. Dans la danse égyptienne, la
plus gotîtée, la danseuse simule la douleur de la piqûre
d'une abeille, la recherche de l'insecte et son écrasement:
c'est une petite pantomime. Les mouvements généralement
doux et prêtant à de beaux effets plastiques sont parfois
saccadés. Les pas sont glissés plutôt que sautés, la grâce
tient surtout aux mouvements des bras levés au-dessus de
la tête ou posés sur les hanches et aux ondulations du
corps, la danseuse meut isolément le haut du buste ou les
membres inférieurs. Dans l'enivrement causé par la nm-
sique, elle finit souvent par arracher ses vêtements et danse
jusqu'à ce qu'elle tombe épuisée. A.-M. B.
ÏV. Archéologie. — Danse des aioais ou Danse macabre.
— Sorte de drame ou de procession dansée ou reproduite par
la peinture et la sculpture et dans laquelle toutes les pro-
fessions et tous les âges, depuis le pape et l'empereur jus-
qu'au dernier des mendiants, et depuis le vieillard jusqu'à
l'enfant nouveau-né, étaient représentés. La mort en était le
coryphée, et le diable, le maître des cérémonies. La moralité
de ce spectacle était l'égalité de toutes les conditions hu-
maines devant le sépulcre. Cette horrible sarabande ne
pouvait prendre naissance qu'à une époque sombre et sous
l'influence d'une religion dans laquelle la mort prenait chez
les esprits simples, et avec la complicité de prédicateurs
fanatiques, une place principale dans les croyances et les
préoccupations du populaire, qui y voyait à la fois la terreur
et le but de la vie. L'antiquité ne l'a pas connue et il est
impossible de voir une danse des morts, au sens où l'en-
tendait le moyen âge, dans des œuvres plastiques telles que
le bas-relief trouvé à Cumes en 1810, qui nous représente
trois squelettes dansant devant un paysan qui joue de la
Mte. L'antiquité païenne fuyait l'idée de la mort et en re-
produisait rarement les symboles ; le christianisme, au
contraire, semblait goûter un âpre plaisir à la pensée du
trépas et aimait à prendre le squelette comme sujet de
méditation. La danse des morts naquit donc très naturelle-
ment du sentiment chrétien ; il est fort probable que ses
premières manifestations positives remontent aux environs
de l'an 1000, à cette époque de misère et de désolation
générales; plus tard, nous la voyons se multiplier lors des
épidémies et des désastres publics, notamment en 1347,
année de la fameuse peste noire qui enleva, dit-on, le cin-
quième de l'humanité et durant toute la malheureuse guerre
de Cent ans. C'est que la moralité de cette danse était
l'expression populaire du désespoir universel et du senti-
ment égaHtaire qui, malgré tout, subsistait dans les masses
et se traduisait par la forme la plus satirique et la plus
irrévérencieuse pour les autorités étabHes. C'était la revanche
anticipée de tous les malheureux pillés, torturés, maltraités
de toute manière. — On ignore l'étymologie du mot ma-
cabre que l'on rencontre au moyen âge sous des formes
bien diverses, telles que : marcade, marcabe, machabée, etc.
Les uns ont voulu y retrouver le mot arabe maqbarah^
cimetière; d'autres le nom du peintre ou sculpteur à qui
fut due la première figuration de la danse des morts ;
d'autres encore, le souvenir de la translation des restes
des Machabées d'Itahe à Cologne, en dl64, à l'occasion de
laquelle cette hideuse moralité aurait été donnée pour la
première fois ; quelques archéologues le font venir du mot
macheria^ terme de basse latinité équivalant à paries^
muraille, parce que c'était ordinairement sur les murailles
qu'étaient représentées les danses macabres; enfin, une
dernière opinion veut que macabre soit une altération du
nom de saint Macaire, ermite, que Ton retrouve très sou-
vent dans des figurations analogues aux danses des morts
et notamment celles qui ont inspiré VHistoire des trois
morts et des trois vifs^ légende très populaire au moyen
âge. Comme on le voit, tout cela est bien fantaisiste. —
Ce qui paraît plus certain, c'est que ces danses ont été non
seulement figurées par les peintres et les sculpteurs, mais
représentées eifectivement comme les mystères et les mo-
ralités. On croit qu'en 1424 il en fut fait une au cime-
tière des Innocents, à Paris. Ducange {Gloss,) en donne
un exemple à Besançon en 1453; une autre est citée par
M. de Villeneuve-Bar gemont dans son Histoire du roi
René d'Anjou (t. I, p. 54), pendant l'occupation de Paris
par les Anglais au xv<^ siècle. Ces danses étaient probable-
ment aussi en usage en Espagne, si l'on en croit un passage
bien connu de Don Quichotte. Beaucoup d'auteurs ont
révoqué en doute cette exécution, dans la réalité, des danses
macabres ; nous avouons partager sur ce point l'opinion du
grand historien Michelet qui admet que ces danses furent
exécutées réellement • et nous ajouterons que ce qui serait
vraiment singulier, c'est que le moyen âge qui mimait
toutes choses, sacrées ou profanes, et qui ne connaissait
pas de bonnes fêtes sans représentations de mystères, mo-
ralités, farces et processions sérieuses ou grotesques, n'ait
oublié de reproduire qu'une chose, la danse macabre que
ses artistes peignaient ou sculptaient sur les murs de toutes
ses églises et de tous ses cimetières. Les vestiges ou les
souvenirs de danses de morts figurées sont, en effet, nom-
breux encore aujourd'hui et prouvent que c'était un des
sujets les plus populaires pour l'ornementation des édifices
religieux ou profanes. Nous savons, en efl'et, qu'il existait
des danses macabres au couvent de Klingenthal, près de
Bâle (peinte en l'année 1274); à Paris, au cimetière des
Innocents (1380); à Minden (1383); à Vienne, en Dau-
phiné ; à Londres, où l'on conserve encore une très an-
cienne tapisserie exécutée d'après cette danse de Mâcha-
bray (c'est le nom que lui donnent les documents), peinte
sous le règne de Henri VI ; au cloître de la Sainte-Chapelle,
à Dijon; à l'église Saint-Jean de Bâle : cette peinture est
faussement attribuée àHolbein; son auteur est inconnu,
mais elle fut restaurée en 1568 par Hugues Klauber; la
muraille sur laquelle elle se trouvait fut abattue en 1808
et on ne conserve plus des quarante-deux tableaux qui la
composaient, mais qui, heureusement, ont été gravés au
xvii*^ siècle, que quelques fragments recueillis à la biblio-
thèque de Bâle. Il y avait encore des danses des morts aux
cathédrales de Strasbourg et de Sahsbury (xv^ siècle); à la
885 —
DANSE
chapelle Sainte-Marie de Lubeck (d463); à la Chaise-Dieu
(fin du XV® siècle); à l'église de Cherbourg (fin du xv^ siè-
cle); au château de Blois (1502); à Berne (xvi® siècle);
au cloître Saint-Maclou de Rouen (chapiteaux de 1525); à
Dresde (1534); à Amiens; à Dôle; à Cliéreng (Nord) sur
une cloche, etc., etc. L'usage s'en continua jusqu'à la fin
du siècle dernier en Allemagne et l'on cite la danse des
morts de Straubingen qui date de 1763. — Les manuscrits
et les livres d'heures imprimés sont pleins de représenta-
tions de danses macabres; nous citerons seulement ceux
qu'a imprimés au xvi® siècle Simon Vostre, dont le proto-
type paraît être la Grande Danse macabre de Guyot
Marchand (la première édition est de 1485) ; puis la fa-
meuse Danse des morts de Bàlc et celle gravée sur les
dessins de Holbein. — La légende s'est également emparée
de la danse macabre : on racontait que les défunts en célé-
braient la nuit dans les cimetières.
V^*' DE Câix de Sâint-Aymour.
V. Histoire ecclésiastique. — On trouve dans l'An-
cien Testament quelques passages qui montrent la danse
associée, en certains cas, à des actes religieux : en la
solennité ordinaire de l'Eternel, les filles de Scilo sortant
pour danser avec des flûtes (Juges, XXI, 19-21); David
dansant devant l'arche (Il Samuel, VI, 14). Après le
retour de l'exil, les Israélites dansaient aux flambeaux dans
le parvis du temple, lors de la fête des Tabernacles. Néan-
moins, il paraît certain que chez eux la danse ne faisait
point partie du culte proprement dit. — Il est encore
plus certain que pendant les trois premiers siècles, les
chrétiens ne se livrèrent à la danse ni dans leur culte ni
dans leurs lieux de culte ; en le faisant, ils auraient imité
les païens; or, leur attitude constante était la contradic-
tion systématique de tout ce qui se pratiquait dans les reli-
gions païennes. Il est même plus que vraisemblable qu'ils
considéraient comme une infidélité la participation à la
danse des fêtes domestiques. Cette discipline s'altéra quand
la victoire du christianisme eut mis fin à la lutte et que les
conversions en masse eurent introduit dans l'église une
multitude pénétrée encore des instincts païens. Ces nou-
veaux chrétiens, formant alors la majorité, gardèrent
Tusage d'associer la danse à toutes leurs fêtes, privées ou
pubHques. Quand les fêtes de l'Eglise furent devenues des
fêtes publiques, on estima tout naturel de danser en ces
fêtes, même devant les églises, lorsqu'il s'y trouvait un ,
espace propice. Des ecclésiastiques même dansèrent. L'au-
teur d'un sermon attribué à saint Augustin {Sermo CXLV,
De Tempore) parle avec douleur de divertissements (bala-
tiones) et de danses devant la porte des églises ; il les
réprouve comme des restes du paganisme. L'Eglise agit
contre ces désordres ; mais les mœurs, prenant la revanche
du paganisme furent plus puissantes que ses canons. Le
concile de Laodicée (tenu entre 362 et 370), un concile de
Tolède (589), le concile in Trullo{Qdi) défendirent abso-
lument la danse aux ecclésiastiques et ils l'interdirent aux
laïques les dimanches et les jours de fêtes. Le concile
d'Agde (506) défendit au clergé d'assister aux noces où
sont chantés des chants d'amour obscènes et où des mou-
vements indécents sont exécutés en dansant. Le LX^ canon
du Code de l'Eglise d'Afrique prohibe les danses lascives
qui ont lieu dans les rues les jours de fête. Saint Jean
Chrysostome condamne sévèrement toute espèce de danse ;
il déclare que la danse est une des pompes de Satan aux-
quelles on renonce dans le baptême ; elle amène infailli-
blement la destruction des âmes (Hom, XLVII, p. 613 ;
Hom. XXIIÏ, p. 264 ; Opéra, Paris, 1616). En des termes
difTérents, saint Augustin exprime le même sentiment.
Sans déclarer péremptoirement péché mortel le fait de
danser, les théologiens catholiques s'accordent à considérer
toute danse dans laquelle les deux sexes sont en action
comme une occasion inévitable de péché et comme une
pratique incompatible avec les pudeurs et les sérénités de
la chasteté. — La danse est un des méfaits les plus
sévèrement punis par les anciennes disciplines des églises
reformées, calvinistes et puritaines. Parmi les luthériens,
les uns la réprouvent absolument, les autres la traitent
comme indifférentes (V. Adiâphore, Adiaphoristes).
Sous l'ancien régime, les magistrats devaient pourvoir
à l'exécution des règlements ecclésiastiques interdisant les
danses publiques et les fêtes baladoires, les dimanches et
fêtes annuelles et solennelles (ordonnances d'Orléans, art.
XXm ; de Blois, art. XXXVIÏI; édit. du 16 déc. 1698).
Malgré ce secours du bras sécuHer, non seulement l'Eglise
ne parvint pas à faire observer ses ordonnances, mais ses
fêtes devinrent essentiellement jours de danses pubhques.
En effet, quand le peuple chôme, il s'efforce de se mettre
en liesse, et la jeunesse éprouve un irrésistible besoin de
danser. Or tous les jours de chômage obligatoire et de
réjouissance publique correspondaient alors à des fêtes
religieuses. On dansait en ces jours-là, et ordinairement
devant les églises, parce qu'on y trouvait l'emplacement le
mieux adapté aux ébats populaires. Les kermesses particu-
lièrement affectées à la danse sont des fêtes patronales :
il serait absurde de prétendre que les danses qui s'y pra-
tiquent reçoivent de cette coïncidence une intention et un
caractère religieux. — On a souvent écrit qu'à certaines
époques l'Eglise a admis la danse parmi ses rites. Formulée
en ces termes généraux, l'assertion est complètement
inexacte ; il serait impossible d'en trouver la moindre
preuve dans aucun rituel autorisé. En ce qui concerne le
culte propremeîit dit, on peut relever que des usages
locaux, infiniment plus rares qu'on ne veut le supposer,
établis en dehors des règles liturgiques et contrairement à
ces règles (nous en avons montré un exemple en la fête
de l'âne [V. Ane] ; nous en mentionnons un autre dans le
chant 0 filii et filiœ exécuté par des rondes de danseurs
en quelques églises). Cependant, il est vrai que, dès le
moyen âge, l'Eglise, absorbant tout, dut faire chez elle une
place pour tout : en plusieurs endroits elle ouvrit ses
temples à diverses espèces de divertissements populaires,
où la danse eut une part. On vit même les gens d'église y
accomplir pour leur propre compte, avec parodie litur-
gique, de grasses joyeusetés, telles que le Convoi du Carême
prenant, la Flagellation de V Alléluia, la Fête des Fous,
la fête des Sous-diacres, la Liberté de décembre. En
quelques villes de France, mais communément en Espagne
et en Portugal, des fidèles passaient une partie de la nuit
la veille des fêtes, devant la porte des églises ou dans les
cimetières, chantant des cantiques et dansant. C'est aux
divertissements et ébattements de ce genre qu'appartient le
nom de fêtes baladoires; elles furent condamnées en 744,
par le pape Zacharie et successivement par plusieurs
évêques et par des conciles provinciaux, dont nous rap-
portons les canons en nos notices sur ces conciles. Un
arrêté du parlement de Paris (1667) en ordonna la sup-
pression totale. Dès 1547, ce parlement avait aboli un
usage établi dans plusieurs diocèses, en conséquence duquel
les clercs devaient danser le jour où ils célébraient leur
première messe. — Sous le nom de danses ambulatoires,
on désignait en France de longues processions qui parcou-
raient les villes et la campagne, en y faisant soit la repré-
sentation, soit la parodie des principales scènes de la vie de
Jésus-Christ.
En son traité de l'Administration temporelle des
paroisses (Paris, 1827), D. A. Affre enseigne qu'on doit
appliquer aux danses pratiquées auprès des églises, pendant
la durée des offices, l'art. 261 du C. pén. punissant les
troubles ou désordres qui empêchent, retardent ou inter-
rompent l'exercice du culte. E.-H. Vollet,
VI. Médecine. — Danse de Saint-Guy. — La danse de
Saint-Guy est souvent prise pour synonyme de chorée
(V. ce mot) ; il paraît utile, cependant, de faire une dis-
tinction entre la chorée vraie, affection caractéristique du
système nerveux, quoique non encore localisée, et la danse
de Saint-Guy telle qu'elle est rapportée par les auteurs
anciens. On a observé, en effet, surtout en Allemagne, du
xi^ au XYii^ siècle, des monomanies dansantes ou saltatoires,
BANSE ^ DANTAS
-~ 886 ~~
s' emparant de bandes entières d'hommes, de femmes et
d'enfants. Il s'agissait bien là d'une Yésanie épidémique,
les sujets n'étant pris qu'au moment où ils se trouvaient
ensemble et sans une excitation morbide déterminée. 11 y
avait, du reste, agitation intense, mais non incoordination
des mouYcments. La danse convulsiye était précédée fré-
quemment d'un état mélancolique. L'épidémie la plus remar-
quable est celle qui sévit au xiv® siècle après la peste noire
dans toute l'Allemagne. Les magistrats, persuadés qu'il y
avait là œuvre diabolique, ordonnèrent de battre les mal-
heureux aliénés jusqu'au sang. Les épidémies de danse de
Saint-Guy donnèrent lieu souvent à des scènes de débauches
immondes. A Strasbourg, en 1418, on traitait les danseurs
par la musique. Des joueurs de cornemuse et de hautbois
précédèrent les groupes de maniaques et la mesure rythmée
régularisait les mouvements, les empêchant ainsi d'aller en
s'exagérant. Le tarentisme en Italie, le ligretier en Abys-
sinic, les danses convulsives des nègres sont des affections
de même genre, rentrant dans le cadre des vésanies reli-
gieuses. D^ P. Langlois,
BiBL. : Antiquité. -- Athénée, Dipnosophistes , éd.
Casaubon. — Pollux, Onomasticon^ éd. Lederiin et Hems-
terhusius, 1706, 1. IV. — - Lucien, Sur la Danse^ éd. G. Din-
dorf, 1849.-- Meursius, Orchestra ; Leyde, 1618.--Burette,
Sur la Danse chez les anciens {M ém. de Vanc, Acad. des
inscript., 1. 1, IV et VIII). — De l'Aulnaye, De laSaltation
théâtrale., 1790. — Chaussard, Fêtes et courtisanes de la
Grèce., 1803, 3« édit.,t. III. — Ch. Magnin, Origines du
théâtre moderne. — Ouvrages perdus : Aristoxène, Sur la
Danse tragique.
Moyen âge et temps modernes. — A. Czerwinski,
Brevier der Tanzhunst; Leipzig, 1879. — Zorn, Grara-
matih der Tanzkunst; Leipzig, 1887, in-8, avec deux atlas
in-4. — Blasis et Lemaitre, la Danse, dans la collection
Roret. — Mii« Bernay, la Danse au théâtre ; Paris, 1890,
in-16. — Thoinot-Arbeau (Tabourot), Orchésographie ;
Langres, 1588, réédité avec notice par Laure Fonta; Paris,
1888, in-4. — Fertiault, Histoire anecdotiqiie et pittoresque
de la Danse; Paris, 1854, in-16. — Castil-Blaze, la Danse
et les Ballets; Paris, 1832. — Bœhme, Geschichte des
Tanzes in Deutschland ; Leipzig, 1886, 2 vol. gr. in-8.
Archéologie. •—• Peignot, Recherches sur la danse des
morts., 1826, in-8. — Francis Douce, the Danse of Death;
Londres, 1833, in-8. — E.-H. Langlois, Essai historique^
philos, et pittor. sur les Danses des morts., suiv. d'une
lettre de Leber et de Depping sur le même sujet; Rouen,
1851, in-8, flg. — II existe une bibliogr. très complète des
danses des morts dans Ernest Vinet, Bibliogr. des Beaux-'
Arts; Paris, 1874, pp. 116 et suiv., in-8.
DANSEUR, DANSEUSE (V. Danse).
DANSEUR DE corde (V. Equilibriste).
DANTA. Ville du Goudjerat (Indes anglaises), capitale
d'une petite principauté du Mahikanta, dans une vallée de
la petite chaîne des monts Doungar. La principauté de
Danta est un des petits Etats qui, sous le nom de Mahi-
kanta, forment une dépendance du royaume de Baroda.
44,700 hab., presque tous Bhils. M. d'E.
DANTAN (Antoine-Laurent), dit D&ntsia aîné, sculpteur
français, né à Saint-Cloud (Seine-et-Oise) le 9 déc. 4798,
mort à Saint-Cloud le 34 mai 4878. Il obtint, au concours
du prix de Rome, le second prix, en 4823, sur le bas-
relief de la Douleur d'Evandre sur le corps de son fils
Pallas^ et le premier grand prix, en 4828, sur la Mort
d'Hercule (ronde bosse) . Il exposa pour la première fois
au Salon de 4849 ; il obtint une médaille de 2® cl. en
4824 pour l'Asie, figure allégorique en plâtre. Ses œuvres
principales sont : Jeune Baigneur jouant avec son chien
(st. marbre) qui lui valut une médaille de 4^^ cl. en 4833 ;
le Maréchal de Villars (st. plâtre; musée de Versailles,
4837); Juvénal des Ursins (st. pierre, pour FHôtel de
Ville de Paris, 4838) ; l'Ange Raphaël (st. pierre, pour
Fégiise de la Madeleine, 4839) ; Abraham Duquesne
(st. bronze, à Dieppe, 4844) ; Malherbe (st. bronze, à
Caen,4847); V Ivresse de Silène (bas-relief marbre, 4868).
Dantan aîné est l'auteur de plusieurs statues décorant des
monuments de Paris, les églises Saint-Gervais, Sainte-
Clotilde, Saint-Laurent, la tour Saint-Jacques, le beffroi
de Saint-Germain FAuxerrois, le nouveau Louvre, Il
exécuta de nombreux bustes pour le musée de Versailles,
le Sénat et la Comédie-Française. Il fut décoré de la Légion
d'honneur en 4 843, et obtint une médaille de 3^ cl. à l'Expo-
sition universelle de 4855. Le tombeau de la famille Dantan
au Père-Lachaise a été sculpté par Dantan aîné et par son
frère Jean-Pierre Dantan, dit Dantan jeune, M. D. S.
DANTAN (Jean-Pierre), dit Dantan jeime, sculpteur
français, frère du précédent, né à Paris le 26 déc. 4800,
mort à Bade (grand-duché) le 6 sept. 4869. Elève de
Bosio, Dantan jeune se consacra spécialement à exécuter
des bustes ; nous citerons les bustes en marbre ou en
bronze de Pierre Lescot, Soufflet, Bineau, à Versailles ;
Jean Bart, au Louvre ; Bellini, Boieldieu et Carie Vernet,
au musée de Rouen ; ceux de Victor Hugo, Scribe, Auber,
Cherubini, Verdi, la Mahbran, Rose Chéri. Il est aussi
Fauteur de la statue en bronze de Boieldieu, à Rouen ;
d'une statue en plâtre de Le Kain et d'une statue en marbre
de la cantatrice Adélaïde Kemble, dans le rôle de Norma ;
à l'Exposition universelle de Londres, en 4854, il exposa
une statue en zinc bronzé de la reine Victoria. Dantan jeune
est surtout célèbre par les très nombreux portraits-charges
qu'il fit des célébrités contemporaines, sous forme de sta-
tuettes ou de bustes. Maurice Du Seigneur.
BiBL. : Musée Dantan jeune ; Lilie, 1862, in-8 (753 n»»). —
Eugène Guinot, Chez Dantan ; Paris, 1852, in-B.—D*' Pros-
^&vNiKO, Charges et Bustes de Dantan Jeune ^ esquisse
biographique dédiée à Méry ; Paris, 1863, pet. in-8 (portr.
de Dantan, grav.). — Galoppe d'Onquaire, Musée musi^
cal de Dantan jeune., 1862.
DANTAN (Joseph-Edouard), peintre français, fils du
précédent, né à Paris le 26 août 4848. Elève de Pils. On
lui doit : un Episode de la destruction de Pompéi ; îtn
Coin d'atelier, au musée du Luxembourg ; l'Atelier de
mon père, aquarelle ; la Sainte Trinité, pour la chapelle
de la Reconnaissance, près Garches (Seine-et~Oise), etc.
^ DANTAS (ManoelPinto de Souzà), homme d'Etat bré-
silien, né à Babia le 24 févr. 4831. Ayant terminé ses
études de droit à Pernambuco, il s'établit avocat à Bahia,
fut élu membre de l'assemblée législative de sa province et
peu après membre de la chambre des députés où il se fit
remarquer par un véritable talent d'orateur. En 4864, avec
un grand nombre de députés et plusieurs sénateurs, dirigés
par Zacarias de Vasconcellos, Olinda et Nabuco, il se sépara
du parti conservateur et s'allia aux libéraux, scission qui
amena l'année suivante la chute du cabinet Caxias et l'avè-
nement du parti libéral. Dès lors, M. Dantas devint un des
hommes les plus considérables de ce parti dont il prit la
direction à Bahia. Il fut gouverneur de plusieurs provinces,
et devint ministre de l'agriculture et du commerce dans le
dernier cabinet de Zacarias de Vasconcellos (3 août 4866
au 48 juil. 4868). C'est alors qu'il signa le décret ouvrant
aux pavillons étrangers la navigation de l'Amazone. Lorsque
les conservateurs revinrent au pouvoir, il se rangea dans
l'opposition jusqu'à l'avènement de son parti, en 4878. Il
eut alors le portefeuille de la justice (28 mars 4880 au
24 janv. 4884), dans le cabinet qui réussit à faire
adopter l'élection directe, et, le 6 juin 4884, il forma un
ministère dans lequel il prit, avec la présidence du conseil,
le portefeuille des finances. Il chercha à donner satisfaction
aux abolitionnistes et adopta, au nom du gouvernement,
un projet présenté par le député Rodolphe Dantas (V. ci-
après). Le 28 juil., ce projet fut repoussé par la chambre.
L'empereur prononça la dissolution, mais les élections
générales n'apportèrent pas de modifications appréciables
à la force respective des partis, et, à la rentrée, après un
nouvel échec, le ministère se retira (4 mai 1885). Cepen-
dant l'initiative du gouvernement, les discussions engagées
dans le parlement, et les polémiques de presse, donnèrent
une vive impulsion à l'idée abolitionniste, qui finit par
triompher le 43 mai 4888. M. Dantas, quoique dans l'oppo-
sition à cette époque, mit toute l'autorité dont il jouissait
au service de la grande réforme. Depuis la révolution du
45 nov. 4889 il s'est tenu à Fécart de la vie politique, se
bornant à occuper les fonctions de gouverneur de la banque
du Brésil, le plus ancien établissement de crédit de l'Amé-
rique du Sud.
— 887 -.
DANTÀS - DANTE
DANTAS (Rodolphe-Epiphanio de Souza), homme poli-
tique brésilien, fils du précédent, né à Bahia le 44 oct.
1854. Il débuta comme avocat et journaliste à Bahia, et de
4878 à 4885 il siégea à la chambre des députés où les
discours qu'il prononça à la tribune et les remarquables
rapports qu'il lut dans les comités lui attirèrent une grande
notoriété. En 4.882, il occupa avec éclat les fonctions de
ministre de l'intérieur, de l'instruction publique et des
cultes dans le cabinet libéral de M. Martinho Campos. A
partir de 4884 il devint un des leaders du parti abolition-
niste. Nous avons parlé, dans l'article précédent, du projet
qu'il présenta à cette époque et de ses résultats. Après
4885, il vint habiter Paris, oîi pendant quatre ans, il fré-
quenta nos grandes écoles et entretint des relations avec
nos principaux Httérateurs et savants. De retour à Rio-de-
Janeiro, il créa le Jornal do Brazil^ organe indépendant
pour lequel il a obtenu la collaboration de quelques-uns
des meilleurs écrivains européens.
DANTE (Giovanni-Batista), mathématicien italien de la
fin du XV® siècle. Le premier (et peut-être le dernier) de-
puis Dédale et Icare, il serait parvenu à fabriquer une
paire d'ailes artificielles, avec lesquelles il se serait élevé à
diverses reprises au-dessus du lac Trasimène. Mais au
cours d'une ascension qu'il voulut faire à Pérouse même, à
l'occasion de réjouissances publiques, une des nervures de
son appareil se rompit ; il tomba sur le faîte d'une église
et se brisa une cuisse (V. Aviation). Il se consacra dès lors
exclusivement à l'enseignement des mathématiques. L. S.
DANTE (Pietro-Vincenzo), architecte et mathématicien
italien, né à Pérouse, mort dans un âge avancé en 4512. Il
s'appellait Rainaldide son vrai nom, mais garda et laissa
à ses descendants le surnom de Dante, qui paraît lui avoir
élé donné par raillerie. Il a traduit en italien la Sphère de
Sacrobosco (Pérouse, 4544).
DANTE (Girolamo), aussi appelé Girolamodi liziano^
peintre italien, mort à Venise en 4580. Elève du Titien, il
secondait son maître dans les parties accessoires de ses
tableaux. Ses œuvres personnelles sont rares ; on n'en con-
naît qu'une seule dans l'église San Giovanni Nuovo, à Venise,
Saints Cosme et Damien ; mais il copiait celles de son
maître avec une telle perfection qu'on les prit souvent pour
des toiles originales.
BiBL. : Zanetti, Délia Pittura venezîajia; Venise, 1771.
DANTE OU DANTI (Pellegrino [Egnatio comme moine]),
mathématicien italien, né à Pérouse en 4537, mort à Rome
le 49 oct. 4586. Fils de Giulio Danti, petit-fils de Pietro-
Vincenzo, il entra dans l'ordre des dominicains, professa les
mathématiques à Florence , dont le grand-duc Côme P"^ se
l'attacha comme cosmographe, passa en 1576 à l'université
de Bologne et fut nommé en 4583 évêque d'Alatri. C'est
l'auteur des célèbres méridiennes des églises de Santa
Maria Novella à Florence et Santo Petronio à Bologne. Il
a laissé diverses traductions et écrits sur les mathématiques,
la perspective, les vents. Le plus connu est son traité de
l'astrolabe (en latin, 4568 ; en italien, 4569), où il affirma
le premier la diminution de l'obliquité de l'écliptique.
DANTE Alighieri, célèbre poète italien du moyen âge,
né à Florence en 4265,inort à Ravenne le 44 sept. 4324.
La légende a de très bonne heure envahi la biographie de
Dante : cinquante ans à peine après la mort du poète, elle
pénétrait dans sa Vie écrite par Boccace, et, pendant tout
le cours du xv® siècle, elle se donnait Mbre carrière. Il y
a un certain nombre d'anecdotes qui en relèvent trop évi-
demment pour qu'il soit besoin de les discuter : par
exemple, celles de la mère de Dante rêvant qu'elle le met
au monde au pied d'un laurier des baies duquel il se nourrit,
des treize derniers chants de la Comédie miraculeusement
retrouvés à la suite d'un songe, d'un amant oubhant
un rendez-vous à la lecture des vers du poète, du bour-
geois de Ravenne transportant sur son tombeau les cierges
qui brûlent devant l'autel, des femmes de Vérone recu-
lant à l'aspect do celui qu'elles croient capable d'aller en
enfer et d'en revenir quand il lui plaît, etc. Il y a une
foule d'autres traits qui, pour être moins merveilleux et
pour avoir été longtemps acceptés par tous les biographes,
n'en sont pas plus authentiques : les derniers travaux de la
critique ont eu un résultat plus négatif que positif, de sorte
que la biographie légendaire de Dante n'existe plus et que
sa biographie historique n'existe pas encore. Voici du
moins les points qui paraissent définitivement acquis.
1. Biographie. La famille de Dante, sans appartenir à la
plus ancienne noblesse de Florence, avait marqué sa place
dans l'histoire de la cité : son ^eul à la quatrième généra-
tion, Cacciaguida, avait suivi Conrad III en Terre sainte
(4447) et il y était mort après avoir été armé chevalier
de la main de l'empereur (V. Paradis, XV). Il avait
épousé une Alighieri, originaire probablement de Ferrare,
et ce nom d'Alighieri ou Alaghieri était resté à la famille.
Celle-ci, comme toutes celles qui avaient quelque impor-
tance, prit parti dans les discordes civiles ; elle s'attacha
au parti guelfe et en suivit la fortune : elle fut deux fois
exilée, en 4249, quand Frédéric d'Antioche, fils de Tempe--
reur Frédéric II, vint en aide aux gibehns, et en 4260 à
la suite de la grande défaite des guelfes à Montaperti :
ceux-ci ne rentrèrent à Florence qu'en 4267, lorsque
Charles d'Anjou, devenu roi de Naples, après avoir vaincu
Manfred, releva partout la fortune du parti. Soit que le
père de Dante n'ait pas été compris dans ce bannissement,
soit que sa mère ait pu rentrer avant le rappel des exilés,
c'est certainement à Florence que naquit notre poète, en
4265. Nous ne savons absolument rien de ses premières
années ; tous les biographes depuis Boccace ont répété qu'il
avait été l'élève de Brunetto Latini : les vers pleins de
respect et de tendresse qu'il lui consacre (Enfer, XV)
semblent en effet autoriser cette supposition ; cependant il
n'est pas vraisemblable que Brunetto, qui à partir de 4273
exerça les charges les plus considérables de la République,
ait pu en même temps tenir une école ; ce ne fut donc pas
du haut d'une chaire professorale qu'il enseigna à Dante
« comment l'homme s'éternise ». En 4288, Dante, dit-on,
portait les armes pour sa patrie ; le 42 juin 4289, il com-
battait à cheval aux premiers rangs à Campaldino et contri-
buait à la victoire remportée par les Florentins sur les
gibelins d'Arezzo ; il était présent au siège de Caprona,
enlevée aux Pisans la même année (V. Enfer, XXI, 95).
Le plus grand événement de sa jeunesse fut sans doute
l'amour dont il a immortalisé le souvenir dans la Vita
nuova, mais nous en reparlerons plus loin et ne voulons
noter ici que les incidents de sa vie extérieure. Vers 4295,
il épouse Gemma Donati, qui appartenait à une branche de
cette famille dont le chef, Corso, devait être plus tard l'un
de ses ennemis les plus irréconciliables ; il en eut, non
pas sept enfants en sept ans, comme on l'a dit, mais deux
fils : Pietro (qui commenta la Divine Comédie) et Jacopo,
et une ou peut-être deux filles. Il n'a point, il est vrai,
parlé une seule fois de sa femine dans ses écrits, mais
cette réserve était dans les mœurs du temps ; elle n'au-
torise pas à croire qu'elle l'ait rendu malheureux et à
chercher dans la Comédie des allusions à des querelles de
ménage. Ce qui est certain, c'est que Gemma, lors de
l'exil de son mari, mena à Florence une vie assez misé-
rable et qu'elle vivait encore en 4333. C'est vers l'époque
de son mariage qu'il entra dans la poHtique active. Comme
ses ancêtres, il appartenait au parti guelfe, mais le sens
des anciennes dénominations avait alors bien changé. A ce
moment les gibelins, qui avaient été d'abord les partisans
de la noblesse établie dans les châteaux de la campagne
florentine, avaient perdu toute influence politique : le résultat
de la réforme démocratic|ue de 4282 (del seeondopopolo,
par opposition à la constitution déjà très populaire de 4250,
ou del vecchio popolo) avait été « d'assurer au plus grand
nombre possible de citoyens la plus grande somme possible
de droits et de pouvoirs poHtiques » (Fauriel) ; elle remet-
tait la défense des intérêts de la foule à une sorte do tri-
bun nommé capitano del popolo, et le pouvoir exécutif
aux mains de six prieurs qui changeaient de deux en deux
DANTE
mois ; enfin elle soumettait toutes les décisions à la sanction
successive de plusieurs assemblées populaires ; en 1292, à la
suite d'une suprême tentative des gibelins, « les ordonnances
de justice » avaient exclu un grand nombre d'anciennes
familles des fonctions publiques et transformé en suspects
tous les nobles, qu'elles mettaient à la merci d'une justice
sommaire. Mais les guelfes, unis tant qu'ils avaient dû
lutter contre l'ennemi commun, se divisèrent bientôt : les
uns estimaient qu'il était dangereux d'accorder davantage
au parti populaire et refusaient d'anéantir complètement la
noblesse ; les autres pensaient qu'on pouvait aller plus
loin encore dans le sens démocratique ; ces deux factions
étaient dirigées, la première par les Cerchi, la deuxième
par les Donati ; elles reçurent (mais à partir de 4301 seu-^
lement) le nom de Noirs et de Blancs,
C'est dans ces circonstances que commença la carrière
politique de Dante, qui n'eut pas tout l'éclat que lui
attribue sa biographie courante: car c'est encore une
légende que l'histoire de ces ambassades toutes heureuses
dont le nombre alla s'élevant sans cesse jusqu'à quatorze
(celle dont il aurait été chargé près de Boniface VIII, au
moment même où il fut exilé, n'est pas plus certaine que
les autres). Au contraire, les fonctions qu'il eut à rem-
plir furent assez modestes ; en juin 4296, il faisait partie
du conseil des Cent; le 7 mai 4299 il allait, au nom du
parti guelfe, surveiller le renouvellement de la charge
d'un capitaine dans la commune de San Gemignano ; du
45 juin au 45 août 4300, il était l'un des six prieurs de la
république ; nous connaissons de plus quatre votes émis
par lui dans le courant de l'année 4304. La seule charge
vraiment importante qu'il ait exercée est celle de prieur ;
elle était particulièrement difficile à remplir au moment où
Dante y parvint, et c'est aux décisions qu'il fut amené à
y prendre qu'il attribuait lui-même tous ses malheurs. Au
commencement de l'année 4300, trois Florentins furent
dénoncés comme ayant conspiré contre le gouvernement et
condamnés à de fortes amendes ; appartenant à la faction
des Donati, ils étaient protégés par le pape ; celui-ci
demanda en vain au gouvernement florentin l'annulation
de leur condamnation et écrivit à ce sujet deux lettres
hautaines à l'évêque de Florence (24 avril et 4 5 mai). Peu
après, les partisans des Donati, réunis dans l'église de la
Sainte-Trinité, envoyaient à Boniface VIIl un message où
ils lui demandaient de les défendre. Celui-ci envoya en effet
à Florence, comme médiateur, le cardinal Acquasparta ; les
propositions du cardinal, conçues dans l'intérêt des Noirs,
furent naturellement repoussées et Boniface excommunia
Florence. Cependant des rixes éclataient tous les jours dans
les rues ; la guerre civile était imminente. Pour la pré-
venir, les prieurs exilèrent les chefs des deux partis ; les
Noirs (Donati) furent relégués à La Pieva sur la frontière
des Etats de l'Eglise, tandis qu'on se contentait d'envoyer
les Blancs à Sarzana. Ceux-ci, prétextant l'insalubrité du
climat de Sarzana (où un des leurs, le poète G. 'Caval-
canti, mourut en effet de la maParia), rentrèrent à Flo-
rence, bientôt suivis par les Noirs ; Corso Donati était allé
rejoindre le pape et ne cessait de l'exciter contre Florence;
c'est sur ses conseils que Boniface VIII nomma pacifica-
teur {paciaro) de Florence Charles de Valois, frère de
Philippe le Bel dont il espérait obtenir l'appui pour réta-
blir son autorité sur les villes de Toscane qui lui résis-
taient. Charles de Valois, ayant solennellement affirmé aux
Florentins qu'il venait « pour leur bien et bon état et
pour les mettre en paix » et ayant juré de respecter leurs
lois et leurs coutumes, reçut d'eux un accueil enthousiaste
(4^^' nov. 4304) ; mais, cinq jours après, il ouvrait les
portes de la ville aux Donati qui mirent à feu et à sang le
quartier de leurs adversaires et s'emparèrent des hautes
magistratures. Le désordre était si grand que le pape envoya
de nouveau à Florence le cardinal Acquasparta, qui n'eut
pas plus de succès que la première fois. Une proscription
générale des Blancs suivit le changement de gouvernement
et Dante y fut compris ; le 27 janv. 4303, un acte du
podestat Cante de' Gabbrielli de Gubbio l'accusait « d'après
le bruit public » (deux témoignages non débattus suffi-
saient pour constituer le bruit public) de s'être rendu cou-
pable, ainsi que ses collègues du priorat, de fraudes {barat-
tarias)^ de gains illicites et d'extorsions; il était pré-
venu spécialement d'avoir reçu de l'argent pour l'élection
des nouveaux prieurs, d'avoir comploté contre le souverain
pontife et le prince Charles, en s'opposant à l'entrée
de celui-ci, et « contre l'état pacifique de la cité de Flo-
rence et du parti guelfe ». Comme sanction de ces accu-
sations alors intentées contre tous les Blancs et qui ne
méritent même pas la discussion, Dante était condamné,
par contumace, à payer 5,000 petits florins ; s'il ne les
versait pas dans le délai de trois jours, tous ses biens
étaient confisqués ; s'il les versait, il n'en devait pas moins
s'éloigner de la Toscane pendant de«x ans et il était
déclaré incapable à perpétuité de toute fonction publique.
Le 40 mars, un arrêt déclara que Dante, qui n'avait point
payé l'amende, serait livré au feu s'il était pris. Dans le
courant de l'année 4302, plus de six cents citoyens de son
parti étaient comme lui condamnés les uns à mort, les
autres à l'exil.
Tous ces proscrits furent amenés à faire cause commune
avec les gibelins. Comme le dit Fauriel, qui a parfaite-
ment débrouillé la complication de toutes ces intrigues,
« les Blancs et les Noirs ne pouvaient se combattre qu'en
changeant respectivement d'opinion et de rôle, qu'en cédant
chacun de son côté à des influences opposées à celles qu'ils
avaient suivies jusque-là. Obligés désormais de s'appuyer
sur les gibelins, les guelfes populaires ou les Blancs
allaient, par là même, guerroyer dans l'antique intérêt de
la noblesse et de la féodalité. Devant employer pour leur
défense les foj'ces du peuple florentin, les guelfes aristo-
cratiques ou les Noirs allaient, de toute nécessité et qu'ils
le voulussent ou non, seconder les tendances démocrati-
ques de ce même peuple. Les deux partis avaient, de la
sorte, changé de rôle et d'opinion, les uns pour l'amour
d'un pouvoir qu'ils tenaient et voulaient conserver, les
autres dans l'espoir de recouvrer le pouvoir qu'ils avaient
perdu. » Pendant quelque temps, Dante partagea la des-
tinée de son parti, à la direction duquel il prit, avec
Petracco di Parenzo, père de Pétrarque, une part assez
active: ainsi nous le voyons le 8 juin 4303 (ou 4302),
prendre part à une assemblée tenue dans le chœur de
l'église de San Godenzo par les principaux chefs des
Blancs et où ceux-ci s'engagèrent à indemniser la famille
gibeline des Ubaldini, maîtresse du château de Montacce-
nico, des dommages qu'elle pourrait éprouver en combat-
tant pour eux. C'est peu de temps après que, découragé
par l'incapacité de ses collaborateurs ou dégoûté par les
basses intrigues dont il devait être le témoin, il résolut de
se séparer de cette « compagnie méchante et stupide, toute
ingrate, toute folle et impie », et « de former un parti à lui
seul » {Par., XVII, 64 et suiv.) ; peut-être avait-il pris
cette résolution dès avant le coup de main que les Blancs
tentèrent en vain sur Florence le 27 juil. 4304. Il était
certainement étranger à la direction de son parti au
moment où les Blancs éprouvèrent deux nouveaux échecs
en perdant le château de Mottaccenico qui fut traîtreuse-
ment rendu aux gibelins par les Ubaldini, et la ville de
Pistoie qui fut emportée par les Florentins (mai 4305). De
4304 à 4306, il est difficile de suivre ses traces. Pendant
quelques années, il erra de ville en ville : le premier refuge
qu'il trouva, nous dit-il lui-même [Par., XVII), fut chez
« le grand Lombard qui sur son échelle porte le saint
oiseau », c.-à-d, un membre de la famille des Scahgeride
Vérone (Bartolomeo délia Scala ou son frère Alboino) : ce
qui est certain, c'est qu'il fut réduit vers cette époque à la
plus extrême misère; dans une lettre datée de 4304 (et
dont l'authenticité a été suspectée à tort), il dit que la
misère inopinée que lui a créée l'exil, l'a empêché d'assister
aux funérailles d'Alexandre de Romena. Le 27 août 4306,
il figure comme témoin dans un acte daté de Padoue ; d'un
889-
DANTE
autre acte daté du 6 oct. de la même année, il résulte
qu'il était procurateur des marquis Franceschino, Moroello
et Corradino Malaspina et chargé en cette qualité de con-
clure la paix en leur nom avec Févêque Antonio de Luni ;
un peu plus tard il était dans le Casentin et écrivait à
Moroello Malaspina une lettre où il lui parlait d'un nouvel
amour qu'il avait conçu auprès des sources de FArno et
lui envoyait une chanson que cet amour lui avait inspirée.
La lettre célèbre de Fra liario donne sur ses pérégrina-
tions de cette époque des renseignements qui seraient fort
intéressants si elle n'était presque certainement apocryphe;
de 1307 à 4310, il passa probablement un certain temps à
Lucques où il aima d'un amour sans doute platonique une
certaine Gentucca, que nous ne connaissons que par les
quelques vers qu'il lui a consacrés {Purg., XXIV, 43).
C'est à cette époque seulement que pourrait se placer son
voyage à Paris, qui est assez problématique. Ceux qui Font
admis ne s'appuient que sur un passage de la lettre de Fra
ïlario, sur les quelques vers du Paradis (X) relatifs à Siger
de Brabant et surtout sur l'étendue des connaissances
théologiques du poète.
Ce qui est du reste plus intéressant que les divers
séjours de Dante, c'est la situation d'esprit où il se trouvait
et que nous connaissons assez bien par le Convivio et les,
quelques chansons composées à cette époque. Dante n'était
pas alors l'intransigeant qu'il devint plus tard ; il s'était
de bonne heure retiré de la lutte des partis. Les tendances
du Convivio sont déjà, il est vrai, nettement gibelines,
mais c'était là de la pohtique théorique ; en fait il entrete-
nait d'amicales relations avec des guelfes (comme les
Malaspina) ; il s'abstenait d'attaquer trop violemment sa
patrie; les sentiments qu'il éprouvait pour elle étaient la
pitié, une sympathie émue et presque tendre ; il écrivait à
ses concitoyens, nous dit Leonardo d'Arezzo, une lettre
apologétique commençant par ces mots : Popule meus, quid
feci tibi ? Il ne faut pas trop prendre au sérieux, comme
l'a fait M. Rod, la résignation qu'il affecte : « Nous, dit-il,
dont le monde est la patrie, comme la mer est celle des
poissons, quoique nous aimions tant Florence que pour
l'avoir aimée, nous souffrons un injuste exil, il nous faut
cependant appuyer notre jugement sur la raison plutôt que
sur le sentiment. Et quoique, pour notre plaisir, il n'y
ait pas au monde de lieu plus agréable que Florence, en
parcourant les volumes des poètes et des autres écrivains...
nous trouverions, j'en suis sûr, que beaucoup de régions et
de villes sont plus nobles et plus délicieuses que la Tos-
cane et que sa capitale. » Ailleurs il dit en s'adressant à
une de ses chansons (Amor dacchè) : « 0 ma petite chanson
montagnarde, tu vas partir ; peut-être verras-tu Florence,
mon pays, Florence, qui veuve d'amour et dénuée de pitié
me repousse hors d'elle. Si tu y entres, dis-lui : « Désor-
« mais on ne peut plus faire la guerre à mon seigneur
« (auteur); une chaîne (amoureuse) le tient là d'où je viens,
« et quand bien même ta cruauté envers lui se relâcherait, il
« n'a plus la liberté de retourner vers toi. » (Cf. envoi de
la chanson lo sento si.) Ces protestations ne doivent pas
nous faire illusion : évidemment Dante eût été heureux de
rentrer à Florence et il ne le cachait pas ; mais il n'en
reste pas moins vrai qu'après une première période de
profonde douleur, il se laissa consoler de l'exil par l'étude
(c'est l'époque de ses grands travaux), et que, soutenu par
d'illustres et cordiales amitiés, il jeta à ce moment sur le
monde un regard calme et nullement désespéré. Peut-être
etit-il réussi à fléchir ses ennemis ; mais il survint alors
un événement qui, après avoir exalté ses espérances, rendit
plus amères ses déceptions. Au mois de sept. 1310, Henri,
comte de Luxembourg, élu empereur d'Allemagne (17 nov.
1308) sous le nom de Henri VU, se met en marche vers
l'Italie avec une armée, annonçant son intention d'y faire
valoir les droits oubliés de l'empire et de rétablir l'ordre
dans la péninsule ; cette nouvelle excita partout une pro-
digieuse émotion ; les villes guelfes songèrent à la défense,
tandis que les gibelins se livraient à la joie la plus immo-
dérée. Celui qui manifesta la sienne de la façon la plus
éclatante fut notre poète : il adressa aux rois, aux princes,
aux villes et aux peuples d'Italie une lettre où il saluait
l'ère nouvelle qui allait se lever sur sa patrie, en termes
dont l'éclat et la magnificence font songer à la Divine
Comédie : « Voici, dit-il, le temps favorable où surgissent
les signes de consolation et de paix ; le nouveau jour se
lève, dissipant les ténèbres de la longue calamité, le ciel
rougeoie à Fhorizon et fortifie avec une douce sérénité les
désirs des peuples. » Il y exhortait les villes à s'ouvrir au
pacificateur « que Pierre, le vicaire de Dieu, nous ordonne
d'honorer, que Clément, le successeur de Pierre, illumine
des rayons de la bénédiction apostolique ». En fait,
Henri VII apportait en Italie les intentions les plus justes
et les plus pures, mais elles furent suspectées de la plu-
part et ce pacificateur alluma la guerre là où elle ne sévis-
sait pas déjà. Les villes guelfes de la Toscane et de la
Romagne coalisées se donnèrent pour défenseur le roi
Robert de Naples ; Florence se distinguait entre toutes par
son hostilité, et son or eut bientôt détaché de l'empereur
les villes de la haute Italie qui tenaient pour lui. Dante,
aigri et désespéré, n'ayant plus rien de Vexul humilis
qu'il affectait d'être quelque temps auparavant, lance contre
sa patrie (31 mars 1311) une épître où éclataient la
haine et le mépris portés à leur paroxysme ; il y peignait
des couleurs les plus vives les vengeances que l'aigle impé-
riale allait exercer contre Florence : « Vous verrez, disait-il,
vos édifices détruits, consumés ; vous verrez la plèbe furi-
bonde se débattre, tiraillée entre les partis contraires ;
vous verrez la ville tomber entre des mains étrangères,
tandis que le peu d'entre vous qui n'auront {)as été frappés
par la mort ou la prison, partiront pour l'exil. » Quelques
semaines après (16 avr.), il s'adressait directement à
l'empereur, alors occupé au siège de Crémone, et le sup-
pliait d'en finir avec « cette vipère qui s'est retournée
contre les entrailles de sa mère, cette bête immonde qui
répand la contagion dans le troupeau du Seigneur, cette
Myrrha impudique et impie qui brûle de partager la couche
incestueuse de son père ». Henri VII, n'écoutant pas les
conseils de Dante, perdait de longs mois à réduire les villes
de la Lombardie ; pendant ce temps, Florence s'organisait
et, pour enlever à Henri VII des auxiliaires précieux, rap-
pelait le plus grand nombre possible d'exilés. Le 2 sept.
1311, le prieur Baldo d'Agugiione autorisait le retour de
ceux qui n'étaient point trop compromis. Naturellement
Dante, après les lettres qu'il venait d'écrire, ne pouvait être
du nombre. Enfin, au bout d'un an, Henri VII vint mettre
le siège devant Florence (sept. 1312) ; mais après quelques
semaines, il était obligé de le lever honteusement ; enfin
le 24 août 1313, succombant à la fatigue et aux chagrins
que lui avait causés son expédition, il mourait à Buoncon-
vento.
Cette mort fut pour Dante un coup de foudre. Bien qu'il
se fût retiré définitivement de la scène politique, le 6 nov.
1315, les Florentins répondaient à ses farouches diatribes
en lançant contre lui et ses fils un arrêt de mort. Il nous
semble que tout espoir ait dû être dès lors perdu pour lui
de rentrer jamais dans sa patrie ; il ne paraît pas cepen-
dant y avoir renoncé ; dans un des derniers chants du
Paradis (XXV, 1) composés vers la fin de sa vie, il mani-
feste l'espoir que son génie reconnu de toute Fltalie lui
rouvrira les portes de Florence et qu'il pourra « rentrer
dans ce bercail où il a reposé encore agneau, et prendre
la couronne (de laurier) sur les mêmes fonts où il reçut le
baptême ». Une occasion se présenta en effet d'y rentrer,
mais c'eût été au prix du déshonneur : en 1316, le comte
Guido de Battifolle, devenu podestat, fit proclamer une
amnistie générale, mais à la condition que les citoyens qui
voudraient en bénéficier payeraient une amende et seraient
présentés à saint Jean-Baptiste : c'était là une cérémonie à
laquelle étaient soumis les criminels graciés. Dante repoussa
cette offre infamante et écrivit à cette occasion une lettre
très éloquente dans sa mâle et noble simplicité et qui est
DANTE
890 —
peut-être de tous ses écrits celui qui fait le plus d'honneur
à son caractère : « Si vous trouvez;, écrit-il à un ami, un
autre moyen qui soit d'accord avec la réputation et l'hon-
neur de Dante, je l'accepterai avec empressement ; mais si
je ne puis rentrer honorablement à Florence, je n'y ren-
trerai jamais. »
Dans ses dernières années, Dante fut accueilli par un
guelfe, Guido Novello da Polenta, seigneur de Ravenne,
neveu de cette Francesca de Rimini que le poète a immor-
talisée. C'est dans l'antique et paisible cité de Ravenne que
s'écoula la fin de sa vie et qu'il mit la dernière main à la Co-
médie, Il reçut aussi l'hospitalité de Can Grande délia Scala,
membre de cette famille qui douze ans auparavant lui avait
donné asile. Ce prince, frère de Bartolomeo et d'Alberto,
jeune, libéral, entreprenant, était alors le chef ofliciel du
parti gibelin. Dante semble avoir reporté toutes ses espé-
rances sur Can Grande dont il fait un magnifique éloge
{Par.f XVIÏ). Il dut le visiter assez souvent vers cette
époque. Ce qui est certain, c'est que, le 13 janv. 4320, il
faisait à Vérone une sorte de contérence pubhque sur un
point de physique ; ce fut l'occasion de son petit traité De
Aqua et 2 erra (retouché plus tard). Ses dernières années
furent du moins consolées par le sentiment que justice était
rendue à son talent: vers 1318, un grammairien de
Bologne, Giovanni del Virgilio, lui adressait une églogue
latine où il le félicitait de son poème, tout en lui repro-
chant de ne pas l'avoir écrit en latin, et l'invitait à venir
à Bologne recevoir la couronne poétique : c'est de la main
de ses compatriotes que Dante eût voulu la tenir. Cet espoir
ne devait pas se réaliser. Il mourut à Ravenne le 14 sept.
1321, à l'âge de cinquante-six ans. — Dans cette vie si agi-
tée Dante n'a guère cessé d'écrire. Bien qu'il ait souvent
cultivé à la fois les genres les plus divers, on peut dire cepen-
dant qu'à chaque période de sa vie correspond une phase
particulière de son activité littéraire. II s'adonna d'abord à
la poésie lyrique et amoureuse ; puis, s'en tenant à cette
forme, il essaya d'y exprimer des idées d'une portée et d'un
intérêt général et de faire de la chanson une forme de
l'enseignement philosophique. A partir de son exil, il se
passionne de plus en plus pour la science en elle-même et
il tente de donner une expression plus rigoureuse à ses
idées philosophiques, politiques, Httéraires, dans ses traités
dogmatiques. Quant à la Comédie, elle a été l'asile où se
réfugiait son instinct poétique que n'avaient point émoussé
ses études abstraites. Elle a dû l'occuper pendant toute la
dernière partie de sa vie ; il y a résumé tous ses souvenirs
du passé, toutes ses haines présentes et toutes ses espé-
rances ; elle est vraiment le testament de son génie.
IL Poésies lyriques et Vita nuova. — A la fin du
xin® siècle, la poésie lyrique était non seulement fort en
vogue dans la société aristocratique, mais aussi considérée
comme le plus noble de tous les genres : c'est par elle
que Dante débuta. Ses canzoni ne sont absolument ori-
ginales ni dans le fond ni dans la forme : le sentiment
qu'elles expriment le plus souvent est cet amour conven-
tionnel qui, élevant son objet au-dessus de l'humanité,
n'aspire à aucune récompense sensible et trouve sa satis-
faction dans les tourments qu'il se crée parce qu'il y voit
un titre de noblesse ; quanta l'expression, elle a rarement
chez lui la chaleur, la vivacité qu'on attendrait d'un amour
aussi ardent ; il semble que le poète aspire au moins autant
à se rendre compte à lui-même de sa passion qu'à la faire
partager ; il fait beaucoup plus de place à la métaphysique
qu'au sentiment. A vrai dire, rien de tout cela n'était
nouveau et Dante ne faisait que marcher plus hardiment
dans une voie ouverte depuis une vingtaine d'années. A
ses débuts, la poésie lyrique italienne avait été l'humble
imitatrice des Provençaux ; c'est dire que l'amour qui est
peint chez les premiers lyriques italiens (école sicilienne),
s'il est enthousiaste dans son expression, est purement
naturel dans son essence. Les poètes toscans, Guittone
d'Arezzo par exemple (dont les œuvres sont antérieures à
1260), avec un peu plus d'artifice dans la forme et de
subtilité dans la pensée, ne fit guère que continuer la
tradition de l'école sicilienne. C'est sous l'influence de la
science et de la philosophie que la poésie lyrique italienne
devait enfin s'affranchir de l'imitation : le jurisconsulte
Guido Guinicelh de Bologne (entre 1265 et 1275), que
Dante n'a pas tort d'appeîer son père {Purg,, XXVI, 97),
fut le chef de la nouvelle école du dolce stil nuovo
dont Dante lui-même est le plus illustre représentant ; sa
chanson Al cor gentil ripara sempre Aynore inaugu-
rait une manière toute nouvelle. Cependant son originalité
est peut-être moindre qu*on ne l'a dit quelquefois : de-
puis longtemps les Provençaux déclaraient que l'amour est
incompatible avec la bassesse, qu'il s'accorde et se con-
fond presque avec la noblesse des sentiments ; il n'est
pas un troubadour qni n'eût été d'accord avec Guinicelli
pour dire que « l'amour élit domicile dans les cœurs nobles
comme l'oiseau dans le vert feuillage » ; le mérite de
GuiniceUi est d'élever cette pensée à une hauteur philoso-
phique que ne soupçonnaient pas les Provençaux : par la
noblesse du cœur, ceux-ci entendaient simplement la cour-
toisie, la libéralité, toutes les qualités qui font l'homme de
bonne compagnie; l'amour était donc simplement considéré
comme la source des qualités sociales. Avec Guinicelli, il de-
vient la source du bien moral et se confond avec la vertu.
Cette idée nouvelle devait modifier radicalement la con-
ception de l'amour, qui cesse par là d'aspirer à une ré-
compense sensible, et devient purement idéal et spirituel :
la dame n'est plus seulement le résumé de toutes les
perfections chevaleresques, elle devient le symbole du bien
en soi. Ces pensées philosophiques s'expriment dans un
style qui a la rigueur de la science sans cesser d avoir
l'éclat de la poésie ; Guinicelli, dans la chanson citée plus
haut, après avoir exposé le principe général qui en fait
le sujet, l'appuie d'une série d'images et de comparaisons
en général fort poétiques. Son art consiste donc à expri-
mer des idées abstraites dans une langue concrète et colo-
rée, ou, comme Dante l'a parfaitement dit, à envelopper
une vérité philosophique « dans le voile des belles images ».
Cette nouvelle manière inaugurée à Bologne fut surtout
cultivée par des poètes toscans ; ceux-ci, sans apporter
grand 'chose de nouveau, façonnent la langue à l'expres-
sion de ces pensées abstraites : on retrouve chez eux les
deux traits essentiels de leurs modèles, la tendance didac-
tique et la tendance mystique : ainsi Lapo Gianni intercale
dans chaque couplet d'une chanson les mots « Je le
prouve » {Provo ciô) ; Dino Frescobaldi affecte des pen-
sées grandioses, profondes, mais obscures; la femme qu'il
adore est non plus la dame des Provençaux engagée dans
les liens du mariage, mais une vierge idéale (glovinetta),
plus voisine du ciel que de la terre ; Guido Orlandi disserte
doctement sur les trois genres d'amour et de jalousie ; il
pose dans un sonnet une série de questions sur la nature
de l'amour, se demandant d'où il naît, où il demeure, s'il
est substance, accident, etc. ; Cino de Pistoie, avec moins
de subtilité scolastique peut-être, va plus loin dans la
voie de l'idéalisme mystique ; sa dame, comme la Béatrice
de Dante, a rompu tout lien avec l'humanité : ce n'est
plus une femme, mais une « figure angélique venue
du ciel pour répandre le salut et dans laquelle le Dieu
d'amour a placé toute sa vertu ». Guido Cavalcanti, qui fut
le chef de l'école jusqu'à Dante, consacre une chanson à
résoudre les doutes proposés par Guido Orlandi. Je veux,
dit-il, « raisonner de cet accident, qui souvent est cruel
et altier, et qu'on nomme l'amour; pour me comprendre,
mes lecteurs devront être doctes : car je veux m'entourer
de tous les secours de la science pour traiter les questions
suivantes : où amour demeure, d'où il prend naissance, sa
vertu et sa puissance, son essence, chacune de ses mani-
festations, le plaisir qui le fait appeler amour, et s'il peut
être perçu par les yeux du corps ». Chacune de ces pro-
positions est traitée avec tout l'appareil scolastique : divi-
sions, définitions, syllogismes, etc. ; l'auteur s'interdit
même les images par lesquelles Guido GuiniceUi avait
- 891 -
DANTE
essayé d'égayer un sujet analope. Nous retrouvons dans
les chansons de Dante ce même effort vers une poésie
savante et raffinée. Dans sa pièce Amor che muovi, par
exemple, il disserte non moins doctement que ses prédé-
cesseurs sur la nature de l'amour. Mais revenant à la
manière de Guinicelli, il essaye d'illustrer l'idée abstraite
par des figures qui sans doute exigent pour être comprises
un certain efiort de pensée, mais qui du moins pré-
sentent aux yeux des objets sensibles. Dès ce moment, il
se distingue par cet art qu'il portera dans la Comédie à
un éminent degré, de résumer une foule de pensées dans
une image vive et frappante, de donner aux créations de
son imagination le même relief qu'à la réalité vivante ; il
comparera des soupirs entrecoupés de larmes à de la pluie
mêlée de neige ( Vita nuova^ 48); il peindra son an-
goisse en disant : « Les murs eux-mêmes me criaient :
Meurs. » {îhid.^ do.) Voici comment il peint un personnage
tout idéal, la Droiture, accablée par le triomphe du Vice :
« Elle verse de nombreuses plaintes, et, comme une rose
dont la tige est brisée, elle se repose sur sa main ; son
bras nu, colonne de sa douleur, reçoit les pleurs qui
coulent de ses yeux, tandis que, de son autre main, elle
cache son visage mouillé de larmes » (îr^ donne intorno).
Au point de vue de la conception de l'amour, ce ne fut
pas du premier coup que Dante atteignit, puis finit par
dépasser l'idéalisme de ses prédécesseurs : son amour,
d'abord purement humain, ne s'éleva que peu à peu
au mysticisme. Cette progression qui ne serait pas très
sensible dans le texte des chansons, est au contraire évi-
dente dans le commentaire en {)rose que Dante en a donné
et qui, si mince de volume et si gros de difficultés, a peut-
être fait plus pour la gloire du poète que les chansons
même qu'il accompagne ; comme l'a remarqué M. d'An-
cona, la passion de Dante pour Béatrice telle que nous la
décrit la Vita nuova^ a passé par trois phases ; dans la
première (ch. 4-17) Béatrice, personnage réel, n'est que
la plus séduisante des enfants ; le poète enivré de joie par
le salut qu'elle lui a accordé, aspire à obtenir de nouveau
la même faveur (3) ; il retrouve celle qu'il aime dans des
endroits très déterminés, dans la rue (3), dans les fêtes
(14), dans la maison de son père (22), à l'église (12);
pour masquer son amour, il feint d'aimer une autre femme
et Béatrice s'en irrite au point de lui refuser son salut (12);
elle se montre à lui tantôt bienveillante (3), tantôt cour-
roucée ou railleuse (10, 14). Puis cet amour traverse une
seconde phase (17-29) où il s'épure de plus en plus. Béa-
trice devient la personnification vivante de la beauté et de
la vertu. Dante n'aspire même plus à son salut, et se con-
tente du bonheur de la louer ; il la loue en effet comme
on ferait pour une sainte. Béatrice, dont la terre n'était
pas digne, lui est ravie enfin ; la louange se transforme
alors en adoration mystique et Dante se prépare à dire
d'elle « ce qui n'a jamais été dit d'aucune créature vivante
(29-43) ». Le ton du poète s'élève naturellement avec le
sentiment : tandis que les premières pièces ressemblent
assez aux éternelles requêtes d'amour des poètes proven-
çaux et siciliens, les dernières ont la pureté, la solennité
« d'hymnes eucharistiques ». (Bartoli.)
On ne peut séparer de l'étude des poésies lyriques de
Dante ce petit livre (écrit peu avant 1300) où il a prétendu
nous en expliquer le sens intime : nous devons donc en dire
quelques mots, ainsi que des ardentes polémiques qu'il a ré-
cemment soulevées en Italie. Les uns, d'accord avec tous les
anciens commentateurs, le prennent au pied de la lettre et
l'acceptent, de la première ligne à la dernière, comme « la
candide et mélancolique histoire d'une passion profonde,
comme une ingénue et simple confession de ce qu'il y
avait de plus intime et de plus secret dans le cœur de
l'amant » (d'Ancona) ; les autres (R. Renier, Bartoli) veulent
restreindre autant que possible la part de la réalité, et,
pour trancher le débat d'un coup, nient jusqu'à « l'histo-
ricité » de Béatrice; ils ne voient dans cette création qu'un
symbole de la femme aimée en général, une sorte de
représentation idéale de l'éternel féminin. Tout en recon-
naissant que la réaction contre l'opinion traditionnelle
repose sur de fort bonnes raisons, nous ne pouvons nous
rallier au système radicalement allégorique, qui soulève
des difficultés insurmontables, non moins que le système
radicalement historique. 11 y a dans la Vita nuova trop
d'allusions à des faits précis, à des personnages déterminés
pour qu'on puisse y voir autant de fantaisies ou d'abstrac-
tions. On ne conçoit pas, comme dit spirituellement
Marc Monnier, « un idéal ou une simple idée qui n'a que
huit ans quand on la rencontre pour la première fois, qui
joue avec les enfants de son âge, se promène dans la rue,
fait la révérence à un jeune homme, puis se fâche par
jalousie..., une idée qui a pour père un simple mortel et
qui meurt elle-même à une date précise, le 9 juin 1289,
âgée de vingt-quatre ans ». On a remarqué aussi que si
Béatrice eût été « une simple idée », et toute son histoire
un roman, Dante eût arrangé les incidents de cette histoire
de manière à justifier certaines théories qui lui étaient
chères : ainsi, puisqu'il met une si ingénieuse obstination
à retrouver partout dans sa vie le nombre neuf, il n'eût
pas manqué de lui donner neuf ans lors de leur première
rencontre, de la faire naître en 1269 « où entre quatorze
fois le nombre neuf » et mourir à vingt-sept aiis, multiple
de neuf par trois, qui est aussi un chiffre fatidique.
« Allégoriser » Béatrice conduit à « allégoriser » pareille-
ment les personnages réels qui paraissent dans la Vita
nuova; on en arrive, après avoir fait de Béatrice un
idéal, à proposer de voir, comme d'ailleurs le fait M. Bar-
toli, dans le père de Béatrice, le « penser amoureux »
qui a produit cet idéal ; et que faire alors des compagnes
de Béatrice?
La Vita nuova ainsi interprétée deviendrait un logo-
griphe pénible et quelquefois puéril : il nous paraît cer-
tain que l'amour qui y est décrit a d'abord été purement
humain, que Dante a vraiment aimé une jeune fille (nom-
mée par lui Béatrice) qu'il avait entrevue dans quelque
fête, avec laquelle il n'a eu que de rares et lointains rap-
ports ; qu'il l'a aimée d'un amour respectueux et pur qui
devint d'autant plus ardent qu'il ne se nourrissait que de
songes. Certaines pièces où entre le nom de Béatrice ne
peuvent avoir été composées que pour un être réel, le
sonnet par exemple {Guido vorrei) où il souhaite de se
voir lui et ses deux amis Guido (Cavalcanti) et Lapo
(Gianni ?), chacun avec sa dame, Monna Bice, Monna
Vanna et une troisième, dans un bateau ballotté en pleine
mer au gré des vagues, où ils pourraient sans fin disser-
ter d'amour. Les premières pièces de la Vita nuova du
reste, et surtout quelques autres qui n'y ont pas été insé-
rées, sont évidemment des prières amoureuses inspirées
par une personne réellement aimée. L'existence d'une
amante réelle, voilà du reste à peu près à quoi nous ré-
duirions volontiers la part de l'histoire. Que cette amante
ait été cette Béatrice, fille de Folco Portinari qui épousa
Simone de' Bardi et mourut en 1289, il est permis
d'en douter. Boccace, il est vrai, l'affirme, probablement
sur la foi de quelques contemporains de Dante, et aussi
Pietro Alighieri, le propre fils du poète (dans un commen-
taire écrit vers 1360; V. Giornale storico^ VII, 383)
mais leur témoignage n*a pas une grande portée, pas
même celui du second qui devait, sur ce point, non pas avoir
reçu les confidences de son père, mais s'en tenir au bruit
public. On avait dû, en effet, de bonne heure éprouver le
désir de pénétrer le secret de Dante et faire des conjec-
tures ; on avait donc cherché, parmi les jeunes Florentines
de l'époque, une Béatrice à laquelle pût convenir son
récit : la fille de Messer Folco se trouvait porter le
nom et avoir l'âge requis (et encore ne connaissons-
nous pas l'année exacte de sa naissance ; c'est en admet-
tant son identité avec l'amante de Dante qu'on la fait
naître un an après celui-ci) : de sorte que c'est à une
simple hypothèse en somme dont le seul mérite est d'être
fort ancienne, que la fille de Portinari doit, avec l'immor-
DANTE
— 892 —
talité, l'immense curiosité qu'elle excite, et le puissant
effort de recherches et de critique qui s'est fait autour de
son nom.
En réahté, le nom de celle qu'il a aimée est le seul ren-
seignement que Dante nous donne sur elle, le seul qui ait
pu guider les conjectures. Or, il est plus que probable que
ce nom n'était qu'un pseudonyme. C'était une règle abso-
lue chez les troubadours de ne point nommer leurs dames
de leur vrai nom et de remplacer celui-ci par un senhal.
Cet usage, motivé en Provence par une raison toute vul-
gaire, la crainte du mari, se perpétua en Italie, fortifié par
les allusions et les jeux de mots qui étaient la conséquence
de l'emploi d'un pseudonyme significatif ingénieusement
choisi. Ainsi la dame de Cino de Pistoie (comme celle des
troubadours Aimeri de Belenoi, Uc de Saint-Cyr, Lanfranc
Cigala) s'appelait Salvaggia. Le nom de Béatrice a un rap-
port trop étroit avec les idées du poète sur l'amour pour
que l'on n'y voie pas un nom de fantaisie ; Dante du reste
semble nous y autoriser lui-même au déjjut de la Vita
nuova.
Si Dante a réellement chanté la femme qu'il avait aimée,
il est certain qu'il en a usé très librement dans l'histoire
de cet amour et le classement des pièces auxquelles il
avait donné lieu : dans le sonnet qu'il dit avoir été com-
posé le premier pour Béatrice (A ciascun' aima, dans
V. iV., 3) il y a une claire allusion à la mort de celle-ci ;
donc, ou il est tout entier postérieur à cette mort, ou les
vers où il en est question sont le produit d'un remaniement.
C'est probablement aussi après la mort de Béatrice qu'a été
composée la pièce où Dante peint de couleurs si vives le
trouble qu'il ressentit en songeant un jour que sa dame
mourrait (Donna pie tosa, V. N., 23). Il en prend éga-
lement à son aise avec la narration des faits ; il écrit non
l'histoire, mais le roman de son amour, et demande beau-
coup plus à son imagination qu'à sa mémoire. Il suffit d'ad-
mettre cette hypothèse pour ruiner les plus solides argu-
ments des allégoristes, qui se fondent sur les invraisem-
blances dont fourmille la Vita nuova. Il n'est pas croyable,
nous font-ils remarquer, que Dante soit resté de sa neu-
vième à sa dix-huitième année sans entendre le son de la
voix de sa petite voisine ; que Béatrice ait été insensible à
un amour si ardent et si pur au point de lui refuser l'in-
signifiante récompense qu'il ambitionnait, de s'en moquer
même, car il faudrait pour cela lui supposer une dureté vrai-
ment en dehors de l'humanité. Si Béatrice eût réellement
existé, ajoutent-ils, pourquoi Dante nel'eût-il pas épousée?
Le poète ne fût-il pas tombé dans une flagrante contra-
diction en divulguant l'amour qu'il avait prétendu cacher,
et cette révélation n'eùt-elle pas été particuhèrement cho-
quante, faite dans un temps où vivait encore le mari de
celle qu'il aurait, dit-on, aimée ? Ces deux dernières ob-
jections ne pouvaient être faites que par des critiques con-
naissant bien peu les lois du genre cultivé par Dante ;
celui-ci ne pouvait nous montrer Béatrice correspondant à
son amour parce que la peinture d'un amour partagé était
absolument étrangère à la tradition lyrique ; l'idée de
demander en mariage celle qu'il chantait ne pouvait non
plus entrer un instant dans son esprit, le mariage étant,
dans la doctrine du temps, la négation même de l'amour,
sous ce prétexte que le mariage confère à l'homme des droits
sur la femme, et que celle-ci doit rester, non seulement
libre, mais souverainement maîtresse de celui qui se donne
à elle (V. G. Paris, Romania, XII, 518 et suiv.). Quant
à l'expression de cet amour éthéré et platonique, elle ne
pouvait être que flatteuse pour celle qui en était l'objet, et
un mari savait trop faire la part des conventions poéti-
ques pour s'en formaliser (nous avons vu du reste qu'il
n'est nullement sûr que l'amante du poète ait été mariée).
Toutes les autres objections du même genre perdent
évidemment toute portée si on admet que, dans la Vita
nuova, la « poésie » a plus de part que la < vérité ». Or,
c'est ce dont il paraît impossible de ne pas tomber d'ac-
cord. Qu'on remarque d'abord le nombre des « visions »
qui y sont rapportées et qui forment comme la trame du
récit. Il faut admettre ou que Dante est un halluciné, ou
que ces visions ont été des états d'esprit non spontanés et
fatals, mais voulus et apprêtés, c.-à-d. une simple forme
d'exposition. Dans ce cadre éminemment peu historique
ont été placés un certain nombre de faits évidemment
arrangés en vue d'un effet poétique ; il n'est nullement
prouvé que Dante qui était, selon son propre aveu,
de complexion amoureuse, n'ait pas eu une passagère,
mais sincère inchnation pour les deux dames qu'il aura
prétendu, après coup, n'avoir été que des « paravents » à
son réel amour ; c'est la seule façon satisfaisante d'expli-
quer ces singuliers épisodes qui, pris à la lettre, nous
montreraient dans notre poète une sorte de Don Juan
compromettant de gaieté de cœur deux jeunes filles qui
pouvaient, à ce jeu, perdre leur réputation aussi bien que
le repos de leur cœur ; la donna pietosa, cette touchante
consolatrice dont il est longuement question à la fin de
l'opuscule, semble bien aussi avoir été aimée d'un amour
dont les circonstances rendent très vraisemblable la réa-
lité ; il est vrai que Dante a formellement déclaré dans le
Convivio (11,16) que cette dame n'était autre que « la
très belle et très honnête fille de l'empereur de l'univers à
laquelle Pytliagore a donné le nom de philosophie » ; mais
outre qu'on ne se représente guère la philosophie regar-
dant le poète « du haut d'une fenêtre », on ne comprend
pas pourquoi il lutterait avec tant de remords contre une
inclination si légitime ; à ses yeux même, le passage du
culte de Béatrice à celui de la philosophie était un progrès
dont il n'avait pas à s'excuser. La vérité doit être que
Dante aura voulu embellir, épurer l'histoire de sa jeunesse
amoureuse et cherché à écarter de lui tout soupçon d'in-
fidélité.
Il est même permis d'aller plus loin et de douter de la
réalité objective de quelques événements rapportés dans la
Vita nuova. Ce qui porte presque invinciblement le lec-
teur à les considérer comme des traits de la biographie de
Dante, c'est le commentaire en prose qui en fixe les alen-
tours et en précise les circonstances de temps et de lieu.
Mais il faut songer que le commentaire est postérieur aux
pièces et composé d'après elles, et que la seule façon
rigoureusement légitime d'étudier celles-ci est de les
prendre à part, comme elles ont été composées. Or, si on
les considère ainsi, on remarquera que les événements
très peu nombreux et très simples qui en font l'objet ne
sont que des lieux communs poétiques fournis à Dante par
ses prédécesseurs. Ces événements sont au nombre de
deux : le premier est le salut accordé ou refusé par la
dame; or ce lieu commun se retrouve dans plusieurs
poètes antérieurs à Dante ; les merveilleux effets du salut
de la femme aimée avaient déjà été décrits dans des
termes analogues à ceux dont il se sert par un obscur
poète pisan, Lotto di Ser Dato, par Guido Guinicelli, par
D. Frescobaldi, par G. Alfani, par Cino de Pistoie, et
cette suprême faveur n'avait pas été soUicitée moins hum-
blement par eux tous que par Dante (V. d'Ancona, F. iV.,
l''« éd., p. 79; BartoU, Storia, IV, 18, 36). — Le
deuxième événement important de la Vita nuova est la
mort de la femme aimée ; certes il est fort possible que
l'amante du poète soit morte jeune et que ce malheur l'ait
plongé dans cet accablement qu'il a décrit avec tant de
force; pourtant il est bon de remarquer que la mort de
l'amante, réelle ou supposée, était un sujet fréquemment
traité par les troubadours provençaux, et que Cino s'était
représenté « baisant le sépulcre où sa dame reposait ».
Ce qui tend à inspirer quelque défiance sur la réalité de
cet événement, c'est l'immense parti que Dante en a tiré,
comme s'il exprimait d'un lieu commun toute la matière
poétique qu'il contient.
Mais les événements sont bien peu de chose dans cette
Vie toute intérieure : ce qui la remplit, c'est la peinture
de cet amour si étrange au premier coup d'œil et qui a
semblé à plusieurs une sorte de phénomène moral et presque
— 893 —
DANTE
de cas pathologique. Or, cet amour perd ce caractère
si on replace Dante à son rang dans l'histoire de la poésie
lyrique. Sans doute, par les circonstances précises dont
le poète entoure cette passion ^spécialement dans son
commentaire en prose), il est arrivé à lui donner un re-
lief, une vie extraordinaire ; mais ce qui est original, c'est
le génie plastique et dialectique de l'auteur, et non la ma-
tière sur laquelle il travaille. Cet amour, dans sa nature
intime, est, nous l'avons montré, celui que peignaient
tous les poètes du dolce stil niwvo ; la peinture de ces
manifestations, de cet état de langueur maladive ou d'ex-
tase religieuse où il plonge celui qui le ressent était aussi
un lieu commun très ancien ; il n'est guère de trou-
badour qui n'ait décrit les effets physiques de l'amour, et
ce sont ceux-là même que Dante ressentit : la pâleur du
teint, la tristesse, raccablement, les frissons, la perte du
sommeil et de l'appétit; ils avaient parlé de cette espèce
de fascination qu'exerce sur eux la présence de leur dame,
le silence où sa vue les réduit, malgré les résolutions
qu'ils ont prises de lui ouvrir leur cœur. Il n'est pas jus-
qu'à l'expression même de cet état qui n'offre d'intéres-
sants rapprochements. Folquet de Marseille (En cantan
m'aven a membrar) nous dit que son cœur est tellement
envahi par l'amour que, dans sa détresse, il rappelle à lui
toutes les facultés, de sorte que le corps, abandonné à
lui-même, reste dans un véritable hébétement. Nous avons
là le germe de la fameuse scène (11) où Dante nous dé-
crit la lutte engagée dans son cœur entre l'esprit d'amour
et les esprits « sensitifs ». Cette phraséologie elle-même
n'est pas de lui : il n'est pas un de ses prédécesseurs chez
qui on ne trouve ces spiriti ou spiritelli qui personni-
fiaient les diverses facultés de l'âme et formaient une pha-
lange d'abstractions dont les évolutions remplacent, chez
les lyriques italiens, toute psychologie sérieuse. (V. par
exemple Dino Frescobaldi, Poscia chHo: Guido Caval-
canti, Per g H occhi ; Cf. d'Ancona, F. N., p. 84; Bar-
toli, Sioria, IV, 5, 13, 150.)
Un trait que l'on considère souvent comme particulier à
Dante est cette sorte de mysticisme douloureux dans lequel
il se complaît et s'abîme tout entier. M. Bartoli a montré
qu'il se retrouvait dans Cino et il a voulu en faire la
caractéristique de ce poète (Storia, IV, 119-135). C'est
probablement là que Dante l'a pris ; mais il remontait plus
haut. On retrouve chez les lyriques français du Sud et sur-
tout du Nord (Gace Brûlé, G. d'Espinau notamment) cette
folie de la souffrance amoureuse comparable à la folie de
la croix des stigmatisés. (V. Raynouard, Choix, IIl, 7,
76, 273, 344; et pièces indiquées dans Raynaud, Bi-
bliogr, des chansonniers français, n^^ 376, 437, 857,
590, 643, 1073, 1429, 1465.) On voit que la Vitanuova
contient en somme une assez large part de roman ; il est vrai
que pour écrire ce roman il fallait être Dante. Si Dante n'en
a pas vécu tous les épisodes par le cœur, il les a vécus par
l'esprit, et l'intensité d'énergie objective et créatrice qu'il a
déployée dans leur peinture suffirait à elle seule pour que
la place qu'on lui fait comme poète du sentiment ne fût pas
trop élevée. — Les plus originales, les plus passionnées
de ses chansons n'ont pas été comprises dans la Vita nuova,
dont elles eussent altéré le caractère : il y en a en par-
ticulier quatre où il a chanté un amour certainement
humain et sensuel ; deux, il est vrai, sont gâtées par de
puérils artifices de versification {Amor tu vedi ben ; Al
poco giorno, sextine) ; mais les deux autres, par la viva-
cité du coloris, l'éclat et le naturel des images, comptent
parmi les plus beaux morceaux qu'il ait écrits; dans l'une
{lo son venuto), reprenant, mais d'une façon magistrale,
un lieu commun de la poésie provençale, il se représente
seul en proie aux ardeurs de l'amour tandis que la nature
est ensevelie dans la torpeur de l'hiver ; dans l'autre (Cosï
nel mioparlar) il peint en traits enflammés et passablement
réalistes la vengeance qu'il tirerait de sa dame si l'amour
la lui livrait : « Hélas ! pourquoi ne m'appelle-t-elle pas
par ses cris comme je l'appelle par les miens dans l'abîme
où je brûle? Aussitôt je lui répondrais : « Je viens à votre
« secours » ; et mettant avec joie la main sur ces cheveux
blonds qu'Amour frise et dore pour m'enfïammer, alors je
satisferais ma vengeance... Je regarderais de tout près et
fixement ses yeux, d'où sortent des étincelles qui embra-
sent mon cœur blessé, peine que je lui infligerais pour
m'avoir abandonné ; puis enfin je lui rendrais la paix avec
mon amour. » Ces quatre pièces, où il joue fréquemment
sur le mot pierre, sont évidemment inspirées par la même
passion, et ce mot devait faire allusion au nom de la per-
sonne qui en était l'objet et dont on n'a pu jusqu'ici recon-
naître l'identité. Il semble avoir ressenti cette passion,
dont il a soigneusement banni le souvenir de la Vita nuova,
avant son exil, c.-à-d. peu de temps après la mort pré-
sumée de Béatrice. Dante ne fut donc pas toujours l'amant
platonique qu'il lui a plu de nous faire connaître ; il résulte
de quelques passages de la Divine Comédie [Pur g.,
XXVII, 49), notamment de quelques paroles, assez peu
claires du reste, qu'il se fait adresser par Forese Donati
[Ibid., XXIII, 115), et surtout de sa correspondance
poétique avec celui-ci, qu'il était (comme presque tous les
poètes du dolce stil nuouo) fort enclin aux plaisirs des sens ;
il a du reste expliqué lui-même dans un fort beau sonnet
{Due donne in cima) qu'il ne considérait point l'amour
mystique comme exclusif de l'amour naturel. — Les Can-
zoni délia pietra sont dû reste une exception dans l'œ-uvre
de Dante. De bonne heure il s'était tourné vers l'étude de
la philosophie. « Quand j'eus perdu, nous dit-il lui-même,
(Conv., II, 13) le premier plaisir de mon âme (il peut
s'agir ici aussi bien de l'amour en général que de l'amour
pour Béatrice, à la mort de qui on voit ordinairement ici
une allusion), je devins si triste qu'aucune consolation ne
pouvait me remettre. » Puis, après avoir raconté comment
il lut, pour y chercher un soulagement, la Consolation
de Boèce et le De Amicitia de Cicéron, il ajoute : « Et
comme il arrive parfois à l'homme qui cherche de l'argent,
de trouver de l'or, moi qui ne cherchais qu'à me consoler,
je rencontrai, outre un remède à mes larmes, des livres
et des auteurs qui ne tardèrent pas à me faire juger que
la philosophie, qui était la dame souveraine de ces auteurs,
de ces livres et des sciences qu'ils renferment, était la
chose souveraine. Et j'imaginais cette grande chose faite
comme une dame noble , ne pouvant me la figurer autre-
ment que miséricordieuse dans toutes ses actions. Et je
l'admirais si véritablement et si fort que je ne pouvais
détourner mon attention d'elle. Ce fut alors que je me mis
à fréquenter les lieux où elle se montrait réellement,
c.-à-d. les écoles des religieux et de ceux qui enseignaient
la philosophie. Si bien qu'en assez peu de temps, trente
mois peut-être, je commençai à m'apercevoir tellement de
sa douceur que l'amour que je lui portais chassait de mon
esprit toute autre pensée. » Dans ce curieux passage, Dante
nous explique non seulement le changement qui s'opéra
dans son esprit, mais les raisons qui lui firent employer,
pour exprimer ses idées nouvelles, la forme qui lui avait
servi jusque-là : c'est d'abord, dit-il, que la langue vul-
gaire lui paraissait indigne (ou plutôt incapable) d'expri-
mer de si hautes vérités sans image; c'est, d'autre part,
qu'il ne voulait pas dérouter le public accoutumé au lan-
gage conventionnel de la poésie amoureuse. Il fit donc
servir à l'expression d'idées philosophiques la forme de la
chanson et le vocabulaire erotique qui y était en usage,
parlant de la philosophie comme il eût fait d'une amante.
La plus ancienne des pièces de ce genre est la chanson
Voi cW intendendo (vers 1295) où il décrit la lutte en-
gagée entre les souvenirs de son premier amour et la phi-
losophie; dans une autre [Amor tu vedi ben, peu avant
1300), la philosophie a décidément pris le dessus, et il
en fait un panégyrique enthousiaste. A la même veine
appartiennent encore les pièces Tre donne intorno,
une des plus remarquables (peu après 1301), lo sento
si, Voi che sapete,.. Ces pièces ressemblent tellement
à ses chansons amoureuses que le public prit le change
DANTE
894 -
et crut qu'il s'y agissait d'un réel amour; l'un des objets
du Convivio fut de le détromper. Dante crut même pou-
voir se passer du « voile des belles images » et essaya
d'exprimer des idées philosophiques dans leur nudité
abstraite ; mais il faut avouer que, dans les trois pièces
sur la noblesse, la libéralité et la Leggiadria (celle-ci un
peu avant 4300), les théories morales ont tout à fait
étouffé la poésie et que ce retour à la manière sèche et
scolastique de Guittone d'Arezzo ne marquait nullement
un progrès.
III. Traités dogmatioues. ■— Dante avait décidément
reporté sur la philosophie l'ardeur qu'il mettait à toutes
choses ; il devint pour elle un véritable apôtre, considé-
rant comme un devoir strict de répandre les vérités qu'elle
lui avait révélées. Beaucoup de gens, nous dit-il, ayant
admiré dans ses chansons plutôt « leur beauté que leur
bonté » (c.-à-d . leur sens moral), il résolut de les rendre
accessibles à tous : ce fut l'objet principal de son Convivio
qu'il écrivit, non en latin, mais en itaHen, afin do faire
asseoir même les simples à ce « banquet » de la science.
Il l'écrivit entre 1306 et 1309 dans la période d'accalmie
qui s'écoula entre sa scission avec son parti et la descente
de Henri VU en Italie. Le Convivio n'est point un traité
suivi de philosophie, mais le commentaire de trois chan-
sons. L'ouvrage est inachevé, car il devait commenter
quatorze chansons et comprendre quinze livres. Ce com-
mentaire se compose essentiellement d'une série de disser-
tations dont l'ordre n'est réglé que par celui des mots
expliqués : ainsi à propos du vers Voi cK intendendo il
terzo ciel movete^ Dante expose non seulement le système
astronomique de Ptolémée, mais explique le sens allégo-
rique de cette conception (la science étant, selon lui, com-
parable au ciel et à chacun des sept cieux correspondant un
des sept arts libéraux) ; enfin il ajoute à propos du mot
intendendo un long chapitre sur les anges ou Intelligences.
On voit qu'en appliquant ce système, Dante eût composé
une encyclopédie. En fait, il y a un peu de tout dans le
Convivio. On y trouve des théories scientifiques et poli-
tiques, et jusqu'à un résumé de l'histoire romaine ; mais
c'est, en somme, l'exposition des idées philosophiques qui
y tient de beaucoup la plus large place. — Comme philo-
sophe, Dante n'a absolument rien d'original : bien qu'il
professe la plus grande admiration pour Platon et saint
Bonaventure, ses maîtres préférés sont Aristote et saint
Thomas dont il reproduit à chaque instant les théories
même dans la Comédie. Sa philosophie est un rationalisme
qui se subordonne humblement à la théologie ; nous ver-
rons la théologie l'emporter de plus en plus dans ses
préoccupations, et tenir dans la Comédie plus de place que
ta philosophie elle-même. Dante admet que la raison humanie
a ses limites et qu'elle ne peut atteindre à la certitude sur
les grands principes, Dieu, l'âme, la nature première, qu'en
s'en remettant à la révélation (II, 9). Il ne conçoit point de
conflit possible entre la raison et la foi, celle-là devant tou-
jours se subordonner à celle-ci, mais i! ne méprise point pour
cela la raison : c'est en elle que consiste la noblesse de
l'homme, c'est elle qui le rapproche de Dieu. La raison,
en tant qu'intelligence, aspire à la vérité dont la possession
est son bien suprême ; en tant que volonté, elle aspire au
bien et est la règle des mœurs. Il y a dans le Convivio
les éléments d'une psychologie et d'une métaphysique.
Dante y aborde les questions de la perception (III, 9),
(qu'il résout [II, 9] par la théorie scolastique des esprits
animaux), de la liberté humaine qu'il croit entière (bien
qu'il admette avec tout le moyen âge une influence des
astres sur nos dispositions naturelles), de la certitude
(II, 9; IV, 15), de l'immortalité de l'âme, de sa nature
(IV, 21), à propos de laquelle il reproduit la doctrine aris-
totélique de llntellectus possibilis et de Vlntellectus
agens. Mais c'est sur les questions morales qu'il insiste le
pius volontiers. Il emprunte à Aristote sa division des
vertus intellectuelles et morales (IV, 17); il admet comme
son maître que la vertu est une « habituelle élection du
bien », qui est le milieu entre deux extrêmes. L'un des
passades les plus intéressants du livre est celui où il traite
avec beaucoup de charme de style des vertus propres à
chaque âge (IV, 24-28). Il reconnaît comme propre à
l'adolescence (de dix à vingt-cinq ans) l'obéissance, la
douceur (soavita), la pudeur, la beauté (adornezza) qui
consiste dans la proportion et la santé de toutes les par-
ties du corps; à l'homme jeune (mais pour lui comme pour
les Latins la jeunesse est la maturité et va de vingt-cinq à
quarante-cinq ans), il recommande l'amour (qu'il interprète
par la vénération de la vieillesse et la protection accordée
au jeune âge), la courtoisie, la loyauté, enfin la tempérance
et la force qui sont comme le frein et l'éperon dont la
raison se sert pour gouverner l'appétit ; l'apanage de la
vieillesse (de quarante-cinq à soixante ans) est la pru-
dence, la justice, la largesse, la gaieté, l'affabilité. Enfin
l'homme détaché de la vie active (Dante fait succéder à la
senettude le senio) se repose dans un retour reconnaissant
sur le passé, dans une attente sereine de la mort et de
son union avec Dieu : « Il est pareil au bon marinier qui,
approchant de la terre, cargue ses voiles et doucement
entre dans le port. » On voit que cette philosophie, chré-
tienne par la part qu'elle fait à la révélation dans l'œuvre
de la certitude, est surtout rationnelle et humaine ; elle ne
dédaigne même pas les élégances de la vie courtoise et n'a
rien de commun avec l'ascétisme des disciples de saint
François. Dante, il est vrai, met la vie contemplative au-
dessus de la vie active, mais il fait en cela acte de philo-
sophe qui veut user le plus largement possible de sa raison,
et non de mystique qui aspire à se perdre dans une extase
qui touche à l'inconscience.
On est forcé de chercher la philosophie de Dante dans
le Convivio à travers une multitude de digressions. Au
contraire, il a exposé dans le De Monarchia ses idées poli-
tiques sous la forme la plus précise et la plus rigoureuse.
Déjà dans le Convivio il avait traité avec beaucoup de
force (et non sans y mêler de singulières subtilités scolas-
tiques) de la dignité de l'autorité impériale (IV, 4) ; vers
la fin de sa vie, il voulut coordonner toutes ses idées poli-
tiques dans un traité auquel il donna une allure rigoureu-
sement logique et qu'il écrivit, à l'usage des lettrés, en
latin. Dans le premier livre, il prouve par des arguments
à priori souvent subtils que la monarchie universelle est
nécessaire, car elle peut seule donner à Thumanité la paix
dont celle-ci a besoin pour atteindre son but. Il faut, pour
trancher tous les différends, un souverain juge qui soit mis
à l'abri de la cupidité et de la partialité par sa toute-
puissance. Dans le deuxième livre, il démontre, par la
marche de l'histoire, par les paroles et les actions du
Christ, que le peuple romain a été élu par Dieu pour
représenter cette monarchie. Le troisième livre, le plus
important de tous, traite des rapports du pouvoir spirituel
et du pouvoir temporel; Dante essaye d'y démontrer que
l'empire ne dépend pas de la papauté, mais relève directement
de Dieu; il reprend un à un les arguments, soit historiques
soit scolastiques, souvent bizarres et puérils, par lesquels
on soutenait la thèse opposée à la sienne; il montre que,
à la vérité, la lune (symbole de l'empire) reçoit sa lumière
du soleil (symbole de la papauté), mais qu'elle a été créée
directement par Dieu ; l'Eglise ne peut conférer un pouvoir
qu'elle n'a pas ; son règne n'est pas de ce monde ; elle ne
doit donc pas s'attacher à la poursuite des biens temporels,
mais des biens spirituels (nous verrons avec quelle force
Dante s'élève dans la Comédie « contre l'union du pectoral
et du sceptre »). L'autorité de l'empereur et celle du pape,
issues au même titre de Dieu, sont destinées à se compléter :
la première assure la félicité terrestre par l'exercice des
vertus humaines ; l'autre la béatitude éternelle à laquelle
conduit la révélation, par l'exercice des vertus théologales.
Cependant bien que la puissance impériale dérive directe-
ment de Dieu, l'empereur est soumis, dans une certaine
mesure, au pontife, car la béatitude temporelle forme un
degré inférieur de la béatitude éternelle. L'empereur doit
donc professer pour le pape la vénération que le fils montre
à son père et se laisser éclairer par lui des rayons de la
lumière céleste. En somme, on voit que Dante, malgré son
orthodoxie dogmatique, ne va pas beaucoup moins loin
qu'Arnaud de Brescia qui, interdisant à l'Eglise le droit de
posséder, voulait la ramener à la pauvreté évangélique et
conférer à l'Etat, c.-à-d. à la commune (la seule forme de
l'Etat que l'on connût à cette époque), les biens du clergé.
Dans le De Vulgari Eloquio (composé avant 4303)
s'exprime une des formes du patriotisme de Dante, son
amour pour sa langue maternelle : cet amour n'avait fait
que croître et s'affirmer depuis sa jeunesse ; dans la Vita
nuova^ il admettait que la langue vulgaire ne devait être
employée que pour les sujets amoureux ; en composant ses
chansons philosophiques en italien, il y recourait à l'allé-
gorie, sous prétexte que la langue vulgaire ne pouvait
dignement louer la philosophie sans voiles. Enfin, dans le
ConviviOj il soutenait presque sans restriction les droits
de l'italien ; la subtilité de sa logique et la chaleur d'élo-
quence qu'il y met nous font comprendre combien étaient
tenaces les préjugés qu'il combattait et combien de mérite
il avait à s'élever au-dessus d'eux ; là il compare bien encore
le latin au pain de froment et l'italien au pain d'orge, mais
il admet que l'italien est capable de traiter de toutes les
questions ; il lui assignera en effet comme sujet, dans le
De Vulgari Eloquio^ l'amour, les armes et la vertu. Dans
ce dernier livre se trouvent, à côté d'étranges erreurs où
l'entraîne en général l'application de la logique abstraite à
des faits d'expérience, des vues singulièrement justes et pro-
fondes. Prenant la question ab ovo, il traite d'abord de l'ori-
gine du langage, et se demande pourquoi il a été donné à
l'homme seul et non aux anges et aux bêtes. Passant à la
confusion des langues, il en donne une classification et en
distingue en Europe trois familles. L'une est celle des
idiomes romans qu'il distingue, selon leurs particules affir-
matives, en langue à' oïl (français du Nord), langue à' oc
(comprenant l'espagnol) et langue de si (italien) , Chacun
de ces langages se subdivise à son tour, au point que les
gens habitant à quelques lieues les uns des autres ne parlent
pas exactement de même ; aussi en face de ces idiomes
variables a-t-on été obligé d'inventer, pour s'entendre
entre savants de divers pays, une langue commune, le latin,
dont il fait ainsi une création artificielle. Des trois langues
romanes, il se demande laquelle doit avoir la prééminence
et il la décerne à l'italien, parce qu'il se rapproche plus du
latin et qu'il a été embelli par les poètes lyriques les plus
parfaits. Mais l'Italie possède une infinité de dialectes ; il
en distingue quatorze, divisés en deux grandes sections
séparées par les Apennins ; il les passe en revue et les re-
jette tous également : la langue qu'il met au-dessus de toutes
les autres est ce fameux vulgaire illustre dont il trouve
des traces dans la bouche des courtisans, qui, bien qu'issus
de contrées diverses, s'éloignent de l'usage particulier de
leur province pour adopter la même manière de s'exprimer;
seulement il ne comprend pas l'étroite relation de cette
langue littéraire avec le toscan qu'il parlait lui-même, et
il voit dans les dialectes une corruption de cette langue
type. Mais ce vulgaire illustre, à qui il accorde les louanges
les plus enthousiastes, ne peut être employé pour tous les
genres; il en distingue trois principaux, la tragédie,
V élégie, la comédie, qui n'ont rien de commun avec les
genres antiques désignés sous ces noms et qui représentent
simplement différents degrés de noblesse. A la tragédie
seule (qui comprend la chanson) convient le vulgaire
illustre. C'est à la chanson qu'il consacre le reste du
deuxième livre. Il présente, sur les particularités de style
et de métrique propres à ce genre, des observations extrê-
mement minutieuses, qui sont d'un très grand prix pour
l'histoire formelle de la chanson italienne et provençale.
L'ouvrage s'arrête au quatorzième chapitre du deuxième
livre, mais il est inachevé et Dante nous apprend lui-même
(II, 4) qu'il avait l'intention de traiter dans une autre
partie des genres inférieurs. Cet ouvrage était donc d'abord
m — DANTE
une apologie de la langue italienne, mais aussi un « Art
poétique ».
IV. Divine Comédie. — L'objet principal que Dante se pro-
posait en écrivant le grand poème qui a occupé toute la
fin de sa carrière, n'était point, comme on l'a cru souvent,
de flageller ses ennemis politiques, ni, comme l'a dit Fau-
riel (l, 448), de glorifier Béatrice : c'était de faire œuvre
d'édification. Ce n'est donc ni une pensée de haine, ni une
pensée d'amour qui a inspiré la Comédie, mais une préoc-
cupation religieuse. Il n'y a aucune raison non plus d'ac-
cepter le système de Witte et de Scartazzini d'après les(juels
Dante, après avoir traversé une période de foi, puis de
recherche indépendante et même d'apostasie, serjait revenu
à une parfaite soumission aux dogmes (à ces trois phases
correspondraient la Vita nuova^ le Convivio et la Comé-
die), Il y a dans la vie morale de Dante une parfaite unité :
tout ce qu'on peut dire, c'est que, sans abandonner la
philosophie, il inclina de plus en plus vers la théologie ; le
Convivio, qui est surtout un traité philosophique sans
doute, mais qui contient de très claires professions de foi
catholique, ne peut être mis en opposition avec la Comé-
die dont il formerait plutôt la préface. Nous possédons un
document qui ne permet aucun doute sur les intentions de
Dante : c'est une longue lettre latine {Opère latine, éd. de
Giuliani, II, 34-36) qu'il adresse à Can Grande en lui
dédiant le Paradis ; il y déclare que son poème est une
œuvre doctrinale, dont il faut considérer entre autres
choses le sujet, le but et le genre de philosophie, « Le
sujet, si on le considère littéralement, est l'état des âmes
après la mort...; si on le considère allégoriquement, c'est
l'homme soumis, en tant qu'être libre, à la justice qui le
récompense ou le punit suivant ses bonnes ou ses mau-
vaises actions. » Le but, c'est « d'arracher à leur misère
ceux qui vivent de la vie présente, et de les conduire à la
félicité » ; le genre de philosophie est donc« la morale pra-
tique ou éthique ». (Cf. sur l'intention morale du poème,
Enfer, XXVIII, 48 ; Purgat., V, 61 ; XXX, 136 ; XXXII,
1 03 ; XXXIÏI, m ; Par. , XXVII, 64.)
Ce souci d'enseignement moral ou scientifique était géné-
ral à l'époque de Dante : Brunetto Latini, dans son teso-
retto (sorte de remaniement de son Trésor français) avait
essayé de répandre, par l'usage de la langue vulgaire et de
la forme versifiée, les immenses connaissances qu'il avait
acquises sur toutes choses ; Francesco da Barborino allait
écrire ses Documenti d'amore qui sont un cours complet
de morale chrétienne et sociale. Mais Dante commit que
l'exposition didactique convenait mal à son but, et il s'ins-
pira, dans le choix de la forme, de toute une école de
poètes religieux et populaires qui fleurissait depuis cinquante
ans dans la haute Italie. Ceux-ci, à l'enseignement dogma-
tique de la morale avaient substitué la peinture, souvent
la plus crue et la plus réaliste, des peines qui attendent
l'homme après sa mort. Uguccione de Lodi avait essayé de
terrifier les pécheurs par d'aflVeux tableaux de l'enfer;
Pietro da Barsegape etFraBonvesin da Riva avaient retracé
les scènes du jugement dernier ; Fra Giacomino de Vérone,
un des précurseurs les plus directs de Dante, avait opposé
au tableau des tourments de l'enfer celui des joies du
paradis. Mais ce n'était point assez pour le génie éminem-
ment dramatique de Dante ; il suppose qu'il a assisté lui-
même aux spectacles qu'il voulait peindre; il remplace,
comme il l'avait déjà fait dans le Vita nuova, la descrip-
tion par la vision. Ici encore il avait des prédécesseurs
directs : grâce à la soif du merveilleux, à la créduhté géné-
rale, les Voyages dans le monde surnaturel s'étaient mul-
tipliés dès les premiers siècles de l'Eglise ; on croyait que
Lazare avait composé sur les peines infernales qu'il avait
vues de près un livre qui s'était perdu par la suite; saint
Paul ayant déclaré qu'il avait été ravi au troisième ciel, de
pieux faussaires avaient rédigé le récit de ce qu'il y avait
vu (Cf. Enfer, II, 28 ; version française [xin^ siècle] de ce
texte dans Ozanam, Dante, etc., pp. 425-437) ; plusieurs
saints des premiers siècles, saint Carpe, saint Sature, sainte
DANTE
896 —
Perpétue, sainte Christine étaient censés avoir été ravis au
paradis ou promenés en enfer. Ces légendes qui avaient eu
d'abord un caractère optimiste, devinrent de plus en plus
sombres; à partir du viii® ou du ix*' siècle, à mesure
qu'elles se multiplient et obtiennent plus de crédit, elles
font une place de plus en plus grande à d'affreuses descrip-
tions des peines infernales ; au xif- siècle, cette littérature
déjà extrêmement riche s'était accrue de trois visions, sor-
ties toutes trois de l'inépuisable imagination celtique ; le
voyage de saint Brandan et de ses moines à la recherche
de l'île des Bienheureux, le purgatoire de saint Patrice et
la vision de Tyndal. Enfin, à la même époque, un moine
du Mont-Cassin, Albéric, avait raconté comment, une co-
lombe l'ayant enlevé par les cheveux, saint Pierre escorté
de deux anges lui avait fait visiter l'enfer et le paradis.
C'est toujours à peu près sous les mêmes traits que tous ces
ouvrages représentent le monde surnaturel ; en enfer par
exemple, les pécheurs sont plongés dans des lacs de glace,
de sang ou de fange ; ils sont mordus par des serpents ou
torturés par les diables ; on y retrouve, ainsi que dans un
grand nombre de mythologies, « le pont des âmes », étroit
comme une lame de couteau et glissant comme la glace.
Il y aurait à faire entre plusieurs de ces ouvrages et la
Comédie de curieuses comparaisons : il n'est pas certain
cependant que Dante ait lu aucun d'entre eux ; mais les
traits qu'ils reproduisaient à l'envi étaient entrés dans la
circulation et c'est sans doute par la tradition populaire
qu'ils sont arrivés à Dante. C'était un coup de génie, de
la part de celui-ci, que de ramasser cette forme qui, chère
entre toutes à l'imagination et à la piété des masses, devait
lui permettre de répandre aussi loin que possible ses con-
ceptions de philosophe et de théologien. Cette association
pour la première fois réalisée entre l'art raffiné de l'école et
la pensée populaire ne devait pas moins profiter au poète
qu'au moraliste : nous allons voir comment la poésie popu-
laire, dont il empruntait les créations grandioses, mais
frustes, pour les revêtir d'une forme digne d'elles, allait
communiquer à son poème quelque chose de sa fraîcheur
et de son éternelle jeunesse.
La fiction sur laquelle repose tout le poème est la sui-
vante : arrivé au miheu du voyage de notre vie, c.-à-d. à
l'âge de trente-cinq ans (c'est en mars ou avril 4300 que
l'événement est censé se passer), Dante se trouve dans une
forêt obscure, sans savoir comment il y est parvenu ; il
arrive après bien des détours au pied d'une colline dont le
sommet est éclairé des premiers rayons de l'aurore ; il en
tente l'ascension, mais le chemin lui est barré par une pan-
thère, un lion et une louve; il allait redescendre dans la
sombre vallée, quand il voit se dresser à ses côtés Virgile
qui l'avertit qu'on ne peut sortir de ce lieu par la voie
droite, et lui offre de lui faire faire à travers le royaume
éternel un voyage qui assurera son salut. Dante hésite ;
mais Virgile lui révèle qu'il lui a été envoyé par Béatrice et
que le poète la retrouvera au terme du voyage. Dante
réconforté se met en route derrière Virgile qui lui sert de
guide dans l'enfer et le purgatoire, mais qui, arrivé au
seuil du paradis, cède la place à Béatrice elle-même.
Dante représente ici, comme il nous l'a expliqué, l'àme
humaine en général : celle-ci se trouve dans la sombre
vallée de la vie, sans savoir comment elle y a été jetée ; elle
voudrait en sortir pour gravir la montagne rayonnante,
c.-à-d. pour atteindre à la félicité, mais elle voit se dres-
ser devant elle la luxure, le vice propre à la jeunesse, l'or-
gueil, plus terrible qu'elle, enfin l'avarice, le plus redou-
table des vices « parce qu'il s'accouple à tous ». L'homme
ne peut leur échapper qu'en se mettant sous la conduite
de la raison qui lui en montre les funestes conséquences.
Si Virgile est choisi par Dante pour représenter la raison
éclairée par la philosophie, c'est qu'il était considéré au
moyen âge comme le type du sage et du savant (le peuple
faisait de lui un magicien) ; il faut ajouter aussi que sa
quatrième églogue le faisait regarder comme un précurseur
du christianisme et que le sixième livre de V Enéide le
désignait comme un guide tout naturel pour «n voyage dans
les régions infernales. — Mais la raison humaine, comme
Dante l'a déjà exposé dans le De Monarchia (III, 45;
V. plus haut), peut tout au plus nous faire comprendre la
laideur du péché, et nous en affranchir par le remords
(symbolisé par le purgatoire) ; la féHcité éternelle, à laquelle
l'homme aspire, consiste dans l'union intime avec Dieu, et
cette union est la récompense de la foi, dont la théologie
nous révèle les mystères. C'est bien la théologie en effet
que symbolise l'idéale et angélique figure de Béatrice ; il
est impossible de le nier, comme Fa essayé Fauriel, trop
préoccupé de sauvegarder la réalité historique du person-
nage ; en effet, s'il est évident que Béatrice n'a pas été dès
le début, dans la Vita nuova par exemple, la personnifi-
cation de la théologie, il n'est pas moins certain qu'elle
l'est devenue par la suite et cette identification tardive
n'ôte rien aux arguments qu'on peut faire valoir en faveur
de l'existence réelle de la femme aimée par Dante, qu'elle
se soit appelée ou non Béatrice, « Amicalement accompa-
gnée par le souvenir de cette première amante, Dante se
plut, comme le dit excellemment M. Rod, à lui rapporter
les hautes satisfactions que lui donnait son travail. » Sui-
vant que la philosophie ou la théologie l'emporte dans ses
préoccupations, Béatrice devient l'une ou l'autre. « Et il n'y
a plus, entre le sens littéral et le sens symbolique de cette
Béatrice transformée, les séparations qu'y introduit notre
analyse : l'une et l'autre se sont fondues en un seul être. »
Mais si c'est une pensée religieuse qui dictait à Dante
son poème, la politique ne pouvait en être absente ; en
effet, l'œuvre du salut est subordonnée aux conditions
sociales où l'homme est plongé : il faut à celui-ci, pour
l'accomplir, deux directions, celle du souverain pontife et
celle de l'empereur, interprètes respectifs de la foi et des
vérités philosophiques (V. plus haut). Or ces deux direc-
tions lui manquent souvent : le pape se fourvoie et l'em-
pereur se dérobe ; Dante est donc amené à flétrir leurs
fautes et à signaler leurs erreurs ; et comme il était en proie,
au moment où il écrivait, aux préoccupations politiques les
plus intenses, il est amené à considérer presque toutes les
vertus et tous les vices sous un angle poHtique, à choisir
tous ses types de difformité morale parmi les personnages
qu'il a vus mêlés aux affaires de son temps. Comme il est
le plus passionné des hommes, son énergique personnalité
déborde malgré lui : il se trahit dans tous les jugements
qu'il porte, et se livre tout entier dans ses apothéoses et
ses invectives. Ajoutons enfin qu'il ne laisse pas seulement
éclater ses haines poUtiques, mais qu'il nous fait aussi le
confident des pensées plus douces qui l'animaient, et que
l'idée de son amour toujours vivant pour Béatrice plane
sur tout le poème ; c'est pour la revoir qu'il entreprend ce
voyage et avant de la suivre au paradis, il se confesse à
elle de toutes ses erreurs. La personne de Dante remplit
donc la Comédie^ et c'est en somme une idée juste que
Gozzi exprimait sous une forme paradoxale en proposant de
l'appeler Dantéide. C'est ainsi que ce poème, qui devait
être une sorte d'introduction à la vie du sage et du chré-
tien, est devenu le plus animé des tableaux de l'Italie à la
fin du xiii^ siècle, et la plus vibrante des confidences per-
sonnelles.
Il nous reste à montrer par une analyse aussi précise que
possible comment, de la réunion de tous ces éléments, est
né un chef-d'œuvre, et quelles indications il nous donne
sur le caractère et le talent de son auteur. Dante se
représente l'enfer comme un immense entonnoir abou-
tissant au centre de la terre, et qui se divise en neuf
cercles (dont quelques-uns ont même des subdivisions)
où sont punis les divers genres de fautes, celles-ci deve-
nant plus graves à mesure qu'on approche du fond;
cet espace est peuplé non seulement par les damnés et par
les diables, mais par un certain nombre de personnages
empruntés à la mythologie antique, que Dante se repré-
sentait peut-être, à l'exemple de son époque, comme des
démons, et dont il a transformé les traits dans un sens
grotesque : ainsi Minos est un monstre pourvu d'une queue
qui peut faire sept fois le tour de son corps ; Géryon est
un animal à face humaine, au corps de serpent, qui a deux
serres velues, le dos et la poitrine marquetés de nœuds et
de taches, etc. L'enfer est précédé d'un espace libre (Prein-
ferno) où sont enfermés ceux qui, coupables seulement de
viltà, comme le dit dédaigneusement le poète (chant ÏII),
furent sans vertus et sans vices. Après avoir traversé
l'Achéron sur la barque de Charon, qui ne cède qu'à grand'-
peine à une injonction de Virgile, les deux voyageurs arri-
rent aux Limbes (premier cercle), où senties âmes ver-
tueuses qui n'ont pas reçu le baptême ; Dante nous donne
ici un touchant témoignage de son amour pour l'antiquité
et de curieuses indications sur ce qu'on en connaissait à
son époque, en y mettant pêle-mêle des poètes, des héros
épiques et historiques, des philosophes et des savants ; il
fait preuve d'une réelle indépendance d'esprit en plaçant
parmi eux Averroès, Avicenne et même Saladin, et d'un
sentiment très vif de son propre mérite, en se faisant trai-
ter d'égal par les quatre grands poètes qu'il cite (outre
Virgile), et qui sont Homère, Horace, Ovide, Lucain (ch. IV).
Le deuxième cercle est celui des Luxurieux ; c'est ici que
se place l'admirable épisode de Francesca de Rimini, un
des passages où se montre le mieux l'habileté du poète à
dessiner, en quelques traits, des figures impérissables, à
faire entrer en quelques vers tout un monde de senti-
ments ; dans le troisième cercle (ch. VI) sont les Gourmands
(épisode de Ciacco qui prophétise les troubles de Florence),
dans le quatrième (ch. VU) les Prodigues et les Avares, et
parmi eux beaucoup de clercs (là se trouve la personnifi-
cation de la Fortune) ; après avoir traversé le Styx sur la
barque de Phlégyas, Dante et Virgile arrivent au cmquième
cercle, celui des Colères (rencontre de Filippo Argenti).
Pour lui ouvrir la cité de Dite, défendue par les trois
Furies et qui comprend tous les cercles inférieurs, apparaît
le Messager du Ciel qui est, dans son imposante indéter-
mination, une des créations les plus sublimes de Dante.
Le poète suit jusqu'ici la classification ordinaire des péchés
capitaux, qu'il reprend dans le Purgatoire ; mais brusque-
ment, et avant d'avoir puni l'orgueil, la paresse (la villa
ne peut guère en être une forme) et l'envie, il adopte une
autre division qu'il emprunte à Aristote : tous les vices, M-
il (Enf,, XI, 82) proviennent de l'incontinence, de la bes-
tialité ou de la fraude; il fait rentrer dans la première
catégorie tous les péchés qu'il a punis jusque-là, et après
avoir placé dans le sixième cercle (ch. X-Xl) les hérétiques
(grandiose épisode de Farinata et touchante rencontre de
Cavalcanti, père de Guido), il consacre aux Violents et aux
Fraudeurs les trois derniers cercles. Mais nous ne sommes
ici qu'au douzième chant, au tiers à peu près de la pre-
mière cantica; les derniers cercles se subdivisent en effet :
le septième comprend trois enceintes (ch. XÏI-XVII) ; dans
la première sont châtiés les Violents contre les autres
(parmi lesquels sont le Minotaure et les Centaures) ; dans
la deuxième, les Violents contre eux-mêmes, ou les Suici-
dés auxquels Dante associe, on ne sait pourquoi, les Dissi-
pateurs (Pierre des Vignes, Jacques de Padoue) ; dans le
troisième, les Violents contre Dieu (Impies), contre la Nature
(Sodomites, et parmi eux Brunetto Latini et plusieurs
Florentins), contre la Société (Usuriers). Portés sur le dos
de Géryon, Dante et Virgile arrivent dans le huitième
cercle ; jusqu'ici Dante pouvait encore éprouver de la pitié
pour les pécheurs ; mais, à partir de ce moment, il ne montre
plus, pour les coupables à la punition desquels il nous fait
assister, que le plus écrasant mépris: il ira jusqu'à les frap-
per et à leur manquer de parole, comme il fait pour le
traître Bocca (XXXII, 97). Dans le huitième cercle seul
(ch. XVIII-XXX), il ménage dix fosses {Malebolgé) à la
Fraude, dont il s'ingénie à distinguer les variétés, et qu'il
punit des cernes les plus horribles : parmi ces scènes
atroces, l'œil est attiré par le supplice de Nicolas III, en-
foncé dans une fosse jusqu'à mi-corps, les jambes dépas-
sant le sol, dévorées de flamme et qui prédit le même sup-
GRANtfE ENCYCLOPÉDIE. — XIÏL
— 80T - DANTE
plice à Boni face VIir(ch. XIX), par le tableau effrayant et
fantastique de la métamorphose de deux damnés en ser-
pents (ch, XXV), par l'apparition d'Ulysse et celle de Ber-
trand de Born : ceux-ci, par exception, obtiennent de la
part du poète une indulgence relative ; mais en général
Dante punit les coupables dans les derniers cercles par le
mépris autant que par les supplices; les peines deviennent
répugnantes ou ridicules: ainsi les Faussaires, rongés de gale,
se grattent sans trêve ; comme si Dante affectait de voir les
choses par leur côté comique, il nous montre les démons
luttant au-dessus d'un étang de poix bouillante et s'y pré-
cipitant les uns les autres, ou les damnés engageant avec
eux des tournois de grossières injures. C'est là que se
placent (ch. XXÏ-XXII) ces tableaux grotesques qui ont été
souvent rapprochés de V Enfer de Callot. Enfin les quatre
enceintes du dixième cercle, autour duquel les géants
mythologiques forment comme une effrayante bordure, ren-
ferment les Traîtres: Traîtres à leurs parents (Caïn), à leur
patrie (Anténor, Bocca, Ugolin et Roger), à leurs hôtes
(frère Albéric), à leurs bienfaiteurs (Judas, Brutus et Cas-
sius) ; ces trois derniers sont broyés dans les trois bouches
de Lucifer, géant monstrueux à trois têtes, qui, plongé dans
un glacier, forme le fond de l'enfer. — Dans l'invention des
divers supplices, Dante déploie une grande imagination ;
cependant le principe qui la règle ne lui appartient pas :
c'est celui du contrappasso (qui n'est autre que le talion),
déjà exposé théoriquement par saint Thomas et employé
par les auteurs de visions antérieures à Dante (ainsi frère
Albéric place les Meurtriers dans une mare de sang) ; mais
il est chez Dante appliqué avec une rigueur et diversifié
avec une ingéniosité inconnues jusqu'à lui ; il y a toujours
un rapport (qui est parfois médiocrement clair), soit de
similitude, soit de contraste, soit l'un et l'autre, entre la
faute et le châtiment; ainsi les Lâches courent, éternelle-
ment piqués par des insectes ; les Luxurieux sont emportés
par de furieux tourbillons (figurant l'impétuosité de la pas-
sion) ; les Prodigues roulent des pierres qui retombent sans
cesse, et se fatiguent vainement, comme ils l'ont fait sur
la terre; les Violents sont plongés dans un fleuve de sang;
les Suicidés, qui ont violemment chassé la vie de leur corps,
ont l'âme violemment et pour toujours enfermée dans des
troncs d'arbres ; les Flatteurs sont plongés dans un bour-
bier ; les Devins regardent derrière eux ; les Hypocrites sont
écrasés sous des chapes de plomb dorées extérieurement,
les Larrons sont privés de la forme humaine elle-même;
les Semeurs de schismes et d'inimitiés sont tailladés par
les démons (parce qu'ils ont divisé ce qui devait être uni);
Roger est dévoré par Ugolin qu'il avait fait mourir de
faim, etc. Ces supplices matériels ne sont pas les seuls, car
les damnés souffrent aussi de la privation de Dieu et de la
haine furieuse qu'ils éprouvent les uns contre les autres,
mais on comprend que les tortures corporelles, par la
variété d'aspects qu'elles présentent, devaient tenir plus de
place que les autres.
Les tableaux que nous offre le Purgatoire n'ont ni
l'éclat, ni la variété de ceux que nous venons de parcou-
rir ; c'est un monde nouveau, d'où la passion est bannie,
et qui par conséquent offre au poète une moins riche ma-
tière. Les scènes violentes sont remplacées par de tou-
chantes entrevues (avec Casella, avec Forese Donati), ou
des conversations littéraires (avec Guinicelli, Oderisi), ou
philosophiques (avec Stace et Virgile). Les symboles y sont
aussi moins nombreux et moins vivants : la purification gra-
duelle de l'âme se marque par une ascension qui devient
de plus en plus facile à mesure qu'on approche du sommet,
(îuant à l'expiation personnelle du poète, elle n'est vrai-
ment douloureuse et poignante que dans son entrevue avec
Béatrice qui lui reproche ses erreurs passées ; cette scène
toute humaine et toute vibrante termine magnifiquement
cette partie du poème où l'humanité a trop peu de place.
C'est en rampant le long du corps monstrueux de Lucifer
que Dante et Virgile, après un voyage de vingt-quatre
heures, sortent de l'enfer par une caverne obscure qui les
57
DANTE
amène au pied du mont du purgatoire* Ce mont s'élève
isolé au centre de l'Océan qui couvre l'hémisphère austral,
juste à Fopposite de Jérusalem. Tout d'abord les deux voya-
geurs rencontrent un vieillard vénérable : c'est Caton
d'Utique dont la fonction est d'écarter lésâmes qui auraient
réussi à s'échapper de l'enfer. Puis ils gravissent la mon-
tagne par un sentier étroit oii la marche est d'abord pénible
(symbole de l'âme appesantie par le péché et s'élevant dif-
ficilement à la purification). Gomme l'enfer, le purgatoire
est précédé d'une sorte de vestibule où sont relégués les
excommuniés, et ceux qui, par négligence, ont différé leur
conversion jusqu'à leur mort, ou qui, bien que morts vio-
lemment, ont eu le temps de se repentir (rencontre de Sor-
dello qui profère contre Florence une terrible invective)
(ch. I-VI). La nuit surprend Dante et Virgile dans une val-
lée dont deux anges, armés d'épées flamboyantes, vien-
nent protéger l'entrée contre un serpent monstrueux ; Con-
rad Malaspina y prédit à Dante son prochain exil. Après
quelques heures de repos, il reprend sa route et parvient
avec son guide à la porte du purgatoire ; un ange la leur
ouvre et de la pointe de son épée trace sept ibis sur le
front du poète la lettre P, symbole des sept péchés capi-
taux. Chacun de ces péchés est purifié dans les sept cercles
du purgatoire ; Dante en reproduit simplement la liste tradi-
tionnelle (V. au ch. XVII la base philosophique donnée à cette
classification) dans l'ordre suivant : orgueil, envie, colère,
paresse, avarice, gourmandise, luxure (ch. X-XXXVI).
Comme en enfer, les épreuves sont dans un rapport logique
(qui là aussi est quelquefois obscur) avec les fautes:
les Orgueilleux sont courbés sous de lourds fardeaux, les
Envieux ont les yeux cousus, les Colères sont plongés dans
la fumée, les Avares pleurent étendus sur le sol (supplice
expliqué au ch. XIX, fin), les Gourmands sont doublement
torturés par la faim et la vue d'un arbre chargé de fruits,
les Luxurieux sont plongés dans la flamme. Tous entendent
citer par des voix mystérieuses ou voient sculptés sur les
murs des exemples du vice auquel ils se sont abandonnés,
ou de la vertu qu'ils ont le moins pratiquée. Chaque fois
que Dante passe d'un cercle à l'autre, un ange efface un P
de son front. De temps à autre, la montagne tremble, des
chants retentissent, on entend des battements d'ailes:
c'est une âme délivrée qui s'envole au ciel. Arrivés au som-
met, Dante et Virgile, accompagnés maintenant par Stace,
s'avancent vers la forêt du paradis terrestre; le fleuve
Léthé les arrête ; guidés par Mathilde (la duchesse de Tos-
cane ou plutôt un personnage purement symbolique), ils
assistent à une procession mystérieuse inspirée directement
par l'Apocalypse (ch. XXIX) ; précédé des vingt-guatre vieil-
lards de l'ancienne loi, entouré des quatre animaux pro-
phétiques, le Christ s'avance sous les traits d'un griffon
dont le corps terrestre et les ailes aériennes symbolisent
l'union de la divinité et de l'humanité, et traîne un char
représentant l'Eglise. Sur ce char, entourée de sept Nym-
phes (les sept vertus), se tient Béatrice : elle est voilée,
mais Dante la reconnaît au tremblement qui le saisit; il
se tourne vers son guide, mais celui-ci a disparu : il se
trouve face à face avec Béatrice qui, « pareille à une mère
réprimandant son fils », lui reproche de s'être laissé dis-
traire de son souvenir par les méprisables vanités de la
terre. Dante, vaincu par le remords, s'évanouit. Quand il
revient à lui, il est plongé dans les ondes du Léthé qui ont
effacé ses fautes et d'oîi le tire Mathilde : il suit alors le
cortège symbolique, il assiste aux attaques dirigées contre
le char mystique par l'aigle, le renard et le dragon (les
empereurs, les hérétiques, Mahomet) ; il le voit traîné par
un monstre à sept têtes (les sept péchés capitaux) et con-
duit par une prostituée (le pape) ayant à ses côtés un géant
(Philippe le Bel). Après que Béatrice lui a expliqué cette
vision, elle lui fait boire de l'eau de l'Eunoé, et alors enfin
purifié, il se sent prêt à « monter aux étoiles » (ch. XXX-
XXXIII). Le voyage au purgatoire avait duré trois jours.
On pourrait croire qu'en entrant dans le paradis, nous
abordons un monde encore plus étranger à toute passion
humaine ; heureusement nous y retrouvons Dante lui-même
avec ses préoccupations terrestres qu'il fait volontiers par-
tager aux bienheureux. Sous la conduite de Béatrice, son
âme (car son corps est resté sur la terre) pénètre dans le
séjour des élus (il ne dit nulle part combien de temps il y
reste), et il lui est donné de concevoir leur béatitude. Le
principe de cette béatitude est dans la vue directe de Dieu,
qui est plus ou moins complète suivant les mérites des
bienheureux ; quoique les rangs soient inégaux, la béatitude
est la même pour tous les esprits, aucun nedésirant un bien
plus grand que celui qu'il possède (ch. lïl, 63 et suiv.) ;
quant à leur siégea tous, c'est le dixième ciel ou Empyrée;
cependant, Béatrice, pour faire comprendre à Dante les
divers degrés de leur félicité, les lui montre dans les sept
cieux qu'admettait le système astronomique de Ptolémée
(ch.IV). Dans le premier, celui de la lune (ch. II-V), sont
les âmes de ceux qui, involontairement, ont manqué à leurs
vœux ; dans celui de Mercure (celui de la gloire) (ch. VI-
VIII), les esprits qui ont fait le bien, mais par amour de la
gloire (Justinien, Romée, ministre de Raymond Bérenger,
comte de Provence) ; dans celui de Vénus (ch. VIII-IX), les
esprits qu'a « vaincus l'influence de l'étoile amoureuse »
(Charles Martel, roi de Hongrie, Cunizza d'Esté, Folquet
de Marseille) ; dans celui du Soleil (ch. X-XIII), les maîtres
de la vie religieuse, saint Thomas d'Aquin, saint François
d'Assise, saint Bonaventure, saint Dominique ; dans celui
de Mars (ch. XIV-XVII), ceux qui ont combattu pour la foi
(Cacciaguida) ; dans le sixième, celui de Jupiter (ch. XVIIÏ-
XX), les grands justiciers (les princes justes) ; dans celui de
Saturne (ch. XXI-XXII), les esprits contemplatifs (saint
Pierre Damien, saint Benoît). Le poète, ayant dépassé les
sept sphères, se fait interroger sur la foi par saint Pierre,
sur l'espérance par saint Jacques, sur la charité par saint
Jean (ch. XXIII-XXVI) ; il est alors ravi dans le premier
mobile où il voit l'essence divine, entourée des neuf chœurs
des anges (ch. XXVIII-XXIX) ; enfin, dans le dixième ciel ou
Empyrée il peut, en contemplant le nombre des élus, com-
prendre la grandeur de la cité de Dieu, assister à la gloire de
Marie, enfin s'élever à la vision de la Trinité même, où il
entrevoit, dans la personne du Verbe, rhumanitè jointe
à la divinité.
La Comédie ne nous montre point, en somme, un Dante
différent de celui que nous avons étudié plus haut ; mais
son indépendance apparaît plus nettement dans les juge-
ments qu'il est amené à porter sur les hommes et sur les
faits que dans les dissertations abstraites de ses ouvrages
dogmatiques. L'architecture morale de l'enfer et du pur-
gatoire a pour fondement les théories des scolastiques, com-
plétées, à l'occasion, par celles d'Aristote; mais la liberté
d'esprit de l'auteur éclate à chaque pas ; contentons-nous
de signaler la façon si originale dont il a remanié la classi-
fication officielle des fautes possibles, comme si les cadres
anciens lui paraissaient trop étroits pour ses conceptions
morales ; il en a fini en sept chants (dans V Enfer) avec les
péchés capitaux, et il ne lui en faut pas moins de vingt-deux
pour punir la violence et surtout la fraude contre laquelle
il se déchaîne avec une sorte d'acharnement ; on reconnaît
là sa noblesse de caractère et cet instinct de la rectitude
dont il s'était proclamé le poète dans le De Vulgari
Eloquio.
Quant à sa foi, elle apparaît, ici comme ailleurs, entière,
absolue. Nous ne sommes plus au temps où, cha(jue opinion
littéraire, politique ou religieuse tirant à soi le grand
poète, on faisait de lui un romantique, un républicain, un
carbonaro, voire un socialiste (Aroux), un hérétique, un
révolutionnaire. Révolutionnaire, nous allons voir dans
quel sens il l'est ; hérétique, il ne l'est à aucun degré ; il
punit l'hérésie des plus affreux supplices et il accepte doci-
lement tous les dogmes, même les plus choquants pour la
raison à laquelle il adresse les hautaines apostrophes du
croyant sûr de sa foi (Purg.,lH, U ; Par., XXIX, 80). Il
oppose au doute le plus modestement exprimé l'autorité des
Ecritures (Par., III, 31 ; XXIX, 82-86). Rien n'est plus
significatif que îa complaisance avec laquelle il multiplie,
dans le Paradis, les explications théologiques ; on sent
qu'il y adhère de toute son âme et que cette adhésion lui
semble un bienfait qu'il aspire à faire partager à tous. Mais
il conserve néanmoins une grande liberté d'esprit sur cer-^
tains points qu'il ne juge pas tranchés par la foi ; ainsi il
ose mettre en paradis Mucius Scsevola et Riphée ; il lait
de Caton, païen et suicidé, le gardien du purgatoire, et s'il
place en enfer certains héros païens, on sent que c'est à
regret et qu'il leur conserve sa sympathie. Il ne craint pas
de promettre le ciel (dont le purgatoire n'est que l'anti-
chambre) aux excommuniés. Il respecte l'Eglise cependant,
mais surtout quand il la considère abstraitement, car
presque aucun de ses pasteurs n'a trouvé grâce devant lui ;
il ne met au ciel que les successeurs immédiats des apôtres
et un moderne, Jean XXI, savant austère, qui fut pape
aussi peu que possible et ne porta, du reste, la tiare que
huit mois. L'enfer, au contraire, en est peuplé ; ils s'en-
tassent, en nombre indéterminé, dans le gouifre qui en-
gloutit, la tête la première, les simoniaques, et ce sont
quelques-uns d'entre eux, Boniface VIÏÏ par exemple, qui
lui ont inspiré les satires les plus cruelles peut-être qui
aient jamais été écrites ; il assigne enfin à Henri VIÏ, un
des adversaires les plus acharnés de la papauté, une place
éminente dans le ciel. Ne croyons pas cependant qu'il rêve
la destruction de l'Eglise ; non, il la respecte et ressent
très vivement l'outrage qu'elle subit, même dans la per-
sonne de son plus mortel ennemi, mais il voudrait, comme
Luther, qu'elle se retrempât dans la foi, la simplicité, la
pauvreté évangéliques pour reprendre plus dignement la
direction morale de l'humanité, et il est sympathique à tous
ceux gui tentent une réforme dans ce sens, saint François
d'Assise, saint Dominique et même le très suspect Joachim
de Flore ; mais, ce qui le distingue profondément de Luther,
c'est que jamais il n'est entré dans sa pensée de porter la
main sur le dogme.
Ce qui règle l'opinion de Dante sur les papes, sans qu'il
s'en doute, c'est beaucoup moins un principe général que
la part qu'il leur a vu prendre dans les troubles de sa
patrie. C'est que la passion politique a été, en effet, une
des plus intenses qu'ait éprouvées cette âme où tous les
sentiments étaient de flamme ; la Comédie, mieux que
toute autre œuvre, fait comprendre combien l'exil dut peser
à ce tempérament fait pour l'action ; l'image de sa patrie
absente est sans cesse devant lui, à toutes les étapes de son
voyage mystique ; en enfer, c'est de Florence que lui
parlent Farinata et Brunetto Latini ; en purgatoire (ch. VI),
en voyant Sordello, il se laisse emporter à la flageller
d'ironiques éloges, et Guido del Duca (ch. XIV) des-
cend en imagination le cours de l'Arno, pour faire un
affreux tableau des vices qu'il trouve sur son passage ; en
paradis même, c'est encore de Florence que parlent Folquet
de Marseille et Cacciaguida, qui fait de ses mœurs une
satire où ne se retrouve guère la sérénité des bienheureux.
Comme tous les désenchantés, Dante ne voit que honte et
misère dans le présent et recule son idéal dans le lointain
du passé {Purg,^ XI, fin). ïl ne faut pas se plaindre de
cette place énorme que tiennent, dans la Comédie, les
préoccupations locales et actuelles du poète. Ce sont elles
précisément qui font la beauté et là vie de l'œuvre; soyons
sûrs que Dante n'eût pas tracé des tableaux si énergiques
et si vivants s'il se fût astreint à une méthodique et impar-
tiale revue de l'histoire universelle.
D'un tempérament aussi fougueux , il ne faut pas
attendre une justice absolue. M. Bartoli, examinant la
légitimité de ses admirations et de ses haines, a montré
qu'il tallait bien souvent les attribuer à l'influence de motifs
tout personnels dont plusieurs nous échappent, et qu'il avait
rarement parlé le langage de l'histoire ; c'est ainsi qu'il
faut expliquer sa sévérité pour ce Filippo Argenti, dont le
grand tort était d'être le frère de celui qui jouissait de ses
biens durant son exil, pour Catalane et Loderingo, les
« frères Oaudenti », qui avaient mécontenté à Florence
- 899 - DANTE
les deux partis par une administration trop impartiale, et
en revanche son indulgence pour Nino Visconti, aussi cou-
pable que son oncle Ugolin, pour Conrad Malaspina, pour
Cunizza d'Esté qui avait mené une vie fort déréglée (indul-
gence dont on connaît mal les raisons précises), pour le
jeune Charles-Martel, mort à vingt-trois ans, dont le mé-
rite le plus clair fut, semble-t-il, d'avoir bien accueilli le
poète et apprécié ses vers.
Mais si Dante s'abandonne tout entier à sa passion, cette
passion est bien la sienne et non celle d'un parti ; son
poème, on l'a remarqué, n'est ni guelfe ni gibelin ; s'il y
a en enfer neuf guelfes de marque, il s'y trouve sept gibe-
lins. Au purgatoire, il y a quatre représentaats de chaque
parti, et en paradis (le trait est certainement voulu) il n'y
en a aucun. C'est qu'en effet, comme le dit fort bien
M. Bartoli, « Dante est gibelin par force ; il est gibelin
par dédain, par colère, par désir de vengeance, gibelin à
cause de Boniface VIÏI et de Charles de Valois ; mais par
ses traditions et ses affections de famille, par les sacrés et
doux souvenirs de sa jeunesse, il était guelfe ». En d'autres
termes, la Comédie est bien de cette période de sa vie où,
aigri, désenchanté, il avait résolu de faire un parti « à lui
seul », haïssant également les guelfes dont la vengeance
l'exilait de Florence, les gibelins dont les fautes l'empê-
chaient d'y rentrer, et ne comptant plus, pour s'y faire
faire une place, que sur lui-même et son livre. Là préci-
sément était la plus grande originalité de la Comédie ;
tandis que toutes les œuvres du moyen âge sont anonymes
ou impersonnelles, le poème de Dante laisse éclater à toutes
ses pages la forte et grande personnalité de son auteur ; nous
l'avons suffisamment montré dans tout ce qui précède pour
n'avoir point à y revenir. — Au point de vue purement litté-
raire, elle ouvre également une ère nouvelle et l'on com-
prend l'enthousiasme qu'elle excita dès son apparition. La
qualité qui nous frappe le plus aujourd'hui est cette extraor-
dinaire imagination, une des plus puissantes que manifeste
aucune littérature ; c'est surtout dans les saisissants tableaux
de V Enfer qu'elle se donne carrière, et c'est elle qui a
conquis tant d'admirateurs à cette partie de la Comédie ;
elle n'est pas moins puissante dans les deux autres ; mais
elle y était contrariée par îa nature même du sujet, et la
préférence générale en faveur de ï Enfer, contre laquelle
s'élève Fauriel, est parfaitement fondée ; dans le Purga-
toire et le Paradis, en effet, Dante essaye de faire saisir
l'insaisissable; dans le purgatoire, il est vrai, les âmes
ont encore une apparence extérieure (Dante dit bien que ce
sont de purs esprits, mais, obéissant à son instinct de
peintre, il parle d'elles comme si elles étaient revêtues de
leur corps) ; mais les anges, au moins à partir du premier
cercle, ne sont plus que flammes et rayons. Au paradis,
l'immatérialité est absolue: les âmes, comme les anges,
sont de purs esprits, des lumières qui ne se distinguent plus
entre elles que par leur plus ou moins d'éclat. Dante a
vaincu ces diflîcultés autant qu'elles pouvaient l'être. Son
imagination se retrouve d'abord dans les morceaux d'expo-
sition philosophique où il revêt les pensées abstraites de la
poésie la plus brillante, la plus concrète et qui offriraient
d'excellents modèles aux esprits curieux qui essaient, de
nos jours, de créer une poésie scientifique ; elle se retrouve
ensuite dans les couleurs par lesquelles il a essayé de
figurer aux yeux l'immatériel. Pour peindre les paysages
mélancoliques et ternes du purgatoire, il multiplie les teintes
douces, les tonalités amorties, les vers à la molle et pure
harmonie. Dans le Paradis, il essaye, non sans bizarrerie,
de parler aux sens en groupant les bienheureux suivant
des dessins allégoriques ; ainsi les âmes des guerriers
forment une croix ; celles des justiciers, un aigle ; celles
des contemplatifs, une échelle. S'il n'a plus à sa disposi-
tion que les images empruntées à la lumière, il en tire un
admirable parti ; c'est une image grandiose que celle par
laquelle il représente la divinité environnée des saints, sous
la figure d'une immense rose dont le centre, formé par une
éblouissante clarté, est Dieu lui-même, et dont les pétales
DANTE
— 900
servent de siège aux bienheureux. Cette image, merveilleu-
sement soutenue et prolongée (XXX, 61 et suiv.), fait bien
sentir les qualités et les lacunes de cette poésie ; il y a là
plus de précision peut-être que le sujet n'en comportait et
cette précision est moins sublime que ne le serait l'indé-
termination ; le passage est d'un éclat incomparable, mais
qui finit par être monotone et fatiguer la vue.
Cette qualité s'associe à une autre dont elle est la con-
séquence, Dante n'est un grand créateur que parce qu'il a
été un grand observateur. Il a « une vue perçante qui a
tout noté, tout retenu ; nul n'a montré tant de choses et ne
les a montrées si nettement, d'un trait si sûr et si ferme ».
(Marc Monnier). C'est grâce à cette extraordinaire puis-
sance plastique que notre vue n'est pas troublée, dans
l'enfer notamment, par cette rapide succession de tant de
personnages variés ; nous ne pouvons ni les oublier ni les
confondre, parce que, pour les peindre, Dante a choisi le
détail le plus caractéristique et le plus vivant; s'ils se
gravent dans notre mémoire, c'est moins grâce à leur phy-
sionomie morale qu'à leur attitude extérieure, car leurs
sentiments, ordinairement extrêmes, sont en général très
simples et sommairement analysés ; mais comment oublier,
par exemple, Sordello « qui regarde comme le lion au
repos » ; Farinata, « qui sort de son sépulcre de la cein-
ture à la tète, redressant la poitrine et le front, comme
s'il avait l'enfer en grand mépris » ; Bertrand de Born,
« tenant sa tête comme une lanterne » ou la levant au bout
de son bras pour « approcher sa parole » de ses interlo-
cuteurs. Cette puissance ne peut venir que d'une observa-
tion minutieuse et obstinée de la nature, car ce poète qu'on
se représente comme un mystique dédaigneux de la matière,
comme un contemplatif sans cesse replié sur lui-même et
lisant en son cœur, a ouvert sur le monde extérieur l'œil
avide et curieux d'un peintre ; non seulement il a noté
toutes les nuances du ciel et décrit la tremblotante clarté
de l'étoile matinale {Purg,^ XIÏ, 90), le firmament rosé à
l'orient, revêtu à l'occident de sérénité {Purg.y XXX, 23),
le lever des astres (Par.^ XX, 1), l'arc en ciel (Pur g.,
XXV, 91), le halo {Par,, X, 67), les étoiles filantes (Par,,
XV, 13). Non seulement il a peint tous les paysages ita-
liens, du plus gracieux au plus grandiose, mais il a saisi
au passage les aspects des choses, les attitudes des êtres
dans leur infinie variété ; il nous a montré « les flocons de
neige, tombant lentement sur l'Alpe sans vent » (Enf.,
XIV, 30), « les petites fleurs, inchnées et fermées par le
froid de la nuit, qui se dressent toutes ouvertes dès que le
soleil les blanchit » (Enf., Il, 127), « les grenouilles qui,
dans un fossé, tiennent leur tête à fleur d'eau , cachant
leurs pattes et le reste de leur corps » (Enf,, XXII, 25),
« les étourneaux qui arrivent en troupes larges et serrées
et les grues formant une longue file dans l'air » (Enf.,
V, 46 et suiv.), « l'alouette qui s'élève en chantant et puis
se tait, contente de la douceur dernière qui la rassasie »
(Par,, XX, 73). Depuis Homère, on n'avait pas vu pareille
profusion et pareille exactitude d'images. On retrouve chez
Dante jusqu'à ces comparaisons prolongées auxquelles le
poète grec s'attarde comme malgré lui et dont il fait, en
les poursuivant, des tableaux achevés, vivant de leur vie
propre (Enf,, XVII, 127 ; XXI, 7 ; XXIV, 1). On n'a pas
remarqué, quand on les lui a reprochées, que c'était la
manière même d'Homère retrouvée. Dante en effet, le premier
à cette époque de science aride et pédantesque, a éprouvé
la fascination exercée par la nature sur l'âme enfantine et
poétique des anciens ; si la poésie italienne a eu dès le
XIV® siècle ce sentiment de la beauté extérieure, que la
nôtre ne retrouvera que deux cents ans plus tard, au
contact de l'antiquité, c'est certainement à Dante qu'elle le
doit, et Dante compris, étudié chez nous, eût pu y provo-
quer à lui seul une renaissance.
La conclusion qui ressort de tout ce qui précède est que
Dante n'a été à aucun degré, comme on l'a dit souvent,
l'initiateur de la pensée moderne; en religion, en philo-
sophie, en politique, il partage toutes les idées de ses
contemporains. Ce n*est point comme penseur, c'est comme
artiste qu'il ouvre un âge nouveau ; son originalité est tout
entière, non pas même dans le choix de ses sujets, mais
dans cet extraordinaire tempérament poétique, qui lui a
fait trouver, pour les idées les plus rebelles, les formes les
plus variées et les plus parfaites, créer, phénomène unique
dans l'histoire, une langue Uttéraire qui a à peine changé
depuis, et retrouver, comme par intuition, l'art des an-
ciens. Ce qui constitue pour la critique le grand mérite de
son œuvre capitale, c'est précisément que nous y saisissons
tout l'homme du xiv® siècle, avec ses passions, ses idées,
ses préjugés, mais que toutes ces choses sont ressenties
par un des esprits les plus droits et les plus élevés, tra-
duites par un des artistes les mieux doués que l'humanité
ait jamais produits. Alfred Jeanroy.
BiBL.: Les travaux relatifs à Dante formeraient une im-
mense bibliothèq^ue ; nous n'indiquerons que les plus mo-
dernes ou, parmi les anciens, ceux qui gardent quelque
valeur.
Etudes générales. — Fauriel, Dante et les origines
de la langue et de la littérature italiennes ; Paris, 1854
(cours professé en 1833 et 34). — Ampère, la Gi'èce, Rome
et Dante ; Paris, 1848. — Todeschini, Scritti su Dante ;
Vicence, 1872 (réunion posthume de travaux passablement
antérieurs). — - Ed. Daniel, Essai sur la D. C. ; Paris,
1873. — De Sanctis, Storia délia letter. itaL et Saggi cri-
tici, 1874. — G. Carducci, Dante e il suo secolo, dans
Studi letterari ; Livourne, 1874. — Jahrbuch der deutschen
Dante-Gesellschaft, 1867-77, 4 vol. — C. Witte, Dante-
Fovschungen ; Halle, 1869, I ; Heilbronn, 1879, II. — F.-X.
Wegele, Dante AlighierVs Leben und Werke ; léna, 1879,
3« éd. — G.-A. Scartazzinî, Dante, 1883 (dans la collec-
tion des manuels Uœpli); Prolegomena delta D. C; Leip-
zig, 1890. — Marc Monnier, la Renaissance, de Dante à
Luther ; Paris, 1884, cli. i. —A. Bartoli, Storia delta let-
ter. liai. ; Florence, 1885-89, t. IV- VI. — A. Gaspary,
Storia délia lett. ital. (traduction augmentée de Tédition
allemande) ; Turin, 1887, t. I, ch. x, xr. Ces deux derniers
ouvrages résument parfaitement les plus récentes recher-
ches et nous les avons largement mis à profit.
Editions. — J.-B. Giuliani, la Vita nuova e il Canzo-
niere di D. A. ; Florence, 1868. — C. Witte, la Y. N. di
D. A.; Leipzig, 1876.— D'Ancona, la Vita nuova di D. A. ;
Pise, 1872, l"-» éd. ; 1884, 2« éd. très augmentée. — Frati-
celli. Opère minori di D. A., I: il Canzoniere. — Giu-
liani, il Convivio di D. A. ; Florence, 1874. — Du même,
Opère latine di D. A.; Florence, 1878-82. — Parmi les
innonnbrables éditions de la Divine Comédie, qui ont été
publiées depuis 1472, on peut recommander particulière-
ment celles de Witte; Berlin, 1862 ; Bianchi ; Florence,
1863 ; Fraticelli ; Florence, 1871 ; Scartazzinî ; Leipzig,
1874-75-82, 3 vol. avec un commentaire très abondant.
Traductions françaises. — En prose : par Artaud,
1811-13; Fiorentino, 1840; Brizeux, 1841 ; Aroux, 1854 ;
Lamennais, 1855 ; Mesnard, 1854-67. — En vers : par
L. Ratis bonne, 1853-60.
Biographie. ■— Outre quelques-uns des ouvrages cités
plus haut, V. Fraticelli, Storia delta vita di Dante ; Flo-
rence, 1861, et surtout Bartoli, Storia.. ., 1884, t. V, où
Ton trouvera l'indication des très nombreuses dissertations
consacrées à des points spéciaux. — Cf. Ed. Rod, dans la
Revue des Deux Mondes du 15 déc. 1890. — Sur Fexil de
Dante, Del Lungo, Dell' Esilio di Dante; Florence, 1881.
— Scheffer-Boichorst, Ans Dante's Verbannung ; Stras-
bourg, 1882.
Sur les diverses œuvres de Dante, V. les ouvrages et
les préfaces des éditions mentionnées plus haut. Voici,
en outre, l'indication de quelques travaux spéciaux.
Sur la vie nouvelle, les poésies lyriques et la
«question de Béatrice », E.-J. Delécluze, Dante et la
Poésie amoureuse ; Paris, 1857 (diffus, vague et paradoxal,
mais on y trouve une passable traduction de la V. N. et
des Canzoni). — A. Perez, la Béatrice svelata; Palerme,
1865 (très médiocre). —Carducci, Délie Rime di D. A, dans
Studi letterari ; Livourne, 1874. — R. Renier, dans Gior-
nale Storico délia lett. ital., II, 366-395 (Cf. ibid., VII, 366).
Sur les traités dogmatiques. — - Ozanam, Dante et la
philosophie catholique au xiip siècle; Paris, 1845. —
Bœhmer, Ueber Dante's Monarchia ; Halle, 1866. — Du
même, Ueber Dante's Schrift. : De Vulgari Eloquio; Halle,
1868, — F. d'Ovidio, Sul Trattato de Vulgari Eloquio, dans
Archioio glottologico italiano, II, 59.— E.' Gebhart, l'Italie
mystique; Paris, 1890, pp. 193-376.
Sur la Divine Comédie, V. outre les éditions citées :
Bartoli, Storia..., t. VI, dont les notes offrent de très abon-
dants renseignements bibliogr. — Sur les précurseurs de
Dante, V. OzanAxm, thèse latine, et Des Sources poétiques
de la D. C, dans Dante et la Philosophie, p. 324. — C. La-
bitte, la Divine Comédie avant Dante (Revue des Deux
Mondes, 1842, et joint à la traduction Brizeux, coll. Char-
pentier). — A. d'Ancona, / Precursori di Dante; Florence,
901 —
DANTE - DANTISCUa
1874. -— C. Fritsche, Die latein, Vîsionen des MitteAatters^
dans Romanische Forschungen^ II, 247.
Sur la bibliographie en général. — Colomb de Ba-
TiNES, Bibliographia dantesca ; Prato, 1845-48. — Indice
générale délia, Bibl, dantesca dal... C. de B.; Bologne, 1883.
DANTE DA Maiano, poète italien de la seconde moitié
du xiii® siècle, originaire de Maiano, près de Fiesole. Il
appartient à l'école lyrique primitive, qui imite de très près
les troubadours, et Ton a même conservé de lui deux son-
nets en langue provençale. Il eut une correspondance poé-
tique amoureuse avec une dame sicilienne, qui se montra
si sensible à ses attentions et si empressée d'y répondre
qu'elle a gardé le nom de Dante accolé au sien et c|u'on la
connaît sous le nom de la Nina di Dante. Dante di Maiano
fut au nombre des çoèles célèbres auxquels son illustre
homonyme, Dante Aiighieri, adressa l'un de ses premiers
sonnets : A Ciascuii' aima presa ; la réponse du Maianese^
qui nous est parvenue, ne se fait guère remarquer que par
sa grossièreté. On a de Dante da Maiano un assez grand
nombre de chansons et de sonnets, dont Nannucci a publié
un choix dans l'ouvrage cité ci-dessous; rien dans ses
œuvres ne s'élève au-dessus du médiocre. Un critique con-
temporain, M. Borgognoui, s'est efforcé de prouver que les
œuvres provençales et italiennes de Dante de Maiano ne
sont pas authentiques, mais l'opinion de M. Borgognoni
n'est pas sérieusement soutenable, Ant. T.
BiBL. : Nannucci, Manuale délia letteralura del primo
secolo ; Florence, 1878, 3* éd. — Borgognoni, Dante da
Maiano ; Ravenne, 1882. — Du môme, la Questione maia-
nesca o Dante da Maiano; Citta di Gastello, 1885. — Novati,
Dante da Maiano ed Adolfo Borgognoni ; Ancona, 1883.
DANTÈS (Alfred Langue, dit), publiciste français, né à
Passenans (Jura) le 19 juil. 4830. Industriel et maire de
sa ville natale, il a écrit : Mémoires sur les chemins du
Jura (1855) ; Des Vins dans les concours et expositions
(4860) ; Jables biographiques et bibliographiques des
sciences, des lettres et des arts (Paris, 4865, in-8) ; A
Propos du Luxembourg (4866, in-8); Grandeur et
Décadence des travaux de Paris (4869, in-8) ; Intro-
duction aux connaissances humaines (4874, in-8);
Abréviations françaises (4874, in-8) ; Tableau chro-
nologique et alphabétique des principaux événemotts
de V histoire du monde (4875, m-8) ; la Franche-Comté
littéraire y scientifique^ artistique (4878, in-12), et
surtout un Dictionnaire biographique et bibliographique
des hommes les plus remarquables dans les lettres, les
sciences et les arts chez tous les peuples et à toutes les
époques (Paris, 4876, gr. in-8), vaste répertoire, com-
mode et estimé.
DANTHOUARD deVraincourt (Charles-Nicolas, comte),
général français, né à Verdun le 7 avr. 4773, mort à
Paris le 44 mars 4852. Capitaine d'artillerie en 479^, il
ht les campagnes des Alpes et d'Italie de 4794 à 1797, prit
part à l'expédition d'Egypte, à la campagne de Syrie, fut
promu colonel en 4800 et général de brigade en 4806
après avoir rempli les fonctions d'aide de camp auprès du
prince Eugène. Il se distingua à Wagram, fit la campagne
de Russie et celle d'Italie (4843), mais, blessé, il ne put
conserver son commandement à l'armée. Sous la Restaura-
tion, il fut inspecteur général de l'artillerie pour la région
de l'Est. Il tut élu en 4826 député de la Meuse et créé
pair de France par le gouvernement de Juillet en 4832.
Il fut mis à la retraite en 4848.
DANTl DI Giullo(Vincenzo), sculpteur, né à Pérouse en
4530. Use plaça chez un orfèvre avant de se livrer à l'art
de la statuaire. Il se distingua également comme, architecte
militaire et comme poète. Son œuvre principale est la sta-
tue en bronze du pape Jules III qui avait été primitivement
commandée à son père Giulio di Pier Yincenzo Danti. Elle
figure sur la place principale de sa ville natale. Il mourut
le 24 mai 4576 et passa les dernières années de sa vie à
Florence.
BiBL. : L. Perkins, les Scidpteurs italiens.
DANTI ER (Henri-Zéphirin), historien français, né à
Noyon en 4840. On lui doit une Description monumen-
tale et historique de V église de N.-D. de Noyon, pré^.
cédée d'un coup d'œil sur l'art chrétien au moyen âge
(Paris, 4844, in-8) gui attira sur lui l'attention de M. de
Salvandy, alors ministre de l'instruction publique, et lui
valut une mission en Italie, dont il publia les résultats dans
la Revue contemporaine {Recherches des monuments
primitifs de l'épigraphie chrétienne). Le comité des
travaux historiques le chargea alors de recueillir la cor-
respondance inédite des bénédictins de Saint-Maur et dans
ce but, il parcourut la Belgique, la Suisse, l'Allemagne et
l'Angleterre. Nous citerons encore de Dantier : Histoire
du moyen âge (Paris, 4852, in-42); les Monastères
bénédictins d'Italie (4866, 2 vol. in-8); l'Italie^ études
historiques (4874, 2 vol. in-8); les Femmes dans la
société chrétienne (4878, 2 vol. in-4).
DANTI NE (Maur-François), bénédictin de la congréga-
tion de Saint-Maur, érudit et diplomatiste, né à Gourieux,
près de Liège, le 4^"^ avril 4688, mort à Paris le 3 nov.
4746. Fils d'un cultivateur, il étudia à Douai et fit pro-
fession, à l'âge de vingt-quatre ans, dans l'abbaye de Saint-
Lucien de Beauvais. Entraîné par sa vocation pour l'étude,
il se consacra à renseignement, et professait la philosophie
dans l'abbaye de Saint-Remi de Reims quand, sur son
refus d'adhérer à la bulle Unigenitus, le cardinal de
Mailly, archevêque de Reims, le força de sortir du diocèse.
Transféré à Saint-Germain des Prés, dom Maur Dantine
fut d'abord appelé à continuer la collection des Décrétales,
interrompue par la mort de dom Constant et de dom
Mopinot ; puis à préparer une édition nouvelle du Glos-
sarium mediœ et infimce latinitatis de Du Cange, dont
trois volumes in-folio seulement avaient vu le jour en 4678,
Les cinq premiers volumes étaient déjà publiés lorsque
Dantine, en 4734, persécuté derechef pour ses doctrines
jansénistes, fut exilé à Pontoise où, tout en poursuivant
ses travaux philologiques, il écrivit une traduction des
Psaumes qui eut plusieurs éditions coup sur coup et qui est
encore estimée de nos jours : les Psaumes traduits sur
r hébreu, avec des notes tirées de V Ecriture et des
Pères, pour en faciliter Vintelligence, par un religieux de
la congrégation de Saint-Maur (Paris, 4738, in-8; 1739, in-8,
et 4740, in-4 2). Entre temps, la publication du Glossaire
était continuée par dom Carpentier, l'ancien collaborateur
de Dantine, qui fit paraître en 4736 le tome VI ; puis, en
4766, un Supplément considérable en quatre volumes in-
foho, dans lequel il passait sous silence la part importante
qui y avait eue son confrère; cette omission lui valut divers
reproches de plagiat que lui adressèrent plusieurs savants
bénédictins, notamment dom Tassin, qui les renouvela
même après la mort de Carpentier. En 4737, Dantine,
rappelé à Paris, entreprit avec dom Bouquet la publication
du Recueil des historiens des Gaules et de la France^
et s'absorba ensuite dans la composition de VArt de véri-
fier les dates, dont il avait rédigé une grande partie
quand, en déc. 1743, il fut frappé d'apoplexie. Malgré les
cruelles atteintes de la maladie, il n'en persévéra pas moins
dans sa tâche considérable, et en surveillait déjà l'impres-
sion, au moment oti une seconde attaque vint l'emporter,
à l'âge de cinquante-neuf ans. L'ouvrage, terminé par les
soins de ï^\). Clémence! et Durand, fut publié à Paris en
4750, in-4, revu et complété par dom Clément, qui en
donna deux autres éditions (Paris, 1770, in-foL, et 4783-
4792, 3 vol. in-fol.). Saint- Allais, Jullien de Courcelles et
Fortia d'Urban en ont fait paraître depuis une quatrième
édition (Paris, 4848-4844, 38 vol. in-8), avec une con-
tinuation de 4770 jusqu'à nos jours, et un supplément pour
les faits antérieurs à l'ère chrétienne. A. Tausserat.
Bibl.: M. Polain, Notice sur D, Maur Dantine, dans
Revue belge, t. I, p. 265.
DANTISCUS a Curiïs ou DANTYSZEK (Jean), poète et
diplomate polonais, né à Dantzig en 4485, mort à Herberg
en 4548. Il s'appelait Flachsbinder et prit le nomade
Dantiscus en l'honneur de sa ville natale. Il fit ses études
à l'académie de Cracovie, visita les pays étrangers, même
DANTISCUS -^ DANTON
la Palestine et FArabie. De retour en Pologne il se fit prêtre
et se fit remarquer par sa science et par son rare talent de
poète latin. Il fut chargé de missions auprès de la répu-
blique de Venise et de l'empereur, qui lui conféra le titre
de poète lauréat. Il résida longtemps en Espagne auprès de
Charles-Quint et assista en 4530 à la diète d'Augsbourg.
Il fut nommé évêque de Chelmn, puis de Warmie. Ce fut un
véritable humaniste de la Renaissance. Ses poésies latines
sont d'une facture excellente et ont été plusieurs fois
réimprimées : en 1548 par les soins d'Hosius, en 4764
par les soins deBœhm ; JohannisDantisci episcopi War-
7mensis poemata* L. L.
BiBL. : CzAPLiCKi, De Vita, et carminibus Dantisci ;Bres-
lau. 1855. — SiEMENSKi, Portraits littéraires (en poL);
Posen, 1865.
DANTON (Georges- Jacques), homme politique français,
né à Arcis-sur-Aube le 28 oct. 4759, mort à Paris le
5 avr. 4794. Son père était procureur au bailliage d'Arcis
et sa mère fille d'un entrepreneur de travaux ; il apparte-
nait à la petite bourgeoisie, au tiers état. Il passa ses pre-
mières années à l'air des champs et au bord de l'Aube,
Sous la tutelle de sa mère, ce qui lui valut une constitu-
tion physique et morale des plus saines. Puis il entra au
petit séminaire de Troyes. Mais il ne put se faire au ré-
gime de la maison, et on le plaça chez les oratoriens de
la même ville, où il suivit ses classes avec succès, inter
bonos. Il en sortit après les humanités, plein des souvenirs
de la Grèce antique et de Rome républicaine. Aussi impa-
tient de la discipline que studieux et bon camarade, il
avait reçu de ses condisciples le surnom à' Anti-supérieur
et s'était, en effet, signalé par un trait de rare décision
pour cet âge en allant seul, à pied et sans permission, de
Troyes à Reims, vers la fin de l'année scolaire 4775, pour
assister au sacre de Louis XVI et « voir comment on fai-
sait les rois ». Ces premières études terminées, on voulut
le faire prêtre, mais il refusa et choisit le barreau. Il vint
à Paris apprendre la procédure en même temps que le
droit, et achever son instruction générale (4780).'
Ce fut là sa véritable période d'assimilation et d'incu-
bation, par la réflexion et l'étude libre. Il se dédomma-
geait des aridités de la chicane par des lectures plus
attrayantes et plus conformes à sa nature ; les grands
poètes charmaient ses loisirs, comme les philosophes con-
temporains fixaient ses méditations : Dante, Shakespeare,
Corneille, Buffon, Rabelais, Montesquieu, Beccaria, Mably,
Bayle, Voltaire, Rousseau, Helvétius, Diderot, Boulanger,
Adam Smith. Au cours de la convalescence d'une grave
maladie, il lut, dit-on, V Encyclopédie tout entière^ En
bon Champenois, Danton se fit recevoir licencié en droit
à Reims, ville dont il avait gardé souvenir ; mais c'est à
Paris qu'il revint exercer sa profession (4785). Après s'être
distingué comme avocat au parlement, au point d'attirer
l'attention de maîtres comme Gerbier, Debonnières, Har-
douin, il acheta pour 80,000 livres un ofiice d'avocat aux
conseils du roi dont il devint titulaire, toutes autres for-
malités remplies, après avoir satisfait à l'épreuve du dis-
cours latin, prononcé en réunion plénière de l'ordre (4787).
Au mois de juin de la même année, Danton contractait un
mariage honorable avec Antoinette-Gabrielle Charpentier,
fille d'un contrôleur des fermes. Il trouva d'ailleurs, dans
la succession de son prédécesseur, des cHents de marque :
un prince de Montbarey, le garde des sceaux Barentin,
l'abbé de Chailly, etc., qui lui restèrent attachés. C'est
ainsi que, d'après une capacité incontestable et une entière
honorabilité, par les affaires exceptionnelles qu'il eut à
traiter aussitôt après son entrée en jouissance, on a pu
estimer à 20 ou 25,000 livres le rapport annuel de son
cabinet. Mais il y trouva encore d'autres avantages, dont
le principal fut, sans contredit, la préparation aux fonc-
tions publiques que lui procura la pratique des hautes
affaires, la meilleure école pour former des. administra-
teurs, des économistes, des législateurs et des hommes
politiques. D'autre part, la clientèle distinguée qu'il avait
su retenir ouvrait à Danton des relations d'une grande
importance : par exemple, M. de Barentin, qui lui avait
laissé lu garde de ses intérêts et qui aimait à causer avec
lui des affaires publiques, frappé de la vigueur et de la
portée de ses vues politiques, de ses opinions sur les réfor-
mes qui étaient à l'ordre du jour, — l'avocat aux conseils
croyait encore, à ce moment, avec tous ceux qui se ratta-
chaient aux encyclopédistes, à la possibilité de faire la
révolution par en haut^ — lui proposa, par deux fois,
de le prendre pour son secrétaire du sceau. Il parla
même de lui à son collègue de gouvernement, le car-
dinal de Brienne, alors premier ministre, auquel il espérait
faire prendre au sérieux les projets de Danton. Mais celui-
ci, qui tout d'abord avait hésité ou qui plutôt avait attendu
les résolutions du cardinal, refusa définitivement, lorsqu'il
eut acquis la certitude qu'il n'y avait plus rien à at-
tendre de ce côté pour l'intérêt public, et même il ne crai-
gnit pas de répondre à son illustre client : « Nous n'en
sommes plus aux réformes modestes ; ceux qui les ont re-
fusées ont refusé leur propre salut ; nous sommes plus que
jamais à la veille d'une révolution ! Eh quoi î ne voyez-
vous pas venir l'avalanche? » (Nov. 4787.) Car l'avocat
aux conseils du roi, s'il était commensal de Sa Majesté
par fonction, était aussi fort au courant des choses du
temps ; tandis qu'il fréquentait avec retenue les hautes
sphères de l'Etat, il suivait avec ardeur le mouvement po-
Mtique de son époque. La franc-maçonnerie couvrait encore
de son mystère tout l'état-major de l'armée de la Révolu-
tion, qui bientôt allait sortir de la pénombre et se montrer
au plein soleil. Danton suivait ses tenues, partageait ses
principes, ses efforts et ses aspirations ; il y nouait des
relations, il y formait des amitiés. Encore un peu, et lui
aussi allait se faire connaître ; mais d'abord il voulait être
libre. Au mois d'avril 4794, aux termes de la loi de
liquidation des offices de judicature, et alors que celle-ci
l'autorisait à opter pour une des fonctions judiciaires nouvel-
lement créées, équivalentes à la sienne, il fit donc le dépôt
de ses titres afin d'obtenir le remboursement de son office.
Il fut en effet liquidé sur le pied de 69,034 livres 4 sois,
c.-à-d. au prix qu'il avait acheté, moins la retenue du hui-
tième pour les recouvrements présumés ; il toucha cette
somme à la caisse de l'Extraordinaire le 8 oct. 4794 ; sa
quittance à l'Etat porte qu'aucune opposition n'existait
au remboursement opéré ; Danton, par conséquent,
n'avait alors aucune dette. Tout ce qui précède montre
aussi sa résolution ferme d'abandonner la carrière judi-
ciaire, un avenir certain, rémunérateur, honoré, enviable,
et de se donner tout entier à la chose publique, à cette
Révolution pour laquelle il venait de prendre parti, com-
prenant bien qu'il s'agissait, cette fois, d'un renouvelle-
ment total de l'ancien ordre social. Du même coup, il quit-
tait l'appartement de la rue de la Tixeranderie, où était
son cabinet, et venait habiter le district des Cordeliers
(sept. 4794).^
Il est certain d'après cela que, dès le début de la grande
crise, Danton avait vu clairement l'état oti se trouvait la
France, la transformation qu'elle devait accomplir, les
difficultés qui allaient se présenter. Puisque l'ancien ré-
gime, qui n'était plus possible, voulait à tout prix rester
et s'opposer à la révolution nécessaire, inévitable et indis-
pensable, il fallait le détruire. Ce régime anéanti et la
royauté supprimée, il fallait bien encore, puisque aucune
société ne peut exister sans un gouvernement , organiser
d'emblée la république. Enfin, les monarchies d'Europe,
qui ne voulaient point tolérer chez nous un tel changement,
s'étant coalisées pour renverser le nouvel ordre de
choses, il fallait les vaincre. C'est à cette œuvre toute
pratique, mais immense et essentielle, et sans jamais se
livrer à des spéculations théoriques sur la réorganisation
de la société, que Danton voua toutes ses forces.^
Electeur du département de Paris en 4790, 4794 et
4792, outre sa participation certaine au 44 juillet qui fut
une petite révolution dans la grande, et aux journées
903 —
DANTON
d'octobre, qui ramenèrent la cour prisonnière à Paris, il
poursuivit sans désemparer Tindépendance des districts de
la capitale par la liberté de la presse, de réunion et de
délibération sur les intérêts publics, avec décisions vala-
bles y relatives, comme Findique nettement son attitude
dans Vaffaire des représentants provisoires de la commune
et l'obligation du mandat impératif à leur imposer; dans
celle des brevets d'officiers de la garde nationale, alors nom-
més par les soins du maire de Paris ; dans l'afiaire de Marat,
assiégé, pour opinions émises dans son journal, par toute une
division de l'armée de La Fayette, et qu'il défendit avec une
grande fermeté ; par la revendication de la permanence des
districts à l'assemblée de l'Evêché, 1790; d'après l'oppo-
sition faite par les écrivains et par les orateurs patriotes
et par lui-même dans les districts et dans les clubs à la loi
censitaire du marc d'argent et à celle qui attribuait au roi
le droit de veto^ ainsi que celui de guerre et de paix ; par
l'opposition non moins habile et non moins énergique, sus-
citée sous sa direction, contre la précipitation du rema-
niement administratif qui changea les soixante districts
de Paris en quarante-huit sections, et fit coïncider cette
brusque transformation avec les élections municipales, afin
de prendre au dépourvu les républicains et de faire triom-
pher les constitutionnels ; par la fondation du club des
Cordeliers (fin juin 4790), en réponse à la suppression du
district; par la mise en demeure faite à l'Assemblée natio-
nale par la municipalité de Paris, ayant Danton pour ora-
teur, de destituer et mettre en accusation les ministres
contre-révolutionnaires; par le maintien forcé du roi dans
la capitale, aux Tuileries, le 18 avr. 1791, manu mili-^
tari, contrairement aux efforts et aux ordres du maire,
du président du département et du général, ce ^ui fit
échouer cette tentative formelle d'émigration ; en juin et
juil. 1791, après la fuite de Varennes, par la demande de
la déchéance du roi et la proposition ferme de proclamer
la République : et cela, aux Cordeliers, aux Jacobins, au
Champ de Mars, contre la cour, contre le ministère, l'As-
semblée, le département, la mairie et le commandant en
chef de la garde nationale.
Décrété une seconde fois de prise de corps pour tous
ces faits — il Pavait été une première fois à propos de
l'affaire Marat — recherché à Paris, à Rosny-sous-Bois, à
Arcis-sur-Aube, à Troyes, par la police, et menacé de mort
par les affidés de La Fayette lancés à sa poursuite, dénoncé
par le département, Danton se décida à passer en Angle-
terre. Il y resta six semaines environ, s'entretint avec les
chefs de l'opposition, les principaux whigs, et revint en
France pour se présenter aux élections à l'Assemblée légis-
lative. Aussitôt nommé électeur par sa section et appré-
hendé au corps par l'huissier Damions dans le sein même
des comices, en vertu de l'ordre d'amener décerné par le
tribunal du VI® arrondissement pour l'affaire du Champ de
Mars, il se trouva d'abord garanti par la protestation du
corps électoral et finalement déchargé par l'amnistie du
30 sept. 1794 . Il ne fut du reste pas nommé député. Mais,
à partir de ce moment, il put commencer la préparation de la
révolution du 10 août. Danton, en effet, vivait en plein dans
le mouvement parisien : souvent appelé à présider l'assemblée
de sa section et à prendre part aux opérations de l'assemblée
électorale de Paris, comme scrutateur général ou à d'autres
titres, il avait été nommé administrateur du département
le 31 janv. 1791 et il en remplit les fonctions jusque vers
la fin de cette même année, époque où il fut élu substitut
du procureur de la Commune (fin nov.). Il occupa cette
place jusqu'au 10 août et s'y trouva même beaucoup mieux
en situation pour agir que s'il avait fait partie de l'As-
semblée nationale. En même temps que, dans les clubs,
aux Cordeliers, aux Jacobins et dans les sections, il exal-
tait l'esprit pubHc, on le voyait cimenter l'alliance des
bataillons populaires, ceux des Enfants-Rouges (Saint-
Antoine) et de Saint-Marceau avec celui des Cordeliers, et
bientôt leur adjoindre les fédérés marseillais et brestois de
passage dans la capitale. C'est lui encore qui indiqua le.
grief qui devait motiver et légitimer l'insurrection, à savoir
le refus fait par l'Assemblée législative de prononcer enfin
la déchéance du roi (6 août 1792). Aussitôt, dans la soirée
du 9 au 10, toutes les dispositions militaires étant prises
pour la journée du lendemain, Danton faisait accepter dans
les sections la nomination et l'envoi immédiat à l'hôtel de
ville de commissaires ayant mandat de « sauver la chose
publique » , tandis qu'il arrangeait aussi la substitution
de ce nouveau conseil général, qui fut la Commune insur-
rectionnelle, à l'ancien, en majorité royaliste ; et surtout,
pendant la grande nuit, il arrêtait de sa propre main, à
l'état-major, au milieu de ses officiers, le commandant
général des gardes nationales de Paris, Mandat, le suc-
cesseur de La Fayette; il le convainquait, sur pièces,
de trahison au profit de la cour, requérait son arrêt de
mort et le faisait incontinent remplacer par Santerre, chef
du bataillon des Enfants-Rouges. On comprend le désarroi
de la défense du château après cette mesure capitale, qui
décida certainement de la victoire des républicains. Aussi,
de suite après la prise des Tuileries et la suspension du roi,
imposée à l'Assemblée par les combattants, Danton était-il
nommé ministre de la justice, ce qui lui donnait entrée au
Conseil exécutif provisoire, c.-à-d. au gouvernement.
Dans ce poste, par la confiance et l'appui de la Commune
de Paris et de tous les patriotes, d'entente avec eux et
d'après l'effacement de ses collègues du ministère, résulté
de leur affolement en face du péril public, il se trouva
réellement maître du pouvoir exécutif, dont il usa pour
faire accepter la révolution du 10 août dans tout le
royaume, pour soulever la nation contre l'étranger, pour
arrêter Pinvasion, et pour faire repasser la frontière aux
coalisés, moitié par force et moitié par action diplomatique
(oct. 1792). En effet, tandis que Roland, ministre de la
justice, et Servan, ministre de la guerre, ses collègues
au Conseil exécutif, proposaient, à la nouvelle de l'inves-
tissement de Verdun, d'abandonner Paris et de trans-
porter le gouvernement, l'Assemblée et les prisonniers du
Temple derrière la Loire, à Saumur ou à Blois, Danton
faisait au contraire décréter et aboutir les enrôlements vo-
lontaires, l'armement général, la défense de la capitale, la
réquisition de tous les objets nécessaires aux troupes, des
visites domiciliaires, l'arrestation des suspects : et l'As-
semblée législative édictait la peine de mort contré qui-
conque contrarierait les opérations du ministre (30 août
1792). Ici on doit signaler ses énergiçiues harangues des
28 août et 2 sept., à l'Assemblée législative, au nom du
Conseil exécutif, par lesquelles il releva tous les courages,
et son patriotique discours du Champ de Mars, sur l'autel
de la patrie, où il imprima un élan irrésistible aux enrô-
lements volontaires, tandis que commençait, hélas ! sur un
autre point de la capitale, le massacre des prisons. Comme
ministre de la justice, Danton, on peut l'affirmer, ne man-
qua à aucun devoir essentiel dans cette catastrophe, qu'il
était impuissant à empêcher, et, comme directeur politique
du moment, rien ne prouve qu'il y ait trempé. Il est certain
qu'un pareil accident n'entrait ni dans la donnée de son
caractère, ni dans celle de sa politique.
Quoi qu'il en soit, aussitôt nommée, la Convention natio-
nale, à laquelle il avait été porté le 8 sept., par les électeurs
de Paris, inaugurait sa carrière en proclamant la Répu-
blique (21 sept.). Entré au Conseil exécutif et à la jus-
tice le 10 août précédent, Danton aurait dû en sortir le
jour même de l'ouverture des séances de la Convention,
par suite de son option immédiate pour les fonctions de dé-
puté et de sa démission de ministre. Mais le 29 il protes-
tait encore contre sa prorogation au ministère de la jus-
tice ; et ce n'est que le 6 oct. suivant, son successeur étant
enfin désigné, qu'il put remettre à l'Assemblée les sceaux
de l'Etat.
A peine les séances de la Convention avaient-elles com-
mencé, qu'il eut à y soutenir les attaques des girondins
contre la Commune et la députation de Paris, contre sa
politique au ministère et au Conseil exécutif, et à propos
DANTON
— 904
de Tapuration de ses comptes. Il soutint victorieusement
le choc ainsi que le montrent ses discours décisifs du
25 sept, contre les accusations de dictature, et du 29
contre Tenvoi en province d'un rapport de Roland. Comme
preuve du peu d'etïet de pareilles manœuvres, on doit aussi
rappeler qu'il fut élu président du club des Jacobins le
dO oct. et membre du comité de Constitution le 41. Le
25 mars 1793, il entra au comité de Défense générale et,
malgré les attaques reprises contre lui à la Convention par
les mêmes girondins, à propos de la trahison de Dumou-
riez, dont ils prétendaient le rendre responsable et le faisaient
complice, il fut nommé le 6 avr. membre du premier
comité de Salut public, oh il siégea avec un rôle prépon-
dérant, du 7 avr. au 9 juil. de la même année. Quant aux
questions principales qui surgirent au sein de la Conven-
tion à ce moment, il les traita dans le sens républicain le
plus ferme : telles la réforme de Tordre judiciaire dont il
signala l'esprit rétrograde, le maintien de la liberté de la
presse, les mesures contre les émigrés, l'accélération du
procès du roi. Mais c'est sur le terrain des affaires étran-
gères qu'il continua d'exercer sa principale action, tou-
jours discrète, sinon occulte.
En effet, avec cette seconde période de la vie politique
de Danton (sept. 1792 à sept. 1793), une ère nouvelle
avait commencé pour les relations extérieures de notre
pays, laquelle eut sur la marche de la révolution un effet
considérable. Sous le coup de l'indignation causée par l'ac-
cueil fait au dehors à nos émigrés, des menaces et voies de
fait ou de l'agression inique des puissances coalisées
contre nous ; d'après l'enivrement excité par le succès de
Valmy et par la retraite des alliés; enfin, en vertu d'idées
nouvelles sur les rapports internationaux, dérivées de la
théorie démocratique, mises en avant par les girondins
principalement et par les communalistes parisiens, la France
révolutionnaire avait vite oublié ses manifestations frater-
nelles et ses engagements pacifiques antérieurs, et elle était
descendue des hauteurs philosophiques de la constitution
de 1791 à l'utopie du cosmopolitisme armé, à l'équivoque
et hasardeuse entreprise de la guerre de propagande ; car,
Jemmapes et la réunion de la Belgique, la prise de Mayence,
l'occupation du comté de Nice et de la Savoie, c'était bien la
jeune République tirant l'épée pour délivrer tous les peuples
et anéantir tous les rois. Or, le conventionnel, bien que sans
aucun zèle et sans se distinguer autrement de la masse de
ses collègues, avait suivi d'abord cet irrésistible mouvement.
C'est à ce titre, sans doute, et parce qu'il s'était déjà montré,
après le iO août, aux affaires étrangères, qu'il avait été
envoyé dans la Belgique par la Convention nationale le
1^^ déc. 1792, après la victoire de Jemmapes et pendant
l'occupation qui suivit, pour organiser la conquête confor-
mément aux décrets des 15 et 19 déc. 1792, et que, jugeant
qu'il était peu pratique de laisser à ce moment les Belges
maîtres de leurs destinées, quand les forces des alliés les
enserraient de toutes parts, il provoqua la Convention à
céder à leurs pressantes instances d'annexion à la
France. — Mais ce rêve de la propagande armée, qui
n'était, certes, ni sans grandeur, ni sans magnanimité, ne
fut pas longtemps à s'évanouir. Les peuples (et parmi eux
il faut bien compter les Belges eux-mêmes), qui n'étaient
point à notre unisson révolutionnaire, — il s'en faut, et
Danton avait pu, mieux que pas un, le constater pendant
sa mission , — au lieu de se lever à notre appel comme l'espé-
raient les cosmopolites, et de se joindre à nous pour bri-
ser leurs fers, vouèrent toutes leurs forces et tout leur
sang, leur concours le plus acharné à la formidable coali-
tion que les potentats de l'Europe presque entière for-
mèrent contre notre pays. C'est encore Danton qui, le
premier, signala le danger de cette fausse politique et qui
en fît justice à la Convention, qu'il décida à décréter qu'elle
n'interviendrait plus dans les affaires intérieures des autres
nations (13 avr. 1793). Le 15 juin suivant, il amena même
l'Assemblée jusqu'à reconnaître ce principe que le peuple
français ne doit jamais faire de guerre offensive ni de con-
quêtes proprement dites. Le système cosmopolite fut donc
abandonné par le comité de Salut public et par la Con-
vention, qui reprirent contre la coalition le régime de la
gueire défensive et l'action diplomatique, et parvinrent
ainsi, après des luttes formidables, à la glorieuse pacifica-
tion de l'an III (traités avec la Toscane, la Prusse, l'Es-
pagne, la Hollande, Hesse-Cassel et la Suède). Afin d'arri-
ver, fût-ce après qu'il aurait cessé de vivre, à ce résultat
suprême : le rétablissement de la paix et la reconnaissance
de la République par les puissances, Danton, en même temps
qu'il ne perdait aucune occasion de négocier au nom de la
Convention, n'avait pas cessé non plus un seul moment de
pousser à l'armement de la nation, à la formation de Farmée
sans-culotte qui fit la guerre victorieuse de l'an II et de
l'an III : batailles de Wattignies, de Frœschviller, reprise
des lignes de Wissembourg (1793); victoire de Fleurus,
combats sur l'Ourthe et la Roër, prise de Saorgio, Oneille,
Bellegarde, Figuières, etc. (1794).
Mais, pendant que se constituait cet immense effort patrio-
tique, parleconcours intrépide des montagnards de l'Assem-
blée et du comité de Salut public, des missionnaires de la Con-
vention, de nos généraux sans-culottes et de nos héroïques
bataillons républicains avec le grand patriote qui personnifie
la défense nationale et l'établissement de la République,
les factions déchiraient l'empire et les contre-révolution-
naires, les prêtres réfractaires et les nobles ne laissaient
pas à la France un moment de trêve, complotant par-
tout, avec l'étranger, l'envahissement et la ruine du pays.
Dans le sein même de la Convention, les plus déplorables
conflits s'étaient élevés : un parti qui avait contribué avec
éclat à l'acceptation de la République, le groupe des giron-
dins, s'était porté dans l'Assemblée et le ministère à des
prétentions que, d'après Danton et ses amis, ne justifiaient
aucunement ses services et sa capacité politique, — au point
de mettre la chose publique en danger ! Il faut lire, entre
autres, à ce sujet, les accusations élevées par Pénières et
Lasource contre Danton, et la réponse qu'y fit celui-ci
les 30 mars et l^^avr. 1793. Persuadé, dès lors, qu'il
n'y avait plus rien à espérer des girondins, il consentit
enfin, quoiqu'à regret, sans arrière-pensée de vengeance
personnelle ni surtout d'extermination, à écarter définiti-
vement ce groupe réfractaire de la direction des affaires
publiques, en le laissant exclure de la Convention natio-
nale (31 mai et 2 juin 1793). « Que les Brissotins s'en
aillent, disait -il, et nous laissent travailler; quand nous
aurons sauvé la France, ils reviendront jouir du fruit de
nos travaux î » Et c'est lui, en effet, qui sut les remplacer
pour la conduite de l'Etat.
De même qu'il avait tenu tête aux coalisés par la cons-
titution définitive de l'armée nationale (levée de 300,000
hommes en mars et avr. 1793 et de 400,000 hommes en
août suivant, la grande réquisition); par les pouvoirs extraor-
dinaires conférés par la Convention, afin qu'ils menassent
à bien la difficile opération de cette levée en masse, aux
8,000 délégués des communes appelés à Paris pour l'ac-
ceptation de la constitution ; par les décrets relatifs au
recensement des chevaux, armes, munitions, grains, dans
toute la République ; de même qu'il avait eu raison des
royalistes de l'intérieur par l'institution du tribunal révo-
lutionnaire (10 mars 1793), — il trouva là l'occasion d'un
de ses plus beaux discours politiques, — et par l'étabHs-
sement de l'armée révolutionnaire (6 juil. et 4 sept.), ainsi
que par son concours énergique à la répression de la guerre
civile, qui aboutit, en Vendée, aux victoires de Châtillon,
du Mans, de Savenay, et dans le Sud-Est à la reprise de
Lyon, de Marseille et de Toulon, c.-à-d. à la pacification de
l'Ouest et du Midi (1793-1794) ; de même qu'il avait déjoué
toutes les manœuvres de la contre-révolution par l'établis-
sement du maximum pour toutes les denrées de première
nécessité (dans le but d'éviter qu'une famine artificielle fût
reproduite par les agioteurs) ; par une indemnité de deux
francs par séance, allouée aux citoj^ens vivant de leur travail,
qui assisteraient aux réunions de section, afin de permettre
— 905 —
DANTON
au peuple de prendre une part effective à la politique ; enfin,
par rétablissement général des comités révolutionnaires,
c[ui écrasèrent définitivement la contre-révolution : de même
il contribua, plus qu'aucun autre, quoique sorti du pou-
voir, à substituer au parlementarisme girondin la grande
institution du gouvernement révolutionnaire provisoire^
qui fut le salut de la France (4^^ août, 3 sept, et 13 oct.
4793). Car, aussitôt que, par sa puissante initiative, le
comité de Salut public eut pris en mains la dictature, on
peut dire que la France fut sauvée !
. C'est, en effet, durant cet immense labeur, depuis et y
compris le mois d'avril 4793, après la retraite de Belgique
et la chute des girondins, jusqu'à l'installation définitive et
l'entrée en fonctions du second comité de Salut public, en
tant que gouvernement proprement dit (juil.-sept. 4793),
que Danton déploya ses plus hautes quahtés d'homme d'Etat
et rendit ses plus grands services politiques. Le rapport si
substantiel et si instructif pour l'histoire de ce temps, que
Barère lut à la Convention la veille même du 34 mai, que
Danton avait élaboré avec lui et rédigé en grande partie,
présente le tableau général de la situation intérieure et
extérieure de la République à ce moment, il montre l'im-
puissance et l'anarchie administratives, la faiblesse de
l'Etat, le péril intérieur et extérieur de la patrie, maux
extrêmes, dont on ne put triompher que quand le conven-
tionnel eut achevé de, constituer, par la grande réquisition,
la défense nationale, et de rendre au gouvernement l'auto-
rité nécessaire par l'institution de la dictature décemvirale.
Pendant qu'il faisait partie du premier comité de Salut pu-
blic, Danton s'était encore chargé de la direction de la poli-
tique extérieure. Outre l'orientation générale qu'il fit con-
naître à la Convention dès le 43 avr., à savoir le renonce-
ment formel à la guerre de propagande et le retour au
système défensif, pour obtenir la paix et la dissolution de
la coalition, il tendit manifestement aux points suivants :
4<* en Angleterre, ameuter contre le gouvernement de Pitt
tous les éléments divergents qui pouvaient lui faire échec ;
2° obtenir le maintien de la neutralité de tous les petits
Etats : Suisse, Danemark, Suède, etc., et même former des
alliances avec eux ; 3<* essayer, par une attitude imposante
et des offres diplomatiques, de détacher la Prusse et la
Bavière de la coalition ; 4** réduire par les armes la Savoie
et l'Espagne ; 5<* combattre la maison d'Autriche à outrance
et lui susciter des difficultés du côté de l'Orient, en agitant
la Pologne et la Turquie. Telle fut aussi, relativement aux
affaires extérieures, et d'après la tradition instituée par
Danton, la ligne suivie par le second comité de Salut public
et par la Convention nationale, jusqu'au Directoire.
Malheureusement, cette irrésistible machine de défense
qu'on appelle le gouvernement révolutionnaire provisoire,
devait emporter celui qui l'avait créée, et nous entrons ici
dans la dernière période de la vie du conventionnel, celle
du déclin (nov. 4793 à fin mars 4794). L'apogée de son
utilité sociale et de sa force politique fut l'époque même
et l'occasion de sa perte. Envié, suspecté de ce chef, c.-à-d.
à cause de sa grandeur et de son prestige personnels,
calomnié, surtout pendant le séjour qu'il fit à Arcis-
sur-Aube pour y remettre sa santé, trahi, compromis surtout
parce qu'en donnant à son pays un gouvernement qui fut
son salut, il avait refusé d'en faire partie, afin de le
rendre moins soupçonnable et de le faire plus sûrement
accepter, et qu'alors il s'était lui-même désarmé, dépouillé
d'autorité et de force politique, abdiquant en quelque sorte
sa légitimité ; enfin, désormais placé en dehors du pouvoir
dont il croyait et aurait dû rester l'inspirateur, le régu-
lateur et le modérateur, son influence ne fit que décroître;
il demeura bien quelque temps encore le conseiller respecté
de la Convention, bientôt elle-même asservie; il essaya
aussi de l'opposer aux décemvirs et de reprendre par elle
la suprématie qu'il n'aurait jamais dû risquer : on se
rappelle les généreux efforts de Camille Desmoulins, dans
le Vieux Cordelier, ceux de Fabre d'Eglantine, de Phi-
lippeaux, Bourdon (de l'Oise), contre l'ardente coalition
des hébertistes et des robespierristes ; tout fut inutile.
Le comité de Salut public se servit des dantonistes pour
abattre les communalistes parisiens et frappa, aussitôt
après, les "premiers eux-mêmes, ces Indulgents, que la
Convention éperdue livra sans hésiter.
C'est au cours de cette lutte fratricide qu'échappèrent
au conventionnel ces mots impérissables qui le peignent
tout entier : « Plutôt cent fois guillotiné que guillotineur ! »
« J'embrasserais mon ennemi pour la patrie, à qui je donne-
rais mon corps à dévorer. » Et à ceux qui lui conseillaient
de se dérober : « Fuir ! est-ce qu'on emporte la patrie à la
semelle de son soulier ? » Enfin, sur le seuil de la tombe
et quand déjà il parlait pour la postérité, sa réponse au
président du tribunal révolutionnaire, qui résume son credo
philosophique : « Ma demeure? bientôt dans le néant, et
mon nom au panthéon de l'histoire ! » Appréhendé au corps
dans la nuit du 40 germinal an 11, en même temps que ses
principaux collaborateurs et amis, d'après un ordre des
comités de Salut public et de Sûreté générale réunis, signé
de tous leurs membres présents, excepté Riihl et Robert
Lindet qui eurent la magnanimité de refuser, Danton fut
écroué au Luxembourg d'abord, et bientôt après à la Con-
ciergerie. Le lendemain, sur un rapport de Saint- Just et
d'après les injonctions de Robespierre, la Convention confirma
cette mesure ; elle fit plus : elle accepta que le procès
devînt connexe avec celui de Delaunay (d'Angers) et
consorts, poursuivis pour prévarication et faux en écri-
tures publiques. Les audiences commencèrent le 43 au
matin. Première irrégularité : l'accusateur public n'avait
assigné que des témoins à charge ; pas un seul à décharge.
Deuxième : le jury ne fut non plus convoqué que le 43
au matin, c.-à-d. le jour même de la première audience,
trop tard pour que les prévenus pussent en connaître et
exercer leur droit de récusation. Troisième : sur les treize
jurés assignés, sept furent rayés avant l'audience, comme
faibles, par l'accusateur public et son substitut, qui ne
gardèrent que les solides. Il en manquait donc un pour le
chiffre légal ; on requit Souberbielle (appartenant à une
autre série) ; il ne laissait rien à désirer. C'est pourquoi,
Camille Desmoulins ayant à l'ouverture des débats récusé
Renaudin, son ennemi personnel, on ne put faire droit à
sa demande, ce qui aurait décomplété le nombre de jurés
nécessaire.
L'affaire du faux commis par Benoist et Delaunay d'An-
gers à l'occasion de la suppression de la Compagnie des
Indes, affaire oîi Fabre d'Eglantine n'avait été mis que
pour compromettre et abaisser les dantonistes, fut d*abord
appelée. C'est par une machination et par un mensonge
flagrant d'Amar, rapporteur de l'affaire à la Convention,
que cet accusé, absolument innocent, fut substitué aux
Angevins comme auteur du faux et envoyé au tribunal.
En l'espèce, ce tribunal ne pouvait moins faire que les
plus grandes autorités du temps ; aussi, afin de mettre hors
de doute le prétendu crime de l'ami de Danton, le voit-on
refuser à Fabre, en pleine audience, la représentation du
corps de délit qui devait établir son innocence, ce faux
en écritures publiques qui avait été fabriqué de toutes
pièces par Benoist et Delaunay. Fabre fut donc convaincu
sans preuves ou plutôt sur refus de faire la preuve. C'est
à l'audience du lendemain, 44 germinal, que commença
l'affaire Danton. — L'acte d'accusation n'était autre que
le rapport lu par Saint-Just à la Convention, rédigé d'après
les trop fameuses notes secrètes que Robespierre avait
écrites pour lui. — Encore que les énonciations du rap-
porteur y soient opposées de tous points à la notoriété his-
torique la plus palpable et la plus fraîche, le président
Hermann n'hésita pas un instant à les articuler devant les
accusés et devant le public. Danton n'eut guère de peine à
détruire un à un ces mensonges grossiers, ces insinuations
dégoûtantes, ces accusations burlesques. L'effet de ses dé-
mentis et de son indignation fut tel qu'il commençait à
soulever l'assistance, dont l'émotion et les applaudissements
devenaient significatifs. Le président trouva à propos de
0ANTON — DANTZIG
^ 906-
lui faire suspendre sa défense et de clore l'audience avant
de la lui faire reprendre. Le lendemain 15, l'affaire s'ouvrit
par l'interrogatoire d'Hérault de Séchelles. Le tribunal
avait refusé à Fabre la présentation des pièces à convic-
tion : il opposa à celui-ci de soi-disant pièces à charge
absolument apocryphes, des copies falsifiées. C'était son
moyen de le convaincre de trahison î — Hérault reconnut
le crime de ce singulier magistrat et le dénonça, en au-
dience, avec mépris et fermeté. — Tout le reste fut à
l'avenant. Mais les accusés témoignant leur irritation de
cette sinistre comédie et réclamant, avec autant de persis-
tance que d'insuccès, l'audition de témoins à décharge, de
certains députés notamment, les murmures de l'assistance
décidèrent Fouquier-Tinville à écrire au comité de Salut
public pour lui demander de le tirer d'affaire, la jurispru-
dence ordinaire ne lui en fournissant aucun moyen. C'est
alors que Saint-Just et Billaud-Varenne se présentèrent à
la Convention et, par de nouvelles impostures, enlevèrent
le décret de mise hors la loi des accusés. H leur fut donc
signifié le lendemain 16, au commencement de la dernière
audience, sans que leur défense fût achevée ni leurs témoins
entendus.
Les questions furent alors posées au jury : « Il a existé
une conspiration tendant à rétablir la monarchie, à détruire
la représentation nationale et le gouvernement républicain :
Delacroix , Danton , Desmoulins , Philippeaux , Hérault de
Séchelles et Westermann sont-ils convaincus d'avoir trempé
dans cette conspiration ? — Il a existé une conspiration
tendant à diffamer et avilir la représentation nationale :
Fabre d'Eglantine, etc., sont-ils convaincus d'avoir trempé
dans cette conspiration ? » Aussitôt le président et l'accu-
sateur public, foulant aux pieds la loi, tout respect humain
et toute justice, pénétrèrent dans la salle des délibérations
du jury, s'oubliant jusqu'à menacer de mort tout membre qui
hésiterait à prononcer la condamnation. Aussi la réponse fut-
elle unanime et affirmative sur tous les points. L'accusateur
public présenta donc ses conclusions; le président, en
l'absence des accusés, prononça un jugement qui les en-
voyait à la guillotine, et l'arrêt fut sur-le-champ mis à
exécution.
Arnauit, dans ses Souvenirs d'un sexagénaire^ a laissé
de ce massacre un croquis plein d'intérêt ; il rapporte que
Danton, en arrivant le dernier sur la plate-forme, avait l'air
le plus calme et le teint reposé. On ne découvrait sur son
visage qu'une expression dédaigneuse et méprisante... Les
pieds dans le sang de ses amis, il détachait sur l'horizon sa
silhouette audacieuse et athlétique, le soleil couchant jetait
à sa face altière des reflets d'incendie. Sa tête, qui naguère
apparaissait à la tribune comme inspirée et hautaine, gar-
dait sa puissance et son expression souveraine jusque sur
l'échafaud. Au moment de mettre le cou sous le couperet,
il se retourna vers le bourreau et lui dit sur le ton du
commandement : « Tu montreras ma tête au peuple, elle
en vaut la peine ! » D^ Robinet.
BiBL. : Sources manuscrites. — Papiers du comité de
Saiut public, Archives nationales. — Cartons des tribunaux
révolutionnaires, ib. — Contrat de mariage de Danton, ib.
-— Archives des affaires étrangères : correspondance d'An-
gleterre, etc. — Archives de l'enregistrement et des do-
maines , liquidation de Danton et sa quittance à FËtat. —
Archives de la préfecture de police : notes de Topino-
Lebrun, notes et souvenirs de Courtois.— Documents per-
sonnels : correspondance de Danton; son traité d'office
d'avocat aux conseils ; apposition de scellés à son domicile
à la mort de sa première femme; inventaire à la suite;
pièces relatives à sa succession ; mémoire de ses fils ;
extraits de notes inédites des conventionnels Lakanal et
Marc-Antoine Baudot.
Sources imprimées. — Vilain d'Aubigny, Pinncipaux
Evénements pour et contre la Révolution, an III, in-8. —
Rapport des commissaires nommés par la Convention
près l'armée de Belgique, 11 janv. 1793, in-8, 72 p. — jRap-
port des citoyens Delacroix, Danton^ Merlin (de Douai),
Treilhard et Robert sur la Belgique^ avr. 1793, in-8,
338 p. — Rapport général sur l'État de la République
française^ fait à la Convention au nom du comité de Salut
public, par Danton et Barére, 29 mai 1793. ~ Joffrin des
Jardins, Vie de Danton ; Paris, 1851, in-18. — Villiaumé,
Hist. de la Rév, fr.; Paris, 1850> 4 vol. — Auguste Comte,
Système de politique positive; Paris, Î853, t. III. — Eug,
Despois, Vénalité de Danton, dans la Revue de Paris,
juilL 1857. ~ Alfred Bougeart, Danton, documents pour
servir à l'histoire de la Révolution française; Bruxelles,
1861, in-8.— Armandine Roeland, la Fam,ille Sainte-Ama-
ranthe; Paris, 1864, in-8, 204 p. — H. de Saint- Albin,
Danton, fragment biographique^ dans la Critique fran-
çaise^ mars 1864; réimprimé dans Docmnents relatifs à
la Rév, fr.; Paris, 1873, in-8. — D^ Robinet, Danton^ rué--
moire sur sa vie privée; Paris, 1865, in-8; réimprimé en
1881. — A. Vermorel, Œuvres de Danton; Paris, 1866,
in-12. -- Pierre Laffitte, la Révolution française, 1868,
in-32. — D»- Robinet, le Dix- Août et la symbolique positi-
viste; Paris, 1873, in-8. — J.-F.-E. Chardoillet, Notes
de Topino-Lebrun sur les procès de Danton et de Fouquier-
Tinville; Paris, 1875, in-8. — Un Vieux Cordelier, Dan-
ton et Victor Hugo; Paris, 1877, in-18. — G. Lennox,
Danton; Paris> 1878, in-12.— Albert Babeau, le Théâtre de
l'ancien collège de Troyes; Troyes, 1881, in-8. — F.-A. Au-
LARD, Notes sur l'éloquence de Danton; Paris, 1882, in-8.
— D^- Robinet, Procès des Dantonistes; Paris, 1879, in-8.
— -^ntonin Dubost, Danton e( la politique contemporaine;
Paris, 1880, in-12. — Du même, Danton et les massacres de
Septembre; Paris, 1885, in-8. — F.-A. Aulard, les Ora^
leurs de la Législative et de la Convention (Danton et le
groupe dantoniste), 1885-1886, 2 vol, in-8. — Du même, les
Grands Français., Danton; Paris, 1887, in-12. — D^" Robi-
net, Danton émigré ^ essai sur la diplomatie de la Répu-
blique en Van I (1192-1793) ; Paris, 1887, in-12. — Du
même, Danton., homme d'Etat; Pai'is, 1889, in-8. — Albert
Sorel, la Politique de Danton., dans la Revue politique et
littéraire., 14 et 21 sept. 1889. — Diderot, les Eleuthéro-
mânes., avec une introduction par le D'^' Robinet, 1884, in-32.
— Santhonax, Lundis révolutionnaires., dans le journal
la Justice, 1884-1891. — Art. de MM. F.-A. Aulard et Robi-
net, dans la revue la Révolution française, etc.
DANTZELL (Joseph), sculpteur, né à Lyon en 1805,
élève de l'Ecole de Lyon. Ses principaux ouvrages sont :
le portrait du Comte de Montalemhert ; la médaille en
bronze de Biaise Pascal (1848); la médaille commémo-
rative de V Expédition française de Rome (18S7), etc.
DANTZIG ou plus correctement DANZIG (polonais
Gdansk)* L Géographie. — Ville d'Allemagne, royaume
de Prusse, ch.~l. d'un district et de la province de Prusse
occidentale, sur la rive gauche de la Vistule, à 6 kil. de la
mer Baltique ; 114,822 hab. (en 1885) ; superficie :
1,974 hect. C'est une des grandes villes de l'Allemagne,
une de ses principales forteresses et depuis des siècles une
des plus importantes places commerciales de la Baltique.
La ville est située à l'O. du delta de la Vistule, entourée
à l'O. de collines (Bischofsberg, Hagelsberg), au S, et au
S.-E. de prairies ; au N.-E. coule le fleuve. Elle est traversée
par la Mottlau dont la profondeur accrue par des travaux
récents est de 4«*50, ce qui permet aux navires de remon-
ter jusqu'à File Speicher qui forme le centre de Dantzig.
Elle remplit les fossés qui baignent les remparts de la ville,
laquelle est ainsi entourée d'eau. A gauche, à l'O., la
Mottlau reçoit la Radaune qui traverse la ville et faisait
mouvoir jadis un moulin colossal qui payait à la municipa-
lité une redevance d'un ducat par heure ; elle forme plu-
sieurs canaux dont l'Altstaedtischer graben qui se réunit
à la Mottlau. Les divisions ou quartiers de Dantzig sont :
au centre, l'île Speicher dont la Hopfengasse est l'artère
principale et qui est occupée par de vastes magasins de
céréales ; deux ponts la relient à la rive droite, deux ponts
à la rive gauche, un cinquième au S. à la gare centrale ;
— au S.-E. est la Niederstadt parcourue par la Weiden-
gasse ; le long de la Mottlau s'alignent de vastes chantiers
de bois ; — au N. de celle-ci, à l'E. de la Mottlau, est le
quartier de Langgarten avec la rue et la porte de ce nom,
la Douane centrale, l'église Sainte-Barbara, des chantiers de
bois, etc.; — auN.-O. de l'île Speicher est l'Altstadt, région
centrale de la vieille ville dont le centre est traversé par
la Langgasse qui aboutit vers la Mottlau au Lange Markt,
marche central ; les plus beaux édifices de Dantzig : église
Sainte-Marie et Sainte-Catherine, hôtel de ville, maison
des marchands (Artushof) ; — au S. de l'Altstadt s'étend la
Vorstadt avec l'église de la Trinité. — L'enceinte de Dant-
zig est encore celle du xvi® siècle, mais complètement
transformée; les portes monumentales ont été démolies
pour faciliter la circulation, sauf la HoheThor; ce sont, à
partir du K.-O.: Jakobs Thor, Hohe Thor (et plus avant
907 —
DANTZIG
Neugarter Thor), Petershager Thor, Lege Thor, Langgar-
ter Thor. L'enceinte est flanquée de vingt bastions ; la
grande écluse placée à TE. de la Lege Thor permet d'inon-
der les approches au S.-E. Neuf faubourgs entourent la
ville qui ne pourrait abriter toute sa population ; ils se
développent à l'O. jusqu'à 4 kil. dans la partie la plus
haute de la banlieue ; les principaux sont à partir du S. :
Saint-Albrecht , Altschottland , Schidlitz, Langfuhr (le
plus élégant au N.-O. auquel conduit une belle chaussée
ombragée de tilleuls), Neuschottland, Neufahrwasser, le
port de Dantzig,
Par son aspect général Dantzig est une des villes les
plus curieuses de l'Allemagne ; elle a bien conservé son an-
cienne physionomie. Presque toutes les maisons ne pré-
sentent en façade sur la rue que leur côté le plus étroit,
étant surtout développées en profondeur ; beaucoup ont des
cours intérieures ; où la place manquait, on a ménagé la
lumière en bâtissant presque à jour des maisons qu'on a
pu comparer à des lanternes où toute la façade est en
fenêtres vitrées. La plus belle partie de la ville est la Lang-
gasse entre le Hohe Thor et la Mottlau.
La prospérité de Dantzig s'est maintenue sous la domi-
nation prussienne, bien que la ville n'ait plus le rôle
exceptionnel qu'elle eut jadis dans le bassin de la Vistule.
Les établissements industriels les plus considérables sont
les chantiers de constructions navales, puis les brasseries,
les moulins, les scieries, la manufacture d'armes, la fon-
derie, les fabriques de machines, de produits chimiques,
d'objets d'ambre, etc. Le commerce l'emporte de beaucoup
sur l'industrie, et Dantzig est encore un grand entrepôt
malgré la concurrence de Stettin et les dommages causés
par le système douanier de la Russie. Celui-ci a beaucoup
diminué l'importance de la foire annuelle, tenue au com-
mencement d'août. Le commerce se fait par la navigation
maritime, la navigation fluviale et les voies ferrées. Le
commerce maritime diminue, les autres augmentent plutôt.
Voici les chiffres approximatifs. Le mouvement fluvial dé-
passe vingt mille navires (plus de moitié sont des vapeurs),
et cinq cents trains de bois ; il représente plus de
500,000 tonnes, dont les trois cinquièmes d'entrées (cé-
réales, bois, sucre) et deux cinquièmes de sorties (houille, fer,
sel); le mouvement maritime représente 4,600,000 tonnes
(plus des trois quarts par vapeur) d'une valeur de 150 mil-
lions de francs, dont moitié à l'entrée, moitié à la sortie,
mille huit cents navires de chaque côté; on importe les
combustibles, métaux, denrées coloniales et produits ma-
nufacturés qui sont ensuite distribués par voie fluviale ;
on exporte les matières premières et produits alimentaires
apportés par la Vistule : ce sont, par ordre d'importance, le
sucre, le bois, le blé, l'alcool, etc. Dantzig n'est plus le
grand marché des céréales dans le nord de l'Europe comme
jadis, lorsque le commerce de la Pologne (exportation de
matières premières, importation de produits fabriqués)
passait par là. La flotte commerciale de Dantzig a beau-
coup décru, mais s'est transformée par la multiplication
des navires à vapeur ; elle jauge encore plus de
400,000 tonnes (soixante à quatre-vingts navires). Le
commerce par voie ferrée est en progrès, il dépasse
500,000 tonnes et porte sur les produits énumérés ci-des-
sus. Le mouvement d'affaires dans les banques approche
d*un milliard.
Les principaux monuments de Dantzig sont : l'église
Sainte-Marie, bâtie de 4343 à 4502 ; longue de 404 m.,
large de 35 m., haute de 23 m. ; elle a trois vaisseaux
d'égale largeur et hauteur, dominés par une grande tour
de 76 m. et dix petites ; les chapelles accotées aux piliers
lui donnent l'aspect d'une église à cinq nefs; l'église
Sainte-Catherine, bâtie de 4326 à 4330, est moins remar-
quable ; mentionnons les vingt et une autres, la chapelle
mennonite, les deux synagogues. — L'hôtel de ville de
style gothique est dominé par une tour de 82 m., auprès
est un puits avec sa décoration de bronze ; l'hôtel de ville
de l'Altstadt est de style Renaissance (fin du xvi^ siècle).
Plusieurs des maisons de la rue centrale (Lange^asse) sont
remarquables non seulement par leurs toits, mais par des
imitations de l'architecture méridionale. La maison des
marchands, Artushof ou Junkerhof, est une haUe qua-
drangulaire portée par quatre colonnes de granit ; elle sert
de Bourse ; la décoration intérieure est originale.
Dantzig est une place de guerre de premier ordre. Le
rempart mtérieur flanqué de vingt bastions et couvert par
des fossés pleins d'eau est un peu différent selon les fronts.
Sur ceux du N., de l'E. et du S., que protègent les inonda-
tions, il comporte un chemin couvert avec glacis et des ou-
vrages extérieurs peu considérables, petits ravelins et
lunettes. Sur celui du N.-O., il en est autrement. De
ce côté l'enceinte est dominée non seulement par les col-
lines, mais par la rivière la Radaune (qui passe au-des-
sus du fossé pour pénétrer dans la ville). On a donc disposé
extérieurement sur ce front sept bastions avec cavaliers.
Sur les collines se développent une série d'ouvrages qui
forment une seconde ligne de défense dont le point central
est au Hagelsberg; plus au S. le Bischofsberg est égale-
ment fortifié. Plus loin sont des fortifications qui accrois-
sent beaucoup la valeur défensive de la place. Au N., le
long du canal de 970 m., large de 26 m., qui relie Dant-
zig à son port Neufahrv\rasser où sont de fortes batteries ;
en face, à l'embouchure de la Vistule, est la forteresse de
Weichselmunde, quadrilatère bastionné et flanqué de plu-
sieurs fortins pour couvrir la rade et la voie fluviale ; le
fort, l'île d'Holm sur la Vistule et plusieurs redoutes relient
Weichselmunde et Dantzig situé à 4 kil. Enfin, un fort
garde la nouvelle embouchure de la Vistule formée en 4840.
La garnison est nombreuse : Dantzig est le centre de la
2® division, de cinq régiments d'infanterie, deux d'ar-
tillerie, une brigade de cavalerie, etc.
IL FïiSTOiRE. — L'origine de Dantzig est inconnue. Dès
le x® siècle, la ville appelée Gidanie était florissante, ser-
vant de capitale à la Pomérellie. Elle fut fortifiée à la fin
du XII® siècle par le duc Subislav, prise par Waldemar II
de Danemark (4224), reprise par le duc de Poméranie,
puis par les Prussiens (4225). Contre ceux-ci le duc
appela les chevahers Teutoniques (V. Prusse [Histoire]).
Dantzig fut ensuite occupé par les Brandebourgeois que le
duc Mestrin II avait appelés comme auxiliaires; il la reprit
en 4274. A sa mort (4295), le souverain de la ville
devint le roi de Pologne Przemyslav II ; son fils ayant eu
l'imprudence de recourir aux chevaliers Teutoniques contre
les Brandebourgeois, vit ses alliés s'établir à Dantzig qu'ils
refusèrent de restituer (4340). Ce fut pour la Pologne un
préjudice irréparable. Casimir III abandonna formellement
le grand port de la Vistule par le traité de Kalisch (4343).
Dantzig, dont la prospérité croissait rapidement, adhéra en
4350 à la Hanse (Y, ce mot et Commerce [Histoire]); elle
prit alors de l'extension au N.-O. de la Mottlau et joua un
rôle actif dans les guerres dont la Baltique fut le théâtre.
Ses bourgeois occupèrent Stockholm comme alliés du roi
Albert, défirent les frères Vitaliens, pirates redoutés, com-
battirent la reine Marguerite de Danemark. Ils profitèrent
même de l'abaissement de l'ordre Teutonique pour se
rendre complètement indépendants ; ils y réussirent et se
mirent sous le patronage du roi de Pologne Casimir IV
(4454). Dantzig reçut alors une charte connue sous le
nom de Privilegium Casimirianum ^ui en fit une ville
libre, presque un Etat autonome ; droit de haute justice,
sans restrictions, libre nomination à tous les emplois, droit
d'avoir une garnison, de faire la paix, la guerre, de con-
clure des alliances, de battre monnaie, de régler son bud-
get, impôts et dépenses ; la ville ne payait ni taxe, ni
péage au roi. L'autorité de celui-ci, toute nominale, était*
représentée par un burgrave ; Dantzig déléguait à Var-
sovie un secrétaire et votait à la Diète, aux élections
royales. Son administration municipale devint homogène
par la fusion des quatre quartiers (Altstadt, Rechtstadt,
Jungstadt, Vorstadt). L'entente avec les Polonais fut de
courte durée. Une guerre de huit ans (4472-4480) fut.
DANTZIG — DANUBE
— 908 —
occasionnée par des querelles au sujet de l'évêché d'Erme-
land. En 4523, Dantzig embrassa la Réforme, tandis que
la Pologne restait catholique. Le déclin de la Hanse nui-
sait à Dantzig, non moins que la concurrence d'Elbing et
de Marienbourg dont les habitants percèrent à la Vistule
un nouveau chemin à travers la Grosse Rampe en amont
de son delta, de manière à abaisser de moitié le plan d'eau.
Hostiles à Etienne Bathory, les bourgeois de Dantzig furent
assiégés par lui et l'éloignèrent en lui payant 200,000 du-
cats (1577), Attaqués par les Suédois en 1656, ils furent
délivrés par une flotte hollandaise et une armée polonaise.
Les Hollandais avec lesquels ils continuaient les relations
commerciales nouées au temps de la Hanse avec les ports
de la mer du Nord, voulurent faire reconnaître la neutralité
de Dantzig (convention d'Elbing avec l'électeur de Brande-
bourg, iO sept. i656). En 4734-, Dantzig donna asile à
Stanislas Lesczynski, fut assiégée par les Russes et les
Saxons et obligée de capituler le 9 juil. Après le premier
partage de la Pologne, Dantzig conserva sa liberté ; mais,
enclavée dans les possessions prussiennes et en bulte à un
véritable blocus douanier, elle déclina beaucoup.
En 1793, elle fut annexée à la Prusse. Elle commençait
à se relever quand survint la guerre de 1806. La garni-
son, forte de vingt-deux mille hommes et commandée par
Kalckreuth, opposa aux Français une résistance opiniâtre.
Le siège commencé par le maréchal Lefebvre au mois de
mars se termina le 24 mai par une capitulation ; la gar-
nison avait perdu les deux tiers de son effectif ; l'armée de
siège renforcée par le maréchal Mortier atteignait soixante
mille hommes. Les principaux épisodes furent la prise du
mont Ziganka le 1^^ avr., le bombardement commencé le
23 avr,, l'assaut du 21 mai qui fut repoussé; le 27 mai
Weichselmunde se rendit. La garnison obtint les honneurs
de la guerre et s'engagea à ne pas servir pendant un an
contre la France ; la ville paya une contribution de guerre
de 20 millions ; Lefebvre fut créé duc de Dantzig. — La
paix de Tilsit fit de Dantzig une ville libre avec un terri-
toire de 2 lieues à la ronde (Napoléon accorda 2 lieues
allemandes), sous la protection de la France, de la Prusse
et de la Saxe. Une garnison française y fut placée. Après
la retraite de Russie, elle fut à son tour assiégée. Le siège
dura onze mois : delà finde janv. 1813 au l^^'janv, 1814.
Le général Rapp fit une défense merveilleuse contre les
assiégeants prussiens et russes assistés d'une flotte an-
glaise. La capitulation signée le 17 nov. 1813 par laquelle
il s'engageait à remettre la place le 1^"^ janv. 1814 et
obtenait les honneurs de la guerre à la condition de ne pas
servir pendant un an contre les coalisés, ne fut pas res-
pectée par le tsar Alexandre P^'. — Le 3 févr. 1814, les
Prussiens rentrèrent en possession de Dantzig. Malgré
l'inondation de 1829, le choléra de d831, l'incendie de
1858, la ville a grandi rapidement; après 1863, les pro-
grès furent considérables ; ils se sont ralentis. Depuis le
1^^ juil. 1878, Dantzig est la capitale de la province de
Prusse occidentale. A.-M. B.
BiBL. : Gralath, Gesch. Danzigs ; Kœnigsberg, 1789-
1792, 3 vol.— ScHULTZ, Danzig und seine Bauwerke ; Berlin,
1873, av. 54 pi. — Rudolph, Fûhrer duvch Danzlg; Dant-
zig. 1884, 2« édit.
DANTZIG (F.-J. Lefebvre, duc de), maréchal de France
(V. Lefebvre),
DANUBE. L Géographie physique. — Le Danube
est, après le Volga, le plus long et le plus puissant fleuve
d'Europe. C'est en même temps le seul des fleuves impor-
tants de ce continent dont le cours soit dirigé de PO. à l'E. :
C'est, pour l'Allemagne et l'Autriche, la grande voie natu-
relle vers l'Orient, Pour les Romains, le Danube était
l'une des frontières de l'empire : ce fleuve, dont la source
se trouve située sous la même longitude que le Rhône et
dont l'embouchure se trouve sous le même méridien que le
Nil, formait une limite naturelle de l'O. à PE. ; au delà
s'étendaient d'âpres montagnes et des forêts inexplorées ;
quand Trajan fit des conquêtes dans la région des Car-
pates, cela parut un des signes les plus frappants de la
puissance romaine. Plus tard, au temps des invasions bar-
bares, le rôle du Danube change : ce n'est plus une fron-
tière entre les peuples, mais la grande voie naturelle suivie
par les nations pour marcher vers l'Ouest ou reculer vers
l'Orient. Les Huns, les Avares remontent le Danube;
après eux les Slaves, les Magyars, les Turcs prennent la
même route et les Francs de Charlemagne, les Bavarois,
colonisateurs de l'Autriche, les croisés, en marche du côté
de Constantinople, les armées qui, plus récemment, ont
refoulé les musulmans, descendaient le grand fleuve. Pour
la France, le Danube fut à diverses reprises un admirable
chemin de guerre, et ce fut aussi souvent la voie de l'inva-
sion. Les Huns, les Hongrois, les Impériaux suivirent le
Danube pour aborder la Gaule.
Le Danube a donc servi de voie de communication pour
les migrations et les conflits des peuples de l'Orient et de
l'Occident de l'Europe, ce qui expHque qu'il n'ait pu servir
de frontière entre les divers Etats. En efl'et, auN.-O. de la
Serbie et de la Roumanie, tous les royaumes qui s'étendent
le long du fleuve, la Hongrie, l'Autriche, la Bavière, le
Wurtemberg, en possèdent les deux rives, tandis que des
fleuves peu importants, affluents de droite et de gauche du
Danube, servent de limites naturelles entre les peuples.
C'est que ces petites rivières, placées en travers de la
marche des armées, formaient souvent des obstacles sérieux,
par leur forme torrentielle, leurs inondations, la rapidité
et l'incertitude de leur courant, au lieu que le Danube se
prêtait à la manœuvre de véritables flottilles de bateaux.
Ainsi les Magyars ont au N. et au S., la Morava et la
Leitha comme frontières occidentales; autrefois, quand ils
occupaient de plus vastes territoires vers l'O., ils avaient
l'Enns pour limite. Ainsi l'Enns sépare encore les deux
provinces de l'Autriche ; l'Inn et la Salzach, son affluent,
séparent les Autrichiens des Bavarois; plus à l'O., le
Lech et l'Hler séparent des populations d'origines et de
dialectes différents.
L'importance du Danube est encore plus grande dans
l'histoire comme voie commerciale et industrielle : lorsque
les routes artificielles manquaient complètement, tout le
trafic de l'Allemagne méridionale prenait la voie du fleuve,
les habitants se multipliaient sur ses bords , les villes se
groupaient dans sa vallée où se concentrait la puissance
politique des régions qu'il traversait. En s'emparant du
fleuve, les Allemands et les Magyars s'assuraient un grand
empire. Maîtres du Danube, les Autrichiens se sont aussi
emparés des Alpes, la grande forteresse de l'Europe, posi-
tion aussi favorable pour l'attaque que pour la défense.
Le Danube, dans sa partie supérieure et moyenne, était
appelé par les Romains Danubius et dans son cours
inférieur Ister il se nomme, en allemand Donau^ en hon-
grois Duna^ en slave Dunai, en turc Duneh, On divise
rimmense bassin du Danube (800,000 kil. q. environ), soit
en deux, soit en quatre parties; la division en deux grands
bassins attribue au premier le Danube supérieur et une
partie de son cours moyen qui traverse le sud de l'Alle-
magne et l'Autriche, et au second le Danube inférieur,
qui coule en Hongrie et dans les pays bulgares et roumains.
La division en quatre bassins est établie de la manière
suivante : 1** le bassin fermé à gauche par le Baierischerwald
et à droite par le Hausriick, qui va de la source du Danube
à Passau et embrasse le duché de Bade, le Wurtemberg, la
Bavière, le Tirol et le pays de Salzbourg; 2° le bassin fermé
parles monts Tatra, à gauche, et à droite par le Pilis, qui
finit à Gran et embrasse l'Autriche, la Moravie et leN.-O.
de la Hongrie ; 3<* le bassin fermé par les montagnes du
Banat et les Alpes de Transylvanie, à gauche et à droite par
les montagnes de Serbie, qui finit à Orsova et embrasse la
Styrie, la Carinthie, la Carniole, la Croatie, la Slavonie, la
Hongrie, la Transylvanie et la Bosnie ; 4<* le bassin situé
tout entier en dehors de la région allemande, (|ui embrasse
la Serbie, la Bulgarie, la Valachie, la Moldavie, la Buko-
vine et la Bessarabie.
Le bassin du Danube se trouve, plus que celui de tout
- 909 -
DANUBE
autre fleuve d'Europe, entouré d'un puissant système oro-
graphique, d'une haute muraille de montagnes qui accom-
pagne le fleuve dans tout son développement. Cette ceinture
de montagnes, en partant de la Forêt-Noire, est formée à
droite par la Forêt-Noire méridionale, les hauteurs de
Constance, les Alpes d'Algau, les Alpes Rhétiques, Cac-
niques, Juliennes, les plateaux de la Carniole, les Alpes
Dinariques ou lUyriennes, le plateau de Mœsie et les Bal-
kans ; et à gauche par la Rauhe Alp, le Jura franconien,
le Fichtelgebirge, les monts de Bohême et de Moravie,
les monts Sudètes, le Gesenkergebirge, les Beskides, les
Carpates du centre jusqu'à la source du Pruth, et plus
loin les hauteurs qui séparent le Danube du Dniester.
Le Danube, dans son cours supérieur, est une paisible
rivière de la Forêt-Noire. Il est formé par la réunion de
la Brigach et de la Brege qui naissent dans le pays de
Bade, la première à d,000 m. de haut, au N. de la
fameuse montagne de Tryberg, lieu de pèlerinage réputé,
la seconde à l'O. de cette même montagne, à 4,425 m. de
hauteur. Les deux petites rivières descendent rapidement
dans des vallées contournées, tantôt se rapprochant et
tantôt s'éloignant, puis finissent par se réunir à 667 m.
au-dessus du niveau de la mer en aval de Donaueschingen,
situé à la frontière de la Forêt-Noire et du Jura ; dans le
jardin du château de Donaueschingen, jaillit une source
intarissable, murée, à laquelle on donne habituellement le
nom de source du Danube, sans doute pour la pureté de
ses eaux ; c'est là que le fleuve prend son nom de Danube.
La pente du sol reste quelque temps incertaine et les eaux
réunies de la Brigach et de la Brege coulent pendant une
vingtaine de kilomètres vers le S.-E., comme si elles se
dirigeaient vers le lac de Constance et le Rhin ; une petite
part du Danube s'écoule même par des conduits souterrains
vers le bassin rhénan ; ce petit courant dérivé disparaît
dans les fissures du lit calcaire du fleuve et reparaît sur le
versant du Rhin oti il se joint à FAch. Ces fissures se sont
élargies en 4876 en aval d'Immendingen, près de l'entrée
du Danube en Wurtemberg, et si les usiniers ne les avaient
bouchées, le cours d'eau aurait pu s'y engouffrer en grande
partie. Le Danube coule vers le S.-E. jusqu'à Gutmadingen ;
là il prend la direction du N.-E. qui l'éloigné définitive-
ment du bassin du Rhin, et pénètre dans une cluse du
Jura souabe. La vallée qui était d'abord restée assez large,
se rétrécit de plus en plus après Tuttlingen (642 m.) et
Fridingen ; le fleuve s'engage entre des rochers de 400 m.
de haut, coupés de petits vallons ombragés par des bou-
leaux et des hêtres ; des châteaux et des ruines pittoresques
donnent un aspect romantique à cette gorge qui se pro-
longe jusqu'à Sigmaringen (542 m.) , jolie capitale de
l'enclave prussienne de Hohenzollern. A Scheer, le Danube
abandonne le Jura et coule au pied des montagnes jusqu'à
Ratisbonne; le cours du fleuve jusqu'à Ulm (463 m. au-
dessus du niveau de la mer) est encore dominé au S. par
des hauteurs, mais au N. il est borné de vallées à travers
lesquelles coulent de belles sources dont l'eau a la pureté
des ruisseaux qui traversent le calcaire ; ces sources
viennent grossir le flot du Danube : la plus importante est
la Blau (Bleue) qui se jette dans le Danube à Ulm ; ce
ruisseau coule à travers des rochers et l'on voit au-dessus
de son cours actuel la trace d'anciens méandres sculptés
dans la pierre. Au-dessous d'Ulm, le fleuve quitte le ter-
ritoire du Wurtemberg, entre dans la Bavière et reçoit
riller, le premier affluent venu des Alpes, qui fait du
Danube la grande voie de navigation de l'Allemagne du
Sud. Les petits affluents que le Danube a déjà reçus sont
très nombreux : sur la rive gauche, la Schmiech, la Lan-
chart, la Lauter et la Blau; sur la rive droite, l'Ablach,
rOstrach, la Kanzach et l'Iller.
A partir du confluent de l'Iller, le Danube devient navi-
gable : c'est déjà un beau fleuve de 75 m. de large et 4 m.
de profondeur moyenne. Ulm est la principale ville du
Wurtemberg danubien, mais son faubourg, Neu-Ulm,
fondé en 4821 sur la rive droite, est déjà situé en Ba-
vière ; c'est là que commence le mouvement de navigation
sur le fleuve; delà, en face du confluent de l'Iller, partent
de larges bateaux carrés appelés, à Vienne, Schachteln
(boîtes) qui portent jusqu'à cent tonneaux de marchan-
dises ; arrivés au terme de leur voyage, ces radeaux sont
dépecés et vendus comme bois de chauffage et de cons-
truction. En même temps que le fleuve lui-même, la vallée
s'élargit pour la première fois de 7 à 45 kil. jusqu'à
Steppberg à l'O. de Neubourg ; un second élargissement de
la vallée se produit à Ingolstadt, mais à l'embouchure de
l'Abens la vallée se rétrécit de nouveau et le Danube s'en-
ga^^e à travers le Jura jusqu'à Ratisbonne (308 m. d'élé-
vation) ; à cet endroit s'ouvre une troisième grande vallée
très fertile dans laquelle le Danube atteint le point le plus
septentrional de son cours (49** 2^ et qui se prolonge
jusqu'à Pleinting. Dans son cours à travers la Bavière, le
Danube décrit un grand arc de cercle en passant au pied
des dernières collines du Jura de Souabe et de Franconie,
et les contreforts de la forêt de Bavière ; il traverse quel-
ques défilés rocheux, par exemple ceux situés au-dessous
de Ratisbonne, mais presque partout au S. il est borné
par des terrains de transport. « Le fleuve qui s'épanchait
autrefois dans une mer intérieure emplissant le vaste espace
triangulaire laissé entre le s montagnes, a été graduellement
rejeté au pied des hauteurs septentrionales par le grand
cône de débris (ju'apportaient les courants glaciaires des
Alpes, et par suite a dû prendre la forme semi-circulaire
que présente toujours la base des talus de déjections : il ne
reste plus de l'ancien lac que des marécages, le Donau-
ried et le Donaumoos, diminuant peu à peu en étendue
sous l'effort des cultivateurs . Des rivières errantes, çà et là
comblées, s'entre-croisent encore dans les campagnes, mais
on les sépare peu à peu du courant principal ; les bords en
sont conquis par la nature; elles se changent en lacs,
puis en mares et finiront par disparaître. » (Elisée Reclus.)
Le Danube au sortir de sa troisième grande vallée passe à
Passau (292 m. d'alt. où sa largeur est de 244 m.) et aban-
donne le territoire de l'empire allemand d'abord sur la rive
droite, puis, à Engelhardszell, sur la rive gauche aussi. La
profondeur du fleuve de Donauworth à Passau varie de
1^49 à 4^^9. Dans l'espace compris entre Ulm et Passau, le
Danube reçoit sur la rive gauche : la Brenz, la Wornitz,
l'AtmiJhl, la Naab, la Regen (ces trois dernières rivières,
sur une distance de 22 kil.) et FIlz ; sur la rive droite il
reçoit les trois grands fleuves alpins, la Lech, l'Isar et
rinn; en outre, on trouve sur la rive droite de nombreuses
petites rivières ; ce sont, avant le Lech, la Gunz, la Mindel,
la Zusam ; entre le Lech et l'Isar, la Paar, l'Ilm, l'Abens,
le Laber ; entre l'Isar et l'Inn, la Vils. Les affluents de
gauche qui ne sont pas alimentés par les grandes neiges,
n'ont comme développement que celui de leurs vallées de
montagnes, tandis que ceux de droite viennent des Alpes
et se prolongent dans la plaine pendant 400 ou 450 kil. ;
l'Inn est même supérieur au Danube par sa masse liquide,
tout en étant très inférieur comme importance historique.
La vallée de l'Inn a longtemps été une impasse aboutissant
à des rochers et des glaciers, tandis que le haut Danube
continue le grand chemin des nations qui s'étend de la mer
Noire aux montagnes de Bohême et de Souabe ; l'Inn se
continue jusqu'au défilé de Passau, à l'extrémité du bassin
bavarois. Les lits de ces rivières sont disposés transversa-
lement à celui du Danube et divisent la haute Bavière en
rectangles très allongés dont les lignes suivent exactement
les courants aériens ; les vents principaux de ces contrées
soufflent en effet de l'É. à l'O. ou de l'O. àl'Ë. dans une direc-
tion parallèle aux Alpes et au cours du Danube ; les vents
moins importants sont au contraire déviés dans le sens du
méridien, remontent le cours des rivières et vont se heurter
perpendiculairement aux Alpes. On remarque entre les
villes danubiennes de la Bavière un contraste remarquable :
celles de la région occidentale sont pour la plupart bâties
sur la rive gauche, tandis qu'à partir de Ratisbonne les
villes populeuses sont installées sur la rive droite : c'est
DANUBE
940 --
à la nature du sol qu'il faut demander F explication de
ce phénomène : dans la vallée supérieure du Danube, ou
trouve tout le long de la rive droite des marais et les lits
de galets oii courent les torrents descendus des Alpes ;
les habitants ont préféré bâtir leurs habitations sur la rive
plus élevée et plus stable formée par les terrasses du Jura.
Lorsque Ton arrive à Ratisbonne, la vie pasâe de la rive
du N. à celle du S. : le Baierscher Wald laisse entre
ses dernières hauteurs et le fleuve un si petit espace de
terrain que les habitants ont préféré s'établir dans les
plaines plus larges et plus productives qui s'étendent au
pied des Alpes : c'est sur la rive droite que les villes et
villages se sont établis. Sur la rive gauche du Danube, après
Neu-Ulm, on trouve Dilingen ; les différents villages voisins
et les rives du fleuve étaient à cet endroit très exposés au-
trefois aux incursions des armées : le Danube y est en
effet traversé par plusieurs ponts et les armées pouvaient
tourner la forte place d'Ulm et se porter dans le bassin du
Neckar, les plaines de la Franconie ou les villes de la haute
Bavière. Un peu plus loin Donauwôrth, située au confluent
de la Wôrnitz et du Danube, est une position stratégique
célèbre dans l'histoire. Les pierres amassées par les eaux
du Lech à son confluent avec le Danube ont empêché une
grande ville de s'y fonder ; mais un peu plus loin on trouve
la ville de Neubourg située à l'issue d'un passage que le
Danube s'est ouvert dans une fissure du plateau. Neubourg
est bâtie au point où la traversée du fleuve était facile, en
amont du Donaumoos, aujourd'hui couvert de champs
cultivés ; en aval de cette plaine marécageuse, en un second
point franchissable, on trouve la place forte d'Ingolstadt,
le principal arsenal de l'Allemagne du Sud, situé à peu près
au centre de la Bavière et entre les deux plus grandes
villes du pays, Munich et Nuremberg. En amont du point où
l'Altmùhl se jette dans le fleuve, le Danube traverse un
sauvage défilé choisi par les Romains comme point de dé-
fense. Ratisbonne vient ensuite, située sur le coude sep-
tentrional du fleuve, à l'issue de plusieurs rivières qui
convergent vers elle, la Regen, lo Naab, rAltmùhl. A
partir de Ratisbonne, la navigation devient plus facile qu'à
Ulm, Donauworth, Ingolstadt; aussi de tout temps Ratis-
bonne a-t-elle été un grand marché ; déjà importante sous
les Romains, au temps de Charlemagne et des croisades,
Ratisbonne était devenue une des plus riches cités de
l'Allemagne, mais, dès le commencement du xiv^ siècle,
son importance diminua : vue de l'une ou de l'autre des
îles du Danube ou du pont de pierre qui réunit son fau-
bourg de la rive gauche, Stadtamhof, à la ville, c'est une
des cités les plus pittoresques de l'Europe. Après Ratis-
bonne les villes deviennent plus nombreuses sur le Da-
nube ; on trouve sur la rive droite Stranbing, sur la rive
gauche Deggendorf ; puis, la vallée de l'Isar dont la vio-
lence torrentielle a empêché une cité de s'y fonder. Un
peu plus loin, l'Inn, rivière impétueuse descendue des Alpes
suisses et tiroliennes, rejoint le Danube et lui donne un
peu de son impétuosité : le point de jonction de ces fleuves
est nommé Ort^ le lieu par excellence, par les habitants.
Sur la rive droite de l'Inn on trouve Passau, ancien
centre de résistance des chrétiens contre les Avares ; mais
ce ne fut jamais un centre de commerce comme Ratis-
bonne ; aujourd'hui, elle est ville frontière et marque les
limites de la Bavière du côté de l' Austro-Hongrie. L'altitude
du Danube, qui était de 677 m. au confluent de la Brege et
de la Brigach, est à sa sortie de Bavière de 273 m.
Le Danube entre alors en Autriche. « Dans la géographie
générale du continent, les deux provinces de l'Autriche ne
sont autre chose qu'un sillon ouvert entre les Alpes et les
montagnes de la Bohême ; elles sont la partie la plus im-
portante de la grande vallée qui, du voisinage de la France,
mène en face de l'Asie et rejoint l'Occident à l'Orient. Le
fleuve qui parcourt ce pli transversal du continent et qui,
par la masse des eaux, n'a pas d'égal en Europe, naît mo-
destement dans les vallons de la Forêt-Noire. Entré dans
îa plaine, il accompagne les Alpes, mais de fort loin, car
son cours a été repoussé vers le N. par les énormes dépôts
d'alluvions que les torrents ont apportés. A Ratisbonne, il
vient frapper des coteaux dont il faut suivre la base vers
le S.-E. Uni à l'Inn, le Danube échappe aux plaines
élevées de la Bavière, et pénètre dans le sillon de l'Autriche
qu'on a dû régulariser par de grands travaux de déblais et
des percements ; puis, de plaines en défilés et de défilés en
plaines, il va gagner la porte desCarpates, d'où il s'épanche
dans les vastes étendues qui sont aujourd'hui la Hongrie. Les
deux tiers de la monarchie austro-hongroise se trouvent dans
son bassin. » (Elisée Reclus.) Du côté du N., le Danube
est dominé par les falaises et les hauts rivages du plateau
qui sert de base au Bœhmerwald, coupés de place en place
par des rivières peu importantes; du côté du S., au con-
traire, les Alpes, beaucoup plus éloignées que les monts de
Bohême, se ramifient en chaînons parallèles d'où s'écoulent
vers le Danube de larges rivières alimentées par les neiges
et traversant des vallées riantes au fond desquelles paraissent
les montagnes couvertes de forêts sombres ou de glaces
éclatantes. C'est (avec l'espace du Danube compris entre les
Alpes transylvaines et les montagnes orientales de la Serbie)
la partie du Danube la plus pittoresque et la plus belle, que
celle qui s'étend de Linz à Vienne ; sur les rochers sont
perchés de vieux châteaux et les aspects varient à chaque
détour du fleuve. Tantôt le Danube est resserré entre des
rochers, lentement creusés par les eaux, qui le réduisent
au quart de sa largeur, tantôt, comme en aval de Grein, il
entre dans un défilé obstrué de pierres et d'îlots : l'eau
s'écoule en rapides et en courants furieux autour de l'île
qui garde les ruines de Werfenstein : c'est le Strudel. Un
peu plus bas, le roc de Haustein, qui arrêtait le courant, le
rejetait en remous sur la rive opposée et causait de nom-
breux naufrages, a été rasé en 4854 ; ce passage dangereux
a été parfaitement rectifié. Un peu en amont de Krems, le
château ruiné de Dùrrenstein, où fut enfermé Richard Cœur
de Lion, enferme la petite ville dans son enceinte et presque
aussitôt le Danube sort des défilés, s'étale largement dans
la vallée et se divise en mille bras qui entourent des îles
vertes, couvertes de prairies et de saules {auen)\ ces méan-
dres se croisent et se perdent en marécages ; au miheu de
la campagne, on trouve des bras morts qui ont formé des
étangs couverts de canards, de grues, de mouettes, d'oies
sauvages et même de castors. La culture gagne sans cesse
sur la vallée fluviale ; peu à peu ces étangs se changent en
vallées fertiles, et les rives fixées par des digues et des che~
mins prennent une apparence régulière. Les campagnes de
Krems et de Stockerau au N. de cette plaine alluviale et
de Tulln au S. sont très riches ; au loin, on aperçoit le
Mannhardtsberg, dernier promontoire du plateau morave ;
bientôt la chaîne de Wienewald qui se termine par le
Kahlengebirge et le Bisamberg, vient rétrécir la plaine qui
recommence au delà du promontoire et forme un vaste bas-
sin où jadis les eaux du Danube s'amassaient avant que
l'arête de jonction des Alpes et des Carpateseût été rompue :
Vienne est placée dans le bassin d'eifondrement entre les
Alpes et les Carpates au bord de l'ancien lac que le
Danube parcourt en courbes innombrables. Le S. de la
plaine, couvert de villes, de villages et d'usines, n'a plus,
malgré ses galets, l'aspect d'un ancien fond lacustre; le
Marchfeld au N. du fleuve avait encore récemment, avec
ses dunes et ses marais , une morne apparence ; mais
la culture l'a conquis. Le Marchfeld, au bout duquel
le Danube entre sur le territoire hongrois, situé au
croisement des routes naturelles entre la Bavière, la Bohême,
la Silésie, près du fleuve, est un des grands champs de
bataille de l'Europe : dans la campagne, on voit les vil-
lages de Wagram et d'Aspern, et dans les îles mêmes du
fleuve, celle de Lobau, auxquels sont attachés de sanglants
souvenirs. La rive droite du Danube en Autriche comme en
Bavière orientale est beaucoup plus peuplée que la gauche ;
toutes les villes importantes et presque toutes les autres
sont élevées du côté méridional : Linz, Enns, Ips, Môlk,
Mautern, Tulln, Klosterneuburg, Vienne, se suivent sur la
rive droite, oU se noue le réseau des voies de communi-
cation et repose toute la vie commerciale. Ce fait s'explique
par l'avantage qu'a la rive droite de posséder des vallées
larges et fertiles entre de petites chaînes parallèles de for-
mation récente, tandis que, séparées de ces terrains par le
Danube, frontière géologique à cet endroit presque parfaite,
les roches anciennes s'étendent sur la rive gauche, terrains
jurassiques en Bavière, granit en Autriche. La seule ville
un peu importante de la rive du N. est Krems, où la
zone des terrains tertiaires commence aussi à se développer.
La situation des diverses villes s'explique naturellement.
Linz occupe le point précis où aboutissent la route de Salz-
bourg, par la vallée de la Traun, et la route de la Bohême
par les brèches entre le Bœhmerwald et le plateau de Mo-
ravie. C'est là que les Allemands ont construit leur première
ligne de chemin de fer. Linz est l'entrepôt des sels de Salz-
bourg, des bois et des différents produits de la Bohême.
Vienne (155 m. d'élévation) est située au croisement de la
voie naturelle de l'Adriatique au Danube par la vallée
de la Men, et les chemins de fer d'Allemagne et de la Bal-
tique qui viennent de la Bohême et de la Silésie par la
Morava. Vienne était autrefois la forteresse avancée de
l'Europe aux portes de l'Orient : pendant les périodes de
guerres, le commerce remontait à Enns, Passau, surtout
Ratisbonne, mais avec la paix il revenait à Vienne. De nos
jours, c'est encore un des principaux entrepôts du com-
merce. Bien que l'importance du Danube ait diminuée par
les tarifs douaniers d'abord, puis par la concurrence des
chemins de fer, le fleuve lui amène par an environ vingt
mille embarcations jaugeant plus de 700,000 tonnes de
marchandises et de denrées. Il y a peu de temps encore.
Vienne était séparée du Danube par près de 2 kil. d'étangs
et de bras morts : mais on a rectifié le cours du fleuve en
lui creusant un lit réguHer de 300 m. de large, franclii
par cinq ponts et contenu par des quais supérieurs au
niveau de crue. L'ancien Danube, à demi-comblé, forme une
sorte de lac abandonné dans la campagne. Vienne est en
plein développement. Non loin de la ville, au N.,^n trouve
sur le fleuve Klosterneuburg sur la rive droite, Korneuburg
et Stockerau sur la rive gauche qui se développent rapi-
dement, grâce au voisinage de la capitale. Les affluents du
Danube en Autriche sont, sur la rive gauche, outre la
March ou Morava, de petites rivières près de la frontière hon-
groise telles que : la Krems et le Kamp ; et sur la rive droite
les cours d'eau alpins, la Traun, l'Enns, l'Ips, l'Erlaf, le
Bielack, le Trâisen, le Wien, la Schwechat et la Fischa.
Le Danube entre en Hongrie, où son cours a 940 kil.
de long, après avoir parcouru 373 kil. sur le territoire
autrichien. C'est en Hongrie, un peu en aval de la Morava,
que le Danube devient tout à fait un grand fleuve ; ses rives
so*at changeantes, le courant tantôt les ronge, tantôt leur
apporte des alluvions ; de tous côtés s'ouvrent des canaux
d'eau vaseuse ; le fleuve lui-même est peuplé de villages
entiers de moulins ancrés dans le courant. D'innombrables
îles sont formées par les ramifications du Danube : les plus
considérables, aussitôt après la percée de Presbourg, sont
les Schutt, qui ne sont pas comme les autres des îles allu-
viales. Au sortir de la célèbre porte Hongroise qui s'ouvre
entre les derniers contreforts des Alpes et ceux des Car-
pathes, le fleuve, qui a 292 m. de largeur, 6"*2 de profon-
deur et 131 m. d'élévation au-dessus du niveau de la mer,
forme un véritable delta dont les trois branches principales
sont le reste de celui qui jadis se jetait dans la mer inté-
rieure de la Hongrie occidentale ; à gauche le Danube reçoit
d'importants affluents venus des Carpates : la Vag, la
Neutra, le Gran, l'Eipel ; à droite les Alpes lui envoient la
Leitha et la Raab ; d'innombrables petits bras du fleuve
serpentent dans la campagne et se jettent dans la Vag, la
Leitha et la Raab qui les ramènent au Danube en formant
ainsi de grandes îles divisées elles-mêmes en petits îlots.
La grande île de Schutt, défendue à la pointe, au confluent
du Danube et de la Vag, par la forteresse de Comorn ou
Komarom, a 1,550 kil. q. Après cette sorte de delta le
911 - DANUBE
Danube revient dans un lit unique et passe par un second
défilé entre les monts Pilis et Nograd, cet étroit passage
par lequel la grande plaine de Hongrie communique avec
son avant-plaine de l'Ouest où l'on distingue les ruines de
la forteresse de Visegrad. Entre Visegrad et Waitzen, le
Danube entoure la grande île d'Andréa (30 kil. de lon-
gueur) et aussitôt après W^aitzen, quitte brusquement sa
direction de l'O. à l'E., pour descendre brusquement
vers le S. pendant près de trois degrés, soit environ 370
kil. « H semble bizarre qu'au lieu de traverser en dia-
gonale toute la grande plaine de Hongrie, le Danube la
contourne ainsi à l'O. et au S. La raison de ce phéno-
mène se trouve dans le mode de formation des terres allu-
viales qui ont graduellement comblé l'ancien lac. Ce sont
les Carpates du Nord et de l'Orient qui ont fourni les maté-
riaux de remplissage et par conséquent îa pente générale
du sol s'est inclinée vers le midi, entraînant avec elle dans
le même sens le Danube et la Tisza ou Theiss. Au S.
de la plaine, la Drave et la Save, descendues des Alpes, ont
au contraire charrié leurs afluvions dans la direction de
l'O. à l'E. ; la pente change soudain et le Danube doit
avec elle s'infléchir vers l'orient.» Après Bude et Pest, les
deux capitales de la Hongrie, réunies souvent sous le
nom de Budapest, qui se font face sur les deux rives du
fleuve et où les montagnes se rapprochent de nouveau
de la rive droite, le fleuve modifie son aspect dans
la grande plaine magyare ; il se répand dans la cam-
pagne en circuits innombrables qui changent chaque année
au moment des crues: sur une largeur de 10 à 15 kil.,
on ne voit qu'un lacis de lits embrouillés, les uns remplis,
les autres à demi desséchés. Voici quelques-unes des di-
mensions du fleuve dans la plaine hongroise. A Ofen, le
Danube a 970 m. de large, 7^50 à 10 m. de profondeur ;
un peu plus au S. entre Venek et Foldvar, il a de 570 à
1,260 m. de largeur et 9'"50 à 12 m. de profondeur;
enfin, entre Foldvar et Bukovar, il est large de 590 à
800 m. et profond de 5 à 8 m. La pente du fleuve est
assez faible. Aussitôt après Bude et les îles de Gsepel et
de Margitta, le Danube empiète sur sa rive droite et fait
reculer devant lui les villes qui le bordent, Duna-Foldvar,
Paks, Mohacs, qu'il menace ; entre Petrovaradin et Bel-
grade, le recul moyen de la rive est d'environ 50
centim. par an. Après l'embouchure de la Drave (75 m.
au-dessus de la mer), le Danube se tourne vers le S.-E.
et conserve cette direction pendant 300 kil. environ. H
voit de nouveau sa rive droite couverte de hauteurs pen-
dant que la rive gauche reste plate jusqu'à Belgrade où il
reçoit la Save, affluent de droite ; il reçoit en outre, un
peu plus bas, à droite la Morava et à gauche la Tisza ou
Theiss et la Temes^ qui se signalent comme lui par d'innom-
brables méandres que l'on a à plusieurs reprises tenté de
rectifier. La Tisza surtout était le type de la rivière serpen-
tine, errante; aujourd'hui, elle a été endiguée, mais on n'a
pu encore empêcher les inondations de la plaine, peut-être
même a-t-on augmenté l'accumulation des eaux dans la
partie inférieure du bassin par l'accroissement de la pente.
Les endiguements ne garantissent pas les cultures nouvelles
tentées sur les marais du retour des eaux : l'eau suinte
par des canaux souterrains et inonde les terres à une
grande distance. C'est la forme du lit danubien qui est la
cause principale de ces submersions ; en effet, les défilés
étroits et obstrués de rochers que le Danube doit traverser
en sortant de la plaine hongroise, ne laissent pas passer
avec une vitesse suffisante les crues occasionnées par les
neiges et les pluies ; l'eau reflue dans la plaine supérieure et
tous les marais riverains sont changés en lacs : c'est la
réapparition de l'ancienne mer hongroise. Pendant les inon-
dations, les campagnes basses de Pancsova sont recouvertes
de 2 m. d'eau sur près de 50,000 hect. ; les lits de la
Save, de îa Ternes, de la Tisza se changent en golfes et re-
çoivent le trop-plein du Danube ; le courant remonte très
haut, grâce à la très faible pente de ces cours d'eau quand
la crue du Danube précède la leur. On a vu le cours de là
DANUBE
— 942
Tisza refluer jusqu'à 150 kil., c.-à-d. plus loin q[ue Szeged.
Le seul moyen de garantir la plaine basse de ces inondations
qui font fuir les cultivateurs à la moindre pluie, serait de
rectifier le Danube aux Portes de Fer ; il faudrait élargir
les défilés, rétrécir les bassins trop larges et surtout
abaisser les seuils pour permettre aux lacs temporaires qui
se forment devant le défilé de se vider à temps. On a pro-
posé aussi de creuser au pied des monts de Transylvanie
un canal qui suivrait l'ancien cours de la Tisza et après
avoir recueilli toutes les rivières de l'Est, Szamos, Koros,
Maros, irait se jeter dans le Danube par le Karas, entre
les dunes de Deliblat et l'entrée du défilé de Bazjas ; mais
ce second travail serait trop coûteux. De Belgrade à Neu-
Orsova, le Danube forme la frontière de l'empire. Sa largeur
à Peterwardein est de 4,440 m. et sa profondeur de 42 m.;
entre Bukovar et Ujpalanka la largeur est de 390 à 590 m.;
à Semlin, il atteint 4 ,560 m. de large et 44 m. de pro-
fondeur. Après Ujpalanka, la rive gauche commence à son
tour à se couvrir de hauteurs qui font pendant aux hau-
teurs de la rive serbe et accompagnent le fleuve jusqu'à
Kladowa pendant environ 420 kil. L'aspect des défilés par
lesquels le Danube après avoir reçu la Tisza, la Ternes et
la Save , traverse les Garpates en quittant la plaine hon-
groise, est grandiose : à l'entrée de ce chapelet de défilés
que le Danube s'est creusé dans la roche vive, on voit s'é-
lever à droite le château fort de Golubatz sur la rive
serbe, et à gauche l'flot de Babako, en forme de tour, près
de la rive hongroise. Aussitôt après son entrée le Danube
s'engage dans le passage dangereux de Greben, hérissé de
récifs de porphyre et sillonné de rapides ; pendant les eaux
basses, les canaux navigables dans la petite Porte de Fer
n'ont pas plus de 4 m. de large, bien que le lit ait toujours
plusieurs centaines de mètres ; le fleuve s'élargit ensuite et
forme le bassin de Milanovatz où il a environ 4,400 m. de
large et au fond duquel on n'aperçoit qu'une muraille de
rochers ; par un brusque détour le Danube entre dans la
gorge étroite de Kasan qui semble une fente dans la mon-
tagne où les eaux sont encaissées sur une largeur de 450 m.
entre deux hautes murailles verticales : la profondeur des
eaux atteint environ 40 ou 50 m., et le courant a une
puissance formidable ; deux routes longent le fleuve, celle
de la rive hongroise fameuse pour la hardiesse de ses ponts
et de ses viaducs, et celle de la rive serbe qui est plutôt
un chemin de halage. Après avoir passé le long de la petite
ville hongroise d'Orsova et d'un îlot fortifié célèbre comme
enjeu historique des musulmans et des chrétiens, le Da-
nube, large de 4,500 m., entre dans un nouveau seuil de
récifs, celui de la grande Porte de Fer, entrée de la Rou-
manie. Bien que les rives soient moins sauvages et à pic que
celles du défilé de Kasan, c'est le passage le plus dangereux
du fleuve à cause de ses écueils et de ses remous. L'iné-
galité du courant est telle qu'à Fétiage il y a un pied
d'eau environ sur le premier rapide, tandis que dès le troi-
sième rapide le ht a 50 m. de profondeur, c.-à-d. un
niveau de 44 m. inférieur à celui de la mer Noire. C'est
seulement en 4846, douze ans après l'apparition des
bateaux à roues sur le bas Danube, que l'on se décida à
lutter contre les tourbillons. De nos jours encore, les com-
pagnies de navigation ont deux escadres de bateaux, en aval
et en amont d'Orsova et des navires spéciaux pour franchir
les rapides et seulement pendant la saison favorable, de
mars à juillet. Tandis que le niveau moyen du Danube à la
porte Hongroise est de 132 m., celui à la Porte de Fer est
de 39 m. ; sur les 955 kil. qui séparent les deux défilés le
fleuve descend. donc de 93 m., à peu près un mètre par
40 kil. Le débit moyen du Danube aux Portes de Fer est
de 40,220 m. c. Malgré l'urgence et la facilité relative des
travaux de canalisation évalués à environ 4 0 millions de
francs, les rivalités des riverains les ont presque empêchés
bien qu'ils eussent été formellement stipulés au traité de
Paris de 4856.
En quittant les Portes de Fer, le Danube n'a pas vidé
complètement la Hongrie de ses plaines lacustres : au centre
de la péninsule formée par le Danube et la Drave, subsiste
une petite mer, d'une superficie moyenne de 690 kil. q.,
le lac Balaton, dont les eaux s'écoulent dans le Danube,
par la petite rivière de Sio : on a travaillé à diverses reprises
à l'épuisement partiel du Balaton ; les travaux de l'empe-
reur Galère à l'époque romaine ont repris de nos jours ;
en 4825, les dessèchements ont reconquis sur les marais
environnants 4,260 kil. q. et le niveau du lac a été abaissé
d'un mètre ; un peu plus loin, dans la Hongrie occidentale,
à quelque distance du Danube et à 45 m. au-dessous de
son niveau, se trouve le lac intermittent de Neusiedl. En
4865, le bassin lacustre était vide, mais, de 4869 à 4876,
il a été rempli de nouveau par le reflux du Danube, de la
Raal et de la Leitha, ainsi que par les suintements souter-
rains ; le lac de Neusiedl se continue à l'E. parles marais
et les prairies de la Hansag, dont les eaux s'égouttent dans
le Danube par un canal qui n'a que 4 m. de pente ; lorsque
les crues du Danube et de ses affluents, la Raab et la
Leitha sont très hautes, les eaux refluent jusqu'au lac de
Neusiedl ; quand au contraire, les eaux restent basses pen-
dant plusieurs années, le lac se dessèche ; on pourrait donc
le dessécher, au moyen d'une digue à écluses en aval de
la Hansag. Mais il n'en vaut pas la peine, car on n'obtien-
drait que des terrains infertiles ; au contraire, l'assèche-
ment des insalubres marais de la Hansag s'impose.
A son entrée dans les campagnes basses, dans la plaine
de Roumanie, le Danube a une profondeur de 50 m. et son
niveau se trouve à 20 m. au-dessous de celui de la mer
Noire : la portée moyenne de son courant y dépasse celle
de tous les fleuves réunis de l'Europe occidentale, du
Rhône au Rhin. Cependant les Romains avaient jeté sur le
fleuve, du temps de Trajan, un pont à vingt piles, juste-
ment célèbre, que l'empereur Adrien a fait détruire et
dont on voit encore les fondements ; sur le territoire valaque,
la ville de Turnu-Severin marque ce point ; ce lieu de pas-
sage entre la Serbie et la Roumanie a gardé son impor-
tance, mais on n'a pas encore remplacé le pont romain. Sur
la vaste courbe de 850 kil. que le Danube développe au S.
de la plaine valacjue, il offre par la masse de ses eaux toutes
facilités à la navigation. Au S. des plaines de la Roumanie,
le Danube appuie à droite, comme tous les fleuves de l'hé-
misphère septentrional, vers la Bulgarie, ce qui donne à
ses rives un aspect différent ; au S., la berge, rongée par
les eaux, s'élève assez brusquement en petites collines ;
au N., la plage égalisée par les crues du fleuve s'étend au
loin et se confond avec les campagnes basses : des anciens
lits du Danube il reste tout un fouillis de bras à demi com-
blés, de lacs et de marécages ; tous les terrains, bas, nivelés,
délaissés par le fleuve et habités par les castors, appartien-
nent à la Valachie, tandis que la Bulgarie, qui perd sans
cesse du terrain, a pour elle le sol salubre, les beaux
emplacements favorables au commerce, et c'est de ce côté
du Danube que presque toutes les cités riveraines ont dû
être bâties. Au-dessous de Widdin, on ne trouve sur le
Danube que les ponts militaires jetés entre la rive roumaine
et la rive bulgare. Le passage de la rive gauche à la rive
droite est très difficile au point de vue stratégique ; la guerre
de 4877 l'a prouvé ; au contraire, le passage de la rive
droite à la gauche est relativement facile, principalement
à Widdin, Rahova, Nicopoli, Sistova, Roustchouk, Tur-
tukaï, Silistrie, Rassova et Hirsova.
La largeur du fleuve à Roustchouk est de 4,300 m., à
Silistrie de 2,600 m. Depuis Orsova, sa direction est restée
pendant 403 kil. S.-E., et pendant son cours sur cet
espace il a reçu à droite le Timok (qui sert de limite entre
la Serbie et la Bulgarie) ; ensuite le Danube coule pendant
200 kil., jusqu'à Sistova, dans la direction de S. -S.-E.,
et reçoit à gauche le Schyl et l'Aluta et à droite l'Isker et
rOsma ; de Sistova à Tchernawoda, le Danube se dirige
vers l'E.-N.-E. et reçoit de nombreuses petites rivières qui
viennent grossir son cours; nous citerons, à gauche, l'Ard-
schisch, à droite le Lom et le Taban; à Tchernawoda, le
fleuve n'est plus éloigné de la mer que d'une soixantaine
— 913 —
DANUBE
de kilomètres en ligne droite ; il vient se heurter aux hau-
teurs granitiques de la Dobroudja (traversée par un chemin
de fer qui va jusqu'à Kustendjé), et change brusquement
de direction ; il se rejette vers le N. pour contourner pen-
dant 440 kil. ce massif, et, toujours bordé de marécages et
de bras morts, reçoit dans son trajet du S. au N., la Jalo-
mitza et le Sereth moldave (rive gauche). Après Galatz, il
se tourne vers TE. et, peu après, à l'embouchure du Pruth,
vers le S.-E., pour s'épanouir ensuite en delta dans un
ancien golfe que ses alluvions ont comblé et conquis
sur la mer Noire. A Galatz, les deux bras du fleuve, séparés
par une île, ont 460 et 290 m., à Isaktscha, le Danube a
590 m. de large et à Tultscha de 260 à 325 m. La pro-
fondeur du fleuve varie de 46 à 23 m.; à Tultscha, il
passe sur un banc de sable et n'a plus que 5 à 7 m. de
profondeur.
Pendant une cinquantaine de kilomètres, le Danube,
gonflé par les eaux du Sereth et du Pruth, garde tout son
volume, puis il se bifurque, et à Tultscha le delta commence.
C'est une sorte de mer innavigable, de 2,600 kil. q., couverte
de verdure, sous lesquelles coulent d'innombrables bras de
mer et qu'habitent des milliers d'oiseaux, de loups et de
buffles. Les deux branches les plus écartées du delta sont
éloignées l'une de l'autre de 96 kil. La branche de Kilia,
la plus importante par son débit (elle entraîne plus de moitié
des eaux du fleuve), est très intéressante par les change-
ments que ses alluvions accomplissent sur le rivage de
la mer Noire. En aval d'Ismaïl, elle se ramifie en petites
branches qui changent incessamment : deux fois, les eaux
se réunissent en un seul canal avant de s'étaler au milieu
de la mer et de former un delta secondaire en dehors du
grand delta. « La côte de ces terres nouvelles, dont le dévelop-
pement extérieur est d'environ 20 kil., s'accroît tous les ans
d'une quantité de limon égale à 200 m. de largeur sur des
fonds de 40 m. seulement. Pourtant, en dépit de la marche
rapide des alluvions au débouché de Kilia, la Hgne normale
du rivage se trouve en cet endroit beaucoup moins avancée à
FE. qu'à la partie méridionale du delta. On peut en conclure
que le Danube de Kilia a eu à combler de ses alluvions des bas-
sins intérieurs beaucoup plus vastes et plus profonds que
les anciens golfes du Sud. En étudiant la carte du delta
danubien, on voit que le cordon littoral d'une si parfaite
régularité qui forme la ligne de la côte, en travers des
golfes salins de la Bessarabie russe et moldave, se continue
au S. à travers le delta, en s'infléchissant légèrement
vers l'E. C'est l'ancien rivage. Il se relève au-dessus des
plaines à demi noyées, comme une espèce de digue que les
diverses bouches du fleuve ont dû traverser pour se jetea*
dans la mer. Les alluvions portées par les bras de Soulina
et Saint-Georges se sont étalées en une vaste plaine en
dehors de cette digue, tandis que le grand bras actuel n'a
pu déposer au-devant du rempart qu'un archipel d'îles
encore incertaines. Il est donc plus jeune dans l'histoire
du Danube. »
La quantité de sables et d'argiles qu'entraîne le Danube
pourrait lui fournir annuellement environ 6 kil. q. de sur-
faces sur 40 m. de profondeur; cette masse énorme se
dépose sur un espace très étendu et cependant le progrès
des bouches fluviales est facile à constater. Les anciens
craignaient de voir combler la mer Noire, mais ce n'est pas
à craindre, car il faudrait environ six millions d'années pour
atteindre ce résultat ; tout au plus l'îlôt des Serpents,
actuellement dans la mer, pourrait-il dans une centaine de
siècles être rejoint à la terre ferme. D'ailleurs, la grande
plaine triangulaire forméeparle delta (environ 4,000 kil.q.)
du Danube n'est qu'à demi émergée : quelques terres un
peu hautes, consolidées par les vagues, se redressent çà et
là, couvertes de bois de chênes et de hêtres au miHeu de la
morne étendue des boues et des roseaux : il jr a dix-huit
cents ans, les bouches étaient au nombre de six et main-
tenant il n'en existe plus que trois : la bouche de Kilia,
celle de Soulina et celle de Saint-Georges. La bouche de
Kilia (444 kil. de long), qui porte à la mer environ les deux
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
tiers de la masse d'eau, est barrée à son entrée par un
seuil de sables qui empêche les navires de s'y hasarder ; la
bouche méridionale de Saint-Georges ou Chidrilliç (96 kil.
de long, large de 430 à 390 m., profonde de 10 m. avant
sa barre, de 4 "^5 à la barre) ne peut davantage servir à la
navigation. C'est la bouche intermédiaire, celle de Soulina,
qui offre la seule passe navigable, choisie depuis 4858
pour canal par la commission européenne chargée des
travaux de correction du Danube ; encore serait-elle par
elle-même inabordable aux gros navires si on ne l'avait
améhorée par des travaux. Salongueur est d'environ 82 kil.,
sa largeur varie de 400 à 430 m. et sa profondeur de 5 à
45m. ; elle est protégée spécialement par deux digues qui
s'avancent dans la mer : l'une de 4,343 m. de long, l'autre
de 945 m. Autrefois l'eau n'avait qu'une profondeur de 2 m.
sur la barre des Alghanis pendant avril, juin et juillet, et pas
plus de 4 m. pendant les crues. A l'aide de jetées convergentes
qui mènent l'eau jusqu'à la mer profonde, on a abaissé le
seuil de la barre de 3 m. (c.-à-d. jusqu'à 5'"60) et des
bâtiments calant près de 6 m. peuvent y passer. La ville
toute récente établie à Soulina est un des ports de com-
merce les plus importants de l'Europe et un havre précieux
pour se garer des redoutables tempêtes de la mer Noire.
Le grand travail d'utilité publique mené à bonne fin aux
bouches du Danube est du à la commission européenne,
sorte de syndicat international qui a une existence poli-
tique autonome, sa flotte, son pavillon, son budget, ses
emprunts et sa dette.
IL Géographie économique. — Le développement du
Danube en ligne droite est de 4,630 kil. environ, et en
comptant les courbes du fleuve de 2,780 kil. Son bassin
qui comprend une grande partie de l'Allemagne du Sud, et
auquel appartiennent l'Autriche, la Hongrie, la Slavonie,
la Roumanie, la Bosnie, la Serbie et la Bulgarie, comprend
847,000 kil. q. environ. La masse d'eau que le Danube
porte à la mer représente en moyenne annuelle trente-
cinq'i millions de mètres cubes par heure. Le cours du
fleuve est très rapide jusqu'en Hongrie : à l'île Lobau on
a calculé que sa vitesse pendant les basses eaux est de
4°^08 ; pendant les eaux moyennes de 4^45 et pendant les
grandes eaux de 2°^27 à 4 m. La vitesse du courant dimi-
nue très sensiblement en Hongrie, à cause de la platitude
du sol sablonneux. Le débit d'étiage du fleuve est de
2,000 m. c. à peu près et le débit de crue de plus de
30,000 m. c. Il y a deux époques oti le Danube est soumis
à de fortes crues : au printemps lorsque le dégel arrive, et
dans l'été au moment de la fonte des neiges dans les Alpes.
Ces crues sont très redoutables et atteignent 46 m.
Le Danube est très poissonneux, spécialement en Hon-
grie ; on y trouve surtout de très belles carpes, des sau-
mons, des esturgeons, etc. Nous avons déjà vu que l'im-
portance du Danube ne tient pas seulement à l'importance
de son bassin et à la longueur de son cours, mais à sa
direction du N.-O. au S.-E., à son rôle de voie commer-
ciale et historique il entre l'Orient et l'Occident; à l'O., il
s'enfonce profondément dans le bassin géographique et
commercial du Rhin, et à l'E. il aboutit au point le plus
important du commerce de l'Orient. Aucun autre fleuve
ne voit se presser sur ses bords et sur ceux de ses affluents
une aussi grande variété et une telle quantité de peuples.
Dans la partie supérieure de son bassin, on trouve environ
1 0 millions d'Allemands ; dans la partie intermédiaire
demeurent plus de 47 millions de Magyares et de
Slaves de toutes races; dans la partie inférieure, plus
de 20 millions de Roumains, Bulgares, Serbes, Russes,
Turcs, Allemands : telle est la variété des races qui
peuplent au nombre d'environ 40 millions le bassin du
Danube. L'importance stratégique du fleuve est marquée
par les forteresses qui défendent les points les plus im-
portants de son cours : Ulm, Ingolstadt, Komorn, Ofen,
Peterwardein, Nikopolis, Roustchouk, Silistrie, Braïla. On
trouve des ponts assez nombreux sur le Danube; citons les
plus importants, à Ulm, à Ratisbonne, Passau, Linz,
58
DANUBE
914 —
Vienne, Budapest et Peterwardein. Il faut y ajouter plu-
sieurs ponts de chemin de fer en Bavière et en Autriche,
en particulier à Vienne et à Budapest ; il y a des ponts de
bateaux à Presbourg, Gran et entre Neusatz et Peter-
wardein.
La navigabilité du Danube commence à Ulm où il peut
porter des navires jaugeant de 200 à 250 quint, met. ;
un peu plus loin, à Ratisbonne, il est navigable pour des
vaisseaux de 600 à 900 quint, met. ; après l'entrée sur le
territoire autrichien, il devient navigable pour des navires
de i ,000 quint, met., et un peu plus bas pour des navires
de 2,000 à 5,000 cjuint. met. et même pour des navires de
guerre. La navigation sur le Danube a à lutter contre beau-
coup de difficultés qui font que le fleuve n'a pas encore
pour le commerce toute l'importance qu'il devrait avoir
d'après l'étendue de son bassin et la richesse des pays qui
le composent; ces obstacles sont les diflérents défdés de
rochers qu'il a à traverser, la rapidité du courant dans sa
partie supérieure, les rapides sur des lits rocheux, l'incer-
titude des rives dans la plaine hongroise et les change-
ments de lit produits par les inondations. On a déjà exécuté
divers travaux de correction en Autriche et en Bavière pour
améhorer la navigation ; l'un des plus importants est la
rectification du Danube à Vienne qui a duré de 1868 à
1881 et coûté 32 millions de florins ; on a concentré le
cours du fleuve dans un canal de Nussdorf à Fischamend
avec un lit normal de 285 m. de large, un lit de crue dont
la largeur est de 759 m., des digues et un port d'hiver.
On se propose d'étendre la rectilication d'un côté jusqu'à
l'embouchure de l'Isper et de l'autre jusqu'à la frontière
hongroise à Theben, ce qui comprendra la partie du fleuve,
si gênante pour la navigation, qui s'étend du côté de la
ïive hongroise jusqu'à Gonyo, au-dessous de la Raab. Sur
le territoire hongrois, on a mené à bien la régularisation
du fleuve, près de Budapest, tandis que la rectification du
fleuve aux Portes de Fer est encore restée à l'état de projet.
Enfin il faut signaler les travaux de correction exécutés
par la commission européenne du Danube aux embouchures,
spécialement à la branche de Soulina.
La navigation du Danube, pour ce qui concerne les
bateaux autres que les vapeurs, a surtout lieu en aval, car
les forts courants la gênent beaucoup en amont. Pour
remonter le fleuve, on est obligé d'avoir des bateaux extrê-
mement solides pour lutter contre le courant, et des che-
vaux très puissants pour les remorquer. Depuis l'introduc-
tion des bateaux à vapeur sur le fleuve, il n'y a plus que
État des bâtiments à voiles ou à vapeur sortis du Danube pendant les années i878-iS86
ANNÉES
1873
1874
1875
1876
1877
1878
1879
1880
1881
1882...
1883...
1884
1885
1886
Totaux
Moyennes
BATIIMENTS A VOILES
Nombre.
Tonnage.
1.403
1.177
1.212
1.250
298
1.162
1.541
1
227
941
804
637
515
641
606
13.314
951
250.008
192.647
166.665
196.023
49.605
164.316
238.526
189.553
140.438
116.627
81.235
69.548
103.437
82.551
2.041.179
145.798
BATIMENTS A VAPEUR
Nombre
475
515
502
693
164
700
721
586
770
842
807
663
791
873
9.102
650
Tonnage.
283.652
321.872
355.070
552.340
134.812
535.847
559.028
468.510
653.016
786.436
750.251
628.118
792.387
868.016
7.689.355
549.240
TOTAUX
Nombre. Tonnage.
1.878
1.692
1.714
1.943
462
1.862
2.262
1.813
1.711
1.646
1.444
1.178
1.432
1.379
22.416
1.601
533.660
514.519
521.735
748.863
184.417
700.163
797.554
658.063
793.454
903.063
831.486
697.666
895.824
950.567
9.730.534
695.038
des bateaux vides qui remontent le courant. Le commerce
du Danube est pour une part local, comme celui des fleuves
en général, et pour une autre part consiste en un grand
mouvement commercial d'échanges entre les diverses pro-
ductions de son bassin. Sur le fleuve lui-même, les va-
peurs font avant tout un grand commerce de blés, puis ils
transportent ensuite les matières premières de lEst et les
produits manufacturés et industriels de l'Ouest. La naviga-
tion à la rame transporte des objets plus lourds, des bois,
des pierres, des briques, de la chaux, du charbon et aussi
du blé, du sel. Les affluents du Danube lui apportent les
ditterents produits des pays qu'ils traversent ; ainsi Piller
et la Traun amènent les bois de sciage, l'Inn du ciment, la
Salzach du sel, la Vag du fer et du bois, la Tisza et le
Maros du blé et du sel, la Drave du bois de tonneaux, la
Save du blé et du bois, etc. Le commerce réuni du Danube
et de ses affluents a été, pour la première fois, évalué en
chifl'res et soumis à la statistique en 1865 ; il s'élevait
alors à environ 62 millions de quint, met. ; depuis cette
époque il a à peu près doublé. Le commerce du haut
Danube et de ses affluents, d'Ulm à Presbourg, représente
environ 32 ^/^ de ce total ; celui du moyen Danube et de
ses affluents, de Presbourg à Orsova, représente 55 ^/o à
peu près ; enfin, celui du bas Danube et de ses affluents,
d'Orsova à Soulina, représente 14 *^/o. Le fret se décom-
posait en 28 ^^/^ de bois de construction ; bois à brûler,
19 ""1^; blé, 21 o/o ; charbon, 7 o/^, ; sel, 5 «/o ; pierres,
briques, chaux et sable, 4 % ; marchandises diverses, 14%.
Bâtiments sortis du Danube de iSlS à i886
classés par nationalités.
Allemagne.,
Âutriehe-Hoogrie..
Belgique
Bulgarie
Danemark . .
Espagne —
P'rance
Grande-Bretagae. .
Grèce
Hollande . . .
Italie
Norvège
Roumanie . .
Russie
Samos
Serbie
Suède
Turquie
Uruguay....
Totaux..
VOILIERS
STEAMERS
Nombre.
Tonnage.
Nombre.
Tonnage.
14
329
1
1
1
»
8
259
5.961
1
639
26
236
497
67
»
1
5.272
1
3.832
90.701
239
6
162
»
1.802
75.148
1.044.138
175
215.425
8.496
32.810
70.871
5.701
»
450
490.982
242
74
1.136
39
»
27
8
651
6.041
467
17
64
71
5
466
»
4
26
6
58.810
620.522
36.765
28.585
5.375
574.802
5.667.839
423.705
14.468
44.677
66.805
4.590
125.016
2!404
12.292
2.692
13.314
2.041.179
9.102
7.689.347
Quant au transport, 65*^/o du fret étaient représentés par les
9të —
DANUBE
bateaux à rames; 24 *^/o par la compagnie des bateaux à
vapeur du Danube ; 10 % par les bateaux à vapeur des
compagnies rivales et les bateaux à voile du bas Danube.
En 1882, le nombre des bâtiments qui ont passé à
Passau était de 3,333 ; à Grein , il passa en aval
4,331 bâtiments et en amont 1,408 bateaux à vapeur
et remorqueurs ; sur le canal du Danube à Vienne, il a
passé 6,408 bateaux à rames et radeaux. Enfin, à Sou-
Bâtiments chargés en rade dans le port de Soulina et dans les ports intérieurs du fleuve de i87S à 1886,
ANNÉES
1873
1874
1875,
1876
1877.
1878,
1879.
1880,
1881.
1882.
1883.
1884.
1885.
1886.
CHARGEMENTS
dans le port de Soulina
bâtiments
tonnag
319
184.396
253
148.994
285
214.149
344
292.181
128
91.109
138
159.690
163
149.755
218
197.053
213
228.962
409
448.218
- 287
326.655
250
290.214
274
314.756
204
244.712
CHARGEMENTS
dans les ports intérieurs du fleuve
bâtiments
1.559
1.439
1.429
1.599
334
1.724
2.099
1.595
1.498
1.237
1.157
928
1.158
1.175
tonnage
349.263
365.525
307.586
456.182
93.308
540.473
647.803
461.010
564.492
454.845
504,831
407.452
581.068
705.855
TOTAUX GÉNÉRAUX
bâtiments tonnage
1.878
1.692
1.714
1.943
462
1.862
2.262
1.813
1.711
1.646
1.444
1.178
1.432
1.379
533.659
514.519
521.735
748.363
181.417
700.163
797.554
658.063
793.454
903.063
881.486
697.966
895.824
950.567
lina, on a compté dans la même année 1,692 navires jau-
geant 915,259 tonnes, parmi lesquels les bateaux à vapeur
étaient en majorité anglais et les bateaux à voiles en majo-
rité turcs et grecs. La compagnie qui prend la part prin-
cipale du commerce danubien est la Société des bateaux à
vapeur du Danube, fondée en 1830 et la première pri-
vilégiée. L'étendue de ses lignes d'exploitation est de
4,394 kil. (1883), c.-à-d. sur le Danube, de Ratisbonne à
Soulina, 2,547 kil., et sur neuf cours d'eau affluents, la
Drave (156 kil.), la Tisza (614 kil.), la Save (602 kil.)
Principales marchandises exportées par l'embouchure de Soulina.
DÉSIGNATION
des
MARCHANDISES
UNITÉ
de
MESURE
1873
1876
1883
1886
TOTAUX
de
1873 à 1886
Blé
Seigle
Quarters.
Kilogr.
Nombre.
Mètres cubes.
Kilogr.
Barils.
Kilogr.
Têtes.
Kilogr.
Balles.
_
Kilogr,
-
Caisses.
Nombre.
1.003.281
61.006
1.071.500
1.247.486
94.783
4.216
214.342
3.001.389
771.704
112.500
291.447
»
582.810
12.283
3.069.
2.786;
4.851
2.094.589
»
1.418.651
319.361
2.354.323
1.239.936
32.609
65.141
35.734
6.499.262
705.569
»
271.466
»
))
1.372.712
»
»
2.025
705.976
3.366.472
»
1.829.304
375.999
2.331.475
1.492.524
16.562
65.905
33.421
4.606.847
1.537.391
»
51.407
251.014
371
45.630
39.265
28.957
219
999
317.732
»
2.760
1.348.379
517.562
2.861.233
894.564
290.916
169.946
308.324
8.664.534
389.006
1.169.587
»
58.702
578.863
2.895.435
1.081
3.264.851
170.250
27.740
9.627
97.962
»
768.857
»
15.073.814
3.709.071
27.791.011
16.192.748
1.294.976
964.896
1.347.707
91.155.204
1.263.441
14.696.750
115.588
1.661.698
5.183.655
303.723
8.375.913
4.635.304
2.751
4.002.276
645.376
3.753.216
46.936
730.691
11.188
12.895
3.585.589
761.989
10.430.745
3.987
521.299
Maïs
Orge
Y »T •
Avoine
Haricots
Graines de navette ....
Farine
Repasse
Planches
Traverses
Douves
Lattes
Bois de construction .
Fromage
Vin ^
Esprit
Sel
Goudron
Bestiaux
Peaux
Laine
Suif
Pétrole ,
Tuyaux de chibouc
et quelques-uns de ses affluents (62 kil.), le Franzenskanal
(117 kil.) et le Begakanal (114 kil.). De la bouche de
Soulina à Odessa on a aussi organisé des services de navi-
gation réguliers. La compagnie, dont le capital était de
105,000 florins en 1830, l'a augmenté peu à peu jusqu'à
25,200,000 florins ; son matériel et ses biens s'élèvent en
chiffres ronds à 45 millions de florins. La compagnie pos-
sède 186 bateaux à vapeur représentant une force de
16,784 chevaux, et 727 remorqueurs qui, en 1883, ont
transporté3,586,342 voyageurs, parcourul48, 543, 014kil.
et porté 1,644,427 tonnes de marchandises et huit cent
vingt millions 753,958 tonnes kilométriques de marchan-
dises. L'excellente organisation de la compagnie lui assure,
si elle perdait son privilège, le monopole du commerce sur
le Danube. La compagnie des bateaux à vapeur de Bavière,
concurrence qui s'est fondée en 1862, a été obligée de
liquider et de vendre son matériel à la toute-puissante
société, et la Société hongroise de bateaux à vapeur fondée
il y a une soixantaine d'années a été obligée de même, en
1874, de liquider. Sur le bas Danube, il existe cependant
des concurrences, la société de navigation roumaine {Cru-
cea alba) soutenue par son gouvernement, et, d'autre
part, tous les bâtiments, surtout anglais, qui viennent de
l'extérieur.
DANUBE
946
Pour augmenter, au point de vue techniçjue, la naviga-
tion sur le Danube, on y a introduit la navigation à touage
qui fonctionne surFElbe et divers autres fleuves. La société
des bateaux à vapeur du Danube a, depuis 1869, posé une
chaîne de Presbourg à Vienne, et depuis 4883 en amont
de Vienne jusqu'à Pochlarn avec six bateaux toueurs. Le
touage doit être prochainement étendu jusqu'à Passau sur
le haut Danube.
Les tableaux des pages précédentes permettent de se rendre
un compte exact de la navigation et du commerce du Danube ;
on y trouvera pour une période de treize années, de 1873
à 4886, l'état des bâtiments à voile et à vapeur sortis du
Danube, le nombre relatif des embarcations de chaque
peuple, la comparaison des bâtiments chargés dans le port
de Souhna et dans les ports intérieurs du fleuve, et le chiffre
des principales marchandises exportées.
III. Rapports internationaux. — C'est en 4798, au
congrès de Rastadt, que l'on parla pour la première fois en
fait de liberté de navigation de fleuve européen. Une note
des ministres français, relative à la liberté de navigation
du Rhin, émettait le vœu que l'on rendit aussi libre la
navigation des grands fleuves d'Allemagne, notamment
celle du Danube. En 4814, au traité de Paris, on s'occupa
de nouveau de la liberté du Rhin et on l'établit sans
accorder aucun privilège aux riverains. Le congrès de
Vienne, sur une suggestion de la Prusse, revint sur les
principes libéraux formulés par le traité de Paris, et ne
laissa plus que les mots « La navigation sur le Rhin... sera
libre, sous le rapport du commerce, » supprimant les
mots « sous le rapport de la navigation » ce qui impliquait
la faculté d'interdire la navigation aux non-riverains. A
l'égard du Danube et des autres grands fleuves, le congrès
de 1845 contient une mention qui ne produisit aucun résul-
tat eflectil. Il faut arriver aux conférences tenues à
Vienne pendant la guerre de Crimée pour trouver la pre-
mière idée d'une commission européenne installée aux
embouchures du Danube avec autorité jusqu'à Galatz : lord
Russell, en discutant cette proposition, demandait que la
commission fût permanente. L'un des quatre points con-
tenant les bases du rétablissement de la paix entre la
Russie et la Porte en 4854, convenus entre la France,
l'Autriche et la Grande-Bretagne, portait que la naviga-
tion du Danube à ses embouchures serait délivrée de toute
entrave et soumise à l'application des principes consacrés
par les actes du congrès de Vienne. Les art. 45 à 49 du
traité de Paris du 30 mars 4856 se rapportent à la liberté
de navigation sur le Danube. L'art. 45 lui appHque les
règles posées par l'acte final de Vienne. Les art. 46 a 49
stipulent la création d'une commission européenne tem-
poraire avec l'autorité législative et d'une commission rive-
raine permanente avec l'autorité executive.
La commission européenne ne devait durer que deux
années et la commission riveraine générale devait succéder
à la première et être permanente. Les prévisions du congrès
ne se sont pas réalisées. La commission européenne prolongée
à plusieurs reprises, par la conférence de Paris en 4865,
parla conférence de Londres en 4874, par le traité de
Berhn en 1878, a vu son existence assurée pour vingt et
une nouvelles années en 4883; et la commission rivei^aine
composée du Wurtemberg, de la Bavière, de l'Autriche, de
la Turquie et des Principautés, n'a jamais réussi à fonc-
tionner, bien qu'elle n'ait pas été supprimée d'une façon
exphcite. Elle s'est réunie à Vienne et a élaboré un règle-
ment de navigation (4857), mais ce règlement, qui inter-
disait le cabotage aux non-riverains, écarté par la confé-
rence de Paris, est resté en suspens, sans que l'on se soit
décidé à le supprimer. En réalité, ce qui s'est passé était
conforme à la nature des choses : le système européen de
4856 était bon, et le système riverain mauvais ; la présence
du V^^urtemberg dans la commission était une anomalie
bien singuhère : le régime qui s'applique à la batellerie de
Donauwerth à Ratisbonne ne peut avoir de rapports avec
la navigation maritime de l'embouchure. Le congrès de
Berlin (4878) l'a bien compris. Avant ce traité, il faut
mentionner le traité du 27 févr. 4874 réglé par la con-
férence de Londres, qui autorisait tous les riverains à
percevoir des taxes pour le remboursement et l'entretien
des travaux que l'on devait exécuter aux Portes de Fer et
aux cataractes ; il faut rappeler aussi les négociations qui
ont eu lieu, pendant la guerre qui aboutit au traité de
Berlin, au sujet de la neutralisation du Danube. Le congrès
de Berhn a pris à l'égard du Danube plusieurs décisions :
4<* L'Autriche-Hongrie fut seule chargée de l'exécution des
travaux destinés à faire disparaître les obstacles que la
navigation rencontrait aux cataractes et aux Portes de Fer
(art. 57). Cette mesure n'est pas bonne, car l'Autriche n'a
la souveraineté que de l'une des deux rives devant les cata-
ractes et n'est plus riveraine devant les Portes de Fer ; il
eut mieux valu conserver les dispositions du traité de 4871
qui confiait cette mission à tous les riverains. 2** L'art. 83
décréta l'extension de la commission européenne jusqu'à
Galatz, mais il le fit d'une manière insuffisante en n'éten-
dant pas de suite son pouvoir jusqu'à Braila comme on fut
obligé de le faire en 4883. Ce même art. 53 confirmait
les pouvoirs de la commission, en se référant à une entente
ultérieure pour la question de durée : cette disposition a
été très malheureuse car si l'on avait tranché de suite la
question de durée on n'aurait pas été obhgé, en 4883, de
faire des concessions fâcheuses à l'Autriche et à la Russie
pour obtenir leur assentiment à la prolongation de la com-
mission reconnue indispensable. 3^ Le congrès confirme le
principe de la liberté de navigation du Danube et décrète
la destruction de toutes les forteresses situées sur son par-
cours, depuis les Portes de Fer jusqu'à l'embouchure
(art. 52), les bâtiments de guerre ne pourront pas navi-
guer sur le Danube en aval des Portes de Fer, à l'excep-
tion des bâtiments légers destinés à la police fluviale et au
service des douanes. 4<* La meilleure décision prise par le
congrès de Berlin fut l'admission de la Roumanie dans la
commission européenne (art. 53). 5» Enfin le traité de Berlin,
malgré l'avis des plénipotentiaires autrichiens, a corrigé
(art. 55) la disposition du traité de Paris, qui portait que
les règlements fussent conformes depuis le point où le
Danube devient navigable jusqu'à ses embouchures. En
amont de Galatz où l'action directe de la commission s'arrête
et en aval des Portes de Fer, on établit une zone intermé-
diaire où les règlements doivent être mis en harmonie
avec ceux de la commission européenne. Les règlements de
cette zone intermédiaire seront élaborés par la commission
à laquelle on adjoindra des délégués des riverains de cette
zone intermédiaire, c.-à-d. des Serbes, des Bulgares et des
Roumains. Il n'était prévu aucune commission pour cette
zone intermédiaire. Enfin, le traité de Berhn pas plus que
celui de Paris n'accorde à aucun riverain sur quelque partie
que ce soit du Danube, ni présidence, ni privilège.
La division du Danube en zones était une idée ingénieuse,
le fleuve étant bien différent à ses embouchures de ce qu'il
est à sa source et dans la partie moyenne. Mais la zone
intermédiaire créa un grand nombre de difficultés qui
occupèrent les délibérations de la commission européenne
de 4879 à 4882. En effet, si les seuls riverains de la
zone intermédiaire créée par l'art. 55, sont les Serbes, les
Bulgares et les Roumains, l'Autriche-Hongrie, qui n'a pas
un pouce de territoire entre les Portes de Fer et Galatz, y
a de grands intérêts de navigation et de trafic et devait
nécessairement participer à la réglementation, le traité de
4878 semblait ne pas l'avoir prévu. Une seconde difiiculté
venait de l'application du règlement : une fois le règlement
fait, qui devait l'appliquer? Le traité de BerHn n'en dit rien ;
d'après les principes, les riverains seuls ont pouvoir pour
l'apphquer. Décider autrement, c'était violer à la fois le
droit naturel et le droit coutumier. Depuis 4879 jusqu'en
4884, la commission européenne discuta un avant-projet
pour les règlements à élaborer de Galatz aux Portes de
Fer : une commission composée de trois délégués d'Etats
non riverains (l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et l'Italie),
— 917 —
DANUBE — BANVILLE
présenta le 42 mai 1880 un avant-projet qui instituait une
commission mixte où FAutriche-Hongrie avait la présidence
avec voix prépondérante en cas de partage. Les mesures
d'application sacrifiaient à peu près les droits territoriaux
des Etats riverains au profit de l'Autriche non riveraine qui
s'attribuait toute l'autorité. En déc. 1880, les délégués de
la Serbie et de la Bulgarie furent admis à prendre part à
la discussion de la commission européenne (où la Rou-
manie figurait depuis 1878). La Roumanie, par la voix du
colonel Pencovitch, déclara que l'art. 55 ne comportait
qu'une interprétation : « Elaboration des règlements par
la commission européenne assistée de délégués des Etats
des riverains ; application des règlements par ces Etats
eux-mêmes; surveillance de l'application par la commission
européenne. » La discussion était d'avance stérilisée par
cette opposition de la Roumanie à ce qu'on fît du Danube un
fleuve allemand ; une proposition du délégué de France,
M. Barrère,mit fin au débat sans réunir l'unanimité. N'es-
pérant pas triompher du parti pris des puissances, M. Bar-
rère tenta d'atténuer l'omnipotence que l'on voulait donner
à l'Autriche sur la zone intermédiaire au détriment des
riverains et en contradiction avec le traité de 1878. Son
projet laisse subsister l'intrusion du non-riverain (l'Autriche)
et sa présidence, mais lui retire la voix prépondérante ; il
adjoint en outre à la commission un membre de la commis-
sion européenne, ce qui porte le nombre à cinq et permet
d'obtenir une majorité sans voix prépondérante. La Rou-
manie refusa de se rallier à ce projet et proposa sans
succès une simple commission de surveillance; tous les
autres délégués, y compris ceux de Bulgarie et de Serbie,
l'acceptèrent. Au mois de févr. 1883, une conférence se
réunit à Londres pour statuer sur l'exécution de l'art. 55
de 1878. La convention du 10 mars 1883 contient quatre
dispositions ; 1** la juridiction de la commission euro-
péenne sera étendue jusqu'à Braïla, port roumain, fréquenté
par la grande navigation maritime (art. 1®*") ; 2^ les pou-
voirs de la commission européenne sont étendus pour une
période de vingt et une années : l'Allemagne, l'Autriche et
la Russie réussirent malgré les efforts de la Grande-Bre-
tagne et de la France à empêcher la conférence de décider
la permanence du syndicat européen (art. 2) ; 3° la Russie
pourra, sous le haut contrôle de la commission européenne,
améliorer et exploiter la branche de Kilia, de concert avec
la Roumanie pour le point où cette puissance est riveraine
(art. 3 à 6) ; cette faculté reconnue à la Russie semble
impliquer la faculté pour la Roumanie d'ouvrir la branche
de Saint-Georges, contenue entièrement sur son territoire;
k^ enfin la convention s'occupe de la zone intermédiaire
(art. 7, 8, 9). D'après le traité de Berlin, les règlements
de navigation, de police fluviale et de surveillance, depuis
les Portes de Fer jusqu'à Galatz, devaient être élaborés par
la commission européenne avec l'assistance des délégués des
Etats européens. Mais les règlements qui ont été élaborés
ne sont pas signés par la Roumanie et il n'y a pas acte de
commission. Malgré ce fait, la conférence de Londres les
examina et se prépara à les promulguer. La Roumanie
avait demandé son admission à la conférence qui allait
statuer sur l'organisation administrative du bas Danube,
mais l'Allemagne s'y 0|)posa, prétextant que l'on ne
pouvait mettre la Roumanie au pair des grandes puissances
et risquer de n'aboutir à aucune solution puisque, avec le
principe de l'unanimité, la Roumanie pouvait tout arrêter
par son veto ; tous les plénipotentiaires acceptèrent l'exclu-
sion des Roumains que l'on ne voulait admettre qu'à
titre « d'invités » et qui n'acceptèrent pas cette condition
subalterne. Le gouvernement roumain, persistant dans sa
résolution, rejeta le projet légèrement amélioré à Londres
qui reposait toujours sur le principe de l'admission d'un
non-riverain dans une commission mixte et il conclut que
les décisions prises par la conférence ne pouvaient avoir
force obligatoire pour lui qui n'y avait pas été représenté.
Telle est la situation : le règlement du bas Danube a été
élaboré et signé par la plupart des membres de la com-
mission européenne, mais il reste lettre morte par le fait
de l'abstention de la Roumanie : aucune mesure n'a été
proposée pour l'amener à accepter la décision de la con-
férence. D'ailleurs, il n'y a pas urgence à hâter la solution
pour la navigation. La zone intermédiaire est ouverte au
commerce et le fret y est assez bas, sauf sur les navires
autrichiens. L'Autriche-Hongrie bénéficie dans la plus forte
proportion de la navigation et peut attendre ; la menace
de l'exécution de la convention est pour elle un moyen
d'action sur le gouvernement de la Roumanie.
BiBL. : Elisée Reclus, Europe occidentale et Europe
méridionale. — Peters, Die Donau und ihr Gebiet, eine
geologische Studie ; Leipzig, 1875. — Engelhardt, Du Ré-
gime conventionnel des fleuves internationaux; Etudes et
projet de règlement général.^ précédés d'une Introduction
historique ; Paris, 1879. — Gôtz, Das Donaugebiet mit
Rùchsicht auf seine Wasserstrassen; Stuttgart, 1882. —
Cestiunea Dunarei (Livre vert de Roumanie) ; Bucarest,
1883. — Baron d'Avril, la Question du Danube {Revista
del Mundo Latino. 1884). — - D»* Albert Penck, Die Donau;
Vienne, 1891.
DANU6UE (Vitic). Cépage originaire de la Provence,
assez cultivé avant l'invasion phylloxérique, à cause du
gros volume de ses fruits, dans les départements de l'ex-
trême midi de la France et en Espagne. On le nomme
encore Gros Guillaume., Danugue croquant, Plant à la
Barre (à Nice), Planta de Miila (en Espagne). C'est une
vigne d'une très grande vigueur, à grains sphériques, très
gros, d'un noir bleuâtre, pruinés. Sa maturité tardive em-
pêche de le cultiver ailleurs que dans le Midi, et, dans
cette région, il faut éviter de le planter dans les terres
basses et froides. Il s'accommode mieux des grands espa-
cements et de la taille longue ; ce dernier cas est une
exception pour les cépages méridionaux.
DANVERS. Ville des Etats-Unis de l'Amérique du Nord,
à 4 kil. de Salem (Etat de Massachusetts); 6,598 hab. en
1880. Etablissement d'aliénés; fabriques. Aug. M.
DANVERS (Henri), comte de Danby, né en 1573, mort
en 1644. D'abord page de sir Philip Sidney qu'il accom-
pagna aux Pays-Bas, puis au service du prince d'Orange,
il prit part au siège de Rouen en 1691. Obligé de quitter
l'Angleterre à la suite d'une vendetta, il entra dans les
armées de Henri IV qui, en 1698, obtint sa grâce d'Elisa-
beth. Il servit dès lors en Irlande (gouverneur d'Armagh
en 1601). Jacques P^ l'éleva à la pairie, et le nomma
gouverneur à vie de Guernesey. Il mourut « plein d'hon-
neur, de blessures et de jours ». Il légua à l'université
d'Oxford cinq acres de terre en face de Magdalen Collège,
emplacement actuel du Jardin botanique.
DANVERS (Villiers), homme politique anglais, né en
1621, mort en 1674, fils adultérin de Francis, fille de sir
Edward Coke, lady Purbeck, et de sir Robert Howard.
Ayant épousé la fille de sir John Danvers, l'un des régi-
cides, il obtint de Cromwell l'autorisation de prendre le
nom de sa femme. Enfermé à la Tour en 1663, il s'en
échappa et s'enfuit en France; il est enterré à Calais.
DANVERS (Henri), politicien anglais anabaptiste, mort
en 1687. Colonel dans l'armée parlementaire, il fut empri-
sonné en 1657 avec d'autres anabaptistes sous l'inculpation
de complot contre Cromwell. Sous Jacques II, il fut im-
pliqué dans la conspiration de Monmouth, mais réussit à
s'enfuir en Hollande, où il mourut. Il a laissé un grand
nombre de pamphlets en faveur des doctrines baptistes.
DANVILLE. Nom de plusieurs petites villes des Etats-
Unis de l'Amérique du Nord: Etat d'illinois, sur la
rivière Vermillon ; 7,733 hab. en 1880. Région houillère;
fabriques. — Etat de Pennsylvanie, sur la branche orien-
tale du Susquehannah ; 7,839 hab. en 1880. Etablisse-
ment d'aliénés ; fonderies. — Etat de Virginie, sur la rivière
Dan, près de la frontière de la Caroline du Nord, station
du chemin de fer Richmond and Banville; 7,516 hab. en
1880. Manufacture de tabacs. Aug. M.
D'AN VILLE (V. Anyille [D']).
DANVILLE (Guillaume), poète français de la première
moitié du xvii® siècle. Gendarme de la reine, il fut chargé
BANVILLE — DAOUD
918
d'une mission en Styrie à la suite de laquelle, on ne sait
trop pour quelle raison, il fut enfermé à la Bastille (4649-
4621). On lui doit un poème assez curieux et très rare
intitulé la Chasteté^ poème héroïque en llionneur du
Toy et des reynes (Paris, 4624^ in-4).
DANVOU. Com. du dép. du Calvados, arr. de Vire,
cant. d'Aulnay-sur-Odon ; 270 hab.
DANYAU (Antoine-Constant), accoucheur français, né à
Paris en 4 803, mort à Paris le 4 9 févr. 4874 . Il fut chef de
clinique à la Charité, chirurgien du bureau central, pro-
fesseur agrégé à la faculté (4832), membre de l'Académie
de médecine (4850). Ses leçons d'obstétrique faites à la
Maternité étaient très suivies, ses rapports à l'Académie
très goûtés. L'œuvre de Danyau est dispersée dans le
Bull, de VAcad. de méd. et dans d'autres recueils pé-
riodiques. D^ L. Hn.
DANYCAN. Nom de trois frères, armateurs et corsaires,
de Saint-Malo. L'aîné, Daniel, né vers 4650, acquit une
immense fortune; en 4709, quand un groupe de hnanciers
prêta 30 millions à Louis XIV, Daniel Danycan fournit à
lui seul la moitié de la somme. Il fit partie de l'association
qui couvrit les frais de l'expédition de Duguay-Trouin à
Rio Janeiro. Il créa dans sa ville natale des hospices et des
maisons de retraite. — Son frère, Louis-Paul^ comman-
dait le Mars^ l'un des plus grands vaisseaux de l'expé-
dition de Duguay-Trouin. Au retour, surpris par un
cyclone dans les parages des Açores, il ne put qu'à
grand'peine rentrer en France. — Le troisième des frères,
Joseph- Serva7i Danycan, faisait également partie de cette
expédition en qualité de commandant du Chancelier,
corsaire de Saint-Malo. Son . bâtiment subit le même sort .
et il ne regagna son port qu'après une traversée très pénible.
DANYMÈNE (Zool.). Les Danymenes Kinb., Annélides
errantes de la famille des Eunicides, ont le lobe céphalique
libre, avec trois courts tentacules et quatre yeux, la mâ-
choire supérieure avec deux longues pièces basilaires et
six paires de pièces, les anneaux dépourvus de rames
confondus entre eux, les pieds environnés avec une seule
sorte de soie, les branchies foliacées, correspondant aux
cirres dorsaux sur tous les anneaux. Espèce type : D.
fonensis Kinb.
DANZ (Heinrich-iEmilius-August) , juriste allemand,
né à léna le 44 déc. 4806, mort à léna le 47 mai 4884.
Fils du théologien Johann Danz (4769-4854), professeur
de droit à l'université de sa ville natale (4834), il a écrit :
Lehrbuch der Geschichte der rômischen Redits (Leipzig,
4840, 21ivr. ; 2^ éd., 4874-73); Der Sakrale Schuiz
im rômischen Reehtsverkehr (4857) ; Die Wirkung
der Kodificationsformen auf das matérielle Recht
(Leipzig, 4861), etc.
DANZÉ. Com, du dép. de Loir-et-Cher, arr. de Ven-
dôme, cant. de Morée; 4,053 hab.
DANZE L (Jacques-Claude), graveur au burin, né à
Abbeville le 5 mai 4735, mort à Abbeville 24 déc. 4809.
Elève de Beauvarlet. Ses principales gravures sont : Enlè-
vement de Proserpine^ d'après J. -M. Vien; Vénus et
Adonis, d'après Boizot ; Vulcain remettant à Vénus les
armes d'Enée, d'après Boucher.
DANZ EL (Theodor-Wilhelm), critique allemand, né à
Hambourg le 4 févr. 4848, mort à Leipzig le 9 mai 4850.
Auteur de dissertations : Ueber Gœthes Spinousmiis
(Hambourg, 4843) ; Die Msthetik der Hegelschen Phi-
losophie (Hambourg, 4844) ; Ueber den gegenwœrtigen
Zustand der Philosophie der Kunst (dans le Journal de
Fichte, t. XII à XIV), et de deux ouvrages : Gottsched
und seine Xeit (Leipzig, 4848) ; G.-E. Lessing, sein
Leben und seine Werke (Leipzig, 4850, 1. 1 ; 4854, t. II).
DANZI (Franz), musicien allemand, né à Mannheim le
45 mai 4763, mort à Carlsruhe le 43 avr. 4826. Il eut
pour premier maître son père, premier violoncelliste de la
chapelle de l'électeur palatin; il reçut aussi quelques
leçons de l'abbé Vogler. A douze ans, il écrivait déjà des
morceaux pour le violoncelle ; peu après, il entra à la cha-
pelle électorale, qui fut transportée à Munich en 4778.
Vers 4790, il épousa Marguerite Marchand, fille du direc-
teur du théâtre de Munich, cantatrice distinguée, avec la-
quelle il voyagea en Allemagne et en Italie de 4794 à 1797
Nommé vice-maître de la chapelle électorale, il perdit sa
femme en 4799, et en conçut un tel chagrin qu'il renonça
momentanément à ses fonctions et quitta même Munich.
En 4807, il était maître de chapelle du roi de Wurtem-
berg à Stuttgart ; les événements politiques le forcèrent
d'émigrer à Carlsruhe, où il obtint le même emploi auprès
du grand-duc de Bade. Voici les titres de ses principaux
opéras et opérettes : Cléopâtre, Azakia, Das Triwnph
der Treue, Der Sylphe, Der Kuss, Die Mitternachl-
Stunde, Der Quasimann, Elbondokani, îphigenia in
Aulis, Il a composé de plus des cantates, de la musique
d'église, trois symphonies en ré, ut et si, une sym-
phonie concertante pour flûte et clarinette, une autre
pour clarinette et basson, des quintettes, concertos, sonates,
quatuors, sextuors, trios, sonates pour piano et cor,
piano^ et flûte, piano à quatre mains, des pièces légères,
des airs détachés, vingt-cinq recueils de chansons alle-
mandes et italiennes et des romances françaises, etc., etc.
On trouvera dans Fétis de plus amples détails sur les
œuvres de Danzi. Alfred Ernst.
DAOIZ (Estéban), jurisconsulte espagnol, né à Pampe-
lune, d'une famille noble, mort en 4649. Appartenant à
l'ordre des bénédictins, il fut professeur, puis recteur du
collège de Saint-Clément et enfin chanoine de la cathé-
drale de sa ville natale. Il a laissé, entre autres travaux
sur la science juridique, Index juris civilis tam textus
quam glosœ (Venise, 4640, 2 vol. in-foL), réimprimé
plusieurs fois avec des éditions du Corpus juris civilis, et
un Index juris pontifîcii, publié par un de ses élèves
(Bordeaux, 4623-1624, 2 vol. in-fol.). E. Cat.
DAÔIZ (Luis), officier espagnol, né en 1767, mort en
4808. Après avoir servi dans l'artillerie aux sièges d'Oran
et de Ceuta, dans la guerre de Catalogne et au blocus de
Cadix, il fut choisi, avec son collègue Velarde, pour com-
mander les artilleurs qui, à Madrid, s'insurgèrent le
8 mai 1808 et cherchèrent à en chasser les troupes
françaises. Il tomba percé de coups de baïonnette et son
nom, associé à celui de Velarde, est célébré par les Espa-
gnols comme celui d'un héros, d'un martyr de l'indépen-
dance nationale. Un monument leur a été élevé à Madrid,
sur la promenade du Prado, et chaque année on y dit la
messe et on y accomplit quelques cérémonies, dont certains
détails sont franchement grotesques. E. Cat.
DAON. Com. du dép. de la Mayenne, arr. de Château-
Gontier, cant. de Bierne, sur la rive ffauche de la Mayenne:
938 hab. ^
DÂOUASIR. On ne connaît que très imparfaitement ce
district de l'Arabie centrale, entouré à l'E. et au S. par le
grand désert de Dahna et confinant au Nedjd vers le N. et
à l'Asyr vers l'O. Aucun voyageur européen n'a pénétré
jusqu'ici sur ce territoire que l'on sait seulement être" rela-
tivement fertile et assez peuplé. On compte une cinquan-
taine de bourgs ou villages dans le Douasir, dont la popu-
lation est estimée par Palgrave à 4 05,000 hab., sur lesquels
il y aurait 5,000 nomades.
DAOUBIKHA, contraction de Daou-bin-kho ou Rivière
des mouvements militaires. Rivière de Sibérie, un des
principaux affl. g. de l'Oussouri. Prend naissance dans les
monts Sikhota-Alin, vers 43^45' lat. N.
DAOUD (Abou) SolâïmAn Es-Sidiistam. Ce célèbre
traditionniste arabe (847-889) fut un des premiers mu-
sulmans qui eurent l'idée de réunir les traditions relatives
au prophète Mahomet. Après avoir parcouru l'Iraq, le
Khorassan, la Syrie, l'Egypte et la Mésopotamie, pour se
mettre en relations avec les principaux docteurs de son
époque, il composa un recueil intitulé : Kitâb es-sonan
qui, sans avoir perdu complètement de son autorité, est
cependant moins lu depuis que Ton a les recueils du même
- 919
Il mourut à Basra où il
DAOUD - DAPHITAS
genre de Bokehari et de Moslem
résidait habituellement.
DAOUD Pacha, homme d*Etat ottoman, né à Constan-
tinople en mars 4816, mort à Biarritz le 9 nov. 4873.
Après avoir rempli divers emplois diplomatiques à Berlin et
à Vienne, il fut rappelé en Turquie où, à partir de 1857,
il exerça des fonctions administratives assez élevées. A la
suite de l'expédition française de Syrie, l'appui de l'Angle-
terre lui valut, malgré l'opposition de la France, d'être
nommé pour trois ans gouverneur du Liban (1861), titre
qui lui fut confirmé pour cinq ans en 1 864. Malgré de
louables eiïorts, il ne parvint pas à pacifier entièrement la
province confiée à ses soins et ses démêlés avec le gouver-
neur général de Syrie l'amenèrent à se retirer (déc. 1867).
Il devint ensuite ministre du commerce (1868), puis des
travaux publics, et mourut en France, où, sentant sa santé
altérée, il était venu prendre du repos. A. Debidour.
DA0UDNA6AR. Ville de la province de Patna (Inde sep-
tentrionale), à 67 kil. N.-O. de Gaya, sur la Sône, affluent
du Gange; 10,000 hab. Marché important, grand centre
industriel; fabr. de cotonnades, de lainages et de soieries.
DAOUDPOUTRAS. Tribu d'origine afghane du nord-
ouest de l'Inde. Les Daoudpoutras ou Fils de David sont
une branche du clan Davoudzaï ; ils quittèrent l'Afghanis-
tan vers le xii^ siècle et vinrent s'établir près du Sindh
(Indus) et de son affluent le Gharra où ils fondèrent la
principauté de Bhavalpour. Ils forment encore la caste do-
minante. M. d'E.
DAOUELLA (Paléont.) (V. Avicules).
DAGULAS. Ch.-l. decant. du dép. de Finistère, arr. de
Brest ; 904 hab. Débarcadère sur Festuaire du Daoulas,
qui débouche dans l'arrière-rade de Brest. Bestiaux ;
fabrique de porcelaine. Le territoire de Daoulas a appartenu
successivement aux seigneurs du Faou, aux comtes de
Léon (ix^ siècle) et aux princes de Rohan.
Vabbaye de Daoulas tient son nom, d'après une
légende du vi® siècle, d'un meurtre commis sur deux
moines par un seigneur du Faou, qui aurait fondé, en cet
endroit, un monument expiatoire, nommé Daouglas, ou
« des deux plaies ». L'abbaye date seulement du xii® siècle.
L'ancienne église abbatiale a été remaniée vers 1830.
Porche de la fin du xvi® siècle ; chapelle Sainte-Anne, de
1667 (mon. hist.); petite fontaine, de 1550. Le cloître
(mon-, hist.) appartient à l'édifice primitif. Ce sont les plus
précieuses ruines de l'architecture romane du Finistère. Il
ne reste que vingt et une arcades, couronnées de chapiteaux
tous variés. Au centre du cloître, vasque de fontaine du
même temps. G. D.
BiBL. : Taylor, Voyage pittoresque en France, Bre-
tagne, 1847, t. II, p. 181, pi. 33, pp. 134 à 137. — Levot,
Notice sur Daoulas et son abbaye^ dans Bullet. Soc. aca-
dém. de Brest, 1875-76, 3» sér., t. III, avec pi. — Mengin,
Notice sur le port de Daoulas, dans Ports maritimes de
France^ 1879, t. IV, avec carte.
DAOULATABAD. Ville de l'Etat duNizam,dans le De-
khan^ septentrional (Indes anglaises), ch.-l. de district, à
15 kil. N.-O. d'Aurengabad. Au-dessus de la ville se
dresse un énorme bloc conique de granit, d'environ 80 m.
de haut, portant une des plus fameuses forteresses de
l'Inde. Aujourd'hui Daoulatabad (séjour de la Fortune)
n'est plus qu'une bourgade insignifiante. La route qui
conduit à la citadelle est une longue galerie pratiquée
dans le roc et ne recevant l'air et la lumière que par des
lucarnes. On monte ainsi en pente douce, en passant sur
des trappes et sous des herses, prêtes à arrêter celui qui
aurait trompé la vigilance des sentinelles. A mi-hauteur il
faut gravir un escalier très rapide, couronné au sommet
par une plaque de fer horizontale et percée de trous ; en
temps de guerre cette plaque était couverte d'un brasier
ardent, entretenu nuit et jour. Le rempart extérieur est
un mur de 5 m. d'épaisseur et de 10 m. de hauteur for-
mant un circuit de plus d'une lieue. Le Nizam, à qui ap-
partient aujourd'hui la forteresse, y entretient une petite
garnison. " M. d'E.
DAOULATABAD. Bourg du nord de la Perse (Tabaris-
tan). Célèbre par l'ancienne résidence d'un fils de Fath
Ali Chah, qui y fit construire des bains et des mosquées.
Aujourd'hui sans importance.
DAOU RA. Sebkha du Sahara, au S. des oasis du Tafileit,
dans laquelle se perdent les eaux de tous les courants de
l'Atlas oriental, est souvent, pendant la saison des pluies,
un véritable lac ; on l'ensemence et on la laboure dans les
années favorables. Parmi ses principaux aftïuents il faut
citer l'oued Zis. E. Cat.
DAOURS. Corn, du dép. de la Somme, arr. d'Amiens,
cant. de Corbie ; 691 hab.
DAOURS. Petit peuple de Sibérie, qui habitait autrefois
les deux rives de l'Amour et la vallée du cours supérieur
de l'Argoun. Il fut dispersé lors de la conquête do la Sibé-
rie par les Busses, dans la seconde moitié du xvn^ siècle.
Une partie des Daours, mélangés aux Toungouzes, occupent
actuellement la rive droite de l'Amour, sur le territoire
chinois. Les Daours ont toujours eu la réputation d'être
intelligents, rusés et aptes au commerce.
DA PAS8AN0 (Girolamo), littérateur italien, né à
Gênes le 28 oct. 1818, mort depuis 1880. Professeur,
puis inspecteur général des écoles, il s'est surtout occupé,
en ses diverses publications, des questions d'enseignement,
et son principal ouvrage en ce genre a pour titre Ori-^
gine e progressa deW istruzione popolare in Genova
e sue condizioni presenti (Gênes, 1807). B. G.
BiBL. : Domenico Berti, Girolamo Da Passano, dans
risam^ore; Turin, 1853.
DAPEDIIDÉES (Paléont.). Cope établit cette famille
pour des poissons des terrains jurassiques (Platysomus,
Dapedius, Jetragonolepis) caractérisés par les dents
uniformes, obtuses, les vertèbres incomplètement ossifiées
au centrum, les épines interneurales commençant dès la
tête, une série complète d'épines basilaires interneurales
et intertrénales. Ces Ganoïdes appartiennent à l'ordre des
IsospondylL E. Sauvage.
BiBL. : On the Classification of the extinct fishes of the
lower types^ dans Proc. Amer. Assoc, 1879, t. XXVI.
DAPEDIUS (Paléont.). Agassiz décrit sous ce nom des
poissons du terrain liasique qui ont le corps élevé, revêtu
d^'écailles plus hautes que larges, ornés, sur la nuque,
d'aspérités saillantes, la dorsale longue, commençant près
de la nuque, l'anale plus courte, un peu plus reculée et
plus petite, la caudale fourchue, très petite, les côtes dila-
tées en spatule à leur insertion, grêles et arrondies ; les
dents, disposées sur une seule rangée, sont échancrées à
leur poilite. E. Sauvage.
BiBL. : Agassiz, Rech. sur les poissons fossiles, t. II
DAPEDOGLOSSUS (Paléont.). Cope a décrit sous ce
nom des poissons des formations tertiaires de Green Biver
(Wyoming) appartenant à la famille des Osteoglossidées ;
les Dapedoglossus diffèrent des Osteoglossus par la
petitesse de la bouche et la forme plus trapue ; les carac-
tères du genre sont les suivants : une rangée de dents
pointues aux prémaxillaires, maxillaires, dentaires ; vomer
et langue hérissés de petites dents coniques ; bouche petite ;
rayons antérieurs des pectorales allongés ; anale très séparée
de la caudale. Le type de genre est le D. testis Cope.
BiBL. : Cope, the Verlehrala of the Tertiany forma-
tion of the West , U8d.
DAPHITAS, grammairien ou sophiste, né à Telmesse en
Lycie, est un des lettrés grecs qu'Attale attirait à sa
cour de Pergame, pendant la seconde moitié du in^ siècle
avant notre ère. Il s'est attaché à démontrer qu'Homère
n'a jamais existé, et que les Grecs n'ayant jamais lutté
contre Troie, V Iliade et ï Odyssée relatent des faits ima-
ginaires. — On rapporte que Daphitas était d'un caractère
très moqueur : il attaquait tout le genre humain et ne
s'abstenait pas même de railler les dieux. Un jour il alla
consulter la Pythie, et lui demanda en riant : « Betrou-
verai-je bientôt mon cheval? — Oui, répondit l'oracle,
avant longtemps. » Alors Daphitas fut pris d'un ricane-
ment convulsif ; il n'avait jamais eu de cheval. Quelques
DAPHITAS — DAPHNELLA
— 920 —
jours après, Attale, blessé par la causticité des sarcasmes
continuels de Daphitas, le fit saisir et attacher sur un ro-
cher appelé le Cheval. Dubourdieu.
BiBL. : Hesychius Hilesius, Frac^m. D. — Val. Max.,
I, 88. - Strab., XIV, 647.
DAPHNACÉES {Daphnaceœ Lindl.) (Bot.). Synonyme
de Thymêléacées (V. ce mot).
DAPHNÉ. I. Mythologie. — Comme le nom l'indique,
Daphné est une personnification du laurier consacré à Apol-
lon. D'après les mythographes, elle est fille du fleuve
arcadien Ladon et de la Terre (Pausanias), d'Amyclas
(Diodore), du fleuve thessaHen Pénée (Ovide). Elle est
aimée d'Apollon, mais fuit le dieu ; la Terre l'accueille dans
son sein et fait pousser à la place un laurier ; d'autres
attribuent cette métamorphose au Pénée. On contait encore
que la vierge était aimée de Leucippe, fils d'OEnomaus de
Pise; le rival d'Apollon se déguisa en jeune fille pour
approcher Daphné; Apollon conseilla aux jeunes filles de se
baigner et Leucippe découvert fut tué par elle. Un autre
récit identifie Daphné avec la Sibylle (V. ce nom).
II. Botanique.— (DaphieL.). Genre de Thymêléacées,
dont les représentants sont des arbrisseaux ou des arbustes
à feuilles alternes ou opposées, souvent persistantes, à
fleurs disposées en fascicules ou en grappes courtes. Ces
fleurs, régulières ou hermaphrodites, ont un périanthe
simple, tubuleux ou infundibuMforme, divisé au sommet
en quatre lobes égaux, et huit étamines incluses, dont
quatre, superposées aux lobes du périanthe, s'insèrent près
du sommet du tube et quatre, alternes, s'insèrent un peu
plus bas. L'ovaire, uniovulé, devient à la maturité une
baie dont la graine renferme, sous ses téguments, un
embryon charnu, ordinairement dépourvu d'albumen. — On
connaît actuellement une trentaine d'espèces de ce genre,
disséminées en Europe, dans le nord de l'Afrique et dans
les régions tempérées de l'Asie. Le D. gnidium L., qu'on
appelle vulg;airement Garou, Sain-Bois, Lin Bâtard, Lin
sauvage, Trintanelle, Camélée noire, Bois d'oreilles, etc.,
est une espèce commune dans les lieux incultes de la
région méditerranéenne et qui remonte en France jusque
dans la Gironde, notamment à Royan et à la Pointe de
Grave, sur les bords de l'Océan. On en retire une matière
colorante, employée dans le Midi pour teindre la laine en
jaune. La plante entière est douée de propriétés acres et
irritantes, vésicantes même, qui se retrouvent, mais avec
moins d'intensité, dans le D, mezereum L., le D. Lau-
reola L. et dans beaucoup d'autres espèces, telles que le
D, collina Lon., de la région méditerranéenne, le
D. cneorum L. ou Fausse-Camélée, Thymélée des Alpes,
le D.ponticaL., du Caucase, le D. altaica Pall., de la
Hongrie et de la Sibérie, le D. oleoides Schreb. de l'Ar-
ménie, etc. — Le D. mezereum L., appelé vulgairement
Mézéréon, Bois joli, Bois gentil, Lauréole femelle, croît
dans les bois montueux de presque toute la France et d'une
grande partie de l'Europe. On le cultive communément
dans les jardins et les parcs pour ses jolies fleurs roses,
odorantes, qui s'épanouissent dès le mois de janvier. Son
bois et celui du Garou, fendus en minces lanières, servent,
en Suisse, à tisser des chapeaux satinés. — Le D. Laureola
L. ou Lauréole, Laurier-Epurge, espèce commune en
France, dans les bois montueux et le D. alpina L., du
Jura, des Alpes et des Pyrénées, sont également cultivés
dans les jardins comme plantes d'ornement. Enfin, au
Népaul, on fabrique une sorte de papier avec l'écorce résis-
tante du D. Bholua Ham., des Indes orientales. Il en est
de même, en Chine et au Japon, des écorces du D. pa-
pyracea Walh, du D. cannahina Lour. et diM papy ri-
fer a Sieb., qui est devenu le type du genre Edgeworthia
(V. ce mot). " Éd. Lef.
III. Paléontologie. — Les Daphnés étaient répandus sur
le globe dès l'époque tertiaire. Schimper (Tr. pal. vég.^
II, 859) en décrit treize espèces.
IV. Thérapeutique. — Le Daphné gnidium fournit à la
médecine l'écorce de garou qui existe dans le commerce
en lanières flexibles, à suber luisant, brun chocolat, et à
face interne lisse et jaune foncé, ne se laissant rompre
qu'avec difficulté transversalement. L'odeur rappelle celle
du savon de Marseille, la saveur est d'une âcreté extrême,
lente à se produire. L'écorce de garou renferme de la gomme,
de la cire, du sucre, une substance jaune, une huile verte
inactive, mais tenant en solution une résine acre, vésicante,
enfin un glycoside, la daphnine (V. ce mot) ; quant à la
résine active, elle est mal connue ; on la considère comme
l'anhydride de l'acide mézéréique. Lorsqu'on applique
l'écorce de garou, macérée dans le vinaigre, sur la peau,
elle y détermine une vésication intense, plus douloureuse
que celle produite par les cantharides, mais présentant
l'avantage de ne pas retentir sur l'appareil urinaire.
L'écorce du D. mezereum présente des propriétés chimiques
et thérapeutiques analogues, et c'est elle qui, dans la phar-
macopée anglaise, remplace le garou, sous le nom de
mezereon bark ; celle du D. laureola, qui est pris quel-
quefois comme succédané des écorces de garou et de mé-
zéréon, est également vésicante, mais moins active. On ne
donne plus guère à l'intérieur les préparations de son
écorce, jadis employées comme dépuratives, antisyphili-
tiques et sudorifiques; c'est, du reste, un drastique vio-
lent, à propriétés très irritantes, dont l'usage peut être
dangereux. En revanche, on emploie quelquefois la pom-
made épispastique (extr. éthéré de garou 40 gr., cire fondue
100 gr., axonge 900 gr., alcool 90 gr.) pour entretenir
les vésicatoires. Autrefois on se servait d'orangettes trem-
pées dans une solution alcoolique de garou en guise de pois
à cautère. D»* L. Hn.
V. Technologie. — ■ On donne le nom de daphné à la
substance fibreuse qui forme le liber de plusieurs arbustes
du genre Lagetta (V. ce mot), de la famille des Thymê-
léacées. Le daphné est formé de diverses couches de
réseaux fins qui se trouvent en contact entre eux par
quelques points et offre l'apparence de plusieurs épais-
seurs de dentelles superposées ; aussi lui donna-t-on quel-
quefois le nom de bois dentelle. On a souvent proposé
cette matière pour la fabrication des étoffes, en tout cas il
serait intéressant de l'employer pour la fabrication du
papier. D'après Mœller (Journ, of the chem. Soc. of
London, 1879), à la Jamaïque, les fibres du Lagetta fu-
nifera Mart. sont utilisées dans la papeterie. Aux Antilles,
on emploie couramment ce liber sous forme de longues
lanières blanches très tenaces, qu'il suffit de rouler
entre les mains pour obtenir des liens de toute sorte,
et l'on y vend journellement le liber entier que l'on dé-
coupe pour cet usage. Forbus Royles, dans son ouvrage
Fibrous plants of India, dit que dans le Népaul on
emploie depuis fort longtemps, pour la fabrication d'un
papier très résistant, un daphné particulier auquel il donna
le nom de Daphné cannabina, L. Knab.
DAPHNÉ. Célèbre lieu de plaisance de la banlieue d'An-
tioche, à deux lieues au S. de la capitale de la Syrie.
Dans ses magnifiques bosquets de lauriers et de cyprès,
autour d'un temple d'Apollon et d'Artémis (brûlé en 362
ap. J.-C), au pied d'un château royal, près des bains
chauds, les anciens s'y livraient aux plaisirs les plus rafli-
nés et à la débauche la plus complète. Séjour favori des
Séleucides, puis des Romains qui occupèrent Antioche,
Daphné fut toujours un lieu de délices mal famé. Bet el
Ma, qui en occupe la place, n'a conservé que sa belle
végétation.
DAPHNELLA Baird (Malac). Genre de Cladocères, de
la famille des Sidides, représenté par un petit nombre
d'espèces qui vivent partout dans les eaux douces et sont
généralement considérés comme des représentants de la faune
pélagique. Les Daphnelles recherchent les eaux pures ; elles
vivent d'habitude au large des lacs, ou dans leur plus grande
profondeur, mais on les trouve très fréquemment aussi
dans des amas d'eau infiniment moindres, et il faut plutôt
les regarder comme des animaux nocturnes, que l'on
peut prendre la nuit en quantités considérables, dans
des points où on n'en trouve pas pendant le jour ; ce sont
d'excellents nageurs, qui vivent d'habitude en troupes;
leur corps est grêle, parfaitement transparent, la tête est
dépourvue de boucliers, les six paires de pattes sont sem-
blables, toutes distinctement branchiées ; l'ocelle fait dé-
faut; la branche interne des rames est plus courte et à
trois anneaux, l'externe est plus longue, formée de deux
articulations ; la coquille est finement ponctuée, le post-
abdomen est inerme, complètement recouvert par les
valves, les crochets qui le terminent sont grêles et portent
à leur bord inférieur trois aiguillons écartés les uns des
autres. Les mâles, notablement plus petits que les femelles,
s'en distinguent par la conformation particulière de leurs
palpes, dont le fouet est si allongé que ces organes attei-
gnent presque la longueur de la coquille. Ce genre semble
répandu par toute la terre. R. Moniez.
DAPHNÉPHORIES (Mylh. gr.). Fêtes célébrées à
Delphes, à Tempe et en Béotie, en l'honneur d'Apollon
symbolisant sa purification après qu'il eut tué le monstre
Python (V. Apollon). A Thèbes, elles avaient lieu tous les
neuf ans en l'honneur d'Apo}lon Isménius; un jeune garçon
portait devant la procession une baguette d'olivier entourée
de trois cent soixante-cinq couronnes de laurier et de fleurs,
portant à la pointe une boule, à laquelle étaient suspendues
d'autres boules plus petites. C'était un symbole astrono-
mique.
DAPHNIA O.-F. Muller (Malac). Genre de Cladocères
d'eau douce très riche en espèces et giui est répandu par
toute la terre ; c'est le type d'une famille qui comprend en-
core les principaux genres Simocephalus^ Scapholeberis^
Ceriodaphnia, Moina, Les Daphnies ont le corps grêle,
allongé, souvent transparent, leur tête est assez haute,
large, prolongée en arrière en un bec de caractère variable
suivant les espèces ; la carapace, séparée d'ordinaire de la
tête par une profonde entaille, est de forme ovale, allongée
et se prolonge en arrière en une pointe puissante, vulgai-
rement appelée queue, armée d'aiguillons. L'œil est gros,
pourvu de nombreux cristallins, un ocelle existe d'ordi-
naire près de l'œil ; la première paire d'antennes est rudi-
mentaire, immobile, formant à la base du bec une sorte de
tubercule, d'où se détachent les baguettes olfactives; la
seconde paire d'antennes sert à la natation : elle est très
développée, l'une des branches, formée de quatre articles,
porte quatre longues soies bi-articulées et ciliées, l'autre
branche tri-articulée porte cinq soies semblables. L'intes-
tin est simple ; il porte en avant, dans la cavité eéphalique,
deux cœcums saillants; il existe cinq paires de pattes,
dont la troisième et la quatrième portent les branchies,
la cinquième est rudimentaire ; le pro-abdomen est indis-
tinctement articulé, pourvu à sa partie dorsale de trois
ou quatre prolongements (prolongements abdominaux) ,
dont les deux premiers sont grands et servent à l'occlusion
de la cavité incubatrice. Le post-abdomen, dont les carac-
tères jouent un rôle important au point de vue de la sépa-
ration des espèces, est toujours armé d'épines simples et
terminé par deux forts crochets. Les mâles se distinguent
principalement des femelles, par leur petite taille et surtout
par les premières antennes, qui sont longues et mobiles et
se prolongent en un long fouet ; la première paire de pattes
est aussi pourvue d'un fort crochet et d'un long fouet ; chez
eux, le premier prolongement abdominal est seul complète-
ment développé. Dans la cavité incubatrice, dont nous avons
parlé plus haut, se voient les œufs d'été, parfois au nombre
d'une trentaine; les œufs d'hiver ne se trouvent que par
deux, abrités sous l'éphippium en été ou en automne ;
nous avons fait allusion, au mot Cladocères, aux phéno-
mènes de parthénogenèse que présentent ces animaux. Les
Daphnies sont des animaux que l'on trouve d'ordinaire en
abondance par toute la terre, en presque toute saison et
dans toutes les eaux stagnantes, lacs, étangs, fossés, tant
qu'elles sont claires et pures; elles vivent souvent en
troupes considérables ; beaucoup d'espèces sont cosmo-
polites. R. Moniez.
m — DAPHNELLA — DAPHNIS
daphn,ne(Cm™o.Fo™.JE;.™;+S:
La daphnine est un glucoside découvert en 1812 par Vau-
quelin dans le Daphne alpina (Thyméliacées) ; elle se
trouve également, d'après Baer et Gmelin, dans l'écorce
de garou (Daphne mezereiim). On la prépare en épuisant
le garou par l'alcool et en traitant l'extrait alcoolique par
l'eau bouillante ; on ajoute à la solution aqueuse de l'acé-
tate neutre de plomb; on enlève l'excès de réactif par
l'hydrogène sulfuré : par concentration, il se dépose des
cristaux qu'on lave à l'alcool froid et qu'on purifie par
plusieurs cristallisations. Zwenger ajoute de l'acétate basique
dans la solution aqueuse, ce qui fournit un précipité jaune
qui augmente à chaud et çiu'on décompose par l'hydrogène
sulfuré. La daphnine cristallise en belles aiguilles peu
solubles dans l'eau, très solubles dans l'alcool et dans
l'acide acétique, insolubles dans Féther. Elle cristallise
avec deux molécules d'eau qu'elle perd vers 400°; à une
température plus élevée, elle dégage une odeur aromatique
qui rappelle celle de la coumarine ; vers 200», elle fournit
un sublimé cristaUin à'ombelliférone. Les alcalis la colorent
en jaune, le perchlorure de fer en bleu. L'acide azotique à
froid lui communique une couleur rouge ; à chaud, il y a
formation d'acide oxalique. Les acides étendus la dédou-
blent en glucose et en une nouvelle substance cristalline, la
daphnétine, C^H^O^ :
C30Hi60i8 4- H^O^ = C^^H^^oi^ + cm^œ
La daphnine est donc le glucoside de la daphnétine.
Ed. BOURGOIN.
BiBL. : Baer et Gmelin, Diss. ûber seidelb. ; Tubingue,
1822. — RocHLEDER, Wieïi. Akadem.^ 1863. — Vauquelin,
Ann. de chimie, t. LXXXIV, 175. — Zwenger, Répert. de
ch. pwre, 1861, 77.
DAPHNIS (Myth. gr.). Héros des bergers de Sicile dont
la légende est intimement liée à l'origine et aux déve-
loppements de la poésie bucolique. Nous en connaissons
trois formes principales rapportées par Diodore de Sicile,
Elien d'après Stésichore et Théocrite. Au dire de Diodore,
Daphnis était un fils d'Hermès, le dieu pasteur, et d'une
nymphe de Sicile, né dans un vallon des monts Héréens
près d'un bois de lauriers ; élevé par les nymphes, il était
propriétaire de grands troupeaux de bœufs qu'il conduisait
sur les pentes de l'Etna, vers le fleuve Himera, vers Sy-
racuse. Il se délassait en jouant de la flûte (syrinx) et
chantant des chants bucoliques, poésie dont il était l'inven-
teur et gui resta populaire et nationale en Sicile. Sa beauté
lui valait l'amour des Nymphes, des Muses, des divinités
agrestes Pan, Priape, Hermès et des autres, Apollon, dieu de
la musique; Artemis, déesse chasseresse, que Daphnis accom-
pagnait à la poursuite des bêtes sauvages; Pan, dieu pasteur
et musicien. Quand Daphnis mourut à la fleur de l'âge, il fut
pleuré par les pâtres et par les dieux, par les bêtes même.
Cette douleur fut un thème souvent développé. — Le récit
d'Elien, emprunté évidemment à Stésichore, raconte la fin
du héros. Daphnis avait été aimé d'une nymphe qui lui fit
promettre une fidélité complète; il manqua à sa parole
dans l'ivresse; son amante l'aveugla. Stésichore, natif
d'Himère (et aveuglé, disait-on, par vengeance d'Hélène),
chanta les souff*rances du berger qui se consolait par ses
chants bucoliques, mais mourut bientôt, soit qu'il se soit
suicidé, soit qu'Hermès, son père. Fait ravi au ciel. — Le
récit de Théocrite insiste sur les amours de Daphnis avec la
nymphe Nais, sa victoire poétique sur Ménalque son rival,
son amour pour une autre femme, Xenea (provoqué par la
colère d'Aphrodite), ses souffrances quand il erre à travers
les bois en proie au mal d'aimer, la douleur de la nature
entière après sa mort. D'après Servius, la maîtresse dé-
daignée s'appelait Nomia, la seconde Chimaira. Ovide dit
que^Daphnis fut changé en pierre. L'interprétation même
des poésies de Théocrite est très controversée. Une der-
nière forme de la légende identifie Daphnis avec un héros
phrygien, en fait le maître de Marsyas. Les modernes ont
fait de vains efibrts pour découvrir un symbolisme caché
dans l'histoire de Daphnis.
DAPHNIS ^ DARAZAG
922
DAPHNIS, architecte grec, originaire de Milet. Il n'est
connu que pour avoir construit avec Paeonios d'Ephèse le
second temple d'Apollon à Didymes en Asie Mineure. Le
premier temple, celui des Branchides, ayant été détruit
dans les vingt premières années du v® siècle avant notre
ère (entre 494 et 479), et le second temple paraissant avoir
été élevé avant la prise de Milet par Alexandre (334 av. J.-C.)
la carrière artistique de Daphnis se place dans le premier
tiers du iv® siècle. Le temple de Didymes était un des plus
remarquables spécimens de l'architecture ionique. Les
ruines qui en subsistent encore ont été fouillées en i 873
par MM. Rayet et Thomas aux frais de MM. de Rothschild.
Plusieurs morceaux d'architecture fort intéressants ont été
rapportés en France et se trouvent aujourd'hui exposés au
Louvre dans une salle spéciale. J. M.
BiBL. : Kayet, Etudes d'arch. et d'art; Paris, 1888,
pp. 86-170.
DA PONTE (Lorenzo), poète italien, né à Ceneda le
10 mars 1749, mort à New-York le 17 août 1838. C'était
principalement un aventurier, mais d'un genre assez mo-
deste et sans rien de l'ostentation de vices et de joies d'un
Casanova ; aventurier presque larmoyant et qui donne l'im-
pression triste d'un coureur malgré lui, d'un homme qui
aurait passé toute sa vie, sans regrets du reste du monde,
à Venise et même à Vérone. Son destin fut de courir le
monde : il le courut, précepteur, professeur public, poète
politique, librettiste ou poète de théâtre à Vienne, entre-
preneur d'opéra ambulant en Hollande, mendiant ou
presque, administrateur de théâtre à Londres, courtier en
chanteuses, libraire, marchand de musique, négociant
vague en Amérique, marchand d'eau-de-vie, maître d'ita-
lien, distillateur, encore libraire, enfin failli et professeur
dans un pensionnat de jeunes filles. Da Ponte serait tota-
lement inconnu si le hasard ne lui avait fait écrire les
livrets dont Mozart avait besoin pour les Noces de Figaro
et pour Don Juan : ce sont des vers quelconques coupés
dans la prose de Molière et de Beaumarchais, mais on en
loua la forme propice à être chantée, et ils auraient été
plus mauvais qu'ils seraient tout aussi célèbres. Le livret
de Don Juan a été mis en français par Emile Deschamps
et Blaze de Bury. Quant à ses Mémoires (New-Nork, 1823-
1827, 4 vol. in-8), ils sont d'un intérêt restreint et on
les sent d'un subalterne, d'un malheureux qui ne regarda
jamais la vie les yeux dans les yeux. M. C. de la Cha-
vanne les a traduits : Mémoires de Lorenzo d'Aponte,
poète vénitien^ collaborateur de Mozart (Paris, 1860,
in-8). R. G.
BiBL. : P. ScuDO, Wolfyang Mozart et Vopéra de Don
Juan ; Lorenzo Da Ponte, dans la Revue des Deux Mondes^
15 mars 1849. — Lorenzo Da Ponte (Dublin Unweraity
Magazine^ et traduit dans la Revue britannique, août 1874).
DAPOURI. Village de la province de Dekhan (résidence
de Bombay, Indes anglaises), sur un petit affluent de la
Monta. Magnifique résidence d'été ; jardin botanique.
DAPPES (Val des). Vallée du Jura à PO. de la Dôîe
(1,683 m.), entre Morez (Jura) et Gex(Ain). Pauvre et à
peine peuplée ; longtemps contestée entre la France et la
Suisse. Cédée en 1 802 au premier consul par le cant. de
Vaud, rendue à la Suisse en 1815, conservée en fait par
la France pendant un demi-siècle, la vallée des Dappes a
été partagée définitivement par le traité de Berne du 8 déc.
1863. E. Martel.
BiBL. : Die Dappenthal Frage, dans Œsterreichische
-militâr Zeitung et Année géographique, t. II, p. 356.
DAPSANG. Montagne de l'Asie centrale, point culmi-
nant de la chaîne de Karakoroum qui sépare le Baltistan ou
Petit-Tibet du Turkestan oriental, située à environ 100
kil. N.-E. d'Iskardo, à une ait. de 8,568 m. La Hmite des
neiges sur le versant S, du Dapsang est à 5,900 m. ; sur
le versant septentrional elle est à 5,600 m. M. n'E.
DAPTINUS (Paléont.). Cope a établi ce genre pour le
Saurocephalus phlebetomus^ des formations crétacées
supérieures du Kansas ; une espèce, le D. intermedius^ a
été trouvée dans la craie yerte de Douvres. Les Dapténus
ont les dents de même grandeur, longues, comprimées,
tranchantes au bord ; le prémaxillaire et le maxillaire sont
solidement articulés. Ces poissons se rapprochent des Sphy-
rènes actuelles. E, Sauvage.
DAQUIN (Philippe) (V. Aûuïn [D']).
DAQUIN (Antoine), médecin français (V. âquin [D']).
DAQUIN (Louis-Claude), organiste français, né à Paris
le 4 juil. 1694, mort à Paris le 15 juin 1772. Organiste
de Saint-Paul depuis 1727, il jouit d'une très grande répu-
tation; il a laissé un livre de pièces de clavecin (1735),
un livre de noëls, des cantates, etc.
DAQUIN (Pierre-Louis) dit d' Aquin de Château-
Lyon^ littérateur français, né à Paris en 1720, mort en
1796, fils de l'organiste Lonis-Claude. Il est l'auteur de
nombreux écrits, pour la plupart anonymes, entre autres
des dix-sept premières années de VAlmanach littéraire,
ou Etrennes d'Apollon (1777-1793). Le seul de ses
ouvrages encore consulté aujourd'hui parut sans nom d'au-
teur sous le titre de Lettres sur les hommes célèbres
dans les sciences^ la littérature et les a7'ts^ sous le
règne de Louis AT, première partie (Paris, 1752, in-12) ;
Siècle littéraire de Louis XV ou Lettres sur les hommes
célèbres, etc., seconde partie (1753, in-12). Ce livre
est intéressant pour les musiciens en ceci qu'il donne de
nombreux détails sur les compositeurs et les artistes de la
fin du XVII® siècle et du commencement du xvm^. Daquin
publia en 1754 une Réponse de raideur du Siècle lit-
ter aire de I^ouis XV à la critique de M. Caux (in-12).
DARAB, Ville de Perse (province de Fars), sur les
bords d'une jolie rivière; 15,000 à 20,000 hab. La ville,
autrefois fortifiée, est actuellement en ruine. La région est
fertile en fruits divers qu'on exporte dans toutes les régions
environnantes.
DARABGERD. Ville de la Perse, province de Kirmân;
12,000 hab. Elle était célèbre sous les Sassanides, par un
pyrée dont la flamme était alimentée par une source de
pétrole. Manufactures de tapis ; mine de sels ; ruines de
l'époque sassanide. E. Drouin.
DARAGA ou CAGSANA.Ville des îles Philippines, au S.-E.
de l'île Luçon; 20,000 hab., au pied du volcan d'Albay.
DARAIN ou DARIN. Toile de chanvre très commune,
fabriquée autrefois en Champagne. On donnait aussi ce nom
à une sorte de tissu léger, semblable à de la mousseline et
façonné, qui était impoi'té des Indes.
DARAPTI. Terme de logique qui désigne un mode de la
troisième figure du syllogisme (V. ce mot), où la majeure
est universelle affirmative (A), la mineure également uni-
verselle affirmative (A), et la conclusion particulière affirma-
tive (I). Ex. : Tous les Provençaux parlent le patois ; tous les
Provençaux sont Français ; donc quelques Français parlent le
patois. La lettre D indique que, pour être prouvé, ce mode
doit être ramené à un darii delà première figure ; la lettre
P marque que cette opération devra se faire en convertis-
sant par accident la mineure.
DARAS. Ville de Mésopotamie, à cinq heures deNisibis,
qui fut une des places fortes les plus importantes de cette
région au v® et au vi® siècle, au temps des guerres entre
le Bas-Empire et les Perses. Elle dut sa fondation à Anas-
tase qui la fortifia pour couvrir la frontière ; elle était
regardée comme une forteresse modèle, et la description
qu'en a donnée Procope est un document précieux. Elle fut
victorieusement défendue par Bélisaire, mais prise en 574,
sous Chosroës II, par Hormisdas, après un siège de six mois.
DARATCHITGHAG. Rivière du Caucase (gouvernement
d'Eridan), affluent droit de la Zanga (bassin de l'Araxe).
Prend naissance dans les montagnes du Petit-Caucase, au
N. du lac Goktcha. Longueur, environ 40 kil.
DARATCHITGHAG. Ruines d'un ancien couvent,à 60 kil.
environ au N.-E. d'Erivan, dont la construction paraît re-
monter à la première moitié du xi® siècle. A en juger par
les inscriptions récemment découvertes, ce temple aurait joué
un rôle important dans l'histoire ancienne de l'Arménie.
DARAZAG. Com. du dép. de la Corrèze, arr. de Tulle,
cant. de Saint-Privat ; 615 hab.
923 --
DAR-BEN^BRAHIM ^ DARBOUX
DAR-BEN-BRAHIM. Kasbahsise sur le bord de TAtlan-
tique, à la pointe Azemmour, sur la route de Casablanca
à Azemmour, province de Chaouia (Maroc) .
DAR-BEN-BRAHIM. Halte sur la route de Mazagan à
Safy (Maroc), chez les Ouled-Aïssa.
DAR-BEN-DELEIMI. Ch.-l. de la tribu berbère des Aït-
bou-Lefâa. Ce canton fait partie du Chtouka, grande divi-
sion du Sous (Maroc). Il s'y tient une foire une fois par
an, oti Ton trouve la plupart des productions du Sous i
huile d'argan, canne à sucre, dattes, etc. Le rabbin Mar-
dochée s'y arrêta au cours de son voyage dans le Sous en
4875. Dar-ben-Deleimi (maison ou palais du fils de De-
leimi) est également appelée Qaçba Aït-Deleimi.
BARBES (Joseph-Frédéric- Auguste), peintre danois, né
en 1747, mort à Berlin en 1810. Cet artiste prit part,
pendant sa jeunesse, aux guerres qui précédèrent le démem-
brement de la Pologne, et combattit parmi les Polonais.
En 1785, il vint s'établir à Berlin et s'y acquit une grande
réputation par ses excellents portraits, dont la ressem-
blance et l'expression furent unanimement louées ; lorsqu'il
mourut, il était membre de l'Académie et professeur.
Parmi ses œuvres, dont plusieurs ont été gravées, on peut
citer comme les plus remarquables les portraits du roi et
de la reine de Prusse, dont il fit plusieurs répétitions.
DARBHANGAH. Ville de la province de Patna (Indous-
tan), ch.-l. de district, à 115 kil. N.-E. de Dinapour sur
la petite Baghmati (bassin du Gange); lat. N., W^ W
r' ; long. E., 830 35/ . 47^450 hab. dont 13,850 maho-
métans. C'est la ville la plus importante du Tirhout ; son
commerce des riches produits du pays est considérable. Un
chemin de fer la relie à la grande ligne de Calcutta. La
ville possède un |rand nombre d'étangs dont quelques-uns
ont jusqu'à un kil. de longueur. Le district du même nom
a 2,196,500 hab. M. d'E.
DARBISME. Nom donné à la doctrine propagée par
J.-N. Darby (V. ce nom) ; ceux qui acceptèrent cet ensei-
gnement furent appelés « darbistes » ; entre eux ils se
nomment « frères », et donnent à leurs congrégations le
nom de « petits troupeaux ». Jusqu'en 1845, les dar-
bistes et les plymouthistes (V. Plymouthisme) ne se distin-
guaient en rien; mais, en cette année, Darby eut une con-
troverse sur un détail apocalyptique avec un membre de
l'assemblée de Plymouth, du nom de B.-W. Newton. La
précision de M. Darby, son inflexibilité, son despotisme
lui firent excommunier son adversaire ; en Angleterre, une
petite minorité seulement l'approuva et le suivit, tandis
que presque tous ses disciples du continent lui demeurèrent
fidèles. Ils sont assez nombreux dans la Suisse romande et
dans le midi de la France, mais ne dépassent guère quel-
ques milliers en tout. Ils ont renoncé à toute organisation
ecclésiastique ; dans leurs assemblées de culte, il n'y a ni
président, ni orateur désigné d'avance ; tout « frère » peut
administrer le baptême et la sainte Cène, les deux seuls
rites conservés. En général, les darbistes ont une piété
authentique, pas mal de suffisance, mènent une vie tran-
quille et active, et attendent, sans signe précurseur ni
manifestation visible pour le monde, le retour imminent du
Christ qui les enlèvera subitement avec lui dans la gloire
céleste avant de châtier le monde. F.-H. K.
BiBL. : J.-J. Herzog, les Frères de Plymouth et J.
Darby ^ etc. ; Lausanne, 1845. — Fr. Godet, Examen des
vues darbistes sur le saint ministère, etc. ; Neuchâtel,
1846. — G.-A. Krûger, le Darbysme^ etc. ; Paris, 1877.
BARBLAY (Auguste-Rodolphe), homme politique fran-
çais, né à Etampes le 1 5 nov. 1784, mort à Paris le 15 sept.
1873. Grand commerçant en grains et membre fondateur de
la Société d'agriculture, il fut élu député de Corbeil (S.-et-O.)
le 31 oct. 1840 avec un programme conservateur, fut
réélu le 9 juil. 1842, le 1^** avr. 1846, et représentant à
l'Assemblée législative le 13 mai 1849. Il fit partie de la
droite et rentra dans la vie privée après la législature. Il a
écrit : la France^ l'Europe, leur état présent j vues sur
leur avenir (Paris, 1861, in-8). — Son frère, Aimé-
Stanislas^ né à Auvers (S.-et-O.) le 25 nov. 1794,
mort à Saint-Germain le 12 nov. 1878, également com-
merçant en grains, est très connu comme grand indus-
triel par les progrès qu'il réalisa dans la fabrication des
farines. Conseiller d'arrondissement de Corbeil où se
trouvent les moulins Darblay, il fut candidat officiel aux
élections du 29 févr. 1852 pour le Corps législatif et
obtint 17,812 voix sur 21,904 votants. Il vota avec la
majorité bonapartiste, fut réélu successivement en 1857,
1863, 1869. En 1876, il se présenta sans succès aux élec-
tions sénatoriales. M. Darblay a été censeur de la Banque
de France et du Crédit foncier.
BARBOIS (Pierre-Paul), sculpteur français, né à Dijon
(Côte-d'Or) le 11 janv. 1785, mort à Dijon le 30 sept.
1861. Elève de Devosge et de Nicolas Bornier, il fut pro-
fesseur de l'école de dessin de Dijon et conservateur adjoint
du musée de cette ville. Il exposa, en 1837, une Péche-
resse pénitente (st. plâtre). Ses oeuvres principales se
trouventdans sa ville natale. Ce sont les statues de Turnus,
d'un Jongleur, et la statue colossale de Minerve sur la
façade de l'hôtel de ville. M. D. S.
DARBON (Yitic). Nom donné aux petits monticules de
terre que l'on accumule, en Beaujolais, entre les souches,
lors du premier labour. L'opération a reçu le nom de dar-
bonnage, et le deuxième labour, qui consiste à détruire
les darbons et à égaliser le sol, porte le nom de dédar-
bonnage. Le darbonnage porte, à l'Ermitage, le nom de
fosserage.
DARBON NAY. Corn, du dép. du Jura, arr. de Lons-le-
Saunier, cant. de Seillières; 178 hab.
DARBOT (Jean-Ernest), homme politique français, né à
Fresnoy (Haute-Marne) le 8 sept. 1841. Vétérinaire à
Langres, il entra au conseil général de son département
en 1872 et en fut élu sénateur le 30 sept. 1888.11 siège
à gauche.
DARBOUX (Jean-Gaston), mathématicien français, né à
Nîmes le 13 août 1842. Admis le premier, en 1861, à
l'Ecole polytechnique et à l'Ecole normale supérieure, il
opta pour cette dernière, fut reçu docteur es sciences en
1866 avec une thèse sur les Surfaces orthogonales
(Annales de l'Ecole normale^ li^^ série, t. III, p. 97), fit
la même année une suppléance au Collège de France et, de
1867 à 1873, professa les mathématiques spéciales au
lycée Louis-le-Grand. Il était depuis cinq ans maître de
conférences à l'Ecole normale supérieure et depuis huit ans
professeur suppléant de mécanique et de géométrie à la
faculté des sciences de Paris, lorsque, en 1881, il fut
nommé professeur titulaire de géométrie supérieure à la
même faculté. Il en est doyen depuis 1889. En 1884,
l'Académie des sciences l'a élu membre de la section de
mathématiques en remplacement de Puiseux ; elle lui avait
auparavant décerné en 1876, le grand prix de mathéma-
tiques pour une œuvre considérable, un Mémoire sur les
solutions singulières des équations aux dérivées par-
tielles (Mémoires des savants étrangers y t. XXVII, n° 2),
et en 1883 le nouveau prix Petit d'Ormoy comme au ma-
thématicien « que l'étendue de sa réputation, la maturité
de son talent, le nombre et la variété de ses travaux dési-
gnaient plus particulièrement à ses suffrages ». M. Dar-
boux se distingue en effet par un remarquable talent d'expo-
sition et de généralisation, par une extrême lucidité dans
les démonstrations, par une grande diversité et une rare
profondeur de connaissances : savant géomètre et habile
analyste, il a tour à tour abordé avec succès toutes les
branches des sciences mathématiques. Ses travaux les plus
saillants ont porté : en géométrie, sur les sections du tore,
les lignes de courbure, la représentation sphérique des
surfaces, les lignes asymptotiques, les surfaces orthogo-
nales, les cycUdes, la surface des ondes, les cercles géodé-
siques, les surfaces applicables, les surfaces à courbure
totale constante ; en analyse pure, sur la série de Laplace,
les équations aux dérivées partielles, le théorème de Sturm,
le problème de Pfaff, les équations différentielles du pre-
mier ordre et du premier degré ; en méoanique et en
DARBOUX — DARBOY
924 —
physique mathématique, sur les fonctions des très grands
nombres, le choc des corps, les systèmes articulés, Féqui-
libre asiatique, les forces centrales, la théorie du mouve-
ment d'un corps solide de Poinsot. Plus particulièrement
il a fait voir, à l'occasion de ses recherches sur les équa-
tions aux dérivées partielles, que d'un système orthogonal
à n variables on peut déduire un système analogue kn — 1
variables ; il a déterminé les lignes de courbure des sur-
faces tétraédrales de Lamé et les lignes asymptotiques des
surfaces de Steiner, des surfaces des centres de l'ellipsoïde
et d'un grand nombre d'autres ; il a donné une démons-
tration nouvelle des théorèmes de Poncelet et Chastes sur
les polygones inscrits et circonscrits à des coniques ; il a
appliqué les fonctions elliptiques à l'étude des déformations
d'un quadrilatère articulé ; il a signalé, en même temps
qu'une méthode nouvelle pour former l'équation différen-
tielle des surfaces applicables sur une surface donnée, la
possibilité d'exprimer par des fonctions hyperelliptiques
de deux paramètres variables les coordonnées d'une sur-
face du troisième ordre ; il a indiqué un mode de définition
de la condition d'intégrabiHté d'une fonction ; il a consi-
dérablement précisé et généralisé la théorie des équations
différentielles ; il a étendu aux équations aux dérivées
partielles la méthode d'intégration par différentiation ; il a
fourni une analyse ingénieuse des principes sur lesquels
est fondée la démonstration du parallélogramme des forces.
— Ses écrits sont du reste très nombreux. Outre cent
cinquante mémoires de géométrie, d'analyse, de physique
mathématique, de mécanique et d'astronomie parus depuis
4864 dans les Nouvelles Annales de mathématiques^
les Comptes rendus de l'Académie des sciences^ les
Annales de l'Ecole normale, le Bulletin de la Société
philomathique, le Bulletin des sciences mathématiques,
qu'il a fondé en 1870 avec MM. Houël et J. Tannery et
qu'il dirige encore (1891) avec ce dernier, le Journal de
Liouville, le Bulletin de la Société mathématique, les
Mathematische Annalen, il a publié à part : Sur les
Théorèmes d'ivory relatifs aux surfaces dusecond degré
(Paris, 4872, in-8) ; Sur une Classe remarquable de
courbes et de surfaces algébriques (Paris, 4873, in-8) ;
Mémoire sur l'équilibre asiatique (Paris, 4877, in-8);
Sur le Problème de Pfaff(Vms^ 4882, in-8) ; Leçons sur
la théorie générale des surfaces et les applications géo-
métriques du calcul infinitésimal (Paris, 4887-91,
3 vol. in-8). Il a enfin donné de nouvelles éditions, avec
notes et commentaires très originaux, de la Géométrie
analytique de Bourdon (Paris, 4880, in-8), de la Mé-
canique de Despeyrous (Paris, 1886, 2 vol. in-8), des
OEuvres scientifiques de Fourier (Paris, 1888-90, 2 vol.
in-4). Léon Sagnet.
BiBL. : Noticesurles travaux scientifiques de M. G. Dar-
boux ; Paris, 1884, in-4.
DARBOVILLE (Jules-Etienne-Jean Clerget, dit), chan-
teur scénique français, né à Montpellier le 7 déc. 1781,
mort à Marseille le 22 sept. 1842. De l'âge de treize ans
jusqu'à vingt-neuf ans, il servit dans la marine, et fit la
campagne d'Egypte en qualité d'aspirant. C'est en 1810
seulement qu'il aborda le théâtre, en chantant à Toulon
l'emploi des ténors. Le 2 juil. 1811, il vint débutera
rOpéra-Comique dans celui de Martin. En 1814, il était à
Lyon, où, très dévoué à Napoléon, il courut de très grands
dangers en se refusant obstinément à chanter des vers de
circonstance injurieux pour l'empereur déchu. Il dut s'enfuir
et alla se réfugier à Bruxelles, où il chanta pendant plu-
sieurs années. Il ne put rentrer en France qu'en 1823, et
on le vit reparaître alors à l'Opéra-Comique, où il prit tout
à la fois la succession de Martin et celle de Baptiste. Il y
obtint de vrais succès pendant quelques années, puis
s'éloigna de Paris pour aller à Marseille tenir, de 1829 à
4834, l'emploi des barytons, auxquels il joignait quelques
rôles de ténor. Darboville était un artiste distingué. —
Un fils de cet artiste, M. Georges Darboville, pianiste de
talent, s'est consacré à l'enseignement à Marseille et a été
professeur au Conservatoire de cette ville, où il a publié
quelques compositions.
DARBOY (Georges), prélat français, né à Fayl-Billot
(Haute-Marne) le 16 janv. 1813, fusillé à Paris 10*^24 mai
1871. Ordonné prêtre en 1836, il professa quelque temps
la philosophie, puis la théologie dogmatique au grand sé-
minaire de Langres, devint en d 845 maître de conférences
à l'école des Carmes de Paris et fut l'année suivante atta-
ché comme aumônier au collège Henri IV. Nommé proto-
notaire apostolique par le pape en 18o4, il fut élevé au rang
de vicaire général (1855) par l'archevêque de Paris, Sibour,
qui, comme son prédécesseur Affre, appréciait fort son
talent de plume et de parole, la modération de son carac-
tère et l'éclectisme de ses principes. Darboy, fermement
attaché aux doctrines gallicanes, libéral et tolérant par
tempérament, n'avait rien de l'exclusivisme ultramontain
qui régnait à la cour de Pie IX et qui repoussait comme
un sacrilège toute conciliation avec les principes de 1789.
Il n'admettait pas l'autorité absolue du pape sur l'Eglise
et regardait les droits de l'Etat et de la société civile
comme aussi respectables que ceux du clergé. Au lende-
main de la guerre d'Italie, le gouvernement impérial avait
besoin de pareils auxiliaires pour le défendre contre les
violentes attaques dont il était l'objet de la part de la cour
de Rome. Aussi Darboy fut-il appelé par Napoléon IIÏ à
l'évêché de Nancy dès le 46 août 4859 et succéda-t-il à
Sibour en 4863 sur le siège archiépiscopal de Paris.
Il s'était jusque-là, malgré ses sentiments intimes, tenu
dans une réserve toute sacerdotale vis-à-vis du saint-siège,
dont il avait eu besoin de se ménager la faveur. A partir
de cette époque, sans cesser d'être prudent et modéré, il
prit moins la peine de dissimuler la divergence de ses vues
avec les doctrines du souverain pontife. La confiance écla-
tante que lui témoignait Napoléon III l'enhardissait. Il
devint grand aumônier de l'empereur le 8 janv. 4864 et
fut appelé au Sénat le 5 oct. suivant. Ses écrits et ses
discours, qui témoignaient d'un libéralisme devenu fort
rare dans l'épiscopat et d'un médiocre attachement au
pouvoir temporel du pape, ne tardèrent pas à lui attirer
d'amers reproches de la part de Pie IX qui, le 26 oct.
d865, lui adressa une longue lettre pour réfuter — en
termes aigres et comminatoires, — ce qu'il appelait ses
ei'reurs. L'archevêque de Paris ne voulait pas admettre que
le pape pût exercer directement son autorité sur un autre
diocèse que celui de Rome; il regardait comme un abus les
pétitions et les appels adressés sans relâche au saint-siège ;
il soutenait que les actes du souverain pontife n'engen-
draient aucune obligation qu'ils n'eussent été revêtus d'un
mandat d'exécution délivré par le pouvoir civil ; il préten-
dait soumettre dans une certaine mesure à sa surveillance
et à son autorité toutes les congrégations établies dans
son diocèse ; il défendait énergiquement le Concordat et les
articles organiques tant de fois réprouvés par la cour de
Rome. Aussi fut-il frappé par Pie IX et son entourage d'une
défaveur contre laquelle il s'efforça vainement de réagir,
sans trahir, du reste, la cause qu'il avait embrassée. La
cour des Tuileries s'efforça inutilement, à diverses re-
prises, de lui faire conférer la dignité de cardinal. Darboy,
sans se laisser intimider par les attaques violentes des
journaux ultramontains de France et d'Italie, se rendit,
vers la fin de 4869, au concile du Vatican où, jusqu'à la
fin, il lutta pour l'autorité des évêques, pour les droits de
la société civile et surtout contre l'infaillibilité du pape
qui finit pourtant, on le sait, par être érigée en dogme de
l'Eglise (juil. 4870). Il se soumit pourtant avec respect
aux décisions de l'assemblée et retourna à Paris au mo-
ment où venait d'éclater la guerre franco-allemande. De
nouvelles épreuves l'y attendaient. Tant que dura le siège
de cette ville par les Allemands, il y resta, n'ayant guère
d'autre préoccupation que de prêter son concours à l'œuvre
de secours aux blessés. Après l'insurrection du 48 mars
4874, il y voulut demeurer encore et paya cher cette im-
prudence. Arrêté comme otage dès le 4 avr. par ordre de
— 925 —
DARBOY — DARCET
la Commune, il fut incarcéré à Mazas, oii vinrent bientôt
le rejoindre le sénateur Bonjean, l'abbé Deguerry, curé
de la Madeleine, et d'autres prêtres, qui durent partager
sa captivité ; d'inutiles négociations eurent lieu entre Paris
et Versailles pour obtenir sa mise en liberté et celle de
plusieurs de ses codétenus, en échange de celle de Blan-
qui, que le gouvernement légal, alors dirigé par Thiers,
avait fait mettre en prison. Après cinquante jours de dé-
tention, Darboy fut, dans la matinée du 24 mai, transféré
avec les principaux de ses compagnons, à la Roquette, pen-
dant que l'armée de Versailles, qui venait d'entrer dans Paris,
avançait péniblement de rue en rue et que la Commune allu-
mait ses premiers incendies. Le soir même, un peu après huit
heures, ils furent tous fusillés dans un des chemins de ronde
de cette prison. Leurs cadavres furent immédiatement trans-
portés au Père-Lachaise, d'où ils furent exhumés le 28,
après l'entière défaite de la Commune. Des funérailles solen-
nelles leur furent faites le 7 juin suivant aux frais de l'Etat.
Darboy, qui était un écrivain de valeur, a laissé, sans
parler de ses œuvres pastorales et de nombreux articles
de journaux et de revues, plusieurs ouvrages de longue
haleine, parmi lesquels nous citerons : Œuvres de saint
Denys l Aréopagite, traduites du grec, avec Introduction
et ISotes (Paris, 1845, in-8) ; les Femmes de la Bible
(Paris, 1848-1849, 2 vol. in-8); les Saintes Femmes
(Paris, 1850, in-8); une traduction de [Imitation de
Jésus-Christ (Paris, 1852, in-8); la Vie de saint Tho-
mas Becket (Paris, 1859, 2 vol. in-8). A. Debidour.
DARBRES. Com. du dép. de l'Ardèche, arr. de Privas,
cant. de Villeneuve-de-Berg ; 622 hab.
DARBY (George), amiral anglais, mort le 26 nov. 1190.
Commandant en 1757, il fit, en 1759, partie de l'escadre
qui participa au bombardement du Havre. Il figura encore
à la réduction de la Martinique (1761). Promu vice-
amiral le 19 mars 1779, il présida la cour martiale qui
jugea sir Hugh Palliser (V. ce nom). Commandant en chef
de la flotte de la Manche en 1780, il fut nommé le 6 sept,
de la même année lord de l'amirauté. En avr. 1781, il
ravitailla Gibraltar, puis prit à Torbay une position si forte
que les escadres alliées de France et d'Espagne n'osèrent
l'y attaquer. Il fut nommé en octobre contre-amiral de
Grande-Bretagne. Il déposa son commandement en mars
1782 à la suite d'un changement de cabinet. Les Anglais ont
gardé le plus mauvais souvenir de cet amiral qui ne dut,
disent-ils, sa haute situation qu'aux intrigues politiques
de lord Sandwich, et qu'ils accusent d'impéritie. R. S.
DARBY (John Nelson), chef de secte, né le 18 nov.
1800, mort le 29 avr. 1882. Issu d'une bonne famille en
Irlande, il fut d'abord avocat, puis étudia la théologie
contre le gré de son père qui le déshérita, et fut reçu dans
le clergé anglican. Il eut alors des doutes sur la continuité
de la succession apostolique (V. ce mot), conclut de l'in-
terruption évidente, selon lui, de cette sucession à ce
qu'il nomme l'apostasie de l'Eglise et au devoir de renoncer
à toute organisation ecclésiastique. A ces vues il joignait
de singulières interprétations des prophéties concernant le
retour du Christ. En 1827, il sortit de l'Eglise anglicane,
et fréquenta bientôt des conventicules qui se formaient vers
cette époque dans plusieurs cités britanniques (V. Ply-
mouthisme). Pris d'ardeur apostolique, Darby passa sur
le continent en 1838 et propagea son enseignement sur
l'apostasie de l'Eglise à Genève et plus tard à Lausanne.
On le vit de même dans le midi de la France, puis en Alle-
magne et au Canada; il ne craignit pas, à l'âge de soixante-
quinze ans, d'aller jusqu'en Nouvelle-Zélande, toujours
dans l'intérêt de sa doctrine spéciale. Son succès fut assez
considérable (V. Darbisme). Il publia un très grand nombre
de traités doctrinaux, d'études et de méditations bibliques.
Tous ces écrits ont été réunis en trente-deux volumes (Col-
lected Writings edited by Kelly; Londres). Avec la
collaboration de son ami P. Schlumberger, Darby a traduit
en français le Nouveau Testament (Vevey, 1 859) . F.-H. K.
BiBL. : V. Fart. Darbisme.
DARC (Jeanne) (V. Arc [Jeanne d']).
DARCEL (Alfred), archéologue français, né à Rouen le
4 juin 1818. Après avoir fait ses études classiques au
collège de cette ville, il entra à l'Ecole centrale, d'oii il
sortit, en 1841, avec le diplôme d'ingénieur. Attaché
d'abord à titre auxiliaire, puis en 1862 à titre définitif au
musée du Louvre, il débute, comme écrivain, par une série
d'études sur l'art mérovingien, carlovingien et médiéval
dans les Annales archéologiques de Didron. En 1871,
M. Jules Simon, alors ministre, l'appela à la direction de la
manufacture nationale des GobeHns, poste qu'il échangea,
en 1885, contre celui du directeur du musée des Thermes
et de l'hôtel de Cluny. Sous son administration, les collec-
tions du musée de Cluny ont été classées à nouveau et enri-
chies par une série de dons (collection Audéoud, les
épées des xv^ et xvii^ siècles léguées par de Beaumont,
la Jeanne d'Arc en bronze de la collection Odiot, col-
lection hébraïque de I. Strauss, etc.), et par quelques
acquisitions comme les émaux de L. Limosin ayant appar-
tenu à l'hospice de Joinville et représentant les portraits
du duc et de la duchesse de Guise. A. Darcel a mis au jour
avec J.-B. Lassus et publié en 1858 le curieux Album, ma-
nuscrit de Villard de Honnecourt, architecte du xiri^ siècle.
Il a donné depuis : la Notice des faïences italiennes et
celle des Emaux et de V Orfèvrerie du musée du Louvre;
un ouvrage important sur la Tapisserie en collaboration
avec Guichard; une notice sur les Manufactures natio-
nales de tapisserie et les tapis de la Savonnerie (1884),
contenant nombre de renseignements inédits ; l'Inventaire
des GobeHns pour Vlnventaire général des Richesses
d'art de la France; le Catalogue de V Exposition rétro-
spective de Vart français au Trocadéro en 1889 (les
deux parties du moyen âge et de la Renaissance, en colla-
boration avec M. Emile Molinier) ; enfin de nombreux arti-
cles de critique dans la Gazette des Beaux- Arts et trois
volumes de Voyages en Italie, à Malte et en Espagne,
parues déjà dans le Journal de Rouen dont M. A. Darcel
est collaborateur. F. Trawinski.
DARCET (Jean), médecin et chimiste français, né le
7 sept. 1725 à Donazit (Landes), mort k Paris le 13 févr.
1801 . Il commença sa médecine à Bordeaux, vint à Paris où
il fut nommé précepteur du fils de Montesquieu ; puis il se
lia avec Rouelle, dont il épousa la fille en 1771 . Il s'occupa
surtout de chimie appliquée aux arts et à l'industrie. Ses
recherches sur la fabrication de la porcelaine le firent
nommer directeur de la manufacture de Sèvres, à la mort
de Macquer. Dans son mémoire sur Vaction du feUi, il
modifia avantageusement l'art du verrier et du potier. Il
démontra le premier la combustibiUté du diamant, indiqua
le moyen d'extraire la soude du sel marin, fabriqua des
savons avec toute espèce de graisse ou d'huile, donna un
procédé pour extraire la gélatme des os. V alliage fusible
qui porte son nom et qui fond dans l'eau bouillante, se
compose de 8 parties de bismuth, 5 parties de plomb et
3 parties d'étain. — Darcet a été professeur de chimie au
Collège de France (1774), inspecteur des monnaies, membre
de l'Académie des sciences (1784), membre de l'Institut
(1795); enfin il fut appelé au Sénat lors de sa création
(1799). Ed. BouRGOiN.
DARCET (Jean-Pierre-Joseph), chimiste français, né à
Paris le 31 août 1777, mort à Paris le 2 août 1844. Fils
du précédent, il s'occupa comme lui de chimie pratique. A
sa mort, il était directeur des essais à la Monnaie, membre
de l'Académie des sciences et de l'Académie de médecine
depuis 1823. Ses principaux travaux ont eu pour objet la
fabrication de la soude artificielle, du bicarbonate de soude,
de l'alun, de l'acide sulfurique, de l'hydrate de baryte ; la
composition des alliages, notamment des tams-tams ; la
production d'un nouvel alliage propre au clichage et à la
stéréotypie ; l'afiînage des matières d'or et d'argent ; l'in-
dustrie des savonneries. On lui doit aussi des perfectionne-
ments pour l'extraction de la gélatine, dont il vanta outre
mesure les propriétés alimentaires. Enfin, comme membre
MRCET — DARCY
926
du conseil de salubrité, il s'occupa des questions d'hygiène
publique et donna les règles à suivre pour préserver les
ouvriers doreurs des dangers auxquels ils sont exposés.
Toutes ces recherches sont consignées dans de nombreux
mémoires, dont les principaux ont été insérés dans les
Annales de chimie et de 'physique. Ed. Bourgoin.
DARCEY. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de Semur,
cant. de Flavigny, sur le ru de Vaux, au pied d'une col-
line escarpée; 544 hab. Stat. du chem. de fer de P.-L.-M.
Avant 1789, du diocèse d'Autun, du parlement et de l'inten-
dance de Dijon, du bailliage et de la recette de Châtillon. Ce
village fut possédé en partie par les Brancion; en 4250,
Renaud de Choiseul, époux de Marguerite de Brancion,
vendit au duc de Bourgogne ce qu'il y possédait. Les habi-
tants de Darcey furent affranchis en 4606 par la comtesse
de Soissons et le duc de Bourbon son fils. Grotte d'où sort
la source de la Douix. Château moderne. Deux tours du
moyen âge, restes d'un vieux château. M. P.
BiBL. : CouRTÉPÉE, DescripHon du duché de Bourgogne.
éd. 1848, t. IV, p. 263.
DARCI ou DARCIUS (Giovanni), poète italien du
XVI® siècle, né à Naples. On croit qu'après avoir professé,
avec succès, les humanités en Italie, il passa en France,
où il devint, sous le nom de Da7xes^ aumônier du cardinal
de Tournon. Ses vers qui ne manquent pas d'élégance ont
été plusieurs fois imprimés, notamment par Simon de
Colines (Paris, 4543, in-8) ; quelques-uns se trouvent aussi
dans lAmphitheatrum Sapientiœ de Dornau et dans le
t. P^ des beliciœ poetarum italorum. S'il est le même
que Jean Darces, il faut mettre à son nom les Treize
Livres des choses rustiques de Palladius traduits note-
vellement en français (Paris, 4554, in-8). R. G.
BiBL. : Toppi, Bibliotheca neapolitana; Naples, 1683,
in-4.
DARCIER (Joseph Lemaire, dit) (V. Lemaibe).
DARCI S (J. -Louis), graveur au burin, mort à Paris en
4804. Il a gravé Brutus (Junius), d'après Léthière;
VAnglomane, les Incroyables, les Merveilleuses, d'après
Carie Vernet, etc., et fut le plus populaire des graveurs
de la Révolution. F. Courboin.
PARC Y (Lord Thomas), homme d'Etat anglais, né en
4467, mort en 453T. D'une vieille famille du Lincoln-
shire, il accomplit sous Henri VII diverses missions diploma-
tiques et exerça de grandes charges dans les comtés fron-
tières de l'Ecosse. Wolsey était son ami ; il poussa
cependant à sa disgrâce en 4529. Dans l'affaire du divorce
de Henri VIII, il affecta dès le début une attitude assez indé-
pendante, et, d'accord avec lord Hussey, noua des intelli-
gences avec Chapuys, l'ambassadeur impérial, pour inviter
Charles-Quint à envahir l'Angleterre et à mettre fin aux
excès spirituels et temporels du tyran. Gouverneur de
Pomfret Castle, il le rendit sans résistance aux insurgés
de la grande insurrection soulevée par la dissolution des
monastères, et connue sous le nom de Pilgrimage of
Grâce, Considéré à tort ou à raison comme l'un des pro-
moteurs du mouvement, il fut amené à Londres après la
victoire de Henri VIII, et décapité. Sa tête figura au croc
de London Bridge. Ch.-V. L.
DARCY (Patrick), homme politique irlandais, né en 4598,
mort en 4668, l'un des principaux membres du parlement de
Dublin en 4640. Il est surtout connu pour avoir soutenu
qu'aucune loi édictée par un parlement anglais ne peut
être tenue pour valable en Irlande sans la ratification d'un
parlement irlandais (Darcy's Argument, publié à Wa-
terford, 4643), Il fut un de ceux qui signèrent la paix en
4 646 avec le marquis d'Ormonde au nom de la confédéra-
tion catholique. Ch.-V. L.
DARCY ou DARCI E (Abraham), écrivain anglais du
XVII® siècle. Il fut attaché à la maison du duc de Lennox,
du comte de Derby et de la famille Hov^ard. Il a écrit :
the Honour of Ladies (Londres, 4622), hvre extrême-
ment rare; the Originall of Idolâtries^ or the Birth
of hérésies (trad. du français et faussement attribué à
Casaubon) ; Frances Du^chess Dowager of Richmond
and Lenox, her funerall teares, etc. (Londres,* 4624),
compte rendu des funérailles du duc de Lennox avec diverses
pièces et des vers en anglais et en français ; une traduc-
tion des Annales de Camden (4558-4588) (Londres, 4625,
in-4). On lui attribue plusieurs traités de généalogie
(celles des Howard et des Stanley entre autres).' R. S.
DARCY (Robert), comte d'HoLDERNESS, homme politique
etdiplomate anglais, né en juin 4748, mort le 46 mai4778.
Lord lieutenant du Yorkshire en 4740, il fut nommé en
avr. 4744 gentilhomme de la chambre du roi qu'il accom-
pagna en Hanovre en 4743 et à la bataille de Dettinpn.
Ambassadeur à Venise (4744-4746), ministre plénipo-
tentiaire à La Haye (4749-4754), il fut secrétaire d'Etat
dans le cabinet de Henry Pelham ; conserva son portefeuille
dans le cabinet Newcastle et resta aux affaires avec le duc
de Devonshire qui lui confia le département du Nord. Il
démissionna en juin 4757, et quelques jours après revint
au pouvoir en prenant cette fois le département du Sud à la
place de Pitt qui prit le Nord. George III lui enleva ces
fonctions pour les donner à lord Bute et, fort piquant à ses
heures, ajouta : « J'ai deux secrétaires donc l'un (Pitt) ne
veut rien faire et dont l'autre (Darcy) ne peut rien faire,
j'en aurai un seul qui voudra travailler et travaillera. »
Darcy fut d'ailleurs consolé de cette mésaventure par de
grasses sinécures. Le 42 avr. 4774, il fut nommé gouver-
neur du prince de Galles et de son frère le prince Frede-
rick. Le comte d'Holderness aimait les arts ; il dirigea en
4743 l'Opéra de Londres avec lord Meddesen et il protégea
le poète William Mason (V. ce nom). Il avait épousé, en
4742, Mary, fille de Franc. Doublet, membredes Etats de
Hollande dont il eut deux fils morts jeunes et une fille,
Amélie, qui épousa en secondes noces le capitaine Byron, père
du célèbre poète. R. S.
BiBL. : BuRKE, Extinct Peerage; Londres, 1883.— Wal-
POLE, Memoirs of the veign of George IL and of George III;
Londres, 1845-1847.
DARCY (Henri-Philibert-Gaspard), ingénieur français,
né à Dijon le 40 juin 4803, mort à Paris le 3 janv. 4858.
L'œuvre principale de sa vie a été la dérivation et la dis-
tribution des sources qui ont donné à la ville de Dijon une
alimentation d'eau citée souvent comme modèle. Une dis-
grâce politique lui enleva, en mars 4848, le service d'in-
génieur en chef de la Côte-d'Or qu'il dirigeait depuis 4839,
mais, deux mois après, il était placé, avec le titre d'ingé-
nieur en chef directeur, à la tête du service municipal de
la ville de Paris. Il profita de sa situation nouvelle pour
compléter les expériences qu'il avait commencées à Dijon
sur le mouvement des eaux dans les tuyaux de conduite.
Les travaux de Darcy ont eu une heureuse influence sur
les progrès de la science hydraulique. Il avait publié dans
les Annales des po7its et chaussées de 4850 un volumi-
neux rapport de mission sur les chaussées de Londres, et
il a laissé les ouvrages suivants : les Fontaines publiques
de Dijon, exposition et appUcation des principes à suivre
et des formules à employer dans les questions de distribu-
tion d'eau (4856); Recherches expérimentales relative-
ment au mouvement de l'eau dans les tuyaux (1857) ;
Recherches expérime^itales sur le mouvement de l'eau
dans les canaux découverts, publiées après sa mort par
son collaborateur M. Bazin (4865).
BiBL. : Tardé de Saint-Hardouin, Notices biographi-
ques sur les ingénieurs des ponts et chaussées ; Paris,
1884, gr. in-8.
DARCY (Denis), architecte français, né au Cateau-Cam-
brésis (Nord) le 20 mars 4823. Elève de Henri Labrouste
et de l'Ecole des beaux-arts, puis de Lassus et de Viollet-
le-Duc, M. Denis Darcy s'adonne surtout à l'étude des
monuments français de la période du moyen âge et, sous
les auspices de la commission des monuments historiques
dont il est membre, il a exposé, depuis 4869, tant aux Salons
annuels qu'aux Expositions universelles de Paris de ^1878
et de 4889 et à celles de Vienne de 4873 et de Londres
de 4874, de nombreuses études d'édifices religieux ou
civils qui lui valurent les plus hautes récompenses. Parmi
-- 92T ^
DARCY — DARDANELLES
ces études, il faut citer celles concernant les églises de
Châtel-Montagne et d'Ebreuil (Allier) ; les vitraux de l'église
de Conches (Eure) ; le château de Vitré (ïUe-et-Vilaine) ;
les églises de Gargillès et de Mézières-en-Brenne (Indre) ;
l'église de Notre-Dame à Saint-Omer (Pas-de-Calais) ; les
églises de La Fer té-Bernard, de Notre-Dame-du-Pré au
Mans et de Vivoin (Sarthe); les ruines du château du
Viviers (Seine-et-Marne) , etc. M. Denis Darcy a succédé
à Viollet-le-Duc dans la restauration et la reconstruction
du musée de Toulouse, vaste ensemble de constructions
greffées sur l'ancien couvent des Augustins et, depuis long-
temps architecte des édifices diocésains, M. Denis Darcy est
chargé des grands travaux de restauration des cathédrales
d'Evreux et de Reims et de l'entretien de l'église abbatiale
de Saint-Denis. — Georges-Honoré Darcy, fils du pré-
cédent, élève de son père, de M. André et de l'Ecole
des beaux-arts, est, lui aussi, architecte du service des
monuments historiques et du service des édifices diocé-
sains. Depuis 4875, M. Georges Darcy a exposé, à de nom-
breux Salons annuels et aux Expositions universelles de
Paris de 1878 et de 4889, des études d'état actuel et de
restauration d'édifices du moyen âge, parmi lesquels : l'église
de Veauce (Allier), l'église de Champeaux (Seine-et-Marne) ;
Vhôtel de ville et le transept nord de l'église Saint-Pierre
à Dreux (Eure-et-Loir) ; l'église de Méhobecq (Indre) et le
château de Mehun-sur-Yèvre (Cher). M. Georges Darcy est
architecte du diocèse de Moulins (Allier). Charles Lucas.
DARD, I. Archéologie. — Arme de jet, consistant en un
fer très efiilé, à deux tranchants, avec un manche court.
Avant le xiii^ siècle, on appelait cette arme un algier. Au
XIII® siècle, paraît le mot dard. Ainsi on lit dans Méraugis
de Portlesguez^ poème du xm® siècle : « Un héros qui
tenoit un dart — en sa main mult tranchant d'acier. » Au
XIV® siècle, on disait une darde ^ puis au xvi® siècle, demi^
pique, M. P.
IL Art héraldique. — Figure artificielle représentant
une sorte de javelot en pal, il est dit fùté et empenné
lorsque son manche et les plumes qui sont au bout sont
d'un émail différent. La famille Baudard de Vaudésir porte
d*auir, au dard d'or,
IIL Arboriculture. — Les dards sont des rameaux nés
à angle droit sur les branches et qui restent courts. Ils
portent à leur partie inférieure quelques feuilles peu déve-
loppées et vers le sommet, des feuilles plus grandes, rap-
prochées en rosette, au centre de laquelle se trouve un
œil terminal. Lorsque ce bourgeon, d'abord assez mince et
pointu, se renfle et devient obtus, on dit que le dard est
couronné. G. B.
DARDANELLES. Détroit qui donne accès de l'archipel
dans la mer de Marmara, séparant l'Europe de l'Asie. Ce
détroit, qui est l'Hellespont des anciens et qu'on a souvent
appelé aussi détroit de Gallipoli, doit son nom à l'ancienne
ville grecque de Dardanus. Il a 70 kil. de long, une lar-
geur qui varie de 4,800 m. à 7 kil. seulement. Le rivage
européen est bordé de falaises et peu fertile ; le rivage
asiatique en pente douce est en grande partie couvert de
vignobles et de jardins. La profondeur est assez grande,
50 à 60 m. en moyenne, malgré quelques bas-fonds. Un
courant très rapide va duN.au S., de la mer de Marmara
à l'Archipel ; c'est le principal obstacle à la navigation,
réellement gênant quand souffle le vent du N. (au printemps
et en été), presque insensible quand souffle le vent du S.
(automne et hiver). Le long des Dardanelles, les principaux
points sont : sur la rive européenne, le cap Belles qui
marque l'entrée du détroit, la baie d'Ak-bachi-Siman (an-
cienne Sestos), le Kara-Onasou (Mgos Potamos), la ville
de GallipoH ; sur la rive asiatique (Koum Kaleh, à l'ancien
cap Sigée, non loin de Troie), Kepor Bouroun (l'ancienne
Dardanus), Lamsaki (Lampsaque). Les fortifications des
Dardanelles, qui sont considérées comme la clei de Cons-
tantinople du côté de la mer, ne sont plus à la hauteur des
procédés modernes d'attaque. Nous en donnons une brève
description. A l'entrée du détroit, qui a environ 4 kil. de
large, sont. deux forts que Mohammed IV fit élever en 4658
pour se garantir contre la flotte vénitienne : Sedil Bakr
en Europe et Koum-Kaleh en Asie. En face de la pointe
des Barbiers (Asie), ancien promontoire de Dardanus, le
baron de Tott bâtit en 4771 un petit fort sur la côte d'Eu-
rope. A 20 kil. au N. de l'entrée sont les ouvrages essen-
tiels, les deux fameux châteaux des Dardanelles au point
le plus resserré du détroit qui n'a ici que 4,800 m. de
large : Mohammed II les fit bâtir aussitôt qu'il se fut
rendu maître de Constantinople ; celui d'Europe s'appelle
Kilid'Bahr, le verrou de la mer ; celui d'Asie Kalé-Sul-
tanié, la grande forteresse du sultan ; on les appelle en-
core Roumeli et Anadoli. Ce défilé maritime, formé par le
promontoire asiatique de Nagara dont les roches sous-ma-
rines obligent les navires à serrer la côte d'Europe, serait
infranchissable s'il était bien défendu. On a bâti, depuis
4867, quatre batteries sur la côte d'Asie : Medjidié au
N. de Kalé-Sultanié, Nagara à la place de l'ancienne Aby-
dos ; sur la côte d'Europe, Namasigja et Degirmenbour-
nou (au S. de Kilid-Bahr). L'ensemble de ces ouvrages est
armé de deux cents canons environ. — Le commerce des
Dardanelles se fait par le port de Kalé-Sultanié ; la valeur
est de plus d'un million à l'entrée et autant à la sortie.
Histoire. — Les Dardanelles n'ont pris leur rôle stra-
tégique que depuis l'invention de l'artillerie ; jusqu'alors
le passage n'en pouvait être intercepté que par une flotte,
et l'importance stratégique appartenait plutôt à la Cherso-
nèse de Thrace, la longue et étroite presqu'île de Galli-
poH que l'on fermait du côté du continent par une mu-
raille. On sait que c'est par l'Hellespont que Xerxès passa
d'Asie en Europe avec son immense armée, ayant fait jeter
un pont de bateaux entre Abydos et Sestos. Le premier
pont ayant été emporté par le courant, on en bâtit un autre
qui était double ; il était formé de trois cent soixante vais-
seaux en amont du courant et de trois cent quatorze en
aval, ce qui répond à une largeur d'environ 4,800 m., la
même que de nos jours. A la fin de la guerre du Péloponèse,
la flotte athénienne fut détruite par Lysandre au mouillage
d'Jilgos Potamos (405 av. J.-C). — A l'époque moderne
les Dardanelles sont devenues, à la suite des progrès de
l'ai'tillerie, une sorte de défilé maritime facile à défendre ;
maîtres de Constantinople et prépondérants sur terre, les
Turcs n'avaient à craindre qu'une attaque par mer. Pour
la prévenir, ils fortifièrent les Dardanelles ainsi qu'il a été
dit. En 4 499, les Vénitiens défirent leur flotte à l'entrée des
Dardanelles; le 20 juil. 4657, la flotte turque fut anéantie
au même lieu par les Vénitiens ; mais ceux-ci furent battus
en 4694. Les fortifications suffisaient pour couvrir leur
capitale ; mais les Turcs ne les ayant pas entretenues, leur
confiance fut cruellement déçue ; le 26 juil. 4770, une
escadre russe de sept navires de haut bord commandée par
Elphinstone passa impunément devant les bateaux des Dar-
danelles qui n'avaient même pas de projectiles. On les
remit en état, mais pour peu de temps ; le baron de Tott
dirigea l'organisation. Néanmoins, le 49 févr. 4807, l'amiral
anglais Duckworth put franchir impunément les Darda-
nelles avec huit vaisseaux de ligne, quatre frégates, ses
canonnières et ses brûlots, et le 20 févr. une flotte ennemie
mouilla pour la première fois depuis 1453 devant la ca-
pitale de l'empire ottoman ; toutefois Duckmorth battit en
retraite dès le 2 mars, les travaux exécutés dans les Dar-
danelles rendant un plus long séjour périlleux ; il éprouva
même de graves avaries. En 4809, un accord intervint
entre le gouvernement turc et le gouvernement anglais par
lequel on interdit l'entrée des Dardanelles à tout bâtiment
de guerre étranger. En 4844, le traité des cinq grandes
puissances et de la Porte confirma cette stipulation
(V. Question d'Orient). En 4829, une flotte russe avait
bloqué l'entrée du détroit avec le consentement des Anglais ;
en 4833, les Turcs permirent aux Russes de mouiller à
Buyuk-Déré, mais interdirent aux Anglais et aux Français
le passage des Dardanelles. En oct. 4853, au contraire, ils
le lojjr offrirent et la flotte anglo-française, mouillée à
DARDANELLES — DARDEL
— 928 —
Besika depuis juin, franchit le détroit et arriva au Bosphore
le 3 nov. Les traités de 4856 confirmèrent Fancienne
interdiction, le sultan se réserva le droit d'autoriser le
passage pour les navires amenant des ambassadeurs. Le
protocole de Londres du 13 mars 4871 réitéra ces conven-
tions (V. Question d'Orient) .
DARDA NIE. Nom d'une province de l'empire romain;
c'était un district situé au S.-O. de la Mésie et habité par
les Dardani ; il correspond au sud de la Serbie. Au temps
de Constantin, c'était une prélature du diocèse de l'IIlyrie
orientale.
DARDANO (Luigi), poète italien du xvi® siècle, dont
on ne sait à peu près rien, sinon qu'il est l'auteur d'un
assez curieux volume mi-partie prose et vers intitulé : la
Bella e dotta Difesa délie donne (Venise, 1554).
BiBL. : Gamba, Délie Novelle iUliane in prosa, bibliogra"
fia; Venise, 1833, in-8.
DARDANUS (Géogr. anc). Ville de la Troade, sur la
côte entre Ilion et Abydos. Elle fut colonisée par les
Eoliens. En 411, s'y livra une bataille navale entre les
Athéniens et les Péloponésiens. Elle fut déclarée ville libre
par les Romains vainqueurs d'Antiochus. En 84 av. J.-C,
Sulla y fit la paix avec Mithridate. Cette ville a donné son
nom au détroit des Dardanelles.
DARDANUS (Myth.gr.). Héros éponyme des Darda-
niens de la Troade et fondateur mythique de la ville de
Dardanus sur FHellespont ; on en faisait un fils de Zeus
et d'Electre, fille d'Atlas, le père d'Ilus et d'Erichthonius
{Iliade), de Zacynthus (Pausanias), etc. On contait qu'il
vivait d'abord à Samothrace avec son frère Jasion (père de
Corybas) avec lequel il aurait propagé dans l'Asie Mineure
les mystères de Samothrace. Un autre récit le faisait ori-
ginaire d'Arcadie oU il avait épousé Chryse qui lui apporta
en dot le Palladium (V. ce mot) et dont il eut deux fils,
Deimas et Ideus. Il aurait tué son frère Jasos ou Jasion
(foudroyé d'après d'autres) et aurait émigré vers la Troade,
peut-être en passant par Samothrace, ou encore en fuyant
un déluge. AccueilU au pied du mont Ida par le roi Teu-
cros, il épousa en secondes noces sa fille ; de ce mariage
serait issue la dynastie royale des Troyens. Plus tard, on
le fit naître à Cortone en Etrurie ; les Troyens fondateurs
présumés de la race romaine n'auraient fait que rentrer
avec Enée dans leur pays d'origine (V. Virgile et ses com-
mentateurs).
DARDANUS (Magicien). On rencontre chez les auteurs
anciens l'indication de toute une littérature magique, d'ori-
gine chaldéo-égyptienne, qui s'est développée surtout dans
le milieu alexandrin et aux premiers siècles de l'empire
romain. Tels sont les livres de Dardanus, personnage my-
thique que Diodore de Sicile regarde comme l'initiateur des
mystères de la grande déesse, et dont Columelle invoque les
recettes contre les épidémies. On lui attribuait un ouvrage
sur les jours médicaux favorables {in Dynameris), D'après
Pline, ses livres auraient été tirés de son tombeau par
Démocrite, indication qui rappelle les papyrus trouvés
dans les momies. Le nom de Dardanus se retrouve sous la
forme altérée Dardaris, parmi ceux des personnages
de la Turba philosophorum, la plus vieille des compila-
tions alchimiques arabico-latines du moyen âge et celle qui
renferme les traces les plus nombreuses des traditions
grecques. M. Berthelot.
DARDEL (Robert-Guillaume), sculpteur et graveur, né
à Paris en 1749, mort à Paris le 29 juil. 1821. Elève de
Pajou, il devint administrateur du musée de Versailles en
1796. Il a laissé comme œuvres principales: Virginius
tuant sa fille; les statues de Turenne, de Coudé, de
Duguesclifi, de Pascal, de /.-/. Rousseau, M*"® Dardel a
gravé quelques planches d'après son mari, ainsi que Tour-
caty, gendre du sculpteur. Dardel a gravé lui-même une de
ses compositions : Diane et Endymion, F. Courboin.
DARDEL (René), architecte français, né à Lyon le
10 oct. 1796, mort à Condrieu le 25 sept. 1871. Fils de
Jean- Joseph Dardel, entrepreneur de travaux publics k
Lyon et fournisseur du fourrage de l'armée d'Italie, René
Dardel, petit-fils et neveu, par sa mère, de Hausser et de
Prost, architectes lyonnais, fit ses humanités au lycée de
Lyon, fut placé, en 1814, dans le bureau de Louis-Cécile
Flachéron, architecte de la ville, et entra peu après dans la
classe de^Gay, professeur d'architecture à l'école des beaux-
arts de Lyon. Attaché en avr. 1845 comme officier d'ordon-
nance au général Mouton-Duvernet, lors de la campagne
dirigée par Grouchy contre le duc d'Angoulême, René
Dardel fut nommé sous-lieutenant aux chasseurs des Alpes
dans le corps d'armée du général Suchet, puis blessé lors
de la prise de Grenoble par les alliés et, sa carrière mili-
taire terminée, vint à Paris à la fin de 1815. Il entra dans
l'atelier de Huyot et, en 1817, à l'école des beaux arts, où
il resta jusqu'en 1822. En 1825 et 1826, il voyagea en
compagnie des architectes Callet et Duban et du peintre
d'Aligny, en Italie et en Sicile, d'où il rapporta un riche
portefeuille de dessins, consistant surtout en vues pitto-
resques tracées au crayon et ombrées à la sépia. Revenu
en 1827 à Lyon, où il avait envoyé d'Italie un projet qui
lui valut une prime au concours ouvert pour la restauration
du Grand-Théâtre, Dardel concourut encore et reçut une
nouvelle prime dans le concours de la construction du palais
de justice, prit part au mouvement de 1830, pendant
lequel il fut membre de la commission provisoire chargée
d'administrer la ville de Lyon et fut enfin appelé, le 1®^ juin
1831, aux fonctions d'architecte de la ville et de directeur
des services de la voirie, en remplacement de Flachéron,
fonctions qu'il conserva jusqu'en 1854. Nombreux sont les
travaux que Dardel fit exécuter à Lyon pendant ces vingt-
deux années et parmi lesquels il faut citer : le corps de garde
des Célestins, sur le quai de ce nom, petit édifice d'ordre
dorique modifié en 1853 et supprimé en 1863 ; la recons-
truction complète du palais de beaux-arts, ancienne collé-
giale des Dames de Saint-Pierre, où furent successivement
installés la bibliothèque spéciale des sciences et des arts, le
musée d'histoire naturelle, le musée des peintres lyonnais,
la salle des moulages d'après l'antique, la galerie des mé-
dailles et bronzes ainsi que la salle des bustes des Lyon-
nais célèbres et dont la cour intérieure, les façades exté-
rieures et le belvédère furent aussi complétés et restaurés
de 1832 à 1846. Après 1837, Dardel fit élever une fon-
taine à Saint-Just ; les deux bâtiments du marché de la
Martinière ; l'entrepôt des liquides à Perrache, aujourd'hui
en partie détruit ou converti en douane, mais dont la repro-
duction est gravée dans le Choix d'édifices publics cons-
truits en France; la fontaine de la place Sathonay, élevée
par Chenavard et Dardel à la mémoire de Jacquard, et, en
1 846, Dardel fit restaurer l'œuvre principale de Chenavard,
le Grand-Théâtre de Lyon. Après un voyage fait en 1843
en Algérie et dont il rapporta d'intéressants dessins, Dardel
eut encore à reconstruire la salle Villeroy dans la biblio-
thèque de la ville, à faire élever la fontaine de la place Saint-
Jean et à restaurer d'importantes parties de l'hôtel de ville
de Lyon, en même temps que, à la fois conseiller municipal,
architecte de la ville et architecte du chemin de fer de
Paris à Lyon pour les ^ares de Vaise et de Perrache, il
s'occupait des négociations relatives à la construction de
ces gares. Mais les travaux qui, peut-être, firent le plus
d'honneur à Dardel sont les grands travaux de voirie et du
régime des eaux de la ville de Lyon qu'il dirigea de 1833
à 1854, et qui modifièrent si heureusement la viabilité et
l'hygiène de la grande agglomération lyonnaise, et enfin
la construction du palais du commerce de Lyon, vaste édi-
fice qui coûta 4 millions de francs et valut à Dardel la
croix d'officier delà Légion d'honneur lors de l'inauguration,
le 26 août 1860. Dardel, auquel on doit aussi des cons-
tructions privées et des tombeaux, fut un des membres les
plus actifs de la société académique d'architecture de Lyon,
qu'il présida en 1847-1848 et 1851-1852; il fut de plus
conseiller d'arrondissement pour le premier cant. de Lyon
et conseiller général pour le cant. de Condrieu. Le palais du
commerce de Lyon a été publié sous ce titre : Monographie
du palais du commerce élevé à Lyon, etc. (Lyon,
1864, in-foL, 48 pi. et texte). Charles Lucas.
BiBL. : Annales de la Société académique d'ai'chiteclure
de Lyon, 1873, t. III, gr. in-8; Notice sur René Dardel, par
Léon Charvet.
DARDENAC. Corn, du dép. de la Gironde, arr. de Li-
bourne, cant. de Branne; 89 hab,
DARDENAY. Corn, du dép. de la Haute-Marne, arr. de
Langres, cant. dePrauthoy; 418 hab.
DARDEZ. Com. du dép. del'Eure, arr. et cant. d'Evreux;
45 hab.
DARDI (Bcmbo), humaniste italien, né vers 1560,
mort vers 1640. On lui doit quelques bonnes traductions
du grec : Commenta de lerocle sopra i Versi di Pita-
gora detti d'oro (Venise, 1600) ; Opej^e di Platane
(Venise, 1661, 5 vol.); Trattata di Timeo di Lacri
intorno alV anima del monda (Venise, 1607). R. G.
DARDI ER (Charles), savant pasteur et théologien fran-
çais, né à Viane(Tarn) le 26 août 1820. Pasteur à Nîmes
depuis 1843. C'est lui qui signala le premier au monde
savant, dans le Journal de Genève^ l'importance de la
Correspondance des réformateurs, publiée par M. Her-
minjard. Outre quelques sermons et de nombreux articles
dans la Revue historique, V Encyclopédie des sciences
religieuses et le Bulletin de la Société d'histoire du pro-
testantisme, Ch. Dardier a publié : Esaïe Gase, sa poli-
tique et sa théologie (Paris, 1876, in-8) ; Michel Servet
(1879) et un appendice à la traduction française de M, Servet,
un portrait^caractère, par Tollin, où il établit que ce
médecin espagnol a découvert la circulation du sang dans
les poumons ; la discipline dans Vancienne Eglise ré-
formée de Rîmes (1881) ; Paul Rabaut. Lettres à An-
toine Court (Paris, 1884, 2 vol. in-8) ; Enfance de
Rabaut Saint-Etienne (1886); le Centenaire de Védit
de tolérance de il 87 (1887) ; Court de Gébelin, sa vie
et ses écrits (1890) ; Paul Rabaut, Lettres à divers
(Paris, 1891, 2 vol. in-8). G. Bonet-Maury.
DARDI LLY. Com. du dép. du Rhône, arr. de Lyon, cant,
de Limonest; 1,506 hab. Carrières de pierres riches en
fossiles. On voit à Dardilly un ancien château féodal dont
une partie remonte à la restauration ordonnée au xrii^ siècle
par l'archevêque Renaud de Forez. Le 8 mai 1 786 y naquit
Jean-Baptiste-Marie Vianney, plus connu sous le nom de
curé d'Ars, et actuellement béatifié. G. G.
DARDISTAN. Pays de l'extrémité N.-O de l'Himalaya,
à son point de jonction avec l'Hindou-Kouch. C'est la
portion orientale du pays compris entre le Cachemire et le
Baltistan à l'E., l'Afghanistan au S. et FHindou-Kouch
à ro. et au N., indiqué généralement sur les cartes sous
le nom de Kafiristan, Les Dardis ou Darda, auxquels le
pays emprunte son nom, habitent les bords de l'Indus
ou Sindh, au-dessus du Cachemire ; ils forment la popula-
tion principale des pays d'Astor, de Ghilghit, de Tchilas,
de Yassin, de Tchitral et d'autres cantons limitrophes,
sur une étendue de près de 400 kil. de l'E. à l'O., à partir
du Petit-Tibet. Toute la partie orientale et centrale du
Dardistan dépend depuis quelques années du royaume de
Cachemire. La partie restée indépendante porte plus spé-
cialement le nom de Yaghistan et est partagée au N. en
petites principautés, et au S. en petites républiques. Ce
n'est que tout récemment que l'on a pénétré dans ces
hautes vallées. Il paraît que les Dardi parlent trois dia-
lectes très différents, le china, le khadjana et Varmya,
Ils habitent leurs territoires actuels depuis des temps
immémoriaux ; ils sont mentionnés dans le grand poème hin-
dou la Mahabharata ; les écrivains grecs et latins parlent
même d'eux. Le nom de china que porte un des trois
dialectes est celui d'un peuple primitif du nord-ouest cité à
côté des Darada dans les listes sanscrites des grands
poèmes et des Pourànas. La caste supérieure du pays, qui
s'appelle Dardi, se donne en outre à elle-même le nom de
Chin. Au point de vue linguistique et physique ces Dardi
sont des Aryens; leurs traits, sans être beaux, sont
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
9 — DARDEL - DAR-EL-BEIDA
agréables; leur teint est presque clair. Ils sont larges
d'épaules et bien proportionnés. Quoique indépendants, ils
sont doux, endurants, actifs, intelligents et honnêtes. Ils
ont une horreur profonde de la vache, l'animal sacré des
Aryens. Ils considèrent aussi la volaille comme impure;
leur religion est l'islamisme ; cependant quelques-uns, iso-
lés au milieu de peuples bouddhistes, suivent le culte de
ces derniers. Leur organisation politique est très diverse :
dans le Nord ils sont divisés en petites principautés gouver-
nées par des radjahs ; au centre, ils forment de petites ré-
publiques esclavagistes. Mais outre la caste dominante des
Dardi ou Chin, le Dardistan compte trois autres castes :
les Yachikans, les Krémins et les Doums. Ces derniers sont
peut-être les plus intéressants; on les trouve aussi dans le
Cachemire et le Pendjab. C'est un élément autochtone très
important s'étendant sur une grande partie de l'Inde. Ils
descendent probablement des premiers habitants qui, lors
de l'invasion du pays par les Aryens, furent réduits en
esclavage. Ils sont encore aujourd'hui les esclaves de la
communauté, gagnant péniblement leur vie et exerçant des
professions réputées impures, et en restant constamment à
la disposition des autorités des villages. Ils sont considérés
comme impurs par toutes les autres castes qui ne reçoivent
aucun objet de leurs mains. Le Doum doit, dans ce cas,
déposer l'objet sur le sol et s'éloigner à quelque distance.
Les Doums sont généralement d'une couleur très foncée ;
ils ont les membres assez grêles, la stature assez courte et
peu ou point de barbe. Meyners d'Estrey.
DARDJILING. Ville de la prov. de Koukeh-Behar (Ben-
gale, Indes anglaises). Ch.-l. de district à 500 kil. N. de Cal-
cutta, sur les premières pentes de l'Himalaya, à 2,1 50 m.
d'alt., près de la frontière du Sikhim ; 3,200 hab. C'est
le principal sanatorium anglais du Bengale. La vue qu'on a
de Dardjiling sur l'Himalaya est unique dans son genre.
Le district de Dardjiling, divisé en deux sous-districts,
occupe une superficie de 3,196 kil. q., peuplée de 95,000
hab. Il s'étend en partie sur les Teraï, vaste marais qui
couvre la base méridionale de l'Himalaya et sur les pre-
miers contreforts de la chaîne. Cette dernière région, qui
jouit d'un climat presque européen, est la seule peuplée.
On y a introduit la culture du thé qui réussit très bien.
La population est en grande partie de race tibétaine.
DARDON (Marcôs), missionnaire et linguiste espagnol
du XVI® siècle. Membre de l'ordre militaire de la Merci, il
passa du Mexique au Guatemala (1537) avec trois autres
religieux et y fonda un couvent de son ordre dont il fut le
premier commandeur. Il prêchait les indigènes avec tant
de douceur qu'il fut surnommé l'Aimable, On affirme qu'il
en baptisa un million. Il s'était assimilé leur langue au
point de pouvoir écrire un livre de piété en quiche de
Zacapula. B-s.
DAREIZÉ. Com. du dép. du Rhône, arr. de Villefranche-
sur-Saône, cant. de Tarare ; 395 hab.
DAREL. Petite république du Dardistan indépendant
dans l'Asie centrale, occupant une petite vallée de l'Indus,
et séparée du royaume de Cachemire par la vallée de Hondar.
On y compte sept villages fortifiés. Le pays est fertile et
bien cultivé ; vignes, beaux bois et riches pâturages. Nom-
breux troupeaux de moutons et de chèvres. M. d'E.
DAR-EL-BEIDA ou CASABLANCA. Port du Maroc sur
l'Océan, dans la province de Chaouïa, par 33^37^ de
lat. N. et 9^55'50^^ de long. 0. A partir du point oti
s'élève cette ville, la côte tourne tout à coup au N.-O.
pour former le cap Dar-el-Beida qui est prolongé par des
récifs s'étendant à un demi-mille environ au large. Bien
que le mouillage soit mauvais et dangereux surtout en
hiver, parce qu'il est entièrement exposé aux vents du
large qui rendent la mer excessivement grosse, Dar-el-
Beida partage avec Mazagan et Mogador tout le commerce
du Maroc. M. de Campou estime sa population à six mille
individus parmi lesquels on ne compterait pas moins de
trois cents catholiques et deux cents Israélites, les seuls au
Maroc qui jouissent avec leurs frères de Tanger du privi-
59
DÂR-EL~BEIDA ~ DARESTE
~ 930 -^
lège de ne pas être confinés dans une mellah. Les princi-
paux articles d'exportation sont les pois, les fèves, le mil-
let ; le maïs ne peut être exporté qu'avec la permission du
sultan, le blé et l'orge ne peuvent en aucun cas sortir du
pays et l'on n'en permet même pas le cabotage.
On exporte encore des peaux, des tapis, dont il existe
une manufacture dans la ville, mais qui sont inférieurs à
ceux de Rabat parce qu'on emploie les couleurs d'aniline,
et enfin des laines en quantité considérable et de deux qua-
lités, ourdighra et beldia, gui se déterminent par la lon-
gueur et la finesse de la toison. En 4884, les exportations
de laine en suint pour la France étaient de 446,000 fr. et
pour l'Angleterre de 83,000 fr. La valeur du maïs exporté
en Portugal en 1884 s'est élevée à 45618,750 fr. et celle
des peaux de chèvres pour la France à 505,000 fr. L'en-
semble des exportations s'est chiffré cette même année par
4,506,363 fr. et celui des importations par 3,726,903 fr.
Parmi ces dernières, viennent de France le sucre pour
450,000 fr., d'Angleterre les cotonnades pour 1,292,000
et le thé pour 214,500; il faut y ajouter en moindre pro-
portion de l'épicerie, de la parfumerie, des vêtements de
luxe, du pétrole, de la coutellerie, des crayons, etc.
Casablanca ou plutôt Casabranca, traduction de Dar-el-
Beida, fut bâtie au xvi® siècle par les Portugais sur les
ruines de la vieille ville mauresque d'Anfa qu'ils avaient
prise et saccagée. Si Dar-el-Beida est le point le plus
chaud de la côte océanienne du Maroc, si l'installation du
port est des plus primitives (on est obligé de débarquer
sur les épaules des Arabes), si le climat est malsain et les
fièvres fréquentes, cette ville ne manque pas de couleur
locale avec son marché pittoresque, son bazar bien acha-
landé, ses innombrables mendiants et ses chiens affamés.
Que les environs soient plats, sans arbres, sans intérêt,
nous n'y contredirons pas, mais ils sont tellement fertiles
que le blé peut y être semé et récolté dans l'espace de
quarante jours.
DAR-EL-BEY. Ce mot, qui veut dire la maison du
bey, se rencontre fréquemment dans la toponymie de la
Tunisie. Il désigne notamment le palais qui est la résidence
du bey (V. Tunis) et aussi un village centre du vaste domaine
de l'Enfida (V. ENFmA). E. Cat.
DAR-EL-CHEIK. Localité située sur la route d'Ayir à
Safy, sur la côte océanienne du Maroc.
DAR-EL-KHRICL Au sommet d'une colline dont les
pentes sont couvertes de chênes lièges, entre la lagune Ez-
Zerga et la merdja de Ras ed Doura, sur la côte du Maroc,
entre Larache et Mehdia. Dar-el-Khrici (la maison du mar-
chand de jarres) est une vieille construction mauresque à
demi écroulée et dont l'enceinte est encombrée de brous-
sailles. Ch. Tissot s'y est arrêté en suivant de Mulelacha
la chaîne du littoral vers l'embouchure du Sbou.
DARELLI (Isak af), auteur dramatique suédois, né le
49 avr. 4756, mort le 46 déc. 1834 dans son fidéicom-
liiis de Vangsjœberg (Roslagen) qu'il faisait valoir. Il écri-
vit sur l'économie rurale et étudia sérieusement les règles
de l'art dramatique français, qu'il exposa et s'efforça d'ap-
pliquer dans plusieurs tragédies et comédies originales ou
imitées de Corneille et de Voltaire, en partie recueillies
dans ses Theaterstycken (Stockholm, 1822-1828, 2 vol.
in-8). B-s.
DAR-EL-NESSYRl. Localité sise sur la route de Maza-
gan à Safy par l'intérieur, dans la province de Doukkalla
(Maroc).
DAREMBERG (Charles-Victor), médecin, historien fran-
çais, né à Dijon le 44 avr. 4847, mort à Mesnil-le-Roy le
M oct. 4872. Reçu docteur en 4841 (Exposition des con-
naissances de Calvin sur l'anatomie, la physiologie et
la pathologie du système nerveux^ thèse de Paris, in-4),
il fut quelque temps aide particulier de de Bîainville et de
Gratiolet au Muséum, puis en 4846, devint bibliothécaire
de l'Académie de médecine; en 4849, de la bibliothèque
Mazarine; enfin, en 4874, fut nommé prof esseur d'histoire
de la médecine à la faculté de Paris, Philologue autant
qu'historien, Daremberg a laissé un nombre considérable
d'ouvrages et de mémoires qui mériteraient tous d'être cités,
mais nous devons nous borner : Traité sur le pouls attri-
bué à Ru fus d'Ephèse (Paris, 4848, in-8) ; Œuvres
d'Oribase^ avec Bussemaker (V. ce nom) ; OEuvres ana-
tomiques, physiologiques et médicales de^ Galien, tra-
duites en français (Paris, 4854-56, 2 vol. gr. in-8, av. fig.) ;
OEuvres choisies d'Hippocrate (Paris, 1855, in-S, 2®édit.);
la Médecine, histoire et doctrines (Paris, 1865, in-8,
2^ édit.) ; la Médecine dans Homère (Paris, 1865, in-8,
pL); Collège de France, Cours sur l'histoire des sciences
médicales (1865-74); Recherches sur l'état de la mé-
decine chez les ïndous (Paris, 4867, in-8) ; Histoire des
sciences médicales, etc. (Paris, 4870, 2 vol. in-8) ; Dic-
tionnaire des antiquités grecques et romaines, con-
tinué par Saglio (Paris, 4873 et ann. suiv.). D'' L. Hn.
DARÈS. Nom d'un prêtre d'Hephaistos tué parDiomède
{Uiade, V,9 et suiv.). Ce nom est attribué par des Alexan-
drins à un Phrygien qui trahit Hector, passa aux Grecs et
fut tué par Ulysse ; on attribua à ce Phrygien Darès, con-
fondu avec le premier , une Iliade antéhomérique. Ce récit,
imaginé par le peu véridique Ptolémée Chennos à la fin du
i®^ siècle de notre ère, trouva beaucoup de créance. A la
fin du V® siècle, on fabriqua une histoire de la ruine de
Troie {Historia de excidio Trojœ), qu'on fit précéder
d'une lettre apocryphe de Cornélius Nepos à Salluste et qui
fut censée être l'œuvre de Darès le Phrygien.
Cette œuvre est en réalité une sorte de roman histo-
rique composé sans doute au v® siècle de notre ère, auquel
l'auteur a voulu donner plus de crédit en le présentant
comme l'œuvre d'un témoin oculaire. L'original grec, si
tant est qu'il ait existé, ne s'est pas retrouvé. C'est sans
fondement qu'on a voulu reculer au xii® siècle la fabrica-
tion du texte latin et qu'on l'a attribuée à Joseph d'Exeter.
L'œuvre du pseudo-Darès a joui d'une grande vogue au
moyen âge : Benoit de Sainte-More s'en est inspiré pour son
célèbre poème de Troie, Le texte latin, imprimé dès 4470,
a eu de nombreuses éditions oîi il est ordinairement joint à
celui de Dictys de Crète (V. ce nom) ; la dernière et la
meilleure est celle de Meister (Leipzig, 4874) ; il a été
traduit en français par Héret (4553), Bourguevilie (4573)
et Caillot (4813).
BiBL. : KoRTiNG, Dictys und Dates ein Beitrag zur Ge-
schichteder Trojasagein ihreYnUebergangeausdera.ntiken
in die romantische Form ; Halle, 1874. — Greif, Die mit-
telalteiHichen Bearbeitungen der Trojanersage^ ein neuer
Beitrag zur Dares und Dictysfrage ; Marbourg, 1886. —
CoLLiLiEux, Dictys et Darès ; Grenoble, 1886. — Gorra,
Tesii inediti di storla trojana^ preceduti da uno studio
suUa legenda trojana in Italia ; Turin, 1887.
DAR-ES-SALAM. Port de la côte orientale d'Afrique,
situé un peu au S. de l'île de Zanzibar, à l'embouchure
du fleuve Dar-es-Salam ; le port, abrité par des bancs de
coraux, est bon. C'est un des principaux marchés de cette
côte, au débouché de la route qui mène au pays d'Ousa-
ramo. Il a été cédé par le sultan à la compagnie allemande
de l'Afrique orientale en 4885. — Dar-es-Salam (la
maison de la paix) est aussi l'un des noms arabes du
paradis. On désignait également par ce nom la ville de
Bagdad.
DARESTE (Camille), naturaliste et physiologiste fran-
çais contemporain, né à Paris le 23 nov. 4822. H a fait
ses études médicales dans cette ville. Docteur en médecine
en 4847, docteur es sciences en 4 854, il a été successive-
ment professeur d'histoire naturelle à la faculté des sciences
de Rennes, à celle de Lyon, et doyen de celle de Lille où
il est demeuré douze ans. Il est depuis 4875 directeur du
laboratoire de tératologie, rattaché, en 1879, à l'Ecole des
hautes études. Après quelques notes d'histoire naturelle,
les premiers travaux deM.Dareste, couronnés par l'Institut,
ont eu pour objet l'étude des Circonvolutions du cerveau
chez les Mammifères (4852-4862), et il a reconnu en com-
parant entre elles les espèces d'un même groupe naturel que
le plissement de la surface cérébrale est en rapport avec
la taille. Depuis, il s'est surtout occupé d'embryologie et
— 931 —
MKESTE - DAR-FCR
les nombreux mémoiresl publiés par lui, jusqu'en 1877,
ont été réunis dans son ouvrage : Recherches sur la pro-
duction artificielle des monstruosités chez les Vertébrés
(1877; 2« éd., 1891). On doit à Fauteur d'avoir fait con-
naître, en appliquant la méthode indiquée seulement par
Geoiroy Saint-Hilaire, quelles sont les conditions générales
de la formation des monstres simples, qu'il produit aujour-
d'hui artificiellement. En outre, la détermination des con-
ditions physiologiques et physiques de l'évolution normale
et anormale de l'embryon dans l'incubation artificielle des
œufs de poule, but constant des efforts de l'auteur, lui a
permis de créer une branche nouvelle de la biologie : la
tératogénie expérimentale. D' A. Bureau.
DARESTEde laChâvânne (Antoine-Elisabeth-Cléophas),
historien français, né à Paris, d'une ancienne famille lyon-
naise, le 28 oct. 1820, mort à Lucenay-lès-Aix (Nièvre)
le 6 août 1882. Il enseigna l'histoire successivement au
collège de Rennes, au collège Stanislas à Paris, à la
faculté des lettres de Grenoble (1844), puis à celle de
Lyon (1849), dont il devint doyen en 1865. Nommé rec-
teur de l'académie de Nancy en 1871, il lut transféré à
Lyon avec le même titre en juil. 1873. Accusé d'avoir
favorisé l'établissement de l'université catholique à Lyon,
au détriment des facultés de l'Etat, il fut mis en disponi-
bilité le 8 déc. 1878. On lui doit une Histoire de France
qui se distingue, des ouvrages du même genre, par son
exactitude, et qui a remporté, en 1868, le grand prix
Gobert (Paris, 186o-1873, 8 vol. in-8; un neuvième
volume, ajouté à la 2^ édit. publ. en 1879, contient un
rapide tableau des événements depuis 1830). On cite encore
de lui : Eloge de Turgot (Paris, 1846, in-8); Histoire
de V administration en France depuis Philippe- Auguste
(Paris, 1848, 2 vol. in-8) ; Histoire des classes agricoles
en France depuis saint Louis jusqu'à, Louis X F/ (Paris,
1853, in-8 ; 2^ éd., 1858). M. Prou.
BiBL. : G.-A. Heinrich, Notice biographique sur M. Da-
reste de la Chavanne ; Lyon, 1883, gr. in-8 ; extrait des
Mémoires de l'Acad. des sciences de Lyon.
DARESTE DE LA. Chavanne (Rodolphe-Madeleine-Cléo-
phas), jurisconsulte français, né à Paris le 26 déc. 1824.
Elève de l'Ecole des chartes, il fut nommé en 1847 avocat
au conseil d'Etat et à la cour de cassation et conseiller à
cette cour le 9 avr. 1877. Il fut élu membre de l'Académie
des sciences morales et politiques (section de législation,
droit public et jurisprudence) le 6 juil. 1878. On a de lui:
Essai sur François Hotman (Paris, 1850, in-8) ; De la
Propriété en Algérie (1852, in-12, et 1863, in-12) ;
Etudes sur les origines du contentieux administratif
en France (1855-57, 4 vol. in-8) ; Code des pensions
civiles (1858, in-18) ; la Justice administrative en
France (1862, in-8) ; Du Prêt a la grosse chez les Athé-
niens (1867, in-8); le Traité des lois de Théophraste
(1870, in-8) ; une Loi éphésienne du i^^ siècle avant
notre ère (1877, in-8); les Inscriptions hypothécaires
en Grèce (1885, in-8) ; les Anciennes Lois de V Islande
(1881, in-4); le Procès d'Hermias (1883, in-8); les
Papyrus gréco-égyptiens (1883, in-4) ; la Iranscrip-
tion des ventes en droit hellénique (1884, in-8) ;
Mémoire sur les anciens monuments du droit de la
Hongrie (1885, in-8) ; Recherches sur quelques pro-
blèmes d'histoire (1887, in-8), etc. Il a encore traduit
en français les Plaidoyers civils et politiques de Démos-
thènes (1875-1879, 4 vol. in-18) et participé à la fonda-
tion (1855) de la Revue historique de droit français,
DARET (Jacques), peintre flamand du xv® siècle, né à
Tournai. Il lut élève de Robert Campin et travailla à Lille
en 1453 et à Bruges en 1468, en même temps qu'un de
ses homonymes, Martin Daret. Le jour de sa réception
dans la eontrérie de Saint-Luc, à Tournai, il fut promu à
la dignité de prévôt de cette corporation, ce qui prouve en
quelle estime on tenait son talent. G. St-A.
DARET (Pierre), dessinateur, peintre et graveur fran-
çais, né à Paris en 1604, mort à La Luque, près de Dax,
le 29 mars 1678. Il se rendit en Italie et séjourna longtemps,
à Rome. De retour en France, il grava un grand nombre
de portraits, sous le titre de Tableaux historiques (in-4)
Son ouvrage le plus considérable, après celui-ci, est une
suite d'estampes gravées pour un livre, la Doctrine
des Mœurs de Gomberville. Il a produit, en outre, un
grand nombre de pièces détachées. Daret est, avec Claude
Mellan, Michel Lasne et Abraham Bosse, un des graveurs
les plus originaux et les plus féconds du règne de
Louis XIII. Il mérite d'occuper une place importante dans
l'histoire de la gravure au milieu de cette période libre,
inégale, mais puissante, qui précède l'époque classique.
Dans ses sujets religieux, il imite ou reproduit les maîtres
itaUens ; l'influence de Vouet prédomine dans son œuvre. Uri
certain nombre de ses gravures nous donnent des rensei-
gnements intéressants et curieux sur les mœurs de la
première moitié du xvm® siècle. Daret a traduit de Vasari la
Vie de Raphaël (Paris, 1651) et écrit un ouvrage sur l'ori-
gine de la gravure en taille-douce. Il avait été reçu membre
de l'Académie de peinture en 1663. Une note publiée par
M, Fidière nous apprend que- Pierre Daret mourut à La
Lncque, près de Dax, chez son gendre, le baron de Sault,
et qu'il fut enterré dans la paroisse de ce village, dont il
avait peint le tableau d'autel. Il avait ajouté, d'après cette
note, son nom de Daret à celui de Cazeneuve. Ant. V.
BiBL. : Mariette, Abecedario. — Georges Duplessis,
la Gravure. — R. Dômes nil, le Peintre-Graveur français.
— 0. Fidière, Etat civil des peintres et sculpteurs de
VAcadémie royale. Billets d'enterrement de iôkS à 1113:
DARET (Jean), peintre flamand, né à Bruxelles en 1613,
mort à Aix en 1668. Le long séjour de Daret en France
l'a fait classer, à juste titre, dans l'école française. Il a
vécu dans le Midi, surtout à Aix, utilisant son pinceau,
tantôt dans des peintures décoratives, tantôt dans des
œuvres destinées à des églises. Il était allé d'abord en
Italie, oU il avait étudié les Bolonais, le Guide et le Guer-
chin. Il était arrivé en Provence vers 1638 ; il se maria
à Aix et s'y fixa. Il travailla pour l'Oratoire, pour l'église
des Prêcheurs (la Vierge du rosaire et Sainte Thérèse),
pour la cathédrale Saint-Sauveur et les autres églises et
couvents de la ville. Daret peignit à Aix l'escalier de l'hôtel
Château-Renard, qu'il décora de grisailles et de figures
allégoriques ; il exécuta aussi, pour l'hôtel du duc de Mer-
cœur, dix panneaux en grisaille. Une de ses oeuvres
capitales est le Guitarero, du musée d'Aix, peinture
vivante et expressive, d*une facture tout italienne. Dans ses
Peintres provinciaux, M. Ph. de Chennevières a longue-
ment étudié les œuvres de Daret, et il a reconstitué une
partie de sa biographie. Jean Daret a gravé à l'eau-forte ;
on connaît de lui une suite de neuf pièces, les Vertus
théologales et cardinales, Ant. V.
BiBL, : Ph. DE Chennevières, Recherche^ sur la vie et
les ouvrages de quelques peintres provinciaux de Van"
cienne France; Revue de l'Art français, 4« année, janv.
18B7 {Nouvelles Archives de VArt français).— Dé Haitze,
les Curiosités les plus remarquables de la ville d'Aioi.
DAR-FOR, DARFOUR ou Four (le mot dâr qui signifie
contrée n'appartenant pas au nom du pays). Province
égyptienne du Soudan central, bornée au N. par le désert
de Lybie, à l'E. par le Kordofan, au S. par le Dâr-Fertit et
à rO. par le Ouadaï. Nachtigal, le dernier voyageur euro--
péen qui ait visité ce pays, lui donne une population d'en*^
viron 4 millions d'hab., à raison de 1,000 hab. par mille
carré. Un énorme pâté montagneux, appelé monts Marra,
couvre presque en entier la partie septentrionale du Darfour
et semble se prolonger du N. au S. en une chaîne moins
élevée qui forme la ligne de partage des eaux entre le
bassin du Nil et celui du lac Tchad. La partie orientale,
dont le sol très accidenté s'élève à une asse^ grande hauteur,
est extrêmement sèche, les eaux ne pouvant s'y frayer urt
passage et étant obligés de s'écouler vers le S., tandis
que le versant occidental oh les eaux ont un écoulement
régulier est arrosé par de nombreuses rivières ; aussi cette
partie du Darfour est-elle la plus fertile et la plus peuplée*
Grâce à la hauteur générale du sol, le climat est salubre,
DAR-FOR — DARGILAN
932 —
même pour les Européens, dans tout le nord, mais les maré-
cages formés par les pluies torrentielles qui tombent de
mi-juin à septembre font de la partie méridionale une
contrée très malsaine pendant plus de la moitié de l'année.
Durant la saison sèche, la température est toujours fort
élevée, sauf dans les montagnes où elle est presque toujours
supportable. Les divisions administratives actuelles adoptées
par le gouvernement égyptien sont les mêmes qu'au temps
où le Darfour était un pays indépendant. On compte cinq
provinces : le Dàr Tokonaoui au N. ; le Dâr Dali à FE.; le
Dâr Ouma au S. ; les Dâr Dima et Dar el Gliarb à l'O.
Chacun de ces départements, qui était placé autrefois sous
Fautorité d'un chef appelé chertâva^ est administré au-
jourd'hui par un moudir. Les villes principales sont : à
FE., Fâcher, l'ancienne capitale, Kobé, Omchanga, Meno-
oualchi ; à FO., Kabkabia, Tinéat.
La population établie au Darfour est très mêlée ; il faut
citer en première ligne les aborigènes ou Fouriens qui
occupent surtout les parties montagneuses ; ils sont presque
noirs, ont les traits peu réguliers et se font remarquer par
leur caractère vaniteux et méchant; ils parlent une
langue spéciale dite forang bêlé. Viennent ensuite les
Massabâs qui parlent arabe, mais sont pour la plupart
idolâtres ; les Dadjo qui habitent le S. ; les Zoghâoua,
établis au N.; les Berti, au N.-E.; les Birguid et les Bego,
à FE. et au S.; les Massalît, à FO. Ces derniers, bien
qae musulmans, ont conservé un certain nombre de pra-
tiques païennes et récemment encore ils pratiquaient l'an-
thropophagie. Enfin, des Arabes, nomades pour la plupart,
sont en assez grand nombre dans le Darfour ; ils sont
surtout répandus sur les frontières du pays ; ceux d'entre
eux qui sont sédentaires ont leur habitation plutôt au
centre et à FE. La reUgion dominante est l'islamisme.
La végétation, très luxuriante aussitôt après la saison
des pluies, languit ou s'arrête même presque complètement
dès que la saison sèche est définitivement établie, sauf
dans les parties très montagneuses, où elle conserve une
certaine vigueur durant toute l'année. Le blé, le millet,
le maïs, le tabac, les pastèques, les melons, font l'objet de
la culture générale et fournissent d'abondantes récoltes
dont une partie est exportée au dehors. Les arbres, sauf
le tamarin, ne sont utilisés que pour les besoins locaux.
L'industrie est peu active, quoique le sol recèle des gi-
sements minéraux variés et qui paraissent avoir une cer-
taine importance ; le cuivre seul est un peu exploité, mais
ni le fer, ni l'antimoine, ni le plomb n'ont fait jusqu'à ce
jour l'objet de travaux importants. Le sel existe dans cer-
taines parties du Darfour, où les habitants le recueillent en
traitant les terrains salins par l'eau chaude, mais la plus
grande quantité y est apportée du dehors. Les animaux
domestiques sont nombreux et de belle race ; on y trouve
le bœuf, le mouton, la chèvre, le chameau et aussi quelques
chevaux robustes et de petite taille. L'éléphant a presque
complètement disparu et l'ivoire qui arrive du Darfour sur
les marchés provient des pays voisins ; l'autruche, en re-
vanche, abonde et fournit une grande quantité de plumes
à l'exportation. Le commerce local est très animé ; le com-
merce d'exportation l'est beaucoup moins ; les peaux, la
cire, le tabac, le tamarin, les plumes d'autruche sont les
principaux articles qui donnent lieu à des transactions im-
portantes. La monnaie en usage consiste surtout en bandes
de coton de 45 à 20 m. de long qui forment pour ainsi dire
l'unité monétaire et de petites bandes de couleur très minces
et sans usage qui constituent la monnaie subdivisionnaire.
Le thalari a également cours, mais sans valeur bien fixe.
Histoire. — La tradition locale a conservé le nom de
Kosber comme étant celui du fondateur de la dynastie qui
régna la première au Darfour. Ce Kosber s'était établi au
mont Marra ; il appartenait à la tribu des Dadjo qui, après
avoir fourni treize princes, abandonnèrent le pouvoir aux
Toundjour, autre tribu qui vint s'établir dans le pays. Le
premier roi de cette seconde dynastie s'appelait Ahmed el-
Magour el HilâU ; cette dernière partie de son nom donne
à penser que c'était un des représentants de la grande
tribu arabe des Béni Hilal qui envahit le Maghreb au
XI® siècle. Cette seconde dynastie fit place à celle des Kêra
dont le chef Delll ou Dali organisa d'une manière défini-
tive le pays et lui donna un code intitulé : Kitab Dali^
dont les principes un peu différents de ceux du Coran sont
restés en usage jusqu'à la chute de l'indépendance de
Darfour. Ses successeurs, Saboun, Edris-Dzal, Bahar,
Tounsam sont peu connus et ce n'est qu'à partir du
Solimân-Solon, neveu de Tounsam, que l'on a des rensei-
gnements véritablement précis sur l'histoire des princes
darfouriens. Solimân-Solon régna de 4596 à 4637; il eut
pour successeur Mousa (4637-4682), Mohammed-Tirâb
(4752-4785), Abderrahman (4785-4799), Mohammed el-
Fadhl (4799-4838), Mohammed el-Hassîn (4838-4873),
Brahim qui perdit la vie à la bataille de Menouatchi contre
les Egyptiens et enfin Hasseb Allah qui fit sa soumission
au khédive en lui abandonnant son royaume et alla finir
ses jours au Caire. 0. Houdas.
BiBL. : Le Cheykh Moiiamned Ebn Omar el-Tounsy,
Voy. au Dar four ^^tvàd. par Perron ; Paris, MDCCCXLV.
Texte arabe, autographié et publié par le môme ; Paris,
1850.— N agutig Ah, Sahara und Sûdan; Berlin, 1889.
DARGAU D (Jean-Marie), littérateur français, né à Paray-
le-Monial le 22 févr. 4800, mort à Paris le 5 janv. 4866.
Il exerça quelque temps la profession d'avocat. On a de
lui : Solitude (Paris, 4833, in-8) ; George ou une Ame
dans le siècle (4840, 2 vol. in-8) ; Horizon politique de
i844, hommes et idées (4844, in-8) ; Histoire de Marie
Stuart (4850, 2 vol. in-8), qui est moins une histoire
qu'un plaidoyer généreux en faveur de Marie Stuart et un
pamphlet trop partial contre le protestantisme ; la Vallée
de Charmon (4856, in-'li2) ; la Faynille (4853, in-8);
Voyage aux Alpes {i^Wl^ in-42); Histoire de la liberté
religieuse en France et de ses fondateurs (4859, 4 vol.
in-42); Voyage en Danemark (4864, in-42); Histoire
de Jane Gray (iS6'i^ in-8); Histoire d'Elisabeth d'An-
gleterre (iS6^yin-8); Histoire d'Olivier Cromwe II {ÏS61 ^
in-8). Dargaud a collaboré au Bien public, de Lamartine,
et au Pays,
D ARGENT (Yan ou Jean), peintre français, né en 4824
à Saint-Servais (Finistère). Après avoir exposé aux Expo-
sitions des tableaux assez remarqués, M. Yan Dargent s'est
presque entièrement consacré à Fillustration et il l'a fait
avec talent. Emule de Gustave Doré, quoique avec moins
de puissance, mais tout autant de recherche de l'irréel et
du fantastique, il a illustré, entre autres œuvres impor-
tantes : la Divine Comédie du Dante et la Vie des saints.
Dans ses tableaux, il a surtout représenté des Bretons ; la
naïveté et la poésie ne sont pas étrangères à ses composi-
tions, et parmi ses toiles les plus estimables, nous citerons :
les Dénicheurs (1855),; Sauvetage à Guisseny (4859),
et enfin la Mort du dernier Barde,
D'ARGENTRÉ (V. Argentré [D']).
DAR6IES (Argies), Corn, du dép. de l'Oise, arr. deBeau-
vais, cant. de Grand villiers ; 435 hab. Elle donna son
nom, sous la deuxième et la troisième race, à une illustre
maison dont faisait partie Hugues, connétable de France
sous Louis le Gros. Au xni® siècle, cette seigneurie passa
par alliance à la maison de Châtillon, puis à celles de
Bourbon, d'Offémont, de Lannoy et de Crèvecœur. Elle
appartenait, au xvii® siècle, à François de Riencourt, sei-
gneur d'Orival. Le village et le château furent pris et rasés
par les Anglais quatre jours avant la bataille de Crécy.
L'église paroissiale est, en grande partie, du xvi® siècle ;
il existe une ancienne chapelle dans le cimetière. Le
hameau de Redderie possède une autre chapelle.
DARGILAN (Grotte de). Magnifique grotte desCévennes,
sur le Causse Noir, à l'E. de Meyrueis (Lozère). La pre-
mière salle fut découverte accidentellement en 4880. Elle
est longue de 490 m. , large de 60 m. et haute de 70 m.
— L'exploration méthodique de MM. Martel et Gaupillat,
en 4888, a révélé dix-neuf autres salles d'une longueur
totale de 2,300 m. en trois branches. (La stalagmite du
— 933 —
DARGILAN — DARIGRAND
Cloche^' mesure 20 m. de hauteur. La caverne de Dargilan
peut rivaliser en pittoresque avec celle d'Adelsberg (Au-
triche). Elle renferme plusieurs petits lacs. Le Club alpin
l'a aménagée en 4889-90. Le fond de la grotte se trouve à
4,600 m. de distance et à 430 m. en dessous de Fentrée.
BiBL. : E.-A, Martel, les Cévennes ; Paris, 1890, in-S. —
Annuaire du Club alpin, 1888.
DARGNIES {Bareneyum), Com. du dép. delà Somme,
arr. d'Abbeville, cant. de Gamaches, dans une plaine ;
4,254 hab. Serrureries, fonderies.
BiBL. : Darsy, Description archéologique et historique
du canton de Gamaches; Amiens, 1858, in-8, pp. 74 à 85.
DARGO. Bourgade du Daghestan septentrional. Elle fut
pendant quelque temps la résidence de Schamyl (4845).
Elle a donné son nom au cercle de Dargo.
DAR60IRE. Com, du dép. de la Loire, arr. de Saint-
Etienne, cant. de Rive-de-Gier ; 206 hab.
DAR60MIJSKY ( Alexandre-Serguiévitch ) , musicien
russe, né d'une famille noble de Smolensk, dans un vil-
lage du gouvernement de Toula, le 2 févr. 4843, mort à
Saint-Pétersbourg le 29 janv. 4869. Nous renvoyons à la
Biographie universelle des musiciens de Fétis (t. II)
pour les détails sur sa jeunesse, sa vocation, ses voyages
en Allemagne et en France. Ses compositions comprennent
des pièces pour piano, une* centaine de romances, airs et
duos pour la voix, des fantaisies symphoniques etchorales,
une cantate-ballet, la Fête de Bacchus, sur un poème de
Pouchkine, ainsi que les opéras suivants : la Esméralda
(poème de Victor Hugo), représentée à Moscou en 4847,
et la Roussalkâ (l'Ondine ^i^oème de Pouchkine), jouée en
4 856 et demeurée au répertoiredesopéras russes. De plus, il
avait commencé une comédie fantastique, Rogdana, et poussé
fort avant une œuvre nouvelle, l'Hôte de Pierre^ établie
sur un poème dialogué de Pouchkine et conçue sous l'in-
fluence des idées wagnériennes. Cet ouvrage, discutable
sans doute, mais intéressant et audacieux, indiquait une
grande transformation dans les idées de l'auteur, jusque-là
Ëdèle aux traditions d'opéra que Glinka personnifiait en
Russie. L'Hôte de Pierre^ achevé par Rimsky-Korsakoff et
César Cui, fut représenté en 4872, quatre ans après la
mort de l'auteur. A. Ernst.
DARHIM (Métrol.) (V. Dirham).
DARI (Techn.). Nom donné aux semences du Sorgho
(V. ce mot).
DARI AL. Défilé très pittoresque, situé presque au centre
des monts Caucase et par lequel passe la route militaire
de Géorgie qui réunit les villes de Vladikavkaz et de
Tiflis. Le défilé tire son nom d'un ancien château appelé
Darial {porte en persan), et dont la construction re-
monterait à l'an 440 av. J.-C. La route militaire qui
porte aussi le nom de Route du Darial, longue de plus
de 200 kil., s'élève à son point culminant, entre les sta-
tions de Kobi etGoudaour, à près de 2,500 m. au-dessus
du niveau de la mer Noire. Des fortins ont été établis sur
plusieurs points ; douze stations ou relais assurent le ser-
vice des voyageurs.
DAR-IBRAHIM. Localité à l'entrée d'un défilé, près du
confluent de l'ouad Ait Messat avec l'ouad El Abib (Maroc).
Le pays est habité par la tribu indépendante des Aït-bou-
Zid, riche, active et industrieuse. M. le vicomte de Fou-
cauld, qui a traversé tout leur territoire situé tout en
montagne, dans le moyen Atlas, dit que nulle part, au
Maroc, les cultures ne lui ont paru mieux soignées, les
chemins aussi bien aménagés, dans un pays plus difficile.
DARI EN. On donne ce nom à l'extrémité orientale de
l'isthme qui réunit les deux Amériques, et, plus exacte-
ment, à la région comprise entre l'isthme et les montagnes
de San Blas à l'O., les plaines occidentales de la prov.
de Câuca à l'E., le golfe de Panama au S., et le golfe de
Darien au N. (V. Colombie). La partie la plus étroite,
entre le golfe de Darien et la profonde baie de San Miguel,
est l'isthme de Darien, — Cette région est traversé^ dans s^
longueur par une cordillère qui, partant de l'isthme de
San Blas, serre de près la côte de la mer des Antilles, puis
se recourbe en demi-cercle vers le S. pour rejoindre la côte
du Pacifique, C'est dans la vaste concavité formée par
cette chaîne que se développent parallèlement à la côte les
fleuves du Darien et, en particulier, le Chucunaque et la,
Tuyra, qui se réunissent pour se jeter dans le havre Darien,
dernier prolongement dans les terres du golfe de San
Miguel. — Il y a, au Darien, une saison sèche (décembre-
avril) et une saison humide (avril-décembre) ; la végétation
y est luxuriante et renferme les plus belles et les plus
solides essences des tropiques, aussi les plus utiles, depuis
le cocotier jusqu'à l'arbre à caoutchouc ; la faune y est ex-
trêmement variée, depuis les immenses alligators de dix,
quinze et même vingt pieds de longueur jusqu'aux myriades
d'insectes qui s'acharnent après le voyageur. Mais la tra-
versée de ce pays, en partie couvert de forêts vierges, par-
semé de marécages et peu peuplé, est difficile. Découvert
en 4543 par Nunez de Balboa, exploré à la fin du xvii® siècle
par l'Anglais Poterson, le Darien n'a été bien connu que de
nos jours, lorsque l'idée de la construction d'un canal inter-
océanique a poussé les ingénieurs à rechercher les tracés
les plus pratiques. Les explorations les plus fructueuses
ont été celles de M. Lucien de Puydt, en 4861 et 4864,
du commandant Selfridge en 4872, et de MM. Bonaparte
Wyse et Armand Reclus, de 4876 à 4878. Ces voyages,
s'ils ont eu l'avantage de faire connaître cette région, ont
montré que la construction d'un canal y serait difficile et
peu pratique et les deux projets qui avaient été proposés à
travers le Darien ont été laissés de côté. — La population
indigène appartient à la race caraïbe (Indiens Cunas). Po-
litiquement, le Darien appartient à la république de Colombie
et fait partie de la province de Panama. Les aggloméra-
tions d'habitants n'y forment encore que quelques villages :
les deux principaux sont La Palma, à l'embouchure de la
Sabana (Tuyra, droite) et Yavisa, sur le Chucunaque. L'an-
cienne villa espagnole, Santa Maria la Antiqua, qui fut le
siège d'un évêché (sur le golfe d'Urabâ), aété abandonnée
depuis longtemps. ^ Jules Gautier.
BiBL. : Selfridge, Reports of explorations and sur--
veys to ascertain the practibility of a ship-canal betwen
the Atlantic and Pacific océans; Washington, 1874. —
B. Wyse et Armand Keclus, Rapports sur les études de
la commission internationale d'exploration de Visthme
de Darien; Paris, 1877-78.
PARIÉS (Louis de La Mothe) (V. La Mothe).
DARIES ou DARJES (Joachim-Georges), philosophe et
jurisconsulte allemand, né à Giistrow (Mecklembourg) le
23 juin 4744, mort à Francfort-sur-l'Oder le 47 juil. 4794.
Après avoir étudié la philosophie, la théologie et la juris-
prudence, il professa avec éclat la philosophie et le droit
à léna (4744). Frédéric II lui conféra le titre de conseiller
intime et le nomma professeur à Francfort-sur-l'Oder en
4763; il devint directeur de cette université en 4772.
Ses ouvrages sont : Institutiones jurisprudentiœ uni-*
ver salis (ïéna, 4740-4766) ; Jurisprudentiœ romano'
germanicœ institutiones (léna, 4749-4766); Médita-
tiones ad Pandectas (Francfort, 4765) ; Discours ilber
natur und Volkerrecht (léna, 4762). G. R.
DARIGRAND (Jean-Baptiste), jurisconsulte français,
mort en 4774. Né d'une famille pauvre, et d'abord em-
ployé subalterne des gabelles, il prit en haine ses fonctions,
et surtout un impôt contre lequel protestait tout le
xviii® siècle. Il se fit recevoir en 4761 avocat du parlement
de Paris et défendit les fraudeurs, « ces libre-échangistes
de l'intérieur », qu'il avait eu auparavant mission de pour-
suivre. Il réussit, par son entente de toutes les roueries
de la ferme, à rendre beaucoup moins rigoureuse la juris-
prudence de la cour des aides de Paris, à laquelle étaient
portées en appel les causes jugées en première instance
par les greniers à sel. La brochure de V Anti-Financier
(Amsterdam [lisez Paris], 4763, in-8) relevait les mal-
versations « dont se rendent journellement coupables les
fermiers généraux, et les vexations (ju'ils commettent dan§
DARIGRAND — DARÏQUE
— 984
les provinces ». La 2® édition (2 vol. in-42) est précédée
d'une lettre au parlement :^ comme Fauteur s'était laissé
deviner, il fut mis à la Bastille. On avait d'abord attribué
son écrit à Le Ridant. En 4765, en 4766, il publia des
mémoires judiciaires pour le régiment de Cambrésis contre
la compagnie des Indes, et (ce qui montre qu'il n'était pas
de parti pris) , pour le receveur du domaine de la généra-
lité de Tours contre le duc de Brissac qui, ayant vendu
des terres dotales de sa pairie, refusait de payer les droits
domaniaux. Le Mémoire intéressant le commerce de l'eau-
de-vie (Paris, 4775, in-4) n'est pas de lui, mais de son
frère. H. Monin.
DARIL Terme de logique qui désigne un mode de la pre-
mière figure du syllogisme (V. ce mot), où la majeure est
universelle affirmative (A), la mineure particulière affirma-
tive (I), et la conclusion également particulière affirma-
tive (I). Exemple : Tous les actes illégaux sont punis; il y
a des actes illégaux qui sont justes; donc il y a des actes
justes qui sOnt punis.
' DARIMON (Louis- Alfred), homme politique français, né
à Lille le 17 déc. 4819. Il débuta en 4840 dans la Revue
du Nord, devint, en 4848, secrétaire de Proudhon et col-
labora au Peuple^ dont il fut nommé rédacteur en chef
en 4850, et à la Presse où il publia, à partir de 4853,
des articles d'économie politique et de finance, qui ne pas-
sèrent point inaperçus. Le 5 juil. 1857, il était élu député
au Corps législatif par la septième circonscription du dép.
de la Seine. Il s'était présenté comme opposant. Il fit alors
partie du groupe des Cinq et se spécialisa dans les ques-
tions économiques et financières. Le 4®^ juin 4863, il fut
réélu par la Seine, puis il prit une part prépondérante à la
formation du tiers-parti, qui joua un si grand rôle dans
l'histoire de l'Empire libéral (V. Corps législatif). Il fut
élu secrétaire de la Chambre en 4865 et conserva ces fonc-
tions jusqu'en 4867. Conséquent avec les principes qui lui
avaient inspiré son adhésion au tiers-parti, il s'était peu à
peu détaché de l'opposition de gauche pour se rapprocher
du gouvernement impérial, qui lui faisait de flatteuses
avances. On vit alors M. Darimon figurer aux lundis de
l'impératrice, vêtu de ses légendaires culottes courtes. Aux
élections de 4869, il ne posa pas sa candidature et rentra
tout à fait dans la vie privée en 4870. Il a consacré ses
loisirs à la publication d'ouvrages sur le second Empire,
qui renferment de curieux détails sur les hommes et les
événements de cette époque et qui ont obtenu un fort grand
succès. Nous citerons : Histoire de douze ans (i857-
'1869), Notes et Souvenirs (Paris, 1883, in-4 8); A Tra-
vers une révolution, i847-i855 (Paris, 4884, in-4 8) ;
Histoire d'un parti. Les Cinq sous l'Empire (1885,
in-4 8) ; l'Opposition libérale sous l'Empire (4 886, in-4 8);
la Maladie de l'Empereur (1886, in-4 8) ; le Tiers-parti
sous l'Empire (1887, in-4 8) ; les Irréconciliables sous
l'Empire, Le i9 janvier, les lois libérales, les élec-
tions, 1861 -1869 (4888, in-18); Histoire d'un jour,
La journée du 12 juillet 1810 (4888, in-18) ; Notes
pour servir à l'histoire de la guerre de 1870 (1888,
m-18); les Cent-Seize et le ministère du 2 janvier
(4889, in-18); V Agonie de l'Empire {i^^\,m-i^). Bien
antérieurement, il avait publié : Exposition méthodique
des principes de Vorganisation sociale (théorie de
Krause), précédé d'un examen historique et critique
du socialisme contemporain (Paris, 4848, in-4 8); De
la Réforme des banques (4856, in-8).
DARIO (Biaise), homme poUtique français, né à Tou-
louse en 4760, exécuté à Paris le 29 juin 4794. Médecin
â Toulouse, il devint, après la Révolution, juge au tribunal
de Saint-Gaudens et fut élu député suppléant à la Con-
vention par la Haute-Garonne le 9 sept. 4792. Il siégea à
partir de ventôse an II à la place de JuUien ; mais il fut
bientôt accusé de fédéralisme et on lui reprocha d'avoir,
en qualité d'administrateur départemental, signé un grand
nombre d'arrêtés contraires à la politique conventionnelle.
Destitué de ses fonctions de juge, il fut traduit devant le
comité de Sûreté générale et condamné à mort le 46 ger-
minal an IL
DARIO LE. Pâtisserie d'entremets que l'on prépare en
mélangeant de la farine tamisée (32 gr.) avec un œuf
entier, de manière à obtenir une pâte sans grumeaux, à
laquelle on ajoute ensuite des œufs (six), du sucre en
poudre (425 gr.) et une pincée de sel. Cette pâte étant
bien travaillée, on y incorpore un demi-litre de crème, de
l'eau de fleur d'oranger pralinée et de l'écorce de citron
ou d'orange hachée ou tout autre parfum. On verse ce
mélange dans des moules dans lesquels on a mis un peu
de beurre, et on les porte dans un four modérément
chauffé pour servir ensuite les darioles aussi chaudes que
possible et saupoudrées de sucre blanc. On en fait au cho-
colat, au café, au rhum, au thé, etc. Les talmouses (V.
ce mot) sont des darioles assaisonnées de fromage de Brie.
A Paris, l'industrie de la dariole était autrefois très im-
portante et il se faisait une grande consommation de cette
pâtisserie dans les fêtes publiques et les foires.
DARIOT (Claude), né à Pomard (Côte-d'Or) en 4533,
mort à Dijon en 4594. Célèbre médecin, traducteur de
Paracelse (Lyon, 4593). R a donné, en outre : DeElectio-
nibus principiorum idoneorum rébus inchoandis
(Lyon, 4557, in-4) ; Ad Astrorum judicia facilisintro-
duclio (Lyon, 4 582) ; De Preparatione medicamentorum
(Lyon, 4582) ; Varia ad artem medicam et chimicam
introduciio, etc. P. C.-C.
DARIOT (Charles), homme politique français, né à Buxy
(Saône-et-Loire) le 6 févr. 4797, mort à Buxy le 47 oct.
4877. Juge de paix à Buxy (4834-1864), membre du
conseil général de Saône-et-Loire (1833), président de
cette assemblée (1844), il fut élu député de Saône-et-
Loire à l'Assemblée constituante le 4 juin 1848, grâce à
la recommandation de Lamartine qui lui céda son siège et
opta pour un autre département. Il combattitla politique de
l'Elysée, mais sans beaucoup de zèle, et ne fut point réélu
à la Législative. Il se représenta néanmoins le 19 août
4849 pour prendre la place de Lamartine qui avait opté
pour le Loiret, mais sans succès. Il fut encore maire de
Buxy de 4864 à 4866.
DARIQUE. Nom donné à la monnaie d'or royale des
Perses Achéménides. Les Grecs l'appelaient ôapeixoç ou
Bapsixoç (5TaTY[p, et son nom vient de Darius P^, fils d'Hy-
staspe (524 à 485 av. J.-C.) qui l'inventa. De toutes les
espèces de monnaies d'or frappées dans l'antiquité hellé-
nique, la darique fut, avec le statère d'Alexandre le Grand,
la monnaie la plus populaire et la plus répandue. Ses
types sont uniformément : au droit, le roi de Perse,
un genou en terre, coiffé d'une haute tiare dentelée,
vêtu d'une longue robe ; il tient de la main gauche son arc
et de la main droite un poignard ou plus généralement un
javelot ; sur son dos il porte le carquois rempli de flèches.
Le revers de la pièce est occupé par une dépression en
forme de rectangle creux, irrégulier. Poids normal :
8»^42. Il y a quelques demi-dariques et des doubles
dariques : ces dernières ont, au droit, le même type du roi
en archer mélophore et, au revers, une dépression elliptique
garnies de stries parallèles ondulées.
La darique a été frappée, sans discontinuité importante,
dans les différents ateliers de l'empire des Perses, mais prin-
cipalement en Asie Mineure, depuis le règne de Darius I®'^,
fils d'Hystaspe, jusc[u'à la mort de Darius III Codoman et
la conquête de l'Asie par Alexandre en 332. Elle remplaça
la créséide ou monnaie d'or créée par Crésus, roi de Lydie,
et elle dut sa vogue immense à l'excellence de son titre
d'or fin et à la commodité de ses divisions pour les opéra-
tions commerciales. D'après les analyses chimiques, la da-
rique n'a que 3 % d'alliage. Le type des dariques leur a
fait parfois donner par les auteurs grecs le nom à' archers,
ToÇotat {sagittarii); c'est ainsi, par exemple, que, suivant
Plutarque, les Lacédémoniens faisant une spirituelle et
sanglante allusion à la vénalité d'Agésilas disaient que
ce roi fut chassé d'Asie par trente miîle archers envoyés
985 -
DARIQUE -. MRIUS
par le grand roi. Nous lisons dans Xénophon qu'au
temps de la retraite des Dix Mille, les Lacédémoniens
voulant prendre à leur solde les débris de Farmée grecque
convinrent de donner, par mois, à chaque soldat une da-
rique, aux capitaines deux dariques, et trois dariques aux
généraux. La darique est constamment mentionnée dans
îes captes des temples grecs qui nous sont conservés par
les inscriptions, ce qui n'a rien a étonnant, car cette espèce
de monnaie formait la plus grande partie du numéraire
d'or circulant avant Philippe de Macédoine, père d'Alexandre.
Au temps de l'expédition de Xerxès contre la Grèce, le riche
lydien Pythès avait en sa possession 3,993,000 dariques;
il dit en effet à Xerxès : « Il ne me manque que 7,000 statères
d'or (dariques) pour que j'en aie 400 myriades. » Xéno-
phon, après sa fameuse retraite, ayant besoin d'argent,
vend son cheval cinquante dariques, à Lampsaque. Ajoutons
enfin que dans les transactions commerciales, au iv« siècle,
on admettait que la darique de 8^''42 équivalait à un
statère de Cyzique en électrum du poids de i6s''45.
Outre la darique d'or, le roi des rois faisait aussi frapper
une monnaie d'argent que l'on désigne parfois impropre-
ment du nom de darique d'argent, mais qui s'appelait sicle
ou sicle médique (V. Sicle) et pesait 58^45. Le rap-
port de l'or à l'argent étant alors comme 43 4/3 est
à 1, il s'ensuit que le statère ou darique de 8^'42 valait
20 sicles d'argent. Par rapport à la monnaie d'Athènes, la
darique valait à peu près 25 drachmes attiques. Si ré-
pandue dans les satrapies gui étaient en contact per-
manent avec les Grecs ainsi que dans le monde hellé-
nique lui-même, la darique n'était pas frappée et était peu
connue dans les provinces intérieures de la monarchie des
Achéménides. Nous n'en citerons pour preuve que la com-
position du trésor royal de Suse; quand Alexandre s'en
empara, il y avait 40,000 talents d'argent en lingots bruts
et seulement 9,000 talents d'argent en pièces d'or mon-
nayées. C'était donc pour leurs rapports commerciaux avec
les Grecs ou pour solder les armées qui luttaient contre
ces derniers que les rois de Perse faisaient frapper les da-
riques. C'est ce que confirme Strabon quand il nous dit
que les Perses se servent de lingots bruts plutôt que de mon-
naie. L'émission de la darique était le privilège spécial du
grand roi ; les satrapes, les dynastes locaux et les villes
tributaires n'avaient que le droit de monnayer l'argent et le
bronze. De même, chez les Grecs, la frappe de la monnaie
d'or fut spécialement réservée aux rois : il y a bien peu
d'exceptions à cette loi, et il n y en a pas chez les Romains
où le monnayage de l'or fut toujours spécialement réservé
à l'empereur. E. Bâbelon.
PARIS ou DARIUS de Trévise, peintre italien du
xv^ siècle, élève de Squarcione et condisciple de Man-
tëgna. Il peignit à fresque à Bassano (église San Berna-
dino), à Trévise, à Conegliano et à Serrevalle. On lui doit
aiussi le portrait de Catherine Cornaro (1469).
PARIS (Joseph), chanoine de la cathédrale de Liège,
né à Looz en 4821. Le premier parmi les historiens belles,
il a su embrasser tout le développement de la civilisa-
tion liégeoise et pénétrer dans les moindres détails des
annales de la principauté épiscopale. Il a publié un grand
nombre d'études sur l'histoire de Liège et, adoptant une
méthode nouvelle, c'est par l'époque contemporaine qu'il
a commencé, et il a remonté ensuite de siècle en siècle,
il connaît bien les documents des archives liégeoises, mais
il manque parfois de précision et de clarté; de plus,
il n'est guère impartial, ni même équitable dans l'exposé
des querelles religieuses du xv® et du xvi® siècle. Il cherche
constamment à démontrer qu'un Etat populaire aboutit
fatalement au despotisme ou à la ruine. Ses ouvrages
les plus importants sont: Histoire de la bonne ville
de Looz (4864, 2 vol. in-8); Notices historiques sur
les églises du diocèse de Liège (4867-4877, 8 vol. in-8) ;
Histoire du diocèse et de la principauté de Liège de
nu h i852 (4868-4873, 4 vol. m-8); M. pendant
le xvn« siècle (4877, 2 vol. in-8)'; Id, pendant le
xvi^ siècle (iSSÂ!, 2 vol. in-8); Id. pendant le xs"^ siècle
(4887, 2 vol. in-8).
PARISTE ou P'ARISTE (Antoine-Joseph), homme poli-
tique français, né à Bar (Var) le 49 mars 4763, mort à
Bordeaux le 45 août 4839. Médecin à la Martinique, il
revint en France en 4849, fut nommé maire de Blanque-
fort et élu député de la Gironde le 3 juil. 4830. Réélu le
5 juil. 4834 par Bordeaux, il appuya le gouvernement de
Louis-Philippe et échoua aux élections du 2 1 juin 4 834.
— Son fils, Jean-Baptiste- Auguste, né à Saint-Pierre
(Martinique) le 49 juin 4807, mort à Balan (Basses-Pyré-
nées) le 8 mars 4875, s'occupa d'agriculture. Il fut
nommé maire de Lalongue, se présenta sans succès aux
élections législatives sous le gouvernement de Juillet et
fut élu représentant des Basses-Pyrénées à la Constituante
en 4848. Il siégea à droite et appuya la politique de
l'Elysée. Réélu à la Législative par le même département,
il se montra bonapartiste décidé et partisan du coup
d'Etat du 2 déc. Membre de la commission consultative, il
entra au conseil d'Etat (janv. 4852) et fut appelé au Sénat
le 4 mars 4853. — Son fils, Paul-Eugène-Augustin^ né
à Pau le 13 oct. 4845, servit comme officier de mobiles
pendant la guerre franco-allemande de 4870, Il fut élu
député par Pau le 20 févr, 4876, fit partie du groupe
bonapartiste et appuya le gouvernement du 46 mai. Dési-
gné comme candidat officiel, il fut réélu le 44 oct. 4877, Il
se représenta sans succès à Pau le 24 août 4884, mais le
4 oct. 1885 fut élu député des Basses-Pyrénées à une
grande majorité. Il échoua aux élections générales de 4889
contre M. Quintaa, républicain.
DARIUS. Nom de plusieurs rois delà Perse antique,
provenant du mot perse Darayavus « celui qui maintient »
traduit par Hérodote par Ipçe^riç ; le nom se retrouve
dans l'hébreu \2?1^n, Dariavesh, les formes grecques
Aapeiaîo;, Aapi^juYjç et ordinairement Aapsîoç, en latin,
Darius et Dâreus, Les Persans modernes l'ont changé en
Dârà et Bôrâb,
I. Le premier et le plus grand de tous ceux qui ont
porté ce nom, est Darius P', fils d'Hystaspe, et qui régna
de 524 à 485 av. J.-C. Il était le fils d'un Achéménide,
Hystaspe(Fwfa5pa en ^erse.Gustasp en persan moderne) .-
Son père était fils d'Arsamès, fils d'Ariaramnès , fils
de Teispês, fils d'Achànénès (V. Achéménides) : Aria"
ramnès, son bisaïeul, avait été le frère de Cyrus, père de
Cambyse, père de Cyrus I, roi de Perse. Selon Hérodote (I,
209), il était très jeune lors de la mort de Cyrus ; cette
circonstance nous enseigne que Darius naquit vers 550
av. J.-C. Il pouvait donc avoir près de trente ans quand,
après la mort de Cambyse, le pseudo-Smerdis, le mage Gau-
mates, usurpa le trône de Perse pendant sept mois (mars à
oct. 524 av. J.-C). Il se lia avec six autres nobles perses
dont les noms, à une exception près, sont rendus exacte-
ment par Hérodote, contrôlé par l'inscription de Behis-
toun : Otanès, Intaphernès, Megabyze, Hydarmès, Gobryas
et Ardomanes ; au dernier, Hérodote substitue Aspathines
qui, en effet, jouissait plus tard tellement de la faveur du
roi que son portrait figure sur le tombeau du monarque.
Selon la légende, qui peut-être a un fond historique, les
six conjurés, après avoir tué le mage à la forteresse de
Sikhiachotis en Nisée, en Médie, où l'imposteur s'était
retiré, délibérèrent d'abord sur la forme du gouvernement;
après s'être décidés pour la continuation de la monarchie,
ils auraient résolu de reconnaître roi celui d'enrre eux,
dont le cheval, au soleil levant, hennirait le premier.
Grâce à l'intelligence de l'écuyer de Darius, (Ebares, le
cheval de ce prétendant aurait le premier satisfait à cette
condition, et Darius, fils d'Hystaspe, aurait été proclamé
roi des Perses.
Quoi qu'il en soit, Darius commença à régner en oct.
524 av. J.-C. Nous avons au sujet des débuts du règne de
ce roi une bonne fortune absolument exceptionnelle. Ce
que peu de monarques ont fait dans l'histoire, Darius fit
faire sur le rodier. de Bagastana, aujourd'hui Behistoun
DARIUS
— 936 —
ou Bisitoun (V. Behistan), sa généalogie, la mention suc-
cincte des faits qui précédèrent son règne et le récit
détaillé des combats qu'il eut à livrer pour affermir sa
royauté. Cette relation, rédigée en perse, en médique
et en assyrien, a depuis cinquante ans seulement rempli
le but que l'auteur royal se proposait. Darius doit à la
révélation faite de ce texte par Sir Henry Rawlinson,
d'être depuis quelques années mieux connu qu'il n'était
pendant tout le temps où l'on ne lisait plus les inscrip-
tions cunéiformes.
Immédiatement après la mort du pseudo-Smerdis, et
peut-être peu de jours auparavant, les Babyloniens s'étaient
rendus indépendants. Un nommé Nidintabel s'était donnépour
Nabuchodonosor, fils de Nabonid. Ce qui est certain, c'est
que nous possédons du règne de ce Chaldéen une série de
textes. Darius, après avoir étouffé la révolte d'un nommé
Athrinès, en Susiane, fit marcher une armée contre Baby-
lone ; la teneur ambiguë à dessein du récit de Behistoun
fait supposer qu'il n'accompagna pas son armée dès le
début. Il avait d'ailleurs d'autres soucis plus pressants et
supérieurs au point de vue de sa politique. Il devait re-
mettre en état les lois anciennes, et rétablir le culte
d'Ormazd que le mage, représentant de la réaction médique,
avait aboli. Déjà, aux mois de décembre et de janvier,
l'armée perse battit en deux batailles, l'une sur le Tigre,
l'autre sur l'Euphrate, les forces chaldéennes qui furent
refoulées et enfermées dans Babylone. Au dire des Grecs,
Babylone résista pendant vingt mois aux efforts des Perses ;
la ville fut prise, selon la légende, par le dévouement de
Zopyre qui se serait coupé le nez et les oreilles, se serait
donné aux Chaldéens comme un transfuge, maltraité par
Darius, auquel il aurait ouvert les portes de la cité trop
confiante en ses paroles. Darius fit subir à Babylone une
terrible punition ; il tua ou asservit les habitants rebelles,
détruisit le mur extérieur et enleva les portes d'airain de
la seconde enceinte : au demeurant, il se regarda comme
roi de Babylone ; il ne prit jamais cette qualification que
vis-à-vis des Babyloniens, mais ses textes, quand ils sont
datés de Babylone, ne remontent pas au delà du printemps
de sa seconde année de règne, c.-à-d. au mois d'avr. 519
av. J.-C, époque de la prise de Babylone.
Il quitta cette ville au mois d'oct. 519 pour châtier
le mède Phraortes qui s'était prodamé roi de Médie sous
le titre de Sattarita, de la dynastie mède de Cyaxarès.
Dès la mort du mage, révoltée, la Médie voulut recouvrer
son ancienne suprématie, sa langue, sa foi. Trois généraux
de Darius , Hydarnès, Dadarsès et Onives , furent obligés
successivement de livrer sept batailles, victorieuses selon le
récit euphémique de Darius ; c'est le roi lui-même qui prit
le chef des Mèdes dans la capitale, Rhages, après quoi il
le fit exécuter cruellement à Ecbatanes. D'autres révoltes
avaient dû être réprimées : une nouvelle en Susiane, une
en Parthie, une autre en Margiane, même un second Sat-
tarita surgit en Médie et fut traité avec la même férocité
que Phraortes (517 av. J.-C). Sérieuse encore fut la rébel-
lion de la Perse elle-même oti un nouveau pseudo-Smerdis
avait surgi dans la personne d'CEosdates dont Darius
déclare lui-même qu'il fut roi. En mai 517, il fut chassé,
vaincu dans la bataille de Rakha; Darius s'installa alors
à Pasargades et le fit poursuivre par son général Arta-
vardes jusque dans la Caramanie, le Laristan d'aujour-
d'hui, où il se maintint pendant un an. L'imposteur fut
battu à Paraga (Forg d'aujourd'hui) et amené à Chodaitchiya
(Audedj), où il fut mis à mort. Mais ses adhérents se reti-
rèrent dans l'orient de l'empire, dans l'Afghanistan actuel,
et il fallut trois batailles pour en finir avec les rebelles qui
ne furent définitivement soumis qu'en mars 515 av. J.-C.
Un an à peu près plus tard, il surgit à Babylone un autre
pseudo-Nabuchodonosor, dans la personne d'un Arménien
nommé Arakha : mais sa frésistance ne fut pas longue ;
il fut I pris et crucifié avec ses adhérents, au com-
mencement de l'an 513 av. J.-C. Les Saces se révoltèrent
âUSsi, ipais ils furent soumis par le général de Darius,
Gobryas, et leur chef Iskhunkha figure parmi les rebelles
immortalisés sur le roc de Behistoun.
La puissance de Darius était donc établie sur les pays
que Cambyse lui avait légués, sauf sur l'Egypte qui, d'après
le texte du roi, se souleva, mais dont la soumission
n'est pas mentionnée par l'auteur du récit lapidaire. C'est
alors que Darius se montra grand administrateur, dans le
sens moderne du mot et même comme le plus ancien et l'un
des plus grands dont l'histoire ait gardé le souvenir. Il est
le premier qui ait établi un pouvoir vraiment central, con-
trôlant et dirigeant les actes des satrapes qui gouvernaient
ses provinces, Darius nous dit qu'il régna sur vingt-trois
pays différents ; Hérodote nous apprend que ses vingt satra-
pies ne coïncidaient nullement avec ces nationalités. Ces
satrapies, nommées parties ou nomes, étaient administrées
par des préfets ou gouverneurs, mais leur délimitation
était faite de manière à prévenir les soulèvements natio-
naux ; les peuples apparentés, appartenant à la même race
et parlant la même langue, étaient le plus souvent partagés
entre des nomes tout différents. Pour prévenir la rapacité
des satrapes et la ruine des provinces, Darius fixa la
somme que chaque nome devait verser au pouvoir central :
il départagea les prestations en nature, en chevaux et
autres objets des contributions en métal, soit or, soit argent.
A cet effet, il fixa le rapport constant de l'argent à l'or
comme celui de 13 1/2 à 1. — Les provinces de son
vaste empire n'étaient pas toutes dans le même rapport
vis-à-vis du pouvoir central ; les unes étaient directement
administrées par le roi et ses conseillers perses, les autres
étaient gouvernées par les indigènes du pays avec une sorte
d'autonomie surveillée seulement par l'autorité souveraine
du roi. Les divisions directement gouvernées étaient les
second, quatrième, sixième, huitième, neuvième, dixième,
douzième, quatorzième, quinzième et seizième nomes. Les
pays qui relevaient ainsi directement de la couronne étaient
la Lydie, laCilieie, l'Egypte, la Susiane, la Mésopotamie, la
Médie, les pays du nord et les contrées de l'est de la Perse,
la Bactriane et la Parthie. C'étaient en général les pays qui,
autrefois, avaient joui d'une grande indépendance et dont
on redoutait, non sans raisons, les soulèvements patrio-
tiques et nationaux. D'autres n'étaient que surveillées par
des satrapes, tout en gardant leur autonomie, leur consti-
tution, même leurs rois indigènes. Les villes grecques de
l'Asie Mineure, la Phénicie, appartenaient à cette caté-
gorie : elles étaient gouvernées par leurs magistrats, bat-
taient monnaie, s'administraient elles-mêmes et leur sujé-
tion se bornait aux tributs qu'elles envoyaient au grand
roi. La Cappadoce, quoique citée par fearius lui-même
comme l'une de ses provinces, avait conservé ses propres
rois, parents même des Achéménides : telle était aussi la
situation de l'Arménie. Les habitants de l'Inde occidentale
qui formaient la vingtième nome, jouissaient d'une indé-
pendance presque complète. Les tributs en argent et or
entrant dans le trésor royal, sont évalués par Hérodote à
la somme de 14,560 talents d'argent, soit à plus de 90 mil-
lions de francs.
Pour transmettre les ordres du pouvoir central et pdtir
correspondre plus directement avec les satrapes, Darius intro-
duisit des messagers réguliers se relayant entre eux, et une
correspondance télégraphique par signaux Darius peut donc
passer à bon droit, sinon comme le premier inventeur, au
moins comme un des promoteurs les plus actifs des postes
et télégraphes.
Telle était l'administration de ce vaste empire fondé par
Cyrus, dont Darius recula encore les limites. Cyrus n'avait
pas soumis les Arabes, dont Darius annexa les tribus les
plus voisines de la Mésopotamie et de la Syrie. Il étendit
aussi ses conquêtes au delà de l'Egypte sur la côte de la
Libye, et Carthage est probablement la ville désignée sous
le nom de Karkâ dans son inscription funéraire de
Nakch-i-Roustam. Roi chaldéen à Babylone, il était
pharaon en Egypte, et il médita et commença même
l'œuvre de la jonction des deux mçrs à l'isthme da
— 937 —
DARIUS
Suez qu'il tenta de percer en partie. Il entreprit aussi,
mais avec moins de succès que Néeho, une circumnavi-
gation de r Afrique. Partout il porta ses regards, en
inspectant les progrès de l'agriculture et l'élevage des
animaux, et fit argent de tout, en sorte que les Perses
l'appelaient le Marchand, comme ils avaient surnommé
Cyrus le père et Cambyse le maître de leurs sujets.
Parmi les satrapes qui avaient des velléités d'indépen-
dance, se trouvait Oroitès, gouverneur de Lydie, qui y
avait été installé déjà par Cyrus après la conquête de ce
pays. Le satrape avait tué Mitrabathès, gouverneur de
Dascylion, et son fils, avait attiré le tyran de Samos, Poly-
crate, l'avait fait crucifier et avait chassé de Samos le frère
de ce dernier, Syloson. Darius fit tuer le gouverneur, qui
avait presque une autorité royale, par une ruse, et envoya
une armée pour établir à Samos Syloson qui jadis lui avait
rendu quelques services.
Après avoir organisé son administration en Asie, Darius
porta ses regards vers l'Europe. Il songea d'abord à sou-
mettre les pays au N. et à l'O. clu Pont-Euxin et
entreprit une expédition contre les Scythes qui habitaient
cette partie de l'Europe méridionale. En vain son frère
Artaban voulait le détourner de ce projet : le roi partit avec
sept cent mille hommes de Suse. Il traita ses sujets avec
une cruauté extrême, si les faits rapportés à cet effet ont
une base historique ; il passa en Europe sur un pont jeté
par l'architecte Mandroclès de Samos. L'armée traversa la
Thrace et arriva aux bords du Danube, oti sur un pont elle
pénétra dans le pays des Scythes. Ceux-ci prirent le parti
de se retirer et de se laisser poursuivre; ainsi l'armée
perse arriva au Borysthènes (Dnieper) où enfin Darius fut
obligé de rebrousser chemin ; son armée fut harcelée par
les Scythes qui avaient repris l'offensive. Darius aurait été
anéanti avec toute son armée, si Histiée n'avait pas con-
trecarré les projets des Grecs asiatiques de couper le pont
sur le Danube (500 av. J.-C). Darius retourna en Asie,
en laissant à Mégabyse une armée de trente mille hommes
qui soumirent la Thrace. Le monarque perse soumit l'Inde
des sept fleuves (Pendjab), et, avec une armée perse, con-
quit la Cyrénaïque. De grandes atrocités signalèrent la prise
de Barcé dont les habitants furent transplantés d'Afrique
en Bactriane.
Les dernières années de Darius appartiennent presque
entièrement à la Grèce et aux colonies helléniques de l'Asie.
Darius voulut châtier les Ioniens de leur participation à sa
défaite et de leur déclaration d'indépendance qui avait
suivi l'expédition en Europe (V. Ionie). Milet fut prise et
détruite (521), mais ce châtiment ne suffisait pas à Darius,
qui était surtout irrité contre les Erétriens et les Athé-
niens, fidèles alliés des Ioniens. A cet effet, Darius envoya
sous Mardonius en 495 une armée qui devait attaquer la
Grèce, en traversant la Macédoine : l'hostilité des Thraces
contribua à la défaite de cette armée : une flotte de quatre
cents navires fut détruite au mont Athos. Les Cyclades
s'étaient soumises, et Darius n'abandonna pas ses projets
de vengeance contre Athènes et Sparte, qui avaient ren-
voyé ses hérauts délégués pour recevoir la soumission de
ces cités. Une grande armée, la troisième, attaqua en 490
la Grèce sous Datis et Artaphernes; les Cyclades se sou-
mirent toutes, Erétrie fut saccagée, mais la victoire des
Athéniens à Marathon, sous le commandement de Miltiade,
mit fin à cette expédition. Darius, à la réception de cette
nouvelle, s'apprêta à diriger contre les Grecs une armée
qu'il aurait commandée en personne. L'Egypte s'étant sou-
levée sous Inaros, il fut retardé : mais la mort l'atteignit
pendant les préparatifs, vers la fin de 485 av. J.-C, lais-
sant à son fils et successeur Xerxès le soin d'exécuter ses
projets.
Darius avait atteint à peu près soixante-cinq ans ; des
dix femmes que nous lui connaissons, il laissa de nombreux
enfants. Avant son avènement, il avait épousé une fille de
Gobryas, dont il eut Ariobarzane et Artabignès : son pre-
îiiier né fut écarté par Xerxès, né le premier après son
élévation, de la fille de Cyrus, Atossa, qui avait été la
femme de Cambyse et du pseudo-Smerdis ; il eut pour fils,
en dehors de Xerxès, Masistès, Achéménès et Hystaspe. Il
épousa aussi Artystone, autre fille de Cyrus, laquelle fut
sa femme préférée et qui lui donna Gobryas et Arsamès ;
puis Parmys (abeille), fille de Smerdis, la mère d'Ario-
mardus. Il épousa aussi Phratagune, sa nièce, fille de son
frère Arsames, mère d'Abrocanas et d'Hyperanthès, et
n'oublia pas, à causa des services qu'elle avait rendus en
livrant le pseudo-Smerdis, Phédimé, la fille d'Otanès. Parmi
ses filles nous connaissons Artazostra, l'épouse de Mar-
donius ; une autre fille fut mariée à Artaxerxès et nous
ne connaissons pas la mère d' Artaxerxès, fils de Darius.
Nous connaissons donc encore les noms de quatorze enfants
de Darius.
En dehors de ses exploits de conquérant, Darius fut
le constructeur des palais perses qui durèrent jusqu'à
Alexandre. C'est lui qui bâtit les grands palais de Persé-
polis et de Suse, et probablement aussi ceux de Taocé et
de Gabae. Il inscrivait sur ces édifices ses hauts faits en
trois langues, en perse, en médique et en assyrien. Il
construisit la salle du trône gigantesque de Susè, Vapa-
dandy qui fut détruite par un incendie sour Artaxerxès P^,
et rebâtie par Artaxerxès Mnémon. Il perpétua la mémoire
de son règne par l'inscription trilingue de Behistoun, et
par la stèle de Suez qui devait faire revivre son nom plu-
sieurs milliers d'années plus tard.
De nombreux textes hiéroglyphiques sont datés de son
règne ; c'est par milliers qu'on peut compter les textes
juridiques et commerciaux en caractères cunéiformes et qui
fixent la limite de son règne vers l'automne de 485 av. J.-C.
Les Persans, qui ne se souviennent pas de leur glorieuse
histoire, ont raccourci les trois Darius en deux Dârâ dont
ils exhibent les récits absolument fabuleux. Le premier
est le fils de Lohrasp (Auroadaepa en zend) gui vivait
quelques milliers d'années avant Darius, mais cet intervalle
n'effraye pas les historiens modernes.
Les textes les plus intéressants de Darius, après l'ins-
cription de Behistoun, sont ceux gravés sur son tombeau à
Nakch-i-Roustam, la nécropole des rois perses, près de
Persépolis. Il y a l'énumération la plus complète des pro-
vinces du vaste empire perse, y compris la Thrace, le
Pont-Euxin et les îles grecques. Lors de la construction de
ce tombeau taillé dans le roc, vers 500 av. J.-C, Hystaspe
et sa femme vivaient encore : les parents de Darius vou-
lant visiter le tombeau, se firent hisser par des cordes,
mais les ouvriers effrayés par la vue de serpents, lâchèrent
prise, et les vieillards périrent. Darius fit tuer les maladroits
qui avaient causé la mort de ses parents.
IL Darius II (Ochus ou Nothus le Bâtard, 424 à 406
av. J.-C). Artaxerxès I®^ était mort en 425, suivi sur le trône
par son fils légitime Xerxès II; il avait dix-sept bâtards, et
laissait d'une Babylonienne, Alogune, un fils illégitime, Se-
cydianus ou Sogdianus, et d'une autre Babylonienne, nom-
mée Cosmartidéné, deux autres fils, Ochus et Arsites.
Après deux mois de règne, Xerxès II fut assassiné par son
frère Secydianus qui, à son tour, fut détrôné par Ochus. Ce
dernier fit subir au meurtrier le supplice des cendres
froides ; on forçait le patient à se jeter dans un endroit
rempli de cendres et de sable. Ochus monta sur le trône
sous le nom de Darius, en 424 av. J.-C Son règne fut celui
d'un homme faible ; il fut gouverné par des eunuques et
surtout par sa sœur et femme Parysatis (Parista l'hiron-
delle), dont il eut quatre fils, Artaxerxès, qui régna après
lui, Mnémon, Cyrus le Jeune, Oarxes et Octaxes qui fut
le grand-père de Darius III. Son règne ne fut pas marqué
par des conquêtes, mais par l'immixtion de la Perse dans
les affaires de la guerre du Peloponèse. Les révoltes des
satrapes signalèrent le règne de Darius Ochus; la plus
importante, celle d'Amyrtée en Egypte, aboutit à la des-
truction de la puissance perse dans la vallée du Nil ; en
413, FEgypte recouvra son indépendance nationale sous
des pharaons indigènes. Des satrapes comme Pharnabaz^
DARIUS — DARKHATS
938 -
et Tissaphernes, quoique presque indépendants, restaient
nominalement fidèles au grand roi ; mais son propre frère
utérin, Acytes, se révolta contre lui, se maintint pendant
quelque temps victorieusement à l'aide de certains Grecs,
mais fut finalement trahi, livré au roi, et subit avec ses
complices le supplice des cendres. Pendant longtemps, Pis-
suthnès, le satrape de Lydie, réussit à rester complètement
indépendant du roi de Perse ; à la fin, il fut vaincu dans
Sardes, conduit à Suse et exécuté. En 408, les Mèdes se
déclarèrent indépendants et se maintinrent sous un autre
Darius, fils du roi ; à la fin ils furent de nouveau réduits
sous le joug perse. Dans les derniers temps de sa vie,
Darius vit les intrigues de sa femme qui favorisa son second
fils, Cyrus, contre l'aîné Artaxerxès : sur ces entrefaites,
il mourut à Babylone, en 405 av. J.-C. (V. Artaxerxès,
Cyrus, Parysatis),
m. Darius III Codoman (336-330 av. J.-C). Après
la mort d'Arsès, roi de Perse et fils d'Artaxerxès Ochus,
lequel fut empoisonné avec toute sa famille par l'eunuque
Bagoas, ce dernier choisit pour roi Codomannus (proba-
blement le nom perse Uvadamaniyus^ esprit volontaire),
fils d'Arsanès, fils d'Ostanès, fils de Darius II, et également
arrière-petit-fils de ce roi par sa mère Sisygambis, fille
d'Artaxerxès IL Codoman jouissait parmi les Perses de la
réputation méritée d'un homme fort et valeureux. Dans
une guerre contre la tribu des Cadurciens, sous Artaxerxès
Ochus, le chef de ce peuple, connu par sa force et sa
valeur extraordinaires, avait provoqué l'un des Perses à un
combat singulier, Codoman avait accepté le défi et vaincu
le chef cadurcien. Il monta donc sur le trône en 336 av.
J.-C. sous le nom de Darius. Bagoas voulait bientôt après
tuer le roi qu'il avait mis sur le trône, mais celui-ci, pré-
venu, le fit exécuter. Peu de temps après, Alexandre atta-
qua la Perse. Il battit le lieutenant de Darius, Mithridate,
au fleuve Granique (en 334), puis Darius lui-même à Issus
(332), et détruisit l'empire perse par la bataille décisive de
Gaugamèles (ou Arbèles) le 2 oct. 331 av. J.-C. Alexandre
eut le chemin libre jusqu'à la Susiane ; le Macédonien
poursuivit le roi vaincu à Ecbatane et dans les provinces
du Nord. Là, Bessus, l'un des satrapes qui avaient accom-
pagné Darius, trahit son maître ; quand celui-ci se refusa
à le suivre davantage, Bessus blessa le roi mortellement :
Darius fut rejoint par les cavaliers macédoniens, auxquels
il enjoignit de remercier Alexandre de la générosité avec
laquelle il avait traité la mère et les femmes de Darius,
tombées en son pouvoir après la bataille de Gaugamèles.
Le roi expira peu de temps avant l'arrivée d'Alexandre
qui traita le cadavre de son ennemi avec des honneurs
royaux, le renvoya à Sisygambis, et le fit déposer solen-
nellement dans le tombeau des rois de Perse. Darius III eut
la réputation d'un homme valeureux, doux et juste, et
aurait mérité un autre sort, mais l'empire amolli et dégé-
néré des Perses ne put résister à l'assaut d'un homme
tel qu'Alexandre le Grand. Avec Darius, le onzième des-
cendant d'Achéménès, s'éteignit la grande dynastie des
Achéménides dont il fut le douzième roi. Avec lui la Perse
disparaît de l'histoire, pour ne renaître que cinq cent cin-
quante-cinq ans plus tard sous la plus grande dynastie
qu'elle ait jamais eue, celle des Sassanides.
IV. Darius le Mède est Tune des figures les plus énigma-
tiques de l'Orient antique. Il est connu par le livre de
Daniel (V. ce nom, t. XIII, p. 852), où il paraît comme
successeur du fameux Balthazar. Selon le livre hagio-
graphe, Darius le Mède eut soixante-deux ans quand il
recueillit la royauté {Dan,, v, 31). Darius aurait partagé
son empire en cent vingt provinces, ce qui rappelle les
cent vingt-sept provinces d'Ahasvérus ou Xerxès. Il aurait
mis le prof)hète Daniel comme chef au-dessus de tous les
satrapes qui auraient calomnié le pieux Hébreu et l'au-
raient fait jeter, sur l'ordre de Darius, dans une fosse de
lions; mais Daniel en serait sorti sain et sauf. Dans le récit
biblique, rédigé en chaldaïque, Darius figure (vi, 8) comme
roi de Perse et de Médie. É figure encore comme indica-
tion de date (ix, 4), on parle de la première année de
Darius, de la race d'Ahasvérus, qui fut « fait roi » des Mèdes
et régna sur les Chaldéens; son successeur fut Cyrus dont
(x, 1) le livre de Daniel cite la troisième année comme
date d'une vision de Daniel, tandis qu'au premier chapitre
il est dit que le prophète ne vécut que jusqu'à la première
année de Cyrus.
Beaucoup d'interprétations et d'explications ont été
créées pour mettre le texte hagiographe d'accord avec
l'histoire authentiquement transmise. Aucun des essais ne
s'impose et aucun des vingt expédients n'est plausible.
Darius n'est ni Evilmérodach, ni Nériglissor, ni Nabo-
nid, ni un sous-gouverneur d'Astyages : il n'y eut au-
cun Ahasvérus ou Xerxès en Médie, et aucun Darius ne
précéda Cyrus comme roi des Chaldéens. Darius P^ seul
pouvait avoir soixante-deux années d'âge, mais lors de la
bataille de Marathon seulement, en 490 ; est-ce qu'alors
Babylone se serait soulevée sous un nommé Bel-sar-utsur,
peut-être fils de Nabuchodonosor III ou Nidintabel? Ou la
légende de Darius le Mède a-t-elle trait à Darius II de la
race de Xerxès qui en effet fut élevé à la royauté des
Mèdes, ou à Darius, qui, sous le règne de Darius II, se sou-
leva en Médie, mais qui n'a jamais pris possession de la
cité chaldéenne? L'histoire de Babylone, à partir de la
mort de Nabuchodonosor jusqu'à Cyrus, est connue année
par année, ou plutôt mois par mois, et l'on ne peut y placer
ni un Balthasar, ni un Darius quelconque. Le livre de Daniel
n'a pas jusqu'ici reçu de ces confirmations éclatantes dont
l'autorité des livres historiques de la Bible peut se préva-
loir : au contraire, toutes les données de ce livre sont écar-
tées soit par la Bible elle-même, soit par des documents
contemporains. On devra donc se résigner à ne pas puiser
des données historiques dans un livre qui confond des per-
sonnages qui véritablement ont existé à des temps diffé-
rents, et on devra renoncer à voir dans Darius le Mède,
gouvernant cent vingt provinces de la Perse et de la Médie,
autre chose qu'une confusion de Darius, fils d'Hystaspe,
avec son arrière-petit-fils, Darius II, sous lequel les Juifs
purent s'établir à Jérusalem. On pourra retrouver un Bal-
thasar, roi éphémère de Babylone, par un texte nouveau,
mais on peut affirmer d'ores et déjà qu'on ne découvrira
pas de texte donnant gain de cause au livre de Daniel au
sujet d'un Darius le Mède, de la race d'Ahasvérus, qui,
roi des cent vingt provinces de Perse et de Médie, aurait
régné à Babylone avant Cyrus le Grand.
V. Le nom de Darius a été porté par une quantité assez
considérable de princes perses : d'abord par des fils de
Darius P^, de Xerxès, de Darius II, puis par le fils d'Ar-
taxerxès II, qui se révolta contre son père. D'autres per-
sonnages de l'Orient chrétien, grec ou arménien, ont éga-
lement porté ce nom. J. Oppert.
DARIUS (dans la Bible). Sous le nom de Darius [Darya-
vésh), les livres à'Esdras, de Néhémie, à'Aggée, de Za-
ckarie et de Daniel mentionnent différents souverains
persans. Le Darius sous lequel les travaux de reconstruc-
tion du Temple, momentanément interrompus, sont repris
et menés à bonne fin, semble être Darius, fils d'Hystaspe.
Le Darius sous lecjuel on procède à l'établissement des
registres généalogiques du clergé (Néhémie, xii, 22)
peut être identifié à Darius Nothus ou à Darius Codoman,
que renverra Alexandre. Mais ce qui a créé de sérieux
embarras, c'est l'identification de Darius le Mède (V. ci-
dessus), qui, d'après Daniel (v, 30-31; vi, 1 et suiv.),
s'empara de Babylone sur Balthasar et occupa le trône avant
Cyrus. On a voulu y voir Cyaxare 11, fils d'Astyage, oncle
et prédécesseur de Cyrus. On pourrait également, à raison
de la date peu ancienne de composition du livre de Daniel
(V. ce nom), soupçonner quelque confusion. M, Vernes.
DARJES (V. Daries).
DARKEMON (V. Adarcon).
DARKHATS. Tribu de la Mongolie nord-occidentale dont
les campements Sont surtout groupés autour du Kosso-Gol.
Ils forment une classe spéciale de Chabi (pluriel Chabiner
— 939 —
DARKHATS — DARMAGNAG
ou ChaHmr) dépendant du grand prêtre iamaïte (Khou-
toukhta) résidant à' Ourga auquel ils payent un tribut
annuel. Au point de vue du type physique, ce sont des
Mongols occidentaux mélangés avec les Soyones ou Sojotes,
peuplade d'origine finnoise. Ils ne se distinguent ni par
leur langue ni par leurs mœurs des autres Mongols. C'est
le voyageur russe Potanin qui les a décrits pour la pre-
mière fois en i885. J. Deniker,
DARLASTON, Ville d'Angleterre, comté de Stafford,
près de Wednesbury ; 43,574 hab. Mines de houille, éta-
blissements métallurgiques.
DARLEY (Bernard), peintre français duxvi® siècle, tra-
vaillant à Valenciennes. Marguerite d'Autriche le nomma,
en 1519, son peintre ordinaire.
DARLEY (Jean-Baptiste), peintre français du xvi® siècle.
Cet artiste, qui travaillait à Tours en 1530, acquit une
grande réputation par ses portraits.
BiBL. : Grandmaison, Documents inédits pour servir à
l'histoire des arts en Touraine ; Paris, 1870.
DARLEY (George), écrivain anglais, né à Dublin en
1795, mort le 23 nov. 1846. Venu à Londres en 1822,
après avoir fait de solides études dans sa ville natale, il se
fit connaître par un curieux dialogue en vers, the Errors
of Ecstasie (Londres, 1822), et entra au London Maga-
zine, où il donna, sous le pseudonyme de John Lacy, des
critiques dramatiques qui furent remarquées, et son chef-
d'œuvre, Lilian of the Vale, Cette poésie et d'autres furent
publiées sous le titre de the Labours of Idleness (Lon-
dres, 1812) et le pseudonyme de Guy Pensival. Il écrivit
alors un grand drame, Sylvia or the May Queen (1827),
qui n'obtint aucun succès. Il reprit la critique dramatique
à VAtheneum et s'y distingua par une rudesse et une
intransigeance qu'on attribua à la chute de Sylvia. Puis il
voyagea en Italie, d'où il envoya à Y Atheneum àesleitres
sur l'art, qui témoignent d'un sens artistique très fin et
qui inaugurent la réaction en faveur des peintres primitifs
italiens. Il publia, à son retour, les deux premiers chants
d'un poème, Nepenthe (1839), puis deux tragédies, Tho-
mas a Becicet (1840) et Ethelstan (1841), œuvres des
plus médiocres. Enfin il édita Beaumont et Fletcher, avec
une préface assez remarquable au point de vue litté-
raire, mais fort méchante pour les auteurs (1848). Il
était bien doué au point de vue scientifique et il a écrit,
de 1826 à 1828, une série de traités de mathématiques
très estimés. R. S.
BiBL.: Griswold, Poets and poetry of England.
DARLEY (Féhx), dessinateur américain, né à Philadel-
phie le 23 juin 1822. Il s'est fait connaître par l'illustration,
très soignée, d'un grand nombre d'ouvrages, par exemple
ceux de Fenimore Cooper, d'Irving, YEvangeline de
Longfellow (1883), les Scarlet Letters d'Hawthorne, les
œuvres de Shakespeare. Il a donné aussi de belles aqua-
relles.
DARLING. Rivière de l'Australie orientale, affluent du
Murray. Son bassin comprend environ 320,000 kil. q. Son
cours a près de 2,400 kil. de long ; mais elle a très peu
d'eau. Elle est formée par la réunion du Balonne ou Con-
damine qui naît à 96 kil. de la mer et du Barman (820
kil.) grossi à gauche dn Macintyre^ du Guyda (700 kil.),
du Namoi ou Peel (1,000 kil), du Castlereagh (600
kil.) et du Macquarie (1,200 kil.). Le Darling coule vers
le S.-O. et reçoit le Warrego (800 kil.), puis tourne
au S., se divise en deux branches et aboutit au Murray. Le
Darling et ses affluents manquent d'eau, au point de se
transformer souvent en une chaîne de lacs à peine reliés
les uns aux autres. Dans les régions à peine peuplées du
(iueensland et de la Nouvelle-Galles du Sud qu'il traverse,
la seule industrie est l'élevage du bétail. Les bateaux à
vapeur peuvent aux hautes eaux remonter jusqu'à 1 ,300 kil.
du confluent avec le Murray à Bourke. Des mines de cuivre
ont été reconnues près de Bourke, des mines d'or et d'ar-
gent dans les montagnes d'où découle le Darling .
DARLtNG (Sir Ralph), -général anglais, né en 1775,
mort à Brighton le 2 avr. 1858. Entré dans l'armée en
1793, il servit aux Indes jusqu^en 1808, fit la campagne
d'Espagne, l'expédition de Walcheren, commanda à l'île
Maurice de 4818 à 1823 et en 1825 fut promu lieute-
nant général et gouverneur de la Nouvelle-Galles du Sud.
Il s'y rendit fort impopulaire par ses rigueurs excessives
et souleva contre lui toute la presse australienne. Le gou-
vernement le remplaça en 1831 par sir Robert Bourke.
La presse anglaise s'étant emparée des réclamations des
Australiens, la Chambre des communes décida la formation
d'une commission d'enquête sur les actes de Darling, qui
déclara que la conduite du gouverneur ne pouvait prêter
au moindre blâme. Darling devint général le 23 nov. 1841.
DARLING (James), libraire anglais, né à Edimbourg en
1797, mort à Londres le 2 mars 1862. Employé de librairie
à Edimbourg et à Londres, puis libraire en cette dernière
ville, il y fonda, en 1839, une bibliothèque fort bien
agencée à l'usage des étudiants en théologie. Cette entre-
prise n'ayant pas réussi, il se borna à son métier et édita
alors la Cyclopœdia bibliographica or library manual
of theological and gênerai literature (Londres, 1851-
1859, 2 vol.), véritable monument bibliographique.
DARLING (Sir Charles-Henri), administrateur anglais,
né en 1809, mort en 1870. Il fit sa carrière dans la hiérar-
chie coloniale. Lieutenant gouverneur de Sainte-Lucie en
1847, du Cap en 1851, gouverneur de Terre-Neuve (jus-
qu'en 1857), de la Jamaïque, de Victoria (en Australie)
en 1863. Il fut rappelé de Victoria en 1866 à la suite de
conflits violents avec une partie du Corps législatif au sujet
de questions économiques. Ch.-V. L.
DARLINGTON. Ville d'Angleterre, comté de Durham;
35,102 hab. Hauts fourneaux, construction de machines,
locomotives, etc. Belle église (Saint-Cuthbert) bâtie du
xii® au XV® siècle.
DARLU (Alphonse), né à Libourne (Gironde) le 20 mars
1849. Il fit ses études au collège de Bergerac, où son
père était professeur d'histoire. Bacheher es lettres et es
sciences avant dix-sept ans, il fut aussitôt chargé de la
classe de sixième dans ce même collège, où il professa suc-
cessivement la troisième et la rhétorique, prenant sa licence
es lettres à dix-neuf ans et reçu premier agrégé de philo-
sophie à vingt et un. Après avoir occupé la chaire de phi-
losophie dans les lycées de Périgueux, d'Angoulême et de
Bordeaux, il fut appelé en 1882 à Paris, où il a passé par
les lycées Saint-Louis, Henri IV et Condorcet. En ^1883,
on le chargea du cours de psychologie et de morale à
l'Ecole normale supérieure de Fontenay- aux -Roses, ce
qui lui fit sentir très vivement la nécessité pour l'Uni-
versité d'avoir une doctrine morale et de prendre au sérieux
sa responsabilité comme éducatrice du caractère national
et de l'esprit public. Cette haute préoccupation inspira
le beau discours prononcé par M. Darlu à la distribution
des prix du concours général en 1890. C'est la seule occa-
sion qu'il ait eue de se faire connaître du grand public ;
mais il est notoirement un de ces maîtres qui, presque
sans écrire, exercent une influence profonde par l'ensei-
gnement. H. M.
DARMAGNAC (Jean-Barthélemy-Claude-Toussaint, vi-
comte), général français, né à Toulouse le 1^^ nov. 1766,
mort à Bordeaux le 12 déc. 1855. Capitaine dans le
i^^ bataillon des volontaires de la Haute-(}aronne à la fin
de 1791, il fit avec honneur les campagnes d'Italie de
1792 à 1797, commanda la 32® demi-brigade en Egypte,
où il gagna le grade de général de brigade (27 avr. 1801),
prit part à la campagne de 1805 en Autriche et fut chef
de la garde de Paris en 1806 et 1807. Envoyé en Espagne,
il fut, pour sa belle conduite à Medina-del-Rio-Seco, nommé
général de division et baron (juil. 1808), commanda en
Galice, se fit, plusieurs années durant, remarquer par
l'activité avec laquelle il lutta contre les guérillas dans les
provinces de la Vieille-Castille, de la Manche, de Cuenca,
et soutint sa réputation aux batailles de Vitoria et de
Toulouse. RaFié aux Bourbons en 1814, il fut, pendant
DARMAGNAC — DARMSTADT
— 940
les Cent- Jours, appelé au commandement de la 11^ division
militaire (Bordeaux), qu'il put conserver après la seconde
Restauration. Nommé vicomte en 1821, grand officier de
la Légion d'honneur en 1823, il quitta le service actif et
entra dans le cadre de réserve après la révolu. ion de
1830. A. Debidour.
DARMAING (Jean-Achille- Jérôme), publiciste français,
né à Pamiers le 2 févr. 1794, mort à Paris le 30 juil.
1836. Elève de l'Ecole normale (promotion de 1812), il fut
professeur à l'Ecole de Saint-Cyr et démissionna à cause
de ses opinions politiques. Il fit alors du journalisme, fonda
le Surveillant politique et littéraire (1818) dont l'indé-
pendance lui attira une condamnation en police correction-
nelle. Il collabora ensuite au Co7istitutionnel, où il donna
le compte rendu des séances législatives. Le 1^^ nov. 1825,
il fit paraître le premier numéro de la Gazette des tribu-
naux, qui existe encore et qui obtint, dès ses débuts, un
succès considérable. Darmaing dirigea encore le Constitu-
tionnel de 1832 à 1833. On a de lui : Bésumé de l'his-
toire des guerres de la Vendée (Paris, 1826, in-18) ;
Relation complète du sacre de Charles X (1825, in-8) ;
Nouvelle Bibliothèque historique, matériaux pour
servir ci Vhistoire de Fi^ayice (1825). La première livrai-
son de cet ouvrage a seule paru. — Son père, magistrat
et royaliste ardent, a publié : Mes Révélations sur la
responsabilité ministérielle (Paris, 1824, 2 vol. in-8) ;
Moyens de crédit public (1819-20, 2 vol. in-8) ; la
Nouvelle Tour d'Ugolin et les Catacombes ou les Francs-
maçons vengés (1821-1824, 2 vol. in-12).
DARMANNES. Corn, du dép. de la Haute-Marne, arr.
de Chaumont, cant. d'Andelot; 255 hab.
DARMESTETER (Arsène), httérateur et philologue
français, né à Chàleau-Salins (ancien dép. de la Meurthe)
le 5 janv. 1846, mort à Paris le 16 nov. 1888. D'origine
Israélite et destiné par ses parents à la carrière rabbinique,
les mots de vieux français qu'il rencontrait dans les com-
mentaires juifs du moyen âge éveillèrent sa vocation philo-
logique et il s'initia aux études romanes sous la direction
de M. Gaston Paris, à l'Ecole des hautes études (1869-
1872), oti il entra comme répétiteur en 1877. Docteur es
lettres en 1877, il fut nommé la même année maître de
conférences à la Sorbonne où il inaugura l'enseignement
de notre vieille littérature et de l'histoire de notre langue,
d'abord comme professeur adjoint en 1880, puis comme
professeur titulaire en 1883. Arsène Darmesteter a laissé
une trace durable comme professeur et comme savant. Il a
étudié un point intéressant de la phonétique française dans
son mémoire sur la Voyelle atone (Romania, réimprimé
par son frère dans les Reliques scientifiques) ; les origines
de l'épopée française dans sa thèse sur Floovant et le cycle
mérovingien {De Floovante et de Merovingo cyclo; Paris,
1877); la philosophie du langage par ses études sur le
néologisme français [De la Formation des mots nouveaux
dans la langue française et des lois qui la régissent;
Paris, 1887) et dans la Vie des mots étudiés dans leur
signification (Paris, 1887). Son œuvre la plus intéressante
est la restitution de notre vieille langue dans des périodes
où les documents français sont rares au moyen des innom-
brables mots français semés dans les commentaires hébreux
de la Bible et du Talmud par le rabbin Raschi de Troyes et
par ses successeurs (xi^ siècle et suivants). Son mémoire
sur les gloses et les glossaires hébreux-français, sa pu-
blication des Elégies du Vatican (élégies françaises écrites
en caractères hébreux sur un autodafé à Troyes, les plus
anciennes de notre langue) sont appréciées par les érudits.
A. Darmesteter a encore pubHé un T7mté de la forma-
tion des mots composés dans la langue française
comparée aux autres langues romanes et au latin
(Paris, 1875). Il achevait, avec M. Hatzfeld, au moment
de sa mort, un Dictioîinaire général de la langue fran-
çaise depuis le xvi® siècle, qui parait par les soins de
M. Hatzfeld et de M. Antoine Thomas (Paris, 1889 et
^uiv.). Darmesteter laissait encore inédits un Qours de
grammaire historique de la lafigue française qui paraît
à Paris (1891) et un Dictionnaire des gloses de Raschi
qui sera publié plus tard. Les mémoires qu'il a publiés dans
les revues savantes sur la philologie juive et romane ont
été réunis par son frère, sous le titre : Arsène Darmste-
ter. Reliques scientifiques (Paris, 1890, 2 vol. in-8).
DARMESTETER (James), orientaliste et littérateur
français, frère du précédent, né à Château-Salins (ancien
département de la Meurthe) le 28 mars 1849. Prix d'hon-
neur de rhétorique au concours général en 1866, il se
consacra à la philologie comparée, sous la direction
de MxM. Michel Bréal et Bergaigne, et principalement à
l'étude des langues et des religions de la Perse. Docteur
es lettres en 1877, il fut nommé la même année répé-
titeur de zend à l'École des hautes études. En 1885,
M. James Darmesteter fut nommé professeur au Collège de
France et en 1886-1887 il fut chargé d'une mission
philologique aux Indes. Il demeura près de sept mois dans
les districts afghans de l'Inde où il étudia la langue poushtii.
On peut diviser l'œuvre de M. James Darmesteter en deux
parties : les ouvrages scientifiques et les ouvrages pure-
ment littéraires. Les premiers sont : Haurvatât et Ame-
retât, essai sur la mythologie de VAvesta, qui forme le
23*^ fascicule de la bibliothèque de l'Ecole des hautes
études (Paris, 1874) ; Ormazd et Ahriman^ leurs ori-
gines et leur histoire, 29® fascicule de la même biblio-
thèque (Paris, 1877); De Conjugatione latini verbi
Dare (id. 1878) ; Traduction en anglais du Vendidad (Zend
Avesta) dans le 4® vol. des Sacred Books of the East
(Oxford, 1880) ; Coup d'œil sur l'histoire dupeuplejuif
(Paris, 1881, traduction des Yashtes, dans le 23« vol. de
la même collection (Oxford, 1887) ; Etudes iraniennes,
t. I ; Etudes sur la grammaire historique de la langue
persane (Paris, 1883, ouvrage couronné par l'Institut,
prix Volney ; id., t. II; Mélanges d'histoire et de lit-
térature iranienne; Essais orientaux; l'Orienta-
lisme en Frayice; le Dieu suprême des Aryens ; les
Cosmogonies aryennes; Prolégomènes de Vhistoire des
religions ; Mélanges de mythologie et de linguistique
(1883), ouvrage couronné par l'Académie française;
Coup d'œil sur Vhistoire de la Perse, leçon d'ouverture
du cours de langue et littératures de la Perse, faite au
Collège de France, le 16 avril 1885 (id. 1885) ; le Mahdi,
depuis les origines de l'Islam, jusqu'à nos jours; les
Origines de la poésie persane (1887) ; Chants popu-
laires des Afghans (Paris, 1888-1890, in-8), ouvrage cou-
ronné par l'Institut, prix Volney ; Origine et dévelop-
pement de la religion étudiés à la lumière des reli-
gions de Vhide, traduction de l'anglais de l'ouvrage de
Max Muller. — Les ouvrages littéraires de M. J.D. sont :
la Chute du Christ, poème traduit de l'anglais (Paris,
1879); Lectures patriotiques sur Vhistoire de Finance
à l'usage des écoles primaires, par J.-D. Lefrançais (Paris,
1881), ouvrage couronné par l'Institut ; édition classique
du Macbeth de Shakespeare ( 1882); édition classique
du Child-Harold, de Byron; Essais de littérature
anglaise (1883) ; Lettres sur VInde (Paris, 1889) ; la
Légende divine (Paiis, 1890); Mary Robinson, poésies
traduites de l'anglais avec une introduction (Paris, 1888).
En dehors de ces ouvrages, M. J. D. a écrit de nombreux
articles dans le Journal asiatique, la Revue critique^
la Revue philosophique, la Revue des Pieligions, la
Revue des études juives, la Contemporary Review, les
Lettres et les Aj'ts, le Parlement, le Journal des
Débats, etc. L. H.
DARMONT. Corn, du dép. de la Meuse, arr. de Verdun-
sur-Meuse, cant. d'Etain; 45 hab.
DARMSTADT.I. Géographie.— Ville d'Allemagne, capi-
tale du grand-duché de Hesse, située entre le Rhin et le
Main, à 145 m., d'alt. au pied de l'Odenwald ; 48,769 hab.
(dont 39,880 protestants, 7,340 catholiques, 1,352 israé-
listes). C'est une ville qui dut son importance à la poli-
tique ; elle comprend deux parties qui font contraste ; la
vieille ville (Altsdat) aux rues tortueuses et étroites, et à
rO. de celle-ci, séparée d'elle par le château grand-ducal,
la nouvelle ville (Neustadl), avec de belles rues ou avenues
plantées rectilignes, se croisant à angle droit, de larges
places, des jardins publics ; de ce côté se porte la vie, c'est
là qu'aboutissent les chemins de fer dont six lignes se
croisent à Darmstadt (Francfort-Heiderberg, Mayence-As-
chaffenbourg, Darmstadt- Worms, Darmstadt-Eberbach).
Le commerce et l'industrie sont moyennement développés ;
on fabrique des produits chimiques, des machines, de la
fonte, des chapeaux, des tapis, de la bière, etc. ; la ville
est le marché agricole des campagnes voisines qui y appor-
tent leurs fruits, leur blé, leur vin, achètent du pétrole,
des objets manufacturés, etc. La ville a quatre journaux,
une dizaine d'autres périodiques, une bibliothèque ducale
de 500,000 volumes dont 1,400 incunables, un musée
archéologique, un cabinet d'estampes, une galerie de
tableaux riches en œuvres de l'école allemande et hollan-
daise, etc. Ces collections se trouvent au château. Les
institutions d'éducation et d'assistance publique sont nom-
breuses et bien organisées. En sa qualité de capitale,
Darmstadt n'est pas seulement la résidence du grand-
duc de Hesse, mais aussi le siège des principaux pouvoirs
et des administrations du pays : ministères, consistoire
suprême, cour des comptes, tribunal supérieur, direction
des postes, des finances, de l'agriculture, gouvernement
de Starkenburg, etc., sans oublier la 25® division de l'armée
allemande.
Au centre de la ville de Darmstadt se trouve le château,
vaste édifice comprenant des constructions de dates fort
diverses, autour duquel s'étend en contre-bas un jardin
planté dans les anciens fossés. Les parties les plus anciennes
remontent au xiv® siècle à l'époque des comtes de Katzeln-
bogen ; d'autres furent élevées sous le règne de George I®^
(1567-1596), fondateur de la dynastie de Hesse-Darm-
stadt; enfin le château neuf, avec ses quatre pavillons,
remonte à 4717 et au règne du landgrave Ernest-Louis.
Le château renferme la bibliothèque et les collections artis-
tiques et scientifiques du duché. Devant le château, àl'O.,
du côté de la ville neuve, est une belle place (Luisenplatz)
de forme octogone (monument du grand-duc Louis P''), à
laquelle aboutissent la Rheinslrasse qui mène à la gare
devant laquelle est la statue de Liebig (né à Darmstadt) ; la
Wilhelminenstrasse qui mène à l'église catholique et au
palais du prince Charles {Madone de Holbein). De l'autre
côté du château (au S.), est la place du Marché avec un
hôtel de ville du xvi*^ siècle et une église du xv®, remaniée
au xvïi® (tombeau de George l^^).
IL Histoire. — L'origine de Darmstadt est un village
nommé alors Darmundestat, dépendant de Domberg qui
fut acquis par le comte Thierry III de Katzenelnbogen,
reçut une charte municipale en 4330 ; les comtes y élevè-
rent un château terminé en 4375, où ils résidèrent. Quand
leur famille s'éteignit, un mariage apporta Darmstadt à la
Hesse. En 1546, la ville fut saccagée par les Espagnols
dans la guerre de Smalkalde et le château démoli. Elle se
releva lorsque le landgrave George P^ y fixa sa résidence
(4567). Pillée en 4622 par Mansfeld, en 4688 et 4693
par les Français, la ville n'avait à la fin du dernier siècle
que 6,700 hab. Elle prospéra depuis lors, grâce au grand-
duc Louis P^ (1790-1830); les murailles îurent démante-
lées, et la nouvelle ville fut bâtie avec ses belles rues et
ses nombreux monuments publics. Dès 4845, elle avait
45,400 hab. Deux congrès des Etats de l'Allemagne du
Sud siégèrent à Darmstadt, le premier de 4820 à 4822
pour étudier un système commun de poids et mesures et
une union douanière, le second en avr. 4852 pour s'en-
tendre contre le Zollverein prussien.
BiBL, : Karl Wagner, Darmstadt^ Beschreibung und
Geschichte; Darmstadt, 1842. — Walther, Darmstadt
-wie es war und wie es geworden; Darmstadt, 1865.
DARNAG. Com. du dép. de la Haute-Vienne, arr. de
Bellac, cant. du Dorât; 4,475 hab. Ruines du château de
— 94l — DARMSTADT — DARNETS
la Côte-au-Chapt (xii^-xiii*^ siècles), répandues sur une
surface de 280 m, q.
DARNAUD (Jacques, baron), général français, né à
Brine-Boulay (Loiret) le 8 avr. 4768, mort à Paris en
4830. Entré très jeune au service, il était lieutenant en
4792 lorsqu'il prit une part brillante à la prise de Spire.
Nommé capitaine (1793), il tint campagne avec l'armée de
Sambre-et-Meuse, défendit Longwy et fut blessé au blo-
cus de Mayence (1796). l\ passa ensuite en Italie (1797),
se distingua à Civita Castellana, et surtout à Falari, où il
battit les Napolitains, et emporta de vive force la place
d'Otricoli. A la Trebbia, il se signala par une charge
extrêmement audacieuse, et conquit le grade de général de
brigade (42 messidor an VII). Il renouvela ses prouesses
et ses succès à Novi, à Bosco, à Rivalta, gagna plusieurs
victoires sur les Autrichiens et fut blessé d'un coup de
feu à la cuisse le 28 mai 4800. On fut obligé de l'am-
puter, mais à peine rétabli il reprit du service comme
commandant de Gènes, bloqué par les Autrichiens et les
Anglais. Vers la fin de 1804, il fut obligé de demander
un congé pour raison de santé et revint en France. H obtint
plusieurs commandements militaires dans les dép. (Orne,
Manche, Calvados, etc.), fut créé baron le 8 oct. 4808,
et nommé en 4843 gouverneur des Invalides, où il resta
jusqu'en 4825. Louis XVIII le promut lieutenant général
le 6 sept. 4844.
DARNAUDAT (Louis -Jean -Henri), homme politique
français, né à Orthez le 7 mars 4739. Conseiller au par-
lement de Navarre, il fut élu par le Tiers de la province
de Béarn député aux Etats généraux. Il siégea parmi les
constitutionnels modérés. Il fut maire d'Orthez en 4794.
DARNAUDAT (Jacques-Henry), homme politique fran-
çais, né à Bagnères-de-Bigorre le 8 nov. 4827. Avocat à
Tarbes, il se mit en lumière en plaidant plusieurs procès
politiques, et en combattant la pohtique impériale. Il ap-
partenait au parti orléaniste. Le 20 févr. 4876, il se pré-
sentait aux élections législatives dans la 2® circonscription
de Tarbes, avec un programme conservateur, et il était élu
le 5 mars. Il siégea à droite, appuya le gouvernement du
46 mai, fut choisi par lui pour candidat officiel, et fut
réélu par Tarbes le 44 oct. 4877. Son élection fut invali-
dée paria Chambre, et, le 2 févr. 4879, ses électeurs vo-
taient pour un répubhcain, M. Desbons.
DARNAUDIN ou D'ARNAUDIN, architecte français, né
à Versailles en 4744. Après avoir remporté le grand prix
d'architecture sur un projet d'arc de triomphe, Darnaudin
alla en Italie avec le brevet de pensionnaire du roi et fut, à
son retour en France, nommé inspecteur des bâtiments royaux
de Versailles. Devenu architecte, il fut chargé, de 1775 à
4779, de l'agrandissement de l'hospice civil, édifice qui ne
fut terminé qu'en 4855; puis, de 4780 à 4783, Darnaudin
fit construire l'hôtel du garde-meuble de la couronne qui
servit longtemps de siège à la préfecture du dép. de Seine-
et-Oise et n'est plus aujourd'hui qu'une annexe de l'hôtcl-
restaurant des Réservoirs; enfin, en 4787, il fit élever
l'hôtel de Séran qui existe encore et porte aujourd'hui le
n*^ 6 de la rue des Réservoirs. Darnaudin fut reçu membre de
l'Académie royale d'architecture en 4794. Charles Lucas.
BiBL. : J.-A. Le Koy, Histoire des rues de Versailles^ etc.:
Versailles, 1861, in-8, 2« éd.
DARNÉTAL. Ch.-l. de cant. du dép. de la Seine-Infé-
rieure, arr. de Rouen, sur le Robec et l'Aubette ; 6,609 hab.
Stat. du ch. de fer du Nord, ligne de Rouen à Amiens.
Nombreuses usines alimentées par les deux rivières. Fa-
briques de drups et de lainages, filatures de laines et de
coton, teintureries, indienneries , corroiries. L'église de
Long-Paon (mon. hist.), du xv^ siècle, a été complètement
restaurée de 4855 à 4860. Le clocher de Carville (mon.
hist.), construit de 4542 à 4544, a servi de poste d'obser-
vation à Henri IV, quand il assiégea le fort de Sainte-Ca-
therine. L'église séparée de son clocher date aussi en partie
du XVI® siècle.
DARNETS ou DARNETZ. Com. du dép. de la Corrèze,
Î)ARNETS — DARRIULE
942 —
arr, d'Ussel, cant. de Meymac; l,01o hab. Sur le terri-
toire de cette commune se trouve le château de Lieuteret,
bâti au XYii® siècle par la veuve du connétable de Mont-
morency,
DARNEY (Darneium), Ch.-l. de cant. du dép. des
Vosges, arr. de Mirecourt, sur les flancs d'un promontoire
dominant la Saône, à 38 kil. au S.-O. d'Epinal ; 1,594 hab.
Fabriques de couverts en 1er battu ; chaudronnerie; bro-
derie ; tuilerie ; huilerie ; carrière de pierres meulières ;
centre commercial de la région : douze foires annuelles ;
possède un hôpital fondé en 4732 ; un hospice de vingt
lits et un établissement congréganiste des sœurs de Saint-
Charles. Les verreries de la forêt de Darney, établies vers
4373, privilégiées par Jean de Calabre, fils de René d'Anjou,
qui, en 4448, leuroctroyala charte des verriers yëtmeiiU en
4690, au nombre de dix-neuf et jouissaient autrefois d'une
grande réputation. Les nombreuses antiquités, trouvées dans
les environs, ont fait supposer que Darney était d'origine
gallo-romaine. La petite ville, au moyen âge, était un apa-
nage des ducs de Lorraine et fut entourée d'une enceinte,
flanquée de nombreuses tours, ce qui lui valut le surnom
de Darney-auX'Tre7ite- Jours et l'honneur de servir quel-
quefois de résidence ducale. Elle eut beaucoup à souôrir
pendant les guerres des xv®, xvi® et xvii* siècles. En 4639,
elle fut enlevée au duc Charles IV par les Français et
démantelée par eux. Sur les ruines du château féodal,
démoli à la même époque, et dont il existe encore un pan
de mur d'une épaisseur de 5 m., on construisit, en 4725,
l'hôtel de ville. En 4754, Darney devint le siège d'un
bailliage, régi par la coutume générale de Lorraine. Avant
la Révolution, il y avait à Darney une collégiale fondée en
4308 ainsi qu'un couvent de récollets. L^église paroissiale,
du xviii® siècle, s'élève sur une éminence de 277 m. d'al-
titude. Les armes de Darney étaient d'azur à trois glands
montant, feuilles et tiges d'or y deux, un, — Patrie de
l'abbé Nicolas-Sylvestre Bergier (4748-4790), confesseur
de Mesdames de France, tantes de Louis XVI, et auteur de
plusieurs ouvrages théologiques ; de Joseph-François Ber-
gier (4724-1784), frère du précédent, littérateur, et du
manufacturier Edouard- Victor-Stanislas Bresson, homme
pohtique, né en 4826.
BiBL. : C.-L. Mangin, Dissertation sur l'antiquité du
château de Darney, 1828. — Léon Louis, le Dép. des
Vosges ; Epinal, 1887, t. VI, 192-196.
DARNEY-aux-Ghênes. Com. du dép. des Vosges, arr.
de Neufchâteau, cant. de Châtenois ; 94 hab.
DARNIEULLE. Com. du dép. des Vosges, arr. et cant.
d'Epinal ; 559 hab.
DARNLEY (Henri Stuart, lord) (V. Stuart [Henri]).
DAROCA. Ville d'Espagne, ch.-l. de district de la prov.
de Saragosse (Aragon), sur la rive droite du Jiloca, est
entourée d'une enceinte qui date du moyen âge et a quelques
belles églises. Aux environs, on remarque une grande levée
ou digue, la Gran Mina, construite au xvi® siècle. Il y a
quelque commerce de vin. Population : 3,247 hab.
DAROCA (Victoriano), peintre espagnol contemporain
qui s'est acquis une certaine notoriété par ses portraits en
miniature. 11 a pris part aux diverses expositions natio-
nales organisées à Madrid par l'académie de San Fer-
nando. P. L.
DAROIS. Com. du dép* de la Côte-d'Or, arr. et cant.
(N.) de Dijon; 60 hab.
DAR-OÙLD-SELEMIA. Campement sur la route d'Ayir
à Safy (Maroc), chez les Ouled Asseïn, à l'extrémité méri-
dionale d'une longue vallée qui se termine au cap Mazagan.
DARD VA. Village de Bohême dans le cercle de Plzen
(Pilsen). Il possède des mines de fer et de houille.
DARQUIER (Augustin), astronome français, né à Tou-
louse le 23 nov. 4748, mort à Toulouse le 48 janv. 4802.
Il s'adonna de bonne heure à l'astronomie, construisit et
aménagea à ses frais un observatoire dans sa propre
maison, y fit d'intéressantes découvertes et y professa
gratuitement. En 4757, l'académie des sciences de Paris
l'élut correspondant. Parmi ses nombreux ouvrages, il
convient de citer : Uranographie (Paris, 4774, in-48);
Observations astronomiques faites à Toulouse (Avignon,
4777, in~4, et Paris, 4782, in-4); Observation de
Védipse de soleil du 24 juin illB (Toulouse, 4780,
in-8); Lettres sur V astronomie pratique (Paris, 4786,
in-8). Une dizaine de mémoires du mem& auteur ont en
outre paru dans les recueils de l'académie de Toulouse et
de l'académie des sciences de Paris. L. S.
DARRACQ (François-Balthazar), homme politique fran-
çais, né à Dax en 4750, mort à Mont-de-Marsan en 4808.
Avocat dans sa ville natale, il fut élu député des Landes
au conseil des Cinq-Cents le 24 vendémiaire an IV, Orateur
fougueux, il se distingua à la tribune par des motions très
radicales, réclama notamment le divorce, la Uberté illimitée
des cultes et par suite l'abrogation des lois contre les
prêtres insermentés et la suppression du serment. Il en
voulait surtout aux journalistes qu'il comparait « aux filles
publiques que la police doit seule réglementer ». Réélu par
les Landes le 25 germinal an VIL il fut le 4 nivôse an VIII
désigné par le Sénat pour faire partie des membres du
nouveau Corps législatif. En 4804, il rentra dans la vie
privée. Il s'était occupé de chimie et il a inséré dans le
Journal des mines (4804, t. XI) un mémoire dans lequel
il prouve que les acides acéteux et acétique sont identiques,
et Expériences sur V acide extrait du soufre ou oxyde
gris de cobalt (4802, t. XH). -— Son petit-fils, Jean-
Marie Darracq, né à Mont-de-Marsan le 9 avr. 4845,
fut élu député des Landes au Corps législatif le 9 juin 4867
et réélu le 24 mai 4869. Il siégea dans la majorité bona-
partiste.
DARREL (John), célèbre exorciste anglais, né à Mans-
field, comté de Nottingham, vers 4562, mort après 4602,
Après avoir fait ses études à Cambridge, il vint à Londres
pour faire son droit ; puis il y renonça, revint à Mansfield
où il se livra à la prédication. Il commença à exorciser en
4586, et ses pratiques firent un tel bruit qu'il fut traduit,
par ordre de l'archevêque d'York, devant une commission
d'enquête qui lui interdit la prédication (4598) ; puis, par
ordre de l'évêque de Londres, devant une commission
d'examen (4599), qui le convainquit d'imposture et le fit
emprisonner pendant un an. On ne sait ce qu'il devint en-
suite. Il a écrit plusieurs traités dont il suffît de citer un
seul : A True Narration of the strange and grivous
vexation by the devil of 1 versons in Lancashire (1600,
in-4). R. S.
DARREL (William), théologien anglais, né dans le
comté de Buckingham en 4654, mort à Saint-Omer le
28 féyr. 4724. Entré dans la société de Jésus en 4674,
il devint procurateur à Paris (4696), préfet des études au
collège de Saint-Ouen (4696), puis à Liège (4699-4700),
recteur du même collège (^708-4742) et de nouveau pro-
curateur à Paris (1742). Il a beaucoup écrit. Parmi ses
ouvrages, nous citerons : the Lay-man's opinion (4687,
in-8); A Vindication of Saint Ignatius (Londres, d688,
in-4) ; the Gentlemen instructed in the conduct of a
virtuous and happy life, traité très souvent réimprimé
(l^-^ éd., 4708; lO'^ éd., Londres, 4732, in-8); Moral
Reflexions in the Epistles and Gospels (Londres 4744,
4 vol. in-4 2) très souvent réimprimé; Tr cotise ofthe real
presence^ (Londres, 4721, 2 vol. in-4 2). Il a aussi traduit
en anglais les Discours de Cleander et d'Eudoxus sur
les Lettres provinciales du P. Daniel (Londres, 4704 et
4704, in.8). R. S.
DARRICAU (Rodolphe- Augustin, baron), contre-amiral
français, né en 4807. En 4836, il était embarqué sur
VAridromède, qui transportait aux Etats-Unis le prince
Louis-Napoléon, à la suite de l'échauffourée de Strasbourg.
Il fit la guerre de Crimée en qualité de capitaine de vais-
seau, fut nommé, en J858, gouverneur de la Réunion, et
passa contre-amiral en 4864.
DARRIULE (Jean, baron), général et homme politique
français, néà Arudy (Basses-Pyrénées) le 46 nov. 4774,
mort à Bernes (Seine-et-Oise) le 5 sept. 4850. Entré dans
l'armée en 1793, il se distingua à Bellune (i797), fit
l'expédition d'Egypte, les campagnes dltalie et d'Espagne,
et celle de Russie. Commandant du Kremlin (181 2), il com-
battit à Bautzen et Lutzen, fut créé baron et nommé général
de brigade. Il exerça le commandement dans le dép. des
Hautes-Pyrénées après la Restauration, demeura fidèle à
Napoléon pendant les Cent-Jours, et fut alors nommé ins-
pecteur général de l'armée. Après Waterloo, il fut mis en
non-activité. Le gouvernement de Juillet le nomma comman-
dant de place à Paris (1831), le promut lieutenant général
(4832), et réleva à la pairie (1837). H rentra dans la vie
privée à la révolution de 1848.
DARRO. Rivière d'Espagne, qui commence à une dizaine
de kil. E.-N.-E. de Grenade, au pied des pics de la Gruz et de
Retamar, se grossit d'innombrables sources et à une lieue
en amont de Grenade s'engage dans une vallée étroite,
pittoresque, couverte, de bosquets et de vergers, qu'on
appelle los Cormenes, De là, elle entre dans la ville de
Grenade oîi elle est traversée de dix ponts et se jette dans
le Genil, affl. du Guadalquivir. Les eaux du Darro sont
très pures et alimentent la cité ; l'été, elles sont peu abon-
dantes, mais après les pluies elles remplissent l'étroite
vallée et causent des dégâts dans la partie de la ville qui
comprend le Zacatir et la Plaza Nueva. Le Darro roule des
paillettes d'or et il y a encore quelques pauvres gens qui
s'adonnent à leur recherche. E. Cat.
DAR-R0UN6A. District du Soudan, au S. du Ouadaï,
habité par des nègres chasseurs et guerriers qui vendent
beaucoup d'ivoire, surtout dans la région de Dar-KoutL
DARS. Presqu'île de la côte allemande de la Baltique,
près de Stralsund (Poméranie), séparée de l'île Zingst par
le Prerov.
DARSE. Ce mot, qui n'est point usité sur le littoral de
l'Océan, signifie, dans les ports de la Méditerranée, des
bassins destuiés à recevoir des bâtiments. Il est bien en-
tendu que ces sortes de havres communiquent en tout
temps avec l'extérieur. Au port de Toulon, la vieille darse
sert de refuge aux derniers représentants de la marine
à voiles.
D'ARSICQLA (Silvestro) (V. Ariscola).
DAR-SI-HAMMOU. Village situé à l'extrémité méri-
dionale de la merdja de Ras-ed-Doura (Maroc), sur la
route qui gagne Mehdia par la chaîne des collines côtières.
D'A R SON VAL (Jacques-Arsène), physiologiste français
contemporain, né à La Borie, com. de La Porcherie (Haute-
Vienne) le 8 juin 1851. Il a commencé ses études médi-
cales à Limoges et les a achevées à Paris. Successivement
préparateur du cours de médecine au Collège de France,
sous Claude Bernard, en- 1875, docteur en médecine en
1877, directeur du laboratoire de physique biologique de
de l'Ecole des hautes études en 1882, laboratoire créé
pour lui ; il a été chargé du cours de médecine au Collège
de France, de 1881 à 1886, et nommé professeur sup-
pléant en 1887. Ses travaux ont eu surtout pour but la
chaleur animale et la calorimétrie et il a inventé une étuve
à température constante, au gré de l'expérimentateur, dont
le modèle est aujourd'hui adopté dans tous les laboratoires
(1876). Il est l'auteur de plusieurs mémoires originaux sur
la Production de la Chaleur chez divers animaux
(1878-79); Vlnfluence de rabsHnence (1881); Vin-
ftuence de la température du milieu ambiant (1884);
l'Influence du froid et des irritations cutanées (1881-
84). Ses travaux sur V Origine de la chaleur animale
(1883-85) l'ont amené à conclure « qu'elle est un résidu
de la contraction musculaire et non la source de cette
contraction ». M. d'Arsonval a publié aussi, en collabora-
tion avec M. Brovra-Sequard, d'intéressantes recherches
démontrant que l'air expiré par l'homme et les mammi-
fères à l'état de santé contient ua agent toxique très puis-
sant. Il a été nommé membre de l'Académie de médecine
en 1888.
DARTEIN (Marie-Ferdinand de), ingénieur français, né
- 943 - DARMULE — DARTIGOEYTË
à Strasbourg le 9 févr. 1838. Elève de l'Ecole polytechnique
en 1855 et entré dans le service des ponts et chaussées,
il fut, au sortir de l'Ecole d'application, envoyé en mission
en Italie où il recueillit de nombreux documents sur l'ar-
chitecture lombarde ; il a publié sur ce sujet un volume
remarquable, oii il a révélé et fait revivre un genre d'ar-
chitecture qui avait été à peu près oublié. Après quelques
années de service en province, il fut, en 1866, nommé
répétiteur du cours d'architecture à l'Ecole polytechnique
(jui, alors, était encore professé par Léonce Reynaud dont
il avait été le disciple et dont il publia la biographie.
L'année suivante, il fut désigné pour le remplacer, et,
depuis 1869, il est en même temps professeur d'architec-
ture à l'Ecole des ponts et chaussées. M. de Dartein est
l'auteur du pavillon dans lequel était installée l'exposition
du ministère des travaux publics, en 1889, et qui a été
conservé dans le jardin du Trocadéro. C'est un aquareUiste
émérite.
DARTFORD. Ville d'Angleterre, comté de Kent, sur le
Darent, affluent de droite de la Tamise, à 24 kil. E. de
Londres ; 10,567 hab. Asiles d'aliénés \ papeteries, pou-
dreries, etc.
DARTH É (Augustin-Alexandre), révolutionnaire français,
né à Saint-Pol (Pas-de-Calais) en 1769, mort à Vendôme le
25 mai 1797. Il eut une jeunesse fort agitée, figura à Paris
dans la plupart des échauffourées et mouvements révolu-
tionnaires de 1789 et notamment à la prise de la Bastille.
En 1 792, il fut nommé administrateur du Pas-de-Calais, puis
devint secrétaire de Joseph Lebon (V. ce nom) et accu-
sateur public sous lui. Après le 9 thermidor, il fut arrêté
comme terroriste, mais il bénéficia de l'amnistie du 4 bru-
maire. Il fut ensuite employé dans les bureaux de l'agence
du commerce en Belgique. Il fut impliqué en 1796 dans la
conspiration de Babeuf (V. ce nom), fut condamné à mort
par la haute cour de Vendôme et à la lecture de cet
arrêt, cria Vive la République! et se blessa de plu-
sieurs coups de stylet. Il monta néanmoins sur l'échafaud
le 8 prairial an V.
DARTH EN AY,publiciste français, né à Carentan (Manche)
vers 1805, mort à Paris le 27 déc. 1862. Entré en 1837
à la Revue universelle, il donna des articles de critique
théâtrale estimés, dans beaucoup de journaux, notamment
le Siècle^ le Constitutionnel et le Figaro* Il est l'auteur
de : les Acteurs et les Actrices de Paris*, biographie
complète (Paris, 1853, in-18).
DARTIGOEYTE (Pierre-Arnaud), homme politique fran-
çais, né à Mugron (Landes) le 12 mars 1763, mort à
Lahosse (Landes) le 25 nov. 1812. Fils d'un notaire, il
fut élu procureur-syndic du district de Saint-Sever, puis
député des Landes à la Convention nationale. Dans le pro-
cès de Louis XVI, il vota la mort et repoussa le sursis. Il
fit partie de la grande mission créée par la Convention, le
9 mars 1793, pour accélérer la levée de trois cents mille
hommes, et alla avec Ichon dans le Gers et les Landes.
Envoyé de nouveau en mission dans le Sud-Ouest par
décret du 23 août 1793, il fut l'objet d'un attentat à
Auch, le 6 avr. 1794 : une brique fut lancée contre lui
pendant qu'il parlait à la tribune du club des Jacobins
de cette ville. La commission militaire ambulante, instituée
à Bayonne par Pinet et Cavaignac, se transporta aussitôt à
Auch et rendit plusieurs sentences capitales contre les
auteurs présumés de l'attentat. L'incident Dartigoeyte est
célèbre dans l'histoire de la Révolution en Gascogne. Dar-
tigoeyte avait été un des iconoclastes les plus ardents de
la tentative hébertiste de déchristianisation. La réaction
thermidorienne le poursuivit : accusé par Pérès (du Gers)
de s'être conduit en terroriste à Auch, il fut décrété d'ar-
restation le 13 prairial an III. L'amnistie du 4 brumaire
an IV lui rendit la liberté. Il se retira à Lahosse, où il
exerça jusqu'à sa mort la profession de notaire. F-.A. A.
BtBL. : J. LÉGÉ, les Diocèses d'Aire et de Dax sous la
Révolution; Aire-sur-l'Adour, 1875, 2 vol. in-8.— - A. Tar-
BOURiECH, Histoire de ta, commission extraordinaire de
Bayonne ; Paris, 1869, in-8.
DARTIS -. DARTRE
•-- 944 —
DARTIS (Jean), canoniste, Artisius (V. Artis [Jeand']).
DARTMOOR. Région montagneuse granitique de l'An-
gleterre occidentale, dans le comté de Devon, au N.-E.
de Plymouth. Ses plus hauts sommets sont le Yes Ton
(621 m.) et le High Willays (740 m.) ; elle s'étend sur
environ 500 kil. q. jadis boisés, aujourd'hui occupés par
des landes.
DARTMOUTH. Ville maritime de la côteS. d'Angleterre,
comté de Devon, à l'embouchure du Dart; 5,580 hab. Le
port, défendu par un château, est très profond ; il eut
jadis une grande importance: Richard Cœur de Lion s'y em-
barqua pour la croisade en 1190 ; en 1347, il fournit trente
et un navires pour le siège de Calais ; les Français lui firent
subir de dures représailles. Aujourd'hui il n'a plus qu'un
mouvement de 1,500,000 fr. à peine; mais les paquebots
pour l'Afrique y font escale.
DARTMOUTH (Collège). Etablissement d'instruction
aux Etats-Unis (Etat du New-Hampshire) fondé en 1770
par le D^ Eleazer Wheelock, du Connecticut. En 1743,
Wheelock s'était établi à Lebanon(Conn.) comme pasteur,
et avait pris chez lui, selon une coutume fréquente, plu-
sieurs enfants à instruire. L'un d'entre eux était un Indien
Mohegan, Samson Occom. Les résultats qu'il obtint avec
ce jeune peau-rouge lui donnèrent l'idée de fonder une
école de maîtres indiens. Il réunit quelques jeunes gens de
la Iribu Delaware. Un fermier, Joshua Moor, lui fit don
d'une maison et de deux acres, et ce petit établissement
prit le nom d'école indienne de charité de Moor. Occom
se rendit en Angleterre et y recueillit des fonds qui furent
confiés à un comité de trustées^ dont lord Dartmouth fut
président. De là le nom donné au nouveau collège, lorsque
Wheelock, en 1770, eut transporté le siège de son école
dans l'ouest du New-Hampshire, sous une charte du gou-
verneur Wentworth, à Hanover, près du fleuve Connecti-
cut. Ce collège, situé dans le désert, fut d'abord un assem-
blage de huttes en troncs d'arbres, au milieu desquelles
s'éleva bientôt un bâtiment à deux étages. Wheelock mou-
rut en 1779. Son fils qui se battait en ce moment contre
les Anglais avec Stark et Gates, fut rappelé et succéda à
son père. En 1782, il se rendit en Europe pour recueilHr
de nouveaux fonds. Il emportait des lettres de Washington
et du ministre de France près les Etats-Unis, Luzerne. Il
obtint des souscriptions en Angleterre et dans les Pays-
Bas ; le collège put vivre et se développer. Après en être
resté pendant trente-six ans le président (de 1 779 à 1 81 5) , il
fut révoqué pour cause de dissentiments religieux, par le
corps des administrateurs {trustées). La législature de
l'Etat s'émut, et nomma de nouveaux trustées, érigeant
en même temps le collège en université. Mais l'ancien
conseil résista et porta l'affaire devant la cour supérieure
de l'Etat, puis devant la cour suprême des Etats-Unis,
présidée par Marshall, qui lui donna raison, consacrant le
principe de l'inviolabilité d'un droit de propriété conféré à
une corporation par une charte. C'est dans cette affaire
que Daniel Webster, âgé de trente-cinq ans, commença,
par sa défense des trustées^ sa grande réputation de juriste
constitutionnel. Il avait été lui-même élève à Dartmouth.
Wheelock mourut en avr, 1817. Il eut pour successeur
Francis Brown, Daniel Dana, le rév. Bennet Tyler, le
rév. Nathan Lord, etc. En 1 852, le collège avait abrité
et instruit depuis quatre-vingts années deux mille sept
cent dix-neuf élèves, dont mille six cent quatre-vingt-
dix-sept étaient encore vivants, six cent quatre-vingt-
quatre de ces derniers étant des ministres du culte. En
1865, il comptait vingt-deux professeurs et deux cent-
trente élèves. A. Moireau.
DARTMOUTH (Baron et comtes de) (V. Legge).
D ARTOIS (Pâtisserie) (V. Gâteau).
D A RTC 1 S (Louis-Armand-Théodore) , auteur dramatique,
dont le nom véritable était d'Artois de Boiirnonville, né
à Beaurains (Oise) en 1786, mort à Paris en 1845.
D'abord clerc de notaire, puis officier, receveur des droits
réunis en 1812, garde du corps en 1814, capitaine d'in- I
fanterie jusqu'en 1820 et secrétaire du gouverneur du châ-
teau de Meudon jusqu'en 1830, il fut entraîné à faire de
la littérature par l'exemple de son frère cadet (V. plus
bas), dont il partageait toutes les idées et dont il fut le
plus dévoué collaborateur. Il a publié seul un grand
nombre de chansons et de poésies légères dans divers
recueils, et une comédie en cinq actes et en vers, le Père
tuteur ou l'Ecole de la jeunesse^ en 1822. C. St-A.
DARTOIS (François-Victor-Armand), auteur drama-
tique, frère puîné du précédent, né à Beaurains (Oise) en
1788, mort à Paris en 1867. D'abord clerc d'avoué en
1808, il abandonna la basoche pour se livrer au théâtre
où il obtint de suite de grands succès. Cela ne l'empêcha
pas, en 1814, d'entrer avec ses deux frères dans les
gardes du corps où l'appelaient ses opinions royahstes.
Il ne cessa de jouir d'une grande vogue jusqu'en 1830,
époque à laquelle il prit la direction du théâtre des Varié-
tés qu'il garda jusqu'en 1836. Il en fit un foyer d'oppo-
sition contre le gouvernement de Juillet. Armand Dartois
a écrit un très grand nombre de vaudevilles, et il publia,
sous la Restauration, en collaboration avec Rougemont, le
journal satirique, la Foudre, qui soutint alors une ardente
polémique avec les journaux libéraux. Parmi les pièces
signées de lui seul ou en collaboration, nous pouvons ciler :
les Fiancés (1808) ; la Partie carrée (1811) ; les Maris
ont tort (1813) ; la Route de Paris (1814); les Clefs
de Paris ou le Dessert de Henri IV (iSi 4^); le Roi et la
Ligue (1815); Charles de France (i816); le Sceptre
et la Charrue (1817) ; M. Champagne (1818) ; le
Matin et le Soir (1822) ; le Coiffeur et le Perruquier
(1824); M, Pique-Assiette (iSU) ; Paris et Londres
(1827); Cartouche et Mandrin (1827) ; le Château de
mon oncle (1827); le Portefeuille (1828) ; les Incon-
vénients de la diligence (1 828) ; la Grisette mariée
(1829) ; le Curé de Champaubert (1835) ; Manon,
Ninon et Maintenon (1839) ; deux Systèmes (1840) ;
le Flagrant Délit (1841) ; le Héros du marquis de
Quinze-Sous (1843) ; la Gardeuse de dindons (1845);
Fin Domestique pour tout faire (1846) ; les Saisons vi-
vantes (1850) ; Une Nuit orageuse (1852); Reculer pour
mieux sauter (1854) ; les Personnalités; M""^^ Gibon et
j^pne Pochet, les Enragés, Paris à Pékin, etc. C. St-A.
DARTOIS (Achille), auteur dramatique, troisième frère
des précédents, dont il fut le collaborateur assidu, mort à
Versailles en 1868. Il donna notamment une pièce aux
Variétés en 1825, à l'occasion du sacre de Charles X : les
Châtelaines ou les Nouvelles Amazones; en 1833, une
tragédie en cinq actes et en vers : Caïus Gracchus ou le
Peuple et le Sénat, On l'a souvent confondu avec ses
frères. Il est bon de remarquer d'ailleurs qu'ils publiaient
souvent leurs pièces communes sans aucune indication de
prénoms, ce qui rend impossible l'attribution de la part de
collaboration qui revenait à chacun d'eux. G. St-A.
DARTOS (Anat.) (V. Scrotum).
DARTRE (Pathol.). Le terme générique de dartre, pour
être encore très fréquemment employé, puisqu'il s'applique,
dans la langue usuelle, à toutes les éruptions sèches qui
desquamment, n'a plus, à l'heure présente, de signification
précise. Si l'on veut se faire une idée des maladies que le
public désigne sous les noms de dartre furfuracée, dartre
volante, il est indispensable de se reporter aux mots
PITYRIASIS, ECZÉMA, ECZÉMA SÉBORRHÉIQUE, SÉBORRHÉE; la
dartre rongeante rentre dans le cadre de l'art. Lupus, etc.
Le mot dartre ne présente plus guère qu'un intérêt histo-
rique. Son étymologie est d'ailleurs assez obscure. D'après
Littré, ce mot dériverait de la langue celtique qui elle-
même découle du sanscrit où on trouve derdru comme
synonyme de dartre. Cette opinion semble corroborée par
l'opinion d'Alibert qui déclare qu'au moyen âge quelques
auteurs écrivaient dertre ou derdre et non pas dartre.
Mais la majorité des auteurs adopte l'étymologie de
8«pt6ç qui signifie écorché, en raison sans doute des nom-
breuses excoriations que Ton observe dans les dartres.
945 —
DARTRE — DARU
C'est seulement à l'époque de la Renaissance que l'on
rencontre pour la première fois le mot dartre ou dertre.
Les œuvres des médecins de l'antiquité, Hippocrate,
Arétée, etc., contiennent d'intéressants chapitres sur
diverses éruptions cutanées, mais ne renferment pas de
descriptions suffisamment nettes pour qu'on puisse ranger
à coup sûr dans les maladies « dartreuses » les dermatoses
dont ils nous ont donné le tableau. Il faut arriver à Mer-
curiali (1576) et surtout à Turner (4714) pour trouver des
définitions plus précises de l'expression dartre. Plus tard,
Lorry (1777) la remplaça par le mot « herpès », mais sans
vouloir pourtant identifier absolument les deux termes, car
il ne se contentait plus d'envisager les affections cutanées
sous le seul rapport de leurs caractères extérieurs, mais il
entrevoyait en quelque sorte la question des terrains mor-
bides et des états contitutionnels en recherchant leur mo-
dalité originelle, au contraire de Pleuck et surtout de
Willan qui, à la même époque, s'attachait à étabHr une clas-
sification rigoureuse des maladies de la peau en s'appuyant
sur la lésion élémentaire, la modification anatomique.
Beaucoup plus tard (1864), M. Hardy voulut, sans ré-
pudier la classification de Willan, rendre au mot dartre
toute son importance, et il décrivit sous ce nom toute une
classe d'affections cutanées qu'il s'efforça de différencier des
scrofulides, des syphylides et de toutes les lésions artifi-
cielles, congénitales, traumatiques ou parasitaires de la peau.
Mais Bazin, de son côté, repoussait cette réhabilitation.
Il écrivait dès 1860 dans le premier chapitre de ses Leçons
théoriques et cliniques sur les affections cutanées arthri-
tiques et dartreuses, que les dartres ne forment pas un
groupe naturel et qu'elles ne se montrent pas sous l'in-
fluence d'une même cause, la diathèse dartreuse. Le groupe
des affections dartreuses des auteurs est, disait-il, un
assemblage incohérent d'affections cutanées qui diffèrent et
par la forme et par la nature. « Il n'existe pas une famille
naturelle d'affections cutanées que l'on puisse appeler
dartres. Celles-ci se rattachent à trois principes, à trois
maladies constitutionnelles et forment trois groupes diffé-
rents et par les caractères objectifs des affections qui les
composent et par le traitement qu'ils réclament. Nous
avons appelé l'un de ces groupes scrofuhdes bénignes;
nous proposons de nommer les deux autres arthritides
et herpétides. S'il fallait absolument donner la définition
de l'expression dartres, qu'il est préférable de ne pas em-
ployer dans l'état actuel de la science, je dirais : Les
dartres sont des affections cutanées, non contagieuses,
pyrétiques ou apyrétiques, récidivant avec opiniâtreté,
survenant sous l'influence de trois maladies constitution-
nelles, l'arthritis, la dartre et la scrofule. »
Une semblable définition manquerait de clarté si l'on
n'ajoutait que dans l'esprit de Bazin la dartre n'existait
pas en tant qu'affection cutanée distincte, mais constituait
un état constitutionnel, une diathèse, en un mot, qu'il tra-
duisait par l'expression d'herpétis, laquelle ne correspond
pas complètement à notre mot herpétisme d'aujourd'hui,
car le savant médecin de l'hôpital Saint-Louis poussait à
ses extrêmes hmites le soin de la classification et nous
avons, à notre époque, singulièrement rétréci le champ de
la première diathèse pour attribuer à l'arthritisme une
partie de ses manifestations.
Quoi qu'il en soit, le mot dartre, à présent banni de la
terminologie cutanée, n'est pas encore à la veille de dispa-
raître du langage vulgaire, pas plus que les expressions de
vice dartreux, dartres laiteuses, etc. En dehors de la con-
sécration donnée à certaines expressions par l'ignorance
et, je dirai volontiers, l'accoutumance des foules, il existe
pour quelques-unes d'entre elles une sorte de situation
privilégiée. Dans beaucoup de milieux on accorde au mot
dartre une signification bienfaisante. On aime mieux dire
dartre qu'eczéma par exemple, parce qu'on attache à la
première des deux dénominations un sens de superficialité
qu'on n'oserait espérer pour la seconde. On dit aussi sou-
vent dartre pour tricophytie, alors que Ton n'ignore pas
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIÎI.
la différence de gravité qui existe au point de vue de
l'hygiène sociale entre l'herpès circiné des surfaces glabres
et celui des régions pileuses. Il n'est pas enfin, jusques et
y compris le fameux « lait répandu », d'expression plus
souvent usitée par des malades pour interpréter une foule
d'altérations de la santé dont la cause première leur
échappe et, disons-le également, par un certain nombre de
médecins heureux, à bon droit, de se soustraire à des questions
inutiles par l'usage d'un mot qui, pour ne rien signifier de
précis, soulage et contente fréquemment son client. Les mots
dartre et dartreux peuvent et doivent être à toujours rayés
du vocabulaire de la dermatologie ; ils n'en parcourront pas
moins dans le langage extra-médical une interminable car-
rière (V. Eczéma, Pityriasis, Psoriasis, Lupus, Tricophytie,
et surtout Herpétisme et Herpétides). Henri Fournier.
DARTRIER (Bot.) (V. Casse).
DARU (Pierre-Antoine- Noël-Bruno, comte), homme
d'Etat et littérateur français, né à Montpellier le 12 janv.
1767, mort près de Meulan le o sept. 1829. Fils d'un se-
crétaire de l'intendance du Languedoc, il fit chez les ora-
toriens des études brillantes, qui développèrent en lui le
goût de la poésie, de Téloquence académique et de l'his-
toire, entra dans l'armée, comme sous-lieutenant, dès
l'âge de seize ans (1783) et fut pourvu peu après d'un
emploi de commissaire des guerres, qu'il exerçait en
1789. Il adopta les principes de la Révolution, servit
comme commissaire-ordonnateur sur les côtes de Bretagne
en 1793, subit, pendant la Terreur, une incarcération de
dix mois, qu'il s'efforça d'égayer en traduisant Horace et
en écrivant son Epître à mon sans-culotte et, redevenu
libre après le 9 thermidor, fut nommé en l'an IV chef de
division au ministère de la guerre, d'où il sortit à la suite
du coup d'Etat du 18 fructidor (sept. 1797). Nous le
retrouvons en l'an VII (1799), commissaire-ordonnateur en
chef à l'armée du Rhin, où il rendit de grands services.
Bonaparte, frappé de ses qualités administratives, le rap-
pela, fort peu après le 18 brumaire, au ministère de la
guerre, à titre de secrétaire général, l'emmena comme ins-
pecteur aux revues en Italie et, le lendemain de Marengo,
le chargea, ainsi que Berthier et Dejean, d'assurer l'exé-
cution de la convention qn'il venait de conclure avec le
général autrichien Mêlas (juin 1800).
Rentré en France, Daru, sans négliger des occupations
littéraires qui semblaient être pour lui un besoin (c'est
vers cette époque qu'il publia, par exemple, son Epître à
Delille et sa Cléopédie ou Théorie des réputations en
littérature)^ travailla, sous la direction du premier consul,
à la réorganisation de l'armée. Devenu membre du Tribu-
nat en 1802, il prit assez fréquemment la parole dans cette
assemblée où, en dehors des discussions militaires où sa
compétence toute spéciale bidonnait une autorité particu-
lière, il soutint vivement la cause de l'instruction publique,
alors trop négligée, et eut occasion de défendre contre Car-
rion-Nisas les principes de Jean- Jacques Rousseau. Il n'en
était pas moins tout dévoué au nouveau régime politique
que venait d'accepter la France. Aussi se ralîia-t-ilà l'Em-
pire (1804) avec un empressement et un enthousiasme
peut-être excessifs. Napoléon, qui l'avait en haute estime,
ne manqua pas d'utiliser dans ses grandes guerres sa
rare puissance de travail. Après l'avoir nommé conseiller
d'Etat, puis intendant général de sa maison militaire, il
l'employa, pendant la campagne de 1805, comme inten-
dant général de la grande armée et des pays conquis. Daru
servit au même titre dans les campagnes de Prusse (1806-
1807) et d'Autriche (1809) et seconda, par une rigueur
fiscale qui lui valut bien des haines en Allemagne, les
intentions de l'empereur à l'égard des cours de Berlin et
de Vienne.
Nommé ministre secrétaire d'Etat en 1811, il eut à
préparer les immenses approvisionnements nécessaires à la
grande armée pour la campagne de 1812 et s'acquitta de
cette tâche avec son zèle et son habileté accoutumés. Il
suivit en Russie Napoléon, qu'il chercha vainement à arrê-
60
bARÎJ
— 94ë —
ter à Smolensk, fut chargé de l'intendance générale de
Farmée par suite de la maladie du général Mathieu Dumas
et remplit le moins mal possible cet emploi écrasant et
ingrat pendant la retraite qui suivit le désastre de Mos-
cou. En 4843, il devint ministre de l'administration de
l'armée, fit de son mieux l'année suivante pour empêcher
le départ de Paris de Marie-Louise, qu'il suivit, à regret,
jusqu'à Blois, et se rallia — tardivement — aux Bour-
bons après la chute de l'Empire, Louis XVIII, qui l'avait
en suspicion, ne lui donna d'autres titres que ceux d'in-
tendant général honoraire et de chevalier de Saint-Louis.
Daru applaudit au retour de Napoléon après le "10 mars
4845, rentra au conseil d'Etat et prit une part active aux
travaux de ce corps pendant les Cent-Jours. Aussi fut-il
quelque peu malmené après Waterloo. Blûcher, en repré-
saille des exactions qu'il lui reprochait d'avoir commises en
Prusse, fit séquestrer pendant quelques jours le domaine
qu'il possédait près de Meulan. Louis XVIII, remonté sur
le trône, l'exila de Paris. Le comte Daru profita de sa
disgrâce pour composer différents travaux académiques et
surtout pour préparer cette Histoire de la République de
Venise qu'il publia en J819 et qui, malgré ses imperfec-
tions, lui assigne encore an rang estimable parmi les his-
toriens français. Une évolution semi-libérale du gouverne-
ment français lui permit bientôt de reparaître sur la scène
poUtique. L'ordonnance du 5 mars 4849 lui ouvrit les
portes de la Chambre des pairs. Dans cette assemblée, où
il fit constamment partie de l'opposition constitutionnelle, il
prit une part importante aux discussions de finances et
d'administration militaire, détendit en 48^20 le droit de
pétition et la liberté individuelle, combattit à diverses
reprises la censure, s'eiïoread'empôchcr en 4823 la guerre
d'Espagne, parla contre la loi d'indemnité eu 4825, contre
le projet relatif au droit d'aînesse en 4826 et l'année sui-
vante contre les atteintes dont était menacée la liberté de
la presse.
Il mourut d'apoplexie le 5 sept. 4829. Il était comte de
l'Empire. Les hoimeurs académiques ne lui avaient pas plus
manqué que les dignités politiques. Il était entré en 4805
à l'Institut en remplacement de Colin d'IIarleville et, main-
tenu à l'Académie française en 4846, était devenu direc-
teur de ce grand corps en 1849. Son activité littéraire,
très grande dès sa jeunesse, ne s'était jamais ralentie. On
en peut juger par l'indication chronologique, que nous
croyons devoir donner ci-après, de sqs principaux onvrages :
traduction de V Orateur de Cicéron (Paris, 4787) ; tra-
duction en vers des OEuvres d'Horace (Paris, 4798,
2 vol. in-8) ; la Cléopédie ou ta Théorie des réputa-
tions littéraires, suivie du poème des Alpes et de
VEpîtreà mon sans-culotte (Paris, 4800, in-8); Epît^^e
àJ. Delille (Paris, 4804, in-8) ; Histoire de la Répu-
blique de Venise (Paris, 4849, 7 vol. in-8); Discours
sur le projet de loi relatif aux élections (Paris, 4820,
in-8) ; Discours sur la liberté de la presse (Paris, 4822,
in~8) ; Eloge de Sully (Paris, 4822, in-8) ; Discours
sur le projet d'adresse a présenter au roi (Paris, 4823,
in-8) ; Epitre à M. le duc de La Rochefoucauld sur les
progrès de la civilisation (Paris, 4824); Discours en
vers sur les facultés de r homme (Paris, 4825, in-8) ;
Discours prononcé aux funérailles de M. Bigot de
Préameneu (Paris, 1825, in-8) ; Discours sur le prix
de vertu, prononcé dans la séance publique de l'Académie
française du 25 avril 4825 (Paris, 4825, în-8); Histoire
de Bretagne (Paris, 4826, 3 vol. in-8); V Astronomie ,
poème didactique en six chants (Paris, 4820, in-8), etc.
A. Debjdoub.
DARU (Martial-Noël-Pierre, baron), frère du précédent,
né à Montpellier le 2 juil. 4774, mortàParisle48 juil. 4827.
Entré au service en 4789, il devint en 4793 commissaire
des guerres, fut, peu après le 4 8 brumaire, nommé sous-
inspecteur aux revues par le premier consul qui, ayant
pris en haute estime ses talents administratifs, i'éleva en
l'an Xin au rang d'inspecteur de la cavalerie et de l'ar-
tillerie et l'employa à la confection du code militaire ordonné
par le décret du 4^^^ germinal de la même année. Daru se
distingua dans la gestion des pays conquis pendant les
campagnes de 4806-4807 et de 4809, fut nommé en 4814
intendant de la couronne à Rome, où sa douceur le rendit
presque populaire, devint baron de l'Empire et, après la
chute de Napoléon, obtint le grade de chevaher de Saint-
Louis (déc. 4844) et la place d'inspecteur aux revues de
la 4^^ division militaire (janv. 4845), qui lui fut enlevée
en 4846. Il passa ses dernières années dans la vie privée
et écrivit une Histoire de Rome pendant l'occupation
française (4809-4814), ouvrage important, paraît-il, qui
n'a pas encore été pubhé. A. Debidour.
DARU (Napoléon, comte), homme d'Etat français, né à
Paris le 44 juin 4807. Fils du comte Daru, intondant
général de la grande armée (V. plus haut), il eut pour
parrain l'empereur Napoléon P^ et pour marraine l'impé-
ratrice Joséphine. Admis à l'Ecole polytechnique en \ 825,
il entra dans l'artillerie comme heutenant en second (4827),
devint capitaine en 4836 et donna sa démission en 4847
sans avoir dépassé ce grade. Dès 4832, il était devenu,
par droit héréditaire, pair de France ; il prit à ce titre une
part assez importante aux débats parlementaires du règne
de Louis-Phihppe, s'occupa surtout des travaux publics et
pubha en 4843 sur l'application de la loi du 44 juin 4842
un important traité des Chemins de fer. Bien que dévoué
à la monarehie de Juillet, il no protesta pas contre la révo-
lution du 24 février. Mais, élu représentant de la Manche
à rAssembléo constituante (4848), puis à l'Assemblée
législative (4849), il participa de toutes ses forces à la
politique réactionnaire de la rue de Poitiers, qui rendit le
coup d'Etat inévitable. Eclairé trop tard par l'événement,
il se montra résolu, le 2 décembre 4854, à défendre les
droits de l'Assemblée, dont il était un des vice-présidents.
Mais il fut arrêté, avec un grand nombre de ses collègues,
à la mairie du X^ arrondissement. Rendu à la liberté
quelques jours après, il rentra pour longtemps dans la vie
privée, repoussa les avances de Napoléon lïl, fut élu en
4860 membre de l'Académie des sciences morales et poli-
tiques et publia cinq ans après un travail intéressant sur
le Comte Beugnot.
Le réveil de la France libérale lui permit de reparaître
sur la scène parlementaire vers la fin du second Empire.
Elu député de la Manche en 4869, il tint une place impor-
tante dans le groupe des ii6, qui demanda hautement
que le gouvernement parlementaire fût rétabli. Aussi, cette
transformation une fois accomplie, fut-il appelé dans le
ministère du 2 janv. 1870, où le portefeuille des affaires
étrangères lui fut confié. Sa diplomatie ne fut pas heu-
reuse. Il ne réussit pas à contrebalancer la politique ultra-
montaine au sein du concile du Vatican. Bientôt, du reste,
il donna sa démission pour ne pas s'associer à la politique
plébiscitaire de Napoléon III et de M. Emile Ollivier. Après
la révolution du 4 septembre, le comte Daru se signala
par de violentes protestations contre les actes du gouver-
nement de la Défense nationale. Elu député, lo preniier sur
onze, parle dép. de la Manche (8 févr. 4874), il siégea
dans l'Assemblée nationale au centre droit, fut nommé pré-
sident des commissions d'enquête sur la révolution du
4 septembre, le gouvernement de la Défense nationale et
la Commune, et en dirigea les travaux et les publications
avec une partialité qui lui valut de nombreuses et vives
réclamations. Membre militant de la coalition monarchique
qui renversa Thiers le 24 mai 4873, il vota constamment
avec elle. Envoyé au Sénat par la Manche le 30 janv. 4876,
il ne changea pas d'attitude et on le vit l'année suivante
soutenir résolument la politique du 46 mai. Aussi ne fut-il
pas réélu lors du renouvellement partiel du Sénat, en
janv. 4879, et dul-il rentrer pour toujours dans la vie
privée. A. Debidour.
DARU (Paul, vicomte), homme politique français, frère
du précédent, né le 34 déc. 4840, mort le 46 avr.4877.
Elève de l'Ecole de Saint-Cyr en 4830, il servit quelque
- 947 -
BARU -- DARWIN
temps comme officier d'état-major, puis comme officier de
hussards, fut envoyé en d842, par les électeurs de Seine-
ct-Oise, à la Chambre des députés, où il siégea parmi les
conservateurs et, après la révolution du 24 février 1848,
renonça à la vie politique pour se consacrer à des entre-
prises financières ou industrielles. A. Debidour. ,
DÂRUSMONT (Frances Wright, dame) , née à Dundee le
G sept. 1795, morte à Cincinnati le 2 déc. 1852. Orphe-
line de très bonne heure, elle fut recueillie par une de ses
tantes et, dès sa première jeunesse, fit preuve de qualités
d'esprit peu ordinaires. A dix-huit ans, elle écrivait un
petit roman philosophique en faveur de Fépicurisme, A Few
Days in Athens, qui fut imprimé en 1822. Elle s'était
éprise de la libre et originale vie des citoyens des Etats-
Unis et, dès 1818, elle passa en Amérique où elle séjourna
deux ans et d'où elle écrivit une série de lettres curieuses
pubHées en 1 821 sous le titre de Views of Society and
manners in America, Elle fit jouer à New-York une tra-
gédie, Altorf(iSi9), qui respire le plus bel enthousiasme
pour la liberté. Elle vint ensuite à Paris (1821-1824) où
elle s'empressa de se lier avec La Fayette et divers autres
libéraux de marque. En 1824, elle revenait aux Etats-Unis
avec l'intention généreuse de trancher à elle seule la ques-
tion de l'esclavage. Elle acheta des terres dans l'Etat de
Tennessee, y installa des noirs, espérant fermement qu'ils
gagneraient leur liberté par le travail, que les propriétaires
ses voisins suivraient son exemple, que le mouvement
s'étendrait de proche en proche, et qu'on abolirait ainsi
l'esclavage, sans difficulté et en un temps assez court.
C'était une grande illusion. Les noirs n'étant plus surveillés
ni menacés, se livrèrent aux douceurs de l'oisiveté, et
l'entreprise périclita. Frances Wright, fort malade, après un
court séjour en Europe, s'établit dans l'Indiana, où elle
dirigea un journal socialiste. En 1829, elle entreprit à travers
les principales villes des Etats-Unis une série de confé--
rences sur la religion, l'esclavage, le vote des femmes, qui
firent sensation dans le monde entier. Elle avait épousé en
1838 M. Phiquepal Darusmont, dont elle fut obligée de se
séparer vers 1845. - R. S.
BiBL. : Biography of Frances Darusmont^ dans Dundee
Northern Star de 1814. — Aiiios Gilbert, Life of M^ Da-
rusmont; Cincinnati, 1855.
DARUVAR. Ville de l'empire d'Autriche, chef-lieu d'ar-
rondissement de la joupamic de Pozéga (Croatie). Sa popu-
lation dépasse 9,000 hab. Elle possède des eaux thermales
(47^ C.) qui étaient déjà connues des Romains sous le
nom de Ihermoe Jasorum,
DÂRVOIS. Gom. du dép, du Loiret, arr. d'Orléans,
cant. de Jargeau ; 766 hab .
DARWEN. Ville d'Angleterre, comté de Lancastre, à
5 kil. S. de Blackburn; 30,000 hab. Fabriques de tapis,
papeteries; grande filature de coton.
DARWIN (Erasme), médecin et poète anglais, né à Elton
Hall, dans le comté de Nottingham, le 12 déc. 1731, mort
à Derby le 18 avr. 1802.11 fit ses études au Saint John's
collège de Cambridge, puis à Edimbourg, où il fut reçu
médecin. En 1756, il se fixa à Litchfield où la guérison
inespérée d'un honnne riche lui procura la vogue! Un an
après, il se maria avec la fille d'un habitant de la ville. Il
en euttroisfilsdontl'aùié, Charles, et le plus jeune, Robert,
se firent médecins. Ce dernier est le père de l'illustre na-
turahste Charles Darwin. Doué d'un goût très vif pour la
poésie, Erasme Darwin n'attacha pas son nom à ses pre-
miers ouvrages, de crainte que les succès du poète ne nui-
sissent à la clientèle du médecin. Le premier poème qu'il
signa fut le Botanic Garden. Bien que doué d'une cons-
titution athlétique, Darwin vécut avec une extrême tempé-
rance et exerça une grande influence sur les ouvriers de
Litchfield, qui, avant son arrivée, consommaient une grande
quantité de liqueurs fortes. En même temps son manque
de piété, ses vœux en faveur du triomphe de la Révolution
française et de l'indépendance des Etats-Unis, le faisaient
voir d'un mauvais œil par le dévot et tory Samuel Johnson,
son voisin. Darwin était en relations avec les principaux
savants de son pays : Matthew, Wedgwood, Watt, etc. Il
avait des aptitudes variées : poète, philosophe, mécanicien,,
naturaliste, etc. Il imagina une nouvelle lampe, un système
de pompes et d'écluses, une tète quiâisâit papa et maman,
un modèle de voiture destiné à alléger la charge du cheval,
mais dont le résultat le plus clair lut de lui faire faire une,
chute dont il resta boiteux, etc. Ayant perdu sa femme,
il se remaria en 1781 avec la veuve du colonel, Pôle, dont
il eut six enfants. Il mourut âgé de soixante et onze ans.
; Ses principaux ouvrages sont : son grand poème le Jardin,
botanique et la Zoonomie. Le Jardin botanique est divisé
en deux parties : l'Economie des végétaux et les Amours
des plantes. Le style en est brillant et fit école en Angle-
terre pendant quelques années. Mais c'est surtout dans son
. ouvrage Zoonomia or laws of organic life que se ma-
nifeste son originalité. L'ouvrage parut en 1793-96, (2 vol.
in-4). On y retrouve le germe d'un grand nombre d'idées
que devait reprendre son petit-fils sur l'hérédité, l'adap-
tation, les organes de protection des animaux et des
plantes, les plantes insectivores, l'analyse des émotions, etc.
Un travail de Krause (Kosmos, 1879) fait ressortir ces
analogies; il en a paru une traduction anglaise précédée
d'une biographie d'Erasme par Charles Darwin (Londres,
1880). D. B.
DARWIN (Charles-Robert), naturaliste anglais, né à
Shrewsbury le 12 févr. 1809, mort à Down le 19 avr.
1882. Il était le second fils du médecin Robert Darwin
et petit-fils du précédent. Charles Darwin fit ses premières,
études à l'école de Shrew^sbury. « On me considérait
alors, a-t-il dit lui-même dans la très curieuse autobio-
graphie qu'il rédigea pour ses enfants, comme un garçon
fort ordinaire, plutôt au-dessous de la moyenne. A ma
grande mortification, mon père me dit un jour : Vous,
ne vous souciez que de la chasse, des chiens et de la
chasse aux rats et vous serez une honte pour votre,
famille et pour vous-même. » Pourtant il s'exerçait en
compagnie de son frère Erasme à faire de la chimie, ce
qui lui valut une réprimande du maître d'école, le blâmant
de perdre son temps à des sujets inutiles. En 1825, on-
l'envoya à Edimbourg avec son frère pour y étudier la
médecine, mais il n'y travailla guère, s'étant aperçu à divers
signes, dit-il, que son père lui laisserait une fortune suffi-,
santé pour vivre sans avoir besoin de se livrer à l'exercice;
de la médecine. Les cours l'ennuyaient beaucoup et les
visites à l'hôpital lui inspiraient une véritable horreur. Il;
y assista à deux opérations graves dont une sur un enfant,
, et s'enfuit avant la fin. Rien ne put le décider à y retour-
ner. C'était avant l'emploi du chloroforme. Quant aux
cours de géologie, il les jugeait incroyablement ennuyeux::
« Le seul cliet qu'ils produisirent sur moi fut que je pris la;
détermination de ne jamais lire aucun livre de géologie. »
Aussi au bout de deux ans son père le retira-t-il de l'uni- -
versité d'Edimbourg et, renonçant à en faire un médecin,
songea à en faire un clergyman. Dans ce but, il l'envoya,
en 1828 faire ses humanités à Cambridge. Il n'y travailla,
guère. La chasse, les courses, les dîners, les cartes firent,
le fond de ses occupations. « Je devrais, dit-il, être hon-
teux de l'emploi de ces jours et de ces soirs, mais nous
étions tous de si joyeuse humeur que je ne puis songer à >
ce temps autrement qu'avec un vit plaisir. » Il était un ^
des principaux membres du Club des Gourmets qui s'était ;
donné pour programme de faire des recherches expéri- -,
mentales sur les mets non encore essayés, mais le zèle du .
club faiblit après une expérience sur un vieux hibou brun
« qui fut indescriptible », dit l'un des convives» A cette .
époque, Darwin passait aussi une grande partie de son,,
temps à collectionner des insectes. C'est à ce moment .
, qu'il se lia avec le botaniste Henslow, qui lui proposa,
en 1831, d'accompagner en qualité de naturaliste non ré-
munéré le capitaine Fitz-Roy chargé d'une expédition
hydrographique à la Terre de Feu. Son père hésita beau-
coup avant de l'autoriser à accepter ; il s'y décida pour-
DARWIN
948
tant sur les instances de son oncle Wedgwood. Le Bea^le
sur lequel Darwin allait s'embarquer était un petit vais-
seau de 242 tonnes classé dans la catégorie dite des cer-
cueils à cause de la fâcheuse habitude de ce genre de na-
vires de couler par le mauvais temps. Le départ eut lieu en
décembre 1831 , le retour à la fin de 1836. « Le voyage
du Beagle^ dit Darwin , a été de beaucoup révènement le
plus important de ma vie et a déterminé ma carrière en-
tière. Il a pourtant dépendu de deux petites circonstances
insignifiantes, telles que l'offre de mon oncle de me con-
duire en voiture à Shrewsbury à trente milles de distance,
et la forme de mon nez. » Fitz-Roy, en effet, disciple de
Lavater, pensait pouvoir juger le caractère d'un homme par
la forme de ses traits et il avait jugé en voyant Darwin
qu'un homme ayant un nez comme le sien ne pouvait pos-
séder une énergie suffisante pour un pareil voyage, « mais
je pense que dans la suite il eut la conviction que mon nez
l'avait induit en erreur ». Le voyage fut très pénible pour
Darwin. Il était très étroitement logé ; sensible à l'excès
au mal de mer, il se vit de plus atteint à Valparaiso d'une
maladie qui le tint six semaines au lit et le fit souffrir pen-
dant toute sa vie.
Ce fut durant cette période que son goût pour la science
et l'observation prit peu à peu le dessus sur ses autres
penchants. « Pendant les deux premières années, dit-il, ma
vieille passion pour la chasse existait presque aussi forte
que par le passé, mais peu à peu j'abandonnai mon fusil à
mon domestique, car la chasse troublait mes travaux. Je
découvris insensiblement que le plaisir d'observer et de
raisonner était beaucoup plus vif que celui des tours
d'adresses et du sport. Je me souviens d'avoir pensé, étant
dans la baie du Bon-Succès à la Terre de Feu, que je ne
pouvais mieux employer ma vie qu'en ajoutant quelque
chose aux sciences naturelles. Je l'ai fait aussi bien que
mes facultés me l'ont permis. » A son retour en Angle-
terre, en 1836, en effet, il avait abandonné l'idée de se faire
clergyman et était décidé à consacrer son existence à la
science. Il s'établit à Londres pour classer et étudier ses
collections et ses notes. Il obtint du gouvernement
25,000 fr. pour la publication des résultats scientifiques
de son expédition. Il les consigna dans son Voyage d\m
naturaliste ; la première édition en fut publiée dans une
collection rédigée avec le concours d'Owen et d'autres na-
turalistes sous le nom de la Zoologie du voyage du
Beagle (Londres, 1840-1843 5 parties), et que les spécia-
listes furent seuls à lire ; la seconde édition, pubhée sépa-
rément, eut un certain succès auprès du public. Darwin se
lia beaucoup à cette époque avec le géologue Lyell qui
venait de publier ses célèbres Principles of Geology, et
accepta de 1838 à 1841 les fonctions de secrétaire de la
Société géologique. En 1839, Darwin épousa sa cousine,
Emma Wedgwood, et se fixa avec elle à Londres ; mais sa
santé s'accommodant mal de la vie de la grande ville et
sa femme ne s'y plaisant guère, après trois ans et demi
de séjour, il acheta une propriété à Down , à une heure
de chemin de fer de Londres. C'est là qu'il allait passer le
reste de sa vie dans le silence et la verdure. Au début, il
allait à Londres une ou deux fois par mois, mais ses
visites se firent de plus en plus rares à mesure qu'il avança
en âge. Son fils Francis nous a laissé des souvenirs fort
curieux sur son genre d'existence. Il se levait de bonne
heure et, après avoir fait une courte promenade, lisait son
courrier, et travaillait durant la matinée. Pendant l'après-
midi il visitait ses serres, ses champs d'expériences ou se
promenait dans la campagne en observant les oiseaux, les
bêtes et les fleurs. Parfois son immobilité était telle que les
jeunes écureuils lui grimpaient sur les jambes. Il rentrait
ensuite goûter, lisait son journal et répondait à toutes les
lettres sans exception qu'il avait reçues. Vers trois heures,
il s'étendait sur un divan et fumait des cigarettes en écou-
tant la lecture des romans. « Jusqu'à l'âge de trente ans,
dit-il, la poésie me procurait un vif plaisir ; Shakespeare
fit mes délices lorsque j'étais écolier. Maintenant, je ne
puis plus lire un vers ; j'ai essayé dernièrement de lire
Shakespeare et il m'a paru d'un ennui intolérable. » En re-
vanche, il aimait les romans, même les moins remarquables.
« Je bénis souvent tous les romanciers, j'aime tous les
romans , surtout s'ils finissent bien ; il faut qu'un roman
contienne quelque personnage qu'on puisse aimer et si ce
personnage est une jolie femme tout est pour le mieux. »
Sa vie tout entière s'écoula ainsi paisible et réglée dans
sa modeste retraite de Down sans autres soucis que ceux
qui provenaient de sa mauvaise santé et de son absence de
sommeil. Il poursuivait avec une patience infinie ses obser-
vations et ses réflexions journalières, et c'est grâce à ce
labeur ininterrompu que malgré des scrupules excessifs,
malgré une défiance extrême à l'égard de ses propres idées,
il a laissé une des œuvres les plus considérables qui soient
dues à un naturaliste. Il était, comme il le raconte lui-
même avec une naïveté charmante, d'un esprit lent ; il ne
saisissait rien vivement ; son premier mouvement était tou-
jours d'admirer. Il confesse ingénument Tétonnement que
lui inspirait son ami le zoologiste Huxley dont la verve
brillante contrastait avec sa propre lenteur. Il était mala-
droit de ses mouvements et disséquait fort mal ; quand il
avait réussi à mener à bien une dissection fine, il restait
« muet d'admiration ». Il se servait en général des instru-
ments les plus simples ; il avait une foi implicite en ses
outils et était tout étonné en découvrant un jour que ses
deux micromètres différaient sensiblement. Il jugeait avec
bienveillance les travaux des autres ; le bruit et la réclame
lui faisaient horreur.
En 1842, il publia son ouvrage sur les Récifs de
corail. La théorie très ingénieuse qu'il proposait a été
admise par les géologues jusque dans ces dernières années,
mais elle est aujourd'hui très ébranlée (V. Atoll). Il publia
ensuite une étude sur les cirripèdes vivants et fossiles. Ce
travail lui prit huit ans et l'ennuya beaucoup par son ari-
dité : il se demanda souvent si le sujet valait la peine qu'il
se donnait. Durant toute cette période, il réfléchissait sans
cesse aux idées qu'il devait développer dans son mémorable
ouvrage sur V Origine des espèces.
Il approfondit son sujet durant plus de vingt ans avant
de rien publier ; rien de plus curieux que de suivre dans
ses lettres, ses notes, son journal intime le lent travail
d'élaboration au moyen duquel il amena ses vues à leur
forme définitive. « Dans l'Amérique du Sud, dit-il, trois
classes de phénomènes firent sur moi une vive impression :
d'abord, la manière dont les espèces très voisines se succè-
dent et se remplacent à mesure qu^on va du N. au S.; en
second lieu, la proche parenté des espèces qui habitent les
îles du littoral et de celles qui sont propres au continent ;
enfin, les rapports étroits qui lient les mammifères édentés
et les rongeurs contemporains aux espèces éteintes des
mêmes familles. Je n'oublierai jamais la surprise que
j'éprouvai en déterrant un débris de tatou gigantesque sem-
blable à un tatou vivant. En réfléchissant sur ces faits, il
me parut vraisemblable que les espèces voisines pouvaient
dériver d'une même souche, mais durant plusieurs années
je ne pus comprendre comment chaque forme se trouvait
si bien adaptée à des conditions particulières d'existence.
J'entrepris alors d'étudier systématiquement les animaux et
les plantes domestiques et je vis nettement que l'influence
modificatrice la plus importante réside dans la sélection des
races par l'homme qui utilise pour la reproduction des indi-
vidus choisis. Mes études sur les mœurs des animaux
m'avaient préparé à me faire une idée juste de la lutte pour
l'existence et mes travaux géologiques m'avaient donné une
idée de l'énorme longueur des temps écoulés. Un heureux
hasard me fit alors lire l'ouvrage de Malthus sur la popu-
lation et l'idée de la sélection naturelle me vint à l'esprit.
De tous les points de ce vaste sujet, l'importance et la
cause du principe de divergence me furent les derniers
connus. » Dans les notes qu'il a rédigées de juil. 1837 à
févr. 1838, on suit tous les progrès de la pensée de Darwin.
En 1842, puis en 1844, il condensa ses vues en deux
949
DARWIN
mémoires, Tun de 35 pages, l'autre de 231. Dans un tes-
tament rédigé à cette époque, il recommandait à sa femme,
au cas oti il viendrait à mourir, de faire publier cet essai
par les soins d'une personne compétente telle que Lyell,
Hooker, Forbes ou Henslow. Jusqu'en 4856, il se livre à
de nombreuses expériences sur le sujet qui lui tient à cœur.
Sa correspondance avec Hooker contient des considérations
variées sur la répartition géographique des animaux et des
végétaux, sur les causes que peuvejit expliquer la présence
d'espèces différentes en des régions séparées par la mer,
sur la lutte des plantes entre elles. En d856, Lyell lui per-
suada de développer dans un grand ouvrage ses idées de
4844, en les appuyant de tous les faits qu'il avait accu-
mulés. Le travail avançait lentement, ce qui désolait
Darwin : « Je suis, écrivait-il, le chien le plus misérable,
le plus embourbé, le plus stupide de toute la Grande-Bre-
tagne et je suis prêt à pleurer d'ennui sur mon aveuglement
et ma présomption. » Mais en 4858 un événement inat-
tendu obligea Darwin à se hâter. Un de ses compatriotes,
Alfred-Russell Wallace, qui avait étudié durant des années
l'archipel de la Sonde, lui envoya un mémoire sur la Jen-
clame des variétés à s'écarter indéfiniment du type ori-
ginel, qui contenait une théorie presque identique à celle de
Darwin. Celui-ci se trouva fort embarrassé : « Je serais heu-
reux, écrivait-il à Lyell, de publier maintenant une esquisse
de mes vues générales, mais je me demande si je puis le faire
honorablement. Je n'avais pas l'intention de publier une
esquisse ; est-il honnête de m'y décider, parce que je sais
d'une manière privée que Wallace est dans la même voie
que moi ? » Sur les conseils de Lyell et de Hooker, il prit
le parti de rédiger un résumé de ses idées et de le commu-
niquer en même temps que le travail de Wallace à la
séance de la Société linnéenne du 4^'^juil. 4858. En même
temps il changea son plan de travail et au lieu de rédiger
comme il le projetait, une œuvre en quatre volumes, il en
fit un résumé. Ce résumé est son livre sur V Origine des
espèces; il parut en nov. 4859. Le succès en fut immé-
diat. La première édition, tirée à douze cent cinquante exem-
plaires, fut enlevée le premier jour et l'éditeur, Murray,
en tira aussitôt une seconde à trois mille. Plusieurs savants
anglais et étrangers, et non des moins éminents, Lyell,
Hooker, Gray, Huxley, se rallièrent à la nouvelle théorie.
D'autres savants, tels que le naturaliste américain Agassiz
et le physiologiste français Flourens se prononcèrent contre
la doctrine. Mais, il faut le dire, les partisans les plus
enthousiastes comme les détracteurs les plus acharnés de
l'œuvre de Darwin se recrutèrent parmi les gens les moins
en état de juger de la valeur de son œuvre. Le hasard
voulut que ce fussent les passions religieuses et sociales
qui fondassent la gloire du plus modeste et du moins
bruyant des penseurs contemporains. Bien que Darwin, sans
doute par crainte d'augmenter une opposition déjà très
violente, n'eût pas formulé en détail explicitement la con-
séquence capitale de sa théorie, la descendance animale de
l'homme, celle-ci apparaissait si clairement que tout Tefliort
de son adversaire s'y porta aussitôt. On mit, fort mala-
droitement d'ailleurs, la question sur le terrain religieux ;
on prétendit que la Bible, en nous laissant le récit del'arche
de Noé, avait par là même tranché la question. Le clergé
tout entier fulmina contre Darwin. L'évêque d'Oxford,
Wilberforce, profita de la réunion de l'Association britan-
nique pour diriger contre Darwin une attaque violente. Il se
laissa aller à demander à Huxley si c'était par son grand-
père ou par sa grand-mère qu'il se rattachait au singe. A
quoi celui-ci répliqua aussitôt qu'il préférait avoir pour
aïeul un singe qu'un ignorant qui se mêlait de traiter des
questions auxquelles il n'entendait rien. Par un contre-
coup inévitable, tous les adversaires de la religion se ral-
lièrent avec enthousiasme à la théorie darwinienne et en
firent la prodigieuse popularité. Il faut d'ailleurs reconnaître
que cette théorie, en expliquant par le mécanisme ingénieux
de la sélection naturelle les phénomènes en apparence si
merveilleux de l'adaptation, portait un coup mortel à
l'argument favori de toutes les religions, celui des causes
finales démontrant l'existence d'un Dieu intelligent. En
même temps, les adeptes du socialisme, si ardents dans la
seconde moitié du xi»^ siècle, prirent comme un mot
d'ordre nouveau les formules du naturaliste anglais. Cette
brève et saisissante formule : « la lutte pour l'existence »,
où Darwin avait vu simplement la clef de la transformation
des formes animales, devint pour beaucoup une loi auto-
nome susceptible d'applications directes à la sociologie. On
prétendit faire de l'œuvre de Darwin l'Evangile des généra-
tions nouvelles. Les partisans intempérants de la doctrine,
tels que le naturaliste allemand Hœckel, dans la ferveur de
leur enthousiasme, allèrent jusqu'à déclarer qu'elle était
mieux établie que celle de la gravitation universelle et qu'il
ne restait plus qu'à l'enseigner dans les écoles primaires
en guise de catéchisme, après la lecture et récriture. Ce
sont là des illusions qu'il n'est plus permis de partager
aujourd'hui. Trente ans ont passé sur l'œuvre de Darwin
et en ont montré les lacunes et les imperfections. Il n'est
plus guère de naturaliste qui s'imagine y trouver une solu-
tion définitive du problème de l'origine des espèces. Une
école nouvelle, à laquelle se rattachent actuellement la
plupart des zoologistes américains, et qui s'intitule néo-
lamarckienne, a même abandonné l'hypothèse darwinienne
de la concurrence vitale et de la sélection naturelle pour
reprendre les idées de Lamarck sur l'influence prépondé-
rante du milieu et les soumettre au contrôle de l'expé-
rience. Au reste, quel que soit le sort que l'avenir réserve
aux idées de Darwin, il est certain que son œuvre eut un
retentissement immense, non seulement dans le domaine de
la biologie, mais encore dans toutes les branches de la
science, et qu'elle fut le signal d'un mouvement dont on
trouverait peu d'exemples dans l'histoire de la pensée
humaine.
Après avoir publié son Origine des espèces, Darwin se
remit au grand travail qu'il était en train de rédiger quand
il avait reçu le mémoire de Wallace. En 4860, il com-
mença son livre sur les Variations des animaux et des
plantes à l'état domestique dans lequel il montre le
parti que l'homme a tiré de la sélection artificielle pour la
création de variétés nouvelles. L'ouvrage ne fut publié qu'en
4868. En 4874 parut la Descendance animale de
Vhomme et la sélection sexuelle. Cet ouvrage fut
accueilli avec une bien moindre violence que V Origine des
espèces. Durant cette même période, parurent successive-
ment: la Fécondation des Orchidées par les insectes
(4862) ; V Expression des émotions chez Vhomme et
les animaux (4872) ; les Mouvements et les habitudes
des plantes grimpantes (4875) ; les Plantes carnivores
(4875) ; les Effets de la fécondation directe et de la
fécondation croisée dans le règne végétal (4877) ; la
Faculté du mouvement chez les plantes (4880); le
Rôle des vers de terre dans la formation de la terre
végétale (4884), etc. Ces divers ouvrages, fruits d'obser-
vations aussi patientes qu'ingénieuses, peuvent la plupart
être cités comme des modèles, et, bien qu'ils n'aient
pas excité les passions contemporaines comme la célèbre
théorie à laquelle est resté attaché le nom de Darwin, ce
ne sont pas ceux qui lui font le moins d'honneur au point
de vue purement scientifique. Tous ces livres ont été tra-
duits en français ainsi que dans les principales langues de
l'Europe. Les honneurs vinrent peu à peu trouver Darwin
dans sa paisible retraite. En 4868, la Société royale lui
décernait la plus haute récompense dont elle disposât, la
médaille Copley, en spécifiant toutefois qu'elle récompensait
en lui, non pas l'auteur de V Origine des espèces, mais
celui des Récifs de corail, du Voyage d'un Naturaliste,
des Recherches sur les Cirripèdes, En 4878, l'Académie
des sciences de Paris le nomma dans la section de bota-
nique ; la même année, l'académie de Berlin l'élisait et
l'année suivante celle de Turin lui décernait un prix de
42,000 francs. Darwin mourut d*une maladie de cœur.
Sur la proposition de divers membres du parlement, ses
DARWIN — DASS
-™. 950
restes furent placés à Westminster, non loin de ceux de
Newton et des rois d'Angleterre. D. Bertheloï.
BïBL. : Francis Darwin^ Vie et Correspondance de Charles
Dhrwin; traduction française par 4e Varigny, 1888, 2 vol.
in-8. Cet ouvrage est la meilleure source à consulter sur
la vie de Darv/in. Il comprend; une autobiographie de
quatre-vingts pages environ, écrite par Charles Darwin
pour ses enfants ; des souvenirs personnels de ceux-ci et
particulièrement de Francis Darwin ; enfin et surtout, des
lettres écrites par Darwin depuis Tâge de dix-neuf ans
jusqu'à sa mort et que relie un commentaire de F. Darwin.
Un appendice renferme la. liste chronologique des livres,
mémoires et articles publiés par Darwin. — On pourra con-
sulter en outre un article d'Asa Gray, dans le journal
anglais Nature du 4 juin 1874 ; un article biographique de
Krause, dans le fascicule du Kosmos de février 1879,
publié en l'honneur du 70» anniversaire de Darwin; une
étude d'Alphonse DE CANDOLLE,Daînvinconsid«7Y^ aujpoint
de vue des causes de son succès^ dans les Archives des
sciences de la Bibliothèciue wnràerse^Ze, mai 1882, et un livre
intitulé Charles Darwin, publié à Londres en 1882 et com-
prenant; Introduction ^ Tp&u HuxhBY ; Vie et caractère, par
Romanes ; Œuvres g éologio[ues^\iar Geikie ; Botanique, par
Thiselton Dyer ; Zoologie et psychologie, par Romanes.
DARWINISME (V. Descendance et Transformisme).
DARYL (Philippe) (V. Grousset [Paschal]).
DAR ZAHROUMl. Localité de Tunisie, à 42 kil. à l'E.
de Tunis, sur la route carrossable qui va à Medjez-el-Bab,
remarquable par de nombreux puits et un grand bordj
appartenant au bey.
DARZAOUA. Montagne du Rif, voisine de Ouazzan
(Maroc), dont les populations, belliqueuses et jalouses de
leur indépendance, n'ont jamais permis l'accès aux Euro-
péens.
DARZIC (Georges) ou avec l'orthographe moderne
DRZIC, poète slave. C'est le plus ancien fyrique de la lit-
térature serbo-croate. Il naquit à Raguse (Dubrovnik) dans
la seconde moitié du xv® siècle. On sait peu de choses sur
sa vie : il fut prêtre ; on conjecture qu'il moumt avant
4507. Ses poésies ont été réunies dans le deuxième volume
de la collection des anciens écrivains croates publiés par
l'académie sud-slave (Agram, 4870).— -Georges Darzic ne
doit pas être confondu avec son homonyme, le poète Maroje
Darzic, qui vivait au xvi^ siècle. Il naquit vers 4520 à
Raguse et mourut vers 4586. Il fut prêtre comme le pré-
cédent. Outre des poésies, il a laissé des œuvres drama-
tiques: le Sacrifice tV Abraham, la Naissance de Jésus;
des idylles pastorales : la Naissance de Vénus, Tirena ;
des comédies oii il met en scène les types et les mœurs des
Ragusains : il y emploie parfois un langage macaronique,
mélange de slave et d'italien. Elles étaient jouées par de
jeunes amateurs du la ville. Ses œuvres ont été réunies
dans le septième volume de la collection des anciens écri-
vains croates (Agram). L. Léger.
BiBL. : Pavic, Histoire du drame à Raguse (en croate) :
Agram, 1871. ^'
DASCHKOFF(V. Dachkov).
DASE (Johann-Martin-Zacharias), calculateur allemand,
né à Hambourg le 23 juin 4824, mort dans cette ville le
4'J sept. 4861. On lui doit une table de logarithmes na-
turels (Vienne, 4850) et le calcul de n avec 200 décimales
{Journal de Crelle, 4844). L. S.
DASH (Gabrielle-Anne CisternedeCourtiras, vicomtesse
DE Saint-Mars, connue sous le pseudonyme de comtesse),
femme de lettres française, née à Poitiers le 2 août 4804,
morte à Paris le 44 sept. 4872. Obligée de demander aux
lettres un dédommagement des revers qu'elle avait subis, elle
écrivit un très grand nombre de romans dont elle emprun-
tait le cadre ou la donnée aux mœurs et aux chroniques des
deux derniers siècles. A défaut d'une énumération qui ne
saurait trouver place ici, il suffira de rappeler les titres de
quelques-uns d'entre eux : le Jeu de la reine (4839, 2 vol.
in-8) ; M^* de La Sablière (4840, in-8) ; les Bals mas-
qués (4842, 2 vol. in-8), recueil de nouvelles (dans l'une
d'elles, intitulée un Pastel, l'auteur a reproduit, en les
attribuant à La Tour, des lettres originales de Gavarni) : le
Comte de Sombreuil (4843) ; Mikaël le Moldave (4848) •
les Amours de Bussy-Rabutin (4850) ; la Marquise
sanglante (4850) ; la Dernière Favorite (4855) ; la Belle
aux yeux d'or (4860); /û^ Duchesse d'Eponnes{iS60) ;
les Galanteries de la cour de Louis XV (4864, 5 vol.
in-8) ; les Dernières Amours de M^^^ Du Barry (4864,
in-8), avec une notice par Paul de Saint-Victor ; les Sou-
pers de la Régence (4865, in-8); la Chambre rouge
(4870, in-8), etc., etc. La plupart des romans de la com-
tesse Dash ont été réimprimés dans la collection Michel
Lévy, et, même sous cette forme réduite, leur ensemble
constitue une soixantaine de volumes. Citons à part les
Portraits contemporains (4859-4864, 2 vol. in-42),
publiés sous le pseudonyme de Jacques Reynaud, et qui
avaient d'abord paru dans le Figaro sous la même signa-
ture. M. Tx.
DASH-WHEEL (Techn.). C'est une des plus anciennes
machines à laver employées dans la teinture et l'impres-
sion des étoffes; elle date de la fin du siècle dernier et a
été inventée en Angleterre ; on l'a aussi appelée machine
de Betham. Elle a été introduite en France en 4849, par
M. Dolfus-Ausset. La machine se compose de roues
garnies à leur circonférence d'arbres pour recevoir l'im-
pulsion que lui imprime directement un cours d'eau. Chaque
roue est munie d'un débrayage pour que l'on puisse à
volonté suspendre son mouvement sans interrompre celui
des roues voisines. Avant de mettre la roue en mouvement,
on met dans un compartiment renfermant la roue une,
deux ou trois pièces de 50 m. de tissu. On fait tourner et
le lavage s'effectue ; pour les tissus fins, on a soin de les
mettre dans des sacs qui les empêchent de trop s'emmêler.
On laisse les pièces pendant quinze à vingt minutes. Ce
temps est suffisant pour la plupart des tissus. Cette machine
a subi de nombreux perfectionnements dus à Shotwell
(4807), Smith (4823), Herrypon (4839), Knight (4845),
Holdin (4856), pour arriver à l'état actuel de la roue à
laver qui opère plus rapidement et plus économiquement .
(V. Blanchiment, t. VI, p. 4026). L. K.
DASHWOOD (George -Henry), antiquaire anglais, né à
Downham Market (Norfolk) le 24 oct. 4804, mort le 9 févr.
4869. Il exerça des fonctions ecclésiastiques dans diverses
localités du comté de Norfolk. En 4844, il fut élu membre
de la Société des antiquaires de Londres et il pubha sur
l'histoire du comté de Norfolk divers mémoires insérés dans
les Proceedings de cette société et dans V Archaeologia.
On lui doit les ouvrages suivants : Vice-comités Norfolciœ,
depuis Henri II jusqu'à la reine Victoria ; Sigilla antiqua
(4^^ série en 4847; 2« série en 4862); Magnus annulas ,
sorte de calendrier contenant des notions généalogiques,
depuis 4287 jusqu'en 4847; divers mémoires d'histoire
locale dans les cinq premiers volumes du recueil intitulé
Norfolk Archaeology,
DASIPETTIS (V. Tropidonotus).
DASLE. Com. du dép. du Doubs, arr. de Montbéliard,
cant. d'Audincourt; 996 hab.
DASMIA (Paléont.). Genre d'Anthozoaires fossiles, de
l'ordre des Zoanthaires, créé par M.-Edwards et Haimes et
devenu le type de la famille des Dasmidœ, dont les carac-
tères sont : polypiers simples à loges intercloisonnaires sans
épithèques, cloisons remplacées par un groupe de trois
lamelles verticales reliées entre elles seulement par leur
bord externe qui forme une côte extérieure. Cette famille
s'étend du crétacé à l'éocène et ne renferme que le genre
Dasmia, Le type est D, Sowerbyi, de l'argile éocène de
Londres, qui est en forme de cône tronqué renversé, avec
des côtes saillantes. E. Trt.
DASS (Peder), le plus populaire des poètes norvégiens
du xvii® siècle, né à Nord-Herse, paroisse d'Alstahaug
(Nordland) en 4 647, mort en août 4708. Ayant perdu son
père dès l'âge de sept ans, il eut peine à faire ses études,
qu'il alla terminer à l'université de Copenhague, mais il
dut les interrompre au bout de deux ans, pour devenir
précepteur chez le desservant de Vefsen, dont il épousa
plus tard la belle-fille. Ordonné prêtre, il fut nommé cha-
pelain (4672) du desservant de Nesne, auquel il succéda
— 951 -
DASS — DASTRB
en 4684. Jusqu'à cette dernière date, il avait été réduit à
travailler de ses mains pour augmenter ses modestes émo-
luments (douze écus par an avec une pièce de cuir). Enfin
pourvu (4689) du pastorat d'Alstahaug, le plus vaste du
diocèse de Throndhjem, il dut se procurer des embarca-
tions pour visiter fréquemment les îles et une grande éten-
due du littoral composant sa paroisse. Il fit la pèche et le
commerce, comme la plupart de ses collègues, et gagna de
quoi acheter le domaine royal de Vefsen, qui passait pour
le plus beau de la Norvège septentrionale. Ses multiples
et périlleuses occupations et les infirmités dont il fut affligé
dans les six dernières années de sa vie, ne l'empêchèrent
pas de cultiver assidûment la poésie. On a une liste de cent
vingt-sept pièces de vers qu'il avait composées; vingt-
quatre seulement nous sont parvenues et ce n'est pas ce
qu'il y a de meilleur dans son bagage littéraire ; les épi-
thalames, les allégories sont fort médiocres ; les oraisons
funèbres et les épitaphes rimées ne valent pas mieux. Son
chef-d'œuvre est un poème descriptif plein de naïveté, de
fraîcheur et de sincère émotion auquel l'exactitude topo-
graphique n'ôte rien de son charme : la Trompette du
Nordland^ bien des fois publié (Copenhague, 473y; 8®édit.
Christiania, 4874), qui était déjà fort répandu de son vivant,
qui l'est encore chez les marins et que les lettrés lisent
toujours avec plaisir. Parmi ses poésies religieuses on
remarque : Chants bibliques (Copenhague, 47H ; 2® édit.,
Christiania, 4875); Petit Catéchisme envers (Copenhague,
4744; 24« édit., Christiana, 4875); Ruth, Esther, Judith
(Copenhague, 4723; 3« édit., Christiania, 4877). Tout ce
qui reste de ses œuvres a été réuni dans ses Samlede
Skrifter^ édités par A.-E. Eriksen avec une ample bio-
graphie (Christiania, 4874-1877,3 vol. in-8). P. Dass
s'est servi do la langue dano-norvégienne, dès lors usitée
dans les villes, en y introduisant nombre de locutions et
de tournures locales. Sa personnalité avait tellement frappé
le peuple qu'il passa longtemps pour un magicien. Beauvois.
DASSANGE (L'abbé Nérée), théologien français, né à
Ustaritz (Basses-Pyrénées) en 4801, mort à Bayonne en
4856. Aumônier des lycées Saint-Louis et Louis-lc-Grand,
chanoine honoraire de Paris, vicaire général de Mont-
pellier, professeur de littérature sacrée à la Sorbonne,
chanoine de Bayonne. Il a donné : Nouvelle Bibliothèque
des prédicateurs (Paris, 4837-4838, 45 vol. gr. in-8);
Abrégé des Vies des saints (4839, 4 vol. in-J8); Heures
nouvelles (1840, gr. in-8); Cours de littérature an-
cienne et moderne à Viisaqe du clergé (4844, 6 vol.
in-8); des traductions de V Imitation (4836), du Nou-
veau Testament (4854), des Saints Evangiles (1858),
des Actes du concile de Trente (1842 et 4850), etc.
L'abbé Dassance a aussi collaboré à la Biographie uni-
verselle^ à V Encyclopédie du xix^ siècle^ à V Encyclopédie
catholique^ etc.
DASSI ou DASSY (François), littérateur français do
la fin du XV® et du commencement du xvi® siècle. Il fut
secrétaire de Jean d'Albret, roi de Navarre, et de Louise,
duchesse de Valentinois, ainsi que contrôleur des bois de
la marine en Bretagne. Il a attaché son nom à la traduc-
tion du Peregrino de Caviceo (V. ce nom), roman qui
fut, un temps, fort célèbre : Dialogue très élégant inti-
tidé le Pérégrin, tr aidant de Vhonneste et pudique
amour concilié par pure et sincère vertu,, tradiiict du
vulgaire italien en langue francoyse par maistre
François Dassy, co7iterouleur des Briz de la marine
en Bretagne (Paris, Galliot du Pré, 4527, pet. in-4 goth.).
BiBL. : Brunet, Manuel du libraire (V. Cavicko).
DASSI ER (Jean), graveur en médailles, né à Genève en
4676, mort à Genève en 4763. Il avait étudié son art à
Paris sous la direction de deux médailleurs de talent,
Mangers et Bottiers, puis en 4748 il retourna dans sa ville
natale. Il se fit un renom autant par le nombre que par le
mérite de ses œuvres. Une galerie de soixante-douze mé-
dailles, connue sous le nom des Grands Hommes du siècle
de Louis A7F, est son œuvre la plus remarquable ; on cite
encore celle des Réformateurs les plus célèbres^ compvQ^,
nant vingt-quatre portraits ; celle des Théologiens de Ge*'
nève ; celle des Rois d'Angleterre depuis Guillaume le
Conquérant jusqu'il George H, série que Dassier exécuta
lors d'un séjour qu'il fit en Angleterre en 4 728; des jetons
représentant les Principaux Evénements de l'histoire
romaine, enfin nombre de médailles isolées représentant
les personnages les plus illustres du siècle de Louis XIV et
de Louis XV.
DASSIER (Jacques-Antoine), graveur en médailles, fils
du précédent, né à Genève en 4745, mort à Copenhague,
en 4759. Il étudia son art en Italie et en France et fut
nommé maître en second de la Monnaie de Paris. Il alla
aussi travailler à Turin, à Rome et à Saint-Pétersbourg.
Son œuvre comprend notamment les médailles d'un grand
nombre d'hommes illustres du xvin® siècle. On a publié :
V Explication des médailles gravées par /. Dassier et
par son fils, représentant une suite de sujets tirés de
l'histoire romaine (4778, in-8). Parmi les médaillons de
Jacques Dassier, les plus remarquables représentent l'im-
pératrice Elisabeth, le comte Schouvaloflf', Carteret, Ches-
terfield, Locke, Newton, Halley, V\''alpole, Pultney, Mon-
tesquieu, le pape Clément XII, etc.
DASSONVILLE (Jacques), peintre et graveur à l'eau-
forte, né à Port-Saint-Ouen, près Rouen, vers 4649, mort
après 4668. Il a gravé : le Pot de bière disputé; la
Vieille et les Deux Enfants; la Famille auprès du feu;
la Chanteuse interrompue ; une suite de Gueux et les
vignettes de l'ouvrage intitulé Metropolis Remensis his-^
toria par D. HdloX-^lnsulis ex officina Nicolaï de Rache
(4666, in-fol.). F. Courboin.
DASSOUCI (V. Assouci).
DASSY (Jean- Joseph), peintre français, né à Marseille
le 27 déc. 4796, mort à Marseille en juil. 4865. Cet
artiste fit ses premières études à l'école de dessin de
Marseille, sous la direction de Goubaud et ensuite sous celle
d'Aubert ; mais son maître de prédilection fut Girodet, dont
il vint chercher les conseils à Paris, en 4847. Peintre cons-
ciencieux et correct, caractère modeste, timide même,
Dassy manqua toujours, en dépit de son lieu d'origine, de
cette hardiesse qui fait concevoir et exécuter les'^ œuvres
puissantes. Parmi les nombreux sujets historiques ou reli-
gieux, et les portraits qu'on doit à son pinceau, les meil-
leurs sont les suivants: Madeleine pénitente (S. 1824;
méd. d'or; mus. de Marseille) ; Saint Jérôme dans le
désert (id. ; cathédrale d'Arras) ; le Christ au toiiibeau
(S. 4831 ; église de la Trinité à Marseille) ; V Education
de la Vierge (id.; église N.-D.-des-Champs, Paris) ; Por-
trait en pied du cardinal de Im Tour d'An vergue,
évêque d'Arras (S. 4843; mus. d'Arras) ; la Bataille de
Saucourt, SS1 (S. 4838; galeries de Versaillo ) ; la
Force, la Vigilance, figures allégoriques (4827; (■'lûlcau
de Vinccnnes) ; V Apostolat, ^ le Martyre^ la Bt'Surrcc-
tion de saint Lazare (à l'église Saint-Lazare de M arsoi lie).
Cet artiste, qui a exercé les fonctions de conscrvalciir du
musée de Marseille depuis 4845 jusqu'à sa mort, est aussi
Fauteur de quatre lithographies remarquables, d'après son
maître Girodet : Mustapha, Mardochée, Galathée, Héro
et Léandre^ Ad. T.
BiBL. : Et. Parrogel, Annales de la peinture; Paris,
1862, in-8.
D ASTRE (Jules-Frank-Albert), physiologiste français
contemporain, né à Paris le 7 nov. 4844. Il a été nommé
professur titulaire à la faculté des sciences en 4887 en
i^emplacement de M. Paul Bert. M. Dastre avait rempli
les fonctions de maître de conférences à l'Ecole normale
supérieure de 4879 à 4887. Il a publié de nombreux
mémoires sur la physiologie humaine et comparée, les vaso-
moteurs, le système nerveux, le foie, insérés la pkq)art
dans les Comptes Rendus de l'Académie des sciences et
de la Société de biologie. De ses principaux ouvrages,
nous citerons: Piecherches sur l'allantoïde et le chohon
de quelques mammifères (4876); Recherches sur les
DASTRE — DASYURE
— 952
corps bi-réfringents de l'œuf des ovipares (4876); les
Anesthésiques, physiologie et applications chirurgi-
cales (4890). La Grande Encyclopédie le compte au
nombre de ses collaborateurs. D^ A. Bureau.
DASYA (Bot.). Genre d'Algues de la famille des Rho-
domélées à fronde gélatineuse ou cartilagineuse filiforme,
présentant sur les ramifications des pinceaux de filaments
cloisonnés, ténus et dichotomes, rejetés de côté par le
rameau prédominant et prenant alors Taspect hyalin des
feuilles de Polysiphonia. Les céramides ovales, globuleux
ou ampuUiformes s'ouvrent par un carpostome et sont
garnis à leur base extérieure d'aiguillons ; des spores piri-
formes sont fixées par leur bout aminci à leur base inté-
rieure. Les Stichidées ont la forme d'une silique et ren-
ferment dans leurs articles des sphérospores nombreuses.
Les anthéridies sont lancéolées, coniques ou sessiles sur les
rameaux. Ces Algues habitent surtout l'Adriatique et la
Méditerranée, fixées par des crampons sur les roches du
rivage ou d'autres Hydrophytes. H. F.
DASYBRANCHUS (Annél.) (V. Capitellïdes).
DASYCHIRA {Dasychira Steph.) (Entom.). Genre de
Lépidoptères Hétérocères, de la famille des Liparides, dont
les représentants, voisins des Orgyia (V. ce mot), en
diffèrent par les palpes courts, très velus, par les ailes
oblongues, propres au vol dans les deux sexes et par les
pattes antérieures étendues en avant dans le repos. L'es-
pèce type, D. pudibiinda L., est commune au printemps
dans toute la France. Ses chenilles, de couleur verte ou
brune, avec les anneaux séparés en dessus par des bandes
d'un noir velouté, sont ornées de quatre brosses de poils
jaunes ou blancs, et d'un pinceau de poils roses ou violets
sur le onzième anneau. On les trouve, en septembre et en
octobre, dans les bois sur divers arbres ou arbustes. Elles
se multiplient parfois en quantités prodigieuses. C'est ainsi
qu'à l'automne de 4848, elles dévastèrent les bois des
environs de Phalsbourg. Les paysans lorrains ont conservé
pendant longtemps le souvenir des ravages exercés par ces
chenilles qu'ils avaient baptisées du nom de Chenilles de
la Répubhque, Ed. Lef.
DASYCHONE (ZooL). Genre d'Annélides Tubicales,
créé par Sars et voisin des Sabella (V. ce mot), dont ils
se distinguent principalement par la présence de lamelles
branchiales sur le dos. Deux espèces principales : D. Lu-
cullana Belle Ch., de la mer du Nord et de la Méditer-
ranée, et D. bombyx Bal., des mers septentrionales.
DASYDITES (V. Gastrotrichà).
DASYPODE {Dasypoda Latr.). (Entom.). Genre d'Hy-
ménoptères, de la famille des Andrénides, dont les repré-
sentants sont remarquables par leurs pattes postérieures
allongées, avec les jambes et les métatarses très larges,
couverts de très longs poils pollinigères. Ce sont des
Abeilles solitaires qui creusent leurs nids dans la terre,
dans les talus sableux exposés au soleil ou dans le mor-
tier qui relie les pierres des murailles. Le D. hirtipes
Fabr. est une espèce commune aux environs de Paris,
principalement sur les capitules des Chicoracées. Ed. Lef.
DASYPGDIUS (Petrus), moine de Vadstena (Suède) et
professeur d'astronomie à Upsala au xvi® siècle. 11 cons-
truisit pour la cathédrale d'Upsala, vers 4507, la célèbre
horloge qui marquait les heures, les mois, le cours des
astres, et qui périt dans l'incendie de 4707.
DASYPGDIUS (Petrus), humaniste et célèbre lexico-
graphe, né à Frauenfeld, cant. de Thurgovie (Suisse), vers
la fin du XV® siècle, mort à Strasbourg le 28 févr. 4559.
Son nom allemand était probablement Rauhfuss ou Rauch-
fuss^ suivant d'autres H as ou Hasenfratz. Il était profes-
seur à Zurich jusqu'en 4530 et prédicateur dans sa ville
natale. Partisan de Zwingle, il quitta la Suisse après la bataille
de Rappel (4534) et arriva à Strasbourg, où à partir de
4533 il professa le grec, d'abord dans une école latine et
plus tard au gymnase protestant. Il y devint l'ami des réfor-
mateurs Bucer, Hédion et Capiton et de l'historien Sleidan.
Il est Fauteur d'un dictionnaire latin-allemand (Strasbourg,
4535-4537) qui eut de nombreuses éditions, d'un lexique
grec-latin (Strasbourg, 4539), d'une comédie latine intitulée
Philargyros et d'un ouvrage pédagogique, De Schola urbis
Argentinensis (Strasbourg, 4556). L. Will,
BiBL. : HiRZEL, Petrus Dâsypodiiis^ dans Schweizerisches
Muséum ; Baie, 1866, 2« livr. — Cli. Schmidt, Vie de Jean
Sturm; Strasbourg, 1855, passim. — Strobel, Histoire du
gymnase protestant ; Strasbourg, 1838, passim.
DASYPODIUS OU DASlPODiUS (Conrad), mathéma-
ticien et mécanicien allemand, né à Frauenfeld (Suisse)
en 4529 ou 4530, mort à Strasbourg le 26 avr. 4600.
Fils du précédent, il fit ses études à l'université de Stras-
bourg et y obtint une chaire de mathématiques. On lui
doit un commentaire aussi peu clair que proHxe de la
Géométrie d'Eudiàe ; Analysis geometrica sex librorum
Euclidis (Strasbourg, 4566, in-foL), une traduction de
VOptique du même, une traduction des Sphériques de
Theodose, un Dictionariummathematicum (Strasbourg,
4573), enfin un ouvrage de mécanique : Héron mecha--
nicus (Strasbourg, 4580), contenant la description de
l'horloge astronomique de la cathédrale de Strasbourg,
qui avait été construite vers 4570 d'après ses plans et
dessins et qui a été remplacée en 4838 par celle à peu près
analogue de Schwilgué. L. S.
BiBL. : Blumhof, Vom alten Mathemaiiker C, Dasypo-
dius : Gœttingue, 1798, in-8.
DASYPROCTA (Zool.) (V. Agouti).
DASYPTILUS (Ornith.) (V. Perroquet).
DASYPUS (ZooL) (V. Tatou).
DASYTRICHA (ZooL). Schuberg {Die Protozoen Wie-
derkauermagens, 4888) a créé ce genre pour un Infu-
soire Holo triche qui vit dans la panse des Ruminants, où
il est jtrès commun ; il se rapproche des Isotricha qui
vivent dans le même milieu, par la disposition des longs
cils qui revêtent le corps, mais, contrairement à ce qu'on
observe dans ce genre, la fente anale fait défaut; il
n'existe qu'une seule vacuole contractile et le noyau est
dépourvu de capsule et de pédicule. — Une espèce, D.
ruminantium Schuberg. R. Mz.
DASYURE (Dasyurus) (ZooL). Genre de Mammifères
Didelphes (Marsupiaux) créé par E. Geoffroy et renfermant
les animaux de ce groupe qui sont le plus franchement
carnassiers. Tous habitent l'Australie et les îles voisines
qui se rattachent à la même région zoologique, de la Nou-
velle-Guinée à l'île van Diemen. Ce genre est devenu le type
de la famille des Dasyuridœ qui présente les caractères
suivants : dents semblables à celles des Carnivores Mono-
delphes, de trois sortes, comprenant huit incisives supé-
rieures, six incisives inférieures et quatre canines, avec
des prémolaires en nombre variable suivant les genres,
mais toujours plus nombreuses que celles des autres
Didelphes australiens. Les pattes ont cinq doigts en avant
et le plus souvent quatre seulement en arrière, par suite
de l'atrophie du pouce qui est dépourvu de griffe, rudi-
mentaire ou nul, surtout chez les grandes espèces qui sont
digitigrades ou subplantigrades. La queue est toujours
bien développée. La taille et les formes varient beaucoup,
comparables à celles des Chiens ou des Martes chez les
grandes espèces qui vivent à terre et sont carnivores, rap-
pelant plutôt les Mangoustes, les Musaraignes et les Souris
chez les petites espèces qui vivent sur les arbres et sont
insectivores. Cette famille se subdivise en deux sous-
familles : les Dasyurinœ et les Myrmecobiinœ» Les
Dasyurince n'ont jamais plus de sept molaires et leur
langue est de longueur ordinaire ; c'est le groupe le plus
nombreux en genres et en espèces. Les genres Thyla-
cinus, Sarcophikis^ Phascogale et Antechinus en font
partie.
Le genre Thylacine (Thylacinus) ne renferme qu'une
seule espèce, la plus grande du groupe, caractérisée par sa
dentition qui comprend
4 4 3 4
1. ^ c. - pr. pf m. -^ X 2 = 46 dents.
953
DASYURE
Les incisives inférieures, avant d'être usées, présentent
un tubercule antérieur et un tubercule postérieur moins
élevé que Tantérieur. Le pouce postérieur et son métacarpe
manquent complètement ; l'animal est digitigrade. La mo-
laire de lait, unique comme chez tous les Didelphes (V. ce
mot), tombe avant que le jeune ait quitté la poche ma-
ternelle. Les os marsupiaux ne sont représentés que par
de très petits fibro-cartilages non ossifiés. Le Thylacinus
cynocephalus est un animal de la taille d'un loup, mais
Fig. 1. — Thylacinus cynocephalus.
plus bas sur jambes avec la queue assez grêle, de la lon-
gueur du corps, le pelage ras de couleur fauve, rayé de
noir sur le dos (fig. 4). C'est le « Loup », « Tigre » ou
« Hyène » des colons de la Tasmanie, île qu'il habite
exclusivement à l'époque actuelle, mais une espèce très
voisine ou identique a vécu sur le continent à l'époque qua-
ternaire. Le Thylacine fait la chasse aux petits mammi-
fères et se nourrit aussi de cadavres. Les dégâts commis
par lui dans les bergeries l'ont fait traquer sans pitié par
les colons ; on ne le trouve plus que dans les parties
rocheuses et désertes des montagnes de l'île de Van Die-
meu. La femelle a quatre petits à chaque portée. Les deux
genres suivants (Sarcophilus et Dasyurus) n'ont que
deux prémolaires à chaque mâchoire, ce qui réduit leurs
dents à quarante-deux. Le Sarcophile oursin (Sarcophi-
lus ursinus) est un animal de la taille du Blaireau ou du
Glouton, à formes lourdes et disgracieuses, à tête grosse
et plate, d'où le nom de « diable» (Devil) que lui donnent
les colons anglais. Son pelage est noir avec deux taches
blanches l'une à la poitrine, l'autre à la base de la queue ;
le museau et les pattes sont presque nus et couleur de chair
rougeâtre. C'est un animal sauvage et vorace qui détruit
beaucoup de gibier et de volailles. Comme le Thylacine, il
est propre à la Tasmanie.
Les vrais Dasyures (Dasyurus) sont plus nombreux en
espèces et plus largement répandus ; leur taille et leurs
formes rappellent les Genettes et les Fouines de notre
Fig. 2. — Dasyurus viverrinus.
pays. Comme chez les précédents, le pouce postérieur, nul
ou rudimentaire et dépourvu de griffe, est représenté seu-
lement par le métatarse. Le Dasyure viverrin ou de Maugé
(Das, viverrinus), type du genre, est un animal de la
taille d'un Chat, à pelage olivâtre, moucheté de blanc,
la queue unicolore (fig. 2). Il se tient caché tout le jour
dans un trou d'arbre ou de rochers et vague la nuit à la
recherche de sa nourriture consistant en petits mammi-
fères et en oiseaux. Il habite la Tasmanie et la colonie de
Victoria sur le continent. Le D, maculatus^ espèce voi-
sine, est de la Tasmanie et du sud de l'Australie ; le D.
Geoffroyi ne se trouve que dans ce dernier pays. Dans le
nord du continent, on trouve le D. hallucatus et à la Nou-
velle-Guinée, dans les monts Arfaks, le D, albo-punctatus
(Schlegel) ou D. fuscus (M.-Edw.). Enfin, le D. gracilis,
plus récemment décrit par Ramsay, est du nord de l'Aus-
tralie (Queensland). Toutes ces espèces se ressemblent et
ont les mêmes mœurs.
Les Phascogales (Phascologale) sont de petits Dasyures
dont les plus grandes espèces ne dépassent pas la taille
d'un Rat et représentent le type insectivore de la famille.
Leurs dents sont en même nombre que chez le Thylacinus,
mais les molaires ont des tubercules plus aigus, en rapport
avec le régime ; le museau est pointu comme celui des
Musaraignes. Il y a cinq doigts en arrière comme en avant;
le pouce postérieur, bien distinct, quoique petit et sans
ongle, est en partie opposable. Ces animaux vivent géné-
ralement sur les arbres, plus rarement à terre, et font la
chasse aux insectes. On en trouve sur le continent austra-
lien, à la Nouvelle-Guinée, aux îles Arou et dans les îles
voisines. Lesgenres Myoictis (Gray), Chœtocercus (Krefft)
ou Dasycercus (Peters) et même Antechinus (Macleay)
doivent être fondus, d'après 0. Thomas, dans ce genre. Le
type est le Tafa (Phase, penicillata), de la taille d'un
grand Rat, à oreilles très grandes, à queue terminée par
un pinceau de poils noirs, fe reste du pelage gris. Il habite
toute l'Australie, sauf l'extrême nord, et ne se trouve pas
non plus en Tasmanie. Le Ph. calura est du sud et de
l'ouest du continent, le Ph, thorbeckiana (Schlegel) ou
Chcet. Bruijniî (Peters), de la Nouvelle-Guinée et des îles
voisines (Salawatti, Andaï) ; le P/i. Wallacci (type du genre
Myoictis), habite les bords de la rivière Fly (Nouvelle-
Guinée) et les îles Arou ; les Ph, dor salis et Ph. Dorice
sont des monts Arfaks. Les Ph. Virginiœ de l'intérieur
du (iueensland, Ph. apicalis de l'Australie S.-O., Ph.
cristicauda du sud du même pays et Ph. longicaudata
des îles Arou, de taille plus faible et à queue moins fournie
de poils, conduisent au genre Antéchine (V. ce mot), qui
renferme de très petites espèces ayant la taille et l'appa-
rence d'une souris. Les genres Antechinomys (Krefft)
et Podabrus (ou Sminthopsis Thomas) peuvent être dis-
tingués plus légitimement des Phascogales, en raison de
leurs caractères extérieurs, bien que leur dentition soit
identique.
Le Myrmécobie à bandes (Myrmecobius fasciatus), iy^e
et unique espèce de la sous-famille des Myrmecohiinœ, est
Fig. 3. — Myrmecobius][fasciatus.
un animal de la taille de l'Ecureuil, peu différent par ses
formes des grandes espèces de Phascogales, mais possédant
un beaucoup plus grand nombre de dents. La formule den-
taire est:
. 4 \
i.3,c.-,
pm.-,m.^ou^X2=
:52 ou 54 dents,
chiffre supérieur à celui de tous les autres mammifères
vivants pourvus des trois sortes de dents. La langue est
DASYURE — DATE
954
longue et très extensible : les ongles sont forts aux pattes
antérieures et servent à fouir ; le pouce postérieur n'est
représenté que par le métatarse caché sous la peau. La
queue est longue et touffue et tout le pelage est bien fourni ;
la couleur est d'un fauve roux relevé sur le dos et la queue
par six ou sept bandes transversales blanches qui donnent
à l'animal un aspect fort élégant (fig. 3). Le Myrmécobie
habite les régions sablonneuses du sud et de l'ouest du
continent australien et vit à terre, se nourrissant presque
exclusivement de fourmis. La femelle est dépourvue de
poche ; les jeunes se tiennent attachés aux mamelles, re-
tenus seulement par les longs poils de l'abdomen.
Des espèces éteintes de la famille des Dasyuridœ ont
vécu en Australie à l'époque quaternaire ; tels sont les
Thylacinus spelœiis et Sarcophilus laniarius (Owen) des
cavernes de la Nouvelle-Galles du Sud. Quant aux Tkyla-
coleo carnifex et Thylacopardiis australis du même
auteur, malgré les habitudes carnivores qu'on leur a prê-
tées, ils paraissent se rattacher plutôt, par leur dentition,
au groupe des Phalangers (V. ce mot). E. Trouessart.
BiBL. : J. GouLD, Mammals of Atisti'alia, 1863. ~ G. -II.
Waterhouse, Naturel History of Mammalia, 1846, t. I.
— H, ScHLJiGEL, Revision du genre Dasyiirus {Notes from
the Leyden Muséum, 1880, 11^ p. 51). — E.-R. Alston, Proc.
zool. soc. Lond., 1880, p. 460. — O. Thomas, Revision du
genre Plmscologale [Annali del tnits. di st. nat. di Genova,
'1887, t. IV, p. 502j. — Peters et Doria, Mammiferi délia
Nuova Guinea [loc. cit., 1881, t. XVI, p. 664).— G. Krefft,
the Mammals o( Australia, 1871.— O.Thomas, Catalogue
of Marsupialia in British Muséum, 1889.
DASYURODON (Paléont.) (V. Créodontes, Hy.enodon
et Oxyoena).
DATAI RE. Officier de la cour de Rome (V. Daterie).
DATAMES (perse Ddtàmé), général perse du iv® siècle
av. J.-C. ; c'était le fils d'un Carien, Canissarès, et d'une
femme scythe. Son père était le satrape de Cappadoce pen-
dant le règne d'Artaxerxès Mnémon et lui-même apparte-
nait, dans sa jeunesse, à la garde du roi. Dans une guerre
contre les Cadusiens, il perdit son père; mais, s'étant dis-
tingué par sa bravoure dans cette expédition, le roi lui
confia la satrapie de Cappadoce, comme successeur de son
père dans la partie de la Cappadoce voisine de la Cilicie.
Sous Artaxerxès 11 (405 à 360), les symptômes de la dis-
solution de l'empire perse se manifestèrent par des révoltes
perpétuelles. Datâmes était d'abord fidèle au roi et, lorsque
son parent, Thyus, satrape de la Paphlagonie, trama une
révolte, Datâmes fut chargé de réprimer la rébellion.
Ariobarzane, préfet de Lydie, les Ioniens et les Phrygiens
lui avaient promis leur concours, mais quoiqu'ils n'eussent
pas tenu pirolc, Datâmes entreprit la campagne, vainquit
Thyus et l'amena prisonnier au roi. L'Egypte, qui s'était
rendue indépendante depuis 413, était le point de mire
d'Artaxerxès. Datâmes fut chargé de conduire cette expé-
dition après la révocation de Pharnabaze; mais la tentative
ne réussit pas. Il réduisit aussi le rebelle Aspies, en
Cappadoce, mais fut caloînnié par les courtisans du roi et
menacé dans sa situation et son existence; alors, il se
déclara indépendant et gouverna la Cappadoce et une grande
partie de l'Asie Mineure. A ses possessions, il .joignit la
Pisidie après une guerre où il perdit son fils Arsidée. Mais,
à la fin, le roi s'émut des progrès de ce rival dangereux
et une armée de 120,000 hommes fut envoyée contre lui,
sous les ordres d'Autophradate. Datâmes eût le dessus et
se maintint pendant assez longtemps jusqu'au jour où
Mithridate, le fils du satrape lydien Ariobarzane, qui se
donnait pour son ami, lut gagné p\Y le roi : ce traître
l'attira dans une entrevue et l'assassina (362 av. J.-C).
La figure de Datâmes était assez intéressante pour que
Cornélius Nepos lui ait consacré une biographie. Ce fut,
en effet, la dernière individualité puissante de l'histoire
perse ancienne,
DATE. I. AsTRONOiMîE. — La date est l'indication pré-
cise du moment où se sont passés certains phénomènes
d'après les observations astronomiques (V. Année).
. -il. Histoire (V. Curonologie).
m. Bibliographie. Date de publication (V. Biblio-
GRAPmE, t. VI, p. 627).
IV. Droit canonique. — La date est essentiellement requise
pour les rescrits de grâce. C'est elle, disaient les anciens
canonistes, qui donne à la grâce l'être, le caractère et les
effets : Data facit ut gratia dicatur in renim natura
et tune incepit operari. Avant l'apposition de la date, le
rescrit, même signé, peut être retiré, brûlé ou lacéré. On
ne recevait point la preuve que la grâce ou l'expédition
avait été signée, s'il ne paraissait point qu'elle fût datée.
— De temps immémorial, les Français eurent le privilège
que les provisions par eux obtenues en cour de Rome,
pour les bénéfices situés en France, fussent signés du jour
de l'arrivée du courrier, c.-à-d. datées du jour où la sup-
plication en serait adressée au pape, par le moyen d'une
date retenue. La demande se faisait par le ministère d'un
banquier expéditionnaire (V. Banquier [Hist. ecclés.]) qui
l'envoyait avec les pièces nécessaires. Il avait à Rome un
correspondant, qui servait de solliciteur. Celui-ci, aussitôt
le courrier reçu , s'empressait de dresser un petit mémorial
de la supplication, et de le déposer chez le Préfet des dates
ou son substitut (V. Daterie Apostolique); il pouvait faire *
ce dépôt jusqu'à minuit, au moyen d'une ouverture pra-
tiquée à cet effet. Si la grâce qui était l'objet de cette de-
mande était concédée, elle était censée avoir été obtenue
dès l'instant de ce dépôt. Ce privilège de rétention de date
avait pour effet de restreindre considérablement l'exercice
des droits de prévention que le pape s'était attribués, et
d'assurer un titre de préférence, tiré de la priorité, lors-
qu'il y avait concours de provisions. E.-iï. Vollet.
V. Droit commercial. — En général, tous les moyens de
preuve sont admis en matière commerciale, actes publics,
actes sous seing privé, factures, correspondances, Kvres
des parties, témoins (C. com., art. 109). Le législateur a
entendu donner, aux juges des affaires commerciales, une
pleine et entière liberté d'appréciation et ne soumettre la
preuve par écrit ou autre à aucune condition de forme. On
est généralement d'accord pour conclure de là que les écrits
sous seing privé font foi en matière commerciale, même si
on n'a pas observé les formalités prescrites par la loi pour les
actes sous seing privé en matière civile. Ainsi, par exemple,
un acte sous seing privé constatant un contrat synallag-
matique fera foi, bien qu'il n'ait pas été rédigé en autant
d'originaux qu'il y a de parties ayant d'intérêts distincts, ou
encore quoique les originaux ne portent pas la mention « fait
double ou triple», oîc. Par la même raison, les actes sous
seing privé constatant des contrats commerciaux peuvent
faire preuve de leur date, même à l'égard des tiers, quoi-
qu'on n'ait pas rempli une des formahtés prescrites par
Fart. i328 du C. civ. pour conférer date certaine aux
actes en matière civile, ou qu'onne se trouve pas dans une
des circonstances de ce même article. On sait qu'en matière
civile les actes sous seing pHvé n'ont date certaine vis-à-
vis des tiers que du jour de leur enregistrement ou de
celui de leur mention dans un acte authentique, ou enfin
du jour du décès de l'un des signataires. Au contraire, en
matière commerciale, on pourra reconnaître date certaine
à un acte contre les tiers, même en dehors de ces cas ; les
juges jouissent, à cet égard, d'un pouvoir discrétionnaire.
On a pu décider en ce sens que les dettes commerciales
antérieures au mariage de la femme commune en biens
tombent dans la communauté, bien que l'acte qui les cons-
tate n'ait pas obtenu date certaine, suivant les exigences
du code civil, avant la célébration du mariage. Mais, par
exception, dans certains cas, par exemple en matière de
société, la loi commerciale exige la rédaction d'un écrit et
alors on doit appliquer, dans ces circonstances, le droit
commun ; par exemple, l'acte de société n'aura date cer-
taine au regard des tiers qu'autant qu'on se trouvera dans
un des cas de l'art. 4328 du C. civ. Il y a même des
actes commerciaux pour lesquels la date devient une for-
malité substantielle, et alors la loi commerciale se montre
même plus rigoureuse que la loi civile, laquelle en général
935 -~-
DATE -- DATHAN
îie prescrit pas de dater les actes sous seing privé. Ainsi le
code de commerce veut que la lettre de change soit datée, et
cette disposition est facile à justifier : la date peut être
indispensable pour fixer l'échéance de la lettre ou le délai
dans lequel elle doit être présentée (G. de comm., art. 129
et 160) ; elle permet de constater si le tireur était ou
non capaiîle au moment de la création de la lettre de change.
Si une lettre de change n'était pas datée, elle serait nulle
comme telle, mais il n'en resterait pas moins de la part
du tireur un engagement de faire payer la somme aux jour
et lieu indiqués. Seulement cet engagement, qui serait néces-
sairement commercial s'il dérivait d'une lettre de change,
n'aura ce caractère qu'autant qu'il constituera un acte de
commerce conformément au droit commun. La loi veut
aussi que l'endossement soit daté, ce qui permet de cons-
tater si, au moment où l'endosseur a donné sa signature,
il était ou non capable, et l'art. -137 du G. de comm. ajoute
même qu'en cas d'antidaté, il y aurait crime de faux. Au
contraire, la loi n'exige pas que l'aval soit daté et dès
lors, si pour une cause quelconque on avait intérêt à cons-
tater la date de cet engagement, la preuve pourrait être
faite de toute manière. Le contrat d'assurance maritime
doit, au contraire, être daté d'après l'art. 332 du G.
de comm. Mais on est généralement d'accord pour décider
qu'à défaut de date le contrat n'en est pas moins valable ;
seulement, en cas de pluralité d'assurance, il appartient alors
au juge de déterminer, d'après les circonstances , les jour
et heure auxquels a été passé chaque contrat. Rappelons
aussi que la loi du 14 juin 1865 sur les chèques exige la
date du chèque sous peine d'amende. La date est ici indis-
pensable à cause du délai très court dans lequel doit être
faite la présentation de l'eifet. Une loi du 19 févr, 1874
veut même que la date du jour où le chèque est tiré soit
inscrite en toutes lettres de la main de celui qui a émis
l'effet. Ce que la loi exige ici en toutes lettres, c'est l'indi-
cation du quantième du mois et non celle de l'année. Grâce
à cette exigence, il devient beaucoup plus difficile de modi-
fier la date après coup , tandis que ce changement serait très
aisé si le quantième du mois était écrit en chifïres. Toute-
fois, il semble bien résulter de l'esprit de la loi de 1874 que
cette exigence relative à la date se réfère seulement aux
chèques de place à place ; tout au moins elle n'a pas de
sanction pour les autres et son omission ne fait pas encourir
l'amende. — Sauf ces particularités relatives à certains actes,
la date n'est pas en général exigée en matière commerciale,
et, lorsqu'elle se trouve dans un acte, elle est certaine au
regard des tiers, même en dehors des cas de l'art. 1328 du
G. civ. Ge système est facile à justifier : si cet art. 1328 était
applicable aux actes de commerce, il en résulterait que
ceux-ci seraient en fait presque toujours soumis à la for-
malité de r enregistrement, ce qui serait à la fois coûteux
et gênant pour les commerçants. Il y a d'autant moins
d'inconvénients à écarter l'application de l'art. 1328 que,
le plus souvent , la date exacte d'un acte de commerce
peut être facilement établie au moyen du rapprochement de
cet acte avec la correspondance et les registres des commer-
çants. E. Glasson.
VI. Diplomatique (V. Gharte).
BiBL. ; Droit commercial. — Massé, Traité de droit
commercial, t. IV, n» 2416. -— Laurin sur Gresp, Cours
de droit maritime^ t. I, p. 261. — Pardessus, Traité de
droit commercial^ t. I, n» 246, et t. II, n» 607. -— Lyon-Caen
et Renault, Précis de droit commercial, t. I, n»* 608, 1039,
1049, 1083, 1337; t. Il, n° 2105. — Aubry et Rau, Cours de
droit civil français^ t. VïII, § 756.
DATELIN (Pierre) {V. Bhioché).
DATERIE Apostolique. En sa relation de la cour Fo-
reuse de Rome, le cardinal de Luca écrivait : Moderna
stint fere omnia negotia quce ad Datariam pertinent.
En effet, l'origine de la Daterie est relativement récente. '
Cet office n'aurait eu aucune utilité avant l'époque où les
papes se réservèrent tant de droits sur les bénéfices
(Y. Collation des bénéfices, p. 933). Un praticien gallican
remarque, à ce propos, « que la condition des temps anté-
rieurs n'exigeait que la bonne foi et la simplicité, pour
assurer la vérité des provisions en cour de Rome, sans
avoir recours à ce nombre infini de noms, de marques et
d'autres formalités dont elles furent ensuite chargées
{Iraité de la pratique de la cour de Rome). » Cette
complication fut inventée et constamment perfectionnée
pour fournir à la cour de Rome les moyens de faire pré-
valoir les réserves apostoliques. La Daterie reçut sa forme
rudimentaire à Avignon, quand les papes y résidaient.
Innocent VIII (1484-1492) fut le premier qui lui assigna
des appartements particuliers, près de la basilique de
Saint-Pierre, dans le Vatican. Paul V (1605-1621) la
transféra dans une partie plus intérieure de ce palais. —
L'office de la Daterie concerne essentiellement l'adminis-
tration des grâces. Il consiste à expédier toutes les affaires
qui sont résolues par le pape en dehors du consistoire et
qui n'appartiennent pas à la Signature de justice : colla-
tion des bénéfices réservés au saint-siège, concessions
d'habits et insignes ecclésiastiques, députation de coadju-
teurs avec future succession pour les chanoines et béncfi-
ciers, dispenses de mariage et d'irrégularité, etc. En ma-
tière de dispenses, la Daterie ne peut accorder que celles
qui sont du for extérieur. Celles qui sont du for inté"
rieur (absolution des cas réservés, annulation ou remises
des vœux ou autres charges, dispenses des cas secrets et
empêchements provenant de crimes occultes, etc.), sont
attribuées à la Pénitencerie (V. ce mot).
. Les principaux officiers de la Daterie sont le dataire, le
sous-dataire, le préfet du bureau per obitum^ le préfet du
bureau du concessum^ l'administrateur général des com-
ponendes, le préfet du bureau des dates, le reviseur des
dispenses matrimoniales, deux reviseurs des suppliques
matrimoniales, l'officier du bureau del missis, l'officier
du bureau des brefs, le reviseur des comptes des expédi-
tions, le rédacteur des bulles dites de via segretta, le
gardien des suppliques, le gardien du registre des bulles,
l'officier chargé de la transcription des bulles et des brefs,
le notaire des procès pour les provisions des églises cathé-
drales, un computiste ou abréviateur, un notaire. Sous
leur direction se trouvent quelques substituts et trente-
quatre expéditionnaires. Des théologiens examinateurs
sontadjointsàla Daterie pour l'épreuve des candidats au con-
cours des paroisses. — Le premier et le plus important de ces
officiers est le dataire ; il est nommé par le pape ; il peut
n'être qu'un simple prélat romain ; mais il représente, par
commission, la personne du pape, de sorte que tout ce
qu'il fait dans l'exercice de ses fonctions est censé fait
par le pape lui-même ; il lui fait rapport des suppliques
deux fois par semaine. Quand le pape meurt, ses fonctions
cessent de plein droit. Quand cet office est tenu par un
cardinal, celui-ci prend le titre de pro-dataire. Le sous-
dataire est nommé pareillement par le pape ; c'est un
prélat romain. Il reçoit les suppliques, les résume en quel-
ques mots inscrits en marge, les fait examiner et les
transmet au dataire. — Les componendes sont des taxes
pour certaines matières (dispenses de mariage , unions,
suppressions, érections, coadjutoreries , pensions sans
cause, etc.), elles servent à payer les employés, et le sur-
plus est mis à la disposition du saint-siège. Vadminis-^
trateur général des componendes^ qu'on appelle aussi
préfet^ trésorier ou dépositaire des componendes, reçoit
toutes les suppliques pour les matières sujettes à taxe et
ne les rend que lorsque la taxe est payée. E.-H. Vollet.
BiBL. : J. Le Pelletier, Instruction pour les expédi-
tions en cour de Rome; Paris, 1686, m-12. — Pèrard-
Castel, Traité som,m.aire de l'usage et pratique de la cour
de Rome; Paris, 1693, in-12. — 'Durand de Maillane,
Dictionnaire de droit canonique et depratique bénéfîciale;
Lyon, 1787, 6 vol. in-8. — Analecta juris jpontiflcii^ 1856,
2^' série. — André (df A vallon) et Condis , Dictionnaire
de droit canonique; Paris, 1888-1890, 3 voL in-8.
DATH (Astron.). Siège de Gassiopée formé par les^
étoiles p, a, y, x.
DATHAN (Georg), portraitiste et peintre d'histoire, né
à Mannheim en 1703. La Galerie de Dresde possède de lui
DATHAN — DATI
— 956 —
une grande toile allégorique datée de 1747 : le Mariage
de la princesse Maria- Josepha, fille d'Auguste III, roi
de Pologne j avec le dauphin^ fils de Louis XV.
DATHENUS ou DAETEN (Pierre), théologien protes-
tant, né à Cassel en Flandre, mort à Elbing en 4590. Il
était carme à Ypres quand il se convertit aux doctrines
calvinistes. Il se rendit alors en Angleterre, puis en Dane-
mark, et se fixa ensuite comme pasteur à Francfort-sur-le-
Main. Il consacra tous ses efforts à faire renaître l'union,
ou tout au moins à faire régner la tolérance parmi les sectes
dissidentes. Vaincu par le fanatisme luthérien, il alla, en
1562, fonder la colonie belge de Frankenthal dans le Pala-
tinat. Il prit part en 4564 au colloque de Maulbronn vai-
nement convoqué dans le but de conclure avec les luthé-
riens une transaction sur la question de la Cène. Il s'occupa
ensuite de traduire en flamand les psaumes de David et
cette traduction demeura en usage chez les protestants fla-
mands jusqu'à la fin du xviii® siècle. On a accusé Dathenus
d'avoir, en août 4566, prêché le pillage et la guerre
civile aux gueux des Pays-Bas. Il est aujourd'hui établi qu'à
l'époque où se déchaînèrent les fureurs des iconoclastes
flamands, Dathenus se trouvait en Suisse, chargé d'une
mission par le comte palatin. Il revint en Flandre au mois
de septembre de cette année, et, entrant dans les vues du
Taciturne, il s'efforça, comme autrefois à Francfort, d'ame-
ner l'unité d'action par l'accord sur la guestion dogma-
tique. L'obstination de quelques théologiens ultra-ortho-
doxes le fit échouer. Il était à Valenciennes lorsque cette
ville fut prise par les Esf)agnols en 4567, et, bien que sa
tête eût été mise à prix, il parvint à s'échapper, et rentra
à Frankenthal. En 4568, il présida le synode de Wesel
et revint encore une fois aux Pays-Bas. Il se brouilla plus
tard avec Guillaume d'Orange, combattit la Pacification
de Gand (V. ce mot) et accusa le prince d'indifférence et
d'athéisme. Il se retira en Allemagne, d'abord à Staden,
puis à Dantzig et enfin à Elbing. Rompant entièrement avec
son passé, il ne s'occupa plus que de médecine, prit le
nom de Montanus, et rendit de grands services à ses nou-
veaux concitoyens. On lui érigea une statue après sa mort.
Il a écrit un grand nombre d'ouvrages de controverse. La
liste complète figure dans sa biographie écrite par Rahlen-
beck. E. H.
BiBL. : C. Rahlenbeck, Notice sur Dathenus., dans la
Biograph. naL belge^ 1873. — W. de WATER,E^ogfe de
P. Dathenus (en flamand) ; Utrecht, 1756. — Glasius, la
Néerlande théologique (en flamand); Utrecht, 1810. —-Ter
Haar , Spécimen historico-theologicum Pétri Datheni vi-
iam exhibens ; Utrecht, 1858.
DATHOLITE. Silicoborate hydraté de chaux. 2CaO,
2SiO^,BO^ -h HO. Monoclinique, géométriquement iso-
morphe avec la godo Unité, Veuclase, la homilite,
a:b: c=z 0,633 : 4 : 0,636. B =z 90^9'. mm =
445°24'/?(?i — 434° 53^ pe^ =: 428o9^ Clivage, h*-
net ; plan des axes optiques parallèle à g^. Bissec-
trice négative presque normale à p, faisant dans l'angle aigu
ph^ environ 4^ avec ¥. 2Vr=: 74^25. 5>^. Densité, 2,8
à 3. Dureté, 5,5. La datholite forme des cristaux transpa-
rents incolores que l'on trouve soit dans les cavités ou les
fissures de roches basiques (gabbros de Toscane, lac Supé-
rieur), soit dans des gisements métallifères (Arendal
[Norvège]), Andreasberg (Hartz), etc.
DATI (Leonardo), diplomate et théologien italien, né à
Florence en 4360, mort en avr. 4425. Dominicain, il
assista au concile de Constance, fut envoyé par la Répu-
blique florentine comme ambassadeur près le roi de Bohème
(4409), près l'empereur Sigismond (4443), près le pape
Martin V (4448 et 4422). On a de lui : Sermones qua-
dragesimales (Lyon, 4543); Sermones de flagellis
peccatorum festinanter converti nolentium (Lyon,
4548). R. G.
BiBL. : Giulio Negri, Istoria degli scrittori fiorentini ;
Ferrare, 1722, in-fol.
DATI (Goro ou Gregorio), poète, historien et mathé-
maticien italien, né à Florence en 4363, mort le 42 sept.
4436, frère du précédent. Il fut, en 4425, prieur de la
république et, en 4428, gonfalonier. Il écrivit une Histoire
de Jean-Galéas Visconti ; elle est en latin et en forme
de dialogue; on l'a imprimée à Florence en 4735. Long-
temps, il fut discuté sur le point de savoir si le très curieux
petit poème, la Spera ou la Sfera, devait être attribué à
Goro Dati ou à son frère Leonardo. Brunet, après Libri, se
prononce pour Goro. Cet opuscule en vers tierce rime est
plein de détails sur l'astronomie, la navigation, la boussole,
le loch, etc. On y voit une carte où l'Afriqup est figurée
telle qu'une île. Pour lui, comme pour Dante, l'enfer est
au milieu de la terre et il en donne les dimensions,
7,000 milles de diamètre. La S fera fut plusieurs fois
imprimée et, sans compter les éditions s. l. n. d., on
connaît celles de Cosenza, 4478 ; de Florence, 4482, 4543 ;
de Venise, 4534. Nous voilà loin de l'affirmation de Gin-
guené que ce poème était inédit. R. G.
BiBL. : Brunet, Ma7iuel du libraire (V. Dati [Goro]).
— BiANCHiNi DA Prato, Notcs et Préface de YHistoire
de Jean-Galéas Visconti.
DATI (Leonardo), poète et théologien italien, neveu du
précédent, né à Florence en 4408, mort à Rome en 4472.
D'abord secrétaire des cardinaux Orsini et Condolmieri, il
remplit ensuite les mêmes fonctions près des papes Calixte III,
Pie II, Paul II et Sixte IV. Il fut enfin chanoine de Flo-
rence et évêque de Massa. De nombreux manuscrits de cet
auteur sont conservés à la Bibliothèque ambroisienne : ce
sont des traités théologiques, des poésies latines, une tra-
gédie intitulée lempsale. L'abbé Méhus a publié de lui
quelques Lettres (Florence, 4743). R. G.
BiBL. : Salvino Salvini, Vita di Leonardo Dati (en tôte
des Lettres),
DATI ou DATUS ou DATHUS (Agostino), orateur et
historien italien, né à Sienne en 4420, mort à Sienne le
6 avr. 4478. Disciple de François Philelphe, il avait la
science, mais il lui manquait Félocution et il dut, à ce que
l'on rapporte, combattre, comme Démosthène, par les
mêmes procédés, un bégayement insurmontable. Ayant
corrigé ce défaut naturel, il enseigna les belles-lettres à
Urbin (4442), puis dans sa ville natale, où il fut appelé
dans la suite au poste de secrétaire historiographe. Il
écrivit, en eftet, une histoire de Sienne en latin, laquelle
parut publiée par son fils, sous ce titre : Fragmenta
Senensium historiarum (Sienne, 4503). On cite encore
de lui : De Variis Loquendis JFiguris sive de modo
dictandi (Ferrare, 4474); I)e Variis Loquendi Regulis,
sive poetarum prœceptis, tractatus incipit féliciter
(Cologne, vers 4470) ; Eleg antiarum liber ou Elegan-
tiolœ (s. 1. n. d.) ; Âliqua Documenta diligentissime
composita (s. l. n. d.); Epistolœ (Naples, 1474;
Opéra varia (Sienne, 4503); Opéra omnia (Venise,
4546). R. G.
BiBL. : AzzoLiNi, le Pompe sanese^ ovvero relazioni
degli uomiîii e donne illustri di Sienna ; Pistoie, 1646, 2 vol.
in-4. — Brunet, Manuel du libraire (V. Datus).
DATI (Giuliano), poète et historien italien, né à Flo-
rence en 4445, mort en 4524. Il alla s'établir à Rome où
il devint pénitencier de Saint- Jean-de-Latran ; plus tard,
il fut nommé évêque de Saint-Léon, en Calabre. Ses œuvres,
outre un certain intérêt littéraire et historique, sont des
raretés bibliographiques : la Storia di tutti e re di Fran-
cia (Rome, fin du xv*^ siècle) ; il Seconda Cantare deW
îndia (Rome, 1494); Trattato di Scipione Africhano
(Rome, 4494) ; la Chalculatione (Rome, vers 4494), calen-
drier en vers ; Del Diluvio diRoma del M.CCCC.LXXXXV
adi IIIl di dicembre el doltre cose di gran maraviglia
(Rome, 4495); Trattato di santo Joanni laterano
(Rome, vers 4490) ; la Gran Magnificentia del Prête
lanni, signore delV India Maggiore et délia Ethiopia
(s. l. n. d.) ; la Passione di Christo historiata in rima
volgari secondo che recita e représenta de parola a
parola la dignissima compagnia de la Conjalone di
Roma la Venerdi santo in luocho dicto Coliseo (Rome,
vers 4500). R. G.
BiBL. : Brunet, Manuel du libraire^ au mot Dali.
DATI (Giulio), poète italien, né à Florence vers 4560,
— 957 —
DATI — DATISI
mort vers 1630. Il avait composé un grand nombre de
pièces satiriques dont on vantait l'esprit et la tournure
spécialement florentine. Elles circulèrent manuscrites et
une seule fut imprimée : la Contessa di Parions (Flo-
rence, 4596). R. G.
BiBL. : Giuiio Negri, Istoria deqli scrlttori fiorentini ;
Ferrare, 1722, in-fol.
DATI (Carlo-Uberto), littérateur et philologue italien,
descendant de Goro Dati, né à Florence le 2 oct. 1619,
mort le 11 janv. 1675. Dès l'âge de vingt ans, il fut admis
à l'académie de la Crusca où il prit le nom de Smarrito,
Selon l'usage des familles florentines, même les plus nobles
(on en voyait vendre au détail, en des palais, l'huile de
leurs oliviers), il adopta une profession industrielle, se fit
batteur d'or {battiloro) et augmenta ainsi notablement sa
fortune, ce qui lui attira, presque autant que ses ouvrages,
une grande considération. Il n'avait encore rien publié que
Francesco Redi l'appelait, dans une dédicace, l'honneur
de la Toscane, laquelle n'avait plus à envier ni Varron à
Rome ni Plutarque à la Grèce. La reine Christine de Suède
chercha en vain à se l'attacher et Louis XIV ne fut pas
plus heureux : le grand roi ne lui garda pas rancune de
son refus et lui fit, au contraire, servir une pension an-
nuelle de cent louis (6,000 fr. et plus de notre monnaie).
Voici un choix des ouvrages de Dati : Discorso intorno
alla nécessita di ben parlare la sua propria lingua
(Florence, 1657; nouv. éd., 1870) ; Lettera a Filalete
(Florence, 1663), discussion sur l'invention du baromètre,
que Dati attribue à Torricelli; Prose florentine (Florence,
1661 , pour le t. P^ ; réédité complètement à Venise, 1735,
en 5 vol. in-4), recueil célèbre des beautés de la littérature
florentine ; Panegirico di Laigi XI F (Florence, 1 669) , juste
remerciement de la pension, traduit en français par Gérard
de Mothier (1670) ; Vite de' Pittori antichi (Florence,
1667). Dans la dédicace de cet ouvrage à Louis XIV, il
fait preuve d'un bon jugement et d'un goût sûr en appe-
lant Chapelain l'Homère de la France ; mais il faut se
souvenir que Chapelain était le grand trésorier des pen-
sions royales. On a publié, en ce siècle, quelques ouvrages
inédits de Dati : Due Veglie inédite (Florence, 1814) ;
Lepidezze di spiriti bizarri e curiosi avvenimenti,
recueil d'anecdotes, de faits et de superstitions extraits
d'anciens manuscrits (Florence, 1829) ; Due Novelle
(Faence, 1863) ; également, des choix de ses œuvres :
Scelle di prose (Venise, 1826) ; Prose scelle (Venise,
1846, in-24). Dati a conservé pour ceux qui goûtent la
littérature classique la réputation d'un écrivain très pur,
et Gamba lui a fait une large place dans ses Testi di
lingua. R. G.
BiBL. : Francesco Fonta^^, Elogio di Carlo-Uberto Dali;
Florence, 1794, in-8. — Nelli, Saggio di storia letteraria
fiorentina del secolo xvii; Lucques, 1759, in-8. — G. Pas-
sang, / Novellieri italiarii in prosa; Turin, 1878,2 vol. in-8.
DATIF (du latin dativus). Ce cas semble avoir eu pour
fonction primitive l'attribution à un objet, et de là vient
qu'il est généralement employé pour marquer le complément
indirect proprement dit. La langue indo-germanique le
formait à l'aide du sufiîxe probable ai (ei) pour le singu-
lier; mais, par suite de diverses modifications, il s'est sou-
vent confondu avec le locatif (V. ce mot) ; au pluriel, il
semble avoir eu deux suflixes différents : l'un, servant à la
déclinaison des thèmes en o, ne serait autre que le sufiixe
du singulier avec l'adjonction de l's, confondu en sanscrit
avec Vinstrumental (V. ce mot) ; le second, en sanscr.
bhyas^ se retrouve en latin sous la forme bus, qui provient
d'une confusion entre bhyas et le suff. bhis de l'instru-
mental ; le datif grec en cjt n'est autre chose qu'un locatif.
De nombreuses analogies ont troublé la formation de ce
cas, sur lequel la philologie moderne n'a pas encore apporté
une complète lumière. M. B.
DATII (Aàiiot). Peuple de l'Aquitaine ibérienne. Pto-
lémée, le seul auteur qui mentionne leur nom, place leur
territoire entre celui des Gabali au N. et le pays des Ausci
au S. et leur assigne une ville du nom de Tasta. M. E. Des-
jardins, après avoir essayé d'identifier ce peuple avec les
Iluronenses, semble plus tard s'être rallié à l'hypothèse
de M. Longnon, qui identifie les Datii avec les Lactorates,
peuple important, mentionné par d'autres géographes et
omis par Ptolémée et dont la capitale Lactora, aujourd'hui
Lectoure, avait été antérieurement à l'époque où écrivait le
géographe d'Alexandrie, le chef-lieu d'une province finan-
cière. Sur la carte de la Gaule de M. Longnon, le terri-
toire des Datii s'étend au N. des Ausci, à l'O. des Volcœ
Tectosages, au S. des Cadurci et des Nitiobriges et à l'E.
des Nitiobriges et des Sotiates, et forma plus tard une
partie de l'Armagnac.
BiBL. : Ptolémée, II, vu, 11. — E. Desjardins, Géogra-
phie de la Gaule romaine, II, 377-379 ; III, passim. —
A. Longnon, Atlas historique de la France,
DATION EN PAYEMENT (V. PaYEMENT),
DATI S, général perse, commandant avec Artapherne
l'armée perse battue à Marathon (V. Artapherne et Ma-
rathon).
DATISCA {Datisca L.) (Bot.). Genre de plantes qui a
donné son nom au groupe des Datiscacées (V. ce mot).
L'espèce type, D. cannabina L., appelée vulgairement
Cannabine, Chanvre de Crète, est répandue dans les ré-
gions tempérées de l'Asie occidentale. C'est une herbe
vivace dont le port rappelle celui du chanvre. Ses fleurs
sont dioïques : les mâles avec un calice gamosépale très
court et de nombreuses étamines à anthères allongées ; les
femelles avec un ovaire uniloculaire qui devient à la matu-
rité une capsule renfermant des graines recouvertes d'un
réseau saillant. La plante entière est préconisée, en Italie,
contre les affections gastriques et les fièvres intermittentes.
Sa racine et ses feuilles renferment un glucoside particu-
lier, la Datiscine. On en extrait une matière colorante
jaune employée surtout pour teindre la soie. Ed. Lef.
DATISCACÉES (Datiscaceœ R. Br.) (Bot.). Groupe de
Végétaux Dicotylédones, longtemps considérés comme une
famille distincte, mais qui ne forme plus maintenant
qu'une simple tribu (Datiscées) de la famille des Saxifra-
gac^ées (V. H. Bâillon, Hist. des plantes, III, pp. 405,
463). Ses représentants sont des herbes ou des arbres à
feuilles alternes et sans stipules, à fleurs apétales, dioïques
ou polygames, à ovaire infère, uniloculaire avec 3-5 pla-
centas pariétaux, médiaux et pluriovulés. Le groupe ren-
ferme seulement les trois genres : Datisca L., Jetrameles
R. Br. et Octomeles Miq. Ed. Lef.
DATlSClNE(Chi„.).Fo™.(J£Va-0-
La datiscine est un glucoside découvert en 4816 par
Braconnot dans les feuilles et les racines du Datisca can-
nabina L. (V. Datisca). On l'obtient en épuisant la plante
par l'alcool, évaporant en consistance sirupeuse et addition-
nant la liqueur de la moitié de son volume d'eau pour pré-
cipiter une matière résineuse ; on filtre et on évapore à
cristallisation. Elle cristallise en aiguilles et en lamelles in-
colores, peu solubles dans l'eau froide et dans l'éther, très
solubles dans l'alcool, surtout à chaud. Elle est neutre,
amère, fusible à 480^, sublimable lorsqu'on la chauff'e avec
précaution dans un courant d'air. Elle est soluble dans les
alcalis, les eaux de chaux et de baryte ; elle est précipitée
de ces solutions par les acides. Ses solutés sont également
précipités par l'acétate de plomb, le chlorure stannique et
divers sels métalliques. Avec l'acide nitrique, même affaibli,
on donne à chaud de l'acide picrique et de l'acide oxalique.
Avec les acides étendus, elle se dédouble en glucose en en
principe cristallisable, la datiscétine, C^^H^^O^^ :
0421122024 --- Cl^Hi2012 _|_ C30Hi00i2.
Ed. BOURGOIN.
BiBL. : Braconnot, An. ch. et de Phys., t. III, 277. —
Stenhouse, An. der Ch. und Pharm., t. XCVIII, 166.
DATISI. Terme de logique qui désigne un mode de la
troisième figure du syllogisme (V. ce mot), où la majeure
est universelle affirmative (A), la mineure et la conclusion
toutes deux particulières affirmatives (I). Exemple: tout
juste est heureux; quelques justes sont pauvres; donc
f)ATISÎ -- DATURA
-^ 958 -^.
quelques pauvres sont heureux, La lettrée D marque que,
pour être prouvé, ce mode doit être ramené à un darii de
la première figure ; la lettre S indique que cette opération
devra se faire en convertissant simplement la mineure.
DATIVA. Martyrisée en 484 dans laByzacène, pendant
la persécution d'Huneric, roi des Vandales. Sa mémoire est
célébrée le 6 déc,
BiBL. : UsuARD, Martyrologe. — Ruinart, Perseciitio
Vandalîca, 1737.
DATTE. I. Botanique. — - Fruit du Dattier (V. ce mot).
IL Thérapeutique. — Les dattes font partie des quatre
fruits pectoraux ; elles s'emploient aussi seules en tisane,
sous forme de pulpe, de sirop, de pâte, comme béchiques
et adoucissantes. La pulpe, charnue et très sucrée, est
nourrissante ; les Arabes en font des gâteaux avec la pulpe
desséchée {farine de dattes). Fsir fermentation, on prépare
un vin, une eau-de-vie et un nectar de dattes. D^ L. Hn.
III. Commerce. — Les dattes forment la base de l'ali-
mentation des populations riveraines du désert nord-afri-
cain et l'un des principaux objets de commerce dans ces
contrées. Ces fruits contiennent, sur 100 parties, 40 de
noyau, 5 d'écorce et 85 de chair; celle-ci comprend
30 ^/o d'eau, 36 ^jo de sucre, 23 % d'albumine et de
matières extractives, 8 '^j^ % de pectine, etc., 1 V2**/o de
cellulose, d % d'acide citrique, decoumarine, etc., auxquels
est dû le goût. On sèche les dattes au soleil et on les
enfouit dans le sable pour les conserver. C'est une nourri-
ture très échauffante. Une minime proportion est exportée
en Europe. Les dattes les plus petites viennent du sud de
la Tunisie ; les plus grosses et les plus foncées, qui sont
aussi les plus sucrées, viennent d'Egypte.
IV. Zoologie.— Sousle nom de Datte de mer^ on désigne,
sur les côtes de la Méditerranée, deux Mollusques comes-
tibles, du groupe des LameUibranches, dont la coquille offre
une certaine ressemblance de forme avec le fruit du Dattier.
L'un est le Pholas dactylus L. , de la famille des Pholadidés;
l'autre, le Lithodomus lithophagus Cuv., de la famille
des Mytiiidés, que l'on appelle également Moule pholade,
Datte d'Afrique, Datte de la MédiWranée. Ed. Lef.
DâTTI (Natale). Nom donné par quelques auteurs à un
peintre graveur italien de la première moitié du xvi® siècle,
plus connu sous le nom de maître à la Ratière. Ses estampes
sont marquées d'une ratière accompagnée des lettres
NA-DAT. Elles sont décrites par Bartsch sous les titres
suivants : la Vierge et sainte Anne., les Jumeaux
monstrueux^ les Beux Armées rangées en bataille,
DATTIÂH. Ville du Bandelkand (Inde centrale), capitale
d'une des principautés bondélas, à 200 kil. S.-E. d'Agra,
au milieu d'une plaine fertile entourée de collines boisées ;
50,000 hab. Elle est entourée de murailles et percée de
rues larges et bordées de jolies maisons. Le palais du sou-
verain est bâti sur une hauteur au centre de la ville. —
La principauté de Dattiah s'étend sur un affluent de la
Djemnah qui la sépare de l'Etat de Scindia. Superficie :
2,128 kil. q. ; population, 180,000 hab. L'armée se com-
pose de 1,000 cavaliers et de 3,000 fantassins. M.n'E,
DATTIER» L Botanique. —■ Nom vulgaire du Phamiœ
dactyliferaL.J)cm Palmier dioïque, du groupe desPhœni-
cées, dont le stipe peut atteindre de 20 à 25 m. do hauteur
et de 60 à 80 centim. de diamètre. Ses feuilles, bien connues
sous le nom de palmes, sont inégalement composées-pen-
nées et leur pétiole se dilate inféricurement en une courte
gaine fibreuse. Leur longueur moyenne est d'environ 2'^^50
à 3 m. ; mais elles peuvent dépasser 4 et même 5 m. Les
fleurs, petites, membraneuses, de couleur jaune, sont ses-
silcs sur les ramifications de spadices nés dans l'intervalle
des feuilles; elles ont un cahce cupuliforme à trois dents
et une corolle de trois pétales libres dans les fleurs mâles,
concaves et imbriquées dans les fleurs femelles. Les pre-
mières ont un androcée formé de six étamines superposées,
trois aux dents du calice et trois aux pétales. Dans les
fleurs femelles, l'ovaire devient à la maturité une baie
ovoïde (datte), dont la chair est alimentaire, douce, sucrée.
considérée comme pectorale, stomachique, adoucissante et
dont l'endocarpe, représenté par une pellicule mince et
membraneuse, enveloppe une graine oblongue, cylindrique,
profondément sillonnée au côté interne et presque entiè-
rement constituée par un albumen corné très dur, vers le
milieu duquel est situé un très petit embryon ayant la
forme d'un clou.
Le Dattier est l'arbre par excellence des oasis de
l'Afrique et sans lequel le Sahara serait absolument inha-
bitable. On le croit originaire de l'Arabie, d'où il aurait
été propagé, par la culture, dans la Perse méridionale, en
Egypte, deans le nord de PAfrique et plus tard dans le
midi de l'Europe. On le cultive sur une grande échelle sur
la côte de Ligurie, surtout à Bordighiera, pour ses palmes
qui servent aux fêtes de la Passion dans le culte catholique
et à celles de la Pâque juive. Il est très commun sur le Ht-
toral de la Provence, entre Toulon et Nice, où on en ren-
contre des spécimens gigantesques. A Hyères, sur la place
publique, et à Nice dans les squares, on en voit qui atteignent
15 et 20 m. de hauteur. C'est, d'ailleurs, sous le rapport
de son utilité générale, un des Palmiers les plus intéres-
sants que l'on connaisse. Son bois, très dur et presque
incorruptible, est employé dans les constructions et sert à
faire une foule d'objets pour les usages domestiques. Ses
feuilles, macérées dans l'eau, y acquièrent une souplesse
qui les rend propres à la fabrication d'un grand nombre
d'objets, tels que tapis, paniers, corbeilles, chapeaux, etc,
La base élargie des pétioles fournit des fibres solides avec
lesquelles on fait des filets, des cordages, etc. La sève, extraite
du tronc par incisions circulaires, sert à préparer une bois-
son assez agréable à laquelle les Arabes donnent le nom de
lagmi. Enfin, ses fruits forment la base de la nourriture
des nombreuses peuplades du nord de l'Afrique. Ed. Lef.
IL Arboriculture, -— Les Phœnix farinifera Wilid ;
P.pusilla Gœrtn., P, acaulis^iM, espèces naines, con-
viennent pour la culture en pots. Les espèces de grande taille,
comme P/i. dactyliferah., Ph, reclinata Mart., réus-
sissent moins bien dans les serres, où ils s'étiolent. Il faut
en effet aux palmiers la pleine terre et le grand air, mais
ils ne viennent bien dans ces conditions, en France, que
dans la région de l'oranger. Sous le climat de Nice, le
dattier commun ne mûrit qu'imparfaitement ses fruits,
mais les noyaux peuvent servir à la multiplication , du
moins lorsque l'année a été chaude. Ce palmier veut un
sol frais, arrosé et fertile. Il se multiphe aisément au
moyen de drageons ou des noyaux de ses dattes. Ces se-
mences mettent deux mois à germer environ. On les sème
sur couche, ou autant que possible en place, afin d'éviter
la transplantation défavorable au dattier. Les arbres obte-
nus de semis produisent souvent des fruits de qualité très
secondaire, aussi on préfère d'ordinaire employer les dra-
geons qui se développent à la base des vieux pieds. Ils
reprennent bientôt si le sol est humide et chaud. Ce pro-
cédé permet d'obtenir à coup sur des pieds femelles,
avantage important dans les pays de production de dattes,
et la mise à fruit se produit plus tôt que chez les dattiers
issus de semis. Pendant la végétation on arrose copieuse-
ment, et, tous les quatre ou cinq ans, on enfouit un peu
d'engrais au pied des arbres. Un arbre bien soigné vit plus
d'un siècle et produit en moyenne cinq à six régimes de dattes
par an, pesant environ 8 kilogr. chacun. G. Boyer.
DATURA. I. Botanique. — Genre de plantes de la
famille des Solanacées, qui compose à lui seul le groupe
dos Daturécs. Ce sont des herbes annuelles ou bien des
arbrisseaux à feuilles alternes, à fleurs hermaphrodites,
solitaires dans les angles formés par la bifurcation' des ra-
meaux. Ces fleurs ont un caHce gamosépale, tubuleux,
quinquéfide, et une corolle gamopétale, hypogyne, in-
fundibuliformo, à tube plissé longitudinalement,"^ à limbe
campanule, divisé en cinq lobes courts, brusquement acii-
minés. Les étamines, au nombre de cinq, sont insérées
sur le tube de la corolle et l'ovaire, supère, devient à la
maturité une capsule épaisse, coriace, ordinairement cou-.
— 9S9
DAtURA - DAUB
terte d^épines et présentant, à sa base, une sorte de col-
lerette membraneuse réfléchie, constituée par la portion
persistante du tube du calice. Cette capsule s'ouvre en
quatre valves pour laisser échapper de nombreuses graines
réniformes, pourvues d'un albumen charnu. — On connaît
une quinzaine d'espèces de Datura, dont plusieurs sont
cultivées en Europe comme ornementales, à cause de leurs
grandes et belles fleurs blanches ou violettes, parfois
d'un rouge plus ou moins foncé. Tels sont notamment le
D. metelL.^ de l'Asie; le D, fastuosa L., des Indes
orientales; le D. sangidnea Ruiz et Sav., ou Floripon-
dio des Péruviens et le Z). arborea L., dont on a fait le
type du genre Brugmansia Pers, et qui est appelé vul-
gairement Trompette du jugement dernier. Toutes ces
espèces sont douées de propriétés narcotiques et vénéneuses
très actives. Mais l'espèce la plus employée en thérapeu-
tique est le D. stramonium L., originaire de l'Amé-
rique du Nord selon les uns, de l'Asie centrale suivant
les autres et qui est répandu maintenant dans presque"
toute l'Europe et le nord de FAlrique, où on le rencontre
dans les lieux incultes^ les décombres, sur les plages sablon-
neuses des bords de la mer, principalement dans le voi-
sinage des habitations. On l'appelle vulgairement Stra-
moine, Stramonium, Pomme épineuse, Endormie, Herbe
des magiciens. Herbe du diable, Pomme du Pérou, etc.
C'est une herbe annuelle à racine fibreuse. Sa tige robuste,
dressée, haute de 40 centim.à 1 m., est simple à la base,
rameuse, dichotome au sommet, et gaimie de feuilles
glabres, d'un vert sombre, longuement pétiolées, ovales-
acuminées et inégalement sinuées-dentées. Les fleurs, de
couleur blanche, ont de 7 à 9 centim. de longueur. Le
J), tatula L., qu'on rencontre dans quelques-uns de nos
départements du Midi, est connu sous le nom vulgaire
d'Herbe à la taupe. Ses propriétés vénéneuses sont, dit-on,
plus énergiques que celles du D. stramonium. Ed. Lef.
n. Horticulture. — Les espèces arborescentes recher-
chées comme plantes pittoresques doivent passer l'hiver
en orangerie. On cultive surtout : D. arborea L., à une
exposition chaude et arrosé fréquemment en été; il se
multiplie aisément de boutures. Le D. sanguinea R. et
Pav. exige les mêmes soins. Le D. sarmentosa Lamk.,
veut une terre franche légère et la serre chaude. Au prin-
temps on le multiphe de graines ou de boutures tenues sur
couche chaude, H craint l'humidité. Au nombre des espèces
herbacées recommandables aussi par leurs belles fleurs et
leur culture facile, se placent: D. fastuosa L. On le sème
en avril, en terre légère, fertile, fréquemment arrosée en
été, à une exposition chaude, i). ceratocaula Jacq. D.
Metel L. et le Z). Meteloides demandent les mêmes soins.
III. Physiologie et Thérapeutique. — Toutes les parties
du Datura stramonium renferment de la daturine, mais
en proportions très variables (0,001 ^/o dans les graines,
0,0002 à 0,0003 % dans les feuilles). En raison des rela-
tions étroites qui unissent l'atropine à la daturine, on peut
s'attendre à une grande similitude entre les effets du da-
tura et ceux de la belladone. Comme elle, en effet, le
datura détermine, à doses faibles, de légers vertiges et
une tendance au sommeil ; à doses plus élevées, de la dila-
tation de la pupille avec troubles visuels, accélération du
pouls, diminution de l'énergie musculaire et de la sensibilité,
léger délire, hallucinations, céphalalgie, soit, diarrhée, diu-
rèse légère ; à dose toxique, des vertiges, une forte dilatation
de la pupille, un délire tantôt gai, tantôt furieux, avec hal-
lucinations, soif ardente, contraction douloureuse du pha-
rynx, chaleur de la peau et éruption scarlatiniforme; la
mort arrive dans le collapsus avec refroidissement général.
Si le malade échappe à l'intoxication, il persiste un délire
maniaque, avec affaiblissement de la vue, perte de la
mémoire, paralysie des paupières et tremblement des
jambes. Tous ces accidents relèvent d'une congestion in-
tense des centres nerveux et d'une action vaso*dilatatrice
très marquée. — En thérapeutique, le datura a été employé
pour combattre certains troubles de l'aliénation mentale,
tels que lés hallucinations, le délire maniaque léger. Mais
c'est surtout dans l'asthme qu'il rend les plus grands ser-
vices. On l'emploie alors en fumigations, soit que l'on fasse
respirer la fumée des feuilles brûlées, soit que Ton donne
à fumer au malade des cigarettes faites de feuilles de da-
tura, soit seules, soit mélangées au tabac : quelquefois
on se contente d'imprégner le tabac à fumer d'extrait alcoo-
lique (0^20 par cigarette ou par pipe) ou même de tremper
dans la teinture alcoolique de semences le papier à ciga-
rette, sauf dans la partie qui touche aux lèvres. On a éga-
lement préconisé le datura contre les névralgies faciales,
la céphalalgie, la gastralgie et même la coqueluche. Essayé
contre l'hystérie et l'épilepsie, il s'est montré complète-
ment inefficace. On emploie aujourd'hui soit les feuilles en
fumigation (i gr. à l^oO), soit l'extrait alcoolique (0^01
à 0S20), soit la poudre (0-05 à 1 gr.). — H nous reste à
dire quelques mots des espèces de Datura autres que le
D. stramonium. Le D. lœuis jouit exactement des mêmes
propriétés que celui-ci, dont il ne représente que la variété
à fruits glabres. Le D. tatula est dans le môme cas, mais
passe pour plus actif. Le D. alba ou Datura indien est
plus actif encore ; c'est lui qui est constamment employé
dans l'Inde et en Cochinchine, avec le D. métel sous le
nom de Ca-duoc, pour provoquer des empoisonnements :
on dit que les voleurs s'en servent pour stupéfier leurs vic-
times. L'idée que le fait de respirer simplement une fleur
de datura peut amener la mort, est d'ordre purement poé-
tique. B^ R. Blondel.
DATURINE (Chim.). On a donné ce nom à un alcaloïde
du Datura stramonium, entrevu par Brandes en 1820 et
obtenu à l'état de pureté par Geiger et Hesse en 1833.
D'après Ladenburg, c'est un mélange de deux isomères, l'atro-
pine et l'hyosciamine, qu'on trouve dans le commerce sous
les dénominations de daturine lourde et de daturine légère.
La daturine lourde est surtout riche en atropine, qu'on
peut isoler par une série de cristallisations fractionnées. Il
est préférable de transformer le mélange en chloraurates :
celui d'hyosciamine est en tables brillantes, fusibles à 159-
160^; il est moins soluble que le sel d'atropine qui est
sans éclat et fond à 135-139^; on régénère les deux alca-
loïdes au moyen de l'hydrogène sulfuré. — La daturine
légère est une poudre blanche, confusément cristallisée,
constituée presque complètement par l'hyoscyamine ; elle
fond dans l'eau bouillante. On peuten séparer le peu d'atro-
pine qu'elle contient en passant par les chloraurates (Laden-
burg, Deutsch. Ch. Gesellsch., 1880; 909). Ed. B.
DAUB (Karl), théologien allemand, né à Cassel le
20 mars 1765, mort à Heidelbergle 22 nov. 1836. Avant
fait ses études à Marbourg, il fut nommé en 1795 pro-
fesseur de théologie à Heidelberg, et y resta jusqu'à sa
fin. Ce fut un des esprits spéculatifs les plus éminents de
l'Allemagne du xix^ siècle, doué en même temps d'une rare
énergie morale. Dans sa théologie, il suivit le mouvement
philosophique de son temps depuis Kant jusqu'à Hegel.
Sous l'influence du criticisme de Kant, il écrivit son
Lehrbuch der Katechetik (1801). L'influence de la phi-
losophie de Schelling se montre dans ses Iheologumena
(1806), et dans son Einleitung in das Stiidium der
Dogmatik (181€); l'élément mystique apparaît surtout
dans le plus original de ses ouvrages : Judas Ischarioth,
oder Betrachtungen iiber das Base im Verhâltniss
zum Guten (1816-18, 2 vol.). Plus tai'd, c'est Hegel
qui déteint sur lui et lui fait faire sa dernière évolution ;
à cette période appartient Die dogmatische Théologie
jelziger Zeit, oder die Selbstsucht in der Wissenschaft
des Glaubens (1833). Daub exprima un jour le vœu de
mourir en chaire, docendo ; 'ce vœu fut accompli. li fut
frappé d'apoplexie dans sa chaire de professeur, au moment
oîi il récitait à ses élèves ces vers de Schiller : Das Leben
ist der Giiter hôchstes nicht, der Uebel grossies ist die
Schuld. Depuis on a pubHé ses cours : Theologisch-Plii-
losophische Vorlesunge7i (Berlin, 4838-1843, 7 vol.).
Gh. Pfender.
DAUB — DAUBENTON
960
BiBL. : RosENKRANz, Erinnevungen an Daub ; Berlin,
1837. — Strauss, Parallèle zwischen Schleiermacher und
JDau6, dans Charaktevistiken und Kritcken^ 1844, 2« éd. —
Hermann, Die spekulatwe Théologie in ihrer Entv^icke-
lung durch Daub ; Heidelberg, 1847.
D AU BAN (Charles-Aimé), littérateur et historien fran-
çais, né à Paris le 19 févr. 1820, mort à Paris le 5 août
1876. D'abord professeur d'histoire dans divers lycées, il
entra en 1854 au cabinet des médailles de la Bibliothèque
nationale, et devint, en 1858, conservateur au département
des estampes. Parmi ses nombreuses publications, nous
citerons : la République et les d'Orléans (1851) ; Michel
Colomb ; Médailles de Louis XH (1856) ; Nicolas Bricot
et la cour des monnaies (1857) ; Etude sur M^^^^ Roland
et son temps (1864, in-8) ; Histoire contemporaine
(1864 ; 2« éd., 1865); Histoire du moyen âge (1867,
in-18) ; la Démagogie en i798 à Paris (1867, in-8) ;
Histoire des temps modernes, en collab. avec M. L. Gré-'
goire (1869, in-18); Paris en i794 et 1195 (1869,
in-8) ; les Prisons de Paris sous la Révolution (1870,
in-8) ; Histoire de Louis-Philippe et de la seconde
République (1872, in-8) ; le Fond de la Société sous la
Commune (1873, in-8).
DAUBAN (Jules-Joseph), peintre français contemporain,
né à Paris en 1822. Frère du précédent, il étudia la pein-
ture sous la direction d'Aug. Debay ; son talent grave et
réfléchi le porta vers la peinture d'histoire et surtout vers
les sujets religieux. Ses compositions, d'un dessin sévère et
d'une grande simplicité dans les accessoires, sont d'un
aspect un peu froid et d'une couleur très sobre. On peut
citer comme les principales, après une Bethsabée au bain,
début assez malheureux au Salon de 1847, et qui passa
inaperçue : le Christ au pied de la croix (S. 1851) ;
Louis XI présentant aux notables angevins Guillaume
de Cerizay en qualité de maire (S. 186J) ; Réception
d'un étranger chez les Trappistes (S. 1864; méd.;
mus. du Luxembourg) ; Trappistes échangeant le baiser
de paix avant la communion (S. 1865 ; mus. d'Angers) ;
Fra Angelico da Fiesole (S. 1873). — M. J.-J. Dauban
est depuis 1849 directeur du musée d'Angers ; outre le
tableau indiqué précédemment, ce musée possède un des
nombreux portraits peints par l'artiste, celui de M. G.
Bordillon^ préfet de Maine-et-Loire en i848* Il est
aussi l'auteur de diverses peintures décoratives dont les
plus remarquables sont : le plafond de la salle des fêtes à
la préfecture et celui du foyer du théâtre (1871) à Angers ;
les fresques de l'église Sainte-Marie et celles de l'Hospice
général, dans cette dernière ville ; la décoration de la chapelle
du Sacré-Cœur à l'église Saint-Bernard de la Chapelle-
Saint-Denis, près Paris, et enfin celles de la chapelle du
Sacré-Cœur à l'église Saint-Louis-en-l'Ile de Paris. Ad. T.
DAUBASSE (Armand), poète français, né à Moissac en
1664, mort à Villeneuve-sur-Lot en 1727. Peignier en
corne à Villeneuve-sur-Lot, il conquit une grande réputa-
tion par sa facilité à tourner l'épigramme et le sonnet et la
malice de ses poèmes composés en patois gascon. Dau-
basse ne savait ni lire ni écrire. On a recueilli, comme on
a pu, un certain nombre de ses poésies qui ont été impri-
mées sous le titre des Poésies patoises (Villeneuve, 1796,
in-8), et rééditées sous celui à'OEuvres complètes (Ville-
neuve, 1839, in-8).
DAUBE (Artculin.). Manière de préparer avec un assai-
sonnement particulier, à très petit feu et à l'étouffée,
certaines viandes grasses et charnues, tels que le gigot de
mouton, la noix de bœuf, le filet d'aloyau, le carré de
porc frais, les oies, les dindes, les chapons et les poules
grasses. La pièce que l'on veut mettre en daube doit être
d'abord bien lardée et assaisonnée de sel, poivre, épices
fines, persil et ciboule hachés. On garnit ensuite une brai-
sière ou une casserole de bardes de lard, de tranches de
veau, de lames de jambon qu'on assaisonne aux fines
herbes, oignons, carottes, thym, laurier, clous de girofle,
poivre et sel, et on place sur ce lit la pièce à dauber, en
ajoutant un verre de vin blanc sec, autant d'eau et de
bouillon et un peu de bonne eau-de-vie. On couvre le tout
d'un papier beurré, on lute les joints du couvercle avec
de la pâte ou toute autre matière, et on entretient pendant
trois ou quatre heures feu dessous et dessus, en ayant soin
de le modérer à mesure que la cuisson arrive à son terme.
DAUBENEY (Giles, lord), homme d'Etat anglais, mort
le 21 mai 1508. Il accompagna Edouard IV en France en
1475 et commanda une petite troupe d'archers. Après
avoir figuré au couronnement de Richard III en 1483, il
fut impliqué dans la rébellion du duc de Buckingham et
ses biens furent confisqués. Il les recouvra à l'avène-
ment de Henry VII qui le fit entrer au conseil privé et lui
donna la charge de directeur de la monnaie et plusieurs
autres oflîces. Lieutenant de Calais (7 mars 1486), il fut
encore créé baron le 12 du même mois. Le 15 déc. 1486,
on lui confiait la direction d'une grande ambassade chargée
de conclure alliance avec Maximilien, roi des Romains. Un
an après (20 déc. 1487) il recevait le titre de chambellan
à la cour de l'échiquier. Vers la même époque il accom-
plit une ambassade en France, puis avec l'évêque d'Exeter
il fut chargé d'étudier avec les envoyés espagnols les con-
ditions d'un mariage entre le prince Arthur et Catherine
d'Aragon. L'année suivante, il faisait œuvre de capitaine
en reprenant Ostende aux Français. Il revint bientôt à la
diplomatie, chercha à négocier un traité de paix avec
Charles VIII en juin 1492 qui n'aboutit pas d'abord, mais
dont les préliminaires furent signés le 3 nov. à Etaples,
les Anglais ayant assiégé Boulogne, et ratifiés à Amboise.
En récompense de ses services, Daubeney fut nommé
chief-justice des forêts royales (24 nov. 1493) et lord
chambellan (1495). En 1497, il reçut le commandement
d'une expédition dirigée contre l'Ecosse, mais fut presque
aussitôt rappelé pour réprimer la rébellion des Cornishmen ;
mission qu'il accomplit (17 juin) non sans difficulté, toute-
fois, car il fut fait prisonnier par les rebelles. Il eut encore
le bonheur de mettre fin à la révolte de Perkin (sept. 1497).
En 1500, il accompagna Henry VII à Calais et assista à
son entrevue avec l'archiduc Philippe. Il conclut définiti-
vement à cette époque le mariage du prince Arthur avec
Catherine d'Aragon et ce fut lui qui prépara en 1501 la
réception de Catherine à Londres. Il présida encore aux
fiançailles de la princesse Marguerite avec Jacques IV
d'Ecosse (25janv. 1503). Jusqu'à la fin de sa vie il se
maintint en grande faveur à la cour et reçut d'importantes
charges et d'innombrables privilèges. Il siégea aux parle-
ments de 1495, 1497 et 1504. De son mariage avec Eli-
sabeth, fille de sir John Arundel, il eut un fils Henry,
second lord Daubeney, qui fut créé comte de Bidgewater,
et une fille Cecily, qui épousa John Bourchierlord Fitzwa-
rine et comte deBath. R. S.
DAUBENTON ou D'AUBENTON (Le P. Guillaume),
jésuite français, né à Auxerre le 21 oct. 1648, mort à
Madrid le 7 août 1723. Appelé en 1715 en Espagne pour
être confesseur de Philippe V, il ne tarda pas à prendre
une grande influencesur l'esprit du roi. Alberoni en conçut
ombrage et chercha par tous les moyens à l'éloigner. Mais
le jésuite eut le dessus et ce fut l'impérieux cardinal qui
tomba en disgrâce (1719). Daubenton eut dès lors la plus
gTande part au gouvernement : on lui attribue la résolu-
tion d'envoyer des troupes en Afrique. Il s'opposa au pro-
jet d'abdication de Philippe V. Daubenton eut une certaine
réputation de prédicateur. Il a laissé : Oraisons funèbres
(Nancy, 1700, in-4);L^^^r^ au P. Crozet (1726,in-12);
Scripta varia in causa beatificationis J,-F, Régis
(Rome, 1710-1712, 2 vol. in-fol) et Vie de Saint-Fran-
çois Régis (Paris, 1716, in-12) qui a été très souvent
réimprimée.
DAUBENTON (Louis-Jean-Marie), naturaliste français,
né à Montbard (Côte-d'Or) le 29 mai 1716, mort à Paris
lel^^'janv. 1800. Son père le destinait à l'état ecclésias-
tique ; mais, tout en suivant les cours de théologie de la
Sorbonne, Daubenton étudia secrètement la médecine. En
1741, il revint exercer son art dans sa ville natale, et.
— 961 -
DAUBENTON - DAUBIE
l'année suivante, Buffon le détermina à venir à Paris et
l'associa à la grande œuvre qu'il venait d'entreprendre. Il
entra en 4744 à l'Académie des sciences et fut nommé garde
et démonstrateur du Cabinet d'histoire naturelle qu'il
classa, enrichit et rendit célèbre dans le monde entier;
plus tard, il devint professeur au Collège de France, et,
après 4789, il entra à l'Institut, fit quelques leçons à
l'Ecole normale et se vit confirmer les fonctions de pro-
fesseur-administrateur du Muséum d'histoire naturelle.
Enfin, en déc. 4799, il fut nommé, l'un des premiers,
membre du Sénat conservateur, mais il mourut quelques
jours après. — Comme nous l'avons dit, Daubenton colla-
bora à V Histoire naturelle deBufFon, pour laquelle il rédi-
geait les descriptions anatomiques. Malheureusement, cette
entente ne dura pas et la collaboration de Daubenton ne
s'étendit pas au delà des mammifères ; Buôon était trop
artiste, Daubenton trop naturaliste, pour que ces deux
hommes pussent s'entendre longtemps ; le premier, aussi
glorieux que le second était modeste, visait surtout à l'efTet
par des expressions métaphoriques et un style recherché,
tandis que Daubenton s'attachait principalement à Fexacti-
tude dans le détail et à la netteté scientifique dans les des-
criptions. A partir de ce jour, la partie anatomique de
V Histoire naturelle se trouva de plus en plus faible et
négligée. Par la suite, Buffon reconnut ses torts et se récon-
ciUa avec son ami ; c'était trop tard. — Daubenton a le mérite
d'avoir l'un des premiers pressenti l'importance de l'étude
de l'anatomie comparée pour la détermination des corps
fossiles ; on signale de lui plusieurs tentatives heureuses
dans ce sens. C'est en reprenant cette tradition que Cuvier
éleva plus tard ce monument impérissable à la paléonto-
logie qui l'a fait désigner ajuste titre comme le créateur de
cette science. N'oublions pas que Daubenton a bien d'autres
titres à la reconnaissance de la postérité par ses travaux
sur la physiologie végétale, sur l'agriculture, sur l'écono-
mie rurale, qu'il enseiona à l'école d'Alfort depuis 4783,
sur la minéralogie qu'il professa au Muséum et à l'étude
de laquelle il poussa le célèbre Haiiy, par les progrès qu'il
fit accomplir à l'élevage des bêtes à laine et en particulier
des mérinos dont il introduisit la race en France. On trou-
vera dans les Mémoires de V Académie des sciences^ les
Mémoires de la Société de médecine et de V Académie
de médecine^ le Journal des Savants, les deux Ency-
clopédies^ un grand nombre de monographies de Dauben-
ton consacrées à ces sujets si variés. Citons encore de lui :
Instruction pour les bergers^ etc. (Paris, 4782, in-8;
o^ édit. par Huzard, 4821, in-8) ; Tableau méthodique
des minéraux suivant leurs différentes natures^ etc.
(Paris, 4784 et 4801, in-8) ; Mémoire sur les indiges-
tions, etc. (Paris, 1785 et 1798, in-8). D»^ L. Hn.
DAUBENTON (Marguerite Boucheron, dame), femme
du précédent, née à Montbard le 30 déc. 1720, morte à
Paris le 7 août 1818. Cousine germaine, puis épouse (1749)
de Daubenton, elle eut de cette union une fille, mariée en
1793 à Buffon fils, récemment divorcé, et mort quelques
mois plus tard sur l'échafaud, sans postérité. M""*^ Dauben-
ton avait écrit un petit roman sentimental : Zélie dans le
désert (1786, 2 vol. in-8; nouv. éd. avec suppL, 1787,
2 vol. in-18, seule édition reconnue par l'auteur), dont
les réimpressions multiples attestent la vogue. M. Tx.
DAUBENTONIA (Zool.) (V. Aye-Aye).
DAUBENY (Charles-Giles-Bridle), chimiste, botaniste
et géologue anglais, né à Stratton (Gloucestershire) le
11 févr. 1795, mort à Oxford le 13 déc. 1867. Il étudia
simultanément la médecine, la chimie, la géologie, la bota-
nique, fut nommé professeur de chimie à l'université d'Ox-
ford en 1822 et joignit à cette chaire celle d'économie
rurale, à partir de d840. Il était membre de la Société
royale de Londres. Ses principaux travaux ont porté sur la
théorie des phénomènes volcaniques, l'analyse des eaux
minérales et thermales, la composition chimique des diverses
substances végétales, la conservation des semences. Outre
une centaine de mémoires dont quelques-uns très intéres-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII .
santset tout à fait originaux, parus de 1820 à 1867 dans
divers recueils scientifiques anglais (Edinburgh philoso-
phical journal, Philosophical transactions, Reports of
the British Association, Geological Magazine, etc.), il
a publié : Essay on the geology and chemicalphenomena
of Volcanoes (Oxford, 1824, in-8) ; the Active and
extinct Volcanoes (Oxford, 1826, in-8; 2^^ éd., 1848) ;
Introduction to the atomic theory (Oxford, 1831, in-8 ;
3^ éd., 1850) ; Lectures on agriculture (Oxford, 1841,
in-8) ; Essay on the trees and shrubs of the ancients
(Oxford, 1865, in-8), etc. L. S.
BiBL. ; Catalogue of scientifîc papers of the R. S.; Lon-
dres, 1868 et 1877, t. II et VU. — J. Philipps, Obitiiary
Notice, dans les Proceedings ofthe R. S., t. XVII, p. 74.
DAUBERMESNIL (François-r-Antoine), homme politique
français, né à Salles (Tarn) en 1748, mort à Perpignan
en 1802. Electeur de Castres, il fut envoyé par le dép. du
Tarn à la Convention le 6 sept. 1792. D'opinions très mo-
dérées, il démissionna le 2 mai 1793 et renouvela cette
démission le 19 frimaire an IL Mais il fut rappelé à son
poste le 24 thermidor an III. Il fut membre du comité
d'instruction publique. Il entra au conseil des Cinq-Cents,
en sortit à la suite du 18 fructidor an V et fut réélu par
le Tarn le 23 germinal an VI. Il fut un des rares oppo-
sants au coup d'Etat de Brumaire, ce qui le fit exclure du
Corps législatif par Bonaparte. Daubermesnil est plus
connu comme mage et fondateur de la secte des Théophi-
lanthropes. Il a écrit : Extraits d'un manuscrit intitulé:
le Culte des adorateurs de Dieu (Paris, an IV, in-8).
DAUBER VAL (Jean Bercher, dit), danseur et choré-
graphe français, né à Montpellier le 19 août 1742, mort à
Tours le 14 févr. 1806. Ce danseur célèbre, qui fut un mime
remarquable et en son genre un comédien de premier
ordre, à ce point qu'on le nomma le Préville de la danse,
était élève du fameux Noverre et débuta le 12 juin 1761
à l'Opéra, où il ne tarda pas à devenir premier danseur. Il
fit remarquer son beau talent d'exécution dans les diver-
tissements d'un grand nombre d'opéras, Polyxène, Erne-
linde, Adèle de Ponthieu, l'Union de l'Amour et des
Arts, Sabinus, Céphale et Procris, Roland, Iphigénie
en Tauride, le Seigneur bienfaisant, Atys, en même
temps qu'il remplissait les rôles importants de divers
ballets-pantomimes : la Chercheuse d'esprit, Annette et
Lubin, les Petits Riens, Ninette à la Cour, Médée et
Jason, la Fête de Mirm..,, Devenu en 1773 l'un des
maîtres de ballet de l'Opéra, il conserva cette situation
jusqu'en 1783, époque oti, à la suite d'incidents de cou-
lisses, il prit sa retraite avec une pension de 3,500 fr. Il
accepta alors un engagement pour Bordeaux, où il exerça
les fonctions de maître^de ballet, de 1785 à 1791. C'est là
qu'il fit représenter quelques jolis ballets de sa composition,
entre autres la Fille mal gardée et le Page inconstant,
qui, de longues années après, furent reproduits à l'Opéra
par Aumer. Dauber val, qui joignait l'esprit au talent, avait
épousé une danseuse aussi fort spirituelle, M^^® Théodore,
dont les démêlés avec l'Opéra sont restés célèbres.
DAUBEUF-lâ-Campagne. Com. du dép. de l'Eure, arr.
de Louviers, cant. du Neubourg ; 276 hab.
DAUB EU F-prês-Vatte ville. Com. du dép. de l'Eure,
arr. et cant. des Andelys; 364 hab.
DAUB EU F-Ser VILLE. Com. du dép. de la Seine-Infé-
rieure, arr. du Havre, cant. de Goderville ; 555 hab.
DAUBÈZE. Com. du dép. de la Gironde, arr. de La
Réole, cant. de Sauveterre ; 202 hab.
DAUBIÉ (Julie-Victoire), écrivain français, morte en
4874, la première femme de France qui fut reçue bache-
lière (4862, faculté des lettres de Lyon). L'autorisation de
se présenter lui avait d'abord été refusée par le ministre,
M. Rouland, vu l'absence de précédents. C'était une insti-
tutrice née en 4824, donc âgée alors de trente-huit ans.
Elle avait appris le latin avec son frère, curé de campagne
dans les Vosges, puis l'allemand, durant un séjour dans le
duché de Bade. Neuf ans après le baccalauréat, elle prit la
64
BAUBIE — DAUBIGNY
96â
licence es lettres. On a d'elle : la Femme pauvre au
xix^ siècle^ par une femme pauvre, mémoire couronné par
l'académie de Lyon (1859), et Du Progrès dans rensei-
gnement prmaire; Justice et Liberté (Paris, 4862),
ouvrage où était plaidée la cause des institutrices laïques et
réclamée la suppression de la lettre d'obédience. H. M.
DAUBIGNY (Jean-Louis-Marie Villain d'Aubtgny ou) ,
homme politique français, né à Saint-Just (Oise), ou, selon
M. Destrem, à Nesle (Somme) en 4754, mort à Cayenne le
4^*^ sept. 4804. Avocat, il fut un des électeurs du dépar-
tement de Paris en 4790. Président du comité révolution-
naire de la section des Tuileries au 40 août 4792, un des
Juges du tribunal du 4 7 août, on le trouve parmi les commis-
saires du conseil exécutif envoyé à l'armée de La Fayette
après la fuite de ce général. Les Girondins l'accusèrent
de complicité dans le vol du Garde-Meuble, et quand
Bouchotte le nomma second adjoint de la seconde division
du ministère de la guerre, la Convention (24 sept, 4793)
suspendit sa nomination jusqu'après enquête : on l'accusait
aussi d'avoir, comme président de sa section, volé 40,000
livres en assignats et, le 30 sept., il fut pour ce motif
épuré par la Commune. Mais Robespierre et Saint-Just
firent le même jour son éloge à la tribune et la Convention
le confirma dans son poste d'adjoint {Moniteur^ XVIÏI,
9, 45). Il fit aussi partie de l'état-major de l'armée révo-
lutionnaire. Le 42 nivôse an lï, Bourdon (de l'Oise) fit
décréter que Daubigny serait traduit au tribunal révolu-
tionnaire, comme coupable de dilapidation dans l'équipement
des troupes : Robespierre obtint aussitôt le rapport de ce
décret en déclarant que Daubigny était « le collaborateur
du comité de Salut public » et « dirigeait presque seul
les opérations militaires », Le 4 germinal suivant, le
comité de Sûreté générale ordonna son arrestation : Robes-
pierre et Saint-Just le sauvèrent encore. Dénoncé de
nouveau pendant la réaction thermidorienne par Bour-
don (de l'Oise), un décret du 5 prairial an III le tra-
duisit devant le tribunal criminel d'Eure-et-Loir, avec
Bouchotte et Pache. L'amnistie du 4 brumaire an IV lui
rendit la liberté. Après l'affaire du 3 nivôse an IX, il
fut déporté, en vertu du sénatus-consulte du 44 nivôse
suivant, à Cayenne où il mourut. Sa veuve épousa Bou-
chotte. F.-A. A.
BiBL. : Catalogue d'une importante collection de docu-
ments autographes sur la Révolution; Paris, 1862, in-8,
nos 69 et 338. — Jean Destrem, les Déportations du
Consulat et de V Empire; Paris, 1885, in-12.
DAUBIGNY (Edme-François), paysagiste français, né à
Paris en 4789, mort à Paris le 44 mars 4843. Il est connu
surtout à cause de la célébrité donnée à son nom par
son fils. Il avait visité l'Italie d'où il rapporta des études
qui lui servirent pour les vues du Pausilippe, de Castel-
iamare et des environs de Naples qu'il envoya à partir de
4837 au Salon. Il s'était auparavant inspiré de la cam-
pagne des environs de Paris et 11 avait exposé en 4819
une Vue prise à Ménilmontant, en 4824 une Vue du
cimetière du Père-Lachaise et en 4833 une Ferme.
DAUBIGNY (François-Charles), paysagiste et graveur
français, fils et élève du précédent, né à Paris le 45 févr.
4817, mort à Paris le 49 févr. 4878. Issu d'une famille
d'artistes, car son oncle Pierre d'Aubigny ainsi que la
femme de celui-ci étaient miniaturistes. Ses commencements
furent difTiciles. Son instruction fut assez négligée par suite
de sa mauvaise santé et de son peu de goût pour les livres.
Ayant perdu sa mère de bonne heure, il commença par
peindre des dessus de boîtes et des tableaux pour les hor-
logers ; à dix-sept ans, il pouvait se suffire et, comme son
père s'était remarié, il résolut de vivre de son côté en se
tirant d'affaire par son travail. Pendant longtemps, il lui
fallut accepter toutes les tâches, même les plus modestes.
Très désireux de voir l'Italie, il amassa péniblement, avec
un jeune peintre de ses amis, pendant une année, une petite
somme pour satisfaire son désir. Pendant près d'une autre
année les deux jeunes gens voyagèrent, visitant sur leur
passage les musées de Florence, de Rome et de Naples,
dessinant dans la campagne, séduits tour à tour par les
merveilles de l'art et par les beautés de la nature.
Rentré à Paris, Daubigny reprit sa vie de travail. Pen-
dant quelque temps il avait trouvé de l'occupation dans
les ateliers du Louvre où le peintre Granet, alors directeur
de ce musée, employait plusieurs jeunes gens à des res-
taurations de tableaux. Les critiques que Daubigny se
laissa aller à faire contre ces procédés peu respectueux des
chefs-d'œuvre le firent congédier. Dès 4838, Daubigny, à
peine âgé de vingt et un ans, avait exposé au Salon une Vue
de Notre-Dame de Paris ; comme les adeptes du roman-
tisme à cette époque, il professait et il conserva toujours
une vive admiration pour le gothique. La perspective du
concours de Rome qui, s'il y réussissait, pouvait lui assu-
rer une vie moins précaire, le détermina alors à entrer
dans l'atelier de P, Delaroche. Le nouvel élève étonna bien
vite son maître par la rapidité de ses progrès. En 4840,
il envoyait au Salon un Saint Jérôme peu original ; il
montrait au contraire plus d'originalité dans une Vue de
la vallée d'Oisans, dans l'Isère, où il devait par la suite
trouver quelques-unes de ses meilleures inspirations et
revenir souvent. Cette fidélité aux pays qu'il avait admirés
dans sa jeunesse est, du reste, un des traits distinctifs du
talent de Daubigny.
Désigné en 4844 pour entrer en loge, une négligence
involontaire l'empêcha de prendre part aux épreuves du
prix de Rome, et comme son âge lui interdisait d'attendre
le concours suivant, il fallut bien se tourner d'un autre
côté. Pendant bien des années encore, il dut peiner pour
vivre : M. Henriet, son biographe, cite quelques-uns des
travaux qu'il fit alors. C'étaient des dessins pour des en-
têtes de factures, des vues de propriétés à vendre ou des
prospectus pour des maisons d'éducation. De temps en
temps aussi, les éditeurs lui demandaient des dessins
pour les livres illustrés qu'on publiait en grand nombre
à cette époque. Ses séances d'études d'après nature dans
les environs de Paris lui procuraient un peu de répit.
Il excellait à rendre l'aspect des diverses plantes, à
donner à chacune sa physionomie propre, et il conserva
toujours cet amour des menus détails de la nature, même
quand il parvint plus tard à rendre les grands aspects du
paysage. Il avait dessiné un grand nombre de bois pour les
éditeurs, mais, ennuyé des trahisons de ses traducteurs, il
chercha dans un procédé d'expression plus immédiat le moyen
de se passer d'eux, et l'eau-forte le lui fournit. Ses pre-
mières tentatives en ce genre remontent à 4838, et dès
4844 avec un paysage à l'huile dont il avait pris le motif
sur les bords du Furon, il exposait six eaux-fortes inspi-
rées par les environs de Sassenage. En peu de temps, non
seulement il avait appris le métier, mais il s'était appliqué
à en perfectionner les procédés et à découvrir des res-
sources nouvelles d'expression. C'est ainsi qu'il imagina
le procédé dit à la cravate pour remplacer l'aqua-tinte.
En 4842, la publication du Jardin des Plantes par l'édi-
teur Curmer lui permit de donner la mesure de son talent
d'aquafortiste et en 4844 il put donner carrière à son
imagination dans les illustrations de Notre-Dame-de-Paris
éditée par Perrotin. Comme la plupart des paysagistes de
cette époque, la forêt de Fontainebleau devait aussi l'atti-
rer; mais cette nature grandiose et très particulière dont
Rousseau est resté le peintre attitré ne convenait pas à son
tempérament, et il ne renouvela pas une tentative dont le
Carrefour du nid de V aigle ^ exposé en 4844, est resté
le seul exemple. Les côtés aimables du paysage répondaient
mieux au goût de Daubigny. Aussi revenait-il avec bon-
heur aux lieux où s'était passée son enfance, et le cours
de l'Oise, aux environs de l'Isle-Adam, de Valmondois,
d'Anvers, lui fournissait des sujets de tableaux. Peu
à peu ce commerce intime avec la nature avait aussi déve-
loppé en lui le sens de l'harmonie des couleurs. De ses pre-
mières études, les unes étaient trop diaprées, les autres un
peu éteintes. Avec le temps, il avait compris que pour
faire œuvre de peintre et exprimer, avec les moyens res-
- 963 -
DAUBIGNY - DAUBRAY
treints dont Fart dispose, quelque chose de la richesse infi-
nie de la nature, il fallait dans un tableau laisser dominer
une tonalité en rapport avec la signification qu'il enten-
dait lui donner, et au lieu de disperser ses colorations, les
grouper, les opposer entre elles de manière à les mettre en
valeur. Le Ru à Valmondois et la Chaumière en Picar-
die qu'il exposait au Salon de 4847 n'étaient point passés
inaperçus; mais l'exposition de 1848 lui réservait un franc
succès avec les Souches^ le Paysage du Morvan^ une Vue
de Château-Chinon et surtout le Champ de blé dont
l'impression plus intime lui mérita les suffrages de ses con-
frères. Il commençait à être connu et à prendre aussi quelque
confiance en lui-même.
Un petit héritage qu'il fit en 4849 lui fournit enfin
l'occasion depuis longtemps attendue de se consacrer entiè-
rement à la peinture. Les diverses expositions auxquelles
il prenait part en 4849, en 4852 et 4853 assurèrent sa
réputation; mais, par sa variété et le talent qu'il y montra,
celle de 4 855 le mit hors de pair avec les Bords du Ru
à Orgevaux, le Pré à Valmondois, la Mare au bord
de la mer^ et V Ecluse de la vallée d'Optevoz. Ce der-
nier paysage, qui se trouve aujourd'hui au musée de Rouen,
était surtout remarquable par l'ampleur et la simplicité péné-
trante de rimpression. L'exposition de 4857 fut supérieure
encore, et Daubigny y conquit tous les suffrages. Sa Val-
lée d'Optevoz, d'une noblesse si austère, formait avec les
gaietés et la grâce de son Printemps (aujourd'hui au
Louvre) un contraste saisissant, et, malgré la simplicité du
motif, il atteignait la poésie la plus élevée dans le Soleil
couché. En même temps que le peintre paraissait dans toute
la plénitude de ses moyens, le graveur révélait sa maîtrise
dans cette belle planche du Buisson qu'il exécutait d'après
Ruysdaël pour la chalcographie, ainsi que celle du Coup
de soleil.
Malgré des succès si éclatants, si légitimes, Daubigny
trouva moyen de se surpasser au Salon de 4 859 par la variété
des sujets et des impressions de ses tableaux. Les titres
seuls de ces peintures suffisent à donner quelque idée de
leur diversité : les Bords de l'Oise (mus. de Bordeaux),
le Soleil couchant , les Champs au printemps, le Lever
de -lune et les Graves au bord de la mer à Villerville
(mus. de Marseille). A la suite de cette exposition, Dau-
bigny, qui avait obtenu une seconde médaille au Salon de
4848, et une première au Salon de 4853, suivie d'un
rappel au Salon de 4857, fut de nouveau désigné par le
jury pour un second rappel de cette distinction et le gou-
vernement lui donna la croix de la Légion d'honneur. 11
fut de plus chargé de décorations assez importantes pour
l'escalier et pour un des salons du ministère d'Etat. L'ai-
sance était peu à peu entrée chez le peintre ; il réalisa
alors un rêve depuis longtemps caressé, et se fit cons-
truire un bateau disposé en atelier flottant, avec une cou-
chette et le matériel sommaire d'une cuisine très primitive.
Dans une série de planches très largement dessinées, il a
conservé le souvenir de ces traversées pittoresques à bord
du Botin, Les années s'écoulaient ainsi, toujours pareilles,
toujours remplies par un travail opiniâtre, marquées seule-
ment par les titres et les dates des œuvres qu'il envoyait
successivement aux expositions, et dont nous donnons ici la
liste : en 4864, le Parc à moutons, les Bords de rOise,
nie de Vaux à Anvers; en 4863, la Vendange, une
peinture puissante et savoureuse, et un Matin au bord de
VOise; en 4864, Villerville et les Bords de la Cure (Mor-
van) ; en 4865, le Parc de Sai7it-Cloud, Effet de lune, le
Parc à moutons et la Vendange; en 4866, Effet du
matin sur VOise (mus. de Lille), les Bords de VOise,
et une eau-forte, le Gué. En 4867, à l'Exposition univer-
selle : le Hameau d'Optevoz, et en 4868, h Printemps et
un Lever de lune,
La réputation toujours plus grande du peintre et de l'aqua-
fortiste n'avait en rien modifié la simplicité de son existence,
ni la facilité de son humeur. Parti d'une étude minu-
tieuse des détails, il avait peu à peu agrandi sa manière.
et maintenant il était avant tout préoccupé de l'ensemble.
(Juelquefois même les simplifications et les sacrifices faits
par lui en vue de l'unité semblaient excessifs. Tel était,
du moins, le reproche que l'on pouvait faire à l'un de
ses tableaux de cette époque, Effet de Neige, qu'il
envoya au Salon de 4873, composition un peu vide dans sa
nudité voulue et dont une eau-forte de 4867, V Arbre
aux Corbeaux, nous offre la première pensée.
A la suite du Salon de 4874, il avait été nommé officier
de la Légion d'honneur ; mais la goutte dont il était atteint
depuis une dizaine d'années lui causait des souffrances de
plus en plus cruelles. En 4875, ses douleurs devenues plus
cuisantes pendant l'hiver l'empêchèrent de finir à temps les
tableaux qu'il destinait au Salon. Un de ses derniers
ouvrages fut un Lever de Imie qu'il envoya à l'Exposition
universelle de Vienne. Malgré ses souffrances, il ne se
résignait pas à demeurer inactif et avec le printemps, secouant
une lassitude qui n'était que trop justifiée, il voulait retour-
ner à ses chères études. Dans l'été qui précéda sa mort,
il fit une dernière campagne à bord du Botin, descendant
le cours de la Seine, de l'Isle-Adam jusqu'à Pont-de-l'Arche^
avec une escale aux Andelys. C'est peut-être à la suite de
cette imprudence que, souffrant comme il l'était déjà, il
éprouva une nouvelle rechute du mal qui devait l'emporter.
Quelques temps après, il mourait d'une hypertrophie du
cœur.
Les œuvres de Daubigny, peintures ou eaux-fortes, sont
aujourd'hui très recherchées des amateurs, non seulement
en France mais à l'étranger, et dans l'hiver de 4890 une
exposition formée uniquement de ses tableaux a été orga-
nisée à La Haye par des admirateurs de son talent, notam-
ment par M. Mesdag, le peintre de marine bien connu, qui
possède plusieurs des meilleurs ouvrages de Daubigny.
Dans ses eaux-fortes dont on peut voir à la Bibliothèque
nationale une collection formée d'épreuves de choix, et dans
les bois qu'il a dessinés pour divers recueils, Daubigny a
donné lui-même des traductions fidèles de plusieurs de ses
tableaux. Son Voyage en bateau, quinze eaux-fortes,
avec une préface par M. F. Henriet, a été publié par Cadart
et Chevalier (Paris ,^ 4862, in-8). Outre le Buisson
et le Coup de soleil, il a également gravé pour la chalco-
graphie les fac-similés de deux dessins de Claude Lorrain et
de Jean Pynas. Il a trouvé d'ailleurs des interprètes dignes
de lui, comme le peintre Emile Vernier qui a lithographie pour
la maison Goupil un recueil d'estampes d'après quelques-uns
des tableaux du maître et l'aqua-fortiste Chauvel dont la
grande planche de V Etang de Gylieu est une des plus remar-
quables qu'ait exécutées cet habile artiste.
BiBL. : Bellier de la Chavignerie, Dictionnaire rai"
sonné des artistes de l'Ecole française. — Frédéric Henriet,
Ch. Daubigny et son œuvre, 1878, in-8, orné de gravures
inédites, 2« édit.
DAU BI6NY (Pierre-Charles,ditKarl),paysagistefrançais,
fils du précédent, né à Paris en 4846, mort à Auvers le
24 mai 4886. Elève de son père, il manifesta de bonne
heure des dispositions pour la peinture e t figura ensuite
à divers Salons de 4863 à 4886, avec des tableaux dont les
motifs étaient généralement empruntés à la forêt de Fon-
tainebleau ou aux bords de la mer, en Normandie et en
Bretagne. Il a aussi gravé quelques eaux-fortes, et plusieurs
d'entre elles ont été faites d'après des œuvres de son père
pour le livre que M. F. Henriet a consacré à la mémoire
de ce dernier.
DAUBRAY (Michel-René Thibault, dit), acteur français,
né à Nantes en 4837. Il commença par jouer la comédie à
la banlieue et au théâtre Beaumarchais, passa, croyons-
nous, quelque temps au Vaudeville sans s'y faire remar-
quer, se montra aussi aux Folies-Marigny et à l'Athénée,
deux théâtres aujourd'hui disparus, et enfin fut engagé à
la Renaissance et aux Bouffes-Parisiens, où il commença
à conquérir l'oreille du public, grâce à sa physionomie
joviale, à sa gaieté bruyante, à son jeu plein de rondeur et
de franchise. Il se fit applaudir surtout dans Pomme-
d'Api, la Jolie Parfumeuse et Madame V Archiduc. En
DAUBRAY — DAUDET
964--
1879, M. Daubray quitta les Bouffes pour entrer au
Palais-Royal, où il débuta dans le Bas de laine. Son
exubérance un peu excessive ne plut pas tout d'abord aux
spectateurs de ce théâtre, habitués à plus de finesse et à
plus de correction, même dans la fantaisie. Mais l'acteur
se corrigea bientôt, se mit au ton de la maison et se montra
excellent dans plusieurs créations. Celle qu'il fit dans une
pièce de M. Sardou, Divorçons, le mit tout à fait hors de
pair et lui valut un succès complet.
DAUBRÉE (Gabriel-Auguste), géologue et ingénieur
français, né à Metz le 25 juin 4814. Entré à l'Ecole poly-
technique en 1832 et à l'Ecole des mines en 1834, ingé-
nieur ordinaire des mines en 1840, ingénieur en chef en
1855, il est inspecteur général depuis^l872. Mais il s'est
surtout consacré à l'étude des sciences et à leur enseigne-
ment, et il a été successivement nommé professeur de mi-
néralogie et de géologie à la faculté des sciences de
Strasbourg (1839), doyen de cette faculté (1852), profes-
seur de géologie au Muséum d'histoire naturelle (1861),
professeur de minéralogie à l'Ecole des mines (1862),
directeur de cet établissement (4872). 11 a été mis à la
retraite en 4884 et n'a conservé que sa chaire au Muséum.
En 4861, l'Académie des sciences l'a élu membre de la
section de minéralogie en remplacement de Cordier. Il est
grand officier de la Légion d'honneur depuis 1881. M. Dau-
brée a fait faire de très grands progrès à la géologie et à
la minéralogie tant par ses découvertes personnelles que
par les excellentes méthodes d'expérimentation qu'il a su
faire prévaloir. Ses principaux travaux, consignés dans
plus de cent cinquante mémoires publiés par les Annales
des mines, les Comptes rendus de l'Académie des
sciences, le Bulletin de la Société géologique, etc., sont
relatifs à l'origine et à la constitution des amas de mine-
rais d'étain, à la formation des minerais de fer dans les
marais et dans les lacs, à la présence de l'arsenic dans les
roches volcaniques, l'eau de mer et les bitumes minéraux,
à la production artificielle de nombreuses substances miné-
rales, à l'infiltration des eaux à travers les roches volca-
niques et à l'influence de cette infiltration sur les éruptions
et les tremblements de terre, au métamorphisme, à la
composition chimique des météorites sur lesquelles il s'est
livré à d'intéressantes expériences synthétiques et dont il
a réuni au Muséum une précieuse collection. Il a donné à
part de nombreux ouvrages, parmi lesquels il convient de
citer plus particulièrement : Description géologique et
niinéralogique du département du Bas-Rhin (Stras-
bourg, 1852, in-8, avec 6 cartes) ; Observations sur le
métamorphisme {?divk, 1858,1n-8); Recherches e'&.pé-
rimentales sur le striagedes roches (Paris, 1858, in-8);
Classification de la collection des roches du Muséum
d'histoire naturelle (Paris, 1867, in-8); Rapport sur
les progrès de la géologie expérimentale (Paris, 1868,
in-8) ; Etudes synthétiques de géologie expérimentale
(Paris, 1879, in-8); les Météorites et la constitution du
globe terrestre (Paris, 1886, in-8); les Eaux souter-
raines a V époque actuelle, leur régime, leur tempé-
rature, leur composition (Paris, 1887, 3 vol. in-8) ; les
Régions invisibles du globe et des espaces célestes
(Paris, 1888, in-8). Léon Sagnet.
BiBL. : On trouvera la liste des mémoires de M. Daubrée
antérieurs à 1873 dans le Catalogue of scientific papers de
la Société royale de Londres: Londres, 1868 et 1877, t. II
et Vil, in-4.
DAUBY (Jean- Joseph), publiciste belge, né à Bruxelles
en 1824. Il débuta comme simple compositeur typographe
au Moniteur officiel et, grâce à son intelligence et à son
activité il s'éleva peu à peu jusqu'au poste de directeur
qu'il occupe encore aujourd'hui. Il a publié un grand
nombre d'opuscules sur l'économie pohtique ; il relève de
l'école de Bastiat. Ses publications les plus importantes
sont : le Livre de l'ouvrier (Bruxelles, 1857) ; il a été
souvent réédité et traduit en hollandais, en italien et en
anglais; les Classes ouvrières en Belgique (1860) ; la
Question ouvrière en Belgique (iSli) ; De r Elévation
des classes ouvrières en Belgique au point de vue moral
et intellectuel (4873) ; Des Grèves ouvrières en Belgique
(4879); Sur les Moyens d'améliorer la condition morale,
intellectuelle et physique des classes laborieuses (4884).
L'Académie royale de Belgique a décerné à ce dernier
ouvrage le grand prix Castian.
DAUCHY (Hue-Jacques-Edouard, comte), administrateur
et homme politique, né à Saint-Just (Oise) en 4747,
mort à Saint-Just en 4847. Il fut, en 1789, député aux
Etats généraux et présida plusieurs fois l'Assemblée consti-
tuante en 1791 ; il siégea ensuite au conseil des Cinq-Cents
et fut nommé, en 4800, préfet de l'Aisne. Il devint suc-
cessivement conseiller d'Etat, commissaire dans les dép. du
Rhin, administrateur général des Etats vénitiens, de la Tos-
cane et des Provinces illyriennes, puis, enfin, député en
4815. Il a pubhé en 1801 une Statistique du départe-
ment de l Aisne, C. St-A.
DAUCOURT. Com. du dép. de la Marne, arr. et cant.
de Sainte-Menehould ; 139 hab.
DAUCUS (Daucus Tourn.) (Bot.). Genre de plantes
de la famille des OmbelHfères, qui a pour espèce type le
D. carota L. (V. Carotte). — Le Daucus de Candie ou
de Crète est VAthamanthacretensis L. (V. Athamanthe).
DAUCY, D'AULCY ou DAUXY (Jean), historien lorrain
du xvi'^ siècle, cordelier et confesseur de François P^' et
Charles m, ducs de Lorraine. Il est l'auteur de V Abrégé
ou Epitome des vies et gestes des ducs de Lorraine
(Nancy, 1566). Quant à son Histoire des comtes de Bar,
dont il fait remonter les généalogies jusqu'au déluge,
D. Calmet la considère « comme un roman mal assorti^ et
sans fondement ».
BiBL.: DoM Calmet, Histoire de Lorraine, 2« éd., 1. 1, p. 78.
— Du même, Bibliothèque lorraine, 63-64. — Jœcher,
Gelehrten-Lexihon.
DAUDÉ DE Pradas, troubadour (V. Pradas).
DAUDET (Robert), graveur au burin, né à Lyon en
1737, mort à Paris le 2 juin 1824. Fils d'un marchand
d'estampes et élève, pour le dessin, de Frontier et, pour
la gravure, de J.-J. Baléchou et de J.-G.Wille. On cite de
lui : les Ruines de Palmyre, la Grande Chasse au cerf,
d'après Wouverman; les Jeunes Blanchisseuses et les
Pêcheurs corses, d'après Jos. Vernet ; Ruine romaine,
d'après Dietrich, etc.
DAUDET (Louis-Marie-Ernest), romancier et historien
français, né à Nîmes le 34 mai 4837. Sa carrière témoigne
d'une admirable volonté. Destiné au commerce par sa
famille, il consacra quatre années aux affaires, de quinze à
dix-neuf ans, puis il vint à Paris (4857) pour aborder la
vie littéraire. Il compléta ses études et collabora à divers
journaux de province tels que la France centrale, à Blois.
Revenu à Paris en 4860, il devint secrétaire-rédacteur au
Corps législatif et collabora à un grand nombre de jour-
naux : r Union, le Spectateur, V Assemblée nationale,
V Univers illustré, la Nation, le Nord, r Internatio-
nal, etc., où il publiait des articles sans signature ou signés
de pseudonymes. En 4865, il passa au Sénat où il devint
chef de cabinet du grand référendaire, fonctions qu'il dut
quitter à la révolution du 4 sept. 4870. A cette époque il
avait déjà publié plusieurs romans : Thérèse, les Duperies
de l'Amour, la Vénus de Cordes, en collaboration avec
Ad. Belot ; la Succession Chavanet, Marthe Varades,
les Soixante et une Victimes de la Glacière, le Prince
Pogentzine, le Missionnaire, les Expropriés, le Roman
d'une jeune fille. Il avait aussi donné sa première étude
historique, le Cardinal Consalvi. Après 4870, Ernest
Daudet se jeta dans la réaction, tour à tour bonapartiste et
légitimiste ; en 4874, le duc de Broglie le nomma direc-
teur du Journal officiel et du Bulletin des communes,
fonctions qu'il conserva jusqu'en 1876. Peu de temps
après il devint rédacteur en chef du journal monarchiste
l'Estafette, Enfin, en 4887, il fut nommé rédacteur en
chef du Petit Moniteur, Depuis 4870, il a encore donné
les romans suivants : en 4874, Jean le Gueux; en
— 965
DAUDET
4872, les Dames deRibeaupin et Fleur de Péché; en
1873, un Mariage tragique, le Roman de Delphine; en
4875, les Aventures de Raymond Rocher ay, la Petite
Sœur; en 4876, Henriette, fragment du journal du
marquis de Roisguerny, député; en 4877, le Crime de
Jean Malory, Daniel de Kersons, confession d'un
homme du monde, une Femme du monde, la Baronne
Amalfi, les Persécutées; en 4878, Zahra Marsy, un
Martyr d'amour, la Marquise de Sardes; en 4879, Ma-
dame Robernier, V Aventure de Jeanne , les Aventures
de trois jeunes parisiennes, Clarisse; en 4880, la Mai-
son de Graville, le Mari, Robert Darnetal; en 4884,
le Lendemain du Péché; en 4882, Pervertis, la Cais-
sière, Défroqué; en 4883, la Carmélite; en 4885, Aven-
tures de femmes, les Reins cassés, Dolorès; en 4836,
Jean Malory, etc- Dans l'œuvre abondante et facile, mais
non sans mérite, d'Ernest Daudet, on cite particulièrement
Madame Robernier, Gisèle Rubens et la Carmélite,
Ses travaux historiques sont nombreux et présentent un
véritable intérêt. Outre le Cardinal Consalvi, il a donné : en
4874, l'Agonie de la Commune, la France et les Bona-
parte; en 4873, la Vérité sur l'essai de restauration
monarchique (sans nom d'auteur) ; en 4875, le Minis-
tère de M, de Martignac, sa vie politique et les der-
nières années de la Restauration, ouvrage d'un carac-
tère très monarchique, qui fut couronné par l'Académie
française; en 1877, le Procès des ministres (iS'èO) ; en
4 878, la Terreur Blanche, épisodes et souvenirs de la
réaction dans le Midi en i8l5 ; en 4884, une Histoire
des conspirations royalistes du Midi sous la Révolution
(1790-4793), d'après les publications contemporaines, les
pièces officielles et les documents inédits ; en 4882, une
Histoire de la Restauration; en 4886, le commencement
à' une Histoire de l'émigration; en 4888, les Bourbons
et la Russie pendant la Révolution française. Ces divers
ouvrages ont jeté un jour nouveau sur quelques épisodes
de l'histoire de la Restauration et de l'émigration. Son
oeuvre capitale est l'Histoire de rémigration dont deux
volumes ont paru déjà et qui sera complète en cinq volumes.
On peut noter à part, dans l'œuvre considérable d'Ernest
Daudet, des souvenirs historiques, remarquables par leur
impartialité, intitulés Souvenirs de la présidence du
maréchal de Mac-Mahon, publiés en 4880, où l'on
trouve de très curieux renseignements ; et enfin un volume
de mémoires littéraires très attachant, publié en 4882,
sous le titre : Mon frère et moi, souvenirs d'enfance et
de jeunesse, Ernest Daudet n'a pas eu autant de succès
que son frère, mais son talent sérieux et ses études cons-
ciencieuses sont fort appréciés.
DAUDET (Alphonse), humoriste et romancier français,
frère du précédent, né à Nîmes le 43 mai 4840. Elève du
lycée de Lyon, il dut, à la fin de ses études, se faire maître
d'étude pendant deux ans à Alais à cause du manque de
fortune de sa famille. En 4857, il alla rejomdre son frère
à Paris pour essayer de la littérature et s'y fixa. Il fit
presque aussitôt paraître un recueil de vers, les Amou-
reuses, qui eurent un assez vif succès. Le Figaro et le
Moniteur parlèrent avec éloges du jeune poète et le pre-
mier de ces journaux inséra une étude de lui, consacrée
aux souffrances des maîtres d'étude, sous le titre de les
Gueux de province; l'émotion de cet article plut beau-
coup au public ; Daudet publia ensuite avec succès dans
le Figaro une série d'articles qui furent réunis en 4864
sous le titre de le Chaperon rouge. En même temps pa-
raissait un second volume de vers, la Double Conversion
(1859). En 4862, Daudet fit jouer à l'Odéon une petite
pièce composée en collaboration avec E. Lépine, la Dernière
Idole, qui eut un succès d'attendrissement; en 4863,
F Opéra-Comique représenta les Absents dont la partition
était de M. de Poise ; en 4864, le Théâtre-Français joua
VOEillet blanc (petit drame en deux actes que la censure
avait obligé de changer de nom à plusieurs reprises; il
s'était appelé d'abord/^ Lys, puis le Dahlia blanc). L'année
suivante, Daudet publia dans le Petit Moniteur, sous la si-
gnature de Jehan de l'Isle, des chroniques intitulées Lettres
sur Paris. En 4 866, parurent dans l'Evénement les Lettres
de mon moulin, signées Gaston-Marie, et accueillies parle
public avec la plus grande faveur. Le Fi'ère aîné, pièce reçue
depuis 4864 au Vaudeville, n'y fut joué qu'en 4868 et n'eut
qu'un succès d'estime. La même année le Petit Chose,
sorte d'autobiographie fantaisiste, parut chez Hetzel. En
4869, le Vaudeville donna un drame de Daudet intitulé le
Sacrifice qui, bien que jugé favorablement par la
presse, ne réussit qu'à demi. Alphonse Daudet avait été
pendant cinq ans secrétaire particuHer de M. deMorny, et
cette place lui permit de recueillir beaucoup d'observations
dont il fit plus tard profiter le public dans ses livres, en
particulier dans le Nabab, Les événements dont il fut témoin
pendant la guerre de 4870 lui inspirèrent les Lettres à un
absent (4874), livre plein d'une patriotique émotion. En
4872, Daudet donna deux livres : les Aventures prodi-
gieuses de Tar tarin de Tarascon, où il met en scène la
vantardise méridionale, et les Petits Robinsons des caves
ou le Siège de Paris raconté par une petite fille de
huit ans; et deux pièces de théâtre, l'Artésienne, en trois
actes, qui est restée au répertoire bien qu'elle n'ait eu d'abord
que peu de succès, ainsi que Lise Tavernier, pièce en cinq
actes. La production continue à être abondante ; les ouvrages
suivants sont successivement publiés : en 1873, Contes du
lundi et Contes et Récits (avec illustrations) ; en 4874,
Robert Helmont, études et paysages, les Femmes d'ar-
tistes, puis Fromont jeune et Risler aîné, roman qui eut
un grand succès; en 4876, Jack, roman sentimental en
deux volumes; en 4877, le Nabab; en 4878, /^ Char en
collaboration avec Paul Arène, opéra-comique en un acte
et en vers libres; en 1879, les Rois en exil et Contes
choisis, la Fantaisie et l'Histoire ; en 4 884, iVwma Rou-
mestan, mœurs parisiennes; en 4883, les Cigognes,
légendes rhénanes, contes pour les petits enfants, avec
ses dessins de G. ^miàt;VEvangé liste, roman parisien ; en
4884, Sapho, mœurs parisiennes; en 1885, Taî^taîin
sur les Alpes, relatant les nouveaux exploits du héros de
Tarascon; en 4886, la Belle Nivernaise, Histoire d'un
vieux^ bateau et de son équipage, suivie de cinq autres
historiettes pour les petits enfants; en 4887, Trente Ans
de Patis, à travers ma vie et mes livres, sorte de mé-
moires littéraires où Daudet raconte ses débuts à Paris et
l'histoire de ses livres ; en 4888, l'Immortel ; en 4890,
Port Tarascon. Depuis quelques années déjà Alphonse Dau-
det avait mis à la scène un assez grand nombre de pièces
tirées de ses livres : en 4878, le Nabab, drame en cinq
actes avec la collaboration de Pierre Elzéar;en 4818,
Jack, drame en cinq actes, en collaboration avec Lafon-
taine ; en 4883, les Rois en Exil, pièce en cinq actes, en
collaboration avec Delair;en 1885, Sapho, pièce en cinq
actes, en collaboration avec Belot;en 4887, Numa Rou-
mestan, pièce en cinq actes ; la plupart de ces pièces,
accueillies avec la sympathie que le romancier a toujours
rencontrée pour ses livres, ont obtenu de véritables succès
d'estime, mais le talent délicat et composite de M. Daudet
ne semble pas se prêter très bien à la scène. Il en a été de
même pour la dernière pièce qu'il a donnée au théâtre, Id
Lutte pour la vie, sorte de moralité de l'Immortel.
Depuis quelques années, Daudet souffre d'une cruelle ma-
ladie qui a à peu près arrêté sa production.
Alphonse Daudet, après avoir débuté par des vers, des
volumes de fantaisie et de rêves, s'est de bonne heure
tourné vers le roman nouveau, le roman de mœurs et d'ob-
servation. Aimé du public qu'il a séduit dès ses débuts, il
a eu une très rapide fortune et occupe aujourd'hui dans le
monde littéraire une situation privilégiée. Il plaît à la fois à
beaucoup d'admirateurs du roman naturaliste par ses qua-
lités d'observation, et aux amateurs du roman romanesque
par ses quahtés de sensibilité. On le cite volontiers avec
Zola et Concourt comme un des maîtres du roman contem-
porain. Il y a dans ce jugement une certaine injustice. Au
DAUDET — DAUMAS
— 966
contmire de ces deux chefs d'école, Daudet manque de sin-
cérité dans l'observation : il cherche surtout à plaire et à
amuser, et son procédé est plutôt celui d'un chroniqueur
que d'un romancier d'observation. L'erreur vient de l'ha-
bileté avec laquelle il a su confondre sa cause avec la leur,
et de l'apparence de vie et de sincérité que présentent ses
livres. Peu doué du côté de l'invention, il a une vue extrê-
mement fine des objets sensibles, une faculté singulière de
saisir le côté pittoresque des choses et un véritable don
d'expression. En même temps il est presque incapable de
suivre des idées abstraites, de composer un caractère et une
psychologie. Ces différents caractères de son talent donnent
un aspect spécial à son œuvre : ses personnages, com-
posés par une sorte de travail de marqueterie, résumés
d'une série d'observations très justes et quelquefois péné-
trantes, donnent à chaque instant l'illusion de la vie.
Mais, si habile que soit la mise en œuvre, on sent par-
fois que la vie profonde manque, que l'unité du caractère
n'existe pas.
Le charme de ces romans n'en est pas moins très vif;
le principal talent de l'auteur consiste dans le mélange
de l'ironie et de la sensibihté, si puissant chez Heine, si
plaisant chez Dickens. Alphonse Daudet veut à la fois tou-
cher et faire rire : Fromont jeune et Risler aîné est
extrêmement touchant ; Tartarin de Tarascon est d'une
ironie charmante : c'est peut-être le chef-d'œuvre de l'au-
teur. Ces deux livres marquent nettement les deux côtés
de son talent ; ce sont ceux où les défauts se font le moins
sentir. Il en est deux autres plus caractéristiques encore,
car ils sont bien moins habilement dosés : Jack^ où la
sentimentalité est obtenue au prix des plus singulières
invraisemblances (c'est, dit-on, l'œuvre que le romancier
préfère) et l'Immortel, pure caricature à laquelle l'obser-
vation manque complètement. L'extrême habileté avec la-
quelle les petits tableaux vivants qui composent le roman
sont enchâssés dans l'action, la souplesse et le pittoresque
du style, la vérité du détail expliquent suffisamment le
charme que tant de lecteurs prennent aux œuvres de ce fin
littérateur.
DAUDET (M.^^ Alphonse), née Julia Allârd, femme
du précédent, née à Paris en 4847. Elle a donné : Impres-
sions de nature et d'art (1879) ; V Enfance d'une
Parisienne (1883) ; Fragments dhm Hure inédit (iSS4) ;
les Enfants et les Mères (1888). En outre, elle a fait
insérer dans le Journal officiel des études littéraires
signées Karl Steen.
DAUDIN (François-Marie), naturaliste français, né à
Paris le 25 mars 1774, mort à Paris en 1804, Il a publié :
Traité élémentaire d'ornithologie (Paris, 1799-1800,
2 vol. in-4, fig.) ; Histoire naturelle des reinettes, des
grenouilles^ etc. (Paris, 1802, in-4, pi.) ; Histoire na-
turelle générale et particulière des reptiles^ etc. (Paris,
1802-1804, 8 vol. in.8, fig.). D^ L. Hn.
DAUFRESNE de la. Chevalerie (Auguste), major de
cavalerie belge et poète, né à Walcourt en 1818, mort à
Audenarde en 1881. Il a publié un grand nombre de
poésies mystiques d'après la Bible et les légendes des
saints. Ces vers sont d'une belle facture et d'une grande
richesse de rimes. Ses œuvres les plus remarquables sont :
Poésies et Chansons nouvelles (Mons, 1858, in-8) ; Jésus-
Christ (Bruxelles, 1865, in-8); Légendes poétiques des
saints (Bruxelles, 1868-1873, 7 vol. in-8).
DAUGAARD (Jacob-Brœgger), érudit danois, né à
Randers le 17 sept. 1796, mort le 5 janv. 1867. Adjoint
à l'académie de Sorœ (1822), pasteur de Thorstrup et
Horne près Varde (1827), prévôt du diocèse deRibe(184o),
il devint évêque de cette ville en 1850. On lui doit une
thèse fort estimée sur les Monastères danois au moyen
%^ (Copenhague, 1830). — Sa fille, Christine-Marga-
retha^ née à Thorstrup le 30 janv. 1831, a publié
sous le pseudonyme d'Erica: Fleurs de bruyères (1856) ;
l'Arbre de Noël de Holger (1 857) ; Poésies historiques
(1861) ; le Pater noster du Danemark (1864), et sous
son nom : Psaumes de'Noël (1861-1864, 2 vol.) ; Poésies
spirituelles (1865) ; F Evêque Daugaard (1867); une tra-
duction abrégée delà Jérusalem délivrée du Tasse (1884).
Ses œuvres respirent la piété et le patriotisme. B-s.
DÂU6IER (François-Henri-Eugène, comte), marin et
homme pohtique français, né à Courthezon (Vaucluse) le
12 sept. 1764, mort à Paris le 12 avr. 1834. Entré dans
la marine en 1782, il servit aux Indes, défendit Belle-ïsle
et Groix contre les entreprises des Anglais, commanda la
Proserpine, le Jupiter et le Batave, prit une part impor-
tante au siège de Dantzig (1806), au siège de Straîsund, à
l'attaque de l'île de Rugen, et, commandant les marins de
la garde, opéra en Andalousie sous les ordres du général
Dupont. Il avait été élu en 1T89 procureur de la commune
de Courthezon et il siégea en l'an X au Tribunat. Il se
rallia à la Restauration qui lui donna en 1814 le grade de
contre-amiral et le créa comte. Le 22 août 1815, il fut élu
député par le Morbihan, réélu le4 oct. 1816, et par le Vau-
cluse le 11 sept. 1819, le 25 févr. 1824, le 17 nov. 1827
et le 12 juil. 1830. Il soutint généralement le gouverne-
ment, sauf en 1817 et 1818 où il prit rang dans l'opposi-
tion. L'amiral Daugier occupa en outre de hautes situations :
préfet maritime de Lorient (1814), de Rochetort (1817)
et de Toulon ; conseiller d'Etat (1821) ; directeur du per-
sonnel de la marine, commandant de la marine à Toulon.
Il avait été promu vice-amiral en 1825 et il fut placé dans
le cadre de réserve le 1®*^" mars 1831.
DAU LCEU R (Louise de Montigny Le), dessinateur et gra-
veur amateur de la deuxième moitié du xvui® siècle. Elle a
laissé quelques portraits, ceux de M. Le Daulceur et de
la Comtesse de Mallet, d'après Bouchardon ; de M. Mon-
tigny^ de i¥. Thiroux d'Arconville^ d'après Gravelot;
un cul-de-lampe pour le Lucrèce de Marchetti, etc.
BiBL. : PoRTALis et BÉRALDi, Graveiivs du xviip siècle.
DAU LE. Village et rivière de la République de l'Equa-
teur. La rivière, longue d'environ 300 kil., traverse du N.
au S. la province de Guayas et coule dans une vallée
étroite, chaude et fertile. Elle n'arrose pas de villes, mais
seulement des villages dont Santa Lucia et Daule sont les
plus importants, et des plantations nombreuses où l'on
cultive le cacao, l'oranger, le café. Le rio Daule est navi-
gable pour de petits vapeurs dans sa partie inférieure et
se jette à Guayaquil où il forme avec les rios Bahahoyo,
Yaguachi, etc., la rivière de Guayaquil.
DAULLÉ (Jean), graveur au burin, né à Abbeville le
18 mai 1703, mort à Paris le 23 avr. 1763. Elève en
premier lieu d'un moine d'Abbeville, il reçut à Paris les
leçons de Robert Hecquet. Il fut membre de l'Académie en
1748. On lui doit : la Mort d^Abel, la Madeleine^ la Cha-
rité avec trois enfants^ le Iriomphe de Vénus, l'Amour,
le Quos Ego, d'après Rubens ; la Muse Clio, d'après F. Bou-
cher; Diogène avec sa lanterne, le portrait de M^^^ Fa-
vart, d'après Carie Vanloo ; les portraits de Le Mercier
(Pierre-Augustin), d'après L. Vanloo, de L-B. Rousseau, de
Louis-Philippe d'Orléans, duc de Chartres ; les Charmes
de la vie champêtre ; le Marchand d^' oiseaux ; la Mar-
chande d'œufs, d'après François Boucher, F. Courboin.
BiBL. : Em. Delignières, Catalogue de l'œuvre de
Daullé; Paris 1873, in-8.
DAULO (Astron.). Nom donné par les Chaldéens à la
constellation et au signe du Verseau.
DAU M AS (Louis- Joseph), sculpteur français, né à Toulon
(Var) le 24 janv. 1801, mort à Paris le 24 janv. 1887.
Elève de David d'Angers, il exposa pour la première fois
en 1833. Ses œuvres principales sont: Charles d'Anjou,
st. pi., 1843 ; le Génie de la Navigation, st. pL, 1845;
Victoria, st. pL, 1848 ; Aurélia Victorina, mater cas-
trorum, st. m., 1857 ; la Méditation, st. m., 1865 ;
Annibal, st. équestre, 1869 ; Saint Vincent de Paul
mettant sous la protection de la croix l'enfant aban-
donné, groupe m., 1870 ; Après la guerre, st. m., 1877.
Daumas a sculpté pour l'église Saint-Thomas d'Aquin, à
Paris, les Anges soutenant une couronne qui surmontent
967 -.
DAUMAS — DAUMET
la porte centrale ; le buste de Gérin^ premier imprimeur
de Paris, à la biblioth. Sainte-Geneviève ; le buste de
/, Noël, baron de Sané, au musée de marine du Louvre ;
le Cavalier romain, l'un des quatre groupes en pierre,
ornant le pont d'Iéna. Toulon possède, de cet artiste, la
statue en pierre de Jean de Gauthier, fondateur de l'hos-
pice de la Charité de cette ville ; Carpentras, la statue de
l'évèque Inguimbert. Daumas est aussi l'auteur d'un
fronton du château de Compiègne représentant le Génie de
l'industrie. Cet artiste, qui s'est acquis une réputation
méritée pour la perfection avec laquelle il taillait le marbre,
a obtenu une médaille de troisième classe au Salon de
4843, des médailles de deuxième classe aux Salons de 1845
et 4848, un rappel de deuxième médaille en 4857 ; il fut
décoré de la Légion d'honneur en 4868. M. D. S.
DAUMAS (Melchior- Joseph-Eugène), général et écrivain
français, né le 4 sept. 1803, mort à Camblanes (Gironde)
en mai 4874. Simple soldat en 4822, sous-lieutenant de
cavalerie en 4827, il prit une part brillante aux campa-
gnes d'Afrique à partir de 4835, étudia profondément la
langue et les mœurs de l'Algérie, fut consul à Mascara de
4837 à 4839, dirigea les affaires indigènes dans la pro-
vince de Constantine de 4839 à 4844 et dans l'Algérie
entière à partir de cette dernière époque et fut le principal
auteur de l'institution des bureaux arabes. De retour en
France, il fut nommé directeur des affaires de l'Algérie au
ministère de la guerre (avr. 4850), devint généralde divi-
sion (14 janv. 4853), conseiller d'Etat, et enfin entra au
Sénat le 42 août 4857. — Daumas est un des écrivains
qui ont le mieux connu et le mieux fait connaître l'Algérie.
Parmi ses ouvrages, nous devons surtout citer : Exposé
de Vétat actuel de la société arabe, du gouvernement
et de la législation qui la régit {\M^, in-8); le
Sahara algérien (4845, in-8) ; le Grand Désert ou Iti-
néraire d'une caravane du Sahara au pays des nègres
(4849, in-48) ; la Grande Kahylie (4847, in-8) ; Mœurs
et Coutumes de l'Algérie (1853, in-8) ; les Chevaux du
Sahara et principes généraux du cavalier arabe
(1855, in-8); la Kabylie (1857, in-32) ; la Vie arabe
et la société musulmane (iS69, in-8). A. Debidour.
DAUMAS (Augustin-Honoré), homme politique français,
né à Toulon le 25 mai 4826. Ouvrier mécanicien, il fut
condamné à dix années de détention pour participation au
complot de Lyon de 4854. Amnistié en 4859, il se tint
dans la vie privée jusqu'au 6 sept. 4870, date à laquelle il
fut nommé commissaire du gouvernement de la Défense
nationale à Toulon. Le 2 juil. 4874, il fut élu représen-
tant du Var à l'Assemblée nationale oîiil siégea à l'extrême
gauche. Elu député le 20 févr. 4876, membre des 363 et
réélu le 44 oct. 4877, le 21 avr. 4884 et le 48 oct. 4885,
il demeura fidèle à la politique radicale. Le 34 mars 4 889,
il fut nommé sénateur du Var en remplacement de
M. Charles Brun, démissionnaire, mais il ne fut pas réélu
au renouvellement triennal du 4 janv. 4894.
DAUMAZAN-sur-Larize. Com. du dép. de l'Ariège,
arr. de Pamiers, cant. du Mas-d'Azil; 4,443 hab,
D AU MER (Georg-Friedrich), philosophe et poète alle-
mand, né à Nuremberg le 5 mars 4800, mort à Wurzbourg
le 44 déc. 4875. Il fit ses premières études au gymnase
de sa ville natale, alors dirigé par Hegel, et se rendit en-
suite à l'université d'Erlangen, où il suivit les cours de
Schelling. Nommé professeur au gymnase de Nuremberg
en 4822, il se démit de ses fonctions, pour cause de santé,
en 4830, et dès lors il se consacra exclusivement à ses
travaux philosophiques et littéraires. Daumer avait un
penchant naturel pour la philosophie mystique et contempla-
tive. Il essaya d'abord de substituer à l'orthodoxie protes-
tante, dans laquelle il avait été élevé, une sorte de pan-
théisme chrétien, dont il trouva l'expression dans certains
livres de la Bible, dans les docteurs de l'Eglise et surtout
dans les philosophes et les poètes de l'Orient. La religion
nouvelle, vaguement esquissée dans quelques ouvrages
(Philosophie, Religion und Altertum, Nuremberg,
4833 ; Zûge %u einer neuen Philosophie der Religion
und Religionsgeschichte, Nuremberg, 4835 ; Die 6?^-
heimnissedes christlichen Altertums, Hambourg, 4847,
2 vol. ) , s'affirma avec plus de hardiesse , sinon avec
plus de précision, dans Religion des Neuen Weltalters
(Hambourg, 4850, 3 vol.). Mais à peine ce livre eut-il
paru que Daumer fut comme effrayé de sa propre tentative.
Après s'être posé en novateur, il n'eut plus d'autre ambi-
tion que de paraître un croyant. L'orthodoxie protestante
elle-même ne lui sembla plus assez rigoureuse ; il passa
publiquement au catholicisme, à Mayence, en 4858. La
plupart des ouvrages qu'il publia depuis ce temps ont pour
but de concilier le dogme catholique avec l'esprit moderne.
Ce sont surtout : Meine Konversion (Mayence, 4859) ;
Das Christentum und sein Urheber (Mayence, 4864) ;
Das Geisterreich in Glauben, Yorstellung, Sage und
Wirklichkeit (Leipzig, 4867, 2 vol.). Daumer défendit
contre Strauss la théorie du surnaturel {Das Wunder,
seine Bedeutung, Wahrheit und Notwendigkeit ; Ra-
tisbonne, 4874). La partie la plus réellement originale et
encore aujourd'hui la plus intéressante des œuvres de
Daumer, ce sont ses études poétiques sur l'Orient, surtout
ses traductions de Hafis : Hafis, eine Sammlung persi-
scher Gedichte (Hambourg, 4846) ; Mahomed und sein
Werk, eine Sammlung orientalischer Gedichte (Ham-
bourg, 4848) ; Hafis, neue Sammlung (Nuremberg,
4852). Dans Polydora, ein weltpoetisches Liederbuch,
Daumer rassembla, à la suite de Herder, et traduisit avec
une grande habileté les meilleurs chants populaires de
toutes les nations. Ses propres poésies, Frauenbilder und
Huldigungen (Leipzig, 4853, 3 vol.) ressemblent elles-
mêmes à un écho affaibli dé l'Orient. A. B.
DAUMERAY. Com. du dép. de Maine-et-Loire, arr. de
Baugé, cant. de Durtal; 4,569 hab.
DAUMESNIL (Pierre, baron), général français, né à
Périgueux le 44 juil. 4777, mort à Vincennes le
47 août 4832. Fils d'un perruquier, il reçut une éduca-
tion fort incomplète, s'enrôla très jeune dans l'armée
d'Italie, se distingua à la bataille d'Arcole, puis en Egypte,
où il avait suivi Bonaparte, à la prise de Saint-Jean-d'Acre,
Nommé capitaine en 4806, puis chef d'escadron, il fut
ensuite fait baron. En 4809, à la bataille de Wagram, il
eut la jambe emportée par un boulet. Il reçut alors le bre-
vet de général de brigade et celui de commandeur de la
Légion d'honneur, avec le gouvernement du château de
Vincennes. Ce fut là qu'il prononça, dans la défense de
cette place, la phrase qui l'a rendu célèbre, répondant aux
parlementaires alliés qui le sommaient de rendre le château :
« Je vous rendrai cette place quand vous m'aurez rendu ma
jambe. » Ce ne fut qu'aux ordres du roi qu'il consentit à se
soumettre. Lors du retour de Napoléon en 4845, il avait
le commandement de la place de Condé. Napoléon lui rendit
le commandement de Vincennes, qu'il défendit avec le
même courage et la même énergie, lors de la deuxième
invasion. Mis à la retraite le 8 sept. 4845, il recouvra
encore le commandement de Vincennes, après la révolution
de 4830, et ce fut là qu'il mourut du choléra. Deux sta-
tues lui ont été élevées, l'une à Vincennes, l'autre à Péri-
gueux, sa ville natale.
DAUMET (Pierre-Jérôme-Honoré), architecte français,
né à Paris en oct. 4826. Elève de MM. Hérard, Saint-
Père et Troulliet et de l'atelier Blouet et Gilbert, M. Dau-
met entra, en 4849, à l'Ecole des beaux-arts, obtint en
4853 une mention honorable au concours du grand prix
sur un projet de musée pour une grande capitale et en
4855 le premier grand prix sur un projet de conservatoire
de musique et de déclamation. Ses études à l'Ecole de
Rome lui valurent un 3® prix à l'Exposition universelle de
4867. En 4864, M. Daumet fut attaché à la mission
archéologique envoyée en Thrace, Macédoine, Thessalie et
Epire, sous la direction de M. Heusey, et participa à la
publication, faite sous les auspices du ministère de l'ins-
truction pubhque (2 vol. in-fol. et pi.), des résultats de
DAUMET — DAUMIER
- 968 ~
cette mission parmi lesquels il faut citer le relevé du Pry-
tanée royal de Palatitza (Macédoine). A son retour à Paris,
M. Daumet, nommé auditeur au conseil des bâtiments
civils et inspecteur des travaux de reconstruction de la
préfecture de police sous les ordres de MM. Gilbert et
Diet, fut attaché, en 1864, comme architecte adjoint aux
travaux de reconstruction de l'asile Sainte-Anne dirigés par
M. Questel, son beau-père, et, après l'achèvement de cet
important édifice, entra, comme architecte, dans le service
d'architecture de la ville de Paris où il est aujourd'hui
chargé de la deuxième circonscription des édifices départe-
mentaux et fut adjoint à M. Duc (V. ce nom) pour les
travaux de restauration et d'achèvement du Palais de jus-
tice dont il fut promu architecte en chef en 1879, après
la mort de ce dernier. Les principales œuvres d'architec-
ture de M. Daumet sont la reconstruction du palais des
Facultés, à Grenoble (Isère) ; la restauration du château
de Chantilly pour M. le duc d'Aumale (4876-1881); la
reconstruction de la cour d'appel de Paris et la reconstruc-
tion (en cours d'exécution) du palais de justice de Gre-
noble. M. Daumet est de plus chargé, pour le service des
monuments historiques, des travaux du restauration de
l'église Saint-Pierre à Vienne (Isère) et du château de
Saint-Germain-en-Laye. Il dirigea avec succès, pendant
plusieurs années, un atelier d'architecture, aujourd'hui
confié à M, Girault, fut élu en 1885 membre de l'Institut
en remplacement de M. Th. Ballu et a été, lors de la récente
réorganisation, nommé inspecteur général du conseil général
des bâtiments civils. Censeur de la Société centrale des
architectes français, l'un des secrétaires de la Société des
artistes et président du cercle des ouvriers maçons et tail-
leurs de pierre, M. Daumet est membre honoraire de l'Insti-
tut royal des architectes britanniques. Charles Lucas.
DAUMIER (Honoré), célèbre caricaturiste français, né à
Marseille en 1808, mort en 1879. Fils d'un vitrier de Mar-
seille épris de poésie, et qui a laissé un volume de vers, les
Veillées poétiques (Paris, 1823, in-12). Honoré devait
rappeler certains traits du caractère de son père, mais
avec tous les perfectionnements qui distinguent l'artiste de
génie de l'homme simplement intéressant. Insouciant, négli-
gent de ses affaires, artiste quoique sans instruction, mais
avide de savoir, le père vint à Paris, et c'est là que le jeune
Daumier grandit. Employé d'abord dans une librairie, il
quitte bientôt le commerce pour se livrer à son goût pour
le dessin : le premier événement important de sa vie est
son emprisonnement en i 832 pour la lithographie-cari-
cature de Gargantua ; c'était bien débuter, et cet acci-
dent devait donner au jeune Honoré le renom suffisant pour
le faire adopter comme coryphée par tout un parti avide de
tourner en dérision le pouvoir et de saisir le côté ridicule
des choses établies : il est permis de penser que les hommes
même les plus considérables ont été quelquefois servis par
les événements ; si Daumier fût né à une autre époque, il
n'eût pu trouver aussi facilement matière à raillerie et à
flétrissure, et peut-être lui devrions-nous des œuvres d'un
tout autre ordre : mais c'était l'époque romantique, le
temps des révolutions en art et en politique, et Daumier
naissait à propos ; par un hasard heureux, il trouva dès
ses débuts le guide et le milieu qu'il lui fallait : quelques
portraits satiriques publiés dans de petits journaux le font
remarquer, et, vers 1830, il fait la connaissance de Phili-
pon, dessinateur sans grand mérite, mais plutôt tempéra-
ment de pamphlétaire et de sectaire : ce Philipon joue un
rôle considérable dans l'œuvre et dans la vie de Daumier.
C'est lui qui lui donne souvent les idées des dessins, et qui
lui en fournit les légendes ; au reste, la revue qu'il dirige,
la Caricature^ réunit une pléiade d'artistes de talent dignes
de Daumier, quelques-uns inférieurs à lui plutôt, et qu'il
faut citer : Granville, Henry Monnier, Decamps, et enfin
Traviès et Pigal, qui certainement lui durent ce qu'ils
avaient d'intéressant. Philipon ayant remarqué les por-
traits de Daumier, c'est par des portraits que débute celui-
ci, et quelques-uns sont devenus légendaires, non seule-
ment parce qu'ils incarnent et vivifient une époque passée,
chose déjà estimable, mais parce qu'ils créent ou conser-
vent des types généraux communs à tous les temps et à
tous les pays. Qui ne connaît les portraits de Bastien et
Robert, ces deux types d'assassins qui se complètent l'un
l'autre dans leur compHcité; et, comme pendant si l'on
veut, celui de M. Persil, le magistrat haineux et partial,
ambitieux, capable de tout pour arriver, même peut-être
de faire le bien ! Mais ce qu'il nous faut noter dès mainte-
nant, comme un trait bien particulier à Daumier, c'est que
ce Juvénal impitoyable était doublé d'un artiste ému et sen-
sible. Les événements, nous le répétons, le conduisirent à la
charge, et il y fut génial ; mais toutes les fois qu'il en eut
l'occasion, il donna une autre note, et avec non moins de
succès et de talent; au reste, ayant beaucoup observé,
beaucoup dessiné d'après nature, n'ayant même pas négligé
la culture de l'académie et de la plastique pure, ainsi qu'en
font foi certains croquis, il avait à son service le métier
parfait, la facilité à triompher de la difficulté d'exécution
indispensable à l'artiste complet; les portraits de la Cari-
cature (iSM) sont signés du pseudonyme i^o^^ /m comme
si l'artiste voulait s'essayer, sans connaître toute sa puis-
sance. En 1833, il continue au Charivari : les portraits
de Royer-Collard, du ministre Barthe, de Viennet, de
Odiot, etc., annoncent déjà un maître, et celui-ci apparaît,
enfin, indiscutable, dans le Ventre législatif, publié encore
sous la direction de Philipon ; ces cinq planches sont peut-
être la partie la plus importante de l'œuvre de Daumier,
et c'est peut-être là qu'il s'est le plus abandonné à son fou-
gueux tempérament, à son ardeur démocratique. Mais,
empressons-nous de dire, et ceci n'est pas d'un médiocre
intérêt, qu'en dehors de toute idée politique, de tout esprit
de parti, l'œuvre de Daumier subsiste intégral et génial :
le magistrat fielleux et haineux, bâillonnant l'accuse, nous
intéresse comme mouvement et comme attitude, comme
type abstrait et général, si l'on veut, et peu nous importe
qu'il soit un reflet exact d'une époque, ou créé de toutes
pièces par un artiste ; il est vrai même s'il n'a pas existé
au moment où il fut représenté... Cependant que se pu-
bliait le Ventre législatif et d'autres planches séparées,
le Charivari continuait ses attaques, les amendes pleu-
vaient, et la feuille incorrigible ne se fatiguait pas. Tan-
tôt c'est le Constitutionnel qui défraye sa bonne humeur,
lorsqu'on oublie la Revue des Deux Blondes, et voilà
qu'après M. Véron, c'est le roi lui-même, sous le symbole
bizarre de la poire, qui vient égayer le lecteur. A côté de
ces caricatures poHtiques, comme, suivant une légende
d'un dessin de Daumier, le bois était cher et les arts
n'allaient pas, l'artiste produisait une foule de compo-
sitions les plus diff'érentes, poussé par la nécessité. Mais
partout où passe le génie, il laisse sa marque, et les
vignettes pour Versailles ancien et moderne, les litho-
graphies d'après Decamps et Paul Huet intéresseront autant
les artistes que la série des Bals de la cour où d'inné-
narrables travestis laissent deviner Royer-Collard, le maré-
chal Soult, etc. Nous voici au légendaire Robert Macaire,
plus intéressant encore celui-là, et toujours pour le même
motif : nous sommes plus que jamais en dehors d'une époque
et d'un pays, et ces diverses incarnations de Robert Macaire,
pharmacien, agioteur, policier, resteront éternelles: c'est
ici de l'art et du grand art. Nous citerons maintenant
la Magistrature (inspiré par la condamnation qui marqua
son entrée dans la vie), les Bourgeois^ la Politique, les
Enfants, les Artistes, les Roberts-Macaires, Paris, In-
ventions, etc.
Les deux procédés habituels à Daumier sont le dessin
et la lithographie ; on a conservé de lui des tableaux et des
aquarelles moins spéciaux et moins admirables, quoique
fort intéressants venant d'un tel homme.
Au reste, sa République, faite en 1848 pour un con-
cours ouvert à l'Ecole des beaux-arts, est une œuvre pleine
de foi et d'enthousiasme et mérite mieux que l'estime :
une place à part doit être faite aussi à son Convoi funèbre
-- 969 —
DAUMLER - DÂUNOU
au Père-Lachaise, Là, comme on Ta dit justement, Daii-
mier rappelle Goya, et le sombre drame de la rue Transno-
nain revit dans toute son horreur.
Si l'on veut résumer d'un mot l'œuvre de Daumier,
peut-être pourra-t-on dire qu'il éleva la caricature au-
dessus du rire et qu'il vit le comique avec les yeux d'un
dramaturge. Henri d'AaGis.
BiBL. : Champfleury, dans son Histoire de la Carica-
t'itre, et M.Jules Claretie, dans ses Peintres et Sculp-
teurs contemporains ont parlé de Daumier en termes justes
et intéressants. — M. Arsène Alexandre lui a consacré un
volume (Honoré Daumier, l'Homme et l'Œuvre; Paris,
DAU N. Famille comtale allemande de la région de Trêves
où se trouvent, dans l'Eifel, le village et le château de
Daun sur un rocher basaltique. Son premier représentant
fut Richard von Daun (Ii04-il36) ; auxvii^ siècle, une
branche (la seule survivante) passa au service de l'Autriche
où le colonel Philip Ernst et son frère Johann-Jakob
furent élevés à la dignité de comtes en déc. 1655. Parmi
leurs descendants, nous citerons le feld-maréchal Philip-
Lorenz, né le 49 oct. 1668, mort à Viennele30juil. 1741,
défenseur de Turin en 1706, conquérant en 1707, puis vice-
roi deNaples (1708), créé prince de Thiano en 1711, suc-
cessivement gouverneur de Vienne, des Pays-Bas, de Milan.
— Son fils fut encore plus célèbre (V. ci-dessous).
DAUN (Leopold-Joseph-Maria, comte von), feld-maréchal
autrichien, né à Vienne le 24 sept. 1705, mort à Vienne le
5 févr, 1766. Il fut chevalier de Malte dès son enfance, et en-
suite colonel du régiment d'infanterie qu'avait commandé son
frère, devenu depuis feld-maréchal ; fit ses premières armes
contre les Turcs, et se distingua à la prise de DingeMingen
en 1740. Nommé feld-maréchal et conseiller intime, après
la paix d'Aix-la-Chapelle, il fut appelé en 1757 au com-
mandement laissé vacant par la mort de Piccolomini. Fré-
déric le Grand s'étant emparé de la Bohême, Daun marcha
contre hii et le battit à KoUin. Bien que Daun n'ait pas
complètement profité de son succès, en laissant son adver-
saire se retirer, la victoire de KoUin remplit de joie la ville
de Vienne. On le proclama le sauveur de la patrie, et Marie-
Thérèse créa un ordre pour célébrer l'heureux événement.
Quelques mois après, il remporta de nouveaux succès contre
les Prussiens et s'empara de Breslau. L'armée prus-
sienne était à peu près détruite sur ce point, mais Frédé-
ric, revenant de Breslau, ranima le courage de ses troupes,
et battit Daun et le prin.ce de Lorraine réunis, à la célèbre
bataille de Leuthen, qui fut suivie de la reprise de Breslau.
Daun pritsa revanche à la bataille de Hochkirchen, et cette
victoire lui valut des honneurs de tous les points de l'Eu-
rope. L'année suivante (1759), il força les 11,000 Prus-
siens de Pink à mettre bas les armes, mais il fut encore
battu par Frédéric à Torgau (1 760) où il reçut sa troisième
blessure sur le champ de bataille. La paix de Hubertsbourg
(1763) mit fin à sa carrière militaire. Daun était un stra-
tégiste habile, circonspect et temporisateur par nature. On
peut lui reprocher de n'avoir pas su poursuivre assez éner-
giquement ses victoires pour frapper de grands coups. Mais
on ne doit pas oublier qu'il n'avait pas toute sa liberté
d'action comme le redoutable adversaire qu'il a su battre
deux fois.
DAUNANT (Achille-Henri- Jules, baron de), homme po-
litique français, né à Nîmes le 2 janv. 1786, mort à
Nîmes le 21 sept. 1857. Avocat, maire de Nîmes, il fut
nommé en 1857 conseiller auditeur à la cour royale et
l'an d'après conseiller titulaire. Le 17 nov. 1827 il était
élu par Nîmes membre de la Chambre des députés. Il siégea
à l'extrême droite, fut réélu le 12 juil. 1830 et reconnut
Louis-Philippe. Il échoua aux élections générales de 1831,
prit le siège de premier président à la cour royale de
Nîmes et le 21 juin 1834 posa sa candidature à Alais qui
le nomma. Le 3 oct. 1837 il fut appelé à la Chambre des
pairs et rentra dans la vie privée en 1848.
DAUNOU (Pierre-Claude-François), érudit et homme
politique français, né àBoulogne-sur-Merlel8 août 1761,
mort à Paris le 20 juin 1840. Issu d'une vieille famille
bourgeoise originaire de Guyenne, fils de Pierre Daunou,
chirurgien de l'amirauté à Boulogne et de Marie-Antoi-
nette-Péronne Sauzet, il fit ses premières études dans une
classe dirigée par des cordeliers et les acheva au collège
des oratoriens de Boulogne où il remporta de brillants
succès. En 1777, il entrait, comme confrère, à l'institution
de l'Oratoire de Paris, suivait à Montmorency les cours de
théologie jusqu'en 1780 et, devenu professeur, enseignait
la grammaire au collège de Troyes (1780-1783), la logique
au collège de Soissons (1783-1784), la philosophie au
collège de Boulogne (1784-1785), la philosophie et la
théologie à la maison d'études de Montmorency (1785-
1787). Ordonné prêtre à la fin de 1787, il publia la même
année une étude sur VInfluence de Boileau sur la litté-
rature française qui obtint le prix dans un concours de
l'académie de Nîmes et ne passa point inaperçu du monde
littéraire. Presque en même temps il remportait un premier
accessit dans un concours de l'Académie des sciences et
belles-lettres de Berlin, avec un travail sur les Fonde-
ments et les bases de V autorité des parents sur leurs
enfants. Doué d'une grande activité cérébrale, il collaborait
encore au Journal encyclopédique et à ï Esprit des
journaux où il inséra même quelques poésies. Dès les
débuts de la Révolution, Daunou qui disait : « Je n'ai que
deux passions, la théologie et la Hberté » adopta avec
ardeur les nouveaux principes, prononça des discours
patriotiques, écrivit en faveur de la constitution civile du
clergé, présenta à l'Assemblée constituante un remarquable
plan d'éducation publique et publia des réflexions sur la
constitution préparée par cette assemblée. Les hauts
membres du clergé constitutionnel résolurent de s'atta-
cher un homme d'un si grand mérite. Primat, évêque du
Nord ; Porion, évêque du Pas-de-Calais, lui offrirent la
place de vicaire épiscopal ; l'évêque de Paris, celle de
vicaire métropolitain et de directeur du séminaire diocé-
sain. Daunou accepta ces dernières fonctions. Le 9 sept.
1792, les électeurs du Pas-de-Calais le nommaient membre
de la Convention. Daunou siégea à droite, entra au comité
d'Instruction publique où il rendit de grands services. Il
vota pour la déportation du roi et sa réclusion jusqu'à
la paix, et non content d'exprimer son opinion avec un
réel courage il écrivit des Considérations sur le procès
de Louis XVîm il plaidait l'incompétence de l'Assemblée.
Il s'occupa ensuite avec passion de la constitution de 1 793
et publia un projet de son cru en deux études intitulées :
Essai sur la constitution et Vues rapides sur l'orga-
nisation de la République française. Mais ayant signé
une protestation contrôles événements des 31 mai et 2 juin,
il fut arrêté le 3 oct. 1 793 et incarcéré à la Force, puis
en diverses prisons et finalement à Port-Libre (Port-Royal)
où il demeura jusqu'au 3 brumaire an III. Le 8 déc. 1794
il reprenait sa place à la Convention qui l'élut secrétaire
le 21 déc. et le nomma, le 23 avr. 1795, membre de la
commission chargée de reviser les lois organiques de 1793.
Daunou fut le principal auteur de la constitution de l'an III
(V. Constitution, t. Xïï, p. 646), et c'est lui qui y fit incor-
porer le projet de l'Institut national dont l'organisation fut
complétée par la loi du 3 brumaire an IV, à laquelle il eut
également la plus grande part. Daunou, de jour en jour,
acquérait sur l'assemblée une influence plus considérable.
Il fut élu président de la Convention le 4 août 1795, entra
le l^'^ sept, dans le comité de Salut public et joua un rôle
très actif au moment de la crise de vendémiaire. Il fit
partie de la commission de cinq membres qui concentra le
pouvoir exécutif et fut spécialement chargé de la direction
des affaires de la marine. Elu membre de la nouvelle as-
semblée par vingt-sept départements, Daunou fut placé au
conseil des Cinq-Cents et immédiatement nommé président
(6 brumaire an IV). Travailleur infatigable, il exerça les
fonctions de commissaire aux archives, rédigea un rapport
sur rétablissement d'une bibliothèque à l'usage du Corps
législatif, rapporta les lois sur la presse, sur le renouvel-
BAUNOU
970 -^
lement du Corps législatif et sur l'organisation des écoles
spéciales. Désigné par le sort pour faire partie du premier
tiers renouvenable du conseil des Cinq-Cents, il fut nommé
par le Directoire administrateur en chef de la bibliothèque
du Panthéon (6 mai 4797). Dès 1795, il était entré à
l'Institut (classes de sciences morales et politiques, section
de la science sociale) et il avait collaboré à son règlement.
Il essaya avec Silvestre de Sacy et Langlès de faire revivre
le Journal des Savants, mais cette tentative poursuivie
pendant cinq mois ne fut point couronnée de succès. Il
donna alors des articles à la Clef du cabinet des souve-
rains^ au Conservateur, à la Sentinelle, Ces occupations
paisibles lui agréaient plus que les agitations de la poli-
tique. Vainement Talleyrand lui offrit les fonctions de se-
crétaire général du département des relations extérieures.
Mais le 31 janv. 1798 il accepta la mission d'organiser à
Rome la République et de rédiger une constitution pour le
peuple romain.
Il profita de son voyage pour acheter au bénéfice de la
Bibliothèque nationale et de celle du Panthéon les ouvrages
les plus précieux parmi ceux qui composaient la biblio-
thèque particulière de Pie VI, et pour visiter Naples et
Pompéi. II trouva encore le temps d'écrire pour la République
romaine un code civil qui n'a jamais été publié et que la
durée éphémère de ce gouvernement ne permit pas de
mettre en pratique. Le 24 germinal an VI (13 avr. 1798),
le Pas-de-Calais élisait de nouveau Daunou député au
conseil des Cinq-Cents. Il fut de nouveau élevé à la prési-
dence de cette assemblée en fructidor et il devint membre
du conseil d'instruction publique le 4 oct. 1798. Il y
trouva Sieyès qui essaya de l'entraîner dans le parti de
Bonaparte ; mais il se tint à l'écart au moment du coup
d'Etat du 18 brumaire et fut néanmoins compris parmi
les membres de la commission législative intermédiaire du
conseil des Cinq-Cents (V. Commissions législatives). Il fut
spécialement chargé de rédiger la constitution de l'an VIII
où il réussit à introduire, à force de ténacité, un certain
nombre de dispositions libérales. On crut le récompenser
de ses services par un siège au conseil d'Etat et la direction
de l'instruction publique. Mais il n'eut garde d'accepter;
il soupçonnait le premier consul de nourrir Tarrière-pensée
de l'envoyer au Corps législatif pour soutenir les projets
les plus contraires à ses opinions républicaines bien con-
nues. Et de fait Bonaparte était assez coutumier de ces
malices. Daunou préféra entrer au Tribunat qui le choisit
pour présidente la presque unanimité. Il y rapporta avec sa
conscience habituelle les lois les plus importantes : entre
autres celle relative à la division territoriale et aux admi-
nistrations locales ; il y fit surtout une opposition assez
vive au gouvernement, si bien que le Corps législatif, dans
le but d'être désagréable à Bonaparte, le présenta à une
place de sénateur devenue vacante. Cette velléité de résis-
tance causa une immense émotion dans le monde politicjue.
Bonaparte dut déclarer avec violence qu'il considérerait la
nomination de Daunou comme une insulte personnelle et,
pour couper court à toute opposition ultérieure, il élimina
les vingt membres les plus énergiques du Tribunat parmi
lesquels Daunou (V. Cinq-Cents [Conseil des] et Tribunat).
Daunou fut si frappé de cette brutalité qu'il tomba malade.
Puis il se confina dans ses études et ses travaux de biblio-
thécaire, publia un Mémoire sur la classification des
Livres^ une Analyse des opinions diverses sur Vorigine
de Vimprimerie, un Mémoire sur les élections au
scrutin, etc. Lorsque la classe des sciences morales et
politiques fut supprimée (3 pluviôse an XI), il entra dans
la classe d'histoire et de littérature ancienne qui devint en
1816 l'Académie des inscriptions : nommé lelSdéc. 1804
archiviste de l'empire, il fut chargé par le gouvernement
de publier VHistoire de l'anarchie de Pologne de Rul-
hière, et de composer un Essai historique sur la puis--
sance temporelle des papes (1810) et une Exposition
des faits qui ont donné lieu à la convocation d'un
concile national (1811) qui servirent beaucoup à Napo-
léon pour le concordat. L'empereur voulut encore le nom--
mer conseiller d'Etat, le nomma même censeur (1 3 avr.
1810), mais Daunou persista dans son refus. En août
1811, il fut envoyé à Rome avec mission de présider à
l'envoi en France des archives pontificales. Il eut ensuite à
classer les archives allemandes et les archives espagnoles
qui, réunies aux archives italiennes, formèrent le total de
157,568 cartons, liasses et registres qui retournèrent en
1814 dans leurs pays d'origine. Travailleur infatigable,
Daunou continuait de donner de savants mémoires à l'Ins-
titut et s'occupait fort peu de politique. La Restauration
jugea néanmoins que le maintien d'un ancien conventionnel
à la tête des Archives était un scandale, et Daunou fut des-
titué par M. de Vaublanc le 26 févr. 1816. Ce fut en vain
que Decazes, Barbé-Marbois, Beugnot et autres royalistes
éminents s'entremirent en sa faveur. Toutefois, Barbé-
Marbois et le chanceher Dambray réussirent à rétablir le
Journal des Savants (sept. 1816) pour en confier à
Daunou la rédaction principale. Dès son arrivée au minis-
tère de l'intérieur, Decazes le fit nommer professeur
d'histoire et de morale au Collège de France (13 janv.
1819) ; enfin le 26 mars de la même année les électeurs
de Brest le choisissaient pour député sur la recommanda-
tion de Lanjuinais et de Kératry. Daunou ouvrit son Cours
d'études historiques le 13 avr. 1819 au milieu d'une
afiîuence considérable et il excita dès les débuts une ad-
miration et un enthousiasme qui ne diminuèrent point
jusqu'au jour où, réintégré aux Archives (1830), il crut
devoir résigner ses fonctions de professeur. Augustin
Thierry écrivait : « Nous avons admiré M. Daunou : ap-
prenons quelle force a créé son caractère, élevé son âme,
agrandi sa pensée ; il nous le dira lui-même : quarante ans
de retraite et d'études. » Dans ce vaste enseignement où le
style un peu académique cadre avec la hauteur des idées,
Daunou traita successivement de la critique historique,
des usages ou de la philosophie de l'histoire, de l'examen
et du choix des faits, de la classification des faits compre-
nant la chronologie et la géographie, enfin de l'exposition
des faits comprenant un traité de l'art d'écrire l'histoire,
des analyses des historiens grecs et romains et un précis
de l'histoire de la philosophie depuis Platon jusqu'au
xïx^ siècle. A la Chambre des députés, il développait à pro-
pos des lois sur la presse et sur les élections les théories
qu'il avait exposées dans son Essai sur les garanties
individuelles, pubhé en 1818 avec un succès énorme et
qui avait été traduit en espagnol, en grec moderne et en
allemand. Il échoua aux élections de 1823 à cause de
l'opposition formidable que lui fit le gouvernement, mais
fut réélu par Brest, en 1828 et 1830. Survint la révo-
lution de Juillet. Daunou en fut partisan décidé ; il voulait
même que la Chambre se déclarât assemblée nationale et
il fut question, un moment, de lui confier le portefeuille
de l'instruction publique ; mais le garde des archives de La
Rue étant mort le 13 juiL, M. Guizot le réintégra le
15 août dans son ancienne place. Daunou fut encore réélu
député en 1831 à la fois par Paris et par Brest. En 1834,
il ne crut pas devoir continuer à poser sa candidature, et
il persista à se dire trop âgé pour rempHr exactement des
fonctions législatives, en 1837 et en 1839, malgré les
instances que firent auprès de lui les électeurs du VÎIÏ® ar-
rondissement de Paris. Villemain dut insister beaucoup
pour lui faire accepter la pairie (9 nov. 1839). Depuis une
vingtaine d'années il était absorbé surtout par le grand
travail de continuation de VHistoire littéraire de la
France à laquelle il donna un nombre considérable de
notices sur les écrivains des xii® et xiii® siècles et un
discours sur l'état des lettres en France au xm® siècle,
qui est de tout premier ordre. En même temps il poursui-
vait avec Naudet la publication du recueil des Historiens
de France, s'occupait de divers autres travaux acadé-
miques moins importants et collaborait à la Biographie
universelle et à VEncyclopédie des gens du monde.
Il était rentré à l'Académie des sciences morales et poli-
971 —
DAUNOU — DAUPHIN
tiques (section de législation et de droit public) en 1832,
et a\'ait été nommé le 4 6 mars 1 838 secrétaire perpétuel
de l'Académie des inscriptions à la place de Sacy. Daunou
travailla jusqu'à son dernier jour, presque jusqu'à sa der-
nière heure, avec la même lucidité d'esprit et la même tran-
quillité d'âme, avec la même scrupuleuse honnêteté, qui lui
ont valu de ses contemporains, de ceux même qui étaient
le plus opposés à ses opinions politiques, une entière estime
et une respectueuse admiration. On peut dire de lui ce
qu'il a dit de Sacy : « Il n'a passé aucune journée sans
tracer un sillon dans le vaste champ qu'il a fertilisé ; il
exigeait de chaque heure, de chaque moment, un tribut
strictement déterminé qu'il ne laissait pas arriérer. »
L'œuvre de Daunou est immense. La liste générale de
ses ouvrages imprimés a été donnée par son principal bio-
graphe, Taillandier, Documents sur Daunou^ pp. 363-
378 ; nous avons cité les principaux dans le cours de cet
article. R. S.
BiBL. : N. DE Wailly, Notice sur M. Daunou, dans
Journal des Savants dejuil. 1840 (436-440). — Taillandier,
Documents biographiques sur Daunou; Paris, 1847, in-8,
2o éd. — Walckenaer, Notice historique sur la vie et les
ouvrages de Daunou; Paris, 1841, in-4.— Guérard, Notice
sur Daunou^ dans Bibliothèque de l'Ecole des Chartes^
1842, t. III, 209-257. — Mignet, iVoiice historique sur la vie
et les travaux de Daunou; Paris, 1843, in-4. — V. Leclerc,
Notice sur Daunou^ dans Histoire littéraire de la France,
t. XX, p. 19. — Sainte-Beuve, Daunou, dans Portraits
contemporains^ t. lîl. — Reiffenberg, Eloge de Daunou;
Bruxelles, 1841, in-12.
DAUNUS (Myth. lat.). Roi mythique de TApulie dont
l'ancien nom fut Daunie. On le faisait venir d'Illyrie avec
ses frères Japyx et Peucetius. Il aurait accueilli "amicale-^
ment Diomède qui serait devenu son gendre ; d'après d'au-
tres, il l'aurait assassiné. — Un autre Daunus aurait été,
d'après Virgile, père de Turnus.
DAUPHIN (Delpkinus), ï. Zoologie. — Genre de Mam-
mifères, de l'ordre des Cétacés (V. ce mot), devenu le type
d'une famille nombreuse sous le nom de Delphinidœ et
môme d'une tribu, sous-ordre ou Superfamilia sous le
nom de Delphinoïdea. Pour Flower, les Delphinoïdea
comprennent tous les Cétodontes (Odontoceti) ou Cétacés
pourvus de dents, c.-à-d. les Physeteridœ (Cachalots),
comprenant la sous-famille des Ziphiinœ ou Hyperoodon-
tinœ^ les Platanistidœ (Dauphins d'eau douce) et les
Delphinidœ (Dauphins marins). Nous avons déjà traité
des Cachalots (V. ce mot) et les Ziphiinœ, qui relient
ces derniers aux Dauphins, seront décrits au mot Hype-
ROODON. Nous traiterons ici des deux familles des Platanis-
tidœ et des Delphinidœ qui se ressemblent beaucoup par
leurs formes extérieures, mais présentent dans leur ostéo-
logie des différences importantes, indiquant une origine bien
distincte et qui remonte, selon toute apparence, à une
époque reculée. Ces caractères différentiels sont, d'ailleurs,
indépendants de l'habitat : en effet, on connaît des Plata-
nistidœ qui vivent exclusivement dans la mer (Pontoporia)^^
et réciproquement il existe de véritables Delphinidœ -qui
ne quittent jamais les eaux douces [Orcella), Pour l'orga-
nisation générale de ces animaux, nous renvoyons à ce
que nous avons dit au mot Cétacé : tous sont carnivores,
mais l'estomac est pluriloculaire. Ils sont pourvus de dents
nombreuses mais toutes semblables entre elles, comme
celles des Reptiles, et il n'y a pas de première dentition ou
dentition de lait, les dents permanentes se montrant déjà
chez le fœtus avant la naissance ; ces animaux sont donc
à la fois Homodontes et Monophyodontes. Les mœurs
sont d'ailleurs assez différentes d'un genre à l'autre et
seront indiquées en parlant de chacun d'eux. Les Delphi-
nidœ sont répartis dans toutes les mers du globe, du pôle
à l'équateur, mais, à part deux ou trois types cosmopolites,
chaque espèce a son habitat particuher, étant représentée
dans les autres mers par des espèces du même genre. Cer-
tains genres (Delphinapterus, Monodon) sont propres
aux mers arctiques. Les Platanistidœ ne se trouvent que
dans les fleuves des régions orientale et néotropicale ou
à l'embouchure de ces fleuves. Tous peuvent fournir une
quantité d'huile proportionnée à leur taille; aussi les
grandes espèces sont-elles recherchées et chassées par les
baleiniers avec autant d'acharnement que les Cachalots et
les Baleinoptères. La taille est d'ailleurs très variable : les
plus grands {Orca gladiator) dépassent 8 m. de long; les
plus petits (Phocœna^ Cephalorhynchus^ Pontoporia)
n'atteignent pas 2 m.
De même que chez le Cachalot, le front bombé qui carac-
térise tous les Dauphins, qu'ils aient d'ailleurs le museau
court ou long, n'est pas soutenu directement par les os
du crâne qui sont plats, déprimés et même concaves. Cette
Fitr. 1.
Crâne de Platanista gangetica, vu de profil.
voussure qui surplombe le museau est formée par une
masse de tissu cellulo-adipeux, riche en huile, au milieu
de laquelle se trouvent des poches contractiles plus ou
moins développées, constituant des réservoirs à air qui
communiquent à volonté avec le canal de l'évent, et per-
mettent à l'animal de plonger et de rester longtemps au
fond sans venir respirer à la surface. C'est à tort que
Cuvier a décrit ces poches et le canal de Févent comme
destinés à rejeter l'eau avalée, ce qui se produit seulement
lorsque l'animal est blessé dans ces parties. De même que
chez les autres Cétacés (V. ce mot), le souffle ou .respi-
ration des Dauphins n'est formé que d'air humide venant
directement du poumon et sortant avec bruit par Forifice
des évents. Il n'existe aucune communication normale entre
la bouche et l'évent. Ce qui a pu donner lieu à l'erreur,
si longtemps accréditée, du rejet de l'eau par les narines,
c'est que beaucoup de Dauphins, particulièrement les espèces
à long museau, ont l'habitude de lancer de l'eau par la
bouche en se jouant à la surface.
La famille des Platanistidœ comprend des Dauphins
presque tous habitants des fleuves et qui se distinguent par les
caractères suivants : vertèbres cervicales allongées, libres et
mobiles entre elles ; tête séparée du corps par un cou dis-
tinct ; cartilages costaux non ossifiés ; tête et tubérosité des
côtes antérieures bien distinctes, confondues en une seule
articulation aux côtes postérieures. Mandibules prolongées
en forme de bec plus ou moins grêle et allongé, la sym-
physe (ou partie soudée en avant) excédant la moitié de la
branche mandibulaire ; l'os maxillaire supérieur est sur-
monté, de chaque côté, d'une crête verticale plus ou moins
développée qui se prolonge en arrière au-dessus des orbites.
Fig. 2. — - Crâne 'de' Platanista gangetica, vu par dessus,
a, dent^postérieure ; 6, dent antérieure.
C'est entre ces deux crêtes latérales que se logent les sacs
à air qui sont ici plus développés que chez les Dauphins
proprement dits. Les yeux sont petits, rudimentaires, sou-
vent dépourvus de cristallin. Les dents sont nombreuses,
fortes et pointues. La nageoire dorsale est petite ou nulle.
Ces caractères, surtout anatomiques, montrent que ces
DAUPHIN
— 972 —
animaux sont doués de mouvements du tronc plus étendus
que les Dauphins marins ; leurs caractères crâniens indi-
quent des affinités avec les Cétacés éteints du groupe des
Squalodontes, mais leurs dents sont toutes uniradiculées
comme celles des autres Dauphins.
Le genre Platâniste (Platanista Cuvier) présente au
plus haut degré les caractères de la famille et ne renferme
qu'une seule espèce, le Platâniste du Gange {Platanista
gangetica), qui possède environ trente paires de dents à
chaque mâchoire. Ces dents sont disposées des deux côtés
de la symphyse qui est si grêle et si étroite que les racines
se touchent. Les crêtes maxillaires sont énormes (fig. 1 et 2) ;
au contraire, les orbites sont très petits et les yeux rudi-
mentaires sont dépourvus de cristallin, de sorte que l'animal
Fig. 3. — Platanista gangetica.
est presque aveugle. L'ouverture des évents est longitudi-
nale, linéaire, un peu oblique. Il existe un petit cœcum
pylorique, ce qui est exceptionnel chez les Dauphins. Il n'y
a pas d'os pelviens. Les dents changent beaucoup avec
l'âge : longues et grêles chez le jeune, elles s'épaississent
et prennent un bourrelet basilaire chez les vieux individus.
L'appareil aérifère situé entre les crêtes maxillaires est
très développé. L'animal atteint plus de 2 m. ; sa couleur
est noire ou plombée. Il habite tous les grands fleuves de
l'Inde, c.-à-d. le Gange, le Bramapoutre et l'Indus, et se
retrouve dans l'Eurrambolee, petit fleuve de Birmanie,
près de Chittagong. Il remonte aussi haut que la profon-
deur de l'eau le permet, et s'avance dans le delta du
Gange, mais jamais dans la mer. Sa nourriture consiste en
crustacés et petits poissons qu'il cherche en fouillant la
vase et les roseaux avec son museau long et comprimé.
Le genre Inu (Inia E. Geoff.) représente le précédent
dans les fleuves de FAmérique équatoriale. Le type {hiia
amazonica ou /. Geoffroyi) a le front moins relevé que
celui du Platâniste et le museau conique garni extérieure-
ment de longs poils épars, durs et frisés ; chaque mâchoire
est armée de vingt-six à trente-trois paires de dents , ce nombre
étant variable souvent sur le même individu (les deux côtés
d'une même mâchoire n'ont pas toujours le même nombre
de dents). Les dents postérieures ont un fort talon basi-
laire. Cet animal atteint plus de 2 m. de long; il est d'un
gris bleuâtre avec le ventre blanc. Il habite l'Amazone et
tous ses affluents, remontant jusqu'au Pérou et se trouve
aussi, dit-on, dans l'Orénoque. L'espèce de Bolivie a été dis-
tinguée par Gervais sous le nom d'L boliviensis. Il ne
faut pas confondre les Inias avec les dauphins du genre Sota-
lia qui habitent les mêmes fleuves et sont de véritables
Delphinidœ. L'Inia se nourrit de petits poissons et de fruits
qu'il .recherche à la surface ; ses habitudes sont bruyantes
et réveillent le voyageur pendant la nuit. — Dans l'estuaire
du rio de la Plata vit le Pontoporia Blainvillei (Gervais),
ou Stenodelphis de Gervais, à museau moins allongé que
chez les précédents, portant à chaque mâchoire cinquante à
soixante paires de dents, petites, à bourrelet basilaire.
L'appareil aérifère accessoire de l'évent ressemble à celui
du Platâniste, bien que moins développé, de même que les
crêtes maxillaires sus-orbitaires. Burmeister décrit cet appa-
reil comme formé, de chaque côté, de deux poches super-
posées dont la supérieure est la plus grande. La nageoire
dorsale, plus développée que celle des précédents, est
triangulaire et pointue mais petite. L'ouverture des évents
est, comme chez l'Inia, transversale, en croissant à pointes
dirigées en arrière. Ce type relie les Platanistes aux véri-
tables Dauphins. C'est un animal de petite taille, dépassant
rarement cinq pieds (I'^50).Ilvitsur les côtes de la Pata-
gonie au S. de la Plata et ne paraît pas remonter les
rivières comme les autres espèces de la même famille.
Les Cétacés de la famille des Delphinidœ ou Dauphins
proprement dits se distinguent des précédents par les
caractères suivants : symphyse mandibulaire n'excédant
pas le tiers de la longueur de la branche mandibulaire ;
cartilages costaux fortement ossifiés et soudés au sternum ;
côtes postérieures dépourvues de têtes et articulées seule-
ment avec les apophyses transverses des vertèbres par la
tubérosité. Vertèbres cervicales courtes, soudées entre
elles. Les yeux sont bien développés. Ces caractères con-
trastent avec ceux des Platanistidœ. Flower a montré
que la forme du palais osseux pouvait servir à caractériser
les divers types des Delphinidœ, Les os ptérygoides qui
forment, avec un prolongement des os palatins, la muraille
externe de la cavité à air, sont courts, épais, recourbés de
chaque côté et leur forme varie suivant les genres et les
espèces. Les bourses ou réservoirs aériens qui sont en
communication avec l'évent sont moins développés que
chez les Platanistes, mais ont la même disposition générale;
il n'y a pas de crête maxillaire prolongée au-dessus de
l'orbite. La forme de la tête, si variable chez les Dauphins,
dépend essentiellement de l'allongement des mâchoires.
Nous traiterons d'abord des espèces à long rostre, qui se
rapprochent par ce caractère des Platanistes, et nous
verrons que l'on passe par des nuances insensibles de
ceux-ci aux espèces à bec court et tête globuleuse. Nous
admettrons seulement deux sous-familles : les Delphinidœ.
et les Delphinapteridœ.
La sous-famille des Delphininœ, de beaucoup la plus
nombreuse, comprend les véritables Dauphins, c.-à-d. les
genres Sotalia, Sténo, Tursiops, Delphinus, Prodelphi-
mis, Tursio, Lagenorhynchus, Sagmatias, Feresa, Ce-
phalorhynchus, Neomeris, Phocœna, Orcella, Grampus ,
Globiœphalus, Psendorca et Orca, qui ont généralement
les dents nombreuses et disposées en séries régulières.
Les premiers genres ont le museau fortement allongé
en forme de bec et plus ou moins bridé, c.-à-d. séparé
du front par un sillon. Le genre Sotâlia (Gray) rappelle
les Platanistes non seulement par la forme de sa tète, mais
aussi par ses mœurs, la plupart des espèces recherchant
les eaux douces ou saumâtres des fleuves et de leurs em-
bouchures. Les dents sont au nombre de vingt-six à trente-cinq
paires dans chaque mâchoire. Le rostre n'est pas bridé mais
comprimé. La nageoire dorsale est falciforme. La couleur
Sotalia pallida (de TAmazone).
varie du blanc au gris, quelquefois avec des taches. La
taille est petite ou moyenne (environ 2 m.). Toutes les
espèces habitent les régions équatoriales. L'espèce la plus
anciennement connue, Sotalia pliimbea (Cuvier), habite
les côtes de l'Inde (Malabar). Le 5. sinensis (Flower)
provient d'Amoy (Chine) et vivrait aussi dans les rivières
de Fou-tchéou et de Canton. Les 5. gadamu et S. lenti-
ginosa (Owen) sont de l'océan Indien, et le premier
s'avance jusque sur les côtes de l'Australie. Le genre est
aussi représenté en Amérique où certaines espèces ont des
mœurs franchement fluviatiles : les 5. guianensis (Van
Beneden) de la Guyane, S, brasiliensis (V. Ben.) de la
baie de Rio de Janeiro, S. tucuxi, S. pallida et S, fluvia-
tilis, tous trois de l'Amazone (Gray et Gervais), n'ont
pas encore été suffisamment étudiés, et ces trois derniers
ne formeraient qu'une seule espèce d'après Natterer. — Le
genre Sténo (Gray) Delphinorhynchus (Leeson) ou Gly-
phidelphis (Gervais) diffère peu du précédent, qui en est
détaché ; les dents sont grandes, au nombre de vingt à vingt-
sept paires à chaque mâchoire ; le museau est comprimé. La
couleur est noire dessus, blanche dessous, quelquefois avec
des bandes ou des taches. Les espèces sont marines. Tels
sont Sténo rostratus (Desmarest), de Focéan Atlantique
et de l'océan Indien qui a été pris quelquefois sur les
côtes de France (5. santonicus, Lesson) et »S. perspicil-
latus (Peters) du Sud- Atlantique.
Le genre Tursiops (Gervais) a le rostre de longueur
moyenne, conique, les nageoires falcitbrmes, les dents
grandes, au nombre de vingt-deux à yingt-six paires à chaque
mâctioire. La taille varie de 2 à 3 m. et plus : la couleur est
grise, plus pâle dessous, quelquefois tachetée. Le Souffleur
Nésarnack (Tursiops tursio Fabricius) est une espèce
des mers d'Europe. Il nage rapidement par bandes de six à
huit individus, et fait facilement le tour d'un steamer mar-
chant à raison de 44 milles à l'heure. Il se nourrit de
poissons, notamment de congres et d'anguilles, et se prend
souvent dans les filets. Il se montre dans l'Océan, la
Manche et la Méditerranée : on en prend tous les ans dans
le bassin d'Arcachon et même dans la Gironde. Sa répar-
tition géographique paraît très étendue : de la mer du
Nord à l'embouchure de l'Uruguay, dans l'Océan, sur les
côtes de la Nouvelle-Zélande et même aux îles Seychelles.
Le T, flavimanus (Liitken), plus petit, serait propre à
l'Adriatique; le T. catalana (Gray) est des côtes N.-E.
de l'Australie, le T. abusalam (Rûppel) , de la mer Rouge
et le r. GUlii (Dali), du Pacifique Nord (Californie).
Le genre DAUPmN [Delphinus L.), tel que l'ont restreint
les naturalistes modernes, ne renferme plus que des espèces
à rostre conique, plus ou moins long, nettement bridé, à
dents petites, aiguës, nombreuses, au nombre de quarante-
sept à soixante-cinq paires. La couleur est noire, plus claire
dessous, souvent variée de bandes longitudinales ; la taille
dépasse rarement 2 m. Le Dauphin des anciens {Delphinus
delphis) est l'espèce de la Méditerranée dont il est question
dans les auteurs grecs et latins; il atteint 2"^85, et ses
couleurs varient beaucoup, formant des bandes et des
taches sur les côtés du corps. Fischer a décrit jusqu'à sept
de ces variétés provenant des côtes de France : le /). me-
diterraneus de Loche correspond à l'une d'elles. Cette es-
pèce vit par bandes de six à dix individus, aimant à suivre
les navires en se jouant à la surface. Elle poursuit les bancs
de harengs et de sardines, remontant quelquefois les fleuves
à la suite des poissons dont elle se nourrit. La femelle
porte dix mois (de l'automne au printemps suivant) : le
jeune nouveau-né n'a que 50 à 60 centim. de long et met
dix ans à atteindre toute sa taille. Les D. major (Gray),
D. fulvofasciatus (Wagner), D. Forsteri (Gray), D,
albiinaniis (Peale), etc., doivent être rapportés à cette
espèce dont l'habitat se trouve ainsi très étendu (Médi-
terranée, tout l'Atlantique et le Pacifique Nord et Sud
et même l'océan Indien), le D. pomeegra (Owen) n'en
différant pas, d'après F.-W.True, ce qui en fait une
espèce vraiment pélagique et cosmopolite. Des espèces plus
distinctes sont les D. longirostris (Cuvier), des côtes de
l'Inde, D, capensis (Gray) et D. roseiventris (Wagner), de
la mer des Moluques et du détroit de Torrès. — Le genre
Prodelphinus (Gervais) ne diffère du précédent que par
ses caractères crâniens, les dents petites, au nombre de
trente-sept à cinquante-deux paires. Le P. cœruleo-albus
(Moyen) est des côtes de l'Amérique du Sud; le P. euphro-
syne (Gray) ou D. marginatus (Pucheran) s'étend, dans
l'Atlantiçiue, du sud du Groenland au sud de l'Afrique ; on l'a
pris à Dieppe, dans la Manche. Le P. lateralis (Peale) est
du Pacifique Nord; P. plagiodon (Cope), de l'Atlantique
Ouest; P. malayanus (Lesson), de l'océan Indien ; P. atte-
nuatus (Gray), de l'Atlantique Sud ; P. frœnatus (F. Cu-
vier), de l'Atlantique et des côtes de Madagascar ; P. longiros-
tris (Gray), du Cap, du Pacifique Est et des côtes d'Australie.
Le genre Tursio (Wagler) diffère de tous les précédents
par l'absence totale de nageoire dorsale ; le rostre est
aplati, médiocrement long, se continuant presque sans
démarcation avec le front bombé, notamment dans la pre-
mière espèce. Les dents sont petites, aiguës, au nombre de
quarante-trois à quarante-quatre paires. La couleur est noire
dessus, blanche dessous, ces deux teintes nettement limitées.
— 973 — DAUPHIN
Le r. peronii (Lacépède), présente une forme tout à fait par-
ticulière (fig. 5) ; il habite le Pacifique Sud, du Cap Horn à la
Nouvelle-Zélande et à la Tasmanie, remontant jusqu'à la
Fig. 5. — Tursio peronii.
Nouvelle-Guinée. Le T. horealis (Peale) diffère moins des
autres Dauphins par ses formes, le front étant séparé du
rostre par une légère dépression : il habite le Pacifique
Nord, de la Californie au Japon. — Le genre Lagenorhynchus
(Gray) renferme des espèces à rostre court et large sans
dépression le séparant du front; il existe une nageoire
dorsale bien développée, falciforme. Les dents varient de
vingt-deux à quarante-cinq paires, leur nombre étant en rai-
son inverse de leur grosseur. La couleur des flancs est claire
avec des bandes et taches obliques plus foncées. Les espèces
sont nombreuses : L. «cw^ttô et L.a/ôiros^ns sont de l'Atlan-
tique Nord, de la mer du Nord et de la Baltique; L, obli-
quidens et L, Ihicolea sont du Pacifique Nord (Californie) ;
L. electra de l'océan Indien et du Pacifique intertropical
(îles Sandwich) ; les suivantes sont de l'hémisphère sud :
L. Fitzroyi de Patagonie; L. cruciger du Pacifique,
auS.-O. du cap Horn; L. superciliosus, du cap de
Fig. 6. — Lagenorhynchus cruciger.
Bonne-Espérance; L. obscurus du Gap, des côtes du Chili
et de la Nouvelle-Zélande. — Le genre Sagmatias (Cope), à
rostre moyen, large, conique, à trente-deux paires de dents
petites, ne renferme qu'une espèce, S, amblodon, dont
l'habitat est inconnu. — Le genre Feresa (Gray) a le
rostre plus obtus, déprimé, avec seulement onze à douze
paires de grosses dents ; F, intermedia^ seule espèce connue,
est des mers du Sud.
Avec ces genres à rostre court et large, nous passons des
Dauphins proprement dits aux Marsouins à tête ronde. —
Le genre Cephalorhynchus (Gray) a la tête petite, dépri-
mée, conique; la nageoire dorsale obtuse ou arrondie; les
dents petites, aiguës, au nombre de vingt-cinq à trente et
une paires. Ce sont des Cétacés de très petite taille (1 m. à
4^30), noirs dessus, blancs dessous, ces deux couleurs
nettement séparées et formant des dessins sur les flancs.
C. Heavisidei (Grsiy) est du cap de Bonne-Espérance, C. albi-
frons (True) et C, Hectori (Van Beneden) de la Nouvelle-
Zélande, C. eutropia (Gray) des côtes du Chih. — Le
Fig. 7. — Neomeris phocœnoïdes.
genre Neomeris (Gray) ressemble davantage aux Marsouins
dont il ne diffère que par l'absence de nageoire dorsale. Il
porte quinze à dix-neuf paires de dents à chaque mâchoire.
Le Neomeris phocœnoïdes (Cuvier) est entièrement noir
et habite l'océan Indien, du Cap au Japon.
Les Marsouins (Phocœna Cuvier) ont la tête arrondie,
un peu conique en avant mais sans rostre distinct ; le crâne
est petit, à rostre court et large ; les dents, petites, com-
primées, à couronne en forme de tête entière ou bi-et trilo-
bée au nombre de seize à vingt-six paires à chaque mâchoire ;
la nageoire dorsale petite, triangulaire. La couleur est uni-
forme, sans bandes et sans taches. Le Marsouin commun
DAUPHIN
974 -
(Phocœna communis) dépasse rarement 1^60 : il est
noir dessus, passant insensiblement au blanc sous le ventre.
Il habite l'Atlantique Nord et le Pacifique nord; sur les
côtes d'Europe il est commun dans l'Atlantique, la Manche
et la mer du Nord, mais ne pénètre pas dans la Méditer-
ranée. Il se nourrit de petits poissons et de seiches, et
remonte les rivières par bandes : on l'a pris dans la Seine,
à Paris, dans la Loire, la Charente et la Garonne. En mer,
les individus d'une même bande se suivent à la file en
bondissant au-dessus des vagues, le dos contourné en arc,
et chacun répète le mouvement du chef de file. Ils pour-
suivent les poissons jusque dans les filets des pêcheurs. —
Le Ph. spinipennis (Burmeister) des côtes de l'Amérique
du Sud est remarquable par les tubercules que porte le
bord antérieur de sa dorsale. Le Ph. Dallii (True) est
du Pacifique Nord (Alaska). — Le Grampus (Gray) {G.
griseus Cuvier) diffère peu des Marsouins proprement
dits par ses formes extérieures qui sont seulement plus
élancées, mais la dentition est très réduite : il n'y a jamais
de dents à la mâchoire supérieure et l'inférieure en porte seu-
lement de deux à sept paires. La couleur est très variable,
ordinairement grise avec des raies blanchâtres semblables à
des éraflures, et la taille atteint plus de 3 m. de longueur
totale. Cette espèce habite l'Atlantique Nord et le Par.ifique
Nord s'étendant jusqu'au cap de Bonne-Espérance. En Eu-
rope, elle se montre dans l'Océan, la Manche, la mer du
Nord et la Méditerranée. Elle vit en troupes nombreuses,
se nourrissant presque exclusivement de seiches et de cal-
mars. Elle paraît avoir des migrations régulières du N. au
S. : sa station d'hiver serait sur les côtes d'Afrique.
Le genre Orcella (Gray) renferme deux espèces à tête
globuleuse, à front renflé, à mandibules courtes, non sail-
lantes en avant du front, portant douze à quatorze paires de
dents. Une des espèces (0. fliiminalis Andersen) habite
exclusivement un fleuve de Flndo-Chine, l'Iraouady, qui
Fig. 8.— Orcella brevirostris.
arrose la Birmanie, remontant jusqu'à 900 milles dans l'inté-
rieur du pays. Sa couleur rappelle celle du Grampus et la taille
dépasse 2 m. La seconde (0. brevirostris Owen) ressemble
beaucoup à la précédente, mais n'habite que le golfe du
Bengale, et ne se trouve pas dans les fleuves qui s'y jettent.
Le genre Globicephalus (Gray) a la tête globuleuse avec
des lèvres en bourrelet saillant. La dorsale est longue, basse,
épaisse, les pectorales longues et étroites. Les dents, grosses
et peu nombreuses (sept à onze paires), ne se trouvent que
dans la moitié antérieure des mandibules. La couleur est
noire et la taille dépasse 4 m. de long. — Le Globicéphale
conducteur (GL mêlas Traill) atteint 6 et 7 m. : il est noir
avec une bande ventrale blanche. Il habite l'Atlantique, s'éten-
dant au S. jusqu'au cap de Bonne-Espérance et à la Nouvelle-
Zélande. En Europe, on le signale dans l'Océan, la Manche
et la Méditerranée. Une bande de soixante-dix individus
— Globicephalus mêlas.
s'échoua en 1812, près de Paimpol (Gôtes-du-Nord) . Leur
tète renflée leur a valu des pêcheurs le nom de chaudrons,
L'évent s'ouvre en avant sur la partie la plus saillante de
la tête. Ces Cétacés voyagent par bandes nombreuses (plus
de cent quelquefois) sous la conduite d'un vieil individu,
d'où le nom de conducteur. Ils se nourrissent de seiches et
de poissons, sont paisibles et craintifs, aussi est-il facile de
s'en emparer en les cernant avec des bateaux et les for-
çant à s'échouer sur le rivage. — Le Globicephalus bra-
chypterus (Cope) est des côtes atlantiques de l'Amérique
Nord, les Gl. Scammoni (Cope) du Pacifique Nord,
GL Sieboldtii (Gray) du Japon, Gl. indiens (Blyth) de
l'Inde QiGl. macrorhynchus (Gray) des mers du Sud. — •
Le genre Pseudorca (Reinhardt) ne renferme qu'une espèce,
à tête ronde, large, déprimée, ayant dix paires de grosses
dents. La couleur est noire et la taille grande. Le Ps. crassi-
dens (Owen) est du Pacifique; c'est une espèce pélagique.
Les Orques {Orca Gray) sont les plus grands et les
plus redoutables de tous les Dauphins. Leur tête est conique
Fig. 10. — Orca gladiator.
et déprimée ; la nageoire dorsale est grande, élevée ; les
pectorales sont très développées. Les dents sont très fortes,
au nombre de dix à treize paires dans chaque mâchoire. 11
n'existe probablement qu'une seule espèce, pélagique et à
peu près cosmopolite, c'est l'Epaulard {Orca gladiator
ou 0. Duhameli) qui atteint 9 m. de long et plus. Sa
couleur est variée de noir et de blanc par grandes taches,
le noir prédominant en dessus. L'espèce se montre sur nos
côtes de l'Océan, dans la Manche et dans la Méditerranée.
C'est le plus féroce de tous les Cétacés. L'Orque est essen-
tiellement Carnivore et se nourrit de poissons, de phoques
et de marsouins, s'attaquant même à la baleine. L'estomac
d'un mâle de 7^50 de long, disséqué par Eschrist, ren-
fermait les débris de quinze phoques de différentes tailles
et de treize marsouins. Ces animaux vont par troupe de
cinq à six individus et se tiennent au large. Leur naturel
farouche, la vivacité de leurs mouvements et leur grande
taille rendent leur capture difficile et dangereuse, bien
qu'ils puissent fournir une bonne quantité d'huile.
La petite sous-famille des Delphinapterinœne comprend
que deux genres qui se distinguent des vrais Dauphins
par leurs caractères crâniens et leur dentition anormale.
Le genre Béluga ne comprend qu'une seule espèce, le
Béluga ou Dauphin blanc (Delphinapterus leucas), qui
a la tête arrondie comme les Marsouins, est dépourvu
de nageoire dorsale et entièrement blanc. Ses dents, de
grosseur variable et irrégulièrement plantées, sont au
nombre de neuf paires. Les dimensions dépassent rarement
4 m. de long. Cette espèce habite les mers arctiques et
sub-arctiques, s'égarant jusque sur les côtes d'Ecosse et
du Massachusetts. Elle se nourrit de poissons et de cépha-
lopodes. Les Esquimaux recherchent sa chair et le prennent
au filet. — Le Narval ou Licorne de mer des anciens est
Fig. 11. — Monodon monoceros.
le type d'un second genre (Monodon L.), n'ayant égale-
ment qu'une seule espèce {Monodon monoceros) remar-
quable par sa dentition très anormale. Il n'y a pas de dents
à la mâchoire inférieure et la mâchoire supérieure porte
seulement une paire de grandes canines dirigées en avant,
mais dont cefle de droite reste toujours enfermée dans son
alvéole, tandis que celle de gauche se développe, chez le
mâle, en forme de défense, droite, mais tordue en spirale,
dirigées en avant dans l'axe du corps et pouvant atteindre
^ à 3 m. de long, c.-à-d. le tiers ou la moitié de la lon-
gueur totale de l'animal. Très exceptionnellement, les
deux défenses se développent à peu près également chez le
mâle ; chez la femelle elles restent toujours rudimentaires.
Le jeune, avant sa naissance, porte à la mâchoire supé-
rieure trois autres paires de dents qui s'atrophient et dis-
paraissent chez l'adulte. L'énorme défense du mâle lui
sert, dit-on, à briser la glace dans les mers arctiques qu'il
habite exclusivement, s'égarant à de rares intervalles jusque
sur les côtes des Iles Britanniques. La couleur est d'un
gris pâle, plus claire dessous, avec de nombreuses mar-
brures foncées sur les flancs. Il n'y a pas de nageoire dor-
sale. Les Narvals sont des Cétacés paisibles, émigrant en
troupes nombreuses devant les glaces, et il est peu pro-
bable qu'ils attaquent les baleines à coup de défenses,
comme on l'a prétendu. Ils ne se servent même pas de cette
arme pour se défendre contre les Orques qui ravagent leurs
bandes. Ils se nourrissent de poissons, de céphalopodes et
d'holothuries. La bouche est très petite. Les Esquimaux leur
font la chasse avec ardeur et sont très friands de leur chair.
IL Paléontologie. — Le type des Delphinidœ est rela-
tivement moderne, n'étant pas connu avant le miocène.
Par les Squalodontidœ, qui avaient encore trois sortes
de dents, mais une forme de crâne semblable à celle des
Cétacés modernes, ils se rattachent aux Zeuglodontes
éocènes (V. Cétacés [Paléontologie]). Les Platanistidœ^
à cou plus allongé et à colonne vertébrale plus flexible que
les vrais Dauphins, sont plus anciens et plus proches
parents des Squalodontidœ diphyodontes. La plupart des
types connus dans le tertiaire de l'Amérique du Nord
appartiennent à cette famille des Platanistidœ, aujour-
d'hui presque entièrement confinée dans les eaux douces.
Tels sont les genres Delphinodon (Leidy), Lophocetiis
(Harlan), Zarhachis (Cope), Ixacanthus (Cope), Pri-
scodelphinus (Leidy), Rhabdosteus (Cope) et Agabelus
(Cope) qui étaient probablement marins. Agabelus était
dépourvu de dents. Rhabdosteus constitue un type très
remarquable par son rostre très long et très grêle comme
celui de l'Espadon (Xipkias) ne portant de dents qu'à la
base. Cetophis (Cope) atteignait une taille bien supérieure
à celle des Platanistes actuels. Les véritables Delphinidœ
ne sont représentés dans l'Amérique du Nord que par Del-
phinus occiduus (Leidy) et deux espèces du genre vivant
Delphinapterus, En Europe, ce type est plus abondant.
Les genres Schizodelphis (Gervais), Macrochirifer
(Brandt), Ghampsodelphis (Brandt) et des espèces éteintes
du genre Delphinapterus (D, miocœnus Portis), sont
du miocène. Les genres Sténo , Heterodelphis (Brandt),
Delphinus, Cetorynchus (Gervais), Eurinodelphis (Du
Bus), PriscodelphiSy Platydelphis, Pachyacanthus^ Del-
phinapterus^ Orca, Giobicephalus sont représentés
dans le pliocène de Belgique et d'Italie, ainsi que dans le
quaternaire. Le Pontistes rectifrons (Ameghino), voisin
du Pontoporia, est du tertiaire de laPlata, et Phocœ-
nopsis Mantelli (Huxley) du quaternaire de la Nouvelle-
Zélande. E. Trouessârt.
IIL Astronomie. — Petite constellation boréale située
entre le Petit Cheval, le Renard et l'Aigle. Le catalogue de
Flamsteed lui donne dix-huit étoiles. A l'œil nu, on voit
surtout en été, à gauche de la Voie lactée et à la hauteur
de l'Aigle, un petit losange formé des quatre étoiles
Y, 8, a, p, avec une cinquième s, dans le prolongement de
la diagonale y P un peu courbée. Quatre autres étoiles plus
faibles complètent les neuf étoiles représentant les neuf
Muses se désaltérant à la fontaine du Verseau, constellation
située un peu plus loin, suivant les fables grecques.
La plus belle étoile de cette constellation, a, est de qua-
trième grandeur. Ses coordonnées sont d'après la Con-
naissance des temps pour 4894 :
M =z 20^34'^34«52 ; P = 74°28'48'''6. L. B.
IV. Architecture. — Partie inférieure d'un tuyau de
descente, façonnée et recourbée de manière à rappeler la
tête d'un dauphin dont la gueule béante servirait de pas-
- 975 - DAUPHIN
sage à Feau. Pendant presque tout le moyen âge, les tuyaux
de descente, généralement faits de plomb, s'arrêtaient
au-dessus d'une pierre dure creusée en forme de cuvette
et dont la cavité recevait les eaux et servait à les diriger
dans le caniveau qui devait les faire écouler. Mais, dès le
xvi®^ siècle, on voit des dauphins en fonte de fer comme
celui reproduit fig. 42 et qui est encore fixé à la
Fig. 12.— Dauphin en fonte de fer, du xvi« siècle, à Ciiartres.
base d'une maison située en face du portail royal de la
cathédrale de Chartres. A notre époque, les bouts de
tuyaux servant de dauphins sont unis ou cannelés et leur
extrémité inférieure reçoit une ornementation variée ; mais,
malgré quelques beaux exemples empruntés à des construc-
tions publiques ou privées, l'usage des dauphins tend à
disparaître, l'extrémité des tuyaux de descente tombant
souvent dans une canalisation souterraine ou tout au moins
dans des gargouilles recouvertes de plaques de fonte.
V. Art héraldique. — Le dauphin est représenté en
blason avec une tête fort grosse par rapport au reste du
corps, de profil et courbé en demi-cercle, le museau et le
bout de la queue tournés à dextre. On le dit vif, lorsque
sa gueule est close; pâmé, lorsqu'elle est ouverte; couché,
alors que contre la position ordinaire le museau et la
queue regardent la pointe de l'écu; allumé, lorsque son œil
est d'un émail particulier, c.-à-d. différent de celui du
corps ; loré, lorsque ses nageoires sont aussi d'un émail
autre. Il peut être encore couronné, crété, oreille, barbé,
chargé ou accompagné ; il figure sur l'écu seul ou en
nombre. On trouve même un blason : d'azur^ à une
queue de dauphin d'argent. C'est une exception.
VI. Histoire. — Dauphin (Delphinus) est un titre féodal,
qui paraît avoir été d'abord un surnom et qui fut porté en
France par les comtes de Viennois depuis Guigne IV et à leur
exemple par les comtes d'Auvergne depuis 4455 (V. plus
loin les mots Dauphiné et Dauphiné d'Auvergne). On sait
que, depuis la cession du Dauphiné à la France par Hum-
bert II en 4349, les fils aînés des rois de France portèrent
le titre de dauphin.
Education des Dauphins. J)3insnne société monarchique
qui confie à un seul homme le gouvernement et presque
la propriété de tout un peuple, l'éducation du futur roi
devient une affaire d'Etat. Moins il paraît nécessaire alors
de répandre l'instruction dans les rangs du peuple, puisque
les sujets n'ont qu'à obéir, plus il importe par une éduca-
tion aussi parfaite qne possible d'assurer à l'unique souve-
rain de la nation toutes les qualités, toutes les vertus qui
conviennent aux conducteurs des peuples. Il ne semble
pourtant pas que cette préoccupation toute naturelle et
nécessaire dans une monarchie bien réglée se soit fait
DAUPHIN — 976 —
jour dans les conseils de nos rois avant le xvii® siècle,
avant Bossuet et Téducation du grand dauphin. « Souve-
nez-vous, Monseigneur, disait Bossuet à son élève, que des-
tiné à régner un jour sur ce grand royaume, vous êtes
obligé de le rendre heureux. » Et à la même époque,
dans V Education d'un prince^ Nicole écrivait : « Un
prince n'est pas à lui ; il est à l'État. Dieu le donne aux
peuples en le faisant prince ; il leur est redevable de tout
son temps... Car il ne se fait pas seulement tort à lui-
même en abusant de son temps: mais il fait tort à TEtat à
qui il le doit. Ceux qui sont chargés de son éducation com-
mettent encore une plus grande faute, s'ils ne lui en pro-
curent pas la meilleure et la plus digne d'un prince qui
leur est possible. »
Ces hautes idées, qui sont la conclusion légitime et forcée
de toute doctrine monarchiste un peu raisonnée, ne sem-
blait pas avoir beaucoup préoccupé les hommes de l!an-
cienne monarchie. Avant le xvii® siècle, nos annales ne
relatent aucun effort sérieux tenté dans l'éducation des
dauphins. Les plaisirs étaient l'occupation principale des
princes. Le fils aîné de François P^, le dauphin François
de France, mourut à douze ans, en 1530, pour avoir bu
de l'eau glacée après s'être échauffé au jeu de paume, et au
lieu d'admettre qu'il avait succombé à une mort naturelle,
trop naturelle après une fluxion de poitrine tombée sur un
corps fatigué par l'abus précoce des plaisirs, François P^'
ne trouva rien de mieux pour réparer ses négligences pater-
nelles que d'accuser l'échanson du jeune prince de l'avoir
empoisonné et il le fit écarteler. Le plus souvent les his-
toriens restent muets sur l'éducation des héritiers de la
couronne, ce qui prouve qu'il n'y avait rien à en dire ou
peu de chose. L'éducation de Charles YIII, par exemple,
fut des plus insignifiantes. Louis XI le fit élever solitaire-
ment au château d'Amboise, sans lui donner aucune ins-
truction, disant que son fils serait toujours assez docte,
s'il savait ces cinq mots latins : Qui nescit dissimiUare,
nescit regnare. Vers la fin cependant il se ravisa ; il vou-
lut qu'on lui enseignât l'histoire , et fit composer à
cette intention par EstiennePorchier un recueil de mémoires
politiques et militaires qui était en même temps un résumé des
Grandes Chroniques de Saint-Denis, le /{(?5z^r des guerres
ou le Rosier historial, Charles VIII n'avait d'ailleurs que
treize ans quand son père mourut.
Tout autre fut au xvu'^ siècle la marche des choses.
Mais par une singulière bizarrerie de la fortune, tandis que
tant de dauphins étaient arrivés au trône qui n'avaient été
dans leur enfance l'objet d'aucune sollicitude pédagogique,
le fils aîné de Louis XIV, qui fut élevé avec tant de soins,
ne devait pas porter la couronne. L'éducation qu'il reçut
sous la direction de Bossuet n'en est pas moins une des
pages les plus intéressantes de l'histoire de la pédagogie
et une des entreprises les plus remarquables qu'ait conçues
l'art de l'éducation pour obtenir d'une nature d'ailleurs
ingrate tout ce qu'elle pouvait produire. Selon l'usage, le
dauphin jusqu'à sept ans resta entre les mains des femmes :
une gouvernante, une sous-gouvernante, une nourrice, une
foule d'autres personnes encore. A sept ans, les femmes
firent place aux hommes : et c'était tout un personnel
choisi, assez nombreux pour suffire aux besoins d'une
maison d'éducation qui comprendrait des centaines
d'élèves ; c'était une légion d'éducateurs qui travaillaient
avec ensemble à l'instruction privilégiée du roi présomptif:
un gouverneur, un sous-gouverneur, un précepteur, un
sous-précepteur, un lecteur, toute une série de profes-
seurs spéciaux, sans compter les valets de chambre, le chi-
rurgien, le barbier, le porte-manteau, et aussi les gentils-
hommes attachés à la personne du prince sous le nom
de menins. Le gouverneur du dauphin fut le duc de
Montausier, homme dur, « plus vertueux qu'habile », dit
Guizot, qui avait reçu de Louis XIV l'autorisation officielle
d'employer les verges, le fouet, « dans le cas où les re-
montrances seraient restées insuffisantes », et qui ne les
ménagea pas à son royal élève. Le précepteur fut Bossuet
qui prit tout à fait à cœur sa charge de pédagogue, et
entra de toute son âme dans la pensée de Louis XIV qui
considérait l'éducation du dauphin comme « un de ses grands
coups d'Etat pour l'avenir ». Après Bossuet venaient,
associés à sa tâche, toute une légion d'hommes distingués
ou érudits : Daniel Huet, le futur évèque d'Avranches,
avec le titre de sous-précepteur, et qui suppléait Bossuet,
quand celui-ci était fatigué ou malade ; Fléchier qui écrivit
pour le daui^hmV Histoire de Charlemagne; Cordemoy, le
lecteur du prince, l'auteur d'une Histoire de France qui
servit aux études de Monseigneur après qu'on lui eut inter-
dit Mézerai dont les livres parurent trop libres ; Jean Bon-
jat, qui composa un Abrégé de l'histoire romaine et
grecque ^ ; l'architecte Blondel, l'auteur du Cours de ma-
thématiques pour Monseigneur le dauphin, qui lui
enseigna la stratégie, l'art de fortifier les places, l'art de
jeter des bombes ; le physicien Jacques Renaudot, philo-
sophe cartésien, et après lui le Danois Roëmer, l'un et
l'autre chargés de rendre sensibles aux yeux du prince
par d'ingénieuses expériences les principes de la physique ;
et enfin, sans prétendre les nommer tous, l'astronome
Amontons, l'anatomiste Du Vernay, Bernard et Pellisson,
Sylvestre, Tournefort, Couplet : tout ce que la France
comptait de savants, d'érudits, de lettrés fut mis à contri-
bution pour élever le dauphin. Mais Bossuet surtout mul-
tiplia les efforts de son génie soit en imaginant des pro-
cédés d'émulation, en faisant travailler avec le prince quatre
écoliers de qualité, en appelant des visiteurs, des étrangers de
distinction à assister aux leçons, soit en composant pour son
usage quelques-uns de ses plus célèbres écrits, le Discours
sur rhistoire universelle, le Traité de la Connaissance
de Dieu et de soi-même, et aussi une Logique, une Graw-
maire latine en français, qui est d'ailleurs perdue.
D'autre part, une véritable phalange d'humanistes était
chargée de préparer la Collection des auteurs du dauphin,
des éditions latines ad usum delphini. Cette collection ne
comprend pas moins de soixante-quatre volumes : elle
coûta 100,000 livres à Louis XIV. Huet présida à ce tra-
vail considérable et eut pour collaborateur l'abbé Fleury,
M. et M"^« Dacier, etc.
Mais, par une cruelle ironie du sort, cette éducation
organisée avec tant d'éclat, à laquelle le pape s'intéressait
connne le prouve la Lettre à Innocent XI où Bossuet
résuma ses méthodes et ses procédés, dont Boileau disait
qu' « elle renfermait comme en abrégé la félicité publique »,
que l'Académie française prenait comme sujet d'éloge,
cette éducation qui aurait dû produire un prince accompli,
si l'on avait le pouvoir de vaincre la nature, n'aboutit qu'à
de médiocres résultats. Né avec un esprit borné, lan-
guissant et inattentif, le dauphin ne fit que peu de progrès
dans ses études, malgré l'excellence de ses maîtres. Il
n'accepta jamais de bonne grâce les études forcées aux-
quelles on le soumettait. Quand il fut question de son
mariage avec Christine de Bavière : « Nous allons bien
voir, s'écria-t-il,si M. Huet me voudra contraindre encore
d'étudier l'ancienne géographie. » De sorte que tous ces
trésors de science, toutes ces recherches, tous ces raffine-
ments furent prodigués sans succès, ne servant qu'à dé-
montrer les bornes du pouvoir de l'éducation devant les
incurables fatalités de la naissance et aussi les vices inhé-
rents au principe de l'hérédité monarchique. G. Compayré.
BiBL. : Zoologie et Paléontologie. — J.-E. Gray, Ca-
talogite of Seals and Whales in the British Muséum ; Lon-
dres,1866, 2° éd., et Supplément, 1871.— Du même, Synopsis
ofthe Species ofWhales and Dolphins in the Brit. Mus. ;
Londres, 1868. ~W.-II. Flower, On the Characters and di-
visions ofthe fam. Delphinidœ {Proc. Zool. Soc. Lond., 1883,
p 466). — Du même, List of the spécimens of Cetacea in
the Zoolog. Departm. of the Brit. Mus.; Londres, 1885. ~
VaxBeneden et Gervais, Ostéographie des Cétacés vivants
et fossiles; Paris, 1880.— F.-W. True, Contribution to
the natural history ofthe Cetaceans,a review ofthefamily
Delphinidœ {Bulletin of the U. S. National Muséum, n" 37);
Washington, 1889. — P. Fischer, Cétacés du sud-ouest de
la France (Actes de la Société linnéennede Bordeaux. 1881,
t. XXXV). — E. Trouessart, Faune des Mammifères de
France, 1885, p. 288. — Van Beneden, Histoire naturelle
des Cétacés des mers d'Europe ^Mémoires couronnés de
l'Académie des sciences de Belgique); Bruxelles, 1889. —
Andêrson, Anatomical an Zoological Researches of Yun-
nan, 1878. — Brandt, Untersuchungen ûber die fossilen Ce-
taceen Europa's {Mém. Acad. imp. sciences deSaint-Péters-
bowrg, 1873, t. XX. et Nachtrag,lSli,t. XXÏ). — Portis, Cata-
loqo descrittivo dei Talassotèrii {Mem. R. Acad. Se. Torino.,
t. XXXVII, p. 247); Turin, 1886. — E.-D. Cope, the Ceta-
cea (fossiles) (the American Naturalist, 1890, p. 599). —
BuRMEisTER, Analcs dol Muspo publico de Buenos Ailles,
1868-69, t. I, p. 305 et 367, et pi. 15 à 28.
DAUPHIN. Corn, du dép. des Basses- Alpes, arr. et
cant. de Forcalquier, sur une colline dominant le confluent
de la Largue et de la Laye ; 590 hab. Schiste bitumineux,
lignite, source sulfureuse. Eglise ancienne.
DAUPHIN (Fort-). Etablissement français sur la côte
orientale de Madagascar, vers sa pointe extrême, au fond
d'une belle baie, offrant le seul mouillage de tout le lit-
toral méridional. C'est en 4643 que Pronis, agent de la
société de l'Orient, fondée le 24 juin 1642 par Richelieu,
bâtit le fort, agrandi depuis, qui fut appelé Fort-Dauphin.
En 1644, quatre-vingt-dix émigrants venus de Dieppe y
débarquèrent ; mais la mauvaise administration de Pronis
compromit la colonie naissante. En 1664, Madagascar fut
cédé à la compagnie des Indes et un édit royal conféra à
Madagascar le nom de France orientale, avec Fort-Dauphin
comme chef-lieu. Cet établissement suivit la fortune variable
de nos destinées coloniales au xvii® et au xviii® siècle ;
abandonné en 1672, puis rebâti en 1768, et abandonné
de nouveau en 1770, Fort-Dauphin est resté nominalement
jusque dans ce siècle le centre de notre zone d'action à Mada-
gascar. En 1825, une armée de Hovas s'empara de Fort-
Dauphin, où quelques années auparavant le gouverneur de
Sainte-Marie avait envoyé une garnison de six hommes.
Depuis 1845, l'action de la France sur Madagascar s'est
exercée d'une façon générale, et les centres d'influence ont
été cherchés plutôt au centre et au nord de l'île.
DAUPHIN. Rivière de la province de Manitoba (Canada),
appelée aussi petite Saskatchetvan, Elle sort du lac
Saint-Martin et se jette dans le lac Winnipeg. — Lac dans
la même province, long de 32 kil., large de 20, au 51^
degré de lat, N. Il se déverse par un cours d'eau dans le
lac Winnipigous. Aug. M.
DAUPHIN (Le chevalier Charles-Claude), aussi appelé
Delfino ou Dofino, artiste français, né en Lorraine, mort
à Turin (d'après Bellier de la Chavignerie en 1677,
d'après Dussieux en 1693). Elève de son père Olivier
et de Simon Vouet, Dauphin se fixa de bonne heure en
Italie, où il entra au service de la cour de Savoie. Ses
toiles ne sont pas exemptes de maniérisme, mais elles ne
manquent pas de vigueur. Plusieurs églises de Turin pos-
sèdent des peintures de cet artiste. Dans la cathédrale on
remarque : Saint Luc faisant le portrait de la Vierge,
le Christ donnant la communion à saint Jérôme, Dau-
phin a en outre peint plusieurs portraits : ceux de
Charles II, duc de Savoie, de la princesse Louise-Marie
de Savoie, de la princesse Françoise de Valois, du co-
médien Millot, etc. Parmi les élèves de Dauphin, on cite
J.-B. Brambilla.
BiBL. : Bellter de la Chavignerie, Dictionnaire gé-
néral des artistes de l'Ecole française ; Paris, 1868. —
Dussieux, les Artistes français à l'étranger; Paris, 1876.
DAUPHIN (Albert), homme politique français, né à
Amiens le 26 aotît 1827. Avocat à Amiens et maire de
cette ville, il fut, de mars à juil. 1871 , préfet de la Somme
et élu député de ce dép. à l'Assemblée nationale le
7 janv. 1872. Il démissionna aussitôt et posa sa candi-
dature aux élections sénatoriales du 30 janv. 1876. Elu
avec un programme républicain, il siégea au centre gauche.
En 1879, il fut nommé procureur général à la cour
d'appel de Paris, et exerça ces fonctions jusqu'en 1882.
Réélu aux élections triennales du 8 janv. 1882, il prit une
grande part à toutes les discussions judiciaires et peu à peu
se spéciahsa dans les questions de finances. Rapporteur du
budget en 1885, du projet d'emprunt de 900 millions en
1886, il entra le 11 déc. 1886 dans le cabinet Goblet
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIÏI.
— 977 - DAUPHIN - DAUPHINÉ
comme ministre des finances. Il essaya en vain une timide
réforme de l'impôt mobilier en impôt sur le revenu (1887),
ne put consentir à réaliser sur le budget toutes les éco-
nomies réclamées par la Chambre, et tomba avec le minis-
tère Goblet sur cette même question des économies, le
17 mai 1887. Il reprit sa place dans les rangs du centre
gauche et se prononça en 1889 en faveur des poursuites
contre le général Boulanger.
DAUPHIN (Louis-Marie-Théodore), architecte français,
né à Paris le 7 août 1849. Elève de M. André et de
l'Ecole des beaux-arts où il entra le 22 avr, 1869,
M. Dauphin y a obtenu, en 1875, la grande médaille
d'émulation (prix départemental) et le prix Abel Blouet;
en 1877, le diplôme d'architecte et le diplôme de profes-
seur pour l'enseignement scientifique; il est monté trois
fois en loges pour le concours du grand prix, en 1875,
1878 et 1879, et a remporté le deuxième grand prix en
1878 sur un projet de cathédrale. M. Dauphin a exposé,
depuis 1872, aux Salons annuels et à l'Exposition univer-
selle de 1889, des relevés de monuments anciens ou des
projets d'édifices modernes sur lesquels il a obtenu une
médaille de deuxième classe en 1880 et une médaille d'ar-
gent à l'Exposition universelle de 1889. Il est aujourd'hui
chargé de la construction des écoles supérieures d'Alger,
vaste ensemble d'édifices élevé sur un terrain de forme
trapézoïdale et très accidenté, entraînant une dépense de
3 millions de francs et comprenant de fait une véritable
université composée de : école de droit, école des-tettres,
école de médecine, école des sciences et une grande bi-
bliothèque commune à ces quatre parties. Charles Lucas.
BiBL. : La Construction moderne; Paris, 1891, in-4, pi.
DAUPHINE (AmeubL). Etoffe qui servait à recouvrir
les sièges. C'était une sorte de droguet de laine et de peu
de valeur qui se fabriquait principalement à Reims et à
Amiens. Parfois ces étoff'es étaient décorées de grands ra-
mages et pouvaient se tendre dans les appartements pour
remplacer les tapisseries.
Chaise a la Dauphine. — C'était un siège à dossier pliant,
porté sur des pieds doubles en X. L'usage en était plus
commode que celui des pliants ordinaires qui n'avaient pas
de dossier. Le premier de ces meubles avait été établi
pour la Dauphine en 1746, et le nom lui en est resté. —
On connaissait également des miroirs à la Dauphine qui
étaient vraisemblablement des répétitions de miroirs
commandés à l'occasion du mariage de l'un des fils de
France.
Lit a la Dauphine. — • Lit à l'impériale dont le dôme,
au lieu d'être porté par des colonnes de bois, est soutenu
par une armature de fer. On en trouve des modèles dans
les gravures d'ameublement de la fin du xvni^ siècle.
DAUPHINÉ {Delphinatus, Dalphinatus), Ancienne
province de France qui était située entre le Rhône, les
Alpes et la Durance, et était bornée au N. par la Bresse
et le Bugey, àl'E. par la Savoie et le Piémont, au S. par
la Provence et le comtat Venaissin, à l'O. par le Vivarais
et le Lyonnais. Telles étaient du moins ses limites en 1790,
car, à diverses époques de son histoire, le Dauphine comprit:
au N., une partie de la Bresse, du Bugey et du Valromey,
le Faucigny ; à l'E. , les vallées vaudoises "et le marquisat de
Saluées ; à l'O.,^ une partie du Vivarais qui dépendait du
comté de Valentinois. Les anciennes cartes le divisaient en
deux parties: 1° le haut Dauphine comprenant la Mateys in e
(capitale La Mure), rOisans'(cap. Le Bourg-d'Oisans), le
Champsaur (cap. Saint-Bonnet), le Diois '(cap. Die), le
Briançonnais (cap.Briançon) etl'Embrunois (cap. Embrun);
2» le bas Dauphine comprenant le Graisivaudan (cap.
Grenoble), le Viennois (cap. Vienne), le Valentinois (cap.
Valence) et les Baronnies (cap. Le Buis). Il convient d'y
ajouter la principauté d'Orange, annexée au Dauphine après
le traité d'Utrecht pour le dédommager de la perte des
vallées vaudoises. Le Dauphine a emprunté son nom et ses
armes (d'or au dauphin d'amr, crête, oreille et bar-^
bêlé de gueules) à ses souverains qui depuis Guigue IV
62
DAUPHINE
978 -
(1440) ont porté le titre énigmatique de dauphin, dont le
sens, malgré de nombreuses et ingénieuses conjectures, est
encore aujourd'hui inexpliqué. Le 4 mars 1790, le Dau-
phiné démembré formait trois départements : l'Isère, la
Drôme et les Hautes-Alpes.
Histoire. — Période préhistoiuûue. — Les savants tra-
vaux de MM. Lory, Chantre et Faisan ont démontré qu'à
la seconde période de l'époque quaternaire appelée par
M. de Mortiliet époque moustérienne , le Dauphiné fut
entièrement enseveli sous des glaces qui, s' avançant pas à
pas, ravinèrent le sol, emportant avec elles toutes les traces
des âges antérieurs. C'est à ce phénomène que les savants
qui affirment la préexistence de l'homme à l'extension des
glaciers attribuent la disparition de toutes les preuves de
son premier passage. Les blocs erratiques épars sur la sur-
face du sol ont permis de tracer le périmètre des divers
glaciers qui, à cette époque, envahirent le Dauphiné et
s'étendirent jusqu'aux portes de Lyon. De même, ils ont fait
constater que le glacier qui occupait la vallée du Graisi-
vaudan et s'élevait à une hauteur de plus de 1,000 m.
au-dessus du niveau de l'Isère provenait des chaînes alpines
de la Savoie et venait se joindre un peu au-dessous de
Grenoble à un autre glacier provenant du massif de l'Oi-
sans. C'est sur la surface de cette épaisse couche de glaces
que sont arrivés les énormes blocs alpins que l'on rencontre
sur les hauteurs qui dominent Grenoble. En dehors de la
zone glaciaire, dans le bas Dauphiné par exemple, on
retrouve des traces de l'existence de l'homme à la première
période de l'époque quaternaire, dite période chelléenne, et
pendant la période moustérienne. ACurson, notamment, on
a récemment découvert des quartzites intentionnellement
taillés, mêlés à des ossements é'elephas intermedius, —
A mesure que les glaciers se retiraient, c.-à-d. vers
l'époque magdalénienne, l'homme revint ou apparut pour la
première fois dans la région dauphinoise et ses premières
habitations furent les grottes de La Balme, sur les bords du
Rhône, et de Bethenas près de Crémieu (Isère), où M. Chantre
a retrouvé ses traces. L'âge néohthique ou de la pierre
polie est représenté par la grotte sépulcrale de la Buisse,
qui a fourni, entre autres objets remarquables, une rondelle
taillée dans un crâne humain attestant l'usage de la trépa-
nation et un croissant amulette en jadéite, les grottes de
Bethenas inférieur et deCrest. A la même époque appar-
tiennent le menhir de Décines, près de Lyon, le casse-tête en
serpentine découvert à Passins et les diverses trouvailles
faites dans neuf communes de l'arr. de La Tour-du~Pin,
cinq de l'arr. de Vienne, cinq de l'arr. de Grenoble et une
de l'arr. de Saint-MarceUin (Isère), dans les grottes de
Glansayes et de Châteauneuf, les stations de Chantemerle,
Charolles, Espeluche, Pierrelatte, Dieu-le-Fit, Suze-la-
Rousse, Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme) et celles de
Châteauneuf-de-Chabre , Montrond , Saint- Jean-Saint-
Nicolas (Hautes- Alpes). Le premier métal introduit en
Dauphiné, comme dans le reste de l'Europe, est le bronze,
et il est vraisemblable qu'il y arriva parla vallée du Rhône,
car c'est près des rives de ce fleuve qu'on a retrouvé les
objets les plus primitifs. Telles sont les cachettes de fondeur
de Chasse et de Ternay. A l'époque du bronze se ratta-
chent aussi les fonderies de La Poype-Yaugris, non loin de
Vienne, celles de Thodure et de Saint-Siméon de Bressieux
dans l'Isère, de Ribiers, de Réallon et du Lautaret dans
les Hautes-Alpes, de Die, de Beaurières et de La Charce
dans la Drôme. — Les diverses périodes de l'âge du fer
sont assez complètement représentées en Dauphiné. A la
première dite halls tattienne, qui forme la transition du
bronze au fer, appartiennent de nombreuses sépultures dé-
couvertes dans la vallée de la Durance et le Queyras
(Hautes-Alpes), dans la vallée duDrac et l'Oisans (Isère).
Enfin le second âge du fer, qui se confond avec l'époque gau-
loise, a donné les découvertes de Rives et de Rochefort et
peut-être la ligne de tumuli que l'on remarque sur la rive
gauche du Rhône, de Villeurbanne à Anthon.
Période gauloise, — Avant la conquête romaine, le
Dauphiné était habité par trois grandes peuplades gau-
loises : au N., les Allobroges dont Vienne était la capitale
et les villes principales T^^^za (Tain), Turedoniim {Jorn-
dan), Bergusium (Bourgoin), Morginum (Moirans),
Lemenciim (Lemins, près de Chambéry), Mantala (Vers-
Saint-Pi erre-d'Albigny) et Cularo (Grenoble); au S.-E.,
entre l'Isère et la Durance, les Voconces, qui avaient deux
capitales, Yaison et Luc, un centre religieux, Die, et dix-
Beuf villes sans importance ; à l'O. des Voconces, sur toute
la rive gauche du Rhône comprise entre la Durance et
l'Isère, les Cavares qui formaient une confédération com-
prenant les Segallauni ou Segcvellauni (cap. Valence),
les Tricastmi (Saint-Paul-Trois-Châteaux), les Memini
(cap. Carpentras). D'autres petites peuplades telles que les
Avantici{Ld, Batie-VieilleetGap), les Caturiges (Chorges
et Embrun), les Tricorii (Trièves), les Uceni (Oisans),
les Vertacomacori (Vercors) étaient dans la clientèle de
ces trois grands peuples. — Le plus illustre et le plus
riche d'entre eux était les Allobroges. Lorsque après la prise
de Sagonte, Annibal quitta les bords de l'Ebro pour mar-
cher sur Rome, il traversa le territoire des Allobroges,
ceux-ci, loin de s'opposer à son passage s'enrôlèrent dans
son armée, heureux de revoir ces plaines de l'Italie oti
leurs pères avaient infligé à Rome de si sanglantes défaites.
Un siècle après, Rome prenait une éclatante revanche. Elle
avait saisi avec empressement l'occasion que lui avaient
offerte les Marseillais d'établir sa domination sur le sol
gaulois. Les consuls Q. Opimius et Fulvius Flaccus, après
avoir refoulé les peuplades liguriennes, s'étaient avancés
jusqu'au bord delà Durance. Pour aller plus loin, il fallait
un prétexte : le consul Domitius Ahenobarbus le trouva.
Arrivé en Gaule Fan 12^ av. J.-C, il déclara la guerre aux
Allobroges, sous le prétexte qu'ils avaient ravagé les terres
des J^dui, alliés du peuple romain, et qu'ils avaient offert
un asile à Teutomalius, roi des Salluvii, battu par les
armées romaines dans la dernière campagne. Les Allobroges
s'aUièrent avec les Arvernes, chefs de la plus puissante
confédération de la Gaule. Leur roi Bituitus était le fils de
cet opulent Louernios dont Strabon nous raconte qu'en se
])romenant sur son char il jetait au peuple des poignées de
pièces d'or et d'argent. Intimidé peut-être par cet ensemble
de forces, Domitius temporisa ; mais au commencement de
l'année suivante, profitant de ce que les troupes gauloises
étaient divisées, il attaqua les Allobroges seuls à Vinda-
lium. La mêlée fut terrible : la cavalerie gauloise, effrayée
par les éléphants qui se trouvaient dans l'armée romaine,
lâcha pied laissant sur le champ de bataille vingt mille morts
et trois mille prisonniers. A la même époque, le nouveau
consul Q. Fabius Maximus, qui arrivait de Rome avec des
renforts, écrasait les Arvernes au confluent de l'Isère et du
Rhône. Cette victoire assurait la conquête de l'Allobrogie.
Dès lors, livrés au despotisme omnipotent des proconsuls
et des questeurs, dépouillés d'une partie de leurs terres
au profit de Vage)' publions, soumis à d'incessantes réqui-
sitions, exploités par les traitants et les usuriers romains
accourus en foule à la suite des préteurs, les malheureux
Allobroges ne pouvaient espérer de justice du sénat où
Cicéron se faisait le défenseur des magistrats concussion-
naires. Le sort des armes ne leur était pas plus favorable.
Ils s'étaient allies avec les Cimbres et les Teutons. Marins
les écrasa à Fourrières. En 63, après avoir sauvé Rome de
la conspiration de Catihna, ils avaient compté sur sa
ï'econnaissance ; déçus, ils s'étaient de nouveau révoltés.
Dans les deux batailles de Ventia et de Solonium, le pro-
préteur, C.Pomptinus, les réduisit à l'impuissance. Aussi,
impuissante ou soumise, l'Allobrogie ne prit aucune part
aux campagnes de César.
Période gallo-romaine. — La domination romaine,
après avoir été oppressive pendant près d'un siècle, devint
civilisatrice et grâce à elle l'ancienne Allobrogie atteignit
assez rapidement un haut degré de prospérité. Vienne, dit
M. de Tcrrebasse, ne subit le joug des Romains que pour
s'élever et grandir entre leurs mains. Ils l'avaient trouvée
- 979 --
DAUPHINÉ
de bois et de torchis, comme les autres villes de la Gaule,
ils la firent de pierre et de marbrq. De 47 à 45 av. J.-C,
Tibère Claude Néron y conduisit une colonie de citoyens
romains. Quelques années plus tard, lesAllobroges, qui for-
maient toujours la majorité dans la ville, chassèrent ces
étrangers qui se réfugièrent au confluent du Rhône et de la
Saône oii Munatius Piancus fonda pour eux la colonie de
Lugdunum. Dès lors, Vienne ne fut plus qu'une colonie
nominale jouissant du droit latin le plus étendu ; elle dut
être élevée à la dignité de cité romaine par Auguste, si
l'on tient compte des prérogatives que l'empereur Claude
lui reconnaissait, en 43, dans son discours devant le sénat.
Elle ne se montra pas ingrate pour les princes qui l'avaient
comblée de faveurs : les monnaies frappées par elle pen-
dant qu'elle était colonie latine représentent les deux têtes
de César et d'Octave et, du vivant même de ce dernier,
les Viennois jetaient les premières bases de cet élégant
temple d'Auguste et de Livie dont les ruines font encore
aujourd'hui l'admiration du voyageur. Par la rapidité et
l'éclat de ses développements, Vienne étonna le monde
romain et mérita le titre de splendide et puissante
colonie que lui décerna l'empereur Claude. Sur son sol
s'élevaient des temples, des palais, untorura, des thermes,
un cirque, et un amphithéâtre qui, d'^fprès Juste Lipse,
l'emportait autant en grandeur et en beauté sur celui de
Nîmes que la ville de Vienne elle-même était supérieure à
Nîmes en magnificence. Les o'bjets d'art retrouvés à Vienne
ou dans la région, la Vémis accroupie et le Faune qui sont
au Louvre, le vase d'argent trouvé en 1843 à Tourdan, les
fragments de statues, de chapiteaux, de mosaïques dont chaque
lomlle amène l'exhumation montrent le haut degré de per-
fection auquel étaient arrivés les artistes de la région au
1^^' siècle de notre ère. Six grandes voies partaient de Vienne
se dirigeant sur Lyon, Valence, les Alpes et THclvétie.
La plus ancienne était celle qui par les Alpes Cottiennes (le
mont Genèvre) allait à Milan : elle passait à Tûredonno
(Tourdan) , Morginno (Moirans) ettraversaitl'lsère à Cularo
(Grenoble) : elle dut être construite au temps d'Auguste.
A côté de Vienne, d'autres villes, sans avoir une destinée
aussi brillante, participaient aussi aux bienfaits de Rome.
En même temps qu'à Vienne des colonies étaient établies à
Orange et à Valence ; vers l'an 50 av. J.-C, Vaison et Luc,
en Diois, étaient reconnues comme cités fédérées du Vocon-
tium. Dans la constitution de Narbonne promulguée Fan 27
av. J.-C, le Dauphiné faisait partie de la province sénato-
rialedela Narbonnaise, avec les cités de Vienne, de Valence,
d'Orange, de Saint-Paul-Trois-Châteaux et de Luc et Vaison.
Au II® siècle, il comprend dans la Narbonnaise les mêmes
cités, sauf Die qui a remplacé Luc comme capitale du
Vocontium. Enfin la Notitia provinciarum^^ qui est de la
fin du IV® siècle, lui donne, dans la province de Vienne, la
métropole et les cités de Grenoble, Die, Valence, Saint-
Paul-Trois-Châteaux et Orange; dans la province des Alpes-
Maritimes, la métropole d'Embrun et la cité de Chorges; dans
la deuxième Narbonnaise la cité de Gap. — Vers le milieu du
11® siècle, le christianisme apporté par des missionnaires de
Smyrne à la tète desquels étaient saint Pothin et saint
Irénée, avait été introduit dans la région dauphinoise et des
églises fondées à Vienne et à Valence. A la fin duiv® siècle,
chacune des cités énumérées dans la Noticia provincia-
rum était le siège d'un évêché. Aux nombre des prédica-
teurs de l'Evangile dans l'ancienne Allobrogie on peut ins-
crire le nom de saint Martin de Tours qui passa à Vienne
vers 389 et y baptisa diverses personnes parmi lesquelles
une dame viennoise nommée Fœdula, dont Fépitaphe rappe-
lant ce fait a été pubHée par M. A. de Terrebasse.
Période burgonde. — Pendant la période terrible des
invasions, la région viennoise eut la bonne fortune
d'échapper aux ravages des hordes barbares qui saccagèrent
tant d'autres parties de la Gaule. Elle ne fut traversée ni
par les Goths, ni par les Huns, ni par les Vandales, ni
par les Hérules. Alors que les populations flu Nord-Est
fuyaient devant l'invasion, le calme continuait de régner
dans ses villes. Le christianisme, en se répandant peu à
peu, malgré la résistance que lui opposait encore l'aristo-
cratie gallo-romaine, avait adouci les moeurs de la popula-
tion. Parmi les milliers d'inscriptions recueillies sur le sol
de la Gaule, deux seulement font honneur à deux pieuses
femmes d'un sentiment inconnu au monde romain, la pitié
pour l'esclave, et ces deux inscriptions ont été retrouvées
à Lyon et à Vienne. Quant au culte des lettres, il suffirait,
pour témoigner en quelle estime il était tenu, de rappeler
l'épitaphe rédigée par Sidoine Apollinaire cA mémoire de
ClaudienMamcrt,frèrederévêquedeVienne,à]afoisorateur,
dialecticien, poète, commentateur, géomètre et musicien.
Telle était la situation de la province viennoise lorsque,
vers l'année 439, les habitants de Genève et de Grenoble
virent arriver .dans leurs murs les débris d'une armée
burgonde à laquelle le général romain Aétius avait attribué
pour cantonnement une circonscription nouvelle, encore
imparfaitement délimitée et désignée depuis la fin du
IV® siècle sous le nom de Sabaudia. De tous les bar-
bares qui envahirent l'empire, les Burgondes paraissent
avoir été les plus malheureux. Leur histoire, popularisée
par les poèmes du cycle de Niebelungen, n'est, depuis
l'époque où ils sont battus par les Gépides sur les bords de
la Vistule jusqu'au jour où ils fixent leurs tentes dans la
Sabaudie, qu'une longue suite de défaites. Sur les bords
du Rhin, où ils étaient établis depuis le commencement du
V® siècle, ils sont successivement battus en 435 par Aétius
et l'année suivante écrasés par les Huns. C'est alors que
se reconnaissant impuissants à défendre un poste aussi
périlleux, ils demandèrent en grâce à Aétius la concession
de quelques terres dans une province plus paisible. Le
général romain leur donna la Sabaudia où ils paraissent
s'être installés vers l'année 439. Il est difficile, en raison
du petit nombre de documents qui la mentionnent, de déter-
miner la circonscription précise de la Sabaudie. Toute-
fois, on peut conjecturer, d'après un texte d'Ammien Mar-
cellin, qu'elle comprenait la cité de Genève; d'autre part,
la Notitia dignitatum nous apprend que Grenoble en faisait
partie. Les Burgondes n'en occupèrent d'abord qu'une partie ;
mais ils ne tardèrent pas à étendre leur domination, puisqu'on
463 ils occupaient la ville de Die dont ils exilaient l'évêque
saint Marcel, nommé par l'évêque de Vienne saint Mamert,
au mépris des droits du métropohtain d'Arles.
L'établissement des Burgondes en Sabaudie ne semble
pas avoir soulevé de résistances, car des inscriptions con-
temporaines témoignent du calme dont jouit cette région
pendant le v® siècle. Une seule cause de division subsis-
tait : la différence des religions. Les Burgondes, convertis
au catholicisme après leur défaite par les Huns, étaient
cathoHques lors de leur arrivée dans la Sabaudie. Leur roi
Gondioc l'était encore en 463 lorsqu'il dénonçait au pape
Hilaire la nomination de l'évêque de Die. Mais déjà des
prédicateurs ariens avaient fait dans leurs rangs de nom-
breux prosélytes parmi lesquels deux au moins des fils du
roi, Gondebaud et Godegisèle. En 474, l'avènement de
Gondebaud et le massacre de Chilpéric et de sa famille
consacra le triomphe de l'arianisme, triomphe qui devait
créer d'incessantes difficultés au gouvernement de Gonde-
baud et contribuer, dans une large mesure, à la ruine du
royaume des Burgondes. C'était un étrange personnage
que ce chef barbare épris de la civilisation romaine, qui,
malgré les crimes odieux dont est souillée sa mémoire, a
montré, dans plus d'une circonstance de sa vie, qu'il avait
les qualités qui font les grands princes. On a peine à croire
que l'homme qui a ordonné le massacre de ses deux frères
est le même qui a rédigé la loi Gombette et qui écoutait si
volontiers les conseils de l'évêque de Vienne, saint A vit.
Malgré la tolérance relative de Gondebaud, le clergé
catholique saluait de ses vœux les succès du roi des Francs
Clovis auquel son mariage avec Clotilde semblait imposer
le devoir de venger la mort de Chiipéric. En Fan 500,
Clovis se décide à attaquer les Burgondes ; il les bat près
de Dijon et leur impose un tribut. Après sa mort, ses fils
DAUPHINÉ
- 980 -
que Clotilde avait élevés dans la haine du nom burgonde,
réunissent leurs forces, marchent contre la Burgondie et
mettent en fuite l'armée de Sigismond, successeur de Gon-
debaud. Celui-ci, se cachant sous la robe d'un religieux,
se réfugie au monastère de Saint-Maurice-en-Valais. Trahi
par les siens, il est livré aux Francs qui l'emmènent dans
l'Orléanais avec sa femme et ses enfants. Une intervention
des Ostrogoths, payée de l'abandon des dix cités méridio-
nales de la Burgondie, paraît avoir arrêté le triomphe des
Francs et permis à Godemar, frère de Sigismond, de re-
prendre possession de ses Etats. A cette nouvelle, Clodomir
fait mettre à mort le roi Sigismond et sa famille et entraî-
nant à sa suite son frère Théodoric, gendre du malheureux
Sigismond, s'avance sur les terres burgondes et rencontre
l'armée de Godemar à Vézeronce, près de Morestel (Isère),
le 21 juin 524. D'après Grégoire de Tours, dont les sympa-
thies pour les Francs sont connues, les Burgondes étaient
en pleine déroute lorsque Clodomir s'étant aventuré loin
des siens à la poursuite des fuyards fut surpris et tué par
une compagnie ennemie. Exaspérés par la mort de leur
chef, les Francs auraient exterminé les Burgondes et sou-
mis tout le pays. Cependant, quelques lignes plus loin, le
même chroniqueur est contraint de reconnaître que Gode-
mar conserva son royaume. Ce qui est plus vraisemblable,
c'est que, dans le combat de Vézeronce, la victoire resta
aux Burgondes qui gagnèrent ainsi quelques années de
tranquiUité. Huit ans plus tard, les Francs prirent une
éclatante revanche ; Childebert et Clotaire mirent le siège
devant Autun et taillèrent en pièces l'armée de Godemar
accouru au secours de cette ville. Cette seule bataille décida
du sort du premier royaume de Bourgogne qui passa tout
entier sous la domination des Francs.
Période mérovingienne et carolingienne. — Les vain-
queurs se partagèrent le royaume de Bourgogne dans des
proportions qu'il est malaisé de définir d'une façon certaine.
Pour ne parler que des régions qui ont formé le Dauphiné,
Théodebert, roi d'Austrasie, prit le territoire de Vienne,
tandis que vraisemblablement les cités de Grenoble, Va-
lence, Die, Embrun et Gap formaient le lot de Clotaire P*".
A la mort de ce prince (561), la Burgondie tout entière
fut attribuée au roi d'Orléans Gontran. Sous le règne de
ce prince, la Burgondie eut à repousser une invasion des
Lombards qui, dès l'année 568, s'étaient emparés de l'Italie,
remplaçant les Ostrogoths vaincus par un général de Jus-
tinien, Narsès. De là, ils traversèrent les Alpes et se ré-
pandirent dans la Burgondie, infligèrent au patrice Amatus
une sanglante défaite (570) et rentrèrent en Italie avec un
riche butin. Ils revinrent deux ans après et mirent le siège
devant Embrun. Grâce à la vigoureuse résistance des habi-
tants, le général bourguignon Mummol eut le temps d'ar-
river au secours de la ville et de repousser les Lombards
au delà des Alpes. En 574, ils reprirent pour la troisième
fois la route de la Bourgogne, divisés en trois corps d'ar-
mées sous la conduite d'Amon, Zaban et Rhodan. Tandis
que ses deux collègues se dirigent l'un sur Embrun, l'autre
sur Valence, Rhodan traverse Gap et le Trièves et vient
camper sous les murs de Grenoble. Mummol, que Gontran
venait de créer patrice, accourut à marches forcées et se
présenta sur les bords de l'Isère. Comme son avant-garde
se jetait à la nage, la Providence, que Grégoire de tours
aimait à considérer comme l'alliée naturelle des Francs,
vient à son secours en lui montrant, à quelque distance de
là, un animal qui traverse la rivière peu profonde à cet
endroit. Mummol se précipite à sa suite, tombe sur l'armée
lombarde et la met en fuite. Comprenant un peu tard qu'ils
ont eu tort de diviser leurs forces, les chefs lombards
abandonnent Valence et se dirigent sur Embrun. Mummol
les y poursuit et leur inflige une si sanglante défaite
que les survivants de leurs soldats repassent les Alpes et
renoncent à tenter de nouveaux établissements en Burgondie.
Dans les rangs de l'armée de Mummol figuraient les évêques
de Gap et d'Embrun, les trop célèbres Salonius et Sagit-
taire dont Grégoire de Tours nous a laissé un triste portrait.
Le nieurtre, le pillage et le viol étaient les délassements
ordinaires de ces pasteurs transformés en chefs de brigands.
Un jour, ils envoient contre leur collègue l'évêque de Saint-
Paul-Trois-Châteaux une bande de leurs affidés qui sur-
prennent le prélat au milieu d'une fête, le rouent de coups,
blessent ses serviteurs et se retirent en emportant avec
eux les vases d'argent et tous les apprêts du festin. Le roi
Gontran, instruit de ces désordres, convoqua, en 567, un
synode à Lyon pour juger ces misérables. Salonius et Sa-
gittaire y furent déposés, mais le pape, mal informé des
causes de leur condamnation, ordonna à Gontran de les
rétabhr sur leurs sièges.
Pendant deux siècles, l'histoire de la région viennoise
est très obscure. Les chroniqueurs, si attentifs aux péripé-
ties de la lutte qui s'agite dans le Nord, n'apportent aucune
attention à la Bourgogne méridionale. A la mort de Pépin
d'Héristal (715), Lyon et les villes voisines paraissent se
détacher du grand empire franc : chaque pagus se rend
indépendant sous son évèque et son comte. Cet isolement
devait rendre plus rapides les progrès des armées musul-
manes qui, dès le commencement du viii^ siècle, étaient
entrées en Espagne et avaient conquis la Septimanie. Vers
724, elles firent quelques incursions dans la province
viennoise. Elles y revinrent en 732 pour tomber à Poitiers
sous les coups de Charles-Martel. Ce dernier profita de sa
victoire pour reconquérir la Burgondie où il laissa quelques-
uns de ses leudes et de ses ducs chargés de surveiller et
d'entraver les tendances séparatistes de cette province. En
736, les Sarrasins reparaissent en Burgondie avec la com-
plicité de quelques seigneurs de la région ; ils sont une se-
conde fois écrasés par Charles-Martel à Avignon et sous les
murs de Narbonne. Enfin, en 739, ils sont définitivement
chassés de la Provence.
La légende du passage de Charlemagne à Grenoble et de
la fondation par ce prince d'un certain nombre d'égHses de
la région dauphinoise est contredite à la fois par l'histoire
et l'archéologie : elle ne repose que sur la chronique fabu-
leuse de Turpin et le roman de Garin le Loherain. — En
vertu du traité conclu en 843 entre les trois fils de Louis
le Pieux, le Viennois fit partie du nouveau royaume
attribué à l'empereur Lothaire P^. A sa mort, en 855,
il échut à Charles, roi de Provence, l'un de ses trois fils.
Ce dernier étant mort en 863, la partie de ses Etats dans
laquelle était compris le Viennois fut attribuée à son frère,
l'empereur Lothaire II, roi de Lorraine, qui mourut lui-
même en 869 sans enfants légitimes. A cette époque, le
roi de France, Charles le Chauve, s'en empara, au mépris
des droits de l'empereur Louis II et malgré l'héroïque résis-
tance de la ville de Vienne devant laquelle il dut mettre le
siège. Pour maintenir sa domination dans la région, il confia
l'administration des provinces de Lyon et de Vienne à son
beau-frère, le comte Boson, frère de sa seconde femme
Richilde. A la mort de Charles le Chauve (6 oct. 877), son
fils, Louis le Bègue, lui succéda; mais, au bout de dix-huit
mois, une maladie de langueur emportait ce faible prince
et plaçait la couronne sur la tête de deux enfants dont
l'aîné n'avait pas seize ans.
Royaume de Bourgogne. — Les provinces du sud-est de
la Gaule, que tourmentaient depuis longtemps déjà des
idées d'indépendance, profitèrent de l'anarchie qui suivit la
mort de Louis le Bègue pour se séparer solennellement du
royaume de France : le 15 oct. 879, vingt- trois prélats,
parmi lesquels se trouvaient l'archevêque de Vienne, les
évêques de Valence, de Grenoble, de Die et de Gap, et un
certain nombre de seigneurs, se réunirent au palais de
Mantaille, situé à quelques kilomètres de Vienne, sur les
bords du Rhône, et après avoir constaté que depuis la mort
du dernier roi les évêques, les grands et la population, privés
de tout protecteur, étaient livrés sans défense à la merci
d'ennemis qui ne demandaient que la dévastation et le
pillage^ déclarèrent élire pour roi l'ancien ministre de
Charles le Chauve et de Louis le Bègue, le comte Boson,
gouverneur devienne, que son mariage avec Hermengarde,
fille de l'empereur Louis II, semblait prédestiner au trône.
Le nouveau royaume comprenait la Provence, le Dauphiné,
la Savoie, le Lyonnais, la Franche -Comté, le diocèse de
Lausanne dans la Suisse romande, les diocèses d'Autun, de
Mâcon, de Chalon-sur-Saône, dans la basse Bourgogne;
les diocèses de Viviers et d'Uzès sur la rive droite du Rhône
et tout ce qui appartenait sur cette même rive aux diocèses
de Vienne, de Valence, d'Avignon et d'Arles. Ces limites,
il est vrai qu'il ne les posséda pas longtemps, car toute
sa vie le fondateur du second royaume de Bourgogne dut
guerroyer pour défendre la couronne que le concile de
Mantaille avait placée sur sa tête. Deux ans après, Charles
le Gros et les fils de Louis le Bègue marchèrent contre lui
et mirent le siège devant Vienne. Boson se réfugia dans les
montagnes, laissant la défense de sa capitale à sa femme
Hermengarde. Après deux ans de siège, Vienne fut prise
et démantelée, et Hermengarde emmenée en captivité. Toute-
fois, Boson parvint à reconquérir une partie de ses Etats.
Il mourut à Vienne le H janv. 88T, laissant deux en-
fants : une fille nommée Ingelberge et un fils nommé Louis
qui lui succéda trois ans plus tard.
Dans l'intervalle, le royaume de Bourgogne transjurane
(V. ce nom) avait été fondé en faveur de Rodolfe, fils de
Conrad, comte d'Autun, par quelques seigneurs et quelques
évêques réunis en 888 dans l'abbaye de Saint-Maurice-en-
Valais. Deux ans plus tard, le concile de Valence élisait
comme roi de la Bourgogne cisjurane Louis, fils de Boson,
qui devait être l'empereur Louis III. Elu roi d'Italie à Pavie
(900), il recevait à Rome, en févr. 904, la couronne im-
périale des mains du pape Benoît IV. Cette période de pros-
périté dura peu. Surpris à Vérone, en 905, par son rival le
roi Bérenger qui lui fit crever les yeux, Louis, qu'on appellera
désormais Louis l'Aveugle, revint tristement en Provence
où il mourut en 929, laissant un fils nommé Charles Cons-
tantin. Depuis son retour, il avait confié la direction de ses
Etats au comte Hugues, fils de Thibaud, comte d'Arles. Ce
dernier, avec l'assistance de Rodolphe II, roi de la Bour-
gogne transjurane, repoussa, en 923, une invasion de Hon-
grois. En 926, il passe en Italie, y supplante son ancien
allié Rodolphe II et se fait couronner roi à Milan. A la mort
de Louis l'Aveugle, il conserva le pouvoir au mépris des
droits de Charles Constantin : il donna même le comté de
Vienne à Eudes, fils d'Herbert II, comte de Vermandois.
En 933, il traita avec Rodolphe II qui lui céda ses préten-
tions sur l'Italie en échange de la Bourgogne cisjurane.
Les deux Bourgognes furent alors réunies sur la tête de
Rodolphe II. Toutefois, Charles Constantin réussit à se faire
rendre le comté de Vienne par Louis d'Outremer qu'il reçut
dans cette ville en 941 .
Rodolphe II mourut en 937 et eut pour successeur son
fils, Conrad dit le Pacifique, alors âgé de huit ans. En
946, ce jeune prince fit ses premières armes dans l'armée
d'Otton ï^^, roi de Germanie, alors qu'il allait au secours
du roi de France Louis d'Outremer. En 950, il repoussa
une invasion de Hongrois et de Sarrasins. Depuis lors, la
paix de son long règne ne fut pas troublée ; il mourut en
993, laissant ses Etats à son fils Rodolphe III. Celui-ci,
que l'histoire a stigmatisé du nom de Fainéant, eut à lutter
toute sa vie contre' les révoltes des seigneurs bourguignons
dont il avait laissé grandir l'indépendance. En 4001, il est
battu par les factieux et, en 4046, ceux-ci parlent de le
déposer. Rodolphe, impuissant à défendre son autorité mé-
connue, implore l'appui de l'empereur Henri II qui contient
les rebelles pendant quelque temps. En 4048, nouvelle
révolte encore une fois comprimée par l'empereur. En
4024, Rodolphe institue pour son héritier Conrad le Salique
qui avait épousé Gisèle sa nièce, fille de sa sœur Gerberge
et d'Herman H, duc de Souabe. Il meurt en 4032 et avec
lui disparaît le royaume de Bourgogne, où les empereurs
d'Allemagne, ses successeurs, ne parvinrent jamais à établir
d'une manière effective et permanente leur autorité tou-
jours contestée.
Première race des dauphins. Créée par les évêques et
-- 984 - DAUPHINÉ
les comtes de la région, la royauté bourguignonne avait dû
se montrer indulgente et généreuse à leur égard. Elle avait
toléré leurs progressives usurpations et avait même concédé
à quelques prélats la plénitude des droits régaliens sur les
terres que possédaient leurs églises. A la faveur de l'anar-
chie créée par la faiblesse de Rodolphe IIÏ, les seigneurs
Sceau de Rodolphe III.
laïques et ecclésiastiques avaient encore affermi leur indé-
pendance, et, lorsque mourut ce prince, son royaume se
trouva morcelé en une foule de principautés que l'empe-
reur dut reconnaître et confirmer sous la seule condition
qu'elles lui prêteraient hommage. Ainsi fut constitué le pou-
voir temporel des archevêques de Vienne et des évêques de
Grenoble, Valence, Die, Gap et Embrun. Ainsi furent fondés
les comtés de Valentinois et de Maurienne et le Dauphiné.
— Parmi les comtes groupés autour des successeurs de
Boson figure un comte Guigue qui assiste, en 889, à l'as-
semblée de Varennes et qui fonde, en 943, une messe dans
l'église de Vienne. Un autre Guigue vivait en 940 et possé-
dait des terres assez importantes dans le haut Dauphiné.
De sa femme Frédeburge, il eut deux fils, Humbert, évêque
de Grenoble, et Guigue. Ce dernier mourut avant 4009,
laissant trois fils : Humbert, évêque de Valence, Guillaume
et Guigue. Guigue assista en 4027 avecl'évêque de Valence
son frère et le roi de Bourgogne Rodolphe III au couronne-
ment de l'empereur Conrad le Salique. Il était mort en
4034, laissant de sa femme Gotelenne un fils auquel ou
donna de son temps le surnom de Guigue le Vieux et qui
est la souche de la première race des dauphins de Viennois.
A la mort de Rodolphe III, il partagea le comté de Gre-
noble avec l'évêque Mallenus, comme, à Gap, le comte
Guillaume Bertrand partageait quelques années plus tard
(4044) avec l'évêque Rodolphe la souveraineté du Gapen-
çais. Guigue le Vieux parvint à un âge fort avancé; vers la
fin de sa vie, il revêtit l'habit monastique dans le monas-
tère de Cluny où il mourut vers 4063. Son fils, Guigue II,
dit le Gros, est le premier qui ait pris le titre de comte
d'Albon, du nom d'une terre qu'il possédait dans le Vien-
nois. Il fonda, en 4070, le monastère de Saint-Robert-de-
Cornillon où il installa des religieux de la Chaise-Dieu : il
est Vraisemblable qu'il y passa ses dernières années et
qu'il y mourut vers 4 080.
Guigue III dit le Comte est célèbre par les longs démêlés
qu'il eut avec l'évêque de Grenoble, saint Hugues, au sujet
des églises et autres bénéfices ecclésiastiques qu'il avait
hérités du dernier roi de Bourgogne et que l'évêque, invo-
quant les canons des conciles, revendiquait comme faisant
naturellement partie du domaine épiscopal. Après de nom-
breuses contestations au cours desquelles le comte expulsa
saint Hugues de sa ville épiscopale, trois traités intervin-
DAUPHINE - 982
rent, en 1099 et en 1116, par lesquels Guigne consentit
à céder à son rival les biens ecclésiastiques qu'il possédait.
Le traité de 1116 fut ratifié en 1119 par une bulle du
pape Calixte II. Sous le règne de Guigue lïl, saint Bruno
fonda, en i 084, dans les montagnes qui avoisinent Gre-
noble, le célèbre monastère de la Grande Chartreuse, Em-
porté en 1132 par une avalanche, le couvent fut recons-
truit la même année par les soins de son second prieur
Guigue. Guigue le Comte avait épousé une princesse an-
glaise qui porte dans les actes le nom de Mathilde, reine;
il en eut plusieurs enfants parmi lesquels Humbert, évêque
du Puy, et Guigue IV qui lui succéda.
Guigue IV est le premier qui ait porté le nom de dauphin,
dont la signification est encore aujourd'hui inexpliquée,
puisque l'emblème du dauphin ne parut que beaucoup plus
tard sur les armes des souverains du Dauphiné. Guigue IV
avait épousé, du vivant de son père, Marguerite, fille d'E-
tienne, comte de Bourgogne, et nièce du pape Calixte IL II
prétendit faire valoir les droits que sa femme pouvait avoir
sur le comté de Vienne, comme héritière du dernier roi do
Bourgogne, déclara la guerre à l'archevêque, ravagea le
Viennois et incendia le bourg de Romans (1133). En 1142,
il attaqua le comte de Savoie, au sujet d'une déHmitation
de frontière, fut blessé sous les murs de Montmélian et
mourut quelque jours après à La Buissière. Il laissait trois
filles et un fils, Guigue V, qui lui succéda sous la tutelle
de sa mère Marguerite. Dès que ce jeune prince put tenir
une épée, il songea à venger son père et ravagea les fron-
tières de Savoie. Grâce aux conseils de l'archevêque de
Vienne, la paix fut conclue entre les deux voisins. A ce
moment, l'empereur Frédéric essayait de rattacher à l'em-
pire les provinces de l'ancien royaume de Bourgogne et
prodiguait les privilèges aux évêques et aux comtes de la
région. Guigue V alla le trouver en 1155 en Italie, lui fit
hommage et lui offrit le concours de son épée. En échange,
Frédéric confirma au dauphin tous les droits que lui et ses
prédécesseurs tenaient de l'empire et y ajouta le don d'une
mine d'argent à Rame et le droit de battre monnaie à Césanne.
C'était la reconnaissance des droits régaliens que s'était jadis
attribués Guigue le Vieux. En même temps, le dauphin se
faisait céder par Berthold de Zaeringhen, gouverneur des
deux Bourgognes, tous ses droits sur le comté de Vienne.
En 1162, Guigue V mourait jeune encore au château de
Vizille, ne laissant de son union avec Béatrix de Blont-
ferrat qu'une fille nommée aussi Béatrix. En lui s'éteignit
la première race des dauphins.
Deuxième race des dauphins, A la mort de Guigue V,
sa mère, Marguerite, reprit une seconde fois les rênes du
gouvernement. Elle fit épouser à sa petite-fille (1163) Al-
béric Taillefer, fils de Raimond V, comte de Toulouse, et
neveu par sa mère Constance du roi de France Louis VIL
Les deux futurs époux n'ayant guère plus de cinq ou six
ans à la mort de Marguerite (1164), la régence du Dau-
phiné fut confiée à Alphonse, frère de Raimond V. Albéric
Taillefer mourut à Saint-Gilles vers 1183, sans postérité.
— Béatrix épousa, en 1184, Hugues III, duc de Bour-
gogne (V. Bourgogne) qui venait de répudier sa femme
Alix de Lorraine, nièce de l'empereur Frédéric P^\ Celui-ci
ayant accompagné, en 1190, Philippe- Auguste en Terre
sainte, y mourut en 1192. De son mariage avec Béatrix,
il avait eu trois enfants : André, chef de la deuxième race
des dauphins, Mathilde, qui devait épouser Jean, fils
d'Etienne II, comte do Bourgogne, et Marguerite qui fut
la femme du comte de Savoie, Amédée IV.
André. A la mort de son père, le jeune André, que
beaucoup d'historiens appellent à tort Guigue- André, n'avait
guère plus de huit ans. Sa mère Béatrix gouverna en son
nom pendant sa minorité. En 1202, elle lui fit épouser
Béatrix de Claustral, petite-fille de Guillaume Vï, comte
de Forcalquier, qui lui apporta en dot les comtés d'Embrun
et de Gap. Il s'en sépara quelques années plus tard après
avoir eu d'elle une fille, Béatrix, qui épousa, en 1214,
Amaury V, comte de Montfort, et vendit à son père ses
droits sur les comtés d'Embrun et de Gap. En 1219, une
terrible inondation ravagea la ville de Grenoble. En 1226-
1227, le dauphin André fonda à Cxrenoble le chapitre Saint-
André. Il mourut le 14 mars 1237. Après avoir répudié
Béatrix de Claustral, André avait épousé Semnoresse, fille
d'Aimar II de Poitiers, comte de Valentinois ; ce mariage
ayant été aussi annulé, il épousa en troisièmes noces, le
21 nov. 1219, Béatrix, fille de Guillaume IV, marquis de
Montferrat, dont il eut un fils qui lui succéda sous le nom
de Guigue VI.
Guigtie VL Pendant la minorité de son fils, la dauphiné
Béatrix prit la direction des aifaires avec la collabora-
tion de deux des conseillers de son mari, Odon Alleman, et
le maréchal du Dauphiné, Hubert Auruce. En févr. 1238,
les régents se ren-
dirent auprès de l'em-
pereur Frédéric II, à
Turin, et obtinrent de
lui la confirmation du
privilège de battre
monnaie accordé en
1155 à Guigue V par
Frédéric Barberousse
et le droit de re-
lever immédiatement
de l'empereur et de
ses légats en Bour-
gogne. Frédéric II y
ajouta la concession
en faveur de Béatrix
et de son fils d'un
péage dans le Vien-
nois. Mais s'il mul-
tiplait les diplômes,
Frédéric préten-
dait que les vassaux
de l'empire lui prêtas-
sent un concours ac-
tif. L'évêque de Gre-
noble, Pierre II, dont
il avait aussi con-
firmé les privilèges,
fut invité cette année
même (1238) à lui
amener les contingents de son diocèse pour concourir à
l'expédition qu'il projetait contre les villes lombardes ; le
dauphm, le comte Guillaume de Genève et les autres barons
du Graisivaudan devaient contribuer aux frais de la guerre.
Ceux-ci n'ayant pas rempli ce devoir féodal, Bérard de
Lorette, vicaire du Saint-Empire dans les royaumes d'Arles
et de Vienne, leur écrivit le 16 févr. 1239 qu'ils eussent
à indemniser le prélat des
dépenses que lui avait cau-
sées cette campagne. Après
l'échec de Brescia et Texcom-
munication de Frédéric, le
dauphin se détacha du parti
de l'empire et échangea des
promesses de mariage avec
la fille du comte de Pro-
vence, Sancie, gui devait plus
tard épouser Richard de Cor-
nouailles. Quelques années
après, il se rapprochait de l'empereur qui, par un acte de
jum 1247, lui confirmait toutes ses acquisitions dans les
comtés de Gap et d'Embrun et lui conférait la suzeraineté
des alleux situés dans les comtés de Gap, d'Embrun, de
Vienne, d'Albon et de Grenoble. En nov. 1248, l'empereur
lui accordait une pension annuelle de 300 onces d'or.
Guigue VI eut avec l'archevêque d'Embrun, l'évêque de
Gap et Charles d'Anjou, d'assez longs démêlés au sujet des
comtés de l'Embrunois et du Gapençais, démêlés qui furent
terminés par des traités conclus en 1247, 1257 et 1262. H
Sceaux de Béatrix de Montferrat.
Sceau privé de Guigue VI.
-». 983
PAUPHINÉ
Sceau de la dauphine Anne.
mourut en 1269. Il avait épousé, à Fàge de quinze ans,
Cécile, fille de Barrai, seigneur de Baux, qu'il avait répu-
diée ensuite en déclarant qu'il ne l'avait acceptée que par
contrainte ; il s'était ensuite fiancé à Sancie, fille du comte
de Provence, et n'avait pas donné suite à ce projet; enfin,
le 4 déc. 4241, il s'était marié définitivement avocBéatrix,
fille de Pierre de Savoie, laquelle lui apporta en dot le Fau-
ci^ny. Il en eut trois enfants : Jean, qui lui succéda, Anne,
qui épousa Humbert P^, et Catherine, morte sans avoir été
mariée. Guigue VI est le premier qui ait adopté dans ses
armes l'emblème du dauphin.
Jean I^'\ Conformément aux dispositions testamentaires
de Guigue VI, la régence et la tutelle du jeune dauphin
Jean P^ furent confiées à sa mère Béatrix et à Hugues IV,
duc de Bourgogne. Béatrix se remaria le 2 avr. 1273 à
Gaston VII, vicomte de Béarn, et mourut en 1310. Jean P^
mourut lui-même, âgé de moins de vingt ans, à Bonne-
ville en Savoie, le 24 sept. 1283. Avec lui finit la seconde
race des dauphins.
Troisième race, Humbert î^. En vertu d'une substitu-
tion insérée dans le testament de Guigue VI, le Dauphine
passa, à la mort de Jean F'*, aux mains d'Anne, sœur de ce
dernier. Cette princesse
avait épousé, le 31 août
1273, Humbert de La
Tour, fils d'Albert IH de
La Tour et de Béatrix de
Coligny. Cette alliance an-
nexait au Dauphine une
grande partie du Viennois,
de la Bresse et du Bugey,
et reculait ses frontières
au delà du Rhône. Cette
extension du territoire del-
phinal devait créer au nou-
veau dauphin de nombreux
conflits avec la Savoie, dont les terres étaient enclavées dans
les siennes. D'autre part, le duc de Bourgogne, Robert II, se
prétendait le légitime héritier de Jean l^K Une alliance fut
signée entre ces deux voisins également jaloux et les hos-
tilités commencèrent. Le 25 janv. 1285, un traité fut signé
à Paris entre le dauphin et le duc de Bourgogne. Ce der-
nier renonça à ses prétentions sur le Dauphine, sous la
réserve toutefois des droits éventuels qui lui étaient accordés
par le testament de Guigue VI ; en échange, Humbert lui
abandonna toutes ses terres situées au delà de la rivière
d'Ain. Ce traité ne liait pas le comte de Savoie; aussi,
l'année suivante, il se remettait en campagne et envoyait
dans le Viennois une armée sous les ordres de son frère,
Thomas, comte de Maurienne. Les Savoyards furent battus
près de La Côte-Saint -André et le comte Thomas tué. La
paix fut conclue en 1287, par l'entremise de l'archevêque
de Vienne. Les hostilités recommencèrent en 1291 avec
le comte Amédée de Savoie, au sujet de la suzeraineté
de la baronnie de La Tour qu'il réclamait.Les Savoyards atta-
quèrent le château de Quirieu et s'en emparèrent ; Humbert
envoya des troupes dans le Viennois et réussit à les déloger;
pendant ce temps, Amédée avait surpris le château de Bel-
lecombe à l'extrémité de la vallée du Graisivaudan, et s'était
avancé jusqu'à La Terrasse ; repoussé, il incendia le bourg
de Barraux. Humbert arriva à temps pour mettre en pièces
son arrière-garde. Grâce à l'intervention de Charles II, roi
de Sicile, une trêve fut ménagée entre les deux partis. Elle
dura jusqu'en 1293, époque où fut signé un traité, en
vertu duquel Amédée renonça à l'hommage delabaronnie de
La Tour en échange de la suzeraineté sur la baronnie de
Faucigny, qui lui fut cédée par Béatrix, veuve de Guigue VI.
D'autres sujets de querelles ne devaient pas tarder à ral-
lumer la guerre. En 1300, le comte de Savoie se ligua
contre le Dauphine avec le prince d'Orange : Charles de
Valois, frère du roi de France, offrit son arbitrage qui fut
accepté. Cependant les hostilités continuaient dans le Vien-
nois, où les terres de Savoie étaient enclavées dans celles
du Dauphine. Un nouveau traité fut signé en 1306 par
l'entremise du pape Clément V. H ne devait pas être défi-
nitif. En 1293, Humbert avait acquis l'hommage de Ray-
mond de Meuillon et, en 1302, il se faisait céder par
Hugues Adhémar la baronnie de Montauban. En 1294, il
s'était rendu à Paris, avait accepté une pension du roi
Philippe le Bel et s'était reconnu son vassal. Après la dé-
faite de Courtrai, il lui envoya ses deux fils, Jean et Hugues,
qui combattirent en Flandre dans les rangs de l'armée
française. En 1299, il fonda la chartreuse de Salettes,
près de La Balme. Vers la fin de sa vie, il se retira dans
la chartreuse de Val-Sainte-Marie, où il mourut en 1307.
Jean II. De leur vivant, Humbert P^ et la dauphine
Anne, pour assurer la possession de leurs Etats à leur fils
Jean, lui avaient cédé le Dauphine et la baronnie de La
Tour, dont ils se réservaient l'usufruit leur vie durant. De
Sceaux de Jean II, dauphin.
plus, en 1305, Humbert avait fait confirmer par l'empe-
reur Albert d'Autriche l'union de la baronnie de La Tour
au Dauphine. Politique avisé, Jean II continua les utiles
relations nouées par son père avec la cour de France. Phi-
lippe le Bel lui promit la main de l'une de ses petites-filles
pour Guigue, son fils, et Louis le Hutin lui accorda en
1317 une rente de 2,000 livres. Un grand nombre de com-
munautés lui durent des chartes de franchises et, à Gre-
noble, notamment, son gouvernement fut particulièrement
bienveillant. Il entretint des rapports amicaux avec les rois
de Sicile et de Hongrie. Une seule guerre avec la Savoie
troubla la tranquillité de son règne ; elle fut vite terminée
par un traité de limites, signé en 1314 et suivi d'une
alliance contre tous ceux qui feraient quoique entreprise
sur le royaume de Bourgogne pendant la vacance de l'em-
pire. Par d'habiles négociations, il étendit sa suzeraineté
sur les terres que la famille de Villars possédait dans le
Bugey et sur les terres du Viennois qui appartenaient en
franc-alleu à Geoffroy de Clermont (1317), acquit l'hom-
mage du comte de Genève (1316), réunit à ses Etats la
baronnie de Meuillon (1317) et assura à ses enfants la suc-
cession des barons de Faucigny et de Montauban, ses
frères. Il mourut le 5 mars 1319, à l'âge de trente-huit
ans à Pont-de-Sorgues, près d'Avignon, où il était allé
visiter le pape Jean XXIÏ. Il avait épousé, en 1296, Béatrix
DAUPHINÉ
— 984 -"
Monnaie de Guigue VII.
fille de Charles-Martel, roi de Hongrie, laquelle lui avait
donné deux fils, Guigue VII et Humbert II, et une fille
nommée Catherine, qui mourut en bas âge.
Guigne VU (1348-1333) n'avait pas encore neuf ans à
la mort de son père. Son oncle, Henri Dauphin, récemment
nommé évêque de Metz, gouverna en son nom. Vers la fin
de 1318, tous deux
se rendirent à Paris
pour y régler les
conditions du ma-
riage du jeune dau-
phin avec Isabelle,
fille de Philippe V.
Ce mariage fut célé-
bré le 17 mai 1323
par l'archevêque de Besançon dans la ville de Dole, où la
veuve de Philippe V s'était retirée après la mort de son mari.
En 1325, la guerre recommença avec le comte de Savoie,
Edouard, alors en querelle avec le baron de Faucigny et
le comte de Genève. Guigue marcha au secours de ses alliés
et, bien que son armée fût inférieure en nombre à celle de
son rival, il remporta une éclatante victoire dans la
plaine de Saint- Jean-le- Vieux, sous les murs du château
de Varey. L'armée savoyarde écrasée laissa aux mains des
Dauphinois un grand nombre de prisonniers, parmi lesquels
étaient Robert, comte de Tonnerre, frère du duc de Bour-
gogne, Jean de Chalon, comte d'Auxerre, et Guichard,
sire de Beaujeu. Le comte de Savoie lui-même était pri-
sonnier d'Auberjon de Maille et du sire de Tournon, lors-
qu'il fut délivré par Guillaume et Hugues de Bocsozel et le
seigneur d'Entremont. Ce glorieux succès, remporté par un
jeune prince de seize ans, répandit au loin la renommée
du dauphin et lui attira d'utiles alliances. Les liens de vas-
salité qui unissaient Guigue VII à la France lui firent un
devoir de se rendre en 1328 avec un détachement de troupes
dauphinoises à la convocation qui lui fut adressée par le
roi Philippe VI, alors en guerre avec les Flamands. Le
jeune vainqueur de Varey, chargé du commandement d'un
corps d'armée, contribua vaillamment au succès de la ba-
taille de Cassel ; aussi le roi, pour lui témoigner sa recon-
naissance, lui fit don de la maison dite des Pifiers, située
sur la place de Grève, à l'endroit où fut élevé depuis
l'hôtel de ville de Paris. Le régent Henri, qui avait accom-
pagné le dauphin à la guerre de Flandre, mourut peu après.
Par son testament du 17 mai 1328, il institua son neveu
Guigue VII pour son héritier universel. L'année suivante,
Hugues de Faucigny mourait à son tour, laissant ses Etats
à Humbert, frère du dauphin. Malgré toutes les tentatives
faites par la cour de France pour rétablir la paix entre le
Dauphiné et la Savoie, les deux pays restaient toujours sur
le pied de guerre. En 1333, le comte de Savoie, Aimon, qui
avait succédé à Edouard, mort en 1329, s'empara par
trahison du château de Paladru appartenant au dauphin.
A cette nouvelle, Guigue VU convoque ses vassaux à
Voiron pour le 11 juil., et, à cette date, avec un impor-
tant matériel d'artillerie, va mettre lesiège devant le château
de La Perrière, situé non loin de là. Indigné de la félonie
de son adversaire, le vaillant jeune homme se porte au pre-
mier rang, entraînant à sa suite ses soldats électrisés par
son exemple. La garnison savoyarde fléchissait, lorsque le
dauphin tomba mortellement frappé d'un coup d'arbalète.
Transporté dans une grange voisine, il y mourut le lende-
main, 23 juil. 1333, à l'âge de vingt-quatre ans.
Humbert II (1333-1350). Guigue VHen mourant lais-
sait ses États à son frère Humbert à peine âgé de vingt et
un ans, qui se trouvait alors à Naples auprès de son oncle,
le roi de Sicile, Robert. Il avait épousé, quelque temps au-
paravant, Marie, fille de Bertrand de Baux et de Béatrix
d'Anjou. A ce moment même, la jeune dauphiné était en-
ceinte : elle accoucha le 5 sept. 1333 d'un fils qui fut
nommé André. Humbert II n'arriva à Grenoble que dans
les premiers jours de 1334. En son absence, Béatrix, fille
de Humbert P^ et veuve du sire d'Arlay, avait pourvu à la
défense du Dauphiné et, grâce à l'intervention du pape,
ménagé une trêve avec la Savoie. Cette trêve fut convertie
en traité cette année même. En 1335, Humbert négociait
le mariage de son fils André, encore au berceau, avec
Blanche d'Evreux, fille de Philippe, roi de Navarre, et
petite-fille de Philippe le Hardi. Ce projet n'eut pas de suite,
le jeune dauphin étant mort la même année. Le règne de
Humbert II est surtout important par les grandes réformes
administratives opérées par ce prince, sous l'inspiration du
jurisconsulte Amblard de Beaumont dont il avait fait, sous
le nom de protonotaire, le premier ministre de son gou-
vernement. En 1336, il réorganisait sa maison, s'entourant
d'une petite cour semblable à celle du roi Robert de Naples.
En 1339, il obtenait du pape Benoît XII la création d'une
université à Grenoble, institution éphémère qui ne semble
pas lui avoir survécu. En 1336, il créa les conseils de
bailliage, composés de douze membres, pour assister les
baillis et les juges dans l'exercice de leurs fonctions, et
plaça à la tête de la magistrature un grand conseil qu'il
fixa à Saint-Marcellin en 1337 sous le nom de conseil
delpfdnal (V. ce mot, t. XII, p. 467) et qu'il transféra
en 1340 à Grenoble. Il annexait à ce conseil la chambre
des comptes qui fonctionnait depuis Humbert P^. Hum-
bert II, qui avait refusé, en 1335, le titre de roi de Vienne,
que Louis de Bavière lui avait offert, acquit, en 1337, du
comte Guillaume de Vienne, les droits que ce dernier pré-
tendait avoir sur le comté de Vienne comme héritier de
Charles-Constantin, fils de Louis l'Aveugle. Il en prit pré-
texte pour s'immiscer dans la querelle qui divisait alors
l'archevêque et le chapitre de Vienne, occupa cette ville
et se fit céder par le chapitre ses droits de juridiction. En
1345, le pape Clément VI le nomma généralissime de la
croisade qu'il faisait prêcher. Le 2 sept. 1345, Humbert
s'embarquait à Marseille, laissant la régence du Dauphiné
à l'archevêque de Lyon, Henri de Villars. L'entreprise ne
fut pas heureuse. Après un faible succès remporté près de
Smyrne sur les infidèles, une trêve fut signée, et le dau-
phin se retira à Rhodes, où il passa l'hiver (1346-47) ;
la dauphiné, Marie de Baux, y mourut au mois de mars
1347, et le dauphin, attristé et découragé, obtint du pape
l'autorisation de rentrer dans ses États. Il arriva à Gre-
noble le 8 sept. 1347. Les fondations religieuses qu'il
avait multipliées j ses goûts de faste, les frais de la croisade
avaient épuisé ses ressources et ruiné les populations. La
peste noire, qui ravagea toute l'Europe, atteignit en 1348
le Dauphiné et y fit de nombreuses victimes. Le peuple en
fit retomber la responsabilité sur les juifs établis dans la
province, depuis 1306, et les accusa d'avoir empoisonné
les puits et les fontaines. Un grand nombre de ces malheu-
reux furent victimes de ce stupide préjugé. Depuis la mort
de son fils, Humbert II songeait à abandonner le gouver-
nement de ses États et à se réfugier dans un cloître. Deux
projets de cession en faveur du pape, puis du roi de Sicile
Robert, ayant échoué, le dauphin se tourna du côté de la
France. Ses dispositions furent activement encouragées par
les agents que Philippe VI entretenait en Dauphiné. Depuis
la fin du XIII® siècle, la diplomatie française avait dirigé
tous ses efforts vers ce but. En 1342, le duc de Normandie,
Jean, fils aîné de Philippe VI, se rendit à Avignon pour le
couronnement du pape Clément VI . Il y trouva le dauphin,
et le 23 févr. 1343, à Villeneuve-les- Avignon, dans la
chambre même du pape, lui fit consentir un traité en vertu
duquel, au cas où il mourrait sans enfants, il cédait le
Dauphiné à Philippe, second fils du roi de France ou à l'un
des enfants du duc de Normandie. L'année suivante inter-
vint un nouveau traité, par lequel le fils du duc de Nor-
mandie fut substitué à Phihppe. Enfin le 30 mars 1349,
Humbert cédait ou plutôt vendait définitivement le Dau-
phiné à Charles, fils aîné du duc de Normandie, alors âgé
de douze ans. Avant de sceller cet acte d'abdication, il
résuma dans un statut solennel les libertés et franchises
(ju'il accordait à ses sujets. Ce testament politique resta
jusqu'en 1790 la charte constitutionnelle de la province.
- 985 -
DAUPHINÉ
Humbert se retira ensuite dans le couvent des dominicains
de Paris dont il prit l'habit : il fut successivement nommé
Sceau de Jean II, duc de Normandie.
patriarche d'Alexandrie, administrateur du diocèse de Reims
et il briguait le siège épiscopal de Paris lorsque la mort vint
le surprendre à Clermont en Auvergne, le 22 mai 4355.
Le Dauphiné sous la domination française. — ■ La domi-
nation française fut accueillie sans protestation en Dau-
phiné. Les dauphins y séjournèrent rarement et confièrent
l'administration de la province à un gouverneur assisté du
conseil delphinal. A la suite de nouveaux démêlés avec la
Savoie, un traité fut signé en 4355, qui rectifiait d'une
Grand sceau du roi dauphin Charles V.
façon plus logique les frontières des deux pays, désormais
fixées au Rhône et au Guiers. En mai 4365, l'empereur
Charles IV traversa le Dauphiné pour se rendre à Avignon,
auprès du pape Urbain V. Il profita de cette circonstance
pour affirmer son droit de suzeraineté sur la région en dis-
tribuant des privilèges et immunités. En 4378, le même
empereur conféra au dauphin le titre de vicaire de l'Em-
pire dans le royaume d'Arles et de Vienne. Celui-ci en pro-
fita pour s'emparer de la ville de Vienne et faire reconnaître
sa suzeraineté par les seigneurs ecclésiastiques delà région.
De 4374 à 4375, le Dauphiné eut à souffrir des incursions
des grandes compagnies et, en 4392, il dut lutter contre les
bandes d'aventuriers de Raymond de Turenne. En 4446,
l'empereur Sigismond traversa le Dauphiné en revenant de
Perpignan où il était allé conférer au nom du concile de
Constance avec Benoît XIII. A cette époque, le dauphin
apprit qu'un traité avait été signé entre Sigismond et le roi
d'Angleterre Henri V pour le transfert du Dauphiné à un
prince anglais. Il envoya aussitôt une ambassade à l'em-
pereur et fit armer ses bonnes villes. Heureusement, ces
préparatifs belliqueux furent inutiles, le projet de l'empe-
reur n'aboutit pas. En vertu d'un traité conclu en 1404
entre le roi-dauphin Charles VI et Louis H de Poitiers,
comte de Valentinois, ce dernier avait vendu ses Etats au
dauphin, à condition qu'ils seraient annexés au Dauphiné.
Louis II mourut en 4449 laissant, par testament, les comtés
de Valentinois et Diois au dauphin Charles, fils de Charles VI.
Toutefois, le transfert ne s'en fit pas pacifiquement. Le
duc de Savoie, qui était substitué au dauphin dans le tes-
tament de Louis II en cas d'inexécution de certaines clauses
de ce testament, profitant de la situation embarrassée où
se trouvait le dauphin, s'empara du Valentinois. Ce n'est
qu'en 4445 que le duc de Savoie, Amédée Vllï, dans un
traité signé à Rayonne, renonça à ses prétentions sur le
Valentinois, à condition que le roi Charles VII se départirait
de l'hommage que le duc lui devait sur le Faucigny et les
autres terres cédées à la Savoie en 1355. — Le Dau-
phiné ne se désintéressa pas de la lutte anglo-française.
Son arrière-ban et ses milices combattirent glorieusement
à Verneuil et à Orléans. Il crut à la mission divine de
Jeanne d'Are et suivit avec une patriotique angoisse les
péripéties de son héroïque campagne, tandis que le clergé
insérait dans sa liturgie des oraisons nouvelles en faveur
de la libératrice et du roi dauphin Charles VIL En 4430,
il eut à jouer un rôle plus actif en repoussant Louis de
Chalon, prince d'Orange, qui rêvait d'ouvrir le Dauphiné
aux Bourguignons et de partager cette province avec le
comte de Savoie. Le 1 4 juin, le gouverneur Raoul de Gau-
court, Humbert de Grolée, maréchal du Dauphiné, et l'aven-
turier espagnol Rodrigue de Villandrando, anéantirent ces
espérances en écrasant les Orangistes sous les murs du
château d'Anthon. Jean de Chalon ne dut lui-même son
salut qu'à la vigueur de son cheval qui lui fit traverser le
Rhône à la nage.
Depuis la cession, les dauphins avaient perdu l'habitude
d'habiter dans leurs États. Après la Praguerie, le roi
Charles VII, pour donner un ahmcnt à la soif précoce du
Ecu d'or du dauphin, depuis Louis XI.
pouvoir qui dévorait son fils, se décida, le 28 janv, 4440,
à lui confier l'administration du Dauphiné. Le 43 août de
la même année, les représentants du dauphin Louis (depuis
Louis XI) prirent en son nom possession de la province.
Lui-même ne s'y rendit que cinq ans plus tard. Il devait
y séjourner dix ans, pendant lesquels il s'essaya au métier
de roi, réformant toute l'organisation judiciaire de la pro-
vince, créant en 4452 une université à Valence et trans-
formant, l'année suivante, le conseil delphinal en parlement.
En 4452, il se maria, sans l'assentiment de son père, avec
Charlotte, fille du duc de Savoie. Ces velléités d'indépen-
dance n'étaient pas sans inquiéter le roi Charles VU, qui
se décida à remettre le Dauphiné en sa main. En août 4456,
le dauphin, apprenant que le maréchal de Lohéac et l'amiral
Jean de Bueil arrivaient avec une armée pour prendre
possession du Dauphiné, prit la fuite et se réfugia d'abord
à Saint-Claude dans les États du duc de Bourgogne, puis
dauphiné
986 -
à Bruxelles, oii le duc Philippe le reçut avec de grands hon-
neurs et lui offrit pour sa résidence le château de Genappe
en Brabant. Après avoir hésité quelque temps entre ses
deux maîtres, le Dauphiné se soumit au roi. Louis XI s'en
vengea à son avènement en taisant condamner à Fexil tous
les olTiciers de la province qui avaient pris le parti de son
père contre lui. Depuis lors, le Dauphiné ne fut plus jamais
apanage aux fils aînés de France, et le nom do dauphin ne
fut plus qu'un vain titre. En 1477, à la suite d'une non-
velîe révolte du prince d'Orange, sa principauté fut réunie
au Dauphiné.
Pendant les guerres d'Italie, le Dauphiné eut beaucoup
à souffrir du passage des armées. Les chefs militaires eux-
mêmes reconnaissaient que leurs soldats étaient « gens
coutumiers de mal vivre » et qu'à leur approche, il fallait
fermer ses portes. Les rois de France Charles VIII, Louis XÏI
et François l^^ y passèrent fréquemment. Ils y trouvèrent de
vaillants capitaines, parmi lesquels on doit citer Antoine
d'Arces, dit le Chevalier blanc, les Maugiron, le capitaine
Molard, tué à Ravenne, le brave Boutières et au-dessus de
tous, Bavard. Le Bon Chevalier fut pendant quelques années
lieutenant général de la province; il y fit preuve d'un grand
dévouement pendant une peste qui désola la région, et mit
en fuite une bande de brigands qui, après avoir saccagé le
Poitou et le Bourbonnais, avaient envahi le Dauphiné et
marchaient sur Grenoble. En 1524, le corps du chevaHer
sans peur et sans reproche fut apporté à Grenoble et ense-
veli dans le couvent des minimes de la Plaine, fondé par
son oncle Laurent Alleman, évêque de Grenoble. En 1542,
le gouverneur François de Saint-Pol rétablit l'université de
Grenoble, jadis fondée par Humbert II, et y appela des
maîtres célèbres, tels que Govéa; mais, malgré ses brillants
débuts, la nouvelle école, jalousée et combattue par celle
de Valence, dura peu : elle fut supprimée en 1565 et
réunie à sa rivale.
Le Dauphiné pendant les guerres de religion. Le
protestantisme, prêché en Dauphiné dès le commencement
du xvi^ siècle par Pierre de Sébi ville et plus tard par Guil-
laume Farel, y fit, en dépit des persécutions, de rapides
progrès. En Î562, à la nouvelle du massacre de Vassy,
les réformés dauphinois prirent les armes et se groupèrent
autour du baron des Adrets, qui fut bientôt à la tête d'une
armée de huit mille hommes. Le 30 avr., le lieutenant général
La Motte-Gondrin était massacré à Valence. Après avoir
pris Tournon et Lyon, le baron des Adrets arrive le 11 mai
à Grenoble, où ses partisans étaient déjà les maîtres et
avaient commencé le pillage des églises. Il quitte la ville
le 13, en laissant le commandement au capitaine Brion,
marche sur Vienne et s'en empare. Il revient à Grenoble
le 2 juin, avec son fils, y fait piller le trésor de la cathé-
drale et jeter au vent le corps de saint Hugues et le chef
de saint Vincent. En même temps, ses trois lieutenants Fir-
min, Coct et Brion allaient saccager la Grande Chartreuse.
Des Adrets quitte Grenoble le 7 juin à la nouvelle du mas-
sacre des protestants à Orange. Il s'empare de Pierrelatte,
dont la garnison est passée au fil de l'épée. Il marchait
sur Avignon lorsqu'il apprit que le lieutenant général Mau-
giron avait repris Grenoble au nom des cathoHques. Il re-
vient sur ses pas, s'empare de Saint-MarceUin, d'où Mau-
giron s'enfuit honteusement, laissant ses soldats à la merci
du terrible baron qui les fit tous massacrer. Le 26 juin, il
rentrait à Grenoble. Il n'y séjourna pas longtemps et partit
pour Lyon d'où il marcha sur le Forez et le Beaujolais, qui
furent rapidement conquis. On sait les horreurs qui signa-
lèrent la prise de Montbrison. Pendant ce temps, Grenoble
était deux fois attaqué sans succès par Maugiron et ses lieu-
tenants, et restait définitivement au pouvoir des protestants
jusqu'à la paix conclue le 19 mars 1563 entre la cour et
les chefs des réformés. La guerre reprit en 1567. Les pro-
testants, sous la conduite de Montbrun, Mouvans et La
Coche, s'emparèrent de Vienne, Saint-Marcellin, Valence
et Gap, mais échouèrent devant Grenoble. Après une trêve
de six mois (paix de Longjumeau), les hostilités recom-
mencèrent en sept. 1568 et durèrent avec des alternatives
de succès et de revers jusqu'à l'édit de pacification du
15 août 1570. Deux ans plus tard avait lieu l'odieux mas-
sacre de la Saint-Barthélémy. Cette honte fut épargnée au
Dauphiné par le lieutenant général de Gordes, d'accord en
cela avec le Parlement. Il y eut toutefois quelques victimes
à Romans, à Valence et à Montélimar. L'année suivante
(1573), les protestants reprirent les armes sous les ordres
de Montbrun et d'un gentilhomme du Champsaur, qui va
devenir célèbre sous le'nom de Lesdiguières. Ce fut une
guerre de partisans, où chaque ville fut tour à tour prise,
reprise et pillée par les deux partis. En 1575, la petite
ville de Livron retint trente jours sous ses murs l'armée
royale du maréchal de Bellegarde et la força à lever le
siège. Le 20 juin de la même année, de Gordes prit sa re-
vanche en écrasant les protestants au pont de Blacons
entre Crest et Die ; Montbrun y fut pris, amené à Gre-
noble, condamné à mort et exécuté sur la place du Mal-
Conseil le 13 août suivant. Lesdiguières prit alors le
commandement des troupes protestantes en Dauphiné et la
lutte continua. A la mort de Bertrand de Gordes, Laurent
de Maugiron fut une seconde fois nommé lieutenant général,
A ce moment, un mouvement populaire, connu sous le
nom de Ligue des villains, s'était déclaré dans le Valen-
tinois. Telle était la situation lorsque la reine mère, Cathe-
rine de Médicis, vint en Dauphiné pour décider Lesdi-
guières à accepter la paix. Elle n'y réussit pas. En 1580,
Maugiron écrasa la Ligue des villains à Moirans; mais, en
même temps, Lesdiguières s'emparait de Saint-Quentin,
Tullins, Iseron et La Saône, et son Heutenant Gouvernet
menaçait Grenoble. Cette ville appela à son secours le duc
de Mayenne, qui reprit rapidement toutes les villes rive-
raines de l'Isère, marcha contre La Mure, boulevard des
protestants dans le haut Dauphiné, et s'en empara. La con-
férence de Fleix mit fin à la guerre. Lorsque la mort du
duc d'Anjou eut fait du roi de Navarre l'héritier présomptif
de la couronne, les catholiques dauphinois se déclarèrent en
majorité pour la Ligue. Lesdiguières se remit en campagne.
La Ligue triomphait à Grenoble, d'où le sire d'Albigny, capi-
taine de chevau-légers, avait chassé le lieutenant général
Alphonse d'Ornano. Lesdiguières se rapprocha du parti des
royalistes modérés et signa un traité avec d'Ornano. Après
avoir négocié et guerroyé pendant le cours de l'année 1590,
il entra dans Grenoble par surprise dans la nuit du 24 au
25 nov., et le 22 déc. il lui faisait signer un traité par
lequel le roi de Navarre était reconnu comme roi de
France, et Lesdiguières comme son lieutenant en Dauphiné.
L'année suivante, il écrasait dans la plaine de Villard-Noir,
près de Pontcharra, l'armée du duc de Savoie, forte de
treize mille hommes. Enfin, en 1595, la prise de Vienne
par le connétable de Montmorency assurait la soumission
de la province au roi Henri IV. Restait à défendre les
frontières du Graisivaudan contre le duc de Savoie ; par
un coup d'audace, dans la nuit du 25 mars 1598, Lesdi-
guières s'empara du fort de Barraux, récemment construit
par les Savoyards pour commander la vallée. La paix de
Vervins et l'edit de Nantes mirent fin à la guerre civile et
à la guerre étrangère.
Le gouvernement de Lesdiguières et de ses succès-
seurs. Nommé lieutenant général de la province en 1598,
Lesdiguières en devint le maître absolu. Il contribua à
rendre la prospérité au Dauphiné, ruiné par un demi-siècle
de guerres civiles. A sa mort, en 1626, son gendre, le
duc de Gréqui, lui succéda, et, jusqu'en 1681, les descen-
dants de ce dernier furent, de père en fils, gouverneurs
du Dauphiné. Les ducs de La Feuillade héritèrent de leur
pouvoir (1681-1719) et, après eux, les ducs d'Orléans,
depuis Louis, fils du régent, jusqu'à Philippe-Egalité. Pen-
dant les deux derniers siècles, l'histoire du Dauphiné se
confond avec celle de la France ; toutefois, vers le milieu
du xvn® siècle, un grand événement s'y passa, qui modifia
gravement la constitution de la province. Depuis un demi-
siècle, un long et complexe procès s'était engagé entre le
— 987 ~-
DAUPHINE
tiers état et les deux ordres privilégiés au sujet de l'as-
siette de l'impôt, le premier prétendant que la taille était
réelle et qu'elle était due par les nobles eux-mêmes pdur
leurs terres roturières; les autres, au contraire, affirmant
que la taille était personnelle. Des deux côtés on déploya
une égale ardeur ; mais les champions de la cause popu-
laire, Claude Brosse, syndic des villages, Antoine Ram-
baud, Claude de Lagrange et Jean Vincent, finirent par
obtenir gain de cause. Un arrêt du 31 mai 1634 déclara
les tailles réelles en Dauphiné. En même temps, et vu
l'impossibilité pour les trois ordres de s'entendre sur les
questions financières, les états de la province étaient sup-
primés ou du moins indéfiniment suspendus. Le Dauphiné
devient alors un pays d'élection et il est administré comme
tel. Le Dauphiné ayant été longtemps la forteresse du pro-
testantisme, la révocation de l'édit de Nantes s'y fit plus
cruellement sentir que dans d'autres provinces. A vrai
dire, depuis longtemps déjà on y avait ravi aux protestants
toutes les libertés que Henri IV leur avaient garanties.
Avant 1685, le parlement de Grenoble avait fait raser
soixante-seize temples. Aussi l'édit de Nantes y fut-il exécuté
par l'intendant Bouchu avec une impitoyable sévérité.
Dans des villages de l'Oisans, toutes les femmes et tous
les enfants furent enlevés de leurs maisons, amenés à
Grenoble et internés à l'hôpital. Les biens des consistoires
furent partagés entre les hôpitaux de Grenoble, de Gap et
d'Embrun. En 1690 et en 1708, le haut Dauphiné fut le
théâtre des campagnes de Catinat et du maréchal de Villars.
Le traité d'Utrecht lui enleva une partie des vallées du
Briançonnais.
Préliminaires de la Révolution. L'histoire du Dau-
phiné, pendant la seconde moitié du xviii® siècle, se ré-
sume dans la lutte soutenue contre l'arbitraire du pouvoir
royal par le parlement, qui, depuis la suppression des
états, se considérait comme le défenseur naturel des libertés
de la province. Exposer les phases de cette lutte, c'est
expliquer les origines et les causes de la révolution en Dau-
phiné. Le premier incident est l'affaire Dumesnil. En 1763,
le parlement ayant refusé d'enregistrer deux édits par les-
quels le roi, au mépris de ses engagements et pour satis-
faire l'insatiable avidité des traitants, prorogeait pour six ans
le second vingtième qui, d'après l'édit de 1760, devait finir
à la paix, le lieutenant général Dumesnil, ne pouvant triom-
pher de cette résistance, dut procéder en personne à un
enregistrement manu militari. Comme les vacances com-
mençaient le lendemain, le parlement ne put protester ;
mais des avis secrets, transmis à chacun de ses membres,
les invitèrent à assister à la première audience des vaca-
tions oti de solennelles remontrances seraient adressées au
roi. Averti de ce qui se préparait, le lieutenant général fit
garder les abords du palais et ne laissa pénétrer que les
membres de la chambre des vacations. Celle-ci, irritée de
voir ses projets déjoués, rendit un arrêt qui décrétait de
prise de corps le lieutenant général pour avoir entravé
l'exercice de la justice. En même temps elle faisait circuler
dans la ville de Grenoble des protestations indignées contre
la violence dont le parlement avait été victime, et provo-
quait ainsi, parmi le peuple, une vive émotion qui se tra-
duisit par des pamphlets, des placards séditieux et des
chansons satiriques contre le lieutenant général. Ni l'or-
donnance royale prescrivant de raturer l'arrêt de prise de
corps, ni le blâme infligé aux conseillers successivement
mandés à la cour, ni les lettres de cachet ne purent vaincre
l'obstination du parlement. La mort seule de Dumesnil,
arrivée au commencement de 1764, mit fin à la querelle.
— La réforme temporaire, opérée dans le parlement, en
1771, par le chanceKer Maupeou, accrut encore sa popu~
larité et, lorsqu'on 1775 les conseillers éliminés vinrent
reprendre leurs sièges, ils furent accueillis par des accla-
mations enthousiastes. Cette popularité, le parlement faillit
la perdre, quelques années après, en s' opposant à l'établis-
sement d'une assemblée provinciale. Depuis le commence-
ment du siècle, le Dauphiné réclamait instamment le réta-
blissement de ses états. La cour, en refusant d'abandonner
cette conquête du pouvoir personnel, avait consenti, en
1779, la création d'une assemblée provinciale, destinée à
contrebalancer l'influence omnipotente de l'intendant. La
retraite de Necker, auquel on devait cette conception libé-
rale, fit abandonner ce projet dont l'application rencontrait
déjà des diflîcultés. Repris en 1787, il fut accueilh en
Dauphiné avec enthousiasme. Seuls, le parlement et la
chambre des comptes firent des réserves. Toutefois, l'as-
semblée se réunit, le 1^"^ oct. 1787, dans l'hôtel de ville
de Grenoble, sous la présidence de Lefranc de Pompignan,
archevêque de Vienne, et nomma les membres de la com-
mission intermédiaire. Là s'arrêta son rôle, les entraves
apportées par le parlement à son fonctionnement régulier
l'ayant empêchée de se réunir une seconde fois. 'Cette
opposition fut diversement jugée et donna naissance à ce
qu'on a appelé «l'émeute pacifique des Brochures». L'année
suivante, ce ne fut plus la platonique opposition des publi-
cistes qui répondit aux violences des agents du pouvoir
royal, ce fut le peuple en armes. A l'émeute des Brochures
succéda la journée des Tuiles.
Le iOmai 1788, le comte de Clermont-Tonnerre, lieu-
tenant général de la province, et l'intendant Caze de la
Bove faisaient procéder militairement à l'enregistrement
des édits qui mutilaient les parlements en leur enlevant le
droit de vérification, source de leur autorité. En même
temps les magistrats recevaient l'ordre de quitter le palais
dont les portes étaient définitivement fermées. Cette exé-
cution produisit à Grenoble une grande fermentation, qui
s'accrut encore lorsqu'on répandit parmi le peuple les
protestations indignées du parlement, secrètement réuni,
et les doléances du conseil général de Grenoble, déclarant
hautement que la suppression du parlement était la ruine
de la ville. L'émeute éclata le 7 juin, à la nouvelle que
tous les membres du parlement étaient exilés. Aussitôt les
boutiques se ferment ; des groupes tumultueux parcourent
les rues et entourent les maisons des conseillers pour les
empêcher de partir. Devant l'hôtel du premier président,
la foule s'entr'ouvre respectueusement pour laisser passer
le corps des avocats et des procureurs, qui, revêtus de
leurs robes de palais, viennent saluer cette antique magis-
trature qui disparaît. Au moment oh M. de Bérulle, pre-
mier président, sort de son logis pour monter en voiture,
il est arrêté par le peuple qui dételle ses chevaux. En
même temps le tocsin sonne et les paysans des campagnes
voisines arrivent, armés de haches et" de pioches. Trouvant
la porte fermée, ils enfoncent une poterne et se mêlent
aux émeutiers ; puis tous ensemble se ruent sur l'hôtel de
Clermont-Tonnerre. Les portes sont enfoncées et les
appartements envahis. C'est en vain que les troupes essayent
de repousser la foule. Des pierres et des tuiles, lancées
du haut des toits, mettent le désordre dans les rangs. Se
sentant débordé et craignant de plus graves compHca tiens,
le duc de Clermont-Tonnerre écrit au premier président
qu'il peut suspendre son départ et autoriser ses collègues
à en faire autant. M. de Bérulle fait hre publiquement la
lettre du lieutenant général ; mais la victoire a rendu le
peuple exigeant. Il veut que le parlement soit réinstallé
dans le palais de justice, dont il a été brutalement chassé.
Le premier président le comprend : par son ordre, les
conseillers se réunissent à son hôtel, après avoir quitté
leurs habits de voyage et revêtu la robe d'hermine ; puis
tous ensemble, escortés d'un concours immense de popula-
tion, se rendent au palais dont le lieutenant général a dû
livrer les clefs. Lorsque les magistrats ont repris leurs
sièges, le premier président prononce une courte harangue
dans laquelle il invite ses concitoyens à rentrer dans leurs
demeures, confiants dans la justice du roi et la fermeté
patriotique du parlement pour la défense de leurs droits.
Ces paroles sont accueillies par des acclamations et la foule
s'écoule paisiblement. Dans la nuit du 12 au 13 juin, tous
les membres du parlement quittèrent la ville, et le marquis
de Marcieu, gouverneur de Grenoble, écrivit au premier
DAUPHINE
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ministre : « L'ordre paraît rétabli. » Il n'en était rien : de
nombreuses assemblées avaient lieu, où l'on se communiquait
un mémoire intitulé VEsprit des édits enregistrés mili-
tairement^ œuvre d'une rare vigueur, due à la plume d'un
jeune patriote dauphinois, dont le nom sera bientôt célèbre :
l'avocat Barnave. Le 14 juin, une assemblée des notables
des trois ordres, convoquée à l'hôtel de ville de Grenoble,
protestait contre les édits et émettait le vœu que les Etats
généraux du royaume fussent convoqués pour remédier
aux maux de la nation et qu'en attendant Sa Majesté per-
mît la réunion des étals particuliers de la province, en y
appelant des représentants du tiers état en nombre égal à
celui des membres du clergé et de la noblesse. En même
temps l'assemblée invitait les trois ordres des villes et
bourgs du Dauphiné à envoyer des députés à Grenoble pour
déhbérer ultérieurement sur les droits et intérêts com-
muns. Cet appel fut entendu ; mais le maréchal de Vaux,
successeur du duc de Clermont-Tonnerre, ayant interdit
toute assemblée à Grenoble, les délégués durent se réunir
le 21 juil. au château de Vizille, sous la présidence du
comte de Morges : Joseph Mounier, juge royal de Grenoble,
fut nommé secrétaire par acclamation. Après une assez
longue discussion, l'assemblée adopte d'un vote unanime
un projet de résolution portant que les trois ordres de la
province protestent contre les nouveaux édits, dont l'en-
registrement est illégal, supplient le roi de rétablir le par-
lement, de convoquer les Etats généraux du royaume et
les états particuliers de la province, déclarent qu'ils n'oc-
troieront les impôts que lorsque les Etats généraux du
royaume les auront votés ; que dans les états de la pro-
vince les représentants du tiers état seront en nombre
égal à ceux des deux premiers ordres réunis ; que toutes les
places y seront électives et que la corvée sera remplacée
par un impôt sur les trois ordres; enfin l'assemblée pro-
clame que le Dauphiné ne séparera jamais sa cause de
celle des autres provinces, et qu'en soutenant ses droits
il n'abandonnera pas ceux de la nation. Après cette impo-
sante manifestation, le ministère comprit que la lutte deve-
nait dangereuse, et il convoqua pour le 29 août, à Romans,
les états de la province. Le 20 oct., le parlement rétabli
faisait sa rentrée solennelle ; le 1^^ déc, après un silence
de cent cinquante ans, les états du Dauphiné reprenaient
leurs séances à Romans ; enfin le roi s'était décidé à con-
voquer pour l'année suivante les Etats généraux du
royaume. Les remontrances de l'assemblée de Vizille
avaient été entendues. Le 2 janv. 1789, les états de Romans
nommèrent les députés de la province aux Etats généraux ;
parmi les élus figuraient Joseph Mounier et Barnave. Le 4
mars 1 790, un décret divisait le Dauphiné en trois départe-
ments : Isère, Drôme, Hautes-Alpes.
Administration. — Le gouvernement général du
Dauphiné, créé après la cession du Dauphiné à la France,
comprenait, en 1789, tout le Dauphiné et la princi-
pauté d'Orange. Il était administré par un gouverneur
et par un lieutenant général. En leur absence, le droit de
commandement dans la province appartenait au premier
président du parlement ou, à son défaut, au plus ancien
des présidents. 11 y avait encore un officier général com-
mandant le gouvernement, un sergent de bataille de la
province, quatre lieutenants de roi de la province, un sé-
néchal du Valentinois et Diois, trois grands baillis d'épée,
savoir : un pour le Viennois et le Graisivaudan ; un pour
le Valentinois et Diois, et un pour les Montagnes; quatre
lieutenants des maréchaux de France, à Crest, Gap, Vienne
et Valence ; des gouverneurs particuliers et des lieutenants
de roi des villes et places : à Briançon, Crest, Die, Em-
brun, le fort Barraux, Gap, Grenoble et l'Arsenal, Me-
vouillon, Mont-Dauphin, Montélimar, Nyons, Orange, Pier-
relatte, Pont-de-Beauvoisin, Château-Queyras, Romans,
Saint-Marc elHn, Tallard, Valence et Vienne.
Jusqu'au commencement du xvii® siècle (1628), le Dau-
phiné avait été un pays d'états. On ne connaît pas l'origine
de cette institution, mais elle découle nécessairement du
statut solennel concédé par flumbert II à ses sujets au
moment de la cession du Dauphiné à la France. Les états
se réunissaient presque tous les ans pour voter le chiffre
du don gratuit, accordé par la province au roi, et délibérer
sur les affaires urgentes. Ces réunions avaient Heu tantôt
dans une ville, tantôt dans l'autre, le plus souvent à Gre-
noble, où se trouvaient les archives des Etats. L'évêque
de cette ville en était président-né, et l'abbé de Saint-
Antoine le remplaçait quand il était absent. La préséance
appartenait ensuite aux archevêques, puis aux commis
du clergé, parmi lesquels se trouvait toujours le doyen du
chapitre Notre-Dame de Grenoble. En tête de la noblesse
figuraient les quatre grands barons de la province : Cler-
mont, Sassenage, Bressieux alternant avec Maubec, et
Montmaur. Les autres membres de la noblesse prenaient
place sans ordre sur les bancs. Venaient ensuite les députés
des dix villes dans l'ordre ci-après: Grenoble, Vienne,
Valence, Romans, Embrun, Gap, Saint-Marcellin, Crest,
Montélimar et Briançon ; puis les châtelains des autres
communautés sans ordre de préséance. Jusqu'à Louis XI,
les états étaient convoqués par le gouverneur; depuis
lors, ce privilège fut réservé au roi. Ils étaient ouverts
par les gouverneurs ou les lieutenants généraux. Les pre-
miers présidents du parlement et de la chambre des
comptes, et principalement les procureurs généraux et
avocats généraux, étaient délégués par le roi pour y assister.
Dans l'intervalle des sessions, ils étaient représentés par
le procureur du pays et les commis des états. Outre les
solennelles assemblées des états, il y avait, dans les cas
moins graves, des assemblées des dix villes, composées
des représentants des trois ordres de ces villes. On a vu
plus haut qu'en 1787 une assemblée provmciale fut créée
pour remplacer les états supprimés. Cette assemblée, pré-
sidée par l'archevêque de Vienne, comprenait quatorze
membres du clergé, quatorze de la noblesse et vingt-huit
du tiers état ; le roi en nommait vingt-huit et ceux-ci
choisissaient les vingt-huit autres. Une commission inter-
médiaire, composée d'un président, de six membres, de
deux syndics et d'un greffier, veillait à l'exécution des dé-
cisions prises. On sait que cette institution fut de peu de durée .
Après la suppression des états, le Dauphiné fut divisé
en six élections, dont les bureaux étaient à Grenoble,
Vienne, Valence, Romans, Montélimar et Gap. Chacune
d'elles avait une recette particuUère, excepté celle de Gap,
qui, à raison de l'étendue de son ressort, en avait deux :
une pour le Gapençais et l'Embrunois, l'autre pour le
Briançonnais. Chaque bureau se composait d'un président,
d'un lieutenant, d'un premier assesseur, de quatre élus,
d'un procureur du roi et d'un greffier.
L'intendance ou généralité du Dauphiné comprenait la
province entière et la principauté d'Orange. Elle comptait
mille dix-sept communes et mille deux cent treize paroisses
ou succursales. Elle était divisée en dix-sept subdélégations,
savoir: Grenoble, La Mure, Vienne, Bourgoin, Pont-
de-Beauvoisin, Saint-Marcellin, Valence, Montélimar, Crest,
Le Buis, Saint-Paul-Trois-Châteaux, Gap, Embrun, Brian-
çon, Le Queyras et Orange. Il y avait en outre un subdé-
légué à Grenoble. Parmi les intendants du Dauphiné, il
convient de citer Michel Le Tellier, qui fut depuis chance-
lier ; Nicolas Fouquet, depuis surintendant des finances ;
Claude Pellot, depuis premier président du parlement de
Rouen ; Etienne-Jean Boucher , Bauyn d'Angervilhers,
Gaspard-Moïse de Fontanieu, de La Porte, Pajot de Mar-
che val et Caze de La Bove.
Le parlement de Grenoble était la continuation du con-
seil delphinal, créé en 1337 par Humbert II à Saint-Mar-
cellin et fixé par lui, le 1®^ aotjt 1340, à Grenoble. Ce
conseil fut transformé en parlement par le dauphin Louis
(depuis Louis XI) en juin 1453. 11 n'eut d'abord qu'un
seul président et par conséquent une seule chambre ; il en
fut créé une seconde en 1538, une troisième en 1577, dite
chambre mi-partie et chambre de Pédit, après l'édit de
Nantes, réservée aux affaires des protestants ; une qua-
989
DAUPHINÉ
trième en d598, une cinquième en 1628, une sixième en
1658. Ces deux dernières furent supprimées en 1662 ;
celle de l'édit ayant disparu en 1679, il n'en resta que
trois. On en ajouta une quatrième en 1685. Tous ces chan-
gements furent accompagnés de créations d'ofûces, en sorte
qu'à la fin du xvii^ siècle le parlement de Grenoble se
composait de dix présidents, le premier compris ; cinquante-
cinq conseillers, y compris quatre conseillers clercs et le
garde des sceaux; un procureur général et trois avo-
cats généraux. Toutes les chambres étaient égales et sim-
plement distinguées par première, seconde, troisième et
quatrième. Il n'y avait ni enquêtes, ni requêtes. La pre-
mière chambre d'une année était la quatrième de l'année
suivante. Ce roulement fut supprimé en 1775 et le parle-
ment divisé en grand'chambre, chambre de Tournelle et
chambre des enquêtes; mais, en 1786, on revint à l'an-
cien système. En 1790, le parlement comptait un premier
président, huit présidents à mortier, deux chevaliers d'hon-
neur et cinquante et un conseillers dont trois conseillers
clercs. Le parquet était formé d'un premier avocat général,
d'un procureur général, de deux avocats généraux et de
huit substituts. Le ressort du parlement s'étendait à tout
le Dauphiné, y compris la principauté d'Orange. Il eut de
tout temps la juridiction des aides, sauf de 1638 à 1658,
où une cour des aides fut établie k Vienne. Cette cour
était composée de trois présidents, y compris le premier,
quinze conseillers, un avocat et un procureur général et
deux substituts du procureur général. Le 24 dec. 1658,
elle fut supprimée et réunie au parlement. Le gouverneur
et le lieutenant général de la province avaient séance
au parlement.
Avant la création du conseil delphinal, en 1337, les
appels des bailliages étaient portés devant le juge mage des
appellations et nullités de tout le Dauphiné. Ce magistrat
survécut à la création du conseil dans lequel il prit rang et
ne fut supprimé que par une ordonnance du 26 août 1508.
Au XI v^ siècle, le Dauphiné était divisé en sept bailliages
et autant de justices mages ou majeures, savoir : le Grai-
sivaudan, le Viennois et Valentinois, le Viennois et Terre
de La Tour, le Briançonnais, l'Embrunois et les Baronnies.
En 1447, le dauphin Louis (depuis Louis XI) réduisit à
deux le nombre des bailliages, tout en maintenant leurs
sièges, sous le nom de vibailliages. Le premier bailliage
dit du Viennois comprit le Graisivaudan, le Viennois pro-
prement dit dont le siège primitivement fixé à Bourgoin
fut ensuite transféré à Vienne, et le Viennois- Valentinois,
capitale Saint-Marcellin. Le second bailliage, dit des Mon-
tagnes, se décomposait en vibailliages de Briançon, d'Em-
brun, de Serres, depuis transféré à Gap, et du Buis. Le
dauphin y ajouta la sénéchaussée du Valentinois et Diois
dont dépendaient les visénéchaussées de Crest, de Mon-
télimar et de Chalançon. Chacune de ces cours était formée
d'un vibailli, d'un lieutenant particulier, de deux conseil-
lers assesseurs, d'un avocat et d'un procureur du roi. — .
En 1636, un présidial fut établi à Valence. Il était com-
posé d'un sénéchal, de deux présidents dont l'un était
lieutenant général et de trois autres lieutenants, dits l'un
criminel, le second principal et le troisième particulier ; de
vingt et un conseillers, un chevalier d'honneur, deux con-
seillers honoraires, deux avocats et un procureur du roi.
Son ressort s'étendait sur les bailliages de Saint-Marcellin,
Le Buis, Montélimar, Crest, Saint-Paul-Trois-Châteaux et
les judicatures de Valence, Romans et Die. Au-dessous des
bailliages, il y avait une grande quantité de justices royales,
épiscopales et seigneuriales. A Grenoble, la judicature était
commune à l'évêque et au roi dauphin; le juge royal la
tenait une année et le juge épiscopal l'autre ; il en était
de même à Romans, à Vienne, à Saint-Paul-Trois-Châ-
teaux. A Valence, Die et Gap, la justice appartenait aux
évêques.
Les origines de la chambre des comptes de Grenoble
remontent aux premières années du xiv^ siècle, mais elle
ne paraît pas avoir reçu une organisation complète avant
Humbert IL En 1340, ce prince fixa à quatre le nombre
des auditeurs des comptes et les unit au conseil delphinal.
Ils n'en furent séparés qu'en 1628, époque où la chambre
des comptes fut érigée en corps spécial à l'instar de celle
de Paris. Elle n'eut qu'un seul président jusqu'en 1544.
On en créa alors un second, puis un troisième en 1560, et
trois autres en 1603, 1615 et 1633. En 1790, elle se
composait d'un premier président, cinq présidents, deux
chevaliers d'honneur, vingt conseillers maîtres, quatre
correcteurs, huit conseillers auditeurs, un avocat général
et un procureur général. C'est aussi en 1628 que le
bureau des finances fut érigé en corps distinct. Jusqu'à
cette date les trésoriers de France avaient fait partie
du parlement et de la chambre des comptes réunis. A la
fin du XVII® siècle, le bureau se composait d'un premier
président en titre, de quatre présidents par commission,
de vingt trésoriers généraux, d'un avocat et d'un procu-
reur du roi.
Au point de vue ecclésiastique, le Dauphiné comprenait
les deux archevêchés de Vienne et d'Embrun, cinq évêchés :
Grenoble, Valence, Die, Saint-Paul-Trois-Châteaux et Gap,
et un certain nombre de paroisses appartenant aux diocèses
de Lyon, de Belley, de Vaison et de Sisteron. D'autre
part, le diocèse de Vienne s'étendait sur le Lyonnais, le
Forez et le Vivarais ; jusqu'à la création de Févêché de
Chambéry, le diocèse de Grenoble possédait soixante-quatre
cures en Savoie ; celui de Valence en avait trente-cinq
en Vivarais ; celui de Die s'étendait sur le Comtat et la
Provence ; celui de Saint-Paul-Trois-Châteaux avait huit
paroisses dans le Comtat; ceux d'Embrun et de Gap rayon-
naient sur la Provence.
Lettres et sciences. — De l'aveu des poètes latins eux-
mêmes. Vienne fut de bonne heure un foyer littéraire actif
où l'on appréciait leurs œuvres. PMne le Jeune vante l'élo-
quence d'un magistrat viennois nommé Trebonius JRufinus
qui vivait sous Trajan. Au v® siècle, il y avait une école de
rhétorique célèbre dirigée par Sapaudus. C'est là que se
forma saint Avit dont les poésies, élégantes et faciles,
témoignent d]une fréquentation assidue des chefs-d'œuvre
classiques, Virgile notamment. De la même école sont saint
Mamert et son frère Claudien Mamert, à la fois géomètre,
astronome, musicien, poète et contre versiste, et Sidoine
ApoUinaire, frère de saint Avit. En 1339, à la sollicitation
du dauphin Humbert II, le pape Benoît XIÏ créa à Gre-
noble une université comprenant quatre chaires : le droit
canon, le droit civil, la médecine et les belles-lettres. Cette
institution ne paraît pas avoir survécu à Humbert IL En
1542, le gouverneur François de Saint-Pol essaya de la
réorganiser et l'installa dans le couvent des cordeliers de
Grenoble ; des professeurs célèbres, Mathieu Gribaldi, de
Moffa; Jérôme Atheneus, de Vicence; Hector Richerius,
d'Udine en Frioul ; Jean de Boissone et Antoine Govéa, y
furent successivement appelés et lui donnèrent un éclat
éphémère. En 1565, elle fut supprimée et réunie à celle de
Valence. Cette dernière avait été fondée par le dauphin
Louis (depuis Louis XI) pendant son séjour en Dauphiné,
le 26 juiL 1452 et confirmée par une bulle du pape Pie II
en 1459. Elle se composait de quatre facultés : théologie,
droit, médecine et arts. Parmi ses professeurs les plus
distingués, il faut citer Cujas, Philippe Decius, Jean de
Coras, Emile Ferretus, Antoine Govea, François Hotman,
François Roaldes, Jules Pacius et Faure Desblains. Après
la réunion de la principauté d'Orange au Dauphiné, il y
eut dans cette province une seconde université fondée en
1365 par le comte d'Orange, Raimond IV. — L'instruction
secondaire était donnée dans un grand nombre de collèges
ouverts au commencement du xvii® siècle dans toutes les
villes importantes et confiés à la direction de diverses com-
munautés religieuses.
Sans avoir été jamais un centre littéraire d'un grand
éclat, le Dauphiné a produit un grand nombre d'écrivains
de talent dont il ne sera pas inutile de donner une liste
sommaire. Ce sont au xm® siècle les théologiens Hugues de
DAUPHINÈ
»- 990 -
Saint-Chef et Humbert de Romans ; au x\'®, les juriscon-
sultes Guy Pape et Etienne Bertrand ; au xm^, les théolo-
giens protestants Guillaume Farel, Daniel Charnier, Sébas-
tien Castalion, Innocent Gentillet et Bertrand de Loque ;
les jurisconsultes François Marc et Bonnefoy ; l'helléniste
Claude Mitalier; Le Maçon, traducteur de Boccace, et
Jacques Vincent, traducteur du Roland Vamoureux de
Boyardo et de plusieurs romans espagnols ; les historiens
Falcoz, Aimar Rivail et du Périer ; le géographe Nicolas
de Nicolaï; les mathématiciens Oronce Finée, Maurice
Bressieu qui succéda à Ramus au Collège de France, Jean
Borrel, Claude de Boissière et Jacques Besson ; les méde-
cins Guillaume du Puis, Jérôme de Monteux, Laurent
Joubert, Nicolas Barnaud et Pierre Aréoud, ce dernier à
la fois médecin et auteur dramatique ; Antoine Chevallet,
compositeur de mystères; Pierre de Cornu, poète galant,
et Laurent de Briançon, poète patois. A ces noms, il faut
ajouter celui du président de Vachon qui réunissait les
beaux esprits dans sa maison de Grenoble et eut l'honneur
d'y recevoir Rabelais et Corneille Agrippa. — Au xvii^siècle,
l'activité littéraire s'accroît pendant la période de paix qui
suivit les guerres de religion, sous le bienfaisant gouver-
nement de Lesdiguières et de ses descendants. Il faut citer
les théologiens Louis Bancel, Claude de La Colombière et
Martin de Clausone; les controversistes protestants Jean
Aymon, Jacques Bernard, André Crégut, David Derodon,
Jean d'Espagne, David Eustache, Jean de Lafaye, Jean-
Paul Perrin; les jurisconsultes Jean-Guy Basset, Faure
Desblains, Antoine de Mar ville et Jules Pacius ; les histo-
riens Nicolas Cherier, auteur d une histoire du Dauphiné,
né à Vienne le 4^"^ sept. 1612, mort à Grenoble le 14aoùt
1692; Louis Videl, historiographe de Lesdiguières; Salvaing
de Boissieu, Raymond Juvenis, Marcellin Fournier, Jean
Lelièvre, Guy Allard, Claude Allard, historien de Saint-
Antoine ; le numismate François Le Blanc, le géographe
Jean de Beins ; Fine de Brianville et Jacques Vulson de La
Collombière, héraldistes ; Fépigraphiste Etienne Barlet ; le
grammairien Louis-Augustin Alemand; un grand nombre
de littérateurs parmi lesquels lesacadémiciens Pierre Boissat,
Balthazar Baro, qui continua VAstrée d'Honoré d'Urfé,
et Jean-François Leriget de La Faye ; Thomas Delorme ,
Jacques Alluis, Claude Expilly, Claude de Chaulnes, et
Anastasie Serment qui fut une des habituées du salon de
Madeleine de Scudéry ; les poètes latins Antoine du Boys
et Pierre-Louis Sautel ; Jean Millet, poète patois, et Nicolas
Charbot, auteur d'un dictionnaire des patois du Dauphiné ;
les mathématiciens Jean-Hélie Lériget de La Faye, Vincent
Léotaud, Alexandre Calignon, Claude Comiers; l'astronome
Ozias Féronce, le botaniste Pierre Bérard, les chirurgiens
Joseph Couillard, Antoine Davin et Louis de Serres. Enfin,
au xviii^ siècle, les deux frères Etienne Bonnot de Condillac
et Gabriel Bonnot de Mably, Claudine-Alexandrine de
Guérin de Tencin, le poète Gentil-Bernard, l'abbé d'Ar-
tign};, le chevalier de La Morhère, romancier de l'école de
Crébillon fils ; Dubois Fontanelle et Lebrun Tossa, auteurs
dramatiques ; le poète patois Blanc, dit la Goutte, auteur
du Grenohlo Malheroii, et Michel Servan, orateur et pu-
bliciste; l'histoire est représentée avec éclat par le prési-
dent de Valbonnais, le plus autorisé des historiens dau-
phinois, et par Charvet, auteur d'une bonne histoire de
l'église de Vienne, par l'archéologue Moreau de Vérone,
l'abbé Louis Barthélémy et Antoine Albert ; les sciences
par le mécanicien Jacques Vaucanson, le géologue Gratet
de Dolomieu, les botanistes Dominique Chaix, Pierre Lio-
tard, qui fut l'ami de Jean-Jacques Rousseau, et Dominique
Villars, les mathématiciens Dupuy de Bordes et Para du
Phanjas, le médecin Henri-François-Michel Disdier. Une
société littéraire fut fondée à Grenoble en 1780 sous le
nom d'Académie delphinale. Cette société, qui porta pendant
la révolution le nom^ de Lycée et de Société littéraire, a
repris depuis son ancien titre et existe encore aujourd'hui.
Elle a publié une trentaine de volumes de mémoires rela-
tifs surtout à l'histoire du Dauphiné.
Beaux-Arts. — Si le Dauphiné est surtout célèbre par
ses beautés naturelles, ses sites pittoresques et la sauvage
grandeur de ses montagnes, Fartiste et l'archéologue y
trouveront néanmoins d'intéressants sujets d'études dans
les nombreux monuments que les siècles passés ont laissés
sur son sol. Toutes les époques y sont représentées. La
ville de Vienne est un curieux musée de l'art romain avec
son temple d'Auguste et de Livie qui rappelle la maison
carrée de Nîmes, sa porte triomphale, les restes de l'es-
calier monumental qui conduisait du forum à la ville haute,
Temple d'Auguste et de Livie, à Vienne (Isère).
le Plan de l'aiguille dans lequel nos aïeux voyaient le tom-
beau de Ponce-Pilate et qui vraisemblablement faisait
partie d'un grand cirque, les nombreux fragments de mo-
numents et de statues exposés au musée, sans parler de
ceux tels que la Vénus accroupie et le Faune qui sont au
musée du Louvre et d'autres qui se trouvent dans les
musées de Saint-Germain et de Lyon et dans des collec-
tions particulières. De la même époque sont le Taurobole
de Tain et les nombreuses antiquités exposées dans le
musée d'Aoste (Isère). L'art mérovingien est représenté par
la crypte de l'église Saint-Laurent de Grenoble, reste d'une
antique basilique qui a précédé Féghse romane actuelle
construite au xi^ siècle. Du vin® au x^ siècle, fut bâtie
la basilique de Saint-Pierre de Vienne aujourd'hui trans-
formée en musée, laquelle fut presque complètement rema-
niée au XII® siècle, date de la reconstruction de l'abside et
de Fédification de la tour et du porche. L'église Sainî-
André-le-Bas, de la même ville, commencée au x® siècle,
semble n'avoir été terminée qu'au xiii®. Au style roman
appartiennent encore : Saint-Apollinairede Valence, Saint-
Laurent de Grenoble, l'église de Mamans, celle de Saint-
Chef dont le portail est du xv® siècle, Notre-Dame d'Embrun,
Saint-Barnard de Romans, l'éghsede Saint-Marcel-les-Sauzet
et la cathédrale de Saint-Paul-Trois-Châteaux. — Les princi-
paux monuments gothiques sont : Saint-Maurice de Vienne,
où l'on retrouve toutes les phases de l'architecture religieuse
dans cette région du xii® au xvi® siècle ; c'est un édifice
composé de trois nefs sans transept et terminé par une
abside pentagonale sans deambulatorium ; la cathédrale
de Grenoble, dont la tour seule est du xii® siècle, édifice
original, dit Quicherat, dont l'architecte accepta du gothique
le fractionnement des voûtes et des cintres, mais s'abstint
(par suite de la situation de l'égKse adossée au rempart)
de l'emploi des arcs-boutants extérieurs. Dans cette même
église il faut citer le tombeau de l'évêque Aymon de Chissé
(1407) et le Ciborium^ construit par un autre évoque de
Grenoble, Siboud Alleman, àlafmdu xv"^ siècle, deux pré-
cieux morceaux de sculpture architecturale. Au style go-
tliique appartiennent encore l'église Saint-Antoine, l'un
des plus remarquables monuments du Dauphiné, bâtie du
xiii® au XV® siècle et composée de trois nefs sans transept,
la façade d'un merveilleux travail est du xv® siècle ; enfin,
99i
DAUPHINÉ - DAUPHINULE
l'église Saint-André de Grenoble qui contient le tombeau
du chevalier Bayard, et le cloître de la Grande Chartreuse.
Les plus remarquables monuments civils sont, pour
Fépoque féodale, la tour de Crest, celle de Pinet, sur la
com. d'Eyzin-Pinet, celle de Champ, le château de Mon-
tôlimar, et surtout le château de Tallard, imposant édifice
construit au xiii^ siècle et restauré au commencement du
XVI®. — Pour la période de la Renaissance, le palais de justice
de Grenoble, commencé sous Louis XII et terminé sous
Henri IV, avec les élégantes sculptures sur bois qui décorent
la première chambre du tribunal civil; la maison des Têtes à
Valence ; le pendentif et la porte de la maison Dupré-Latour,
dans la même ville ; une maison de la rue des Orfèvres, à
Vienne; le château d'Uriage (xiii®~xvi® siècles) et celui de
Suze-la-Rousse. Pour le xvii® siècle, le château de Vizille,
construit par Lesdiguières, et le tombeau de ce dernier, oeuvre
élégante du sculpteur lorrain Jacob Richier, aujourd'hui con-
servé à la préfecture des Hautes- Alpes ; le château de Gri-
gnan où est morte M^® de Sévigné, etc. A. Prudhomme,
BiBL. : Nicolas Chobier, Histoire du Dauphiné; Gre-
noble, 1661, et Lyon, 1672, in-fol. — Valbonnais, Histoire
du Dauphiné et des princes qui ont porté le nom de Dau-
phins ; Genève, 1722, 2 vol. in-fol. — Jules Taulier, His-
toire du Dauphiné depuis les temps les plus reculés
jusqu'à nos jours; Grenoble, 1855, in-8. — J. Taylor,
Voyages pittoresques et romantiques dans Vancicnne
France; Dauphiné^ Paris, 1854, in-fol. — Beguillet, His-
toire du Dauphiné et description de cette province; Paris,
1782, in-fol. — Gh, Lory, Description géologique du Dau-
phiné; Grenoble, 1860, in-8. — Chantre, Monographie géoto-
giquedes anciens glaciers. — Le Dauphiné préhistorique;
Grenoble, 1885, in-8 (Ext. du Bulletinde V Association frau'
çaise pour l'avancement des sciences. Congrès de Gre-
noble).— Florian Vallentin, De l'Ancienneté de Vhomme
dans la province du Dauphiné (Congrès archéologique de
Vienne, 1879). — G. de mortillet, VIsère préhistorique
(Ext. de l'Homme, journal illustré des sciences anthropo-
logiques, 21« année, n« 15, p. 461). — A. Falsan, Esquisse
géologique du terrain erratique et des anciens glaciers de
la région centrale du bassin du Rhône ; Lyon, 1883, in~8.
— J. Roman, l'Epoque préhistorique et gauloise dans le
dép. des Hautes- Alpes (Congrès archéologique de Vienne,
1879, p. 376). — Allmer, Inscriptions antiques de Vienne
en Dauphiné ; Vienne, 1875, 4 vol. in-4. — A. de Terre-
basse, Inscriptions du moyen âge de Vienne en Dau-
phiné; Vienne, 1875, 2 vol. in-4. — J.-J.-A. Pilit, Recher-
ches sur les antiquités dauphinoises; Grenoble, 1833, 2 vol.
in-8. — • L Drapeyron, De Burgundim historia et ratione
politica Merovingorum œtate; Paris, 1869, in-8. — J. Revil-
LOUD, VArianisme des peuples germaniques qui ont
envahi l'empire 7^om.ain; Paris et Besançon, 1850, in-8. —
Fauché-Prunelle, Recherches sur les anciens vestiges
germaniques en Dauphiné; Grenoble, 1862-1863, in-8.- -—
C.-U.-J. Chevalier, Choix de documents historiques
inédits sur le Dauphiné (Ext. du BiUletin de la Société de
statistique de l'Isère, 3« série, t. VI); Montbéliard, 1874,
in-8. — Du même, Ordonnances des rois de France et
autres princes souverains relatives au Dauphiné ; Colmar,
1871, in-8. — - Du même, Inventaire des A7'chives., des Dau-
phins de Viennois à Saint-André de Grenoble en 13^i6 ;
Lyon, 1871, in-8. —- Statuta delphinalia, hoc est libertates
per illustrissimosprincipes delphinos Viennenses delphi-
nalibus subditis concessse; Gratianopoli, 1619, in-4. — A,
Prudhomxvie, les Juifs en Dauphiné aux xiv<» et xv^ siècles ;
Grenoble, 1883, in-8. — H. Morin, Numismatique féodale
du Dauphiné; Paris, 1854, in-4. — A. de Terrebasse,
Qîuvres posthumes. ISfotice sur les Dauphins de Viennois.
Histoire de Boson et de ses successeurs ; Vienne, 1875, in-8.
— Guiffrey, Histoire de la réunion dM Dauphiné à la
France; Paris, 1868, in-8. ~ Aymari Rivallii Delphinatis
de Allobrogibus libri novem editi cura et sumptibus,
Aelfredi de Terrebasse; Viennee Aliobrogum, 1844,
in-8.— A. Macé, Description du Dauphiné... au xvp siécto,
extraite du premier livre de V Histoire des Allobroges., par
Aymar du Rivail ; Grenoble, 1852, in-12.— Guy Àllard,
Dictionnaire historique du Dauphiné ; Grenoble, 186 i, 2 vol.
in-8. — A. RocîiAs, Biographie du Dauphiné; Paris,
1856, 2 vol. in-8. -- Arnaud, Histoire des protestants du
Dauphiné; Paris, 1875, 3 vol. in-8. — J.-D. Long, la Ré-
forme et les guerres de religion en Dauphiné; Paris, 1856,
in-8. — Ch. Charronnet, les Guerres de religion et la
société protestante dans les Hautes-Alpes; Gap, 1861, in-8.
— • J. Brun-Durand, Mémoire d'Eustache Piémond; Va-
lence, 1885, in-8. -— J. Roman, Catherine de Médicis en
Dauphiné (Bulletin de l'Académie delphinale, 3« série,
t. XVII, pp. 316-340). — Du môme, Documents sur la Ré-
forme et les guerres de religion en Dauphiné {Bulletin de
la Société de statistique de VIsère., d^ série, t. XV) ; Gre-
noble, 1890, in-8. -~ Arnaud, Notice sur les controverses
religieuses en Dauphiné pendant la péiHode de l'édit de
Nantes; Grenoble, 1872, in-8. — Supplément à la Notice sur
^ ',_.., . ^ ,^-- — ^^~, Histoire abrégée
du Dauphiné de 1626 à 1826 ; Grenoble, 1881, in-8. —
J. Brun-Durand, le Dauphiné en 1698 suivant le mémoire
de l'intendant Bouchu; Lyon-Grenoble, 1874, in-8. — Yves
GoLLÉTY, Tentative d'organisation provinciale en Dau-
phiné (1779-1181) ; Voiron, 1885, in-8. ~ Champollion-Fi-
GEAc, Chroniques dauphinoises; Vienne et Grenoble, 1880-
1887, 4 vol. in-8.— Documents historiques sur les origines
de la révolution dauphinoise de 1188, publiés sous les
auspices de la municipalité à Toccasion des fêtes du Cen-
tenaire; Grenoble, 1888, in-8.— J.-A.-Félix Faure, les As-
semblées de Vizille et de Romans en Dauphiné ; Paris-
Lyon-Grenoble, 1887, in-12. — Oct. Chenavas, la Révolu-
tion de 1188 en Dauphiné; Grenoble, 1888, in-12. — Ch.
DuFAYARD, les Origines de la Révolution en Dauphiné;
Grenoble, 1887, in-i2. — Colomb de Batines et Jules
G LLIVIER, Mélanges biographiques et bibliographiques re-
latifs à l'histoire littéraire du Dauphiné ; Valence, 1837,
m-8. ~ Champollion-Figeac et Borel d'Hauterive,
Album historique du Dauphiné; Grenoble, 1846-1847, in-4.
DAUPHINÉ d'Auvergne. Après la mort de Guillaume VII,
comte d'Auvergne (1436), son fils et successeur Guil-
laume yill fut dépouillé par son oncle Guillaume le Vieux,
qui prit le titre de comte d'Auvergne , mais en laissant
cependant à son neveu une partie de la Basse-Auvergne
avec Vodable pour capitale. Guillaume YII quitta alors les
armes d'Auvergne pour prendre celles des dauphins du
Viennois, ses aïeux maternels , et son apanage reçut le
nom de Dauphmé d'Auvergne. C'est là l'origine des
comtes-dauphins d'Auvergne (1155). Parmi les principaux
successeurs du premier comte-dauphin d'Auvergne, nous
citerons : !« son fils, Tiobert, qui protégea les lettres et
mourut en 4234; S*' les deux Béraud, Béraud II et
Béraud III (V. ces noms), qui se distinguèrent dans les
guerres contre les Anglais, La fille de Béraud III, Jeanne,
morte en 4436, porta le dauphiné d'Auvergne dans la
maison de Bourbon par son mariage avec Louis P"^ de
Bourbon, duc de Montpensier. Parmi les dauphins d'Au-
vergne de cette branche, il faut citer Gilbert de Montpen-
sier, qui fut vice-roi de Naples sous Charles VIII, et le
connétable de Bourbon. Après la trahison de ce dernier,
le dauphiné d'Auvergne suivit le sort de ses autres do-
maines confisqués par la couronne, mais Charles IX le
rendit au duc de Montpensier (4560). Après la mort de
la dernière dauphiné d'Auvergne, M^^^ de Montpensier,
la grande Mademoiselle, le Dauphiné d'Auvergne passa par
héritage à la maison d'Orléans, d'où il n'est plus sorti
jusqu'à la Révolution. Au xni® siècle, le Dauphiné d'Au-
vergne comprenait une bande de terrain au S.-O. de
Clermont-Ferrand, ayant à peu près la forme d'un trapèze
dont les sommets auraient été Pontgibaud et Eygurande
vers rO., Issoire et Saint-Ulpize vers l'E. Les dauphins
d'Auvergne possédaient en outre, dans le Bourbonnais, les
enclaves de Chaveroche et de Jaligny. Louis Farges.
DAUPHINELLE (V. Delphinium).
DAUPHINOT (Jean-Simon), homme politique français,
né à Reims le 24 janv. 4824, mort près de Reims le
40 sept. 4889, Grand industriel de Reims, président de
tribunal do commerce (4864), maire de Reims (4868),
conseiller général de la Marne (4869), il dirigea la muni-
cipalité à l'époque délicate de l'occupation allemande avec
un courage et une habileté qui lui valurent une grande
popularité. Elu membre de l'Assemblée nationale le 8 févr.
4871, il siégea au centre gauche, groupe dont il devint
vice-président. Après la législature il fut élu sénateur par
son département le 30 janv. 4876, et réélu au renouvel-
lement du 5 janv. 4879. Il ne posa pas sa candidature en
4888. M. Dauphinot fit partie des commissions les plus
importantes relatives aux questions industrielles .
DAUPHINULE (Delphinula) (Malac). Genre de Mollus-
ques Gastéropodes, de l'ordre des Prosobranches Scuti-
branches, créé par Lamarcken 4 803 pour une coquille dis-
coïde ou conique, solide, ombiliquée; tours de spire parfois
désunis, couverts d'épines, de digitations et d'aspérités ;
ouverture entière, arrondie, à bords ordinairement réunis.
Type : Delphinula laciniata Lamarck. Les espèces de ce
DAUPHINULE — DAUSSOIGNE
992 -
genre habitent l'océan Indien, la mer des îles Philippines,
les côtes de F Australie. J. Mabille.
DAUPRAT (Louis-François), corniste célèbre, né à Paris
le 24 mai 4781, mort à Paris le 16 juil. 1868. 11 entra
au Conservatoire et fut le plus brillant élève de Kenn. Il fit
partie de la musique de Farmée d'Italie (1800). De retour
à Paris il rentra au Conservatoire pour y étudier la compo-
sition avec Gossec. En 1806, il partit pour Bordeaux et
demeura deux ans à l'orchestre du théâtre. Appelé à l'Opéra
de Paris, il y remplaça son maître Kenn, puis Duvernoy
comme cor solo. Il demeura à l'Opéra vingt-trois ans. Il fit
partie de la chapelle de Napoléon et de Louis XVIII. En
1 802, il fut nommé professeur adjoint au Conservatoire, puis
titulaire en 1816 (1^^ avr.). Il prit sa retraite en 1842
(15 nov.). Il composa beaucoup pour le cor. M. Fétis
(Biogr. des musîc) donne le catalogue détaillé de ses
œuvres.
DAURADE. I. Ichtyologie. -— Nom vulgaire du genre
Chrysophrys Cuv., genre de Poissons osseux (Téleostéens),
de l'ordre des Acanthoptérygiens Perciformes et de la
famille des Sparidœ^ ayant pour caractères un corps
oblong, comprimé, couvert d'écaillés assez grandes, den-
telées, la nageoire dorsale armée de onze à douze épines
pouvant se replier dans un sillon. Trois épines à l'anale,
les mâchoires armées de cinq à six canines en avant et de
trois séries de molaires arrondies, situées sur chaque côté.
On connaît environ trente formes appartenant à ce genre,
propres aux mers tropicales ; deux habitent les côtes de
Chrysophrys aurata.
France. L'une de ces dernières est le Chi^ysophnjs aurata.
Le dos est d'un bleu foncé, les flancs d'un jaune argenté,
relevé par des lignes brunâtres, le ventre est blanc d'argent;
des points blancs régnent le long du dos, une large tache
dorée orne la joue ; la dorsale est bleuâtre, les ventrales
violettes ; les autres nageoires sont grisâtres. Rocher.
IL Pêche. — La daurade commune, qui est abondante
dans la Méditerranée, se rapproche des côtes en été ; on la
prend alors dans les bordigues et autres engins fixes, ou
au feu, avec la fouine ; en pleine mer la daurade se pcche
au tramait, avec des verveux ou avec le bregin, grande
seine ayant un manche au milieu ; la pêche se fait égale-
ment à la ligne amorcée de coquillages. E. Sauvage.
III. Art culinaire. — La daurade, qu'il ne faut pas
confondre avec la dorade, est fort recherchée pour l'ex-
cellente saveur de sa chair blanche, ferme et très salubre,
surtout celle des individus péchés dans les étangs profonds
et non vaseux. Les Romains avaient ce poisson en haute
estime et en faisaient élever dans les lacs intérieurs, prin-
cipalement dans le lac Lucrin. Une bonne manière de le
préparer est de le faire cuire sur le gril et de le servir avec
une sauce tomate ou toute autre sauce un peu relevée. Sur
les bords delà Méditerranée espagnole, on en fait des salai-
sons dont une grande partie est destinée à l'exportation;
on le conserve aussi confit dans du vinaigre.
BiBL. : Ichtyologie. — Gunther, Study of Fishes. —
Sauvage, dans Brehm, édit. fr. ; Poissons.
DAURIAC (Philippe), littérateur français (V. Auriag
[Philippe-Eugène-Jean-Marie d'J ) .
DAURIAC (Lionel), philosophe français, né à Brest le
19 nov. 1847, fils du contre-amiral Dauriac, né à Brindisi
le n févr. 1882, mort à Brest le 8 oct. 1878. Il acheva
au lycée Louis-le-Grand ses études commencées à Brest et
entra à FEcole normale en 1867. Après un court passage à
Pontivy (1871), il enseigna la philosophie au lycée' de
Brest, de janv. 1872 à oct. 1879. Agrégé de 1872, il
soutint en mars 1878 ses thèses de doctorat: De Hera-
clito Ephesio et Des Notions de matière et de force dans
les sciences de la nature. Maître de conférences à la
faculté de Lyon en 1879, suppléant à Toulouse en 1881,
il est depuis 1882 professeur de philosophie à la faculté
des lettres de MontpeUier. Il a collaboré à la Revue bleue
(Fernand Papillon, déc. 1877, et la PsychoL allem.
contemp., sept. 1879) ; à \sl Revue philosophique et snr-
tout à la Critique philosophique de M. Renouvier, dont
il est un des principaux disciples. Il a recueilli ses articles
les plus importants sous ce titre : Croyance et Réalité
(Paris, 1889, in-18).M. Dauriac est un des collaborateurs
de la Grande Encyclopédie, qui lui doit notamment l'ar-
ticle Criticisme. h. M.
DAUSQUE (Claude), philologue et théologien belge, né
à Saint-Omer en 1566, mort à Tournai en 1644. Il fut
jésuite pendant quelque temps, puis quitta l'ordre pour
occuper un canonicat à la cathédrale de Tournai. Il com-
posa un assez grand nombre d'opuscules de controverse,
notamment à propos du fameux synode de Dordrecht, mais
ses écrits philologiques sont beaucoup plus célèbres. Son
ouvrage capital est l'édition, avec commentaires, de Silius
ItaHcus publiée à Paris en 1618. Il y fait preuve de beau-
coup d'érudition, mais l'esprit critique lui fait défaut. E. H.
BiBL. : Paquot, Mémoires pour servir à l'histoire litté-
raire des dix-sept provinces des Pays-Bas ; Louvain, 1765-
1770, 8 vol. in-fol. — Lemaistre d'AnstaiiNg, Recherches
sur la cathédrale de Tournai; Tournai, 1845, 2 vol. in-8.
DAUSSE. Corn, du dép. de Lot-et-Garonne, arr. de
Yilleneuve-sur-Lot, cant. de Penne; 421 hab.
DAUSSE (Marie-François-Benjamin), ingénieur français,
né à Grenoble (Isère) le 28 janv. 1801, mort à Grenoble
le 16 janv. 1890, fils de l'ingénieur Joseph-Henri Dausse
(1745-1816). Les recherches de Dausse ont porté prin-
cipalement sur le phénomène de la pluie et sur l'écoulement
de l'eau dans les rivières ; on cite souvent la première loi
DE Dausse : La hauteur de la pluie annuelle croît en
général avec l'altitude jusqu'à une certaine limite
{Annales des ponts et chaussées de 1842; Hydraulique
fluviale de Lechalas, p. 15). La seconde loi de Dausse
n'est pas moins connue : les pluies d'été ne profitent
point aux cours d'eau {Hydraulique fluviale^ p. 62).
C'est surtout dans le bassin de la Seine que Dausse a pour-
suivi ses études, et l'on s'en aperçoit par sa seconde loi,
qui se rapproche des faits surtout en ce qui concerne les
bassins où les terrains perméables ont une grande impor-
tance. Dans ce cas l'eau tombée en été s'arrête dans la
couche supérieure du sol et est ensuite complètement éva-
porée, réserve faite, bien entendu, des pluies prolongées et
des pluies abondantes tombant sur des surfaces très dé-
clives. On a de Dausse, outre un grand nombre de
brochures sur le même sujet ou sur des sujets connexes :
Pluie^ évaporation, déboisement (Annales des ponts et
chaussées de 1842, premier semestre). Il a aussi donné au
même recueil un article sur le Halage à grande vitesse
(1835, l*'^ semestre), et pubhé à part deux grandes bro-
chures sur Fendiguement du Tibre et une Note sur Cen-
diguementde r Isère (Grenoble, 1850, in-8). M.-C. L.
DAUSSGIGNE-Méhul (Louis- Joseph), musicien français,
né à Givet le 10 juin 1790, mortà Liège le 10 mars 1875.
Neveu de Méhul, il l'eut pour maître et travailla aussi avec
Catel. En 1807, il remporta le deuxième grand prix de com-
position pour sa scène lyrique [Ariane à Naxos), en 1809
le premier grand prix. A Bomeil écrivit Robert Guiscard^
et revint à Paris dans le vain espoir de le voir représenter.
La mauvaise chance persécuta d'ailleurs l'artiste durant
toute sa carrière : il ne put faire jouer ni le Faux Inqui-
siteur, ni le Testament^ m les Amants corsaires, et un
autre ouvrage, Aspasie (1820), n'eut qu'un médiocre suc-
cès à l'Opéra. Il arrangea en récitatifs le dialogue de la
Stratonice de Méhul, et acheva la Valentine de Milan du
célèbre compositeur, qui, jouée en 1822, obtint un grand
succès. Mais un acte du jeune musicien, les Deux Salem,
ne réussit pas, et le sujet des Deux Nuits, qui lui avait
été confié, lui fut retiré. Découragé, Daussoigne-Méhul quitta
Paris où il professait l'harmonie (au Conservatoire), et ac-
cepta la direction du conservatoire de Liège (1827). 11
gouverna cet établissement avec intelligence, y forma d'ex-
cellents élèves, mais ne composa plus que des morceaux de
circonstance, entre autres une cantate pour le retour du
cœur de Grétry (1828), et une cantate nationale intitulée
une Journée de la Révolution (1834). Il a publié de
nombreux écrits dans le Bulletin de l'Académie royale de
Belgique, dont il faisait partie depuis 1846, Alfred Ernst.
BiBL. : Le Guide musical (année 1875). — F.-J. Fétis,
Biogr. univers, des musiciens ; Paris, 1875, t. II, in-8,
2« éd., et Supplém.^ t. l.
DAUTHE (Joh.-Fried-Karl), architecte et graveur, né
à Grosschocher en 1749, mort à Leipzig en 1816. Inten-
dant des bâtiments publics de la ville de Leipzig, il y con-
struisit la célèbre salle de concert, le « Gewandhaus », qui
passe aujourd'hui encore pour un modèle d'acoustique.
DAUTHEVILLE (François), général et homme politique
français, né à Chalençon (Ardèche) le 8 mai 1792, mort
à Chalençon le 9 mai 187o. Sorti de FEcole polytechnique
et de l'Ecole d'application de Metz, il prit part en 1813 aux
dernières campagnes deFEmpire, en qualité d'officier du gé-
nie. En 1848, il était colonel du 3^ régiment du génie et se
présenta à l'Assemblée constituante où il fut élu le troisième
sur la liste départementale. Il vota avec la droite et ne fut
pas réélu à l'Assemblée législative. Nommé en 1852 général
de brigade, il devint, en 1854, membre du Corps législatif
comme candidat du gouvernement impérial et, en 1858,
président du conseil central des Eglises réformées. Réélu
député en 1863, il obtint la presque unanimité des suffrages,
et en 1869 ne passa qu'au scrutin de ballottage. Après la
révolution du 4 sept. 1870, il se retira de la vie publique.
DAUTON (Jean) (V. Auton [Jean d']).
DAUTRESME (Auguste-Lucien), homme politique fran-
çais, né à Elbeuf le 21 mai 1826. Elève de FEcole polytech-
nique, il fut de 1846 à 1848 ingénieur de la marine. Puis
il s'occupa de musique et écrivit d'agréables compositions.
Le 28 mai 1862 , il fit représenter au Théâtre-Lyrique un
opéra-comique en un acte, Sous les Charmilles, et le
11 déc. 1867, un opéra en trois actes, Cardillac, qui
obtint un certain succès. Il écrivit encore la critique musi-
cale dans le Paris-Magazine, Il débuta en 1871 dans la
vie politique, se présenta d'abord sans succès aux élections
législatives dans la Seine-Inférieure (8 févr.), entra au
conseil général comme représentant d'Elbeuf et fut élu
député de Rouen, avec un programme républicain, le
20 févr. 1876. Membre des 363, il fut réélu le 14 oct.
1877, puis le 21 août 1881 et le 4 oct. 1885. Il vota
tantôt avec le parti opportuniste, tantôt avec la gauche
radicale. Le 9 nov. 1885, il entrait dans le cabinet Brisson
comme ministre du commerce, tombait avec lui le 28 déc.
de la même année et reprenait le 30 mai 1887, le porte-
feuille du commerce et de l'industrie dans le cabinet
Roiivier. Il s'occupa activement de l'organisation de l'Ex-
position universelle de 1889, demeura titulaire de son
portefeuille dans le cabinet Tirard du 12 déc. 1887, et le
conserva jusqu'au 30 mars 1888. Depuis, il se prononça
contre le boulangisme, fut réélu député par Rouen aux
élections générales de 1889, et enfin élu sénateur de la
Seine-Inférieure en janv. 1891.
DAUTRICHE (Jacques-Sébastien), homme politique
français, né à Saint-Jean-d'Angely le 26 nov. 1750, mort à
Saint-Jean-d'Angelyle20 janv.''l830. Président du tribunal
du district de Saint-Jean-d'Angely et de la Société popu-
laire de cette ville, il fut élu député à la Convention par
le dép. de la Charente-Inférieure. Il siégea au centre et,
dans le procès de Louis XVI, vota l'appel au peuple, la
détention, le sursis. Membre du conseil des Anciens jusqu'au
20 mai 1798, il devint en 1800 juge au tribunal d'appel
de Poitiers. Il prit sa retraite en 1824 et revint se fixer
dans sa ville natale. F.-A. A.
GRANDE E^XYCL0PÉD1E. — Xlll.
- 993 - DAUSSOIGNE — DAUVET
BiBL. '. Epchassériaux, Assemblées électorales de la
Charente-Inférieure ; Niort, 1868, in-8,
DAUTZENBERG (Jean-Michel), littérateur belge, né à
Heerlen le 6 déc. 1808, mort à Ixelles le 4 févr. 1869. Pro-
fesseur, puis employé de banque, il consacra ses loisirs au
culte des lettres néerlandaises, et publia une traduction en
vers métriques des Odes d'Horace, et ensuite de nombreuses
poésies dans lesquelles domine l'influence de la Httérature
allemande. Elles ont été réunies après sa mort sous le titre
de Verspreideennagelatene gedichten (Bruxelles, 1869,
in-8). Dautzenberg avait écrit aussi une Prosodie de la
langue néerlandaise (Anvers, 1851), et des Entretiens
sur l'histoire de Belgique (Gand, 1858). Ces deux ou-
vrages furent couronnés par l'Académie royale des Pays-
Bas. Il fut en 1859 un des fondateurs du journal pédago-
gique De Toekomstl et en 1862 il dirigea la revue Htté-
raire, Het Nederduitsch Tydschrift.
DAUVER6NE (François-Jean), jurisconsulte, né àBeau-
vais en 1700, mort en 1775. Il appartenait à une famille
qui donna un maire à Beauvais au xvi« siècle et un député
aux états provinciaux de Pontoise en 1651. Il a publié
plusieurs ouvrages de jurisprudence. C. St-A.
DAUVERGNE (Antoine), compositeur français, né à
Clermont-Ferrand le 4 oct. 1713, mort à Lyon le 12 févr.
1797. Il se produisit d'abord comme violoniste, et composa
en 1752 son premier ouvrage dramatique, l'opéra-ballet
les Amours de Tempe, suivi en 1753 du célèbre opéra-
comique les Troqueurs, qui est regardé comme l'un des
premiers spécimens du genre. Puis vinrent EnéeetLavinie,
les Fêtes d'Euterpe, Canente, Pyrrhus et Polixène, la
Vénitienne, etc. Chef d'orchestre de l'Opéra depuis 1751,
Dauvergne fut quatre fois directeur de ce spectacle, en
même temps que directeur du Concert spirituel et surin-
tendant de la musique du roi. M. Br.
BiBL. : Campardon, l'Académie de musiaue au xviip
siècle ; Paris, 1884, t. I.
DAU VERNE (François-Georges-Auguste), virtuose sur
la trompette, né à Paris le 15 févr. 1800, mort à Paris le
5 nov. 1874. A l'âge de quatorze ans il fut admis dans la
musique des gardes du roi (1^^ juil. 1814) ; il y resta
attaché jusqu'en 1830. Le l^^janv. 1820, il entra à FOpéra
et y resta jusqu'en 1851. Il fit partie de la chapelle royale
jusqu^en 1848. En 1833, il fut nommé professeur au
Conservatoire. Il écrivit plusieurs compositions pour trom-
pette et une méthode pour cet instrument (Paris, 1857,
gr. in-4) .
DAUVET (Jean), jurisconsulte et homme politique fran-
çais, né vers 1400, mort le 23 nov. 1471. Il était issu
d'une famille noble d'Anjou. Son aïeul, Simon Dauvet, avait
été chambellan de Charles V ; son père, Jacques Dauvet,
sénéchal d'Anjou, avait suivi le roi René en Italie, où il était
mort. J. Dauvet, simple cadet de famille, étudia le droit et
chercha fortune dans le barreau. Après avoir été conseiller
de René d'Anjou, il passa au service de Charles VIÏ, qui le
chargea de plusieurs missions à Rome, près du concile de
Bàle, en Bourgogne, et le nomma son procureur général
au parlement de Paris (1446). Ce fut hii qui poursuivit
Jacques Cœur (V. ce nom) et lui signifia sa condamnation
à Poitiers (1453). Il le remplaça même en quahté de
commissaire du roi près des états de Languedoc et fut
chargé d'exploiter, au nom de Charles VU, les mines de
plomb et d'argent que le riche financier possédait dans le
Lyonnais et le Beaujolais, A cette occasion, il publia un
règlement général des mines, document très curieux qui
fait connaître tous les détails de l'administration et de l'ex-
ploitation des mines à cette époque. Ce fut lui encore qui
eut à requérir la condamnation de Jean V d'Armagnac
(mai 1460). Bien qu'il eût servi Charles VII, il eut l'adresse
de plaire à Louis XI qui, par lettres du 16 oct. 1461,
lui donna Fofïice de premier président du parlement de
Toulouse aux gages de 600 livres t. par an. Après avoir
utilisé son habileté pendant la ligue du Bien pubhc, ce
le prince nomma premier président du parlement de Paris
63
DAUVET — DAVANZATI
994 -
(T noY. 1465). Il laissa trois fils, dont l'un, Guillaume
DauYet, fut maître des requêtes de l'hôtel du roi.
BiBL. : Anselme, VIII, 774. — Les Chroniqueurs de
V époque. — Biogr. toulousaine^ 1823, 1, 435. — S. Luge,
Revue des questions historiques, XXI,18'17,p. 179. — Pièces
originales (èi la Bibl. nat.), DCCCCLXXXI, surtout les n*»^ 6
et 155.
D'AUVILLIERS (Nicolas Dorné, sieur), acteur français,
né vers 4640, mort fou à Charenton le 45 août 4690. Il
faisait partie de la troupe du théâtre du Marais, lorsqu'en
4673 il passa dans celle du théâtre Guénégaud ; il fut
conservé lors de la réunion des deux troupes, en 4680, et
chargé, en même temps que des seconds et troisièmes rôles
tragiques, de quelques rôles dans le haut comique. Extrê-
mement laid de visage, il possédait une voix flexible et
touchante, et son talent était fort distingué. C'est lui qui
créa les rôles d'Abderamen dans Zaïde^ d'Oreste dans
V Or este de Leclerc et Boyer, et de Mannius dans le Réguhis
de Pradon. Le 27 avril 4672, étant encore au Marais, ii
avait épousé une de ses camarades à ce théâtre, Victoire-
Françoise Poisson, fille de Raymond Poisson, qui le suivit
au théâtre Guénégaud, et qui fut obligée de prendre sa
retraite en 4680. Elle accepta néanmoins par la suite
l'emploi de souffleuse, qu'elle rempUt à la Comédie jus-
qu'au 46 nov. 4748. Elle se retira alors à Saint-Germain-
en-Laye, où elle mourut le 42 nov. 1733, dans un âge
très avancé. A. P.
DAUX. Corn, du dép. de la Haute-Garonne, arr. de
Toulouse, cant. de Grenade-sur-Garonne ; 576 hab.
DAUX (Isbrand), seigneur de Crissier et de Rilly, né
aux environs de 4520. Un des membres les plus riches et
les plus ambitieux de la noblesse vaudoise, il servit avec
une ardeur passionnée les intérêts de la maison de Savoie.
Nommé bourgmestre de Lausanne, il complota de livrer
la ville à Fennemi, mais, la veille même du jour fixé pour
l'exécution du complot, Isbrand Baux se laissa entraîner à
en révéler tous les détails à Claude de Crousaz, un de ses
cousins, dont il désirait vivement s'assurer le concours. La
perspective du massacre qui allait ensanglanter Lausanne
effraya ce dernier qui n'hésita pas à dénoncer ses amis au
représentant de Berne. Isbrand Baux parvint à s'enfuir ;
condamné par contumace à la peine de mort et à la confis-
cation de ses biens, il mena à Evian l'existence misérable
d'un proscrit. — Son fils, Georges Baux, coseigneur de
Prilly et grand sautier de la ville de Lausanne, après avoir
partagé ses errements politiques, termina comme lui ses
jours dans l'exil. Ernest Strqehlin.
DAUZAT Bembârrêre (Pierre-Marie^-Benoît) , homme
politique français, né à Lourdes le 47 avr. 4809, mort à
jBagneux (Seine) le 24 oct. 4878. Avocat à Paris en 4833,
il fut nommé substitut près le tribunal civil de Lourdes,
puis procureur du roi et démissionna en 4848. Conseiller
général des Hautes-Pyrénées, il se rallia à l'Empire, fut
élu député des Hautes-Pyrénées au Corps législatif, le
29 févr. 4852, et réélu le 22 juin 4857. H était candidat
ofiiciel en ces deux circonstances. Il a écrit : Petit Voyage
autour de la grande question allemande (Paris, 4*868,
m-8) ; Histoire politique de la grotte de Lourdes (Paris,
4872, in-I2).
DAUZATS-suR-VoDABLE. Com. du dép. du Puy-de-Bôme,
arr. d'Issoire, cant. d'Ardes ; 400 hab.
DAVAINE (Casimir- Joseph), médecin-naturaliste fran-
çais, né à Saint-Amand'les-Eaux (Nord) le 49 mars 4842,
mort à Garchesle 43 oct. 4882. Elève et collaborateur de
Rayer, son maître aux hôpitaux, reçu docteur en 4837, il
exerça la médecine à Paris. Il fut nommé en 4849 membre
de la Société de biologie, et, malgré une série de travaux
remarquables, en 4868 seulement, membre de l'Académie
de médecine ; l'Institut ne se décida pas à lui ouvrir ses
portes. Bavaine est l'auteur d'une quantité prodigieuse de
mémoires remarquables sur la physiologie expérimentale,
les parasites des animaux et des végétaux, sur la contagion
et le traitement des maladies charbonneuses, sur la septi-
cémie, etc., dont un grand nombre ont été récompensés
par nos corps savants. Son Traité des entowaires et des
maladies vermineuses (Paris, 4859, in-8, fig. ; 2" édit.,
4877) « est le plus savant et le plus complet sur ce sujet
difficile » (Laboulbène) ; signalons encore : De la Para-
lysie générale et partielle des deux nerfs de la sep-
tième paire (Paris, iS^'i^ ïn-S) ; Recherckes sur Van-
guillule du blé niellé (Paris, 4857, in-8, pi.) ; Recherches
sur la génération des huîtres (Paris, 4853, in-8, pi.) ;
Mémoire sur les anomalies de /'cBti/* (Paris, 4864, in-8,
pi.) ; Etude sur la genèse et la propagation du charbon
(Paris, 4870, in-8), etc., etc. Mais le plus beau titre de
gloire de Bavaine, c'est d'avoir découvert, dès 4850, la
nature du virus charbonneux, la bactéridie du charbon
(V. ce mot) et de la pustule maligne; ce fut le point de
départ de toute une série de travaux sur la septicémie
(V. ce mot), sur les septicémies expérimentales ; mais ce
fut surtout le point de départ de toute une science nouvelle,
la bactériologie ou la microbiologie, et il a été par là le vrai
précurseur de Pasteur. 1> L. Hn.
DAVAINEA (ZooL). Genre de Cestodes dédié à C. Ba-
vaine, créé en 4894 par R. Blanchard et A, Railliet pour
des Téniadés des Oiseaux. L'état larvaire d'une seule espèce
(D. bothrioplites) est connu : c'est un Cysticercoïde hé-
bergé par des Gastéropodes terrestres {Hélix carthusia-
'ne lia et H, maculosa), R. Bl.
DAVALLIA (Bot.). Genre de Fougères, type de la tribu
des Bavalliées, famille des Polypodiacées, à sores termi-
naux ou dans les dichotomies des nervures, avec indusie,
ou bien encore situés sur un arc anastomotique intra-mar-
ginal et recouverts par une indusie cupuliforme libre sur
sa face externe. Frondes herbacées ou coriaces, pennées ou
décomposées-pennées. Rhizome rampant. Cinquante espèces
environ, originaires de la zone des tropiques et dont plu-
sieurs sont cultivées dans nos terres froides et tempérées.
DAVANZATI (Chiaro), poète italien, né à Florence, qui
florissait au xin® siècle. Tout ce qu'on sait de sa biographie
se réduit à deux faits : il figure parmi les combattants de
la bataille de Monteaperti (4260) et il était mort avant
4280, laissant une veuve et plusieurs enfants. On a de lui
un grand nombre de chansons amoureuses et de sonnets
qui comptent parmi les meilleures productions de la poésie
lyrique primitive de l'Italie. L'imitation des troubadours y
est sensible, mais en imitant, Chiaro Bavanzati ne manque
pas d'originalité. Il est supérieur à Guittone d'Arezzo et il
fait penser à Guidone Guinicelli. La plupart de ses poésies
figurent dans les t. III et IV du recueil de MM. d'Ancona
et Comparetti intitulé le Antiche Pdmevolgari (Bologne,
4875 et suiv.). Ant. T.
DAVANZATI (Bartolomeo) , poète italien, né à Florence
en 4395, mort vers 4480. On connaît de lui un conte en
vers intitulé : Novella di Matteo e del Grasso Legnaiuolo
per Bartholomeo Davanzati, cittadino fiorentino^ al
sapientissimo Giovine Coximo di Bernardo Ruccellai
(Florence, vers 4480). Ce conte narre une plaisanterie
dont fut victime, de la part de Brunellesco, de Bonatello
et d'autres, un certain Manette, dit il Grasso Legnaiuolo
(le gros charpentier), artisan en marqueterie ; on en arriva,
paraît-il, jusqu'à lui faire croire qu'il n'était pas lui-
môme, mais bien un autre, un nommé Matteo. L'anec-
dote, certifiée par Manni, se retrouve dans une ancienne
vie de Brunellesco, Vita di Filippo di Ser Brunellesco,
publiée pour la première fois en 4842 à Florence. Il y a
du conte de Bavanzati des versions en prose : Novella del
Grasso Legnaiuolo (Florence, 4554), R. G.
Bibl.: G. Passano, I Novellieri italiani in verso ; Bo-
logne, 1868, in-8. — Du même, J Novellieri italiani in
prosa ; Turin, 1878, in-8.
DAVANZATI Bostichi (Bernardo), littérateur italien, né
à Florence le 30 août 4529, mort le 29 mars 4606. Très
taciturne, il avait pris, à l'académie des Alterati, ce nom
caractéristique : // Silente^ le Silencieux, avec pour devise :
Strictius^ Arctius, Il fut presque aussi muet comme écri-
- 99^
DAVANZATI ^ DAVENANT
vain, et ne donna que trois ouvrages: Traduzione di
lacito, qui parut après sa mort (Venise, 1658; réim-
pressions : Padoue, 1755; Bassano, 1790); il s'y efforce
à un laconisme tel qu'il ne donna pas plus de dix mots
italiens pour neuf mots latins, tandis qu'une précédente
traduction française (Paris, 1584) employait, pour dix mots
latins, près de quinze mots; cette puérilité le rendit cé-
lèbre; Storia dello Scismo d'Inghiltera (Rome, '1600),
qui passe pour n'être que le résumé de l'ouvrage latin de
Sanderus ; à la suite de l'ouvrage précédent (édition de
Florence, 1638) : Notizia de' Cambj ^ Lezione délie
monete, Orazione in morte del gran duca Cosimo I,
Dicerie o Cicalate; un traité d'agriculture, Coltivazione
toscana délie viti e d'alcimi arbori (Florence, 1600 et
1621); Del Modo di piantare e custodire una ragnaja
e di uccellare a ragna (Florence, 1790), ou manière
de prendre au filet les oiseaux de passage. R. G.
BiBL. : FoNTANixi, BibUoteca delV eloquenza italiana
(édition Apostolo Zeno) ; Venise, 1753, 2 vol. in-4. — Re,
Dizionavio dei libri d'agricoltura ; Venise, 1808-1809,
4 vol. in-8.
DAVANZO (Jacopo), peintre duxiv® siècle (V. Avânzi).
DAVAYAT. Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr. de
Riom, cant. de Combronde ; 501 hab.
DAVAYÉ. Com. du dép. de Saône- et- Loire, arr. et
cant. (S.) de Màcon ; 585 hab.
DAVE (Davus), nom d'un esclave de la comédie romaine.
Ce nom est probablement nne transcription du grec AaFoç,
Aao^ variante de Aaxoi qui signifie Daces. Davus signi-
fierait alors le Dace comme Geta le Gète, Syrus le Syrien,
conformément à l'habitude romaine de désigner les esclaves
d'après leur lieu d'origine. Ce personnage rusé, goguenard,
qui soutient les enfants contre les pères et les aide à duper
ceux-ci, n'a pas été utilisé par Plaute qui fait cependant un
Dave père du Sosie de V Amphitryon; d'autre part il n'est
connu que par un vers d'une Palliata^ œuvre d'un auteur
inconnu, mais il joue un rôle des plus importants dans
deux pièces de Térence, le Phormion et surtout l'An-
drienne. Ce qui lui mérite surtout notre attention c'est
que, comme notre Scapin ou notre Frontin, Dave est de-
venu pour les Romains un type, presque un nom commun,
servant à désigner toute une classe de personnages comiques.
Horace {Sat,^ I, x, 40; II, v, 91) et Perse appellent de
son nom l'esclave qu'ils mettent en scène dans leurs satires ;
bien plus, Horace le prend comme type sinon pour l'opposer
à un héros {Art poét,^ 114), car le passage est contesté,
tout au moins pour montrer la différence qu'il y a entre
un esclave et Silène (Hor., Art poét,, 237-239). S. D.
BiBL. : KiTSCHL, Quaestiones 0?ioma£., dans ses OpttscuZa
philologica; Leipzig, 18(57-79, t. III, pp. 301 et siiiv.
DAVEJEAN. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Carcas-
sonne, cant. de Monthoumet ; 346 hab. Mine de plomb
argentifère connue et exploitée, dit-on, dès l'époque ro-
maine ; l'exploitation en fut reprise au xvit^ siècle ; on
l'appelle la mine de Couize. Citée dès Fan 1024, cette
localité appartenait aux seigneurs de Termes ; elle fut ven-
due en 1261 par le dernier représentant de la famille,
Olivier, au roi saint Louis. Plus tard, la seigneurie appar-
tint aux Barre, famille du pays qui se constitua une petite
baronnie dans les montagnes.
BiBL. : Maiiul, Cartulaire de Carcassonne^ III, 384-392.
DAVEL (Jean-Daniel-Abraham), patriote suisse, né à
Monens, près Lausanne, le 22 oct. 1670, exécuté à Vidy,
près Lausanne, le 24 avr. 1723. Ses débuts miUtaires se
firent en 1691 sur les bords du Pô dans un régiment prêté
au duc de Savoie par le stathouder. L'année suivante, il
accompagna dans les Pays-Bas son compatriote, le général
de Sacconay, parvint au grade d'aide-major, et par son
courage attira l'attention de Guillaume IIl, puis du prince
Eugène et de Marlborough. Un déni de justice l'amena en
1708 à passer brusquement sous les drapeaux delà France.
Promu à la dignité de major, il se retira en 1712 sur les
bords du Léman, où il observa les rapides progrès que fai-
sait parmi le peuple le mécontentement contre la domination
étrangère. Le 30 mars 1723, Davel profita du départ des
baillis pour Berne où les appelaient de prochaines élections
pour réunir à Cully les milices, et marcher le lendemain
avec elles sur Lausanne où il entra tambour battant. Après
un moment de stupeur, les magistrats de la ville le firent
arrêter et prévinrent les Excellences de Berne. Mis à la
torture, Davel ne cessa de parler de la mission supérieure
que lui avait donnée la Providence, et de soutenir qu'il
n'avait pas eu de complices. Condamné à mort, il fut exé-
cuté le 24 avr. 1723 à Vidy, près Lausanne. Il mourut
avec courage. Son héroïque dévouement ne fut pas perdu ;
Berne cessa ses plus criants abus, et à mesure que le pays
de Vaud approcha de l'heure de l'indépendance, la victime
se transforma en héros.
DAVELUY (Amédée), érudit fran{jais,né en 1799, mort
à Athènes en 1867. Elève de l'Ecole normale (promotion
de 1818), il enseigna dans divers collèges de province,
puis au lycée Henri IV à Paris et devint en 1846 direc-
teur de l'Ecole d'Athènes, poste qu'il occupa avec une
haute distinction. Daveluy fut nommé,en 1862, inspecteur
général honoraire. Il a collaboré avec Quicherat au Dic-
tionnaire latin-français (Paris, 1844, in-8, plusieurs
éd.) si connu.
DAVENT (Léonard) (V. TmRY de Deventer [Léonard]).
DAVENANT (John), théologien anglais, né en 1576,
mort en 1641. A l'université de Cambridge, il se fit re-
marquer par l'étendue de ses connaissances et la sûreté de
son érudition. Désigné par Jacques P^ comme membre du
synode de Dort (1618), il fut nommé évêque de Salisbury,
trois ans après. D'un caractère intègre, inflexible dans ses
principes fortement empreints de puritanisme, il se tint
éloigné de la cour de Charles P*" et se consacra entièrement
à l'étude de la théologie. On lui doit un grand nombre
d'ouvrages importants : Prœlectiones de duobus in theo-
logia controversis capitibus ; De Judice controver-
siarum primo; De Justitia habituali et actuali
(Cambridge, 1631); Expositio epistolce D. Pauli ad
Colossenses (Cambridge, 1639) ; Determinationes quœs-
tionmn qnœrumdam theologicarum (1634). Il composa
en anglais : Animadversions upon a treatise latehj
piiblished by S. Iloard and entitled God'^s love to
mankind (Cambridge, 1641). G. Q.
DAVENANT (Sir William), poète et auteur dramatique
anglais, né à Oxford en 1606, mort à Londres en 1688.
Fils naturel de Shakespeare et d'une hôtelière d'Oxford, il
écrivait dès l'âge de douze ans une ode en l'honneur du
grand poète. Après quelques études à Oxford, il entra
comme page chez la duchesse de Richmond, puis chez lord
Brooke, le poète. De 1628 à 1638, il écrivit une quantité
de pièces dont the Cruel Brother et the Wits sont les
moins mauvaises. Nommé poète lauréat à la mort de Ben
Johnson, il perdit le nez à cette époque, servit dans
l'armée royale pendant la guerre civile, fut créé chevalier
au siège de Gloucester (1643), passa en France après la
chute du roi et fit partie de la maison d'Henriette d'An-
gleterre. Ayant voulu conduire des colons en Virginie,
il fut pris en mer et n'échappa à la mort que par l'inter-
vention de Milton qu'il protégea à son tour à la rentrée
des Stuarts. Ce fut Davenant qui donna en 1660 ce qu'on
peut appeler le premier opéra sur la scène anglaise avec la
première actrice qui ait paru sur les planches, mistress
Coleman. Il faut aussi lui accorder le mérite d'avoir con-
tribué à tirer le drame de l'obscurité totale où il était sous
les puritains. Ses œuvres, comprenant des tragédies, des
comédies, des mascarades, des poésies, entre autres un
poème épique, Gondibert, qui eut un grand succès, sont
tombées dans l'oubli. Elles ont été réunies en 1673 en
5 vol. in-8, puis rééditées en 1872-1874. Hector Fra^nge.
DAVENANT (Charles), homme politique anglais, né en
1653, mart le 6 nov. lifl4, fils du précédent. Il siégea
dans les parlements de Jacques II et de Guillaume Ht. H est
connu par la publication d'un grand nombre de pamphlets
sur divers détails de l'organisation ministérielle, les abus
DAVENANT — DAVID
- 996 -
du clergé, la politique coloniale, etc., qui excitèrent
une profonde sensation en leur temps. Les œuvres de
Davenant ont été réunies et rééditées à Londres par Charles
Whitworth, en 1774. Son meilleur ouvrage est the Jrue
Picture ofa modem whig, qu'il lança en 1701 . Ch.-V. L.
DAVENESCOURT {Avenescuria). Corn, du dép. de la
Somme, arr. etcant. de Montdidier, sur l'Avre; 770 hab.
Tourbières. Ancien prieuré de l'ordre de Cluny. Belle et
grande église des xvi^ et xvn® siècles, en style gothique
flamboyant; nef, bas côtés, transept, chœur et abside à
trois pans, le tout voûté en pierre ; vitraux du xvi® siècle ;
boiseries et mobilier en chêne sculpté du xvin^ siècle ;
fonts baptismaux en pierre , du xvi^ siècle ; monuments
funéraires, notamment celui de Jean Rabâche, seigneur de
Hangest, mort à Londres, otage du roi Jean, en 1363.
BiBL. : D. DusEVEL, l'Eglise de Davenescourt^ dans la
revue la Picardie, t. V, p. 529. — Jumel, MonograpJdes
picardes^ Davenescouvt; Amiens, 1870, in-8.
DAVENPORT. Ville des Etats-Unis de l'Amérique du
Nord, dans l'Etat d'Iowa, sur le Mississipi; 23,400 hab.
Station importante de chemins de fer; fabriques de ma-
chines, scieries, manufactures de laine, commerce de cé-
réales. Aug. M.
DAVENPORT (Sir Humphrey), juriste anglais, né en
1556, mort en 1645. Il mit au service de Charles l^^ sa
science de légiste. Président de l'Echiquier en 1631, il
rendit des arrêts conformes aux idées absolutistes du
prince, ce qui le fit décréter d'accusation par le Long Par-
lement, en 1641, sur l'initiative de Hyde (plus tard lord
Clarendon). On lui doit un abrégé des Commentaires de
Coke sur Littleton. Ch.~V. L.
DAVENPORT (Robert), écrivain anglais du xvn® siècle.
Sa vie est jusqu'ici absolument inconnue. On lui doit deux
poèmes : A Croivne for a conquerour et Too Late to
call backe yesterday (1623, in-4) ; une tragédie, Ki7ig
John and Éatilda (1655 et 1662, in-4); deux comédies :
A New Trick to cheat the Divell (1639, in-4) ; the City
Night-cap (1661, in-4). Tous ces ouvrages ne manquent
point de valeur, surtout la tragédie précitée. Une autre
tragédie, the History of Henry I, qui a disparu dans un
incendie, était attribuée par Warburton à Shakespeare et
Davenport. R. S.
DAVENPORT (Richard-Alfred), publiciste anglais, né
vers 1777, mort le 18 janv. 1852. Il a beaucoup écrit pour
les libraires. C'était un polygraphe, un compositeur et en
même temps un original. Dans sa vieillesse, il vivait seul,
dans une maison jamais nettoyée, dont toutes les fenêtres
étaient brisées, où il s'enivrait solitairement avec du lau-
danum. Il mourut d'une dose trop forte. Ch.-V. L.
DAVENPORT (Samuel), graveur au burin, né à Bed-
ford (Angleterre) le 10 déc. 1783, mort le 15 juil.1867.
Fils d'un architecte et élève de Ch. Warren, ses premières
gravures furent des illustrations d'après les dessins de
Shenton, Corbould et autres. On lui doit un grand nombre
de portraits pour des biographies, et parmi ses planches
les plus importantes the Dance of the Peasants pour le
Winter's Taie de Shakespeare, d'après Bone ; Louis XI
à Plessis- leS'Tours^ d'après le baron Wappers, etc.
DAVENPORT (Ira et William, les frères), prestidigi-
tateurs américains, qui voulaient se faire passer pour mé-
diums et eurent leur heure de célébrité. L'aîné, Ira, était
né vers 1840, et le second, William, né en 1842, mourut
en Australie en oct. 1877. L'intérêt qu'inspire toujours le
spiritisme aux esprits peu critiques et amoureux du mer-
veilleux les avait rendus célèbres. Restés pendant deux ans
en Angleterre où leurs mystérieux exercices avaient occupé
toute la presse, précédés d'une réputation immense, ils
arrivèrent à Paris en sept. 1865 pour y donner des séances
sous le nom de manifestations spirites. L'opinion s'émut
de cette tentative et les journaux prirent parti pour ou
contre les prestidigitateurs. La première représentation
annoncée à la salle Hertz pour le 12 sept, par d'énormes
affiches se composait de : 1** les exercices dans l'armoire ;
2*^ une séance dans les ténèbres. Les Davenport, qui ne
savaient pas un mot de français, avaient pris pour interprète
un homme de lettres du nom de Derosne. Le public de la
première séance se contenta d'abord de rire, de chanter,
de faire du bruit ; mais bientôt un spectateur ayant, sous
prétexte de dévoiler les trucs, brisé une traverse de l'ar-
moire où les Davenport faisaient leurs tours, le tumulte
devint tel que la police intervint. Les séances suivantes,
un peu plus calmes, n'eurent pourtant pas tout le succès
espéré.
DAV ERHOULT( Jean- Antoine d'AvERHouLT ou), homme
politique hollandais, né à Utrecht (Hollande), mort près de
Sedan en août 1792. Proscrit de sa patrie en 1787, il se
retira à Paris où il fut un des fondateurs du club des Feuil-
lants. Les électeurs des Ardennes l'élurent administrateur
de ce département, puis député à l'Assemblée législative, où
il siégea et parla avec les constitutionnels. Il fut à la tri-
bune un des défenseurs ardents de la monarchie expirante.
Nommé colonel à l'armée du Centre, il donna le 13 août
1792 sa démission de député. Le 23 août suivant, Thuriot
annonça à la tribune (il/onztor, XIII, 510) que, soupçonné
d'émigration et se voyant poursuivi, Daverhoult s'était
brûlé la cervelle. F.-A. A.
DAV ESI ES DE Pontés (Lucien), httérateur français, né
à Orléans en 1806, mort à Paris en 1859. Entré dans
la marine, il abandonna cette carrière pour l'adminis-
tration et devint sous-préfet. Membre du groupe saint-
simonien, il collabora à h Revue des Deux Mondes (1835
et 1859), à la Revue universelle (1837-38) où il donna
surtout des articles concernant l'Egypte moderne et l'éco-
nomie sociale. On a de lui : Paris tuera la France, né-
cessité^ de déplacer le siège du gouvernement (Paris,
1850, in-8) ; Impôt sur les rentes, réforme des impôts
directs et comptoirs agricoles ((1848, in-8) ; Notes sur
la Grèce, œuvres posthumes (1863, in-12); Etudes sur
l'Orient (1863, in-12); Etudes sur l'Angleterre, ré-
formes sociales (1865, in-12) ; Etudes sur rhistoirede
Paris ancien et moderne (1865, in-12); Etudes sur
l'histoire des Gaules et de la France et sur l'époque
contemporaine (1866, in-12) ; Etudes sur la peinture
vénitienne, sur les universités d'Allemagne et les
étudiants allemands (1867, in-12) ; Etudes drama-
tiques (1868, in-12); Etudes et Mélanges littéraires
et historiques (1869, in-12) ; Etudes morales et reli-
gieuses (iS69, in-12); Etudes artistiques pendant un
voyage en Italie (1871, 2 vol. in-12).
BiBL. : Lacroix (Bibl. Jacob). Notice biographique, en
tête des Etudes sur l'Orient ; Paris, 1863, in-12.
DAVEZAN (Jean), canoniste (V. Avezan [Jean d']).
DAVEZIEUX. Corn, du dép. de l'Ardèche, arr. de Tour-
non, cant. d'Annonay; 1,265 hab.
DAVID. Ville de la Colombie, prov. de Panama, sur le
petit fleuve du même nom (Pacifique), au S.-E. des mon-
tagnes de Chiriqui ; environ 8,000 hab.
DAVID, successeur de Saul, le plus grand nom politique
de l'ancienne histoire Israélite. Son règne appartient aux
environs de l'an 1000 avant notre ère. Nous en trouvons
la relation dans les livres de Samuel, des Rois et des
Chroniques, — Fils d'un certain Jessé ou Isaï, de Beth-
léem en Juda, David tout jeune aurait été désigné par la
divinité elle-même au prophète Samuel, qui Verse sur
son front l'huile sainte. Ayant engagé une lutte contre un
géant redoutable qui servait de champion aux Philistins,
ennemis d'Israël, David l'abat avec sa simple fronde de
berger; Saiil, témoin de cet acte de courage, l'attache à
sa cour et il se lie d'une étroite amitié avec Jonathan, fils
du roi. Un autre texte désigne David comme remplissant
auprès de Saûl les fonctions d'écuyer et de joueur de
harpe afin de calmer les accès de mélancolie auquel le
prince était sujet. David cependant se signale par de nom-
breux exploits, ce qui excite la jalousie" de Saûl ; ce sen-
timent persista même après que le roi eût fait de lui
l'époux de sa fille Michel. Un jour, dans un moment de
rage, il lève sa lance contre David, puis il veut le faire
saisir dans sa demeure pour le mettre à mort. Cependant
David s'était enfui ; réfugié tantôt auprès de Samuel, tantôt
près du sanctuaire de Nob, il prend le chemin du terri-
toire de Juda et Saul se lance à sa poursuite. Après diffé-
rents épisodes d'un caractère pittoresque, mais d'une his-
toricité douteuse, David prend le parti de se mettre à la
solde des Philistins avec une troupe dont il a recruté les
éléments parmi des gens dépourvus de ressources. Il est
sur le point de se joindre aux Phihstins qui vont livrer
bataille à Saul dans la plaine du Kison ; mais, mal vu de
certains chefs, on le laisse en arrière et il venge sur les
Amalécites les dommages qu'ils ont causés aux siens dans
une courte absence. — Après la mort de Saiil, qui a suc-
combé dans la lutte avec les Philistins ainsi que Jonathan,
David se transporte sur le territoire de Juda, s'étabht à
Hébron et engage la lutte avec Esbaal (ou Isboseth), fils
et suciîesseur de Saul, qui résidait à Mahanaïm sur la rive
gauche du Jourdain. Les chefs des deux armées, Joab
pour David, Abner pour Esbaal, en viennent aux mains
sans que l'avantage se dessine au profit d'un des deux
rivaux. Cependant Abner se brouille avec Esbaal et fait
des propositions à David, mais Joab l'assassine pour sa-
tisfaire une vengeance personnelle. Bientôt après, Esbaal
succombe sous les coups de deux de ses officiers, et l'en-
semble des tribus Israélites reconnaît David. Celui-ci
s'empare d'une ville forte du nom de Jébus, située à la
limite des tribus de Juda et de Benjamin, restée jusqu'alors
aux mains des indigènes ; , cette ville s'appela désormais
Jérusalem et devint la capitale du royaume. Il s'empressa
de compléter son système de défense et obtint le concours
des Tyriens pour l'érection d'un palais, digne de sa nou-
velle situation. David y établit aussi un sanctuaire, qui
consista en une tente abritant Yarche de Dieu, coffret
auquel s'attachait la plus grande vénération et qui venait
d'une localité de l'Ouest, Kiryath Yarim ; mais on assurait
que c'était la même arche divine enlevée jadis par les Phi-
listins au temple de Silo et que ceux-ci s'étaient vus
obligés de restituer aux Israélites. David introduisit pom-
peusement l'arche dans la nouvelle capitale en dansant
devant elle. — Les entreprises militaires de David visent
les voisins incommodes qui enserraient Israël àl'O., au
S., à l'E. et au N. : il bat et refoule successivement
les Philistins, les Edomites, les Moabites, les Ammonites
et les Syriens. L'historien insiste sur le siège de Rabba,
capitale des Ammonites, qui fut enlevée après une longue
résistance et dans l'attaque de laquelle David fit périr par
trahison un de ses officiers, dont il avait séduit la femme :
cette femme, du nom de Bethsabée, devint l'une de ses
épouses et fut mère de Salomon. — Le règne de David fut
grandement troublé par les menées d'un de ses fils, Ab~
salon. Beau, entreprenant, sans scrupules, ce jeune homme
était tombé en disgrâce pour avoir tué l'un de ses demi-
frères, coupable d'un attentat odieux sur la personne de sa
sœur Thamar ; rentré à Jérusalem après avoir obtenu le
pardon de son père, Absalon affecta le faste des cours
syriennes, chercha à se rendre populaire et se proposa ou-
vertement de prendre la place de David vieilli. Ayant
rassemblé ses partisans à Hébron, il marcha sur Jérusalem,
que le roi David quitta en toute hâte pour se réfugier à
Mahanaïm sur la rive gauche du Jourdain. Mais les hésita-
tions du prétendant ruinèrent sa cause ; Joab eut le
temps de grouper quelques troupes, à la tête desquelles
il battit les rebelles ; Absalon périt de sa main malgré
les recommandations de David, qui ne lui pardonna
pas cette exécution nécessaire. Le vieux roi ne tarda pas
à rentrer vainqueur à Jérusalem ; mais une nouvelle
insurrection éclata dans les régions du Nord, et Joab dut
pousser fort loin pour s'en rendre maître et triompher
d'un homme de Benjamin, Séba, qui en était l'âme. Les
dernières années du règne de David furent marquées par
divers incidents ; ses fils se disputaient ardemment sa
succession. Salomon, bien que n'étant pas désigné par son
997 - DAVID
âge, obtint l'appui du vieux roi grâce à l'adresse de sa
mère Bethsabée. On disait que David avait régné sept ans
à Hébron sur la seule tribu de Juda et trente-trois ans à
Jérusalem sur l'ensemble de la nation israéhte, ce qui
donne, en tout, quarante ans. On nous le montre entouré
des services essentiels d'une administration princière, ayant
un harem important et possédant une garde du corps com-
posée d'éléments étrangers. — Les Chroniques ajoutent
aux indications données dans les autres livres historiques,
des détails sur les préparatifs que David aurait faits pour
la construction d'un temple fastueux et l'organisation du
culte et de ses cérémonies, notamment du chant sacré, en
sorte que Salomon serait réduit au simple rôle d'agent
d'exécution. Cette façon de voir n'est pas acceptable, non
plus que la prétention de voir dans David le père de la
poésie lyrique, spécialement du chant sacré : c'est en vertu
de cette fiction qu'on a mis sous son nom la plupart des
Psaumes^ lesquels reflètent les préoccupations et l'état
d'esprit d'une époque beaucoup moins ancienne. — Dans
l'esquisse même que nous avons donnée du règne de David
d'après les livres de Samuel et des Rois^ plusieurs points
appellent des réserves. Tout ce qu'on rapporte de ses
débuts a des allures romanesques et peu dignes de foi ; le
plus clair est que, officier dans la petite troupe attachée à
Saiil, il manifesta de hautes visées et se brouilla avec son
maître et beau-père ; mais il dut se contenter d'une posi-
tion médiocre jusqu'à ce que Saiil et son fils eussent, tour
à tour, disparu de la scène. A partir de ce moment et en
dépit des compétitions de famille et des agitations inté-
rieures qui vinrent le troubler, le gouvernement de David
fait, sinon une grande, au moins une très honorable figure.
Pour la première fois, les Israélites imposent leur supé-
riorité aux petites nations qui contrariaient leurs mouve-
ments et arrivent à constituer un groupe compact et
vraiment fort. Toutefois, sur ce point encore, il faut se
garder des exagérations qui représentent l'empire de David
comme s'étendant de la frontière d'Egypte à l'Euphrate;
la vérité est que ce monarque ne sortit pour ainsi dire pas
des limites de la Palestine, qu'il ne s'empara même point de
la côte maritime, qui resta pour la partie nord aux mains
des Phéniciens, pour la partie sud en possession des Philis-
tins.— La postérité se reporta sans cesse à l'époque de David
comme aux temps du plus bel essor national et, dans les
siècles obscurs qui suivirent la destruction de Jérusalem,
rêva volontiers de la reconstitution de l'empire du glorieux
fondateur de Jérusalem sous un de ses descendants, sous
la main d'un « fils de David ». Le père de Salomon passa,
en même temps, pour le modèle de la piété et de l'accom-
plissement des devoirs religieux. Le plus grand éloge qu'on
piît faire d'un monarque était de le comparer à David. Cette
apothéose a eu, de nos temps, sa contre-partie dans l'effort
de quelques historiens qui se sont appliqués à diminuer
le rôle de David et à dénigrer son caractère. A une si
grande distance des événements et en présence de textes
d'une authenticité douteuse, de pareils essais sont un peu
puérils. David assurément a été surfait par une postérité
désireuse de se grandir dans sa propre personne ; mais il
a su fonder la nationalité Israélite sur des bases indes-
tructibles. Aussi son nom restera entouré d'une légitime %
auréole. Maurice Vernes.
BiBL. : S. MuNK, la Palestine, 1845, pp. 255 et suiv. —
Reuss, Die Geschichte dev heiligen Schriften Alten Testii"
-^^^^^^ H' ■ ' '
, 1889, II, pp.
Vernes, Précis ^d'histoire juive, 1889, pp. 308 et suiv.
7nents.
d'Israël, 188'
1881, pp. 173 et suiv. — Renan, Histoire du peuple
17. 1, pp. 411 et suiv. ; 1889, II, pp. 1 et suiv. —
'écis dliistoire juive, 1889, p " "'
DAVID, rois de Géorgie (V. Davith).
DAVID (Bruce), roi d'Ecosse, né en 1084, roi en dJS^,
mort àCarlisle en '1153.11 fut élevé à la cour de Henri I®^
d'Angleterre et de la « bonne reine Maud », et dépouilla
ainsi la rudesse de sa nation. Dès 4107, il succéda à son
frère Edgar comme comte ou prince de Cambrie, province
au S.-O. de l'Ecosse, oti il introduisit le régime léodal des
Normands et fonda des monastères (Selkirk, 1113 ; Jed-
burgh, 1118). Roi d'Ecosse par la mort d'Alexandre 1%
DAVID
-"- 998
il prit part dans la querelle suscitée en Angleterre par les
prétentions rivales de Mathilde et d'Etienne de Blois. Ma-
tliilde n'eut point un partisan plus actif que le roi d'Ecosse
qui fut, malheureusement pour elle, vaincu d'une manière
signalée en 1138 à Cutton Moor (bataille de l'Etendard).
Cette bataille décida du sort des comtés du Nord, qui flot-
taient jusque-là entre l'Angleterre et l'Ecosse ; ils furent
livrés désormais sans contrepoids aux influences anglaises.
— David, à partir de 114d, ne sortit plus de chez lui, et
s'appliqua tout entier aux réformes politiques et ecclésias-
tiques qui ont illustré son règne. 11 fonda cinq évêchés
nouveaux (Brechin, Dunblane, Caithness, Ross, Aberdeen) ;
il multiplia dans les landes désertes des monastères de
moines pionniers de la civilisation (Holyrood, Kelso, Mel-
roso, Berwick, Stirling, Kinloss, etc.), afîiliés à Cîteaux.
Le droit féodal anglo-normand fut importé dans toute
l'Ecosse avec ses plus minutieuses prescriptions, aussi
bien que l'ordonnance administrative de la royauté anglo-
normande : grands officiers, cours féodales, juges itiné-
rants, cancellariat, justice par jury. David fut certaine-
ment un prince éclairé, désireux d'améliorer la condition
de ses sauvages sujets; il s'intéressait à l'horticulture, aux
costumes, à la civilisation matérielle. Grand protecteur
des clercs, il a été célébré par tous les historiens en un
temps où les clercs seuls tenaient la plume ; l'Eglise a ca-
nonisé sa mère, et Ton a parlé longtemps en Ecosse du
« saint roi David », Sa biographie se tire des chroniques
à peu près contemporaines d'Ailred de Rievaulx, d'Orderic
Vital et de William de Newbury. Ch.-V. L.
DAVID, négus d'Abyssinie, né vers 4500, mort vers
4540. Successeur de son père Naod en 4507, il eut pour
tutrice sa grand'mère Hélène,Yeuve d'Alexandre. L'Ethiopie
chrétienne étant alors vivement pressée par les mu-
sulmans, le négus demanda le secours des Portugais
contre le sultan Sélim ï^^\ qui avait conquis l'Egypte et
occupait presque tout le littoral de la mer Rouge. L'am-
bassadeur du négus, un marchand arménien nommé Mathieu,
mit trois ans à se rendre à Lisbonne et ce n'est qu'en 4520
que l'ambassade portugaise, dirigée par Roderigo de Lima,
arriva à son tour en Ethiopie. Des controverses religieuses
s'élevèrent alors entre les théologiens portugais et abyssins,
et le mécontentement succéda à l'enthousiasme. Il fallut
les progrès toujours menaçants des musulmans pour que
Roderigo de Lima obtînt, au bout de six ans, l'autorisation
d'aller en Portugal presser l'envoi des secours promis. Le
négus envoya en même temps une ambassade au pape pour
l'intéresser à sa défense. Ce ne fut néanmoins que douze
ans après, c.-à-d. vers 4539, que les forces portugaises
parurent en Abyssinie. Mais il était trop tard pour David III.
Attaqué depuis longtemps par le fameux Mohammed Gragné,
sultan de Zeilag, qui, muni des armes nouvelles dont l'in-
vention fut le résultat de la poudre à canon, était invin-
cible pour les Ethiopiens réduits à un armement suranné,
David avait été battu plusieurs fois; ses villes capitales
avaient été prises et ruinées et sa famille massacrée dans le
château d'Amba-Gaschen. Lui-même, contraint de se réfugier
dans les montagnes du Samen, y mourut de misère, au
moment où le secours portugais lui arrivait, laissant pour
' successeur son fils Claudius, enfant en bas âge. G. St-A.
BiBL. : Davidis Mthiopiœ régis, legationes ad Clemen-
ium Papam VII ; Bononiee, 1533, in-4. — Noël de Ver-
gers, V Abyssinie ; Paris, 1848, in-8. — Vicomte de Caix
DE Saint-Aymour, Hist. des relations de la France avec
l'Ethiopie ; Paris, 1886, in-12.
DAVID, négus d'Ethiopie au xviii^ siècle. Il laissa
persécuter les cathoHques (4744-4749) et eut longtemps
à lutter contre l'usurpateur Oustas.
DAVID (Saint), patron du pays de Galles, vécut au
vi^ siècle. Il règne une grande obscurité sur la date de sa
naissance et de sa mort. Cependant on tend de plus en
plus à adopter pour cette dernière l'année 604, donnée
par les Annales Cambriœ, Saint David eut à combattre à
la fois les druides, dont l'influence sur les populations
celtiques était encore très grande de son temps, et les
partisans de l'hérétique Pelage. Il créa, dans ce but, un
grand nombre de monastères, notamment le couvent de
Glastonbury. Les moines furent soumis à une règle très
rigide, dont les pratiques de l'ascétisme, l'étude des Ecri-
tures saintes et le travail agricole étaient les principaux
éléments. Il réfuta les Pélagiens au synode de Drefi, ce
qui lui valut d'être élu archevêque de Caerleon et primat
du pays de Galles. Après avoir convoqué un second sy-
node, dit synode de la Victoire à cause de l'ardeur et
du succès avec lesquels il poursuivit ces mêmes hérétiques,
il transporta son siège de Caerleon à Ménévie. Il mourut
à un âge très avancé. La ville de Ménévie fut nommée,
en souvenir de lui, Saint-David. On attribue à ce saint de
nombreux miracles. Il était dans tout le pays de Galles
l'objet d'une vénération spéciale au moyen âge, et fut
canonisé sous le pape Calixte II, au xu^ siècle. Sa fête se
célèbre le 4^^ mars. G. Q.
^ DAVID (Gérard), peintre d'origine hollandaise, mais qui
vint s'établir en Flandre et peut être regardé comme Fla-
mand, né à Oudewater (Hollande méridionale), vers le
milieu du xv^ siècle, mort à Bruges le 43 août 4523. On
ignore ses débuts et les maîtres qu'il put avoir en Hollande.
Complètement oublié autrefois, il n'a repris un nom et une
personnalité dans l'histoire de Part que depuis les recherches
de M. James Weale dans les archives de Bruges. En 4484,
on le trouve installé dans cette ville, reçu le 44 janv.
franc-maître de la corporation de Saint-Luc. Memling était
alors le chef incontesté de la peinture à Bruges, et Gérard
David subit fortement son influence. Il occupa successive-
ment les fonctions de vinder dans la giîde des peintres en
4488, 4495-96 et 4498-99. H en fut doyen en 4504-
4502. Egalement estimé comme enlumineur, il fit aussi
partie de la gilde des libraires et miniaturistes, et plus
tard, en 4545, entra dans celle des peintres d'Anvers. La
plus ancienne oeuvre de lui dont il soit fait miCntion dans
les comptes, est une importante commande officielle : cer-
tains tableaux, dont un représentant le Jugement et la
sentence de notre Seigneur (Jugement dernier ou Christ
devant Pilate), aujourd'hui perdues, et qui furent exécutés
entre févr. 4488 et sept. 4498, pour la salle des échevins,
à l'hôtel de ville de Bruges. Il peut se faire que les deux
panneaux du Jugement de Cambyse, dont un porte la
date de 4498, aujourd'hui au musée de l'Académie de
Bruges, dépendent de cette suite, faite pour enseigner aux
magistrats le respect de la justice, comme celles de Van der
Weyden à Bruxelles ou de Bouts à Louvain. Toutefois, ils
sont d'une manière assez différente de celle qu'on lui con-
naît. Un chef-d'œuvre incontesté de maître Gérard est la
Viej-ge entourée de saintes^ avec deux anges musiciens,
et les portraits du peintre et de sa femme, comme dona-
teurs, qu'il offrit, en 4509, au couvent des carmélites de
Sion, à Bruges, et qu'on peut voir aujourd'hui au musée
de Bouen. Ce tableau, d'assez grandes dimensions, char-
mant par la douceur calme du coloris et des visages, et qui
est comme d'un MemHng modernisé, a permis de restituer
à Gérard David presque sûrement, par comparaison, un
certain nombre d'œuvres intéressantes : ainsi le grand et
très beau triptyque du Baptême du Christ, à PAcadémie
de Bruges, depuis longtemps célèbre, et si important dans
l'histoire du paysage, dû peut-être à une collaboration avec
Patenier, exécuté vers 4508 ; les Noces de Cana, au
musée du Louvre, peintes de 4549 à 4524; un grand
triptyque du palais municipal de Gênes {Vierge entre
saint Jérôme et saint Benoît) ; un volet de retable datant
de 4501 environ (Bernardin de Salviatis et trois saints)
à la National Gallery de Londres ; une Vierge entre des
anges musiciens, au musée de Darmstadt ; le petit trip-
tyque au Saint Michel, de l'ancienne collection Artaria,
au musée du Belvédère à Vienne ; V Annonciation, au
musée de Sigmaringen ; un Mariage mystique de sainte
Ccdherine et peut-être une Adoration des Mages, à la
Pinacothèque de Munich ; d'autres tableaux dispersés en
Italie, en Angleterre ou en Allemagne.
999
DAVID
Gérard David paraît avoir beaucoup produit et avoir eu
de nombreux élèves. Homme pieux et doux, fait pour les
sujets de nature tranquille, les délicates assemblées de
saintes, les Vierges trônantes, il a continué Memling d'un
pinceau parfois inégal, mais avec un grand charme de sen-
timent et une mélancolie presque moderne. Il connut éga-
lement Metsys et l'imita. Une Descente decroix^ exécutée
vers 4520 et conservée dans la chapelle du Saint-Sang à
Bruges, est presque textuellement copiée du chef-d'œuvre
du maître au musée d'Anvers. Le portrait de Gérard David
figure dans le recueil d'Arras. Sa collaboration à certains
manuscrits importants, entre autres au bréviaire Grimani,
n'est pas douteuse, et il faut probablement voir en lui le
Gérard de Bruges que citent Vasari et Guichardin parmi
les plus célèbres miniaturistes. Paul Leprieur.
BiBL. : Articles de M. James Weale, dans le Beffroi,
1863, t. I, pp. 223-234, 276-287 ; 1864-1865, t. H, pp. 288-297 ;
1866-1870, t. II J, pp. 334-846; — dans la Gazette des beaux-
arts^ juin et nov. 1866, t. XX-XXI; — dans VArt chrétien
en Hollande et en Flandre, de Taurel, 1881, t. I,,pp. 65-78,
in-fol. — Biographie nationale ; Bruxelles, 1873, t. IV,
in-8 (artt d'Ad. Siret). — Woltmann et Wœrmann, Ge-
schichte der Malerei^ t. II, pp. 55-57. — Van Mander, trad.
Hynnans, t. I, pp. 64, 71-72. — Wauïees, la Peinture fla-
mande.
DAVID (Franz), théologien hongrois, né vers 4540,
mort dans la forteresse de Déva, en Transylvanie, en 4579.
Ses commencements sont assez obscurs. Il quitta succes-
sivement le catholicisme pour le luthéranisme, celui-ci pour
la communion réformée, et ce n'était pas encore le dernier
changement de cet esprit ardent et mobile. Prédicateur de
la cour du prince Jean II, en 4564, il fut amené à la
croyance unitaire par l'Italien Blandrata, qu'il dépassa
bientôt en déclarant que le Christ, vu sa nature humaine,
ne devait pas être adoré. Le radical unitarien, très puis-
sant pendant quelques années, obtint de la Diète, en 4568
et en 4574, que sa doctrine fût reconnue comme une des
quatre Eglises légales du pays, à côté des Eglises catholi-
que, luthérienne et calviniste. Il eut avec le pasteur Melius
de Debreczin des discussions célèbres. Mal vu du nouveau
prince Etienne Bathori, il finit par être condamné à la pri-
son perpétuelle pour opinions judaïsantes, et succomba
bientôt aux souffrances de la captivité.
BiBL. : Balogh, a Magyar protestans egyhâz; Debrec-
zin, 1872. — HuNFALVY Pal, DieUngarn; Vienne, 1881.
DAVID (Jean), théologien belge, né àCourtraien 4545,
mort à Anvers le 9 août 4643. Il fut curé de sa ville natale et
entra dans l'ordre des jésuites en 4584. Il prit une part
très 'active aux controverses soulevées par la Réforme et
publia de nombreux opuscules qui se distinguent par la
clarté, l'érudition et l'élégance. La liste complète de ses
écrits se trouve dans De Backer. Le plus célèbre est l'Arai-
gnée hérétique (en flamand) publié à Bruxelles en 4596.
il est très intéressant parce qu'il permet d'apprécier l'état
des esprits dans les Pays-Bas à la fin du xvi^ siècle.
BiBL. : Paquot, Mémoires pour servir à Vhistoire litté-
raire des XVIf proinnces des Pays-Bas; Louvain, 1765-
1770, 3 vol. in-fol. — A. et Al. De Backer, Biblioth. des
écrivains de la Compagnie de Jésus; Liège, 1853-1861, 7 vol.,
1869-1876, 8 vol. in-fol.
DAVID (Charles), architecte français, né en 4552 et
mort à Paris le 4 déc. 4650. Gendre de Nicolas Lemercier,
fils lui-même de Pierre Lemercier (V. ce nom), les pre-
miers maîtres de l'œuvre de l'église Saint-Eustache de
Paris, Charles David succéda, en 4585, à son beau-père,
dans la direction des travaux de cette église qu'il conduisit
jusqu'à son entier achèvement en 4642. Il se porta, en
4640, mais sans succès, comme soumissionnaire des tra-
vaux de l'hôtel de ville de Paris, qui furent adjugés à
Marin de La Vallée, et il fit élever, entre autres parties de
l'église Saint-Eustache, l'ancien portail occidental, construit
vers 4637 dans le style de la Renaissance française, mais
qui, frappé de la foudre en 4753 et lézardé de façon à en
compromettre la solidité, fut remplacé par le portail actuel
que dessina Mansart de Jouy (V. ce nom). Charles David
fut inhumé dans l'église Saint-Eustache et son épitaphe,
dont une transcription est conservée au département des
manuscrits de la Bibliothèque nationale, était ainsi conçue :
« Cy devant gist le corps d'honorable homme Charles
David, vivant juré du roy es œuvres de maçonnerie, doyen
des jurés et bourgeois de Paris, architecte et conducteur
du bâtiment de l'é^hse de céans, lequel, après avoir vécu
avec Anne Lemercier, sa femme, l'espace de cinquante-
trois ans, est décédé le quatrième jour de décembre 4650,
âgé de quatre-vingt-dix-huit ans. » Charles Lucas.
DAVID (Charles), dessinateur et graveur au burin, né à
Paris en 4600. On cite de lui un Ecce Homo ; la Sainte
Vierge et l'Enfant Jésus., entourés d'anges^ d'après
J.-B. Champagne; Sainte Madeleine, Sainte Véronique,
d'après Vouet ; Mercure, les Travaux d'Hercule, d'âpres
F. Floris; la Sagesse éveillantun homme endormi, d'après
Ph. de Champagne; un Soldat, à mi-corps, d'après Simon
Vouet, etc. F. Courboin.
DAVID (Jérôme), graveur au burin, frère du précédent.
Il travaillait à Paris et à Rome dans la deuxième moitié du
xvn^ siècle. Ses gravures principales sont : Adam tra-
vaillant la terre , la Sainte Vierge, l'Enfant Jésus,
Saint Jean et deux Aîiges, Ecce Homo, Sainte Hélène
trouvant la sainte Croix ; les portraits de Charles 1^'^
d'Angleterre à cheval, de Richelieu, etc. F. Courroin.
DAVID (François-Anne), graveur et dessinateur français,
né à Paris en 4744, mort à Paris le 2 avr. 1824. Elève de
Lebas, il a gravé un grand nombre de figures pour des livres
dont quelquefois il a lui-même rédigé le texte. Parmi les
ouvrages qu'il a illustrés, on peut citer : Antiquités d'Her-
aitewm (1780-4803); Histoire d'Angleterre; Anti-
quités étrusques, ^ grecques et romaines (4785-1788) ;
Histoire de Russie, Monuments inédits de l'antiquité
(4809); Histoire de France sous Napoléon, etc. Il
était graveur de la chambre et du cabinet du roi et
membre des académies de Rouen et de Berlin. Il a gravé,
d'après Carie Vanloo, Monnet et Vien, diverses compo-
sitions historiques et mythologiques. Il est, en outre, l'au-
teur d'un portrait en pied de' Louis XVUI revêtu de ses
habits royaux. A la mort de cet artiste laborieux, plusieurs
des ouvrages illustrés qu'il avait commencés sont demeurés
inachevés. Ant. V.
DAVID (Jacques-Louis), peintre, né à Paris le 30 avr.
4748, mort à Bruxelles le 29 déc. 4825. Ce peintre est
un de ceux qui ont exercé l'influence la plus profonde sur
les idées artistiques de notre temps et sur les destinées de
l'Ecole française. Jugé diversement, à travers les chan-
gements d'opinion qui se sont produits de nos jours, loué
et attaqué outre mesure, il fut un réformateur énergique,
un régénérateur autoritaire et souvent brutal. Son tempé-
rament ardent devait faire de lui l'interprète le plus puis-
sant de la Révolution. Il est considéré par les uns comme
un des créateurs du mouvement qui a marqué une partie du
XIX® siècle ; pour les autres, il est uniquement le chef de
l'école classique et rétrograde. Il faut le juger au point
de vue de l'heure présente, en nous tenant à distance des
préventions d'hier et en examinant son œuvre d'après les
grandes toiles de nos musées et à travers les souvenirs que
nous laissent nos expositions rétrospectives. Les débuts de
David furent pénibles. Fils d*un mercier du quai de la
Mégisserie, il fut élevé au collège des Quatre -Nations;
sa vocation pour la peinture se manifesta au miUeu des
études classiques. Il n'avait que neuf ans lorsque son
père fut tué en duel. Il fut envoyé par son tuteur dans
l'atelier de Boucher qui reconnut ses dispositions et lui
conseilla d'entrer chez Vien, dont l'enseignement était fait
pour répondre davantage au genre d'esprit qu'il avait
entrevu chez le jeune peintre. Vien avait réuni autour de
lui des élèves, peu de temps après sa réception à l'Aca-
démie de peinture. Il s'était institué comme un rénovateur
du ^oût et cherchait à amener un retour vers la nature et
la simplicité. David se forma chez ce maître ; il ne fut pas
heureux cependant, quand il concourut pour le prix de
Rome. Il se présenta en 4772 et les années suivantes ;
c'est seulement à un quatrième concours, en 1775, qu'il
DAVID
— 4000 -
obtint le prix, avec les Arnours d'Antiochus et de Stra-
tonice, David avait été soutenu, dans ses premiers efforts,
par Sedaine et par le peintre Doyen. L'année même où il
était lauréat du premier grand prix, Vien était nommé
directeur de l'Académie de France à Rome. Le maître et
l'élève partirent ensemble pour l'Italie. Vien portait ses
idées de réforme sur un terrain où elles ne pouvaient que
s'affirmer davantage. Il succédait à Natoire, qui avait repré-
senté la fin de l'influence de notre peinture galante. Pré-
cisons le rôle de Vien : c'était une nature froide, un
esprit tempéré et indécis, qui devait être un précurseur
avant tout : le professeur était chez lui supérieur au peintre.
Il était ennemi du maniérisme italien et des frivolités de
l'école française : il voulait revenir au beau classique ; il
se dirigeait tantôt vers les anciens, tantôt vers Poussin et
Le Sueur. David devait être plus résolu que Vien, en
entrant dans la voie que celui-ci avait ouverte. La pre-
mière œuvre importante de David, après les essais et les
études exécutées à Rome, fut le Bélisaire, exposé à Paris
en 1780. Cette composition, d'une grande pureté de forme,
d'une certaine rigidité, fait songer, comme celles de Vien,
aux tableaux d'histoire de nos peintres français du
XVII® siècle. Cette toile valut à David le titre d'agréé à
l'Académie de peinture. Il devait y entrer trois ans après,
en ayant comme morceau de réception Andromaque pleu-
rant la mort d'Hector* Ce tableau appartient aujourd'hui
à M"^® David -Chassagnolle, qui l'a légué à l'Ecole des
beaux-arts, en s'en réservant la jouissance. David se
plonge de plus en plus dans une sorte de latinité artistique ;
il produit le Serment des Horaces, qui indique rigou-
reusement ses tendances. L'œuvre est une création per-
sonnelle et volontaire ; on y sent une sobriété cherchée ;
elle n'est pas exempte de sécheresse, mais le style, concis
et soutenu, garde une gravité toute cornélienne. David
s'était voué dès lors à l'interprétation des sujets empruntés
à l'histoire ancienne ; il s'inspire de Tite-Live et des Vies
de Plutarque; il peint la Mort de Socrate et Brutus,
Cette dernière toile date de 4789 ; David, à la veille de la
Révolution, avait déjà formulé avec vigueur sa doctrine :
l'art auquel il avait recours était sévère, noble et fait pour
agir sur l'âme. La Constituante le trouve prêt à refléter
ses pensées ; alors une évolution survient dans le talent de
David. Il ne lui suffit pas d'évoquer de son pinceau les
héros de la Grèce et de Rome, ces héros dont le souvenir
revit tant de fois dans les paroles et les discours des répu-
blicains. L'artiste, qui est déjà un éducateur, devient, en
témoin fidèle et passionné des événements, un peintre de
circonstance. C'est comme une seconde manière ; il ébauche
une vaste toile, le Serment du Jeu de Paume, et lutte
avec les difficultés que lui offrent les physionomies et les
costumes modernes. Le succès de cette toile, la popularité
que David s'acquiert par son républicanisme le font
nommer membre de la Convention par les électeurs de la
section du Muséum. Le peintre des Horaces est investi
d'un rôle poU tique ; il parle à la tribune, fait des rapports
sur les arts, établit des concours et propose des plans de
fêtes publiques. Il vote la mort du roi ; il peint les Der-
niers Moments de Lepelletier de Saint-Fargeau ; il
exécute des portraits de conventionnels, il imagine des
projets de costumes officiels; enfin, au milieu de l'exaltation
causée par le meurtre de Marat, il peint l'admirable por-
trait de l'Ami du peuple assassiné. Au mois de nivôse
an II (1793), David présidait la Convention et faisait
partie du comité de Sûreté générale. Après la victoire de la
réaction en thermidor, il resta quatre mois en prison, et
ne recouvra qu'avec peine sa liberté. Sa carrière politique
était terminée ; il revint à l'étude de l'antiquité, et suivant
le courant de l'opinion, il se passionna pour le général
Ronaparte, puis pour le premier consul. Il peint Bonaparte
au passage du mont Saint-Bernard^ il fait le portrait
du pape Pie VII et celui de Napoléon en habits impériaux.
Il travaille, en même temps à V Enlèvement des Satines
et à héonidas aux Thermopyles, L'Empire utilise son
pinceau ; Napoléon lui rend même une partie de l'admi-
ration qu'il lui témoigne. David continue à régner sur les
arts et reçoit le titre de « premier peintre de l'empereur ».
Les œuvres capitales de David, comme peintre impérialiste,
sont le Couronnement et la Distribution des Aigles^
tableaux d'apparat, exécutés avec largeur, scéniques et
grandioses, mais où l'on ne retrouve plus l'émotion un peu
âpre et la sincérité ardente qui animaient le peintre répu-
bhcain. Ce sont de nobles pages de la peinture d'histoire,
de cette peinture qui fixe, en un style décoratif, les céré-
monies et les solennités. David y devient un artiste de
cour, sans perdre de la grandeur ordinaire de ses con-
ceptions, sans rencontrer, d'autre part, cette intensité et
cette chaleur de coloris qui auraient donné plus de vie à la
représentation des scènes et des personnages, auxquels il
s'attachait.
Le retour des Rourbons amena l'exil de David ; le con-
ventionnel, le régicide étaient frappés en lui. Il se retira à
Rruxelles, emportant avec lui les sympathies et les regrets
de la partie libérale de la nation, sûr d'avoir fondé une
école, et voyant de loin se perpétuer la tradition qui partait
de lui. 11 laissa la direction de son atelier à Gros, avec lequel
il entretint une correspondance régulière. A Rruxelles, il
exerça une influence considérable sur l'école belge ; il eut
quelques brillants disciples, entre autres François Navez,
qui a fait de lui un beau portrait (collection Portaels, à
Rruxelles). Pendant son exil, il était ressaisi, comme au
début, par les réminiscences classiques ; il traitait avec
amour des sujets mythologiques, marqués souvent d'un
hellénisme délicat : l Amour quittant Psyché^ Mars dé-
sarmé par Vénus, V Amour et les Grâces, etc. Au mo-
ment où se préparait l'évolution romantique, rien n'alté-
rait chez lui cet état d'esprit. Il écrivait à Gros, en 1820,
comme s'il avait eu regret de ses grandes compositions
exécutées sous la République et l'Empire: « Etes-vous
toujours dans l'intention de faire un grand tableau d'his-
toire ? Vous aimez trop votre art pour vous en tenir à des
sujets futiles, à des tableaux de circonstance... » Lors-
qu'il mourut, à l'âge de soixante-dix-huit ans, le gouver-
nement de la Restauration refusa à ses fils la faveur de
rapporter à Paris le corps de leur père : son cercueil fut
arrêté à la frontière ; on se rappelle la chanson que cet
incident a inspirée à Réranger. Le peintre de Marat et des
Sabines fut inhumé à Rruxelles, et les funérailles don-
nèrent lieu à une imposante manifestation.
Grand artiste certes , intelligence élevée, esprit noble
et bien équilibré, apôtre convaincu du beau tel qu'il le
concevait, David nous apparaît comme un ennemi de cer-
taines qualités françaises. Marchant vers son but avec
ténacité, il a proscrit la fantaisie et la grâce ; il s'est dé-
sintéressé de la couleur, cherchant avant tout un dessin d'une
extrême netteté. Il nous offre, sous une perfection appa-
rente, des défauts considérables. Aucun ton ne vibre dans
ses compositions trop uniformes; l'effet d'ensemble est
souvent jaunâtre. Il abuse du nu, comme s'il faisait œuvre
de statuaire. Ses meilleurs tableaux semblent peints d'après
des scènes de tragédie classique et l'on pourrait croire que
ses personnages sont détachés des pièces de Marie-Joseph
Chénier. Un idéal humain, philosophique, austère, vit
pourtant à travers ces types, agrandit et ennobht leur
rôle. Il nous appartient, quant à nous, de préférer de
beaucoup au peintre d'histoire préoccupé de ses théories,
l'interprète véridique de la réalité de son temps. A côté de
l'artiste violent, emphatique et éloquent, qui nous paraît
démodé, nous retrouvons un David calme, serein, observa-
teur minutieux et attentif; tel est l'auteur des beaux por-
traits de Pécoul, du Pape Pie VII, de Boissy d'Anglas,
de ili"*^ Récamier, du Général Gérard, Nous avons là un
David intime qui n'est plus le législateur de l'art, mais le
chercheur scrupuleux, et souvent expressif, en un mot
l'ami de la nature. Il faut aimer aussi le David de certaines
œuvres qui n'ont point été poussées à un extrême fini,
comme le Tambour Barra au musée d'Avignon. Haute
1004 —
DAVID
figure, après tout, que celle de cet artiste qui ne peut plus
être un chef d'école, mais dont l'œuvre et la vie nous
gardent de puissantes leçons et de féconds enseignements.
Le style mesquin et froid de certains de ses élèves a con-
tribué au déclin de son influence ; cette influence, au reste,
ne pouvait durer, s'appuyant, comme celle de tout maître
absolu, sur des principes exclusifs et par conséquent sur
une erreur. Ant. Vâlabrègue.
BiBL.: J.-L. David, le Peintre Louis David (11^18-1825),
Souvenirs et Documents inédits; Paris, 1880.— Delécluze,
Louis David^ son école et son temps, souvenirs ; Paris, 1855.
— Ch. Blanc, Etude sur Louis David. — M. A. Th.
(Adolphe Thiers), Vie de David ; Paris, 1826. — • Le cheva-
lier Alexandre Lenoir, David, souvenirs historiques. —
Ernest Chesneau, le Mouvement m-oderne en peinture.
Louis David. — T. Thoré, les Peintres du xix« siècle.
Louis David ; Bruxelles, 1843. — Catalogue des tableaux
de galerie et de chevalet, études, etc., de Louis David, pre-
mier peintre de l'empereur Napoléon., vente à Paris, 1826,
1835. — Miette de v illars, Mémoires de David., peintre
et député à la Convention nationale; Paris, 1850. —
Ch. Blanc, Histoire des Peintres. — Jal, Dictionnaire
critique de biographie et d'histoire.— Maurice Tourneux,
Notes pour servir à, l'histoire d'un chef-d'œuvre inconnu.
Lepelletier sur son lit de mort., dans Revue de L'Art fran-
çais, ianv.'févr. 1889.
DAVID (Giacomo), chanteur scénique italien, dit David
mdre (le père), né à Presezzo en 4750, mort à Bergame
le 31 déc. 4830. Ténor à la voix sonore et limpiîle, à
rintonation la plus sûre, au goût le plus parfait, acteur
intelligent et chanteur expressif, il obtint d'immenses succès
en Italie, au théâtre dans le genre sérieux, à l'église dans
les œuvres de grand style. En 1785, il vint se faire enten-
dre à Paris, et émerveilla les habitués du Concert spirituel
par sa façon magistrale d'interpréter le Stabat Mater de
Pergolese. De retour en Italie, il retrouva ses succès à
Milan et à Naples, alla faire un voyage à Londres, et en
1802, se retrouvant à Florence, avait conservé une telle
vigueur dans la voix malgré ses cinquante-deux ans, qu'il
chantait tous les matins à l'église et tous les soirs au
théâtre l'oratorio de Debora e Sisara, qui lui valait de
véritables triomphes. En 1812, ayant quitté le théâtre, il
était attaché à l'église de Santa Maria Maggiore., de
Bergame. Cet artiste vraiment supérieur forma deux autres
grands artistes : son fils, d'abord, et l'admirable ténor
Nozzari. On assure qu'il s'est fait connaître aussi comme
compositeur, en publiant quinze sonates et soixante-douze
petits versets pour l'orgue.
DAVID (Emeric-) (V. Emerïc-David).
DAVID (Martin, dit Aloys), astronome bohémien, né à
Drzevohryz (Bohême) le 8 déc. 1757, mort à Prague le
22 févr. 1836. Il étudia la philosophie, la théologie, les
mathématiques, entra dans l'ordre des prémontrés et devint
professeur d'astronomie à l'université de Prague, puis di-
recteur de l'observatoire de cette ville. Ses principaux tra-
vaux ont eu pour objet la géodésie, la cartographie céleste,
les comètes, et se trouvent consignés dans une centaine
de mémoires publiés par la Monatlich Correspondenz
de Zach, les Astronomische Jahrbûcher de Bode, les
Wiener Ephemeriden der Astronomie et les Astrono-
mische Nachrichten. On a encore de lui : Das leben
Newton^ s (Prague, 1783) ; JSachricht vom Spiessglas-
hergwerke bei Tomaschlag unweit (Tepl, 1793). L. S.
DAVID (Pierre-Laurent-Jean-Baptiste-Etienne), littéra-
teur français, né à Falaise le 7 janv. 1772, mort à Paris
le 21 juin 1846. Consul à Naples et à Smyrne, il fut élu
le 9 juil. 1842 député du Calvados et siégea à droite. Il a
écrit : la Bataille d'Iéna (Paris, 1808, in-8), poème en
trois chants ; Athènes assiégée (1827, in-8), poème ;
V Alexandréide ou la Grèce vengée (1827-29, 2 vol.
in-8), poème en vingt-quatre chants, sous le pseudonyme
de Sylv. Phalantée ; Réponse à la pétition du sieur
Vigoureux contre l'administration consulaire du Le-
vant (1828, in-8) ; Sélim îll (Falaise, 1836, in-8), tra-
gédie en cinq actes ; J)e la Régence (Paris, 1842). — Son
fils Jules-Antoine a publié un grand nombre de romans,
parmi lesquels nous citerons : Lucien Spalma (Paris,
1835, 2 vol. in-8) ; la Duchesse de Presles (1836, 2 vol.
in-8) ; le Club des désœuvrés (1838, 4 vol. in-8) ; les
Créanciers (1841, in-8) ; la Reine des voleurs (1844,
2 vol. in-8) ; le Yacht du diable (1844, 2 vol. in-8) ;
Tel père tel fils (1847, 2 vol. in-8).
DAVID (Charles-Louis-Jules), helléniste français, né à
Paris le 15 févr. 1783, mort à Paris le 25 janv. 1854,
fils du célèbre peintre (V. ci-dessus). Elève vice-consul à
Cività Vecchia(1805), vice-consul à Otrante (1808), sous-
préfet à Stade (Bouches-de-l'Elbe) de 1810 à 1814, pro-
fesseur à l'école de Chio (1816), professeur de littérature
française à Smyrne (1818-1820), professeur de littéra-
ture grecque à la faculté des lettres de Paris (1831-1840).
Il a publié : Parallèle synoptique des langues grecques
ancienne et moderne (Paris, 1820, in-8) ; Méthode
'pour étudier la langue grecque moderne (1821,
in-8).
DAVID (Giovanni), chanteur scénique italien, fils de
Giacomo David padre^ né à Naples le 15 sept. 1790, mort,
croit-on, à Saint-Pétersbourg, vers 1850. Elève de son père
et de Marchesini, il possédait une superbe voix de ténor,
dont il se servait avec habileté, et parvint à une renommée
considérable. Après avoir débuté à Brescia en 1810, il se
produisit avec le plus grand succès à Venise, à Naples et à
Milan. Rossini, qui l'avait pris en haute estime à cause de
sa verve et de son originalité, écrivit expressément pour
lui les rôles de ténor de plusieurs de ses ouvrages : Ric-
ciardo e Zoratde, Ermione., la Donna del lago, Otello
et Zelmira, et Pacini écrivit aussi pour lui Amazilia,
rUltimo Giorno di Pompei et gli Arabi nelle Gallie,
David obtint encore d'éclatants succès à Palerme, à Rome,
à Lucques, ainsi qu'à Vienne et à Londres. Il se fit applaudir
aussi avec transports au Théâtre-Italien de Paris, où on
l'entendit, en 1829, avec laMalibran. Il retourna ensuite
en Italie, se produisit encore dans diverses villes, puis,
en 1841, ayant perdu sa voix, fonda à Naples une école
de chant. (Juelques années après, il acceptait les fonctions
de régisseur à l'Opéra italien de Saint-Pétersbourg.
DAVID (Christian-Georg-Nathan), homme politique et
publiciste danois, né à Copenhague le 16 janv. 1793, mort
le 18 juin 1874. Professeur extraordinaire à l'université de
Copenhague (1830), il fut mis à la retraite à cause des
opinions libérales qu'il exprimait dans la Patrie (Fœdre-
landet)., fondée et dirigée par lui (1834-1840), qui lui
attirèrent un procès de presse (1835), et qu'il continua de
soutenir au conseil municipal de Copenhague (1841) et à la
Diète des îles (1840-1846). Ayant cessé de faire partie de
l'opposition, désigné par le roi pour faire partie de diverses
assemblées législatives (1848, 1854, 1855), il combattit
le parti Eider-dunsk ou de la séparation du Holstein et
de l'incorporation du duché de Slesvig dans le royaume, et
entra comme ministre des finances dans le cabinet présidé
par Bluhme (l^'' juil. 1864-6 nov. 1865). Il fut chef du
bureau de statistique (1854-1873) et l'un des directeurs
de la Banque nationale (1858). Il publia de remarquables
articles de critique et d'économie politique dans la Revue
mensuelle de littérature., Fœdrelandet et Archives d'é-
conomie politique (1826-1843). Beauvois.
DAVID (Maxime), peintre miniaturiste français, né à
Châlons-sur-Marne en 1798, mort en 1870. Il se des-
tinait à la magistrature et fit d'abord des miniatures en
amateur. Quelques succès qu'il obtint dès le début déci-
dèrent de sa vocation ; il était devenu l'élève de M^® de
Mirbel et celle-ci eut une part dans cette décision. Ses
œuvres sont d'une touche aisée et gracieuse : on connaît
surtout ses trois portraits d'Abd-el-Kader, représenté sous
des aspects différents, qu'on a pu voir pendant longtemps
au musée du Luxembourg, et qui furent exposés au Salon
de 1853. Il a peint la plupart des membres de la famille
d'Orléans, la Reine Amélie., le Roi Louis-Philippe, le
Duc de Nemours^ etc., et un grand nombre de person-
nages célèbres de la période qui va de 1840 à 1850,
Y Amiral Rosamel, Jules de Lasteyrie, député, le Prince
DAVID
- 1002
Napoléon,^ etc. Il est aussi l'auteur d'un certain nombre
de compositions aimables, de scènes intimes, traitées en mi-
niatures ; la Jeune Mère, une de ses compositions les plus
réputées en ce genre, fut fort remarquée au Salon de
4842. Son talent lui valut une méd. de 3® classe en 4835,
une de 2® classe en 4838, une de 4**® classe en 4844, et
la décoration de la Légion d'honneur en 4854. La critique
a été bienveillante à ses œuvres, et Thoré en parle sou-
vent avec éloge dans ses salons. Ant. V.
DAVID (Jean-Baptiste), historien belge, né à Lierre
le 25 Janv. 4801, mort à Louvain le 24 mars 4866.
U devint prêtre en 4825, et, en 4834, à la fondation
de l'université catholique de Louvain, il fut appelé à oc-
cuper les chaires d'histoire nationale et de littérature
néerlandaise. Son principal ouvrage est un Cours d'his-
toire nationale (en flamand), qui devait comprendre
les annales complètes de la Belgique, depuis les origines
jusqu'à l'époque contemporaine. Il est demeuré ina-
chevé; le Xl^ vol., publié en 1864, va jusqu'à la mort
de Requesens (5 mars 4576). David y fait preuve d'un
long et consciencieux labeur ; malheureusement pour lui,
une foule de documents très importants ont été exhumés
des archives depuis quelques années et le Cours d'histoire
nationale est tout à fait suranné. Du reste, l'esprit cri-
tique y fait souvent défaut et l'auteur manque d'équité à
l'égard des adversaires de l'Eglise. David a publié, dans les
Bulletins de l'Académie royale de Belgique (1^® sér.,
XVI), des recherches intéressantes sur le cours de l'Escaut,
et il soutint sur ce point une discussion très vive avec le
général Renard (V. ce nom). Il donna aussi sous les aus-
pices de l'Académie une édition savante de la Bible rimée
de Jacques Van Maerlant (V. ce nom) (Bruxelles, 4858-
4861, 3 vol. in-8), et enfin il édita pour la société des
bibliophiles flamands les œuvres de Jean de Ruysbroeck
(V. ce nom) (4858-4867, 6 w\. in-8). E. H.
DAVID (Félicien), compositeur français, né à Cadenet
(Vaucluse) le 43 avr. 4810, mort à Saint-Germain-en-
Laye le 29 août 4 876. Dès son enfance il manifesta d'éton-
nantes dispositions musicales. Orphelin à cinq ans, il fut
admis à la maîtrise de l'église Saint-Sauveur d'Aix, où il
commença les études de la musique. Il avait une déhcieuse
voix d'enfant. Quand il la perdit, le chapitre de Saint-
Sauveur le plaça chez les jésuites d'Aix, pour y terminer
ses études httéraires. A sa sortie du collège, il entra
comme second chef d'orchestre au théâtre d'Aix. Bientôt
après il obtint la place de maître de chapelle de Saint-
Sauveur. Il composa pour sa maîtrise des motets qui décidè-
rent un de ses oncles à l'envoyer travailler la musique à
Paris avec une faible pension (4830). Cherubini le jugea
sur ses essais et l'admit au Conservatoire, où il eut pour
maîtres Fétis et Benoist. Il prenait en même temps des
leçons particulières de Reber. En 4834, Félicien David
sortit du Conservatoire après y avoir fait des études un
peu hâtives et incomplètes, A cette époque, sa nature
enthousiaste et généreuse, peut-être aussi des aspirations
sociahstes nées de la misère, le jetèrent dans la doctrine du
saint-simonisme. Il vécut alors quelque temps dans la
retraite du père Enfantin à Ménilmontant. II créa la litur-
gie de la religion nouvelle et composa des chœurs qui
furent gravés par les soins de la communauté saint-simo-
nienne.
En 1833, après le jugement prononçant la dissolution
de la confrérie, Féhcien David quitta Paris pour se rendre
en Egypte, où un groupe de saint-simoniens allait prêcher
leur doctrine. Pendant son voyage dans le Levant, qui
dura deux ans, David ne composa qu'un recueil de pièces
de piano, publiées plus tard sous ce titre : les Brises
d'Orient, Après son retour en France, il se retira à Igny,
aux environs de Paris, et il y écrivit trois symphonies,
des quintettes pour instruments à cordes, des nonetti pour
instruments de cuivre et de nombreuses mélodies. En 4838
sa symphonie en fa fut exécutée sans grand succès aux
concerts de la rue Saint-Honoré, dirigés par Valentino.
En 4839, le nonetto en fa était joué chez Musard. En 4843,
il entreprit la composition d'une œuvre, d'une forme nou-
velle et particulière, où il tenterait de rendre les impres-
sions ressenties par lui en Orient, composition descriptive
pour orchestre, chœurs et solis, 11 dénomma cette compo-
sition « ode-symphonie » et le titre fut le Désert,
L'œuvre est divisée en trois parties : l'Entrée au désert,
la Nuit, le Lever du soleil. Les divers morceaux sont
rehés entre eux par de longues tenues d'orchestre sur les-
quelles se déclament des vers descriptifs commentant la
symphonie. Le Désert fut exécuté le 8 nov. 1844, dans
un concert donné par David au Conservatoire. Le succès
fut triomphal. Berlioz écrivit aux Débats un article
enthousiaste où il salua en Félicien David un vrai maître.
Le Désert est sans contredit le chef-d'œuvre de Félicien
David. La mélodie « 0 nuit, ô douce nuit » est une des
inspirations les plus exquises de notre musique natio-
nale. En 4845, Félicien David partit pour l'Allemagne,
où il voulait faire entendre son œuvre. Le Désert n'y
trouva pas le même succès qu'en France. En 4846, David
fit exécuter dans un concert à l'Opéra un oratorio, Moïse
au Sinaï. L'année suivante, il donnait au Conservatoire
une nouvelle ode-symphonie, Christophe Colomb, où
se rencontrent des pages heureuses, VEden, mystère
en deux parties, œuvre très inférieure au Désert, fut
joué à l'Opéra en 4848 sans succès. Sa première œuvre
dramatique, la Perle du Brésil, réussit mieux au
Théâtre-Lyrique (1851). Un des morceaux, « la chanson du
Mysoli », obtint un très grand succès. En 4860, il fit
représenter à l'Opéra Herculanum, œuvre très inégale, où
à côté de pages italiennes se rencontrent des inspirations
poétiques élevées (air de l'Extase), pittoresques, d'une
couleur vraiment intense (la Bacchanale). Le 42 mai 4862,
Félicien David donnait à l'Opéra-Comique son chef-d'œuvre
dramatique, Lalla Rou/ih, opéra comique en deux actes
inspiré du poème de Thomas Moore.
Le dernier ouvrage dramatique de Félicien David est le
Saphir, joué à l'Opéra-Comique en 4865, œuvre incolore
qui n'eut aucun succès. En 4869, Féhcien David entra à
l'Institut, où il succéda à Berlioz. Il le remplaça égale-
ment à la bibliothèque du Conservatoire.
Depuis la mort de FéHcien David, le Désert a été joué
aux concerts populaires de M. Pasdeloup et aux concerts
du Cliâtelet, et Lalla Roiikh a été repris à l'Opéra-Comique
et figure au répertoire. Les autres ouvrages du maître ne
seront peut-être jamais rejoués, et somme toute son bagage
musical est mince. Après avoir charmé par la morbidesse de
ses mélodies faciles et ses rythmes un peu surannés mainte-
nant, la génération précédente qui, comme le dit avec
esprit M. Lavoix « n'aimait guère à se donner la peine
d'écouter », la musique de Félicien David a passé de
mode. Le public présent, nourri des grands classiques, des
grands romantiques comme Berlioz et Wagner, ne peut
s'intéresser aux roucoulements souvent délicieux de ce
romantique de petite taille ; en outre, la « facture » de
Félicien David est souvent inférieure, et de nos jours on ne
se contente pas de la facilité native servie ou plutôt entra-
vée par une indolence insurmontable que l'on peut quali-
fier de paresse chez l'auteur de Lalla Roukh, On lui
reproche aussi d'avoir méprisé à la légère les œuvres et
les musiciens de l'heure présente, et de les avoir con-
damnés sans les connaître. N'oublions pas les qualités de
l'artiste, qui, somme toute, sont des qualités « rares »
aujourd'hui. Il est à remarquer aussi que l'influence de
Féhcien David a été grande sur les premières œuvres de
plusieurs maîtres venus après lui. Nous ne citerons que
M. Reyer {la Statue, le Selam, etc.), César Franck
(Ruth) et Georges Bizet (Djamileh), Charles Bordes.
DAVID (Jérôme-Fi'édéric-Paul, baron), homme politique
français, né à Rome le 30 juin 4823, mort à Langon (Gi-
ronde) le 27 janv. 4882, petit-fils de Louis David.
Elève de Saint-Cyr, il servit en Afrique et, devenu en 4852
officier d'ordonnance du prince Napoléon, il l'accompagna
-^ 1003
DAVID
en Crimée et fut promu capitaine en 4854. Il quitta l'ar-
mée en 4857 et fit dès lors sa carrière dans la politique.
Maire de Langon, conseiller général de la Gironde, il fut
élu député de La Réole le 4®^ mai 4859 après avoir échoué
dans la troisième circonscription de la Gironde, en 4857.
Il s'attacha d'abord aux questions économiques et prononça
sur le libre-échange un discours qui eut beaucoup de re-
tentissement et une certaine influence sur la conclusion des
fameux traités de 4860. Réélu par La Réole le 4^^ juin
4863, il fut secrétaire et vice-président du Corps législatif,
se déclara en faveur des Polonais (4864) et, lors de la loi
sur la réorganisation de l'armée, fit un discours dont Na-
poléon III ordonna l'impression à cent mille exemplaires
(4867). Réélu de nouveau par la Gironde le 24 mai 1869,
il combattit avec acharnement la politique et le cabinet
d'Emile Ollivier et fut un des partisans les plus exaltés de
la guerre contre la Prusse. Le 9 août 4870, il reçut le
portefeuille des travaux publics dans le cabinet Palikao et
le conserva jusqu'au 4 septembre. Le 2 juil. 4874, il posa
sans succès sa candidature à l'Assemblée nationale, mais
la Gironde le renomma député le 5 mars 4876. Partisan
du gouvernement du 46 mai, il fut réélu le 48 oct. 4877;
cette élection fut invalidée par la Chambre, mais ses élec-
teurs lui donnèrent le 7 juil. i 878 une très grosse majorité.
Le baron Jérôme David ne se présenta pas aux élections
de 4884. Il a écrit : Réflexions et discours sur la pro-
priété chez les Arabes (Paris, 4862, in-8) ; Actualités
et Souvenirs politiques (Paris, 4874, in-8)'.
DAVID (Ernest), musicographe français, né vers 4825.
Ses travaux sont faits avec beaucoup de conscience et un
soin extrême, sinon avec une grande originalité. Ils se
composent de nombreux articles publiés dans la Revue et
gazette musicale ainsi que dans le Ménestrel^ et surtout
des ouvrages suivants,: la Musique chez les Juifs (Paris,
4873, in-8); Histoire de la notation musicale depuis
ses origines (avec Mathis Lussy, 4882, in-4) ; la Vie et
les œuvres de J. S, Bach^ sa famille, ses études^ ses
contemporains (4882, in-4 2); Etudes historiques sur
la poésie et la musique dans la Cambrie (4884, gr.
in-B) ; G.-F. EaendeU sa vie, ses travaux et son temps
(4884,in-42).
DAVID (L'abbé Armand) , naturaliste français et mission-
naire en Chine, né à Espelette (Basses-Pyrénées) le 7 sept.
4826. Il entra le 4 nov. 4848 dans la congrégation de la
Mission (lazaristes). Après avoir professé quelque temps
les sciences naturelles à Savone en Italie, il fut envoyé à
la mission du Tche-li et il arriva à Pékin en 4862. Dès
l'année 4866, sous les auspices de M. Duruy, ministre
de l'instruction publique, l'abbé David fit un voyage en
Mongolie, dont les résultats importants ont été insérés dans
les Nouvelles Archives du Muséum de 4867 à 4870, soit
par l'auteur lui-même, soit par MM. Guichenot, J. Ver-
reaux. Sauvage, Lucas. Ce premier voyage fut suivi d'un
autre dans les provinces centrales de la Chine et dans le
Tibet oriental, particulièrement dans la principauté de Mou-
pin (4874) qui a été l'objet d'articles de M. E. Blanchard
dans la Revue des Deux Mondes (4874). Un troisième
voyage en Chine de M. David a été publié sous le titre
de Journal de mon troisième voyage d'' exploration
dans V empire chinois.., (Paris, 4875, 2 vol. in- 48).
Epuisé de fatigue, il s'embarqua définitivement à Changhaï
pour la France le 3 juil. 4874. En dehors des publications
dans les Archives du Muséum, dans les Annales des
sciences naturelles, etc., les principales collections de
l'abbé David ont été décrites : i^ mammifères, par Alphonse
Milne-Edwards, Recherches pour servir à l'histoire na-
turelle des mammifères... (Paris, 4868-4874, 2 vol.
in-4) ; 2** oiseaux, par le voyageur lui-même et M. Ous-
talet: les Oiseaux de la Chine... (Paris, 4877, in-8);
3» plantes, par M. A. Franchet, Plantée Davidianœ
ex Sinarum Imperio (Paris, 4884-4890, 2 vol. in-4).
L'abbé David avait résumé quelques-unes de ses recherches
dans des lettres ou rapports à M. Berthemy, ministre de
France à Pékin (BuL Soc. d'acclim., avr. 4 865), à M. F.-B.
Forbes (J.mr. JSorth China Branch Roy. Asiat. Soc,
n^ yil, 4874-4872) ; tout récemment encore (4890-4894)
il vient de donner dans les Missions catholiques, de Lyon,
une série d'articles sur la Faune et la Flore chinoises.
Rien que dans la classe des mammifères, M. l'abbé David
a découvert soixante espèces nouvelles parmi lesquelles
nous ne citerons que le Rhinopithecus Woxellana, le
Vespertilio Moupinensis, le Putorius Moup., VEla-
phurus Davidianus et le Cervulus lacrymans. L'abbé
David s'est retiré à la congrégation de la Mission, rue de
Sèvres, où il a formé une Importante collection d'histoire
naturelle. Henri Cordier.
BiBL. : H. Coudier, Bih. Sinica,
DAVID (Samuel), musicien français, né à Paris le
43 nov. 4836. Sa cantate Jephté lui valut en 4858 le
premier grand prix de Rome, et sa cantate le Génie de
la Terre, proclamée la meilleure au concours, fut exécutée
au grand festival orphéonique de 4859. En 1 864 , il devint
professeur à Sainte-Barbe. Il a composé les opéras-comiques
suivants : les Chevaliers du poignard. Mademoiselle
Sylvia, îin Caprice de Ninon, la Fée des Bruyères, la
Gageure, une Dragonnade, l'Education d'un prince^
Absalon., les Changeurs ; un grand opéra, Maccçbei;
quelques opérettes, dont l'une, la Peau de l'Ours, sombre--
mier essai dramatique, est, avec Mademoiselle Sylvia, une
des rares oeuvres de lui qui aient été représentées ; quatre
symphonies, des choeurs et des mélodies vocales. A. Ernst.
DAVID (Alban-Bernard), homme politique français, né
àLevroux(Indre) le 48oct. 4837. Maire d'Ecueillé (4888),
conseiller général de l'Indre depuis 4886, il s'est distingué
comme républicain par une campagne énergique contre le
gouvernement du 46 mai. Il a été élu député de Château-
roux le 22 sept. 4889 par 5,970 voix contre 3,250 voix
à M. P. Dufour, député bonapartiste sortant.
DAVID (Théophile), homme politique français, né à
Saint-Léger (Alpes-Maritimes) le W oct. 4851. Docteur en
médecine, il se spécialisa dans l'étude des maladies de la
bouche et de l'art dentaire et acquit en ces matières une
grande notoriété. Membre du comité d'installation de l'Ex-
position de 4889, il se présenta aux élections législatives
du 22 sept, et fut élu député par l'arr. de Puget-Théniers
par 3,746 voix contre 4,442 à un concurrent royaliste. Il
avait un programme à la fois très libéral et très gouverne-
mental. Outre sa thèse : Etude sur la greffe dentaire
(Paris, 4877, in-8), le docteur David a publié, en collabo-
ration avec Pasteur, un Iraité sur les microbes de la
bouche ; il collabore à la Grande Encyclopédie.
DAVID -Chassagnole (Jacques -Louis -Jules), peintre,
graveur et écrivain, né à Paris le 46 mai 4829, mort en
4886. Petit-fils de Louis David. Elève de Léon Cogniet et
de Picot, il est entré à l'Ecole des beaux-arts en 4849. Il
a exposé, au Salon de 4849, une Sainte Famille et le
portrait de M'^^ D,; au Salon de 1864, la Mort de saint
Joseph et une Vénitienne à sa toilette; au Salon de
4864, l'Empereur Napoléon visitant David dans son
atelier. Il a continué à exposer, les années suivantes,
des portraits, des panneaux décoratifs, des aquarelles, et
enfin des gravures à Feau-forte, d'après des œuvres de
David. Ces gravures étaient destinées à faire partie d'une
publication en 2 vol. in-4 : le Peintre Louis David,
i748-i825^ souvenirs et documents par J.-L.-Jules
David, son petit-fils (Paris, 4880). Ajoutons enfin que
David-Chassagnole a légué à l'Ecole des beaux-arts le mor-
ceau de réception de Louis David à l'Académie de pein-
ture et de sculpture, la Douleur d'Andromaque, ainsi
que divers autres ouvrages et les papiers de son grand-
père. Ant. V.
DAVID CoMNÊNE, empereur de Trébizonde (V. Trébi-
zonde).
DAVID d*Angers (Pierre-Jean), illustre sculpteur fran-
çais, né à Angers en 4788, mort à Paris le 6janv. 4856.
Le père de David était lui-même un sculpteur sur bois esti-
DAVID
^ 1004 -.
mable, mais, avec les limites imposées à un tel art, et
l'accablante charge de la célébrité de son fils, il ne pouvait
guère passer à la postérité. Dès son enfance, l'enfant fut
initié à Fart qu'il devait pousser si loin, et, son père étant
peu fortuné, ce fut de lui qu'il reçut les premières leçons,
en l'aidant dans ses travaux. Au surplus, le père, que la
carrière d'artiste avait peu favorisé, songeait-il plutôt à en
détourner son fils ; mais la vocation fut plus forte. Après
avoir appris le dessin avec Délusse, il finit par donner les
preuves de tels dons, qu'il triomphe de son père, et à vingt
ans, il part pour Paris. Avec un labeur acharné, il réussit
à gagner sa vie tout en perfectionnant ses études au Louvre,
et il entre enfin dans l'atelier du statuaire Roland. Nous ne
pouvons suivre pas à pas une jeunesse aussi bien remplie ;
qu'il suffise de dire que sauf peut-être un léger et momen-
tané écart, elle fut entièrement consacrée au travail, et
qu'elle s'écoula soit au Louvre dans l'étude des maîtres,
soit à l'atelier du professeur, soit encore dans la petite
mansarde de l'artiste dessinant la nuit à la chandelle. En
4810, il remporte le second grand prix de sculpture à
l'Ecole des beaux-arts, avec l'appui de son illustre homo-
nyme Louis David ; il entre ensuite dans l'atelier du peintre.
Enfin, l'année suivante, il remporte le prix de Rome avec
la M 07^1 d'Epaminondas.
Notons pendant son séjour en Italie son commerce avec
Canova et quelques rapports avec le sculpteur danois Thor-
valdsen. Mais ce sont là des incidents de sa vie à Rome,
entièrement consacrée au culte de l'art antique. En 4815,
il rentre à Paris qu'il quitte bientôt pour Londres où il va
admirer l'œuvre de Flaxman sans avoir à se louer de ses
rapports avec l'homme. A son retour, il est chargé d'exé-
cuter la statue de Condé pour le pont Louis XVI (aujour-
d'hui de la Concorde), que la mort de Roland avait laissée
à peine esquissée, qui figura au Salon de 484T, et qui est
aujourd'hui à Versailles. C'est déjà là mieux qu'une figure
de concours : le mouvement est admirable de vérité et de
vie, et le costume traité d'une manière intéressante, peut-
être inconnue jusqu'alors. En 4817, il exécute le buste de
Lethière, le fils de l'ancien directeur de l'académie de France
à Rome, et c'est déjà maintenant, avec les commandes
ofiîcielles, le succès qui s'annonce, attristé en 4824 par la
mort de son père. Nous voici maintenant à la période cri-
tique de la vie de l'artiste, celle où non content de faire
de belles choses, il va tenter une rénovation : il crée l'art
national. Représenter avec le marbre ce qui fut l'illustration
et l'orgueil du pays, rendre concrète cette pure conception
qu'on appelle le génie, « rendre, comme il l'a dit lui-même,
l'âme d'un grand homme en voyant son moral à la lumière
delà physiologie », tel apparaît le but de l'œuvre de David, et
il est difficile de dire qu'il fut inférieur à sa tâche. En 4824,
il achève le monument à^Bonchamp, qui peut être regardé
comme le prototype du genre national en sculpture. Puis,
après nombre de bustes vient en 1826 le monument de
Fénelon où la dignité noble du prélat s'allie d'une manière
heureuse aux gracieux détails des trois bas-rehefs qui déco-
rent le soubassement de la figure. 4825 et 4826 sont
deux années glorieuses pour David ; après l'inauguration à
Roulogne d'un buste colossal de Henri II, Charles X lui
remet la croix de la Légion d'honneur, puis il est élu
membre de l'Institut à l'âge de trente-huit ans, et enfin
pourvu d'une chaire à l'Ecole des beaux-arts. De cette
époque datent les médaillons de Manuel, Ingres, Kéra-
try, etc., et David devient ainsi une sorte d'historiographe
de son temps, et non seulement historiographe dans les
médaillons des contemporains célèbres, mais jusque dans
les détails de ses grandes compositions : tel il se montre
dans le monument du général Foy. Si l'on excepte les deux
figures,/^ Génie de la guerre ^i le Génie de r éloquence
où le souvenir de l'art grec prend les proportions d'une
inspiration personnelle, le reste du monument est un docu-
ment historique du plus haut intérêt. Qu'ils écoutent l'ora-
teur à la tribune ou suivent des funérailles, les plus illustres
personnages de l'époque sont là : c'est Royer-Collard, Cha-
teaubriand, Casimir Perier^ Benjamin Constant, etc.,
puis Victor Hugo, Viennet, Charlet, ceux pour qui la po§-
térité a ratifié le jugement de leur temps ou que le seul succès
d'un moment a portés jusqu'à nous. Quelques critiques
sans doute pourront être adressées à cette œuvre ; on s'éton-
nera de cette incohérence apparente du sujet principal drapé
à l'antique, pendant que les personnages de second plan
portent le costume moderne ; mais David a répondu à de
telles objections par avance ; l'art national qu'il a créé
s'adresse à la postérité, ambition légitime consacrée par le
succès dont l'artiste a joui de son vivant. Cette manière
surannée de représenter le sujet principal, le héros, en fait
pour ainsi parler une abstraction, un héros en dehors des
circonstances et des faits, et à titre de documents pour
l'avenir, les bas-reliefs sont là pour perpétuer le souvenir
des costumes, des attitudes et des coutumes. Le monument
du général Foy date de 4827, il est suivi des médaillons
de Dévéria, Schenetz, Duméril, etc., c'est l'époque du
plein succès, et l'attentat de 4828, dans lequel David, frappé
par un rival qu'il ne voulut jamais dénoncer, faillit perdre
la vie, ne manque pas à une carrière trop heureuse au gré
des envieux. En 4834, il épouse la petite-fille de La Revel-
lière-Lepeaux, et, ayant à peine pris deux mois de repos,
recommence cette existence d'incessant labeur. Guizot lui
confie le fronton du Panthéon. Nous avons noté l'attentat
de 4828 ; nous ne pouvons passer sous silence les inimitiés
que continue à soulever la fortune du sculpteur et les
calomnies dont on l'abreuve. Une fois marié, il rompit plus
facilement des relations peu sûres, et après avoir essayé
de répondre aux attaques de certaines feuilles, entre autres
de la Liberté^ il finit par se lasser et garda le silence. Noto-ns
ici, pour mieux justifier la défense que nous prenons de Da-
vid, que si on n'admire pas l'œuvre intégralement, l'homme
est digne de toute l'estime et de tout le respect ; jamais il
n'eût consenti à faire le médaillon d'un homme politique
dont le caractère et la conduite ne l'eussent entièrement
satisfait, et en 4833, par exemple, il se refuse à entre-
prendre le buste de Talleyrand. Nous n'énumérerons plus
les innombrables bustes et médaillons de David ; tout ce qui
fut célèbre et estimable à cette époque a revécu sous son
ciseau.
Mais si les médaillons du maître d'Angers se comptent
par centaines et sont, si l'on veut, la monnaie courante
de son génie, il ne négligea pas les œuvres plus impor-
tantes : les statues d'Armand Carrel, de Cuvier, à'Am-
hroise Paré et tant d'autres l'attestent. Et cependant, cette
tâche effrayante qu'il avait assumée ne l'empêchait pas de
se consacrer parfois à la politique, et ce fut une des carac-
téristiques de cet homme, de faire une fortune rapide et
sûre malgré les idées les plus indépendantes. Dès sa jeunesse,
en 4845, il avait pris part à une insurrection italienne en
faveur de Murât, et le voici de nouveau en 4848 lancé
dans la politique. Quoique parlant peu, il votait suivant les
convictions de toute sa vie, et il siégea à l'extrême gauche
lorsque le Maine-et-Loire l'envoya à l'Assemblée consti-
tuante. Il ne pouvait manquer d'être frappé le 2 décembre,
et c'est peut-être aux fatigues et à la douleur de l'exil qu'il
faut attribuer sa mort quatre ans plus tard.
Une œuvre aussi considérable que celle de David d'An-
gers serait malaisée à juger si cette nature de fer n'y avait
apporté une égalité et une unité qui suffiraient peut-être à
constituer le génie. S'il eut le souci de la forme sans
lequel ne peut vivre la sculpture et qu'il puisa dans l'étude
acharnée de l'antique et de la nature, c'est surtout chez
lui la pensée et la vision qu'il faut considérer. Qu'il des-
sine Louis Bertrand mourant sur son lit d'hôpital ou qu'il
modèle Gœthe et Chateaubriand ; qu'il élève le tombeau
du comte de Bourke ou veuille perpétuer le souvenir du
poète Gilbert, il a avant tout le souci de faire penser. Ce
ne sont pas des hommes qu'il fait, ce sont des génies ; il ne
représente pas, il symbolise : au reste, avec l'imperfection
parfois d'une époque qui ne sut pas échapper entièrement
au convenu, mais qui doit le faire juger d'autant plus
^ 1005 —
DAVID ~ DAVIDOV
favorablement. Quant à l'homme, il est inattaquable, et il
fut toujours au-dessus de tout soupçon de courtisanerie ou
de faiblesse. Henri d'ÂRGis.
BiBL. : Célestin Port, î>ïciïonnst.iTe historique^ etc., de
Maine-et-Loire. — François Grille, Notice biogr. sur David
d'Angers. — Adrien Maillard, Etude^ etc. — P. Hawké,
Notice sur deux artistes anqeoins {Bulletin de la Société
industrielle d'Angers), — Victor Pierre, un Mot sur
David d'Angers. — H, Jouin, David d'Angers, sa vie et
son œuvre. — F. Halévy, Notice. — Victor Pavie, Gœthe
et David. Souvenirs d'un voyage à Weimar. — David
d'Angers et ses relations liUêraires^ publiées par H. Jouin.
— Eug. Marc, l'Œuvre de David d'Angers, croquis d'après
nature. — Les Médaillons de David d'Angers^ réunis et
publiés par son fils. — Juiiien Dallière, David d'Angers^
poème, etc.
DAVID d'Augsbourg, moine franciscain, mort selon les
uns le 15 nov, 1271, ou plutôt, selon V Anniversaire du
couvent des minorités d'Augsbourg, le 19 nov. 1272. C'est
dans ce couvent que se trouve son tombeau. Il enseigna la
théologie à Ratisbonne et fut spécialement chargé de la
direction des novices, entre les années 1280 et 1240 ; il eut
pour disciple le prédicateur Berthold de Ratisbonne. Parmi
les différents traités mystiques qu'on lui attribue, les seuls
qui paraissent lui appartenir sont : Die sieben Vorregeln
der Tugeîid^ Der Spiegel der Jugend., et Christi Leben
unser Volbid. Le dernier est une traduction libre du traité
d'Anselme de Canterbury, Cur Deus homo (V. von Franz
Pfeiffer, Deutsche Mystiker des i4. Jahrhunderts,
herausgegeben ; Leipzig, 1845, 1. 1). A. B.
DAVID DE DiNAN, philosophe scolastique du xn® siècle.
Les détails manquent sur sa vie, et ses deux ouvrages :
Quaternuli et De Tomis^ seu de divisionibus, ayant été
brûlés pour cause d'hérésie, on ne connaît ses doctrines
que par un court exposé de saint Thomas, quelques lignes
d'Albert le Grand et un petit nombre de textes cités par
cet auteur d'après les écrits de David. De tous ces docu-
ments, il semble résulter que David professa le plus pur
panthéisme. « Il disait, écrit saint Thomas, que les corps,
les âmes et Dieu sont une seule et même chose, et partant
que toutes choses ne font qu'un par essence. » Voici
d'autre part quelques-uns des passages reproduits par
Albert le Grand : « Il est évident qu'il n'y a qu'une sub-
stance commune à tous les corps, à toutes les âmes, et que
cette unique substance est Dieu lui-même... Dieu, la ma-
tière et l'intelligence sont la même substance... La vraie
substance contient toutes les âmes et tous les corps sans
être pourtant ni tel corps, ni telle âme, et le seul nom
qui lui convient est le nom de Dieu lui-même. » Albert
fait de lui un disciple d'Anaximène et de Xénophane ; cela
n'est pas impossible. Ce qui est étrange, c'est qu'il vécut
plusieurs années à la cour du pape Innocent III, et que les
théologiens de son époque ne parurent pas plus que David
lui-même frappés de l'impossibilité d'accorder une telle
philosophie avec la foi chrétienne.
BiBL. : Albert le Grand, Opéra, t. XVII. — Anonymus
Laudun, Chronicon, dans Rec. des Hist.de Fr., XVIII, 715.
— Hauréau, Mém. de l'Acad. des inscr.^ XXIX, 2» partie,
et Hist. de la Phil. scoL, I, 73 et suiv. — Jourdain, Mém.
de l'Acad. des insc, XXVI, 2« part. — Martène, T/ie-
sauriis nov. anecdot., t. IV, 1(36. — Saint Thomas, Contra
Gentiles, 1. 1, 17.
DAVID Igorevitch, prince russe du xi® siècle. Il était
fils d'Igor laroslavitch. Son père l'avait laissé d'abord sans
héritage ; le grand-prince de Kiev lui assigna comme apa-
nage Dorogobouj en Volynie : plus tard, il acquit la pro-
vince de Vladimir en Volynie. Il prit part au congrès des
prmces russes. En 1097, il fit emprisonner et aveugler le
prince de Terebovl Vasilko. Il prit part à diverses expédi-
tions contre les Polovtses.
BiBL. : Chronique dite de Nestor^ traduction française ;
Paris, 1884.
DAVID l'Arménien, philosophe gréco-oriental, né à
Nerken (Arménie), vivait vers 500 ap. J.-C. Envoyé aux
écoles de la Grèce, il revint dans sa patrie, et se tenant à
l'écart des luttes politiques dont l'Arménie était alors le
théâtre, il employa toute son activité à répandre parmi ses
compatriotes le goût des idées grecques. Il eut une grande
réputation. Ses ouvrages que Neumann a découverts en
grande partie au commencement de notre siècle (Opéra,
Venet., 1823) se composent de traductions, de commen-
taires et de quelques écrits dogmatiques. Il a traduit en
arménien les Catégories, VHerménéia, une partie des
Premiers et Derniers Analytiques, la Lettre à
Alexandre sur le monde. Ses Commentaires sur f In-
troduction de Porphyre et sur les Catégories d'Arts-
tote ont été publiés en arménien et en grec. De ses
ouvrages dogmatiques en arménien, il ne reste que des frag-
ments, d'ailleurs assez étendus. L'un, intitulé Définition
des principes de toutes choses, publié à Constantinople
en 1 751 , était vraisemblablement une sorte de sommaire
destiné k ses élèves. Dans un autre, d'inspiration platoni-
cienne, il s'attache à réfuter les principes du pyrrhonisme.
Un troisième a pour titre : Apophthegmes des philoso-
phes. On a de lui en outre des Prolégomènes en grec
au Commentaire sur les Catégories, qui sont une sorte
d'introduction générale aux œuvres d'Aristote, et qui se
trouvent reproduits intégralement dans l'édition d'Aristote
publiée par l'Académie de Berlin, plus quelques traités de
théologie, et une grammaire arménienne.
BiBL. : Neumann, Journal asiatique., janv.-févr. 1829.
DAVIDI (François) (V. DAvm [Franz]).
DAVIDIS (Henriette), femme poète allemande, née à
Wengern (Westphalie) le 1®"^ mars 1800, morte à Dort-
mund le 8 avr. 1876. Elle était fille d'un ministre et reçut
sa première éducation à l'école de Schwelm. Successi-
vement institutrice dans une école d'Elberfeld, chez sa
sœur aînée, dans une famille de Bremen pendant quatre ans,
puis dame de compagnie d'une personne malade qu'elle
accompagna en Suisse, elle dirigea de 1841 à 1848, à
Sprockhsevel, près Hattingen, une école technique pour les
jeunes filles. Depuis cette époque jusqu'à sa mort, elle se
consacra exclusivement à la littérature. Elle est auteur
d'un livre de cuisine {Kochbuch) célèbre en Allemagne, et
a publié en 1848 un livre de poésie (Gedichte), E. x\sse.
DAVIDOV ou mieux DAVYDOV (Denys-Vasilievitch),
général et littérateur russe, né en 1784, mort en 1839. Il
entra fort jeune dans l'armée, se fit remarquer par ses
talents littéraires et appela sur lui l'attention de Souvarov.
En 1806, il devint aide de camp de Bagration, prit part
aux affaires d'Eylau, de Friedland, puis à la campagne de
Finlande. En 1809, il passa en Moldavie. Il se distingua
aux sièges de Silistrie et de Schoumla. Il était lieutenant-
colonel en 1812 ; il organisa un corps de partisans qui
rendit de grands services et fit beaucoup de mal aux Fran-
çais. En 1813, il poussa jusqu'à Dresde, puis fit partie de
l'armée d'invasion : il se signala aux affaires de la Rothière,
de Craonne, de Fère Champenoise. En 1819, il devint chef
d'état-major du III^ corps d'infanterie. Il prit sa retraite en
1823. L'empereur Nicolas le rappela à l'activité et l'em-
ploya dans les guerres contre la Perse et la Pologne, Après
la campagne de Pologne, il se consacra uniquement à la
poésie et à la littérature militaire. Ses œuvres complètes
ont été publiées en 1866 (3 vol., Moscou, avec le portrait
de l'auteur). Elles renterment des poésies et des mémoires
sur des questions militaires. L'un des plus importants est
nn Essai sur la guerre des partisans ; il a été traduit
en français (Paris, 1841, avec une préface du général de
Brack). En 1863, ont paru à Londres des Mémoires iné-
dits de Denis Davydov. L. L.
DAVIDOV (Charles), violoncelliste et musicien russe, né
à Goldingen en Courlande le 15 mars 1838. Après avoir
travaillé le violoncelle à Moscou et suivi les cours de l'uni-
versité de cette ville, il partit pour Saint-Pétersbourg, puis
pour Leipzig, où il étudia la composition avec Hauptmann.
Son succès au Gewandhaus, en 1859, fut si grand qu'il
lut nommé premier violoncelle de la société, et, peu après,
professeur au conservatoire de cette ville. De retour en
Russie, après un voyage en Allemagne et en Hollande, il
fut nommé professeur au conservatoire de Saint-Péters-
bourg, violoncelle-solo de la musique de la cour, etc.
DAVIDOV — DAVIDSON
1006
Davidov s'est fait applaudir à Londres, à Bruxelles, à Paris,
où on l'a entendu deux fois, au Conservatoire, en 4874.
Son talent d'exécution lui a valu de très grandis éloges.
Comme compositeur, il est plus discuté ; du reste, à part
quelques morceaux de piano et des liedeVy il n'a guère écrit
que pour son instrument : on cite de lui des concertos, ime
romance sans paroles, une ballade, etc. En 1876, il a été
nommé directeur du conservatoire de Saint-Pétersbourg et
de la Société impériale de musique russe. Alfred Ernst.
DAVIDOViCS (Paul, baron), général hongrois, né à
Bude en 4737, mort à Komarom le 48 févr. 4844. Il figura
dans la guerre contre les Turcs, puis dans la campagne
d'Italie de 4796, comme lieutenant de Wurmser. Dans la
campagne de 4805, il se signala à Caldiero ; puis il reçut
le commandement de la place de Komarom (Comorn), qu'il
conserva jusqu'à sa mort.
DAVIDOVITCH (Dmitri), écrivain et homme d'Etat serbe,
né à Zemun (Semlin) en 4788, mort à Smederevo (Semen-
dria) en 4838. Il publia à Vienne, de 4817 à 4822, le
premier journal serbe, Srpske Novine^ puis une Histoire
de la nation serbe. En 4843, il entra au service de la
Serbie, devint secrétaire du prince Milan et ministre de
l'intérieur. Son Histoire de lanatioîi serbe a été traduite
en français par Alfred Vigneron (Belgrade, 4848). Radjitch
a publié en 4846, à Belgrade, une notice bibliographique
sur Davidovitch. L. Léger.
DAVIDS (Thomas-William), historien ecclésiastique an-
glais, né à Swansea le 44 sept. 4846, mort à Forestgate
le 14 avr. 4884. Fils d'un pasteur, il fit d'abord quelques
études médicales, puis devint, en 4840, ministre indépen-
dant. Il est connu comme auteur d'une très importante
histoire religieuse du comté d'Essex à laquelle il consacra
presque toute son existence et dont une partie seulement a
été publiée : Annals of evangelical nonconformity in
the county of Essex from the time of Wycliffe to the
restoration ivith memorials of the Essex ministers
ejected or silenced in i660-i662 (4863, gr. in-8) et
qui occupe 6 vol. in fol. manuscrits. Il avait aussi projeté
des Annals of Reformers before the reformation, dont
il n'a pu mettre au jour que des fragments disséminés dans
le Dictionary of Christian Biography de Smith et dans
la British Quarterly Review (sept. 4870). R. S.
DAVIDSEN (Jacob), écrivain danois, né à Copenhague
le 28 août 4843. Outre les articles qu'il a fournis à
divers journaux conservateurs dont il fut rédacteur ou
correspondant, il a publié des esquisses : De V Ancien
Copenhague (4880-81, 2 vol.); Du Temps de nos pères
(4889) et /a Vie à Copenhague autrefois et aujourd'hui
(4889). "^ B^s.
DAVIDSON (Mount). Montagne de la sierra Nevada,
dans l'Etat de Nevada (Etats-Unis). Elle domine à l'O. la
ville de Virginia City, et est célèbre par les riches filons
d'argent qu'elle renferme. C'est là que se trouve la fameuse
veine Comstock (V. Comstock). Aug. M.
DAVIDSON (Ezechiel), paysagiste et peintre de genre
hollandais, né à La Haye en 4792. On cite parmi ses pein-
tures : la Comtesse d'Egmont devant le duc d'Alhe.
DAVIDSON (James), antiquaire et bibliophile anglais,
né à Tower Bill (Londres) le 43 août 4793, mort à
Secktor House, Axminster (Devonshire), le 29 févr. 4864.
Ayant, à l'âge de trente ans, acheté un domaine près
d'Axminster, Davidson consacra presque toute son exis-
tence à l'étude des antiquités du Devonshire et surtout de
la vallée de l'Axe sur lesquelles il publia les ouvrages sui-
vants : The British and Roman Remains in the vicinity
of Axminster (4833) ; History of Axminster Church
(4835) ; History of Newenham Abbey, Devon (4843) ;
Axminster during the Civil War (4854) ; Notes of the
Antiquities of Devonshire (1864). Le principal ouvrage
bibliographique de James Davidson est intitulé Biblio^
theca Devonensis, a Catalogue of the printed Books
relating to the Coimty of Devon (with supplément)
(1852-4862). On doit encore à Davidson, outre un glos-
saire des termes de l'Ecriture sainte, édité en 4850, de
nombreux articles parus dans les Notes and Queries, le
Pulman's Weekly News^ le Gentleman Magazine, etc.
DAVIDSON (John), voyageur anglais, né le 23 déc.
4797, mort le 48 déc. 4836. D'abord employé dans une
importante droguerie de Londres, il songea un moment à
étudier la méciecine et à se faire recevoir docteur. Mais,
étant venu à Naples en 4827 pour raison de santé, il prit
goût aux longs voyages. De Naples, il passa en Styrie et
en Carniole, visita Vienne, -parcourut la Pologne et la
Russie et revint en Angleterre par Hambourg. En 4829,
il visitait l'Egypte, puis la Palestine, la Syrie , l'Archi-
pel, Athènes et Constantinople. En 4834, il s'embarquait
pour l'Amérique, passait du Niagara au Canada, à New-York,
à la Nouvelle-Orléans, à Tampico, à Mexico. Il entreprit
enfin à ses frais une grande expédition en Afrique. Parti
d'Angleterre en août 4835, il gagna le Maroc et voulut
traverser le désert pour atteindre Tombouctou, mais il fut
tué et dévalisé au puits de Souckeza. Davidson avait été
élu en 4832 membre de la société royale de géographie
dont les comptes rendus renferment beaucoup de communi-
cations de lui. Son frère a publié ses Notes taken during
travels in Africa (Londres, 4839, in-4), qui sont fort
intéressantes. R. S.
DAVIDSON (Samuel), commentateur biblique anglais,
né à Ballymessa (Irlande) en 4807. D'abord ministre pres-
bytérien, puis congréganiste, il professa la critique sacrée
à Bedfort, puis les langues orientales à Manchester. Ses
œuvres, aussi ennuyeuses que considérables, comprennent
près de vingt volumes de commentaires sur l'Ancien et le
Nouveau Testament.
DAVIDSON (Lucretia-Maria), jeune fille poète des Etats-
Unis, née à Plattsburg, sur le lac Champlain, le 27 sept.
4808, morte le 27 août 4825. A douze ans, elle avait lu
Shakespeare, Kotzebue, Goldsmith, un grand nombre de
poètes et d'historiens, et avait publié ses premiers vers.
L'ensemble de ses poésies a été publié par Morse : Amir
Khan and other poems, the remains., with a hiogra-
phical sketch (New-York, 4829).
DAVIDSON (Thomas), géologue et paléontologiste anglais
contemporain, né à Edimbourg le 47 mai 4847. Il reçut
toute son éducation en France et en Italie et s'occupa de
bonne heure de géologie, et en particulier des brachio-
podes fossiles, auxquels il consacra un grand ouvrage : On
British fossil Brachiopoda (3 vol. in-4, av. 474 pi.: édit,
allem. par Siiss; Vienne, 4856). Outre une foule de mé-
moires disséminés dans les recueils périodiques, il a encore
publié : Illustrations and history of Silurian life
(Londres, 4868). D^ L. Hn.
DAVIDSON (Margaret-Miller), sœur de Lucretia-Maria,
poète comme elle et comme leur mère, née le 46 mars
4823, morte le 25 nov. 4838. Aussi précoce que l'avait
été Lucretia, elle lisait, dès l'âge de six ans, les poètes
anglais, et bientôt chercha à les imiter. Tout en étudiant
à la maison, sous la direction de sa mère, elle commença
à composer des vers. Sa santé était très débile ; la con-
somption la prit à son tour après sa sœur et un jeune frère.
Elle s'éteignit lentement à la fin d'une saison passée à
Saratoga. Ses poésies urent présentées au public sous les
auspices de Washington Irving. Plus tard, elles furent réu-
nies avec celles de sa sœur en un seul volume (4850). En
4844 parut un volume intitulé : Sélections of writings
of Mrs. Margaret Muller Davidson (la mère de Lucretia
et de Margaret), avec une préface de miss Sedgwick.
DAVIDSON (George), astronome américain, né à Not-
tingham (Angleterre) le 9 mai 4825. Amené aux Etats-
Unis en 4832, il a fait ses études à Philadelphie, a été
chargé de nombreuses opérations de triangulation dans
l'Amérique du Nord et a fondé à San Francisco un obser-
vatoire qui porte son nom. Outre d'intéressants mémoires
d'astronomie, d'hydrographie et de géodésie parus dans les
publications officielles et dans les recueils de la National
Academy of sciences, dont il est membre depuis 4874,
— lOOt —
DAVIDSON — DAVIES
on a de lui : Coast Pilot of California, Oregon and
Washington (1857) ; Coast Pilot of Alaska (1868). L. S.
DAVIDSON (Harriet Miller, dame), femme auteur an-
glaise, née à Cromarty (Ecosse) le 25 nov. 1839, morte à
Adélaïde (Australie) le 20 déc. 1883. Fille du géologue
Hugh Miller (V. ce nom), elle reçut une très forte éduca-
tion à Edimbourg et à Londres. En 1863, elle épousa le
révérend Jolm Davidson, qui Temmena en Australie. Elle
a écrit un certain nombre de poésies qui ne manquent point
de mérite et qui sont dispersées dans des revues et des
journaux locaux, des chroniques littéraires et des nouvelles
qui ont obtenu un grand succès. Nous citerons: Isobel
Jardine' s history, Christian Osborne's friends^ A Man
of genius^ Sir Gilherfs Children^ Daisy's Choice (publ.
dans Chambefs Journal en 1870) et the Hamiltons^ a
story of australian life [id.^ 1878). R. S.
DAVIDSON ITE (Miner.). Variété bacillaire de béryl
(émeraude), que l'on trouve en grandes masses dans les
pegmatites.
D AVI EL (Jacques), chirurgien et oculiste français, né à
La Barre, diocèse d'Evreux, le 11 août 1696, mort à Ge-
nève le 30 sept. 1762. Il étudia à Paris, puis en 1719 se
rendit à Marseille à l'occasion de la peste et fut agrégé
au corps des maîtres chirurgiens de cette ville ; là, il fit
pendant vingt ans des cours d'anatomie et de chirurgie.
Dès 1728 il s'occupa spécialement des maladies des yeux
et ne tarda pas à acquérir une grande célébrité. En 1746
il alla se fixer à Paris, où il fut autorisé à opérer aux
Invalides, puis en 1749 fut nommé chirurgien-oculiste du
roi. Plusieurs cours de l'Europe le mandèrent et voulurent
le retenir. Daviel doit être considéré comme l'inventeur du
procédé d'extraction de la cataracte, dont il a le premier
formulé exactement les règles. On a de lui : Lettres sur
les maladies des yeux (Paris, 1748, in-12) ; Lettres....
sur les avantages de l'opération de la cataracte par
extraction (Paris, 1756, in-12) ; Mémoire sur une nou-
velle méthode de guérir la cataracte par extraction
{Mémoire de l'Académie de chirurgie, t. II). D^L. Hn.
DAViER. I. Chirurgie. — Instrument en forme de pince,
à branches droites ou courbes, composé de deux lames d'acier
solides, réunies par une articulation qui les divise en deux
parties inégales : les mors (petite) et les branches (grande).
Il en est de plusieurs sortes suivant qu'ils servent au chi-
rurgien ou au dentiste. Les daviers des chirurgiens ont des
dimensions plus grandes ; ils servent à saisir les os, soit
pour les extraire quand ils sont détachés (esquilles, séques-
tres), soit pour les maintenir pendant qu'on les sépare des
parties molles qui les entourent et qui s'y insèrent. On
s'en sert encore pour extraire des corps étrangers plus ou
moins volumineux (projectiles de guerre, etc.) enfoncés
dans les tissus. Les mors sont quelquefois garnis de pointes,
de dentelures pour mieux tenir. Dans les daviers des den-
tistes, les mors, qui sont destinés à la prise de la dent,
restent toujours un peu écartés, de manière à saisir, mais
à ne pas serrer. Leur forme est très variable. Il faut autant
de daviers que d'espèces de dents. Encore la même espèce
comporte-t-elle des instruments différents pour le côté droit
ou le côté gauche, pour la mâchoire inférieure ou la mâ-
choire supérieure. Pour la pratique courante, il en faut
huit à dix : deux pour les racines inférieures et supé-
rieures ; deux pour les incisives, canines et prémolaires su-
périeures ; deux pour les mêmes dents inférieures ; deux pour
les grosses molaires supérieures, un pour les molaires infé-
rieures. Dans le maniement du davier, il faut d'abord saisir
la dent solidement et le plus loin possible sur la racine ; il ne
faut pas craindre d'enfoncer les mors. Dans un second
temps, il faut tenir la dent sans la serrer ; suivant le cas,
on luxe en dehors ou en dedans ; ou même on imprime un
mouvement de torsion à l'instrument jusqu'à ce que les liens
d'attache soient rompus. La traction de la dent doit être
modérée et d'une direction calculée pour éviter de heurter
avec l'instrument les dents antagonistes. D^ Th. David.
IL Marine. — Dans l'ancienne marine on donnait le
nom de davier à une pièce de bois courte, travaillée à
huit faces ; elle servait d'appui à un appareil employé pour
« élever les pattes d'une ancre qu'on se propose de traverser
sans endommager le bordage de l'avant » (Romme). Ce
mot sert aujourd'hui à désigner un rouleau en bois ou en
fer, mobile autour d'un axe supporté par deux montants.
Il sert à substituer le frottement de roulement au frotte-*
ment de glissement, lorsqu'on agit sur un câble qui rentre
à bord d'une embarcation ou d'un bâtiment. Les cercles
de fer capelés aux bouts-dehors de bonnettes portent de
petits daviers pour le gUssement des bouts dehors et sont
même souvent appelés daviers.
DAVIES (William), voyageur anglais du xvi® siècle. Chi-
rurgien-barbier à Londres, il s'embarqua en 1598 sur un
vaisseau marchand, visita Cività Vecchia, Alger, Tunis, fut
pris par des galères appartenant au duc de Florence, et
demeura esclave à son service pendant huit ans. Il fut alors
emmené en expédition sur l'Amazone par un capitaine flo-
rentin, et au retour en Italie fut saisi par l'Inquisition pour
avoir voulu enterrer lui-même le corps d'un pirate anglais.
Soumis à la question et emprisonné, il fut délivré par un
armateur anglais qui le ramena à Londres en 1614. Davies
a écrit un intéressant récit de ses aventures, a True Rela-
tion of the Travailes and captiuitie of William Davies
(Londres, 1614; réimp. en 1746 dans les Travels and
voyages d'Osborne). R. S.
DAVIES (Sir John), poète et homme d'Etat anglais, né à
Tisbury (Wiltshire) en 1569, mortà Londres le 7 déc. 1626.
D'abord avocat, il se fit renvoyer de Middle Temple pour
avoir cassé sa canne sur la tête d'un confrère, retourna à
Oxford, où il avait fait ses études et publia sous le titre
à' Orchestra un poème sur l'art de la danse, puis un long
fatras didactique sur l'immortalité de l'âme qu'il dédia à la
reine. La même année (1599) parurent Hymns to astrp^a,
autre flatterie à la même adresse, collection d'acrostiches
portant toutes le nom d'Elisabeth Regina, En 1601, il
rentre au barreau après amende honorable, se fait envoyer
au parlement et obtient un poste important en Irlande.
Créé chevalier par Jacques I®"^, il venait d'être nommé
chief justice \oT^(\Xi'\\ mourut d'une attaque d'apoplexie.
Ses œuvres complètes ont été réunies en 3 vol. (1869-
1876). Hector France.
DAVIES (John), lexicographe anglais, né vers 1570,
mort à Mallwyd le 15 mai 1644. Entré dans les ordres en
1594, il fut nommé en 1604 recteur de Mallwyd, recteur
de Llanymowddy en 1613, et de Darowenen 1615. Outre
l'important ouvrage qui a fondé sa réputation : Antiques
linguœ Britanniœ dictionarium duplex (Londres,
1632), il a publié : Afitiquœ Linguœ britanniœ rudi-
menta (1621 ; 2«éd., Oxford, 1809); Welsh Translation
ofthe articles (1632), et divers poèmes archaïques qui se
trouvent dans Flores poetarum Britannicorum (1710).
DAVIES (John), littérateur anglais, né à Kidwelly en
1625 ou 1627, mort à Kidwelly le 22 juil. 4693. Ce fut un
traducteur infatigable, et on lui doit ici une mention pour
avoir fait connaître en Angleterre un très grand nombre de
nos auteurs du xvii® siècle. Nous citerons : les Provinciales
de Pascal (1656) ; les Lettres de Voiture (1655) ; la Clélie
(1656), plusieurs romans de Scarron (1657-1662), etc.
On lui attribue : A History of the civil Wars of Great
Britain and L'eland (Londres, 1661). R. S.
DAVIES (Miles), bibliographe anglais, né près de Whi-
teford en 1662, mort vers 1715. Il fit son éducation au
collège anglais de Rome, où il fut ordonné prêtre en 1688,
revint en Angleterre en cette même année, puis se conver-
tit au protestantisme en 1705. Il vécut dans une profonde
misère. L'ouvrage qui l'a fait connaître est une énorme bio-
bibliographie : Athenœ Britannicœ. (Londres, 1715-1716,
7 vol. in-8 et in-4) qui renterme, outre une bibliographie
très étendue, une sorte de drame religieux et satirique :
P allas- Anglicana (t. V), et the Présent and former
State of Physick, Diseases, Patients, Quacks and Poe-
tors (t. VI). Cet ouvrage est d'une extrême rareté. Davies
DAVIES — DAVILA
- 1008
a encore publié : the Recantation ofMr, Pollet (Londres,
4705, ia-4), et the Présent and primitive State of
Arianism (Londres, 4715, m-8). , R. S.
DAVIES (John), érudit anglais, né à Londres en 4679,
mort en 4732. Il était président de Queen's Collège depuis
4747, et, depuis 4725, vice-chancelier de Tuniversité. On
lui doit un grand nomdre de bonnes éditions d'auteurs grecs
et latins, particulièrement de Cicéron.
DAVIES (Edward), érudit anglais, né près de Builth
(comté de Radnor) le 7 juin 4756, mort à Bishopston le
7 janv. 4834. Fils d'un petit fermier, il entra dans les
ordres en 4779, et devint recteur de Bishopston en 4805,
II occupa tous les loisirs que lui permettaient ses devoirs
ecclésiastiques à l'étude des dialectes et des traditions cel-
tiques sur lesquels il a publié d'intéressants ouvrages.
Nous citerons : Celtic Researches on the origin, tradi-
tions and Language of the ancient Bn^o/zs (4804);
the Mythology and Rites oftheBritish Drmds (1809);
the Claims of Ossian (4825). Il est aussi l'auteur des
poésies archaïques : Aphthate, the genius of Britain
(4784); Vacunalia (1788), et d'une nouvelle, Eliza
Powell or the trials ofSensihility (4795). R. S.
DAVIES (Walter), ministre anglican, né en 4764, mort
en 4849. Sa carrière ecclésiastique, commencée vers 4803,
se poursuivit entièrement dans le pays de Galles, qu'il
étudia à fond sous tous les points de vue, linguistiques et
littéraires, agricoles et économiques. Il publia quelques-uns
des résultats de ses méditations en cinq volumes sous ce
titre : General View of the agriculture and economy
of North Wales and South Wales, On lui doit en outre
les éditions des œuvres poétiques de Hugh Morris et de
Lewis Glyn Cothi, qui écrivirent dans le dialecte celtique.
Il fit paraître lui-même dans la même langue un grand
nombre de pièces originales, d'un vrai mérite })oétique.
DAVIES (Catherine), femme auteur anglaise, né à Beau-
maris en 4773, morte à Londres vers 4844. Gouvernante
dans une famille française en 4802, elle occupa les mêmes
fonctions auprès de Caroline Bonaparte, femme de Murât,
et la suivit en Italie lorsque Napoléon eut donné à Murât
le royaume de Naples. Elle a écrit une relation fort inté-
ressante de la vie privée de Murât et de sa famille : Ele-
ven Years' résidence in the Family of Murât King of
Naples (Londres, 4844, in-42). R. S.
DAVIES (Robert), archéologue anglais, né à York le
49 août 4793, mort à York le 23 août 4875. Solicitor à
York de 4844 à 4837 et clerk de la municipalité de 4827 à
4848, membre de la société des antiquaires depuis 4842.
On lui doit : Ihe Freeman's Roll of the city of York
(4835); Extracts from the municipal Records of the
city of York (4843) ; the Faivkes's of York in thesix-
teenth Century (4850); the Visitation of the county
of York (1859) ; the Life of M. Rawdon (4863) ; A Me-
moirofthe York Press (4868), etc., etc. R. S.
DAVIES (Thomas-Stephens) , mathématicien anglais,
né en 4795, mort à Shooter's Hill, près de Woolwich, le
6 janv. 4851. Membre de la société royale d'Edimbourg
(1831) et de la société des antiquaires (1840), professeur
de mathématiques à l'école mihtaire de Woolwich (1834),
il a écrit d'intéressants mémoires sur les propriétés du
trapèze, l'hexagramme mystique de Pascal, les propriétés
symétriques des triangles, la théorie mathématique du ma-
gnétisme terrestre (Philosophical Magazine, Tra7isac-
tions ofthe R, Soc. of Edinburgh, Philosophical Tran-
sactions), a imaginé un nouveau système de géométrie
sphérique et a donné d'originales solutions de problèmes
sous le titre : Solutions of the principal questions in
D^ Hutton's Course of mathematics{iS^O, in-8). L. S.
BiBL. : Westminster Review, avr, 1851, p. 70.
DAVIES (Lady Lucy-Clementina), née au château de
Saint-Germain le 11 nov. 1795,morteà Londres le 27 avr.
1879. Fille de lord Léon-Maurice Drummond de Melfort,
et de Marie-Elisabeth-Luce de Longuemarre, elle épousa
le 8 sept. 1823 Francis-Henry Davies, fonctionnaire de la
cour de chancellerie. Elle a publié Recollections of So-
ciety in France and England (Londres, 1872, 2 vol.),
mémoires qui renferment d'intéressants détails sur la cour
des Bourbons et des Bonaparte. R. S.
D AVI ET DE FoiNCENEx (François), mathématicien, né à
Thonon en 1733, mort à Casai en août 1799. Il futotficier
général de l'armée sarde. Elève et ami de Lagrange,
membre de l'académie de Turin" (1778), il a laissé, en
dehors de nombreux manuscrits, des mémoires {Mise, Soc,
Taurin,, 1759 à 1762) sur les logarithmes des quantités
négatives et imaginaires et sur les Principes fondamen-
taux de la mécanique (repris dans un volume édité à
Turin, 1799). Daviet de Foncenex est Tun des créateurs
de la théorie des fonctions hyperboliques. Il mourut dans
la disgrâce, pour avoir rendu Villefranche aux Français
en 1792.
DAVIGNAG. Corn, du dép. de la Corrèze, arr. d'Ussel,
cant. de Meymac; 1,402 hab.
DAVIGNON, peintre décorateur français du xix« siècle.
Cet artiste, un inconnu déjà pour les jeunes, florissait
après 4830, et il est à regretter qu'il ne se soit pas trouvé à
cette époque un écrivain pour fixer sa biographie et un artiste
pour graver ses principales compositions, dans une Galerie
quelconque des célébrités de la rue. Ses prénoms, son lieu
d'origine, la date de sa naissance et celle de sa mort res-
teront probablement toujours inconnus. Peintre d'enseignes,
il était inimitable dans son genre, et son exubérante fan-
taisie, son brio d'exécution sans pareil, la hardiesse éton-
nante de son coloris, faisaient de chacune de ses produc-
tions nouvelles un événement artistique... de la rue. A
ce titre, il mérite d'être compté parmi les ancêtres de cet
art de l'affiche illustrée, en plein développement aujour-
d'hui, Davignon était aussi un calligraphe habile, et, ne
se bornant pas à illustrer ses inscriptions murales des ara-
besques et des parafes les plus étonnants, il gravait pour
les éditeurs parisiens des lettres pour les cartes, les plans
et les modèles d'écriture ; il a ainsi attaché son nom à la
méthode Régnier, éditée vers 4850 par Dezobry et Magde-
leine. Paresseux comme un bohème et ivrogne incorrigible,
ces deux vices réunis devaient, malgré tout son talent, lui
faire terminer sa carrière à l'hôpital ; il mourut effective-
ment à l'Hôtel-Dieu, des suites d'une chute. Ad. T.
D AVI LA (Enrico-Catarino), historien italien, né à Sacco,
territoire dePadouc, le 30 oct. 4576, mort enjuil. 4634.
D'origine espagnole et fils d'un connétable du royaume de
Chypre, il fut pour ainsi dire élevé en France, où son
père, après la victoire des Turcs, avait trouvé aide et pro-
tection en Catherine de Médicis (4572). Lui-même le ra-
conte : « J'étais présent, en 4588, à l'ouverture des états
de Blois et si près du roi que j'entendis très distinctement
tout son discours » {Histoire, liv. IX). Tout jeune, il prit
part à de nombreux faits d'armes, notamment au siège de
Hanfleur (1594) et au siège d'Amiens, où il fut blessé
(1597). Revenu à Padoue (1598), il compléta son instruc-
tion, fréquenta chez les académiciens de Parme, les Inno-
minati, puis reprit, cette fois au service de Venise, du
service miHtaire. Il guerroya en Dalmatie, à Candie, devint
enfin gouverneur do Brescia (1630) et fut tué dans une
rixe, près de Vérone, en allant prendre le conunandement
de la place de Crémone. Il avait publié, l'année précé-
dente, l'ouvrage si précieux pour l'histoire de la Ligue :
Historia délie guerre civili di Francia nella quale si
contengono le operazioni di quattro re, Francesco lU
Carlo IX, Eenrico III et Uenrico IV, cognominato il
Grande (Venise, 1630, in-4). Ce livre eut plus de deux
cents éditions, mais la meilleure et la plus belle est celle
de Paris (1644, in-fol.) ; il y en a des traductions fran-
çaises (par G, Baudouin, Paris, 1642, et par l'abbé Mallet
de Grosley, Amsterdam [Paris] ,4757), espagnole, anglaise,
latine (par Francesco Cornazzano; Rome, 4745), etc. En
tmitcs choses Italien et catholique, Davila est partisan de
Catherine de Médicis et des catholiques ; il serait absurde
de lui demander de l'impartialité ; c'est un homme de parti,
— 4009 —
DAVILA — DAVILLIER
parce que c'est un homme d'action, et, si cela doit dimi-
nuer son autorité, sa bonne foi demeure entière. Il faut à
l'historien futur des documents pour et contre : ceux de
Davila sont peut-être un peu suspects, mais ce sont des
documents.
BiBL. : Apostolo Zeno, Memorie sulla famiglia e sulla
vita, di E.-C. Davila (en tôte de Tédit. de Venise \ 1733, 2 vol.
in-fol.)- — G- Baudouin, Notes et observations jointes à la
traduction française du môme auteur ; Paris, 1642, 2 vol.
in-fol.
DAVILA (Sancho) , général espagnol (V. Avila [San-
cho de]).
DAVILA ou D'AVILA (Juan-Bautista) , poète espagnol,
né à Madrid, mort à Madrid le 8 mai 4664. Appartenant
à l'ordre des jésuites, il enseigna dans les collèges de son
ordre la littérature et les langues orientales. Il est surtout
connu par un ibng poème de vingt-quatre mille vers :
Pasiôn del Hombre Bios en décimas (Lyon, 4664, in-^)
qui ne vaut pas mieux que tant d'autres poèmes didac-
tiques de la même époque. E. Cat.
dAVILA (Julian-Gutierrez), prêtre de l'Oratoire de
Saint-Philippe de Neri, dont il fut prévôt à Mexico, mort vers
4740 à l'âge de soixante-quatre ans. Il publia : Vida del
P. Domingo Pérez de Barcia, fundador del colegio de
S. Miguel de Belen de Mexico (Madrid, 4720, in-4) ;
Memorias histôricas de la congregaciôn de S. Felipe
Neri de Mexico (Mexico, 4736, in-fol.) ; quatre panégy-
riques, un poème en hexamètres sur sainte Rosalie et des
exercices spirituels. B-s.
DAVILA (Pedro-Franco), naturaliste espagnol, né à
Guayaquil (Pérou), mort en 4785. Il se fit remarquer
par son goût pour les sciences naturelles, et, à Paris,
où il vécut quelque temps dans la société de plusieurs
savants distingués, il forma un beau cabinet d'histoire
naturelle, dont le catalogue, publié en 4767, 3 vol. avec
pi., fut rédigé par Rome de Lisle et est encore recherché.
Il fut ensuite nommé directeur du musée d'histoire natu-
relle de Madrid, qu'on l'avait invité à créer, et grâce à
son activité, à ses relations incessantes avec le nouveau
monde, il fit de cet étabhssement un des plus riches qu'il
y eût alors en Europe. E. Cat.
DAVILA Y Heredia (Andrès), seigneur de La Garena,
écrivain espagnol du xvii® siècle, originaire du royaume de
Valence. Il exerçait la profession d'architecte et ingénieur
militaire et voyagea beaucoup hors d'Espagne. Outre divers
ouvrages scientifiques comme Arte de medii' tierras
(Valence, 4674, in-8) et Demostrar la inteligencia de
Archimedes, que con el espejo quemé la armada ene-
miga (Madrid, 4679, in-4), on a de lui un traité des
exercices du corps : Palestra particular de los exerci-
cios del cavallo, etc. (Valence, 4674, in-8); des pam-
phets : Tiendade antojospoliticos(YsL\eme,i613, in-8);
Aduana de impostores en la medicina, et Comedia
sin musica (Valence, 4676, in-8). Ce dernier ouvrage, le
plus connu de tous ceux qu'a écrits Davila, est une cen-
sure de l'opéra dont la mode commençait à prendre en
Espape. E. Cat.
DAVILA Y Padilla (Augustin) , historien hispano-mexi-
cain, né à Mexico en 4562, mort en 4604. A peine reçu
maître es arts, il prit l'habit de Saint-Dominique vers
4578, fut lecteur en philosophie et en théologie aux col-
lèges de La Puebla et de Mexico, prieur de son couvent à
La Puebla, qualificateur de l'inquisition, définiteur de sa
province pour le chapitre général (4589) et procureur de
son ordre auprès des cours de Madrid et de Rome (4596).
Sa science, son zèle et son éloquence lui valurent le titre
de prédicateur de Philippe II (4598), de chroniqueur des
Indes et le siège métropolitain de Saint-Domingue (4599)
où il fut consacré en 4604. Aussi sévère pour lui-même
que pour les ennemis de l'Eglise, il se retira dans une cel-
lule au lieu de siéger au palais archiépiscopal, et il fit
brûler trois cents exemplaires d'une Bible traduite en es-
pagnol et annotée par des protestants. Chargé en 4589
d'écrire l'histoire de son ordre, il se servit autant des do-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XIII.
cuments origmaux que des travaux manuscrits de A. de
Moguer, de Vie, de Las Casas, de Domingo de La Anuncia-
ciôn et de Th. Castellar. Achevée en 4592, elle parut
sous les titres de Historia de la fundaciôn de la pro-
vincia de Santiago de Mexico, de la orden de Predi-
cadores (Madrid, 4596, in-4; 2« édit., Bruxelles, 4625)
et de Varia historia de la Nueva Espana y Florida
(Valladolid, 4632; 2« édit., 4634). Elle est précieuse,
quoique la rhétorique y nuise à la précision. Il ne faut
pas la confondre avec son Historia antigua de los
Mexicanos, en partie rédigée d'après les documents alors
inédits de D. Duran et qui passa longtemps pour perdue, mais
que les éditeurs de la Biblioteca de los Americanistas se
proposent d'éditer, ainsi que l'ouvrage précédent. — Son
frère aîné, Antonio, né à Mexico et membre du même ordre
(4576), écrivit une grammaire de la langue nahua. B-s.
DAVILER (Charles) (V. A viler [Augustin-Charles de]).
DAVILLA(/)â^i;i7kVand.) (Bot.). Genre de Dilléniacées,
du groupe des Hibbertiées, composé d'arbrisseaux sarmen-
teux, caractérisés surtout par les deux sépales intérieurs,
qui sont très développés et persistent autour du ivmt.
L'espèce la plus importante, D, elliptica A. S.-Hil., croît
au Brésil, où ses feuilles servent à préparer un vulnéraire
qui jouit d'une certaine réputation sous le nom de Cam-
baïbinha. yA. Lef.
DAVILLIER (Jean-Charles, baron), archéologue' fran-
çais, né à Rouen le 27 mai 4823, mort à Paris le
3 mars 4883. Il était destiné par sa famille à en-
trer dans la banque, mais il résolut de se consacrer aux
études archéologiques vers lesquelles ses goûts le portaient.
Des voyages nombreux dans l'Europe, en Italie et en
Espagne lui permirent de joindre aux ressources de son
érudition une rare connaissance pratique des œuvres d'art.
Son esprit curieux s'attacha à différentes branches de
la curiosité sur lesquelles il écrivit des traités spéciaux
remplis de documents nouveaux. Il publia successivement
V Histoire des Faïences hispano-moresques à reflets mé-
talliques (1861), suivie bientôt de V Histoire des faïences
et porcelaines de Moustiers, Marseille et autres fabri-
ques méridionales {i^Q^), d'une brochure mvles Porce-
laines de Sèvres de M*^" du Barry, et enfin des Origines
de la porcelaine en Europe, les Fabriques italiennes du
xV^ au XVI® siècle {porcelaines des Médicis), Il s'occupa
également de l'histoire du mobilier français au xviii® siècle
et il fit paraître : le Cabinet du duc d'Aumont et les
amateurs de son temps, une Vente d'actrice (M^^^ La
Guerre) sous Louis XVI, la Vente du mobilier de Ver-
sailles pendant la Terreur et une Manufacture de tapis-
serie de haute lisse à Gisors sous Louis XIV, ainsi que
de nombreux articles écrits pour la Galette des Beaux-
Arts. Dans les dernières années de sa vie, une prédilec-
tion marquée le ramenait toujours vers l'Espagne. Le fruit
de ces dernières observations est consigné dans les publi-
cations suivantes : Mémoire de Velasquez sur quarante
et un tableaux envoyés par Philippe IV à VEscurial;
Note sur les cuirs de Cordoue, Guadamaciles d'Es-
pagne; les Arts décoratifs en Espagne; Recherches sur
l'orfèvrerie en Espagne au moyen âge et à la Renais-
sance, Dans ses nombreux voyages, le baron Davillier avait
acquis de nombreuses collections d'objets d'art qu'il aimait
à renouveler à mesure que ses recherches l'entraînaient
vers un autre sujet d'études. Il légua au musée du
Louvre tout ce qu'il possédait en sculptures de marbre,
de terre cuite, de bois, de bronze et d'ivoire, en meubles,
tapisseries, instruments de musique, en bijoux et objets
d'orfèvrerie, en émaux, en armes et en médailles. Il
léguait en même temps tous ses livres et ses manuscrits
à la Bibliothèque nationale, et ses faïences, porcelaines
et verreries, au musée de la Manufacture nationale de
Sèvres. Toutefois, par suite d'arrangements intervenus
entre le Louvre et le musée de Sèvres, le premier de
ces établissements a conservé quelques-unes des pièces
les plus importantes des faïences peintes et des verreries
64
BAVILLIER - DAVIS
^ 1010 -
anciennes. Après avoir été exposée pendant plusieurs
années dans une salle particulière du Louvre, la collection
Davillier a été fondue dans les diverses séries du départe-
ment du moyen âge et de la Renaissance, que ce legs a singu-
lièrement enrichies. La donation Davillier est Tune des plus
riches qui aient été faites à notre grand musée et il faut
remonter à la donation Sauvageot pour en trouver l'équi-
valent. Ce qui caractérise cette collection, c'est que cha-
cune des pièces qui la composent se distingue moins par
sa valeur vénale que par sa rareté et par son intérêt his-
torique. Elle est le résultat des recherches d'un curieux
érudit qui aimait à s'entourer de matériaux de travail. Il
s'y trouvait cependant des œuvres de sculpture du choix le
plus délicat et l'on ne se lassera jamais d'admirer les
bronzes de Riccio et de Cellini qui ont appartenu au baron
Davillier.
BiBL.: P. EuDEL, Notice sur le baron Davillier. — • Louis
CotJRAjoD, le Baron Charles Davillier.
DAVIN (Félix), littérateur français, né à Saint-Quentin
en 1807, mort à Saint-Quentin le 3 août 1836. Après avoir
vu couronner ses premiers essais poétiques par la société des
sciences, arts et belles-lettres de sa ville natale, et publié
avec son compatriote et ami Henri Martin un roman inti-
tulé Wolfthurn ou la Jour aux loups (1830, 2 vol.
in-12), signé Félix et Irner, il vint à Paris, collabora au
Figaro et retourna peu de temps après à Saint-Quentin
où il fonda le journal le Guetteur* Félix Davin a écrit
plusieurs romans : le Crapaud (1833, 2 vol. in-8) ; une
Séduction (1833, in-8); les Deux Lignes parallèles ou
Frère ou Sœur^ roman intime (1833, in-8); Mœu7's du
nord de la France, comprenant trois séries : Ce que
regrettent les femmes (1834, 2 vol. in-8); Histoire
d'un suicide (1835, 2 vol. in-8) ; la Maison de fange ou
le Mal du siècle (1835, 2 vol. in-8); tme Fille natu-
relle^ épisode du règne de Henri H (1836, 2 vol. in-8).
On lui doit aussi une introduction pour les Scènes de la
vie privée ch Balzac (1835, 4 vol. in-8) et divers articles
dans V Artiste, le Mercure de France^ etc. M. Tx.
BiBL. : S.-H. Berthoud, Mercure de France^ 1836, in-8.—
Ch. D AND VILLE, Mémoires de la Société des sciences, etc.,
de Saint-Quentin^ 1841, in-8.
DAVIOUD (Gabriel-Jean- Antoine), architecte français,
né à Paris le 30 oct. 1823, mort à Paris le 6 avr. 1881.
Elève de l'Ecole nationale de dessin, où il fut quelques
années professeur suppléant du cours d'architecture ,
Davioud entra au bureau du plan de Paris en même temps
qu'il faisait ses études d'architecte auprès de Jay et de
Léon Vaudoyer, puis à TEcole des beaux-arts. Successi-
vement attaché comme conducteur aux travaux de la mai-
rie du Panthéon (V® arrondissement) sous les ordres
de J,-J. Hittorff et comme sous-inspecteur à la cons-
truction des Halles centrales que dirigeait Victor Baltard,
Davioud construisit alors le théâtre d'Etampes et fut
chargé de relever les plus curieux des anciens édifices
de Paris que forçaient de détruire les grands percements
de voirie entrepris à cette époque. Il fut nommé, en 1855,
architecte des promenades et des plantations de Paris et
c'est à ce titre qu'on lui doit un grand nombre de cons-
tructions décoratives et d'aménagements de parcs ou de
squares dans lesquels il déploya toute la flexibilité de son
talent et dont il faut citer, entre autres : les tribunes des
courses de Longchamp (en collaboration avec M. Bailly),
les pavillons d'Armenonville et du Pré-Catelan et ceux
d'habitation des gardes-portiers au bois de Boulogne; le
Panorama des Champs-Elysées, les constructions si pitto-
resques du parc des Buttes-Chaumont, les grilles du parc
Monceaux, la colonne et les bassins du square des Arts-
et-Métiers, etc. Davioud fit de plus exécuter le déplacement
et l'exhaussement, sur un piédestal cantonné de sphinx,
de la fontaine du Palmier, place du Châtelet ; le déplace-
ment et la restauration de la fontaine du square des Inno-
cents, aux Halles ; la fontaine Saint-Michel, les fontaines
de la place du Théâtre-Français et celles de la place de la
Madeleine, la fontaine du carrefour de l'Observatoire au
jardin du Luxembourg et la fontaine de l'ancienne place du
Château-d'Eau (place de la République), transportée place
DaumesniL Davioud a fait, en outre, élever, pour la ville
de Paris, dont il devint, en 1871, l'un des inspecteurs
généraux du service d'architecture, les deux théâtres de la
place du Châtelet, dont les façades principales avec loggia,
placées en regard l'une de l'autre, et la décoration inté-
rieure obtinrent un réel succès, et, en collaboration avec
M. J. Bourdais (Y. ce nom), la mairie du XIX® arrondis-
sement, place Armand-Carrel. Cet architecte prit part avec
succès à de nombreux concours publics : son principal succès
fut remporté en collaboration avec Bourdais pour l'Exposition
de 1878 à l'occasion de laquelle ces deux architectes firent
construire le palais du Trocadéro avec sa grande salle, ses
pavillons d'angle et ses galeries et portiques latéraux.
Davioud fut, en outre, chargé d'importantes constructions
privées : maisons à loyer, boulevard Sébastopol et place
Saint-Michel, les Magasins-Réunis, place du Château-d'Eau;
hôtel privé, tombeau du prince de Polignac au cimetière du
Nord et tombeaux du statuaire Duret et du peintre Belloc
au cimetière de l'Est, Deux fois lauréat du prix Bordin à
l'Académie des beaux-arts pour ses études sur VArt et
l'hidustrie et sur V Union et la Séparation des ingé-
nieiirs et des architectes, Davioud, qui avait collaboré à
V Histoire de V architecture en France publiée par Léon
Vaudoyer dans le Magasin pittoresque, écrivit quelques
autres mémoires dont un sur les Salles de spectacle, édité
dans les Annales de la Société centrale des architectes
(Paris, 1874, in-8, pi.) et un autre, écrit l'année même
de sa mort, sur V Habitation privée en France depuis la
Renaissance. Charles Lucas.
BiBL. : D. Destors^ Notice sur la vie et les œuvres de
M. Davioud, dans les Congrès de la Société centrale des
architectes ; Paris, 1888, in-8. — Revue générale d'archi-
tecture et des travaux publics ; Paris, in-4, passim. —
C* Daly et G. Davioud, les Théâtres de la place du Châ-
telet; Paris, in-fol., 64 pi.
DAVIS (Détroit de). Bras de mer qui réunit à Pocéan
Atlantique la mer de Bafïîn ; il s'étend entre le Grœnland à
l'E. , la terre de Cumberland à l'O., et fut découvert en 1585
par J. Davis (V. ci-dessous); un double courant le parcourt :
courant occidental du N. au S. emportant les glaces vers
l'Océan ; courant oriental de l'Océan vers les régions polaires,
n a une longueur de 1,800 à 2,000 kil., une largeur de
300à900kiL
DAVIS (John), célèbre navigateur anglais, né à Sandridge
(Devonshire), tué sur la côte de Malacca le 27 déc. 160B.
Il fut mis en 1585 à la tête de deux navires chargés de
découvrir le passage du Nord-Ouest (au N. du continent
américain); il partit de Dartmouth le 7 juin avec deux
barques : le Sun-Shine (50 tonneaux) et le Moon-Shine
(35 tonneaux) ; le 20 juil., il apercevait la côte E. du Grœn-
land par 60^ lat. N. et l'appela Terre de la Désolation ; ce
nom est resté à un cap. Se dirigeant vers le N.-O., il longea
la côte jusque vers 66'^ W, découvrit le détroit qui a gardé
son nom, en explora les rivages et revint en Angleterre
(29 sept.). Un second voyage du 7 mai au 11 sept. ^586
lui fit découvrir le groupe des îles Cumberland, mais il ne
put dépasser le 69^ degré lat. N., arrêté par les glaces. Il
revint convaincu que le nord de l'Amérique était un vaste
archipel. Le 19 mai 1587, il repartit pour une troisième
exploration. Il s'avança jusqu'au 70° 12^, rebroussa chemin,
découvrit le détroit ou baie de Cumberland (Cumberland' s
Sound), puis le détroit qui reçut plus tard le non de Hudson.
En 1591, il accompagna Cavendish dans la mer du Sud,
s'en sépara près du détroit de Magellan et continua seul
l'expédition (1592) ; il fit d'inutiles efforts pour franchir le
détroit, mais découvrit les îles Malouines ; il revint (11 juin
1593) avec les treize survivants d'un équipage de soixante-
seize hommes. Il fit une expédition commerciale aux Indes
(1598) et fut pilote de la flotte de Lancaster (1601-1603).
En 1605, il retourna seul aux Indes, mais périt dans un
combat contre les Malais. La relation de son voyage aux
mers du Nord a été publiée dans la collection Hakluyt, the
loii
DAVIS
Principal Navigations^ voyages, trafiques and disco-
veries (Londres, 1600) ; celle de son voyage de 1598 dans
la Collection of Voyages de Harris.
DAVIS (Edward), flibustier anglais du xvii® siècle. Il était
aux Antilles un des chefs des Frères de la Côte et croisa sous
les ordres de John Cook dans le Pacifique. Il lui succéda vers
1684 et commença une expédition mémorable, pillant les
côtes du Pérou ; il brûla Payta, attaqua Guayaquil, se ravi-
tailla à Realejo (Guatemala) prenant pour point de relâche
principal les îles Gallapagos, trouva par 27<* lat. S. une
terre souvent recherchée depuis (Ile de Pâques?), joignit
les flibustiers français qui venaient de prendre Guayaquil et
reçut sa part du butin ; il revint ensuite par Juan Fernandez
et le cap Horn dans la mer des Antilles ; il apprit alors la
dispersion des flibustiers et l'amnistie octroyée par le roi
d'Angleterre, et revint dans sa patrie où il jouit de sa fortune.
BiBL. : Wafer, Relation of Travels of Captain Davis ;
Londres, 1699. — Burney, Discoveries m the South, Sea;
Londres, 1803.
DAVIS (James), écrivain satirique anglais, mort à
Devizes (Wiltshire) le 13 juil. 1765. Après avoir pris ses
grades à l'université d'Oxford , il fut nommé docteur en
médecine le 7 déc. 1732. Il est l'auteur de Origines Divi-
sianœ or the Antiquities of the Devizes (Londres, 1754,
in-8), pamphlet très spirituel et très bien écrit contre la
manie étymologique, aboutissant à l'absurdité, des Mus-
grave, Wix, Baxter, Stukeley et Willis, R. S,
DAVIS (Richard-Barrett), portraitiste et peintre d'ani-
maux anglais, né à Watford en 1782, mort à Londres
en 1854. Ses ouvrages principaux sont : Juments et
poulains à Windsor (1806) ; un Marché de chevaux
(1821) ; Voyageurs attaqués par des loups (1831) ; la
Cavalcade de la reine Victoria à Windsor ParL
DAVIS (John-Francis) , administrateur et sinologue
anglais, né le 16 juil. 1795, mort à Hollywood Tower,
Westbury-on-Trym, près Bristol, le 13 nov. 1890. Fils
d'un des fonctionnaires de la compagnie des Indes orien-
tales, qui avait fait partie de la mission envoyée au Tibet
par Warren Hastings, le jeune Davis fut attaché, en qualité
de rédacteur, à l'âge de dix-huit ans, à la factorerie anglaise
de Canton ; il accompagna en 1816 avec Robert Morrison,
l'ambassade malheureuse de lord Amherst (V. ce nom) à
Peking, dont il a laissé un récit sous le titre de : Scènes
in China, exhibiting the Manners, Customs, Diver-
sions, and singular peculiarities of the Chinese,.,
including the most interesting particulars in lord
Amherst' s récent embassy (Lond., s. d., in-12). En 1832,
il devint président de la compagnie des Indes orientales à
Canton, fonction qu'il cessa d'occuper lors de la mission de
lord Napier; à la mort de celui-ci, le 11 oct. 1834, Davis
le remplaça comme surintendant du commerce anglais à
Canton, poste dans lequel il ne réussit pas. Rentré en An-
gleterre pendant la guerre de l'Opium, Davis, en févr. 1844,
remplaça sir Henry Pottinger comme surintendant en chef
du commerce anglais en Chine et comme gouverneur de
Hong-kong, qui venait d'être cédé à la Grande-Bretagne
par le traité de Nan-king (29 août 1842). Ce fut pendant
l'administration de Davis que les îles Chousan furent éva-
cuées par les Anglais. A la suite de difficultés avec les
Chinois (affaire de Fat-chan), Davis rentra définitivement
en Europe (1848) et, depuis lors, il prit sa retraite près de
Bristol. Créé baronnet le 9 juil. 1845, Davis fut, en 1876,
nommé docteur en droit de l'université d'Oxford où il avait
fondé une chaire de chinois, occupée depuis lors par le
rév. James Legge. Davis a publié entre autres ouvrages :
Poeseos Sinensis Commentarii. On the Poetry of the
Chinese (Lond., 1829 ; Macao, 1834, in-8 ; Lond., 1870,
in-4) ; Han Koong tsew, or the Sorrowsof Han (Lond.,
1829, in-4); San-yu-low or the three dedicatedRooms..,
(Canton, 1815, in-8); Chinese Novels^ translated from
the originals.,. (Londres, 1822, in-8); the Fortunate
Union^ a Romance , translated from the Chijiese Ori-
ginal (Lond., 1829, 2 vol. in-8) ; FIien~Wun-Shoo, Chi-
nese Moral Maxims.,. (Londres, 1828, in-8); etc., mais
l'ouvrage le plus célèbre de ce savant est son grand livre
sur la Chine : The Chinese. A General Description ofthe
Empire of China and its Inhabitants» . . (Londres, 1 836 ,
2 vol. in-12, souvent réimprime). La dernière édition est
de Londres, 1857, 2 vol. in-8, et traduite en français par
A. Pichard (Paris, 1837, 2 vol. in-8), en allemand par
A.-F. Wesenfeld (Magdebourg, 1839; Stuttgart, 1852),
en hollandais par C.-J. Zweerts (Amsterdam, 1841) et en
italien (Milan et Venise). Henri Cordier.
DAVIS (Charles-Henry), amiral et hydrographe améri-
cain, né à Boston le 16 janv. 1807, mort à Washington
le 18 févr. 1877. Entré dans la marine à seize ans, fieu-
tenant en 1834, capitaine en 1861, il prit part aux opé-
rations contre Port Royal et Fort Pillow, et fut promu
contre-amiral en 1863. Il exécuta, de 1846 à 1849, d'im-
portants travaux hydrographiques sur la côte orientale de
l'Amérique du Nord, et eut, de 1849 à 1856, la direction
de Y American Nautical Almanach, Membre de laiNatio-
nal Academy of sciences, il a publié plusieurs ouvrages
et mémoires d'une certaine valeur scientifique, et a donné
une traduction anglaise de la Theoria motus corporum
cœlestium de Gauss (Boston, 1858).
DAVIS (Jefferson), homme d'Etat américain, ministre de
la guerre sous le président Pierce, instigateur de la séces-
sion des Etats à esclaves en 1861, et président de la Con-
fédération sudiste de 1861 à 1865, né dans le Kentucky
le 3 juin 1808, mort à la Nouvelle-Orléans le 6 déc. 1889.
Lorsqu'il était tout enfant, ses parents s'établirent dans
l'Etat de Mississipi, pays d'adoption pour lequel il témoi-
gna toujours le plus tendre attachement. A seize ans, après
avoir passé par l'enseignement académique ordinaire, il
obtint une place de cadet à l'école militaire de West Point
dont il sortit quatre ans plus tard avec une commission de
lieutenant en second. Il servit sept ans dans les garnisons
de l'Ouest, destinées à la surveillance des Indiens, puis se
maria avec la fille du général Taylor, et s'établit dans le
Mississipi sur la plantation de coton que lui avait laissée
son père. En 1845, il fut envoyé par son district à la
Chambre des représentants de Washington où son langage
trahit immédiatement un partisan extrême des idées et des
principes du parti esclavagiste. Dès cette époque sa convic-
tion était faite que l'esclavage ne pouvait subsister qu'à la
condition d'une expansion continue. Il fut donc favorable
à l'annexion du Texas et à la guerre contre le Mexique.
Lorsque cette guerre éclata en 1847, il fut élu colonel par
le premier régiment des volontaires du Mississipi, et rejoi-
gnit son beau-père sur le rio Grande. Il se distingua à
Monterey,' à Buena-Yista, et reçut une blessure* Le prési-
dent Polk ayant voulu honorer sa conduite en le nommant
brigadier général des volontaires, il refusa en objectant que
les autorités seules de l'Etat, et non le gouvernement fédé-
ral, avaient le droit de conférer ce grade.
Après la guerre, le Mississipi envoya Davis au Sénat de
Washington pour une fin de terme. En 1851, il fut réélu,
cette fois pour six ans. Dans cette assemblée comme dans
l'autre, il soutint avec une énergie qu'aucune considéra-
tion ne tempérait, la thèse des droits des Etats contre ce
qu'il dénonçait comme les empiétements de l'exécutif fédé-
ral. Une grande réunion de délégués des Etats du Sud ayant
été convoquée vers ce temps pour l'examen des moyens à
l'aide desquels ces Etats pourraient assurer la conservation
de leurs droits constitutionnels, les uns étaient d'avis que
des arrangements pouvaient être pris en vue d'empêcher
l'intervention du Nord dans V « institution domestique »^
c.-à-d. dans la question de l'esclavage, d'autres que la séces-
sion était probablement l'unique moyen d'échapper à la
pression de plus en plus forte du gouvernement fédéral.
Jefferson Davis était de ces derniers. Il fit à travers le
Mississipi une longue tournée oratoire, défendant ses doc-
trines et ses actes, et finalement donna sa démission de
sénateur fédéral pour se porter candidat au poste de gou-
verneur. Il échoua, ayant manqué de mille voix la majorité,
DAVIS
— 1012
et, pendant dix-huit mois, cessa de s'occuper, activement
au moins, des affaires publiques. Il sortit de cette retraite
en 1853, lorsque Pierce, élu président par les démocrates,
l'invita à prendre dans son cabinet le portefeuille de la guerre.
Jefferson Davis accepta et déploya, dans ces quatre années
de gouvernement des choses militaires fédérales, une très
grande activité, s'occupant des projets de construction de
chemins de fer entre le Mississipi et le Pacifique, d'expé-
riences sur de nouveaux canons, de questions de discipline,
d'exercices, etc. En même temps, il montrait une grande
partialité à l'égard des officiers originaires du Sud. Il don-
nait l'exemple de cette préparation à la sécession, que
continua son successeur au ministère de la guerre sous
la présidence de Buchanan, et qui aboutit à la facilité
extraordinaire avec laquelle toutes les ressources militaires
de l'Union tombèrent entre les mains des confédérés dès que
la résolution de la rupture eut été prise. En 1857, à l'expi-
ration de la présidence de Franklin Pierce, Jefferson Davis
fut de nouveau élu par le Mississipi, sénateur du Congrès.
La lutte pour et contre l'esclavage était plus ardente que
jamais, les passions étaient exaltées par les événements du
Kansas. Les partis américains, après une période de con-
fusion sur leurs divers objets et leurs aspirations distinctes,
avaient fini par se consolider sur ce point spécial, Texten-
sion indéfinie de l'esclavage ou sa restriction définitive aux
Etats oti le fléau existait déjà. Il ne s'agissait pas de l'abo-
lition de Pesclavage, puisque l'institution avait été sanc-
tionnée par la Constitution, et les abolitionnistes n'avaient
aucun crédit dans le Nord. Le seul point à résoudre était
celui du droit constitutionnel, reconnu ou contesté au con-
grès, d'interdire dans tel ou tel Territoire nouveau de l'Union
l'introduction de l'esclavage.
C'est sur cette question que fut faite l'élection présiden-
tielle de 1860, et que le parti républicain dans le Nord,
constitué depuis 1856, réussit à porter Abraham Lincoln
au pouvoir. La défaite du parti démocrate était due sans
aucun doute à l'infériorité morale et sociale des doctrines
auxquelles il avait rattaché sa longue suprématie dans
l'Union, mais aussi aux divisions profondes que la question
de la sécession avait creusées peu à peu entre ses diverses
fractions. Jefferson Davis appartenait au parti des violents
qui, après l'élection de Lincoln, ne virent plus de conci-
liation possible entre le Sud et le Nord, et ne prirent aucune
part aux tentatives d'arrangement poursuivies à Washing-
ton pendant tout l'hiver de 1860 à 1861. Le 20 déc. une
convention de la Caroline du Sud adopta une ordonnance
révoquant les pouvoirs délégués par cet Etat au gouverne-
ment fédéral, et déclarant que la Caroline du Sud cessait
de faire partie de l'Union. Le lendemain, les représentants
de l'Etat quittèrent le Congrès. L'exemple fut suivi en
janv. 1861 par le Mississipi, la Floride, l'Alabama, la
Géorgie et la Louisiane. Une confédération était organisée
entre ces Etats dès le 9 févr. (V. Confédération sudiste) et
Jefferson Davis en était élu président. Les quatre années de
sa vie qui suivirent cette nomination appartiennent à l'his-
toire générale de la guerre de la Sécession. Malgré les
fautes et les erreurs qui lui ont été justement reprochées,
on ne peut que constater, à son honneur, le dévouement
qu'il apporta à l'accomplissement de la tâche si lourde que
ses concitoyens du Sud lui imposaient, l'infatigable éner-
gie avec laquelle il prépara et soutint la lutte, les prodiges
d'habileté qu'il dut accumuler pour lever, armer et nourrir
des armées qui furent si redoutables aux forces du Nord,
et surtout l'enthousiasme qu'il sut inspirer à tous, soldats
et généraux, pour une cause qui devait être bientôt jugée
désespérée. Les affaires du Sud furent menées avec une
telle vigueur, et à plusieurs reprises, avec un tel succès,
que l'opinion publique en Europe put incliner pendant
quelque temps à penser que la Confédération pourrait con-
quérir son indépendance. Les faibles colonies qui s'étaient
unies en 1775 contre la puissante Angleterre n'avaient-
elles pas réussi dans une tâche qui pouvait paraître aussi
difficile? Pendant les deux dernières années cependant,
Jefferson prolongea la lutte contre toute espérance. Il ne
s'avoua vaincu qu'après l'épuisement absolu de toutes les
ressources. Le 5 avr. 1865 la chute de Richmond mit fm
à l'existence de la Confédération sudiste et au gouverne-
ment de Jefferson Davis. Il avait pris la fuite, et une récom-
pense de 100,000 dollars fut offerte pour sa capture. Il
fut découvert après six semaines et enfermé au fort Monroe.
Tout d'abord le soupçon qu'il avait eu part au complot
d'assassinat de Lincoln trouva quelque crédit dans l'opi-
nion, mais cette imputation injurieuse se dissipa bientôt,
et les lenteurs apportées au règlement des questions com-
plexes se rattachant au procès de haute trahison que les
autorités fédérales voulaient lui intenter, furent cause qu'il
eut finalement la vie sauve. Le procès ne fut pas engagé,
et, après deux années d'emprisonnement, Jefferson Davis
fut remis en liberté. Il se confina dès lors dans une vie
obscure et très retirée, loin des affaires publiques et de la
politique où aucun rôle ne lui pouvait plus jamais être
réservé. Il dirigea les travaux d'un chemin de fer au Texas,
écrivit deux volumes d'une histoire nécessairement partiale
sous le titre de Rise and Fall of the Confédérale Govern-
ment^ et, dans ses dernières années, accepta la direction
d'une compagnie d'assurances sur la vie. Lorsque les démo-
crates arrivèrent au pouvoir, en 1887, Jefferson Davis,
dont la santé était déjà très affaibhe, sortit cependant pour
quelques jours de son obscurité, parcourut l'Alabama et la
Géorgie en prononçant des discours qui, évoquant les sou-
venirs de la Confédération, excitèrent dans le peuple un
grand enthousiasme. Ce ne fut qu'un éclair. Jefferson Davis
rentra bientôt dans sa maison de Beauvoir, y vécut encore
près de trois années avec dignité, et s'éteignit à quatre-
vingt-un ans chez un de ses amis, à la Nouvelle-Orléans, où
il était venu chercher des soins médicaux qu'il ne pouvait
obtenir à la campagne. Aug. Moireau.
DAVIS (Nathan)', voyageur anglais, né en 1812, mort à
Florence le 6 janv. 1882. Il voyagea longtemps dans le nord
de l'Afrique, séjourna surtout à Tunis, revint en Angleterre
où il dirigea l'if ^èr^ty Christian Magazine (1852) et de-
vint ministre non-conformiste. De 1856 à 1858, il s'occupa
pour le compte du British Muséum des fouilles de Car-
thage et d'Utique. Il a publié : Tunis, or sélection from
a journal kept during a résidence in that Regency
(Malte, 1841, in-8) ; a Voice from North and South
Africa or a narrative of the manners of the inhabi-
tants ofthat part of the world (Edimbourg, 1844, in-
8) ; Evenings in my Tent^ or wanderings in Bêlât ^
Ejjareed, illustrating the conditions of varions Arab
trïbes of the African Sahara (Londres, 1854, 2 vol. in-8);
Ruined Cities within Numidian and CaiHhaginian
Territories (Londres, 1862, in-8) ; Carthage and her
remains (Londres, 1861 , in-8) ; Israël' strue emancipator
(Londres, 1852, in-8) et, en collaboration avecB. David-
son : Arabie Reading Lessons (Londres, 1854, in-8).
DAVIS (Thomas Osborne), publiciste anglais, né à Mel-
low le 14 oct. 1814, mort à Dublin le 16 sept. 1845.
Aussitôt après avoir pris ses grades à Dublin, il pubha un
pamphlet : Reform ofthe Lords {Lonàres, 1837), puis sefit
inscrire au barreau de Londres en 1838. Il collabora au
Citizen de Dublin, se jeta dans la politique, écrivit dos
articles de fond dans le Dublin Morning Register (1840),
dont il prit la direction en 1841, avec John Dillon, puis il
fonda avec Dillon et Duffy la Nation, dont le premier numéro
parut le 15 oct. 1842 ; cet organe, qui obtint presque
aussitôt une grande popularité, soutenait sesprincipes natio-
nalistes. Davis y inséra une série de poèmes nationaux qui
furent très^ remarqués. Il employa l'influence considérable
dont il jouissait en Irlande à diminuer l'antagonisme qui
existait entre protestants et catholiques, et avec O'Connell
fut un des agents les plus actifs de l'extension du parti
de la jeune Irlande. Ses poésies ont été rassemblées en un
volume, Poemsi^xMm^ 1846) ; de même ses études htté-
raires et historiques, Literary and historical Essays
(Dublin, 1846). R. S.
- 1013 ~
DAVIS — DAVOUT
DAVIS (H.-W.-B.), paysagiste anglais, né en 1833.
Ses meilleurs tableaux sont : la Côte de Boulogne (1865),
le Prétoire de Neufchâtel (1871), le Soir dans la forêt
de Hardelot, le Coucher du soleil, etc. Depuis 1873,
M. Davis est membre de l'Académie royale de Londres.
D AVI SON (William), homme d'Etat anglais, né vers 1541,
mort le 21 déc. 1608. Il débuta dans la diplomatie en qua-
lité de secrétaire de Henry Killegrew, ambassadeur en Ecosse
(1566), passa aux Pays-Bas en 1576, et fut nommé ré-
sident à Anvers le 2 juil. 1577. En 1583, il fut chargé
d'une mission diplomatique en Ecosse dans le but d'em-
pêcher l'alliance de Jacques VI avec la France. Il n'y réussit
pas. Il obtint plus de succès aux Pays-Bas, où il revint en
1585, et négocia une alliance avec les états généraux. L'an
d'après il était adjoint au secrétaire d'Etat Walsingham,
et le 6 oct. 1586, figurait parmi les commissaires désignés
pour le procès de Marie Stuart. La reine Elizabeth, lors-
qu'elle joua la triste comédie de feindre un violent désespoir
à la nouvelle de la mort de Marie, à l'exécution de laquelle
elle avait constamment poussé en secret, s'en prit tout par-
ticulièrement à Davison qu'elle accusa d'avoir outrepassé
ses ordres. Elle le fit enfermer à la Tour de Londres (14févr.
1587) et juger parla chambre de l'Etoile, qui le condamna
à 10,000 marks d'amende et à un emprisonnement dont
la durée devait dépendre du bon plaisir de la reine. Davi-
son fut remis en liberté en 1589. Elizabeth lui refusa sa
réhabilitation, et il mourut très pauvre ayant été ruiné par
rénorme amende qu'on lui avait infligée. R. S.
BiBL. :N.-H. Nicolas, Life of W. Davison; Londres, 1883.
DAVISON (Francis), poète anglais, mort vers 1619. On
lui doit le joli recueil intitulé a Poetical Rapsody (1602,
in-8; 6® édit. 1826), auquel avaient collaboré son frère
Walter et divers auteurs mconnus. — Walter, frère du
précédent, né à Londres le 17 déc. 1581, mort vers 1608,
servit dans l'armée aux Pays-Bas vers 1602.
DAVISON (Jeremiah), portraitiste anglais, né en 1695,
mort en 1745, élève de Lely. On cite parmi ses portraits
ceux du Prince Frédéric de Galles (1730), de l'Amiral
Byng^ du Duc et de la Duchesse d'AthoL
DAVISON (James William), publiciste anglais, né à
Londres le 5 oct. 1813, mort àMargatele 24 mars 1885.
Il s'était acquis un grand nom dans la critique musicale en
collaborant au Musical Magazine and Dramatic, au
Musical Examiner, au Musical World, à la Saturday
Review, au Graphie, enfin au Times où il était entré vers
1847. Il fut un des plus chauds partisans de Mendelssohn
qu'il popularisa en Angleterre et un des premiers s'aper-
çut du mérite de Berlioz. Par contre, il attaqua violemment
Schumann et Wagner. Lui-même est l'auteur de quelques
compositions musicales assez médiocres. Il a publié à part
(vers 1849) une étude sur Chopin. R. S.
DAVITH. Nom de six rois de Géorgie, de la dynastie
des Bagratides (V. cenom). — Davith P'' (958-980) qui
règne avec Bagrat III (960-1014), Davith 11/^ Réparateur,
Davith III Soslan. — A. Dans le champ, armoirie, légende
géorgienne : « En Tannée 420 (1200 de J.-C.)- Thamar, Da-
vith. » — R. Légende arabe : « La reine des reines, gloires
du monde et de la religion. Thamar, fille de Georgi,
aide du Messie. »
fils de Giorgi II (1089-1125), vainqueur à plusieurs re-
prises des Arabes et des Turcs ; son successeur est
Dimitri P^ (1125-1154). — David III Soslan, époux de la
reine Thamar, avec laquelle il règne de 1193 à 1209. —
Davith IV, fils de la reine Bousoudan et Davith V, fils de
Giorgi IV, ont régné ensemble de 1243 à 1272; ils
étaient vassaux des Mongols. — Davith VI, fils de Dimitri II,
(1290-1310). — On possède des monnaies de tous ces
princes avec des légendes arabes et géorgiennes. E. Dr.
DAVITT (Michael), homme politique irlandais, né à
Straide (comté de Mayo) en 1846. De très humble origine,
il fut employé dans une fabrique de coton où il eut le bras
droit arraché par une machine. Il fut alors envoyé à l'école
d'Haslingden où il fit quelques études élémentaires et entra
dans une imprimerie. Il prit une part active au mouvement
irlandais de 1866 et fut arrêté à Londres en 1870 et jugé
sous l'inculpation de haute trahison. Condamné à quinze ans
d'emprisonnement, il fut amnistié en 1877. Reçu avec en-
thousiasme par ses compatriotes, il fit un voyage en Amé-
rique et revint en 1879 pour diriger l'agitation dans le
comté de Mayo. Il fut avec Parnell un des fondateurs de la
Land League Organization (oct. 1879) et organisa la
branche américaine de cette association en 1880. Arrêté
de nouveau en nov. 1879, puis en févr. 1881 et en févr.
1883, il fit encore plusieurs mois d'emprisonnement et ne
se lassa jamais de faire la plus active propagande en faveur
de l'indépendance deFIrlande. Il fut élu enl882parMeath
membre de la Chambre des communes, mais il refusa de
siéger. Collaborateur de plusieurs revues et journaux an-
glais et américains, où il expose des théories socialistes qui
se rapprochent assez de celles de Henry George, il a écrit :
Leaves from a prison diary (Londres, 1884), journal
qu'il fit pendant sa captivité à Portland. R. S.
DAVITY (Pierre), historien et héraldiste français, né à
Tournon en 1573, mort en 1635. Gentilhomme de la
chambre du roi, il occupa ses loisirs en écrivant un certain
nombre d'ouvrages, dont les principaux sont : les Etats,
empires, royaumes.., ensemble les origines de tous les
chevaliers et ordres militaires institués par les em-
pereurs, roys et princes chrestiens avec leurs blazons
et cî(?uis^s (Saint-Omer, 1621-1622, 2 vol. in-4; Paris,
1625, in-fol., 1626, in-fol., avec quelques retouches). Cet
ouvrage reparut sous le titre le Monde... et la généalogie
des empereurs, roys et princes souverains (Pms, 16à5,
5 vol. in-fol. ; 2® éd. revue par F. Ranchin : Paris, 1643, 5
vol. ; édit. nouv.par J.-B. de Recolles; Paris, 1660,6 vol.
in-fol.) ; Origine de tous les ordres militaires (Paris,
1635, in-fol.). H. Gourdon de GENomiLAc.
BiBL. : RocoLEs, Vie de Davity, en préface de l'ouvrage
de Davity. le Monde ou Description générale de ses
quatre parties, éd. de 1643 et de 1660. — Choriee, Vie de
Davity, dans VHistoire du Dauphiné, 1672. — Louis De-
LAVAUD, les Portugais dans l'Afrique centrale avant le
xviio siècle, dans Bull, de la Soc. de géogr. de Rochefort.
1879, p. 26.
DAVOS AM Platz. Grand village du canton des Grisons ;
env. 4,000 hab. Située dans une vallée très pittoresque,
entourée de hautes montagnes qui ne permettent de com-
muniquer avec le reste du pays que par les cols élevés de
la Fluela, de la Scaletta, du Stutz et de la Strela, cette
localité, peuplée de 450 hab. seulement en 1830, doit son
essor à son excellent climat. Davos est une station d'hiver
de premier ordre pour les malades de la poitrine, bien
qu'il y tombe de grandes quantités de neige. On y a con-
struit de vastes et confortables hôtels qui sont occupés
tout l'hiver. Depuis 1890 un chemin de fer relie Davos à
Landquart, station de la compagnie de l'Union suisse.
DAVOT (Gabriel), jurisconsulte français, né à Auxonne
(Côte-d'Or) le 13 mars 1677, mort à Dijon le 12 août 1743.
Avocat, il devint substitut du procureur général au par-
lement de Dijon (1698), et professeur de droit français à
l'université de cette ville (1722). On lui doit: Traité sur
diverses matières de droit français à l'usage du duché
de Bourgogne (Dijon, 1751-1757, 7 vol.) ; Institution
du droit français (1761, 6 vol. in-12) ; Coutume du
duché de Bourgogne (iliji, in-4), etc. Tous ces ouvrages
ont été publiés avec des notes, par J. Bannelier.
DAVOUT (Louis-Nicolas), duc d'AuERST^DT et prince
d'EcKMÙHL, maréchal de France, né à Annoux (Yonne) le
10 mai 1770, mort à Paris le l^»" juin 1823. Issu d'une
DAVOUT
^1014 -^
famille noble, il put entrer à l'Ecole militaire et devint en
4788 sous-lieutenant au régiment de Champagne (cava-
lerie). Peu après éclatait la Révolution, dont il embrassa
la cause avec ardeur. Accusé d'avoir fomente, end 790,
une révolte de soldats contre leurs officiers, il dut quitter
son régiment. Mais il se fit élire chef d'un des bataillons
de volontaires de l'Yonne et, à ce titre, alla servir dans
l'armée du Nord en 4792. Il fut remarqué pour sa bra-
voure en diverses rencontres et notamment à Neerwinden
(47 mars 4793). Peu après cette bataille, quand Dumou-
riez, devenu traître, voulut entraîner ses troupes contre la
Convention, Davout fit hardiment tirer ses soldats sur lui
et le réduisit ainsi à prendre la fuite (avril). II venait
d'être nommé général de brigade lorsqu'il fut, en sa qua-
lité d'ancien noble, mis en non-activité (29 août). On le
voit reparaître l'année suivante à l'armée de la Moselle
(sept. 4794), où il assiste au siège de Luxembourg. Un
peu plus tard, il prend une part brillante aux campagnes
de l'armée du Rhin sous Pichegru, puis sous Moreau
(4795-4797) et se lie étroitement avec Desaix qui, en
4798, l'emmène en Egypte.
Là Davout ne tarda pas à attirer l'attention de Bona-
parte par la vigueur avec laquelle il concourut à la con-
quête du haut pays et par sa vigoureuse attitude à la
bataille d'Aboukir (juil. 4799). Il ne revint pourtant pas
en Europe avec lui. Mais après la convention d'El-Arisch,
qu'il désapprouvait comme Desaix, il put s'embarquer
avec ce dernier et, retenu quelque temps par les Anglais,
qui l'avaient capturé en route, rentra en France au mois
de mai 4800. Nommé général de division le 3 juil. 4800,
il commanda la cavalerie de l'armée d'Italie pendant la
campagne d'hiver que dirigea le général Brune ('1 800-4801).
Bonaparte, qui était devenu à ses yeux comme une sorte de
divinité et qui l'avait en très haute estime, le combla
bientôt de dignités et de faveurs. Après l'avoir nommé ins-"
pecteur général de cavalerie (24 juin 4804) et lui avoir
fait épouser une sœur du général Leclerc (premier mari de
Pauline Bonaparte), il lui donna, le 28 no v. 4804, le com-
mandement en chef des grenadiers de la garde consulaire.
En 4803, les hostilités ayant repris entre la France et
l'Angleterre, Davout fut mis à la tête du camp de Bruges.
Lors de la création de l'Empire, il obtint le bâton de
maréchal (48 mai 4804). Le 48 févr. 4805 il recevait
le grand cordon de la Légion d'honneur ; enfin quelques
mois plus tard il devenait commandant du 3*^ corps de la
grande armée.
C'est en cette dernière qualité qu'il put donner pleine-
ment la mesure de sa fermeté et de ses hautes aptitudes
stratégiques. Après avoir puissamment concouru aux opé-
rations qui amenèrent la prise d'Ulm et à la victoire
d'Austerlitz (4805), il joua, dans la campagne de Prusse,
un rôle décisif. C'est lui en effet qui, supportant à Auerstaedt,
avec des forces très inférieures, le choc principal de l'armée
prussienne, tandis que Napoléon combattait à léna dans
de meilleures conditions, rendit possible l'éclatant triomphe
des armes françaises (44oct.) et leur ouvrit véritablement
la route de Berlin. Malgré le soin que l'empereur prit
d'atténuer une gloire dont il était au fond un peu jaloux,
elle doit rester entière aux yeux de la postérité. Davout
prit ensuite une part très importante aux batailles d'Eylau,
de Heilsberg et de Friedland (4807) et fut laissé, après
Tilsitt, dans le grand-duché de Varsovie à titre de gouver-
neur général.
Là sa dureté et ses exactions provoquèrent de nom-
breuses et vives réclamations. Mais l'empereur, dont il ne
faisait, en somme, qu'exécuter les ordres, ne parut en
tenir aucun compte. Il témoigna même un redoublement de
faveur à Davout, en lui donnant le titre de duc d'Auerstsedt
(1808) et en augmentant encore ses dotations qui étaient
énormes. En 4809, la guerre ayant éclaté de nouveau
entre la France et l'Autriche, le maréchal, au début de la
campagne, sauva la grande armée, qui était menacée d'être
coupée, par la brillante victoire d'Eckmuhl, qui lui valut
le titre de prince (avril) et, quelques semaines "après, c'est
lui qui, en tournant l'aile gauche de l'ennemi, décida le
gain de la bataille de Wagram (6 juil.). Chargé encore
quelque temps de Fadministration d'une partie de la
Pologne, il alla, en janv. 4840, commander l'armée d'Alle-
magne, et, sous le titre modeste de chef du corps d'obser-
vation de FElbe, c'est lui qui eut à organiser, outiller et
mettre en campagne l'immense armée que Napoléon desti-
nait à l'invasion de la Russie.
Placé à la tête du 4^^ corps pendant la campagne de
Russie, il battit Bagration à Mohilow (23 juil. 4842), prit
une part très considérable à la bataille de la Moskowa et
se comporta, pendant la retraite, avec son sang-froid et son
énergie ordinaires. Nommé, au commencement de la cam-
pagne de 4843, commandant de la 32^ division militaire,
dont le quartier général était à Hambourg, il dut, après de
vains efforts pour rejoindre l'empereur en Saxe, concentrer
le peu de troupes dont il disposait dans cette ville, qu'il
eut à défendre contre les 80,000 hommes de Bennigsen.
La population de Hambourg, qui s'était compromise par
des manifestations antifrançaises, fut traitée par lui avec
une rigueur qui lui fut depuis vivement reprochée, mais
qui, outre qu'elle ne dépassait pas le droit strict de la
guerre, lui était absolument imposée par les instructions
de Napoléon. Il dut emprisonner des otages, faire procéder
à quelques exécutions, expulser un grand nombre d'habi-
tants, détruire une partie de la ville, faire enlever d'auto-
rité les denrées et matériaux nécessaires pour l'entretien de
ses troupes et la défense de la place, enfin s'emparer pour
la même raison des fonds déposés à la Banque. Mais si sa
rigidité était extrême, sa probité ne l'était pas moins et
ses ennemis ne sont pas parvenus à la faire suspecter.
Après un siège mémorable et qui n'est pas son moindre
titre de gloire, Davout dut rendre Hambourg; mais il n'en
voulut ouvrir les portes que sur l'ordre direct de Louis XVIIÏ,
qui venait de monter sur le trône et auquel il fit enfin sa
soumission le 5 mai 4844.
De retour en France, le prince d'Eckmuhl, fort calomnié,
fut mal accueilli par les Bourbons et dut se retirer dans
sa terre de Savigny-sur-Orge, d'où il envoya au roi un
mémoire justificatif sur sa conduite à Hambourg. Aussi
vit-il avec joie revenir de l'île d'Elbe Napoléon qui, rentré
aux Tuileries (20 mars 4845), l'appela au ministère de la
guerre. Dans ce nouveau poste Davout déploya une activité
prodigieuse. En quelques semaines, il parvint à réorganiser
l'armée et put fournir à l'empereur les moyens de se
mesurer de nouveau avec la coahtion. Il ne "^perdit pas
courage après Waterloo. Chargé par la commission exe-
cutive (24 juin) du commandement en chef des troupes
réunies sous les murs de Paris, il croyait encore la résis-
tance possible, n le disait et se déclarait hautement
contre les Bourbons dans une adresse à la Chambre des
représentants (30 juin). Mais les menées de Fouché neu-
tralisèrent ses bonnes intentions. Il lui fallut signer la
convention du 3 juil., évacuer Paris et se retirer derrière
la Loire avec l'armée, dont il dut bientôt céder le com-
mandement au maréchal Macdonald (44 juil.). Sa disgrâce
fut plus profonde encore après la seconde Restauration
qu'après la première. H fut privé par ordonnance royale
de son titre et de son traitement de maréchal et exilé à
Louviers. La fameuse liste de proscription du 24 juil. 4845
ayant été publiée, il demanda au nouveau ministre de la
guerre, Gouvion-Saint-Cyr, d'y être porté à la place de
plusieurs généraux dont on y voyait les noms et qui
n'avaient fait, disait-il, qu'exécuter ses ordres. Il fit aussi
de louables efforts pour sauver le maréchal Ney. Les Bour-
bons, du reste, ne lui tinrent pas très longtemps rigueur.
Vers la fin de 4846, il put de nouveau habiter Paris. Ses
titres et émoluments lui furentrendus l'année suivante. Enfin
l'ordonn. du 5 mars 4849 le fit entrera la Chambre des
pairs où, dans ses dernières années, il protesta plusieurs
fois de son attachement à la légitimité. A. Debitjour.
BiBL. : Appel aux générations présentes et futures
1015
DAVOUT - DAVY
(libelle relatif à la conduite de Davout en 1815). — Mar-
quise de Blocqueville, le Maréchal Davout raconté par
les siens et par lui-même. — Bourrienne, Mémoires, —
Carnot, Mémoire adressé au roi, 1814. — Du même, Ex-
posé de la conduite politique du général Carnot depuis
le i""" juillet 181^. — Boutoorlin, Histoire militaire de
la campagne de Russie. — Mathieu Dumas, Précis des
événements militaires. — Eloge nécrologique du prince
d'Eckmûhl. — Fain, Manuscrit de i812. — Du même, Ma-
nuscrit de 1813. — Fleury de Chaboulon, Mém,oires. —
Lanfrey, Histoire de Napoléon Jer.— Mémoires tirés des
papiers d'un homme d'Etat. — Mémoire des Polonais (sur
radministration de Davout). — Mémoires sur Carnot, par
son ûls. — Moniteur universel.— Montgaillard, Histoire
de France. — Montholon, Mémoires pour servir à l'his-
toire de France sous Napoléon. — Abbé de Pradt, Am-
bassade de Varsovie. — Le Robespierre de Hambourg. —
Duc DE RoviGo, Mémoires. — Victoires et conquêteè des
Français. — Thiers, Histoire de la Révolution. — Du
même, Histoire du Consulat et de VEmpire, etc.
DAVOUT (Léopoîd-Claude-Etienne-Jules-Charles), duc
d'Auerstsedt, né dans le dép. de l'Yonne le 9 août 4829,
petit-neveu du précédent. Elève de Saint-Cyr, il servit en
Afrique et en Italie, fut promu colonel le 12 mars 1870,
après avoir parcouru l'échelle des grades. Fait prisonnier
à Metz, pendant la guerre franco-allemande, il fut interné
en Allemagne ; à son retour en France, il servit dans
l'armée de répression de la Commune et fut nommé général
de brigade le 24 juin 1871. Promu général de division, le
25 sept, 1877, il devint chef d'état-major général sous le
fsnéral Gresley, ministre de la guerre (24 janv. 1879).
n août 1880!^ il fut nommé commandant du 10® corps à
Rennes ; en 1884, commandant du 19® à Alger; en 1885
gouverneur de Lyon, et en 1888 membre du conseil su-
périeur de la guerre. Il a été autorisé par décret impérial du
17 sept. 1864 à relever le titre de duc d'Auerstsedt. On
lui doit : Projet de réorganisation militaire (Paris,
1871, in-8).
DAVRAINVILLE, facteur d'instruments mécaniques, né
à Paris en 1784. Doué d'un esprit très ingénieux, il inventa
ou perfectionna une série d'orgues à cylindres et à mani-
velles, avec jeux de flûtes et de trompettes, etc., qui
furent très remarquées aux premières expositions indus-
trielles et se vendirent beaucoup, mais qui n'ont rien de
commun avec l'art véritable. M. Br.
DAVREY. Com. du dép. de l'Aube, arr. de Troyes,
cant. d'Ervy ; 384 hab.
D A VRIGNY (Joseph-Jean-Antoine Conotte, dît), acteur
français, né à Montmartre (Paris) le 25 mai 1855. Il fut
élève de Régnier au Conservatoire, et remporta un second
prix de comédie au concours de 1875, et le premier en
1876. Engagé à la Comédie-Française, il débuta à ce
théâtre au mois de juil. 1877, dans l'emploi des jeunes
amoureux, en jouant Valère de Tartufe et Eraste du
Dépit amoureux. Il y resta jusqu'en 1885, et depuis lors
on ne l'a plus revu à Paris.
DAVRON. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr. de Ver-
sailles, cant. de Poissy; 229 hab.
DAVY (Charles), écrivain anglais, né en 1722, mort à
Onehouse (Suffolk) le 8 avr. 1797. Il avait pris les ordres
et exerça le ministère dans diverses cures du Norfolk et
du Suffolk. On peut citer de lui : Conjectural Observar-
tions on the origin and progress of alphabetical
writing (1772, in-8); Letters upon suhjects oflitera-
ture (Bury St.-Edmunds, 1787, 2 vol. in-8). — Ses
deux fils, Charles et Frederick^ ont donné : A Relation
of a journey to the Glaciers in the dutchy of Savoy
(Norwich, 1775, in-8), traduction de l'ouvrage de Bourrit.
DAVY (John), compositeur anglais, né à Creedy Bridge
le 23 déc. 1763, mort à Londres le 22 féyr. 1824. Il té-
moigna dès son enfance de très heureuses dispositions pour
la musique, et devint un virtuose distingué sur le violon,
le violoncelle et l'orgue. Il fut organiste à la cathédrale
d'Exeter et, en 1800, vint à Londres où il fut violon dans
l'orchestre de Covent Garden. On lui doit, entre autres com-
positions : Six Quartetts for voices (1785) ; a Grand
Sonata for the harp (1805) ; a Sonata for the piano-
forte (1820), et la musique de nombreuses pièces de
théâtre, par exemple: Wata Blunder (1800) ; Harleqûin
Quicksilver (1804) ; Woman*s Will (1820), etc.
DAVY (David-Elisha), archéologue anglais, né à Yoxford
(Suffolk) en 1769, mort à Ufford le 15 août 1851. En
1795, il fut nommé receveur général des taxes pour le
comté de Suffolk, fonctions qu'il exerça pendant de longues
années. Collaborateur au Gentleman's Magazine et au
Topographer and Généalogiste il est surtout connu par
l'importante histoire du Suffolk dont il a recueilli les ma-
tériaux pendant toute sa vie et dont le British Muséum
a acquis les manuscrits en 1852 (Add. Mss. 19077 à
19207). Il n'a publié que A Short Account of Leiston
abbey (iS^S.m-S). R. S.
DAVY (Sir Humphry), célèbre chimiste anglais, né le
17 déc. 1778 à Penzance, petite ville du comté de Cor-
nouailles, mort à Genève le 28 mai 1829. Il fut d'abord
élève en pharmacie chez Borlaze, chirurgien et apothicaire
à Penzance ; à l'âge de dix-huit ans, il démontra que les
plantes marines respiraient comme les plantes terrestres,
c.-à-d. décomposaient l'acide carbonique de l'air. Ce travail
le fit appeler à Bristol, dans l'institution du D^ Beddoes,
où l'on s'attachait à guérir les maladies de poitrine au
moyen des gaz. C'est là qu'il fit ses belles expérieuces sur
le protoxyde d*azote, découvert par Priestley en 1772 et
connu alors sous le nom de gaz nitreux déphlogistiqué.
Il démontra que ce gaz était un anesthésique et qu'il déter-
minait des délires extatiques, d'où le nom de gaz du
paradis^ de gaz hilarant. Lorsqu'il reprit ses sens et qu'il
rentra en rapport avec le monde extérieur, sa propre na-
ture lui parut ennoblie et on rapporte qu'il prononça ces
paroles remarquables : « Rien n'existe que la pensée ;
l'univers n'est composé que d'idées, d'impressions, de plai-
sirs et de souffrances. » Le protoxyde d'azote est donc le pre-
mier anesthésique connu et, encore aujourd'hui, grâce aux
recherches de P. Bert, il est utilisé dans certaines opé-
rations chirurgicales. Enhardi par ces expériences où il
s'exposait à perdre la vie, Davy expérimenta successive-
ment sur l'hydrogène, l'azote, l'acide carbonique, Toxygène,
le gaz d'éclairage. C'est à ce zèle pour la science qu'on
attribue l'état valétudinaire dans lequel il languit jusqu'à
la fin de sa vie.
A la suite de ces recherches, qui eurent un grand reten-
tissement, il fut appelé à YInstitution royale créée à
Londres par le comte de Rumfort, et c'est là qu'il fit ses
immortelles découvertes. Il y débuta comme professeur de
chimie avec un succès prodigieux , en 1 80 1 ; dès l'année 1803,
il fut admis à la Société royale de Londres, qui le nomma,
trois ans après, son secrétaire perpétuel. A l'aide d'une
puissante pile, il démontra que, dans la célèbre expérience
de Carlisle et Nicholson, l'eau acidulée ne fournissait que
de l'oxygène au pôle positif et de l'hydrogène au pôle néga-
tif ; on sait maintenant que c'est l'acide qui s'électrolyse
dans ces conditions (V. Electrolyse). Il démontra ensuite,
de la même manière, ce qui avait été pressenti par Lavoisier,
à savoir que les alcalis et les terres alcalinées sont des
corps saturés d'oxygène : il isola d'abord le potassium et le
sodium; puis, au moyen de ces deux métaux, le baryum,
le strontium, le calcium et le magnésium. Ces admirables
découvertes lui firent décerner, en 1808, par l'Institut de
France, le grand prix fondé par Napoléon pour les progrès
du galvanisme. A la fin de la même année, il prouva que
le gaz déphlogistiqué de Scheele, acide muriatique oxy-
géné des chimistes français, était un corps simple, qu il
nomme chlorine^ et auquel Ampère a donné le nom de
chlore, qui a prévalu. Il fit voir en même temps que Gay-
Lussac, que le corps découvert par Courtois, l'iode, était
également un corps simple ; que le chlore et l'iode, en
s'unissant à l'hydrogène, engendrent des acides (hydra-
cides), et que, par conséquent, il fallait modifier la théorie de
Lavoisier, qui n'attribuait qu'à l'oxygène la propriété aci-
difiante et comburante.
Outre ces grands travaux, on doit à Davy plusieurs
DAVY — DAWSON
4046 -
recherches qui contribuèrent toutes aux progrès delà science :
ses observations si remarquables sur les engrais (4803) ;
l'invention de sa fameuse lampe de sûreté, qui a sauvé la
vie à des milliers de mineurs (4845) ; ses essais pour pré-
venir Toxy dation du cuivre avec lequel on double les navires ;
ses travaux sur les manuscrits d'Herculanum et sur les cou-
leurs des anciens. Parmi ses ouvrages, nous citerons les sui-
vants : Eléments 0 f Chemical Philosophy (Londres, 4842) ;
Eléments of agricultural Chemistry (4843) ; Consola-
tions in travel or the last days ofa philosophes. Après
la mort, ses essais et ses mémoires ont été publiés sous
se titre de Bakerian Lectures, comprenant neuf volumes,
dont le cinquième renferme ses découvertes les plus impor-
tantes. Les Œuvres de Davy ont été colligées par son frère,
John Davy, auquel on doit quelques travaux originaux sur
la chimie et la physique, notamment des Observations
sur la température de Vair, de la mer et des animaux
entre les Tropiques. Ed. Bourgoin.
DAVYDOY (Ivan-Ivanovitch), écrivain russe, né en
4794, mort en 4863. Il fit toute sa carrière dans l'ensei-
gnement et publia un grand nombre d'ouvrages pédago-
giques. Professeur de ' littérature aussi, à l'université de
Moscou, il a compté parmi ses élèves, Bouslaev, Katkov,
Leontiev, Soloviev, etc. Il a rédigé le recueil de mémoires
de cette université. En 4747, il fut nommé directeur de
l'Institut pédagogique, auquel il rendit de grands services.
DAVYL (Louis), auteur dramatique (V. Poupart-Davyl).
DAVYS (Mary), femme auteur anglaise du xviii® siècle,
née en Irlande. Elle épousa un maître de pension de Dublin,
Peter Davys, et se lia d'amitié avec Swift, qui échangea
avec elle une assez volumineuse correspondance. Elle a
publié : the Northern Heiress or the Humors of York
(Londres, 4746, in-42), comédie; the Reformed Coquet
or the memoirs of Amoranda (Londres, 4724, in-42),
roman ; the Accomplished Rake or the modem fine
gentleman (Londres, 4756, in-42). On a donné un recueil
de ses œuvres, Works (Londres, 4725, 2 vol. in-8), qui
contient, outre les pièces citées ci-dessus, plusieurs comédies
qui furent jouées à Londres.
DAWANT (Albert-Pierre), peintre, né à Paris le 24 sept.
4852, élève de J.-P. Laurens. Il a exposé en 4870 :
Eenri IV d'Allemagne fait amende honorable devant
le pape Grégoire VU en présence de la comtesse Ma-
thilde ; en 4884 , Mérowig au tombeau de saint Martin ;
en 4882 Enterrement d'un Invalide., etc. F. Courboin.
BiBL. : Bellier de la Chavignerie et Auvray, Dic-
tionnaire des artistes de l'Ecole française.
DAWDON (V. Seaham Harbom).
DAWE (Philipp), peintre et graveur anglais, né vers
4730, mort vers 4790. Elève du peintre Henry Morland,
il grava une série de sujets de genre, des portraits d'après
Morland, R. Cosway, Gainsborough, Reynolds, Rom-
nay, etc., le tout à la manière noire. Il fit d'inutiles
efforts pour se faire remarquer comme peintre.
DAWE (George), peintre et graveur, fils du précédent,
né à Londres le 8 févr. 4784, mort à Londres le 45 oct.
4829. D'abord graveur, il s'adonna depuis l'âge de vingt
et un ans exclusivement à la peinture, et obtint, de 4803 à
4844, dans des concours, plusieurs prix pour des tableaux
d'histoire. Il se fit ensuite portraitiste et parvint, dans
cette spécialité, à une réputation extraordinaire. Il peignit
notamment les portraits d'un bon nombre d'officiers qui se
distinguèrent à la bataille de Waterloo. Engagé par l'em-
pereur de Russie en 4849, il passa neuf années à Saint-
Pétersbourg et y exécuta environ quatre cents portraits,
qui ornent l'une des galeries du musée de l'Ermitage ; en
majeure partie ce sont ceux des officiers qui ont combattu
contre Napoléon. On dit qu'il gagna avec son pinceau deux
millions et demi. Il a publié la biographie du peintre
George Morland, son ami intime (the Life of G. M.,with
remarks on his works; Londres, 4807, in-8). K était
membre de l'Académie royale depuis 4844.
DAWE (Henry), peintre et graveur, frère du précédent.
né à Kentish-Town le 24 sept. 4790, mort à Windsor le
28 déc. 4848. Il a pratiqué avec succès la gravure à la
manière noire et exécuta un grand nombre de portraits
d'après les peintures de son frère et d'après Th. Lawrence,
J. Reynolds, etc. Il fit aussi des tableaux de genre, dont
plusieurs furent très goûtés du public. On a de lui encore
plusieurs recueils de gravures : the River Meuse i\%^K) ;
Gems from the old masters (4833, in-4)^ Choice Sé-
lections for the Scrap Book^ consisting of a séries of
engravings from pictures (4834, in-8). G. P-i.
DAWES (Richard), helléniste anglais, né en 4708,
mort à Heworth, près de Newcastle-upon-Tyne, en 1766,
où il avait été longtemps professeur à la « Grammar
School » et à « Saint-Mary's Hospital». Il laissa la réputa-
tion d'un homme bizarre et difficile à vivre, mais aussi d'un
critique érudit, sagace et pénétrant. La meilleure édition de
ses Miscellanea Critica a été donnée par T. Kidd (Cam-
bridge, 4847). B.-H. G.
DAWES (William-Rutter), astronome anglais, né le 49
mars 1799, mort le 45 févr. 4868. Il s'occupa princi-
palement de la mesure des étoiles doubles, en découvrit un
très grand nombre et apporta divers perfectionnements aux
méthodes d'observation. Ses travaux se trouvent consignés
dans les Memoirs et les Monthly Notices de la Royal
Astronomical Society (4834 à 4867). Il était membre de
la Société royale de Londres depuis 4865. L. S.
DAWES (Manasseh), écrivain anglais, mort le 2 avr.
4829. C'était un homme de loi. Il a écrit un grand nombre
d'ouvrages parmi lesquels nous citerons : Letter to lord
Chatham on American afifairs (Londres, 4777); Essay
on intellectual liberty (4780); Philosophical Considé-
rations (4780) ; Nature and extent of suprême power
(4783); England's Alarm on the prevailing doctrine
of libels (4785); Introduction to a Knowledge of the
law on real estâtes (4844) ; Epitome of the law of
landed property (4848).
DAWKINS (William-Royd), géologue anglais, né à But-
tington (comté de Montgomery) le 23 déc. 4838. Préposé
au muséum de Manchester (4869), président de la société
de géographie (4874), il a écrit: Researches on the évi-
dences of caves respecting the early habitants of
Eiirope (Londres, 4874) et Early man in Britain and
his place in the tertiary period (4880).
DAWISON (Bogumel), acteur polonais, né à Varsovie le
45 mai 4848. Issu d'une famille peu fortunée, il était, fort
jeune encore, employé dans les bureaux de la Gazette de
Varsovie, lorsqu'il fit la connaissance de l'acteur Kudliez,
dont il devint l'élève. C'est sous ses auspices qu'il débuta
en 4837, à peine âgé de dix-neuf ans, au théâtre polonais
de Varsovie, d'où il alla se produire ensuite sur ceux de
Vilna et de Lemberg. Après un voyage en Allemagne et en
France, entrepris pour compléter son éducation artistique,
il se décide à embrasser la carrière allemande, et, de retour
à Lemberg, s'y montre cette fois sur le théâtre allemand,
où il obtient de très grands succès, succès qu'il retrouve à
Hambourg en 4846, et en 4849 au Hofburg-Theater de
Vienne, la première scène littéraire de l'Allemagne. Obligé
de quitter Vienne en 4853 à cause de la santé de sa femme,
il s'engage au théâtre royal de Dresde, y reste jusqu'en
4866, entreprend alors, pendant une année, une grande
tournée à travers l'Allemagne, et en 4867 se rend à New-
York où il remporte de véritables triomphes, quoique jouant
en allemand en compagnie d'acteurs parlant exclusivement
l'anglais. Dawison a été l'un des comédiens les plus célèbres
de l'Allemagne au xix® siècle. Ses plus grands succès ont
été dans Macbeth , Othello , le Marchand de Venise ,
Richard III, Hamlet., de Shakespeare; Wallenstein et les
Brigands., de Schiller, et dans le Faust., de Goethe, où il
était incomparable sous le costume de Méphistophélès.
DAWLEY-Magnà. Ville d'Angleterre, comté de Shrop-
shire; 9,200 liab. Mines de houille, de fer; fonderies,
forges, etc.
DAWSON (James), officier de fortune, né à Salford vers
- 1017 -
DAWSON - DAY
1717, mort en 1746. Destiné à l'Eglise, il fit ses études à
l'université de Cambridge, d'oti il fut expulsé pour des
motifs mal connus. Il se jeta alors dans le parti du préten-
dant, qui le nomma capitaine. Fait prisonnier à Carliste, il
fut jugé comme coupable de haute trahison et condamné à mort
le 17 juil. 1746. Il était fiancé à une jeune fille de bonne fa-
mille, Catherine Norton^ qui mourut de désespoir le jour
même de son exécution, à laquelle elle avait voulu assister.
Cette aventure romanesque a donné lieu à une ballade bien
connue en Angleterre. R. S.
DAX. Ch.-l. d'arr. du dép. des Landes; 10,838 hab.
Dax est située sur la rive gauche de TAdour, qui la sépare
du faubourg de Sablar. Stat. du chem. de fer du Midi, sur
la ligne de Bordeaux à Bayonne, avec embranchement sur
Puyoo et Pau.
Histoire. — La ville de Dax existait déjà lors de la
conquête de la Gaule par les Romains. Les Visigoths s'em-
parèrent de Dax vers le v® siècle. Les Francs les en chas-
sèrent. A leur tour, ils furent dépossédés par les Vascons.
Dax fut reconquise par Charlemagne; plus tard, ce furent
les Normands et les Sarrasins qui la pillèrent et ruinèrent
ses édifices religieux. Dax eut des comtes amovibles sous
les rois de la première dynastie. Sous les successeurs de
Charlemagne, elle eut des vicomtes, dont le titre était
héréditaire. A la fin du xi® siècle, la vicomte de Dax fut
conquise par Gaston, vicomte de Béarn. Le dernier des
vicomtes sortis de cette maison fut Pierre, à qui Richard,
duc de Guyenne, enleva ce domaine en 1177 pour le punir
de sa rébellion contre lui. Les Anglais se maintinrent à
Dax jusqu'au xv® siècle, sous Charles VIL En 1442, ce
roi prit la ville et réunit Dax et la vicomte à la couronne
en 1451. Les rois d'Angleterre avaient accordé à la ville
d*importants privilèges, qui furent ensuite renouvelés par
les rois de France. Sous le règne de François P^, les Espa-
gnols essayèrent de s'emparer de Dax, mais ils durent
battre en retraite. Les protestants, à leur tour, tentèrent
en vain de la surprendre en 1571. En 16â!2, Dax était une
place de sûreté des protestants. Henri IV, Louis XIII et
Louis XIV avaient confirmé les privilèges de la ville de
Dax. L'évêché, fondé à Dax au iii^ siècle, a été rattaché à
celui d'Aire en 1801 . En 1857, un décréta autorisé l'évêque
d'Aire et ses successeurs à joindre à leur titre celui de
l'évêché supprimé de Dax. — Les armes de Dax étaient
d'azur à la tour crénelée d'argent sur une montagne
de sinople^ soutenue d'un lion d'or du deuxième^ et une
fleur de lis d'or en chef. Sa devise était : Regia semper.
Monuments. — Dax a possédé autrefois une enceinte de
remparts romains qui, d'après de Caumont, était l'une des
plus belles de France, mais elle est aujourd'hui presque
entièrement démolie. L'ancien château, au N.-O. de la ville,
entouré de fossés, est une vaste construction du xiv® siècle,
qui sert aujourd'hui de caserne. La cathédrale Notre-Dame,
plusieurs fois rebâtie, est construite sur l'emplacement
d'une ancienne chapelle mérovingienne. L'église de Saint-
Vincent de Sentes ou de Xaintes, dans le faubourg de ce
nom, remonte au m® siècle et fut rebâtie au x® siècle ; elle
renferme le tombeau du premier évêque de Dax, saint
Vincent. L'une des curiosités de la ville est la source d'eau
chaude, qui jaillit abondamment dans un bassin de pierre
de 50 m. de tour, entouré d'un portique d'ordre toscan,
fermé par des grilles. Une tour, dite tour de Borda, a été
élevée à la mémoire du célèbre mathématicien né à Dax.
A 2 kil. de Dax, le bourg de Saint-Paul-lès-Dax, qui est
comme un faubourg de la ville, possède une église du
XV® siècle, avec une belle abside romane, contenant des
bas-reliefs curieux. Dax possède un musée, un hospice, une
école normale primaire d'instituteurs.
Commerce. — Les principaux objets de commerce et
d'industrie de Dax sont les jambons dits jambons de Bayonne,
les planches et bois de pins, les matières résineuses, le
miel, la cire, les bouchons, les liqueurs, les faïences, les
bestiaux, chevaux et mulets. R.
Eaux minérales. — Les eaux de Dax, connues dès
la plus haute antiquité , sont hypothermales ou hyper-
thermales (la source de la Fontaine chaude ou de Nesle
atteint SO^^^S), amétallites, azotées. Elles s'emploient en
boisson, bains et douches, principalement dans les rhuma-
tismes de toutes formes, les névralgies et en particulier la
sciatique, les névroses (chorée rhumatismale, céphalées
chroniques, hypocondrie, hystérie) ; les bains de Dax sont
usités dans les mêmes affections ; ces bains de boue très
fréquentés par les rhumatisants sont la principale cause de
la vogue de Dax; enfin, le cMmat doux et sec de Dax en
fait une station d'hiver très utile aux personnes qui
souffrent de laryngites et de bronchites chroniques. Il y a
un établissement thermal bien installé dont la création
remonte à 1871. D' L. Hn.
BiBL. : Bertrand Compaigne, Chronique de la, ville et
diocèse d'Acqz; Orthez, 1657. -- Philippe Tamizey de
Larroque, Documents inédits pour servir à l'histoire de
la ville de Dax, dans Revue des Basses-Pyrénées et des
Landes. — Josepii Légé, les Diocèses d'Aire et de Daoc,
ou le département des Landes sous la Révolution^ 1789-
1803. Récits et documents; Aire-sur-FAdour, 1875, 2 vol.
in-8. -- Congrès scientifique de Dax, mai 1882 ; Dax, 1883,
in-8.
DAX (Armand-Jean-Antoine-Louis, vicomte de), litté-
rateur français, né à Montpellier le 20 avr. 1816, mort à
Paris le 13 juin 1872. Avocat à Montpellier en 1838, il
exerça à peine et voyagea beaucoup. Dessinateur habile, il
fournit d'agréables illustrations au Journal dés chasseurs^
au Sports k l'Illustration^ etc., et dirigea la C/ia.S5e i7te-
trée. Il a publié, outre de nombreux articles dans les jour-
naux de sport : Souvenirs de mes chasses et pêches dans
le midi de la France (Paris, 1858, in-18); Nouveaux
Souvenirs (1860, in-12) ; Encore un mot sur le pape
et le congrès (1860, in-8). — Sa femme, Eulalie-Louise-
Camille Dufour, née à Paris le 21 déc. 1824, morte en 1 886,
a collaboré à la plupart de ses travaux et publié elle-même
des articles dans la Chasse illustrée. Elle a écrit en outre :
l'Amour et la Femms (1860, in-18) ; la Mère (1862,
in-18) ; Conseils aux jeunes filles (1864, in-18).
DAY (John), imprimeur anglais, né à Dulwich en 1522,
mort à Londres le 23 juil. 1584. Ses premières publica-
tions datent de 1549 ou environ ; en 1582 il obtint le titre
de maître de la corporation des papetiers. Il a édité les
œuvres de l'évêque John Poynet, de Thomas Beacon, de
Fox, et plusieurs ouvrages musicaux, extrêmement rares
aujourd'hui, de Damon, Whythorne et autres compositeurs
anglais.
DAY (Angell), écrivain anglais du xvi^ siècle, auquel on
doit quelques ouvrages curieux qui sont devenus des ra-
retés bibliographiques. Nous citerons : The English Se-^
cr^i^(?n> (1586, in-4, souv. réédité, notamment en 1587,
1607, 1614); Daphnis and Chloe (1587, in-4); Upon
the life and death of sir Philip Sidney (in-4) ; Won-^
derfull Strange sightes seene in the élément over the
citie ofLondon and other places (vers 1585, in-8),
DAY (John), auteur dramatique anglais des xvi® et
xvii^ siècles. On ne posssède aucun détail sur sa vie. En 1 598,
il collabora avec Chettle à the Conques t of Brute et en
1590 avec Haughton à deux tragédies, the Tragedy of
Merry et the Tragedy of Cox of Collumpton, Puis,
tantôt avec ces deux auteurs, tantôt avec Dekker, Wentwort
Smith, Hathway, W. Rowley, George Wilkins, il écrivit
un grand nombre de pièces de divers genres parmi les-
quelles nous citerons: the Orphan's Tragedy (i^99);
the Golden Ass (1600) ; the Conquest of the west Indies
(1601); the Boast of Billingsgate (1603). Seul, il a
écrit : the Bristol Tragedy (1602) ; the Madde Francks
of merry Moll of the Bankside (1610); Corne see a
Wonder (1623) ; the Ileof^ Guis (1606, in-4), la pre-
mière de ses pièces imprimées; Law Trickes (1608);
Humour out ofBreath (1608) ; the Parlament of Bées
(1641, in-4). Ces pièces sont généralement bien écrites;
le dialogue en est vif et brillant, les caractères fortement
tracés. M. A.-H. Bullen a publié (Londres, 1881, 7 vol.
in-4) un recueil des œuvres de John Day dont il a donné la
DAY - DAZA
4018
biographie dans la National Biography de Leslie Stephen
(t. XIV, p. 235-237). ' R. S.
DAY (Francis), colon anglais, mort à Madras en 1642.
Agent de la compagnie des Indes, il fonda en 1625 un comp-
toir à Armagaum qui fut le second en date des établisse-
ments anglais sur la côte de Coromandel. En 1638, il fut
chargé par la compagnie de chercher sur cette même
côte un emplacement plus favorable à Textension de ses en-
treprises. L'an d'après, Day achetait au rajah de Chandra-
giri une bande de terrain où il construisit un fort, fort
Saint-George, qui devint l'importante ville de Madras.
DAY (Thomas), écrivain anglais, né à Londres le 22 juin
1748, mort le 28 sept. 1789. Etudiant de l^université
d'OxIord, il s'éprit d'une belle passion pour J.-J. Rousseau
dont la Nouvelle Héloïse^ le Contrat social et VEmile
révolutionnaient alors l'Europe (1761-1762), adopta toutes
les théories de l'école du retour à la nature et une fois
inscrit au barreau de Londres (1775), au lieu de plaider,
n'eut point d'autre idée que de les appliquer pour son
propre compte. Il recueilht deux petites orphelines, l'une
blonde, l'autre brune, et chercha à les élever d'après les
principes les plus stricts de Rousseau. Il se proposait
d'épouser celle qui deviendrait la plus accomplie. Il en fit
de charmantes femmes, mais elles ne réalisèrent point l'idéal
de perfection qu'il désirait et il se contenta de les doter et
de les bien marier. Cet original était doué des plus nobles
qualités : il donna presque toute sa fortune aux pauvres. Il
finit par épouser, en 1778, une jeune fille du plus grand
mérite, miss Esther Milnes qui s'était éprise de lui et qui
voulut bien se soumettre au genre de vie assez rude qu'il
lui imposa, toujours par amour de Rousseau. Il périt à la
suite d'un accident de cheval. Thomas Day est l'auteur du
livre d'éducation si connu, History of Sandford and Mer-
ton (Londres, 1783-1789, 3 vol.), qui a eu un nombre
considérable d'éditions et a été traduit dans toutes les
langues. Nous citerons encore de lui trois poèmes : the
Dying Negro (1773) ; the Devoted Légions (1776) ;
the Désolation of America (1777) ; Reflections on the
présent state of England and the independence of
America (1782) ; Letters of Marins (il 84^); puis Fi^ag-
ments of original letters o?i the slavery of the negroes
(1 784) ; Dialogue between a justice of the peace and
a farmer (1785) ; History^ of little Jack (1788). Sa
femme a écrit quelques poésies qui ont été éditées par
Th. Lowndes en 1805 avec quelques opuscules sans im-
portance de son mari : Select miscellaneous Productions
ofMrs. Day and Th, Day in verse and prose. R. S.
BîBL. : J. Keir, Account oflife and Writings of Thomas
Day ; Londres, 1791. — Blagkmann, Life of Th. Day ;
Londres, 1862.
DAY (Jeremiah), mathématicien et philosophe américain,
né à New-Preston (Connecticut) le 3 août 1773, mort à
New-Haven (Connecticut) le 22 août 1867. Il fut profes-
seur de mathématiques et de physique au collège d'Yale de
1801 à 1817 et régent de cet établissement de 1817 à
1846. On lui doit, outre plusieurs traités de mathématiques,
deux ouvrages très estimés de philosophie spiritualiste :
An Examination of président Edward'' s înquiry as to
the Freedom of the will (1814); An Inquiry of the
self-determiîiing power of the will (1838, in-12 ;
2«éd., 1849).
DAYA. Poste militaire, dans la com. mixte du Télagh,
arr. de Rel-Abbès , dép. d'Oran (Algérie) , créé pour
commander la route des Hauts-Plateaux entre Sebdou et
Saïda. Il est entouré d'une forêt de pins et de chênes, et a
une ait. de 1,150 m. Le village, où réside un juge de paix,
n'est plus aujourd'hui chef-lieu de la commune mixte comme
jadis : le siège en est au Telagh. Il y a, outre le poste,
121 hab., dont 83 Français. , E. Cat.
DAYAKS (V. RoRNÉo [Anthrop.]).
DAYAS. On désigne sous ce nom en Algérie des dé-
pressions à fond sablonneux, où se forment de petits étangs
temporaires; on peut dire que c'est un diminutif des
sebkhas et des chotts. Mais on applique surtout ce nom à
l'ensemble d'une région qui se trouve dans le Sahara algé-
rien, immédiatement au S . de Laghouat. Elle s'étend sur
une centaine de kil. de profondeur et autant de large, et
forme une vaste plaine couverte de touffes de salsolacées
hgneuses et d'arbrisseaux épineux, mais qui n'est point
habitée. De distance en distance, t)n y rencontre des bas-
fonds où, grâce à l'accumulation des eaux de pluie, pousse
un épais gazon qui subsiste une partie de l'année ; il y a
aussi des fourrés de jujubiers sauvages que dominent des
betoums ou térébinthes parfois superbes. Ce sont ces
parties qu'on appelle dayas ; quelques-unes ont seulement
quelques mètres de large ; d'autres atteignent plusieurs
kil. de tour et abritent des hordes de gazelles et de nom-
breux oiseaux. La plus remarquable est celle de Tilr'emt,
un peu au N. du Mzab, qui renferme quelques milliers de
térébinthes. E. Cat.
DAYLESFORD. Ville d'Australie, colonie de Victoria, au
N.-O. de Melbourne, au N.-E. de Ballarat, près de Jim
Crovv Diggins ; 5,000 hab. environ ; elle est située au centre
d'un district aurifère important.
DÂYNAUD (Ferdinand), homme politique français, né à
Aiguillon (Lot-et-Garonne) le 1®^ juin 1838. Propriétaire
et conseiller général de ce département, i ]fut élu le 4 sept.
1881 député de Condomavec un programme bonapartiste,
par 9,776 voix contre 9,480 au docteur Lannelongue, répu-
blicain. Il se spécialisa dans les questions de finances et à
plusieurs reprises critiqua fort vivement les budgets de la
République. Réélu par le Gers le 4 oct. 1885, il vota avec
le groupe bonapartiste et favorisa la politique du général
Roulanger. Aux élections générales de 1889, il a été renommé
député de Condom par 9,682 voix contre 8,236 à M. de
Ferrabouc. Il a écrit V Appel au -peuple (Auch, 1873, in-8).
DAYROLLES (Salomon), diplomate anglais, mort en
mars 1786. Protégé par lord Chesterfield, il eut une car-
rière rapide. D'abord secrétaire du comte de Waldegrave
ambassadeur à Vienne, il devint gentilhomme de la chambre
de George II le 27 févr. 1740 et conserva cette position
sous George III. Nommé maître des menus le 12 avr. 1744,
il fut ensuite secrétaire de lord Chesterfield, ambassadeur à
La Haye (1745), qu'il suivit en Irlande lorsque cet illustre
homme d'Etat fut nommé vice-roi. Il reçut de plus la
sinécure d'huissier de la verge noire (2 sept. 1745). Le
12 mai 1749, il était envoyé à La Haye, en qualité de rési-
dent. Il occupa le même poste à Bruxelles de 1751 à 1757.
On possède une volumineuse correspondance entre lord
Chesterfield et Davrolles. Elle a été publiée par lord Mahon
(Londres, 1846, 3 vol.). R. S.
DAYTON. Ville des Etats-Unis de rAmèrique du Nord,
dans l'Etat d'Ohio, située sur le Miami, fondée en 1796;
38,678 hab, en 1880. Fabriques de wagons, de machines,
de papier. Filatures. Près de la ville, au milieu d'un vaste
parc, le magnifique établissement des invalides, Soldiefs
Home. Aug. M.
DAZA ou DAÇA CHACUN (Dionisio), chirurgien espa-
gnol, né à Valladolid vers 1510, fut attaché à la personne
de Charles-Quint et de Maximilien, puis en 1557 obtint la
place de chirurgien à l'hôpital de Valladolid ; il fut ensuite
successivement chirurgien de don Carlos (1563), de don
Juan d'Autriche (1569) ; après la bataille de Lépante, à
laquelle il assista, il vint à Madrid, où le roi Philippe II
le nomma son chirurgien particuher. Daza Chacon, contem-
porain d'Ambroise Paré, est l'auteur d'un excellent traité
sur la théorie et la pratique de la chirurgie (Valence, 1605,
in-foL, et autres éd.). D'* L. Hn.
DAZA (Antonio), théologien espagnol du xvu® siècle, né
à Valladolid. Il entra dans l'ordre des franciscains, devint
prieur du couvent de son ordre à Valladolid, puis procu-
reur et commissaire général auprès du pape Grégoire XV.
Connu pour sa piété et l'austérité de sa vie, il a laissé de
nombreux écrits : Historia de las llagas de San Fran-
cisco (Madrid, 1612, in-4) ; Quarta Parte de las Chro-
nicas de la orden de San Francisco (continuation de
1019 —
DAZA ~ DEACON
l'histoire de Tordre de Marcus de Lisbonne) (Valladolid,
46'li, in-foL) ; Vida de sor Juana de la Cruz, de la
tercera orden de San Francisco (Madrid, 4613, in-4 ;
trad. en italien, Trevise, 1619, in-8); Discurso delà
purisima concepciôn de Nuestra Senora (Madrid,
1621 et 1628) ; Vida del bienavenhtrado P, F. Pedro
Regalado (Madrid, 1627, in-12, et Milan, 1634, in-4) ;
Excelencias de la ciudad de Valladolid^ Joint au pré-
cédent ouvrage, etc., etc. E. Cat.
DAZA (Hilarion Grosolé), homme politique bolivien, né
à Sucre en 1840. Il substitua à son nom paternel Grosolé
celui de sa mère. C'est un métis qui se joignit dès sa jeu-
nesse au parti libéral, avança vite dans l'armée, acquit la
faveur de Melgarejo, prit part à l'expédition du Pilcomayo
en 1867. En 1 871 , il était colonel de cuirassiers et renversa
Melgarejo dont le successeur Morales le nomma général et
ministre de la guerre ; candidat à son tour à la présidence,
il s'établit par la force (4 mai 1876), comprima une insur-
rection (1877), se fit acclamer par un congrès qui vota une
revision de la constitution conférant au président une dic-
tature ; il tyrannisa le pays et gouverna jusqu'en 1879. Il
provoqua le conflit avec le Chili, qui amena sa ruine ; il
occupa les mines mais fut refoulé par les Chiliens ; il se
joignit alors à l'armée péruvienne de Prado ; les succès des
Chiliens firent insurger ses troupes et Daza s'enfuit à l'étran-
ger (V. Bolivie, Cmu et Pérou).
DAZINCOURT (J.-J.-B. Albouis, dit) (V. Azincourt
m).
DAZIO Grande. Gorge sauvage du canton suisse du
Tessin, sur le cours de cette rivière, à 948 m. d'alt., où
les gens du canton d'Uri avaient établi un péage aboli en
1798.
DAZZI (Andréa), poète italien, né à Florence vers 1470,
mort vers 1548. On connaît de lui quelques pièces latines :
JEluromachicBy Sylvœ^ Epicedia^ Poemata varia ; ces
opuscules furent réunis en un vol. (Florence, 1549, in-8).
DAZZI (Pietro), littérateur et lexicographe italien, né
à Florence le 7 janv. 1837. Outre un assez grand nombre
de compilations destinées à l'enseignement, il a publié :
Le Orazioni politiche del secolo xvi (Florence, 1866) ;
i Salterelli del Bronzino pittore, alcune lettere fami-
liari del secolo xiv (Bologne, s. d.). Il a collaboré au
dictionnaire de La Crusca, au Vocabolario délia lingua
italiana, de Pietro Fanfani ; au Vocabolario délia lingua
deir uso fiorentino, etc. R. G.
DBANICI. Hameau du gouvernement de Tiflis (Russie
transcaucasienne). C'était autrefois une ville importante de
Géorgie et le siège d'un évêché.
DGHAR-DJEDID. Village du Maroc, situé à l'entrée du
vaste et magnifique plateau d'El Gharbia qui s'élève à
plus de 100 m. au-dessus de la mer. Ce plateau, dit
M. Décugis, « occupe une immense surface verdoyante
parsemée de nombreux dchour et entourée de toutes parts
d'ondulations de terrain et de profondes vallées où les
troupeaux trouvent un pâturage abondant. Les villages
sont défendus par des haies redoutables de cactus et
d'agaves et les gourbis eux-mêmes sont fermés avec des
fascines composées de tiges desséchées de chardons et de
férules. (Quelques vergers complantés d'orangers et de
figuiers complètent ce paysage champêtre. » La route de
Tanger à Ksar el Kebir accède à ce plateau par une pente
escarpée. C'est au village même de Dchar Djedid qu'ont été
rencontrées par M. Ch. Tissot les ruines d'une ville
romaine assez considérable qu'il a identifiée avec la station
d'Ad Mercuri qui est indiquée sur l'Itinéraire d'Antonin.
Toute la surface du plateau elliptique dont le périple peut
être évalué à deux milles romains, est parsemée de débris
antiques, bien plus nombreux autrefois, mais qui disparais-
sent avec une rapidité désolante qui ne donnera pas par-
tout aux explorateurs et aux archéologues les moyens de
les identifier avec les localités citées dans les anciens docu-
ments. C'est ainsi gue, d'un amphithéâtre vu en i 842 par
Drummond Hay, il ne reste plus vestige aujourd'hui.
M. Tissot a pu suivre et relever la ligne des remparts,
reconnaître, en dehors, un monument rectangulaire qu'il
estime être une citerne non couverte, les débris du cas-
trum et les restes d'un édifice qu'il croit être le temple
auquel la ville antique a dû son nom. Dépuis cette époque,
M. de La Martinièrc a fait de nouvelles fouilles à Ad Mercuri
dont il a levé le plan en 1888 en même temps qu'il y
découvrait une intéressante inscription.
DÉ, I. Archéologie. — Dé d coudre. Le dé à coudre
n'a subi aucune modification essentielle depuis l'anti-
quité jusqu'à nos jours. Moins ces objets sont anciens,
plus les trous pratiqués à la surface sont petits et serrés.
Chez les Romains, les dés avaient la forme d'un cône
tronqué ou celle d'une olive. Ils étaient en métal, en os
ou ivoire.
Au XIV® siècle, on commença d'orner les dés d'armoi-
ries. Au XVI® siècle, ils furent ornés de rinceaux et d'orne-
ments en relief qui remplaçaient les piqûres. Les dés de
luxe étaient en or, en argent ou en argent doré. De la fin
du xvi® siècle datent les dés à la base desquelles se déroule
une devise, comme c^lle-ci : « A ce présent est jointe ma
meilleure pensée » qu'on lit, en allemand, sur un dé daté
de 1587 ; ou encore : « Prenez-le en gré », « De bon
cœur je le donne ». Ces bijoux étaient déposés dans les
corbeilles de mariage. Le luxe des dés persista pendant les
XVII® et XVIII® siècles. Vers 1684, un orfèvre hollandais,
Nicolas Benschoten, s'était acquis un renom d'habileté dans
cette fabrication. On fit au xviii® siècle des dés en porce-
laine. M. P.
IL Jeu (V. Dés [Jeu de]).
III. Architecture. — Partie du piédestal placé entre
le socle ou la base et la corniche ou le couronnement ; quel-
quefois le dé constitue à lui seul le piédestal. Lorsque ce
dernier est destiné à recevoir une statue et à faire ainsi
partie d'un monument commémoratif, c'est en général sur
le dé que l'on dispose les bas-reliefs, les attributs et les
inscriptions qui complètent ou tout au moins précisent la
destination du monument et les conditions dans lesquelles
il est élevé.
IV. Construction. — Morceau de pierre dure ou de
granit, généralement de forme quadrangulaire (cubique ou
pyramidale), que l'on enterre en partie dans le sol et dont la
face supérieure reçoit un poteau en bois ou une colonne en
fonte, une pile en pierre ou en brique ou aussi une colon-
nette. Un goujon en bois ou en métal sert à relier la partie
supérieure du dé au poteau ou à la colonne qu'il est appelé
à recevoir et à préserver de l'humidité du sol.
V. Marine. — On appelle dé un petit cylindre en bois
dur employé pour réunir deux pièces de charpente et s'en-
gageant d'une partie de son épaisseur dans chacune de ces
deux pièces. Le plus souvent, le dé porte à son milieu
une partie cylindrique de plus fort diamètre ; dans ce cas, il
est destiné à maintenir entre les deux pièces considérées
un écart constant et déterminé.
BiBL. : Archéologie. — Saglio, Dict. des antiquités^
art. Digitale. — M™» Cocheris, Histoires sérieuses sur
une pointe d'aiguille ; Paris, 1886, in-8.
DEACON (James), peintre anglais, mort très jeune en
1750. Il se fit remarquer par ses miniatures. Le British
Muséum en possède plusieurs, entre autres les portraits
du peintre de marine Samuel Scott et de sa femme.
DEACON (William Frederick), publiciste anglais, né à
Londres le 26 juil. 1799, mort le 18 mars 1845. Après
avoir songé un instant à prendre les ordres, il débuta dans
la littérature par un poème, Hacho or the Spoll of St,
Wilten, qui n'est point sans mérite. Puis il édita un journal,
the Déjeuné (1820-1821), et après la disparition de cette
feuille collabora au London Magazine, Il publia alors
quelques volumes ; des études celtiques, the Innkeeper's
Album (1823); un joli pamphlet littéraire qui obtint
beaucoup de succès : Warreniana^ ivith notes^ critical
and explanatory (1824) et quelques essais {ISovember
Taies), Il revint au journalisme, fit la critique littéraire
DEACON — DÉAMBULATOIRE
— 1020 —
au Swi (4830-1845) avec une réelle autorité, et collabora
au Blackwood's Magazine, Il a encore écrit the Exile of
Erin or the Sorrows of a Bashful irishman (Londres,
4835. 2 vol.), roman humoristique quia joui longtemps
d'une immense popularité en Angleterre et en Amérique
et une nouvelle, Ânnette (Londres, 4853, 3 vol.).
DEADWOOD City. Ville des Etats-Unis de l'Amérique
du Nord, de fondation récente, dans la région montagneuse
appelée Black Hills, au S.-O. de l'Etat de South Dakota ;
4',000 hab. Population de mineurs, attirée parles richesses
minérales de la région. Aug. M.
DEÂK (François), orateur et homme d'Etat hongrois,
né à Kehida, dans le comitat de Zala, le 47 oct. 4803,
mort à Budapest le 29 janv. 4876. Après avoir terminé
ses études de droit à Raab, il fit son apprentissage de
la vie politique dans les assemblées de son comitat natal,
dont le député était alors Antoine Deâk, son frère aîné.
Lorsque fut convoquée, en 1832, la Diète qui devait
durer jusqu'en 4836, il succéda au siège de son frère,
et bien vite compta parmi les chefs de l'opposition, à
la fois l'un des plus modérés et des plus énergiques.
Dès lors commence chez Deâk cette parfaite harmonie
du libéraHsme et du loyalisme , qui devait l'inspirer
jusqu'à sa dernière heure. Son esprit pratique ne l'em-
pêche pas de saluer de ses regrets la Pologne expirante ;
ses tendances conservatrices ne l'empêchent pas d'aborder
hardiment les questions sociales d'alors, telles que la sup-
pression des abus féodaux. Son respect pour la couronne
ne l'empêche pas, en face de la mauvaise foi du cabinet de
Vienne, de clore l'assemblée triennale par ces paroles
menaçantes : « La nation ne peut compter que sur elle-
même. » Après une longue interruption parlementaire,
remplie de procès et de condamnations politiques, la nou-
velle diète de 483940 reçut de François Deâk les plus
grands et les plus difficiles services. La cour d'Autriche se
servait des condamnés en guise d'otages pour faire capituler
l'assemblée : Deâk, tout en étant très ému, se défendit de
céder par attendrissement, maintint les droits de l'indé-
pendance nationale, professa en même temps sa fidélité
monarchique avec la plus grande éloquence, et, d'accord
avec l'archiduc palatin Joseph, obtint une amnistie qui
laissait les députés magyars libres de continuer leurs
réformes. Pourtant Deâk ne siégea pas en 4843, mais ce
fut par suite d'une renonciation généreuse : ses partisans
avaient commis des excès électoraux dont il ne voulut pas
accepter le bénéfice. D'ailleurs, ils ne le suivaient plus
qu'avec peine dans ses idées d'égalité sociale, qui du reste,
même en son absence, triomphèrent de plus en plus sur le
terrain législatif.
Lorsque les électeurs furent convoqués en 4847, au
miheu de l'ébranlement déjà général de l'Europe, tous les
regards des Hbéraux se tournèrent vers Deâk, et douze
cents d'entre eux le chargèrent de rédiger un manifeste. Ce
document réclame l'indépendance de la Hongrie sous le
sceptre des Habsbourg. L'auteur fut appelé à entrer, le
23 mars 4848, dans lepiemier ministère magyar, présidé
par Louis Batthyânyi : Deâk recevait le portefeuille de la
justice. Avec le président du conseil il représentait, dans
ce ministère hétérogène, la politique de transaction. Mal-
heureusement, dès le mois d'août cette politique était ruinée
par la marche des événements et par l'énergique initiative
de Kossuth. En décembre, il fit encore partie d'une députation
envoyée auprès du prince Windischgrœtz ; puis il s'abstint
d'aller à Debreczin, où l'assemblée, rompant avec les prin-
cipes de Deâk, se séparait totalement de la dynastie. Il
vécut dans ses domaines pendant la longue période d'abso-
lutisme qui dura jusqu'en 4859.
Alors les forces de la réaction étaient épuisées. L'em-
pereur-roi François-Joseph, après ses défaites en Italie,
entrait dans la voie des essais constitutionnels, où Deâk
devenait nécessairement, soit un aide, soit un obstacle.
C'était lui, en effet, maintenant, le chef moral de la nation
magyare, au moins de tous les patriotes qui avaient
renoncé à cette chimère intransigeante, la déchéance des
Habsbourg. Le souverain bien intentionné, le sujet fidèle et
fier avaient besoin l'un de l'autre, mais la réconciliation
dont ils étaient les instruments désignés ne fut pas l'œuvre
d'un jour. Deâk employa sept années à revendiquer, avec
un calme et une énergie admirables, le droit historique de
la couronne et de la nation magyares. Les patentes d'oct.
4860 et de févr. 4864 organisaient la Diète de Hongrie,
comme celle des autres régions de l'empire, à titre pure-
ment provincial, le conseil central de Vienne ayant seul
une existence politique. Deâk, dans une série de discours
qui sont conservés comme des monuments de l'éloquence
nationale, montra à l'assemblée réunie en avril 4864 qu'il
était impossible d'accepter de pareilles conditions. Il
établit, suivant la méthode des légistes politiques de l'An-
gleterre, méthode qui convient à la Hongrie mieux qu'à
tout autre Etat du continent, que toute l'histoire constitu-
tionnelle du pays, anciennes lois, anciennes diètes, anciens
serments royaux, pragmatique sanction, lois de 4848, etc.,
que tout cela faisait de son pays un royaume distinct,
pourvu d'une complète existence nationale et politique,
et dont le souverain devait être couronné comme roi de
Hongrie, abstraction faite de son titre impérial. Seulement,
tandis qu'il battait ainsi en brèche le système centraliste
du ministre Schmerling, il maintenait contre les légistes
rigoureux que l'on devait traiter avec François-Joseph
comme roi de fait, et préparer par une adresse loyale la
réconciliation avec le roi couronné. Les députés acceptèrent
la direction de Deâk, mais le gouvernement prononça la
dissolution de la Diète le 22 août. Une nouvelle période auto-
ritaire n'ayant pas mieux réussi que la première, et l'Autriche
se trouvant dans les plus graves embarras diplomatiques,
François-Joseph se rapprocha de ses sujets magyars, et les
appela à former une nouvelle assemblée (déc. 4865). Les
idées de Deâk, récemment exposées dans des écrits très
importants, avaient continué à faire leur chemin, et la
nation comme le souverain cherchaient de plus en plus un
arrangement, sur les bases du couronnement et d'un
ministère responsable. Tout fut interrompu par la guerre de
4866, mais momentanément. D'une part, le souverain et
son nouveau ministre, M. de Beust; d'autre part, Andrassy
et Deâk aboutirent à la constitution du dualisme. En févr.
4867 fut organisé le ministère, œuvre de Deâk, mais où il
ne voulut aucune place, avec ce désintéressement qui lui
faisait repousser tous les titres et tous les honneurs ; en
juin eut lieu le couronnement, sur l'emplacement que
contemple aujourd'hui la statue de Deâk. De même l'ora-
teur, toujours simple député, a pu contempler son œuvre
jusqu'à sa mort (4876) qui fut un deuil national. Deux
des hommes qui l'avaient le mieux connu, Pulszky et
Csengery furent ses biographes. M. Kœnyi a commencé en
4884 la publication de ses discours. E. S.
BiBL. ; Les Recueils de Toldy çére et de Toldy fils. —
HoRvATH, Vingt-cinq Ans de l'Histoire hongroise, en ma-
gyar et en allemand.— Iran-^i et Ch.^ssin, la Révolution
de Hongrie. — L. Léger, Histoire de V Autriche-Hongrie.,
1889, 3« éd. — Du même, Nouvelles Etudes slaves ; Paris,
1880. — Laveleye, Revue des Deux Mondes, 1868.
DEÂL. Ville maritime d'Angleterre, comté de Kent, sur
le Pas de Calais; 42,734 hab. avec la localité voisine de
Walmer). C'est une station de bains de mer; le port n'a
pas d'importance; il n'existe pas, à proprement parler,
Deal possédant seulement la rade des Downs, abritée par
les sables de Godwin. C'est là que César débarqua en 55
av. J.-C. Henri VIII y fit construire trois châteaux en 4539 :
Sandown Castle, détruit par les progrès de la mer ; Deal
Castle^ aujourd'hui propriété privée, et Walmer Castle^
où réside le lord-warden des Cinque-ports (V. ce mot).
D EAL. Monastère roumain, dans le district de Dimbovitza,
bâti par Radu le Grand, prince valaque. On y conserve
les ossements de ce prince et la tête de Michel le Brave.
DÉAMBULATOIRE (Archit.). On appelle déambulatoire
dans les églises romanes et gothiques le prolongement des
nefs latérales ou bas côtés autour du chœur. Le déambu-
-- 1021 —
DÉAMBULATOIRE ~ DEANE
latoire apparaît dès la fin du xi® siècle. Il fut adopté dans
toutes les écoles architecturales, sauf en Provence. C'est
dans cette partie de Téglise que, forcés de renoncer à la
voûte en berceau par la difficulté que présentait sa construc-
tion au tournant de l'édifice, les architectes du moyen âge
firent leurs premiers essais de voûtes d'arête. A l'époque
romane, une, deux ou trois chapelles semi-circulaires
s'ouvrent sur le déambulatoire. Quand il n'y a qu'une cha-
pelle, elle est construite, au chevet, dans Taxe de la nef;
quand il y en a trois, et c'est le cas le plus fréquent, les
deux chapelles qui accostent la chapelle du chevet sont
séparées d'elle par une travée où est pratiquée une fenêtre.
Telle est, par exemple, la disposition du déambulatoire de
Notre-Dame de Beaune (xii® siècle). En Auvergne, il y a
d'ordinaire deux chapelles seulement ; la travée placée dans
l'axe de l'église est percée d'une fenêtre. A Saint-Sernin
de Toulouse, on compte cinq chapelles autour du déambu-
latoire. Pendant la période gothique, l'abside devient
polygonale. Le déambulatoire est voûté sur ogives. Les cha-
pelles absidales se multiplient ; il y en a souvent autant
que de pans. Ainsi, au chevet de la cathédrale d'Amiens,
on compte sept pans et sept chapelles ; à Reims, cinq. La
chapelle du chevet, ordinairement consacrée à la Vierge,
est plus profonde que les autres. M. Prou.
DE AM ICI S (Edmond) (V. Amicis [De]).
DEAMICIS (Anna), cantatrice dramatique italienne, née
à Naples vers 1740. Elle s'était d'abord consacrée au
genre bouffe, mais Chrétien Bach ayant écrit pour elle, à
Londres, un rôle dans le genre sérieux, elle y remporta
un succès si éclatant, que dans la suite elle n'abandonna
jamais le style dramatique. La légèreté et l'agilité de sa
voix étaient remarquables, et les grâces de sa personne
communiquaient à son talent un charme de plus. Elle
renonça au théâtre en 1771 pour épouser un secrétaire
du roi de Naples, qui voulut réserver ce talent pour les
concerts de la cour, où elle chanta toujours avec succès
jusque vers 1790. M"^^ Deamicis eut deux filles qui, dit-on,
chantaient à cette époque avec beaucoup de goût des
chansons napolitaines à deux voix, que l'une d'elles accom-
pagnait d'une façon fort originale sur un instrument très
populaire à Naples, nommé colasciana, et qui n'était autre
qu'une sorte de grande guitare.
DEAN FoREST. Région accidentée et boisée de l'Angle-
terre, comté de Gloucester, entre la Severn et la Wye;
elle comprend 10 à 11,000 hect., dont 9,000 sont revêtus
de bois ; elle compte 18,000 hab., qui exploitent des mines
de fer, de houille, les carrières ou les futaies d'où l'on tire
des bois pour la marine. C'est une ancienne propriété de
la couronne dont la population, longtemps à demi sauvage,
a conservé certains privilèges ; elle est administrée par un
lord-warden et se partage en six districts {lualks),
DEAN (Hugh-Primrose), paysagiste irlandais, mort vers
1784. Il fit un long séjour en Italie, et il y peignit de nom-
breux paysages {V Eruption du Vésuve^ Matin et Soir,
les Rives du Tibre) qui lui valurent le surnom de Claude
Irlandais,
DEAN (John), dessinateur et graveur anglais en manière
noire, né vers 1750, mort à Londres en 1798. Elève de
Valentine Green. Il a gravé plusieurs sujets de sainteté
d'après Murillo, Rubens et Jordaens, ainsi que des sujets
de genre, mais principalement de bons portraits d'après
J. Reynolds, Gainsborough, Romney, etc. G. P-i.
DEAN (Sir Thomas), architecte irlandais, né à Cork en
1792, mort à Longsford Terrace, Monkstown (comté de
Dublin), le 2 sept. 1871. Fils d'un grand entrepreneur de
constructions, Thomas Deane, après avoir fait fortune en
continuant les affaires de son père et avoir construit, lui
aussi, de nombreux édifices publics, fut nommé maire de
Cork en 1830 et élevé aux honneurs de la chevalerie. C'est
à partir de cette époque qu'il s'adonna exclusivement et
non sans succès à l'architecture et on lui doit, entre autres
édifices élevés dans le style de la Renaissance italienne : à
Dublin, les modifications apportées à la Banque d'Irlande,
les anciens et les nouveaux bâtiments de Savings Banks, le
Queen's Collège, de nouveaux bâtiments à Trinity Collège
(l'Université), l'asile d'aliénés (en collaboration 'avec son
premier élève, Benjamin Woodward) ; à Killarney, le por-
tique de Court House et à l'université d'Oxford le nouveau
musée, mais ce dernier édifice en collaboration avec son
fils M. Thomas Deane. Sir Thomas Deane fut pendant
longtemps président de Tlnstitut des architectes irlandais.
BiBL. : Leslie Stephen, Dict. of national hioqraphv i
Londres, 1888, t. XIV, in-8. y i^ y >
DEAN DR El S (Elisée-Léon), homme politique français,
né à Montpellier le 21 juin 1838. Banquier à Montpellier,
il se signala de bonne heure par ses opinions républicaines
et contribua, en 1869, à la fondation de la Liberté de
l'Hérault, qui fit de l'opposition au gouvernement impé-
rial. Conseiller municipal de Montpeltier (1871-1879), il
fut élu député de l'Hérault le 4 oct. 1885 avec un pro-
gramme radical. Il a été réélu en 1889 au second tour de
scrutin par la 1^'^ circonscription de Montpellier avec
11,234 voix contre 8,043 à M. Mares, bonapartiste.
DEANE (Richard), amiral anglais, né en 1610, mort le
3 juin 1653. Appartenant à une famille apparentée à
Cromwell et à Hampden, il entra dès les débuts de la
guerre civile comme volontaire dans le corps d'artillerie
parlementaire commandé par le capitaine Willoughby. Dès
1644, il exerçait un commandement important. L'an d'après,
avec le grade de contrôleur, il commandait l'artillerie à Naseby
(14 juin 1645) et battait le prince Rupert. Il se distingua éga-
lement à la prise de Bristol (11 sept.) et au siège d'Oxford
(juin 1646). Le 28 mai 1647, le parlement, voulant se débar-
rasser de Cromwell, lui donna le commandement en chef de
l'armée d'Irlande, et lui adjoignit Deane comme lieutenant de
l'artillerie. Tous deux refusèrent ces postes. A la reprise
d'armes des royalistes, ils combattirent ensemble dans le comté
de Galles, puis à Preston (1 7 août 1 648) où un mouvement de
l'aile droite commandée par Deane assura la victoire. Le
régiment de Deane appuya la remontrance de l'armée au
parlement (20 nov. 1648). Lui-même fut un des com-
missaires qui instruisirent le procès du roi, et il signa la
condamnation. Le 23 févr. 1649, il fut nommé un des trois
commissaires chargés de commander la flotte, et, en 1650,
il opéra une croisière dans la mer du Nord pour couper les
communications entre la Hollande et l'Ecosse, En 1651, il
prit part aux opérations sur les côtes d'Ecosse. Le 6 mai
de cette année, Cromwell lui donna le grade de major général
dans l'armée de terre où il servit brillamment, notamment
à la bataille de Worcester (3 sept.). Commandant en chef
de l'armée d'Ecosse, il pacifia le pays. On lui renouvela en
1652 sa commission de général de^ la mer. Il rejoignit la
flotte en novembre, prit part à la sanglante bataille de Port-
land (18 févr. 1653), il poursuivit les Hollandais, les attei-
gnit seulement deux mois après, et périt au commencement
de la grande bataille de Solebay (3 juin 1653). Son corps
fut ramené à Greenwich. On lui fit des funérailles solen-
nelles, et il fut enterré à Westminster. R. S.
BiBL. : John Bathurst Deane, Life of Richard Deane ;
Londres, 1870, in-8. -- Leslie Stephen, National Bioara-
phy, t. XIV. ^ ^
D EA N E (Richard), écrivain anglais, né dans le Yorkshire
vers 1727, mort à Middleton le 8 févr. 1778. Il entra
dans les ordres et devint curé de Middleton près de Man-
chester. Il n'est connu que par son curieux ouvrage : An
Essay on the future life of Brutes, with observations
upon Evil, its nature and origin (Manchester, 1767,
2 vol. in-12) où il essaya de prouver que les animaux
les plus infimes jouissent comme l'homme d'une nouvelle
existence après la mort. J. Rothwell combattit cette théorie
dans sa Letter to the Rev. M. Dean of Middleton occa-
sionned by reading his Essay on the future life of
Brutes (1769, in-8).
DEANE fW'illiam-Wood), aquarelliste anglais, né à
Londres le 22 mars 1825, mort à Londres le 18 janv.
1873. Elève de l'Académie royale. Architecte de talent,
il ne s'occupa de cet art qu'au point de vue du pittoresque,
DEANE - DEBAÏN
— 10^22 —
reproduisant à l'aquarelle, avec beaucoup de charme et de
vérité, des monuments d'architecture de l'Espagne, de
l'Italie et de la France. G. P-i.
DEANI (Marc' Antonio), orateur et théologien italien,
né à Brescia le 14 sept. 4775, mort le 28 nov. 4824. Il
prit l'habit religieux chez les franciscains réformés et reçut
en même temps le nom de P. Pacifico, sous lequel il est
plus généralement connu. Il eut, dans nombre de villes
d'Italie et même à Rome, en présence de Pie VU, de grands
succès de prédication. En 1845, il obtint le rétablisse-
ment, à Brescia, d'un couvent de son ordre, et, en 1819,
il fut nommé consulteur de la congrégation de l'Index. On
a réuni, après sa mort, ses œuvres complètes, qui n'ont
pas confirmé sa réputation. R. G.
BiBL. : Gambara, Elogio storico del P. Pacifico ; Bres-
cia, 1825, in-8. '— Lombardi, Storia délia litteratura ita-
liana net secolo xviii; Modène, 1827-1830, 4 vol. in-8.
DEARE (John), sculpteur anglais, né à Liverpool en
1760, mort à Rome en 4798. Il obtmt en 4780 la médaille
d'or de l'Académie royale de Londres pour son groupe
d'Adam et d'Eve.
DEARE (Joseph), sculpteur anglais, neveu du précédent.
Il fit ses études à l'Académie royale, où il reçut la médaille
d'or en 4825, pour son groupe de David et Goliath,
DEAS (Charles), paysagiste et peintre de genre améri-
cain, né à Philadelphie en 4818. On cite parmi ses pein-
tures : le Groupe de Sioux, la Jeune Indienne, l'Indien
qui traverse à cheval la prairie, etc.
DE AT H 'Valley (Vallée ou bassin de la Mort). Vaste
région stérile, dans la partie occidentale des Etats-Unis, au
S.-E. de l'Etat de CaUfornie, sur le versant oriental de la
sierra Nevada, où les rivières temporaires se perdent dans
des lacs salés, qui, s'évaporant au soleil, ne sont le plus
souvent que des bas-fonds remplis de dépôts de soude et
ayant leur surface à 25, 50 et même 100 m. au-dessous
du niveau de la mer.
DEAUVILLE. Corn, du dép. du Calvados, arr. de Pont-
l'Evêque, cant. de Trouville, sur la rive gauche et à l'em-
bouchure de la Touques, en face de Trouville ; 2,228 hab.
Deauville n'était, avant 1862, qu'un village situé sur une
colHne dominant des marais et des dunes. Sur l'initiative
du docteur Oliffe, médecin de l'ambassade anglaise, une
société, patronnée par le duc de Morny, se constitua en
1858 et créa en quelques années la ville actuelle. Elle
s'étend sur une longueur de près de 2 kil. le long de la
mer, bordée par une large terrasse soutenue par un quai
de granit. C'est le long de cette terrasse et en vue de la
mer que s'élèvent les principaux édifices : l'Établissement
hydrothérapique, construction de style mauresque ; Thôtel
de la Terrasse, le Palais italien, construit par le prince
Demidov ; la villa Elisabeth et la Victoria Codge, de style
gothique anglais ; la villa de Morny et nombre d'autres qui
rivalisent de luxe. Au milieu de la terrasse s'élève le
casino, formé d'une construction centrale avec deux ailes
en retour d'équerre et derrière lequel s'étend un vaste
jardin anglais. La grande rue de Deauville aboutit à un
hippodrome où ont lieu chaque année des courses au com-
mencement du mois d'août (V. Course, t. XIII, p. 172).
La plage est le prolongement de celle de Trouville, mais
elle a l'inconvénient de découvrir beaucoup à marée basse.
L'église, construite en arrière de la ville, est de style
roman ; elle a été décorée de fresques en 1866 par M. Bor-
dieu. L'éghse du vieux Deauville s'élève sur le sommet de
la colline ; c'est un curieux édifice roman à abside circu-
laire remontant au xi® siècle.
PEAUX. Com. du dép. du Gard, arr. d'Alais, cant. de
Vézénobres ; 126 hab.
DE BACKER (Augustin), jésuite belge, né à Anvers en
1809, mort à Liège en 1873, Il a publié : Essai biblio-
graphique sur le livre De imitatione Christi (Liège,
1854, in-8) ; Bibliothèque des écrivains de la
Compagnie de Jésus ou notices bibliographiques :
i^ de tous les ouvrages publiés par les membres de la
Compagnie de Jésus, depuis la fondation de Vordre
jusqu'à nos jours; 2^ des apologies, des controverses
religieuses, des critiques littéraires et scientifiques
suscitées à leur sujet (Liège, 1853-1861, 7 vol. in-8).
Cet ouvrage, d'une érudition immense, a été réédité à
Liège de 1869 à 1876 en 3 vol. in-foL, avec la collabora-
tion des PP. Aloïs De Backer et C. Sommervoeel.
DÉBÂCLE (V. Glace).
DEBACQ (Joseph-Frédéric), architecte français, né à
Paris le 15 mai 1800. Elève de Pierre-Louis Van Cléem-
putte, de Percier, de Huyot et de l'Ecole des beaux-arts
où il entra le 28 mai 1819, M. Frédéric Debacq, qui fut
admis au concours du grand prix, compléta ses études par
un voyage en Italie et surtout en Grande-Grèce, voyage
qu'il fit, en 1825 et 1828, aux frais et en compagnie du
duc de Luynes et dont le but principal fut l'exploration
des ruines de l'ancienne colonie grecque de Métaponte,
près du golfe de Tarente. Les résultats de ce voyage, qui
furent considérables pour l'histoire de la polychromie chez
les anciens, ont été publiés sous ce titre : Métaponte, par
le duc de Luynes et F.-J. Debacq, architecte, etc. (Paris,
1833, in-foL, texte, 10 pi.). Un remarquable fragment
original de chéneau en terre cuite colorée trouvé dans les
ruines dites de Chiesa di Sansone, à l'emplacement même
du temple de Métaponte, morceau d'une admirable conser-
vation, représentant une tête de lionne entre des palmettes
(publié pi. VII de l'ouvrage), a été donné en 1884 par
M. Debacq à la bibhothèque de FEcole des beaux-arts. A
son retour à Paris, M. Debacq, qui fut inspecteur de plu-
sieurs édifices publics sous les ordres de Huyot, Godde et
Jay, dut aux relations de la famille de Luynes une belle
clientèle pour laquelle il construisit ou restaura de grandes
résidences de ville ou de campagne, et travailla notamment
au château et à l'église de Dampierre (Seine-et-Oise) où il
fit édifier, avec le concours de M. Ch. Garnier, une cha-
pelle funéraire pour la famille de Luynes. Nommé dès
1833 membre de l'Institut archéologique de Rome, M. De-
bacq fut, en 1841, l'un des premiers membres admis à la
Société centrale des architectes français dont il est aujour-
d'hui le doyen. Charles Luga.s.
BiDL. : Archives, Bibliothèque et Musée de VEcole des
Beaux- Arts.
DEBACQ (Charles- Alexandre) , peintre français, frère
du précédent, né à Paris le 2 avr. 1804, mort à Paris
le 2 oct. 1852. Elève du baron Gros et de l'Ecole des
beaux-arts où il entra en 1824, Alexandre Debacq, après
avoir exposé quelques tableaux religieux sur lesquels il
obtint une médaille de 2« classe au Salon de 1831 , s'adonna
surtout à la peinture d'histoire et composa de nombreuses
séries historiques dont quelques-unes sont à Versailles, à
Nancy, à Lille et au musée de la manufacture de Sèvres,
ou peignit des portraits de personnages célèbres dans
les fastes de l'histoire de France. Parmi ces portraits,
étudiés sur des documents d'une originalité incontestable,
il faut citer, entre autres, ceux des ducs et duchesses de
Bourgogne, depuis Philippe le Hardi jusqu'à Charles le
Téméraire, d'après un dessin du musée du Louvre de la fin
du XV® siècle portant cette inscription : Veterum Burgun-
diœ duciim conjugumque filioymm filiariimque habitus
ac vestitus. — Une sœur de Frédéric et d'Alexandre De-
bacq, M^^^ Juliette Debacq, morte en 1889, a exposé
comme peintre sur porcelaine, d'intéressantes reproduc-
tions de tableaux des maîtres anciens au Salon de 1827.
BiBL. : Em. Bellier de la Chavignerie etL. Auvray,
Dict. général des Artistes de l'Ecole française; Paris, 1882,
t. I, in-8.
DEBAIN (Alexandre-François), facteur d'orgues et de
pianos, né à Paris en 1809, mort en nov. 1877. Il fut
d'abord ouvrier ébéniste, puis entra dans une fabrique de
pianos, devint contremaître, et fit apprécier de tous ses
patrons sa particulière intelligence mécanique. En 1834, il
créa lui-même une manufacture de pianos et orgues, qu'il
dirigea avec zèle et habileté. Il tenta plusieurs perfection-
nements, dont le plus remarquable et le plus fécond porte
— 10^3
DËBAIN - DÉBARQUEMENT
sur les orgues expressives à anches libres. Debain, reprenant
ridée de Fourneaux sur l'application des tables d'harmonie,
y ajouta l'emploi d'épaisseurs très diverses pour les lames
et fit varier la position de ces lames par rapport à Faction
du vent. Il obtint ainsi quatre registres différents de sono-
rité, et donna le nom à'harmonium à l'instrument per-
fectionné de cette façon. D'autres facteurs, partant de ces
heureux résultats, les ont encore améliorés par la suite.
De plus, Debain a réalisé diverses combinaisons mécani-
ques pour supprimer les difficultés dans le rôle de l'exécu-
tant : on lui doit des systèmes de pianos mécaniques, une
machine destinée à accompagner le plain-chant et qu'il
appelait antiphonel (on l'actionnait à l'aide d'une mani-
velle, et des planches notées mettaient en mouvement les
touches par des pilotes), et aussi Vharmonicorde, instru-
ment nouveau où le son des cordes de métal s'allie avec
celui des anches libres. Alfred Ernst.
DE BAISE ou DE BAYSE (Gui), Archidiaconus,
célèbre canoniste, ordinairement cité sous son surnom
désigné par l'abréviation Archid. né à Reggio. Il fut
nommé en 1296 archidiacre de Bologne et en 4302 pro-
fesseur de droit canonique à l'université de cette ville ; il
mourut en 1313 à Avignon, où il remplissait de hautes
fonctions à la cour pontificale. Il a composé sur le Décret
un apparat de gloses, auquel il donna le titre de Rosa-
rium, et un Apparatus ad Sextnm, Ces ouvrages ont
été souvent imprimés. E.~H, V.
BiBL.: F. DE ScHULTE, GescMchte der Quellen und Lît-
teratur des canon. Rechts von Gratian bis auf die Gegen-
-wart; Stuttgart, 1875-1883, 8 vol.m-8. — A. Tardif,
Histoire des sources du droit canonique ; Paris, 1887, in-8.
DEBAIZE (Michel-Alexandre), abbé et voyageur fran-
çais en Afrique, né à Clazay (Deux-Sèvres) le 49 nov. 1845,
mort à Oujiji, en Afrique, le 12 déc. 1879. L'abbé Debaize
obtint de la Chambre des députés un crédit pour traverser
l'Afrique de l'E. à l'O., voyage qui devait durer trois ans.
Il partit de Zanzibar le 24 juil. 1878, traversa Mpouapoua,
rOunyamonezi et ne put dépasser le Tanganyika.
DEBANS (Jean-Baptiste-Camille), littérateur français,
né à Cauderan, près de Bordeaux, le 10 mai 1834. D'abor'd
clerc de notaire, puis employé de banque, il fonda à Bor-
deaux une petite feuille qui obtint un assez vif succès, le
Bonhomme^ vint à Paris en 1859, collabora au Figaro,
au Paris-Magazine, à d'autres journaux, devint secrétaire
de la rédaction du Petit Moniteur et dirigea l'impression
de ce journal et du Moniteur universel à Tours et à Bor-
deaux pendant la guerre franco-allemande. Il a donné des
romans agréables parmi lesquels nous citerons ; Sous clef
(Paris, 1862, in-32); les Drames à toute vapeur (1869,
in-12); le Capitaine Marche-ou-Crève (1877, in-12);
la Peau du mort (1879, in-12) ; le Baron Jean (1880,
2 vol. in-12) ; Histoire de dix-huit prétendus (1881,
in-12); Histoires de tous les diables (1882, in-12) ; les
Malheurs de John Bull (1884, in-12) ; les Pudeurs de
Martha (1885, in-12) ; les Duels de Roland (1886,
in-12) ; une Terrible Femme (1887, 2 vol. in-12), etc.
En 1860, il avait publié Discours contre le spiritisme par
un înédium incrédule (Paris, in-8).
DEBAR (Jean-Pierre) (V. Bar [J.-P. de]).
DÉBARCADÈRE. L Chemin de fer. — On désigne sous
le nom de débarcadère, dans une station de chemin de fer,
le bâtiment spécialement affecté au service des voyageurs.
Ce bâtiment comporte des installations plus ou moins éten-
dues suivant l'importance de la station dont il fait partie.
Réduit à sa plus simple expression dans les haltes, où il
se compose le plus souvent d'une petite annexe à une mai-
son de garde, il est un peu plus développé dans les petites
stations, où il comprend des installations distinctes : l°pour
la distribution des billets ; 2° pour l'enregistrement des
bagages ; 3° pour l'attente des trains. Dans les stations,
dites de moyenne importance, le débarcadère comprend en
outre un certain nombre de services accessoires, tels que
buffet, télégraphe, bureau de la voie, etc. Enfin, dans les
gares principales, le programme des installations devient
encore plus considérable et conduit à l'adoption de bâti-
ments d'une grande étendue, dont les dispositions varient
suivant les divers services auxquels la gare doit faire face.
Le prix de revient du bâtiment des voyageurs peut être
évalué, moyennement, à 140 fr. par mètre carré, lorsqu'il
est sans étage, et à 230 fr., lorsqu'il comporte un étage
(V. Gare, Station). G. H.'
IL Navigation. — Les débarcadères sont généralement
aussi des embarcadères, et réciproquement ; cependant
il existe sur les canaux du Nord des appareils qui sont
employés à la mise en barque des charbons de terre et
qui ne servent jamais à la mise à terre de marchandises.
Les débarcadères, comme du reste tout ce qui facilite et
abrège les mouvements des hommes et des choses, devraient
être beaucoup plus multipliés sur nos voies ^navigables,
qui ne pourront arriver à leur maximum de débit qu'à
cette condition. En Angleterre, les types de débarcadères
sont très multipliés ; on cherche dans chaque cas à faciliter
le mieux possible le mouvement des voyageurs et des mar-
chandises ; à Liverpool, on a mouillé dans le lit de la
Mersey, parallèlement aux quais, de grands pontons acces-
sibles aux piétons et aux voitures, par le moyen de sortes
de ponts en charpente perpendiculaires à la direction du
fleuve, fixés par des charnières à leurs deux extrémités,
de manière à suivre l'oscillation de la marée. A Birkenhead,
en face de Liverpool, le ponton est placé dans une enclave
ménagée dans le quai et les ponts mobiles sont parallèles à
celui-ci ; l'ensemble occupe beaucoup moins d'espace, ce
qui dans l'espèce était indispensable, l'ouvrage étant placé
dans l'avant-port qui précède les docks. Dans les rivières
ordinaires, par exemple sur la Loire, sur la Seine (à Paris
notamment), on voit des embarcadères plus modestes, mais
tout à fait analogues à ceux de Liverpool, pour desservir les
bateaux à vapeur qui transportent les voyageurs. M.-C. L.
III. Marine. — Débarcadère est un terme générique ser-
vant à désigner tout endroit disposé pour le débarquement
à terre des marchandises et des hommes d'un navire ou d'une
embarcation. Dans les ports les lieux qui servent à l'embar-
quement et au débarquement sont les mêmes, aussi on
confond les termes d'embarcadère et de débarcadère, on les
emploie indistinctement l'un pour l'autre malgré Pusage
spécial que leur assigne leur dénomination. Les débarca-
dères les plus commodes sont les quais, les apponfements
(V. ces mots), auxquels les embarcations accostent direc-
tement. Pour les gros navires, la communication s'étabHt
au moyen de passerelles volantes. Comme synonyme d'em-
barcadère ou de débarcadère on emploie souvent le mot
cale. Il désigne alors une pente en maçonnerie ou en bois
pratiquée le long d'un quai dans la direction de la mer
pour permettre aux embarcations d'accoster à toutes les
époques de la marée. Dans certains cas, « lorsqu'il existe
des difficultés locales ou que les abords des quais présen-
tent des obstacles, on construit des débarcadères volants,
qu'on fait flotter sur des chalands ». Le mot wharf, très
couramment employé en marine comme synonyme de débar-
cadère, est la traduction anglaise du mot quai ; par généra-
lisation on l'applique à tous les lieux de débarquement.
Pour faciliter les opérations de chargement et de déchar-
gement, des voies ferrées et des grues sont installées sur
les débarcadères importants. Les navires s'amarrent le long
des débarcadères, au moyen d'organeaux, de vieux canons,
de bornes, etc.
DÉBARDA6E. Déchargement des bateaux chargés de
bois, de pierres, de briques, de pavés, etc. (V. Déchar-
gement).
DÉBARDEUR (V. Déchargeur).
DÉBARQUEMENT (Art milit.). On confond souvent le
débarquement avec la descente, bien que la première
opération ne soit en réalité qu'une phase ou un épisode
de la seconde ; ainsi on appelle troupes de débarque-
ment des troupes destinées à faire une descente sur les
côtes. Les débarquements peuvent avoir des buts différents.
DÉBARQUEMENT — DÉBAT
— 102i
Dans les petits débarquements, l'assaillant n'a en vue
que de ruiner les établissements commerciaux et de mettre
à contribution une certaine étendue de territoire ; une fois
ce résultat obtenu, il se rembarque sans chercher à prendre
pied dans le pays. De pareilles expéditions ont souvent
réussi. C'est ainsi que procédèrent les Anglais sur plusieurs
points de nos côtes pendant la guerre de Sept ans et
particulièrement en 1758 lorsqu'ils s'emparèrent de Cher-
bourg et ravagèrent les campagnes voisines. Leur entre-
prise contre Saint-Malo, à la fin de la même année, eut
moins de succès et se termina par le désastre de Saint-
Cast. Cette dernière opération est un exemple de la facilité
des petits débarquements et du danger des rembarque-
ments ; les uns s'opèrent toujours par surprise, le plus
souvent de nuit, sans trouver de résistance organisée ; les
autres peuvent devenir très périlleux et même impossibles
si la défense mobile de terre intervient à temps et réussit
à couper la retraite à l'ennemi ; en tous cas, celui-ci ne
peut éviter le moment critique oii ses forces divisées sont
partie à bord, partie à terre. Les grands débarquements
ont pour but de conquérir et de dévaster une partie no-
table de territoire ou d'accomplir toute autre grande opéra-
tion de guerre ; celle-ci peut être isolée ou se lier avec une
invasion tentée sur une frontière continentale de l'ennemi.
La défaite des émigrés à Quiberon en 1795, le désastre
des Turcs à Aboukir en 1799, la funeste issue de l'expé-
dition des Anglais à Flessingue en 1809 témoignent com-
bien de telles entreprises sont aventureuses. Deux grands
débarquements de troupes françaises sont restés célèbres :
celui d'Alger en 1830, et celui de Crimée en 1854, mémo-
rable surtout par la bataille de l'Aima à laquelle il donna lieu.
BiBL. : Capitaine Marga, Géographie miliiaire,!'^ partie.
DÉBARRAGE (Tiss.). On désigne en technologie, sous
le nom de débarrage, l'une des dernières opérations que
l'on fait subir aux tissus nouveautés et qui consiste à faire
disparaître, par une adjonction de couleur, les inégalités
de nuances désignées, suivant leur direction sur l'étoffe,
sous le nom de barres en travers et de rayons en long. Le
dcbarrage se fait à la brosse, au pinceau, au tampon ou
au pastel. La brosse sert pour l'application de couleurs
liquides. La pièce d'étoffe étant passée sur une perche et
tombant sur une traverse établie à 0"^80 de hauteur, où
elle est fixée par les lisières, l'ouvrier, debout, promène la
brosse correctement sur la partie claire et arrive avec un
peu d'habitude à faire les barres d'un seul coup. Le débar-
rage au tampon n'est employé que pour les pointillés soie et
coton; ce tampon n'est qu'une bande de drap enroulée sur
elle-même. La teinte se fait au moyen de peintures re-
montées par des cache-époutil. Le débarrage au pinceau
se fait sur une table, la pièce étant bien tendue; on
trempe le pinceau dans la teinture, on l'exprime un peu et
on repasse deux ou trois fois sur la teinte pour arriver
graduellement à la nuance. Ce mode d'opérer, qui se pra-
tique par des femmes, est le plus répandu. Le débarrage au
pastel ne présente aucune solidité ; la pièce, fixée sur une
perche à 3 m. de hauteur, descend et tourne sur une table
debout légèrement inclinée ; l'ouvrier passe alors le pastel
et termine en frappant sur l'étoffe à l'aide d'une écouvette,
sorte de petit balai, pour unir et faire adhérer. L. K.
DÉBARRAS (Archit.). Petite pièce ou cabinet généralement
obscur ou éclairé par un jour de souffrance et formé, dans
un appartement, par l'extrémité d'un couloir desservant
d'autres pièces et sur lec[uel s'ouvre le cabinet dit de dé-
barras. Ces cabinets étaient nombreux dans les anciennes
demeures où ils rendaient de réels services, mais ils ten-
dent à disparaître dans les habitations modernes qui ,
mieux distribuées, s'efforcent de ne perdre aucune place et
surtout d'éclairer et d'aérer, conformément aux prescrip-
tions de l'hygiène, jusqu'aux moindres recoins d'un appar-
tement. Ch. L.
DEBARY, botaniste allemand (V. Bary [De]).
DE BASSINl (V. Bassini).
DE BAST (Martin -Jean), antiquaire belge, né à Gand
le 26 oct. 1753, mort le 11 avr. 1825. Il fut curé de
Saint-Nicolas-de-Gand et prit, en cette quaMté, une part
active à la révolution brabançonne en 1789; Napoléon,
qu'il servit avec dévouement, le nomma chanoine de la
cathédrale de Saint-Bavon. On lui doit divers travaux rela-
tifs à l'histoire et aux antiquités de la Flandre : Recueil
d'Antiquités romaines trouvées dans la Flandre pro-
prement dite (Gand, 1804, in-8; 2® éd. augmentée et
illustrée, 1808, in-4, et supplément en 1809); Recherches
historiques et littéraires sur la langue celtique, gau-
loise et tudesque pour servir de supplément au Recueil
d'Antiquités (Gand, 1815 et 1816, 2 vol. in-8); l'Insti-
tution des communes dans la Belgique pendant les xii®
et XIII® siècles (Gand, 1819, in-4) ; V Ancienneté de la
ville de Gand établie par des chartes, etc. (Gand, 1820,
in-4). Les médailles et les antiquités recueillies par le cha-
noine de Bast ont été, après sa mort, distribuées entre les
musées de Gand, de La Haye et de Leyde.
DÉBAT. I. Politique (V. Compte rendu, Discussion).
IL Histoire littéraire. — Le débat, dispute ou despu-
toison, genre très cultivé au moyen âge, consiste dans un
certain nombre de répliques échangées, sur un sujet donné,
par deux ou plusieurs personnages, le plus souvent fictifs
ou allégoriques, représentant les divers côtés d'une opinion :
leur mise en scène n'est donc qu'un procédé d'exposition,
et la pièce a, bien entendu, un auteur unique. C'est ce qui
distingue le débat des genres qui lui sont apparentés et
qu'on a quelquefois confondus avec lui, tels que la tençon
et \e jeu-parti (V. ces mots), où ce sont des personnages
réellement distincts qui échangent des réflexions, des argu-
ments ou des injures, genres qui ont pu naître naturelle-
ment de l'imitation de ce qui se passe à chaque instant
dans la vie. Le débat, au contraire, né dans le monde des
lettrés, a, dès l'origine, un caractère artificiel qu'il con-
servera jusqu'au bout.
Il se compose essentiellement, disions-nous, d'un dia-
logue dont les personnages sont des abstractions. Il est
superflu de rechercher l'origine du premier de ces éléments :
la forme dialoguée appliquée à l'exposition scientifique est
trop naturelle pour n'être pas fort ancienne ; elle avait
passé de Platon et de Cicéron aux premiers apologistes
chrétiens, saint Justin et Minutius Félix. Quant au goût
pour l'abstraction, il est particulier à la race latine, que
sa pauvreté d'imagination porta de bonne heure à person-
nifier des qualités morales (V. par exemple le VI® livre
de VEnéide) ; mais il se développa surtout à l'époque de
la décadence : il se forme à ce moment toute une mytho-
logie morale, fort analogue à celle de nos poètes épiques
du xviii« siècle : la Terreur, la Licence, la Volupté, les
Larmes ne jouent pas un moindre rôle dans les poèmes
épiques de Claudien que la Discorde, la Politique, le Fana-
tisme dans la Henriade, Dès le ii® siècle, l'allégorie mon-
tait sur le théâtre ; dans un mime qui devait être fort
semblable à nos moralités, et dont Apulée nous a laissé
l'analyse, on voyait dialoguer la Terreur et la Crainte. Au
commencement du v® siècle, Martianus Capella chantait
l'hymen de Mercure avec « Philologie » ; enfin, quelques
années auparavant. Prudence peignait, dans sa Psycho-
machie, qui est déjà une véritable desputoison, un combat
singulier que se livrent la Foi et l'Idolâtrie, l'Orgueil et
l'Humilité, la Chasteté et l'Impudeur, la Patience et la
Colère, etc. Prudence fut très étudié lors de la renaissance
carolingienne, et, bien qu'on ait le tort d'invoquer son
unique témoignage à propos du genre dont nous parlons, il
en est certainement l'ancêtre le plus direct : les imitations
de la Psychom^achie abondent chez les poètes du vm® et
du iK® siècle, Boniface, Théodulfe, Florus, Waiafrid
Strabon. Précisément à cette époque apparaît le premier
débat que nous connaissions, et qui, comme les plus
anciens, n'est pas purement dramatique et marque bien sa
parenté avec les œuvres que nous venons de citer par
l'élément narratif qu'il comporte encore ; c'est celui de
VHiver et du Printemps qui se rattache d'autre part k,
- d025
DEBAT
des souvenirs mythologiques. Nous y voyons des paysans
assemblés pour célébrer les louanges du coucou, messager
de la belle saison ; tout à coup apparaissent un vieillard
à la barbe hérissée et un jeune homme couronné de fleurs :
c'est, d'un côté, l'Hiver et, de l'autre, le Printemps, qui
engagent une longue discussion pour savoir auquel d'entre
eux revient la prééminence. A une époque quelque peu
postérieure appartient le débat entre le Corps et l'Ame,
dont une rédaction anglo-saxonne est du x® siècle et dont
une rédaction latine est conservée par fragments dans un
manuscrit antérieur à ce siècle (V. Revue celtique^ X, 463 ;
Mélusine, 4888,23; 1890,408; /^omam«,janv.4894).
Il est rare que le débat aborde, comme dans la pièce
citée ci-dessus, les plus graves questions de la morale
chrétienne : la plupart du temps, il est ahmenté par les
vaines amplifications d'une rhétorique assez puérile {Con-
flictus Ovis et Lini, par Hermann le Contrefait, xi^ siècle,
Conflictus Vini et Aquœ, Disputatio inter Cor et Ocu-
lum) et médiocrement édifiante {Altercatio Phyllidis et
Florœ, sur la supériorité en amour des clercs ou des che-
valiers) ou par des querelles de clocher entre les clercs ou
les moines (De Presbytero et Logico, De Clarevallensi-
bus et Cluniacensibus, De Mauro et Zoïlo^ querelles
entre le clergé séculier et le clergé régulier, entre les
moines de Clairvaux et de Cluny, entre les bénédictins et
les chartreux).
Comme le prouvent la nature des sujets traités, la langue
et le style qui sont employés, c'est parmi les clercs, et
particulièrement les clercs goliards^ que ce genre fleurit :
il ne faut donc pas que le grand nombre de pièces en
langue vulgaire nous fasse illusion sur son origine. De
bonne heure, en effet, les clercs eux-mêmes ou des jon-
gleurs qui les fréquentaient (on sait que ces deux classes
de personnes se côtoyaient et se confondaient souvent) le
firent passer dans la littérature à l'usage des laïques ;
nous y trouvons d'abord les sujets déjà traités en latin :
le Débat entre VAme et le Corps existe en français (la
rédaction du xii® siècle est une œuvre extrêmement remar-
quable par l'énergie et la sobriété du style), en provençal,
en anglais, en irlandais, en espagnol, en italien, en alle-
mand, en hollandais (V. Romania, IX, 344). La littérature
française, pour nous borner à elle, possède le Débat entre
Phyllis et Flora (le même sujet est traité en outre dans
plusieurs pièces lyriques), la Desputoison du Vin et de
l'Eau, la Desputoison entre Hiver et Esté. Mais le débat,
une fois implanté dans la littérature vulgaire, y vécut d'une
vie propre et très intense, spécialement au xni*' siècle et au
commencement du xiv®, où il est une variété du dit more\;
certaines pièces n'ont pu évidemment être écrites que par
des lettrés : telles sont le Tournoiement Antéchrist, de
Huon de Méri, pièce plus narrative que dramatique, sorte
de reproduction de la Psychomactiie, où nous voyons
lutter corps à corps le Christ et l'Antéchrist, Prouesse
et Couardise, Largesse et Vilenie, etc. ; le Mariage des
Sept Arts et des Sept Vertus, dont l'auteur montre quel-
que ingéniosité dans le choix des conjoints (Théologie
épouse Amour divin. Musique Oraison, Arithmétique Con-
fession, qu'elle aidera à compter les péchés, etc.) ; le
Mariage des Sept Arts, très analogue à la pièce précé-
dente, la Rataille des Sept Arts, dont l'auteur, Henri
d'Andeli, nous apprend qu'il y avait dès lors antagonisme
entre les études dialectiques, cultivées à Paris, et les
études littéraires, dont le centre était à Orléans, et qui,
du moins au temps de l'auteur, avaient le dessous. Si ces
dernières pièces sont intéressantes pour l'histoire des
études, d'autres sont curieuses pour celle de la gastronomie :
ainsi la Bataille des Vins, la Bataille de Carême et de
Charnage (le charnage est le temps où l'on peut user
d'aliments gras) nous font connaître les crus et les mets
les plus estimés au milieu du xiii® siècle. D'autres pièces
mettent en scène, non plus des abstractions, mais des
personnages réels , et n'ont plus rien , dans leur sujet ,
qui puisse les faire attribuer à des clercs : ainsi nous avons
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XHI.
des dialogues entre une fille de joie et un vieillard qui la
sermonne, d'abord sans aucun succès, puis finit par la
ramener au bien (Marguet convertie) ; entre un chevalier
qui veut prendre la croix et un autre qui s'y refuse et où
est traitée la grave question de l'utilité des croisades ; entre
un certain Chariot et un Barbier qui ne font guère que
s'accabler des plus grossières injures (ces deux dernières
pièces sont de Rutebeuf) ; entre deux jongleurs qui se
reprochent leur ignorance et se vantent de leurs talents (les
Deux Troveors ribauz). Il est possible que ces deux dernières
pièces ne se rattachent pas directement au genre du débat
abstrait, et soient issues simplement des parades de jongleurs
débitant, pour attirer la foule, des boniments dialogues.
Enfin le débat pénétra dans la poésie lyrique : nous
avons en français les dialogues entre Raison et Jolive
Pensée (du comte de Flandre), entre Thibaut de Champagne,
Perrin d'Angecourt, Philippe de Rémi et l'Amour (Raynaud,
Bibliogr. des chans, fr., n^» 543, i66^, 4684, 2029),
et de nombreuses pièces où nous voyons soit des dames se
plaindre de leurs maris (Raynaud, n"'^ 368, 474, 639) soit
divers personnages débattre quelque point de scolastique
amoureuse, se demander, par exemple, s'il vaut mieux
avoir un amant riche, mais grossier, ou pauvre, mais cour-
tois ; ou encore prendre pour maîtresse une jeune fille ou
une femme mariée (Raynaud, n^» 4324, 980, 759). Le
sujet de ces dernières pièces, qualifiées quelquefois de
tençons fictives, prouve bien qu'il faut, malgré leur forme,
les rattacher au genre du débat, et non pas à celui de la
tençon : ce sont simplement des débats sous forme lyrique.
Nous trouvons en provençal des œuvres analogues, par
exemple des débats entre un Riche et un Pauvre, du Moine
de Montaudon, entre Mesure et Etourderie de Garin le
Rrun, entre Lanfranc Cigala, son Cœur et son Savoir,
entre un anonyme et son cœur, entre le Moine de Mon-
taudon et Dieu, entre Peirol et l'Amour, entre R. Béren-
ger et Bertran Carbonel et leur cheval, entre Gui de
Cavaillon et son manteau.
Ce n'est que par exception que le débat s'enferme dans
une forme lyrique à l'époque dont nous venons de parler :
les formes les plus habituelles du genre, du xn® au
XIV® siècle, sont en latin le distique et le quatrain mono-
rime en tétramètres trochaïques, en français les vers de
douze syllabes réunis en quatrain, ou les vers de huit syl-
labes à rimes plates. Le débat devient moins fréquent à la
fin du xiv^ siècle : il y en a cependant des exemples dans
Froissart [Débat du Cheval et du Lévrier, pièce semi-
narrative ; Plaidoierie la Rose et de la Violette, où la
cause des deux fleurs est soutenue par deux avocats « devant
Imagination »). Mais au xv® siècle, époque de poésie bour-
geoise, essentiellement morale et raisonneuse, il retrouve
une vogue extraordinaire. Les formes les plus habituelles
sont le huitain en abab bcbc intronisé au xiv® siècle par
G. de Machaut et consacré durant tout le xv® siècle à la
poésie sérieuse, ou encore le quatrain monorime, le double
sixain (aabaab bbcbbc) empruntés à l'âge précédent, ou
enfin les vers à rimes plates. Il faut citer parmi les œ.uvres
de longue haleine le Débat des deux amants de Christine
de Pisan, où elle se demande si Amour est santé ou mala-
die, si honneur ou honte en vient ; le Débat de Félicité,
par Ch. Soillot où trois dames. Labeur (représentant
le Tiers-Etat), Eglise et Noblesse se disputent le prix du
bonheur. Mais la plupart des débats sont de courtes pièces,
le plus souvent anonymes, qui nous sont parvenues sous
forme de plaquettes gothiques (réimprimées dans le Recueil
de poésies des xv^ et xvi® siècles par MM. de Montaiglon
et J. de Rothschild, auquel nous renvoyons). On y retrouve
d'abord quelques-uns des sujets traités à l'époque précé-
dente {Débat du Vin et de l'Eau, par T. Jamec, n^ 94;
Débat de l'Hiver et de l'Eté, n'^^ 439 et 245 ; Débat
entre Carême et Charnage, pièce narrative, n° 224 ;
Débat du Cœur et du Corps de Villon) ; quelques pièces
roulent sur des lieux communs de morale générale {Débat
de Charité et d'Orgueil, n° 254, peut-être extrait de
65
DEBAT
- 1026 -
quelque moralité) ; d'autres traitent des thèmes connus
depuis longtemps dans la poésie amoureuse (Débat de la
Dame et de rÈcuyer^ par H. Baude, véritable Contrasto,
n^ 97 ; Débat de deux demoiselles, l'une nommée la
Noire et Vautre la Tannée, n*^ 427 ; Débat du jeune
et du vieux amoureux plaidant pour et contre l'amour,
jjos 451 Qi 200 ; Prière d'amour d'une nonnain à un
jeune adolescent^ n° 477 ; Débat de deux sœurs dispu-
tant d'amour, n^ 493 ; d'autres traitent la question si
controversée alors de la « bonté » ou de la « mauvaistié »
des femmes [Débat de l'homme et de la femme, par
Guillaume Alexis, n<* 4 ; Débat du marié et du non-marié ;
n^ 494 : le Bien et le Mal des dames, plaidoyer des avo-
cats Gentil Courage et Mal-Embouché par-devant un juge) ;
d'autres enfin sont purement satiriques {le Procès des
Femmes et des Puces, plaidé par-devant un frère mineur,
n^ M 7) ou touchent aux questions sociales ou politiques
du moment [Débat de la Vigne et du Laboureur, sur la
misérable condition des paysans, n^ 64 ; Débat de la
Demoiselle et delà Bourgeoise, n^ 409; Débats de
l'Homme mondain et du religieux, du mondain et du
célestin, sur la vie monastique, n«^ 292, 293; Complainte
des Quatre Eléments, contre les luthériens, n*^ 249 ; les
Begrets du pape, dialogue entre le pape et l'empereur,
4527, n^ 492 ; Débat des dames de Paris et de Bouen
sur l'entrée du roi, 4508, n° 259). Quelquefois le débat
se transforme en un « procès », où l'on observe toutes les
formes et où l'on imite le style de la chicane [Débat de la
Simple et de laBusée de Coquillart, plaidé par M"^ Simon
et M^ Olivier par-devant le juge Jehan l'Estoffé; cf.
quelques pièces citées plus haut, n^^ 247, 246).
On ne trouve plus aucun spécimen de ce genre à partir
de la deuxième moitié du xvi* siècle ; toutes ces vaines
abstractions s'étaient évanouies au soleil de la Renaissance.
Quelques-unes des pièces les plus répandues se sont per-
pétuées jusqu'à nos jours sous des formes plus ou moins
altérées, dans diverses poésies populaires. Le Contrasto
entre objets inanimés est une forme très fréquente de la
poésie italienne, au Nord et surtout au Sud (V. le recueil
de Pitre) ; on a retrouvé dans une chanson d'aveugle, en
Espagne, le débat entre l'Ame et le Corps (Wolf, Studien,
p. 463, note 2). On chante encore un débat de l'Eau et
du Vin dans diverses provinces de France (en Lorraine, en
Velay, dans la vallée d'Ossau; V. Bomania, Vï, 596, et
de Puymaigre, Chants du pays messin, 1, 244) ; en Styrie,
un débat entre le Printemps et l'Hiver est « joué » par
des personnages affublés d'une manière symbolique, attes-
tant ainsi l'extraordinaire vitalité d'un thème poétique déjà
populaire il y a un millier d'années.
Le débat a été cultivé par les lettrés dans toutes les
littératures qui ont imité les œuvres françaises du moyen
âge : nous avons cité les nombreuses rédactions du débat
de l'Ame et du Corps ; une pièce espagnole du xiii® siècle
nous offre un débat du Vin et de l'Eau [Bomania, XVI,
366) ; mais c'est l'ancienne littérature anglaise qui a le
plus largement développé ce genre sous le nom d'Estrif
(on y trouve notamment les débats entre l'Hiver et l'Eté,
entrePhylhs et Flora; V. Mxtzner, Altengl. Sprachproben,
I, 40, 92, etc.). Nous devons ajouter pour être complet
que le Munâzarâh perse, avec ses personnages abstraits
et son but évidemment didactique, reproduit exactement
notre débat (dialogues entre la Lance et l'Arc, le Jour et
la Nuit, le Ciel et la Terre, la Plume et l'Epée, etc.) ; on
en possède des spécimens du xi° siècle ap. J.-C. qui n'ont
pu ni provenir de notre littérature ni influer sur elle. Il faut
donc admettre que des œuvres presque identiques sont nées
indépendamment sur divers points, issues des mômes ten-
dances et des mêmes habitudes de l'esprit humain, partout
semblable à lui-même. Alfred Jeanroy.
m. Jurisprudence. — On appelle débats, en matière ju-
diciaire, la partie de la procédure qui consiste dans la pro-
duction orale et publique que les parties font de leurs moyens
devant le juge. Cette production donne heu à une discussion
contradictoire, lorsque toutes les parties sont présentes
ou dûment représentées ; lorsque au contraire les parties ou
l'une d'elles font défaut, celle qui est présente expose ses
moyens sans contradiction, et l'on dit alors que le débat
est par défaut. Nous renvoyons aux mots Défaut et
Jugement pour l'étude des différences qui distinguent les
débats contradictoires et les débats par défaut. Nous nous
occuperons surtout ici des débats contradictoires.
Les règles auxquelles la loi soumet cette phase de la
procédure varient selon qu'il s'agit de débats devant la
juridiction civile ou devant la juridiction criminelle. Toute-
fois les débats civils et criminels sont soumis à certains
principes communs, qu'il importe tout d'abord de fixer. Le
premier principe concerne le caractère oral des débats. Les
débats doivent être oraux ; les discussions écrites ne sont
qu'exceptionnellement admises. Le second principe commun
concerne la pubhcité des débats, qui est prescrite à peine
de nuUité de la sentence. Dans l'ancienne procédure, la
pubhcité était déjà la règle en matière civile; mais les
débats criminels, d'abord publics sous le régime féodal,
étaient devenus secrets avec le système inquisitorial. C'est
l'Assemblée constituante qui restitua aux débats criminels
leur caractère public, et cette règle, qui n'est que l'appli-
cation d'un principe de notre droit constitutionnel, a été
consacrée par le code d'instruction criminelle. Toutefois,
cette règle n'est point absolue : dans les cas où la publi-
cité des débats pourrait offrir des dangers pour les mœ.urs,
les tribunaux peuvent, en toute matière, ordonner qu'ils
auront Heu à huis clos, par une délibération spéciale dont
ils doivent rendre compte au procureur général du ressort
et, si la cause est pendante devant une cour d'appel, au
ministre de la justice. Cette faculté pour les tribunaux de
déroger au principe de la publicité des débats, qui leur
avait été reconnue par l'art. 87 du C. de procéd. civ. et
avait été autorisée en matière criminelle par l'art. 64 de
la charte de 4844, a été de nouveau consacrée par l'art. 84
de la constitution du 4 nov. 4848, maintenu par l'art. 56
de la constitution du 44 janv. 4852. Une troisième règle
commune concerne enfin la direction des débats :^ devant
toute juridiction, cette direction appartient exclusivement
au magistrat qui préside l'audience, soit qu'il ait, soit qu'il
n'ait pas d'assesseurs. La direction des débats implique
pour le magistrat qui en est chargé le droit d'en faire res-
pecter la dignité, en ordonnant toutes les mesures depohce
nécessaires au bon ordre de l'audience (art. 88 C. procéd.
civ.), en réprimant les interruptions et les approbations
ou improbations bruyantes, enfin en modérant les dévelop-
pements excessifs et les écarts des plaidoiries, mais sans
pouvoir jamais entraver la défense. La direction des débats
implique également pour le président le droit d'apprécier
à quel moment la discussion est épuisée et de prononcer
la clôture des débats.
Ces règles communes posées, il nous faut entrer dans
quelques détails sur les débats en matière civile et en ma-
tière criminelle. En matière civile, les débats comprennent
les plaidoiries du demandeur et du défendeur, les conclu-
sions du ministère pubhc devant les juridictions auprès
desquelles cette institution fonctionne et enfin l'audition
des témoins dans les cas où la loi autorise cette audition à
l'audience, c.-à-d. dans les affaires sommaires (V. ce
mot). Dans la pratique, les parties sont défendues à l'au-
dience par des avocats ; cependant l'art. 85 du C. de
procéd. civ. leur permet de se défendre elles-mêmes,
assistées de leurs avoués, en réservant toutefois au tribunal
la faculté de leur interdire ce droit, s'il reconnaît que la
passion ou l'inexpérience les empêche de discuter leur
cause avec la décence convenable ou la clarté nécessaire
pour l'instruction des juges. Lorsque les moyens invoqués
par les parties ne comportent pas de développements oraux,
les tribunaux jugent sur pièces : dans ce cas, il n'y a pas
de débats oraux et publics, ou, pour mieux dire, il n'y a
pas de débats du tout. Remarquons en terminant ces no-
tions concernant les débats civils, que les règles que nous
— 1027
DEBAT — DEBAUVE
venons d'exposer sont applicables devant la juridiction
d'appel comme devant celle de première instance.
Les débats criminels comprennent en général l'interro-
gatoire de l'inculpé, l'audition des témoins, les con-
clusions de la partie civile, s'il y en a, les réquisitions du
ministère public et la défense de l'inculpé, lequel doit
toujours avoir la parole le dernier. Remarquons au sujet
de l'audition des témoins que, par application du principe
de l'oralité des débats, la loi exige que les dépositions des
témoins soient orales à peine de nullité; ainsi les témoins
ne peuvent, à l'audience, ni lire leurs dépositions ni s'aider
de notes écrites. Cette règle n'empêche pas toutefois le
président d'ordonner, en vertu de son pouvoir discrétion-
naire, que les dépositions écrites des témoins absents soient
lues à Faudience, A côté de ces règles générales à tous les
débats criminels, il y a certaines règles de détail qui
varient selon que les débats ont lieu devant un tribunal de
simple police, devant un tribunal correctionnel ou devant
une cour d'assises : l'' En matière de simple police, toute
l'instruction a lieu à l'audience. Le prévenu n'est pas tenu
de comparaître en personne ; il peut se faire représenter
par un fondé de procuration spéciale. Si le prévenu com-
paraît en personne, il peut se défendre lui-même, ou se
faire assister d'un défenseur. L'ordre des débats est réglé
par l'art. i53 du C. d'instr. crim. Ils s'ouvrent par la lec-
ture que donne le greffier du procès- verbal ou de la cita-
tion. On procède ensuite à l'audition des témoins; on
entend d'abord ceux qui sont produits par le ministère
public ou la partie civile, puis ceux qui ont été cités ou
amenés par le prévenu. La partie civile, s'il y en a, sou-
tient ensuite ses conclusions, le prévenu présente sa dé-
fense, le ministère public résume l'affaire et donne ses
réquisitions auxquelles le prévenu peut toujours répondre.
Les débats sont ensuite clos. Les mêmes règles sont obser-
vées devant les tribunaux correctionnels jugeant en appel
les affaires de simple police. — 2^ En matière correctionnelle,
le prévenu doit comparaître, en personne, si le délit emporte
la peine d'emprisonnement ou môme dans le cas oîi le délit
n'emporte qu'une peine pécuniaire, si le tribunal a ordonné
sa comparution. Aucun texte de notre code ne prescrit la
présence d'un défenseur en matière correctionnelle ; cette
assistance n'est donc qu'une faculté laissée au prévenu,
qui peut toujours se défendre lui-même. L'ordre de l'ins-
truction à Taudience est tracé par l'art. 190 du C. d'instr.
crim., mais non d'une manière tellement impérative qu'il
ne puisse être et ne soit, en effet, modifié sur certains
points. D'après l'art. 190, les débats doivent s'ouvrir par
un exposé de l'affaire fait par le ministère public et la
partie civile et par la lecture, donnée par le greffier, des
procès-verbaux ou rapports. Dans l'usage, cet exposé et
cette lecture sont supprimés ; on passe immédiatement à
l'interrogatoire du prévenu et à l'audition des témoins,
dans le même ordre qu'en matière de simple police ; puis
on entend les conclusions de la partie civile, les réquisi-
tions du ministère public et la défense du prévenu. Les
mêmes formes sont suivies pour l'instruction devant les
cours d'appel des affaires correctionnelles qui leur sont
déférées, sauf d'une part que l'interrogatoire du prévenu
doit être précédé d'un rapport oral de l'affaire fait par le
président ou un conseiller par lui commis, et d'autre part
que l'audition des témoins en personne est facultative.
— 3° Devant la cour d'assises, l'ordre et la forme des dé-
bats sont réglés par les art. 310 et suiv. du C. d'instr.
crim. L'accusé, même détenu, peut refuser de comparaître ;
.de même, s'il trouble l'audience, la cour peut le faire
sortir; dans ces deux cas, les procès-verbaux de chaque
audience lui sont notifiés à la prison, et la procédure est
réputée contradictoire. Si l'accusé est présent, le président
commence par constater son identité, puis il fait prêter le
serment aux jurés, et lire par le greffier l'acte d'accusa-
tion. Les témoins sont ensuite appelés et invités à se retirer
dans une chambre spéciale. Il est alors procédé à l'inter-
rogatoire de l'accusé puis à l'audition des témoins. On
entend ensuite les plaidoiries, celles de la partie civile,
s'il y en a une, ou de son conseil, le réquisitoire du minis-
tère public et enfin la défense de l'accusé, qui, en cour
d'assises, doit toujours être assisté d'un conseil : s'il n'en
a pas choisi, le président est tenu de lui en désigner un
d'office. La défense doit toujours avoir la parole la der-
nière, à peine de nullité de la procédure. Les plaidoiries
et répliques finies, le président déclare les débats terminés.
Lorsque le huis clos est prononcé en cour d'assises , il ne
doit, bien entendu, couvrir que ce qu'on appelle propre-
ment les débats. On est généralement d'accord que l'appel
des jurés au début de l'audience ainsi que les premières
questions posées à l'accusé sur son identité ne font pas
partie des débats. Le huis clos cesse dès que la clôture
des débats est prononcée, de même qu'il ne commence
qu'à l'audition du premier témoin. La loi investit le pré-
sident de la cour d'assises, comme directeur des débats,
d'un pouvoir spécial et discrétionnaire, en vertu duquel il
peut prendre sur lui tout ce qu'il croit utile pour découvrir
la vérité (C. instr. crim., art. 268). Ce pouvoir discré-
tionnaire confère notamment au président le droit d'ap-
peler à la barre des témoins qui n'ont pas été entendus
dans l'instruction et dont le nom n'a pas été notifié à l'ac-
cusé, et le droit de verser aux débats des documents
étrangers à l'information.
Les débats devant les juridictions spéciales consulaires
ou administratives sont soumis à certaines règles particu-
lières pour l'étude desquelles nous renvoyons aux articles
qui traitent de chacune de ces juridictions et de la procé-
dure suivie devant elles. Georges Lagbésille.
BiBL. : Histoire littéraire.— Textes. — Alex. Rjese,
Anthologia latina.— Bu Meril^ Poésies populaires latines,
1843 et 1847, 2 vol. — Th. Wright, the Latin Poems corn-
monly attributed ta W aller Mapes, 1841. -- Sciimeller,
Carmina Burana; Stuttgart, 1847 (pour la poésie latine);
recueils de fabliaux de Méon, Jubinal, de Montaiglon
et Raynaud (pour la poésie française).
Critiques et renseignements divers. — A. Puecii,
Prudence, 1888, ch. iv. — Eiîert, Histoire générale de la
littérature au moyen âge en Occident^ t. II et III ; Histoire
littéraire de la France, t. XXII, pp. 138, 161-165; XXIII, 216-
231, — L. Selbach, Das Sheitgedicht in der altprovenz.
Lyrik^ etc., 1886, — A. Jeanroy, les Origines de la poésie
lyrique en France^ ch. ii. — G. Paris, Manuel de la litté-
rature française au moyen âge, 2*» éd.^ §§ 130, 155.
DEBAT-PoNSAN (Edouard -Bernard), peintre français
contemporain, né à Toulouse en 4847. Élève de Cabanel,
cet artiste exposa, jusqu'en 4879 inclusivement, sous le
nom de Ponsan-Debat. Les tableaux d'histoire qu'il a
peints se recommandent par de grandes qualités de com-
position, un dessin vigoureux et savant, une couleur puis-
sante et sobre ; mais c'est surtout dans le portrait qu'il
s'est fait connaître, et les nombreux personnages poli-
tiques qui ont posé devant lui ont dès longtemps appelé
l'attention du public sur ses envois au Salon. Ses princi-
pales œuvres sont : le Récit de Philétas (S. 4870); le
Premier Deuil (S. 4874) ; la Fille de Jephté (S. 4876 ;
mus. de Carcassonne) ; Saint Paul devant l Aréopage
(S. 4877; église de Courbevoie); Piété de saifit Louis
envers les morts (S. 4879 ; mus. de La Rochelle) ; une
Porte du Louvre, le jour de la Saint-Barthélémy, com-
position d'un grand effet dramatique (S. 4880). Parmi ses
portraits, on peut citer comme les plus intéressants : le
D'' Piéchaud (4874); M, et M''' Constmis (S. 4881);
M, P. de Cassagnac(^. 4882) ; M. €amescasse(S. 4883) ;
il/. Pouyer-Quertier (S. 4884); le Général Boulanger,
ministre de la guerre; M. Granet, ministre des postes
et télégraphes. Cet artiste a obtenu une médaille de bronze
à l'Exposition universelle de 4889. Ad. T.
DEBATS-Rivière-d'Orpeâs. Corn, du dép. de la Loire,
arr. do Montbrison, cant. de Boën : 229 hab.
DÉBAUCHE (V. Excitation à la débauche).
DEBAUVE (Alphonse-Alexis, ingénieur français, né aux
Mureaux (Seine-et-Oise) le 40 août 4845. Entré à l'Ecole
des ponts et chaussées en 4866, ingénieur ordinaire en
4869, il est ingénieur en chef depuis 4884. Il a publié,
DEBAUVE - DEBELLE
1028
de 1871 à 1881, sous le titre: Manuel de V ingénieur
des ponts et chaussées^ une vaste encyclopédie spéciale
en 20 volumes (Paris, in-8), dont le dernier est un Dic-
tionnaire administratif des travaux publics. On lui
doit également : Guide du conducteur des ponts et
chaussées et du garde-mines (Paris, 1881, 2 vol. in-8);
Stephenson (Paris, 1883, in-18) ; Procédés et maté-
riaux de construction (Vavis y 1885-88, 4 vol. in-8, avec
atlas). ^ L. S.
DEBAY (Les). Famille d'artistes français, sculpteurs et
peintres. Jean-Baptiste-Joseph Dobay, le père, sculpteur
français, né à Matines (Belgique) le 16 oct. 1779, mort à
Paris le 14 juin 1863. Il fut d'abord élève du peintre Van
Biscom, puis il vint à Paris vers 1801, et suivit les leçons
de Chaudet. Appelé à Nantes, Joseph Debay exécuta dans
cette ville une série de trente bustes pour la Bibliothèque ;
dix statues en pierre pour la Bourse ; le fronton de l'hôtel
de ville ; les statues en pierre de Saint Pierre^ Saint Paul
et Saint Jean. De retour à Paris en 1817, il sculpta deux
colossales statues en pierre de Neptune et Apollon pour
La Havane. Cette même année, il exposa le buste de Talma^
qui lui valut une 2® médaille. Depuis lors, son nom parut
à presque toutes les expositions. Nous citerons parmi ses
principales œuvres : la statue équestre, en bronze, de
Louis XIV (à Montpellier) ; la statue du Chancelier de
r Hôpital (à Aigueperse) ; Saint Sébastien (à l'église
Saint-Merry, à Paris) ; les statues en marbre de Mercure
endormant Argus et de Mercure s' apprêtant a tuer
Argus ; le groupe des Trois Parques ;\di%idiX\iQ en marbre
de Charles-Martel (au musée de Versailles) ; la statue en
marbre de Colbert (au Sénat) ; la Jeune Fille au coquil-
lage^ considérée comme son meilleur ouvrage ; les figures
de V Océan et la Méditerranée^ ornant une des fontaines
de la place de la Concorde. Pendant les dix-huit dernières
années de sa vie, il exerça les fonctions de restaurateur
des monuments de sculpture du musée du Louvre. Il fut
décoré de la Légion d'honneur en 1825.
Jean-Baptiste- Joseph Debay, fils du précédent, sculp-
teur français, né à Nantes le 31 août 1802, mort à Paris
le 7 janv. 1862. Jean Debay fut élève de son père et de
Bosio. A peine âgé de dix-sept ans, il se rendit à La Havane
pour accompagner et livrer les statues de Neptune et
Apollon exécutées par son père. En 1823, il remporta
le second prix au concours du prix de Rome, sur un bas-
relief représentant la Douleur d'Evandre et, en 1829,
le premier grand prix sur une figure ronde bosse, la Mort
d"* Hyacinthe. Depuis 1827, il exposa à presque tous les
Salons. Ses œuvres les plus importantes sont : le Génie
de la marine, statue marbre; le Génie de la chasse^
statue bronze ; une Jeune Esclave, statue de marbre qui
lui valut une première médaille en 1836; la statue en
marbre d'Anne de Bretagne, placée dans le jardin du
Luxembourg ; la statue en bronze de Cambronne, à Nantes ;
le monument du Maréchal Oudinot, à Bar-le-Duc; la
Pudeur et V Amour, groupe en marbre. Il fut décoré
de la Légion d'honneur en 1851. En 1854, il fut chargé
de décorer la façade du théâtre de Tournay et exécuta,
pour le nouveau Louvre, la statue en pierre du peintre
Mignard. Il fit aussi la statue équestre de Napoléon Ul
qui ornait une des places de la ville de Bordeaux. 11 faut
encore citer les six statues d'apôtres que cet artiste a sculp-
tées pour l'église Saint-Eustache à Paris et les dix statues
décoratives qu'il fit pour la galerie Pommeraie, à Nantes.
Auguste-Hyacinthe Debay, frère cadet du précédent,
peintre et sculpteur français, né à Nantes le 2 avr. 1804,
mort à Paris le 14 mars 1865. Auguste Debay fut élève de
son père et de Gros. Il obtint au Salon de 1819 une mé-
daille de 3" cl. (il n'avait alors que quinze ans) ; en 1822,
il eut le deuxième prix au concours de Rome, sur son
tableau d'Oreste et Pylade; en 1823, il remporta le grand
prix sur son tableau d'Egisthe découvrant le corps de
Clytemnestre. Ses envois de Rome furent une étude peinte
représentant Philoctète, les tableaux de Miltiade expi-
rant dans les fers et de Lucrèce au Forum de Colla-^
tie, qui parut au Salon de 1831 et valut à son auteur
une médaille de 1^'^ cl. En 1830, Auguste Debay revint en
France, et, depuis lors, son nom a figuré dans toutes les
expositions, soit à la section de peinture, soit à celle de
sculpture. Ses principaux tableaux sont : le Vieillard et
ses enfants, Enrôlement volontaire sur la place du
Palais -Roy al, V Entrevue du camp du Drap d'or,
Attila dans les Gaules, une Promenade de Sixte-
Quint, la Bataille de Dreux. Comme sculpteur, il con-
courut, en 1841, pour le monument de Napoléon F'\ et
remporta une mention honorable; il obtint le premier
prix au concours ouvert en 1849 pour le monument de
Msi' Affre ; ce tombeau se trouve à l'église Notre-Dame
de Paris. Son œuvre de sculpture la plus connue est le
Berceau primitif, exposé d'abord en 1845 et dont le
marbre lui valut une 1^^ médaille à l'Exposition universeUe
de 1855. Auguste Debay exécuta, pour Paris, les statues en
pierre de Perrault et de Claude Lorrain (au nouveau
Louvre) ; les sculptures des œils-de-bœuf du palais des
Beaux- Arts (sur le quai Malaquais) ; le fronton de la fon-
taine Saint-Michel ; le nouveau fronton de l'église Saint-
Etienne-du-Mont ; la décoration de l'escaher des Fêtes de
l'ancien hôtel de ville. Sa dernière œuvre fut le mausolée
en marbre du comte et de la comtesse de Damas. Auguste
Debay fut décoré de la Légion d'honneur en 1861.
M"^^ Caroline-Louise- Emma Debay, peintre, fille du
peintre Alexis-Nicolas Pérignon, née à Paris le 24 mars
1809, morte à Paris le 6 sept. 1832. Elle épousa René
Debay, frère des statuaires Auguste et Jean Debay. Elle a
exposé au Salon de 1831 : Christine de Suède chez le
Guerchin; la Mariée du Village et Jeune Fille en-
dormie. Maurice Du Seigneur.
BiBL. : A. Saint- Vincent Duvivier, les Debay ^ dans les
Beaux-Arts, revue nouvelle, 1865, t. X, p. 225 et 257. —
J. Du Seigneur, Notice sur Jean Debay, dans la Revue
universelle des Arts, t. XV, p. 265. — Dauban, Notice sur
Debay père, îb., t. XVIII, p. 240. — J. Du Seigneur,
Appendice à la notice précédente, ib., t. XVIII, p. 244.
DEBAYA ou DEBIAÏAT. Vaste dépression du Sahara
marocain que traverse l'oued Draa ; c'est tantôt un lac,
tantôt une plaine humide que les tribus riveraines ense-
mencent et labourent. E. Cat.
DEBDOU. Ville du Maroc, sur un affluent de la Mou-
louïa, dans une position ravissante, entourée de jardins
et de prairies. Elle se compose d'environ quatre cents mai-
sons en pisé dont les fondations sont presque toujours
creusées dans le roc. Les trois quarts de ses habitants sont
des israélistes qui font du commerce avec Tlemcen, Fez
et Mehlla et payent régulièrement l'impôt au sultan, par
l'intermédiaire du kaïd de Taza. E. Cat.
DEBELLE (Jean-François), général français (V. Belle
[Jean-François de]).
DEBELLE (Alexandre-César, dit de Gachetier), géné-
ral de brigade, baron de l'Empire, né à Voreppe en 1770,
mort en 1826. Entré au service en 1737, il était encore
simple canonnier au début de la Révohition. Mais à partir
de 1792, il obtint un avancement rapide et parvint en
(juelques années au grade de général. Créé baron en 1806,
il alla servir en Espagne et fut brusquement mis à la re-
traite en 1809 pour des motifs restés inconnus. Lorsque
Napoléon revint de l'Ile d'Elbe, Debelie offrit ses services
aux Bourbons, mais on les refusa, parce qu'il n'était pas
en activité. Deux jours plus tard, il se rallia à Napoléon
qui le nomma au commandement de la Drôme. Battu près
de Montélimar et de Livron par les troupes royalistes, il
dut abandonner Valence et Romans et fut envoyé dans le
dép. du Mont-Blanc. Sous la seconde Restauration, le conseil
de guerre de Paris le condamna à mort. Sa peine fut com-
muée on dix ans de détention, puis il fut gracié en 1817.
Il recouvra même la jouissance de sa pension de retraite.
DEBELLE (Alexandre- Joseph) , peintre français con-
temporain, né à Voreppe (Isère) le 21 déc. 1805. Cet artiste,
élève du baron Gros, fit ses débuts au Salon de 1837 avec
— 1029 —
DEBELLE — DEBET
des paysages dont les motifs étaient pris dans son pays
natal ; mais sa véritable vocation et les études qu'il fit ensuite
le portèrent vers la peinture d'histoire. Ses tableaux sont
remarquables par une entente de l'effet véritablement dra-
matique, soutenue par un dessin large et puissant; voici
quels sont les principaux : Napoléon, revenant de l'île
d'Elbe, fait son entrée à Grenoble (S. 1840; mus. de
Grenoble) ; le Christ apparaissant à Marie-Magdelaine
(S. 4843 ; église du Versoud [Isère]) ; Abdication de Hum-
bert II, dernier dauphin du Viennois (S. 1847; mairie
de Grenoble). On cite encore de lui : les Alliés devant
Grenoble^ le 6 juil. iSiS (hôtel de ville de Grenoble) ;
l'Assemblée des Notables à Vizille, en il SB (préfec-
ture de l'Isère), et de nombreuses peintures décoratives
dans diverses églises de l'Isère. M. Debelle ne se trouve
représenté à Paris que par deux fresques décoratives, Moïse
et Elie, dans l'église Saint- Louis -en -l'Ile. Il est aussi
Fauteur des vues lithographiées, insérées dans les quatre
volumes de V Album du Dauphiné (en collaboration avec
M. Cassien) et des dessins de divers autres recueils :
r Album d'Uriage (Paris, in-fol.) ; Uriage et ses environs
(Paris, in4), etc. Ad. T.
DE BELLEYME (V. Belleyme).
DE BENEDICTIS (Emmanuele), littérateur et archi-
viste italien, né à Syracuse le 11 janv. 1820. Directeur
des archives de l'Etat pour la province de Syracuse, il a
trouvé dans ce dépôt la matière d'intéressants ouvrages
historiques et biographiques, tels que : Siracusa e gli
ultimi Borboni (Turin, 1861) ; /(? Memorie di Siracusa
dal 735 al i860, minutieuse histoire pleine de docu-
ments, qui a paru en fragments dans la revue sicilienne
VAretusa (Syracuse, 1878). R. G.
DEBEBLe (Alfred-Joseph), publiciste français, né à
Compiègne le 26 janv. 1835, mort à Paris le 29 déc.
1877. Employé chez un notaire, il se lança en 1855 dans
le journalisme, contribua à la fondation du Triboulet^ du
Réveil et autres feuilles moins connues, rédigea lui-même
les Cinq Centimes illustrés et V Année illustrée (1861-
1862), collabora au Courrier français où il donna une
comédie politique hebdomadaire qui obtint un vif succès.
Poursuivi pour un article, il fut condamné en 1868 à un
mois de prison et 500 fr. d'amende. Il publia alors dans
le Figaro une causerie hebdomadaire, fut de nouveau
poursuivi en \ 869 pour participation à un complot contre
la sûreté de l'Etat ; mais l'accusation était tellement fan-
taisiste qu'on le laissa en liberté sans même lui faire subir
d'interrogatoire. Après le 4 sept., il fut nommé adjoint au
maire du XIV® arrondissement de Paris, puis sous-préfet
de Gorbeil (5 févr. 1871). Il ne resta pas longtemps dans
l'administration; il entra dans la rédaction du Radical et
donna une part considérable de son temps au Grand Dic-
tionnaire universel du xix^ siècle. Il avait été élu con-
seiller municipal de Paris en nov. 1874. On a de lui : la
Leçon de botanique (Paris, 1860, in-18); le Petit Pif-^
feraro (1861, in-18); le Secret d'Yvonne (1865,
in-18); Salsifis (1870, in-18); le Palais du travail
(1866, in-12); Théâtre des enfants (iSm, in-18), pe-
tites piécettes sans prétention et qui ne manquent pas
d'agrément ; Histoire de V Amérique du Sud depuis la
conquête jusqu'à nos jours (1876, in-12), et plusieurs
romans comme la Jeunesse de Crébillon (1863), Gre-
nouillet (1864), etc.
DEBEBLY (Albert-Léon), homme politique français, né
à Amiens le 31 mai 1844, mort à Paris le 8 juin 1888.
Avocat à Amiens, il s'engagea comme volontaire pendant la
guerre franco-allemande de 1 870 et fit partie des troupes
qui défendirent Paris. De bonne heure, il se lança dans la
pohtique, essaya sans succès d'entrer au conseil municipal
d'Amiens et au conseil général de la Somme, puis réussit à
se faire nommer député de la Somme en oct. 1885, avec le
programme de la liste conservatrice. Il donna son adhésion
au projet de droite répubUcaine qu'avait formé Raoul Duval.
Il a écrit les Jeux de l'enfance (Amiens, 1878, in-8).
DEBES (Lucas- Jacobsen), topographe danois, né à
Stubbekjœbing en 1625, mort le 28 sept. 1675. Succes-
sivement chapelain à Thorshavn dans les Fserœr (1651),
pasteur de Sydstrœmœ (1652), recteur de l'Ecole latine,
enfin prévôt de l'Archipel (1670), il prit parti pour les
insulaires contre la tyrannie des autorités civiles. Pendant
un voyage qu'il fit en Danemark à ce sujet, il pubha :
Fœrœ etfœrœa reserata^ curieuse description de ces îles
(en danois, Copenhague, 1673, in-18; en anglais, Londres,
1676 ; en allemand, Copenhague, 1757), et la Majesté
royale dépeinte par le prophète Jérémie (Copenhague,
1673, in-4). B-s.
DE BESCHE. Famille d'architectes liégeois, réfugiée en
Suède pendant les persécutions religieuses du xvi® siècle.
Elle se composait de cinq frères dont l'aîné, Welam, s'y
établit dès 1596. Il construisit avec son frère Gerhard la
fonderie royale de Forsmark en Upland (1615) ; — Gillis,
né en 1579, mort en 1648 à Nykœping dont il res-
taura le château à partir de 1603. — Hubert, né
en 1582, mort en 1664. Architecte du château de
Stockholm à partir de 1613, il édifia dans cette ville(1613-
1618) la belle tour de l'église allemande qui périt dans
l'incendie de 1678 ; — Gerhard, né en 1585, mort à
Forsmark en 1656, construisit les légers et élégants clo-
chers de la cathédrale d'Upsala (1613-1630) détruits dans
l'incendie de 1702, B-s.
DÉBET. Les deniers publics sont confiés aux comp-
tables à titre de dépôt. En disposer, pour quelque cause
que ce soit, est contraire à leur devoir, à l'honneur et
à la probité. Un règlement du 9 nov. 1820 porte que
tout comptable qui, lors de la vérification de sa caisse ou
de son magasin, ne représente pas sur-le-champ la somme
ou les matières qui devraient s'y trouver, aura de suite
les mains fermées et encourra la destitution, sans préju-
dice des poursuites judiciaires auxquelles il y aurait lieu.
En règle générale, lorsqu'un comptable, présent à son
poste et prenant part contradictoirement aux opérations
qui ont pour objet d'établir les faits, est constitué en débet
pour une somme inférieure à son cautionnement, les règle-
ments permettent, s'il est manifeste que les intérêts du
Trésor sont complètement garantis, de s'abstenir d'un acte
de poursuite ; mais quand le débet d'un comptable présent
n'est ni soldé immédiatement ni couvert par le cautionne-
ment, le juge de paix doit être appelé pour apposer les
scellés sur ses titres et papiers, ainsi que sur ses effets
mobiliers. Un bordereau sommaire est dressé pour cons-
tater sa situation. Au bas de ce bordereau, le chef de
service compétent, le directeur dans les administrations des
douanes et des contributions indirectes, décerne immédia-
tement la contrainte ; il doit de plus, en vertu de ce pre-
mier acte, faire procéder à tous les actes conservatoires
nécessaires, tels que saisie mobilière, prise d'inscription
sur les immeubles, etc. Les registres de recettes et autres de
l'année courante no sont pas placés sous le scellé : ils sont
arrêtés et parafés par le juge de paix, qui les remet à
l'employé chargé par intérim de la recette, et en fait men-
tion dans son procès-verbal. Les fonds et valeurs sont
également remis à l'intérimaire. La levée des scellés doit
être requise et avoir lieu au plus tard dans la huitaine, en
présence ou en l'absence du comptable dûment appelé, et
de ses créanciers opposants, s'il y en a, aussi dûment
appelés. Il est dressé inventaire des titres, papiers et effets
du comptable, et l'on procède ensuite à la formation d'un
compte judiciaire, si l'administration supérieure le juge
convenable. Si un tiers souscrit des billets au profit du
Trésor, pour couvrir le débet, on n'est pas fondé à agir
par voie de contrainte comme s'il s'agissait d'une perception
de droits. Faute de payement à l'échéance, le recouvrement
alors doit être poursuivi suivant les voies ordinaires. Telle
est la marche à suivre d'après les instructions et notam-^
ment d'après l'arrêté du 5 germ. an XIÏ, le décret du
l*^*^ germ. an XUI et un arr. de cass. du 10 août 1814.
En cas de fuite ou d'absence non autorisée d'un comptable,
DEBET --» DEBIT
_ 1030 "-
le directeur doit être averti par l'employé principal de la
localité, et, de grade en grade, par tout employé. L'ap-
position de scellés doit toujours être requise, et la réqui-
sition doit être faite dans les vingt-quatre heures. Si le
chef de service ne peut arriver à temps, cette apposition
est requise, dans le délai prescrit, par le principal employé
du lieu. Après l'apposition des scellés, et selon que la
situation établie dans le bordereau sommaire ferait ressortir
un débet inférieur ou supérieur au- montant du caution-
nement, les règles ci-dessus rappelées seraient suivies tant
pour les suites à donner au débet que pour la levée ulté-
rieure des scellés. Aimé Trescaze.
DEBÉGIEUX (Balthasar), magistrat français né à Aix
le 24 juil. 46S5, mort à Aix le 22 mai 1722. Fils d'un
avocat au parlement d'Aix, il devint en 1693 président
de la chambre des enquêtes à ce parlement ; il transmit, en
1719, sa charge à son fds Alexandre, Le recueil des arrêts
rendus sous sa présidence a été publié en 1750 (Paris,
in-foL).
DE B!AS! (Spiridione), écrivain gréco-italien, né à
Zante en 1854. Parmi ses pubhca tiens très nombreuses,
on remarque : Vite de' Corciresi chiari m lettera-
tura^ belle arti^ politica, dal i45S fino a noi (Zante,
4877); Poésie italiane e greche di Dionigi Salomon,
édite ed inédite^ con note e prolego7neni (Zwate^ 1888) ;
plusieurs études sur Ugo Foscolo, entre autres : Docii-
menti foscolianiinediti(Zmie^ 1888) ; quantité d'études
et notices diverses. R. G.
DEBIDOUR (Elie-Louis-Marie-^Marc- Antoine, dît Anto-
nin)^ historien français, né à Nontron le 31 janv. 1847.
Elève de l'Ecole normale (promotion de 1866), il fut suc-
cessivement professeur d'histoire à Nontron, Saint-Omer,
Mont-de-Marsan, Angers, fit comme volontaire la guerre
de 1870-1871, et rentré dans l'Université fut appelé à la
faculté des lettres de Nancy oti il devint titulaire de la
chaire de géographie en 1879 et de celle d'histoire en
1880, puis doyen en 1886. Il a été nommé en 1891 ins-
pecteur général de l'instruction publique. Outre ses thèses :
De Theodora Justiniani Augusti uxore (1877) et la
Fronde angevine y tableau de la vie municipale au
xvii^ siècle (1877), il a publié : le Général Bigarré ^
à' après ses mémoires inédits (Paris, 1880, in-8); His-
toire de Du Guesclin (1880, in-~12) ; V Impératrice
Theodora (1885, in-I2) ; Précis de V histoire de V Anjou
(1878, in-12) ; Etudes critiques sur la Révolution^
V Empire et la période contemporaine (1886, in-i2) ;
Histoire diplomatique de l'Europe depuis V ouverture
du congrès de Vienne jusqu'à la clôture du congrès de
Berlin, iSU-iSÎS (1891, 2 vol. in-8), etc. M. Debidour
est un des collaborateurs de la Grande Encyclopédie.
DEBIERRE (Charles-Marie), anatomiste français con-
temporain, né à Etelfay (Somme) le 31 oct. 1853. Reçu
docteur à Paris en 1877, il fut d'abord médecin militaire.
Nommé agrégé pour la faculté de Lyon en 1883, il y remplit
successivement les fonctions de chef de travaux anatomi-
ques et de chargé de cours, puis en 1888 passa à Lille
comme professeur titulaire d'anatomie. Debierre a publié
un grand nombre de travaux sur l'anatomie, l'histoire na-
turelle, l'anthropologie, etc. Signalons : Manuel d'em-
b7'yologie (?sœk, iSÛ6, in-18); F Homme avant This-
toire (Paris, 1887) ; les Maladies infectieuses ^ etc.
(Paris, 1888); Traité d'anatomie de l'homme (Paris,
1890, gr. in-8), et de plus une foule d'articles dans la
Bévue internationale des sciences biologiques, le Lyo7i
médical, les Archives d'anthropologie criminelle, le
Journal de l'anatomie, les Archives de physiologie, plu-
sieurs dictionnaires, enfin dans la Grande Encyclopédie,
DE BIEZ (OUDART) (V. BlÉZ [OuDARTidu]).
DEBILA. Petite oasis du Souf (Algérie, dop. de Cons-
tantine), aune vingtaine de kil. N.-E.,de El-Oued, a quel-
ques milliers de palmiers et environ 600 hab. Au moment
de la guerre de Tunisie, on y installa une colonne mobile
pour surveiller lés insurgés du Djerid tunisien qui auraient
tenté de se retirer dans cette direction; le poste qu'on y
créa était en relations par le télégraphe optique avec celui
de Negrine. ^ E. Cat.
DÉBILITÉ. Dans son sens le plus général, ce terme dé-
signe l'état d'un organisme doué d'un faible degré d'énergie
vitale. On dit en particuHer qu'une constitution est débile
lorsqu'elle est prédisposée à l'état morbide, lorsque l'en-
semble des conditions physiques dont dépend la santé
ne lui permet pas de résister aux causes de maladie. —
La débilité onentale peut être considérée comme une
forme atténuée d'imbécillité (V. ce mot). Chez les idiots,
les facultés intellectuelles, affectives et morales, ont été
arrêtées à un niveau très bas ; on est dans la nécessité de
les enfermer. Chez les imbéciles, ce niveau est plus élevé
et on peut leur laisser une liberté relative en les soumet-
tant à une surveillance incessante, mais discrète, car les
moindres circonstances peuvent réveiller leurs mauvais
instincts, auxquels leur faible raison et leur sens moral
rudimentaire ne leur permettrait pas de résister. (Juantaux
débiles, bien que leurs facultés psychiques se trouvent
arrêtées à un certain niveau, telle faculté spéciale chez eux
peut prendre un développement plus ou moins remarquable,
leur permettant quelquefois d'acquérir dans les lettres, les
arts, la politi(^ue, plus rarement dans les sciences, un faux
semblant de supériorité, mais ils végètent le plus souvent
dans les rangs inférieurs de la société ; ceux-ci n'ont pas
besoin d'être surveillés. Les plus brillants d'entre eux forment
la catégorie aristocratique des déséquilibrés ^ qui visent à
arriver au sommet de l'ordre social et ne croupissent pas
ordinairement comme la majorité des débiles. Ce sont par
excellence des dégénérés (V. ce mot). D^ L. Un.
DÉBILLARDAGE, DÉBILLARDEMENT (Techn.). Opé-
ration de charpente qui consiste à enlever, sur la longueur
d'une pièce de bois, telle portion triangulaire ou arrondie
indiquée sur l'épure afin de former soit une partie de l'é-
chiffre d'un escalier, soit un arêtier ou une pièce de faîtage
de comble. — On donne aussi le nom de débillardement
au déchet ou quantité de bois enlevée par l'opération et
la pièce, ainsi taillée, est dite débillardée. Ch. L.
DEBILLEMONT (Jean- Jacques), musicien, né à Dijon
le 12 déc. 1824. Elève d'Allard, il fut bientôt admis à
l'orchestre de l'Opéra-Comique, mais continua à travailler
avec Leborne et Carafa. 11 a fait jouer à Dijon où il avait
fondé un quatuor de musique de chambre avec l'excellent
violoniste Jules Mercier, le Renégat, le Bandolero, Feu
mon Oncle, le Joujou, et, à Paris, les opérettes et les
opéras suivants: C'était moi. As-tu déjeuné, Jacquot?,
Astaroth, Un Premier Avril, la Vipérine, Roger Bon-
temps, le Grand-Duc de Matapa, Mousseline -Club,
la Revanche de Candaule, le Pantalon de Casimir,
le Treizième Coup de minuit, les Trois Sultanes,
le Miroir magique, ainsi que deux cantates, les Inva-
lides du travail, et Napoléon devant les peuples; ses
ouvrages non exécutés sont : les Noces de Panurge,
la Florinde, les Péchés de M. Jean, les Esclaves
d'Athys, Vercingétorix, Bocchoris, la Cour de Tuli-
pano. Il a écrit aussi une symphonie dramatique (les
Vêpres Siciliennes), une messe solennelle, des romances,
quatuors, sextuors, quintettes, nocturnes, etc., ainsi qu'un
certain nombre d'articles de critique. 11 a dirigé les con-
certs de la Société des beaux-arts, et il est devenu plus
tard chef d'orchestre au théâtre de la Porte-Saint-Martin.
DÉBIT. I. Technologie (V. Débitage).
II. Hydraulique. —Le volume d'eau qui passe de l'amont
à l'aval d'un profil en travers donné d'un cours d'eau, en une
seconde, est le débit de ce cours d'eau, au point et dans les
circonstances du moment considéré. De même, ce qui s'écoule
en une seconde par-dessus le déversoir d'un réservoir, par
l'ajutage d'un récipient quelconque, est le débit qui caracté-
rise l'écoulement. Si toutes les molécules qui passent d'un
côté à l'autre du profd avaient marché semblablement, d'un
mouvement uniforme égal pour toutes, elles auraient parcouru
dans la seconde un espace rcctiligno, dit vitesse, qu'on peut
1031
DÉBIT -^ DÉBITANT
calculer, le débit étant supposé connu. En effet, on connaît
aussi la section mouillée du profil en travers, et les conditions
supposées reviennent à dire qu'un cylindre de longueur
égale à la vitesse et de base égale à la section a passé de
l'amont à l'aval en une seconde. On a donc l'équation:
Débit (Q) = Section (S) X Vitesse (V), d'où V=r|. Pour
une section donnée, constante, d'un canal à pente uni-
forme, le phénomène de l'écoulement, en dehors des parties
extrêmes influencées par les conditions de l'arrivée de l'eau
ou de sa sortie, est simple ; suivant la nature et l'état des
parois et du lit, le débit correspondant à chaque hauteur
stable des eaux sera égal à un certain volume, le même pour
chaque profil en travers. Cependant la vitesse ne sera pas
la même en chaque point de ce profil, notamment à cause
de l'action retardatrice des parois ; la vitesse V ne sera
donc pas, en réalité, la vitesse de chaque molécule ; mais
ce sera toujours le quotient du débit par la section. C'est
dire, en autres termes, que ce quotient V est une vitesse
moyenne, parce que le débit est le même, pour la même
section, que si toutes les molécules étaient animées de la
vitesse V (V. Canal). M.-C. L.
III. CoMPTABiuTÉ. — Commercialement, le mot débit est
pris quelquefois comme synonyme de vente, et, dans ce
sens, un article de grand ou de faible débit signifie un article
dont la vente est active ou lente. Le débit est aussi l'ins-
cription sur un livre spécial, qui prend alors le nom de
liv7'e des débits,^ de toutes les livraisons qui doivent figurer
au compte des clients d'une maison de commerce, pour être
réglées ultérieurement. Enfin, en comptabilité, le débit
d'un compte est la partie du grand livre sur laquelle sont
inscrites toutes les sommes qui constituent une dette pour
le titulaire du compte ; cette partie est généralement la
page de gauche du grand livre, ou la partie de gauche
quand le doit et Vavoir figurent sur la même page. Dans
un autre sens, le débit d'un compte est le total des sommes
portées ainsi, par opposition au crédit où se trouvent les
créances du titulaire du compte, la compensation se faisant
alors à due concurrence entre les sommes portées ainsi de
part et d'autre. G. François.
IV. Administration. — Débit de tabac (V. Tabac).
Débit de boissons (V. Débitant).
DEBITAGE des bois (Techn.). Débiter un bois, c'est
transformer une bille d'abatage en une ou plusieurs pièces
de section rectangulaire ayant la longueur de la bille et
affranchies de l'aubier ou des flaches. Ces pièces pourront
alors être livrées au commerce et seront propres aux diverses
industries du bois. La scie de long, le coin, la hache sont
employés pour débiter les bois. On se sert aussi de la scie
circulaire mue par un moteur ; mais ceci rentrant plutôt
dans le sciage mécanique^ nous renverrons à ce mot. Le
travail fait avec la scie de long s'appelle grand débita celui
fait au moyen des deux autres instruments prend le nom
de petit débit» Il existe d'autres modes de débitage, car
tout dépend de l'usage que l'on veut faire de l'arbre ou de
la bille ; nous nous contenterons d'exposer les plus usités,
renvoyant pour les autres aux ouvrages spéciaux. Dans
tous les cas, l'ouvrier doit commencer par chercher à faire
sortir de la bille le plus gros morceau de bois équarri.
Pour cela, il trace sur le petit bout de la bille à droite et
à gauche du cœur deux lignes parallèles; l'espace compris
entre elles représentera l'épaisseur do la pièce à extraire
appelée plateau de cœur. Il y a intérêt à ce que cette épais-
seur soit la plus grande possible, mais il faut qu'elle puisse
se continuer jusqu'à l'autre extrémité, ce qui n'aurait pas
pu se faire si l'ouvrier avait commencé par le bout le plus
large ; cette épaisseur devant être prise en dehors de l'au-
bier et des flaches, on voit qu'elle est comprise entre
deux limites, qu'avec un peu d'habitude l'ouvrier arrive
facilement à déterminer. Ceci fait, il trace de même sur
le gros bout deux lignes parallèles espacées de la même
quantité que celles marquées sur le petit ; puis on joint
ces lignes par deux traits de cordeau qui serviront à
l'ouvrier do guide pour conduire sa scie, sa hache et son
coin. Si Ton se sert de scie circulaire, ce dernier travail
est inutile parce qu'il y a un guide qui permet de conduire
la pièce.
C'est alors que le débit commence ; s'il se fait à la scie
de long on obtient trois morceaux : le plateau de cœur,
puis deux pièces situées : l'une à sa droite, l'autre à sa
gauche, et que l'on appelle dosses, desquelles on peut reti-
rer des planches ou de la volige, suivant leur épaisseur.
Quant au plateau de cœur, on complète son équarrissage
en enlevant de la même façon les deux parties, restant en
haut et en bas, qui contiennent de l'aubier ; ces parties
portent le nom de coins ^ elles servent à faire de petites
pièces, comme des liteaux, des lattes, etc. Deux scieurs
de long peuvent scier 15 m. q. de chêne et 18 m. de sapin.
Les bois débités à la scie présentent des inconvénients qui
les font rejeter pour certains travaux de charpente et de
charronnage. On prétend que la scie échauffe le bois, etc.
jPour le petit débit, l'ouvrier fend la bille suivant le tracé
indiqué plus haut, soit avec le coin, soit avec la hache. Ici
les dosses n'existent plus; on n'obtient que des écailles
inutilisables pour l'industrie, et qui ne peuvent servir que
de bois à brûler. Ce mode de débit exige beaucoup do soin
et une surveillance particulière. En effet, comme on fait
toujours le débitage sur du bois vert, le moindre coup de
hache donné à faux peut occasionner de grandes fentes au
moment de la dessiccation, et diminuer de beaucoup, par cela
môme, la valeur commerciale du bois. L'ouvrier continue
son débitage en donnant quartier à son plateau et en faisant
pour les coins ce qu'il a fait pour les dosses, c.-à-d. en
les enlevant par écailles. Le débitage à la hache est surtout
employé pour les pièces devant servir au charronnage ; celui
au coin pour celles destinées à la tonnellerie et à la carros-
serie. F. Gaudez.
DÉBITANT DE BOISSONS. Toute personne qui voudra
ouvrir un café, cabaret ou autre débit de boissons à con-
sommer sur place, sera tenue de faire, quinze jours au
moins à l'avance et par écrit, une déclaration indiquant :
i^ ses nom, prénoms, lieu de naissance et domicile; 2*^ la
situation du débit ; 3^ à quel titre elle doit gérer le débit,
et les nom, prénoms, profession et domicile du propriétaire,
s'il y a lieu. Cette déclaration sera faite à la mairie de la
commune où le débit doit être établi. A Paris, elle sera
faite à la préfecture de police. Il en sera donné immédia-
tement récépissé et, dans les trois jours de cette déclara-
tion, le maire de la commune en transmettra copie inté-
grale au procureur de la République de l'arrondissement
(loi du 17 juil. 1880, art. 2). Toute mutation dans la per-
sonne du propriétaire ou du gérant devra être déclarée
dans les quinze jours qui suivront. Pour la translation du
débit dans un autre lieu, la déclaration devra être déposée
huit jours au moins à l'avance. La transmission de ces
déclarations sera faite aussi au procureur de la République,
conformément aux dispositions de l'art. 2 (art. 3, ibid.).
Les mineurs non émancipés ne peuvent exercer par eux-
mêmes la profession de débitants de boissons (art. 5, ibid.),
Ne peuvent non plus exploiter des débits de boissons à
consommer sur place : i^ tous les individus condamnés
pour crimes de droit commun ; 2<* ceux qui auront été
condamnés à un emprisonnement d'un mois au moins pour
vol, recel, escroquerie, filouterie, abus de confiance, recel
de malfaiteurs, outrage public à la pudeur, excitation de
mineurs à la débauche, tenue d'une maison de jeu, vente
de marchandises falsifiées et nuisibles à la santé, confor-
mément aux art. 379, 401, 405, 406, 407, 408, 248,
330, 334, 410 du C. pén. et à l'art. 2 de la loi du 27 mars
1851. L'incapacité sera perpétuelle à l'égard de tous les
individus condamnés pour crimes. Elle cessera cinq ans
après l'expiration de leur peine, à l'égard des condamnés
pour délits, si, pendant ces cinq années, ils n'ont encouru
aucune condamnation correctionnelle à l'emprisonnement
(art. 6, ibid.). Les maires pourront, les conseils munici-
paux entendus, prendre des arrêtés pour déterminer, sans
DÉBITANT ~- DÉBLAI
-. 1032
préjudice des droits acquis, les distances auxquelles les
cafés et débits de boissons ne pourront être établis autour
des édifices consacrés à un culte quelconque, des cime-
tières, des hospices, des écoles primaires, collèges ou
autres établissements d'instruction publique (art. 9, iôi(i.).
Les individus qui, à Toccasion d'une foire, d'une vente ou
d'une fête publique, établiraient des cafés ou débits de
boissons, ne seront pas tenus à la déclaration prescrite par
l'art. 2 ; mais ils devront obtenir l'autorisation de l'autorité
municipale (art. 40, ibid,). Qu'il s'agisse de débits à con-
sommer sur place, d'hôtels, restaurants, auberges ou
débits à emporter, les receveurs buralistes de la régie de-
vront délivrer des licences, sur la simple réquisition des
intéressés, à toutes personnes qui en feront la demande.
Les déclarants n'ont pas à justifier d'une autorisation admi-
nistrative (C. n** 292 du 5 août 1880) (V. Licence).
Telle est la nouvelle réglementation pour l'ouverture
des débits. Ils sont soumis en outre aux obligations édictées
par la législation antérieure que nous résumons sommaire-
ment ci-après. Les vendants en détail sont tenus de déclarer
les espèces et quantités de boissons qu'ils ont en leur posses-
sion dans les caves ou celliers de leur demeure ou ailleurs
(loi du 28 avr. 1816, art. 50). Ils doivent déclarer aux
agents de la régie le prix de vente de leurs boissons chaque
fois qu'ils en sont requis. Ces prix sont inscrits tant sur les
portatifs et registres que sur une affiche à apposer par le
débitant dans le lieu le plus apparent de son domicile
(art. 48, zk*c?.).Encas de contestation entre les employés
et les débitants, relativement à l'exactitude de la déclara-
tion des prix de vente, il en sera référé au maire de la
commune, lequel prononcera sur le différend, sauf le
recours, de part et d'autre, au conseil de préfecture, qui
statuera définitivement dans la huitaine, après avoir pris
l'avis du sous-préfet et du directeur des contributions in-
directes. Le droit sera provisoirement perçu après la déci-
sion du maire, sauf rappel ou restitution. La décision ne
pourra s'appliquer aux boissons débitées antérieurement à
la contestation (loi précitée de 4816, art 49; loi du
22 juin 1865, art. 11).
Il y a obligation pour les débitants d'indiquer par une
enseigne ou bouchon leur qualité (loi du 28 avr. 1816,
art. 50). Ils ne peuvent recevoir ni avoir chez eux, à
moins d'une autorisation spéciale, de boissons en vais-
seaux d'une contenance moindre d'un hectolitre, ni établir
le débit des vins et eaux-de-vie sur des vaisseaux d'une con-
tenance supérieure à 5 hectol. (art. 58, ibid.). Les futailles
sont jaugées et marquées par les employés de la régie
(art. 53, ibid»). Il est fait défense aux vendants en détail
de receler des boissons dans leurs maisons ou ailleurs, et à
tous propriétaires ou principaux locataires de laisser entrer
chez eux des boissons appartenant aux débitants, sans (|u'il
y ait bail par acte authentique pour les caves^ celUers,
magasins et autres lieux oti seront placées lesdites bois-
sons. Toute communication intérieure entre les maisons
des débitants et les maisons voisines est interdite, et les
commis sont autorisés à exiger qu'elles soient scellées
(art. 61, ibid.). Toutes les boissons trouvées chez un débi-
tant sont censées lui appartenir, quoiqu'elles soient dans
des caves qu'il prétend avoir données à loyer, s'il n'est pas
représenté de bail authentique (arr.cass. du 6 juin 1807).
Les débitants sont tenus d'ouvrir leurs caves, celliers
et autres parties de leurs maisons, aux employés, pour
y faire leurs visites (art. 56, ibid.). Ces visites ne peuvent
se faire que pendant le jour, et de nuit pendant le temps
que les lieux de débit sont ouverts au public (art. 235,
ibid.). Un débitant qui refuse d'ouvrir des caisses ou
armoires, sous prétexte qu'il n'en a pas les clefs ou qu'il
n'a pas le droit d'en faire l'ouverture, se rend coupable
d'opposition aux exercices (arr. cass. du 30 mars 1810).
Les débitants qui auront refusé de souffrir les exercices
des employés seront contraints, nonobstant les suites à
donner aux procès-verbaux, au payement du droit de détail
sur toutes les boissons restant en charge lors du dernier
exercice. Ils seront tenus d'acquitter en outre le même
droit, pour tout le temps que les exercices demeureront
suspendus, au prorata de la somme la plus élevée qu'ils
auront payée pour un trimestre pendant les deux années pré-
cédentes.'A regard des débitants qui n'auraient pas été sou-
mis précédemment aux exercices, ils seront obligés d'ac-
quitter une somme égale à celle payée par le débitant le
plus imposé du même canton de justice de paix. Les procès-
verbaux rapportés pour refus d'exercices seront présentés
dans les vingt-quatre heures au maire de la commune, qui
sera tenu de viser l'original (art. 68, ibid.).
Les propriétaires qui voudront vendre les boissons de
leur cru en détail devront, dans la déclaration préalable à
laquelle ils seront tenus comme tous les autres débitants,
indiquer la quantité de boissons de leur cru qu'ils auront
en leur possession, et celle dont ils entendront faire la
vente en détail, et se soumettre en outre à ne vendre aucune
boisson autre que celle de leur cru. Ils devront faire cette
vente par eux-mêmes ou par des domestiques à leurs gages,
dans des maisons à eux appartenant, ou qu'ils auront
louées par bail authentique. Ils ne pourront fournir aux
buveurs que les boissons déclarées, avec des bancs et
tables, et seront libres d'établir leur vente en détail sur
des vaisseaux d'une contenance supérieure à 5 hectol. Ils
seront d'ailleurs assujettis à toutesles obligations imposées
aux débitants de profession ; néanmoins les visites et exer-
cices des commis n'auront pas lieu dans l'intérieur de leur
domicile, pourvu que le local où leurs boissons seront
vendues en détail en soit séparé (loi du 28 avr. 1816,
art. 85) . La vente en détail des boissons ne pourra être
faite par les bouilleurs ou distillateurs pendant le temps
que durera leur fabrication. Cette vente pourra toutefois
être autorisée, si le lieu du débit est totalement séparé de
l'atelier de distillation (art. 69, ibid.). Parmi les pénalités
applicables aux contraventions, les principales sont :
1^ pour ouverture d'un débit sans en avoir fait au moins
quinze jours avant la déclaration à la mairie, amende de
16 à 100 fr. (loi du 7 juil. 1880, art. 2 et 4); 2^ pour
vente en détail de boissons, sans déclaration préalable ou
après déclaration de cesser, saisie et confiscation des bois-
sons, avec amende de 300 fr. à 1,000 fr. pour les vins,
cidres., poirés et hydromels (loi du 28 avr. 1816, art.
94 et 95). L'amende est de 500 fr. à 5,000 fr. pour les
spiritueux (loi du 28 févr. 1872, art. 1^'; loi du 17 août
suiv., art. 7). — Pour les droits à percevoir sur les bois-
sons vendues par les débitants, V. Boisson. A. Trescaze.
DÉBITEUR (V. Créancier et Obligation).
DEBITIS (Lettres de). On nommait ainsi sous l'ancien
régime des lettres de grande ou de petite chancellerie, qui
avaient pour effet de rendre exécutoires des contrats ou
d'autres titres d'obligation, dans un ressort autre que celui
dans lequel ils avaient été créés, ou à l'égard d'une juri-
diction autre que celle qui les avait reçus. Par exemple, des
lettres de debitis pouvaient autoriser un créancier à pour-
suivre devant la juridiction royale le débiteur qui s'était
obligé envers lui par acte revêtu du sceau d'une juridiction
ecclésiastique. Un arrêt de règlement rendu par le parlement
de Paris le 15 août 1553 interdit aux baillis et aux séné-
chaux de délivrer dorénavant des actes de ce genre : à partir
de cette époque la grande chancellerie seule eut qualité pour
expédier les lettres de debitis. L'usage des lettres de debitis
disparut du reste à la fin du xvi® siècle.
DÉBLAI. I. Construction. — Le terme de déblai s'ap-
plique aux extractions de terre, de gravier, de rocher,
quand elles sont faites à sec ou à une faible profondeur
sous l'eau, 0*^20 ou 0™25. Au delà, ces extractions se
nomment dragages et s'effectuent avec un tout autre outil-
lage (V. Drague, Dragage). On distingue encore les déblais
à ciel ouvert de ceux en souterrain ; l'organisation du tra-
vail, dans ce dernier cas, aura naturellement sa place au
mot Souterrain.
Exécution des déblais. Les outils employés le plus
habituellement par le terrassier sont la bêche ou louchet,
1033 —
DÉBLAI
la pelle, la tournée ou pioche montoise, le pic et la
pointer 0 lie (V. ces mots). Il est rare qu'on rencontre de
la terre assez meuble pour être enlevée immédiatement à la
pelle; dans quelques cas (terre végétale, argile, tourbe), on
peut la diviser au moyen de la bêche et la charger direc-
tement ; mais, le plus souvent, il faut d'abord l'ameublir à
la pioche. On emploie de préférence le pic quand le terrain
à fouiller renferme des cailloux. Le déblai s'exécute d'or-
dinaire par couches de O'^SO d'épaisseur, qu'on enlève au
fur et à mesure qu'elles sont piochées. S'il s'agit de tran-
chées importantes, on procède par abatage, c.-à-d. qu'on
taille verticalement sur toute sa hauteur la paroi principale
du cube à enlever, qu'on le dégage au moyen de deux sai-
gnées latérales et en le sapant à sa partie inférieure, enfin,
qu'on précipite sa chute en enfonçant à la limite du bloc
des coins en fer ou des pieux frettés, que l'on frappe à
coups de maillets. Ce procédé, très fréquemment usité, est
avantageux pour l'entrepreneur, car on détache de cette
façon des blocs de 20 à 30 m. c, qui dans leur chute se
désagrègent presque complètement, de telle sorte qu'on peut
en charger directement la plus grande partie sans piochage ;
mais il est par contre très dangereux pour les ouvriers ;
aussi est-il nécessaire, quand on l'emploie, d'installer en
permanence au sommet de la tranchée un guetteur qui donne
l'alarme aussitôt qu'il y a menace d'éboulement. On pro-
cède d'une manière analogue pour certains rochers tendres,
et pour ceux, même durs, que l'on veut utiliser comme
pierres d'appareil, et qu'on tient pour ce motif à ne pas
dégrader. Les saignées, au pourtour du bloc à détacher,
s'effectuent alors à la pointerolle, sur laquelle on frappe
avec une massette. Ce procédé, qui convient surtout aux
exploitations de carrières, n'est guère usité dans les grands
travaux publics, où il importe souvent d'aller vite ; on a
recours de préférence aux explosifs, poudre ou dynamite
(V. Mines). — Pour les terrassements très importants, et
surtout lorsque la main-d'œuvre est rare et chère, on se
sert de machines appelées excavateurs (V. ce mot).
Evaluation des déblais. Nous avons exposé précédem-
ment (V. CuBATURE DES TERRASSES) Ics règlcs à suivrc pour
évaluer les cubes des déblais et des remblais. Nous ren-
voyons d'autre part au mot Mouvement des terres pour
la répartition des déblais dans les profils de remblai ou en
dépôt, ainsi qu'au sujet du transport avec les différents
véhicules employés. L. Schmit.
IL Mathématiques. — Dans les travaux de terrassement,
une masse soHde d'une forme déterminée, le déblai, se
trouve transportée à une distance plus ou moins considé-
rable et disposée de manière à prendre une autre forme
également déterminée, le remblai. Supposons, pour fixer
les idées, que les manœuvres s'effectuent à l'aide de
brouettes d'une même capacité, et admettons, ce qui ne
s'écarte pas beaucoup de la vérité (au moins quand les
hauteurs du déblai et du remblai sont peu considérables),
que la dépense soit mesurée par le chemin total que les
brouettes auront parcouru à la fin de l'opération. Il y a,
dès lors, économie à réduire le plus possible ce chemin
total. Si l'on voulait traiter la question en toute rigueur,
il faudrait faire entrer en ligne de compte le foisonnement
de la terre, ainsi que les sinuosités de parcours imposées
par la configuration du sol ; mais il deviendrait bien diffi-
cile de formuler une règle générale. Monge qui, le premier,
s'est occupé de ce problème, s'est borné à imaginer que
chaque brouette est transportée en ligne droite, depuis son
point de départ jusqu'à son point d'arrivée ; il a négligé le
foisonnement, et il a regardé, en outre, le volume d'une
brouette comme infiniment petit par rapport à la masse
totale. De pareilles hypothèses enlèvent aux conclusions
une grande partie de leur portée pratique ; mais, au point
de vue de la géométrie pure, la recherche de la meilleure
solution reste bien digne d'intérêt, et c'est elle qui a con-
duit Monge à la découverte des lignes de courbure des
surfaces.
On voit immédiatement que deux routes rectilignes quel-
conques ne doivent pas se couper et ne peuvent se rencon-
trer qu'à l'une de leurs extrémités; sans quoi, en appelant
A, B leurs points de départ et A^, B' leurs points d'ar-
rivée, la substitution des chemins AB'', BA^ aux chemins
AA'', BB' ferait disparaître le croisement et abrégerait en
même temps la somme des parcours. Il résulte de là que,
si l'on envisage un tube infiniment délié dont le contour
soit formé par une suite continue de chemins, et si ce tube
découpe dans le déblai et le remblai deux volumes V, V,
les éléments de V ne peuvent, durant le transport, sortir
du tube ; ils aboutissent donc nécessairement à l'intérieur
de V, et V ne peut être inférieur à V. Comme on peut
évidemment renverser les rôles du déblai et du remblai,
on verra de même que V^ ne peut être inférieur à V ; donc
les volumes V et V^ sont équivalents. On est ainsi amené
à chercher une congruence de droites qui découpent dans
le déblai et le remblai des volumes élémentaires équiva-
lents. Monge a découvert que ces droites sont normales à
une même surface; mais sa démonstration est absolument
insuffisante. La question ayant été mise au concours, en
4884, par l'Académie des sciences, MM. Appell, Ohnesorge
et de Saint-Germain ont établi rigoureusement cette pro-
priété fondamentale, les deux premiers par le calcul des
variations, qui s'appHque même au cas d'une densité va-
riable, et le troisième par la géométrie. Une dernière con-
dition achève de déterminer ce problème, qui présente des
difficultés considérables : il faut que les routes extrêmes
soient tangentes à la fois au déblai et au remblai. Ajoutons
que, généralement, les chemins ne forment pas une con-
gruence continue; il y a, dans le déblai et dans le rem-
blai, des surfaces séparatives telles que, de part et d'autre
de chacune d'elles, la direction des chemins éprouve une
variation brusque. En 1818, Dupin a cherché à tenir
compte de la forme et de la pente du terrain sur lequel les
routes doivent être tracées ; celles-ci cessent alors d'être
rectilignes et la difficulté du problème se trouve, par là,
rendue encore plus grande. L. Lecornu.
III. Art militaire. — Les accidents naturels ou artificiels
du terrain peuvent, dans beaucoup de circonstances de
Fig. 1.
Chemin creux ayant un de ses talus organisé
pour iHnfanterie.
guerre, être utilisés avantageusement pour la défense des
positions. On peut utiliser de deux manières différentes les
Fig. 2. — Chemin creux servant de fossé à une
tranchée-abri.
chemins creux en déblai et les fossés secs : 1° en taillant
une banquette dans la berge tournée du côté de l'ennemi;
2** en occupant par une tranchée-abri la crête du talus
opposé ; le fossé sert alors d'obstacle.
BiBL. : Construction. — Claudel et Laroque, Pra-
tique de l'art de construire; Paris. — Marx et Durand-
Claye, Routes et Chemins vicinaux; Paris, 1885. — Pru-
d'homme, Cours pratique de construction; Paris, 1881, 1. 1.
— Nordling, Jurisprudence des marchés de terrasse-
m,ents; Paris. — Annales des ponts et chaussées, années
1832, 1835, 1836, 1847, 1848, 1849, 1854, 1855, 1872, 1873, 1879,
1880, 1881, 1884 et 1886.
Mathématiques. — Monge, Mémoires de l'Académie
des sciences, 1781. — • Dupin, Application d'analyse, de
géométrie et de mécanique. — Darboux, Comptes rendus
de l'Académie des sciences^ 1884. — Appell, Mémoires
DÉBLAI -« DEBORDOIR
4034 —
présentés par divers savants à VAcadémie des sciences,
t. XXIX. ~ De Saint-Germain, Mémoires de l'Académie
de Caen^ 1886. -— Appell, Revue générale des sciences ;
Paris, 1890.
DEBO. Nom d'un petit lac formé par des dérivations du
Niger, sur la rive droite de ce fleuve, à peu près à moitié
chemin entre Segou et Tombouctou.
DÉBOISEMENT (V. Reboisement).
DcBOISEUSE (Agric). Machine servant à enlever,
dans un défrichement, les souches qui sont restées dans le
sol. Les déboiseuses sont des machines à plusieurs coutres
placés en escalier, chacun d'eux se trouvant plus bas que
le précédent de 0^,03 environ. Suivant le travail à obtenir,
le nombre de ces coutres varie de deux à huit. On doit
pouvoir, lorsque la charrue s'engage trop fortement dans
une souche, la retirer en arrière, si une traction trop forte
en avant pouvait faire rompre l'appareil. Ces charrues
doivent être construites très solidement, car elles exigent
souvent une force de traction considérable. F. Gaudez.
DÉBOÎTEMENT (Tactique). Terme de manœuvre par
lequel on désigne le mouvement d'une subdivision qui sort
d'une colonne par un mouvement oblique ou une marche
de flanc. Ainsi, lorsqu'une troupe passe de Tordre en
colonne à l'ordre en ligne, ses subdivisions, sauf celle de
tête qui ne bouge pas, font un déboîtement pour se porter
sur l'aMgnement de cette dernière. Dans une marche de
guerre, si l'une des unités de la colonne doit, à un moment
donné, s'écarter de la route suivie pour prendre une autre
direction, elle opérera un déboîtement. Dans un peloton de
cavalerie qui exécute une conversion, les hommes du
second rang déboîtent en gagnant du terrain du côté de
l'aile marchante, en rangeant les hanches des chevaux, de
manière que chacun d'eux soit de deux cavaliers en dehors
de leur chef de file.
DE BON, un des plus intrépides corsaires de Saint-
Malo, dont le nom fut la terreur des Anglais pendant les
guerres de la République et de l'Empire. On perd sa trace
en 1842; mais, jusqu'à cette époque, il ne cessa d'opérer
des sorties audacieuses et de ramener à Saint-Malo des
prises de la plus haute valeur.
DE BONI (Filippo), pubHciste et patriote italien, né à
Caupo, près deFeltre, le 7 août 1846, mort à Florence le
7 nov. 1870. Ses parents étaient pauvres : un oncle ma-
ternel le fit entrer au séminaire de Feltre. Mais, ne vou-
lant pas être prêtre, il quitta l'habit ecclésiastique après la
mort de cet oncle et donna des leçons particulières. Après
avoir étudié quelque temps à l'université de Padoue, il
passa à Venise et collabora à plusieurs journaux. Puis,
suspect à la pohce autrichienne, il alla à Florence, où il
écrivit aussi dans les journaux littéraires. Il y commença
la publication de VEmporeo biografico, dont fait partie la
Biografia degli Ârtisti, publiée en 1840 à Venise, qu'il
n'acheva pas, fit les romans de Gli Ezzelini e gli Estensi
et de Scipione^ et donna une chronique mensuelle intitulée
Quel che vedo e quel che pe7iso, qui eut un grand succès,
et que la police grand-ducale suspendit au bout d'un an. Ses
intelligences avec Mazzini l'obfigèrent à se réfugier en
Suisse (1846). Il pubha à Lausanne les Voci delVanima^
recueil de chants patriotiques, et reprit, sous le titre de
Cosï la penso, sa chronique populaire, qui, introduite
clandestinement en Italie, contribua à y préparer la révo-
lution. En 1848, il accourut à Milan, fit partie du gou-
vernement provisoire de Lombardie, protesta contre l'ar-
mistice, erra ensuite çà et là, et, après la fuite du pape,
se rendit à Rome. Là, président de clubs, fondateur du
journal il Tribuno^ il travailla à l'avènement de la Répu-
blique romaine, dont il fut le représentant en Suisse.
Après la défaite, il se fixa dans le canton du Tessin, où il
fut employé avec son ami Mauro Macchi dans la célèbre
Typographie helvétique. Il y publia sa Storia del Papato,
Banni à l'instigation de l'Autriche, il allait passer en
Amérique, quand il parvint à se cacher avec d'autres pa-
triotes italiens dans un village perdu au milieu des plus
hautes montagnes de la Suisse. Sa santé en souffrit beau-
coup. Il obtint enfin de s'établir à Zurich (1850) et y resta
jusqu'en 1860. Il envoyait de là à la Tribuna de Buenos
Aires une Cronaca mensile délie cose europee. Il donna
à la Ragione d'Ausonio Franchi des études historiques
sur la Corte romana sotto Innocenzo VJIl (1857). Sous
la dictature de Garibaldi, De Boni alla à Naples et colla-
bora au Popolo d'Italia, journal de Mazzini. Elu député
en 1861 par le collège de Tricarico, il eut son élection
plusieurs fois annulée et renouvelée. Membre de l'extrême
gauche, il prit jusqu'à sa mort une part assidue aux tra-
vaux de la Chambre et s'y montra un des plus énergiques
adversaires du cléricalisme. Parmi les principaux ouvrages
de De Boni, on cite la Storia dei fatti délie Romagne
(1847), la Chiesa romana e Vîtalia, l'Inquisizione e i
CalabrO'Valdesi, et les drames de Ginevra di Monreale
et de Domenico del Castagno» F. H.
BiBL. : Mauro Macchi, Nuovo Almanacco istorico d'Iia-
ïia, 181i; Milan, in-16.— Telesforo Sarti, i Rappresen-
tanti delPiemonte e d'Italia nelle tredici législature del
Regno; Rome, 1880, in-4.
DÉBONNAIRE (Louis) (V. Bonnaire [Louis de]).
DÉBONNIÈRES (Benoît) (V. Bonnières [Benoît de]).
DÉBORA, personnage de l'ancienne histoire Israélite.
Cette femme, exerçant les doubles fonctions prophétique
et judiciaire sur le territoire d'Ephraïm peu après la con-
quête de la Palestine par Josué, invite un chef de Nephtali,
Barac, à affronter la lutte contre les Chananéens qui fai-
saient sentir durement leur joug aux tribus d'Israël. Une
victoire signalée fut, en efiet, remportée dans la plaine du
Kison et Sisara, chef de l'armée chananéenne, qui avait
réussi à échapper au vainqueur par une prompte fuite,
tomba sous le marteau d'une femme, Jahel, à l'hospitalité
de laquelle il avait eu le tort de se confier. Ces événements,
qu'on rapporte d'ordinaire au xiii*^ ou xiv® siècle avant
notre ère, sont célék^és dans une remarquable poésie,
connue sous le nom de Cantique de Débora et dont on
continue souvent de rapporter l'origine à la prophétesse-
juge elle-même. Ce chant décrit d'une façon imagée la pé-
riode d'oppression qu'avaient subie les Israélites, la ma-
nière dont les différentes tribus ont participé à l'action,
quelques-unes restant à l'écart dans une indifférence cou-
pable, le combat lui-même ; puis, le poète célèbre le haut
fait de Jahel et dépeint les angoisses de la mère de Sisara,
attendant inutilement le retour de son fils (Juges, chap. iv
et v). Quand on lit avec soin ce morceau, on est frappé de
l'art consommé de sa composition, en même temps qu'une
série de détails et d'expressions, parmi lesquels nous cite-
rons la mention du Sinaï, le développement atteint par les
conceptions religieuses, la singulière erreur qui fait de Dan
une population Hmitrophe de la mer, etc., éveillent les
doutes sur son antiquité. Loin donc de nous raUier à
l'opinion de critiques éminents, qui voient dans le Cantique
de Débora le morceau le plus ancien de la littérature hé-
braïque, nous n'hésitons pas à le considérer comme une
sorte de psaume, plus récent que le récit en prose qu'il
s'est proposé de commenter et d'embehir et dont la compo-
sition doit être rapportée aux temps de la Restauration.
Notre opinion trouve sa confirmation dans la langue de ce
petit poème, qui trahit une influence araméenne. D'ailleurs,
la personne même de Débora a des allures légendaires et
il serait fort possible qu'elle dût sa naissance à un artifice
littéraire, de même que la poésie qu'on lui attribue est le
fruit d'une invention réfléchie et voulue. — En attendant
la publication de notre volume intitulé les Plus An-
ciennes Poésies bibliques, traduction et commentaire,
consultez : Reuss, Die Geschichte der H. S. A. T., 1881,
pp. 117 et suiv. ; Renan, Histoire du peuple d'Israël,
1887, I, pp. 306 et suiv. ; Vernes, Précis d'histoire
juive, iSS9, pp. 204 et suiv. ; du même, Essais bibliques,
1891, pp. 163 et suiv. M. Vernes.
DÉBORDEMENT d'une rivière (V. Inondation).
DEBORDOIR (Techn.). Outil composé d'une lame de
fer courbée en demi-cercle, tranchante, avec poignée en
1035
DEBORDOIR - DÉBOURRAGE
bois à chaque bout et qui sert à rogner les bavures des
bords d'une table de plomb.
DÉBOUCHÉ. I. Ponts et chaussées (V. Pont).
IL Stratégie. — Dans l'occupation de toute position
militaire, la troupe occupante doit pouvoir non seulement
résister avec avantage, mais encore, si la défense lui est
favorable, sortir de sa position et attaquer ou poursuivre
l'ennemi repoussé. La défensive doit toujours pouvoir se
transformer en offensive. On devra donc, dans le choix de
toute position militaire, s'assurer des débouchés^ c.-à-d.
des moyens de se porter en avant, en utilisant les chemins,
les routes d'accès qui mènent vers l'ennemi, et rejeter
celles qui ne présenteraient pas les ressources nécessaires
à l'offensive. Les rapports faits par les officiers, envoyés
en reconnaissance de positions, ne devront jamais manquer
des renseignements relatifs aux débouchés. Le principe de
la nécessité des débouchés est aussi vrai en stratégie qu'en
tactique. Une armée qui sort de sa base et se porte en
avant, qui franchit un cours d'eau, etc, doit disposer de
routes et de moyens de franchissement suffisants, sous
peine de se voir attaquée et battue en détail pendant l'opé-
ration si longue de l'écoulement de ses corps d'armée.
DÉBOUCHOIR (ArtilL). Instrument servant à débou-
cher les évents des fusées à double effet. Il se compose
d'une lame en acier encastrée dans un manche en bois. On
lui a substitué, depuis 1884, unepince-débouchoir formée
de deux branches articulées, dont l'une porte la lame et
dont l'autre présente une entaille en forme de V dans
laquelle on fait reposer le chapeau de la fusée pendant le
débouchage de l'évent. Dans le service de la pièce, l'opé-
ration du débouchage est exécutée par le pourvoyeur ; la
pince-débouchoir est attachée au sac à charger par une
dragçnne en corde.
DÉBOUILLI. Traitement spécial par lequel on fait dis-
paraître les couleurs imprimées sur une étoffe dont la
fabrication, pour une cause ou pour une autre, est man-
quée (mauvaise impression, traits de racle, erreur de cou-
leur, de préparation, manque de cadrage, etc.). Une étoffe
bien débouillie sert à nouveau comme une pièce régulière-
ment blanchie, mais cette opération du débouilli demande
à être bien conduite, sans quoi on est exposé à affaiblir la
fibre.
DEBOUQUES (Charles), poète français du xvi^ siècle.
Il est l'auteur d'une épopée chrétienne, les Merveilles de
Jésus-Christ (impr. en 4642) où l'on trouve de très
beaux vers. Il appartient à l'école de Ronsard.
DÉBOURBAGE.I. Métallurgie. — Certains minerais de
fer, de plomb et de zinc et certains phosphates de chaux,
se trouvant mélangés d'argile, demandent une préparation
mécanique simple que l'on appelle débourbage. On y fait
intervenir la force brutale d'un courant d'eau, pour dis-
socier les grains agglutinés par l'argile, entraîner les
boues et décaper les surfaces solides. L'engin le plus
simple pour le débourbage des minerais est une grille sur
laquelle on verse le tout-venant, en l'arrosant avec un
fort courant d'eau qui agit par entraînement sur les par-
ties fines et légères pour les séparer des matières pier-
reuses, que leur grosseur retient sur la grille. On vient
en aide à cette opération par un rablage à la main, ou au
moyen de secousses imprimées à la grille, pour détruire
incessamment les petits équihbres et les agglutinations, qui
tendent à l'entraver. Le départ du refus, ainsi décapé, est
facilité par l'inclinaison que l'on donne à la grille suivant
des barreaux. Quant aux matières qui ont passé à travers
ces derniers, elles contiennent encore, en même temps
que la boue stérile, des parties utiles qu'on en retire dans
des lavoirs à bras ou des trommels débourbeurs. Les
lavoirs à bras sont des canaux dallés, légèrement inclinés,
de plusieurs mètres de longueur, sur 4 à 2 m. de large et
0^50 de profondeur. Un fort courant d'eau traverse les
matières, que l'on charge en amont. On facilite le départ
des boues argileuses en pelletant le minerai d'un bord à
l'autre. Il finit par atteindre ainsi l'extrémité, entraîné
peu à peu par Faction de l'eau et on l'en retire convena-
blement nettoyé. Le patouillet est principalement destiné
aux minerais de fer ; il consiste en une auge hémi-cylin-
drique, qui présente une légère pente. Suivant son axe est
disposé un arbre muni de palettes qui, par leur rotation,
battent le courant boueux. Le minerai est recueilli à l'ex-
trémité et les troubles sont emportées par le liquide.
Le trommel'débourbeur est formé d'un prisme ou d'un
cylindre de 4 m. à 4 ^^^50 do diamètre, quelquefois évasé en
tronc de pyramide ou de cône ; sa surface est formée de
tôles perforées, dont les trous présentent 4 à 42 millim.
de diamètre. Le système tourne sur son axe légèrement
incliné sur l'horizon; lorsque la matière est très argileuse,
elle se trouve attaquée par des poignards normaux à la
paroi, qui la tranchent et facilitent son déblayage, tandis
que le courant d'eau qui la traverse emporte les parties
argileuses. Quant aux matières solides, elles ne sauraient
glisser directement suivant la pente longitudinale, qui est
trop faible. Mais un résultat équivalent s'obtient de la ma-
nière suivante. La rotation relève, suivant un parallèle,
les morceaux fixés par leur adhérence. Ils atteignent ainsi
une partie où l'incHnaison, qui finirait par devenir verti-
cale, en allant assez loin, se trouve suffisante pour déter-
miner leur glissement. Celui-ci débute alors suivant la
ligne de plus^ grande pente qui est perpendiculaire à l'ho-
rizontale du plan tangent et non pas à la génératrice. Les
matières ne reviennent donc plus au point de départ, mais
un peu plus bas, et, de proche en proche, elles finissent
par gagner l'extrémité, plus ou moins lentement, sui-
vant l'angle et la longueur du trommel qui varie de 4 "^50
à 3 m. Un trommel -débourbeur ordinaire permet de
traiter de 25 à 30 tonnes par jour avec une consom-
mation de 6 à 40 m. c. d'eau et une force de un à trois
chevaux, suivant la nature plus ou moins pâteuse des
matières. L. Knab.
IL Industrie (V. Couleur, t. XIII, p. 44).
DEB0UR6ES (Jean), homme politique français né en
4769, mort en 4834. Avocat, il fut nommé à la Conven-
tion par le département de la Creuse, siégea au centre, fit
partie du conseil des Anciens, fut de 4800 à 4845 prési-
dent du tribunal de Chambon.
DÉBOURRAGE. I. CmMiE industrielle. — Le débour-
rage des peaux ou épilage consiste à débarrasser des poils
qui les recouvrent les peaux destinées à la fabrication des
cuirs. Mises à tremper pendant quelques jours, afin de les
amollir, les peaux doivent avant d'être débourrées subir
des opérations préliminaires destinées à distendre les folli-
cules pileux et rendre ainsi la séparation du poil plus
facile ; ces opérations sont connues dans l'industrie sous le
nom Réchauffe lorsqu'on travaille les cuirs forts, et de
pelanage pour les cuirs mous.
Travail des cuirs forts; échauffe, Véchauffe natu-
relle consiste à déterminer dans la peau une légère fer-
mentation qui ne doit pas être poussée trop loin ; aussi, afin
d'éviter leur altération, les peaux doivent être visitées
souvent et l'opération qui dure généralement deux ou trois
jours est arrêtée lorsque le poil s'arrache en criant. Sou-
vent dans l'industrie on active cette fermentation en élevant
légèrement la température du pendoir par un courant d'air
chaud provenant de la combustion de tannée sèche : c'est
V échauffe à l'étuve ; ou par un courant de vapeur d'eau,
proposé par M. Delbut, de Saint-Germain-en-Laye : c'est
V échauffe à la vapeur ; en tous cas, on doit éviter avec
soin de dépasser 20 ou 25°, car alors une partie de la peau
se transforme en gélatine. Le procédé américain donne de
bons résultats ; les peaux sont suspendues dans une cave à
température constante, un courant d'air froid arrive, par un
conduit de bois, au milieu du plancher de la cave et
s'échappe à la partie supérieure ; de l'eau à environ 40° ruis-
selle le long des parois et maintient ainsi l'air ambiant à
un degré convenable d'humidité, et en en réglant l'arrivée
il est facile d'avoir une température constante ; au bout de
trois à quatre jours, les peaux sont retournées et en huit
DÉBOURRAGE — DÉBOURREMENT
— 4036
jours ropération est terminée. C'est un des meilleurs pro-
cédés d'échauffé connu, car, étant maître de la fermenta-
tion, on évite la détérioration des peaux, si commune avec
les autres procédés d'échauffé.
Dans Véchauffe froide^ les peaux sont entassées dans
des fosses en maçonnerie, contenant de l'eau à la tempé-
rature de 8 à 42*^; on les y laisse vingt-quatre heures,
puis elles sont mises en pile et arrosées toutes les
six heures ; on recommence trois fois cette opération et les
peaux peuvent alors être débourrées. On emploie aussi la
chaux pour favoriser le débourrage, mais il est presque
impossible ensuite de s'en débarrasser complètement, et les
peaux ainsi traitées se tannent fort mal, donnent des cuirs
cassants, tachés, de très mauvaise qualité, surtout pour la
confection des semelles.
Débourrage proprement dit» Au sortir de l'échauffé
les peaux sont plongées dans un bain d'eau pendant une
heure environ, puis on procède au débourrage proprement
dit. Pour cela, plusieurs peaux pliées en deux sont éten-
dues sur le chevalet, afin d'obtenir une certaine élasticité,
on place ensuite la peau à travailler, le poil en dessus, et
l'ouvrier enlève les poils en frottant, de bas en haut, la
peau avec un couteau spécial à deux poignées, appelé cou-
teau rond, couteau sourd ou simplement couteau à
débourrer. Si le poil résiste à l'action du couteau rond,
l'ouvrier répand sur la peau du sable très fin ou des cendres
tamisées avec soin afin d'éviter qu'aucun corps étranger ne
vienne occasionner des éraflures. Parfois le couteau à
débourrer est avantageusement remplacé par une sorte de
couteau d'ardoise nommée queurse, employé également
pour égaliser le grain. Les peaux sont ensuite lavées à
grande eau, battues, puis écharnées, c.-à-d. débarrassées
des parties épaisses et des débris de chair encore adhérents,
et non combinables au tannin ; par suite des deux opéra-
tions du débourrage et de l'écharnage, les peaux perdent
en moyenne de 40 à 42 ^/o de leur poids. On procède
ensuite au queursage.
Machines à débourrer. Dans ces derniers temps,
on a construit de nombreuses machines à débourrer ; elles
reposent toutes sur le même principe : elles se composent
d'un cylindre travailleur à couteau hélicoïdal qui frotte la
peau, et d'une table garnie de queurses ; pendant l'opéra-
tion un courant d'eau projeté en pluie sur la peau vient
dissoudre en partie la chaux et chasser les poils et les
impuretés détachés par les organes travailleurs de la ma-
chine. Les principales machines à débourrer sont celles de
M. Lepelley, de M. Damourette, de M. Richard ; cette der-
nière peut travailler environ cent cinquante peaux par jour.
Travail des cuirs mous; pelanage et débourrage;
épilage. Les peaux destinées à la fabrication des cuirs
mous subissent avant le débourrage l'opération dite du
pelanage, qui tend de plus en plus, comme nous allons le
voir, à être remplacée par l'épilage aux procédés chi-
miques. Dans les ateliers on a trois bains de chaux, d'une
contenance de 8 m. c. environ, de force différente et d'une
température constante de 45 à 20^, le pelain le plus faible
dit pelain mort est monté avec 60 lit. de chaux éteinte, le
pelain moyen avec 420 lit. et le pelain fort avec 200 lit.
Les peaux égouttées sont plongées pendant quarante-huit
heures dans le pelain mort, puis pendant le même temps
dans le pelain moyen et enfin pendant deux ou trois jours
dans le pelain fort; généralement, au bout de ce temps, le
poil tombe facilement ; alors les peaux sont bien lavées et
débourrées au chevalet comme nous l'avons dit plus haut.
Malgré tous les soins pris, dans l'industrie, pour se
débarrasser de la chaux vive contenue dans les peaux au
sortir du pelanage, il en reste une assez grande quantité
soit à l'état libre, soit à l'état de savon calcaire ; le tan-
nage est alors difficile à réussir et le cuir est fortement
altéré ; aussi a-t-on cherché à remplacer le pelanage à la
chaux par des procédés chimiques. C'est ainsi que, dès
1833, Félix Boudet proposait le pelanage à la soude; on
prépare un pelain fort en dissolvant 5 kilogr. de soude
caustique dans 500 lit. d'eau ; le pelain neuf devient
comme à l'habitude pelain moyen, puis pelain faible ; les
peaux sont alors manœuvrées comme à l'ordinaire en les
laissant un jour dans chaque bain alcahn. L'emploi de ce
procédé demande de grandes précautions, il donne un cuir
gonflé d'eau. Nous passerons sous silence l'épilage au
silicate, à Faluminate et au zincate de soude. Le débour-
rage à l'ammoniaque que nous devons à M. Villon, qui,
quoique présentant de grands inconvénients pour la ma-
nutention de la marchandise, donne d'excellents résultats
et est d'un prix de revient très faible, sera très employé
dans un avenir prochain. Dans de grandes cuves en bois
de 1°"50 de diamètre sur autant de hauteur, on dispose
les peaux en ayant soin de les séparer les unes des autres
par des baguettes de bois ; on couvre d'eau et on ferme la
cuve hermétiquement au moyen d'une vis de pression. On
prépare ainsi une ou plusieurs cuves dans lesquelles on
fait arriver un courant de gaz ammoniac qui se dissout
aussitôt ; au bout d'une heure on ferme l'arrivée du
gaz ; on agite de temps en temps et en deux jours l'opé-
ration est terminée, on vide la cuve en recueillant précieu-
sement le liquide dont on récupérera ultérieurement l'am-
moniaque, puis les peaux sont lavées avec soin et débour-
rées au chevalet. D'après Villon, le débourrage de 4,500
kilogr. de peaux revient à 4 fr., soit environ 4/2 cent, par
peau de 7 kilogr. 5.
Le procédé au sulfoarsenite de chaux présente certains
dangers; il n'est guère employé que dans la mégisserie. Le
débourrage aux sulfures alcahns et alcalino-terreux sont
assez employés ; nous citerons le procédé au sulfure de
sodium et au sulfhydrate de chaux. On fait usage des
sulfures provenant de la fabrication de la soude, ou de
poly sulfures ; on opère comme pour le pelanage à la chaux,
c.-à-d. en plein bain, ou bien soit en imprégnant simple-
ment les peaux de sulfure, les empilant chair contre chair,
et les comprimant fortement ; ces procédés sont très éner-
giques et, en quelques heures, le poil n'a plus d'adhérence.
Dans ces dernières années, Andersen a proposé le dé-
bourrage au chp.rbon de bois ; l'action de ce corps n'est
pas encore expliquée. Il consiste à plonger les peaux dans
une bouillie de charbon de bois ; on remue de temps en
temps; la température de ce mélange doit être de 20 à 25<>;
le travail dure environ cinq jours.
Le débourrage de laine ou bourre est le déchet pro-
venant de la manipulation des draps et des tissus dans les
opérations de la teinture et du garnissage. Le débourrage
est composé de fibres qui sont recueillies avec soin pour
faire des vêtements bon marché vendus sous le nom de
lai7îe renaissance, et de poussières qui sont utilisées
comme engrais, souvent mélangées à des phosphates, ou
traitées par Tacide sulfurique. Ch. Girard.
II. Mines. — Le débourrage est une opération qui con-
siste à décharger un trou de mine après un raté ou tout
autre accident en ayant empêché l'inflammation. On emploie
à cet effet des tire-bourres à spires, des broches, des forets
à gouges et des curettes qui ont leurs parties actives en
cuivre rouge ou en bronze plus ou moins dur, pour éviter
la production d'étincelles. On sait que les plus faibles chances
d'explosion correspondent au choc de cuivre sur cuivre, ou
bronze ; le bronze des pilons de poudreries se compose de
48 d'étain et de 80 à 82 de cuivre. — On désigne aussi
sous le nom de débourrage l'accident qui se produit, lorsque
l'explosion d'une mine chasse un bourrage insuffisant, au
lieu de faire éclater la roche. Cet accident est fort grave ;
il blesse souvent les ouvriers à l'arrière, et il expse à
mettre le feu au grisou dans les mines grisouteuses.
DÉBOURREMENT (Vitic). On donne le nom dedébour-
rement, en viticulture, au phénomène végétatif qui réside
dans l'épanouissement annuel des bourgeons, lors du pre-
mier printemps. Ce nom vient du mot bourre ou bourgeon.
L'époque du débourrement est très importante pour la
pratique, car plus un cépage est tardif au débourrement
et moins il est sujet aux gelées printanières. Il faut donc,
1037
DÉBOURRËMENT — DEBRECZENI
dans les régions sujettes à cet accident, choisir de préfé-
rence des cépages à débourrement tardif. Parmi ceux-ci,
nous citerons : Carignane, Cinsaut, Morrastel, Espar,
Ugni blanc, Sauvignon.
DEBRAÎA (Nicolas), poète français du xui® siècle, au-
quel V Histoire littéraire attribue un poème intitulé Gesta
Ludovici VIII, dédié à Guillaume d'Auvergne, archevêque
de Paris. Ce poème, consacré surtout au siège d'Avignon,
comprend 4,870 vers; il a été imprimé par Duchesne au
t. V de ses Scriptores Historiée Francorum coœtanei
et réédité par dom Brial.
BiBL. : Histoire littéraire de la France, t. XVIII.
DEBRAUX (Paul-Emile), chansonnier français né à
Ancerville le 30 août 1796, mort à Paris le 12 févr. 1831.
C'était un littérateur bohème dans le genre de Cuisin (V. ce
nom) qui l'a connu et apprécié. Ses chansons, incorrectes
de style et fort lestes, ont eu un succès considérable sous
la Restauration. Ses couplets patriotiques lui valurent plu-
sieurs emprisonnements. Béranger a célébré en quelques
strophes émues la mort prématurée de Debraux. Parmi
ses chansons les plus connues, on peut citer : la Co-
lonne^ le Prince Eugène^ le Mont-Saint-Jean, Il en
existe plusieurs recueils : Chansonnettes et poésies
légères (Paris, 1820, in-18) ; Chansons gaillardes et
politiques (1829, in-32) ; Chansons nationales (1822,
m-18) ; Chansons nationales^ nouvelles et autres (1826-
1829, 4 vol. in-18) ; Chansons complètes (1835-1837,
3 vol. in-32) ; nous citerons encore : Bréviaire du chan-
sonnier (Paris, 1830, in-12) ; Villèle aux Enfers (1827,
in-8) et le Passage de laBérésina (1825, 3 vol., in-12),
roman. R. S.
DEBRAY (Henry), chimiste français, né à Amiens le
26 juil. 1827, mort à Paris le 19 juil. 1888. A sa sortie
de l'Ecole normale, il fut reçu agrégé en 1850 et devint
le préparateur de H. Sainte-Claire Devilleau laboratoire de
la même école. Il fut ensuite professeur suppléant au lycée
Bonaparte (Condorcet), puis professeur au lycée Charle-
magne où il fit son traité intitulé Cours de chimie élémen-
taire, livre aussi clair que précis, arrivé à sa quatrième
édition en 1882. Son premier travail, en 1855, sur le glu-
cinium et ses composés, lui valut le titre de docteur es
sciences. Pendant ses dix années d'enseignement, Debray
publia d'importants mémoires sur Facide tungstique et les
tungstates, le molybdène, les acides phosphomolybdiques
et leurs sels ; il reproduisit artificiellement plusieurs miné-
raux, notamment l'azurite, des phosphates et des arsé-
niates cristallisés. Dès l'année 1857, en collaboration avec
De ville, il commença ses Recherches sur les métaux de
la mine de platine ; ce travail, poursuivi pendant plus
de vingt années, a conduit à une nouvelle métallurgie du
platine et des métaux qui l'accompagnent, particulièrement
à l'obtention de Viridium, nécessaire à la confection des
mètres et des poids en platine iridé, demandés par le bureau
international des poids et mesures ; quelques mois avant sa
mort, il publiait, en commun avec Joly, un travail sur le
ruthénium, et ses composés. Appelé à l'hôtel des Monnaies
en 1868 par Dumas, il fit des recherches sur les essais de
l'argent contenant du mercure, sur la présence du sélé-
nium dans l'argent d'affinage, sur le chlorure d*or et le
pourpre de Cassius, En 1867, après la découverte des
phénomènes de dissociation par H. Deville, Debray re-
connut les lois de ces réactions en étudiant méthodiquement
l'action de la chaleur sur le spath d'Irlande (V. Dissociation),
et sur l'efflorescence des sels hydratés ; il prouva que la
dissociation d'un solide, avec production de produits gazeux,
suit la même loi que la vaporisation d'un liquide. C'est là
l'œuvre capitale de Debray. Il fut nommé membre de
l'Institut en 1877, puis il remplaça H. Deville, son maître,
son ami et son collaborateur, à l'Ecole normale et à la
Sorbonne, au comité des Arts et Manufactures, au bureau
international des poids et mesures, dont il devint le vice-
président. Ed. BOURGOIN.
DÉBRAYAGE. Le débrayage est une opération qui per-
met, au moyen d'un appareil appelé débrayeur, de rendre
instantanément indépendant d'un arbre moteur en marche,
soit une portion de cet arbre, soit un arbre secondaire,
soit une machine-outil, cela en agissant sur l'organe inter-
médiaire, transmetteur du mouvement. Le débrayage a
pour but de ne pas interrompre le travail entier d'un
atelier, d'une usine, tout en ayant la possibilité d'en im-
mobiliser, soit une partie, soit un outil seulement. Tout
débrayage doit permettre l'action inverse, c.-à-d. la mise en
marche d'un arbre secondaire, d'une machine-outil, sans
arrêter ou même modifier sensiblement le mouvement de
l'arbre moteur. Cette opération porte le nom d'embrayage.
Les appareils débrayeurs ou embrayeurs sont de plusieurs
genres, mais ils consistent presque tous en une fourchette,
portée par une glissière ou un levier coudé, tournant
autour d'un axe. En faisant mouvoir le bras de levier ou
la glissière, on déplace la fourchette parallèlement à Taxe
des pièces commandées; dans son déplacement, elle agit
sur les organes transmetteurs du mouvement et les en-
traîne avec elle. Quand le mouvement a lieu par poulies,
l'organe transmetteur est une courroie ; pour en opérer le
débrayage, on place à côté de la poulie réceptrice, sur
le même arbre, une autre poulie de même diamètre, mais
qui peut tourner librement autour de cet arbre. C'est ce
qji'on appelle une poulie folle. Veut-on débrayer, on fait
passer la courroie de la poulie fixe sur la poulie folle, en
agissant sur le brin conduit de la courroie, au moyen de
la fourchette du débrayeur. La poulie folle tournera autour
de l'arbre sans l'entraîner dans son mouvement ; il restera
immobile, et avec lui tous les outils qu'il commande,
pendant que Farbre moteur continuera sa rotation. Si l'on
veut remettre en marche, on poussera le débrayeur, et la
courroie viendra agir sur la poulie fixe qui, naturellement,
entraînera dans son mouvement de rotation l'arbre avec
lequel elle est solidaire.
Pour les engrenages, voici comment on procède : Func
des roues dentées ou des roues d'angles, suivant le cas,
porte dans l'intérieur de son collet une cannelure rectan-
gulaire, qui vient épouser une saillie de même forme,
placée sur Farbre parallèlement à son axe. Cette saiUie
ayant une certaine longueur, la roue peut se déplacer pa-
rallèlement à elle-même, le long de Farbre, tout en restant
solidaire avec lui, si un mouvement de rotation a lieu. La
fourchette du débrayeur, prenant le collet entre ses dents,
empêchera ce déplacement longitudinal, sans empêcher la
roue et Farbre de tourner. Pour débrayer pendant la
marche, il suffit de déplacer la fourchette ; elle entraîne la
roue à laquelle elle est fixée, jusqu'à ce que le contact avec
l'autre roue cesse ; aussitôt, le mouvement donné à Farbre
secondaire cesse aussi. Pour le rétablir, il suffira de re-
mettre l'appareil débrayeur dans sa position primitive.
S'agit-il de rendre indépendante une portion de l'arbre
moteur? voici comment on procède: les deux parties sont
reliées par un manchon embrassant les deux extrémités ;
c'est un cylindre creux dont la section intérieure repro-
duit exactement la section pleine du bout des arbres.
C'est une section carrée ou mieux en forme de trèfle,
cette dernière ne présentant pas d'arêtes vives qui peu-
vent s'user, — Si on veut avoir un embrayage rapide, on se
servira de deux manchons à crans. Un bon débrayage doit
avoir une installation commode ; il doit pouvoir être ma-
nœuvré facilement, sans efi'orts, autant que possible auto-
matiquement, afin d'arrêter le mouvement, si la résistance
est trop forte. Les cônes de friction réalisent assez bien ce
programme ; malheureusement, ils occasionnent une grande
perte de force, et ne peuvent être employés lorsqu'il faut
transmettre une grande force. Les appareils de débrayage
varient à l'infini, mais la description des cas généraux que
nous venons de donner suffira à en faire comprendre le
principe. F. Gaudez.
DEBRECZENI (Martin), poète hongrois, né dans le co-
mitat de Kolos en 1802, mort en 1851. Le grand succès
de l'épopée de Vœrœsmarty, la Fuite de Zaldn, lui ins-
BEBRECZENÏ — DÉBHIDEMENT
— 1038 --
pira le désir de faire aussi son poème épique, et il composa
en eifet la Bataille de Kiev, relative également aux débuts
héroïques et légendaires des Magyars. L'œuvre de Debrec-
zeni, sans égaler son modèle, présente de grandes qualités.
BiBL. : ToLDY, Irodalorn.
DEBREGZIN. Ville de Hongrie, chef-lieu du comitat
heiduque organisé en 1876. La population était en 1880
de 51,122 hab., presque tous de race magyare, et en
grande majorité appartenant à la religion réformée. Tel est,
en effet, le caractère de Debreczin (bien que le nom même
soit d'origine slave) dans l'histoire et la géographie hon-
groises : cette ville est le centre même de la religion pure-
ment nationale, indépendante politiquement et religieuse-
ment de la maison d'Autriche. Au xvi^ siècle, on y rédigeait
une confession calviniste ; en 1849, on y proclamait la
déchéance des Habsbourg. Outre l'instruction primaire et
secondaire, les protestants y ont organisé depuis longtemps
une demi-université, pour le droit et la théologie, et une
importante bibliothèque. Plus récemment y ont été créées
des écoles réaies et une école d'agriculture. Debreczin est
aussi le principal centre du commerce des bestiaux et des
produits du sol dans cette plaine essentiellement agricole.
Les principaux monuments sont le grand temple réformé et
la statue du poète Csokonay. E. Sa vous.
BiBL. : Collect, Orell-Fùssli, A Travers la Hongrie,
7« fascicule.
DEBRET (Jean-Baptiste), peintre français, né à Paris le
18 avr. 1768, mort à Paris le 28 juin 1848. Elève de David,
son parent, il l'accompagna fort jeune en Italie ; revenu
à Paris, en 1785, il obtint le deuxième grand prix de
Rome en 1791. Parmi les tableaux qu'il exécuta ensuite
dans le style guindé et emphatique de la plupart des élèves
de David, les plus connus sont : Aristomène^ général
des Messéniens, délivré par une jeune fille (S. 1799;
mus. de Montpellier) ; Napoléo7i saluant un convoi de
blessés autrichiens (S. 1806) ; Napoléon à Tilsitt,
décorant un soldat russe (S. 1808); Napoléon haran-
guant les troupes bavaroises et viirtembergeoises à
Abensberg (S. 1810); Première Distribution des croix
de la Légion dlionneur dans V église des Invalides,
i804; Entrevue de Napoléon et du prince primat
à Aschaffenbourg^ iS06 (S. 1812) (les cinq tableaux
précédents sont à Versailles) ; Andromède délivrée par
Persée (S. 1814). — En 1815, Debret fut appelé, avec
d'autres artistes, par la famille royale de Portugal réfugiée
à Rio de Janeiro, pour former un Institut des beaux-arts
dans cette ville : l'inauguration de cet étabhssement ,
reculée d'année en année par les événements, n'eut lieu
qu'en 1831. Pendant ce laps de temps, notre artiste fut
appelé à exécuter de nombreux travaux pour la cour de
dom Jean VI et de dom Pedro, tableaux officiels repro-
duisant les principaux faits politiques du moment, portraits
des personnages royaux, plafond et frises d'une galerie des
bâtiments du Trésor à Rio, etc. De retour à Paris, il publia
un ouvrage fort curieux intitulé : Voyage pittoresque et
historique au Brésil, ou Séjour d'un artiste français
au Brésil, de i8i6 à iSSi (Paris, 1834-39, 5 vol. in-foL,
avec planches). Ad. T.
BiBL, : L. DussiEUx, les Artistes français à Vétranqer:
Paris, 1856, in-S.
DEBRET (François), architecte français et professeur
d'architecture, né à Paris le 21 juin 1777, mort à Saint-
Cloud le 13 févr. 1850. Elève de Percier et de Fontaine,
puis de l'Académie où il remporta plusieurs médailles en
1804, Debret obtint un prix au concours de l'an VI (1798)
pour un projet d'embellissement des Champs-Elysées; une
1^"^^ médaille au Salon de 1808 sur un ensemble de frag-
ments antiques et exposa, en 1814 et 1817, cnnjointemciit
avecHipp. Lebas (V. ce nom), les planches détachées d'un
ouvrage intitulé : OEuvres complètes de Jacques Barozzio
de Vignole. Debret remplaça, en 1 813, Cellorier comme ar-
chitecte des travaux de restauration de l'église abbatiale de
Saint-Denis, travaux qu'il dirigea jusqu'en 1846, époque
oii Viollet-le-Duc lui succéda. Une Notice sur les diverses
constructions et restaurations de V église de Saint-Denis,
notice rédigée par Debret pour les travaux d'une commis-
sion spéciale et lue par lui à la séance publique annuelle des
cinq Académies de \ 842, fait connaître les importantes parties
de cet édifice, voûtes, chapelles, élévations latérales, roses
des transepts, portail occidental et flèche, qu'il eut à res-
taurer ou à reconstruire, ainsi que la réfection d'une grande
partie des verrières, travaux qu'il exécuta avec une grande
conscience, mais non toujours avec une suffisante entente
de l'art ogival, alors trop peu connu et trop peu apprécié.
Debret eut, en outre, à restituer, dans la crypte, les mo-
numents funèbres enlevés de l'église lors de la Révolution
et déposés pendant plus de vingt années au musée des
Monuments français (ancien couvent des Pelits-Augustins)
à Paris. Cet architecte qui, écrit V. Raltard (l'Ecole de
Percier) « semblait prédestiné à construire des théâtres,
mais des théâtres qui n'existent plus », restaura, en 1818,
l'ancien théâtre de la Porte-Saint-Martin ; en 1819, l'an-
cienne salle de l'Opéra (salle Louvois) transformée en ma-
gasin de décors ; en 1822, la salle du théâtre des Variétés,
remaniée depuis ; en 1821 , il construisit V Opéra provisoire
rue Le Peletier, incendié en 1873 et dont les dispositions
générales inspirées de l'Opéra construit par Louis (V. ce
nom) et les conditions acoustiques étaient des plus remar-
quables ; en 1823-1824, les deux galeries du passage de
l'Opéra sur le boulevard' des Italiens et en 1826 le théâtre
des Nouveautés (théâtre du Vaudeville), place de la Bourse,
à l'angle de la rue des Filles-Saint-Thomas, démoli pour le
prolongement de la rue Réaumur (rue du Quatre-Septembre) .
C'est Debret qui, à la suite de l'ordonnance de 1816 affec-
tant à l'Ecole royale et spéciale des beaux-arts les bâti-
ments devenus disponibles du musée des Monuments fran-
çais, fut chargé des travaux d'appropriation de l'ancien
couvent des Petits-Augustins et de la construction des
bâtiments neufs dont la première pierre fut posée le 3 mai
1820. On doit à Debret le bâtiment des Loges qui renferme
les loges destinées aux concours, les ateliers de moulage,
l'amphithéâtre de chimie, etc., et le plan du palais central
dont il fit élever toute l'aile gauche et jeta les fondations
de l'aile droite avant 1 832, époque où il eut pour successeur
son beau-frère Féhx Duban{Y. ce nom). Ce fut également ce
dernier architecte qui succéda à Debret dans la direction de
l'atelier d'architecture que celui-ci avait ouvert et oiiil forma
quelques remarquables élèves. Debret était de plus architecte
du Conservatoire de musique, fut élu, en 1825, membre de
l'Institut en remplacement de Bernard Poyet (V. cenom), fut
nommé inspecteur général du Conseil des bâtiments civils en
1 841 et inspecteur général de la première circonscription des
édifices de Paris en 1846. Il a collaboré, pour la partie archi-
tecturale, à VEncyclopédie moderne, Charles Lucas.
BiBL. : Ch. Gabet, Dict. des Artistes de l'Ecole fran-
çaise; Paris, 1831, in-8. — P. Planât, Encyclopédie de
r architecture; Paris, 1890, in-8. — Eug. Mûntz, Guide de
l'Ecole nationale des beaux-arts; Paris, 1890, in-8.
DEBRETT (John), publieiste anglais, mort à Londres
le 15 nov. 1822. Il prit la suite de la maison d'éditions
de John Almon à Londres et il est surtout connu comme
l'auteur du Debrett's Peerage of England, Scotland
and Ireland (Londres, 1802, 2 vol. in-12), réédité jus-
qu'en 4825 (16^ éd.) et du Baronetage of England
(Londres, 1808, 2 vol. in-12), aussi très répandu en An-
gleterre. Il a encore édité quelque temps le British Impé-
rial Çalendar.
DÉBRIDEMENT (Chir.). Opération de petite chirurgie
ayant pour but d'agrandir une ouverture de fistule ou
d'abcès. On la pratique lorsque cette ouverture n'est pas
assez large pour laisser passer le pus, lequel s'accumule
en amont et dilate la poche de l'abcès ou le trajet de la
fistule, s'opposant ainsi à leur cicatrisation. Elle s'exécute
de la façon suivante : On pousse d'abord par l'ouverture
une injection antiseptique, de manière à désinfecter le foyer
ou le trajet fistuleux et à en chasser le pus qu'ils contien-
nent, afin d'éviter l'inoculation de la plaie qu'on va créer.
Puis on introduit dans le foyer une sonde cannelée, et sur
4Ô39
DEBRIDEMENT — DEBROUSSEVILLE
la cannelure de cette sonde on fait glisser la lame d'un
bistouri ou l'extrémité du thermocautère, pour diviser les
tissus dans l'étendue que l'on désire. On panse ensuite
comme les plaies ordinaires. On peut associer au débride-
ment le raclage du trajet fistuleux ou le drainage de l'ab-
cès. D** L.-H. Petit.
DEBRIT (Marc), publiciste suisse, né à Genève le
14 févr. 1833. Issu d'une famille huguenote originaire des
Cévennes, il habita longtemps Naples et Rome et entra en
1865 à la rédaction du Journal de Genève dont en
1886, après la mort de M. Adert, il devint le directeur en
chef. Ses connaissances solides et variées, sa plume élé-
gante et fine, son jugement prompt et sûr lui permirent
d'aborder simultanément et avec un égal succès les ma-
tières les plus diverses : art et voyages, histoire et littéra-
ture. Le bulletin politique quotidien, par l'abondance de
ses renseignements et la fermeté de son libéralisme, a
depuis longtemps conquis l'estime des juges compétents.
M. Debrit qui, dans la première partie de sa carrière, s'était
voué à la philosophie et avait édité, de concert avec
M. Ernest Naville, les Œuvres de Maine de Biran, a
publié : Histoire des Doctrines philosophiques dans
r Italie contemporaine (1859) ; la Suisse et la poli-
tique impériale (1860) ; Laura ou r Italie contem-
poraine (1862); la Guerre de i870, notes au jour
le jour par un neutre (1872); Croquis à la plume
(1876), sans parler d'importants articles insérés dans la
Bibliothèque universelle^ la Revue chrétienne^ la Revue
de théologie de Strasbourg , la Revue nationale de
Charpentier. Ernest Strœhun.
DE BROEN (Abraham-Isaakson), acteur suédois, né à
Stockholm en 1758, mort à Linkœping le 4 avr. 1804.
Attaché en 1781 à l'Opéra de Stockholm, il passa en
1787 au Théâtre dramatique et dirigea à partir de 1801 le
théâtre du Parc. Il fut en Suède l'un des premiers qui
évitèrent l'emphase, pour jouer et parler avec naturel.
DE BROSSE (Les). Famille d'architectes français des
XVI® et XVII® siècles. Jehan de Brosse, le plus anciennement
connu, était en juiu 1568 maistre architecteur à Verneuil-
sur-Oise, près de Senlis, et dut travailler à cette époque au
magnifique château construit en cet endroit pour le duc de
Nemours, château gravé dans le premier volume des Plus
Excellens Bastimens de France par Jacques Androuet du
Cerceau, peut-être son premier maître et dont il épousa la
fille, Julienne. Ce Jehan de Brosse fut attaché, au moins de
1578 à 1582, comme secrétaire et architecte, à la maison
de la reine Margot (première femme de Henri IV), et il dut
entreprendre, pour cette princesse, non la construction de
l'hôtel de la rue des Petits-Augustins, commencée seule-
ment en 1606, mais bien des travaux d'agrandissement et
de restauration à l'hôtel qu'elle possédait, avant sa répu-
diation, dans la rue de Seine. Jehan de Brosse serait mort
en 1585.
Salomon de Brosse, sieur du Plessis, près de Vemeuil,
fils du précédent, né à Verneuil-sur-Oise vers 1565, mort
à Paris le 8 déc. 1627. Il fut d'abord employé par son oncle
Jacques II Androuet du Cerceau dans les travaux que ce
dernier dirigeait pour Henri IV et Marie de Médicis, et nous
savons que, en 1613, Salomon de Brosse construisait, à la
fois comme architecte et comme entrepreneur, l'hôtel du
duc de Bouillon, situé rue de Seine, rebâti plus tard par
Lemercier, puis démoli. En 1614, il succéda à son oncle
comme architecte général des bastimens du Roy et de la
Reyne, mère de Sa Majesté (Marie de Médicis) et com-
mença, en 1615, à faire élever, pour cette dernière, rue
de Vaugirard, au haut de la rue de Tournon, une somp-
tueuse résidence qui devait rappeler le palais Pitti de Flo-
rence et qui fut appelé palais de la reine douairière ou
palais de Médicis et enfin palais du Luxembourg du nom
de François de Luxembourg, duc de Piney, ancien proprié-
taire de l'emplacement sur lequel il fut construit. Alph. de
Giors (Palais du Luxembourg; Paris, 1846, in-8, pi.)
montre bien, après Malingre (Antiquités de Paris, 1640,
în-8), l'importance et le mérite de l'édifice encore existant,
quoique considérablement amplifié, dû à Salomon de Brosse,
édifice dont les bâtiments primitifs entourant la cour d'hon-
neur occupaient un parallélogramme de 118 m. de long sur
90 m. de large et n'avaient été élevés qu'après approbation de
leurs plans par les meilleurs maîtres de l'Europe. Les jar-
dins du Luxembourg, dus également à Salomon de Brosse,
étaient renommés aussi, notamment la belle allée de pla-
tanes longeant le palais et aboutissant à la fameuse grotte
ou fontaine de Médicis, toujours existante, mais déplacée,
restaurée et complétée de nos jours. Il faut encore rattacher
au palais du Luxembourg et à cette fontaine de Médicis la
construction entreprise par Salomon de Brosse, de 1613 à
i 624, toujours sur l'ordre de la reine mère, et au prix de
460,000 livres payées par la municipalité parisienne, de
l'aqueduc d'Arcueil, aqueduc de 390 m. de long sur 24 m.
de haut, composé de vingt-cinq arcades dont seulement
neuf ajourées, soutenu par des piliers et des contreforts
couronnés d'une corniche à modillons d'un beau caractère,
et destiné à amener au palais du Luxembourg et dans les
quartiers de la rive gauche de la Seine, comme autrefois
aux Thermes de Julien, les eaux des sources de Rungis.
De 1616 à 1624, de Brosse fit élever, au-devant de
l'église Saint-Gervaîs et Saint-Protais, édifice du moyen âge,
un portail dans le goût italien, composé de trois ordres
(dorique, ionique et corinthien) de colonnes engagées, at-
teignant 50 m. de hauteur et que surmonte un fronton
circulaire, qu'accompagnaient, à l'origine, des groupes de
figures représentant les quatre Evangélistes. Vers la même
époque, 1618, Salomon de Brosse donna les plans du Par-
lement de Bretagne à Rennes, monument terminé seu-
lement en 1654 par Cormeau, mais remanié dès 1726 par
Jacques-Ange Gabriel (V. ce nom). C'est aussi de J618 à
1620 gue de Brosse fit construire, après l'incendie qui
détruisit la magnifique salle du xiii® siècle, la grande salle
des pas-perdus du palais de justice de Paris, salle incendiée
elle-même en 1676 et 1871, mais dont les restaurations
successives ont conservé le sobre et |Tand parti architec-
tural dû à de Brosse. Enfin cet architecte qui appartenait
à la religion réformée fit reconstruire, de 1621 à 1623, le
temple de Charenton-Saint-Maurice, vaste salle rectangu-
laire qui servait aux calvinistes pour la tenue de leurs
synodes et qui fut détruite en 1686 à la suite de la i^évo-
cation de l'édit de Nantes. D'autres édifices, résidences de
ville ou de campagne, sont encore attribués à Salomon de
Brosse, tant à Pans que dans les environs de cette ville, et
cet artiste donna, outre une grande composition gravée par
Michel Lasne et destinée à conserver le souvenir du ponti-
ficat de Grégoire XV, une édition revue et corrigée, aug-
mentée et mise en meilleur ordre , de la Reigle generalle
d'architecture des cinq manières de colonnes, etc.,
de Jean Buttant (V. ce nom) (Paris, 1619, pet. in-foL).
Ses principales œuvres, en partie encore existantes, ont été
gravées dans de nombreux recueils. M. Ch. Read, qui a
publié, en 1881, deux curieuses études sur cet archi-
tecte, nous apprend qu'il laissa un fils, Paul de Brosse,
architecte ordinaire des bâtiments du roi, de 1615 à 1625,
lequel entreprit, en 1632, avec son cousin Jean Androuet
du Cerceau, les travaux de l'enceinte de Paris, entre la
porte Saint-Honoré et la porte Saint-Denis et qui, en 1636,
était architecte de la cathédrale de Troyes avec Jacques
Lemercier (V. ce nom). Charles Lucas.
BiBL. : PiGANioL DE LA. FoRCE, DescripUoYi historique
de Paris, 1770, in-12, t. IX, pi. — Gailhabaud, Monuments
anciens et modernes; Paris, 1850, in-4. t. IV, pi. — A. Jal,
Dict, critique de biographie et d'histoire, Paris, 1872, in-8,
2« édit. — Feu Berty et Tisserand, Topographie histo-
rique du vieux Pains (région du bourg Saint-Germain);
Paris, 1876, in-4, pi.
DE BROSSES, auteur dramatique (V. Brosse [N. do],
t. Vm, p. 157).
DEBROUSSEVILLE. Village d'Algérie, dép. et arr.
d'Oran, à 13 kil. N.-N.-O. de Perrégaux; 600 hab. Stat.
de la voie ferrée d'Arzeu à S aida* Fondé il y a quinze
DEBROUSSEVILLE — DEBURAU
— 1040
ans au milieu d'un domaine de 25,000 hect., concédé à la
compagnie Debrousse et Cohen pour prix de Fexécution
du barrage de l'Habra. Le village, entouré de vignobles,
est très prospère, et ressortit à la commune de plein exer-
cice de Perrégaux. E. Cât.
DEBRY (J.-A.-J.), homme polititique français (V. Bry
[Jean- Antoine de]).
DEBU COURT, peintre et graveur français, né à Paris
le 13 févr. 1755, mort le 23 sept. 1832. Né d'une bonne
famille bourgeoise (son père était huissier à cheval au
Châtelet), Louis-Philibert Debucourt eut cette bonne for-
tune de ne pas être contrarié dans sa vocation. Il manifesta
de bonne heure du goût pour la peinture et, bien que ses
parents eussent peut-être le secret espoir de le voir magis-
trat, il entra librement à l'atelier de Vien. Celui qu'on a
justement appelé le précurseur de David pouvait sans doute
donner d'excellents conseils au jeune homme, et il est per-
mis de penser que ses académiques leçons ne furent pas
sans profit pour le spirituel graveur ; néanmoins, lorsqu'il
se crut assez sûr de lui et suffisamment maître de son
métier, Debucourt rejetait ces entraves, nécessaires pour
un temps, et s'abandonnait à lui-même. A vingt-six ans,
il épousait une fdle du sculpteur Mouchy, et à l'avantage
d'avoir une famille qui voyait ses essais d'un bon œil, il
ajoutait celui de s'allier à des artistes en renom, Pigalle
et Allegrain, dont sa femme était la nièce. Le malheur
visita cette union et, veuf au bout de quinze mois, Debu-
court perdait bientôt son unique enfant. C'est vers l'époque
de son mariage, en 1781, qu'il commence à exposer
au Salon ; la Consultation redoutée, le Gentilhomme
bienfaisant, le Sage de village n'eussent certainement
pas conduit l'artiste à la célébrité ; ce sont œuvres inté-
ressantes, sans doute, valant surtout par le souvenir et
l'évocation d'une époque puérile et de personnages mièvres,
tableaux de genre soignés et poussés, mais auxquels ne
s'attache pas le haut intérêt des aqua- tintes de plus
tard. Autant faut -il en dire du Charlatan et de la
Feinte Causse et des œuvres de 1783 à 1785. L'œil
exercé y reconnaîtra cependant cet amour spirituel du détail
qui n*a pas été dépassé et devinera la perfection dans l'ar-
rangement par quoi Debucourt a conquis sans conteste la
place d'un maître ; mais c'est surtout en cette année 1785
(âge de l'artiste, trente ans) que Debucourt inaugure cette
série de planches célèbres, œuvres de peintre, de graveur,
d'historien, aimées des uns pour la difficulté du procédé
où il excelle, des autres pour l'agrément de la tache à quoi
se reconnaît un coloriste de tout premier ordre ; ceux-ci y
trouvent des documents sur une époque disparue, pen-
dant que leur rareté les fait rechercher dos amateurs de
bibelots. Cinquante ans auparavant, un graveur, Gautier-
Dayoty, avait essayé de remettre à la mode ce genre de la
gravure en couleur où s'était déjà essayé autrefois, sans
grand succès, l'Allemand Leblond. Ces tentatives ne réus-
sirent guère avant Saninet, le prédécesseur de Debucourt,
et qui eut ce grand mérite d'ouvrir une voie féconde. On
connaît ce procédé de tirages successifs, une première
planche à l'aqua-tinte donnant les valeurs, le tableau en
blanc et noir, avec les minutieux rapports des lumières ;
au tirage définitif, ces deux couleurs primitives seront res-
pectées, épargnées ({\m{à on en voudra l'effet brutal, et
trois planches de cuivre donneront les fondamentales, rouge,
bleu et jaune, le vert s'obtenant par deux tirages super-
posés en ces dernières couleurs. On conçoit toute la diffi-
culté d'un tel procédé et l'on ne peut guère s'étonner qu'on
l'ait abandonné à notre époque qui veut produire vite et à
peu de frais. Debucourt est le maître de cette méthode. La
Porte enfoncée, les Amants poursuivis et les Amants
découverts moniv^nl, dès l'année 1785, les premiers essais
du graveur. De 1786 h Menuet de la Mariée, popularisé
depuis par la reproduction, son chef-d'œuvre peut-être et de
1787 Idi Promenade du jardin du Palais-Royal, dont
l'authenticité a été contestée, mais où la palette de l'artiste
se retrouve malgré quelques inégalités. Il est permis, au
reste, d'être sévère pour ladite estampe, car c'est à cette
année 1787 que Ton doit ces chefs-d'œuvre qui ont nom
la Cruche cassée, la Matinée du jour de Van, et cette
merveille, la Promenade de la galerie du Palais-Royal,
délicieuse restitution de la vie parisienne de cette époque,
jolie d'arrangements, délicieuse de couleur, spirituelle
d'indications, vivant enfin de toute la vie que donne la
perfection du dessin et l'acuité de l'observation. En 1788
les Bouquets ou ta Fête de la grand'maman, en 1789
la Noce au château, puis Annette et Lubin, en 1792
la Promenade publique du jardin du Palais-Royal
complètent la série des chefs-d'œuvre. Citons le portrait de
Louis XF/des années précédentes, œuvre encore estimable,
ainsi que celui de Lafayette, et, sans en accepter toute la
sévérité, citons pour le Debucourt d'après 1800 cette
phrase d'un critique : « Un Debucourt fatigué, sans idées,
de jour en jour plus médiocre, finissant, après 1830, dans
le rabâchage sénile. » Vers cinquante ans, Debucourt avait
épousé M^^® Marquant. C'est avec son premier mariage et
la mort de son fils le seul événement d'une vie tout uni-
forme et droite. Henri d'Argis.
BiBL. : PoRTAi.is et BÉRALDi, les Graveurs du xvui* siè-
cle ; Paris, 1880. — Henri Béraldi, les Graveurs du
xix» siècle ; Paris, 1886. — Paul Lacroix, xviip siècle.
Lettres, sciences et arts ; Paris. — E. et J. de Goncourt,
l'Art du xviii" Siècle; Paris, 1883.
DEBURAU (Jean-Gaspard), mime français, né à New-
kolin, en Bohême, le 31 juil. 1796, mort à Paris le
16 juin 1846. Il fut en son genre l'artiste le plus fameux
qu'ait connu la France. Fils d'un bateleur nomade, il fut
exercé de bonne heure au métier de saltimbanque, en com-
pagnie de ses frères et sœurs. Il se trouvait à Paris avec
sa famille en 1811, et son père étabhssait son petit spec-
tacle dans une cour de la rue Saint-Maur. Quelques
années plus tard, le jeune Deburau était engagé au petit
théâtre des Funambules, qui venait de s'installer au boule-
vard du Temple, dans le local jadis occupé par le fameux
Curtius et ses figures de cire. C'est là qu'il devait conqué-
rir la renommée, grâce à un talent plein d'originalité qui,
dans un genre infime, devait en faire un des premiers
comédiens de son temps. On jouait la pantomime aux Fu-
nambules, et c'est dans la pantomime que Deburau devait
briller d'un éclat sans pareil, sous la souquenille blanche
et le serre-tête de Pierrot, dont il rajeunit la personna-
lité par son jeu spirituel et fin, en en faisant un type plein
d'une grâce naïve, d'une balourdise amusante et d'une
élégance qui ne se démentait jamais, même au milieu des
scènes les plus triviales et des situations les plus vulgaires.
On peut dire que Deburau fit courir tout Paris à ce petit
théâtre forain des Funambules, où les plus grands acteurs,
tels que FrédérikLemaître, M^^® Mars, M"^^ Dorval, allaient
l'applaudir, et où des écrivains de renom, tels que Jules
Janin, Charles Nodier, Théophile Gautier, Champfleury, se
pressaient pour le voir, et se faisaient auprès du grand pu-
blic les hérauts de sa gloire. Deburau était en réalité un
grand artiste, absolument inimitable en son genre et digne
de l'admiration qu'il excita pendant plus de vingt années.
Nous ne saurions reproduire les titres des innombrables
pantomimes dont il fit la fortune dans son petit théâtre, et
nous rappellerons seulement quelques-unes de celles dont,
grâce à lui, le succès fut le plus considérable : le Faux
Ermite, Oromaze etArimane, le Château de Pienthal,
le So7ige d'or. Ma Mère VOie, le Bœuf enragé, les
Trente-six Infortunes de Pierrot, V Oracle, le Billet de
mille francs, le Diable â quatre, les Jolis Soldats.,,
Jules Janin, qui était enthousiaste de Deburau, a publié
sur lui un petit livre qui a été plusieurs fois réimprimé
depuis son apparition, mais dont la première édition, au-
jourd'hui de toute rareté, est devenue un trésor de biblio-
phile : Deburau, histoire du théâtre à quatre sous^
pour faire suite à V histoire du Théâtre-Français,
DEBURAU (Charles), mime français, fils du précédent,
né à Paris le 12 févr. 1829, mort à Bordeaux le 7 déc. 1873.
Il prit la carrière de son père, et, peu d'années après la mort
de celui-ci, vint remplir au petit théâtre des Funambules
l'emploi de Pierrot dans lequel il avait conquis la célébrité.
Sans être à la hauteur de celui qu'on pourrait appeler « le
grand » Deburau, le fils ne fut pourtant pas indigne du
père, et fit preuve, lui aussi, d'un talent spirituel et fin. Il
conserva son emploi aux Funambules jusqu'en 4862,
époque où ce théâtre dut disparaître avec tant d'autres,
par suite de la destruction d'une partie du boulevard du
Temple. Charles Deburau prit alors la direction d'un tout
petit théâtre situé aux Champs-Elysées, qui, après avoir
servi, sous le nom de salle Lacaze, à des expériences de
physique amusante, avait été le premier asile des Boutfes-
Parisiens, et devint plus tard les Folies-Marigny jusqu'au
jour de sa démolition. Charles Deburau lui donna le nom
de Théâtre Deburau et, pendant un an ou deux, y joua
l'opérette et la pantomime, dans laquelle, naturellement,
il se montrait sous le costume de Pierrot. Le succès qu'il
y avait d'abord obtenu ne se prolongea pas, et Deburau
Ven alla donner alors des représentations en province.
DEBURE (Guillaume-François), surnommé le Jeune,
bibliographe et libraire, né à Paris en janv. 4 731 , mort
lelSjuil. 4782.11 àéhntdn^Sirk Muséum Typographicum,
seu coUectio in qua omnes fere libri rarissimi nota-
tuque dignissimi accurate recensentur (Paris, 4755,
in-42, 43 p.), tiré à douze exemplaires sous l'anagramme
Rebude. Ce n'était là qu'un essai, d'où sortirent les sept
volumes in--8 de la Bibliographie instructive (Paris,
4763-68). Cette bibliographie systématique est munie de
tables par catégorie et d'une table générale. Elle fut cri-
tiquée dans le Journal de Trévoux en ce qui concerne le
premier volume, par Mercier de Saint-Léger, et aussi par
Desbillons et par Fournier. L'auteur répondit par l'Appel
aux savants et aux gens de lettres (Paris, 4763, in-8),
et par la Lettre à M*"^*, etc. (Paris, 4763, in-8). Il fit
mieux, il profita des critiques et donna un Supplément à
la bibliographie instructive, ou Catalogue des livres
du cabinet de M. L.-J. Gaignat (4769, 2 vol. in-8). Ce
supplément a fourni à Née de la Rochelle sa Bibliographie
instructive, t. X, qui renferme une table destinée à fondre
ensemble les derniers travaux bibliographiques de G.-F.
Debure avec les premiers. G.-F. Debure a dressé aussi les
catalogues des livres de Girardot de Préfond, et du duc de
La Vallière, recherchés pour leur rareté. H. Monin.
BiBL. : J.-M. QuÉRARD, la Finance littéraire j t. II, p. 413.
— LiNGUET, Mémoires sur la Bastille; Paris, 1889, in-18,
pp. 179 et suiv.
DEBURE (Guillaume), surnommé VAînê, cousin germain
du précédent, bibliographe et libraire, né à Paris le 40 mai
4734, mort à Paris le 4 févr. 4820. Reçu libraire en 4759,
héritier des fonds de Debure le Jeune et de Jean-François
Debure, frère de Debure le Jeune, il se trouva par l'impor-
tance de ses affaires, autant que par son honorabilité, à la
tête de la librairie parisienne. Il ne publiait guère que des
livres anciens ou dûment censurés et privilégiés. Le con-
seil, sous l'influence de Lenoir et sur la plainte des libraires
de province, avait restreint la durée des privilèges et auto-
risé moyennant un droit fiscal d'estampille la vente des
éditions contrefaites. G. Debure, syndic adjoint, refusa
d'estampiller comme le pouvoir le lui avait enjoint. Il resta
quelques jours à la Bastille (du 23 au 29 janv. 4778). Dix
ans après son cousin germain Guillaume-François, il pu-
blia le Catalogue des livres provenant de la bibliothèque
de M. L,D,D.L. F. (le duc de La Vallière) (Paris, 1777,
in-8) : c'est le seul qui compte aujourd'hui. Quarante-deux
autres catalogues, indiqués par Quérard, ont fait de lui un
des créateurs de la bibliographie française. Sous l'ancien
régime, il fut libraire de l'Académie des inscriptions, de
la bibliothèque du roi, de celle du comte de Provence ;
pendant la Révolution, il fut membre de la commission
des monuments. Il forma pour sa femme un cabinet de
livres précieux qui est resté célèbre. Mort doyen des
libraires de France, il laissa deux fils, libraires comme
lui, et une fille, mariée à M. Dubeux. H. Monin.
GRANDE encyclopédie. — XIII.
— ^OM — DEBURAU — DÉBUT
DÉBUT (Théâtre). En matières théâtrales, on donne le
nom de début à la série d'épreuves préalables que doit
subir, avant d'être définitivement engagé, tout comédien
paraissant pour la première fois sur un théâtre où il est
encore inconnu. Le public étant juge de ses plaisirs, il est
naturel en effet qu'on lui laisse le droit d'apprécier la
valeur des artistes appelés à contribuer à ces plaisirs, et
que, de l'accueil qu'il fera à tel ou tel débutant, dépende
soit l'engagement, soit l'éloignement de celui-ci. De même
qu'un auteur, quel que soit le sort subi par sa pièce, a le
droit d'exiger qu'on la joue trois fois, de même le comé-
dien peut et doit effectuer trois débuts, pour que les spec-
tateurs le puissent juger en toute connaissance de cause.
A Paris, aujourd'hui, et depuis longtemps déjà, les débuts
ne sont plus même une sorte de formahté, et donnent sim-
plement lieu à une mention sur l'affiche; on s'en soucie
peu dans la salle, et l'épreuve est dépourvue de toute
espèce de sanction de ce côté; la direction seule se fait
juge de l'effet produit par l'artiste débutant et de la suite
à donner à son essai. Il n'en était pas de même autrefois,
alors que chaque théâtre, surtout parmi les plus grands,
avait ses habitués et se voyait suivi par un public fidèle,
qui se tenait soigneusement au courant de ses traditions,
de son répertoire et de son personnel. Les débuts avaient
alors une véritable importance, et chaque année, au renou-
vellement de la saison théâtrale, c.-à-d. après Pâques, on
voyait par exemple à la Comédie-Française, à l'Odéon, a
l'Opéra-Comique, s'effectuer toute une série d'épreuves de
ce genre, auxquelles venaient se soumettre un certain
nombre d'artistes de province, qui, sans toujours avoir
l'espoir d'être engagés, considéraient comme une laveur
très enviable cette faculté qu'on leur accordait de se mon-
trer devant le public parisien, alors si difficile et si éclairé.
Tous ne réussissaient pas; mais, par ce procédé, nos
théâtres trouvaient moyen parfois d'augmenter leur per-
sonnel d'utiles recrues, et qui leur faisaient le plus
grand honneur. Pour n'en citer que deux exemples pris au
hasard, on peut remarquer que deux des plus grands
artistes qui aient illustré la scène française, Préville et
M^^° Devienne, appartenaient à la province lorsqu'ils vin-
rent débuter dans la maison de Molière, oii ils excitèrent
l'enthousiasme ; il en était de même de M"»® Saint-
Huberty, qui fut l'une des gloires les plus éclatantes de
l'Opéra. Parfois un artiste débutait, donnant des espé-
rances, mais ne déployant pas un talent assez mûr encore
pour occuper l'emploi qu'il aspirait à remplir ; loin de le
décourager, on l'exhortait au travail, on le renvoyait en
province pour se perfectionner, puis après un an, deux ans,
trois ans, il reparaissait, renouvelait ses débuts et se
voyait cette fois accueilli. Il en était de même sur les
théâtres de vaudeville ou de drame. Dans certaines cir-
constances, il arrivait que ces débuts étaient une cause de
surprise pour le public et de grands succès pour l'acteur
et pour le théâtre ; par une sorte de fiction, on les prolon-
geait alors d'une façon insolite. C'est ainsi que vers i 786
ceux de M^^^ Desgarcins à la Comédie-Française, et vingt-
cinq ans plus tard ceux de M"^® Boulanger à l'Opéra-
Comique, ne durèrent pas moins de cinq ou six mois,
attirant chaque soir à l'un et l'autre de ces théâtres une
foule compacte et enthousiaste. Aujourd'hui tout est bien
change sous ce rapport ; le public est devenu tellement
banal, tellement cosmopolite, ne s'attachant plus à aucun
théâtre, allant tantôt ici, tantôt là, et ne songeant qu'à
varier ses plaisirs, que les débuts ne l'intéressent plus en
aucune façon et passent pour lui complètement inaperçus.
Mais c'est en province que la question des débuts pre-
nait jadis une importance exceptionnelle. A une époque
où le manque absolu de liberté politique ne laissait aux
citoyens que cette unique occasion de manifester librement
leurs sentiments, ils en profitaient, on peut dire qu'ils en
abusaient, pour se livrer sans réserve à toutes sortes d'excès
sous le couvert d'une question artistique dont ils grossis-
saient démesurément 1 importance. Le renouvellement de
66
DEBUT -. DECAISNE
- d04â
Tannée théâtrale était alors, surtout dans les grandes
Tilles, un événement qu'aucun autre ne pouvait surpasser,
donnant lieu à des manifestations, à des incidents, parfois
à des scandales et de véritables émeubs, dont, fort heu-
reusement, la rareté se fait plus grande de jour en jour.
Dans quelques-unes de ces villes, entre autres à Lyon et à
Rouen, à Marseille et à Bordeaux, le public, qui voulait
surtout passer pour difficile et connaisseur, s'était fait une
grande et légitime réputation de méchanceté ; il était à tout
le moins fort mal élevé, et il est certain que sa grossiè-
reté, sa cruauté même envers les artistes n'étaient pas
suffisantes pour donner une haute idée de son bon goût en
matière d'art. L'époque des débuts en province était celle
du renouvellement de scènes vraiment indescriptibles.
Bien que les spectateurs fussent admis à émettre leur opi-
nion par un vote et à décider ainsi l'acceptation ou le rejet
de chacun des artistes qui leur étaient présentés, ce qui
aurait dû suffire à épargner à ceux-ci toute espèce d'affront
direct, on voyait de pauvres comédiens devenir, dès leur
entrée en scène, l'objet de manifestations hostiles et inso-
lentes, parfois de grossièretés indignes et d'outrages sans
nom. Que le physique de l'un ne parût pas assez heureux,
que le costume de l'autre laissât quelque chose à désirer,
c'étaient aussitôt des ricanements, des sifflets, des chut ! des
huées qui partaient de tel ou tel côté de la salle, avant
même que l'acteur ou le chanteur eût pu placer un mot
ou faire entendre une seule note ; ni Fâge, ni le sexe ne
trouvaient grâce devant ces prétendus juges qui agissaient
en bourreaux. On devine aisément l'effet moral que des
encouragements de ce genre devaient produire sur d'infor-
tunés artistes qui, avant même de se présenter devant la
rampe, étaient plus morts que vifs et tremblaient de tous
leurs membres. Puis, si l'on consentait enfin à les écouter,
il arrivait ceci que huit, dix, vingt spectateurs mal dispo-
sés ou disposés à trouver tout mauvais, se mettaient à
siffler en cadence tel ou tel débutant, tandis que tout le
reste de la salle applaudissait. Une lutte s'établissait alors
entre applaudisseurs et siffleurs, des colloques s'élevaient
de l'un à l'autre camp, des interpellations étaient lancées
aux artistes, des injures, parfois des voies défait s'échan-
geaient dans la salle, on réclamait la présence du régis-
seur ou du directeur pour s'exphquer avec lui, les esprits
s'échauffaient de plus en plus, on cassait quelques ban-
quettes, le commissaire de police intervenait, souvent sans
succès, se voyait hué par quelques drôles, le bruit, le
tapage, le tumulte se transformaient en tempête, jusqu'au
moment, où, appelé à agir, il opérait quelques arrestations
et, si cela ne suffisait pas, faisait de force évacuer la salle.
Alors des groupes animés, furieux, se formaient devant le
théâtre, discutant comme s'il se fût agi d'une question
d'Etat, et, chose inouïe, on voyait des gens qui se préten-
daient bien élevés ne pas craindre d'aller guetter la sortie
des artistes pour les injurier indignement et publiquement,
hommes ou femmes, ou bien se rendre en masse devant la
demeure du directeur pour le gratifier d'un ignoble chari-
vari, quand il ne leur prenait pas fantaisie de briser avec
des pierres les vitres de ses croisées.
Il n'y a pas si longtemps encore que telles étaient les
moeurs sauvages de la province en matière théâtrale. Les
journaux étaient pleins de récits de scènes de ce genre, et
l'on ne savait trop, en Usant ces récits, ce qu'il fallait le
plus admirer, de l'imbécillité, de la grossièreté ou de la
lâcheté des auteurs de semblables méfaits. Cela se renou-
velait pourtant régulièrement chaque année, dans la plu-
part de nos villes^de province, en France, au xix^ siècle,
chez le peuple qui se dit, non sans quelque raison cepen-
dant d'ordinaire, le plus doux et le plus policé de la terre î
Fort heureusement, ces coutumes tendent à disparaître
davantage de jour en jour, et bientôt il n'en restera plus que
le souvenir. Dans les départements comme.à Paris, les débuts
s'effectuent généralement, aujourd'hui, au milieu d'une
tranquillité parfaite, et c'est à peine même si, de temps à
autre, le sifflet s'y fait entendre. A, Pougin.
DÉCADE (Astron.). Période de dix jours employée
d'abord par les Grecs dans leur calendrier (V. ce mot),
puis dans le calendrier républicain.
DÉCADENTS (Litt.) (V. Symbolistes).
DEÇA EN (Charles-Mathieu-Isidore, comte), né à Creully,
près de Caen, le 13 avr. 4769, mort à Ermont, près de
Montmorency, le 9 sept. 4832. Engagé volontaire dans
l'artillerie de marine en 478T, il s'en retira en 4790, puis
fut élu par ses concitoyens, en 4792, sergent-major de la
2® compagnie du 4® bataillon des volontaires. Adjudant-
major sous Kléber, au siège de Mayence, en 4792, il prit
part ensuite à la guerre de Vendée comme officier d'état-
major, servit sous les ordres de Kléber à l'armée de Rhin-
et-Moselle, fut nommé général de brigade en 4796, pen-
dant la campagne d'Allemagne, et reçut les félicitations du
Directoire qui lui vota un sabre d'honneur. Sans cesse en
campagne en 4798, 4799, il fut promu général de division
en 4800, et contribua puissamment au gain de la bataille
de Hohenhnden. Gouverneur des Indes françaises de 4804
à 4811, il fit preuve dans ce poste d'une capacité admi-
nistrative supérieure encore à ses talents militaires. A son
retour en France, il remplaça Macdonald au commande-
ment de Farmée de Catalogne. La Restauration voulut se
l'attacher et le promut à la dignité de grandTcroix de la Légion
d'honneur. Decaen était gouverneur de la 44« division quand
Napoléon revint de l'île d'Elbe. Il renouvela ses protestations
au roi, mais reçut peu après le général Clausel (V. ce nom) .
Après la bataille de Waterloo, il fut emprisonné pendant
quinze mois, et vécut, pauvre et retiré, à Ermont.
DECAEN (Claude-Théodore), général français, fils du
précédent, né à Utrecht en 4844, mort à Metz le 47 août
4870. Sous-lieutenant en 4829, il servit en Afrique, prit
part à la campagne de Crimée, se distingua à Malakoff et
fut promu général de brigade (4855). Commandant de la
garde impériale, il servit en Italie où il fut nommé géné-
ral de division après la mort du général Espinasse tué à
Magenta. Il eut une conduite brillante à Solférino où il
décida du gain de la bataille. Durant la guerre franco-
allemande de 4870, il eut le commandement de la quatrième
division d'infanterie sous les ordres de Bazaine, puis, lorsque
Bazaine prit la tête de l'armée du Rhin, il lui succéda au
commandement du troisième corps. Il fut mortellement
blessé le 44 août 4870 au combat de Golombey-Nouilly.
DÉCAGONE. Polygone de dix côtés. Le décagone ré-
gulier inscrit dans un cercle de rayon R a pour côté
/"g \
R ^ — ^ — , on peut construire ce côté avec la règle et le
compas ; c'est le plus grand segment du rayon partagé en
moyenne et extrême raison. Le polygone dont nous venons
de parler est convexe^ en d'autres termes il n'a pas
d'angles rentrants ; si l'on joint ses sommets de 3 en 3
on obtient le décagone étoile régulier, de même rayon.
Le côté du décagone régulier étoile est égal au côté du
décagone réguHer non étoile, augmenté du rayon ; sa
J5+4
valeur est donnée par la formule R ^ — ^ — .
DÉCAGRAMME (V.Systême métrique).
DECAISNE (Henri), peintre belge, né à Bruxelles le
27 janv. 4799, mortà Paris le 47 oct. 4852. Malgré le lieu
de sa naissance, cet artiste peut être compté comme Fran-
çais par son éducation artistique et sa résidence en France.
Après quelques études premières faites à Bruxelles, il partit
pour Paris vers sa vingtième année, sur les conseils de
l'illustre David ; il entra dans l'atelier de Girodet, où il
développa son talent d'une manière remarquable. Il se mit
ensuite pendant quelque temps sous la direction de Gros.
D'un caractère grave et élevé, il recherchait la simpHcité
et la grandeur dans ses compositions, d'un dessin correct
et ferme, d'une coloration bien observée, parfois un peu
papillotante, surtout dans ses premiers ouvrages ; une
certaine froideur, un manque d'originalité vraie, dont il
ne put jamais se départir, l'empêchèrent seuls d'être un
4043 —
DËCÂISNÊ - DECAMPS
artiste de premier ordre. Les œuvres principales de
H. Decaisne sont : Milton aveugle dictant le Paradis
perdu à ses filles (S. 1827; méd. de 2^ cl.) ; les
Adieux d'Anne Boleyn à sa fille Elisabeth (S. 1833) ;
le Duc de Guise parmi les Ligueurs au château d'Eu
(S. 1835) ; l'Ange gardien (S. 1836) ; la Charité
(S. 1839 ; mus. de Hambourg) ; le Chancelier de l'Hô-
pital pendant la Saint-Barthéleynij (S. 1851); le
Dauphin dans la prison du Temple, il 95 (S. 1852).
On lui doit encore : les Quatre Evangélistes et l'Edu-
cation du Christ (S. 1844), à Saint-Paul et Saint-
Louis de Paris ; Sainte Thérèse, à N.-D. de Lorette ;
r Assomption, à l'église du Gros-Caillou ; à Versailles :
les Derniers Moments de Louis Xi// (S. 1831) ; Entrée
de Charles Vil a Rouen, i445 (S, 1838); Institution
de fordre de Saint-Jean de Jérusalem, HiS (S. 1842) ;
Prise de Marrah, i098 (S. 1844) ; Boniface de Mont-
ferrât élu chef de la 4^ croisade, i285 {S. 1848), et de
nombreux portraits de personnages historiques, contem-
porains de la première dynastie des Valois. Au palais du
Luxembourg, un grand plafond allégorique : la Loi,
entourée de la Justice et de la Force, protège VOrdre
et le Ir avait ; la Gloire récompense les guerriers et
kl Bienfaisance secourt les malheureux (1843). La
ville natale de l'artiste possède de lui une vaste composi-
tion : la Belgique couronnant ses plus illustres enfants,
ensemble de quatre-vingts personnages, placé dans le
chœur de l'église des Augustins, et un tableau, Agar et
Ismaël dans le désert, au musée royal. Enfin, parmi
les nombreux portraits de personnages connus, peints par
cet artiste fécond, les plus remarquables sont : le Duc
d'Orléans en uniforme d'artilleur de la garde natio-
fiale, J.-B. Say, W^'^Malibran (S. 1831), Victor Schœl-
cher, M^^ Damoreau-Cinti (S. 1833), Lamartine (S.
1839), l'Amiral Duperré (S. 1844). Ad. Thiers.
BiBL. : L. Alvin, Notice biogra'fyhique sur H. Decaisne
insérée dans 1g t. XXI des Bulletins de V Académie voyaÂe
de Bruxelles 1854. — Magasin pittoresque, t. XXXVI,
1858 (avec gravure).
DECAISNE (Joseph), botaniste français, frère du précé-
dent, né à Bruxelles le 7 mars 1807, mort à Paris le 8
févr. 1882. Il devint jardinier du Muséum en 1824, aide-
naturaliste en 1833, membre de l'Académie des sciences
dans la section d'économie rurale en 1847, professeur de
culture au Muséum, en remplacement de Mirbel, en 1850;
plus tard il fut nommé chef de culture. Chargé d'un cours
de botanique au collège Chaptal, il conserva ces fonctions
jusqu'à sa mort. — Dès 1831, Decaisne avait attiré l'at-
tention sur lui par une série de travaux sur l'agriculture,
l'acclimatement des plantes industrielles en France, l'ana-
tomie et la physiologie végétales, etc. Directeur des Annales
des sciences naturelles, il y a publié un grand nombre de
mémoires ainsi que dans d'autres recueils ; membre fonda-
teur de la Société botanique de France, il s'intéressa beau-
coup à la publication de son bulletin. C'est Decaisne qui a
découvert les organes reproducteurs des varechs, reconnu
la nature végétale des corallines, démontré le parasitisme
des Rhinanthacées, etc. Ouvrages principaux : Becherches
anatomiques et physiologiques sur la garance (Paris,
1887, in-4, pi.); Becherches anatomiques sur la bet-
terave à sucre (Paris, 1839) ; Histoire de la maladie
des pommes de terre (Paris, 1845, in-8) ; Herbarii Ti-
morensis descriptio (Paris, 1835, in-4, avec 6 pi.); le
Jardin fruitier du Muséum, etc. (Paris, 1871-1872,
av. pî.) ; la Flore des jardins et des champs, avec Le-
maout (Paris, 1855-1 865, in-8) ; Traité général de bota"
nique, avec Lemaout (Paris, 1867, in-4), D'' L. Hn.
DÉCALAGE (Techn.). (V. Calage).
DÉCALCOMANIE. Procédé par lequel on transporte sur
matières diverses des sujets peints avec des couleurs spé-
ciales et qui, humidifiées, se décalquent à l'aide d'une
simple pression en se détachant des feuilles de papier sur
lesquelles elles étaient appliquées. On commencera donc
par recouvrir une feuille de papier d'une couche de ma-
tière susceptible de s'en détacher régulièrement quand on
humecte le papier, et sur laquelle on exécute soit à la
main, soit par impression mécanique, des sujets mono ou
polychromes. On alune fortement le papier sur l'une de
ses laces et l'on y dépose de suite une couche d'albumine
additionnée de quelques gouttes d'alcool à 45<* et d'un peu
de gomme adragante, que l'on peut remplacer par une
couche de colle de caséine et de borax. Quand ce papier
est sec, on peint sur l'enduit. On découpe les sujets et,
mouillant légèrement, on applique sur la matière où l'on
veut faire le transport en humectant ensuite la décalcoma-
nie sur la face non peinte. Au bout de quelques instants
il n'y a plus qu'à soulever le papier dont l'image se dé-
tache et reste adhérente à l'objet sur lequel on l'appuie.
Une couche de vernis déposée ensuite par-dessus préserve
la décoration contre les altérations. L. K.
DÉCALITRE (V. Système métrique).
DÉCAL06UE (V. Commandement).
DÉCALQUE. Opération qui consiste à reproduire sur
une feuille de papier, une planche à dessin ou toute autre
matière, un dessin d'une façon infiniment plus rapide que
par les procédés graphiques ordinaires. Le décalque rend
surtout des services considérables lorsqu'il s'agit de repro^
duire un certain nombre de fois un même dessin. Tel est
le cas d'une gravure, par exemple, derrière laquelle on
placerait une feuille de papier noirci posée sur un feuillet
de papier blanc. En suivant les contours de la gravure à
l'aide d'une pointe émoussée d'acier ou d'ivoire, on obtient
sur le papier blanc un tracé noir qui est un véritable dé-
calque. On arrive au même résultat à l'aide d'un calque de la
gravure, ce qui a l'inconvénient de constituer un travail
de plus pour l'artiste, mais l'avantage de ne pas abîmer la
gravure. Les décalques sont obtenus ainsi dans le môme
sens que l'original. Dans le dernier cas, cependant, le
décalque pourrait être en sens inverse, si on prenait soin
de retourner le calque lui-même en sens inverse avant
de commencer à décalguer chaque trait. Mais lorsque le
calque est prêt sur papier glacé ou papier gélatine, ce qui
est le procédé habituellement employé par les graveurs,
qui ont besoin de retourner leurs sujets sur leurs planches
afin qu'à l'impression ils se retrouvent dans le sens de l'ori-
ginal, le décalque est toujours pris en sens inverse puisqu'il
faut retourner le calque pour que, sous l'effet d'une pres-
sion exercée soit avec le brunissoir, soit avec la main, les
traits creusés à la pointe déposent leur poudre de crayon.
On se sert fréquemment d'un papier préparé spéciale-
ment, dit papier à décalque, qu'on interpose entre l'ori-
ginal et la pièce où doit se faire le transport. En repassant
les traits du dessin avec la pointe à tracer, la matière dont
est enduit le papier à décalque se dépose suivant les con-
tours tracés. Pour préparer du papier à décalque, on se
sert d'un mélange de saindoux, de térébenthine et de bleu
de Prusse, ou de plombagine, ou de vermillon en poudre
très fine, étendu en couche régulière qu'on laisse sécher et
dont on enlève l'excès déposé avec du papier Joseph. On
prépare le papier à décalque sur une ou deux faces à vo-
lonté. Dans ce cas, en le plaçant entre deux feuilles de
papier et posant l'original par-dessus le tout, on peut ob-
tenir deux épreuves à la fois. Un procédé plus rapide,
qu'emploient surtout les dessinateurs en broderies, con-^
siste à piquer un dessin fait sur papier fort de trous d'ai-»
guille aussi rapprochés que possible. Pour obtenir un
décalque de ce contour, on tamponne avec un petit sac
renfermant de la poudre de fusain, de la sanguine ou du
bleu pour le linge, et la poudre, en traversant les petites
ouvertures, indique par une suite de points le contour
dont on voulait avoir une reproduction exacte. L. K.
DÉCAMÈTRE (V. Système métrique).
DÉCAMPER (Artmilit.) (V. Tactique).
DECAMPS (François) (V. Camps [François de].
DEÇA M PS (Gabriel-Alexandre), peintre français, né à
Paris le 3 mars 1803, mort à Fontainebleau le 22 août
i 860. Les premières années de Decamps s'écoulèrent à la
DECAMPS — DECAPAGE
1044 —
l
campagne, en Picardie, et qui sait si ces impressions si
intenses que ressentit Fenfant devant le spectacle de la na-
ture n'influèrent pas sur son tempérament et ne décidèrent
pas de sa vocation? Après quelques années passées, comme
il Ta écrit lui-même, dans Fétude de « l'inexorable latin »,
son goût pour le « barbouillage » se montrant impérieu-
sement, le jeune Alexandre entra dans l'atelier du père
d'un de ses amis, le peintre Bouchot, à qui il dut quelques
bons avis, et ensuite chez un académicien célèbre alors,
M. Abel de Pujol ; mais, négligé par un maître absorbé par
ses préoccupations personnelles, Decamps quitte l'atelier et
le voilà livré à lui-même. Le succès de vente obtenu par
quelques petits tableaux vient l'encourager et en même
temps le décider à se passer de leçons et d'enseignement.
Comme il l'a écrit lui-même, « l'absence de tout principe est
seul un mal ». Decamps en a appris assez, il possède les
rudiments. Viennent les années, il se sera perfectionné
tout seul par des études opiniâtres, et le génie suivra de
près. Il voyagea, regardant, étudiant, voyant et, en 1827,
au retour d'un voyage en Orient, il exposa au Salon deux
tableaux : Soldat de la garde d'un vizir et Chasse aux
vaisseaux. Pendant quatre ans, il passe assez inaperçu,
lorsqu'en 4834 la Ronde de nuit le conduit du coup, si-
non à la gloire, tout au moins à la célébrité et fait de lui
un coryphée de l'école romantique. En 4834, h Défaite
des Cimbres et le Corps de garde turc accentuent ses
succès, qui se continuent en 4839 par Joseph vendu par
ses frères^ et cependant, si Decamps conquérait la jeunesse
et la majeure partie des critiques, la direction des beaux-
arts le voyait d'un mauvais œil, et non seulement il ne
recevait aucune commande officielle, bien qu'il fût chevalier
de la Légion d'honneur depuis 4839, mais encore le Salon
de 4846 lui refusait plusieurs tableaux. Au reste, Decamps
}rit le bon parti : il travailla tranquillement, enrichissant
es collections particulières sans exposer, et en 4855
envoyant cinquante toiles à l'Exposition universelle. Il était
officier de la Légion d'honneur depuis i 854 . Ayant fui le
monde, dont l'éloignaient du reste forcément ses nombreux
voyages, Decamps habita surtout Compiègne et Fontaine-
bleau et c'est dans cette dernière ville qu'il mourut.
Une grande part de l'intérêt qu'inspire l'œuvre de De-
camps est dû à sa merveilleuse fécondité, et non seulement
dans le nombre de ses productions, mais encore dans leur
variété. C'est à ses lithographies et à ses caricatures qu'il
dut d'abord sa popularité. Dans ce dernier genre, il a une
place à part, à la hauteur peut-être de Grandville et
Charlet, mais avec un style plus triste, une conception plus
amère. Ses hthographies sont des notes ; c'est, si l'on veut,
le mémento d'un artiste, des souvenirs de voyage, des
impressions : c'est un chien, des chevaux, un lion, un
nègre fumant sa pipe , ici des suisses , là des paysages
d'Asie, etc. En peinture, il a abordé tous les genres avec
une égale aisance : le genre, les paysages d'Orient, les ani-
maux et les chasses, les compositions historiques et reli-
gieuses. D'une part, l'influence de l'Orient, d'autre part,
une fréquentation intime avec l'œuvre de Rembrandt, nous
donneront, pour ainsi parler, la clef du génie de Decamps.
C'est tantôt l'indication du type ou Farrangement synthé-
thique du détail qui fait vivre devant nos yeux cet Orient
inconnu et troublant, comme dans le paysage turc du
Salon de 4834 ou les Cavaliers à r abreuvoir; là, c'est le
prestige du coloris en même temps qu'une naïveté voulue
mise au service d'un sujet religieux, ou une mignardise
sans mièvrerie apportée à un tableau de genre, et l'admi-
ration s'impose à considérer ce tempérament protéen du
peintre, si divers par le nombre de genres qu'il aborde, en
nême temps que si personnel dans l'exécution et le rendu.
L'œuvre de Decamps est considérable, surtout quand on
songe qu'un grand nombre de toiles ont été enfouies à
jamais dans les collections particulières sans avoir passé
par les expositions. On trouvera des listes très suffisantes
dans les monographies. Henri d'Argis.
BiBL. : Ernest Cheneau-Panckoucke, le Mouvement
moderne en peinture, 1861. •— Thoré, Salon de 18^6- —
Chaumelin, Decamps ; Marseille, 1861. ~ Charles Clé-
ment, Decamps; Paris. — Ad. Moreau, Decamps; Paris.
— Docteur Véron, Mémoires d'un bourgeois, dans Vlndé-
pendance belge du 28 juin 1855.
DECANAT(V. Doyen).
DE CANDOLLE (V. Candolle [De]).
DÉCANTATION. L Pharmacie. -- La décantation est
une opération qui a pour but de séparer un liquide du dépôt
qui s'y est formé. Ordinairement, avec le temps, les parti-
cules solides qui troublent la transparence d'un liquide se
déposent peu à peu au fond des vases, de telle sorte qu'il
suffit d'incliner avec précaution ces derniers pour effectuer
la séparation. Le dépôt est-il léger, avec tendance à se dis-
séminer dans les couches environnantes, on fait écouler le
liquide par une ouverture latérale, munie d'un robinet situé
un peu au-dessus du dépôt. Si on opère sur de petites
quantités, il est commode de se servir de verres coniques,
plus larges en bas qu'en haut, l'inclinaison des parois s'op-
posant à l'adhérence des précipités. La décantation s'effectue
très souvent à l'aide d'un siphon. Le plus simple de ces
appareils consiste en un tube de verre recourbé, à branches
inégales. La courte branche plongeant dans le liquide, on
aspire avec la bouche par l'autre extrémité, et l'écoulement
s'effectue ensuite régu-
lièrement, tant que l'ex-
trémité inférieure de la
petite branche reste plon-
gée dans les couches
liquides. Ces dernières
sont -elles dangereuses
pour l'opérateur, on
pratique l'aspiration au
moyen d'un tube laté-
ral B, fixé sur l'extré-
mité inférieure de
la gTande branche ; on ferme avec le doigt l'extrémité A, on
aspire en B et on enlève le doigt dès que le liquide arrive en C.
Enfin, le liquide dégage-t-il des- vapeurs délétères, on remplit
le siphon de ce liquide ou de tout autre qui peut sans incon-
vénient se mélanger au produit. Le siphon de Bunters porte
une boule B qu'on remplit de liquide : en immergeant l'autre
extrémité, la boule se vide en partie et l'amorcement se trouve
produit d'une manière simple et commode; on utilise cette
disposition lorsqu'il s'agit de liquides contenus dans des
vases à ouverture étroite. Pour de petites quantités de liquide,
on se sert souvent de pipettes en verre. Une pipette est un
tube de forme variée, terminé par une ouverture étroite et
muni, suivant sa longueur, d'une partie renflée en forme de
boule ou de cylindre. Pour décanter un liquide avec cet instru-
ment, on plonge l'extrémité inférieure dans ce liquide et on
aspire avec la bouche par l'autre extrémité ; on ferme ensuite
cette dernière avec le doigt et on soulève le tout, qu'on peut
transporter d'un endroit dans un autre, l'écoulement n'ayant
lieu que lorsqu'on enlève le doigt. Si le liquide est corrosif,
ou s'il émet des vapeurs dangereuses à respirer, il faut
agir avec précaution lorsqu'on fait l'aspiration ; si rien ne
s'y oppose, on introduit, dans la partie inférieure de la
pipette, une petite quantité d'eau. On a recours avec avan-
tage à ce petit artifice avec les liquides non miscibles à
l'eau, comme le brome. Enfin, l'instrument peut être gra-
dué en centimètres cubes, ce qui permet de mesurer et de
diviser au besoin le liquide décanté.
On fait quelquefois usage, dans la décantation des liquides
précieux, d'une mèche de coton ou d'une petite boule de
papier non collé, qu'on façonne en deux branches inégales :
on plonge la plus courte dans le liquide, et ce petit" sys-
tème fonctionne par capillarité, à la manière d'un siphon,
ne laissant au fond du vase, sous forme de précipité, que
les matières étrangères qui troublaient la transparence du
liquide. Ed. Bourgoin.
IL Hydraulique. — Décantation des réservoirs (V. Ré-
servoir).
DÉCAPAGE (Industrie). Le décapage est une opération
— 404o —
DEGx\PAGE
chimique ou mécanique que Ton fait subir aux métaux
pour les débarrasser des oxydes et des corps étrangers
qui adhèrent à leur surface et qui seraient autant d'obs-
tacles à leur soudure ainsi qu'à l'adhérence d'un dépôt
galvanique. Dans cette dernière branche de l'industrie, le
décapage est une manipulation des plus importantes et de
laquelle dépend souvent la réussite de l'opération, puisque
la trace la plus imperceptible d'un corps étranger quel-
conque est suffisante pour détruire l'adhérence des deux
couches métalliques entre elles.
Le décapage du cuivre , du laiton, du bronze, du mail-
lechort, de Toréide, du similor, de For français, de For de
Manheim, du bristish métal, de l'argentan , en un mot de
tous les alliages où il entre une forte proportion de cuivre,
comporte six opérations, qui toutes doivent s'exécuter ra-
pidement sans intervalle ni aucun repos.
4° La recuisson au feu ou le dégraissage par un al-
cali qui s'obtient en chauffant les pièces sur un feu doux
de poussier de charbon, de braise de boulanger ou mieux
dans un four jusqu'au rouge sombre. Dans le cas où ce pro-
cédé ne serait pas applicable à certains objets d'une grande
délicatesse, il suffirait de les plonger dans une solution de
potasse formée de une partie de potasse pour dix parties
d'eau et portée à l'ébullition.
2^ Le déroché. Les objets provenant de la recuisson
sont plongés dans un mélange de 5 à 20 parties d'acide
sulfurique à 66^ p. °/o d'eau ordinaire jusqu'à ce qu'ils
soient débarrassés de la couche noire de bioxyde de cuivre
qui les recouvrait. Les pièces dégraissées à la potasse
ne peuvent être dérochées qu'après un lavage à grande eau.
3° Le passé à l'eau- forte vieille. L'eau-forte considé-
rablement affaiblie par de précédents décapaiçes est em-
ployée de préférence dans cette opération; il suffit d'y
plonger les objets dérochés jusqu'à disparition complète de
la couche rouge de protoxyde de cuivre, pour ne présenter
après lavage qu'une teinte métallique bien uniforme.
4<* Le passé à l'eau-forte vive. On prépare une solu-
tion renfermant 100 parties d'acide nitrique à 36^, 1 partie
de chlorure de sodium et 4 partie de suie grasse calcinée, et
on y plonge les pièces bien secouées et égouttées, quelques
secondes seulement, car l'attaque se produit avec la plus
grande énergie.
5<* Le passé aux acides composés à brillanter ou à
mater. Les acides composés à brillanter, connus encore sous
le nom d'indispensables, sont de deux sortes suivant le but
qu'on se propose. Si les objets doivent présenter un beau
brillant, on les plonge en les y agitant pendant une ou deux
secondes, dans un liquide préparé la veille pour qu'il soit
entièrement refrqidi avec :
Acide nitrique à 36° 400 p. en vol.
— sulfurique à 66^ .. . 4 00 —
Sel de cuisine 4 —
On doit de toute nécessité rincer très vivement et à
grande eau au sortir de ce bain. Pour les industries qui
décapent journellement de très petits objets comme épingles,
agrafes, etc. , les acides indiqués ci-dessus seraient trop éner-
giques, on les additionne d'un huitième de leur volume
d'eau. Ils portent alors le nom d'eau arrière a brillanter.
Les vernisseurs et même la plupart des doreurs et ar-
genteurs, au lieu de préparer fréquemment de nouveaux
acides composés à brillanter, se servent d'un mélange pres-
que sans proportions : de vieille eau-forte, d'acide sulfu-
rique, de sel marin et de suie grasse, auquel ils donnent le
nom de blanchiment ou de bain de blanc. Si au lieu d'un
aspect brillant on désire donner aux objets une belle ap-
parence mate, on les plonge au sortir des eaux-fortes et
après lavage dans un bain composé aussi la veille avec :
Acide nitrique à 36^ 200 p. en vol.
— sulfurique à ^^^, . , 400 —
Sel marin 4 —
Sulfate de zinc 4à5 —
On peut laisser les objets dans ce bain de cinq à vingt
minutes ; le mat se prononcera en raison de la durée d'im-
mersion. Au sortir du bain et après lavage à grande eau,
on éclaircit le mat en plongeant vivement les pièces dans
les acides composés à brillanter, pour les laver ensuite ra-
pidement et à grande eau.
6** Le passé à l'azotate de bioxyde de mercure. Cette
opération, qui a pour but de faciliter l'adhérence du dépôt
avec le métal sous-jacent, consiste à plonger pendant une ou
deux secondes les objets décapés dans la solution suivante :
Eau ordinaire 40 kilogr.
Azotate de bioxyde de mercure liq. . . . 40 gr.
Acide azotique ou sulfurique 20 —
Les traitements successifs que nous venons d'indiquer
conviennent au cuivre et à tous les alliages riches de métal;
le maillechort seul présente quelques difficultés et exige
des bains de décapage nouvellement préparés. Ces bains
sont d'ordinaire contenus dans des vases de verre, grès,
porcelaine, de forme haute relativement étroits, et munis
d'un couvercle.
Décapage de l'argent. Comme pour le cuivre, on porte
l'argent au rouge sombre, puis on le plonge encore chaud
dans une déroche bouillante d'acide sulfurique étendu d'eau.
Quelques doreurs, au lieu de recuire l'argent à feu nu, le
chauffent dans des coffrets de tôle remplis d'un mélange
de craie, de poussière de charbon et de borax en poudre.
Quelque soit le procédé employé, l'argent recuit et parfai-
tement blanchi par le déroché peut être immédiatement
soumis au dépôt d'un autre métal, mais celui-ci présente,
au sortir du bain, le même mat que présentait l'objet lui-
même. Pour obviera cet inconvénient, il suffit de brillanter
l'objet à l'aide du brunissoir ou de le mater au gratte-
brosse. Pour les très minces objets, on leur communique le
brillant désiré par le sassage ou le baquetage.
Décapage du zinc. On le passe rapidement dans une
solution de potasse bouillante, on le rince à l'eau fraîche
et on l'immerge quelques minutes dans une eau acidulée
d'un dixième d'acide sulfurique ; on le rince à grande eau,
et si c'est nécessaire, on le gratte-brosse vigoureusement.
On peut encore plonger vivement le zinc à décaper dans un
mélange refroidi de :
Acide sufurique 400 p. vol.
— azotique 400 —
Sel marin 4 7^
On le lave ensuite à grande eau.
Décapage du plomba de l'étain, etc. Le plomb, l'étain,
l'alliage de ces deux métaux qui constitue la soudure, le métal
d'Alger, la composition des théières anglaises, ne présentent
pas, à beaucoup près, la même facilité de décapage que les
métaux précédents. Le seul moyen connu est un dégraissage
rapide à la potasse et le frottement à l'aide d'un corps dur.
Décapage de l'acier. Les objets polis en acier ou en fer
sont d'abord dégraissés par une ébullition dans la potasse,
frottés légèrement à la ponce en poudre fine et passés ra-
pidement dans un bain composé de :
Eau ordinaire 4 . 000 gr.
Acide chlorhydrique 300 —
ou — sulfurique 400 —
Décapage de la fonte et du fer. On immerge deux ou
trois heures dans une solution d'acide sulfurique au cen-
tième ; au sortir du bain on rince à grande eau, on frotte
avec du grès à l'aide d'un tampon de linge, puis ou repasse
à nouveau dans le bain de décapage. Ces derniers métaux
exposés à l'air humide subissent une altération profonde et
se recouvrent bientôt d'une couche épaisse de rouille. On
évite facilement cette oxydation en recouvrant la fonte, le
fer, l'acier d'une coucheprotectrice de cuivre plus ou moins
épaisse. Cette opération porte le nom de cuivrage, bronzage
ou bronzinage, et permet d'obtenir des objets ayant l'as-
pect et la durée du bronze sans en avoir le prix.
Le bronzage peut s'effectuer à l'aide de plusieurs pro-
cédés, tels que le procédé Weil, le procédé Oudry; dans le
premier, les objets en fonte, décapés comme il a été dit ci-
dessus, sont suspendus à l'aide d'un fil de zinc dans une
dissolution alcaline contenant de l'acide tartrique et du
DÉCAPAGE — DÉCAPITATION
^ 1046 -
sulfate de cuivre ; après un séjour de trois lieures dans ce
bain, on les retire, on les gratte-brosse, puis on les plonge
de nouveau dans lé bain. Dans le procédé Oudry, on évite
le décapage toujours difficile de la fonte et du fer, il suffit
de recouvrir les surfaces d'un enduit isolant inattaquable
aux acides. Une fois cet enduit sec, on le rend conducteur
de l'électricité à l'aide de la plombagine, puis on plonge la
pièce ainsi préparée dans le bain de sulfate de cuivre em-
ployé pour la galvanoplastie ; on obtient ainsi un dépôt de
cuivre que l'on peut à volonté rendre plus ou moins épais.
C'est à l'aide de ce procédé qu'ont été bronzées : la fon-
taine Louvois, les fontaines et les colonnes rostrales de la
place de la Concorde, les fontes d'ornement destinées aux
fenêtres et aux portes extérieures du nouvel Opéra, ainsi
qUë tous lès candélabres qui ornent nos rues et nos boule-
vards. — On emploie ebcore pour le décapage partiel ou
complet des menus objets lùétalliqUes : le chlorure double
de zinc et d'ammoniaque, le chlorhydrate d'ammoniaque et
le borax ; ce dernier surtout est exclusivement employé en
bijouterie pour braser fet souder les métaux pi'écieux, uti-
lisant ainsi la propriété que possède le borax de dissoudre
facilement les oxydes métalliques. Ch. Girard.
DE CAPlTANI (Giovanni-Battista), littérateur italien,
né à Milan le 4 juil. 4846, mort en 4880. C'était un
érudit très sagace et très chercheur, qui a publié bon
nombre d'études sur divers sujets d'histoire littéraire et
de linguistique, parmi lesquelles nous mentionnerons :
Note aile voci e manière di dire piii spesso mutate
neir ultima ristampa dei Promessi Sposi (Milan, 4842);
il Decamerone del Boccaccïo in tutta la sua sana
parte proposto agli studiosi délia italiana favella
(Milan, 4843) ; Bella Lingua corhune in Italia e deW
Accademia délia Ci^usca (Milan, 4846) * Intorno alla
i)ita ed agli scritti di Francesco Cherubini (Milan,
4852); CenniBipgrafici intorno alV abate Giuseppe
Villa (Milan, 4864); Délia Vita e degli scritti di Gio-
vanni Gherardini (Milan, 4868); Dell' Intelletto del
Tasso cercdto a fondo nei siioi scritti (Milan, 4869) ;
Earzago oltre Adda, schizzo storico (Milan, 4873) ;
U7îa Giterella autunnale da Milano a Roma descritta
e veduta d'uccello (Milan, 4875). Il a, de plus, rédigé
une grande partie du- Catalogue des monnaies grecques
du cabinet numismatique de Milan, R. G.
• DÉCAPITATION (PhysioL). La tète de l'homme séparée
du corps par un instrument tranchant, la perception ou la vie
consciente subsiste-t-elle encore? C'est là un des problèmes
qui ont vivement agité les médecins et les philosophes, sur-
tout au commencement du siècle. L'histoire de la décapi-
tation se confond avec l'histoire de l'humanité ; la civili-
sation, dans sa marche ascensionnelle, a simplement, et à
une époque relativement récente, substitué à la hache ou au
glaive manié à la main, une machine beaucoup plus per-
fectionnée et dont l'effet est plus sûr et plus rapide. On
peut, comme dans toutes les questions scientifiques, grouper
en deux périodes les discussions passionnées soulevées à
ce sujet. Dans la première, toute hypothétique, on se con-
tente d'observations banales, souvent de raisonnements
métaphysiques ou de données sentimentales, puis, dans la
seconde, qui correspond à ses dernières années, obéissant
au besoin de précision qui marque notre époque, on cherche
à préciser les conditions expérimentales, à utiliser les ani-
maux et les moyens.
Sœmmering et avec lui Aldini, Werckard, etc., soutinrent
que le sentiment persiste après la décollation : aussi long-
temps que le cerveau conserve sa force vitale, dit Sœmme-
ring, le supplicié a le sentiment de son existence. Or, pour
prouver que le cerveau a conservé sa force vitale, ils citaient
l'observation de Laveling qui, en irritant la moelle épi-
nière, aurait vu des contractions très fortes de la face. On
connaît la légende de la tête de Charlotte Corday, rougis-
sant d'indignation, lorsque le bourreau la frappa de la
main. Sue, allant plus loin que Sœmmering et OEster, sou-
tenait que l'on souffrait dans le tronc comnie dans la tète.
Dans les recherches de 4800, Aldini, utilisant les cou-
rants galvaniques, vit que les contractions de la tête pou-
vaient persister trois quarts d'heure.
Trois points sont importants à étudier dans la décapi-
tation : la conscience persiste-t-elle ? peut-on la faire
revenir ? quel est le mécanisme de mort ? C'est à l'étude de
ces points divers que se sont attachés MM. Laborde, Gley,
Regnard, Hayem,P.Loye poursuivant leurs recherches à la
fois sur les suppliciés, quand les circonstances le leur per-
mettaient, et sur les animaux. Le premier problème est,
pour ainsi dire, insoluble ; il n'existe aucun signe, en effet,
aucun caractère pour reconnaître si tel mouvement est ou
n'est pas une manifestation de la volonté. Toutefois, Loye est
arrivé à constater sur le chien qu'un certain nombre de mou-
vements, qui auraient pu passer pour volontaires, se pro-
duisaient en l'absence certaine de la volonté. Il endormait
l'animal par le chloroforme et opérait la décapitation quand
toute volition était abolie ; or, dans ces circonstances, la tête
présentait certains mouvements observés sur les chiens dé-
capités à l'état de veille. Quant aux convulsions constatées,
elles sont dues à l'anémie brusque, amenée par la section de
tous les vaisseaux sanguins du cou.
La mort est-elle donc instantanée après la décollation ?
Non, si l'on veut faire la distinction nécessaire entre la vie
et la conscience. Toutes les discussions, toutes les contro-
verses, depuis Sœmmering et Cabanis, (Ester et Petit, et
tous les autres, sont dues à cette confusion dans les mots.
De ce qu'un nerf reste excitable, de ce qu'un muscle se
contracte, on ne saurait conclure à la persistance du moi
conscient, mais simplement à la persistance de la vie prdpre
des tissus. Les éléments qui constituent notre organisme
possèdent une certaine indépendance qui leur permet une
existence propre, quoique limitée, et telle que, lorsque l'être
est mort, les tissus, eux, ne meurent que successivement et
suivant une marche bien définie et bien connue. C'est ainsi
que, sur les suppliciés, M. Laborde a pu constater l'exci-
tabilité des éléments de la substance cérébrale, pendant
vingt-cinq minutes. Mais si la conscience disparaît après la
décapitation, on pouvait se demander si elle était capable
de renaître, comme après une syncope, en replaçant la
tête dans les conditions physiologiques où elle se trouvait
avant la section. On sait en effet que, sur un membre
séparé du tronc, l'injection de sang oxygéné fait revenir
l'excitabilité et la contractilité. Brown-Séquard a fait la
même expérience sur la tète d'un chien et a vu revenir les
mouvements spontanés et même des mouvements à appa-
rences volontaires, mais il faut, d'après MM. Hayem et
Barrier, que cette circulation soit rapidement faite. Si l'on
agit dès la dixième seconde, on observerait d'après ces der-
niers auteurs des mouvements qu'ils considèrent comme
volontaires : mouvements des globes oculaires spontanés ou
suscités par l'approche d'une lumière vive, par l'appel do
la voix, efforts de lappements quand on approche une
écuelle d'eau, etc. M. Laborde a réussi à faire la trans-
fusion rapide sur une tête de suppHcié à Troyes, et il a
pu ainsi prolonger la persistance de Texcitabilité des élé-
ments de la substance cérébrale, mais il ajoute que s'il est
permis d'entrevoir la possibilité du retour des phénomènes
de la vie consciente, ce dernier n'est que de très rapide durée.
Nous arrivons ainsi à la dernière question. Quel est le mé-
canisme de mort ? Si la décapitation n'amenait la mort que
par suite de la suppression brusque de l'irrigation sanguine
et par conséquent par asphyxie, la circulation artificielle pra-
tiquée rapidement devrait suffire pour ramener la vie dans
les tissus de la tête, y compris la masse cérébrale ; mais le
mécanisme de la mort est plus complexe. Il faut tenir compte
d'un autre facteur bien important, la section brusque de la
moelle, son irritation et l'existence de phénomènes d'arrêt,
d'actes inhibitoires, comme les a appelés Brown-Séquard,
contre l'effet desquels la circulation artificielle reste impuis-
sante. Les observations cliniques montrent en effet que les
lésions de la moelle cervicale par fractures, luxations des ver-
tèbres, etc., sont capables d'amener immédiatement la
— 1047
DÉCAPlTAflON - DÉCASTÎLE
mort. D'après ie professeur Brown-Séquard, il ne s'agit pas
de la destruction du nœud vital de Legallois, mais d'une
irritation partielle du lieu de la lésion, rirritation se ren-
dant aux cellules nerveuses qui ont sous leur contrôle la
respiration, la circulation et toutes les fonctions orga-
niques, et suspendant leur activité, amènent ainsi Farrèt
immédiat de ces fonctions.
Pour résumer cette question, on peut dire que la con-
science disparaît immédiatement avec la décapitation et que
cette perte subite est due aux phénomènes d'arrêt ayant
pour point de départ l'irritation de la moelle allongée et
secondairement à l'asphyxie. D'' P. Langlois.
BiBL. : Labordè, Société de Biologie : Comptes 7'endus
Académie des sciences^ 1885-1888. — Hayem et Barrier,
1887. —P. LoYE, là Mort par la décapitation Ahèse de Paris,
1887. ,
DÉCAPODES. I. Zoologie. — Mollusques. Genre de
Mollusques-Céphalopodes composant le deuxième sous-ordre
des Acétabulifères, caractérisé par un corps nUj allongé^
ovoïde, parfois cylindrique ; à tête distincte du corps,
pourvue d'yeux mobiles, parfois protégés par une paupière
transparente et fixée^ d'autre fois en contact immédiat avec
l'eau. Dix bras surmontant la tète ; sur ce nombre huit
sont sessiles, armés de cupules obliques, pédonculées et
pourvues d'un cercle corné ; les deux autres bras en forme
de tentacules, plus ou moins rétractiles, ordinairement
très longs, sont terminés en massue et munis de capsules
ou de crochets uniquement à leur extrémité. Un osselet
interne plus ou moins résistant remplace la coquille. 11 faut
encore noter des nageoires marginales ou caudales, l'ab-
sence d'ouvertures aquifères cephaliques, remplacées par
des ouvertures brachiales, oculaires et buccales. Ce sous-
ordre comprend les familles des Cranchiadés^ Loligop-*
sidés^ Chirotefithidés ^ Loligidés, Onyehoteutidés ^
Sepiadés. J. Mabille.
Crustacés, — Division des Crustacés - Podophtalmes ,
caractérisée par la disposition de la carapace, qui recouvre
complètement la tète et le thorax et dont les parties latérales
forment au-dessus des articles basilaires des pattes-mâ-
choires et des pattes ambulatoires, une cavité dans laquelle
sont placées les branchies ; l'abdomen présente des carac-
tères très variables, mais il peut être considéré sous deux
formes principales, qui permettent de diviser les Décapodes
en deux grands groupes : les Macroures et les Brachyures,
ces derniers paraissant dériver des premiers ; chez les
Macroures (type : le Homard), il est très développé, porte
cinq paires de pattes et une grande nageoire terminale ;
chez les Brachyures (type : le Crabe), il est très réduit,
en forme de lame repliée contre le sternum et ne porte plus
que deux paires de pattes grêles et filiformes. Cette organi-
sation de l'abdomen, si différente dans les deux groupes,
imprime à la structure des différents organes des modifica-
tions corollaires, dont il sera question à propos des deux
groupes. En outre des caractères sus-énoncés, les Déca-
podes, qui sont les plus élevés en organisation de tous les
Crustacés, se reconnaissent encore à leurs cinq paires de
pattes ambulatoires — ce qui leur a valu leur nom —
leurs pièces buccales sont constituées par une lèvre supé-
rieure, une paire de mandibules, deux paires de mâchoires
et trois paires de pattes-mâchoires, — organes que nous
étudierons à propos de l'Ecre visse que nous prendrons
comme type, parce que cet animal a été très bien étudié,
— les branchies sont disposées en houppes ou en feuillets.
Les caractères tirés des autres organes sont trop variables,
suivant les genres, pour que nous nous y arrêtions ici.
L'embryogénie des Décapodes a été souvent étudiée ; chez
beaucoup de types, le jeune animal revêt les formes les
plus curieuses et les plus inattendues, fort intéressantes au
point de vue des doctrines de la descendance, et que nous
passerons en revue à propos des formes chez lesquelles
elles ont été étudiées. Les Décapodes se trouvent dans
toutes les mers, sous toutes les latitudes, à toutes les pro-
fondeurs, un très petit nombre vivent dans Peau douce, ou
passent une partie de leur existence à terre. R. Mzi
IL Paléontologie. — Les Crustacés-Décapodes n'ont
pris leur entier développement que dans les temps modernes :
les Macroures d'abord, à l'époque mésozoïque, les Bra-
chyures plus tard, dans le tertiaire et à l'époque actuelle.
Les premiers représentants des Macroures se montrent
cependant dès le dévonien supérieur (Palœopalœmon) et
le carbonifère {Anthrapalœmon)^ constituant un groupe
à part qui s'éteint de bonne heure (V. Anthrocârides).^—
Dans le trias apparaissent des représentants des Eryonidm
et des Glyphœidœ, familles qui atteignent leur plus grand
développement dans le trias et sont actuellement presque
complètement éteintes» Toutes les familles des Macroures
sont déjà représentées à cette époque, mais les Astacomorpha
n'atteignent leur apogée que dans le crétacé. Les types d eau
douce ne sont pas connus avant le tertiaire. — Les premiers
Brachyures sont du crétacé (V. Cancer), mais les Crabes
fossiles sont surtout abondants dans l'éocène. Le genre Pro-
sopon(àes Dromiadœ)^ qui est jurassique, peut être con*
sidéré comme l'ancêtre commun des Anomoures et des
Brachyures qui descendent eux-mêmes de types macroures
plus anciens (V. Crustacés [Paléontologie]). E. Trouessart.
DEÇA PO LE. Ce terme, qui signifie les dix villes, sert à
désigner dans les Evangiles (S. Mathieu, iv, 25 ; 6'. Marc^
V, 20), dans les écrits de Josèphe et chez les géographes '
latins, une région de la Palestine, qui ne semble pas avoir
formé proprement une division politique. Cette région, sise
S.-O., S. et E. du lac de Génésareth, comprenait notam-
ment les villes de Scythopolis, Philadelphie, Gérasa, Ga-
dara, Pella, Canatha, Hippos ; d'autres y comprennent la
ville de Damas.
DÉCARBURATION (Métall.) (V. Carburation).
DECARG Y RE. Monnaie employée dans l'empire grec;
valait environ 1 fr. 80.
DÉCASTÈRE (V. Système métrique).
DE CASTRO (Salvator-Angelo) , érudit italien, né à
Oristano, en Sardaigne, le 27 oct. 1817, mort depuis 1880.
De 1843 à 1845, il rédigea à Cagliari un journal de poli-
tique libérale, la Meteora, et, en 1848, il fut élu député.
Bien qu'ecclésiastique et chanoine, il professait des opi-
nions relativement avancées; on le nomma, en 1877, ins-
pecteur général des études pour la province de Sardaigne.
Il a publié quelques poésies et quelques études archéolo-
giques : Nuovi Codici d^'Arborea, con la versione in
Italiano; il Professor Mommsen e le carte d'Ârborea;
i Primi Abitatori delta Sardegna, etc. R. G.
BiBL. : Sîotto PiNTOR, Storîa letteraria délia Serdegna,
DE CASTRO (Giovanni), littérateur italien, né à Padoue
en 1837. Malgré son origine, il fait partie du groupe des
hommes de lettres milanais ; il a, en effet, toujours habité
Milan et y a publié presque tous ses livres. Citons de lui
des ouvrages de critique, de biographie ou d'histoire : Ugo
Foscolo (Turin, 1861); the Secret Societies of ail âges
and countries^ étude publiée d'abord en anglais (Londres,
1875); Arnaldo da Èrescia^ e la rivoluzione romana
del XII secolo (Livourne, 1875) ; Fulvio Testi e le corti
italiane nella prima meta del xvii ^eco^a (Milan, 1875);
i Popoli delV antico Oriente (Milan, 1878, 2 vol.) ; la
Storia delta poesia popolare milanese (Milan, 1879) ;
Milano e la Repubblica cisalpina, giusta le poésie, le
caricature ed altre testimonianze dei tempi (Milan,
1879); Milano durante la dominazione napoleonica,
giùsta le poésie^ etc. (Milan, 1880) ; laCaduta del régna
d'Italia, etc. (Milan, 1880); Storia dltalia del 1799
al i8i4 (Milan, 188i); Milano 7iel 1100, etc. (Milan,
1888); nouvelles : Foglie d'autunno, nôvelle (Turin et
Milan, 1857) ; la Battaglia delta vità, storia d'âmore
di Carlo Dickens; Cuore di sposa; VAngelo del sacri-^
ficio, 7iovelle (Milan, 1863) ; Anima sofelle; Cuore
d*artista (Milan, 1865); Tempeste del cuore ^ novelle
(Milan, 1869).
BiRL. : G. Passano, i Noveltiéri italiani inprosa; Turin,
1878, 2 vol. in-8.
DÉCASTYLE. Ce terme, formé de deux mots grecs signi-
DECASTYLE — DECAUVILLE
i048
fiant dix et colonne^ désigne toute ordonnance de façade
de temple, de portique ou d'édifice composée de dix colonnes.
Vitruve (III, i) remarque que les seuls temples hypœthres,
vastes édifices dont la cella était en partie découverte, pou-
vaient présenter dix colonnes sur leurs façades du pronaos
et du posticum (façades antérieure et postérieure) et cet
auteur ajoute toutefois que, de son temps, la ville de Rome
ne possédait pas de temple de ce genre. En revanche, le
temple de Vénus et de Rome que l'empereur Adrien fit
construire, dans cette ville, non loin du Colysée, comptait,
sans être hypoethre, deux rangées de dix colonnes sur ses
deux façades et le dernier temple de Jupiter Olympien, à
Athènes, terminé par cet empereur, était à la fois hy-
pœthre et décastyle. Charles Lucas.
DECASYLLABE (Métr.), vers de dix syllabes. Ily en a
plusieurs sortes usités dans la versification grecque et la-
tine. Le plus connu est le décasyllabe composé de deux
dactyles et de deux trochées, qui termine la strophe alcaïque
(V.Alcaïque). La poésie lyrique présente des décasyllabes
qui sont à proprement parler des pentapodies iambiques.
au \koi TCoBayoç a6Xia vsvou
(Eur., P/iœn., 1715.)
ou des pentapodies trochaïques, également acatalectiques
et pures, comme :
Taç xspaaodpou Tte^uxev 'louç
(P/iœn., 248.)
La versification française emploie deux sortes de déca-
syllabes (V. Césure). A. Waltz.
DÉCATISSAGE (Tiss.) (V. Apprêt, t. ÏÏI, p. 440).
DECATUR. Ville des Etats-Unis de l'Amérique du Nord,
Etat dlUinois, comté de Maçon ; 9,547 hab. en 1880. Centre
important de chemins de fer, entrepôt de denrées agricoles.
DECATUR (Stephen), marin américain, né à Philadel-
phie le 5 janv. 1779, mort près de Bladensburg (Maryland)
le 22 mars 4820. Le grand -père de Decatur était un
huguenot de La Rochelle qui avait quitté la France après
la révocation de Tédit de Nantes et s'était établi à New-
port (Rhode Island). Son père commanda un des premiers
navires de guerre de la marine américaine naissante,
le sloop Delaware qui captura un corsaire français de
vingt canons. Il commanda ensuite la frégate Philadelphia^
construite avec une souscription des principaux négociants
de la capitale de la Pennsylvanie. Après la courte guerre
maritime contre la France, de 1798 à 4799, il se retira
dans sa propriété, située près de Philadelphie. Le jeune
Stephen Decatur, élevé à l'école de son père pour la pro-
fession de marin, fut midshipmanenl798, à dix-neuf ans.
Il servit d'abord sur la frégate the United States avec le
Commodore Barry, puis sur le brick Norfolk comme pre-
mier lieutenant, et sur VEssex dans l'escadre placée sous
les ordres du commodore Dale (4800) et destinée à protéger
dans la Méditerranée le commerce américain contre les dé-
prédations des Etats barbaresques. Il commanda ensuite le
New-York, puis VAi^gus dans l'escadre du commodore
Prebles, et enfin V Enterprise, toujours dans la Méditer-
ranée. En 4803, tandis que Prebles bloquait Tripoli, le
capitaine Bainbridge, poursuivant un bâtiment turc avec la
frégate Philadelphia, donna dans un bas-fond, et la fré-
gate fut capturée avec tout son équipage. Le lieutenant
Decatur, monté sur le caïque Intrepid, avec quelques
hommes résolus, entra de nuit dans le port de Tripoli,
aborda la Philadelphia à l'ancre, en chassa l'équipage
turc et incendia la frégate sous le feu des batteries de
terre. Cet exploit valut \ Stephen Decatur le grade de ca-
pitaine et le vote d'une épée d'honneur par le Congrès
(4804-4805). Dans la guerre contre l'Angleterre en 4842,
Decatur, commandant la frégate the United States, ren-
contra près de l'île de Madère la frégate anglaise Mace-
donian, et s'en empara après une heure et demie de
combat. Ce fut un des plus brillants exploits maritimes de
la guerre. Lorsque le vainqueur ramena sa prise à New-
port, un grand enthousiasme éclata dans tout le pays, et le
nom de Decatur, comme ceux de Hull, de Jones et de
Bainbridge, fut tout d'un coup célèbre. En 4845, le dey
d'Alger ayant pris un bâtiment américain et réduit son
équipage en servitude, Decatur, nommé commodore, fut
envoyé, après la paix de Gand, avec la plus forte escadre
que les Etats-Unis eussent encore réunie. Il franchit le
détroit de Gibraltar en juin 4845, s'empara du meilleur
bâtiment de la flotte algérienne, une frégate de quarante-
quatre canons (47 juin), puis d'un brick, et parut devant
Alger le 29. Le dey, effrayé, vint signer la paix sur le
pont du vaisseau que montait le commandant. Par ce traité
le dey rendait tous ses captifs, payait des indemnités et
renonçait pour l'avenir à toute prétention d'obtenir des
présents ou un tribut des Etats-Unis. De semblables re-
nonciations furent obtenues des gouvernants de Tunis et de
TripoH. A son retour aux Etats-Unis, Decatur fut nommé
membre du conseil naval près le département de la ma-
rine. Le 22 mars 4822, il tomba mortellement blessé dans
un duel avec le commodore Barron. A. Moireau.
DECAUVILLE (Paul), industriel et homme politique
français, né à Evry-Petit-Bourg (Seine-et-Oise) le 7 juin
4846. Membre d'une famille d'agriculteurs originaire de
Normandie, qui avait créé à Petit-Bourg une série d'éta-
blissements (exploitation agricole, distilleries, raffineries,
carrières de pierres meulières) et des ateliers de construc-
tion dont l'importance est par la suite devenue prépondé-
rante (V. ci-après), M. Paul Decauville, ayant terminé ses
études classiques, se préparait à entrer à l'Ecole centrale,
lorsque son père, fort malade, le pria en 4864 de partager
avec lui l'écrasante direction de ses affaires. Dès lors,
M. Decauville se consacra presque exclusivement à cette
tâche qu'il assuma tout entière, en 4874, à la mort de son
père. Pendant la guerre franco-allemande, il s'engagea
comme volontaire et contribua, dans l'artillerie, à la défense
de Paris. Le 2 févr. 4890, les électeurs sénatoriaux de
Seine-et-Oise, sur sa profession de foi républicaine, l'en-
voyaient (par 684 voix sur 1,337 suffrages exprimés) au
Sénat en remplacement de M. Léon Say, qui avait opté
pour la Chambre des députés, et le réélisaient au renou-
vellement triennal du 4 janv. 4894 par 674 voix sur
4,325 suffrages.
Usines et chemins de fer Decauville. — Les
usines Decauville se trouvent à Petit-Bourg, près de Corbeil,
à 40 kil. de Paris. Armand Decauville, père du directeur
actuel, les organisa et dirigea pendant longtemps l'exploi-
tation agricole et industrielle de Petit-Bourg. En 4875,
M. Paul Decauville, qui lui avait succédé, se trouvant em-
barrassé pour effectuer le transport d'une récolte extraor-
dinaire de betteraves, eut l'idée d'employer un système
de voie portative, pouvant se déplacer facilement. Le succès
de son idée l'engagea à la perfectionner et, en 4876,
ayant entendu parier du chemin de fer de Festinlog, cons-
truit en 4832 avec une voie de 0°*60 et des rails de
6 kilogr. par mètre courant, Paul Decauville se rendit
dans le pays de Galles, où il étudia le chemin de fer à voie
étroite. Frappé des avantages de ce système, il résolut de
l'importer et de le développer en France, mais en em-
ployant une voie complètement métallique. Il y réussit et
aujourd'hui l'usine de Petit-Bourg, après avoir livré en dix
ans pour près de 60 millions de chemins de fer portatifs,
possède, avec un personnel d'un millier d'ouvriers, un
ensemble de quatre cent cinquante machines-outils capables
de faire la besogne de quatre mille travailleurs et de
mettre en œuvre chaque mois 3 à 4,000 tonnes de fer et
d'acier. — Les établissements Decauville ont une autre
usine en Italie, à Diana-Marina (V. ce mot).
Chemin de fer Decauville. — A l'origine, M. Decauville,
préoccupé surtout des transports industriels, avait été
dominé par l'idée de rendre ses chemins de fer entièrement
portatifs et par suite facilement démontables. Il avait donc
adopté une voie d'une largeur de 0™40, telle qu'un homme
put en porter un tronçon en se mettant au milieu et en
tenant un rail de chaque main. Cette voie convenait bien
pour les petits terrassements, le service des briqueteries
— i049 —
DECAUVILLE
et de toutes les usines en général, mais pour les transports
de grande importance, on avait dû légèrement l'élargir et
la porter à O'^SO. Cette voie fut adoptée parla commission
supérieure de l'Exposition universelle de 1878 pour le
transport et la mise en place des colis des exposants dans
le palais du Champ de Mars et s'étendit sur 2 kil.
M. Decauville eut l'idée d'employer son système au
transport des promeneurs entre le Trocadéro et l'Ecole
militaire avec des wagonnets formant en quelque sorte des
bancs roulants, mais l'autorisation lui fut refusée ; c'est
alors qu'il s'adressa au Jardin d'acclimatation du bois de
Boulogne, où ont eu lieu les premiers essais de la voie de
O'^SO pour le service des voyageurs. Cette voie a été posée
dans le milieu d'une allée et encastrée dans le sable sans
aucune adjonction de traverses de bois. Sa longueur est de
IjSOO m. ; les courbes ont des rayons de 8 à 15 m. Les
wagons sont traînés par deux poneys, et la vitesse atteint
de 18 à 16 kil. à l'heure. M. Decauville commença ensuite
au printemps de 1879, sur une ligne de 5 kil. établie pour
le service de ses établissements de Petit-Bourg et posée
simplement sur ballast, des essais de traction à la vapeur
qui le décidèrent à adopter définitivement la voie de 0"^60
offrant plus de stabilité et de confort pour le transport des
voyageurs.
La voie, La voie, posée sur une couche mince de bal-
last, est en rails d'acier, du poids de O'^^SOO par mètre
courant. Les rails sont rivés avec des machines spéciales
très puissantes sur des traverses en acier embouti, dont
les deux extrémités ont été fermées au marteau pilon. Par
ce moyen le ballast est maintenu dans chaque traverse et
il en résulte une meilleure assiette de la voie. Le caractère
de la voie Decauville consiste en ce que le rail ne fait qu'un
avec les traverses et les éclisses. Affectant la forme d'une
échelle, chaque élément du système droit, courbe, ou dis-
posé en matière de croisement, est essentiellement portatif;
la voie se pose, s'enlève, se transporte, se réinstalle en un
temps très court et dans des conditions d'extrême facilité :
quatre hommes peuvent en déplacer et remonter 3U0 m.
en moins de 75 minutes.
Les éléments de voie sont de 5 m., 2'»50 et 1"^25 de
longueur. Ces éléments se posent simplement bout à
bout. Les éclisses du bout mâle sont percées d'un trou
correspondant à un autre trou pratiqué dans le rail du
bout femelle; d'où il suit que ces éléments peuvent se
boulonner quand la voie doit demeurer absolument fixe.
Au cas d'une traction par locomotive, il convient de mettre
des éclisses doubles, comme cela se fait dans les chemins de
fer ordinaires.
Les traverses employées pour la construction des lignes
par les grandes compagnies sont en bois ; celles de la voie
Decauville étant métalliques, il en résulte une grande éco-
nomie d'entretien ; ces parties essentielles ne se pourrissent
pas et n'ont pas besoin d'être remplacées périodiquement.
La voie Decauville porte aisément des wagons de l'"70 de
large. Ces voitures sont montées sur deux bogies avec
roues en acier de 45 centim. et contiennent cinquante-six
personnes. La locomotive adoptée est le système Mallet-
Compound.EWe pèse 9 tonnes et demie avide, 12 tonnes
en marche et peut donner une force de 75 chevaux. Le
chemin de fer Decauville peut circuler dans des courbes
de 20 m. de rayon et gravir des rampes de 8 °Iq. La loco-
motive Mallet-Compound peut remorquer 280 tonnes en
palier et 96 tonnes sur une rampe de 10 millim. Mais si
les transports ont lieu en palier, sur les rails Decauville,
les locomotives de 6 tonnes suffisent pour remorquer
15 tonnes à la vitesse de 20 kil., ou 35 tonnes à une
vitesse moitié moindre. Le poids des wagons de marchan-
dises varie entre 1,100 et 900 kilogr., suivant qu'ils sont
couverts ou découverts. Les derniers admettent une charge
de 2 tonnes et demie (ce qui fait 360 kilogr. de poids
mort par tonne).Pour le transport des pièces plus lourdes,
on se sert de petits wagons plates-formes à trois essieux
et à pivot, dont chacun peut porter 4 tonnes et demie. Deux
do ces wagonnets suffisent donc pour un canon de 9 tonnes
par ex. Le prix de revient d'une ligne Decauville, dans son
application la plus simple, c.-à-d. établie sur route, ne
nécessitant pas de travaux d'art considérables et d'acqui-
sitions de terrains, avec deux locomotives (dont une de
rechange), et un service de deux trains par jour en na-
vette sur une seule voie, ne dépasse pas en général
20,000 fr. par kilomètre (voie et matériel compris).
Applications. M. Decauville ayant enfin résolu le pT«-
blème du transport des marchandises et des voyageurs, à
l'aide de locomotives, sur la voie de 0^^60 de son système,
eut occasion d'en appliquer souvent la solution. En 1883,
il construisit une ligne de 65 kil. à travers la Tunisie, pour
relier Sousse à Kairouan. Plus tard, le gouvernement ita-
lien lui demandait 56 kil. de voie pour l'expédition d'Abys-
sinie ; 26 kil. furent envoyés de Petit-Bourg à Madagascar
pour l'organisation des transports du corps d'occupation
de Diégo-Suarez. Enfin la voie Decauville prouva par l'ex-
périence du chemin de fer de l'Exposition de 1889 que,
malgré la circulation fréquente de trains de vitesse, son
assiette n'était pas ébranlée, que les locomotives et les
wagons avaient la plus grande stabilité.
En six mois, plus de 6 millions de voyageurs ont été
transportés sans accident, à une vitesse de 23 kil. à l'heure,
sur cette ligne où existaient des pentes de 29 millim.
Chaque train pesait 51 tonnes sans la machine, de telle
sorte que cette dernière, de 12 tonnes, traînait plus de
quatre fois son propre poids. Le poids mort par voyageur
ne dépassait pas 143 kilogr. Sept locomotives et cinquante
voitures ont suffi à ce service qui comportait douze à treize
trains par heure. La consommation des machines est des-
cendue à 3,910 gr. de coke par kilomètre de train. Les
3 kil. de la ligne étaient à double voie. Une moyenne de
34,000 voyageurs y était transportée par jour, soit 17,000
sur chaque voie et pendant les six mois d'exploitation, il
n'y a eu à changer ni un rail, ni une aiguille, ni une
éclisse. Les chemins de fer Decauville, outre les exploi-
tations que nous en avons indiquées, avaient été employés
en Russie pour l'établissement du Transcaucasien et aux
Indes, au Tonkin, en Chine, etc., pour le transport des
voyageurs ou de matériel d'expéditions militaires. En
France, le ministère de la guerre les emploie avec beaucoup
de succès pour l'armement des côtes et des places, ainsi
que pour l'organisation de la défense mobile autour des
places fortes. Le commandant d'artillerie Péchot a d'ailleurs
apporté de nombreux perfectionnements dans le matériel
des chemins de fer portatifs au point de vue des services
qu'ils sont appelés à rendre à la défense nationale. —
La voie de O'^^OO qui avait trouvé de nombreux détrac-
teurs et qui, naguère, n'était pas reconnue comme légale,
vient enfin de recevoir la consécration officielle, et après
avoir été adoptée et employée par le ministère de la guerre,
elle a été, dans la séance du Sénat du 21 mars 1891, dé-
clarée légale en France par le ministre des travaux publics.
Une dernière difficulté restait à vaincre dans l'exploita-
tion du chemin de fer Decauville, c'était celle que rencon-
trait le transport des bestiaux qui en se jetant les uns sur
les autres pourraient déranger la stabilité des wagons. Les
ateliers Decauville ont trouvé un wagon spécial à ras du
sol et avec lequel cet inconvénient ne peut plus se pro-
duire. — Un chemin de fer Decauville fonctionne à
Royan sur un parcours d'environ 9 kil., et il est question
de prolonger cette ligne le long de la côte et de lui donner
un parcours de 45 kil. Plusieurs autres lignes vont être
exécutées dans le Loiret et le Calvados. De grandes
dépenses sont occasionnées aux départements par la cons-
truction de voies larges dont le trafic ne peut toujours
suffire à l'exploitation, il fallait donc avoir des chemins de
fer économiques ; parmi ceux-ci les chemins de fer Decau-
ville, en raison de l'économie qu'ils présentent et des ser-
vices qu'ils ont déjà rendus, paraissent appelés à prendre
une des premières places.
Les établissements Decauville sont aujourd'hui en société
DEGÂUVILLE — DECAZES
— 1050 —
au capital de 2 rftillions. M. Paul Decauvillé est président du
conseil d'administration de cette société. E. Aldebert.
BiBL. : NoôLEMAiRE, les Chemins de fer départementaux»,
dans la Revue de l'Exposition de 1889 ; Paris, 1889, n° 13.
— A. DE Lapparent, ies Chemins de fer économiques;
Corbeil, 1890. — F. Jacquillat, le Chenain de fer à voie
de O'^ôO à l'Exposition universelle de 1889^ dans la Revue
d'artillerie ; Paris, août 1890. — Lieutenant-colonel Hen~
jsedert, le Matériel de guérite à VExposition universelle
de 1889. Les produits dès établissements Decauvillé; Pa-
ris, 1890. — Paul Decauvillé. Régime des chemins de fer
secondaires en France; Corbeil, 1891.
D EGAUX (Gilles), littérateur (V. Caux [Gilles de]).
D EGAUX (Louis -Victor Blacquetot, vicomte), général
français, né à Douai en 1775, mort en 4845. Entré dans
le génie en 4793, il se fit remarquer par sa bravoure et
ses talents dans les campagnes sur le Rhin. En 4799, il
fut chargé par Moreau de régler les conditions de l'armis-
tice avec les Autrichiens. 11 contribua par ses habiles dis-
positions à faire échouer la descente des Anglais dans l'île
de Walcheren. C'est lui qui, en 4815, régla avec les géné-
raux alliés les conditions du séjour de leurs troupes sur le
territoire français. Nommé conseiller d'Etat en 4847, di-
recteur du personnel de la guerre et lieutenant général en
4823, il fut ministre de la guerre dans le cabinet de Mar-
tignac et devint pair de France en 4832, E. Feller.
DEGAZES (Elie, duc), homme d'Etat français, né à Saint-
Martin-de-Laye (Gironde) le 28 sept. 4780, mortàDecaze-
ville le 24 oct. 4860. Descendant d'une vieille famille bour-
geoise anoblie par Ï4enri IV, il étudia le droit, débuta comme
avocat à Libourne, puis se rendit à Paris, où sa souplesse,
son talent de parole et sa belle prestance lui valurent d'assez
brillants succès dans le monde. Devenu en 4805 gendre
de Muraire, premier président de la cour de cassation, il
entra Tannée suivante comme juge au tribunal de la Seine.
Louis Bonaparte, roi de Hollande, se l'attacha peu après
(4807) comme conseiller de cabinet et reçut de lui, pendant
et même après ses démêlés avec Napoléon, des marques de
dévouementqui indisposèrent l'empereur à l'égard du jeune
magistrat. Decazes n'en fut pas moins appelé en 4844
comme conseiller à la cour d'appel de Paris et entra la même
année dans la maison de Madame-mère à titre de secrétaire
des commandements. Mais il visait une place à la cour de
cassation. Les préventions de l'empereur contre lui Tém-
pêchèrent de l'obtenir. Aussi vit-il sans peine la chute du
régime impérial et se rallia-t-il avec joie à la royauté rétablie
en 4844. Après le retour de l'ile d'Elbe, Decazes se montra
sincèrement attaché aux Bourbons. Capitaine d'une compa-
gnie de la garde nationale, il offrit ses services à Louis XVÏII
et lui demeura fidèle même après le 20 mars. Son refus de
reconnaître la légitimité de l'Empire, qui venait de renaître,
lui valut d'être Q\i\Q de Paris pendant les Gent-Jours. Il y
rentra peu après Waterloo et fit bientôt, comme homme
politique, la plus éclatante fortune. Nommé préfet de police
le 7 juil. 4815, il eut à maintenir l'ordre à Paris dans les
circonstances les plus difficiles, montra beaucoup de fer-
meté, de tact, sut plaire aux souverains alliés et, à la suite
de quelques entretiens avec Louis XVIII, parvint à inspirer
à ce souverain non seulement une confiance sans réserve, mais
une affection presque paternelle. Elu député par le dép. de
la Seine (août 4845), il fut, quelques semaines plus tard
(24 sept.), appelé au ministère de la police générale en rem-
placement de Fouché. Confident et inspirateur du roi, il con-
tribua sans doute beaucoup à lui faire adopter entre les partis
une politique de bascule qui ne manquait pas d'habileté et à
laquelle, durant quelques années, le succès ne fit pas défaut.
S'il soutint et fit voter à la fin de 4845 plusieurs lois
d'exception par la Chambre introuvable, il en adoucit de
son mieux l'application par ses circulaires. Bientôt il fut
visible qu'il réprouvait les excès de la Terreur blanche et
qu'il ne dépendait pas de lui qu'elle ne prît fin. Loin de
partager les passions et les tendances rétrogrades du parti
ultra-royaliste, il voulait, par une observation sincère et
loyale de la Charte, rallier tous les Français autour du
trône. Il fallait, disait-il, royaliser la nation et nationaliser
le royalisme. La Chambre de 4845 avait un tout autre
programme et ne le prouva que trop bien. Decazes con-
seilla vivement au roi de la dissoudre et obtint gain de
cause le 5 sept. 1846. On sait que la nouvelle assemblée
se montra beaucoup plus modérée, plus conciliante que sa
devancière. Le ministre de la poHce contribua pour une
grande part à lui faire voter la loi électorale du 5 févr. 4847,
qui donnait dans le pays la prépondérance politique à la
bourgeoisie. Puis, surtout après l'affaire de Lyon (V. Canuel,
Fabvier), il s'efforça de faire cesser les persécutions et de
ramener le calme dans les esprits (4847-4848). L'animosité
des ultras à son égard croissait en raison directe de la faveur
que lui témoignait Louis XVIII. De là la ridicule Conspira-
tion du bord de Veau qu'il déjoua si aisément en 4848.
A cette époque, Decazes, que le roi avait déjà fait comte
et pair de France, épousa en secondes noces M^^^ deSainte-
Aulaire, petite-fille du dernier prince régnant de Nassau-
Sarrebriick, et, en considération de ce mariage, obtint du
roi de Danemark Frédéric VI la transmission de la terre et
du duché de Glilcksberg. Il était alors à l'apogée du crédit
et de la puissance. Le duc de Richelieu s'étant retiré des
afîaires (déc. 4848), parce qu'il ne pouvait faire agréer au
roi son projet de modifier, au profit de l'aristocratie, la loi
électorale de 4847, c'est lui qui fut chargé de composer un
nouveau cabinet, dont il fit donner la présidence nominale
au général Desselle, mais dont il eut, dès le début, la direc-
tion effective (janv. 4849). Il entra dans le nouveau
cabinet avec le titre de ministre de l'intérieur, conservant
du reste ses fonctions de police, qui cessèrent de corres-
pondre à un ministère spécial. Decazes donna dès lors une
très vigoureuse impulsion aux travaux publics, à l'indus-
trie, au commerce, à l'agriculture. Mais la politique ne
cessa pas d'être sa préoccupation principale. Neutralisant,
d'une part, grâce à une fournée déplus de soixante pairs
(5 mars 4849), l'opposition systématique qu'il rencontrait
dans la Chambre haute, il donna, de l'autre, des gages au
parti libéral en effaçant les dernières traces des lois d'ex-
ception et faisant voter les fameuses lois sur la presse de
4849. Mais les succès constants de ce parti dans les élec-
tions l'amenèrent quelque temps après à se séparer de lui.
Louis XVIII prenait peur et voulait maintenant réformer
la loi de 4847. Decazes en proposa donc lui aussi la modi-
fication (nov. 4849), ce que Dessolle et plusieurs autres do
ses collègues n'approuvèrent pas. Le cabinet se disloqua,
et le favori du roi en devint le chef officiel. Mais il ne jouit
pas longtemps des honneurs de sa présidence.
L'assassinat du duc de Berry par Louvel (43 févr. 4820)
fut suivi d'un tel déchaînement de fureurs ultra-royalistes
contre Decazes (que Clausel de Coussergues ne craignit pas,
en pleine Chambre des députés, de représenter comme
complice de ce crime) que Louis XVIII, obsédé par sa famille,
dut se résigner à le sacrifier. Mais si le roi consentit à sa
retraite (47 févr.), cène fut pas sans lui donner de nou-
velles marques de son estime et de sa sympathie. Il lui
conféra le titre de duc, l'envoya comme ambassadeur en
Angleterre et, peu de temps après, le nomma chevalier
de l'ordre du Saint-Esprit. Decazes, voyant le gouverne-
ment débordé par l'extrême droite, résigna son ambassade
lorsque le second ministère Richelieu fut remplacé par le
cabinet Villèle (déc. 4824) et rentra en France, où, jusqu'à
la fin de la Restauration, il lutta dans la Chambre des pairs
contre la faction qui l'avait renversé et dont les desseins écla-
tèrent au grand jour sous le règne de Charles X. Après la ré-
volution de 4830, il se rallia, non sans tristesse, mais avec
résolution, à la monarchie du Juillet. Il fut, de 4834 à 4848,
grand référendaire de la Chambre des pairs et rentra défini-
tivement dans la vie privée après la révolution du 24 février.
La seconde moitié de son existence fut surtout consacrée à
d'importants travaux agricoles et à des entreprises indus-
trielles dont la principale fut la création des grandes forges
de Decazeville, dans le dép. de l'Aveyron. A. Debidour.
DEGAZES ( Louis-Char les-Elie-Amanieu, duc de Glûck-
SBERG, marquis, puis duc), homme d'Etat français, fils
-. 1051
DËGÂZES — DECAZE^^ILLE
du précédent, né à Paris le 9 mai 4819, mort au château
de Graves (Gironde) le 46 sept. 4886. Grâce au crédit de
son père, il obtint de bonne heure de hauts emplois dans
la diplomatie et fut successivement, sous le règne de Louis-
Philippe, secrétaire d'ambassade à Londres, puis ministre
plénipotentiaire de France à Madrid et à Lisbonne. La ré-
volution de 4848 le rejeta dans la vie privée, mais ne le
fit pas renoncer à la politique. Membre influent du parti
orléaniste, il parvint à entrer au conseil général de la Gi-
ronde, se présenta, sans succès, comme candidat de l'op-
position dans la circonscription de Libourne, aux élections
législatives de 4863 et de 4869, mais ne réussit à jouer
un rôle de quelque importance qu'après la révolution du
4 septembre 4870. Ses déclarations en faveur de la Répu-
blique et du gouvernement de la défense nationale ne l'em-
pêchèrent pas, une fois élu député par le dép. de la Gironde
(8 févr. 4874), de s'associer, dans l'Assemblée nationale,
à toutes les menées du centre droit contre le gouvernement
de Thiers, à la chute duquel il contribua de toutes ses
forces, le 24 mai 4873. Il avait, peu de mois auparavant,
reçu avec éclat, dans son château, le comte et la comtesse
de Paris et avait, à plusieurs reprises, manifesté publique-
ment son espoir et son désir d'une restauration monarchique.
Le duc de Broglie, parvenu au pouvoir, ne pouvait
laisser dans l'ombre un tel auxiliaire. Nommé ambassadeur
à Londres, le 6 sept. 4873, il fut, le 26 nov. suivant,
appelé au ministère des affaires étrangères, où l'opinion que
lui et ses amis surent donner de son talent et de son in-
fluence diplomatique lui permit de se maintenir quatre ans^
malgré bien des crises parlementaires. Au dehors, il suivit
prudemment une politique négative d'attente et de ména-
gements, calmant de sOn mieux en 4874 les susceptibilités
de l'Italie, en 4875 celles de l'Allemagne et ne participant
qu'avec la réserve la plus timide aux négociations dont la
question d'Orient fut l'objet, de 4875 à 4877. En Espagne,
il contrecarra le carlisme, sans oser l'avouer, et favorisa,
sans franchise, les menées qui eurent pour résultat la chute
de la République et l'avènement d'Alphonse Xïï(4 874-4 875).
Au dedans, ne pouvant, pour l'heure, rétablir la monarchie,
il vota la constitution du 25 févr. 4875, d'où lui et les
siens espéraient bien faire sortir une restauration. N'ayant
pu réussir à se faire élire sénateur inamovible, il se pré-
senta, le 20 févr. 4876, comme candidat à la députation
dans deux circonscriptions, fut battu à Libourne, mais fut
élu au scrutin de ballottage (5 févr.) dans le VHP arron-
dissement de Paris, parce qu'il avait promis de soutenir
sans arrière-pensée les nouvelles lois constitutionnelles.
Il n'en participa pas moins, le 46 mai de l'année suivante,
au coup d'Etat parlementaire exécuté par le maréchal de
Mac-Mahon et le duc de Broglie et qui avait pour but d'en
amener l'anéantissement. Il garda son portefeuille sous un
gouvernement qui se proposait manifestement la destruction
de la République. Il était assez naturel qu'il succombât avec
lui. N'osant plus solliciter les suffrages des électeurs de
Paris, le duc Decazes se présenta, le 44 oct. 4877, à
Libourne où il fut battu et à Puget-Théniers où, grâce à
une pression et une corruption inouïes, ainsi qu'à certaines
complaisances pour le parti séparatiste du pays, il obtint
3,194 voix contre 2,395. Son élection fut annulée à une
énorme majorité par la Chambre, à la suite d'une enquête
retentissante, le 7 déc. 4878. Depuis cette époque, le duc
Decazes qui, lors de la formation du ministère Rochebouet
(nov. 4877), avait dû résigner son portefeuille, échoua
dans de multiples tentatives pour reparaître sur la scène po-
litique. A trois reprises, les orléanistes, ses amis, essayè-
rent, sans succès, de lui faire obtenir un siège de sénateur
inamovible. Les électeurs sénatoriaux de la Gironde le
repoussèrent le 26 avr. 4885; enfin, sa candidature à la
Chambre échoua une dernière fois dans Fàrr. de Libourne,
le 4 oct. de la même année. A. Debidour.
DECAZEVILLE. Ch.-l. de cant. du dép. de l'Aveyron,
arr. de Villefranche, sur leHieumort; 49,702 hab. Cette
■ville s'est formée autour des établissements miniers et mé-
tallurgiques qu'a fondés, dans cette partie du bassin houiller
d'Aubin, la société des houillères et fonderies de l'Avey-
ron. Cette société se constitua, à l'instigation du duc
Elie Decazes, par acte passé devant M® du Bois, notaire à
Paris, les 46 et 47 juin 4826. Elle fut approuvée par
ordonnance royale du 28 juin suivant. Son capital était
fixé à 4,800,000 fr. ; il fut plusieurs fois augmenté dans
la suite. En mai 4832, il lut porté à 7,200,000 fr.^t le
duc Decazes fit abandon de « la propriété absolue » des
terres, mines, etc., dont il n'avait d'abord cédé que la
jouissance. Le nom de Decazeville fut donné à l'usine,
qu'une ordonnance royale du 24 janv. 4829 l'avait auto-
risé à iaire construire au lieu dit Lagrange, et ce nom a
servi depuis à désigner la ville qui s'est formée autour de
cette usine. Non loin de là, sur la colline qui domine à
l'E. l'étroite vallée de Decazeville, se trouvait le château de
Lassalle, dont il ne reste que des ruines sans intérêt.
Cette proximité amena les habitants de la région à appeler
de ce nom les établissements de la société des houillères,
et les paysans l'emploient encore aujourd'hui concurrem-
ment avec celui de Decazeville. La plus grande partie du
territoire occupé par Decazeville formait autrefois la pa-
roisse supprimée de Yialarels. Il ne reste plus de sa vieille
église que quelques pans de muraille. Decazeville prospéra
très vite, grâce à l'intelligence et à l'activité de son pre-
mier directeur, François Cabrol. L'usine dans laquelle on
travaille aujourd'hui est encore, à de légères modifications
près, celle qu'il fit construire. Il en abandonna la direction,
pendant quelques années, mais la reprit, en 4840, et la
garda pendant vingt ans. C'est la période la plus brillante de
Decazeville. De son usine et de celle du Creusot sont sortis
presque tous les rails qui ont servi à la construction des
grandes lignes de Paris à Orléans, Tours, Nantes et Bor-
deaux. Les traités de commerce de 4860 lui portèrent un
coup terrible. La société, pour résister à la concurrence
des fers anglais, s'imposa de lourds sacrifices qui la con-
duisirent à la iaillite (4866). Les liquidateurs firent marcher
l'usine jusqu'en 4868. Elle fut alors achetée par la société
nouvelle des houillères et fonderies de l'Aveyron (V. l'ar-
ticle qui lui a été consacré dans le t. IV, p. 904). Cette
société se préoccupe moins de la fabrication du fer que de
l'exploitation des mines. Elle a été poussée dans cette voie
par son fondateur M. Desseilligny et, pendant sa direction
éclairée, Decazeville a retrouvé la prospérité d'autrefois. —
Il n'y a plus que deux hauts fourneaux en marche ; ils occu-
pent 420 ouvriers et produisent 42,000 tonnes de fonte.
La forge occupe 600 ouvriers et produit 45,000 tonnes
de fer. Les ateliers emploient 220 ouvriers qui travaillent
pour les hauts fourneaux, la forge, les mines et le com-
merce. On y a fabriqué dans ces dernières années beaucoup
de ponts en fer pour l'administration des ponts et chaussées,
les chemins de fer et l'industrie privée. — Les principales
concessions de mines de la société sont au nombre de huit :
Le Broual, Lassalle, Lacaze, Serons et Paleyret, Le Rial, Le
Rieu-Mort, Négrin et Rulhe. Elles comprennent 4,685 hect.
Les grands centres d'exploitation sont à Bourran, Combes,
Paleyret, Firmy et Le Banel. Les couches connues de ce
bassin peuvent se diviser en trois systèmes. Dans le système
supérieur la puissance de la couche varie de 35 à 80 m. ;
elle est exploitée à Bourran, où elle atteint 80 m., à
Combes et à la découverte de Lavaysse. La couche du sys-
tème moyen, dont la puissance varie de 8 à 20 m., est
exploitée à Firmy, Paleyret et Le Banel. Le système infé-
rieur n'a été exploité qu'à Rulhe. L'épaisseur de la couche
y varie de 2 à 3 m. La production actuelle de ces mines est
de 440,000 tonnes par an. Elles occupent, tant pour l'extrac-
tion que pour les criblages, lavages, etc., 2,300 ouvriers.
— La société de Decazeville possède plusieurs concessions
de minerai de fer, mais elle n'exploite que celle de Mon-
dalazac (com, de Marcillac) . Un chemin de fer de 25 kil. ,
appartenant à la société, la relie à Decazeville. Elle produit
annuellement 30,000 tonnes de minerai, — Les ouvriers
do Decazeville se sont trois fois mis en grève, en 4868,
DECAZEVILLE -- DÉCEMVIRS
4052
4878 et 4886. La grève de 4886 a été marquée par un
événement tragique et elle a donné lieu à plusieurs inter-
pellations à la Chambre des députés (interpellations Basly,
44 févr. ; Camélinat, 44-43-45 mars ; Maillard, 48 avr. ;
Michelin et Planteau, 29 mai). Elle éclata dans la matinée du
26 janv. et à quatre heures de l'après-midi le sous-directeur
delà compagnie, M. Watrin, était odieusement assassiné, sous
les yeux du maire, M. Cayrade, qui, trop confiant dans sa popu-
larité, avait eu l'imprudence de refuser le concours delà force
armée. — Une statue du duc Decazes aété élevée, en 4874,
sur la plus belle place de la ville. C'est une loi du 4 2 avr. 4884
qui a fait de Decazeville un chef-lieu de canton. C . Couderc.
BiBL. : PiLLEï-WiLL, Exameu analytique de l'usine de
Decazeville; Paris, 1832, in-4. — P. Soulié et L. Puecii,
François Cabrol^ ancien directeur-fondateur de Decaze-
ville; Rodez, 1882, in-8. — D. Laye, Histoire complète
des grèves de Decazeville sous la date lugubre du 26 févr,
1886; Toulouse, 1886, in-16.
DÉCÉBALE, roi deDacie, mortenl06 ou 407 ap. J.-C.
On ne sait si ce mot est un titre ou un nom d'homme.
Quoi qu'il en soit, celui qui le portait réunit sous son sceptre
tous les petits princes daces et attaqua les Romains. En 86
après J.-C, il envahit la Mésie, battit et tua le gouverneur
Oppius Sabinus. Domitien marcha contre lui, mais chargea
de la guerre Cornélius Fuscus qui lut tué au N. du Da-
nube. En 88, Tertius Julianus battit Décébale. Néanmoins
Domitien, pour se l'attacher, lui consentit un tribut annuel
(90) et lui envoya des ingénieurs et des ouvriers. Décé-
bale s'efforça d'organiser son armée à la romaine et de
civiliser son peuple. Vaincu par Trajan en 404 et 402, il
n'observa pas la paix qui l'avait réduit à la vassalité. Il
provoqua ainsi la grande expédition de Trajan et se suicida
après la prise de sa capitale (V. Dacie et Trajan).
DÉCEMBRE (Astron.). Nom du dixième mois de Tannée
romaine qui est actuellement notre douzième depuis que
l'édit de Charles IX, rendu en 4564, a fait commencer
l'année au mois de janvier.
Coup d'Etat du Deux Décembre (V. Deux Décembre).
DECEMBRIO (Uberto), moraliste et homme d'Etat ita-
lien, né à Vigevano, dans le Milanais, vers 4360, mort en
4427. Il fut secrétaire de Pietro Filargo di Candia, plus
tard pape sous le nom d'Alexandre V, puis secrétaire d'Etat
du duc Giovanni-Maria Visconti. Il avait composé quelques
traités philosophiques : De Repiiblica, De Modestia, De
Candore, De Morali Philosophia. 11 ne paraît pas qu'ils
aient été jamais imprimés. R. G.
BiBL. : Fabricius, Bibliotheca latina ^nediœ et infimes
latiniiatis; Padoue, 1754, 3 vol. in-4.
DECEMBRIO (Pietro-Candido) , écrivain et homme d'Etat
italien, né à Pavie en 4399, mort à Milan le 42 nov. '1477.
Son père, Uberto, et, croit-on, l'helléniste Emmanuel Chry-
soloras, furent ses premiers maîtres. Assez jeune encore,
il fut secrétaire d'Etat du duc de Milan, Filippo-Maria,
puis, à la constitution de la république milanaise, prési-
dent du gouvernement nouveau. Forcé de céder aux armes
de Francesco Sforza, il quitta Milan après la capitulation
de cette ville et alla à Rome, où le pape Nicolas V le
créa secrétaire apostolique. En 4462, il chercha à se rap-
procher des Sforza : on lui permit de rentrer à Milan ; il
avait acheté sa grâce par diverses flatteries, telles que des
éloges en vers et en prose, en latin et en italien, de tous
les Sforza, ajoutant à son nom cette humble épithète :
Servus fidelis. Il mourut peu après. De tous ses écrits,
histoire, commentaires, traductions, lettres très nombreuses,
un petit nombre a été imprimé seulement : Vita Philippi,
Mariœ, ducis mediolanensis (Milan, 4625) ; Viia Fran-
cisci Sforzœ (dans Muratori, Rerum italicarum Scrip-
tores, t. XX) ; Appiani Alexandri de civilibus et externis
Romanorum bellis (Venise, 1472 et 4477) ; Traduzione
di Quinto Curzio (Milan, 4488, et Venise, 4535); Vita
Francisci Petrarchœ et commentaria in italicam ejus
poesim, et. Ses œuvres manuscrites sont conservées à la
bibliothèque Ambroisienne de Milan. R. G.
BiBL. : F. Argelati, Bibliotheca scriptorum inediola-
nensium; Milan, 1745, 4 vol. in-fol.
DECEMBRIO (Angelo), écrivain italien, frère du précé-
dent, né à Vigevano, dans le Milanais, vers 4400, mort
vers 4470. Il fut ambassadeur des ducs de Milan près le
pape Jules II, et il rédigea quel(}ues ouvrages dont le sui-
vant est le plus intéressant : De Politia litteraria (Augs-
bourg, 4540, et Bâle, 4562); c'est un recueil de disser-
tations de littérature et d'érudition ; il avait été composé
vers 4462, comme on le voyait dans la dédicace du manus-
crit offert au pape Pie II, puis détruit ou enlevé lors de l'oc-
cupation de Rome par les troupes de Charles-Quint. R. G.
BiBL. : F. Argelati, Bibliotheca scriptorum mediola-
nensium ; Milan, 1745, 4 vol. in-fol.
DECEMPAGI. Station romaine de la Lorraine (V.Tar-
quimpol).
DECEM PRIMI. Nom donné à Rome et dans beaucoup
de colonies et de municipes aux dix premiers sénateurs
qui étaient de rang supérieur aux autres (V. Sénat). On
appelait aussi decemprimi des officiers de la maison de
l'empereur au temps du Bas-Empire ; ils étaient à la suite
du primiceriiis (V. ce nom).
DÉCEMVIRS (Hist. rom.). Les décemvirs ont été des
magistrats romains exceptionnels chargés, au milieu du
v^ siècle av. J.-C, de la rédaction des lois. La substitution
de la loi écrite à la coutume est un fait capital dans la cité
romaine. Elle fut réclamée obstinément par les plébéiens
qui tenaient à limiter Vimperium. En 462 av. J.-C. , le
tribun C. Terenlilius Harsa demanda la nomination d'une
commission de cinq personnes chargées de rédiger des lois
au sujet de Vimperium consulaire ; ce plébiscite (V. ce
mot) ne fut pas accepté par les patriciens, les consuls et le
sénat. Les plébéiens proposèrent alors de nommer dix com-
missaires, cinq de chaque ordre. Après une résistance de
dix années, les patriciens cédèrent et consentirent une
transaction. Ils consentirent à la rédaction des lois, et les
plébéiens renoncèrent à siéger dans la commission. Il fal-
lait accorder aux décemvirs l'm;?mww, et les plébéiens ne
pouvaient en être revêtus d'après les lois religieuses. Le
résultat de ce compromis fut l'institution de décemvirs qui
gouvernèrent l'Etat romain pendant un certain temps. Leur
magistrature dut être temporaire dès le principe, bien que
Niebuhr l'ait contesté, les considérant comme un collège de
dix interrois formant un gouvernement définitif. Ce qui est
établi, c'est que les décemvirs eurent à Rome une autorité
absolue analogue à celle des îBsymnètes et des législateurs
légendaires des cités grecques. Ils furent les seuls magis-
trats de la cité ; les au Ires furent suspendus pendant la
durée de leurs pouvoirs ; on suspendit de même la garantie
que le tribunat donnait à la plèbe. Leur autorité fut légi-
time à l'origine, et par là complètement différente des
dictatures extraordinaires de Sylla et de César, dont
Mommsen a eu l'idée bizarre de les rapprocher. Cette autorité
définie par le sénat était aussi étendue que celle des rois,
n'en différant que par la durée limitée à un an ; elle était
bien supérieure à celle des consuls, ne comportant aucune
des limitations établies par l'appel au peuple, le droit d'in-
tervention, etc. ; la plèbe avait seulement stipulé que les
lois sacrées et la loi Icilia ne pourraient être supprimées.
Tels étaient les pouvoirs confiés aux décemvirs afin qu'ils
pussent établir l'égalité de tous devant la loi civile et cri-
minelle ; c'était d'ailleurs ce qu'on poursuivait depuis dix
ans, en s' efforçant deUmiterl'zmpmwm consulaire et d'obli-
ger les consuls à juger d'après des lois écrites. Le titre exact
des décemvirs paraît avoir été : decemviri legibus scribun-
dis. Ils furent nommés par les centuries et entrèrent en fonc-
tions le 45 mai 451 ; c'étaient : AppiusClaudius, T. Genucius,
Sp. Postumius, A. Manlius, Ser. Sulpicius, P. Sextius, Sp.
Veturius, C. Julius, P. Curatius, T. Romilius. Les deux pre-
miers avaient été consuls ; les trois autres avaient été chargés
de faire un voyage dans l'Italie méridionale et l'Hellade, non
pas pour étudier le contenu des lois grecques, mais pour
apprendre les formules usitées pour la codification des lois.
Celles-ci leur furent enseignées par le grec Hermodore
d'Ephèse, à qui Ton dressa une statue sur le comitium.
— 1053 —
DÉCEMVmS — DÉCENTRALISATION
Les décemvirsrédigèrent la législation des Z)ow:j;^ Tables^
base du droit public et du droit privé de Rome. La pre-
mière année ils ne purent achever leur œuvre, rédigeant
seulement la partie qui fut gravée sur les dix premières
tables. Lorsqu'on vit qu'ils ne pourraient achever leur
œuvre en une année, et qu'il faudrait conserver le décem-
virât pendant une année encore, Appius Claudius et
quelques autres formèrent le projet de se perpétuer au pou-
voir en conservant le décemvirat à la tète de l'Etat, pour
fonder une sorte de gouvernement oligarchique. Les dé-
cemvirs avaient un pouvoir illimité, et ils étaient popu-
laires. Appius Claudius manœuvra audacieusement ; pré-
sident des comices, il se fit réélire contrairement à l'usage
et il fit élire avec lui cinq plébéiens. Les décemvirs de
l'an 450 ne semblent pas avoir eu àHmperium régulier
conféré par la loi curiate. Lange les considère comme des
usurpateurs ; ceci devint manifeste la seconde année de leur
gouvernement, lorsqu'ils continuèrent à l'exercer sans
prendre la peine de faire renouveler leurs pouvoirs. Pen-
dant le premier décemvirat, un seul de ces magistrats se
faisait précéder des douze licteurs ; les neuf autres seu-
lement d'un appariteur {accensus) ; pendant le second,
chacun eut douze licteurs portant la hache dans les fais-
ceaux; entourés de cette garde, ils tyrannisaient la cité. La
rédaction des deux dernières tables de la loi ne fournissait
même plus un prétexte à leur tyrannie. Elle fut renversée
lorsque les difficultés étrangères les forcèrent à convoquer
l'armée ; l'attentat commis par Appius Claudius sur Vir-
ginie, fille du tribun plébéien Virginius, fut d'après la lé-
gende, la cause immédiate de la révolution. Les plébéiens
de l'année, entraînés par Yirginius et Icilius occupèrent le
mont Aventin, puis le mont Sacré. Cette sécession de la
plèbe obligea les décemvirs à abdiquer, L'Etat romain fut
réorganisé tel qu'il était avant le décemvirat ; les tribuns
mirent en accusation les décemvirs ; les deux chefs de ceux-
ci Appius Claudius, patricien, et Sp. Oppius, plébéien, se
donnèrent le mot ; les autres furent exilés. Leur législa-
tion subsista, et les lois Valeriœ Horatiœ consacrèrent
de nouvelles concessions faites à la plèbe.
Le titre de décemvirs appartint également à d'autres
collèges ou commissions romaines d'institution permanente
ou temporaire. Les decemviri agris dividunclis chargés
de l'organisation des colonies (V. Colonisation, t. XI,
p. 4077) ; les decemviri sacrisfaciundis, collège d'in-
terprètes des livres sybillins dont le nombre fut porté plus
tard à quinze (V. Quindécemvirs) ; les decemviri stlitibus
ou litibus judicandis, juges de la plus ancienne époque
figurant dans les magistratus minores (Y. Magistrature);
élus en comices, ils avaient une compétence sur les questions
d'état ; Auguste en fit les présidents du tribunal des Cen-
tumvirs (V. ce mot).
BiBL. : Les Histoires romaines de Lange, Mommsen, Du-
Ruy, etc., et les Manuels de Marquardt, Boughé-Le-
CLERCQ, etc.
DÉCENTRALISATION. L'étude de l'histoire des princi-
paux Etats montre qu'il se produit ordinairement dans
leur organisme deux mouvements, l'un vers le centre,
l'autre vers les extrémités; on peut les comparer aux
mouvements des planètes qui sont à la fois centripètes et
centrifuges ; le premier les rapproche du centre, le second
les en éloigne. Des circonstances nombreuses, importantes,
peuvent accélérer ou retarder chacun de ces mouvements,
sans les détruire. De là les différences qu'il y aura lieu
de signaler dans l'intensité de ces deux mouvements pour
les divers Etats. Au mot Centralisation on a pu suivre
principalement, quant à l'Europe et quant à la France, les
oscillations historiques et politiques du mouvement de
centralisation. Notre tâche consiste à suivre les mêmes
oscillations des mouvements de décentralisation. Les axiomes
de Royer-Collard, de Cormenin et de Vivien demeureront
pour nous à l'état de curiosité préhistorique ; nous les
reléguons dans les armoires de l'archéologie, parce que
nous ne cherchons point notre idéal de gouvernement
des nations dans les décisions des jurisconsultes romains,
des légistes français, pas plus que dans les vieux instruments
du despotisme des empereurs de Rome, de Louis XIV ou de
Napoléon. Nos yeux ne sont pas fixés sur les institutions
de la vieille Europe, mais sur celles des jeunes civilisations,
appelées à tout renouveler, des Etats-Unis, de l'Amérique
du Sud et de l'Australie. Nous abandonnons à la mort ce
que le temps a condamné et voulant rendre à la France un
sang nouveau avec des idées nouvelles et des institutions
nouvelles, nous n'aurons jamais l'illusion de fonder une
république dans les détritus monarchiques.
Anciens Etats. — Etudions d'abord le mouvement de
décentralisation dans les anciens Etats qui ont précédé
l'empire romain : i^ Pour les vastes empires de Chaldée,
à' Assyrie et des Perses^ c'était une pratique constante de
respecter les institutions particulières des peuples, c.-à-d.
des provinces de l'empire et de se contenter d'un tribut.
Hérodote nous a laissé le détail du tribut de chaque pro-
vince de l'empire perse. Nous avons dans la Bible et dans
les briquettes de Ninive et de Babylone des détails ana-
logues. 2** En Egypte^ la centralisation était beaucoup
plus grande, parce que l'Etat avait moins d'étendue, mais
la centralisation elle-même se trouvait tempérée par les
institutions religieuses. ^° Phénicie, Carthage et Grèce.
Au contraire, la Phénicie, Carthage et les Etats grecs ont
exagéré le mouvement centralisateur. La célèbre guerre
du Pcloponèse a eu pour cause principale les ^ excès
d'Athènes envers ses colonies. Toutefois, l'un des faits his-
toriques les plus importants de la civilisation antique a été
l'impuissance de la Grèce à se centraliser. Elle n'y est
même pas parvenue sous l'influence macédonienne. Ce fait
ne laisse aucun doute sur la place que, dans leur vie his-
torique, les peuples doivent donner à la centralisation pour
constituer la nationalité : cette place est la première. La
Grèce antique, quoique bien supérieure aux Romains, a
péri pour l'avoir méconnu. 4*^ République romaine. Jus-
qu'à César, la république romaine a, sous diverses formes,
appliqué à ses conquêtes plutôt le principe décentralisateur
que le principe centralisateur, sans conserver cependant
les gouvernements des peuples vaincus. De là des abus de
toute sorte qui ont amené, malgré la résistance des élé-
ments romains, la constitution de l'empire. 5^ Empire
romain. Le mouvement de centralisation triomphe avec
l'empire romain : il triomphe en fait, et il triomphe, ce
qui est nouveau dans l'histoire des civilisations, comme
dogme. L'empereur est divinisé; il faut encenser et adorer
ses images. Les jurisconsultes font de sa volonté, même
sous Caracalla, le seul fondement du droit et de la société.
Mais on ne peut pas plus détruire le mouvement centri-
fuge politique et national que l'autre. Il se produisit alors
dans l'empire deux mouvements redoutables qui l'ébranlent
et le renversent : d'abord la révolte même des provinces
correspondant aux diverses révolutions dans le pouvoir,
puis deux grandes religions : le christianisme et le maho-
métisme, qui abattent l'empire et changent la société.
Chute de l'empire romain : transition. — A l'oscilla-
tion centralisée de l'empire romain succède une oscillation
en sens opposé. Cette oscillation a duré au moins mille ans,
du V® au xv*^ siècle. Elle a été plus longue que la période cen-
tralisatrice. Elle n'est pas du tout caractérisée, en Europe,
du moins, par la rupture de l'empire romain en Etats par-
ticuliers, mais par la décentralisation du pouvoir dans chaque
Etat. Tous les efforts soitdes derniers empereurs romain s, soit
des gouvernements établis après la conquête germanique, no-
tamment ceux de Théodoric en Italie, de Clovis et de Charle-
magne dans les Gaules, échouent devant une force centrifuge
irrésistible. Ce mouvement est favorisé par l'extension des dé-
frichements du sol etla décadence des villes. Le pouvoir se con-
fond peu à peu avec la possession du sol ou certaines fonctions.
Epoque féodale. — Ce mouvement a été générateur.
Il est facile de s'en convaincre. Il ne s'est produit, en
effet, que dans les Etats christianisés. Dans les Etats sou-
mis à l'influence musulmane, précisément ceux des an-
DECENTRALISATION
- iou —
ciennes civilisations d'Orient, a prédominé une centralisation
plus destructive encore que celle de l'empire romain. C'est
que probablement la vitalité des éléments sociaux était
depuis longtemps paralysée.
Quand on parle de l'époque féodale, il importe de laisser
de côté les déclamations ridicules qui durent depuis plus
d'un siècle. Cette époque a été l'apogée de l'oscillation dé-
centralisatrice produite par la dislocation deTempire romain,
époque pleine de sève, de vigueur et d'originalité. De
même, nulle erreur plus vulgaire que celle sur l'anarchie de
l'époque féodale. C'a été souvent l'inverse. L'organisation
fut poussée aussi loin que possible ; elle devint oppressive,
odieuse, accablante, non par l'excès des désordres, mais
par l'excès d'un formalisme inexorable. Tout centre féodal,
c.-à-d. domanial, constituait un petit Etat où le seigneur
et ses agents se trouvaient beaucoup trop près de ceux sur
lesquels ils vivaient. L'immense popularité du roi, origine
historique du mouvement monarchique de la centralisation, a
eu pour principe son éloignement même. Mais pendant
la première période féodale le seigneur a été populaire. Il
représentait la protection et la direction du travail. Le
travail, c'était la culture du sol. Même en 4789 il existait
encore un certain nombre de seigneuries où les popu-
lations entouraient le propriétaire d'une affection touchante.
A ce mouvement de décentralisation ont correspondu des
institutions adéquates, corporations et communautés pour
le travail ; libertés municipales ; cours seigneuriales ; tour-
nois ; conciles libres ; cours suzeraines. C'est le moment
où le pouvoir central a été réduit à son minimum d'in-
fluence. Le contraste avec les institutions de Rome, de la
Grèce et de l'Orient est complet. Le seigneur avait même
le droit de faire la guerre. Ses vassaux étaient tenus de l'y
suivre. Même faculté pour les villes, puis pour les com-
munes, quand le mouvement urbain eut pris plus d'exten-
sion au xni^' siècle. N'importe que le seigneur fût évêque
ou abbé mitre, c.-à-d. chef d'ordre religieux. Il se constitua
des ordres religieux militaires et indépendants, libres de
tout contrôle, les hospitaliers, les templiers, l'ordre teuto-
nique. Entre ces temps, ces mœurs et ceux de l'empire
romain et même de la grande époque de la. Grèce, de
Perse, de l'Egypte, de l'Assyrie et de la Chaldée, aucun
rapport. Pour les caractériser complètement, il faut placer
à côté du grand mouvement féodal les cités républicaines
d'Italie, d'Allemaa^ne, des Flandres, d'Espagne et même
de la France méridionale. Le pouvoir est entièrement dé-
centrahsé, non seulement dans son organisation, mais
dans son essence. De là le côté individuel, dramatique du
moyen âge du x^ au xiv® siècle. A beaucoup d'égards
l'ensemble de cette période revêt une forme républicaine,
comme l'a remarqué M. Renan, surtout au xiii*^ siècle.
Epoque MONARcmQUE. — Toutefois, l'histoire même des
anciennes civilisations indique que cet état politique de
l'Europe ne pouvait se prolonger. On en trouve la preuve
dans la réaction tentée par Charlemagne, dans les croisades
et dans les essais de gouvernement des papes. L'identité
des traditions, la communauté des intérêts, les influences
géographiques ou économiques devaient amener la constitu-
tion ^ de groupes principaux, et cette constitution même
devait fournir les premiers éléments d'une nouvelle oscilla-
tion dans le sens de la centralisation. C'est le mouvement
monarchique ; les conditions géographiques de l'Europe et
les différences ethnologiques si tranchées des populations
ont été les éléments principaux de cette réaction qui, com-
mencée à la fin du xiv^ siècle, touchera bientôt à son terme.
Les nationalités et les Etats correspondants aux grandes
divisions et aux grandes races de l'Europe se sont peu à
peu agglomérés, agglutinés au milieu de la multitude des
centres féodaux, et la centralisation a été nécessairement
l'instrument essentiel de cette grande révolution. Mais
cette révolution, précisément à raison de sa cause généra-
lisatrice, territoires et races, n'a pas affecté les mêmes
caractères dans toute l'Europe : i^ nulle part elle n'a été
plus violente, plus profonde et plus radicale qu'en France,
par la raison que nulle part le mouvement décentralisa-
teur n'avait revêtu un caractère plus universel qu'en
France ; pendant les x^, xi« et xii^ siècles, il n'y a pas eu de
pouvoir central exerçant en France une autorité aussi éten-
due que dans les autres Etats de l'Europe ; 2*^ les Etats
d'origine germanique, soumis à la même réaction monar-
chique, ont^ tous néanmoins conservé jusqu'au xix^ siècle
des institutions indépendantes du pouvoir central ; 3° il en
a été de même dans les Etats Scandinaves et en Espagne ;
4° quant à l'Italie, le morcellement de la nationalité en
divers Etats a eu un caractère décentralisateur ; 5^ mais
en France, le pouvoir central, dès le xvi^ siècle, a succes-
sivement attaqué, corrodé, détruit, avili tous les pouvoirs
autres que lui-même. Il en est arrivé à faire de toute
autre autorité que la sienne un hochet, ou un objet de
trafic, qu'on mettait à l'encan, abusant de sa force avec
un cynisme qui n'avait d'égal que sa malhonnêteté. C'est
ainsi que disparurent d'abord les Etats généraux, inventés
par la royauté elle-même comme premier élément consti-
tutif de la nationalité, puis la plupart des Etats provin-
ciaux, puis les conseils municipaux, puis ceux des fabriques.
La royauté fit table rase; c'est que, surtout en France, le
mouvement de la centralisation monarchique n'avait pas
seulement consisté à rendre au pouvoir central toutes ses
attributions, à répandre de toutes parts ses agents, à sou-
mettre toutes les volontés à la sienne, il était également
parvenu à limiter l'action personnelle de l'homme ; non
seulement il avait détruit le suzerain, le seigneur, le vas-
sal et l' évêque, le juge local et le citoyen, mais il avait
pénétré dans l'intérieur de la famille, dans la propriété,
dans l'industrie, dans le travail, dans l'ateher. Il avait
créé le pouvoir, le droit, les tribunaux administratifs et
même ce pouvoir ministériel, encore si étendu, après un
siècle de révolution. De là ces édits de Turgot, de Necker,
de Calonne qui, lorsque l'édifice va s'écrouler,- entrepren-
nent de le soutenir ou de le reconstruire. Tel était l'em-
pire de cette centralisation que les philosophes et les
économistes,' voulant tout changer, ne virent pas de meil-
leur instrument pour agir. Quesnay rêvait un pouvoir
despotique comme en Chine. Surtout pas de contrefort.
Mêine opinion chez Turgot, chez Necker. Il est vrai que
Louis XVI, sous l'inspiration de Turgot, essaya un com-
mencement de réformes. M. Léonce de Lavergne en a exa-
géré l'importance. Les assemblées provinciales^ dont le roi
nomma presque tous les membres, ont fait quelque bien ;
mais que pouvaient-elles dans l'œuvre à entreprendre?
Fin de l'ancien régime. — Il faut relire les chapitres
que Tocqueville a consacrés à dépeindre les effets désas-
treux de cette centralisation monarchique, cette dissémina-
tion des formes sociales, cette savante et perfide division des
classes, au profit d'une seule famille et d'un pouvoir oc-
culte livré à quelques agents, et l'effroi de tout ce méca-
nisme, vermoulu par la durée, les fautes, l'hérédité, l'or-
gueil, quand le peuple, secouant la poussière de cinq
siècles, brûla les arrêts des parlements, ferma le conseil
d'Etat, congédia maîtres des requêtes et conseillers, con-
fina dans les armoires les livres des légistes. Que devinrent
les intendants? Ils disparurent comme les préfets de 4814,
de 4830, de 4848 et 4870 ont disparu. Mais les résul-
tats de cette centralisation de plus de trois siècles ne pou-
vaient disparaître en un jour. Une nation peut se lever tout
à coup, comme en 4792, pour défendre le territoire ; mais,
déshabituée depuis des siècles de s'administrer, divisée avec
une vigilance coupable en classes qui se repoussaient, igno-
rante, inexpérimentée, indifférente, elle était hors d'état de
parvenir tout à coup à s'administrer elle-même. Là est le
vice irrémédiable de l'ancienne royauté française ; là, la cause
de sa chute. Elle a failli à tous ses devoirs envers le pays.
L'œuvre de la Révolution. — Il y a deux époques dans
la Révolution française : la première représentée par l'As-
semblée constituante , la seconde par la Convention et le
Directoire. La Convention et le Directoire ont vaincu
l'Europe : on ne pouvait leur demander davantage. La
iOSB
BECENTIIAUSATION
guerre pour ces deux gouvernements a tout dominé. Ils
ont eu la gloire de rendre à la France ses frontières natu-
relles. Quant à TAssemblée constituante, elle a donné dans
l'ensemble de ses réformes une grande place à la décen-
tralisation par les lois des 14, 22, 25 déc. 4789, 8 janv.,
24 août 4790 et 22 juil. 4794 ; mais elle détruisit au lieu
delà refondre l'organisation provinciale de la France ; elle
y substitua les départements la plupart trop nombreux
et trop pauvres ; elle ne parvint pas davantage à trouver
pour les villes et les communes les conditions de la vie
municipale. Elle abolit tous les corps sans exception qui
sont les éléments substantiels de la vie locale des peuples,
corporations, académies, associations, et prépara ainsi
une anarchie qui devint chaque année plus profonde jusqu'à
la disparition du Directoire. Cette situation fut aggravée
par la concentration à Paris de tout le rouage du gouver-
nement sous la Convention, dominée par la Commune de
Paris. Bientôt, dans le sein même de la Convention, se
manifesta une réaction profonde contre toute autorité
locale, surtout délibérante. La loi du 44 frimaire an 11
supprima les conseils des directoires exécutifs. Plus tard,
la Convention abolit toute administration municipale à
Paris, partagé entre sept municipalités. Le lit de l'ad-
ministration impériale était dressé.
L'œuvre de l'Empire. — Bonaparte, premier consul, ou
Napoléon, empereur, acceptèrent toute l'œuvre extérieure
de la Révolution, quant à l'administration provinciale et
communale, c.-à-d. les départements et les communes. On
y ajouta l'arrondissement qui remplaça le district et le
canton, organe laissé stérile, sauf au point de vue fiscal.
On reprit la tradition même de l'ancien régime. Les préfets
remplacèrent les intendants, les sous-préfets, les sub-
délégués. Les maires furent nommés par l'empereur ; on
plaça cependant un conseil municipal à côté du maire et un
conseil général à côté du préfet. Les membres de ces con-
seils étaient délégués par l'empereur. C'était la dérision de
la liberté : Constitution du 22 frimaire an VIII.
Mais il y a dans la centralisation un autre courant,
tout autrement redoutable que le premier ; c'est le cou-
rant des affaires de l'Etat dans ses rapports avec les par-
ticuliers et vice versa^ rapports incessants qui atteignent
les individus, les familles, les associations dans leurs inté-
rêts les plus vivaces et qui tiennent une place énorme dans
le mouvement social tout entier. Le nouveau régime, allant
encore plus loin que l'ancien, attribua la connaissance de
cette matière sans réserve à l'Etat lui-même. Sous l'ancien
régime, les parlements et des institutions indépendantes,
comme la cour des aides, avaient conservé une part. Le tout
fut dévolu au conseil d'Etat et aux conseils de préfecture, de
par l'ordre de Bonaparte. Les choses restèrent ainsi, s'aggra-
vant sans cesse, le gouvernement accumulant les fautes et re-
vêtant un caractère de plus en plus violent, odieux, accablant.
L'œuvre de la Restauration. — La plus grande
erreur de Napoléon, malgré son génie, est de s'être trompé,
lui l'enfant de la Révolution, sur la direction de son
temps. De là l'exclamation qu'il laisse échapper ainsi
devant Benjamin Constant : Je ne reconnais plus ma
France ! elle m'échappe. En effet, elle avait repris sa
marche en avant. Les Bourbons sont plus excusables que
Napoléon de s'être imaginé qu'ils pourraient gouverner la
France avec les instruments de Bonaparte. Le duc d'Ar-
tois, interrogé en 4844 par M. de Villèle sur les réformes
à entreprendre, répondit naïvement : L'état de choses ac-
tuel vaut mieux que celui d'avant il 89. De sorte que
le roi, dans un régime réellement représentatif, continuée
nommer préfets, sous-préfets, maires, conseillers géné-
raux, etc., et conseil d'Etat, conseil de préfecture, secondés
parles légistes, reprirent les allures de l'ancien régime. Si
bien que c'est précisément à propos de la réforme de tout
ce fatras impérial, demandée par M. de Martignac en 4828,
qu'a eu lieu le divorce entre la France et Charles X.
L'œuvre DE LA monarchie de Juillet. — La monarchie
de Juillet dut consentir à apporter quelques tempéraments
à la conservation de l'organisme impérial. Mais s'est-elle
jamais doutée, même les hommes d'Etat les plus en vue,
Casimir Perier, Thiers, de Broglie, Guizot, de la contra-
diction absolue qu'il y avait à faire vivre une monarchie
représentative sur la France du despotisme? Cependant les
lois dés M mars 4834, 22 juin 4833, 43 juiL 4837 et
40 mai 4838, tout en limitant sévèrement le nombre
des électeurs à 200,000 ou 240,000 {ils n'avaient été
que 80 à 90,000 sous la Restauration), assurèrent la
libre élection des conseils généraux et municipaux et
agrandirent leurs attributions, tout en la maintenanî sous
la tutelle administrative. Fonfrède à Bordeaux était tenu
pour mineur; pair de France il devenait majeur. M. de
Villèle, le premier financier de l'Europe, majeur à Paris,
devenait mineur à Toulouse. Comment s'étonner que les
préfets et sous-préfets de 4830 et de 4848 aient disparu
sans laisser une ombre de regret ?
La révolution de 4848. — Œuvre d'un mouvement de
la population de Paris, la révolution de 4848 n'a pas eu
le caractère décentralisateur. Cependant la constitution
du 4 nov. 4848 réserva toutes les questions intéressant
l'administration intérieure. Dès ses premiers travaux,
l'Assemblée législative forma une grande commission des-
tinée à préparer une décentralisation sérieuse. Les travaux
de cette commission ont été publiés (Vivien, Vuitry, Tou-
rangris, Boulatignier, rapporteur) et pourront être utilisés.
Mais la catastrophe du 2 déc. y mit fin.
Le second Empire. — Pendant la première période du
second Empire, il ne fut pas porté atteinte aux institutions
locales. Elles suffirent à l'Empire. C'est montrer combien
les gouvernements précédents avaient accepté avec impré-
voyance le lit impérial. Mais lorsque, dans la seconde pé-
riode l'Empire prit une sorte d'aspect libéral, on convint
de modifier l'organisation municipale et départementale et
de faire une certaine place à la décentralisation, ce qui
fut réahsé en partie par la loi du 48 juil. 4866 sur les
conseils généraux et du 24 juil. 4867 sur les conseils
municipaux. L'indépendance de ces conseils vis-à-vis des
préfets de l'Etat fut augmentée.
Mais le propre de cette époque c'est qu'il se produisit
dans les départements un mouvement particulier qui a
eu son manifeste dans le programme de Nancy (4865),
programme des plus modestes, réalisé depuis» Quelques
bons citoyens de Nancy se réunirent pour demander que les
conseils municipaux, les conseils généraux, composés de
l'élite du pays, ne fussent plus considérés comme des alié-
nés ou des alcooliques. On lit encore leur lettre avec intérêt.
Cette lettre eut un grand retentissement ; elle obtint l'adhé-
sion de tous les esprits indépendants, exaspérés par le
gouvernement qui allait périr dans une si terrible catastrophe.
Adhérèrent sans réserve : 0. Barrot, Berryer, duc et prince
de Broglie, Carnot père, de Falloux, Laboulaye, Bersot, Gar^
nier-Pagès, de Montalembert, Magnin, J. Simon, Vacherot,
Prévot-Paradol, J. Favre, Scherer, Raudot, Lanjuinais,
Casimir Perier, Lanfrey, Pelletan, Garnier-Pagès, Hérold,
Cochin, Clamageran, et avec certaines réserves : Léonce de
Lavergne, Dufaure, Guizot, Jules Ferry. Chaque adhérent
accompagna ses vœux d'explications. Le tout a été publié
et forme^ un ensemble qui honore Topposition libérale du
tenips. L'Empire en profita pour constituer une commis-
sion de décentralisation.
L'œuvre de la troisième République. — Cette œuvre
est considérable ; elle se partage en deux périodes. Les
réformes faites par l'Assemblée nationale, la loi du 44 avr.
4874 qui confia aux conseils municipaux, sauf à Paris,
l'élection des maires, et celle du 40 août 4874 qui élargit
les attributions des conseils généraux et organisa à côté
des préfets une commission administrative permanente.
Cette même loi fixa les réunions légales des conseils géné-
raux sans intervention du pouvoir central ; elle amoindrit
l'autorité des préfets et émancipa les conseils généraux et
municipaux, sinon de leur contrôle du moins de leur tutelle.
Un moment, l'Assemblée nationale rendit au pouvoir cen-
DECENTRALISATION
1056 —
tral l'élection des maires (loi du 20 janv. 1874), mais la
loi du 28 mars 4882 a restitué aux conseils municipaux,
sauf à Paris, la nomination des maires. Les bienfaits de
ces changements ont été importants; ils n'ont présenté
aucun inconvénient. Jamais les villes^ les communes, les
départements n'ont été ni plus libres ni mieux admi-
nistrés. Mais la décentralisation ne consiste pas seule-
ment dans la nomination des fonctionnaires locaux ou
la gestion des affaires locales. Restent les rapports des
citoyens avec FEtat ; ces rapports sont toujours soumis
au caprice de FEtat et à ses tribunaux exécutifs. En
outre, le mécanisme de la vie locale est-il suffisant ? Le
département et la commune répondent -ils à tous les
besoins? Pour être fixé sur ces questions capitales, il y a
lieu de jeter un coup d'œil rapide sur les diverses institu-
tions locales des autres peuples.
Des institutions locales et de la décentralisation
CHEZ les principaux PEUPLES. — La grande oscillation
monarchique du xv^ siècle n'a nulle part pu, comme en
France, faire table rase des institutions locales. Dans
tous les Etats autres que. la France, elles ont conservé
une vitalité réelle, vitalité qui a montré une nouvelle
énergie à partir de l'époque de la Révolution. Compa-
rativement à la France, tous les Etats de l'Europe
et de l'Amérique sont décentralisés. Seules la Turquie et
la Perse présentent une centralisation plus grande. En
Chine, les dix-huit provinces de l'Empire jouissent d'une
certaine indépendance, quoique soumises toutes à la direc-
tion du vice-roi, nommé par l'empereur.
Il serait inutile de chercher à établir aucune comparai-
son avec l'administration intérieure soit des Etats des deux
Amériques, soit des colonies anglaises, Canada, le Cap,
Australasie. Partout la race anglo-saxonne implante avec
elle la supériorité de ses institutions locales : paroisse,
comté, province ou Etat ; partout chaque localité choisit
ses magistrats et les conseils qui les contrôlent. Devenue
républicaine, la nation française est tenue de se rappro-
cher de plus en plus des modèles admirables de la civilisa-
tion anglo-saxonne et d'abandonner les traditions monar-
chiques de la vieille Europe.
En Angleterre, si le pouvoir royal intervient encore
quelquefois dans le choix de quelques fonctionnaires tels
que les juges de paix, les paroisses, les bourgs, les villes,
les comtés ont une administration indépendante. Cette
indépendance appartient même, sauf pour la police, à
toute la métropole de Londres, d'une population de 5 mil-
lions d'habitants. Nulle institution à comparer aux conseils
de préfecture et au conseil d'Etat ; nulle justice adminis-
trative. De nombreuses lois ont cependant organisé l'in-
tervention de l'Etat dans bien des cas, mais toujours
d'une manière limitée et sans tribunaux d'exception, sauf
pour la perception de quelques impôts ; néanmoins ces
libertés ne paraissent pas suffisantes encore. Et sans parler
de l'Irlande, un grand mouvement de décentrahsation,
dirigé par le parti whig, s'est produit en Ecosse et dans le
pays de Galles.
Même condition pour l'Allemagne entière. Le mouvement
de centralisation qui a abouti à la fondation de l'empire
allemand s'est réalisé aux dépens des Etats de la Confédé-
ration, mais nullement aux dépens des institutions locales
qui, dans toute l'Allemagne, ont été respectées, notamment
en Bavière, au Wurtemberg, mais surtout en Prusse. Les
hommes d'Etat qui ont refait la Prusse après léna, le
baron de Stein, le comte de Humboldt n'ont cessé de deman-
der le développement des provinces, des cercles et des com-
munes. La Prusse possède une splendide législation provin-
ciale réglée parla loi du 13 déc. 1872, avec une assemblée
provinciale, un conseil permanent et un gouverneur.
Même organisation des cercles et des communes, une large
indépendance dans la gestion de leurs intérêts est accordée
à chacune de ces organisations.
L'Autriche-Hongrie, après ses épreuves de 1849, 1859
et 1866, a réorganisé complètement dans chacune des par-
ties de l'Empire les administrations des provinces, des
districts, des communes. Chaque province est demeurée
pourvue d'une diète qui exerce une grande influence non
seulement recherchée mais imposée par les populations.
En Russie, les réformes si considérables d'Alexandre II
ont doté l'empire d'institutions locales assez étendues pour
tempérer l'autocrî^ie du gouvernement central. Les villes
sont administrées par un conseil municipal élu et les maires
sont assistés d'un comité permanent. Les communes ru-
rales se réunissent en canton (Volost) avec un conseil et
les cantons en district avec un conseil plus important
(Zemtvos) et une commission executive; enfin les pro-
vinces ont un gouverneur, qui est également assisté d'une
commission permanente et d'une assemblée formée par les
délégués des Zemtvos. En dehors de ces diverses réunions,
la noblesse a conservé ses assemblées particulières.
De tout temps, même sons Philippe II, l'Espagne a su
défendre ses hbertés et ses institutions locales. Dans tout
le nord de l'Espagne, libertés et institutions sont encore de-
bout, entourées de l'affection et du respect de toutes les
populations. L'organisation municipale et l'organisation
provinciale sont complètes ; elles assurent aux communes et
aux cinquante-quatre provinces une véritable indépendance,
exigée au surplus par les mœurs.
L'Italie jouit encore de larges libertés municipales et
provinciales, bien que le mouvement unitaire et monar-
chique entrepris par les armées de la maison de Savoie y
soit contraire.
Il en est de même en Suisse, république fédérale de
vingt-deux cantons ; en Belgique et en Hollande, qui pos-
sèdent les plus antiques traditions municipales de l'Europe,
et dans les trois Etats Scandinaves. Citons, comme exemple,
la Belgique, partagée en communes et en provinces. Chaque
province est gérée par un conseil provincial, chaque com-
mune, par un conseil municipal depuis 1831. Les séances
de ces conseils sont publiques depuis la même époque, tous
les intérêts locaux en relèvent et, sauf de rares cas pré-
vus par les lois, les délibérations de ces conseils sont sou-
veraines depuis soixante ans.
Plans et projets de la décentralisation en France. —
La France républicaine peut-elle asseoir ses assises dans le
lit de la monarchie et réaliser le souhait que Napoléon fai-
sait aux Bourbons : « Si Louis XVIII fait bien, il gardera
mon lit, en changeant les draps » ? Peut-on considérer
comme organisée d'une manière normale une république
administrée par des préfets*^ des sous-préfets, des conseils
de préfecture et un conseil d'Etat, délibérant à huis clos ?
D'ailleurs, il faut élever plus haut la question. N'est-il pas
d'évidence pour les esprits investigateurs sur l'avenir de
l'Europe que l'oscillation centripète dans le sens monar-
chique et centralisateur a touché barre? que partout en
Europe, sauf en Russie et en Turquie, le pouvoir monar-
chique a changé de caractère ? que ce changement s'ac-
centuera encore sous l'action de la presse, des progrès
de l'éducation, de la multiplicité des communications, du
développement de la richesse, des garanties exigées par le
travail? L'émancipation de plus en plus complète du travail
enlève à la force monarchique le plus solide de ses fonde-
ments. Si la limitation de la puissance monarchique est cer-
taine, presque accomplie, comment le mouvement centrali-
sateur lui survivrait-il? Aussi s'affaiblit-il, craque-t-il,
est-il attaqué de toutes parts. De toutes parts s'annoncent
les prodromes d'une oscillation dans le sens centrifuge ; la
vie va être reportée du centre aux extrémités. S'il en est
ainsi, comment la France pourrait- elle devenir une répu-
blique démocratique en conservant les institutions locales
réinstallées par le génie centralisateur, monarchique et
rétrograde de Bonaparte ?
Décentralisation municipale. — Malgré les progrès
réalisés, d'autres sont à faire : 1*^ enlever au préfet le
droit de suspendre les maires ; donner cette faculté seu-
lement à la commission permanente; quant à la révocation,
seul le Sénat pourrait la prononcer ; 2<* reporter à la corn-
— 4057
DÉCENTRALISATION — DÉCÉNYLÈNE
mission permanente pour les communes de moins de
40,000 âmes le contrôle exercé actuellement par les préfets
et, pour les autres, au comité régional ; 3* assurer l'indé-
pendance complète du conseil municipal pour l'enseignement,
la police administrative, le budget municipal, l'assistance
publique dans les limites des lo\s générales ; 4^ diminuer
le nombre des communes, obliger les communes de moins
de 4,000 âmes de se réunir à une commune voisine. En
Italie, les communes de moins de 4,000 âmes n'ont pas
d'organisation municipale ; 5° en attendant, faciliter la
loi sur les syndicats des communes, destinée à préparer la
fusion des communes, et accorder aux communes de moins
de 40,000 âmes le droit d'en appeler à l'assemblée
régionale dans tous les différends avec les autres pouvoirs ;
6<^ assurer l'indépendance complète des centres de 40,000
âmes qui ne seraient contrôlés que par le comité régional,
sauf appel à l'assemblée régionale et au Sénat.
Décentralisation cantonale. — Faut-il faire du canton
un centre réel ? Au point de vue urbain, cela doit être ma-
tériellement impossible, au point de vue rural, le canton
pourrait rendre des services. Mais il faudrait d'abord dimi-
nuer de moitié le nombre des cantons et assurer à chaque
canton une population de 40,000 âmes. Le canton
serait représenté par le conseil cantonal, comprenant le
juge de paix, les membres du conseil général et les délégués
des conseils municipaux. Les dépenses cantonales seraient
réparties entre les communes à raison de leurs recettes
budgétaires. La loi en déterminerait la nature de même
que les attributions du conseil cantonal.
Décentralisation départementale. — 4° Suppression
immédiate des sous-préfets et des conseils d'arrondissement ;
2^ conservation de tous les départements ; 3^ division des
départements trop étendus : Nord, Seine-Inférieure, Gi-
ronde et autres ; 4^ remplacement des préfets par des admi-
nistrateurs nommés par l'assemblée régionale ; 5** sup-
pression des conseils de préfecture ; 6*^ maintien de la
commission permanente et de l'organisation actuelle des
conseils généraux ; 7^ les administrateurs des départements
exerceraient les mêmes pouvoirs que les préfets et jouiraient
des mêmes prérogatives, sauf les changements résultant des
lois nouvelles. Ils seraient les agents du gouverneur régional
de même que les sous-préfets sont les agents du préfet.
Organisation régionale. — Le changement le plus iné-
vitable consiste dans le groupement des départements par
régions d'après les conditions géographiques et économiques.
On a publié, en 4874, une notice très exacte de M. de Vil-
lèle, le plus éminent des financiers français, sur ce grou-
pement. M. de Villèle proposait de le faire par région. En
1869, l'auteur de cet article a effectué ce groupement dans
ses Réformes nécessaires. Depuis, M. Hovelacque en a
repris l'idée, mais en détruisant l'organisation départe-
mentale ; cette destruction serait regrettable. Il vaut mieux
augmenter les départements que les supprimer. Toutefois,
les faits dominateurs sont : 4^ l'organisation militaire de
la France en dix -huit régions ; 2° la correspondance de
ces régions avec les grandes divisions économiques et géo-
graphiques et les principaux centres urbains de la France.
Cette organisation régionale est donc fondée sur le déve-
loppement normal de la nation. La vie provinciale, qui renaît
au surplus, serait appelée à jeter un nouvel éclat comme
aux xiii^ et xvi« siècles.
L'organisation régionale comporterait : i^ un gouver-
neur nommé par le président de la Républi(|ue sur la pré-
sentation du Sénat ; 2^ une assemblée provinciale dont les
membres seraient élus pour neuf ans à raison de un membre
par canton, sauf renouvellement par tiers ; 3^ un conseil
régional permanent, centre administratif de la région ; ce
>onseiI exercerait les fonctions du conseil de préfecture ;
ses membres seraient nommés par le président de la Répu-
blique ; 4<^ une commission permanente de l'assemblée ré-
gionale. La loi déterminerait les attributions de l'assemblée
régionale et celles du gouverneur ; mais, au fond, le gou-
verneur serait le représentant de l'État, et l'assemblée régie- .
GRANDE encyclopédie. — Xllt.
nale, celui de la région. Le gouverneur exercerait son con-
trôle sur les préfets et les maires. L'assemblée régionale
aurait la gestion des intérêts de la région. Son budget
serait formé au moyen d'un prorata départemental sur les
fonds des conseils généraux et des villes de plus de 40,000
âmes, qui seraient en même temps déchargées des services
publics passés au compte de la région. Cet organisme nou-
veau ne peut être constitué qu'avec le concours de l'Etat
et moyennant des sacrifices qu'il consentirait lui-même
notamment sur les impôts directs en vue d'un progrès à
accomplir. Enfin le Sénat deviendrait le contrôleur, et en
certains cas, le recours contre les actes des assemblées
régionales. Il recevrait ainsi une nouvelle vie, et serait le
pivot des institutions locales de la France.
Organisation de Paris. — Paris est le foyer de la cen-
tralisation. Son organisation n'appartient pas directement
aux idées, aux plans de décentrahsation. En outre, grande
place de guerre, capitale de la France, premier centre indus-
triel du globe, Paris présente des conditions spéciales. Le
mieux à faire serait, dans la mesure du possible, de prendre
pour modèle l'organisation nouvelle de Londres métropole.
Réforme du conseil d'Etat. — Les attributions du con-
seil d'Etat seraient mises en rapport, non seulement avec
les nouvelles institutions, mais l'esprit de son mécanisme
serait modifié ; cette immense machine de centralisation
serait refondue dans sa composition et dans ses droits. Les
conseils régionaux seraient en partie substitués, ainsi que
le Sénat, à un corps irresponsable, mystérieux, composé
d'individualités permanentes, vieux débris monarchique qui
serait remplacé par une institution moins absorbante, plus
démocratique, plus libre.
Le pouvoir ministériel. — Tous ces changements devraient
être complétés par la revision complète du pouvoir judiciaire
et administratif que s'arrogent les ministres et qui sont le
plus redoutable débris de la centralisation monarchique ;
nos ministres éphémères sont des juges permanents. Il en
est qui ont privé des citoyens de leur droit électoral, un
autre de sa fortune, souvent de leur honneur, à huis clos,
sans les entendre et sans appel.
Décentralisation DES travaux publics. — Nulle partl'im-
puissance de la centralisation actuelle ne se manifeste plus
fortement que pour les travaux publics, livrés à l'omnipotence
d'une corporation d'ingénieurs, débris de l'ancien régime
qui a survécu à la Révolution. Aux travaux pubhcs, cette
corporation a ajouté les tabacs, les télégraphes, les mines
et enfin les ports. Les chemins de fer lui ont en partie
échappé, ainsi que la marine militaire. Les chambres de
commerce luttent en ce moment pour reprendre les ports
maritimes.
Décentralisation du crédit. — Mais rien à espérer tant
qu'une seule banque, dont les statuts remontent en 4803,
centralisera à Paris toutes les forces économiques et toute
l'énergie financière de la nation, tant que cette centralisa-
tion sera un obstacle dirimant à l'organisation du crédit,
notamment du crédit agricole. Que dire d'un monopole qui
refuse le crédit à dix-neuf millions d'agriculteurs, pro-
duisant plus de treize milliards par an ! Bref, dans l'œuvre
du relèvement de la France, la décentralisation s'impose
comme une condition absolue de l'ère nouvelle sur laquelle
compte la France entière. E. Fournier de Flaix.
BiBL. : Vivien, Etudes administratives. — Ferrand,
les Peuples libres^ 1885. — Hovelacque, Propositions de
loi sur l'organisation départementale. — Goblet, De l'Ad-
ministration cantonale. — Fournier de Flaix, Réformes
nécessaires., T869. — Projet de décentralisation de Nancy
et adhésion, t865. — O. Barrot, la Décentralisation, 1870.
~ Dalloz, Code des lois administy^atives^ 1887-1888. ~
Batbik, Droit administratif. — De Broglie, Vues sur le
gouvernement de la France. — De Villèle, D'une Organi-
sation régionale, 1874.
DÉGÉNYLÈNE(Clmn.).Fom. )£;;;; gÔSÎs
Carbure d'hydrogène incomplet, tétratomique, obtenu par
Reboul et Truchot en chauffant en vase clos le décylène
brome, C'^^H^^Br, avec trois fois son volume de potasse
6T
DÉCÉNYLÈNE — DÉCÈS
— 1058
alcoolique : C^oA^^Br -hKHOf—KBr+H^O^+C^oH^^^.
Le décénylène est un liquide incolore, bouillant à 405^
sous la pression de 0,741 ; sa densité est de 0,784 à 10° ;
il possède une légère odeur qui rappelle celle de l'oignon.
Il s'unit au brome pour former un dibromure, C^^H^^Br^,
et un tètrabromure, G^^H^^Br*. Quant au décylène brome,
on le prépare au moyen du bromure de décylène, C^*^ H^^ Br^,
et de la potasse alcoolique. Ed. Bourgoin.
DÉCEPTION (Ile). Ile de l'océan Antarctique, dans
l'archipel des Shetland du Sud, par 62^55^ long. 0. et
62*^ë5' lat. S. Magnifique port naturel; Yolcaa actif de
550 m. d'altitude.'
DÉCÈS. I. Droit français. — Le décès d'une personne
produit au point de vue du droit de nombreuses consé-
quences. Nous allons les énumérer rapidement en insistant
sur les plus importantes.
Le décès donne lieu tout d'abord à la rédaction d'un acte
destiné à le constater officiellement. Cet acte est dressé par
l'officier de l'état civil de la commune où s'est produit le
décès, sur la déclaration de deux témoins mâles et majeurs,
qui doivent être autant que possible les deux plus proches
parents, ou voisins de la personne décédée. Il n'est pas
nécessaire qu'ils aient la qualité de citoyen français (C. civ.,
art. 79). La mission de ces témoins sera de fournir à l'offi-
cier de l'état civil les éléments nécessaires à la rédaction
de l'acte, car cet acte ne doit pas se borner à constater le
décès, il doit en outre déterminer l'individualité du défunt
et mentionner ses nom, prénoms, âge, profession, domi-
cile, les nom et prénoms de l'autre époux si le décédé était
marié ou veuf; les prénoms, noms, âges, professions et
domiciles des déclarants, etc. (art. 79). Quant au fait
matériel du décès, l'officier de l'état civil doit s'en assurer
en personne. L'art. 77 exige en effet qu'il se transporte
lui-même auprès du défunt. En pratique, cependant, les
choses ne se passent pas ainsi, et l'officier de l'état civil se
décharge le plus souvent du soin de constater le décès sur
un médecin, un officier de santé ou même une sage-femme.
La loi ne prescrit aucun délai dans lequel la déclaration de
décès et la rédaction de l'acte doivent être faites ; il n'y a
pas là une lacune : l'inhumation qui ne peut, comme nous
allons le dire, avoir lieu sans une autorisation de l'état
civil, ne saurait être trop longtemps différée, car les pa-
rents et amis du défunt seraient les premiers à souffrir
d'un retard. Le législateur a, au contraire, paré au danger
qui pourrait résulter d'une inhumation précipitée, et il a
décidé qu'aucune inhumation ne pourrait avoir lieu sans
une permission de l'officier de l'état civil ; en outre, cette
permission ne peut être délivrée au plus tôt que vingt-quatre
heures après le décès, à moins que ce décès ne soit dû à
une maladie épidémique ou contagieuse (C. civ., art. 77).
Sur la force probante de l'acte de décès, V. Inscription
m FAUX.
Le décès produit un effet assez important en matière de
procédure. Une distinction est nécessaire à cet égard, entre
le cas où le demandeur ayant constitué avoué au moment
de son décès , le défendeur n'a pas encore rempU cette for-
malité, et l'hypothèse où les deux parties ont rempli cette
formalité. Dans le premier cas, le décès du demandeur
aura pour effet d'obliger ses héritiers à réassigner à nou-
veau le défendeur : la loi pense que celui-ci compte peut-
être sur l'abandon du procès par les ayants droit du défunt,
et que, s'inspirant de cette idée, il négligera de constituer
avoué. La réassignatioïi lui montrera quelles sont les inten-
tions du demandeur et lui évitera la surprise d'être con-
damné par défaut au moment où il s'y attend le moins.
Dans le second cas, c.-à-d. lorsque les parties ont
toutes deux constitué avoué, l'instance sera interrompue,
que ce soit le demandeur ou le défendeur qui décède. La
loi veut laisser aux héritiers du défunt le temps de se mettre
au courant des procès de la succession qui leur est échue.
L'instance ainsi interrompue sera reprise par acte d'avoué
à avoué (C. de procéd., art. 347).
En matière criminelle le décès de l'inculpé a pour consé-
quence d'entraîner l'extinction de Faction publique, c.-à-d.
de l'action qui a pour objet l'application des peines, soit
corporelles, soit pécuniaires, soit privatives de droits (C.
d'instr. crim., art. 2). On peut tirer de ce principe les
conséquences suivantes : 1° lorsque le ministère public n'a
encore intenté aucune poursuite il ne peut les commencer
après le décès de l'inculpé ; 2"* si des poursuites ont été
entamées, elles ne peuvent plus suivre leur cours à dater
du décès ; 3° lorsqu'un jugement ou un arrêt rendu contre
un inculpé a été frappé d'une voie de recours, appel ou pour-
voi en cassation, il n'y a plus lieu pour la juridiction saisie
de ce recours de statuer après le décès du condamné, le
jugement ou Farrêt est purement et simplement anéanti :
il y a mieux, le décès du condamné survenant dans les
délais qui lui sont accordés pour interjeter appel ou pour
se pourvoir en cassation aurait pour effet de faire considé-
rer la condamnation comme nulle et non avenue.
Les mêmes principes ne seraient pas applicables à Fac-
tion civile en ce sens que le tribunal ou la cour qui ne
peuvent plus prononcer aucune peine après le décès de l'in-
culpé, auraient certainement le droit de vérifier le fait con-
stitutif de l'infraction, et de tirer de ce fait, à l'encontre
des héritiers de l'inculpé, les conséq[uences qu'il doit pro-
duire au point de vue de la réparation du préjudice qu'il a
causé. Lorsqu'une condamnation a été prononcée contre
une personne et qu'elle est devenue irrévocable, le décès
du condamné met fin à l'exécution de la peine qui lui a été
infligée. Cela résulte tant de la nature des choses que
du caractère personnel de toute condamnation pénale. Le
décès a aussi pour conséquence de mettre fin à certains
contrats : à la société (C. civ., art. 1965, 3^), au mandat
(art. 2003) ; il entraîne la dissolution du mariage, il dé-
termine enfin le moment de l'ouverture de la succession
du défunt. Paul Nachbaur.
IL Droit international. — D'après le code civil, tout
acte de décès de Français ou d'étranger, fait en pays
étranger, fait foi, s'il a été rédigé dans les formes usitées
dans ce pays ; et tout acte de décès d'un Français en paj^s
étranger est valable s'il a été reçu, conformément aux lois
françaises, par les agents diplomatiques ou par les consuls.
Il existe, à cet effet, dans tous les postes diplomatiques et
consulaires, des registres tenus comme ceux des mairies
de la métropole, et sur lesquels on inscrit les actes reçus
par l'agent français et l'on transcrit les actes dressés
par les autorités étrangères compétentes. Les expéditions
de ces divers actes faites par les chanceliers et visées par
les consuls font la même foi que les expéditions délivrées
en France par les officiers de l'état civil. Les actes reçus
dans les consulats ou chancelleries diplomatiques ne peu-
vent, sous prétexte d'omission, d'erreur ou de lacune, être
rectifiés que d'après un jugement émané des tribunaux
compétents. — Les consuls se font remettre par les capi-
taines des bâtiments qui abordent dans le port de leur ré-
sidence deux expéditions des actes do décès qui peuvent
avoir été rédigés pendant la traversée et transmettent l'une
des deux au ministre de la marine. S'ils découvrent qu'un
capitaine a négligé de dresser acte d'un décès survenu à
bord, ils en rédigent un procès- verbal qu'ils font signer
par les témoins et envoient tant au ministre de la marine,
chargé de faire prendre contre le contrevenant les mesures
qu'il appartiendra , qu'au ministre des affaires étrangères,
qui informe du décès les intéressés. — Lorsqu'un marin
français décède soit à terre, soit sur le navire dans le port,
soit en rade, l'acte de décès est dressé par le consul lui-
même. — En cas de naufrage, les consuls ne dressent pas
nécessairement eux-mêmes les actes de décès ; l'ordonnance
du 29 oct. 1833 leur prescrit seulement de faire ou d'in-
viter l'autorité locale à faire tous procès- verbaux et en-
quêtes pour connaître l'identité des déiunts, et de donner
leurs soins pour que l'inhumation ait lieu après qu'un acte
de décès aura été rédigé. — Toutes les fois qu'un Français
meurt à l'étranger sans laisser d'héritiers présents, le
consul transmet au ministre des affaires étrangères l'acte
1059 —
DÉCÈS — DECHAMPS
de décès, une expédition du testament, s'il y a lieu, et
tous les renseignements dont il peut être nanti sur la
famille du défunt. Ernest Leur.
IIL Démographie (V. Démographie et Mortalité).
BiBL. : Droit français. — En ce qui concerne Facte
de décès, V. le mot Acte de l'état civil. — - En ce qui
touche la procédure : Garsonnet, Traité théorique et
pratique de procédurey t. II, n"» 362 et suiv. — En ce qui
concerne le droit pénal: Garraud, Traité théorique et
pratique du droit pénal, t. II, n''^ 52 et suiv.
Droit international. — A. de Clerq et C. de Vallat,
Formulaire des chancelleries diplomatiques et consu-
laires ; Paris, 1888, 2 vol. in-8, 5« éd., et Guide pratique
des consulats ; Paris, 1880, 2 vol. in-8, 4» éd. — J. Crépon
et Lehr, Manuel des actes de l'état civil ; Paris, 1887, in-
12. -^ Ernest Lehr, Manuel des agents diplomatiques et
consulaires^ français et étrangers ; Paris, 1888, in-12.
DE CESAR E (Carlo), publiciste italien, né à Spinazzola
in Terra di Bari en 1824. Aujourd'hui sénateur du
royaume, il ^ été successivement secrétaire général des
finances, puis de l'agriculture à Naples (1860 et 1868-
69) et, à partir de 1871, député. Il débuta par un volume
de vers et un roman : Le Qre disolitudine (Naples, 1844);
il Conte di Minervino^storia del trecento (Naples, 1845);
deux œuvres de jeunesse très différentes des publications
subséquentes de l'auteur dont voici les plus intéressantes :
1° Economie politique : Il Mondo civile e industriale
nel XW secolo (Naples, 1857); Délia hidustria asia-
tica (Naples, 1858) ; Délia Protezione e del libero cam-
bio (Naples, 1858) ; Délia Proprietà intellettiiale
(Naples, 1858) ; Délie Condizioni economiche délie classi
agricole (Naples, 1859) ; il Crediio fondiario e Vagri-
colo (Naples, 1863); Disar manie economiche (Florence,
1865) ; laFinanza italiana (Florence 1867) ; leBanche
diemissione (Rome, 1874); le Due Scuole economiche
(Rome, 1875). 2^ Statistique : Délia Scienza statistica
e del modo corne ordinare le statistiche (Naples, 1857) ;
Sul Metodo statistico (Palerme, 1857), etc. 3<» Juris-
prudence : Trattato delV Enfiteusi(lS'à])[es, 1857) ; Irat-
tato délie prove in materia civile (Naples, 1857), etc.
4*^ Histoire et politique : Del Potere temporale del
Papa (Naples, 1861) ; VAlleanza franco-italiana e la
politica di Napoleone III (Naples, 1862) ; la Germania
moderna (Rome, 1874) ; le Nuove Storie (Florence,
1876), etc. — Un autre publiciste du même nom, Rafaello
Cesare, né à Spinazzola (PouiUe) en 1845, s'est fait con-
naître par deux ouvrages qui firent quelque bruit à leur
apparition, il Conclave di Leone XIIÎ et il Futur o Con-
clave (Città di Castello, 1887). R. G.
. DECEULENEER (Adolphe) , historien belge, né à Ter-
monde en 1849. Après avoir pris à l'université de Lou-
vain le grade de docteur en philosophie et lettres, il suivit
les cours de la Sorbonne et de plusieurs universités alle-
mandes, puis fut envoyé par le gouvernement belge en Ita-
lie, en Espagne, en Grèce et en Amérique pour compléter
ses études archéologiques. Nommé sous-bibliothécaire de
l'université de Liège en 1875, il passa en 1882 à l'uni-
versité de Gand où il occupe la chaire d'archéologie, d'épi-
graphie et d'antiquités romaines. Il a publié un grand
nombre d'articles dans des revues savantes et plusieurs
travaux qui témoignent d'une vaste érudition. Son prin-
cipal ouvrage est un Essai sur la vie et le règne de
Septime Sévère (Bruxelles, 1880, in-4), qui a été cou-
ronné par l'Académie royale de Belgique.
DEGHAMBRE (Aniédée), médecin français, né à Sens
(Yonne) le 12 janv. 1812, mort à Paris le 20 déc. 1885.
Il étudia à Paris, y fut interne des hôpitaux et débuta dans
la carrière littéraire par des articles de critique insérés
dans la Gazette médicale de Paris^ VEsculape, VExa-
minateur médical^ etc., puis alla se faire recevoir doc-
teur à Strasbourg en 1844. De retour à Paris, il collabora
assidûment à la Gazette m^<iica/^ jusqu'en 1853 et cette
même année fonda la Gazette hebdomadaire de méde-
cine et de chirurgie. En 1864, il commença avec Raige-
Delorme, qui devait le quitter peu après, la publication du
Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales^
(ju'il ne put terminer ; cet ouvrage, le monument le plus
imposant élevé à la science médicale, au xix® siècle, a été
achevé par les docteurs Lereboullet et Hahn, en 1889. —
Les travaux extrêmement nombreux de Dechambre ont
trait à la philosophie médicale, à la pathologie et à la cli-
nique médicale, à la physiologie pathologique, aux maladies
mentales, à la déontologie médicale, à la législation, à l'en-
seignement, à l'archéologie et aux beaux-arts sous le rapport
médical, à la littérature, à la poésie. Citons seulement :
Dictionnaire usuel des sciences médicales (avec Duval
et Lereboullet) (Paris, 1884, gr, in-8) ; le Médecin : de-
voirs privés et publics, etc. (Paris, 1883, in-18) ; ses
autres travaux sont disséminés principalement dans la Ga-
zette hebdomadaire elle Dictionnaire encyclopédique. —
Dechambre se distinguait par un jugement droit, un esprit
très fin et des qualités de cœur remarquables. Que de
jeunes médecins et écrivains il a assistés à leurs débuts et
sauvés du découragement, qui sont arrivés à la célébrité
aujourd'hui ! Ajoutons que c'était un praticien hors ligne
et vers la fin de sa carrière un médecin consultant très
recherché. Enfin, il était membre de l'Académie de méde-
cine, oflicier de la Légion d'honneur, etc. D'' L. Un.
BiBL. : Lereboullet, A. Dechambre. Sa vie^ ses
œuvres; Paris, 1887, in-8. — Ritti, Eloge de A. De-
chambre; Paris, 1890, in-8.
DECHAMPS (Adolphe), homme d'Etat belge, né à Melle
le 17 juin i 807, mort à Manage en 1875. Il débuta dans la
poMtique en collaborant à plusieurs journaux du parti catho-
lique modéré, puis fonda avec Pierre de Decker (V. ce
nom) la Revue de Bruxelles^ oîi il préconisa l'union entre
les éléments modérés des partis, le système du gouverne-
ment des centres, et les ministères mixtes. Elu membre de
la Chambre des représentants en 1834, il prit une part
brillante à la discussion de la loi communale et ne tarda
pas à se placer au premier rang des orateurs belges. En
1839, il combattit énergiquement la conclusion d'un traité
de paix avec la Hollande et prononça plusieurs discours
qui eurent un grand retentissement. En 1842, il fut le
rapporteur très écouté de la loi qui organisait l'enseigne-
ment primaire et introduisait le prêtre dans l'école officielle
à titre d'autorité. Gouverneur du Luxembourg depuis 1842,
Dechamps devint, en 1843, ministre des travaux publics.
En cette qualité il contribua activement à l'exécution du
réseau des voies ferrées belges. Deux ans plus tard, il
échangea son portefeuille contre celui des affaires étran-
gères. Renversé du pouvoir en 1847, il fut pendant de
longues années le chef de la minorité catholique et, en 1864,
les élections ayant été défavorables au cabinet libéral, Léo-
pold P^ le chargea de constituer un ministère; mais la
combinaison n'aboutit pas, le roi refusa d'adhérer à son
programme de réforme électorale. Le ministère libéral ob-
tint alors la dissolution de la Chambre des représentants,
et Dechamps ne fut pas réélu. Comme son ami de Decker,
il quitta alors définitivement la politique, se lança dans les
entreprises harsardeuses de Langrand-Dumonceau, et y
compromit sa fortune et sa bonne réputation. Il termina sa
vie dans une retraite absolue. Il était ministre d'Etat,
grand officier de l'ordre de Léopold, et grand-croix de la
Légion d'honneur. Deschamps a publié des écrits pleins de
verve, de finesse et de talent littéraire, et qui révèlent
chez leur auteur une connaissance approfondie de la poli-
tique. En voici les principaux : le Second Empire
(Bruxelles, 1859, in-8); l'Empire et V Angleterre
(Bruxelles, 1860, in-8) ; Jules-César. U Empire jugé par
r empereur (Bruxelles, 1865, in-8); la France et T^l/-
lemagne (Bruxelles, 1865, in-8) ; la Convention de
Gastein (Bruxelles, 1865, in-8) ; les Partis en Belgique
et le nouveau règne (Bruxelles, 1866, in-8); l'Ecole
dans ses rapports avec l'Eglise^ l'Etat et la liberté
(Bruxelles, in-8) ; le Prince de Bismarck et V entrevue
des trois empereurs (Bruxelles, 1873, in-8). E. H.
BiBL. : L, HymAns, Histoire parlementaire de la Bel-
gique ; Bruxelles, 1878-1882, 5 vol. in-8. — Goblet d'Al-
viELLA, Cinquante Ans de liberté. La Vie politique;
DECHAMPS — DÉCHARGE
1060 —
Bruxelles, 1880, in-8. — Thonissen, la Belgique sous
le règne de Léopold J^s* Louvain, 1861, 3 vol. in-8. —
L. Hymans, la Belgique contemporaine; Bruxelles, 1884,
in-12.
DECHAMPS (Victor- Auguste), frère du précédent, pré-
lat belge, né à Melle le 6 déc. 4810, mort à Malines le
28 sept. 1883. Il prenait une part active au mouvement poli-
tique issu de la révolution de 1830 quand brusquement il
entra au séminaire de Tournai. Ordonné prêtre en 1834, il
devint rédemptoriste et se consacra spécialement à la prédi-
cation. Bientôt il fut cité comme le premier orateur religieux
de la Belgique, tandis que son frère devenait un des maîtres
de la tribune parlementaire. En même temps il publiait des
ouvrages d'apologétique où il se révélait littérateur aussi
délicat qu'il était prédicateur onctueux. Il avait été chargé
d'enseigner la doctrine chrétienne aux princes de la famille
royale, et, en 1850, il prononça Féloge funèbre de la reine
Louise-Marie, qui passe pour son chef-d'œuvre oratoire.
En 1865, il fut appelé au siège épiscopal de Namur et deux
ans plus tard il fut promu archevêque de Malines et primat
de Belgique. Il joua un grand rôle au concile du Vatican et
fut le véritable chef du groupe des infailbbilistes ; il soutint
au sujet du nouveau dogme de fougueuses polémiques,
notamment contre le P. Gratry et l'évêque d'Orléans. En
4874, il re(;ut le chapeau de cardinal. Ses adversaires les
plus ardents rendaient hommage à son caractère, à son
talent, à ses vertus sacerdotales; mais on lui reprochait
une intolérance excessive. Il condamna la loi scolaire de
1879, qui permettait cependant au prêtre de donner l'en-
seignement religieux dans l'école primaire officielle ; il
excommunia en masse les instituteurs qui refusaient de démis-
sionner, et ordonna à son clergé de refuser les sacrements
aux parents qui ne retireraient pas leurs enfants de ce
qu'il appelait « les écoles sans Dieu tenues par les maîtres
sans foi ». Les choses en vinrent au point que les chefs de
la droite parlementaire protestèrent auprès du pape, disant :
« Si les instructions données aux curés viennent à être
mises en pratique sans que la rigueur en soit tempérée,
celles-ci ne pourront manquer d'être trouvées inopportunes
et inefficaces; peut-être feraient-elles haïr FEghse. Le
parti cathoHque se trouvera dans la pénible alternative ou
de se perdre en essayant de justifier ces mesures, ou de les
blâmer en suivant le cours de l'opinion. » Ces sages con-
seils ne furent pas suivis, et l'archevêque mourut au mo-
ment où la lutte scolaire était arrivée à son plus haut
degré d'intensité. Il était grand officier de l'ordre de Léo-
pold et grand-croix de l'ordre du Saint-Sépulcre. Les prin-
cipaux ouvrages du cardinal Dechamps sont : Conférences
prêchées à la cathédrale de Liège (Liège, 1854, in-8) ;
Des Différentes Méthodes de démonstration de la foi
(Bruxelles, 1859, in-8) ; Lettres théologiques sur la
démonstratio7i de la foi (Tournai, 1861, in-12); Du
Progrès des arts et de leur sécularisation absolue
(Bruxelles, 1864, in-8) ; la Vie de plaisirs (Bruxelles,
1865, in-8) ; la Grande Erreur de 7iotre ^^mp^ (Malines,
1868, in-8) ; V Infaillibilité et le Co7icile général (Paris,
1869, in-8) ; De l'Opportunisme et de la dé finition dog-
matique de l'infaillibilité du saint-siège en matière
J^/bi (Paris, 1869, in-8). E. H.
DÉCHANT ou DISCANTUS en latin du moyen âge, est
un terme de l'ancienne musique française, employé surtout
de la fin du xn® siècle jusqu'au début du xv^. Dans la
musique vocale religieuse et même profane, on faisait
usage, particulièrement au xm« siècle, d'un thème, généra-
lement emprunté au plain-chant et chanté d'habitude par
le ténor (cantus planus^ cantus firmus, ou simplement
cantus), A côté de cette partie essentielle, une autre pre-
nait place, accessoire, ornementale en quelque sorte, et
d'habitude exécutée en valeurs moindres. C'était le déchant,
un contrepoint Yéiitdihh au chant donné (V. Contrepoint),
mais dont la naissance et l'emploi sont antérieurs à
l'époque où les lois du contrepoint commencèrent d'être
déterminées d'une façon méthodique. Quelquefois écrit et
complètement noté dans les airs « en parties », le déchant
était souvent laissé à l'initiative des chanteurs. Cette der-
nière nature de déchant est demeurée longtemps dans
l'école sous le nom de contrepoint improvisé (contrapuntto
allamente), Adam de La Halle est le plus important de
tous les déchanteurs du moyen âge. Il eut une grande
influence sur les applications et aussi la transformation de
cet art d'où la polyphonie moderne devait sortir. Le déchant
était d'habitude confié aux voix les plus élevées, aux
« dessus ». Aussi ce mot désigna-t-il plus tard la partie
supérieure d'un ensemble, et la clef àhit (1^® ligne) prit-
elle quelquefois le nom de clef de déchant. Le terme dis-
kant est même resté en usage dans la terminologie alle-
mande. On a conservé de nombreux traités de déchant
dans les manuscrits des xii® et xni® siècles ; ils ont été
publiés dans les collections Gerbert et Coussemaker
(V. ces noms). Alfred Ernst.
DÉCHAPERONNÉ (Construct.). Un mur est dit décha-
peronné lorsqu'il a perdu, par vétusté ou par toute autre
cause de détérioration, tout ou partie de la couverture ou de
l'enduit qui protégeait l'intérieur de sa construction et dont
la pente unique ou la double pente servait à l'écoulement
des eaux pluviales et en même temps fournissait des indices
de mitoyenneté. Ch. L.
DÉCHARGE. I. Art MiLiTAmE. (V. Feu).
II. Physiûue. — Décharge électrique, (V. Batterie).
III. Construction. — Le mot décharge a reçu, en
architecture et en construction, de nombreuses acceptions
bien diverses, exprimant tantôt le sens propre de décharge
ou de débarras et tantôt le sens figuré de soutien ou
d'appui. C'est ainsi que, au sens propre, dans la distribution
d'une habitation, une pièce de décharge est une sorte de
cabinet ou dépôt, le plus souvent un grenier ou une remise,
où l'on sert les objets d'un certain volume qui ne sont pas
d'un usage journaher. — En terrasse, on appelle décharge
un terrain, le plus souvent excavé ou en contre-bas, dont
on remplit le creux avec des immondices ou avec des terres
et des gravats provenant de fouilles ou de démolitions, et
en hydraulique et en plomberie ou en jardinage, on dé-
signe sous le nom de tuyaux de décharge , soit le tuyau de
trop-plein placé à la partie supérieure d'un réservoir pour
écouler l'eau qui menacerait de déborder, soit le tuyau de
fond qui, placé à la partie inférieure permet, à l'aide de
divers appareils, ou de prendre de l'eau en quantité déter-
minée, ou de vider entièrement le réservoir. — Dans le sens
figuré, celui d'aide ou de soutien, on appelle décharge en
construction, qu'il s'agisse de maçonnerie ou de charpente
de bois ou de fer, soit un arc ou une pile, soit une pièce
de bois ou de métal, et en général toute construction auxi-
liaire servant à soulager d'une partie du poids de la cons-
truction supérieure, un linteau ou une plate-bande, un
mur ou une cloison, un arbalétrier de comble ou une arma-
ture de grille (V. Arc de décharge). Charles Lucas.
IV. Hydraulique. •— Décharge d'eau. Bassin ou
canal qui reçoit le trop-plein des eaux d'une rivière, d'un
lac ou d'un aqueduc. Dès l'antiquité reculée, ont été ac-
complis, dans ce genre de travaux, des œuvres d'art d'un
grand intérêt et restées célèbres par l'intelligence et la
science déployées dans leur construction. C'est ainsi que,
longtemps après les Egyptiens et leur fameux lac Mœris
destiné à conserver une partie des eaux résultant de la
crue du Nil, les anciens Bomains avaient, sous le nom
de Emissarium^ exécuté des canaux de décharge pour
plusieurs grands lacs, le lac d'Albano, le lac Fucin et le
lac d'Averne (V. EMissAms).
V. Imprimerie. — On appelle feuilles de décharge, ou
simplement décharges^ des feuilles d'un papier spécial,
souple, grisâtre, de mêmes dimensions que celles qui doivent
recevoir l'impression et qui ont pour but d'empêcher tout
maculage de l'étoffe qui garnit le cylindre d'une machine à
retiration, par la pression du côté fraîchement imprimé
(V. Impression). L'emploi delà décharge exige un margeur
de plus qui la place sous les cordons en même temps
qu'un autre place la feuille en blanc. Il faut la chan-
4061
DECHARGE — DECHAUMAGE
ger dès qu'on s'aperçoit qu'il y a la plus petite adhé-
rence avec la feuille à imprimer. Une rame de décharges
peut servir pour un tirage d'environ vingt à vingt-cinq
rames.
VI. Droit. — La décharge est un acte libératoire
dont l'effet est d'éteindre l'obligation de celui à qui la
décharge est donnée ; en certains points, l'effet produit
est le même que lors de la remise d'une quittance, mais la
décharge en diffère en ce qu'elle ne peut supposer une
aliénation, une transmission de deniers; la décharge cons-
tate une libération sans aliénation. C'est donc une véritable
décharge que l'acte qui constate la remise d'une chose
déposée, par le dépositaire au déposant ; de même pour la
remise des dépôts de sommes chez les officiers publics ; de
même encore pour la remise au mandant des sommes
touchées par le mandataire en exécution de son mandat,
pourvu qu'il n'en ait pas fait usage ; c'est également une
décharge qui constate la restitution par un établissement
de crédit des titres qui lui avaient été remis en dépôt ;
mais si la pièce constate en même temps le payement des
sommes encaissées pour intérêts ou dividendes, c'est alors
un véritable reçu pour la somme ainsi versée. Cette dis-
tinction entre les quittances et les décharges est importante
au point de vue de l'enregistrement, les décharges n'étant
soumises qu'au droit fixe, alors que c'est le droit propor-
tionnel qui est perçu sur les quittances. La loi des 23-
25 août 1871 a soumis au droit de timbre de iO cent,
toutes les décharges, qu'elles soient constatées par lettres
missives ou cartes postales, signatures sur registres spé-
ciaux ou autrement. La remise des objets transportés par
les chemins de fer ou les compagnies de transport donne
Heu à une décharge de la part du destinataire, soumise
comme les autres au timbre de 4 0 cent. Pour trancher les
difficultés soulevées pour le payement de ce droit de timbre,
par l'expéditeur, les compagnies ou le destinataire, la loi
du 28 févr. 4872 a établi que ce droit de timbre serait
compris dans le timbre du récépissé (35 cent.) ou de la
lettre de voiture (70 cent), dont le montant s'ajoute aux
autres frais de transport. G. François.
DÉCHARGEMENT (Mar.). Ce terme implique le débar-
quement de la totalité des marchandises composant la car-
gaison d'un navire ; on appelle décharge le débarquement
partiel. Selon leur service et le genre des marchandises
transportées, les navires de commerce ont des installations
mécaniques spéciales qui servent pour le chargement et le
déchargement. Sur les grands paquebots et les bateaux-
poste, et en général les navires à vapeur, les opérations
de déchargement se font avec une grande rapidité par des
treuils à vapeur, au moyen desquels les marchandises sont
amenées sur le pont et transportées ensuite avec un sys-
tème de palans, à quai, sur appontements ou sur chalands,
suivant la nature du débarcadère. Les navires comportent
aussi des sabords de déchargement, soit à l'avant, soit à
l'arrière (pour les grandes pièces de bois par exemple), soit
sur les côtés où accostent les chalands. Il y a des règles et
des modes spéciaux de déchargement suivant les objets à
débarquer (gros matériel, charbon, bestiaux, etc.) Sauf
pour les « transports » qui à chaque voyage font leur dé-
chargement comme les navires de commerce, dans la marine
de guerre les opérations de débarquement du matériel em-
barqué rentrent dans celles du désarmement. — Le mot
déchargement désigne aussi les manœuvres qui ont pour but
de relever un navire engagé ou couché sur le flanc ; pour
le faire arriver, pour *le relever, on met le chargement, les
canons, etc., sur l'autre bord, et en dernier lieu on coupe la
mâture en commençant parle mât d'artimon. — L'acte au-
thentique libérant de la responsabilité des objets débarqués
est aussi appelé déchargement.
DÉCHARGEOIR (Hydraul.). Petit canal ou conduit
d'eau relié à une écluse avec laquelle on le fait commu-
niquer pour en recevoir l'eau de trop-plein : une bonde
ou une vanne sert le plus souvent à régler Teau du déchar-
geoir (V. Ecluse).
DÉCHARGEUR. On donne ce nom aux ouvriers qui,
dans les chantiers, les chemins de fer, etc., déchargent les
voitures, les wagons ; le nom de débardeur est plus spé-
cialement réservé aux ouvriers qui déchargent les bateaux
chargés de bois, de pierre, de brique ou de pavés. Le prix
de la journée de travail ne dépasse pas 4 fr., sauf à Paris,
où le salaire est un peu plus élevé.- Dans les ports de mer,
les hommes travaillant aux pièces ont un gain qui varie
avec la nature du déchargement; le salaire est compté à la
tonne de matière déchargée. Les engins mécaniques employés
de plus en plus dans les chantiers rendent aujourd'hui les
manœuvres plus faciles et surtout plus promptes.
DEGHARME (Paul), professeur français, né à Beaune
le 45 déc. 4839. Elève de l'Ecole normale (promotion de
4859), puis membre de l'école d'Athènes, il devint pro-
fesseur de langue et de littérature grecques à la faculté
des lettres de Nancy, doyen de cette faculté (4883-86),
chargé de cours de poésie grecque à la faculté des lettres
de Paris (4887). Outre ses thèses: De Thebanis artifi-
cibus (4869) et les Muses, étude de mythologie grecque
(4869), il a publié: Mythologie de la Grèce antique
(Paris, 1879, in-8; nouv. éd., 4886) et collaboré aux
Archives des missions scientifiques , au Dictionnaire
des antiquités grecques et romaines, de Daremberg et
Saglio, à la Revue critique, à la Revue de l'histoire des
religions, etc.
DÉCHAUFFOUR de Boisduval (J.-B. -Alphonse) (V.
Boisduval).
DECHAUMAGE (Agric). Le déchaumage est une façon
culturale qui consiste à ameublir la superficie d'un champ
qui vient de porter une céréale ou une plante industrielle
et qui y a laissé des chaumes ou fragments de tiges. On
déchaume peu de temps après la moisson ou la récolte du
colza, de l'œillette, etc. Cette opération poursuit plusieurs
buts: 4° déraciner les chaumes et les enterrer légèrement
de manière qu'ils se décomposent dans le sof; 2^ dé-
truire les mauvaises herbes qui se sont développées libre-
ment depuis l'enlèvement de la récolte ; 3^^ ameublir et aérer
la couche superficielle du sol ; 4^ favoriser la germination
des graines de plantes nuisibles qui sont déposées à la sur-
face du sol, telles que ravenelle, ivraie, coquelicot , mou-
tardon. Les déchaumages bien exécutés et faits en temps
voulu sont des opérations très utiles qui entretiennent la
fertilité et la propreté des terres. Cette opération est sou-
vent appelée labour de déchaumage; toutefois, le
déchaumage n'est pas un labour. Les façons que com-
portent le déchaumage ne sont pas toujours les mêmes.
Elles varient suivant la nature des terres et la nature
des mauvaises herbes dont on vise plus spécialement la
destruction, par cela même on pratique cette opération
avec des instruments qui varient suivant les cas, le plus
souvent c'est avec la charrue, le polysoc, Vextirpateur
ou le scarificateur (V. ces mots). Avec la charrue, aus-
sitôt après l'enlèvement de la récolte, on donne un
labour très superficiel, de 6 à 8 centim. de profon-
deur, et avec larges bandes. Dès que le sol a blanchi, on
herse deux ou trois fois et souvent même on passe le rou- -
leau. Au bout d'une quinzaine de jours, toutes les mau-
vaises graines ayant germé, la terre se trouve couverte de
plantes; on déracine alors celles-ci en faisant passer le
scarificateur ou l'extirpateur dans divers sens ; puis on
herse et on roule. On provoque de cette manière la germi-
nation d'autres graines qui avaient échappé à la première
action, et dès que le terrain a verdi de nouveau, on donne
un second labour, toujours superficiel, mais pénétrant un
peu plus avant que le premier, soit à 40 centim.
environ. Cependant lorsque la terre est infestée de chien-
dent, plante si difficile à détruire, le déchaumage à la
charrue se pratique autrement. On donne un labour à
45 ou 20 centim. de profondeur, en prenant des bandes
étroites ^ (V. Labour) et qui, par conséquent, seront peu
renversées. On les laisse se dessécher complètement avec
les racines de chiendent qu'elles ont ramenées à la sur-
DÉCHAUMAGE ^ DECÏANUS
1062
face, et on termine par des hersages et scarifiages répétés
aussi souvent qu'il est nécessaire. Bien souvent, on rem-
place dans les déchaumages superficiels la charrue par le
bisoc^ le trisoc ou même le quadrisoc, instruments plus
stables lorsque la profondeur visée est faible. L'extirpa-
teur et le scarificateur bien réglés opèrent de très bons
déchaumages quand on les lait agir suivant la longueur et
la largeur du champ qu'on veut déchaumer. En croisant
ainsi les trains des instruments, toute la surface du sol est
attaquée et bien ameublie. Presque toutes les terres ara-
bles peuvent être soumises au déchaumage après la
moisson, et tels sont les bons effets de cette opération que
dans certains pays avancés, pour l'effectuer, . on n'attend
même pas la rentrée des céréales. Celles-ci sont mises en
tas alignés, et l'on entame immédiatement les espaces inter-
médiaires que l'ardeur* du soleil n'a pas eu le temps de
durcir. Néanmoins les terres les plus difficiles à déchaumer
sont celles de nature argileuse ou argilo-calcaire qui, dans
les pays où les pluies d'été sont rares, sont parfois si
dures et si serrées après la moisson qu'on se voit forcé de
renoncer au déchaumage. A. Larbâlétrier.
DECHAUME, DE GALMIS ou DE CULMIS (Nicolas),
maître d'oeuvres français du commencement du xiv® siècle.
Ces trois noms, dont deux latins et un français qui n'en
est que la traduction, mais tous trois accompagnés du même
prénom, semblent bien désigner le même constructeur qui,
avec le titre de maître des œuvres du roi et toujours rési-
dant à Paris, visita, en 4316, comme expert, les ti^avaux
de la cathédrale de Chartres, en compagnie de Pierre de
Chelles et Jacques de Longjumeau, autres maîtres d'œuvres
parisiens. Nicolas Dechaume dirigea, de 4317 à 1339, les
travaux de la cathédrale de Sens alors en pleine activité et
pour lesquels on sait que, en 1320, il s'approvisionna, aux
carrières de Saint-Leu près de Paris, de pierres et aussi de
colonnes façonnées. C'est à ce maître que l'on attribue, dans
la cathédrale de Sens, la partie centrale de la tour de
pierre (131T à 1320), le petit portail près la tour Nord,
les chapelles du pourtour du chœur et celle du collatéral
droit de la nef, lesquelles ont été restaurées par Ad. Lance,
il y a vingt-cinq ans. Charles Lucas.
DÉCHAUMEUSE (Agric). Sous ce nom, on désigne,
d'une manière générale, tous les instruments servant à
effectuer les déchaumages, tels que char f lies légères, ^z-
7iots,polysocs, scarificateurs j extirpateiirs et même les
herses (V. ces mots). A. L.
DÉCHAUSSEMENT (Vitic). On donne, en viticulture,
le nom de déchaussement au labour qui consiste à enlever
au pied des souches une quantité de terre telle que les
premières racines sont mises à nu. Elle se pratique géné-
ralement à l'entrée de l'hiver, soit en fossés continus sui-
vant les rangées (labours en selette de l'Hérault), soit en
godets uniques dont la souche représente le centre. Cette
opération a pour but, outre l'aération du sol, de dégager
le pied des souches de tous les détritus qui sont un abri
pour les insectes et surtout pour les escargots. Elle est
nécessaire dans les vignes greffées pour faciliter le sevrage
des racines françaises poussées sur le greffon (V, Viti-
culture) .
DÉCHAUSSEUSE (Y. Charrue vigneronne, t. X,
p. 804).
DÉCHÉANCE. En politique on entend, par ce mot, l'acte
par lequel un souverain est dépossédé, généralement par
la force, de son autorité souveraine. Il s'oppose par là
à Vabdication (V. ce mot) qui est une renonciation
volontaire. La déchéance, comme droit légitime des peuples,
existe en réalité plutôt en fait qu'en principe, car il
est bien évident qu'aucune constitution ne peut prévoir
le renversement du gouvernement dont elle est la charte.
C'est ce que prouvent tous les exemples historiques : le
droit de déchéance n'est jamais invoqué qu'après coup et
pour légitimer en apparence l'œuvre de la force. Ainsi
Jacques II est déclaré déchu de la couronne le 13 févr.
1689 sous prétexte qu'il a voulu renverser les lois
et libertés du royaume; la déchéance de Napoléon P^
(4 avr. 1814) est motivée sur des infractions à la consti-
tution et des atteintes aux droits de l'humanité ; de même
celle de Charles X (7 août 1830), celle de Napoléon lïl
(1^^ mars 1871), mais une révolution a nécessairement
précédé l'invocation de tous ces prétextes.
DÉCHET. I. Industrie. -— Les déchets sont les résidus
de fabrication ou de consommation. On a cherché depuis
longtemps à les utiliser, et ces produits, qui étaient
autrefois l'accessoire de toute industrie, sont devenus pour
plusieurs au moins la source même d'une industrie nou-
velle. C'est ainsi que les déchets d'étoffes de coton, de
toiles ou do papier, ont été et sont encore en partie, la
base de la fabrication du papier. Des vieux vêtements de
laine, on extrait cette dernière pour faire un drap appelé
renaissance. Les déchets de soie, de laine, de coton, de
lin ou de chanvre, provenant de là filature, sont réem-
ployés et forment des produits nouveaux semblables, mais
de qualité inférieure. Les rognures de cuir, de peaux
tannées se transforment en cuir factice, engrais, cyanures ;
celles de peaux non tannées, en gélatine, colle. Des vieux
fer-blanc, rognures ou boîtes de conserves on extrait
l'étain, ou bien on les transforme en jouets, tels que petits
soldats, ménages, etc. Cotte industrie est arrivée dans ces
dernières années à un chiffre d'affaires considérable. Les
résidus d'os servent à faire du noir animal. Quant aux
déchets de consommation ménagère, ils servent d'engrais.
La vente des balayures de Paris aux maraîchers des envi-
rons est chose connue. En Amérique, on les a traitées
directement, pour en extraire l'ammoniaque, les hydro-
carbures, les cendres. On comprend qu'il n'entre pas dans
notre cadre de traiter de tous les déchets. On trouvera ce
qui les concerne aux industries ou aux matières d'où ils
proviennent. F. Gaudez.
II. Architecture. — Par déchet on désigne en général
toute perte produite par suite de la taille et de la mise en
œuvre des matériaux employés dans la construction. Cette
perte est très variable, suivant la nature des matériaux et
leur mode d'emploi : cependant l'expérience a réussi à la
fixer, pour la pierre de taille, entre 1/18 (libages de
pierre dure) et 1/3 (claveaux de pierre tendre) du volume
brut et, pour le moellon, entre 3/100 (moellon dur) et
10/100 (moellon tendre). La meulière que l'on taille rare-
ment n'offre guère que 4/100 de déchet moyen. Pour
la perte produite par la taille des bois de charpente,
V. Débillardement. Charles Lucas.
DECHÉZEAUX (Pierre-Charles-Daniel-Gustave), homme
politique français, né à La Flotte (île de Ré) le 8 oct. 1760,
mort à Rochefort le 17 janv. 1794. Issu d'une famille
protestante, négociant à La Flotte, commandant la garde
nationale de cette ville, il fut élu par les électeurs de
la Charente-Inférieure premier député suppléant à l'As-
semblée législative, puis député à la Convention. Dans le
procès de Louis XVI, il vota pour la détention. Inquiété
après le 2 juin pour ses sympathies envers les girondins, il
donna sa démission le 13 août 1793 et fut remplacé par
Eschassériaux jeune. (Juoiqu'il eût protesté publiquement
contre l'imputation de fédérahsme, il fut arrêté à La
Flotte le 6 nov., 1793, traduit le 17 janv. 1794 devant le
tribunal révolutionnaire que Laignelot et Lequinio avaient
établi à Rochefort, condamné à mort et exécuté le même
jour. La Convention réhabilita sa mémoire par décret du
3 mai 1795. F.-A. A.
BiBL. : Eschassériaux, Assemblées électorales de la Cha-
renle-lnférieuve ; Niort, 1868, in-8.
DÉCHIFFREMENT (Mus.) (V. Lecture à vue).
DEC H Y. Conl. du dép. du Nord, arr. et cant. de Douai :
2,052 hab.
DECÏANUS (Tiberius), jurisconsulte italien, né à Udine
en 1508, mort en 1381. Il a enseigné le droit à Padoue,
et a laissé un ouvrage intitulé Iractatus criminalis
utriusque censurœ duobus tomis distinctus (Venise,
1580, m-fol, ; Francfort, 1581, 1591, 1613, in-foL).
1063 —
DECIANUS - DÉCIME
BiBL. : G. Panzirou, De Claris Legum Interpretibus
libri IV; Leipzig, 1721, p. 283.— Faustin-Hélie, Traité
de V instruction criminelle^ édition contenant des aug-
mentations par J.-S.-G. Kypols et Léopoîd Hanssons ;
Bruxelles, 1863, t. I, p. viii.
DECIATES, Deceates (Aexi^Tai). Peuple ligure, dont le
territoire devait correspondre à la région du littoral médi-
terranéen, située à FO. du Var, aux environs d'Antibes.
Sur la carte de M. Longnon, il est à TO. des Nerusi^
au S. des Oxybii et à l'E. des Commoni. Artémidore,
cité par Etienne de Byzance, fait mention d'une ville de
Deciatum^ qu'il place par erreur en Italie ; c'était proba-
blement V oppidum dont parle Mêla, sans doute un port,
aujourd'hui abandonné, qui a dû se trouver près de Gagnes,
à l'embouchure àeVApron (Loup). Marseille, au temps de
sa prospérité, fonda la ville à^ Antipolis (Antibes), sur le
territoire des Deciates qui, comme les Oxybii^ leurs voi-
sins, étaient à cette époque les clients des Salluvii. Vers
l'an 454 avant notre ère, les Oxybii et les Deciates atta-
quèrent les établissements marseillais de Nicœa et d'in-
tipolis. Les Romains, accourus au secours dos Marseillais,
leurs alliés, franchirent à cette occasion pour la première
fois les frontières de la Gaule transalpine et sous la con-
duite du consul Q. Opimius, battirent les deux peuples
ligures sur les bords de FApron. Le pays des Deciates^
désormais soumis aux Romains, fit partie, à l'époqued'Au-
guste, des Alpes Maritimes et forma plus tard la civitas
Antipolitana^ une des cités de h provincia Narbonensis
secunda, L. W.
BiBL. :,PoLYBE, XXXIII, vu, 8. — Strabon,IV, I, 5. —
PoMPONius Mêla, II, 5. — Pline lMncien, Histoire natu-
relle, III, IV, 5. — Ptolèmée, II, X, 8. — - Florus, Bell,
ligur.^ II, 2. — E. Desjardins, Géographie de laGaule^ II,
passim. —Longnon, Atlas historique,
DECIDIUS (L. Decidius Saxa), partisan de César,
tribun en 44 av. J,-G., mort en 40, dans une expédition
contre les Parthes. G. L.-G.
DÉCIDUÂTESetNON-DÉCIDUATES (ZooL). Chez les
Mammifères placentaires, on désigne sous le premier
de ces noms les groupes oti le placenta est décidu, c.-à-d.
pourvu d'une caduque (V. ce mot) et sous le second les
groupes où cette caduque fait défaut (V. Mammifères et
Placenta) .
DÉCI ER ou DEYCi ER. Nom que portaient au moyen âge
les fabricants de dés à jouer, d'échecs, de dames et de jeux
de trictrac. Malgré les ordonnances et les édits des rois
de France qui défendaient le jeu et la fabrication des dés,
la corporation des déciers au xiii® siècle était importante et
leur industrie fort lucrative. Etienne Boileau, dans le
Livre des mestiers, s'occupe assez longuement de la com-
munauté de ces artisans et donne leurs statuts oti l'on
remarque qu'une des préoccupations ..de ceux qui les rédi-
gèrent semble avoir été de prévenir les fraudes et les
tricheries auxquels le jeu de dés prêtait mieux que tout
autre : « Nul deycier ne peut ne ne doit fere ne acheter
des plonmez, de quoi qu'ils soient plonmez, soit de vif-
argent ou de pions, car Fœuvre est fausse et doit être
arse » (art. 40). L'art. 41 concerne les dés mespoinz,
c.-à-d. présentant sur plusieurs de leurs surfaces le même
nombre de points ; la fabrication et la vente en étaient
également interdites. Si les fraudes au jeu sont aujourd'hui
fréquentes, on peut croire qu'au moyen âge elles ne l'étaient
pas moins et que malgré les fortes amendes édictées les dés
pipés étaient d'un usage répandu.
DÉCIGRAMME (V. Système métrique).
DÉCILITRE (V. Système métrique).
DECIMA HEREDITATIS (V, ViCESIMÂ HEREDITATls).
DECIMAL (Système) (Y. Système métrique et Numé-
ration).
DÉCIMALES. On appelle ainsi les chiffres désignant des
unités moindres que les unités simples (V. Système mé-
trique et Numération).
DÉCIMATEUR (V. Dîme).
DÉCÏMATION (Hist. milit). Châtiment militaire déjà en
usage chez les anciens Romains et qui a été applique
depuis à toutes les époques de l'histoire, jusqu'à nos jours.
Il consistait dans l'exécution d'un homme sur dix, quand
les coupables étaient trop nombreux pour être tous sacri-
fiés. Les noms de toits les hommes étaient mis dans un
casque pour en être ensuite retirés un à un ; le soldat
dont le nom sortait le dixième, le vingtième, etc., était
conduit au supphce après avoir passé par les verges. Si la
peine était motivée par le crime d'avoir fui pendant le
combat, les soldats épargnés par le sort étaient obligés de
camper en dehors du camp, exposés aux sévices de reîinemi
et l'orge remplaçait pour eux le froment, dans les distri-
butions de vivres. Si l'on en cî^oit Tite-Live, c'est le consul
Appius Claudius qui aurait appliqué pour la première fois
ce châtiment terriMô, en l'an 471 av. J.-C, pendant la
guerre contre les Volsques. Parfois ce genre de peine fut
appHqué non plus en suppliciant un homme sur dix, mais
en adoptant une autre proportion. Des exemples de déci-
mation peuvent être relovés dans notre histoire militaire,
sous Charlemagne entre autres, puis beaucoup plus tard,
soUs Louis XIV, où la garnison de Trêves fut dédmée
(1675) pour s'être rendue malgré les ordres de Créquî. A
Prague, en 1642, l'archiduc Lêopold d'Autriche fit dé^mer
un régiment de cavalerie. En France, la décimation " dis-
parut devant la loi du 21 brumaire an V. Mais elle resta
en vigueur dans certaines armées étrangères et l'on put
voir encore, en 1838, le général espagnol Espartero faire
décimer un régiment qui avait assassiné le général Escalera.
DEfclME. I. Droit ecclésiastique. — Sous Tancien
régime, ce nom désignait toutes les subventions que le roi
ou d'autres, avec sa permission, levaient ordinairement ou
extraordinairement sur le clergé. Ce mot a la même étymo-
logie que dîme (décima) ; mais les deux choses diffèrent
essentiellement. La dîme était prise par les ecclésiastiques
sur les biens de la terre, les décimes^ au contraire, étaient
perçues par le roi sur les ecclésiastiques. -^ L'Eglise consi-
dérait toute contribution imposée dans un intérêt séculier
sur les lieux, les personnes et les choses qui lui apparte-
naient, comme contrevenant à ses immunités (V. qe mot).
Suivant la doctrine et la discipline formulées par les con-
ciles généraax de Latran (1179, 1215), les biens de
l'Eglise ne peuvent être employés que pour l'Eglise ; ils ne
doivent contribuer aux dépenses d'utilité commune que
lorsque l'évêque et son clergé, après avoir consulté le pape,
estiment que ces dépenses sont nécessaires et que les res-
sources des laïques n'y suffisent point ; non seulement leur
consentement est nécessaire pour établir cette imposition^
mais on ne doit exercer contre eux aucune contrainte pour
la percevoir {absque exactione). Ceux qui transgressent
cette ordonnance et ceux qui les aident seront et resteront
excommuniés jusqu'à ce qu'ils aient donné satisfaction. Ni
les premiers Conciles, ni les Pères n'avaient jamais réclamé
une pareille immunité. Saint Ambroise même^ dont l'opi-
nion est reproduite dans le Décret de Gratien, enseigne
très péremptoirement gue l'Esçlise est soumise au tribut :
Si tributum petit imperator, non 7iegamus; agri
Ecclesice solvunt tributum. Si agros desiderat imper a-
tor, potestatem habet vindicandorwn. Magnum qui-
dem est etspiritualedocumentum^ quo christiani viri
sublimioribiis potestatibus docentur debere esse sub-
jectif, ne quis constitutionem terrent régis putet esse
solvendam. Si e?iim censum Dei Fîlius solvit^ quis
tu tantus es qui non putes esse solvendum (Causa X/,
qœst. /, can. xxvn et xxviii). Les empereurs n'avaient
point déchargé l'Eglise de toute espèce d'impôts, mais seu-
lement des sordidœ functiones et des extraordinariœ
descriptiones (Justin., I^oveL cxxxi, ch. v). Malgré de
très nombreuses exemptions octroyées par les rois francs,
l'Eglise, sous les deux premières races, devait, à rtiison de
ses possessions foncières, subir le droit de gîte et pourvoir
au service militaire en fournissant soit des combattants,
soit des subsides appelés dons. Loin d'être abolies ou
diminuées, ces obligations furent confirmées et développées
DECIME
4064 —
par la constitution du régime féodal : en principe, du
moins, car de génération en génération, les églises et les
abbayes s'étaient fait concéder ou s'étaient arrogé de nom-
breuses exemptions.
Le caractère général de l'institution des décimes est
d'enlever aux services propres de chaque église locale ou
de chaque fondation religieuse, pour l'affecter à d'autres
usages, une partie des biens qui sont la dotation de ces
services. Cette soustraction, qui devait jfinir par profiter
exclusivement aux puissances temporelles, commença avec
l'approbation ou plutôt avec l'incitation de l'Eglise, dans
des circonstances où le secours des puissances temporelles
était nécessaire au succès des entreprises de la papauté.
La première croisade semble n'avoir donné lieu qu'à des
contributions volontaires; mais quand Louis le Jeune se
croisa, on prétend qu'il tira des ecclésiastiques des subsides
par forme de taxe sur chaque bénéfice. La preuve de ce
fait paraît résulter de trois documents rapportés par Du-
chesne (Historiée Francorum scriptores ; ¥dir\s, 4636-
4648, 5 vol. in-fol.; t. V, pièce 5, p. 423). Quoi qu'il en
soit, pour fournir à la dépense de la troisième croisade, une
assemblée tenue à Paris en mars 4488 et com[»osée d'un
grand nombre de seigneurs, de prélats et d'abbés, exigea
du clergé un dixième d'une année de son revenu et de tous
les laïques qui ne prendraient point part à l'expédition le
dixième de tous leurs biens meubles et du revenu de leurs
terres {dîme saladine). Depuis lors, toutes les contribu-
tions imposées au clergé ont été généralement appelées
dixmes ou décimes^ quoiqu'elles aient été presque tou-
jours fort inférieures au dixième du revenu des églises.
Depuis ce temps aussi, on établit des décimes sous presque
tous les règnes et parfois en grand nombre. Après la dlme
saladine, Philippe-Auguste permit à Innocent lïl d'en lever
une autre pour la guerre contre Othon IV, le pape assimi-
lant aux infidèles proprement dits ceux qu'il appelait les
ennemis de l'Eglise et faisant prêcher contre eux des croi-
sades avec gratification d'indulgences. Une troisième décime
fut perçue, sous le même roi, pour la croisade commandée
par Baudoin et la guerre contre les Albigeois; en 4244,
quatrième décime en faveur de la croisade de Jean d'Angle-
terre. L'année suivante, le quatrième concile de LatVan
décréta que tous les clercs payeraient la vingtième partie
de leurs revenus ecclésiastiques, pendant trois ans, pour
le secours de la Terre sainte ; le pape et les cardinaux se
taxèrent à la dixième. En 4226, décime accordée par
Honorius lïI à Louis VIII, vraisemblablement contre les Albi-
geois. Sous Louis IX, treize décimes en vingt ans ; sous
Philippe le Bel, vingt et une au moins en vingt-huit ans;
dans le nombre, deux décimes dont le roi prit sa part,
concédées à Jean XXII pour la guerre contre Louis de Ba-
vière.
Les premières décimes avaient eu pour objet des entre-
prises manifestement inspirées par le sentiment religieux.
On les détourna bientôt de cette destination pour les appli-
quer à des combinaisons dans lesq[uelles la politique tenait
une plus grande place que la religion. En 4262, Urbain IV
accorda une décime à Charles d'Anjou pour la guerre contre
Manfred ; après les Vêpres siciliennes, Martin IV en accorda
une autre contre Pierre d'Aragon. Entre les papes qui
s'étaient réservé d'autoriser les décimes et les princes dont
l'assistance était souvent nécessaire pour les lever, il se fit
un échange de complaisances réciproques pour en partager
le bénéfice, le pape autorisant le roi à établir pour ses
propres besoins des taxes sur le clergé de son royaume,
le roi aidant le pape à percevoir des dîmes papales affec-
tées au trésor du siège de Rome beaucoup plus qu'à l'in-
térêt général de l'Eghse. Quand Boniface Vni{y, ce mot,
t. VU, p. 292) voulut empêcher le clergé de fournir les sub-
ventions réclamées par Philippe le Bel, ce roi empêcha la sortie
des deniers perçus pour le pape. De ce conflit résulta une
lutte dans laquelle le pape fut défait. Même sans le moindre
prétexte de religion. Clément VI, en 4348, autorisa Phi-
lippe de Valois à lever deux décimes pour les nécessités de
l'Etat. Pendant le schisme d'Avignon, les décimes papales
se multiplièrent fort, chacun des papes appelant guerre
sainte la lutte qu'il soutenait contre son rival. L'abus pro-
voqua des résistances qui déterminèrent la suppression do
ces sortes de décimes : la dernière qui ait été perçue en
France est celle de 4469, sous Louis XL
Pendant la guerre contre les Anglais, des subsides
furent plusieurs fois réclamés du clergé ; ils furent, dit une
ordonnance de 4354 (Jean le Bon) fournis libéralement
et pour charité et aumosne, sans compulsion et de bon
gré. Il ne parait point que le pape ait été consulté alors.
En 4504 , Louis XII leva une décime par permission
d'Alexandre VI pour secourir les Vénitiens contre les Turcs.
En 4 54 6, une bulle de Léon Xoffrit à François P^une décime,
sous prétexte d'une guerre à faire contre les Turcs. Pour la
perception de cette décime, on dressa les états de répartition
ou départements dont il sera reparlé plus loin. Ce fut
aussi en cette année-là que le Concordat, abolissant la
Pragmatique, qui les avait supprimées, rendit les annates
au pape, compensant largement la perte des décimes pa-
pales par cette concession perpétuelle dont le clergé du
royaume devait faire les frais. Depuis lors, plusieurs levées
furent faites sans consulter le pape. Afin de réserver ses
prétentions à l'immunité, le clergé donnait à ces contribu-
tions le nom de dons gratuits et charitatifs. En 4527,
il offrit 4,300,000 livres pour la rançon de François P^;
en 4534, il partagea son revenu avec le roi; en 4554,
sous la pression des périls auxquels la Réformation l'ex-
posait, il fit une offre considérable. En 4557, des rece-
veurs de décimes furent créés en titre d'office dans chaque
archevêché ou évêché, ce qui semble démontrer qu'il y
avait alors des décimes ordinaires; les guerres de rehgion
les rendirent perpétuelles. — Aux Etats d'Orléans (4 560),
le clergé put constater que son temporel était menacé, non
seulement par les hérétiques, mais môme du côté des ca-
tholiques dont plusieurs avaient porté plainte sur l'abus
des biens ecclésiastiques. L'année suivante, au colloque
de Poissy (V. ce mot), il acheta un argument décisif
contre la Réformation et il attacha la royauté à la défense
de ses intérêts, en s'engageant, par contrat, à payer au roi
4,600,000 Hvres par an, pendant la durée de six ans, et
à racheter, dans les dix ans, 630,000 livres de rente, en
principal de 7,560,000 livres dont l'hôtel de ville de Paris
était chargé envers divers particuliers qui avaient prêté au
roi. En 4562 et les années suivantes, Charles IX, sans se
libérer, emprunta encore et fit de nouvelles constitutions
de rente pour 436,000 livres dont il assigna le payement
sur l'imposition du clergé, comme si elle devait être perpé-
tuelle. Le clergé, de son côté, fit diverses constitutions qui
s'élevèrent à 753,000 livres de rente, pour retirer son
temporel ahéné ou éviter de nouvelles aliénations : ce qui
formait, avec les 436,000 livres qui ne furent pas ac-
quittées, un total de 4,849,000 hvres. Ayant fourni au roi
toutes les sommes promises, il prétendait être quitte; il
désavouait ses députés qui, en 4567, avaient pris de nou-
veaux engagements à son insu, arguant d'ailleurs de nullité
tous ces contrats tant avec le roi qu'avec la ville. Le prévôt
des marchands, au contraire, et la ville de Paris soute-
naient que les rentes étaient dues. L'affaire fut vivement
introduite ; mais comme les sommes payées par le clergé
avaient servi à d'autres usages qu'à l'extinction du principal
des rentes constituées en 4564, le roi différa le jugement
de cette contestation, qui resta indécise jusqu'à la Révolu-
tion. — Dans une assemblée tenue à Melun en 4580, le
clergé, sans approuver les rentes, sur lesquelles on protesta
réciproquement, s'engagea, envers Henri III, à imposer
4,300,000 livres par an sur les bénéfices pendant six ans.
En 4586, il accorda une pareille levée pour dix ans. Le
contrat fut renouvelé en 4596, en 4606, en, 4646 et ainsi
de suite de dix ans en dix ans avec les mêmes protesta-
tions. En 4636, cette imposition fut réduite à 4,296,000
livres, pour cause de remboursements; en 4726, de nou-
veaux remboursements justifiés par le clergé déterminèrent
1065 —
DECIME
une nouvelle réduction de 442,646 livres. — La subven-
tion renouvelée ainsi tous les dix ans n'était employée qu'au
payement des rentes de l'hôtel de ville sur le clergé et aux
gages des officiers des décimes. A l'exception des évéchés
de Metz, de Toul, de Verdun et de leurs dépendances, de
l'Artois, de la Flandre, de la Franche-Comté, de l'Alsace,
du Roussillon et de la principauté d'Orange, elle était levée
dans toutes les provinces du royaume, même dans celles qui
n'avaient été réunies à la couronne que depuis le départe-
ment de 4546, et perçue sur tous les bénéficiers, c.-à-d.
sur tous ceux qui jouissaient d'un revenu ecclésiastique
certain et ordinaire, même sur les pensionnaires ; elle
s'étendait aussi sur les offices claustraux ayant un revenu
séparé. On l'appelait décime ordinaire^ ou décime an-
cienne^ ou décime du contrat.
Les décimes ordinaires étant exclusivement affectées au
payement des rentes de l'hôtel de ville et aux gages des
officiers des décimes, le roi n'en profitait plus ; il dut de-
mander au clergé d'autres secours. On leur donnait le nom
de siéventions ou décimes extraordinaires. Il y en eut
de deux sortes : les unes étaient certaines impositions an-
nuelles, analogues aux décimes ordinaires, mais ayant une
origine différente ; les autres étaient des subsides que le
clergé finit par accorder presque régulièrement tous les cinq
ans et auxquels il réserva spécialement le titre de dons
gratuits et, en outre, des subsides exceptionnels fournis de
temps en temps, suivant les nécessités de l'Etat. — Ici
encore, ce furent les nécessités de la lutte contre les pro-
testants qui forcèrent la main .au clergé et le contraignirent
à s'imposer. Ce qui explique sa rancune et les acres récla-
mations qu'il prit l'habitude d'adresser au roi contre les pro-
testants dans toutes les assemblées où il se réunissait pour
régler les matières de finance. En 4585, il accorda une im-
position d'un million en or pour soutenir la guerre contre
les hérétiques ; en 4624 , à l'occasion du siège de Montauban,
il consentit à une nouvelle création d'offices dont la finance
irait au roi. En 1626, le roi obtint d'Urbain VIII un bref
exhortant le clergé à contribuer aux frais du siège de La
Rochelle: le clergé donna trois millions; en 4636, il se
prêta à la constitution de 300,000 livres de rentes rache-
tables par lui au denier douze. En 4644, on prétendit le
taxer extraordinairement pour l'amortissement de nouveaux
acquêts faits depuis 4620; dans une assemblée tenue à
Mantes, il transigea sur cette demande pour une somme de
5,500,000 livres payables en une fois. En 4650, le sacre
du roi fut l'occasion d'une subvention extraordinaire; en
4660, son mariage. En 4675, outre le renouvellement du
contrat pour les décimes ordinaires, le clergé fît un don
de 4,500,000 livres. Ces subventions ou dons gratuits
devinrent ainsi presque ordinaires; ils finirent par être
réclamés de toutes les assemblées du clergé. A la fin du
siècle dernier, la plupart des jurisconsultes enseignaient
que, s'ils n'étaient point ordinaires en droit, ils étaient, du
moins, assez fréquents pour que le payement qui s'en faisait
ne pût être regardé comme charge fortuite et accidentelle.
Le 43 mars 4760, un don gratuit de 46 millions de livres
fut accordé par l'assemblée du clergé. A cette occasion, des
lettres patentes du 24 mai, conformes aux délibérations de
cette assemblée, établirent pour la levée des impositions
extraordinaires des règles qui furent étendues aux décimes.
Assemblées du Cleugé. — Il résulte de ce qui précède
que pendant longtemps les levées que les rois firent sur
le clergé furent accidentelles et sans périodicité. On les
imposait quelquefois par voie d'autorité, sans attendre le
consentement du clergé. Quand ce consentement était de-
mandé, il était donné dans les assemblées générales de la
nation ; ou bien, si l'on procédait par convocation spéciale,
une ou deux réunions suffisaient pour expédier l'affaire.
Après le contrat de Poissy, le clergé ayant été obHgé de
s'assembler plusieurs fois, tant pour l'exécution de ce con-
trat que pour de nouvelles subventions, les assemblées de-
vinrent fréquentes, sans que néammoins elles eussent en-
core rien de fixe. Ce ne fut qu'au commencement du xvii^
siècle qu'elles furent réglées, pour le temps et pour la
forme. On distingua dès lors les assemblées extraordi-
naires et les assemblées ordinaires : ces dernières divi-
sées en gétiérales^ provinciales et diocésaines, — Dans
les assemblées générales où le clergé était convoqué comme
les autres corps de l'Etat, il suivait l'ordre du royaume et
nommait, comme ces corps, ses députés par gouvernements
et par bailliages. Nous ne nous en occupons pas ici (V.
Eglise gallicane). Les assemblées générales où le clergé
était seul convoqué étaient de deux sortes : les grandes,
appelées aussi assemblées du Contrat; les provinces ec-
clésiastiques y envoyaient deux députés du premier ordre,
l'archevêque et un évêque, deux députés du second, clercs
in sacris et possédant un bénéfice dans le diocèse , elles
duraient six mois ; les petites, auxquelles les provinces
n'envoyaient qu'un député de premier ordre et un du
second, elles ne duraient que trois mois (on les appelait
assemblées des Comptes). Les premières se tenaient tous
les dix ans ; les secondes tous les cinq ans , mais l'une
d'elles se confondait avec la grande, l'autre se réunissait
dans l'intervalle. Le jour de leurs réunions était indiqué,
suivant l'usage, au 25 mai ; mais elles furent quelquefois
remises, quelquefois avancées. Le lieu était ordinairement
le couvent des Grands-Augustins à Paris, si le roi n'en
avait point assigné un autre : on crut devoir le faire un
certain temps, à cause des occasions de dissipation que
Paris présente. Aucune assemblée quelconque du clergé ne
pouvait être convoquée que de l'agrément du roi ; mais à
chaque renouvellement du contrat, la première clause sti-
pulée de la part du roi était la permission au clergé de
s'assembler dix ans après. L'assemblée en corps allait deux
fois lui présenter ses respects. — Les archevêques et les
évêques des provinces qui ne payaient point de décimes,
n'ayant point d'intérêt aux affaires traitées dans les assem-
blées dont nous nous occupons ici, ne devaient point y être
appelés, ni y assister. Mais ils pouvaient prendre part aux
assemblées générales de l'Eglise gallicane qui concernaient
toutes les provinces de la domination du roi, telle que fut
celle de 4682. (V. Déclaration du Clergé de France [On
trouvera dans cette notice des indications sur la question
controversée de l'autorité des assemblées générales en ma-
tière de doctrine et de morale].) — Dans les assemblées
provinciales, l'archevêque était président de droit ou, à son
défaut, l'évêque le plus ancien. Dans les assemblées géné-
rales, il n'y avait pas de président de droit. Après l'examen
des procurations, l'assemblée élisait, à la pluralité des suf-
frages, un président et un vice-président dans le nombre
des députés du premier ordre. Mais on délibérait par pro-
vinces pour la nomination de deux promoteurs et de deux
secrétaires (un seul pour les petites assemblées des
Comptes). Les promoteurs faisaient les propositions debout
et découverts en commençant et continuaient assis et cou-
verts. — Pour les moyens d'agir sur le roi que les assem-
blées générales donnaient au clergé, V. Remontrance.
Agents généraux ou solliciteurs du clergé. — Quelque
temps avant la tenue de chacune des assemblées générales,
deux provinces, tour à tour, nommaient chacune un agent
pour gérer pendant cinq ans les affaires du clergé. Ces
agents ne pouvaient être réélus ; ils devaient être prêtres,
et, pour l'exercice de leurs fonctions, fixer leur résidence à
Paris. Le clergé donnait à chacun d'eux pour appointe-
ments 5,500 livres par an et pour frais d'affaires 3,000.
Ils conservaient en outi'e la jouissance de tous les fruits de
leurs propres bénéfices, sans exception aucune et comme
s'ils étaient présents aux offices. Leurs principales fonc-
tions étaient de veiller à la recette des deniers du clergé, à
la conservation de ses privilèges et au respect de toutes les
clauses des contrats concernant les subventions ordinaires
ou extraordinaires. Ils devaient avertir les archevêques, les
évêques et les syndics des diocèses de tout ce qui pouvait
les intéresser à ce sujet, et adresser au roi et à son conseil
les remontrances qu'ils jugeraient nécessaires à l'avantage
général du clergé. Un arrêt du conseil d'Etat (40 nov.
DÉCIME — DECINTROIR
^ 1066
1640) leur interdit de former à Favenir aucune opposition
à l'exécution des édits et ordonnances. Mais Fart. V de
Fédit de 1695 leur permit de poursuivre aux cours de
parlement, comme parties principales ou intervenantes, les
. uftaires qui regardent la religion, le service divin, l'hon-
neur et la dignité des ecclésiastiques et de demander tout
ce qu'ils estimeraient être de l'intérêt du clergé de France,
lorsqu'il ne serait pas assemblé. Ils avaient la garde des
archives. A l'expiration des cinq ans, ils rendaient compte
à l'assemblée générale de tout ce qui s'était passé pendant
leur agence. Ces rapports ou comptes d'agence étaient
ordinairement divisés en trois parties: 1^ affaii^es tempo-
relles, décimes, subventions extraordinaires ; ^° privilèges
du clergé ; 3^ juridiction ecclésiastique. Dès le commence-
ment du xvin® siècle, on les imprima séparément des pro-
cès-verbaux ; ils sont souvent cités dans les ouvrages de
droit. Leur collection, qui n'a jamais été faite, formerait
un document de la plus haute importance pour l'histoire de
l'Eglise de France. — C'était à ces agents que le roi noti-
fiait les convocations des assemblées extraordinaires qu'il
exigeait du clergé, du temps et du lieu où elles devaient
se tenir, afin qu'ils en fissent part à qui de besoin.
Répartition et recouvrement. — • La répartition des
décimes à pa;^er se faisait d'abord entre les diocèses qui y
étaient soumis ; ensuite, dans chaque diocèse, entre les
contribuables. La première de ces opérations s'appelait
département général ou simplement département'^ la
seconde, régalement» — Les états dressés en 1516 ser-
virent longtemps de règle pour la répartition entre les
diocèses. L'acte original n'avait point été conservé, mais il
restait les comptes établis en conséquence de son exécu-
tion. Ce département fut rectifié en 1588, 1641 et 1646,
mais ces rectifications avaient laissé subsister d'iniques
disproportions, dont le redressement fut constamment de-
mandé jusqu'à la Révolution et vainement, parce que cette
réforme ne pouvait être réahsée que par un accord difficile
à ménager entre le roi et le clergé et parce que de puis-
sants intérêts étaient attachés au maintien des abus. —
l'n édit du mois dejuil. 1616, conforme à un contrat
passé entre le roi et le clergé le 8 août 1615, approuvé et
continué par une déclaration du mois de mai 1626 et par
des contrats postérieurs, institua en chaque diocèse un
bureau particulier des décimes pour répartir les sommes
imposées sur les biens et les personnes des ecclésiastiques
et pour juger les questions relatives à ces impositions. Ce
bureau statuait en dernier ressort sur les causes n'excédant
point 20 livres en principal ; au-dessus, appel pouvait être
porté devant les bureaux généraux ou supérieurs. L'évêque
était, de droit, chef du bureau diocésain, lequel, d'après
les prescriptions de plusieurs assemblées générales du
clergé, devait comprendre, en outre, cinq députés élus dans
l'assemblée des bénéficiers du diocèse. Mais cette législa-
tion fut longtemps inappliquée dans plusieurs diocèses;
elle resta altérée sur divers points dans beaucoup ; en
quelques-uns notamment, l'évêque nommait seul les députés
au bureau diocésain. — L'assemblée générale de Melun
abolit l'office des syndics généraux, dont la gestion avait
été entachée de nombreux abus, et qui avaient plusieurs
fois compromis les intérêts du clergé. Pour les remplacer,
elle sollicita du roi Henri III et elle obtint le 10 févr. 1580
un édit portant érection de sept bureaux généraux siégeant
dans les villes de Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Rouen,
Tours, Aix. Un huitième fut établi à Bourges, en 1586 ;
un neuvième à Pau, en 1633 ; mais, dès 1670, ce dernier
cessa de fonctionner et il fut formellement supprimé en
1743. Ces bureaux généraux et supérieurs^ qu'on appe-
lait aussi chambres souveraines ecclésiastiques, étaient
composés de juges pris dans les parlements ou sièges pré-
sidiaux des lieux (trois au moins) et d'ecclésiastiques
choisis par les diocèses du ressort. Les contrats et les
édits d'établissement ne parlent point du nombre ni du
choix de ces ecclésiastiques. Dans l'usage, chacun des dio-
cèses du ressort en nommait un, mais suivant des modes
qui variaient avec les lieux. Les chambres souveraines sta-
tuaient sur les décisions des bureaux diocésains, dont
l'appel était porté devant eux. — Le recouvrement des
décimes était opéré par les receveurs particuliers des
diocèses. Le terme expiré, ces receveurs envoyaient con-
traindre les bénéficiers, puis ils remettaient les sommes
payées entre les mains des receveurs provinciaux^ qui
payaient au receveur général. Il n'y avait point de solida-
rité on matière de décimes ; ni un bénéficier ni un diocèse
ne payait pour l'autre. La dette était prescrite par un laps
de trois ans. E.-H. Vollet.
II. Finances. — Décimes de guerre. — Le décime
par franc eti sus des droits qui y sont assujettis a été établi
à titre de subvention extraordinaire par Fart, l'^^ de la loi
du 6 prair. an Vil. La situation financière a fait maintenir
et étendre l'application de ce supplément de taxe. Le prin-
cipal des impôts et produits de toute nature soumis au
décime a été temporairement augmenté d'un nouveau décime
par Fart. 5 de la loi du 14 juil. 1855. Ce second décime a
été maintenu annuellement par la loi de finances et l'art 2
de la loi du 30 éhc. 1873 a élevé d'un demi-décime ou 5 ^jo
du principal, les taxes et produits déjà soumis aux deux dé-
cimes. C'est ainsi un supplément de 25 % qui est perçu.
Quelques impôts, toutefois, par exemple ceux sur les allu-
mettes, places de voyageurs, le transport en grande vitesse
en chemin de fer, en voitures de terre et d'eau déclarées
en service régulier et la taxe sur les bougies, n'ont pas
été grevés du demi-décime. La surtaxe de deux décimes
et demi sur le sel a été supprimée par la loi du 26 déc.
1876. ^ A. T.
BiBL.: Droit ecclésiastique. — Gibert^ Institutions ec-
clésiastiques; Paris, 1750, 2 vol. in-4. — De Héricourt, Lois
ecclésiastiques ; Paris, 1771, in-fol. — Fleury, Mémoire
des affaires du clergé de France^ à la suite de son Insti-
tution au droit ecclésiastique; Paris, 1720, 2 vol. in-12. —
Recueil des actes^ titres et mémoires concernant les affaires
du clergé de France; Paris, 1768-1781, 14 yol. in-4. — Du-
rand DE Maillane. Dictionnaire de droit canonique et
de pratique bénéficiale ; Lyon, 1787, 6 yol. in-8,
DÉCiiÈTRE (V. Système méîriqoe).
DECIR/IUS BURTON, architecte anglais, né à Londres
en 1800, mort à Londres le 14 déc. 1881. Fils de
James Burton, grand entrepreneur de constructions du
commencement de ce siècle, qui fut son premier maître,
Decimus Burton entra dans les bureaux de Georges Mad-
don et, en 1823, construisit, dans Regent's Park, à
Londres, le Colosseum, à la fois panorama et lieu de
promenade, aujourd'hui détruit; mais dont le dôme le
surmontant dépassait le diamètre de la cathédrale de
Saint-Paul de Londres. En 1825, Becimus Burton fut
chargé par le gouvernement des travaux d'aménagement de
Hyde Park et fit élever, à la principale entrée (Hyde Park
Corner), un arc de triomphe destiné à porter un quadrige,
mais sur lequel se dressa malencontreusement, pendant
soixante années, une statue équestre du duc de AVel-
lington. Decimus Burton fut surtout occupé par M. Ward
à la transformation de Calverley Park et aussi, par une
riche cUentèle, à la construction de nombreuses résidences
de ville ou de campagne qu'il étudia dans le style grec
antique, alors très goûté en Angleterre. Grand voyageur,
Decimus Burton avait non seulement étudié les monu-
ments de l'Italie et de la Grèce, mais il avait encore visité
les États-Unis de l'Amérique du Nord et le Canada. Il
appartenait à de nombreuses sociétés savantes parmi
lesquelles la Société royale de Londres. Charles Lucas.
BiBL.: The Builder; Londres, 1881, XII<» vol. gr, in-4.
DÉCINES-Charpieu. Com. du dép, de FIsère, arr. de
Vienne, cant. deMeyzieux; 1,085 hab.
DÉGINTRAGEouDÉC!NTREiVlENT(V.PoNT et Voûte).
DECINTROIR (Techn.). Outil de maçon semblable à
un marteau terminé par deux taillants, l'un ayant la
pointe horizontale et l'autre la pointe verticale et qui sert
surtout à équarrir les trous ébauchés dans la pierre ou
dans le moellon. Le décintroir est également employé dans
les travaux de démolition, les taillants formant alors coins
— 1067 —
DÉCINTKOIR - DECIUS
pour dégrader et écarter les joints des matériaux. Enfiîi
les carreleurs se servent de cet outil, mais d'un plus petit
modèle, pour le décarrelage. Charles Lucas.
DÉCISION. I. Administration. — Les ministres, les
directeurs généraux, le conseil d'Etat, les conseils de préfec-
ture, les préfets, les maires ont le droit, en matière adminis-
trative, de rendre des décisioîis qui sont exécutoires, à la
seule condition d'être notifiées. Les décisions rendues au
contentieux, c.-à-d. sur les réclamations élevées contre
l'administration, peuvent être attaquées devant le conseil
d'Etat. Elles portent ordinairement le nom d'arrêts ou
d'arrêtés (V. ces mots).
11. Droit romain. — Cinquante Décisions (qimiquaginta
decisiones)é — Constitutions rendues par Justinien afin de
trancher les principales controverses, après l'achèvement de
lal^^édition du code, publiée le 7 avr. 529, et réunies par
lui dans un recueil spécial, aujourd'hui perdu, avant d'être
fondues dans la 2® édition du code, publiée le 47 déc. S34.
Leur réunion officielle en un recueil propre est mise hors
de doute par la glose des Institutes de Turin, dont on ne
peut écarter le témoignage que par des remaniements arbi-
traires. Mais il paraît impossible que les constitutions de
cette espèce, rendues par Justinien de 529 à 534, n'aient
pas excédé le nombre de cinquante. Sans doute, il s'agit
seulement des constitutions relatives à la décision de con-
troverses et non pas de toutes les constitutions quelconques
rendues entre la 4^^ et la 2® édition du code. Sans doute
aussi Ton peut admettre qu'une même constitution, tran-
chant plusieurs controverses, n'ait compté dans le recueil
que pour une unité et que les constitutions originales aient
été morcelées en plusieurs fragments dans le code de 534.
Mais, même après toutes ces réductions, on semble encore
sensiblement au-dessus du chiffre de cinquante constitu-
tions. L'explication la plus vraisemblable est que le recueil
ne contenait que les décisions émises pendant une certaine
période, probablement avant l'entrée en fonctions de la
commission du Digeste ; et, en effet, les décisions rendues
en 529 et 530 correspondraient approximativement au
chiffre demandé. On peut seulement objecter qu'il est
établi que le recueil contenait au moins deux constitutions
de 534. P.-F. Girard.
Btbl. : PucHTA, Institutionen^ 1881, I, § 139, notes e à i,
9° édit. •-* Ortolan, Explications historiques des Insti-
tutes,lSU\ I, n°a 540-543, 12« édit.— P. Krueger, Geschichte
der Quelten des rômîschen Rechts, 1888, pp. 325-326.
DÉCISTÈRE (V. Système métrique).
DEC I Us. Nom d'une famille plébéienne de l'ancienne
Rome dont les principaux représentants furent : M. Decius^
délégué des plébéiens réfugiés sur le mont Sacré (494 av.
J.-C). — P. Decius Mus, célèbre par son dévouement dans
la guerre latine. Il était tribun militaire en 343 et sauva
l'armée romaine bloquée par les Samnites, se fit jour à
travers le camp de ceux-ci et en décidant un retour offensif
leur fit infliger un désastre ; le consul Cornélius Cossus lui
fit cadeau d'une couronne d'or de la valeur de cent bœufs,
d'un taureau aux cornes dorées ; l'armée lui donna une
couronne obsidionâle en gazon. En 340, il fut élu consul
avec T. Manlius Torquatus pour combattre les Latins
insurgés. La bataille eut heu près de Capoue. Decius, qui
commandait l'aile gauche, la voyant fléchir, se voua lui et
l'ennemi aux dieux infernaux et, après avoir prononcé les
redoutables formules, il se jeta dans la mêlée où il périt,
mais ce dévouement effraya l'ennemi et rendit courage aux
Romains qui furent vainqueurs (V. Dévouement). —
L'exemple donné par le consul de 340 fut renouvelé par
son fils P. Decius P. F. Qii. iV. Mics. Il fut consul en
342 av. J.-C. avec M. Yalerius ; gravement malade, il
demeura à Rome et, sur la demande du sénat, nomma un
dictateur. En 309, il fut légat sous les ordres de Papirius
Cursor et commanda la cavalerie romaine à la bataille de
Longulae contre les Samnites. En 308, il fut consul pour la
seconde fois avec Q. Fabius ; il opéra contre les Etrusques,
vainquit ceux de Volsinies et de Tarquinies, et imposa à
l'Etrurie une trêve d'un an l'obligeant à payer la solde et
l'équipement de l'armée romaine. En 303 av. J.-C, il fut
maître de la cavalerie sous le dictateur P. CorneKus Scipio
Barbatus. En 304, il fut chargé par la noblesse plébéio-
patricienne de diriger la réaction contre les mesures révo-
lutionnaires d'Appius Claudius ; il fut porté à la censure
avec Q. Fabius et, d'accord avec lui, réunit tous les affi'an-
chis dans les quatre tribus urbaines. En 300, il fit adopter
la loi Ogulnia malgré Appius Claudius et l'union des deux
ordres étant consommée par l'accession des plébéiens aux
fonctions d'augures et de pontifes, il fut lui-même un des
premiers pontifes plébéiens. En 297, il fut nommé consul
avec son ami Fabius. Il envahit le Samnium, vainquit à
Maleventum (Bénévent) Samnites et Apuhens ; Fabms et
lui dévastèrent méthodiquement le Samnium pendant cinq
mois et prirent les places de Murgantia, Romulea et Feren-
tinum. Réélu avec Fabius pour 295, ils eurent à combattre
la grande coalition des Samnites, Ombriens, Etrusques et
Gaulois Sénonais. Il insista pour opérer en Etrurie au point
le plus dangereux ; le sénat et le peuple décidèrent pour
Fabius, envoyé dans le Samnium, Decius passa en Etrurie
pour renforcer son collègue. Les deux armées réunies
franchirent l'Apennin et pour la première fois les soldats
romains descendirent au N. de cette montagne. Au pied du
défilé fut livrée la bataille décisive de Sentinum qui assura
aux Romains la domination de l'Italie. Decius commandait
l'aile gauche ; voyant ses soldats plier devant les Gaulois,
il renouvela le dévouement de son père, avec le même
succès. — Publius Decius Mus, fils du précédent, fut
consul en 279 et commanda avec son collègue l'armée
romaine que Pyrrhus vainquit à Asculum. Il songea, dit-
on, à imiter son père et son aïeul ; une tradition fausse
prétendit même plus tard qu'il l'avait fait. Mais nous
savons qu'il fut légat romain à Volsinies en 265. — Mar-
dis Decius fut tribun de la plèbe en 344. — Publius
Decius Subiilo fut triumvir pour la fondation d'Aquilée
en 169 av. J.-C. — Publius ou Quintus Decius, orateur
renommé, fut tribun de la plèbe en 420 av. J.-C, accusa
L. Opimius, le meurtrier de Caius Gracchus ; préteur en
il 6, il eut une querelle violente avec le consul iEmihus
Scaurus. — Publius Decius, partisan d'Antoine dans la
guerre de Modène, servit d'intermédiaire entre Octave et lui.
DECIUS (Messius Quintus Trajanus), empereur romain
de 249 à 254 ap. J.-C, né à Biidalia, près de Sirmium,
dans la Pannonie ; il était sénateur en 245 lorsque l'empe-
reur Philippe le chargea de combattre les Goths (245 ap.
J.-C). Il gagna l'affection des troupes. En 249, l'empe-
reur, inquiet d'une révolte des soldats de Pannonie et de
Mésie, s'adressa au sénat et Decius fut envoyé aux troupes
pour les ramener à l'ordre. Les légionnaires le proclamè-
rent empereur, et Philippe, vaincu et tué à Vérone, le
laissa seul maître de l'Empire. Il eut à soutenir des luttes
en Gaule et en Germanie, mais sa grande affaire fut la
guerre contre les Goths en Mésie et en Thrace ; il s'y
employa avec son fils Decius, qu'il avait nommé césar ;
lui-même relevait les murailles de Rome. Les Goths, ayant
pris Novse et Nicopolis sur le Danube, pénétrèrent jusqu'à
PhiHppopoHs. Le jeune Decius fut battu à Beroé, la ville
de Philippopolis fut occupée par les Barbares et son gou-
verneur Prisons s'allia aux Goths et prit la pourpre. Decius
le père accourut, vainquit ses adversaires, mais fut trahi
par Gallus et attiré dans un marécage où il périt avec son
fils. Decius fut un empereur selon le cœur du sénat; aussi
a-t-on loué son gouvernement, marqué par la restauration
delà censure; il persécuta les chrétiens, dont les écrivains
l'ont décrit comme un tyran. Nous ne savons rien de sa
femme Herennia Etrusciîla.
DECIUS (Philippe de Dexio), canoniste, né à Milan en
4454, mort en 4535 ou 4536. Dès l'âge de vingt ans, il
enseigna le droit, d'abord à Paris, ensuite à Sienne ; en
4490, il était auditeur de la Rote à Rome ; en 4502, il
fut chargé de l'enseignement du droit canon à Padoue. Il
était retourné à Pavie, où il professait depuis 4505, lors-
qu'il provoqua et dirigea contre Jules II, en faveur de
DECIUS — DECKEN
4068
Louis XII, une assemblée de cardinaux mécontents. Excom-
munié pour ce fait, il dut se réfugier en France, où il
devint conseiller du parlement de Grenoble (15i0), puis
professeur à Valence. Léon X, son ancien élève, le manda
à Rome. Il fut rappelé en France par François P*" ; mais il
rentra bientôt en Italie, et se fixa enfin à Pise. — Outre
ses ouvrages sur le droit romain {Pandectes et Code), il a
laissé des Commentaria in Décrétâtes fort estimés ; des
Consilia (Lyon, 1565, in-fol. avec notes de Du Moulin), un
traité De Regulisjuris^ pareillement annoté par Du Moulin.
Ses écrits sur l'autorité des conciles généraux et sur le con-
cile de Pise ont été publiés par Goidast dans la Monarchia
S, Romcmi Impeni(¥rmdort, 1614 et 1621). E.-H. V.
BiBL. : J. DouJAT, Prœnotionum canonicarum lihri
quinque ; Paris, 1697, in-4. -- A. Tardif, Histoire des
sources du droit canonique; Paris, 1887, in-8.
DECIUS (Nikolaus), théologien et poète allemand, mort
à Stettin en 1541. Il fut, en 1519, prieur du couvent de
Steterburg, près de Wolfenbiittel, embrassa la Réforme,
prêcha et enseigna à Brunswick et ensuite à Stettin. On a
gardé de lui des cantiques, qu'il écrivit en bas allemand,
et qui furent traduits en haut allemand, c.-à-d. dans le
dialecte que la Réforme avait fait prévaloir dans la litté-
rature. A. B.
DECIUS Lancellotus, jurisconsulte italien du xv« siècle,
mort à Pavie en 1503. Il était issu de la famille noble des
Decio ou Dexio, de Milan, et fils de Tristan de Decio qui passa
presque toute sa vie au service et à la cour des fils de Fran-
çois Sforza, duc de Milan. Il fut élève deTartagnus et enseigna
le droit à Pavie (1464), puis à Pise (1473), et de nouveau
à Pavie en 1483. Il a laissé des commentaires sur le Diges-
tum Vêtus, Vlnfortiatum et le Code. G. R.
BiBL. : G. Panziroli, De Claris Legum Interpretibus
lihri IV; Leipzig, 1721, pp. 240, 461 et 529. — De S avigny,
Histoire du droit romain au moyen âge, trad. par Cli.
Guenoux, 1839, t. IV, p. 212.
DECIZE {Decetia). Ch.-l. de cant. du dép. de la Nièvre,
arr. de Nevers, dans une lie de la Loire, au confluent de
l'Aron, et à la naissance du canal du Nivernais ; 5, 101 hab.
Stat. de P.-L.-M. Houille et fer, gypae, chaux, verre-
ries, poterie, féculerie, amidonnerie, corderie, chan-
delles, tanneries, tuyaux de drainage. Avant 1789,
châtellenie du Nivernais. César, dans ses Commen-
taires, cite Decize {Decetia) comme une ville forte des
Eduens. Saint Are, évêque de Nevers, fut enterré dans
l'église de Decize, qui prit de là son vocable. Il y avait à
Decize un prieuré de bénédictins qui, au commencement
du XI® siècle, fut donné à Tabbaye de Saint-Germain
d'Auxerre par Landry, comte de Nevers. Un peu avant
1194, Pierre de Courtenay, comte de Nevers, fit entourer
Decize de murs. Les habitants de Decize obtinrent, en
1226, une charte de franchise de la comtesse Mahaut, fille
de Pierre de Courtenay. Dans la seconde moitié du xiv'' siècle,
après la bataille de Poitiers, Decize devint le refuge des
gens du pays plat contre les Anglais et les compagnies.
En 1525, cette ville fut pillée par les troupes italiennes
de Ludovic de Bellejoyeuse. Un incendie acheva de détruire
la ville en 1529. Pendant la Révolution, elle fut appelée
Rocher-la-Montagne. — Eglise paroissiale de Saint-Aré ; plan
en croix avec saillie d'une grande abside déviée au S.,
d'une plus petite au N. et de trois chapelles ; crypte du
vil® siècle avec le tombeau de saint Are, absides,^ chœur
et partie du transept du xi® siècle ; partie centrale du
transept du xiii® siècle ; chapelles du xvi® siècle, nef et
bas côtés modernes ; clocher carré, au-dessus du bras
gauche du transept ; bénitiers en bronze du xv® siècle; restes
de retables du xvi® siècle. — Ancienne église du prieuré
de Saint-Pierre, puis d'un couvent de minimes; crypte,
choeur et transept de la fin du xi® siècle, nef du xvii® siècle,
auj. chapelle des frères de la Doctrine chrétienne; bâti-
ments claustraux de l'ancien couvent des minimes, cons-
truits vers 1630 et formant une masse qui domine la ville.
Chapelle de Saint-Thibaut du xiii® siècle, convertie en
cellier. Ruines considérables, mais informes, du château
des comtes de Nevers. Parties de courtines et tours de
l'enceinte de la fin du xii® siècle ; porte de la Loire, de la
fin du XV® siècle. Tour de l'Horloge, construite vers 1845,
avec statue de Guy Coquille, historien et jurisconsulte du
xYi® siècle, né à Decize. Les armes de Decize sont : d'or
au lion de sable a la bordure compannée d'argent et
de gueules, M. P.
BiBL. : F. GiRERD, Notice historique sur Decize; Ne-
vers, 1842, gr. in-8. — Tre.svaux de Berteux, Annales de
la ville de Decize; Moulins, 1855, in-] 6.
DECK ou DEK. Ile située au milieu du lac Tana ou
Tzana, en Abyssinie, d'une superficie d'environ 40 kil. q.
et formée d'un terrain volcanique peu élevé et couvert d'une
végétation touffue. Elle est entourée de plusieurs autres
petites îles, dont la principale, Dega, est consacrée à saint
Etienne et interdite à tous les étrangers. L'île Deck a aussi
un caractère sacré, et c'est là que les prêtres de Koarata,
ville située en terre ferme, sur les bords du lac, conservent
leurs trésors. C. St-A.
BiBL. : Arnazd d'Abbadie, Douze Ans dans la Haute-
Ethiopie; Paris, 1868, in-8.
DECK (Joseph-Théodore), céramiste et faïencier français
né à Guebwiller (Haut-Rhin) en 1823, mort à Sèvres le 15
mai 1891. 11 resta deux ans en apprentissage à Strasbourg
dans la fabrique de poêles de Hiigelin, puis entreprit un
tour d'Allemagne s'arrêtant plus ou moins longtemps selon
l'ouvrage qu'il trouvait. En 1847, il se rendit à Paris et
entra dans la fabrique deVogt; en 1848, on le trouve chef
d'équipe dans les ateliers nationaux. Après la révolution, il
rentra à Guebwiller. Revenu à Paris en 1851, il devint, en
1855, directeur d'une fabrique de faïences pour poêles,
s'occupant pendant ses loisirs à décorer quelques pièces
d'amateurs : le succès que ses modèles eurent dès l'abord
lui permirent bientôt de se livrer librement à son goût pour
la céramique (1859). Les premières pièces sont dans le
genre de la faïence d'Oiron, mais il fut bientôt attiré par la
faïence persane dont il retrouva les secrets de fabrication :
son bleu turquoise est classé parmi les couleurs céramiques.
Deck passa ensuite de la faïence à la porcelaine de Chine ; il
retrouva le céladon (le Pi-ti des Chinois), et en 1880, après
de longues recherches, exposa des flambés assez semblables
à ceux de la manufacture impériale de King-té-tchin. En
outre, en 1878, Deck remporta le grand prix avec ses plats
à fond d'or dans la manière des mosaïques de Saint-Marc.
Membre de la commission de perfectionnement de la ma-
nufacture de Sèvres depuis plusieurs années, Deck a été
nommé directeur le 15 juil. 1887. Il a résumé dans la
Faïence (Paris, 1877, in-8) le fruit de ses études.
DECKEN (Karl-Klaus von der), voyageur allemand, né
à Kotzen (Brandebourg) le 8 août 1833, tué à Berdera
(pays des Somâlis)